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Full text of "Comptes rendus des séances de la Société de biologie et de ses filiales"

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COMPTES  RENDUS  DES  SÉANCES 


MEMOIRES 


LUS 


A  LA  SOCIÉTÉ  DE  BIOLOGIE 


PENDANT  L'ANNEE  1860. 


v"^> 


U.rU.  — Imprimé  i)»r  E.  Thi'Not  et  C»,  S«,  rue  Rarine. 


COMPTES  MMU  IM  SÉANCES 


ET 


MÉMOIRES 


DE  LA 


SOCIÉTÉ  DE  BIOLOGIE. 


TOME  DEUXIÈME  DE  LA  TROISIÈME  SÉRIE. 


ANNEE  1860. 


"  "■ii*t%/Qy*i*^  - 


PARIS, 


CHEZ  J.-B.  BAILLIÈRE  et  FILS,  ^     '  .«,•   S>, 

I.IBRAIBES    DE    L'ACADÉMIE    IMPÉRIALE    DE    MEDECINE.  V     y.  ^         '^O 

19,  nie  Hautefeuille.  ^"^«C^^^L"^ 

LONDRES,  j  NEW-YORK, 

Hippolyte  Baillière,  219,  Regent-Stieet.      i       Baillièhe  Brothers,  440,  Broadway, 

Madrid,    C.    Raill}--Raillir'r«  ,    plaza    del    Prineipr    Alfanva,     «S. 

1861 


LISTE 


DES  MEMBRES  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  BIOLOGIE, 


COMPOSITION  DU  BUREAU 

EN  1860. 

Président  perpétuel.  .  .    M.  Rayer. 

'  t^     *  (M.  Charcot. 

TIee-presIdents { 

(  M.  Vulpian. 

/  M.  Balbiani. 

^       rj.  ,  \  M.  Dareste. 

Seerétaires < 

i  M.  Le  Gendre. 

\  M.  Marey. 

Trésorier M.  Davaine. 

ArebiYiste M.  Houel. 

MEMBRES  HONORAIRES. 


MM.  Andral. 


Bernard  (Charles). 

Bernard  (Claude). 

Bouchut. 

Bouillaud. 

Cazeaux. 

Depaul. 

Dumas. 

Flourens. 

Follin. 

Geoffi-oy-Saint-Hilaire  (Isidore). 

Germain  (de  Saint-Pierre). 


MM.  Laboulbène. 
Littré, 

Milne-Edwards. 
Montagne. 
Moquin-Tandon. 
Morel-Lavallée. 
Quatrefages  (A.  de). 
Serres. 
Valenciennes. 
Velpeau. 
Verneuil. 


V[ 


MEMBRES  ASSOCIÉS. 


MM.  Agassiz. 
Baër  (deV 
Bennett  (Hughes). 
Dufour  (Léon). 
Gurlt  (Ernst-Friedrich). 
Lebert  (H.). 
Liebig  (Justus). 
Molli  (Hugo). 
Owen  (Richard). 


M.  Paget  (James). 

Panizza  (Bartolomeo. 

Pouchet. 

Rathke. 

Retzius. 

Sédillot. 

Valentin. 

Wagner  (Rudolphi. 


MEMBRES  TITULAIRES. 


MM.   Balbiani. 
Bastiei). 
Bcraud. 
Berthelot. 
Blot. 
Boulcy. 
Bourguignon. 
Broca. 

Brown-Scquard. 
Charcot. 
Dareste. 
Davaine. 
Faivro. 
Giraldèp. 
Godard  (Ernest). 
Goubaux. 
Gubler. 
Guilleniiii. 
HifTclshcim. 
HillainM. 


MM.  Houel. 

Jacquart  (Henri). 

Leblanc  (G.I. 

Le  Bret. 

Leconte. 

Le  Gendi'f. 

Lorain  (Paul). 

Luys. 

Marey. 

Martin-Magron. 

Michon. 

Moreau  (Armand). 

Rayer. 

Regnault. 

Robin  (Charles). 

Sappey. 

Soubeiran  (J.-L.). 

Vcrdeil. 

Viiliiian. 


VII 


MEMBRES  CORRESPONDANTS  NATIONAUX. 

MM.  Beyiard à  Paris. 

Blondlot à  Nancy. 

Chaussât à  Aubusson. 

Coquerel  (Charles) à  Toulon. 

Courty à  Montpellier. 

Desgranges à  Lyon. 

Deslongchamps à  Caen. 

Dufour  (Gustave) à  Shang-Hai. 

Dugès à  Guatemala. 

Duplay à  Paris. 

Ebrard à  Bourg. 

Gosselin à  Paris. 

Guérin  (Jules) à  Paris. 

Ehrmann à  Strasbourg. 

Huette à  Montargis^ 

Jobert  (de  Lamballe).  .....  à  Paris. 

Lecadre au  Havre. 

Leudet  (Emile) à  Rouen. 

Martins à  Montpellier. 

Méricourt  (De) à  Brest. 

MEMBRES  CORRESPONDANTS  ÉTRANGERS. 


Grandeallretagine. 

MM.  Berkeley  (M.-J.) à  Kings-Cliflf. 

Bowman  (W.) à  Londres. 

Carpenter  (W.-B.) ••  .  .  à  Londres. 

Goodsir  (John) à  Edimbourg. 

Grant  (R.-E.) à  Londres. 

Jacob  (A.) à  Dublin. 

Jones  (Bence) à  Londres. 

Jones  (Wharton) à  Londres. 

Maclise à  Londres. 

Marcet à  Londres. 

Nunneley à  Leeds. 

Oueckett à  Londres. 


VIII 

MM.  Redferii à  Aberdeen. 

Sharpey à  Londres. 

Simon  (John) à  Londres. 

Simpson à  Edimbourg. 

Tliomson  (Allen) à  Glasgow. 

Toynbee.    .   ..........  à  Londres. 

>Valler.  ............  .à  Londres. 

Williamson à  t-ondres. 

Allemagne. 

MM.  BischofF à  Munich. 

Briicke  (Ernst) à  Vienne. 

Carus  (V.) à  Dresde. 

Dubois-Reymond à  Berlin. 

Henle à  Gœttingue. 

Hering à  Stuttgardt. 

Hirschfeld  (Ludovic) à  Varsovie. 

Hofmeister à  Leipsick. 

Hyrtl à  Vienne. 

Kœlliker à  Wiirzboui'g. 

Lehmann 4  lena. 

Ludwig , à  Vienne. 

Mayer à  Bonn. 

Mockel  (Albert) à  Halle. 

Rokitansky à  Vienne. 

Siebold  (G.  f]i.  de) à  Munich. 

Stannius à  Rostock. 

Stilling à  Cassel. 

Virchow à  Berlin. 

^ypber  (Wilhclm-Eduard)..  .  .  i^  Leipsick. 
]yç^er  (Ernsl-Henrich) ù  iiCipïick. 

Portugal. 

M.  De  Mello à  Lisbonne. 

Belgique. 

MM.  Gluge à  Bruxelles. 

Schwann à  Liège. 

S^pring à  Liège. 

Thicrnesse à  Bruxelles. 


IX 

Danemark . 

M.  Hannover.  à  Copenhague. 

Suède. 

M.  Santesson à  Stockholm. 

Hollande. 

MM.  Donders à  Utrecht. 

Harting à  Utrecht. 

Schrœder  van  der  Kolk à  Dtrecht. 

Van  der  Hœven à  Leyde. 

Vrolik à  Amsterdam. 

Suisse. 

MM.  Duby à  Genèye. 

Miescher à  Bâle, 

Italie. 

MM.  Martini à  Naples. 

Vella à  Turin. 

Etats-Unis. 

MM.  Bigelow  (Henry  J.) à  Boston. 

Draper à  New-York. 

Leidy  (Joseph) .à  Philadelphie. 

Brésil. 

M.  Abbott à  Bahia. 


COMPTES  RENDUS 

DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  BIOLOGIE 

PENDANT  L'ANNÉE  1860. 


COMPTE  RENDU  DES  SÉANCES 


DE 


r  r 


LA  SOCIETE  DE  BIOLOGIE 

PENDANT  LE  MOIS  DE  JANVIER   1860; 

Par  m.  le  Docteur  A.  MORE  AU,  secrétaire. 


PRÉSIDENCE  DE  M.  RAYER. 


I.  —  Physiologie  expérimentale. 

DE  LA  rotation   SPONTANÉE  DES  GRENOUILLES;  par  M.  MOILIN. 

Lorsque  l'on  imprime  un  mouvement  de  rotation  à  une  grenouille,  celle-ci 
cherche  à  repreadre  son  équilibre  et  tend  à  tourner  sur  ellf-môme  en  sens 
inverse  du  mouvement  qu"on  lui  communique.  L'intensité  de  cetle  rotation 
varie  avec  la  vivaciléde  l'animal  et  la  rapidité  du  mouvement  imprimé;  dans 
les  cas  les  moins  favorables,  la  grenouille  reste  immobile  et  se  contente 
d'incliner  la  tète  du  côté  où  elle  tend  à  tourner.  Ces  phéuomènes  de  rotation 
dépendent  évidemment  du  sens  musculaire,  et  c'est  pour  cette  raison  que 
leur  étu  :e  ne  ma  pas  semblé  dépourvue  d'intérêt. 

!»•  Proposition.  Ces  mouvemeuts  dépendent  de  l'encéphale,  car  on  les  fait 
cesser  par  la  section  du  bulbe. 

C.  R.  1 


5 

i'  Proposition.  Ces  mouvements  sont  involontaires  et  instinctifs.  En  effet, 
cette  rotation  spontanée,  très-marquée  chez  les  grenouilles  engourdies  par 
le  froid,  est  faible  ou  nulle  chez  les  grenouilles  vives.ou  clierchant  a  s'échap- 
per du  vase  qui  les  contient. 

D'un  autre  côté,  les  animaux  supérieurs,  le  lapin  notamment,  doués  d'une 
somme  de  volonté  plus  considérable  que  celle  des  batraciens,  présentent 
plus  dilTicilement  cette  rotation  spontanée,  et  cessent  même  de  l'offrir  lors- 
qu'ils sont  occupés  à  manger  ou  cherchent  à  s'échapper. 

3'  Proposition.  Ces  mouvements  sont  indépendants  de  la  vision,  car  l'a- 
bolition de  la  vue,  loin  de  les  faire  disparaître,  semble  plutùt  les  exagérer. 

4"  Proposition.  Ces  mouvements  dépendent  des  nerfs  renfermés  dans  le 
rocher  de  la  grenouille.  En  effet,  en  enlevant  un  des  rocliers,  l'animal  ne 
tourne  plus  que  d'uu  côté  (celui  qui  est  opéré).  Si  l'on  enlève  les  deux  ro- 
chers, la  grenouille  reste  immobile  et  n'est  plus  sensihle  aux  mouvements 
qu'on  lui  imprime. 

5'  Proposition.  Si  au  lieu  d'enlever  le  rocher  on  coupe  les  parties  laté- 
rales du  bulbe,  on  produit  le  plus  souvent  les  mêmes  phénomènes  que  ci- 
dessus,  l'animal  ne  présentant  plus  la  rotation  spontanée.  Nous  ne  parlons 
que  dans  un  seul  sens. 

6«  Proposition.  Lorsque  la  piqûre  du  bulbe  donne  naissance  à  un  mouve- 
ment de  manège,  celui-ci  est  arrêté  ou  exagéré  par  la  rotation  qu'on  imprime 
à  l'animal,  suivant  que  cette  dernière  est  favorable  ou  non  à  la  production  du 
mouvement  de  manège. 

II.  —  Anatomie. 
NOTE  SDR  LE  CARTILAGE  DE  MECKEL;  par  MM.  les  docteurs  Robin  et  E.  Magitot. 

Le  cartilaye  de  Meckel  est  un  organe  qui  existe  chez  tous  les  vertébrés, 
mais  offre  une  existence  transitoire  chez  la  plupart  d'entre  eux.  On  peut, 
chez  l'homme  le  trouver  et  le  disséquer  facilement  depuis  le  quinzième  ouïe 
vingtième  jour  environ  de  la  vie  embryonnaire  jusqu'au  sixième  ou  au  sep- 
tième mois  de  la  grossesse.  Il  s'étend  de  l'oreille  moyenne,  danç  laquelle;  il 
adhère  au  marteau  jusqu'à.la  symphyse  maxillaire  inférieure  (ju'il  concourt  à 
former. 

Cet  organe  est  aussi  appelé  •prolongement  de  Meckel,  du  nom  de  l'auteur 
qui,  le  premier,  en  a  fait  connaiire  l'existence.  (Meckel,  Manuel  d'anato.mik, 
trad.  fr.  Paris,  1825,  in-8",  t.  111,  p.  199.)  Mc(  kel  a  reconnu  que  les  oiseaux, 
les  reptiles  et  les  poissons  offrent  un  cartilage  tout  semblable  qui  s'étend  de 
la  pièce  postérieure  de  la  mâchoire  à  l'antérieure.  Ce  cartilage,  naissant 
avant  le  maxillnire  inférieur,  forme  essentiellement  dans  le  principe  les(^ue- 
lette  du  premier  arc  viscéral.  Richard  Owen,daus  ses  remarquables  Pni.NciPES 


3 
d'ûstéologie  comparée,  Paris,  1855,  in-8<>,  p.  14,  a  déterminé  nettement  que 
«  le  marteau  est  un  élément  moJifié  de  l'arc  tympano-mandibuiaire  dans  les 
«  batraciens  et  les  poissons;  »  qu'il  en  représente  l'os  appelé  par  lui  méso- 
tympanique,  ou  sytnplectique  par  d'autres  anatomisles.  Il  considère  le  carti- 
lage de  Meckel  cbez  les  mammifères  comme  une  extension  de  l'apophyse 
du  marteau;  mois  nous  verrons  que  ce  n'est  pas  avec  cette  portion  du  mar- 
teau qu'il  est  en  continuité  de  substance. 

C'est  dans  le  premier  arc  viscéral  ou  branchial  que  le  cartilage  de  Meckel 
se  développe,  comme  nous  l'avons  dit,  et  avant  le  maxillaire  inférieur.  Celui-ci 
naît  sur  le  côté  exierne  du  premier,  vers  sa  partie  moyenne,  appliqué  contre 
lui  par  sira[)le  contiguïté.  Ce  cartilage  est  plus  long,  mais  plus  mince  que  le 
maxillaire;  il  s'étend  de  la  ligne  médiane  où  il  est  en  continuité  de  substance 
avec  celui  du  côté  opposé  jusqu'à  la  base  du  crâne  au  niveau  de  la  cellule 
cérébrale  moyenne,  à  la  place  que  doit  occuper  l'oreille  moyenne.  Il  passe 
là  entre  la  portion  pélrée  du  temporal  et  l'anneau  ou  cadre  tympanique,  au- 
dessus  duquel  il  est  d'abord  situé,  à  une  distance  qui  est  de  plusieurs  milli- 
mètres dans  le  principe.  Dans  la  plus  grande  partie  de  sa  longueur  il  est 
cylindroïJe,  et  n'a  guère  qu'un  l/i  millimètre  ou  environ  de  hauteur,  sur 
une  épaisseur  un  peu  moindre.  Il  est  néamoins  assez  résistant  et  facile  à  dis- 
séquer (l). 

Avant  de  passer  sous  le  cadre  tympanique  il  se  bifurque,  et  le  marteau  se 
développe  aux  dépens  de  la  branche  supérieure,  qui  pendant  longtemps 
demeure  en  continuité  de  substance  avec  la  tète  de  ce  dernier  ;  quant  à  la 
branche  inférieure  elle  s'insère  au  col  du  marteau  par  un  petit  ligament  fai- 
sant suite  à  son  extrémité  cartilagineuse,  et  devenant  plus  tard  par  ossifica- 
tion l'apophyse  grêle  antérieure  de  Raw,  ou  processus  de  Folius.  Cette  bifur- 
cation n'existe  que  chez  l'homme  et  ne  se  développe  qu  a  partir  du  troisième 
mois  environ. 

Une  fois  le  cartilage  du  marteau  développé  et  les  connexions  précédentes 
établies,  le  cartilage  de  Meckel  présente  dans  son  ensemble  les  caractères 
suivauts  (2). 


(1)  Meckel  n'a  vu  qu'une  des  branches  du  cartilage,  celle  qui  s'insère  à  la 
tète  du  marteau,  et  il  l'indique  comme  placée  au-dessus  de  l'apophyse  grêle 
antérieure.  «  On  pourrait  donc  tout  au  plus  admettre,  dit-il,  que  celte  der- 
«  nière  en  fait  d'abord  partie  et  qu'elle  s'en  sépare  de  fort  bonne  heure.  » 

(2)  Ce  qui  précède  comme  ce  qui  suit  est  exposé  d'après  les  pièces  résultant 
de  nos  dissections  de  fœtus  humains  et  autres  mammifères  et  diffère  sous 
quelques  rapports  de  ce  qu'ont  décrit  les  nombreux  auteurs  qui  ont  vérifié 
la  découverte  de  Meckel.  Reichert  entre  autres,  qui  a  le  plus  étudié  l'évolu- 
tion du  cartilage  de  Meckel,  fait  naître  l'enclume  an\  dépens  d'une  des  bran- 


4 

C'est  un  organe  impair,  symétrique,  qui  de  la  ligne  médiane  de  la  mâ- 
choire s'étend  contre  sa  face  interne  et  au  delà  jusqu'à  la  caisse  du  tympan. 
Sa  forme  générale  est  à  peu  près  celle  de  la  mâclinire  inférieure  osseuse 
adulte,  c'est-à-dire  d'une  ogive  à  sommet  antérieur  et  plus  ou  moins  effilé. 
Son  volume  varie  suivant  les  espèces  animales  et  suivant  les  âges. 

Son  extrémité  antérieure  est  placée  entre  les  bouts  correspondants  des 
deux  moitiés  du  maxillaire  inférieur;  elle  est  mince  et  élargie  verticalement. 
II  n'y  a  pas  de  discontinuité  ou  division  sur  la  ligne  médiane  de  la  substance 
de  celte  partie  en  deux  moitiés  contiguës,  mais  elle  se  sépare  par  bifurca- 
tion en  deux  bandelettes  cartilagineuses  immédiatement  appliquées  a  la  face 
interne  de  chacune  des  portions  horizontales  des  maxillaires  correspondants. 
Chaque  branche  est  d'abord  aplatie,  un  peu  élargie  en  forme  de  spatule  et 
appliquée  contre  la  partie  de  lame  interne  du  maxillaire  limitant  la  gouttière 
des  incisives.  Elle  prend  une  forme  arrondie  au  niveau  de  la  canine  environ 
et  se  trouve  là  un  peu  au  dessous  du  fond  de  la  gouttière  des  vaisseaux  et 
follicules  dentaires,  plus  rapprochée  du  bord  inférieur  de  l'os  que  de  son 
bord  supérieur  inlerne-  Chaque  branche  est  partiellement  logée  dans  un 
petit  sillon  régulier  du  maxillaire,  au-dessous  de  la  saillie  de  la  lame  interne 
de  la  gouttière  des  follicules  et  vaisseaux.  Le  cartilage  n'alTecte  aucun  rap- 
port de  contiguïté  avec  ces  derniers  organes  contenus  au  fond  de  la  gouttière 
et  en  est  séparée  par  la  lame  interne  de  celle-ci;  pjis  au  delà,  contre  la 
branche  montante  du  maxillaire  il  rampe  au-dessous  des  vaisseaux  et  nerfs 
dentaires  en  se  courbant  un  peu  vers  le  haut.  Il  dépasse  le  bord  postérieur 
de  la  branche  montante  vers  le  milieu  de  sa  hauteur  environ.  A  un  ou  deux 
millimètres  derrière  celte  branche,  chaque  moitié  congénère  du  cartilage  se 
partage  à  son  tour,  chez  l'homme,  en  deux  subdivisions,  dont  l'une  supé- 
rieure, un  peu  flexueiise  gagne  la  tète  du  marteau  et  s'unit  avec  elle.  L'au- 
tre, plus  courte  de  moitié,  cesse  d'être  cartilagineuse  avant  d'arriver  au  ni- 
veau du  cadre  tympanique  et  se  continue  par  un  ligament  grisâtre  et  libreux, 
plus  grêle  qu'elle  qui  va  s'insérer  au  col  du  marteau  à  la  place  qui,  plus  tard, 
sera  occupée  par  l'apophyse  dellaw. 

La  crête  ou  ligne  myloïdienne,  ou  ligne  oblique  interne  du  maxillaire  in- 
férieur, est  déjà  développée  et  même  très-saillante  vers  le  quatrième  mois, 
alors  que  le  cartilage  de  Meckel  est  encore  facile  à  disséquer  et  à  isoler  an- 


ches du  cartilage  de  Meckel.  (Reichert,  Ueber  die  'Visceralbogen  der  wirbel- 
thiere  im  allgmcinem  und  deren  Metamorphosen  beiden  Vœgeln  und 
Saeugethiercn.  Ancniv  fueh  Anat.  und  I'iiysiol.  von  Mucller.  Berlin,  1837, 
in-8»,  p.  120.)  Nous  n'avons  pu  voir  cette  provenance  sur  des  embryons  di-Jà 
assez  avancés  que  nous  avons  disséqués,  mais  nous  l'avons  constatée  sur  de 
très-jeunes  embryons  humains  et  de  ruminants. 


5 
dessous  d'elle.  Le  sillon  du  nert  mylo-hyoïdien  correspond  à  peu  près  au 
bord  supérieur  du  cartilage  de  Meckel,  près  l'oriflce  postérieur  du  canal 
denlaire. 

Le  cartilage  de  Meckel  s'alropliie  graduellement  avant  le  huilième  mois, 
à  partir  du  milieu  de  la  mâchoire  vers  l'oreille,  d'une  part,  vers  la  sym- 
physe de  l'autre,  sans  s'ossifier  ni  former  de  point  d'ossification  spécial 
pour  le  maxillaire  inférieur.  Nous  ne  l'avons  plus  retrouvé  à  compter  du 
septième  mois  de  la  grossesse.  Cependant  sa  partie  médiane  impaire  semble 
persister  un  peu  plus  pour  concourir  à  la  formation  de  la  symphyse  maxil- 
laire inférieure  avant  sa  soudure. 

Spix  a  décrit  et  figuré  en  1815,  comme  point  d'ossification  particulier  du 
maxillaire  inférieur,  la  lame  qui  forme  le  rebord  alvéolaire  interne.  Selon  lui, 
elle  demeurerait  distincte  et  séparée  jusqu'au  quatrième  mois  de  la  vie  iutra- 
utérine;  une  ligne  de  démarcation  existerait  entre  celte  lame  et  le  reste  du 
maxillaire  inférieur  (Spix,  Cepiialogenesis,  sive  capitis  ossei  structura, 

FORMATIO  ET  SIG.MFICATIO  PER  OMNES  ANIMALIUM  CLASSES,  FAMILIAS,  GENERA 
AC  .ETATES  DIGESTA  ATQUE  TABULIS  ILLUSTRATA,  LEGESQUE  SIMUL  PSYCHOLO- 
GIE, CRANIOSCOPLE  Ac  PHYSiOGNOMiiE  INDE  DERivAT^E.  Monachii,  1815  et  nou 
1825,  comme  l'in.iiqueiit  divers  auteurs  allemands.  In-folio,  p.  20).  Meckel 
remarque  avec  raison  que  le  bord  alvéolaire  interne  de  la  mâchoire  infé- 
rieure se  développe  sous  forme  d'apophyse  saillante  en  arrière  par  rapport 
au  reste  de  l'os,  avec  lequel  elle  fait  corps  eu  avant;  elle  en  est  d'abord  sé- 
parée par  une  fissure  en  arrière,  sans  cartilage  pour  clore  celle-ci  ;  lorsque, 
en  se  développant,  cette  sorte  d'apophyse  a  gagné  la  branche  montante,  elle 
s'unit  par  un  pont  à  la  face  interne  de  celle-ci,  ce  qui  donne  naissance  au 
trou  maxillaire,  mais  il  n'y  a  pas  de  point  osseux  spécial  pour  ce  bord  du 
maxillaire.  Meckel  ajoute  que,  dans  l'origine,  le  canal  maxillaire  n'est  pas  en 
core  fermé  à  sa  partie  supérieure,  et  ne  tait  qu'un  avec  l'espace  limité  par 
les  deux  bords  des  gouttières  dentaires.  (Meckel,  Manuel  d'anatomie.  Paris, 
1825.  In-8°,  trad.  française,  t.  I,  p.  661.)  On  voit  par  ce  qui  précède  que  ce 
n'est  point  du  cartilage  de  Meckel  que  parle  Spix,  et  qu'il  ne  l'a  point  vu,  car 
ce  dernier  organe  n'a  pas  de  rapport  avec  le  rebord  alvrolaire. 

M.  Cruveilhier  a  décrit  «  sur  un  fœtus  de  50  à  60  jours  une  espèce  d'ai- 
guille osseuse  qui  longeait  la  face  interne  du  corps  et  de  la  branche  de  l'os, 
cette  aiguille  était  complètement  libre  sur  l'une  des  moitiés  de  l'os  maxil- 
laire; elle  adhérait  sur  l'autre  moitié  dans  le  tiers  interne  de  sa  longueur.  » 
M.  Cruveilhier  ajoute  que  l'épine  qui  couronne  le  canal  dentaire  n'est  autre 
chose  que  l'extrémité  interne  de  cette  aiguille  osseuse,  laquelle  formerait  le 
bord  interne  du  canal  dentaire  plutôt  que  le  rebord  alvéolaire  interne,  comme 
le  dit  Spix.  M.  Cruveilhier  appelle  cette  lame  osseuse  aiguille  de  Spix,  point 
d'ossification  de  Spix  et  poi7it  osseux  du  canal  dentaire.  (Anatomie  descrip- 
tive. Paris,  1843;  deuxième  édit.  ln-8",  t.  II,  p.  184  et  185.)  11  est  facile  de 


6 
voir,  d'après  ce  qui  précède,  qu'il  ne  s'agit  pas  là  du  cartilage  de  Meekel.  Ce 
n'est  autre  cljose  que  la  lame  inlerno  de  la  gouttière  des  vaisseaux  et  des 
t'ollicules  ;  mais,  comme  l'a  vu  Meekel,  elle  ne  commence  point  par  être  car- 
tilagineuse et  n'a  pas  un  point  d'ossification  spécial. 

Cliez  les  ruminants,  le  cartilage  de  Meekel  offre  les  mômes  légères  in- 
flexions que  chez  l'homme  et  que  chez  le  porc,  il  est  un  peu  moins  élargi  en 
avant  et  se  trouve  placé  un  peu  pl-js  près  du  bord  inférieur  delà  mâchoire. 
lï  est,  du  reste,  constitué  de  la  même  manière.  Toutefois  il  ne  se  divise  pas  en 
deux  branches  en  arrière  de  la  portion  ascendante  du  maxillaire;  mais  du 
niveau  de  l'endroit  où  ce  cartilage  se  bifurque  chez  l'homme,  on  voit  chez  les 
ruminants  se  détacher  un  ligament  qui  est  dispusé  et  inséré  comme  la  por- 
tion qui,  chez  le  premier,  est  partie  cartilagineuse,  partie  fibreuse.  Le  déve- 
loppement de  ce  ligament  a  lieu  assez  lard  pendant  la  vie  foetale.  C'est  à  la 
tête  du  marteau  que  se  rend  directement  ce  cartilage;  aussi  lorsque  sur  ces 
fœtus  on  enlève  la  mâchoire  inférieure  par  arrachement  sans  brisure,  le 
cartilage  de  Meekel,  entraîné  intact,  amène  avec  lui  le  marteau  qui  reste  fixé 
;'i  son  extrémité. 

111.   —  PATHOLOGfE. 

1°  HA.\I0LL1SSEMENÏ  HÉMORRHAGJQnE  HE  LA  MOITIÉ  POSTERO-INFÉRIErBE  DE  LA 
FACE  SUPKRIEUKE  (OU  POSTÉIUEURE)  DE  LA  PROTUBÉRANCE  AN.VULAIRE  ;  PA- 
RALYSIE FACIALE  directe;  HÉMIPLÉGIE  CROISÉE;  par  M.  J.  HiLLAiRET,  méde- 
cin de  Ihôpilal  Saint-Louis,  etc. 

Je  viens  présenter  à  la  Société  une  observation  qui  confirme  les  recher- 
ches publiées  en  1856  par  M.  Gubler  dans  la  Gazette  hebdomadaire,  ainsi 
que  celles  de  M.  M'iUard,  qui  ont  été  publiées  igalement  pcuilant  la  même 
année  dans  les  Bi  lleti.ns  de  la  Société  anatomique  (I).  Ou  sait  que  M.  Gu- 
bler a  émis  cette  opinion,  appuyée  par  de  uonibreux  faits,  (lu'une  lésion 
d'un  côté  de  la  portion  postéro-inférieure  de  la  subulaire  de  la  protubé- 
rance annulaire  donnait  lieu  à  une  paralysie  faciale  directe  en  même  temps 
qu'à  une  hémiplégie  croist'e,  et  qu'il  a  donné  le  nom  de  ))aralyxie  dimidiée 
alterne  à  celle  double  afl'ocliou.  Peu  de  temps  après,  MM.  Vulpian  et  Philip- 
peau  sont  venus,  par  des  rorlierches  aiiatomi(iucs  sur  l'origine,  la  direc- 
tion et  la  décussation  des  nerfs  faciaux  dans  l'épaisseur  de  la  protubérance, 
ajouter  plus  de  force  et  plus  de  certitude  aux  idées  de  M.  Gubler. 

1)  M.  Millard,  dans  les  réflexions  qui  accompagnent  les  faits  qu'il  a  pu- 
pliés  dans  les  Bulletins  de  la  Société  anatomique  quelque  temps  avant 
les  deux  mémoires  trôs-inléressants  de  M.  Gubler,  était  loin  d'avoir  été 
aussi  afïlrmatif  que  ce  dernier  auteur. 


7 
L'observation  suivaute  est  une  preuve  de  plus  en  faveur  des  recherches 
des  auteurs  précédents,  en  même  temps  qu'elle  peut  servir  à  réfuter  quel- 
ques-unes des  objections  qui  y  ont  été  faites  avec  plus  ou  moins  de  jus- 
tesse. 

Obs.— Le  nommé  Deurde,  âgé  de  79  ans,  ancien  tailleur,  d'une  constitution 
peu  forte,  maigre  et  de  haute  taille,  habite  depuis  plusieurs  années  l'hospice 
des  Incurables  (hommes),  où  il  s'est  toujours  bien  porté.  A  son  entrée  à  l'in- 
firmerie, il  est  dans  un  tel  état  qu'il  nous  est  impossible  d'obtenir  aucun 
renseignement. 

A  une  heure  du  matin,  dans  la  nuit  du  20  au  21  décembre  1859,  cet  homme 
fut  pris  d'une  attaque  subite  pendant  son  sommeil;  l'interne  de  service, 
M.  Métivier,  immédiatement  appelé,  le  fit  sur-le-champ  transporter  au  n"  25 
de  l'infirmerie  et  il  put,  peu  d'instants  après,  constater  les  symptômes  sui- 
vants : 

Décubitus  dorsal,  agitation  considérable;  le  malade  se  dresse  de  temps  à 
autre  sur  son  séant  ;  il  pousse  des  sons  inarticulés  et  de  sa  main  droite,  qu'il 
porte  à  sa  bouclie,  il  indique  qu'il  ne  peut  parler. 

L'intelligence  paraît  très-bien  conservée,  car  il  répond  par  des  signes  aux 
questions  qui  lui  sont  adressées.  Il  n'éprouve  aucune  souffrance  ;  la  tête  ne 
lui  fait  aucun  mal,  du  moins  à  ce  qu'il  semble  exprimer  par  les  signes  qu'il 
fait  lorsqu'on  l'interroge.  11  ne  semble  préoccupé  que  de  l'impossibilité  dans 
laquelle  il  se  trouve  de  ne  pouvoir  parler. 

La  face  est  manifestement  déviée  à  gauche. 

Les  muscles  du  côté  droit  sont  complètement  paralysés,  en  même  temps 
que  la  partie  gauche  du  tronc  ;  les  membres  supérieur  et  inférieur  du  même 
côté  sont  complètement  paralysés  du  mouvement. 

La  sensibilité,  quoique  obtuse  dans  les  parties  indiquées,  est  conservée,  La 
pupille,  du  côté  où  siège  la  paralysie  gauche,  est  contractée. 

Pas  de  paralysie  de  la  paupière  supérieure,  dont  les  mouvements  sont 
restés  libres. 

Le  pouls  est  modérément  fort,  peu  développé  et  peu  fréquent,  à  76.  La  res- 
piration est  norinale. 

Saignée,  sinapismes. 

Le  lendemain  matin,  à  la  visite,  je  constate  que  l'état  du  malade  s'est  con- 
sidérablement aggravé. 

L'agitation  a  disparu  pour  faire  place,  non  à  une  résolution  complète,  mais 
à  un  affaissement  très-grand. 

L'intelligence  semble  encore  un  peu  conservée;  la  sensibilité  n'est  pas 
plus  abolie  que  la  veille,  car  une  piqûre  d'épingle  sur  la  joue  paralysée,  et 
sur  les  membres  du  côté  opposé  qui  sont  également  paralysés,  dévoile  des 
signes  de  douleur  et  donne  lieu  à  quelques  mouvements  généraux. 


8 

La  déviation  de  la  face  est  augmentée.  L'aile  droite  du  nez  est  conipléle- 
ment  afTaissce.  Les  membres  du  côté  gauclie  sont  en  rrsoliilion  absolue. 

Une  heure  avant  la  visite  le  malade  a  eu  des  nausées  et  des  vomisse- 
ments. 

Vers  le  milieu  du  jour,  le  coma  devient  de  plus  en  plus  profond  et  la  réso- 
lution complète.  L'intelligence  est  complètement  abolie;  il  y  a  émission  in- 
volontaire des  urines  et  des  fèces. 

La  mort  arrive  à  huit  heures  du  soir. 

Autopsie  trente-six  heures  après  la  mort. 

Rigidité  cadavérique  marquée,  quelques  traces  de  décomposition. 

Le  crâne  étant  ouvert,  on  constate  ce  qui  suit  : 

Les  méninges  sont  modérément  injectées.  Il  existe  très-peu  de  liquide 
dans  la  grande  cavité  de  l'arachnoïde. 

La  surface  du  cerveau  ne  présente  rien  qui  soit  digne  de  remarque- 
En  procédant  p;ir  coupes  horizonla'es,  à  partir  de  la  fa^e  supérieure,  sur 
l'un  et  l'autre  hémisphère  on  trouve  la  substance  cérébrale  de  consistance 
et  de  coloration  normales.  Pas  d'injection  piquetée. 

Une  très-petite  quantité  de  sérosité  rosée  sur  les  ventricules  latéraux. 

Le  cerveau  étant  placé  sur  sa  face  convexe,  la  base  parait  saine,  mais  on 
aperçoit  immédiatement  les  deux  faces  et  les  bords  du  cervelet  recouverts 
d'une  légère  couche  de  sang  infiltré  dans  les  mailles  de  la  pie-mère.  On  dé- 
tache cet  organe  du  cerveau  en  même  temps  que  la  protubérance.  Une  inci- 
sion verticale  d'avant  en  arrière  et  de  la  face  supérieure  vers  la  face  infé- 
rieure est  pratiquée;  elle  ouvre  le  quatrième  ventricule  qui  est  considéra- 
blement distendu  par  une  très-grande  quantitc-  de  sang  en  partie  coagulé.  Ce 
liquide  étant  évacué  et  les  surfaces  abslergées  et  lavées  à  un  très-mince 
filet  d'eau,  on  constate  que  la  paroi  de  ce  ventricule  est  érodée  etereusée 
de  manière  à  former  un  foyer  de  la  capacité  d'une  noisette. 

Ce  foyer  est  situé  à  droite  de  la  ligne  médiane,  et  le  pédoncule  cérébelleux 
inférieur  dans  sa  moitié  interne  est  compris  dans  la  perte  de  substance. 

La  pulpe  nerveuse  au  pourtour  de  ce  foyer,  est  ramollie  et  iiifiltrée  de 
sang. 

Le  ramollissement  atteint  1  millimètres  d'épaisseur  des  parois  et  est  de 
moins  en  moins  coloré  à  mesure  que  l'on  se  rapproche  des  portions  saines. 
On  n'y  distingue  plus  cà  et  là  qu'un  pointillé  très-fort  et  très-disséminé. 

L'artère  basilaire  est  complètement  athéromateuse,  ainsi  que  les  artères 
cérébelleuses,  cérébrales,  postérieures  et  antérieures  qui  pourtant  le  sont  à 
un  moindre  degré. 

Rien  de  notable  pour  les  autres  organes. 

11  me  paraît  inutile  de  revenir  sur  cette  observation  au  point  de  vue  de  la 
paralysie  alterne,  .le  veux  faire  remarquer  seulement  que  lorsque  l'épanché- 


9 
ment  a  été  assez  considérable  pour  distendre  le  quatrième  ventricule,  et  par- 
tant augmenter  le  volume  du  cervelet,  il  est  survenu  des  nausées  et  des 
vomissements,  ce  qui  conlirmc  une  partie  des  assertions  que  j'ai  émises  dans 
mon  mémoire  sur  l'hémorrhagie  cérébelleuse. 

2»  ABSENCE  DE  DENTS  CHEZ  UN  ENFANT  ÂGÉ  DE  16  MOIS; 

par  M.  GiRALDÈs. 

Les  exemples  de  première  dentition  tardive  s'observent  parfois  chez  des 
enfants  bien  conslilués,  presque  toujours  cependant  elle  concorde  avec  un 
état  maladif,  notamment  avec  le  rachitisme.  Dans  un  travail  publié  en  1859, 
Third  REPORT  OF  CLiMCAL  HospiTAL,  le  doclcur  Whitehuad,  médecin  de  l'hô- 
pital des  Enfants  de  Manchester,  dit  que  sur  72  enfants  mal  constitués,  de 
l'âge  de  12  à  13  mois,  il  a  compté  24  chez  lesquels  la  dentition  ne  s'était  pas 
développée.  Je  présente  à  la  Société  de  biologie  le  crâne  d'un  enfant  âgé  de 
16  mois,  mort  dans  mon  service,  chez  lequel  la  dentition  n'avait  pas  com- 
mencé. D'après  l'examen  de  cette  pièce,  on  peut  voir  que  cette  tardiveté  de 
la  dentition  est  accompagnée  d'un  état  rachitique  des  os  de  la  face  et  du 
crâne.  C'est  le  second  exemple  d'absence  des  dents  à  l'âge  de  IG  mois,  que 
j'ai  eu  occasion  d'observer  depuis  3  mois.  J'ajouterai,  à  cette  occasion,  que 
l'année  dernière  1859,  j'ai  reçu  dans  mon  service  un  enfant  âgé  de  8  jours, 
venu  au  monde  avec  deux  dents  incisives  inférieures;  des  faits  analogues 
ont  été  observés  par  MM.  Gherchill  et  Whitehead  et  par  d'autres,  c'est  donc 
sans  aucune  preuve  que,  dans  une  note  sur  un  cas  de  dentition  précoce,  in- 
sérée dans  les  comptes  rendus  de  la  Société,  on  a  avancé  qu'il  n'y  avait  pas 
daus  les  annales  de  la  science  des  faits  avérés  de  dentition  congénitale. 


IV.  —  Anatomie  pathologique. 

1°  FRACTURE  DU  STERNUM,  par  M.  MoREL  Lavallée,  Chirurgien  de  l'hôpital 

Cochin. 

Obs.  —  Clavure  (Michel),  62  ans,  chaudronnier,  entre  le  7  janvier  1860  à 
l'hôdital  Cochin.  Il  était  assis  sur  une  échelle,  à  12  pieds  de  hauteur, 
lorsque  l'échelle  glissa  et  il  tomba.  La  tête  porta  sur  un  mur,  son  dos  sur  le 
pavé.  Vu  le  lendemain  7  janvier,  à  midi.  Sur  l'occiput  à  la  partie  médiane, 
plaie  du  cuir  chevelu,  pansée  depuis  l'accident  avec  un  morceau  de  diachy- 
lon.  Sur  le  trajet  du  sternum,  à  5  centimètres  environ  de  l'extrémité  supé- 
rieure, saillie  transversale  tiès-prononcée,  donnant  au  doigt  qui  la  presse  la 
sensation  d'une  crépitation  flne.  Au-dessus  de  la  saillie  dépression  très-pro- 
noncée ;  sur  la  partie  latérale  droite,  au  niveau  de  la  solution  de  continuité, 
petite  élevure  violacée  avec  la  fluctuation.  Le  fragment  inférieur  du  sternum 


10 
est  mobile  et  vient  clievaucher  sur  le  supérieur  à  chaque  mouvement  respi- 
ratoire. Dyspnée  très-grande,  râles  confus  dans  la  poitrine,  pas  d'exagéra- 
tion de  sonorité,  mouvement  fébrile,  langue  sèclie. 

Dans  la  nuit  du  8  au  9  janvier,  exagération  des  pbénomôties  généraux,  dé- 
lire, mort  le  9,  à  sept  iieures  du  matin. 

Autopsie.  — Notable  (iiianlitc  de  sang  dans  la  plèvre  gauche;  le  poumou 
présente  de  nombreuses  adhérences  pleurétiques  anciennes.  Médiastin  em- 
physémateux avec  caillots  sanguins.  Fracture  du  slcrnum,  dont  les  fragments 
ont  péuétré  à  droite  dans  le  médiastin.  Pas  de  lésion  des  veines  et  des  ar- 
tères mammaires  internes.  Au  cerveau,  sur  la  convexité,  épaississement  des 
méninges  et  inJîUraliou  sous-arachnoïdieune. 

2»  TUMEUR  DE  l'ovaire  DROIT,  par  le  même. 

Obs.  — Lefort,  Marie-Jeanne,  53  ans,  entrée  le  14  janvier  1860.  Depuis  deux 
ans  s'est  aperçue  d'une  tumeur  sur  la  partie  médiane  et  inférieure  de  l'ab- 
domeu.  Alors  elle  était  encore  réglée,  ses  règles  n'ont  cessé  que  depuis  un 
an,  mais  nombreuses  liémorrhagies  utérines.  Depuis  un  an  environ  elle 
tousse  et  crache  du  sang. 

À  son  arrivée,  tumeur  volumineuse,  très-mate,  occupant  les  fosses  ilia- 
ques, remoulant  jusqu'à  rombilic.  Relief  du  ventre  ne  changeaut  pas  avec 
la  position.  Teint  cachectique.  A  l'auscultatiou,  gargouillements  à  droite, 
craquements  humides  à  gauche.  Au  toucher  vaginal,  col  gros,  abcès  et  tu- 
meur venant  proémincr  au  devant  et  en  arrière,  semblant  indépendante  de 
l'utérus  auiiuei  ou  peut  inipnmer  certains  mouvements.  Au  toucher  rectal, 
saillie  volumineuse  dans  le  cul-de-sac  utéro-reclal. 

Les  jours  qui  ont  suivi  l'entrée  à  l'hôpital,  dypnée  tiès-grande,  vive  dou- 
leur de  la  région  épigaslrique,  léger  oedème  des  membres  supérieurs  et  in- 
férieurs. 

Morte  le  21  janvier. 

Autopsie.  —  Cavernes  à  droite,  tubercules  en  voie  de  ramollissement  à 
gauche;  estomac  petit  très-rouge;  tumeur  de  l'ovaire  droit  renfermant  un 
petit  kyste  à  sérosité  verdâlre.  L'analyse  a  dû  être  faite  par  M.  Robin. 

3°  FRACTURE  DU  CRÂNE,   FRACTURE  DE  l'eXTRÉMITÉ  INTERNE  DE  LA 

CLAVICULE,  ETC.  ;  par  le  même. 

Obs.  —  Dugué  (Claude),  68  ans,  menuisier,  ayant  bu  un  peu  plus  que  d'ha- 
bitude et  monté  sur  une  échelle  à  6  mètres  de  hauteur,  tomba  sur  le  côté 
gauche;  il  était  à  peu  près  sans  connaissance,  on  le  soigna,  et  il  fut  trans- 
porté à  l'hôpital  plusieurs  heures  après  l'accident,  le  22  janvier,  à  (luatrc 
Jieures  du  soir. 


il 

Alors  difficulté  de  répondre  aux  questions,  délire. 

Etat  comateux,  soubresauts  ayant  commencé  à  neuf  heures  du  soir.  Vu  le 
lendemain.  État  général  grave;  coma,  diffi  -ulté  des  mouvements,  insensibi- 
lité presque  complète  des  membres  supérieurs  et  inférieurs,  réveillée  pour- 
tant après  avoir  pincé  le  malade  très-fort  et  très-longtemps  ;  perte  de  connais- 
sance et  de  la  parole;  pouls  petit  et  Iréquenl;  nausées;  lésions  multiples; 
plaies  de  tète  à  l'union  de  l'occipital  et  du  pariétal  gauche;  sang  coagulé  dans 
l'oreille;  pas  d'écoulement  de  s;ing  ni  de  sérosité;  mais  en  introduisant  un 
stylet,  on  le  retire  teint  de  sang  liquide;  fracture  de  l'extrémité  inicrne  delà 
clavicule;  crépitation  enlcndue;  mobilité  de  tout  l'os  dans  les  mouvements 
du  membre  supérieur;  voussure  peu  étendue  à  la  région  précordiale;  bruit 
singulier  enlendti  à  distance,  comparé  par  les  uns  à  des  surfaces  cartilagi- 
neuses qu'on  frotterait,  par  d'autres  à  des  blancs  d'oeufs  battus.  Ce  bruit,  bien 
manifeste  à  rauscultation_,  coïncide  avec  la  projection  du  cœur  en  avant;  les 
battements  sont  sourds.  A  la  percussion  de  la  poitrine  sonorité  assez  grande, 
mais  égale" des  deux  côtés;  dyspnée  prononcée,  mouvements  respiratoires 
fréquents. 

Le  soir  ce  bruit  voilé  par  de  nombreux  râles  pectoraux  ne  s'entend  plus. 

Mort  le  24  à  dix  heures  du  matin. 

Autopsie.  —  Fracture  de  la  clavicule;  ecchymose  considérable  sous-cuta- 
née occupant  tout  le  grand  pectoral,  une  partie  du  grand  dentelé  et  beaucoup 
de  muscles  intercostaux;  fracture  du  quatrième  cartilage  costal;  sang  en 
grande  quantité  dans  la  plèvre,  idem  dans  le  péricarde;  lésion  du  péricarde 
coïncidant  avec  celle  du  cœur  ;  fracture  du  crâne  de  la  base  et  de  la  voûte  ; 
celle  de  la  voûte  partant  du  temporal  ;  oblique  de  bas  en  haut,  d'avant  en  ar- 
rière, attaquant  le  pariétal  et  une  partie  de  l'occipital. 

4"  EXOSTOSE  DU  PÉRONÉ;  par  M.  EUG.   FOURNIER. 

M.  Eug.  Fournier  met  sous  les  yeux  de  la  Société  une  pièce  anatomique 
provenant  d'un  jeune  homme  de  21  ans,  mort  d'une  fièvre  typhoïde  dans  le 
s;ervice  de  M.  Gubler.  C'est  une  exostose  de  la  partie  supérieure  du  péroné. 
La  tète  de  cet  os  offre  plus  du  double  de  sou  épaisseur  ordinaire  ;  au-dessous 
d'elle  le  corps  de  l'os  est  développa,  sur  une  hauteur  de  4  centimètres  envi- 
ron, en  une  tumeur  irrégulièrement  globuleuse,  couverte  de  bosselures  qui 
offrent  l'aspect  du  cartilage.  Une  coupe  médiane  antéro-postérieure  montre 
que  la  tumeur  est  celluleuse,  formée  par  une  hypertrophie  du  tissu  aréolaire, 
et  revêtue  par  une  mince  couche  de  tissu  compacte;  celui-ci  a  été  manifes- 
tement écarté  et  rejeté  en  dehors  par  le  développement  des  parties  centrales. 
Les  bosselures  mentionnées  plus  haut  forment  en  dehors  de  la  lame  de  tissu 
compacte  autant  de  petites  exostosespartielles  placées  entre  elle  et  le  périoste. 
Cette  exostose  s'était  développée  lentement,  dès  l'enfance  du  malade,  qui 
n'en  avait  jamais  souffert. 


12 

V.  —  TÉRATOLOGIE. 
VICE  DE  CONFORMATION  DU  THORAX  ;   par  M.   SAPPET. 

Jean-Henri  Wajaczet,  âgé  de  23  ans,  (roriginc  morave,  d'une  santé  bonne 
mais  délicate,  est  affecté  depuis  sa  naissance  d'un  vice  de  conformaiion  ca- 
ractérisée par  une  dépression  circulaire  médiane  et  profonde  de  la  paroi  an- 
térieure de  la  poitrine.  Cette  dépression  dont  le  sommet  répond  à  l'appendice 
xyplioïde,  a  pour  effet  de  diminuer  très-notablement  le  diamètre  antéro- 
postérieur  du  thorax.  Sur  un  moule  qui  reproduit  fidèlement  la  conformation 
du  tronc  de  Wajaczet,  le  diamètre  antéro-p')st(''rieur  mesuré  à  l'aide  d'un 
compas  d'épaisseur  est  de  13  centimètres;  mais  sur  le  vivant  il  est  un  peu 
moins  considérable  et  ne  dépasse  pas  11  centimètres  l/L  Or  l'intervalle 
compris  entre  la  partie  antérieure  de  la  colonne  vertébrale  et  les  téguments 
du  dos  s'élève  en  moyenne  à  10  ou  11  centimètres;  celui  qui  sépare  cette 
colonne  du  sommet  de  la  dépression  serait  donc  de  1  à  2  centimètres  seule- 
ment; il  sutTit  à  peine  au  passage  de  l'aorte  qui  le  remplit  et  soulève  très- 
manifestement  les  téguments  àcliaque  pulsation.  En  arrière,  au  niveau  de  la 
dixième  vertèbre  dorsale,  on  perçoit  un  bruit  de  souffle  qui  parait  dû  à  la 
compression  légère  que  le  tronc  artériel  éprouve  à  son  passage  sous  le 
sommet  de  l'appendice  xyphoïde. 

Le  diamètre  antéro-postérieur  de  la  poitrine  qui  est  en  moyenne  de  20  cen- 
timètres se  trouve  donc  considérablement  diminué.  Mats  en  général,  lors- 
qu'une cavité  se  rétrécit  dans  un  sens  on  la  voit  s'élargir  dans  le  sens 
opposé  ;  en  sorte  qne  sa  capacité  reste  la  même  ou  se  modifie  peu. 

Pour  m'assurer  s'il  en  était  ainsi  chez  ce  jeune  homme,  j'ai  mesuré  les 
diamètres  transverse  et  vertical.  Le  transverse  qui  s'élève  en  moyenne  à 
28  centimètres,  ne  s'élevait  chez  lui  qu'a  27,  et  se  trouvait  par  conséquent 
plutôt  diminué  qu'allongé.  Le  vertical  qui  atteint  chez  la  plupart  des  indi- 
vidus 31  centimètres,  atteignait  chez  Wajaczet  35  centimètres,  longueur  très- 
exceptionnelle.  La  diminution  que  la  cavité  du  thorax  avait  éprouvée  dans  le 
sens  antéro-posiérieur  et  dans  le  sens  tiausvcrsal  était  donc  compensée  par 
l'allongement  du  diamètre  vertical,  au  moins  en  partie;  et  cette  cavité  (jui, 
au  premier  aspect,  semble  avoir  subi  une  réduction  trè6-nolable,ne  s'éloigne 
pas  beaucoup  en  définitive  de  sa  capacité  normale,  le  rétrécissement  qu'elle 
présente  portant  surtout  sur  une  partie  qui  n'est  pas  uffeûtéeà  la  respiration. 

Il  était  intéressant  aussi  de  cormaitre  le  mode  respiratoire  de  Wajaczet. 
Depuis  les  recherches  de  MM,  Beau  et  Maissiat,  on  sait  qu'il  existe  trois  modes 
ou  trois  types  principaux  de  respiration  :  le  type  abdominal,  le  type  costo- 
inférieur  et  le  type  costo-supérieur.  Dans  les  plus  grandes  inspirations  l'ab- 
domen, chez  lui,  se  soulève  à  peine;  sa  respiration  est  essentiellement 


13 
costate  ;  toutes  ses  cotes  s'élèvent  à  la  fois  et  à  peu  près  également;  le  type 
abdominal  n'est  donc  i)as  celui  qui  lui  est  propre;  les  types  costo-inférieur 
et  costo-supérieur  se  trouvent  ici  associés. 

La  dépression  de  la  paroi  antérieure  du  thorax  a  eu  pour  effet  de  déplacer 
la  pointe  du  cœur  qui  s'est  portée  en  haut  et  à  gauche,  de  telle  sorte  que  cet 
organe  se  dirige  transversaienient  en  dehors.  Les  oreillettes  correspondent 
à  la  partie  interne  des  deuxième  et  troisième  espace  intercostaux  qu'elles 
soulèvent  très-manifestement  à  chaque  pulsation.  Les  fondions  du  cœur  du 
reste,  ne  sont  pas  modiflées;  le  rhylhme  de  ses  battements  est  normal;  ses 
deux  bruits  ont  conservé  aussi  leur  caractère  ordinaire. 

Sur  toute  l'étendue  des  poumons  on  perçoit  le  murmure  respiratoire,  eti'oa 
constate  que  le  poumon  gauche  entoure  presque  entièrement  le  cœur,  qui 
s'est  creusé  une  sorte  de  loge  à  ses  dépens. 

Le  foie  est  notablement  abaissé,  son  bord  tranchant  ou  antérieur  descend 
jusqu'au  voisinage  de  l'ombilic 

En  résumé,  le  vice  de  conformation  qu'on  observe  chez  Wajaczet,  bien 
qu'il  soit  très -prononcé,  n'a  pas  réduit  beaucoup  la  place  qu'occupent  les 
poumons.  11  a  eu  surtout  pour  eiret  de  dévier  la  pointe  du  cœur  en  la  por- 
tant en  haut  et  à  gauche,  d'abaisser  le  foie  et  de  neutraliser  en  grande  partie 
l'action  du  diaphragme  ;  d'où  la  respiration  essentiellement  costale  qu'on 
emarque  chez  ce  jeune  homme. 


COMPTE  RENDU  DES  SÉANCES 


DE 


LA  SOCIÉTÉ  DE  BIOLOGIE 

PENDANT  LE  MOIS  DE  FÉVRIER  1860; 

Par  m.  le  Docteur  A.  MORE  AU,  secrétaire. 


PRÉSIDEKË  DE  M  MÏER. 


I,  —  Anatomie. 


DE  LA  JIACÉRATION  DES  NERFS  DANS  l'ACIDE  TARTRTQUE  POUR  FACaiTBR 

l'Étude  des  filets  qui  les  constituent;  par  M.  Liégeois. 

Les  anatomistes  ont  déjà  employé  la  macération  dans  l'acide  tartrique 
pour  étudier  la  structure  des  glandes  et  la  disposition  de  leurs  conduits. 
Pans  les  cas  où  une  glande  ainsi  que  les  tissus  qui  l'enveloppent  ont  pendant 
quelque  temps  été  soumis  à  cette  préparation,  le  tissu  cellulaire  qui  enve- 
loppe la  glande  est  devenu  transparent  et  gonflé;  son  apparence  est  celle  de 
la  gélatine.  Les  éléments  de  la  glande  ont  au  contraire  acquis  une  opacité  et 
une  blancheur  mate  qui  permet  de  les  distinguer  facilement.  La  même  prépa- 
ration, appliquée  à  l'étude  des  nerfs,  semble  appelée  à  rendre  de  grands  ser- 


16 

vices.  En  effet,  chacun  des  filets  dont  la  réunion  forme  un  cordon  nerveux 
apparaît  pari'aitenient  distinct  au  milieu  du  tissu  cellulaire  devenu  trans- 
parent. Sur  une  pièce  ainsi  préparée;,  M.  Liégeois  fuit  voir  que  le  nerf 
pneumogastrique  semble  au  premier  abord  fournir  la  branche  descendante  de 
l'hypoglosse;  mais  après  la  macération,  si  l'on  place  le  nerf  entre  deux  pla- 
ques de  verre  et  qu'on  l'examine  par  transparence,  on  voit  que  l'anomalie 
n'est  qu'apparente;  le  neif  hypoglosse  envoie  au  pneumogastrique  une 
branche  qui  ne  fait  que  s'accoler  à  lui  pour  s'en  détaciier  plus  tard  sous 
forme  de  branche  descendante.  On  peut  suivre  à  travers  le  tronc  du  pneumo- 
gastrique le  filet  de  l'hypoglosse  qui  est  parfaitement  distinct. 

II.  —  Séméiologie. 

DOUBLE    BRUIT  DE  SOUFFLE    AU    COEUR    SANS  ALTÉRATION    DE    VALVULES; 

par  M.  EuG.  Fournier,  interne  des  hôpitaux.— Discussion. 

Sur  un  sujet  mort  à  l'hôpital  Beaujon  dans  le  service  de  M.  Gubler,  on 
trouva,  à  l'autopsie,  uneossificaiion  de  l'aorte  sur  laquelle  des  plaques  athé- 
romateuses  s'étaient  développées,  le  cœur  était  hypertrophié.  Les  valvules 
étaient  saines,  sauf  une  l'gère  induration  de  celles  de  l'aorte,  qui  cependant 
n'étaient  pas  insuftisantes,  ou  du  moins  retenaient  l'eau  qu'on  versait  dans 
l'aorte. 

Pendant  la  vie  du  malade  on  avait  pu  constater  que  le  pouls  était  intermit- 
tent; l'auscultation  du  cœur  faisait  entendre  deux  bruits  de  souffle  dont  le 
second,  très-intense,  avait  la  résonnance  des  instruments  à  anche  métal- 
lique; aussi  fut-il  comparé  par  M.  Gubler  à  un  bruit  de  guimbarde.  On  l'en- 
tendait à  une  petite  distance  de  la  paroi  tlioracique.  Ce  bruit  fit  diagnostiquer 
une  insuffisance  aortiqite,  mais  à  l'autopsie  on  s'aperçut  que  les  valvules 
sygmoïdes  de  l'aorte  étaient  saines.  En  examinant  la  surface  intérieure  de 
l'aorte,  on  trouva  une  plaque  crétacée  qui  faisait  saillie  dans  le  vaisseau, 
pouvait  s'accoler  aux  parois  aortiques  pendant  le  passage  du  sang  poussé 
par  le  ventricule,  et  se  relever  si  le  courant  avait  lieu  en  sens  contraire.  Le 
bruit  desoufllc  du  second  icmps  a  été  attribué,  par  M.  Gubler,  à  la  vibration 
de  cette  plaque  au  moment  où  le  sang  retombe  sur  les  valvules  sygmoïdes. 

M.  Mauev  fait  remarquer  d'abord  que  la  pièce  présentée  par  M.  Fournier  est 
un  exemple  de  l'hypertrophie  du  cœur  par  l'effet  de  l'induration  de  l'aorte 
toute  seule,  la  perle  de  l'élasticité  de  ce  vaisseau  produisant  des  résistances 
comme  il  l'a  démontré  par  des  expériences.  Quant  à  la  cause  du  bruit  de 
souffle  au  second  temps,  il  ne  pense  pas  q\i'on  puisse  admettre  la  vibration 
de  la  plaque  calcaire  sous  Finllucncc  d'un  courant  rétrograde;  eu  effet,  au 
point  où  siège  cette  plaque,  point  qui  est  très  rapproché  de  l'orifice  aorlique 
il  ne  saurait  y  avoir  mouvement  rétrograde  du  sangsans  insuffisance  des  val- 


17 

vules,  et  s'il  y  avait  insulTisance,  il  est  inutile  de  cbercher  pour  expliquer  la 
production  du  bruit  une  autre  cause  que  l'insufTlsance  elle-même.  M.  Guhler 
a  déjà  observé  des  cas  de  ce  genre  dans  lesquels  l'aorte  étant  ossifiée  et  pré- 
sentant des  plaques  crétacées,  on  avait  observé  pendant  la  vie  des  bruits 
analogues,  quoique  moins  forts.  L'autopsie  avait  démontré  l'intégrité  des 
valvules. 

M.  VuLPiAN  a  vu  des  faits  du  même  genre.  Il  en  est  quelques  autres  que 
M.  Cruveilhier  a  publiés;  dans  ces  cas,  toutefois,  on  n'a  pas  tronvé  de  plaques 
calcaires  faisant  saillie  à  l'intérieur  du  vaisseau,  mais  une  simple  ossifica- 
tion de  l'aorle  qui  avait  donné  naissance  au  bruit  de  souffle.  Les  valvules 
étaient  saines  et  le  cœur  hypertrophié.  La  cause  de  ces  bruits  reste  donc  à 
chercher,  car  ils  ne  s'expliquent  pas  par  le  mécanisme  ordinaire. 

m.  —  Pathologie. 

io   PYKLITE,  PHLÉBITE  DE  LA  VELNE  RÉ.NALE,  ABCÈS    DU  REIN  DROIT,  INFECTION 

PURILENTE.  ALBUMINE  DANS  l'urine;  par  M.  Lancereaux ,  interne  des 
hôpitaux. 

Obs.  —  Le  nommé  Berjonneau,  âgé  de  25  ans,  limonadier,  entré  à  l'hôpital 
de  la  Pitié  le  24  janvier  1860,  salle  Saint-Paul,  service  de  JI.  Marrotte. 

Ce  jeune  homme  blond,  mais  robuste,  a  toujours  joui  d'une  bonne  santé. 
Quinze  jours  environ  avant  son  entrée,  il  a  eu,  nous  a-t-on  dit,  une  blçnnor- 
rhagie  pour  laquelle  il  aurait  pris  des  injections  assez  fortes.  Puis  seraient 
survenues  dans  la  région  des  reins  des  douleurs  vives  et  momentanées,  se 
prolongeant  sur  le  trajet  du  cordon  et  donnant  lieu  à  la  rétraction  du  testi- 
cule. 

Le  25  janvier,  il  existe  un  état  fébrile  très-modéré,  le  malade  rend  compte 
des  douleurs  qu'il  a  éprouvées  ;  il  soulTre  peu  pour  le  moment,  la  pression 
toutefois  excite  de  la  douleur  au  niveau  du  rein  droit,  les  urines  traitées  par 
l'acide  nitrite  et  la  chaleur  donnent  un  précipité  floconneux  assez  peu  abon- 
dant; il  y  a  un  malaise  général,  un  peu  de  dyspnée  dont  ne  rend  pas  compte 
l'examen  de  la  poitrine.  Ces  symptômes,  malgré  leur  obscurité,  font  diag- 
nostiquer une  néphrite.  Ch.  sp.,  deux  pots;  dix  ventouses  scarifiées  à  la  ré- 
gion des  reins. 

Paroxysme  fébrile  le  soir  sans  frisson  bien  intense  ;  malaise  ;  dyspnée  ; 
les  douleurs  sont  supportables. 

Le  26,  même  état  que  la  veille,  il  n'y  a  pas  de  paroxysme  ;  l'urine  renferme 
toujours  de  Palbumine.  Cataplasme  laudanisé  ;  eau  de  Sedlitz. 

Le  27,  les  narines  sont  pulvérulentes,  le  malade  est  couché  sur  le  dos,  ses 
traits  sont  altérés,  les  lèvres  tremblotantes;  prostration;  adynamie;  les 
urines  sont  examinées  au  microscope,  on  n'y  trouve  pas  de  globules  de  pus. 
La  langue  est  sale,  il  y  a  des  nausées.  Tartre  stibié,  10  centigr. 

C.  R.  2 


IX 
l'aïuxysme  dans  lu  iiuit. 

Le  28,  mouvement  fébrile  plus  prononcé,  le  pouls  a  plus  de  fréquence,  la 
dyspnée  est  plus  forte,  l'adynamie  plus  grande. 

L'examen  de  la  poitrine  ne  révèle  aucune  lésion  sérieuse  des  poumons.  La 
respiration,  en  elTet,  s'entend  dans  toute  l'étendue;  oà  et  là  on  perçoit  qnel- 
iiues  râles  humides.  Le  malade  accuse  toujours  les  douleurs  de  la  région  des 
reins,  leur  prolongation  sur  le  trajet  du  cordon  avec  rétraction  du  testicule, 
mais  de  plus  des  douleurs  vagues  dans  les  membres.  Douze  ventouses  scari- 
fiées; bain. 

Le  29,  la  dyspnée  est  excessive,  le  diaphragme  s'abaisse  à  peine,  tant  la 
contraction  est  douloureuse.  Les  battements  du  cœur  sont  intenses,  lesbruils 
métalliques;  le  pouls  petit  et  fréquent  bat  de  120  à  130  fois  par  minute.  Les 
muscles  de  la  poitrine  et  des  membres  sont  douloureux.  Aux  membres  infé- 
rieurs et  à  droite  surtout,  la  pression  vers  la  partie  inférieure  de  la  cuisse 
est  insupportable,  et  arrache  des  cris  au  malade.  L'articulation  du  genou  du 
même  côté  est  également  fort  douloureuse.  Tilleul  orangé  ;  poudre  de  Dower, 
1  gr.  ;  vésicatoire;  sinapismes. 

Ces  accidents  vont  en  augmentant  ;  l'adynamie  se  prononce  de  plus  eu  plus  ; 
survient  du  délire  et  des  vomissements,  puis  la  mort  dans  la  soirée. 

Autopsie.  —  L'as[)ect  extérieur  du  cadavre  n'offre  rien  de  particulier,  ni 
plaie  ni  traumatisme  nulle  part.  A  l'extrémité  de  la  verge,  il  existe  toutefois 
un  liquide  épais  et  blanchâtre. 

Tous  les  organes  sont  examinés,  les  reins,  considérés  comme  le  siège  prin- 
cipal de  la  lésion  durant  la  vie  attirent  tout  d'abord  l'attention.  Sur  la  face 
antéro-externe  du  rein  droit  existe  une  tumeur  du  volume  d'une  petite  noix. 
Cette  tumeur  lluctuante  renferme  un  pus  verdàtre,  épais,  logé  à  l'intérieur 
de  la  tunique  fibreuse.  A  la  surface  interue  et  correspondante  de  cette  même 
tunique  se  trouve  une  seconde  collection  moins  abondante.  Le  parenchyme 
rénal,  d'ailleurs,  ne  parait  pas  sensiblement  altéré  à  l'œil  nu. 

L'urelére  forme  dans  ses  deux  tiers  supérieurs  un  cordon  dur,  injecté;  ses 
parois  sont  Irès-épaissies;  sa  muuucuse  est  parsemée  de  taches  rouges 
brunâtres,  proéminentes,  plus  ou  moins  larges,  et  étendues  sur  un  fond 
grisâtre. 

Le  bassinet  dont  les  parois  suul  cgalcment  épaissies  préseule  une  colora- 
tion à  peu  près  semblable. 

Le  tiers  inférieur  de  l'uretère,  la  vessie  et  l'urètre  ne  paraissent  pas  sensi- 
blement altérés,  la  muqueuse  de  l'urètre  et  de  la  vessie  a  une  coloration 
rosée;  de  telle  sorte  que  s'il  y  avait  eu  bleunorrbagie  avant  l'entrée  du 
malade  à  l'hùpital ,  celle-ci  avait  en  grande  partie,  sinon  totalement  disparu. 

Le  tronc  de  la  veine  rénale  renferme  un  caillot  noirâtre  adhérent  aux  pa- 
rois; mais  à  mesure  qu'on  examine  des  branches  plus  petites  et  plus  pro- 
fondes, la  coloration  change  et  le  caillot  sanguin  se  trouve  remplacé  par  un 


liquide  blanc  jaunâtre  coulenanl  des  globules  purulents  très-uets  et  fort  bien 
caractérisés.  La  pression  exercée  sur  l'organe  après  une  coupe,  fait  sourdre 
ce  niêrae  liquide  des  vaisseaux  veineux. 

La  plupart  des  branches  de  la  veine  rénale  droite,  sinon  toutes,  renfer- 
ment ainsi  un  liquide  parfaitement  purulent. 

Le  rein  du  côté  opposé  parait  complètement  sain. 

Le  parenchyme  hépatique  est  un  peu  mou. 

La  rate  plus  volumineuse  a  son  tissu  également  ramolli. 

Le  tube  digestif  est  sans  altération. 

Poitrine. —  Productions  pseudomembraneuses  récentes  sur  la  face  externe 
et  à  la  base  des  poumons,  sur  les  parois  costales  et  le  diaphragme.  Nombreux 
abcès  métastatiques  disséminés  à  la  périphérie  des  poumons,  remarquables 
par  leur  petit  volume  de  1  centimètre  à  1  centimètre  et  demi  de  diamètre  et 
le  liséré  jaunâtre  qui  limite  leur  circonférence? 

Les  orifices  et  le  tissu  du  cœur  sont  sans  altération,  mais  il  existe  daus  l'o- 
reille droite  un  caillot  fibrineux  qui  se  prolonge  dans  le  ventricule  et  obstrue 
l'oriflce  auriculo-ventriculaire. 

Rien  à  noter  du  côté  de  l'encéphale. 

Ce  fait  vient  s'ajouter  à  quelques  auties  pour  démontrer  que  l'albuminurie 
peut  être  la  conséquence  de  l'oblitération  des  veines  rénales,  je  pourrais 
ajouter  d'une  seule  veine  rénale. 

Il  doit  attirer  l'attention  sur  le  diagnostic  de  l'infection  purulente  si  sou- 
vent méconnue  en  dehors  du  traumatisme  ou  d'une  phlébite  des  veines  su- 
perficielles. 

Quant  à  la  cause  de  l'inflammation  et  de  la  suppuration  de  l'organe  uri- 
iiaire,  j'avoue  qu'elle  m'est  inconnue.  Toutefois,  si  les  renseignements  qui 
m'ont  été  donnés,  se  trouvaient  exacts,  ne  pourrait-on  le  rattacher  aux  in- 
jections irritantes  qu'aurait  prises  le  malade.  Je  dois  dire  toutefois  que  l'état 
d'intégrité  presque  parfait  de  la  muqueuse  de  l'urètre  et  de  la  vessie  ne  plaide 
pas  en  faveur  de  cette  hypothèse. 

1°  TUMEUR  PIGMENTAIRE  Eï  ÉPITHÉLIALE  DE  LA  RÉGION  MALAIHE  ;  DEUX  GAN- 

GLiOiNS  CORRESPONDANTS  ATTEINTS  DE  MÉLANOSE  ;  par  M.  Lancereaux,  in- 
terne des  hôpitaux. 

Le  nommé  Lavigne,  âgé  de  80  ans,  entre  à  l'hôpital  de  la  Piiié  le  '-.'9  jan- 
vier 1860.  Il  vient  réclamer  des  soins  pour  une  diarrhée  dont  il  est  atteint 
depuis  plusieurs  jours. 

C'est  un  homme  d'une  constitution  robuste,  dont  la  santé  a  toujours  été 
bonne,  à  part  quelques  malaises  insignifiants.  Il  a  pour  toute  inflrmité  d'ê- 
tre sourd  depuis  plusieurs  années. 

Vers  l'âge  de  25  à  30  ans,  il  s'est  aperçu  de  l'existence  d'un  petit  bouton 


20 
ayant  pour  siège  la  portion  proéminente  iJe  la  région  uialaire  du  coté  gauche. 
Depuis  environ  six  ans,  ce  bouton  a  augmenté  de  volume  et  s'est  accru  de 
façon  à  prendre  les  dimensions  d'une  pièce  de  deux  francs.  Puis,  il  s'est 
ulcéré;  mais  malheureusement  le  muladc  ne  peut  donner  de  renseignements 
positifs  sur  le  début  de  l'ulcération. 

Aujourd'hui  cette  petite  tumeur  qui  fait  à  peine  saillie  se  trouve  recouverte 
d'une  croûte  noirâtre  due  à  la  coagulation  du  sang  exsudé  à  sa  surface.  Lors- 
(ju'on  vient  à  soulever  ou  à  détacher  celle  croûte,  on  trouve  au-dessous  une 
matière  noire,  molle,  gluiinfe,  tachant  les  doigts,  limitée  par  un  rebord  fes- 
tonné et  arrondi,  et  dans  quelques  points  vers  la  circonférence  une  substance 
plus  ferme  et  grisâtre. 

En  avant  de  l'antitragus,  dans  la  région  parotidienne  correspondante,  il 
existe  deux  tumeurs  ganglionnaires  très-voisines  et  du  volume  d'une  petite 
noisette.  La  légère  saillie  que  fait  chacune  d'elles  détermine  un  amincisse- 
ment de  la  peau,  qui  permet  de  voir  par  transparence  leur  coloration 
noire. 

Malgré  l'intégrité  des  principaux  organes  et  des  plus  importantes  fonc- 
tions, ce  malade  offre  néanmoins  un  état  de  débilité  et  de  faiblesse  générales, 
tenant  sans  doute  à  son  grand  âge  et  à  la  diarrhée  dont  il  est  atteint. 

Le  diascordiura  ayant  fait  disparaître  assez  rapidement  ce  dernier  acci- 
dent, il  survint  quelques  jours  plus  tard  un  érysipèle  qui  eut  la  tumeur  pour 
point  de  départ.  Le  cuir  chevelu  fut  bientôt  envahi,  et  le  malade  ne  tarda  pas 
a  succomber. 

Durant  le  peu  de  temps  qu'il  passa  à  l'hôpital,  nous  avons  pu  remarquer 
qu'il  se  faisait  parfois  uu  léger  suintement  sanguin  au  pourtour  de  la  tumeur 
malaire. 

Autopsie.  —  L'aspect  extérieur  du  cadavre  n'offre  rien  de  particulier.  11 
n'existe  sur  la  peau  aucune  autre  tumeur  que  celle  de  la  face.  Cette  tumeur 
est  circonscrite  par  une  incision  circulaire  et  enlevée  sans  aucune  difliculté. 
Elle  ne  se  prolonge  pas,  en  effet,  au  delà  de  la  couche  aréolaire  du  tissu  cel- 
lulaire sous-dermique  qu'elle  parait  refouler  sur  ses  côtés. 

Quant  au  derme,  il  a  à  peu  près  complètement  disparu  à  ce  niveau,  et  se 
trouve  comme  remplacé  par  les  cléments  de  la  tumeur. 

Les  deux  ganglions  correspondants  sont  également  très-superficiels,  la 
peau  qui  les  recouvre  est  amincie;  leur  consistance  est  molle,  presque  fluc- 
tuante; aussi  leur  section  laisse-t-elle  échapper  un  liquide  noir,  épais,  qui 
imbibe  et  colore  fortement  le  linge. 

L'un  des  ganglions  dont  la  tunique  se  trouva  déchirée  par  l'ablation,  se 
vida  presque  complètement  de  son  contenu. 

L'examen  microscopique  rend  compte  de  ce  phénomène,  car  il  neutre  dans 
la  structure  de  ces  petites  tumeurs  que  des  granulations  pigmenlaircs  et  des 
cellules  épithéliales. 


21 

Dans  la  tumeur  principale,  en  effet,  la  portion  noire  et  centrale  est  formée 
de  granulations  pigmentaircs,  isolées  ou  réunies  et  groupées  assez  irrégu- 
lièrement, sans  trace  de  membrane  enveloppante  ou  de  noyaux,  sans  trame 
bien  manifeste,  puisqu'on  y  trouve  à  peine  quelques  éléments  celluleux.  La 
portion  grisâtre  et  périphérique  se  trouve  constituée  par  des  cellules  épi- 
théliales  polyédriques,  plus  ou  moins  granuleuses,  mais  parfaitement  carac- 
térisées. 

Dans  les  ganglions,  il  n'y  a  que  des  granulations  pigraentaires,  isolées  ou 
en  amas  et  complètement  identiques  aux  précédentes. 

La  surface  des  poumons  est  parsemée  de  petites  plaques  noires  sous-pleu- 
rales dans  lesquelles  on  trouve  des  granulations  pigmentaires  que  l'on  ren- 
contre encore  dans  quelques-uns  des  ganglions  bronchiques. 

Le  cœur,  malgré  le  grand  âge  du  malade,  conserve  son  volume  normal  et 
ne  présente  aucune  trace  d'ossification  valvulaire. 

Le  foie,  la  rate  et  les  reins  ne  sont  pas  sensiblement  altérés. 

Les  centres  nerveux  n'ont  rien. 

La  marche  lente  de  cette  affection  et  l'altération  similaire  des  ganglions, 
est,  ce  me  semble,  l'intérêt  de  cette  observation. 

3°  TUBERCULES  DU  FOIE  ET  DE  L'INTESTIN  CHEZ  VNE  POULE;  par  M.  JOSEPH 

MicnoN,  docteur  ès  lettres,  licencié  es  sciences  naturelles. 

Cette  poule,  à  laquelle  on  donnait  une  nourriture  abondante,  présente  un 
état  de  maigreur  extrême,  un  véritable  état  cachectique;  les  muscles  sont 
atrophiés. 

Malgré  la  généralisation  assez  grande  de  l'affection,  la  mort  n'a  pas  été  le 
résultat  de  la  compression  ou  de  l'occlusion  de  quelque  viscère,  mais  la  suite 
de  l'altération  et  la  perturbation  progressive  des  fonctions  nutritives. 

A  l'autopsie,  le  foie  est  beaucoup  plus  volumineux  qu'à  l'état  normal;  il 
remplit  presque  toute  la  cavité  abdominale  et  il  comprime  les  intestins  re- 
foulés en  bas  et  en  arrière. 

Ce  viscère  présente  à  l'extérieur  un  nombre  très-considérable  de  bosse- 
lures, dont  les  plus  grosses  sont  du  volume  d'une  noisette  ;  elles  semblent 
formées  d'une  agglomération  de  petites  granulations  blanches  ou  grisâtres, 
et  criant  sous  le  scalpel.  Autour  de  ces  amas  de  matière  morbide,  la  sub- 
stance du  foie  paraît  saine.  De  semblables  granulations  se  trouvent  dans 
toute  l'épaisseur  de  l'organe. 

L'intestin  présente  plusieurs  granulations  analogues  de  la  grosseur  d'une 
tète  d'épingle,  une  seule  atteint  le  même  volume  que  celles  du  foie,  et  sem- 
ble oblitérer  l'intestin  qu'elle  comprime. 

Le  poumon,  les  muscles,  le  cerveau,  le  tissu  osseux  ne  nous  ont  présenté 
aucune  altération  morbide. 

Examinées  au  microscope,  ces  productions  présentent  les  caractères  du 


22. 
tubercule.  La  résistance  et  la  crépitation  sous  le  scalpel  nous  avaient  fait  pen- 
ser à  un  état  crétacé.  Mais  notre  savant  maître  M.  Robin,  qui  a  bien  voulu 
examiner  ces  productions,  a  reconnu  au  centre  de  chaque  granulation  un 
noyau  de  cholestérine. 

L'affection  semble  avoir  débuté  par  le  foie,  et  là  il  serait  possible  d'ad- 
mettre que  cet  état  particulier  du  noyau  tuberculeux  n'est  pas  une  dégéné- 
rescence de  ce  produit  morbide,  mais  bien,  au  contraire,  parait  en  avoir  été 
le  point  de  départ.  Cependant  la  présence  d'une  matière  identique  dans  les 
tubercules  de  l'intestin  rend  cette  explication  dilTicile. 

Le  développement  des  tubercules  chez  les  gallinacés  est  un  fait  dont  on  a 
d'assez  nombreux  exemples  ;  mais  ce  que  ce  cas  présente  de  particulier  c'est 
le  lieu  d'élection  dans  le  foie,  à  l'exclusion  des  poumons.  Ce  siège  de  l'af- 
fection nous  avait  fait  croire,  avant  l'examen  microscopique,  à  une  affection 
cancéreuse. 

Cette  poule  avait  été  élevée  à  la  campagne,  où,  par  conséquent,  elle  vivait 
en  plein  air  et  en  complète  liberté.  Depuis  six  mois,  elle  était  enfermée  dans 
une  volière  où  le  peu  de  place,  le  défaut  d'aération  et  l'humidité  ont  pu  con- 
tribuer au  développement  de  la  maladie. 

IV.  —  Physique. 

trVVR  SUR  LA  TRANSMISSION  DE  L'ÉLECTRICITÉ  A  TRAVERS  LES   CONDUCTEURS 

Métalliques;  par  M.  Guillemin,  agrégé  de  la  Faculté. 

M.  Guillemin  présente  un  appareil  de  son  invention,  à  l'aide  duquel  il  me- 
sure l'intensité  d'un  courant  électrique  dans  un  point  déterminé  d'un  (il 
conducteur  aux  différents  moments  de  sa  propagation. 

Une  première  série  d'expériences  a  montré  que  le  courant  ne  se  propage 
pas  par  un  mouvement  vibratoire,  comme  on  l'a  admis,  et  à  la  manière  des 
ondes  lumineuses  et  sonores,  mais  qu'il  suit  au  contraire  des  lois  analogues 
ù  celles  qui  régissent  la  propagation  de  la  chaleur  dans  une  barre. 

L'idée  première  du  physicien  allemand  Ohm  se  trouve  ainsi  confirmée,  et 
les  données  expérimentales  que  M.  Guillemin  a  obtenues  peuvent  se  résu- 
mer ainsi  : 

1°  Dans  chaque  point  du  fil  conducteur  le  courant  suit  une  période  d'in- 
tensité variable  avant  de  présenter  une  i7ilensité  définitive.  La  période  diu- 
tensité  variable  est  décroissante  à  l'extrémité  du  fil  en  contact  avec  la  pile; 
elle  est  croissante  ù  l'extrémité  opposée. 

"2"  L'état  définitif  du  courant,  ou  aulroment  dit  Vétat  permanent,  s'établit 
en  même  temps  sur  tous  les  points. 

Toutes  les  observations  que  M.  Guillemin  se  propose  de  faire  se  rappor- 
tent au  temps  qui  est  nécessaire  à  l'établissement  de  l'état  permanent. 


COMPTE  RENDU  DES  SÉANCES 


r  r 


LA  SOCIETE  DE  BIOLOGIE 

PENDANT  LE  MOIS   DE  MARS   1860; 

Par  m.  le  Docteur  A.  MORE  AU,  secrétaire. 


mi  m  M.  RAYER. 


I.  —  Physiologie. 

r  SUR  LE  RÔLE  DES  NERFS  DES  GLANDES; 

par  M.  Cl.  Bernard. 

Les  nerfs  qui  agissent  sur  les  glandes,  agissent  en  même  temps  sur  la  cir- 
culation sanguine  et  sur  la  sécrétion  glandulaire 

Déjà  M.  Bernard  a  pratiqué,  devant  la  Société,  l'expérience  de  la  galvani- 
sation de  la  corde  du  tympan.  Ce  nerf,  que  l'on  isole  entre  la  glande  sous- 
maxillaire  et  le  nerf  lingual  duquel  il  se  détache,  produit,  quand  il  est  galva- 
nisé, l'écoulement  de  la  salive  par  le  canal  de  Warthon,  et  en  même  temps 
une  activité  remarquable  de  la  circulation  sanguine  dans  la  glande;  activité 
qui  se  manifeste  par  la  dilatation  des  vaisseaux  et  par  l'apparition  de  pul- 
sations dans  les  veines,  pulsations  tout  à  fait  semblables  à  celles  des  artères, 
et  qui  se  traduisent  par  un  jet  saccadé  de  sang,  si  l'on  ouvre  la  veine  prin- 
cipale qui  sort  delà  glande. 

Quel  est  le  nerf  actif  pour  la  glande  parotide  ?  M.  Bernard  a  fait,  pour  le 


24 

déterminer,  Je  longues  recherches;  déjà,  il  y  a  deux  ans,  il  était  arrivé,  par 
voie  d'exclusion,  à  admettre  que  ce  nerf  devait  être  un  filet,  né  du  facial,  et 
s'accolant  à  une  branche  du  trijumeau. 

En  elTet,  s'il  coupait  le  nerf  facial  à  sa  sortie  du  trou  stylo-ninsloïdien,  la 
sécrétion  parotidicnne  continuait  à  se  produire  sous  l'influence  du  vinaigre 
versé  dans  la  bouche.  Au  contraire,  cette  sécrétion  cessait  de  se  produire 
sij  au  lieu  de  couper  le  nerf  facial,  on  le  rompait  dans  l'intérieur  du  crâne, 
en  l'arrachant,  ou  en  le  détruisant  à  l'aide  d'une  pointe  aiguisée  convena- 
blement. 

Le  petit  nerf  pétreux  superficiel  qui  naît  du  premier  coude  du  facial  et  va 
directement  au  ganglion  otique  est  détruit  dans  cette  circonstance,  et  c'est 
par  lui  que  peut  venir  l'excitation  jusqu'à  la  parotide. 

Le  grand  nerf  pétreux  superficiel  est  aussi  rompu.  On  sait  qu'il  va  au  gan- 
glion de  Meckel  qui  est  accolé  au  nerf  maxillaire  supérieur.  Ce  ganglion  et 
les  filets  qui  en  partent  furent  enlevés  sur  un  chien  qui  continua  à  donner  de 
la  salive  parotidienne  quand  on  lui  mettait  du  vinaigre  dans  la  bouche.  On 
ne  saurait  donc  admettre  qu'il  préside  à  la  sécrétion  de  la  parotide. 

Les  anatomistes  ont  signalé  comme  nerfs  de  la  parotide  des  rameaux 
venant  directement  du  facial,  et  d'autres  venant  du  nerf  auriculo-temporai. 
Les  premiers  n'ont  point  d'action  sur  la  sécrétion;  comme  le  prouve  l'ineffi- 
cacité de  la  section  du  nerf  facial  à  sa  sortie  du  trou  stylo-mastoïdien. 

Les  rameaux  qui  viennent  du  nerf  auriculo-temporai  accompagnent  l'artère 
maxillaire  interne,  et  se  dirigent  sur  cette  artère,  en  sens  inverse  du  cours 
du  sang.  Ce  sont  les  filets  actifs  de  la  glande  parotide,  filets  analogues  à  la 
corde  du  tympan  qui  anime  la  glande  sous-maxillaire  ;  filets  nés  comme  elle 
du  facial,  et  comme  elle,  s'accolant  à  une  branche  du  trijumeau. 

En  comparant  l'excitabilité  de  ces  nerfs,  à  l'aide  d'un  courant  électrique 
dont  l'intensité  est  graduée  dans  l'appareil  de  Dubois  Reymond,  on  recon- 
naît qu'il  faut  une  quantité  d'électricité  moindre  pour  faire  sécréter  la  glande 
sous-maxillaire  que  pour  faire  sécréter  la  parotide. 

Déjà,  avec  le  vinaigre,  on  pouvait  voir  que  l'excitation  devait  être  plus 
forte  pour  produire  sur  la  parotide  le  même  etTct  que  sur  la  glande  sous- 
maxillaire.  La  corde  du  tympan  se  distribue  à  la  glande  sous-maxillaire  et  à 
la  glande  sublinguale  chez  le  chien.  On  voit  de  môme  que  l'excitation  qui 
suffit  pour  faire  sécréter  la  première  doit  être  augmentée  considérablement 
pour  arriver  à  faire  sécréter  la  seconde.  Ce  qui  send)le  iudiquer  ([ue  ces  dif- 
férences d'action  dépendent  de  la  sensibilité  des  glandes  elles-mêmes  plutùt 
que  d'une  excitabilité  difTérente  des  nerfs  qui  s'y  rendent.  De  plus,  si  avant 
d'exciter  le  nerf,  on  coupe  le  filet  sympathique  qui  va  à  la  glande,  la  dose 
d'électricité  ou  de  vinaigre  nécessaire  pour  produire  la  sécrétion  de  la  glande 
est  plus  petite  que  celle  qui  était  nécessaire  quand  le  sympathique  était  intact. 

Ce  résultat  intéressant  peut  être  expliqué  quand  on  se  rappelle  que  l'acti- 


'■Zb 
vite  du  grand  sympathique  produit  le  resserrement  des  vaisseaux,  condition 
qui  s'oppose  à  la  sécrétion,  et  que  ce  resserrement  doit  être  surmonté  par 
l'action  du  nerf  antagoniste  pour  que  la  sécrétion  se  fasse.  Si  donc  le  sym- 
pathique est  coupé,  le  nerf  antagoniste  a  besoin  d'une  excitation  moindre 
pour  produire  l'efTet  qu'il  produisait  avant  celte  section. 

M.  Bernard  présente  à  la  Société  un  chien  sur  lequel  il  a  pratiqué  l'opéra- 
tion nécessaire  pour  mettre  à  découvert  les  nerfs  émanés  de  l'auriculo-tem- 
poral,  et  allant  à  la  parotide  Cette  opération  consiste  à  disséquer  le  bord 
postérieur  du  masséter,  à  couper  les  attaches  de  ce  muscle  sur  l'angle  de  la 
mâchoire,  à  enlever  cet  angle  par  un  trait  de  cisailles.  On  cherche  le  tronc 
de  l'auriculo-temporal  derrière  le  bord  postérieur  de  l'os  maxillaire,  et  on  le 
coupe  au-dessus  du  point  d'où  partent  les  filets  qui  vont,  en  s'accolant  à  l'ar- 
tère sous-maxillaire,  se  jeter  dans  la  glande  parotide. 

On  peut,  en  prolongeant  un  peu  plus  bas  la  dissection,  agir  sur  la  glande 
sous-maxillaire,  par  l'intermédiaire  de  la  corde  du  tympan,  que  l'on  rend 
libre  en  coupant  le  nerf  lingual  au-dessus  du  point  où  elle  s'en  détache. 

Enfin,  l'ablation  du  muscle  digastrique  rendra  très-facile  la  recherche  du 
nerf  sympathique,  et  permettra  d'étudier  l'antagonisme  des  nerfs  :  corde  du 
tympan  et  sympathique  pour  la  glande  sous-maxillaire,  filets  de  l'auriculo- 
leraporal,  et  sympathique  pour  la  parotide. 

M.  Bernard,  après  avoir  énuméré  les  principaux  temps  de  l'opération  préa- 
lable, porte  sur  les  filets  de  l'auriculo-temporal,  l'action  du  galvanisme,  et 
montre  la  salive  qui  s'écoule  aussitôt  par  le  canal  de  Sténon. 

La  petite  taille  du  chien  ne  permet  pas  de  tenter  sur  lui  la  recherche  de 
l'action  du  galvanisme  par  rapport  à  la  circulation  veineuse,  action  qui  est, 
d'ailleurs,  absolument  la  môme  que  celle  que  M.  Bernarda  montrée  à  propos 
de  la  glande  sous-maxillaire. 

Les  (ilets  nés  de  l'auriculo-temporal  sont,  comme  l'expérience  le  montre  , 
des  filets  agissant  d'une  manière  etficace  sur  la  sécrétion  de  la  glande  paro- 
tide. Sont-ils  les  seuls  filets  parlesquelsFaction  réflexe  queproduitlevinaigre 
placé  dans  la  bouche  revient  à  la  parotide?  Oui,  et  on  le  prouve  en  excitant 
vainement  la  gustation  après  la  section  de  l'auriculo-temporal.  La  salive  ne 
coule  plus  du  canal  de  Sténon.  Cette  épreuve  oITre  une  cause  d'erreur  qu'il 
faut  signaler.  Les  mouvements  de  mastication  que  fait  l'animal  qui  a  reçu  le 
vinaigre  dans  la  gueule  déterminent  dans  la  parotide  une  certaine  compres- 
sion qui  amène  la  sortie  d"une  goutte  de  salive.  Lorsque  cette  cause  d'erreur 
est  écaitée,  on  voit  que  récoulement  de  la  salive  est  tout  à  fait  nul,  quelle 
que  soit  l'excitation  produite  sur  la  langue. 

Il  faut  donc  admettre  que  les  filets  de  l'auriculo-temporal  sont  l'unique 
chemin  du  retour  de  l'action  réflexe  qui  fait  sécréter  la  parotide  à  la  suite 
de  l'introduction  dans  la  bouche  de  substances  sapides. 


26 

2»  RECHERCHES  SUR  LES  MODIFfCATlONS  QU'ÉPROIÎVENT  APRÈS  LA  MORT,  CHEZ 
LES     GRENOUILLES,    LES    PROPRIÉTKS     DES     NERFS    ET     DES    MUSCLES;     par 

M.  E.  Faivre. 

(Ce  travail  a  été  publié  dans  les  Comptes  rendus  de  l'Académie  df„^ 
SCIENCES,  séance  du  2  avril  1860. 

Les  conclasions  principales  sont  les  suivantes  : 

Après  la  mort,  la  contractilité  musculaire,  nu  lieu  de  s'éteindre  graduelle- 
ment, passe  par  des  périodes  d'exaltation  croissante  qui  se  terminent  par  la 
rigidité  cadavérique. 

Une  basse  température  prolonge  la  durée  de  cette  période  d'irritabilité 
croissante.  Dans  les  cas  où  elle  manque,  la  rigidité  cadavérique  manque 
également. 

L'excitabilité  nerveuse  suit  une  marche  tout  à  fait  inverse;  elle  décroit  à 
partir  de  la  mort  de  l'animal. 

Une  stimulation  légère  du  nerf,  sa  division  transversale,  augmentent  pour 
(luelque  temps  cette  excitabilité;  elle  est  épuisée  au  contraire  par  les  sti- 
mulations fortes  ou  longtemps  prolongées,  elle  l'est  également  par  les  cou- 
rants électriques  continus. 

On  peut,  en  combinant  les  excitations  mécaniques  et  chimiques,  amener 
un  nerf  à  un  degré  d'excitabilité  extrême,  et  produire  dans  le  muscle  des 
convulsions  tétaniques.  A  ce  moment,  l'irritabilité  du  muscle  est  bien  faible. 

Ce  rapport  inverse  fait  bien  ressortir  la  distinction  posée  par  Haller  entre 
la  contractilité  musculaire  et  l'action  nerveuse. 

>  RAPPORT  SUR  LA  REVIVISCENCE  DES  ANIMAUX  DESSÉCHÉS,  fait  aU  UOm  d'une 

commission  composée  de  M.M.  Balbiani,  Berthelot,  Brown-Séquari», 
Dareste,  Guillemin,  Ch.  Robin,  et  Broca,  rapporteur. 

La  conclusion  suivante  a  été  rédigée  en  séance  et  adoptée  à  l'unauimité 
par  la  commission,  qui  prend  d'ailleurs  sous  sa  responsabilité  l'exactitude 
des  expériences  consignées  dans  le  rapport  : 

«  La  résistance  des  tardigrades  et  des  rotifères  aux  températures  élevées 
«  parait  s'accroître  d'autant  plus  qu'ils  ont  été  plus  complètement  desséchés 
«  d'avance.  Les  rotifères  peuvent  se  ranimer  après  avoir  séjourné  quatre- 
«  vingt-deux  jours  dans  le  vide  sec  et  subi  immédiatement  après  une  tem- 
«  pérature  de  100'  pendant  trente  minutes.  Par  conséquent,  des  animaux 
«  desséchés  successivement  à  froid  dans  le  vide  sec  à  100",  sous  la  pression 
«  atmosphérique,  c'est-à-dire  amenés  au  degré  de  dessiccation  le  plus  com- 
<i  plet  qu'on  puisse  réaliser  dans  ces  conditions  et  dans  l'état  actuel  de  la 
«  science,  peuvent  conserver  encore  la  propriété  de  se  ranimer  au  contact 
«  de  l'eau.  » 


COMPTE  RENDU  DES  SÉANCES 


r  ^ 


LA  SOCIETE  DE  BiOLOGIE 

PENDANT  LE  MOIS  D' AVRIL  1860; 

Par  m.  le  Docteur  J.  MAREY,  secrétaire. 


PRESIDENCE  DE  M.  RAYER. 


I.  —  Physiologie. 


DE  QUELQUES  CAUSES  DE  VARIATIONS  DANS  LA  TEMPERATURE  ANIMALE  ; 

par  M.  Marev. 

Dans  les  expériences  thermométriques  instituées  sur  les  animaux,  cer- 
tains faits  étaient  restés  inexplicables,  d'autres  avaient  été  interprétés  d'une 
manière  qui  nous  semble  peu  satisfaisante.  Parmi  ceux-ci,  il  en  est  deux  qui 
nous  semblent  susceptibles  d'une  inteprétation  très-simple. 

Lorsqu'on  prend  la  température  du  sang  dans  les  cavités  splanchniques 
chez  un  animai,  si  l'on  fait  la  ligature  de  l'aorte  abdominale,  on  voit  s'élever 
la  température  du  sang  dans  les  parties  situées  au-dessus  de  cette  ligature. 
Pour  M.  Bernard,  cet  effet  pourrait  être  dti  à  l'augmentation  delà  pression 


po 


28 

sanguine  par  l'offel  de  la  ligature.  M.  Marey  n'admet  pas  la  possibilité  d'une 
semblable  action  de  la  pression  plus  forte,  il  pense  que  l'on  doit  voir  la 
cause  de  ce  phénomène  dans  une  influence  que  M.  Bernard  lui-même  a  si- 
gnalée. Le  savant  expérimentateur  du  collège  de  France  a  vu,  dans  les  expé- 
riences qu'il  a  faites  avec  M.  Walferdiu,  que  cerlaines  parties  du  corps  ra- 
mènent par  leurs  veines  un  sang  plus  froid  que  celui  qu'elles  ont  reçu  par 
leurs  artères  ;  les  membres  sont  dans  ce  cas.  La  circulation  à  travers  les  mem- 
bres abdominaux  est  donc  une  cause  de  refroidissement  continuel  pour  la 
masse  du  sang  qui  les  traverse.— Il  n'est  donc  pas  étonnant  qu'en  supprimant 
la  circulation  dans  les  membres  pelviens,  c'est-à-dire  eu  supprimant  une 
cause  de  refroidissement  de  la  masse  sanguine,  on  augmente  sa  température 
dans  les  parties  du  corps  où  elle  continue  à  circuler. 

Un  second  fait,  signalé  par  M.  Bernard  comme  un  desideratum  des  théories 
relatives  à  l'influence  nerveuse  sur  la  chaleuranimale,  est  la  variation  inverse 
qui  se  produit  dans  la  température  des  deux  oreilles  du  lapin,  soit  qu'on 
coupe,  soit  qu'on  galvanise  le  grand  sympathique.  Dans  ces  expériences,  si 
à  l'aide  d'une  section  simple  du  nerf  on  échauffe  l'oreille  correspondante, 
l'oreille  du  côté  sain  se  refroidit  légèrement.  Si  la  galvanisation  du  bout 
supérieur  du  nerf  refroidit  l'oreille  du  côté  opéré,  l'oreille  saine  s'échaufl^era 
un  peu.— Pour  M.  iMarey,  la  production  de  ce  phénomène  dépendrait  d'une 
disposition  anatomique  du  système  artériel  du  lapin.  Chez  cet  animal,  comme 
chez  tous  les  rongeurs  et  uu  grand  nombre  d'autres  animaux,  les  carotides 
droite  et  gauche  sont  fournies  par  un  tronc  commun  qui  naît  de  l'aorte.  Il 
résulte  de  cette  disposition  que  la  circulation  dans  l'une  des  moitiés  de  la 
tête  est  en  relation  inverse  avec  celle  de  l'autre  moitié.  Si  la  section  du  grand 
sympathique  rend  le  cours  du  sang  plus  facile  dans  la  branche  correspon- 
dante du  tronc  bicarotidien ,  la  dérivation  du  sang  qui  se  fera  par  cette 
branche  fera  diminuer  dans  l'autre  la  tension  sanguine  et  la  rapidité  du  cou- 
rant artériel.— Dès  lors,  la  température  diminuera  du  côté  sain  par  suite  du 
ralentissement  circulatoire.  L'inverse  se  produit  lorsqu'on  galvanise  le  bout 
périphérique  du  grand  sympathique.  L'obstacle  créé  dans  la  carotide  cor- 
respondante dont  les  branches  se  contractent  élève  la  tension  dans  le  tronc 
bicarotidien,  et  la  branche  restée  perméable  devient  le  siège  d'un  passage 
de  sang  plus  rapide  et  qui  produit  de  ce  côté  une  élévation  de  température. 

La  démonstration  de  cette  théorie  peut  être  donnée  expcrinicnlalenient  de 
la  manière  suivante  :  si  la  circulation  dans  les  deux  carotides  du  lapin  varie 
dans  un  rapport  inverse  sous  les  influences  nerveuses  et  produit  dans  les 
oreilles  des  variations  de  température,  on  doit  retrouver  les  mômes  varia- 
tions si  l'on  agit  mécaniquement  pour  favoriser  ou  pour  entraver  la  circula- 
tion dans  une  des  branches.— Si  donc  on  place  une  ligature  sur  l'une  des  ca- 
rotides, on  devra,  non-seulement  refroidir  l'oreille  correspondante,  mais 
réchauffer  l'oreille  opposée.  Dès  qu'on  lâchera  la  ligature,  on  devra  échaufl"er 


29 
l'oreille  du  côté  de  l'opératioi),  et  refroidir  ou  luèiiie  temps  roreille  saine. 
—  C'est  précisément  ce  qu'on  observe  eu  faisant  l'expérience  par  uu  temps 
froid  avec  uu  thermomètre  bien  sensible. 

II.  —Physiologie  pathologique. 

1°   DIABÈTE  SPONTANÉ;   LÉSION  DU  QUATRIÈME  VENTRICULE,   par  JuLES   LUYS. 

Il  s'agit  d'un  homme  d'une  cinquantaine  d'années  qui,  diabétique  depuis 
deux  ans,  fut  pris  dans  les  derniers  temps  de  son  existence  de  tous  les 
symptômes  d'une  phlhisie  pulmonaire  à  laquelle  il  succomba. 

On  s'était  assuré  que  le  sucre,  en  quantité  variable,  il  est  vrai,  passait 
néanmoins  d'une  manière  continue  dans  les  urines. 

Ce  malade  portait  en  même  temps  une  double  cataracte. 

Les  lésions  constatée  à  l'autopsie  furent  les  suivantes  : 

Le  foie  était  très-volumineux,  il  était  gorgé  de  sang  noir  en  très-forte 
proportion. 

Les  reins  étaient  pareillement  augmentés  de  volume. 

Mais  la  lésion  la  plus  curieuse  fut  celle  que  nous  constalâmes  sur  la  paroi 
antérieure  du  quatrième  ventricule. 

Cette  paroi,  d'une  manière  générale,  était  colorée  d'une  nuance  brunâtre, 
et,  de  plus,  elle  était  fortement  vascularisée  :  à  l'état  normal  elle  est  ordi- 
uairement  blanchâtre  et  c'est  à  peine  si  l'on  y  distingue  quelques  stries  san- 
guines. En  outre,  sa  consistance  était  très-notablement  diminuée.  Elle  s'en- 
levait sous  l'action  d'un  raclage  très-léger  comme  une  bouillie  gélatiniforme. 

Cette  teinte  jaune  brunâtre  était  beaucoup  plus  foncée  en  quatre  endroits 
symétriquement  placés  sur  les  côtés  de  la  ligne  médiane  à  des  hauteurs  dif- 
férentes; cette  accumulation  de  substance  brunâtre  formait  en  ces  endroits 
comme  de  véritables  taches  noirâtres. 

Les  deux  taches  supérieures,  à  bords  diffus,  à  centre  plus  foncé,  étaient 
situées  à  1  centimètre  environ  au-dessous  des  pédoncules  supérieurs  du 
cervelet,  des  deux  côtés  de  la  ligne  médiane. 

Les  deux  inférieures,  situées  à  environ  1  centimètre  au-dessus  des  pyrami- 
des postérieures,  correspondaient  au  point  où  lespédoncules  inférieurs  plon- 
gent dans  le  cervelet;  elles  étaient  distantes  d'environ  l  centimètre  pareille- 
ment de  la  ligne  médiane. 

La  tache  inférieure  gauche  était  la  moins  accentuée;  la  droite,  au  con- 
traire, du  même  côté,  était  la  plus  prononcée,  c'est  elle  surtout  qui  était  le 
siège  de  la  vascularisation  la  plus  intense. 

L'examen  histologique  nous  fit  constater,  outre  une  turgescence  remar- 
quable des  capillaires  du  plus  fin  calibre,  que  la  présence  de  ces  taches 
jaune,  fauve  et  brunâtre  par  place,  n'était  due  qu'à  une  dégénérescence 


30 

particulière  de  loules  les  cellules  uerveuses  des  régions  su&uicutioanee&. 

Toutes  ces  cellules  étaient  eu  voie  d'évolution  rétrograde,  elles  étaient 
toutes  remplies  de  granulations  jaunâtres;  elles  étaient  déchiquetées  sur 
leurs  bords,  la  plupart  étaient  à  moitié  détruites  et  ne  présentaient  plus  que 
quelques  fragments  à  peine  reconnaissables.  Il  va  sans  dire  que  toutes  les 
connexions  des  cellules  entre  elles  avaient  complètement  disparu,  nous 
ne  pûmes  reconnaître,  même  après  macération  de  la  pièce  dans  une  solution 
d'acide  cliromique,  l'existence  des  anastomoses  des  prolongements  des  cel- 
lules qui  sont  si  multipliés  en  cette  région. 

Il  ressort  donc  de  ceci  :  1°  qu'il  existait  une  lésion  non  traumatique  bien 
réelle  et  profonde  des  parois  du  quatrième  ventricule  ; 

2°  Que  celle  lésion  consistait  dans  une  destruction  moléculaire  des  éléments 
liistologiques,  et  que  leurs  débris,  chargés  de  granulations  jaunâtres,  don- 
naient à  la  paroi  du  quatrième  ventricule  la  coloration  spéciale  quenous  avons 
signalée; 

3°  Que  celte  lésion,  dont  l'organisme  seul  avait  fait  les  frais,  correspondait 
précisément  aux  points  que  la  physiologie  expérimentale  et  l'étude  des  lé- 
sions traumatiques  de  la  région  cervicale  postérieure  ont  signalés  comme 
doués  de  la  propriété  d'amener  l'exagération  de  la  fonction  glycogénique  du 
l'oie,  et  par  suite  le  passage  du  sucre  dans  les  urines. 

'^°  PRODUCTIONS  CANCÉREUSES  A  L'INTÉRIEUR  DES  VEINES;  par  M.  LANCEREAUX, 

interne  des  hôpitaux. 

M.  Velpeau  a  cilé  des  exemples  des  veines  à  l'intérieur  desquelles  s'était 
accumulée  de  la  matière  cancéreuse.  Ces  faits  avaient  été  observés  chez 
des  sujets  atteints  de  cancers  dans  d'autres  parties  du  corps  ;  il  restait  un 
doute  sur  la  provenance  de  la  matière  trouvée  dans  les  vaisseaux,  peut-être 
uvait-elle  pénétré  par  quelque  déchirure  de  veines,  et  ne  s'élait-elle  pas 
primitivement  développée  à  leur  intérieur. 

M.  Robin  eut  occasion  d'examiner  des  cas  de  ce  genre  et  les  considéra 
comme  des  exemples  de  production  de  cancer  à  l'intérieur  des  veines. 

Dans  une  pièce  qu'il  met  sous  les  yeux  de  la  Société.  M.  Lancereaux  fait 
remarquer  que  le  cancer  ne  semble  pas  être  venu  du  dehors,  et  que  les  veines 
n'offrent  pas  d'apparence  de  perforation  ,  leurs  tuniques  sont,  au  contraire, 
hypertrophiées  et  plus  résistantes  que  de  coutume.  La  veine  cave  étant  fen- 
due longitudinalcment,  on  la  trouva  remplie  de  matière  cancéreuse  ainsi  que 
les  veines  sus-hépatiques.  Le  foie  était  lui-même  le  siège  de  productions 
de  môme  nature.  En  explorant  les  viscères  abdominaux,  on  trouve  des  tu- 
meurs multiples  de  la  même  ni^ture,  l'une  occupe  la  partie  inférieure  du  relu 
gauche  auquel  elle  adhère,  d'autres  sont  disséminées  au  milieu  des  intes- 
tins et  formées  par  la  dégénérescence  des  ganglions  mésenlériques.  Le  testi- 


cule  gauche  et  bou  cordon  spciiualiiiue  sont  éyaleuieul  cancéreux.  Toutes 
ces  tumeurs  sont  indépendantes  de  la  production  carcinoniateuse  trouvée  a 
l'intérieur  des  veines,  et  autant  qu'on  puisse  en  juger  d'après  cette  pièce 
dont  la  dissection  est  encore  incomplète,  le  cancer  n'a  pas  pénétré  dans  la 
veine  cave  par  une  déchirure  vasculaire^  mais  s'y  est  développé  isolément. 

M.  Broca  s'élève  contre  l'opinion  des  auteurs  qui  ont  admis  le  développe- 
ment primitif  du  cancer  dans  les  veines,  et  pense  que  la  pièce  de  M.  Lance- 
reaux  ne  saurait  donner  raison  à  une  théorie  qui  n'a  rien  d'impossible  à 
priori,  mais  qui  n'a  jamais  été  appuyée  sur  des  preuves  suffisantes. 

La  production  du  cancer  dans  les  veines  semble  impliquer  que  c'est  le 
sang  qui  subit  la  transformation  cancéreuse.  Dans  cette  hypothèse,  pour- 
quoi les  artères  ne  renfermeraient-elles  pas,  aussi  bien  que  les  veines,  des 
dépôts  de  pareille  matière?  Or,  on  n'en  trouve  jamais  que  dans  les  veines. 
(  Il  faut  excepter  l'artère  pulmonaire,  celle-ci  taisant  partie  de  la  carrière  du 
sang  veineux  ou  noir.)— La  loi  qui  préside  au  développement  du  cancer  dans 
le  système  vasculaire  est  celle-ci  :  on  ne  trouve  jamais  celte  substance  que 
dans  les  vaisseaux  qui  sont  sur  le  trajet  du  sang  revenant  d'un  point  où  existe 
un  cancer,  et  entre  ce  cancer  et  le  poumon  au  delà  duquel  il  ne  s'en  rencon- 
tre jamais.  Les  choses  se  passent  donc  absolument  comme  si  le  cancer  s'in- 
troduisait du  dehors  dans  les  veines  par  une  rupture  de  ces  vaisseaux.  On  a 
maintes  fois  trouvé  la  perforation  qui  l'avait  laissé  pénétrer,  et  dans  les  cas 
où  elle  a  manqué,  ou  peut  supposer  qu"une  circonstance  pathologique  l'a  fait 
disparaître.  On  sait  que,  dans  les  tumeurs  cancéreuses,  les  veines  sont  quel- 
quefois détruites  par  la  compression  qu'exerce  sur  elle  la  tumeur  dans  son 
développement.  Qu'y  aurait-il  d'étonnant  que,  dans  les  cas  où  il  a  été  impos- 
sible de  trouver  une  porte  d'entrée  à  la  matière  cancéreuse,  la  solution  de 
continuité  et  le  vaisseau  lui-même  aient  été  détruits  par  les  progrès  du  can- 
cer? En  présence  de  ces  causes  d'erreur,  on  est  en  droit  d'exiger,  comme 
preuve  de  la  production  intra  vasculaire,  l'exemple  d'un  seul  cas  où  des 
veines  renfermeraient  du  cancer  sans  être  sur  le  trajet  du  sang  qui  revient 
d'une  tumeur  carcinomateuse.  —  Jusqu'ici  ou  n'a  pas  rencontré  un  seul  cas 
qui  satisfit  à  ces  conditions. 

111.  —Embryogénie* 

NOTE  suit  QUELQUES  FAITS  RELATIFS  AU  DÉVELOPPEi\IE.\T  DU  POULET; 

par  M.  Camille  Dareste. 

Eu  recommençant  cette  année  les  expériences  embryogéniques  dont  j'ai 
déjà  à  plusieurs  reprises  entretenu  la  Société,  j'ai  eu  occasion  de  constater 
quelques  faits  intéressants. 

J'avais  placé  dans  la  couveuse  artificielle  une  trentaine  d'oeufs,  les  uns 


32 

dans  les  conditions  normales,  d'autres  dans  des  conditions  différentes  et  que 
je  considérais  comme  étant  de  nature  à  exercer  uueiniluencc  sur  le  dévelop- 
pement de  l'embryon. 

Par  suite  des  froids  insolites  du  mois  de  mars,  la  couveuse  ne  donna,  pen- 
dant tout  le  temps  de  l'expérience,  qu'mie  température  de  30  à  35°;  c'est-à- 
dire  une  température  notablement  inférieure  à  celle  de  l'incubation  normale. 

Ayant  remarqué,  presque  au  début  de  l'incubation,  que  le  développement 
de  l'embryon  commençait  à  s'effectuer  dans  ces  conditions  insolites,  je  pen- 
sai qu'il  n'était  pas  nécessaire  de  modifler  le  chauffage  pour  obleuir  une 
température  supérieure. 

Presque  tous  mes  embryons  se  développèrent;  mais  ils  le  firent  avec  une 
très-grande  lenteur;  de  telle  sorte,  qu'au  début,  les  phénomènes  embryogé- 
niques  n'étaient  nullement  interrompus,  mais  qu'ils  étaient  considérable- 
ment ralentis.  Puis,  à  une  certaine  époque,  qui  ne  fut  pas  exactement  la  même 
pour  tous,  mais  qui  peut  cependant  être  définie  par  des  limites  très-exactes, 
celle  de  la  première  apparition  de  Pallantoïde,  et  celle  où  l'allantoïde,  eu 
s'appliquaut  contre  la  chambre  à  air  est  devenue  un  organe  de  respiration, 
tous  les  embryons  périrent. 

Cette  observation,  qui  me  contraria  beaucoup,  puisqu'elle  vint  interrompre 
et  forcément  terminer  une  série  d'expériences  entreprises  daus  un  tout  autre 
but,  me  parait  cependant  fort  digne  d'intérêt,  puisqu'elle  semble  indiquer 
que  la  température  nécessaire  au  développement  de  l'embryon  d'oiseau  n'est 
point  la  même  aux  diverses  époques  de  l'incubation,  et  que  les  poulets  peu- 
vent vivre  de  30 à  35%  avant  le  développement  de  l'allantoïde;  tandis  qu'une 
fois  que  cet  organe  a  commencé  d'exercer  les  fonctions,  la  vie  de  l'embryon 
exige  impérieusement  une  température  plus  élevée  (de  35  à  40°). 

C'est  un  fait  aualogue  à  celui  que  j'avais  constaté  déjà,  il  y  a  deux  ans, 
lorsque  je  voyais  les  embryons  se  développer  dans  des  œufs  vernis  en  tota- 
lité, et  dont,  comme  je  l'ai  constaté  alors,  la  coquille,  bien  que  perméable 
encore  à  l'air,  n'en  laisse  pénétrer  qu'une  quantité  beaucoup  moindre.  Dans 
ces  conditions  insolites,  l'embryon  périt  toujours  au  niomeut  où  se  développe 
l'allantoïde. 

Plusieurs  des  œufs  qui  avaient  été  soumis  à  l'incubation  dans  ces  condi- 
tions m'ont  présenté  certaines  particularités  qui  doivent  élre  notées. 

Un  de  ces  embryons  était  double.  11  s'était  formé  sur  une  cicatriculc  uni- 
que appartenant  à  un  vitellus  unique. 

11  ne  présentait  qu'une  seule  tète  et  qu'un  seul  cœur;  mais  les  troncs 
étaient  doubles  et  s'écartaient  l'un  de  l'autre  sur  une  ligne  droite.  Ces  obser- 
vations sont  très-rares;  toutefois  j'en  connais  six  exemples  dans  les  annales 
de  la  science. 

Le  plus  ancien  a  été  décrit  parWolf,  au  siècle  dernier;  les  autres  apparlien- 
ueut  à  MM.  Rcichert,  de  Bacr  et  Allen  Thomson. 


33 

Trois  œul's,  d'un  volume  beaucoup  plus  considérable  que  les  œuis  ordinai- 
res, m'avaient  été  remis,  comme  œufs  à  deux  jaunes,  par  M.  le  docteur  Mor- 
pain.  Tous  ces  œufs,  ainsi  qu'un  quatrième  dont  je  n'avais  pu  disposer, 
avaient  été  pondus  par  la  môme  poule,  qui  appartient  à  la  race  Bramah- 
poutra,  et  qui,  d'après  les  documents  qui  m'ont  été  remis,  en  produit  un  cer- 
tain nombre  de  semblables  à  la  fin  de  chaque  ponte. 

Le  premier  de  ces  œufs  contenait  deux  vitellus  ;  chaque  vitellus  présentait 
un  embryon. 

Celui  qui  s'était  développe  sur  le  vitellus  placé  du  côté  du  petit  bout  de 
l'œuf,  et  par  conséquent  le  plus  éloigné  de  la  chambre  à  air,  était  beaucoup 
plus  petit  non-seulement  que  son  frère  jumeau,  mais  encore  que  tous  les 
embryons  de  poulet,  à  quelque  âge  qu'on  les  observe.  Il  n'avait  guère  en 
diamètre  que  le  tiers  de  ce  qu'il  présente  dans  l'état  normal  au  début  des  dé- 
veloppements. 

Comme  ces  deux  embryons  avaient  péri  et  qu'ils  étaient  déjà  en  partie  al- 
térés, je  n'ai  pu  savoir  s'ils  étaient  bien  ou  mal  conformés,  ni,  par  consé- 
quent, prévoir  ce  qu'ils  seraient  devenus  si  le  développement  avait  pu  èlre 
poussé  plus  loin. 

Les  deux  autres  présentaient  chacun  deux  vitellus,  soudés  entre  eux  ;  de 
telle  sorte  que  la  matière  vitelline  pouvait  seulement  passer  de  l'un  à 
l'autre. 

Chacun  de  ces  deux  vitellus  portait  un  embryon  vivant  et  parfaitement  sé- 
paré de  son  frère  jumeau.  Celui  qui  était  le  plus  voisin  de  la  chambre  à  air 
présentait  un  volume  un  peu  plus  considérable  que  l'autre,  mais  toutefois 
sans  grande  différence. 

Je  regrette  vivement  que  l'abaissement  de  la  température  arrivé  à  ma  cou- 
veuse ne  m'ait  point  permis  de  prolonger  cette  expérience,  qui  m'aurait  pro- 
bablement appris  si,  dans  ces  conditions,  un  monstre  double  pouvait,  comme 
on  l'a  dit  quelquefois,  résulter  de  la  soudure  de  deux  embryons  primitive- 
ment distincts  et  appartenant  à  des  vitellus  différents. 

IV.  —  Pathologie  végétale. 

NOTE  SUR  LE  DÉVELOPPEMENT  DE  L'UrEDO  CANDIDA;    par  M.  EUG.  FoURNrER, 

interne  des  hôpitaux. 

Je  mets  sous  les  yeux  de  la  Société  des  échantillons  de  Diplotaxis  tenui- 
folia,  D.  C,  attaqués  par  l'Uredo  candida,  Pers.  (Gystopus  candidus,  Lév.). 
Cette  monstruosité  a  été  souvent  rencontrée;  M.  Berkeley  a  décrit  et  figuré 
dans  le  journal  de  la  Société  d'horticulture  de  Londres,  pour  1848  (On  tue 
WHiLE  RusT  OF  CABBAGE,  ctc),  l'hypertrophie  des  liges  et  des  fleurs  du  chou 
envahi  par  le  même  parasite.  Aussi  je  ne  viens  point  décrire  devant  la  So- 
c.  n.  ■> 


3i 
ciété  la  chloranlhie  offerte  par  notre  plante,  mais  lui  soumettre  quelques 
observations  sur  l'anatoniie  pathologique  de  cette  monstruosité. 

Il  y  a  trois  éléments  à  étudier  dans  la  maladie  qui  fait  le  sujet  de  cette 
note  :  l'UreJo^  l'iiypertrophie  du  tissu  et  une  sorte  de  gangrène  presque 
microscopique  sur  laquelle  je  reviendrai  tout  à  l'heure. 

L'Uredo  a  été  figuré  par  beaucoup  d'auteurs  :  M.  Berkeley  {loe.  cit.),  M.  de 
Bary  (Untersuciiungen  ijber  die  Brandpilze,  pi.  II,  taf.  3-7),  et  M.  Unger 
(ExANTu.  DER  Pflanze.x,  pi.  VI,  f.  32).  Ccs  autcurs  se  sont  surtout  appliqués 
à  décrire  l'appareil  de  fructification  (stérigmates  et  spores),  sur  lequel  je 
n'aurai  que  peu  de  chose  à  ajouter.  J'ai  trouvé  dans  les  pulvinules  du  cysto- 
pus  des  fruits  pluriloculaires  de  Phragmidium,  fait  que  je  n'ai  pas  vu  noté, 
et  qui  aune  certaine  importance;  on  sait,  en  effet,  que  M.  Tulasne  est  porté 
à  considérer  les  Phragmidium  comme  le  terme  le  plus  élevé  d'une  série  de 
métamorphoses  organiques  dans  laquelle  l'Uredo  occupe  un  rang  inférieur 
(Anx.  se.  NAT.,  4°  série,  t.  II).  Mais  le  mycélium  du  Cystopus  candidus  n'a 
pas  été  aussi  bien  figuré  que  l'appareil  reproducteur  par  les  auteurs  que  je 
viens  de  citer.  M.  Léveillé,  en  décrivant  son  genre  Cystopus  (A.nn.  se.  nat., 
3*  série,  t.  VIII),  dit  seulement  :  «  Sterigmatibus  e  mycelii  copiosi  ramis, 
crassis  et  dense  implicatis,  nalix.  »  —  Les  filaments  de  ce  mycélium  sont 
d'un  blanc  jaunâtre,  mesurant  depuis  0""",00i5  jusqu'à  OO^-^jOOG,  et  varient 
de  diamètre  à  chaque  instant;  ils  circonscrivent  par  leurs  anastomoses,  qui 
ont  lieu  à  angles  presque  droits,  des  espaces  excessivement  étroits,  et  émet- 
tent très-fréquemment  des  expansions  latérales  claviformes,  obtuses,  longues 
de0'"'",0l2à0""",018,  souvent  opposées  ou  verticillées.  Ces  organes  se  rencon- 
traient dt'jà  vers  l'exlrémité  supérieure  d'un  filament  très-ténu  de  0"'"',3  de 
longueur,  qui,  à  l'autre  extrémité,  paraissait  sortir  d'inie  spore.  Ils  appa- 
raissent donc  de  très-bonne  heure.  On  doit  voir  en  eux  le  rudiment  de  gros- 
ses cellules  cylindriques  qui  forment  la  base  des  chapelets  de  spores;  par- 
tout, en  effet,  où  se  trouve  l'espace  nécessaire  à  leur  développement,  ce 
sont  ces  cellules  qui  apparaissent  sur  le  mycélium,  à  la  place  des  expan- 
sions rudimentaires  que  j'ai  indiquées.  Les  cellules  cylindriques  du  champi- 
gnon ne  se  développent  pas  seulement  sous  l'épiderme  du  végétal,  comme 
cela  est  écrit  partout,  mais  dans  tous  les  endroits  où  il  s'est  formé  une  la- 
cune, une  rupture  dans  le  parenchyme  malade.  En  examinant  avec  soin  et 
multipliant  les  préparations,  on  aperçoit  tous  les  états  indermédiaires  entre 
les  expansions  latérales  qui  naissent  en  tout  poiut  sur  le  mycélium  et  les  cel- 
lules cylindriques  parfaites;  souvent,  à  côté  d'une  de  ces  dernières,  on  voit 
naître  plusieurs  de  ces  petites  expansions;  ailleurs  ce  sont  des  cellules  cy- 
lindriques pareilles  entre  elles,  divergeant  d'un  centre  commun,  au  niveau 
duquel  elles  s'insèrent  sur  un  filament  du  mycélium. 

L'hypertrophie  ^chloranlhie)  se  développe  sur  les  axes  Uoraux  et  leurs 
(livisious,  ainsi  que  sur  tous  les  élciucuts  de  la  Heur;  mais  eu  gOucral  elle  est 


35 
beaucoup  moins  prononcée  sur  l'androcée.  Elle  amène  quehiuefois  un  dé- 
doublement de  l'ovaire  en  deux  carpelles  hypertrophiés.  Le  plus  souvent 
elle  apparaît  sur  les  sommités  de  la  plante  malade;  quelquefois  elle  n'affecte 
qu'une  fleur  et  le  faisceau  fibro-vasculaire  qui  lui  correspond  dans  la  tige  (l). 
Etudiée  anatomiquement^  l'hypertrophie  m'a  paru  présenter  un  fait  intéres- 
sant :  la  multiplication  et  le  développement  de  certains  éléments  anatomiques 
du  tissu.  Ainsi  les  nervures,  à  peine  visibles  dans  le  sépale  sain,  deviennent 
fortes  dans  l'organe  dégénéré  qui  le  représente,  et  les  trachées  qui  entrent 
dans  la  constitution  de  cette  nervure  sont  plus  nombreuses  et  d'un  diamètre 
plus  large.  On  sait  que  dans  un  même  vaisseau  vasculaire  il  se  présente  tou- 
jours des  trachées  de  difl'érents  diamètres  ;  par  conséquent,  les  petites  tra- 
chées du  sépale  hypertrophié  peuvent  égaler  en  diamètre  les  grosses  tra- 
chées du  sépale  sain;  mais  en  moyenne  le  diamètre  de  ces  vaisseaux  dans 
le  tissu  malade  est  de  0""",009  à  0""",015,  et  quelquefois  0""",0I8;  dans  le 
tissu  sain,  de  O'^"°,O0G  à  O^^jOOg;  une  seule  trachée,  dans  le  sépale  sain,  m'a 
oflfert  0""",015;  beaucoup  n'avaient  pas  plus  de  0°"",003.  Je  ne  sache  pas  que 
cette  augmentation  de  diamètre  des  organes  élémentaires  ait  été  notée  dans 
le  cas  d'hypertrophie  végétale.  Je  rappellerai  ici  que  dans  beaucoup  de  tissus 
hypertrophiés  chez  les  animaux  on  a  observé  l'hypertrophie  des  éléments 
anatomiques  eux-mêmes;  celle  des  vaisseaux  est  presque  un  fait  vulgaire. 
Quant  aux  cellules  de  l'épiderme  et  aux  stomates  de  la  plante,  le  diamètre 
en  était  le  même  dans  les  parties  saines  et  dans  les  parties  malades. 

J'arrive  enfin  à  ce  que  j'ai  nommé  plus  haut  de  la  gangrène.  Ce  terme  a  et 
employé  dans  le  même  sens  par  MM.  Montagne,  Gubler  et  Germain  (de  Saint- 
Pierre),  dans  un  rapport  fait  à  la  Société  en  I85I,  sur  la  maladie  du  blé. 
Ces  éminents  observateurs  ont  décrit  des  taches  noirâtres  à  la  surface  du 
chaume  malade,  taches  au  niveau  desquelles  les  cellules  végétales  avaient 
pris,  ainsi  que  les  granulations  qu'elles  renferment  à  l'état  sain,  une  teinte 
d'un  jaune  de  succin.  J'ai  vu  de  pareilles  taches,  très-nombreuses,  sur  la 
tige  et  les  pièces  du  Diplotasis  que  j'ai  étudié.  On  les  trouve  sur  la  partie  de 
la  tige  qui  est  saine  en  apparence,  et  qui  n'est  ni  hypertrophiée  ni  envahie 
parle  cryptogame;  mais  elles  sont  plus  abondantes  encore  sur  les  parties 
malades.  L'étude  anatomique  que  j'en  ai  faite  m'a  montré  qu'il  n'existe  au 
niveau  de  ces  taches  aucune  végétation  cryptogamique.  Le  tissu,  examiné 
au  point  de  contact  du  tissu  noirâtre  et  du  parenchyme  vert,  change  brus- 
quement de  teinte.  Les  cellules,  de  blanches  et  transparentes  qu'elles  sont 
sur  la  plante  sèche,  deviennent  tout  à  coup  fauves  sans  perdre  leur  trans- 
lucidité; puis,  par  des  transitions  successives,  revêtent  une  teinte  brune, 
et  enlin noire;  on  dirait  qu'on  a  fait  agir  l'iode  sur  des  tissus  très-azotés.  Au 

(1)  Cela  fait  bien  ressortir  l'indépendance  des  différents  individus  élémen- 
taires dont  la  réunion  constitue  le  polypier  végétal. 


KV 


36 

centre  de  la  tache,  le  tissu  est  compl(5lement  noir,  et  quand  l'altération  est 
profonde,  tons  les  organes,  épidermes,  cellules  et  vaisseaux  du  paren- 
chyme sont  également  noircis.  A  la  périphérie  de  la  tache  on  voit  des  cel- 
lules dont  les  parois  sont  légèrement  brunies,  mais  dont  le  contenu  est  en- 
core vert,  ce  qui  prouve  que  l'altération  envahit  d'abord  les  parois. 

On  doit  voir  là  réellement  une  sorte  de  nécrose  partielle  du  tissu.  11  est 
fort  probable  qu'elle  a  été,  sinon  étudiée  avec  détail,  du  moins  aperçue  par 
Pleuck,  qui,  dans  son  Tkaité  de  physiologie  et  pathologie  végétale 
(p.  172  de  la  traduction  française),  s'exprime  ainsi  en  étudiant  les  taches  des 
végétaux  : 

«  Les  taches  par  le  soleil  se  forment  ordinairement  après  une  petite  pluie, 
«  à  laquelle  succède  tout  à  coup  un  coup  de  soleil  très-ardent. Les  rayons  du 
«  soleil  concentrés  dans  les  gouttes  d'eau,  comme  dans  la  lentille  d'un  verre 
«  ou  d'un  miroir  ardent,  brûlent  quelquefois  l'épiderme  des  feuilles  ou  des 
■  fruits.  » 

Cette  explication  est  très-plausible.  Eu  l'admettant,  on  conçoit  très-bien 
pourquoi  le  tissu  est  brûlé  plus  profondément  au  centre  de  la  tache,  pour- 
quoi les  taches  sont  plus  ou  moins  profondes,  pourquoi  tous  les  tissus  sont 
indistinctement  affectés  et  les  parois  des  cellules  périphériques  sont  seules 
atteintes  avant  que  le  contenu  en  soit  brûlé. 


COMPTE  RENDU  DES  SÉANCES 


r  r 


LA  SOCIETE  DE  BiaLOGIE 

pendant  le  mois  de  mai  1860; 
Par  m.  le  Docteur  J.  MAREY,  secrétaire. 


PKËSIDËEE  DE  M.  RAYER. 


I.  —  Physiologie. 


1»  NOTE  SUR  LE  CAILLOT  SANGUIN  QUI  SE  PRODUIT  AU  BOUT  DES  ARTÈRES  OMBI- 
LICALES APRÈS  LA  CHUTE  DU  CORDON  ;  par  M.  le  docteur  Charles  Robin. 

Après  que  les  vaisseaux  ombilicaux  se  sont  divisés  en  partie  extra-abdomi- 
nale qui  tombe,  et  partie  intra-abdominale  qui  continue  à  vivre,  rcxtvémilé  de 
ceux-ci  ne  reste  pas  en  place,  fixée  à  l'ombilic.  En  vertu  de  leur  élasticité  propre 
ils  se  rétractent  dans  le  sens  de  leur  longueur,  bien  qu'ils  aient  déjà  diminué 
de  calibre  depuis  qu'ils  ne  sont  plus  parcourus  par  du  sang.  En  diminuant 
de  longueur  les  parois  vasculaires,  celles  des  artères  surtout  augmentent 
d'épaisseur,  d'où  résulte  que  le  bout  de  l'artère  en  voie  de  rétraction  est 
parfois  un  peu  plus  gros  qu'avant  l'accomplissement  de  ce  phénomène,  sur- 
tout quand  un  caillot  d'un  certain  volume  se  trouve  à  ce  niveau  dans  l'arlère. 
(Voyez  Ch.  Robin,  Mémoire  sur  la  rétraction  des  vaisseaux  ombilicaux  et  sur 


0« 

le  système  ligamenteux  qui  leur  succède,  Gazette  médicale,  1858,  cl  Comptes 
RENDUS  ET  MÉMOiuES  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  BIOLOGIE,  Paris,  1858,  in-8,  p.  107.) 

Celte  rétraction  commence  dans  les  artères  avant  d'avoir  lieu  sur  la  veine, 
elle  commence  parfois  dans  les  artères  aussitôt  qu'elles  se  sont  divisées,  avant 
même  la  chute  du  cordon,  c'est-à-dire  avant  que  son  épidémie  et  son  tissu 
gi'latinil'onnes  desséches  se  soient  sépares  des  tissus  vascuiaires  cutanés; 
et  enfin  avant  que  l'on  puisse  invoquer  l'accroissement  des  parois  abdomi- 
nales comme  cause  de  l'écartement  qui  se  produit  entre  le  bout  des  artères 
et  l'anneau  ombilical.  C'est  ainsi  que  sur  un  enfant  mort  six  jours  après  sa 
naissance,  j'ai  trouvé  les  deux  artères  à  1  centimètre  de  l'anneau,  bien  que  le 
cordon  noir  et  desséché  ne  fût  pas  tombé.  11  était  à  1  centimètre  et  demi 
chez  un  autre  enfant  mort  sept  jours  après  sa  naissance  dont  le  cordon  n'était 
pas  tombé,  mais  put  être  détaché  facilement  avec  la  main.  Sur  ces  deux  su- 
jets la  veine  était  encore  adhérente  à  l'ombilic. 

La  portion  intra-abdominale  des  artères  ombilicales  montre,  après  la  chute 
du  cordon,  une  extrémité  mousse  quelquefois  légèrement  froncée  par  rap- 
prochement du  bord  circulaire  récemment  coupé  de  leur  paroi  élastique  et 
contractile  ou  tunique  moyenne.  Cet  accolement  des  bords  de  la  section  na- 
turelle de  l'artère  ne  suffit  pas  habituellement  chez  l'homme  pour  empocher 
l'épanchement  ou  le  suintement  d'une  certaine  quantité  de  sang.  Pendant  les 
premiers  jours  de  la  rétraction  artérielle,  ce  liquide  suinte  ou  s'écoule  au  fur 
et  à  mesure  que  celle-ci  progresse.  Dans  le  premier  cas,  il  ne  fait  que  colo- 
rer et  teindre  de  sang  en  quelque  sorte  la  face  interne  de  la  tunique  adven- 
tice dans  l'étendue  abandonnée  par  le  bout  artériel.  Dans  le  second  il  rem- 
plit plus  ou  moins  la  cavité  de  cette  tunique  externe  pendant  qu'elle  se  forme 
par  le  glissement  du  reste  de  l'artère  à  son  intérieur.  La  tunique  moyenne 
ou  élastique  se  rétracte  seule  en  entraînant  la  tunique  interne,  tandis  que  la 
paroi  externe  devenue  adhérente  à  la  peau  et  au  tissu  des  côtés  de  l'anneau 
demeure  fixée  à  celui-ci,  permet  au  reste  du  vaisseau  de  glisser  à  son  inté- 
rieur et  de  laisser  à  sa  place  une  cavité  que  peut  remplir  le  sang;  si  ce  der- 
nier ne  s'écoule  pas,  la  face  interne  de  la  tunique  adventice  devenue  libre 
s'accole  à  elle-même,  mais  ce  fait  est  moins  commun  que  le  précédent;  il 
y  a  presque  toujours,  malgré  la  présence  d'un  caillot  au  bout  de  l'artère 
coupée,  au  moins  un  peu  de  suintement  sanguin  qui  colore  la  précédente. 

Un  stylet  introduit  dans  l'artère  la  distend,  chasse  le  caillot  placé  à  son 
extrémité  quand  il  existe,  cl  passe  sans  dilliculté  dans  le  canal  du  cordon  ca- 
naliculé  formé  par  l'adventice  dont  la  tunique  élastique  s'est  retirée.  La  paroi 
de  ce  canal  est  mince,  plissée,  facile  à  dilater  et  plus  large  (\\ic  le  conduit  de 
l'artère  qu'elle  entourait.  En  fendant  l'artère  on  dislingue  aisément  la  tunique 
élastique  d'un  blanc  jaunâtre  ou  légèrement  rose,  dont  le  bord  terminal  cir- 
culaire est  légèrement  aminci;  sa  structure  montre  aussi  quelle  est  sa  nature 
réelle.  Au  delà  d'elle  se  continue  l'adventice  dont  la  paroi  mince,  est  rendue 


39 
noirâtre  par  l'héniatosine  si  le  sang  épanché  s'est  rOsorbé,  ou  qui  l'cnlcrme 
parfois  encore  du  sang  coagulé. 

Le  sang  épanché  occupe  la  place  primitivement  occupée  par  le  bout  de 
l'artère,  et  si  l'ombilic  n'est  pas  encore  cicatrisé,  ce  sang  s'écoule  au  de- 
hors. Telle  est  l'origine  des  hdmorrhagies  ombilicales  qui  ne  sont  pas  tar- 
dives, c'est-à-dire  qui  ont  lieu  lors  de  la  chute  du  cordon,  car  nous  verrons 
qu'elles  peuvent  avoir  d'autres  causes  encore.  Le  plus  souvent,  lorsque  le 
cordon  desséché  se  détache,  il  existe  déjà  une  mince  couche  de  tissu  cica- 
triciel rougeâtre  que  montre  la  dissection  et  qui  bouche  au  niveau  de  la 
peau  les  courtes  cavités  cylindriques  pleines  de  sang  laissées  dans  l'adven- 
tice par  les  artères  rétractées.  Bien  que  n'étant  pas  encore  recouvert  d'épi- 
derme,  ce  tissu  cicatriciel  suffit  ordinairement  pour  empêcher  l'écoulement 
sanguin  à  la  surface  de  la  peau,  c'est-à-dire  l'hémorrhagie  ombilicale,  d'au- 
tant plus  que  la  coagulation  a  lieu  rapidement  dans  un  espace  qui  offre  les 
dispositions  anatomiques  d'une  cavité  accidentelle.  Ce  sont  là  les  particula- 
rités auxquelles  sont  dues  les  cordons,  en  forme  de  petit  boudin  d'un  rouge 
plus  ou  moins  foncé,  qu'on  trouve  derrière  l'ombilic  chez  les  enfants  morts 
vers  l'époque  de  la  chute  du  cordon,  ou  quelques  jours  après.  Elles  méritent, 
comme  on  le  voit,  d'être  tirées  de  l'oubli  où  elles  sont  restées,  car  je  n'ai 
trouvé  aucun  auteur  qui  les  ait  décrites,  même  parmi  ceux  qui  ont  traité  des 
hémorrhagies  ombilicales  ex  professo. 

La  quantité  de  sang  épanché  est  quelquefois  assez  grande  pour  gonfler  la 
tunique  adventice  et  la  rendre  plus  grosse  du  double  ou  même  au  delà  que 
l'artère  rétractée,  tant  que  la  rétraction  n'a  eu  lieu  que  sur  une  longueur  de 
1  à  2  centimètres  environ.  Elle  est  alors  renflée  en  ampoule  ou  en  forme  de 
fuseau  derrière  l'ombilic.  Mais,  en  général,  le  sang  n'a  fait  que  remplir  exac- 
tement la  cavité  que  laisse  libre  l'artère  rétractée,  en  sorte  que  le  canal 
plein  de  sang  coagulé  conserve  le  volume  de  cette  dernière.  Plus  la  rétraction 
augmente  d'étendue,  moins  est  considérable  le  volume  de  la  tunique  adven- 
tice pleine  de  sang;  elle  est  généralement  plus  petite  que  l'artère  lorsque  le 
bout  de  celle-ci  est  à  3  centimètres  ou  environ  de  l'anneau  ombilical.  Ce 
rétrécissement  de  la  tunique  adventice  au-dessus  des  bouts  artériels  est  dû 
à  ce  qu'elle  est  d'autant  plus  tirée  dans  le  sens  de  sa  longueur  que  l'agran- 
dissement des  parois  est  plus  considérable  et  la  rétraction  plus  avancée. 

Plus  le  caillot  est  mou,  plus  sa  couleur  et  l'état  de  ses  globules  se  rap- 
prochent de  ce  qu'ils  sont  dans  les  caillots  récents,  noirâtres  ou  gelée  de  gro- 
seille. Mais  il  se  résorbe  rapidement  ;  on  trouve  les  globules  rouges  aux 
divers  degrés  de  coloration  et  de  résorption  que  j'ai  fait  connaître  ailleurs  (1); 


(1)  Ch.  Robin,  Note  sur  les  hémorrhagies  des  vésicales  ovariennes,  Gaz.  Méd., 
1857,  et  Comptes  rendus  et  mém.  de  la  Soc.  de  biol  ,  1856,  in-8,  p.  144-145. 


40 
la  fibrine  offre  également,  selon  l'ancienneté  de  l'écoulement  sanguin,  les 
modifications  qu'elle  présente  dans  diverses  espèces  d'épanchements  san- 
guins. 

Modifications  de  l'adventice  par  le  sang  épanché.  —  La  gaîne  dont  les  parois 
se  rapproclient  prend  alors  l'aspect  d'une  traînée  filamenteuse  noiiâtre.  On 
la  trouve  souvent  encore  canaliculéc  lorsque  les  artères  se  sont  retirées  déjà 
de  4  centimètres  ou  environ  au-dessous  de  l'ombilic  ;  mais  leurs  parois  sont 
appliquées  l'une  contre  l'autre  ;  la  coloration  de  celles-ci  est  due  à  des  grains 
arrondis  ou  irréguliers  d'hématosine  interposés  à  leurs  fibres,  et  non  à  un 
caillot  vu  par  transparence  ;  ce  dernier  a  eu  effet  complètement  disparu  à 
cette  époque,  c'est-à-dire  vers  la  fin  du  premier  mois,  dans  la  plupart  des 
cas  du  moins. 

Il  importe  de  noter  que  le  sang  coagulé  dans  la  cavité  de  la  tunique  ad- 
ventice que  le  sang  vient  d'abandonner,  cavité  accidentelle  en  quelque  sorte 
comme  foyer  apoplectique,  est  déjà  résorbé  lorsque  le  caillot  formé  vers 
l'extrémité  du  conduit  artériel  existe  encore  ;  ce  caillot  disparait  bien  plus 
lentement  dans  cette  cavité  naturelle,  où  on  le  trouve  longtemps  encore 
après  le  premier  mois. 

L'adventice  de  l'artère  ombilicale  se  laisse  facilement  allonger,  parce  qu'elle 
renferme  moins  de  fibres  élastiques  que  celle  des  autres  artères,  et  davan  - 
tage,  au  contraire,  des  fibres  lamineuses  fines  disposées  en  nappes.  Outre 
les  granulations  d'iiéraatosine  qui  la  colorent  encore  longtemps  après  la 
disparition  du  caillot  qu'elle  contenait,  on  dé'couvre  entre  ces  fibres  de  nom- 
breuses granulations  graisseuses  jaunes,  uniformément  distribuées,  larges 
de  1  à  3  millièmes  de  millimètre.  Elles  se  rencontrent  jusqu'à  la  face  interne 
de  ce  filament  canaliculé  noirâtre,  à  laquelle  elles  donnent  une  teinte  d'un 
noir  verdâtre  par  suite  de  leur  association  aux  granules  d'hématosine.  Sur 
les  enfants  de  plusieurs  mois  à  un  an,  les  parois  de  l'adventice  sont  soudées 
avec  elles-mêmes  par  leur  face  interne,  et  celle-ci  ne  forme  plus  qu'un  fila- 
ment ligamenteux  plein.  Il  n'est  pas  rare  de  voir  au  centre  d'un  seul  ou  des 
deux  filaments,  une  traînée  noirâtre  formée  par  de  l'hématosine  qui  n'est  pas 
encore  totalement  disparue.  Il  en  reste  quelquefois  jusqu'à  l'âge  de  deux  ans, 
surtout  près  du  bout  des  artères  rétractées,  et  en  particulier  dans  les  cas 
rares,  du  reste,  où  l'adventice  présente  là  un  épaississement  fibreux  en  forme 
de  petite  tumeur  irrégulièrement  ovoïde. 

2"  NOTK   SUR    QUELQUES    PARTICULARITÉS  DE  LA  STRUCTURE  DU  CORDON  VERS 
LO.MRILIC  ET  DES   PUÉXOMÎiNES    DONT    IL    EST    LE   SIÈGE   A    LA    NAISSANCE; 

par  M.  le  docteur  Charles  Robin. 

Dans  leur  portion  intra-abdominale,  les  rlères  ombilicales  n'ont  pas  une 
structure  différente  de  celle  des  autres  artères,  c'est-à-dire  (|uc  leur  tunique 


adventice  seule  est  vasculaire.  Leur  paroi  moyenne,  bien  que  très-riche  en 
libres  musculaires  de  la  vie  organique,  est  dépourvue  de  vaisseaux,  ainsi 
que  leur  tunique  interne.  On  constate  aussi  que,  dans  leur  portion  extra- 
abdominale, ces  artères  manquent  complètement  de  capillaires  ;  leur  tunique 
adventice  n'y  est  plus  représentée  que  par  la  gélatine  de  Wharton,  qui  n'a 
pas  de  vaisseaux  propres,  comme  on  le  sait.  La  veine  ombilicale  cesse  éga- 
lement de  présenter  des  vasa-vasorum  dès  sa  sortie  de  la  peau  au  niveau 
de  sa  pénétration  dans  le  cordon.  En  un  mot,  ce  dernier  ne  renferme  pas  de 
capillaires  et  n'est  parcouru  que  par  les  trois  troncs  vasculaires  ombili- 
caux ;  tous  les  anatomistes  savent  avec  quelle  netteté  la  peau  cesse  au  niveau 
de  sa  continuation  avec  le  tissu  du  cordon;  tous  connaissent  l'élégance  du 
cercle  veineux  et  artériel  qui  entoure  la  base  de  cet  organe  sur  la  plupart  des 
sujets,  à  quelques  millimètres  de  la  continuité  du  tissu  du  derme  et  de  la 
substance  du  cordon. 

Ce  cercle  vasculaire  est  en  connexion  avec  l'artère  et  la  veine  tégumen- 
teuses  abdominales  de  chaque  côté  de  la  ligne  médiane  du  corps.  Ces  vais- 
seaux sont  relativement  très-développés  pendant  la  vie  intra-utérine.  Lors- 
qu'on vient  à  tendre  la  peau  et  le  tissu  du  cordon,  il  est  facile  de  voir  que 
l'épiderme  de  l'une  se  continue  sans  interruption  ni  diCférence  sensible  sur 
l'autre.  Mais  la  couleur  rosée  de  la  peau  cesse  d'une  manière  nette  et  circu- 
lairement  pour  être  remplacée  par  la  teinte  grisâtre  gélatiniforrae  du  tissu 
du  cordon.  La  cause  de  cette  dissemblance  d'aspect  et  autres  caractères  se 
trouve  dans  la  ditTérence  de  texture  du  derme  et  du  tissu  sous-cutané,  d'une 
part,  comparée  à  celle  du  cordon,  d'autre  part  ;  elle  tient  en  particulier  beau" 
coup  à  la  vascularité  des  uns  et  à  lanon-vascularité  de  l'autre.  Du  cercle  vas- 
culaire indiqué  plus  haut  partent  des  vaisseaux  très-fins  qui  se  dirigent  vers 
le  cordon. 

Sur  des  injections  artificielles  ou  parfois  sur  des  foetus  dont  la  peau  est 
très-congestionnée,  on  les  suit  à  la  loupe  jusqu'à  la  limite  même  où  a  lieu 
le  changement  de  couleur  indiqué  ci-dessus  au  niveau  du  point  de  continuité 
des  deux  tissus. 

Là  on  voit  les  capillaires  artériels  très-flns  se  recourber  en  anse,  à  5  ou 
6  millimètres  environ  du  cercle  vasculaire  dont  ils  partent,  pour  revenir  pa- 
rallèlement comme  veinule  et  se  réunir  à  d'autres  qui  se  jettent  dans  la 
veine  de  ce  cercle  vasculaire.  La  vascularité  et  le  tissu  du  derme  cessent 
ainsi  nettement  sur  une  même  ligne  circulaire  et  on  ne  voit  pas  d'autre 
capillaire  terminal  dépasser  d'une  manière  appréciable  ceux  qui  l'avoisi- 
nent.  Cette  disposition  des  petits  vaisseaux  est  d'une  grande  élégance  ;  plus 
profondément,  le  tissu  lamineux  sous-cutané,  interposé  aux  vaisseaux  à  la 
base  du  cordon  offre  des  capillaires  qui  se  terminent  en  anses  de  la  même 
manière,  mais  qui  s'avancent  à  1  ou  2  millimètres  plus  avant  dans  le  cordon 
que  le  niveau  des  anses  capillaires  du  derme. 


42 

On  sait  que  celui-ci  s'arrête  parfois  circulairement  au  niveau  même  de  la 
surface  des  parois  abdominales  et  que  d'autres  fois  il  se  prolonge  sur  la  base 
du  cordon  en  une  sorte  de  gatno  cutanée  qui  peut  avoir  jusqu'à  2  centimètres 
de  longneur  environ,  avant  de  se  terminer  comme  il  vient  d'être  dit. 

Quant  au  tissu  du  cordon,  il  est  composé  de  fibres  laraineuses  isolées  ou 
en  nappes  plutôt  que  fasciculées,  entrecroisées  les  unes  avec  les  autres,  et 
auxquelles  est  interposée  une  substance  amorphe  transparente,  gélatini- 
forme,  non  granuleuse,  en  quantité  plus  ou  moins  considérable,  suivant  les 
sujets. 

Beaucoup  de  ces  éléments  sont,  surtout  pendant  la  première  moitié  de  la 
grossese,  à  l'état  de  corps  flbro-plastique  soit  fusiformes,  soit  étoiles.  Ces  der- 
niers sont  les  plus  nombreux  ;  leur  masse  commune  entourant  le  noyau  est 
souvent  large  de  près  de  2  centièmes  de  millimètre  et  Unement  granuleuse. 
Il  y  a  aussi  dans  ce  tissu  des  noyaux  embryo-plastiques  libres,  mais  en  pe- 
tite quantité. 

Lors  donc  que  le  sang  fœtal  cesse  de  parcourir  les  artères  et  la  veine  du 
cordon,  il  cesse  de  recevoir  les  matériaux  nécessaires  à  la  nutrition  de  son 
tissu;  d'autre  part,  ne  plongeant  plus  dans  le  liquide  amniotique,  il  ne  se 
trouve  plus  dans  les  conditions  qui  lui  permettent  de  se  nourrir.  Dès  lors  il 
se  dessèche. 

La  portion  seule  qui  se  trouve  plongée  dans  les  tissus  vasculaires  continue 
à  vivre;  l'autre  se  mortilie  et  se  détache  de  la  première  avec  laquelle  elle  est 
en  continuité  de  substance  au  point  même  où  s'arrêtent  les  vaisseaux  ;  au 
niveau  du  plan  de  continuité  de  la  portion  vasculaire  avec  la  portion  non 
vasculairc  du  cordon,  la  partie  dont  la  substance  a  cessé  de  se  nourrir  et 
s'est  détachée  se  sépare  moléculairemeut  de  celle  dans  laquelle  la  rénova- 
tion nutritive  persistant,  les  élémeiits  anatomiqucs  sont  restés  intacts,  avec 
leur  consistance,  leur  llexibilité  et  leurs  autres  propriétés. 

Les  tissus  des  divers  organes  qui  entrent  dans  la  composition  du  cordon 
ombilical,  jouissant  de  propriétés  ditTérentes,  ne  se  divisent  pas  tous  le  même 
jour  au  niveau  de  leur  partie  antérieure  mortifiée  et  de  leur  portion  restée 
vivante  au  sein  des  parois  ventrales  vasculaires. 

La  partie  intra-abdominale  des  artères  ombilicales  se  sépare  en  général 
de  leur  portion  extra-abdominale  avant  que  la  veine  se  soit  séparée  d'une 
manière  analogue.  Cette  séparation  s'opère  sur  les  artères  du  troisième  au 
cinquième  jour  environ,  et  toujours  avant  que  le  tissu  lamineux  ambiant  et 
l'épiderme  se  soient  détachés,  avant,  en  un  mot,  la  chute  du  cordon,  qui  a  lieu 
comme  on  sait  du  cinquième  au  septième  jour,  quelquefois  au  quatrième 
ou  au  huitième  jour.  Avant  la  séparation  des  portions  intra  et  extra-abdomi- 
nale des  artères,  lorsqu'elles  sont  encore  continues,  on  voit  au  niveau  de 
l'aïuieau  fibreux  ombilical,  deux  ou  trois  jours  après  la  section  du  cordon, 
les  artères  olTrir  une  dépression  circulaire  plus  mince  que  leur  portion  in- 


43 
tra-abdominale,  et  analogue  à  celle  (lu'aniait  produite  l'action  momentanée 
d'une  ligature  peu  serrée. 

M.  Richet,  qiii  a  vu  cette  dépression  ou  rainure  circulaire  sur  les  vais- 
seaux de  romi)ilic  (Richet,  Du  trajet  et  de  l'anneau  ombilical,  etc.,  AncmvES 
GÉN.  DE  MÉD.,  Paris,  1857,  t.  IX,  p.  G3),  ne  l'explique  pas  d'une  manière 
exacte.  Il  commence  par  décrire  l'anneau  fibreux  ombilical  comme  «  formé 
de  fibres  pâles,  ayant  l'apparence  des  fibres  musculaires  de  la  vie  organique, 
de  l'intestin,  par  exemple,  ou  bien  encore  de  la  tunique  moyenne  des  artères 
ou  du  dartos.  »  (P.  G'2.)  «  L'examen  au  microscope,  à  un  grossissement  de 
500,  démontre  que  ce  tissu  est  composé  de  fibres  élastiques  aplaties,  si- 
nueuses, lisses,  non  striées  en  travers ,  ayant  beaucoup  d'analogies  enfin 
avec  celles  de  la  tunique  moyenne  des  artères.  »  (P.  62-63.)  Il  ajoute  :  «  Cha- 
cun, sans  doute,  aura  tiré  déjà  la  conclusion  des  faits  qui  précèdent.  Ces 
fibres  élastiques  ou,  pour  parier  plus  clairement,  contractiles,  qui  circon- 
scrivent l'ouverture  ombilicale,  constituent  un  véritable  sp/iincfer  ombilical, 
se  resserrant  insensiblement  sur  les  vaisseaux,  dès  qu'ils  ne  sont  plus  tra- 
versés par  le  courant  sanguin  et,  par  suite  de  cette  striction,  s'opère  *pro- 
gressivement  leur  section  comme  par  le  fait  d'une  ligature.»  (P.  64.)  M.  Richet 
part  de  là  pour  expliquer  en  outre  Pabsence  d'faémorrhagie  et  dire  que  sans 
cet  appareil  on  s'expliquerait  difficilement  comment  tous  les  enfants  ne  seraient 
point  affectés  de  hernies. 

L'anneau  existe  tel  que  M.  Richet  le  décrit,  mais  il  n'est  point  contractile  et 
n'a  aucun  des  caractères  des  sphincters.  La  dépression  circulaire  des  vais- 
seaux contigus  les  uns  aux  autres  est  circulaire  quand  elle  existe ,  ce  qui 
n'est  pas  constant;  or  la  contiguïté  des  vaisseaux  empêcherait  cette  con- 
striction  d'être  aussi  exactement  circulaire  q\i'elle  l'est  réellement  et  d'une 
profondeur  aussi  égale  sur  toute  la  circonférence  du  vaisseau  si  elle  était 
due  à  une  contraction  de  l'anneau.  Elle  est  due  à  un  resserrement  des  parois 
vasculaires  dépendant  des  propriétés  mêmes  de  leur  tissu  et  non  d'une  ac- 
tion étrangère  à  eux,  elle  est  seulement  plus  profonde  qu'ailleurs  dans  le 
point  de  la  circonférence  des  vaisseaux  qui  touche  le  bord  de  l'anneau. 

Mais  surtout  il  importe  de  savoir  que  l'anneau  fibreux  ombilical  re  ren- 
ferme pas  plus  de  fibres  élastiques  que  les  aponévroses  voisines;  il  en  ren- 
fermerait davantage  que  le  fait  resterait  le  même,  attendu  que  les  éléments 
élastiques  ne  sont  pas  contractiles,  mais  reviennent  simplement  sur  eux- 
mêmes  après  avoir  été  distendus,  et  proportionnellement  à  cette  distension 
et  non  davantage.  Il  ne  renferme  aucune  trace  de  fibres  musculaires  de  la 
vie  organique  ;  c'est  une  erreur  anatomique  et  physiologique  que  de  com- 
parer entre  eux  et  à  l'ombilic  des  tissus  aussi  différents  que  ceux  de  l'in- 
testin, des  artères  et  du  dartos,  que  d'attribuer  à  un  anneau  de  structure 
fibreuse  ordinaire  et  nullement  musculaire  le  rôle  et  le  nom  d'un  sphincter. 
En  comparant  les  ombilics  de  sujets  d'âge  différent  à  partir  de  la  naissance, 


44 
il  est  facile  de  voir  que  l'anneau  revient  un  peu  sur  lui-même  après  la  ré- 
traction des  vaisseaux,  mais  il  ne  s'oblitère  pas  complètement,  comme  les 
sphincters  le  font  pour  les  orifices  qu'ils  circonscrivent.  Il  se  rétrécit  d'une 
manière  très-différente  d'un  sujet  à  l'autre;  quelquefois  il  grandit  en  même 
temps  que  les  parois  abdominales,  quoique  dans  des  proportions  moindres, 
mais  devient  plus  large  que  chez  le  fœtus,  ainsi  qu'on  le  voit  lorsqu'on  a 
enlevé  le  tissu  des  ligaments  qui  s'insèrent  sur  les  côtés  et  au-dessous  de 
lui.  Souvent  il  devient  plus  large,  mais  moins  élevé  et  forme  ordinairement 
une  fente  ovalaire  transversale.  Jamais  il  ne  prend  la  forme  des  orifices 
dont  les  bords  sont  amenés  au  contact  par  contraction  d'un  sphincter.  11  n'y 
a  dans  l'ombilic  qu'un  simple  retrait,  comme  dans  les  tissus  qui  ne  sont  pas 
doués  de  propriétés  de  la  vie  animale  et  d'une  manière  variable,  selon  un 
grand  nombre  de  circonstances  individuelles;  dans  tous  les  cas,  il  est  facile 
de  constater  qu'il  n'y  a  jamais  une  striction  poussée  jusqu'à  la  possibilité 
d'une  section  comparable  à  celle  de  la  ligature.  M.  Malgaigne  a  déjà  combattu 
l'idée  de  M.  Richet,  d'après  laquelle  un  tissu  particulier  formerait  l'anneau 
ombilical  (Anat.  cnmuRGicALE,  Paris,  1859.  2'  édit.  p.  240,  245  et  378). 

Ainsi  deux  artères,  une  veine  et  l'ouraque  ou  le  cordon  qui  lui  succède 
se  rendent  à  l'anneau  ombilical  et  le  traversent,  pendant  toute  la  durée  de 
la  vie  intra-utérine,  et  même  pendant  quelques  jours  encore  après  la  nais- 
sance. Ces  artères,  qui  sont  des  plus  volumineuses  de  chaque  côté  de  la  li- 
gne blanche  convergent  vers  l'ombilic  où  elles  s'accolent  en  formant  les 
deux  côtés  d'un  angle  aigu. 

Le  sommet  de  cet  angle  est  surmonté  en  ligne  droite  par  la  veine  ombi- 
licale, volumineuse  aussi,  qui  se  rend  au  sillon  antéro-postéricur  du  foie  dans 
le  plan  médian  du  tronc.  L'angle  lui-même  est  exactement  divisé  en  deux 
moitiés  égales  par  le  cordon  ouracal  qui  surmonte  le  sommet  de  la  vessie, 
suit  le  milieu  de  la  ligne  blanche  depuis  la  vessie  jusqu'à  l'anneau  ombilical. 
Vue  par  sa  face  péritonéalc,  la  paroi  antérieure  de  l'abdomen  montre  donc 
pendant  la  vie  intra-utérine  quatre  organes  importants  qui  convergent  vers 
l'ombilic  dans  lequel  ils  s'accolent  ;  ou  réciproquement  ils  s'écartent  en  di- 
vergeant autour  de  cet  anneau  comme  centre.  Ils  se  dirigent,  deux  sur  la  li- 
gne médiane,  l'un  en  haut  qui  est  la  veine,  l'autre  eu  bas  (l'ouraque)  et  deux 
artères  sur  les  côtés  vers  le  fond  du  bassin. 

Cette  disposition  anatomique  est  des  plus  frappantes  sur  tous  les  fœtus  de 
mammifères.  Elle  est  directement  ou  implicitement  considérée  comme  per- 
sistante, c'est-à-dire  comme  se  retrouvant  chez  l'adulte,  sauf  les  modifica- 
tions dues  à  l'oblitération  et  à  la  diminution  de  volume  des  vaisseaux.  Mais 
cependant  ces  derniers  ne  conservent  aucune  connexion  directe  avec  l'om- 
bilic. 
Les  uns  ne  conservent  aucime  trace  de  relation  avec  l'anneau  ombilical  et 

se  retirent  complètement  vers  le  tionc  vasculaire  avec  lequel  ils  sont  en 


45 

continuité  de  tissu  ;  c'est  ce  qu'on  observe  pour  les  artères  sur  la  plupart 
des  mammifères,  tels  que  les  carnassiers,  les  rongeurs,  les  ruminants,  les 
solipèdes.  D'autres  fois,  comme  chez  l'homme,  ils  restent  tous  en  relation 
avec  l'ombilic;  mais  ces  rapports  sont  indirects  et  des  plus  remarquables, 
c'est-à-dire  représentés  par  des  faisceaux  ligamenteux,  développés  au  fur 
et  à  mesure  que  le  bout  des  vaisseaux  s'écarte  de  l'anneau.  Chez  quelques- 
uns  des  animaux  cités  ci-dessus,  tels  que  les  ruminants  et  les  solipèdes,  la 
veine  ombilicale  et  parfois  le  sommet  de  l'ouraque  conservent  avec  l'ombilic 
des  rapports  analogues;  mais  ils  sont  réduits  à  de  minces  filaments  liga- 
menteux; chez  d'autres,  tels  que  les  carnassiers  et  les  rongeurs,  ces  rap- 
ports n'existent  pour  aucun  de  ces  conduits.  Pendant  la  durée  du  dévelop- 
pement extra-utérin,  il  se  passe  par  conséquent  entre  l'anneau  ombilical  et 
le  bout  des  vaisseaux,  ainsi  que  sur  ceux-ci,  une  série  de  phénomènes  qui 
ont  pour  conséquence  l'apparition  chez  l'adulte  de  dispositions  anatomiques 
essentiellement  distinctes  de  celles  qui  existent  chez  le  fœtus.  Elles  ne  le 
sont  pas  moins  en  fait  des  descriptions  qu'on  en  donne. 

Le  phénomène  primitif  consiste  en  une  rétraction  des  artères  et  des  veines 
ombilicales  dont  les  extrémités  s'éloignent  ainsi  de  l'anneau  ;  mais  cet  éloi- 
gnement  est  dû  bien  davantage  encore  à  ce  que  ces  vaisseaux  et  l'ouraque, 
sans  cesser  de  s'accroître,  grandissent  moins  que  les  parois  abdominales,  et 
se  trouvent  ainsi  bientôt  placés  loin  du  centre  commun  auquel  ils  aboutis- 
saient, mais  auquel  ils  ont  cessé  d'être  directement  adhérents. 

Il  importe  de  remarquer  que  le  mot  rétraction,  appliqué  aux  artères  et 
aux  veines  ombilicales,  est  employé  ici  pour  désigner  leur  raccourcisement 
graduel  dans  le  sens  de  leur  longueur,  qui  s'opère  peu  à  peu  après  leur  sec- 
tion. Ce  mot  a  été  usité  par  beaucoup  d'auteurs  pour  désigner  la  diminution 
de  calibre  de  leur  cavité  qui  précède  cette  rétraction  ;  mais  ce  rétrécisse- 
ment reçoit  communément  en  physiologie  et  en  pathologie  le  nom  de  retrait 
des  vaisseaux  lorsqu'on  parle  de  celui  qui  a  lieu  pendant  la  vie  comme  après 
la  mort,  et  l'expression  de  retrait  des  artères  est  synonyme  de  systole  arté- 
rielle. 

Hétraction  chea  les  mammifères.  —  Ces  faits  ne  s'observent  pas  seulement 
chez  l'homme,  mais  encore  sur  tous  les  mammifères.  Chez  les  carnassiers, 
les  ruminants,  les  rongeurs,  etc.,  les  bouts  des  artères  descendent  sur  les 
côtés  du  bassin  plus  bas  que  le  fond  de  la  vessie.  Chez  le  cheval,  ils  descen- 
dent avec  le  fond  de  ce  réservoir  vers  le  sommet  duquel  ils  restent  généra- 
lement adhérents.  Ils  sont  durs  comme  le  reste  de  l'artère  oblitérée,  qui 
forme  un  cordon  blanc  jaunâtre,  à  extrémité  libre,  mousse,  non  renflée  ou 
même  légèrement  conique.  Ces  artères  sont  contenues  dans  les  deux  replis 
ou  ligaments  péritonéaux  des  côtés  de  la  vessie. 

Ainsi  chez  tous  les  mammifères  les  artères  et  la  veine  ombilicales  dont  le  bout 
intra-abdominal  se  voit  à  l'ombiliG  chez  le  nouveau-né,  ne  se  retrouve  plus 


46 

là  chez  l'enfant  de  quelques  semaines;  dès  l'âge  de  1  an  ou  2  au  plus,  c'est 
dans  le  bassin,  sur  les  côtés  de  la  vessie,  qu'il  faut  chercher  les  bouts  arté- 
riels et  plus  ou  moins  près  du  bord  antérieur  du  foie  qu  on  retrouve  celui  de 
la  veine. 

Chez  les  chats  nouveau-nés,  les  deux  artères  ombilicales  se  rendent  à  l'om- 
bilic sur  les  côtés  de  la  vessie,  dont  le  sommet  n'est  écarté  de  l'anneau  que 
par  un  court  pédicule  ouracal  solide,  épais  de  1  millimètre  environ  sur  3  à 
4  de  longueur.  La  veine  remonte  contre  la  ligne  blanche,  puis  passe  sous  le 
diaphragme  pour  joindre  la  veine  porte,  et  un  court  canal  veineux  à  l'ex- 
trémité supérieure  la  plus  reculée  du  sillon  médian  du  foie.  Il  y  a  en  outre, 
aboutissant  à  l'ombilic,  deux  minces  filaments  entièrement  libres  formés 
par  les  deux  paires  d'artères  et  de  veines  omphalo-mésentérique  ou  de  la 
vessie  ombilicale,  qui  sont  encore  pleins  de  sang,  comme  les  vaisseaux  om- 
bilicaux, plus  de  quarante-huit  heures  après  la  naissance  ;  à  cette  époque, 
le  cordon  ombilical  desséché  n'est  pas  encore  tombé.  Un  de  ces  filaments 
vasculaires  se  détache  de  la  mcsentérique  supérieure  et  en  particulier  des 
artère  et  veine  duodénales  à  2  ou  3  centimètres  au-dessous  du  pylore,  et 
l'autre  vient  de  bas  en  haut  derrière  la  vessie;  il  part  des  arlère  et  veine  de 
l'iléum  à  2  centimètres  au-dessus  de  l'abouchement  de  celui-ci  dans  le  cœ- 
cum.  Sur  quelques  sujets  on  trouve  un  troisième  filament  vasculaire,  sem- 
blable aux  précédents,  qui  se  détache  du  mésentère  près  de  son  adhérence 
an  j(''junum,  vers  le  milieu  de  cette  portion  de  l'intestin  grcle.  Ces  trois  fila- 
ments vasculaires  aboutissent  à  l'anneau,  et  le  traversent  comme  les  artères 
et  la  veine  ombilicale. 

Chez  ces  animaux  la  rétraction  des  artères  et  du  court  pédicule  de  l'ou- 
raque  commence  du  douzième  au  quinzième  jour  qui  suit  la  naissance,  trois 
à  cinq  jours  après  la  chute  du  bout  du  cordon  resté  adhérent  à  l'ombilic. 
Celle  de  la  veine  commence  seulement  plusieurs  jours  après,  et  les  vaisseaux 
(le  la  vésicule  ombilicale  se  détachent  de  l'anneau  vers  la  fin  du  premier 
mois  environ.  Comme  chez  le  cheval,  les  bouts  artériels  blancs,  mousses, 
restent  adhérents  au  sommet  du  court  pédicule  solide  de  l'ouraquc  qui  sur- 
monte le  sommet  de  la  vessie;  ils  s'écartent  simultanément  de  l'anneau.  Du 
vingtième  au  vingt-cinquième  jour,  ils  en  sont  déjà  éloignés  de  10  à  15  mil- 
limètres; un  filament  ligamenteux  aplati,  gris,  demi-transparent,  fibreux, 
s'étend  de  l'ombilic  à  leur  sommet  commuu.  Il  occupe  le  bord  libre  d'un 
petit  repli  péritonéal  qui  maintient  la  vessie  appliquée  contre  les  parois  de 
l'abdomen  et  qui  s'avance  jusqu'à  l'ombilic.  Ce  filament  ligamenteux  adhère 
au  bout  déjà  cicatrisé  de  la  veine,  et  le  tire  chez  quelques  sujets  pins  bas 
que  l'aimeau.  Les  artères  cicatrisées  aussi  dans  une  longueur  de  1  à  2  milli- 
mètres lorsque  la  rétraction  commence,  ne  laissent  pas  écouler  de  sang, 
comme  chez  l'homme,  mais  les  autres  phénomènes  de  la  rétraction  sont 
le.s  mêmes  que  ceux  (lui  ont  été  indiqués  plus  haut. 


47 
I.  —  Pathologie. 

SUR  LES  CONCRÉTIONS  TOPHACÉES  DE  l'OREILLE  EXTERNE  CHEZ  LES  GOUTTEUX; 

par  M.  Charcot. 

J'ai  recueilli  pendant  ces  dernières  années  un  certain  nombre  d'observa- 
tions qui  me  paraissent  propres  à  éclairer  plusieurs  points  de  l'histoire  cli- 
nique et  nécroscopique  de  la  goutte  proprement  dite;  j'espère  pouvoir  pro- 
chainement faire  part  à  la  Société  de  l'ensemble  des  résultats  auxquels  j'ai 
été  conduit  parla  comparaison  de  ces  observations;  mais,  pour  le  moment, 
je  me  bornerai  à  présenter  quelques  remarques  concernant  les  concrétions 
tophacées  qu'on  rencontre  assez  fréquemment  chez  les  goutteux,  sur  diverses 
parties  du  pavillon  de  l'oreille. 

Ces  concrétions  ont  déjà  été  remarquées  par  plusieurs  médecins  :  MM.  Fau- 
conneau-Dufresne  [in  Cruveilhier  :  Atlas  d'anat.  path.,  4'  liv.),  Todd  (Cli- 
Nic.  lectur.  on  urinary  organs.,  p.  419,  London,  1859),  Garrod,  entre  au- 
tres, les  ont  particulièrement  mentionnées  ou  décrites.  Ce  dernier  auteur 
surtout,  en  a  fait  une  étude  attentive  dont  les  résultats  ont  été  consignés 
d'abord  dans  un  mémoire  qui  fait  partie  des  Transactions  médico-chirur- 
gicales pour  l'année  1854  (vol.  XXXYII),  puis  dans  un  important  traité  de  la 
goutte  publié  récemment  (The  nature  and  treatment  of  gout,  London, 
1859).  C'est  plus  spécialement  sur  les  observations  de  M.  Garrod  et  sur  celles 
qui  nous  sont  propres  que  sont  fondées  les  considérations  qui  suivent. 

Le  nombre  des  concrétions  dont  il  s'agit  est  variable  ;  on  en  rencontre 
tantôt  une  ou  deux  seulement,  tantôt  jusqu'à  huit  ou  dix  sur  une  même 
oreille.  Elles  peuvent  n'exister  que  sur  une  seule  oreille  ou  occuper,  au  con- 
traire, les  deux  oreilles  d'un  même  sujet.  Ce  dernier  cas  semble  être  le  plus 
rare.  Leur  siège  de  prédilection  est  la  partie  supérieure  de  la  rainure  de 
l'hélix  ;  mais  on  les  observe  assez  fréquemment  sur  l'hélix  lui-môme  ou  sur 
son  bord  tranchant,  et  enfln  sur  l'anthélix.  Ainsi  qu'on  le  voit  sur  la  planche 
que  nous  présentons  à  la  Société,  elles  constituent,  chez  un  de  nos  malades, 
trois  petites  tumeurs  arrondies,  ayant  environ  le  volume  d'un  pois;  deux  de 
ces  tumeurs  occupent  l'extrémité  inférieure  de  l'anthélix  ;  la  troisième,  un 
peu  plus  volumineuse  que  les  autres,  est  située  sur  le  rebord  obtus  qui  limite 
en  arrière  la  cavité  de  la  conque  et  fait  légèrement  saillie  dans  cette  cavité. 
Nous  croyons  que  ces  concrétions  n'ont  pas  encore  été  rencontrées  sur  les 
parties  qui  composent  le  tiers  inférieur  du  pavillon,  sur  le  lobule,  par 
exemple.  Graves  (A  system  of  climcal  medicixe, Dublin,  1843,  p.  581),quidé- 
crit  une  congestion  du  lobule  de  l'oreille,  survenant  par  accès,  chez  quel- 
ques goutteux,  ne  dit  point  que  cette  congestion  ait  produit  quelquefois  dans 
les  parties  où  elle  se  porte,  un  dépôt  de  matière  topliacée. 

Dans  certains  cas,  les  concrétions  de  l'oreille  peuvent  acquérir,  comme 


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on  l'a  dit  plus  haut,  le  volume  d'un  pois.  Mais,  le  plus  souvent,  elles  sont  à 
peine  grosses  comme  une  lêlc  d'épingle  ou  un  grain  de  millet.  Elles  se  pré- 
sentent, d'ailleurs,  sous  deux  formes  principales.  Dans  une  première  forme, 
elles  constituent  de  petites  tumeurs  sous-cutanées,  hémisphériques,  plus  ou 
moins  régulières  et  plus  ou  moins  saillantes  ;  mobiles  avec  la  peau  ou  adhé- 
rentes au  cartilage  sous-jacent.  Parfois  obscurément  fluctuantes ,  elles  ont 
d'autres  fois  une  consistance  comme  pierreuse;  la  peau  qui  les  recouvre  peut 
avoir  conservé  sa  coloration  naturelle  ou  laisser  voir,  au  contraire,  par  trans- 
parence, la  substance  d'un  blanc  mat  qui  les  compose.  Dans  la  seconde 
forme,  ce  sont  de  petites  plaques  arrondies  qui,  semblent  faire  corps  avec  le 
tégument  externe  et  au  niveau  desquelles  la  matière  d'aspect  crayeux  est  à 
nu  ou  recouverte  seulement  par  une  mince  couche  épidermique. 

Extraite  à  l'aide  d'une  légère  incision  lorsque  les  concrétions  sont  pro- 
fondément situ(;es,  ou  détachée  par  le  grattage,  lorsqu'elles  sont  tout  à  fait 
superficielles,  la  matière  tophacée  peut  être  demi-liquide,  de  consistance  ca- 
séuse,  ou  offrir  enfin  la  dureté  de  la  craie.  Si  l'on  en  porte  un  fragment  sous 
le  microscope,  elle  paraît  quelquefois  composée  d'une  infinité  d'aiguilles 
cristallines,  principalement  lorsque  le  dépôt  est  mou  ou  de  formation  ré- 
cente (Garrod);  mais,  le  plus  souvent,  elle  se  présente  sous  f  aspect  d'une 
poudre  amorphe.  Si  l'on  soumet  la  préparation  à  l'action  de  l'acide  acétique 
concentré,  les  aiguilles  cristallines  ou  la  poudre  amorphe  se  dissolvent  bien- 
tôtj  quelquefois  avec  effervescence,  et  Ton  voit,  au  bout  d'un  certain  temps, 
se  former  en  leur  place,  de  nombreux  cristaux  affectant,  pour  la  plupart,  la 
forme  rhomboïdale  caractéristique  de  l'acide  urique.  Enfin,  traitée  par  l'acide 
nitrique  bouillant,  la  matière  tophacée  se  dissout,  et  donne  rapidement  lieu, 
lorsqu'on  fait  intervenir  l'ammoniaque,  à  une  belle  coloration  pourpre  de 
murexide.  Comme  on  le  voit,  la  substance  des  concrétions  de  roreille  ne 
diffère  par  aucun  caractère  essentiel  de  celle  qui  constitue  les  tophus  gout- 
teux articulaires  ou  abarticulaires. 

C'est,  le  plus  souvent,  à  la  suite  d'un  accès  de  goutte  articulaire,  intense 
ou  de  longue  durée,  que  se  produisent  les  concrétions  de  l'oreille.  Leur  for- 
mation n'est,  en  général,  accompagnée  d'aucun  symptôme  particulier,  et  les 
malades  les  portent  quelquefois  depuis  longtemps  sans  les  avoir  remarquées. 
Cependant,  parfois,  elles  donnent  lieu  de  temps  à  autre,  principalement  au 
moment  où  les  accès  articulaires  se  déclarent,  à  un  sentiment  de  gène  et  de 
picotement  ou  même  a  une  douleur  plus  ou  moins  vive  ;  il  n'est  point  rare, 
en  pareil  cas,  que  les  vaisseaux  cutanés  ou  sous-cutanés  qui  les  avoisineut 
soient  dilatés  et  paraissent  plus  nombreux  que  de  coutume.  Aprèsavoir  persisté 
pendant  plusieurs  mois  ou  même  plusieurs  années  sans  éprouver  de  modifica- 
tion appréciable,  les  dépôts  tophacés  de  l'oreille  peuvent  diminuer  de  vo- 
lume ou  s'etfacer  à  peu  près  complètement,  ainsi  que  cela  arrive  quelquefois 
aux  tophus  articulaires.  A  mesure  que  certains  dépôts  disparaissent  sur  un 


49 
point  (lo  l'oreille,  on  peut  en  voir  do  nouveaux  se  former  sur  un  autre  point. 
11  n'est  point  rare  (ine  les  concrétions  soient  rejetées  en  masse,  le  plus  com- 
munément à  la  suite  d'une  inflammation  plus  ou  moins  vive  qui  s'empare 
des  parties  avoisinantes.  L'intervention  d'un  travail  inflammatoire  n'est  ce- 
pendant ici  nullement  nécessaire.  .4insi  chez  un  goutteux  depuis  longtemps 
soumis  à  notre  observation,  une  concrétion  superficielle,  plate,  arrondie, 
ayant  2  millimètres  de  diamètre  environ,  d'un  blanc  mat,  paraissant  faire 
corps  avec  la  peau,  et  recouverte  seulement  par  une  mince  couche  d'épi- 
derme,  siégeait  depuis  plusieurs  mois  sur  l'hélice  de  l'oreille  droite.  D'abord 
très-adhérente  lorsque  nous  l'aperçûmes  pour  la  première  fois,  cette  con- 
crétion se  détacha  peu  à  peu,  d'abord  par  un  point  de  la  circonférence,  puis 
par  les  parties  profondes,  et  devint  tout  à  fait  mobile.  Un  jour  enfin  elle 
tomba  sans  que  le  malade  s'en  aperçût.  Or  ce  travail  d'élimination  sponta- 
née s'est  effectué  sans  que  la  peau  ait  jamais  présenté  aucun  indice  d'in- 
flammation. Une  petite  perte  de  substance  en  forme  de  fossette  et  représen- 
tant en  quelque  sorte  le  moule  externe  de  la  concrétion,  marqua  pendant 
longtemps  le  lieu  où  celle-ci  avait  existé. 

Il  ne  faudrait  pas  considérer  les  concrétions  tophacées  de  l'oreille  externe 
comme  un  objet  de  vaine  curiosité;  elles  paraissent,  au  contraire,  devoir 
tenir  une  place  importante  dans  l'histoire  clinique  de  la  goutte.  En  effet,  d'a- 
près les  recherches  de  M.  Garrod,  ce  seraient  de  tous  les  dépôts  goutteux 
situés  superficiellement,  et  dont  l'existence  peut  être  directement  reconnue 
pendant  la  vie,  ceux  qu'on  observe  le  plus  fréquemment.  Lorsque  sur  un 
point  du  corps,  au  voisinage  des  jointures  par  exemple,  il  existe  de  sem- 
blables dépôts,  on  en  rencontre  en  môme  temps,  du  moins  le  plus  commu- 
nément, quelqu'un  sur  l'oreille,  et,  de  plus,  l'oreille  peut  en  présenter  un  ou 
plusieurs,  alors  qu'il  n'en  existe  pas  ailleurs.  Voici,  du  reste,  les  résultats 
statistiques  sur  lesquels  se  fonde  l'opinion  de  M.  Garrod.  On  rechercha  atten- 
tivement chez  37  goutteux  s'il  existait  des  concrétions  d'urate  de  soude  soit 
à  la  surface  du  corps,  soit  au  moins  dans  des  points  ou  leur  constatation  est 
chose  facile;  ces  concrétions  furent  rencontrées  dans  17  de  ces  cas;  elles 
faisaient  défaut  dans  les  20  autres  cas.  Sur  les  17  cas  où  les  concrétions 
existaient,  sept  fois  elles  siégeaient  sur  l'oreille  seulement,  neuf  fois  on  les 
rencontrait  à  la  fois  sur  l'oreille  et  au  voisinage  des  jointures  ;  enfin,  dans  un 
seul  cas  il  en  existait  au  voismage  des  jointures,  bien  que  l'oreille  n'en  pré- 
sentât pas  de  traces.  Les  sujets  chez  lesquels  on  rencontra  des  dépôts  to- 
phacés  sur  l'oreille  externe  sans  qu'il  en  existât  au  voisinage  des  jointures, 
avaient  tous  éprouvé  ou  éprouvèrent  par  la  suite,  un  ou  plusieurs  accès  ar- 
thritiques bien  caractérisés.  Chez  plusieurs  d'entre  eux,  le  sang  et  l'urine 
furent  soumis  à  l'examen  chimique,  et  l'on  s'assura  que  ces  liquides  renfer- 
maient de  l'acide  urique  en  excès  ;  enfin  chez  deux  de  ces  individus  qui  suc- 
combèrent, bien  que  pendant  la  vie  les  jointures  ne  fussent  point  déformées , 
c.  R.  4 


50 
on  trouva  les  cartilages  d'encroûtement  de  plusieurs  articulations  chargt's 
de  dépôts  d'urate  de  soude. 

On  prévoit  aisément,  d'après  ce  qui  précède,  que  la  constatation  des  dépôts 
tophacés  de  l'orclUe  externe,  pourra,  dans  certaines  circonstances,  être  une 
précieuse  ressource  pour  le  diagnostic  ;  les  pertes  de  substance  ou  les  cica- 
trices que  les  concrétions  laissent  après  elles,  lorsqu'elles  se  sont  détachées 
spontanément,  devraient  également  être  recherchées  avec  soin. 

Des  dépôts  tophacés  analogues  à  ceux  que  nous  venons  de  décrire,  se  ren- 
contrent quelquefois,  au  dire  de  M.  Todd  {loc.  cit.,  lect.  XVI),  sous  la  peau 
qui  recouvre  les  cartilages  des  ailes  du  nez.  Jusqu'à  présent,  nous  n'avons 
pas  été  assez  heureux  pour  rencontrer  des  exemples  de  ce  genre. 

2°  ACCÈS  FÉBRILES  PÉRIODIQUES*,  VÉGÉTATIONS  FIBRINEUSES  SUR  DEUX  VALVULES 
AORTIQUES  ;   COLLECTION    SANGUINE  ET  PURULENTE  AU  POINT  DE  CONTACT  ET 

AU-DESSOUS  DE  CES  VALVULES  ;  observalious  par  M.  Lancereaux,  interne  des 
hôpitaux  de  Paris. 

Le  nommé  Thévenot,  âgé  de  25  ans,  potier,  entre  à  l'hôpital  de  la  Pité  le 
54  janvier  1860  (salle  Saint-Paul,  service  de  M.  le  docteur  Marrolte).  D'une 
taille  ordinaire,  d'un  embonpoint  modéré,  d'une  constitution  moyenne,  ce 
jeune  homme  jouit  généralement  d'une  bonne  santé.  Il  y  a  sept  ans,  il  con- 
tracta en  Afrique  une  fièvre  intermittente  qui  dura  trois  mois;  depuis  cette 
époque  il  a  toujours  été  bien  portant.  Douze  jours  environ  avant  son  entrée 
à  l'hôpital,  il  fut  pris  d'un  frisson  suivi  de  chaleur  et  d'une  sueur  abondante 
qui  siu'vint  environ  une  heure  plus  tard.  Puis  chaque  jour,  vers  deux  heures 
de  l'après-midi,  il  éprouva  le  même  accès. 

Le  25  janvier,  ce  malade  se  fait  remarquer  par  la  pâleur  de  son  teint.  H 
n'indique  aucun  siège  à  son  mal,  mais  il  est  facile  de  voir  que  la  respiration 
et  la  circulation  ont  une  fréquence  anormale.  Cependant,  les  poumons  exa- 
minés avec  soin  ne  présentent  aucun  phénomène  qui  puisse  en  rendre 
compte;  au  cœur  s'entend  un  léger  souffle  qui  se  prolonge  dans  les  veines 
du  cou.  La  langue  est  étalée,  couverte  d'un  enduit  jaunâtre,  nausées.  (Ipéca- 
stibié.) 

20  janvier.  L'accès  de  lièvre  n'est  pas  survenu  la  veille,  ou  tout  au  moins  il 
est  passé  inaperçu.  Le  26,  il  a  lieu  vers  l'heure  accoutumée;  mais  à  partir 
du  28,  la  lièvre  est  continue,  avec  paroxysmes  plus  ou  moins  réguliers. 
Bains. 

Le  29,  le  30  et  le  31,  l'état  du  malade  varie  peu,  la  lièvre  continue,  les  pa- 
roxysmes sont  |)eu  réguliers  et  parfois  suivis  d'une  sueur  abondante.  Malgré 
un  examen  attentif,  aucun  phénomène  ne  vient  révéler  l'existence  d'une  lé- 
sion capable  de  rendre  compte  de  l'état  fébrile.  La  rate  elle-même  est  à  peine 
plus  volumineuse.  L'expression  de  la  physionomie  indique  un  état  de  gène 


51 

et  de  malaise  excessifs.  Tenant  compte  des  antécédents  du  malade,  on  lui 
donne  de  liuit  à  douze  gouttes  de  liqueur  de  Fowler.  Du  1"  au  G  février,  on 
cesse  la  liqueur  de  Fowler,  et  le  malade  reçoit  de  l  à  2  grammes  de  sul- 
fate de  quinine  sans  qu'il  paraisse  en  résulter  un  changement  notable.  Il 
y  eut  néanmoins  une  légère  amélioration,  mais  trop  peu  prononcée  pour 
qu'il  fût  possible  de  conserver  l'idée  d'une  fièvre  intermittente. 

Les  principaux  organes  furent  de  nouveau  examinés  avec  soin,  et  le  foie 
ayant  paru  douloureux  et  augmenté  de  volume,  on  ordonna  des  ventouses 
scarifiées  et  les  bains  furent  repris. 

7, 8  et  9.  Les  paroxysmes  continuent,  mais  sans  régularité;  ils  sont  toujours 
suivis  d'une  abondante  transpiration.  Pendant  la  durée  du  frisson,  le  malade 
éprouve  de  violentes  douleurs  qui  le  font  crier,  se  tordre  et  se  pelotonner 
dans  son  lit;  le  pouls,  excessivement  petit  et  fréquent,  se  sent  à  peine,  la 
peau  est  peu  chaude  et  d'une  pâleur  excessive.  Dans  l'intervalle,  la  fréquence 
persiste;  on  pewt  compter  de  110  à  120;  les  bruits  du  cœur  sont  précipités  et 
métalliques.  Il  existe  à  la  base  et  dans  les  vaisseaux  qui  en  partent  un  double 
bruit  de  souffle  assez  doux  pour  être  rattaché  à  un  état  anémique  et  à  la  ra- 
I)idité  de  la  circulation.  (Les  bains  sont  continués.) 

10  et  11.  Peu  de  changement;  l'état  de  gêne  et  de  malaise  paraît  jilus 
grand.  Malgré  sa  fréquence,  le  pouls  en  dehors  des  accès  offre  encore  un 
développement  assez  considérable. 

Le  12  au  matin,  dyspnée  et  même  orli;opnée,  anxiété  excessive,  toux, 
crachais  aérés,  spiiracux,  sanguinolents,  pouls  très-fréquent;  même  état  le 
soir  et  le  lendemain  malin;  puis  enfin  la  mort  survient  après  un  dernier 
frisson. 

Nécropsie.  —  L'examen  de  l'habituJe  exlérieme  du  cadavre  n'offre  l'ien  à 
noter,  si  ce  n'esl  la  décoloration  do  la  peau  cl  do  légères  traces  d'œdème  aux 
membres  inférieurs. 

11  existe  dans  la  cavité  abdominale  un  demi  litre  environ  d'un  liquide 
jaune-citron  et  transparent. 

Les  reins  sont  sains. 

Le  foie,  un  peu  augmenté  de  volume,  a  sa  consistance  ordinaire;  des  faus- 
ses membranes  font  adhérer  la  paroi  costale  dans  u!ie  partie  de  sa  face  anté- 
rieure. 

La  rate  a  15  centimètres  de  long,  sa  tunique  fibreuse,  épaissie  et  noirâtre, 
adhère  au  iliaphragme;  sou  tissu  est  ramolli;  la  moindre  pression  le  réduit 
en  bouillie. 

Il  y  a  un  œdème  général  des  poumons  et  de  la  congestion  dans  quelques 
points.  Une  sérosité  spumeuse  sanguinolente  se  trouve  remplir  les  bronches 
dont  la  muqueuse  est  fortement  colorée  en  rouge. 

Chargé  de  graisse  à  sa  face  antérieure,  le  cœur  est  plus  volumineux,  toute 
proportion  gardée,  qu'à  Pétat  normal.  C'est  principalement  sur  le  ventricule 


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52 
gauche  que  porte  l'augmentation  de  volume.  A  part  une  légère  dilatation  de 
ses  cavités  et  de  ses  oriflces,  le  cœur  droit  est  sans  K'sion.  La  dilatation  des 
cavités  est  plus  considérable  à  gauche;  mais,  en  outre,  les  valvules  auriculo- 
ventriculaires,  d'une  teinte  jaunâtre,  sont  légèrement  épaissies,  et  à  l'orifice 
aortique  existe  une  altération  rare  et  curieuse, 

Valvules  sygmoïdes.  —  L'une  de  ces  valvules  est  intacte,  ainsi  que  les 
moitiés  correspondantes  des  deux  aulres,  tandis  que  les  secondes  moitiés  de 
ces  dernières  sont  couvertes  de  végétations  fibrineuses  qui  donnent  à  leur 
bord  libre  une  épaisseur  considérable.  Situées  tant  à  la  surface  de  l'endo- 
carde que  dans  le  tissu  conjonctif  et  élastique  compris  entre  le  repli  du 
feuillet  endocardique,  ces  végétations  sont  composées  en  grande  partie  de 
granulations  élémentaires  jaunâlrcs. 

Le  dépôt  fibrineux  est  surtout  abondant  au  point  de  contact  des  deux  val- 
vules, et  le  point  est  précisément  celui  (pii  se  trouve  situé  entre  les  origines 
des  deux  artères  cardiaques. 

Cette  lésion  valvulaire  qui,  en  même  temps  qu'elle  rétrécit  l'orifice,  l'em- 
pécbe  de  se  fermer  complètement,  cache  au-dessous  d'elle  une  altération 
d'une  nature  en  apparence  dilTérente,  mais  qui  très-probablement  reconnaît 
la  même  origine.  En  efi'ef,  une  incision  pratiquée  au  point  de  contact  des 
valvules  altérées  et  prolongée  au-dessous  d'elles,  donne  lieu  à  l'écoulement 
d'un  liquide  épais  jaune  brunâtre  formé  de  pus  et  de  sang.  Ce  liquide,  dont 
la  quantité  peut  être  évaluée  à  ce  que  contiendraient  deux  à  trois  dés  à  cou- 
dre, se  trouve  collecté  dans  une  cavité  dont  les  parois  irréguliôres  et  anfrac- 
tueuses  de  5  à  6  centimètres  de  diamètre ,  sont  formées  en  avant  par 
les  valvules  épaissies  et  altérées,  et  en  arrière  par  le  tissu  musculaire  lui- 
même.  Des  granulations  élémentaires,  des  globules  pyoïdes  très-nombreux, 
très-volumineux  et  parfaitement  caractérisés,  des  globules  sanguins  et  des 
débris  de  faisceaux  musculaires,  tels  sont  les  éléments  qui  entrent  dans  sa 
composition. 

Voilà  le  fait  tel  que  je  l'ai  observé  ;  si  maintenant  on  me  demande  à  quoi 
peut  se  rattacher  cette  singulière  altération,  j'avoue  que  je  l'ignore,  le  ma- 
lade ne  paraissant  pasavoir  jamais  présenté  aucune  atteinte  de  rhumatisme 
ou  de  syphilis. 

Les  accès  fébriles  intermittents  me  paraissent,  toutefois,  tenir  de  la  fièvre 
paludéenne  contractée  en  Afrique,  et  à  l'altération  du  cœur  qui  aurait  agi  en 
grande  partie  comme  cause  occasionnelle. 


COMPTE  RENDU  DES  SÉANCES 


DE 


r  r 


LA  SOCIETE  DE  BIOLOGIE 

PENDANT  LE  MOIS  DE  JUIN  1860; 

Par  m.  le  Docteur  J.  MARE  Y,  secrétaire. 


PRESIDENCE  DE  M.  RAYER. 


I,  —  Physiologie. 


NOTE  SUR  LE  MECANISME  DE  LA  RETRACTION  DES  ONGLES  DES  FELIS,  ET  DES 
CROCHETS  DES  LINGUATULES  TROUVÉS  DANS  LES  POUMONS  DES  SERPENTS; 

communiquée,  en  décembre  1859,  par  le  docteur  Henri  Jacquart,  aide- 
naturaliste  au  jardin  des  plantes  de  Paris. 

Que  la  puissance  créatrice  se  manifeste,  soit  dans  l'arrangement  des  ap- 
pareils organiques  des  animaux  les  plus  petits  ouïes  plus  abaissés  dans  l'é- 
chelle des  êtres,  soit  dans  la  disposition  des  armes  formidables  dont  elle  a 
pourvu  certains  vertébrés  les  plus  élevés,  la  simplicité  des  moyens  qu'elle 
met  en  usage  n'est  pas  moins  admirable.  On  ne  saurait  méconnaître  l'unité 
ou  l'uniformité  des  procédés  employés  pour  obtenir  des  résultats  sem 
blables. 

C'est  ainsi .  par  exemple,  qu'on  voit  s'opérer  par  le  même  mécanisme,  dans 


54 
l'état  de  repos,  la  rétraction  des  ongles  du  lion  et  de  tous  les  félis,  et  celle 
des  crochets  des  lingualules  qui  liai)itent  les  poumons  des  opiiidiens,  et 
qui,  après  avoir  élé  regardt-s  pendant  longtemps  comme  des  vers,  sont  ran- 
gés maintenant  parmi  les  crustacés  parasites. 

Toutefois  on  ne  saurait  se  défendre  d'un  certain  étonnement  à  la  vue  de 
cette  analogie  entre  deux  types  si  éloignés  l'un  de  l'autre  par  le  rang  qu'ils 
occupent  dans  la  série  animale. 

Chez  les  félis  l'agencement  des  ongles  avec  les  dernières  phalanges  et  de 
celles-ci  avec  les  secondes  est  généralement  connu  et  décrit  dans  tous  les 
ouvrages  d'anatomie  comparée.  11  nous  semblerait  donc  inutile  de  le  rappe- 
ler, si  une  description  succincte  ne  devait  faire  mieux  ressortir  la  similitude 
de  leur  disposition  avec  celle  des  crochets  de  nos  linguatulcs. 

Nous  avons  sous  les  yeux  deux  pièces  appartenant  à  la  collection  d'ana- 
tomie comparée  du  Muséum  :  c'est  le  membre  antérieur  droit  d'un  jeune 
tigre  revêtu  de  ses  ligaments,  et  de  ses  muscles  et  le  squelette  du  membre 
thoracique  d'un  autre,  et  c'est  sur  elles  que  nous  faisons  notre  description. 

La  configuration  de  la  dernière  phalange,  ou  phalange  unguéale  des  doigts 
et  des  orteils,  est  tellement  particulière  chez  les  félis  que,  lorsiiuc  cette 
phalange  est  dépourvue  d'ongle,  elle  est  à  peine  reconnaissablc.  En  eCTet, 
qu'on  se  figure  un  énorme  capuchon  osseux  du  fond  duquel  s'avance  une 
première  crête  ou  cloison  très-épaisse  en  avant,  plus  mince  en  haut  et  eu 
arrière,  terminée  dans  le  premier  sens  par  un  bord  tranchant  et  arrondi  et 
laissant  entre  lui  et  le  sommet  du  capuchon  un  espace  égala  peu  près  au 
tiers  de  l'étendue  de  la  cavité  de  celui-ci,  puis  au-dessus  une  espèce  de  pe- 
tit crochet  osseux  recourbé  et  comme  placé  là  pour  ajouter  encore  à  la  so- 
lidité de  l'emboîtement  de  l'ongle  par  la  phalange.  Ces  deux  crêtes  s'en- 
gagent profondement  dans  la  substance  cornée  de  l'ongle,  et  celui-ci  leur 
est  soudé  étroitement  par  l'iiitermédiairo  de  sa  matrice  et  des  parties  molles. 
Nous  supposons  ici  (pie  la  i)]ialangc  unguéale  est  relevée,  car  si  elle  est 
abaissée,  l'excavation  du  capuchou  osseux  que  nous  décrivuns  comme  an- 
térieure devient  inférieure. 

La  loge  creusée  dans  la  face  palmaire  de  la  phalange  pour  recevoir  l'ongle 
n'en  occupe  que  les  deux  tiers  de  la  longueur;  le  reste  de  cet  os  est  ar- 
rondi. Mais  au  lieu  de  s'articuler  avec  la  seconde  phalange  par  l'extré- 
mité opposée  au  capuchon,  c'est  par  une  facette  située  au-dessous  de  la 
convexité  de  celui-ci,  et  par  conséquent  à  la  face  dorsale  de  la  phalange 
que  celle-ci  s'articule  avec  la  tête  de  la  seconde.  Un  ligament  fibreux  jarme 
élastique  s'attache  sur  le  côté  externe  de  cette  tète,  et  de  là  s'insère  en  haut 
et  en  dehors  à  la  convcxiff'-  du  capuchou  qu'elle  relève. 

De  plus  la  seconde  phalange  sur  sa  face  externe  est  excavéc  de  manière 
à  permettre  à  la  phalange  unguéale,  complètement  relevée,  de  venir  s'y  lo- 
ger et  se  coucher  en  quelque  sorte  contre  elle. 


55 

Le  ligament  toujours  tendu  par  son  élasticité,  l'est  fortement  quand  la  pha- 
lange est  abaissée,  et  beaucoup  moins  quand  elle  est  relevée.  C'est  par  l'ac- 
tion de  ce  ligament  que  la  nature  a  remplacé,  dans  l'état  de  repos,  la  con- 
traction des  muscles  extenseurs.  C'est  ainsi  que  les  ongles  des  félis  ne  sont 
pas  exposés  à  être  à  chaque  instant  usés  par  les  frottements  contre  le  sol, 
et  qu'il  n'y  a  aucune  dépense  de  force  musculaire  pour  obtenir  l'intégrité 
de  ces  armes  puissantes  dont  ils  sont  pourvus.  Voilà  ce  qui  se  passe  dans 
l'état  de  repos  des  muscles  qui  relèvent  les  phalanges  unguéales.  Mais  on 
comprend  que  hors  cet  état  l'animal  peut  contracter  les  nombreux  muscles 
extenseurs  de  ces  phalanges. 

Ainsi  la  rétraction  en  haut  des  phalanges  unguéales  des  doigts  se  fait  pas- 
sivement par  le  jeu  du  ligament  élastique,  mais  elle  peut  encore  avoir  lieu 
activement  par  la  contraction  des  muscles  extenseurs. 

Dans  ces  derniers  temps  (avril  1859),  ayant  obtenu  de  M.  le  professeur 
Auguste  Duméril  la  faveur  de  faire  l'autopsie  de  deux  pythons  de  Zéba,  dont 
l'un,  le  plus  gros  serpent  qu'on  ait  pu  admirer  dans  la  ménagerie  des  reptiles, 
était  long  de  4  mètres  30,  et  l'autre  de  3  mètres,  nous  fûmes  assez  heureux 
pour  trouver  dans  leurs  poumons  des  linguatules  en  assez  grand  nombre 
dont  les  mâles  avaient  environ  5  centimètres  de  longueur,  et  les  femelles 
13  à  14.  Nous  avons  constaté  que  ces  linguatules  appartenaient  à  l'espèce 
désignée  par  M.  Van  Beneden  sous  les  nom  de  linguatula  Diesingi.  Seulement  les 
siens  étaient  des  nains,  et  les  nôtres  sont  des  géants.  Nous  avons  pu  confirmer 
toutes  ses  belles  observations  sur  l'anatomie  des  linguatules.  Ce  n'a  pas  été 
sans  une  profonde  admiration  pour  l'habilité  qui  lui  a  permis  de  voir  sur 
des  objets  microscopiques,  ce  que  nous  n'avons  constaté  qu'avec  labeur  sur 
des  individus  presque  faciles  à  disséquer  à  l'œil  nu.  Mais,  aussi  favorisé 
que  nous  étions  par  les  grandes  proportions  de  nos  linguatules,  nous  avons 
redressé  ou  complété  quelques  particularités  qui  avaient  été  omises  ou  in- 
complètement observées  par  l'illustre  micrographe  que  nous  venons  de 
nommer.  Ainsi,  par  exemple,  nous  avons  étudié  d'une  manière  plus  com- 
plète leurs  crochets,  les  différentes  pièces  qui  en  dépendent.  Nous  avons 
disséqué  les  muscles  qui  les  meuvent,  et  les  nombreux  nerfs  qui  se  rendent 
à  ces  muscles. 

Mais  pour  le  moment  nous  nous  bornerons  à  exposer  ce  qui  fait  le  sujet 
de  cette  communication,  c'est-à-dire  que  nous  décrirons  d'abord  les  cro- 
chets des  linguatules,  et  les  différentes  pièces  qui  forment  en  quelque  sorte 
le  squelette  du  levier  sur  lequel  s'insèrent  leurs  muscles  moteurs,  puis  le 
ligament  élastique  qui  les  fait  rétracter  en  arrière  et  qui  répond  à  celui 
des  phalanges  unguéales  des  félis. 

Ce  qui  constitue  le  crochet  proprement  dit  des  linguatules  correspond 
exactement  à  la  partie  cornée  de  l'ongle  des  félis  ;  il  en  a  toute  la  forme. 
C'est  ce  que  nous  est  facile  d'établir  eu  comparant  les  dessins  que  nous 


56 
avons  faits  des  deux  et  d'après  lesquels  on  serait  tenté  de  les  confondre.  Une 
seconde  pièce  beaucoup  plus  petite  se  soude  à  ce  crochet,  mais  peut  en  être 
séparée;  elle  a  la  forme  d'un  petit  triangle  dont  un  bord  s'unit  à  la  base  du 
crochet,  et  les  deux  autres  concaves  et  latéraux  sont  joints  par  une  mem- 
brane à  la  troisième  pièce  dont  nous  parlerons  plus  loin.  L'une  des  faces 
de  cette  plaque  triangulaire  est  convexe  et  regarde  vers  la  tête;  l'autre,  con- 
cave, est  tournée  vers  la  queue  de  l'animal. 

La  disposition  de  la  troisième  pièce,  la  plus  volumineuse  des  trois,  rap- 
pelle assez  bien  celle  du  cartilage  thyroïde  du  larynx  de  l'homme,  si  ce  n'est 
qu'elle  n'a  que  deux  grandes  cornes  et  pas  de  petites.  Celles-là  sont  tour- 
nées en  avant,  et  viennent  de  chaque  côté  s'unir  sur  le  milieu  de  la  circon- 
férence de  la  base  du  crochet  qui  est  ainsi  fixé  à  la  fois  en  avant  à  la 
deuxième  pièce  triangulaire  déjà  décrite,  et  en  arrière  aux  deux  grandes 
cornes  que  nous  venons  d'indiquer.  De  nombreux  muscles  très-puissants 
s'attachent  aux  différentes  pièces  formées  de  kytine  qui  constituent  le  sque- 
lette des  annexes  du  crochet  et  le  crochet  lui-même  et  peuvent  le  mouvoir, 
soit  pour  le  relever,  soit  pour  l'enfoncer  dans  les  tissus,  et  ils  représentent  les 
muscles  fléchisseurs  et  extenseurs  qui  meuvent  les  troisièmes  phalanges  des 
félis.  Mais  nous  renvoyons  à  un  autre  mémoire  leur  description,  et  nous  nous 
contenterons  d'indiquer  le  ligament  qui,  dans  l'état  de  repos,  c'est-à-dire 
lorsque  le  linguatule  ne  fait  pas  jouer  les  muscles  moteurs  de  ses  crochets, 
par  sa  seule  élasticité,  les  maintient  enfoncés  dans  les  tissus.  C'est  un  petit 
ligament  qui  s'insère  d'une  part  à  la  partie  postérieure  et  inférieure  de  la 
base  de  l'ongle,  et  de  l'autre  à  la  face  interne  de  l'enveloppe  de  l'animal 

Comme  on  le  voit,  pour  être  semblable  au  ligament  élastique  qui  rétracte 
les  phalanges  unguéales  de  félis,  il  devrait  s'insérer  en  avant  et  en  haut  à  la 
base  du  crochet,  à  l'union  de  cette  base  avec  la  convexité  de  ce  crochet,  et 
le  relever  ainsi  en  avant.  Mais  cela  tient  à  ce  que  l'état  de  repos  pour  les 
ongles  des  félis  est  en  sens  inverse. 

Les  ongles  du  tigre  se  rétractent  en  haut  dans  l'état  de  repos  ;  les  crochets 
des  linguatules  se  portent,  au  contraire,  en  bas,  pour  les  fixer  dans  les  tissus, 
de  manière  à  leur  éviter  l'effort  continuel  de  contraction  musculaire,  qu'il 
leur  aurait  fallu  sans  cela  pour  rester  immobiles.  Ils  ne  contractent  les 
muscles  redresseurs  des  crochets  que  lorsqu'ils  veulent,  afin  de  changer  de 
place,  les  sortir  des  organes  où  ils  les  avaient  implantés  pour  les  enfoncer 
dans  d'autres  points.  Nos  recherches  sur  le  système  nuisculairc  des  lingua- 
tules n'étant  pas  encore  achevées,  nous  ne  saurions  l'affirmer,  mais  il  est 
probable,  si  l'on  en  juge  par  l'analogie,  qu'il  y  a,  comme  nous  l'avons  dit,  des 
muscles  qui  sont  destinés  à  faire  pénétrer  plus  éncrgiquement,  que  par  le 
jeu  du  ligament  rctracteur,  les  crochets  des  linguatules  dans  l'action  de  pro- 
gresser, ou  de  fouir  en  quelque"  sorte  dans  les  tissus,  à  la  manière  des 
taupes.  j. 


S'il  est  permis,  comme  Ta  dit  Virgile,  minima  parvis  componere,  on  voudra 
bien  nous  pardonner  d'avoir  ainsi  comparé  le  mécanisme  qui  rétracte  dans 
l'état  de  repos  les  phalanges  unguéales  du  lion,  et  les  crocliets  des  lingua- 
tules  trouvés  dans  les  poumons  des  serpents.  Tout  en  sentant  la  disparité 
des  termes  de  cette  comparaison,  telle  est  notre  admiration  pour  les  sa- 
vantes doctrines  de  GeolTroy-Saint-Hilaire,  que  nous  n'avons  pu  nous  em- 
pêclier  d'esquisser  ici  les  principaux  traits  de  l'analogie  des  moyens  em- 
ployés en  sens  inverse,  pour  arriver  au  même  résultat  :  remplacer  la 
contraction  des  muscles  par  l'élasticité  d'un  ligament. 

II.  —  Toxicologie  physiologique. 

CONCLUSIONS  d'un  RAPPORT  FAIT  PAR  UNE  COMMISSION  DE  LA  FACULTÉ  DE 
MÉDECINE  DE  NAPLES,  SUR  LES  EFFETS  TOXIQUES  ET  PHYSIOLOGIQUES  DU 
CYCLAMEN  ET  DE  LA  CYCLAMINE  ;  SUIVIES  DE  REMARQUES  DE  M.  VULPIAN  SUR 
l'action  de  la  CYCLAMINE 

Une  commission  delà  Faculté  de  médecine  de  l'Université  royale  de  Naples 
a  été  instituée  pour  examiner  si  l'usage  de  la  pêche  à  l'aide  du  cyclamen 
offre  des  dangers  au  point  de  vue  de  l'alimentation  publique.  Un  rapport 
très-étendu,  contenant  de  nombreuses  recherches  toxicologiques  et  physio- 
logiques a  été  publié  Tannée  dernière,  et  un  exemplaire  de  ce  rapport  a  été 
offert  à  la  Société  de  biologie. 

La  commission  était  composée  des  professeurs  Stefano  délie  Chiaje,  Fr.-S. 
Scarpati,  Pasqualedurli,  G.  Trinchera  et  Salvi  de  Renzi,  rapporteur.  Les  ex- 
périences ont  été  faites  par  M.  E:  rico  de  Uenzi,  et  répétées,  pour  la  plupart, 
par  la  commission. 

Le  sujet  de  ce  rapport  étant  intéressant  à  plusieurs  points  de  vue,  il  n'est 
pas  inopportun  de  donner  connaissance  à  la  Société  des  principales  conclu- 
sions déduites  des  expériences  soit  par  M.  Errico  de  Renzi,  soit  par  la  com- 
mission. Le  travail  se  divise  en  deux  parties  :  l'une  d'elles  est  consacrée  à 
l'étude  toxicologique  du  cyclamen,  l'autre  aux  recherches  physiologi- 
ques. 

PREMIÈRE  PARTIE.  — CONCLnSIOÎIS. 

1"  Le  cyclamen  est  un  poison  très-actif  pour  les  grenouilles  et  les  pois- 
sons, et  son  action  toxique  n'est  pas  due  uniquement  à  la  cyclamine. 

2«  De  quelque  manière  que  le  cyclamen  soit  introduit  dans  l'économie  chez 
les  oiseaux,  il  produit  toujouis  la  mort  ;  seulement  sou  action  est  plus  faible 
que  celle  qu'il  a  sur  les  grenouilles. 

3°  Le  cyclamen  est  une  substance  à  peu  près  inoffensivc,  s'il  est  introduit 
dans  l'estomac  des  mammifères  :  injecté  dans  la  trachée  ou  le  tissu  cellu- 
laire, il  est  toxique,  mais  lentement,  et  seulement  à  fortes  doses. 


58 

4»  L'action  vénéneuse  du  cyclamen  sur  l'horame  n'est  pas  sensible  :  il  n'a. 
qu'une  action  irritante. 

50  Les  poissons  empoisonnés  par  le  cyclamen  ne  sont  pas  vénéneux  pour 
l'homme  qui  les  mange. 

DErXlÈSIE  PARTIE.  —  COSCLtSIOSS. 

Chap.  ï.  —  Action  sur  le  système  nerveux.  —  1°  L'action  de  la  cyclamine  se 
produit  d'abord  sur  le  cerveau,  puis  sur  la  moelle  épinière,  ensuite  sur  les 
nerfs,  et,  en  dernier  lieu,  sur  les  muscles. 

2o  Outre  l'action  générale,  la  cyclamine  exerce  une  action  locale  sur  les 
nerfs,  détruisant  dans  le  lieu  d'application  l'irritabilité  nerveuse. 

3»  L'action  de  la  cyclamine  porte  sur  les  nerfs  moteurs,  en  respectant  le 
pouvoir  sensilif  des  mêmes  nerfs. 

CiiAP.  II.  —  Action  sur  le  système  musculaire.  —  1"  Le  cyclamen,  après 
avoir  détruit  le  pouvoir  moteur  des  nerfs,  détruit  encore  l'irritabilité  mus- 
culaire. 

2°  En  plaçant  directement  au  contact  d'une  solution  de  cyclamen  les  mus- 
cles d'une  grenouille,  ceux-ci  perdent  bientôt  leur  excitabilité. 

3"  Le  cyclamen,  par  l'action  qu'il  exerce  sur  le  pouvoir  moteur  des  nerfs 
et  sur  les  muscles,  diffère  beaucoup  du  curare. 

Chap.  III.  —  Action  sur  le  sang.—  l"  La  cyclamine  et  le  cyclamen  facilitent 
beaucoup  la  putréfaction  du  sang. 

2»  Les  carbonates  de  soude  et  de  potasse  enlèvent  en  bonne  partie  à  la  cy- 
clamine la  propriété  septique  susdite. 

Chap.  IV.  — Action  du  cyclamen  introduit  dans  le  tissu  cellulaire  ou  dans 
l'estomac.  —  i"  La  cyclamine  et  le  cyclamen  déterminent  une  gangrène,  par 
injection  dans  le  tissu  cellulaire  sous-cutané;  et  introduits  dans  un  orga- 
nisme vivant  ou  mort,  ils  facilitent  toujours  la  putréfaction. 

2°  Le  cyclamen  introduit  dans  l'estomac  des  mammifères  ne  produit  pas  la 
mort,  à  cause  de  ral)sorption  peu  active  qui  s'en  fait  par  cet  orgaue,  de  la 
lenteur  et  de  la  nature  de  son  action. 

CiiAP.  V.  —  Mécanisme  de  la  mort  chez  les  animaux  empoisonnés  par  le  cy- 
clamen. —  Chez  les  mammifères,  la  mort  survient  en  partie  par  l'action  géné- 
rale, mais  spécialement  par  la  gangrène,  qui  a  lieu  au  point  où  a  été  faite 
l'injection;  chez  les  grenouilles  et  les  poissons,  la  mort  advient  par  l'action 
vénéneuse  que  la  cyclamine  produit  sur  le  système  nerveux. 

Chap.  VI.  —  Classification  du,  cyclamen  parmi  les  autres  poisons.  —  Le  cy- 
clamen doit  être  placé  parmi  les  poisons  uarcotico-âcres. 


59 

Conclusions  générales  énoncées  par  la  commission  qui  a  répété  les  expériences 
de  M.  E.  de  Renzi. 

1°  Les  poissons  ressentent  d'autant  plus  facilement  l'action  du  cyclamen 
qu'ils  sont  plus  petits  et  plus  délicats. 

2»  L'effel  immédiat  et  le  plus  sensible  de  l'empoisonnement  par  la  cycla- 
mine  est  l'abolition  de  toute  faculté  des  nerfs  moteurs,  suivie  de  l'altératiOD 
du  sang,  de  l'aspbyxie  et  delà  mort. 

3'  Les  poissons  récoltés  par  ce  moyen  ne  sont  pas  vénéneux  pour  l'homme 
qui  les  mange;  mais  ils  peuvent  devenir  insalubres  quand  ils  ne  sont  pas 
mangés  aussitôt  après  avoir  été  récoltés,  à  cause  de  leur  corruption  facile  et 
rapide. 

4°  L'eau  de  la  mer  et  des  fleuves  qui  tient  en  solution  une  petite  quantité 
de  suc  de  cyclamen  ou  de  cyclamine,  devient  vénéneuse  pour  des  généra- 
tions entières  de  poissons,  fait  mourir  plus  facilement  les  petits  i)oissons 
éclos  depuis  peu,  et  rend  ainsi  plus  rare  et  plus  coiîteuse  une  nourriiure  si 
utile  à  l'économie  animale  et  si  importante  pour  l'industrie. 

5°  On  doit  donc  éviter  la  pèche  à  l'aide  du  cyclamen,  parce  que  c'est  un 
moyen  qui  empoisonne  les  poissons  et  qui  livre  au  commerce  un  aliment 
peu  salubre,  et  parce  qu'il  faut  ménager  un  aliment  précieux  et  sain.  (Août 
1859.) 

REMARQUES  DE  M.  VULPIAN,  A  L'OCCÂSION  DE  CE  RAPPORT, 
SUR  L'ACTION  DE  LA  CYCLAMINE. 

Les  observations  que  je  désire  présenter  à  la  Société,  au  sujet  du  rapport 
de  la  commission  de  Kaples  sur  la  cyclamine,  sont  principalement  relatives 
à  la  partie  physiologique  de  ce  rapport.  La  commission  a  été  conduite  par 
ses  expériences  à  admettre  que  «  l'effet  immédiat  et  le  plus  sensible  de  l'em- 
*  poisonnement  par  la  cyclamine  est  rabolition  de  toute  faculté  des  nerfs 
«  moteurs,  suivie  de  l'altération  du  sang,  de  l'asphyxie  et  de  la  mort.  »  Or,  il 
y  a  un  autre  effet  qui  n'a  point  frappe  la  commission  et  qui  est  cependant 
très-saillant,  très-important,  peut-être  le  plus  important  de  tous.  Cet  effet,  je 
l'avais  déjà  signalé  en  1858  (COiMPTES  rendus  de  la  Soc.  de  biol.,  p.  78  et  79j. 
Je  n'avais  pas  alors  pu  essayer  la  cyclamine  sur  des  poissons,  et  j'avais  dû 
borner  mes  expériences  aux  embryons  de  grenouille  et  de  triton  et  aux  gre- 
nouilles elles-mêmes. 

J'avais  vu  alors  que  la  cyclamine  a  une  action  toute  spéciale  sur  le  tégu- 
ment externe  :  c'est,  disais-je,  une  sorte  d'action  vésicante.  J'ai,  depuis,  ré- 
pété ces  expériences,  j'ai  pu  les  faire  sur  des  poissons,  et  le  résultat  a  été 
d'accord  avec  celui  que  j'avais  consigné,  en  1858,  dans  les  Comptes  rendus 
DE  LA  Société. 


Voici,  en  résuméi  ce  qu'on  observe  lorsqu'on  met  une  grenouille  dans  une 
Bolution  aqueuse  et  assez  faible  de  cyclamine.  Souvent,  dès  le  début,  il  y  a 
de  l'agitalion,  des  efforts  pour  fuir;  il  semble  y  avoir  une  assez  vive  excita- 
tion :  dans  d'autres  cas,  l'animal  reste  calme.  Peu  de  temps  après  et  avec  d'au- 
tant plus  de  rapidité  que  la  solution  est  plus  forte,  on  reconnaît  déjà  quel- 
ques signes  indiquant  l'action  de  la  cyclamine.  La  peau,  sur  diverses  parties 
du  corps,  particulièrement  sur  les  avant-bras  et  sur  les  jambes,  prend  d'or- 
dinaire une  teinte  légèrement  Mancbâtre,  visible  surtout  dans  une  direction 
oblique  du  regard.  Les  paupières  acquièrent  également  une  teinte  analogue, 
et  il  devient  de  pins  en  plus  manifeste  qu'elles  perdent  leur  transparence. 
En  même  temps  on  constate  une  assez  riche  injection  de  la  membrane  inter- 
digitale ;  on  peut  même  quelquefois  découvrir  une  vascularisation  anormale 
des  yeux.  Ce  sont  là  les  effets  que  détermine  le  plus  souvent  la  cyclamine 
pendant  les  premières  heures  de  l'immersion.  Lorsque,  par  les  progrès  de 
son  influence  délétère,  la  substance  a  déterminé  la  mort,  on  trouve,  en  gé- 
néral, la  grenouille  dans  son  attitude  normale,  sans  que  rien  puisse  dénoter 
qu'elle  ait  eu  des  convulsions  dans  les  derniers  temps  de  sa  vie.  Dans  une 
solution  contenant  une  dose  suffisante  de  cyclamine  pour  déterminer  la  mort, 
celle-ci  a  lieu  en  moins  de  vingt  heures.  Au  bout  de  vingt  heures  même,  il  y 
a  souvent  déjà  une  légère  odeur  de  putréfaction.  Mais  lorsque  la  solution  est 
assez  forte,  la  mort  peut  être  beaucoup  plus  prompte.  Ainsi  dans  une  solu- 
tion de  5  centigrammes  de  cyclamine  dans  150  grammes  d'eau,  une  grenouille 
est  morte  en  une  heure  (H.  Dans  ce  cas,  les  phénomènes  ont  marché  avec 
une  rapidité  exceptionnelle,  et  l'on  a  pu  les  observer  d'une  façon  continue 
et  très-complète  :  il  n'y  a  pas  eu  la  moindre  convulsion,  tout  s'est  borné  à  de 
l'agitation  au  début.  Lorsque  les  mouvements  respiratoires  ont  déjà  cessé  et 
que  la  mort  peut  être  considérée  comme  définitive,  on  peut  s'assurer  facile- 
ment que  les  mouvements  du  cœur  persistent  encore  quoique  bien  modifiés; 
de  plus,  on  peut  retrouver  quelques  traces  d'excitabilité  nerveuse  et  de  con- 
iractilité  musculaire  dans  les  muscles  des  memhres,  de  l'appareil  hyoïdien, 
de  l'estomac,  etc.  Souvent  les  membranes  interdigitales  sont  gonflées  et  in- 
filtrées d'une  sérosité  sanguinolente  ;  dans  d'autres  cas,  c'est  l'épiderme  qui 
est  soulevé  par  cette  sérosité  sous  l'orme  de  phlyctènes.  Les  membres  eux- 
mêmes  paraissent  quelquefois  tuméfiés  et  infiltrés.  Ces  diverses  altérations 
se  produisent  dans  certains  cas  après  que  les  mouvements  ont  cessé,  et  sont 
dues  à  l'action  persistante  et  progressive  de  la  cyclamine,  même  après  la 
mort.  11  n'est  pas  rare  de  trouver  le  liquide  dans  lequel  la  grenouille  a  péri, 


(I)  Les  grenouilles  ont  toujours  été  placées  dans  la  solution  de  cyclamine, 
de  telle  sorte  q\i'elles  eussent  une  partie  de  la  tête  hors  de  l'eau,  tout  eu  cou- 
Fcrvant  leur  attitude  normale. 


61 

teint  en  jaune  par  l'issue  exosmotique  du  sang-,  et  on  y  constate  aisément  la 
présence  de  l'albumine  par  la  chaleur  ou  par  l'acide  azotique. 

La  peau,  chez  les  grenouilles  soumises  à  rinlliicnce  de  la  cyclamine,  et 
longtemps  avant  la  mort,  présente  une  injection  sanguine  considérable,  d'une 
teinte  noirâtre,  injection  dont  nous  avons  déjà  noté  l'indice  dans  la  vascularisa- 
tion  des  membranes  intcrdigitalcs.  Celle  injection  s'explique  et  par  l'excita- 
tion des  nerfs  cutanés  et  peul-élrc  aussi  par  les  modifications  nutritives  dé- 
terminées dans  les  éléments  de  la  peau  par  la  cyclamine.  Dans  quelques  cas 
de  mort  assez  rapide,  on  voit  les  grenouilles,  peu  de  temps  avant  l'abolition 
des  mouvements,  être  prises  d'efTorts  de  vomissements.  On  remarque  facile- 
ment alors  que  la  membrane  muqueuse  buccale  est  injectée,  et  des  mucosités 
visqueuses  et  assez  abondantes  peuvent  être  amenées  dans  la  cavité  buc- 
cale, s'y  accumuler,  s'opposer  à  la  respiration  en  couvrant  complètement  l'o- 
rifice glottique,  et  contribuer  ainsi  à  la  mort  par  l'asphyxie. 

Quant  à  la  dose  de  cyclamine  nécessaire  pour  donner  à  l'eau  une  action 
léthifère  sur  les  grenouilles,  il  n'est  pas  possible  de  la  préciser,  les  propor- 
tions variant  nécessairement  suivant  de  nombreuses  circonstances.  Dans  mes 
expériences,  des  grenouilles  sont  mortes  dans  une  solution  contenant  une 
quantité  de  cyclamine  égale  à  la  six-millième  partie  de  son  poids;  elles  sont 
restées  vivantes  dans  une  solution  au  quarante-millième. 

Les  tritons  meurent  aussi  dans  la  solution  de  cyclamine,  et  le  phénomène 
le  plus  manifeste  après  la  mort,  c'est  le  soulèvement  de  l'épiderme. 

J'ai  cherché  à  tuer  des  grenouilles  en  introduisant  la  cyclamine  solide,  soit 
sous  la  peau,  soit  dans  l'estomac,  soit  dans  le  rectum.  Dans  ces  conditions,  la 
mort  a  presque  toujours  eu  lieu  ;  mais  les  eCfets  ont  été  assez  lents,  surtout  lors- 
que la  quantité  de  cyclamine  n'était  pas  considérable.  Généralement  la  mort 
n'était  pas  encore  survenue  au  bout  de  vingt-quatre  heures.  Les  grenouilles  qui 
ont  survécu  sont  celles  chez  lesquelles  la  substance  avait  été  portée  dans  l'es- 
tomac ;  mais  il  a  été  facile  de  constater  qu'elles  n'avaient  échappé  aux  elTets 
ordinaires  que  par  suite  même  de  l'action  irritante  de  la  cyclamine  :  il  y  avait 
eu  une  abondante  sécrétion  de  mucus  épais  et  tenace,  lequel  avait  enveloppé 
le  fragment  de  matière  étrangère,  et  le  tout  avait  été  rejeté  par  des  efforts  de 
Yomisseraent.  Lorsque  les  grenouilles  ont,  au  contraire,  conservé  dans  l'es- 
tomac la  cyclamine  introduite,  elles  sont  mortes,  et  l'on  a  remarqué  une 
teinte  rouge  sombre  des  voies  digestives  supérieures  et  une  sécrétion  consi- 
dérable de  mucosités. 

Les  embryons  de  grenouille  sont  extrêmement  sensibles  à  l'action  de  la 
cyclamine.  Dès  qu'on  les  a  fait  passer  dans  une  solution  de  cette  substance, 
ils  s'agitent  avec  rapidité;  et  il  est  bien  évident,  parla  nature  de  leurs  mou- 
vements, qu'ils  éprouvent  une  impression  douloureuse  trè.s-violente.  J'ai  déjà 
indiqué  en  1S58  ce  qui  se  passe  dans  cette  expérience,  les  embryons  sont 
bientôt  épuisés,  puis  ils  tombent  au  fond  du  va?e  et  font  do  vains  eCTorts  pour 


62 

remonter  jusqu'à  la  surface  du  liquklc.  Leurs  mouvemenis  deviennent  irré- 
guliors,  et,  à  un  certain  moment,  qui  ne  tarde  pas  à  arriver,  ils  se  débattent 
sur  place  ou  en  s'élevant  un  peu  dans  le  liquide  ;  ils  se  courbent  brusquement 
en  denii-cerclc,  altcrnativenient  sur  les  deux  côtés  du  corps.  Enfin,  ils  ne 
quittent  plus  le  fond,  et  ne  font  plus  que  remuer  légèrement  la  nageoire  cau- 
dale. 

Ce  qui  est  le  plus  remarquable  dans  rinflucncc  exercée  sur  les  larves  de 
grenouille  par  la  cyclamine,  c'est  la  rapidité  avec  laquelle  leurs  tissus  se 
désagrègent.  Dès  les  premiers  moments  de  l'action  de  la  substance,  la  peau 
se  revêt  comme  d'un  léger  voile  blanchâtre,  puis  une  sécrétion  muqueuse  s'y 
produit;  la  larve  couverte  ainsi  d'une  matière  visqueuse  qui  se  soulève  en 
certains  points  sous  forme  filamenteuse,  retient  tous  les  corpuscules  avec 
lesquels  elle  se  trouve  en  contact.  Avant  même  que  les  mouvements  aient 
complètement  disparu,  on  aperçoit  que  la  peau  se  détacbe  du  corps,  princi- 
palement sur  la  nageoire  caudale  :  celle-ci  parait  tomber  en  détritus.  C'est 
quelques  minutes  après  que  la  larve  a  été  mise  dans  la  solution  que  Ton  voit 
se  produire  ce  phénomène.  Si  Ion  examine  alors  l'animal  au  microscope,  on 
voit  les  fragments  d'épiderme  séparés  du  corps,  et  déjà  les  tissus  sous-ja- 
cents  s'altèrent  ;  les  cellules  sont  plus  transparentes,  leur  noyau  plus  accusé, 
oà  et  là  des  cellules  se  disjoignent;  d'autres  sont  même  isolées  et  se  dissé- 
minent dans  ic  liquide  sous  rinlluence  de  la  préparation.  Si  l'on  tarde  trop  à 
faire  l'examen  microscopique  et  si  la  solution  n'est  pas  trop  diluée,  la  larve 
n'ofTre  plus,  un  quart  d'heure  ou  une  demi-heure  après  la  mort,  qu'une  petite 
masse  grisâtre  produite  par  le  déliquium  presque  complet  des  tissus  dont  on 
reconnaît  encore  cependant  au  microscope  les  parties  les  plus  centrales. 

Lorsque  les  embryons  de  grenouille  sont  plus  âgés,  on  obseï  ve  encore  les 
mêmes  phénomènes;  mais  ils  sont  nuiins  rapides  et  les  efTetssont  moins  pro- 
fonds. Chez  les  têtards  déjà  bien  développés,  comme  chez  les  larves,  on  voit 
se  manifester  une  teinte  blanchâtre  sur  toute  la  surface  du  corps.  Une  sécré- 
tion muqueuse  se  montre  pareillement,  emprisonnant  des  bulles  d'air  ou  les 
corpuscules  flottants  du  liquide.  La  teinte  blanchâlro  est  due  à  l'altération  de 
la  couche  suiierficielle  de  l'épidcrme.  Lorsque  la  solution  est  assez  concen- 
trée, qu'elle  contient  pur  exemple  un  deux-millième  de  son  poids  de  cycla- 
mine, on  reconnaît  très-bien,  par  l'agitation  extrême  du  têtard,  combien  l'ac- 
tion de  la  substance  est  irritante.  Quand  l'influence  est  déjà  bien  prononcée, 
l'épiderme  se  détache  avec  la  plus  grande  facilité.  Ce  soulèvement  do  l'épi- 
derme  chez  les  têtards  et  la  désagrégation  des  parties  plus  profondes  chez 
les  larves  se  déclarent  dès  avant  la  mort  couiplète;  et  c'est  là  un  fait  dont  il 
faut  tenir  grand  compte  dans  l'appréciation  des  causes  de  ces  phénomènes. 

\][\  autre  fait  qui  doit  aussi  être  pris  en  considération,  c'est  que  ces  altéra- 
tiuns  se  produisent  par  action  directe  sur  les  tissus  et  qu'il  n'est  besoin  ni 
de  l'intermédiaire  du  sang  ni  du  concours  du  système  nerveux  pour  qu'elles 


63 

s'o[jèrent.  Des  larves  de  grenouilles  retirées  de  leur  sphère  enveloppante, 
n'ayant  point  encore  de  circulation,  subissent  les  mêmes  effets  que  les  larves 
plus  développées.  Une  queue,  détachée  du  corps  d'une  larve  et  plongée  dans 
une  solution  de  cyclamine,  offre  exactement  les  phases  d'altération  précé- 
demment indiquées,  et  ces  phases  sont  aussi  rapides. 

La  solution  aqueuse  de  cyclamine  estléthifère  pour  les  têtards  elles  larves 
de  grenouille,  alors  même  qu'elle  est  à  un  haut  degré  de  dilution.  De  gros 
têtards  meurent  dans  une  solution  contenant  moins  de  un  cent-millième  de 
son  poids  de  cyclamine.  Des  larves  à  branchies  extérieures  succombent  dans 
une  solution  au  deux  cent-millième  ;  mais  dans  des  solutions  aussi  diluées, 
la  mort  n'arrive  qu'au  bout  de  plusieurs  heures.  Dans  une  solution  contenant 
un  millionième  de  son  poids  de  cyclamine,  les  têtards  et  les  embryons  ne 
meurent  pas,  et  ils  s'y  développent  très-bien. 

L'action  de  la  cyclamine  sur  les  poissons  ne  parait  pas  différente  de  ce 
qu'elle  est  chez  les  têtards.  Dans  une  solution  aqueuse  contenant  un  vingt- 
millième  de  son  poids  de  cyclamine,  des  petites  carpes  ayant  les  unes  8,  les 
autres  10  centimètres  de  longueur  sont  mortes  en  moins  d'une  heure  et  de- 
mie. Dix  minutes  après  son  immersion  dans  la  solution  toxique,  le  poisson 
offrait  déjà  une  teinte  opaline  très-marquée  sur  la  surface  du  corps,  et  cette 
teinte  envahissait  bientôt  la  surface  des  yeux.  Au  bout  de  vingt  mimites,  l'a- 
nimal paraissait  souffrant  :  une  demi-heure  après  le  début  de  l'expérience, 
ses  mouvements  respiratoires  avaient  diminué  d'amplitude;  il  se  renversait 
sur  un  des  côtés  du  corps  et  ne  se  relevait  plus  que  de  temps  eu  temps,  ou 
bien  sous  Tinfluence  des  excitations.  Bientôt  le  poisson  n'effectuait  plus  au- 
cun mouvement  spontané;  les  excitations  répétées  et  vives  déterminaient 
cependant  encore  de  très-légers  mouvements  de  la  nageoire  caudale  et  des 
autres  nageoires.  Enfin  l'immobilité  devenait  absolue,  le  poisson  était  mort. 
L'examen  de  la  couche  blanchâtre  développée  sur  le  corps  et  sur  les  yeux  a 
été  fait  au  moyen  du  microscope  ;  c'était  partout  de  l'épideime  soulevé.  En 
écartant  les  opercules,  ou  voyait  les  branchies  pins  ou  moins  décolorées, 
gonflées  et  recouvertes  aussi  d'une  couche  blanchâti  e  qu'on  détachait  facile- 
ment. Cette  couche  était  constituée  par  de  l'épithélium  des  branchies;  elle 
augmentait  beaucoup  d'épaisseur  après  la  mort  lorsqu'on  laissait  le  poisson 
dans  l'eau. 

Ce  sont  là  les  phénomènes  les  plus  constants  déterminés  sur  les  poissons 
par  la  solution  aqueuse  de  cyclamine.  Toutes  les  fois  que  la  mort  a  eu  lieu,  on 
a  vu  très-nettement  la  couche  blanchâtre  formie  par  le  soulèvement  de  l'é- 
piderme.  La  marche  des  phénomènes  est  d'autant  plus  rapide  que  la  quantité 
de  cyclamine  est  plus  considérable.  Dans  une  solution  contenant  un  deux 
cent-millième  de  son  poids  de  cyclamine,  une  petite  carpe  de  10  centimètres 
de  longueur  ne  meurt  qu'au  bout  de  plusieurs  heures,  bien  que  dans  ces  con- 
ditions, oo  constate  déjà  la  présence  de  la  couche  blanchâtre  d'épiderme 


G  4 
soulevé  au  bout  il'nn  quart  d'iieure,  otque  l'équilibre  soit  perdu  deux  ou  trois 
lieures  après  le  début  de  l'expérience.  Dans  une  solution  au  millionième,  des 
carpes  d'une  dimension  analogue  ne  meurent  pas  (Ij. 

Lorsque  la  mort  se  produit  lentement,  la  putréfaction  ne  semble  pas  s'em- 
parer aussi  vile  des  poissons  que  lorsque  l'intoxication  est  plus  prompte. 

La  cyclamine  fait  périr  non-seulement  les  poissons,  mais  encore  certains 
animaux  aquatiques  ;  et,  ce  qui  est  assez  remarquable,  elle  est  sans  influence 
manifeste  sur  d'autres  animaux  vivant  également  dans  l'eau.  Les  naïdes  suc- 
combent eu  dix  minutes  dans  une  solution  contenant  un  quarante-millième  de 
son  poids  de  cyclamine.  Elles  s'agitent  d'abord  violemment,  jmis  perdent  peu 
à  peu  leur  vivacité  et  se  couvrent  d'une  exsudation  visqueuse  à  laquelle  ad- 
hèrent toutes  les  particules  flottantes  du  liquide.  Elles  deviennent  enfio 
presque  opaques,  et  leur  sang  se  répartit  irrégulièrement  dans  les  difl"érents 
points  du  corps.  Lorsqu'on  veut  examiner  les  naïdes  mortes  au  microscope, 


(1)  La  nicotine  a  sur  les  poissons  une  action  au  moins  aussi  énergique  que 
la  cyclamine.  On  avait  préparé  un  liquide  composé  de  450  grammes  d'eau 
dans  lequel  on  avait  agité  une  baguette  de  verre  dont  une  extrémité  avait  été 
plongée  dans  un  tube  contenant  une  ou  deux  gouttes  de  nicotine  pure.  Il  n'y 
avait  donc  en  solution  que  la  petite  quantité  de  nicotine  qui  avait  adhéré  à 
l'extrémité  de  la  baguette.  Une  carpe  de  10  centimètres  de  longueur  mise 
dans  ce  liquide,  se  mit  presque  aussitôt  à  s'agiter  dans  tous  les  sens,  après 
quelques  minutes,  l'animal  devint  plus  tranquille,  mais  il  présentait  de  temps 
à  autre  de  petites  secousses  dans  les  nageoires  abdominales  et  pectorales; 
puis  il  se  coucha  sur  le  flanc.  Une  demi-heure  après  l'immersion  du  poisson 
dans  la  solution,  il  était  en  état  do  mort  apparente,  mais  exécutait  encore 
quelques  mouvements  brusques  quand  on  l'excitait  vivement.  Au  bout  d'une 
heure  on  le  met  dans  l'eau  pure,  mais  il  ne  revient  pas  à  la  vie;  le  lende- 
main, on  trouve  les  branchies  gonflées,  laissant  sortir  du  sang  dans  l'eau, 
et  recouvertes  d'un  abondant  épidcrme. 

Dans  cette  même  solution  l'on  avait  mis  une  petite  ablette  qui  avait  aussi 
été  prise  aussitôt  d'agitation,  puis  de  secousses  convulsives  dans  les  na- 
geoires, et  après  cinq  minutes  était  déjà  renversée  sur  le  flanc,  en  état  de 
mort  apparente.  On  la  transvasa  alors  dans  l'eau  pure;  elle  revient  peu  à 
peu  à  peu  à  la  vie,  et  est  tout  à  fait  rétablie  au  bout  d'une  demi -heure. 

Cette  même  ablette,  qui  avait  G  centimèlrcs  de  longueur,  et  une  petite  carpe 
de  10  centimètres  de  longueur,  sont  mortes  dans  une  solution  de  la  quantité 
de  nicotine  précédemment  indiquée,  dans  trois  litres  d'eau.  La  mort  n'a  eu 
lieu  qu'après  plusieurs  heures.  L'ablette  avait  présenté  de  l'agitation  au  dé- 
but; puis  était  survenu  un  calme  interrompu  de  temps  à  autre  par  un  fré- 
niissoment  des  nageoires  pectorales. 


or) 

on  constate  quelles  ?ont  fortement  ramollies  ;  elles  se  brisent  sous  l'influence 
sente  de  leur  poids. 

Parmi  les  infusoires,  les  vorticelles  sont  ceux  qui  sont  le  plus  sensibles 
aux  propriétés  de  la  cyclamide;  leur  mort  a  lieu  en  quelques  minutes  dans 
une  solution  étendue  de  cyclamine.  Leurs  mouvements  cessent;  les  animaux 
se  ramassent  sous  forme  de  boule,  et,  de  leur  orifice  resserré,  sortent  immo- 
J5iles  leurs  cils  Yibratiles  réunis  en  pinceau.  Leur  structure  intérieure  ne 
tarde  pas  à  se  modifier;  ils  ont  alors  perdu  toute  faculté  de  revenir  à  la  vie 
dans  de  l'eau  pure.  Souvent  leurs  filaments  pédiculaires  se  contractent  jus- 
qu'à amener  au  contact  tous  leurs  tours  de  spirale,  et  demeurent  ainsi  rac- 
courcis après  la  mort  (1). 

Comme  contraste  de  ces  faits,  on  doit  mentionner  l'immunité  dont  jouis- 
sent d'autres  animaux.  Les  cyclops  résistent  complètement  à  l'action  des  so- 
lutions étendues  de  cyclamine  ;  j'ai  vu  de  même  un  argule  et  des  larves  de 
chironomus  plumosus  n'éprouver  aucune  atteinte.  Ainsi  la  cyclamine  n'agit 
pas  avec  la  même  énergie  sur  tous  les  animaux  aquatiques.  Quoi  qu'il  en 
soH,  ces  expériences  montrent  aussi  combien  la  destruction  produite  par 
cette  substance  dans  les  eaux  est  étendue,  puisque  des  populations  entières 
d'infusoires  et  d'autres  animaux  aquatiques  sont  atteintes  en  même  temps 
que  les  poissons. 

Enfin,  et  pour  terminer  la  partie  expérimentale  de  ces  observations,  nous 
dirons  que  nous  ne  sommes  pas  tout  à  fait  convaincu  par  les  expériences  de 
la  commission,  relativement  à  Taction  de  la  cyclamine  sur  les  oiseaux.  Au- 
cun des  faits  relatés  n'est  complètement  démonstratif.  On  commence  par 
établir,  et  avec  beaucoup  de  raison,  que  l'on  doit  être  très-scrupuleux  dans 
les  conclusions  à  tirer  des  expériences  sur  les  oiseaux,  parce  que  l'asphyxie 
se  produit  très-rapidement  chez  eux,  et  que  la  cyclamine  peut,  dans  cer- 
taines circonstances,  la  déterminer  facilement  et  très-rapidement  ;  puis,  trois 
expériences  détaillées  servent  à  établir  que  la  cyclamine  a  une  action  toxi- 
que sur  les  oiseaux.  Or,  dans  les  deux  cas  où  la  cyclamine  a  été  injectée 
dans  le  bec,  on  voit  qu'il  y  a  eu  asphyxie  évidente;  et,  dans  le  troisième,  la 
cyclamine  ayant  été  introduite  par  l'anus,  la  mort  a  été  assez  lente  à  sur- 
venir pour  qu'on  puisse  douter  qu'il  y  ait  eu  une  véritable  intoxication,  telle 
du  moins  que  paraît  l'entendre  l'auteur.  iN'ous  avons  cherché  à  empoisonner 
trois  moineaux,  en  leur  faisant  avaler  à  plusieurs  reprises  immédiates,  une 
assez  forte  quantité  de  cyclamine  (environ  5  centigrammes  de  substance 

(1)  Les  conferves  elles-mêmes  sur  lesquelles  vivent  les  vorticelles  sem- 
blent soumises  aux  effets  de  la  cyclamine;  elles  s'altèrent  assez  rapidement 
en  moins  de  vingt-quatre  heures;  mais  il  faut  ici  tenir  compte  de  la  putré- 
faction qui  se  développe  dans  la  solution  après  que  les  vorticelles  et  d'autres 
infusoires  ont  été  tués 

c.  R,  5 


65 
solide).  L'un  d'eux  est  raoït  au  bout  d'un  quart  d'iicurc,  et  l'on  a  trouvé  la 
partie  supérieure  de  la  trachée  pleine  d'un  mucus  grisâtre,  tenace  et  hui- 
leux :  il  y  avait  eu  certainement  aspliyxie.  Les  autres  ont  survécu,  bien 
qu'ils  eussent  avalé  une  plus  grande  quantité  do  la  même  substance,  mais 
l'ingestion  avait  été  faite  plus  lentement  :  les  seuls  phénomènes  qu'ils  aient 
présentés  pendant  un  quart  d'heure,  et  qui  ont  aussi  été  notés  par  la  com- 
mission, ont  consisté  dans  une  anhélation  assez  grande,  pendant  laquelle 
les  oiseaux  tenaient  le  bec  ouvert  et  laissaient  ainsi  voir  la  cavité  buccale, 
dont  la  membrane  muqueuse  était  vivement  injectée. 

Après  avoir  rapporté  les  diverses  expériences  que  nous  avons  faites,  nous 
devons  chercher  à  les  interpréter  et  à  découvrir,  s'il  se  peut,  le  mécanisme 
de  l'action  de  la  cyclaminc. 

S'il  est  un  eCfet  constant  parmi  ceux  que  produit  la  solution  aqueuse  de 
cyclamine  sur  les  animaux  qui  y  sont  plongés,  c'est  assurément  l'excitation 
déterminée  sur  les  tissus  cutanés.  Cette  excitation  se  traduit  par  plusieurs 
phénomènes. 

Les  animaux,  aussitôt  après  leur  immersion,  exécutent  en  général  de  ra- 
pides mouvements,  en  cherchant  à  fuir  le  milieu  délétère.  L'agitation  est 
surtout  très-grande  lorsque  la  solution  n'est  pas  très-diluée,  et  elle  s'observe 
presque  constamment  chez  les  têtards  de  grenouille,  et  souvent  chez  les 
grenouilles  elles-mêmes;  on  reconnaît  ainsi  qu'il  y  a  une  irritation  plus  ou 
moins  vive  du  tégument  externe.  Un  autre  phénomène  vient  s'ajouter  ou 
succéder  bientôt  au  précédent.  Une  teinte  louche,  blanchâtre  se  répand  sur 
toute  la  surface  du  corps,  surtout  sur  les  têtards  et  les  poissons,  et,  comme 
je  l'ai  dit,  cette  teinte  est  due  à  l'altération  de  la  couche  superficielle  de  l'épi- 
derme.  En  même  temps,  il  y  a  sécrétion  d'une  matière  muqueuse  et  vis- 
queuse qui  retient  tous  les  corpuscules  avec  lesquels  le  corps  de  l'animal  se 
met  en  contact  :  cette  sécrétion  est  très-visible  sur  les  larves  et  têtards  de 
grenouilles  et  sur  les  poissons. 

Nous  pouvons  rappeler  aussi  que  la  solution  de  cyclamine  arrête  très-ra- 
pidement le  mouvement  des  cils  de  l'épithélium  viratile  des  grenouilles, 
ainsi  que  nous  l'avons  montré  en  1858  ;  et  ce  fait  prouve,  comme  les  précé- 
dents, l'action  énergique  de  la  cyclamine  sur  les  cellules  épithéliales  et  épi- 
dermiques. 

L'excitation  cutanée  se  manifeste  encore  par  l'injection  vive  de  la  peau 
chez  les  grenouilles.  La  cyclamine  irrite  donc  la  surface  du  tégument  ;  l'épi- 
derme  est  altéré  et  ne  tarde  pas  à  se  soulever  si  on  laisse  l'animal  dans  la 
solution.  Ce  soulèvement  de  l'épiderme  est  d'autant  plus  rapide  que  l'animal 
est  plus  jeune;  aussi  se  produit-il  en  quelques  minutes  chez  les  embryons 
de  grenouilles  et  sur  les  têtards. 

Certains  animaux  paraissent  aussi  avoir  l'épiderme  plus  disposé  ù  se  laisser 


attaquer  par  la  cyclamine  :  les  poissons  sont  très-promptement  revêtus  d'uue 
couche  blancliâtre  qui  n'est  autre  que  l'épiderme  modifié.  Chez  les  gre- 
nouilles, qui  résistent  plus  longtemps  à  cette  inlluence,  nous  avons  vu  ce- 
pendant des  phlyctènes  se  former  sur  différeuts  points  du  corps  et  principa- 
lement sur  les  membres  postérieurs  et  sur  les  membranes  digitales  :  il  y  a 
donc  une  sorte  de  vésicalion.  Nous  insistons  sur  ce  point,  c'est-à-dire  sur 
l'altération  de  l'épiderme,  parce  que  nous  pensons  que  c'est  là  le  fait  qui 
doit  nous  donner  l'explication  des  phénomènes  ultérieurs. 

Dans  cette  action  de  la  cyclamine  sur  la  peau,  que  voyons-nous?  Deux 
choses  :  une  irritation  évidente  de  cette  membrane  si  sensible,  et  une  lésion 
de  l'épiderme.  Les  mouvements  violents  que  font  les  animaux  pour  s'échap- 
per, l'injection  de  la  peau,  voilà  les  phénomènes  qui  se  rapportent  à  l'irri- 
tation. Nous  voyons  un  autre  phénomène  qui  en  dépend  aussi,  la  sécrétion 
d'une  matière  muqueuse  sur  toute  la  surface  de  la  peau.  Enfin,  la  lésion  de 
l'épiderme  se  traduit  parl'opacité  qui  s'y  développe  et  par  le  soulèvement  des 
couches  superficielles.  11  y  a  là  une  modification  chimique  des  cellules  épider- 
miques  qui  meurent  et  tendent  à  se  détacher,  sous  l'influence  probable  d'une 
légère  exsudation  déterminée  entrela  couche  morte  et  la  couche  encore  intacte. 
On  peut  voir  la  modification  de  l'épiderme  s'opérer  sous  les  yeux,  en  plaçant 
sous  le  microscope  une  larve  de  grenouille  dans  la  solution  de  cyclamine. 
Les  cils  vibraliies  de  la  surface  cutanée  cessent  presque  aussitôt  de  se  mou- 
voir; puis  les  cellules  épidermiques  se  détachent  par  groupes  des  tissus 
sous-jacents  et  elles  subissent  en  même  temps  dans  leur  aspect  des  chan- 
gements réels,  mais  difficiles  à  définir.  On  peut  aisément  aussi  se  convaincre 
qu'il  se  fait  une  exsudation  à  la  surface  du  corps  des  animaux  mourant  dans 
la  solution  de  cyclamine  :  si  l'on  retire  de  la  solution  des  têtards  de  gre- 
nouille aussitôt  qu'ils  sont  morts,  et  si  on  la  filtre,  on  voit,  en  vingt-quatre 
heures,  s'y  développer  de  très-nombreux  vibrions  dont  la  formation  et  la 
multiplication  ont  été  favorisées  par  la  présence  de  la  matière  azotée  que 
l'exsudation  a  fait  passer  dans  la  solution.  Une  partie  de  la  même  solution 
qui  n'a  point  servi  à  faire  mourir  des  têtards  est  conservée  comme  témoin 
et  ne  contient  pas  de  vibrions.  L'exsudation  est  bien  plus  prononcée  lors- 
qu'on laisse  les  animaux  morts  dans  la  solution,  car  alors  elle  continue  à  se 
faire  et  c'est  elle  qui  détermine  l'issue  de  la  sérosité  sanguinolente  que 
nous  avons  rencontrée  plusieurs  fois  mêlée  au  liquide  délétère,  dans  des  cas 
où  l'expérience  était  instituée  sur  des  grenouilles. 

A  ce  moment  où  l'épiderme  est  altéré  dans  une  partie  de  son  épaisseur, 
les  efi"ets  de  la  substance  ne  sont  pas  encore  assez  profonds  pour  que  le  re- 
tour à  la  vie  soit  impossible.  Des  poissons  retirés  de  la  solution  et  mis  dans 
l'eau  courante  se  sont  dépouillés  de  l'épiderme  mortifié,  et  ils  ont  recouvré 
toute  l'intégrité  de  leurs  fonctions,  quoiqu'ils  fussent  déjà  très-afTaiblis  et 
qu'ils  eussent  perdu  leur  faculté  d'équilibration. 


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tlhez  les  larves  de  grenouille,  lo  mécanisme  par  lequel  In  mort  survient 
paraît  assez  simple.  Il  y  a  bien  cortaincment  une  pénétration  de  plus  en  plus 
profonde  de  la  substance  délétère.  Sous  le  microscope,  on  voit  les  couches 
sous-épiderraiques  s'altérer,  alors  que  la  larve  a  encore  quelques  mouve- 
ments; les  cellules  et  les  autres  éléments  deviennent  plus  transparents,  et 
leurs  noyaux  se  dessinent  plus  ncltemcnt.  Peu  à  peu  tout  mouvement  cesse; 
les  muscles  sont  alors  eux-mêmes  atteints  et  modifiés.  C'est  une  lésion  par- 
tielle et  successive  de  tous  les  éléments  amenant  la  mort  de  l'individu. 

En  est-il  de  même  chez  les  poissons  et  chez  les  grenouilles?  Pour  les  gre- 
nouilles, je  n'hésiterais  guère  à  répondre  par  l'affirmative.  La  mort  est  tou- 
jours lente,  et  nous  ne  voyons  rien  qui  soit  comparable  à  l'action  des  véri- 
tables substances  to.xiques.  La  mort  n'arrive  point  phis  rapidement  lorsque 
la  cyclaminc  est  introduite  sous  la  peau  que  lorsque  l'animal  intact  est  placé 
dans  une  solution  suffisamment  concentrée  de  cyclamine.  Il  n'y  a  aucun 
phénomène  qui  révèle  une  influence  spéciale  de  la  substance  sur  le  système 
nerveux  central,  ou  sur  le  système  musculaire,  ou  sur  le  cœur.  Lorsque  la 
mort  se  produit,  c'est  graduellement  que  l'animal  s'affaiblit  jusqu'au  moment 
où  les  derniers  mouvements  respiratoires  cessent,  et  alors  le  cœur  bat  en- 
core pendant  quelque  temps.  Il  me  semble  donc  que  si  l'on  fait  une  part  à 
l'excitation  cutanée,  laquelle  peut  déterminer  un  certain  épuisement  des 
propriétés  du  système  nerveux,  ce  qui  est  d'ailleurs  très-problématique,  tous 
les  autres  phénomènes  de  l'empoisonnement  des  grenouilles  par  la  cycla- 
mine se  bornent  à  des  modifications  chimico-physiques  qui  envahissent  de 
proche  en  proche  toutes  les  parties  élémentaires  des  tissus,  et  y  détruisent 
les  conditions  nécessaires  aux  manifestations  vitales. 

La  circulation  qui  sert  de  moyen  rapide  de  transport  pour  toutes  les  sub- 
tances toxiques  ne  paraît  jouer  ici  qu'un  rôle  bien  secondaire.  Nous  avons  vu 
l'influence  de  la  cyclamine  être  aussi  rapide  sur  les  embryons  de  grenouille 
encore  dépourvus  de  branchies  et  de  circulation  que  sur  les  larves  plus  dé- 
veloppées. Chez  les  grenouilles  elles-mêmes,  il  est  certain  que  le  sang  n'est 
pas  le  véhicule  obligé  delà  cyclamine.  Nous  en  trouvons  d'abord  une  preuve 
dans  la  lenteur  avec  laquelle  cette  substance  agit  ;  mais  nous  possédons  une 
autre  preuve  qui,  d'ailleurs,  pour  être  bien  appréciée,  demande  à  être  pré- 
dédée  de  quelques  mots  relatifs  à  l'action  de  la  cyclamine  sur  le  sang.  Si 
l'on  examine  au  microscope  du  sang  de  grenouille  bien  saine,  on  voit  que 
les  noyaux  des  globules  rouges  sont  à  peine  visibles.  Sous  l'influence  de 
l'addition  d'eau,  ces  noyaux  deviennent  au  contraire  bien  apparents;  et  si  la 
quantité  d'eau  est  assez  considérable,  la  substance  périphéricpie  perd  sa  co- 
loration et  devient  à  peu  près  imperceptible;  do  sorte  que  les  noyaux  des 
globules  demeurent  très-distincts.  Mais  supposons  que  la  quantité  d'eau 
soit  faible,  et  qu'on  ait  ajouté,  par  exemple,  une  petite  goutte  d'eau  à  une 
forte  goutte  de  sang;  l'action  de  l'eau  sera  très-peu  marquée,  et  se  bor- 


69 
nera  même  à  rendre  uu  peu  plus  manifestes  les  noyaux  des  globules.  Si  cette 
même  épreuve  est  faite  avec  une  gouttelette  de  solution  aqueuse  et  étendue 
de  cyclamine,  mêlée  à  une  forte  goutte  de  sang,  on  verra  immédiatement 
tous  les  globules  perdre  leur  aspect  normal,  et  l'on  n'apercevra  plus  que  leur 
noyau  environné  à  une  certaine  distance,  au  moins  dans  un  assez  grand 
nombre,  par  un  contour  plus  ou  moins  difTicile  à  reconnaître.  La  matière  co- 
lorante aura  abandonné  le  globule  pour  passer  dans  le  liquide  ambiant.  C'est 
là  un  effet  qui  ne  manque  jamais. 

Il  est  probable  que,  si  la  cyclamine  pénétrait  dans  le  système  circulatoire 
des  grenouilles,  le  sang  conserverait  des  traces  profondes  d'un  contact  si  of- 
fensif. Or  le  sang  des  grenouilles  tuées  par  la  cyclamine  ne  présente  aucun 
caractère  constant  qui  le  distingue  du  sang  des  grenouilles  mortes  dans 
d'autres  conditions,  La  seule  modification  qu'on  y  constate  dans  certains  cas, 
quelque  temps  même  avant  la  mort,  est  sous  la  dépendance  d'une  putréfac- 
tion anticipée,  sur  laquelle  je  reviendrai  tout  à  l'heure.  Je  me  crois  donc  au- 
torisé à  établir  que  la  cyclamine  ne  doit  pénétrer  dans  le  sang  qu'à  des  doses 
infiniment  petites.  Mais  ne  pourrait-on  pas  admettre  que  la  cyclamine  recèle 
un  principe  non  isolé,  véritable  agent  d'intoxication,  doué  d'autres  propriétés 
chimiques  que  la  cyclamine,  et  qui  seul  pénétrerait  dans  le  sang?  Rien  ne 
parle  en  faveur  de  cette  hypothèse.  Au  contraire,  elle  nous  semble  enversée 
par  les  faits  que  nous  avons  déjà  indiqués  :  chez  les  grenouilles  soumises  à 
l'action  de  la  cyclamine ,  on  ne  voit  se  manifester  aucun  phénomène  qui  in- 
dique un  transport  de  cette  substance;  introduite  sous  la  peau,  et  mise  par 
conséquent  dans  les  meilleures  conditions  de  l'absorption,  elle  n'amène  pas 
la  mort  plus  rapidement  que  lorsqu'on  fait  l'expérience  en  plaçant  les  ani- 
maux dans  une  solutiou  de  cyclamine ,  ce  qui  est  en  complète  opposition 
avec  ce  qu'on  remarque  pour  les  poisons  qui  passent  réellement  dans  la  cir- 
culation. 

Je  résume  ce  qui  précède  en  répétant  que  c'est  directement  que  la  cycla- 
mine agit  sur  les  tissus,  et  qu'elle  les  altère  progressivement  des  parties  où 
a  lieu  le  contact  vers  les  parties  les  plus  éloignées.  Rien  ne  s'oppose  d'ail- 
leurs à  ce  qu'on  admette  cotte  pénétration  directe  et,  jusqu'à  un  certain  point, 
indépendante  de  la  circulation.  Chez  les  grenouilles ,  qui  sont  seules  en 
cause  ici,  l'étude  des  substances  toxiques  démontre  la  réalité  de  ce  fait  dans 
un  grand  nombre  de  circonstances  ,  et  ce  fait  a  été  signalé  par  plusieurs 
physiologistes,  entre  autres  par  M.  A.  Moreau  (Mém.  delà  Soc.  de  biologie, 
1855,  p.  173  et  suiv.). 

En  adoptant  notre  manière  de  voir,  il  est  facile  de  comprendre  les  diverses 
particularités  observées  par  la  commission  de  Naples  dans  ses  expériences. 
La  mort  des  muscles ,  celle  des  nerfs ,  lorsque  ces  organes  sont  plongés 
dans  la  solution  de  la  cyclamine,  nont  rien  qui  puisse  nous  étonner.  La  con- 
servation de  la  sensibilité  dans  les  nerfs ,  alors  que  la  motricité  y  semble 


70 

perdue,  s'explique  encore  lacilement.  Ce  n'est  là  qu'une  apparence  :  la  cy- 
clamine  n'a  aucune  action  élective  sur  les  nerfs  moteurs  ;  mais  avant  d'avoir 
détruit  l'irritabilité  musculaire,  elle  a  déjà  agi  assez  puissamment,  soit  sur 
les  muscles  eux-mêmes,  soit  sur  les  points  intermédiaires  aux  extrémités 
nerveuses  et  aux  muscles,  pour  que  les  excitations  artilicielles  des  nerfs  ne 
puissent  plus  déterminer  des  contractions.  La  sensibilité,  au  contraire,  a  en- 
core ses  organes  de  manifestation  intacts,  et,  dans  les  expériences  appropriées 
à  cette  démonstration,  l'excitation  des  nerfs  des  membres  atteints  par  la  cy- 
clamine  se  traduit  par  des  mouvements  dans  les  membres  préservés.  C'est  là 
ce  qui  se  passe  également  chez  les  grenouilles  empoisonnées  par  le  curare,  la 
strychnine,  la  nicotine  :  c'est  là  probablement  un  fait  assez  commun  dans  les 
expériences  toxîco-physiologiques  pratitiui'es  sur  les  grenouilles.  Au  lieu  donc 
de  conclure,  comme  la  commission,  que  la  cyclamine  agit  primitivement  sur 
les  nerfs  moteurs  et  consécutivement  sur  les  muscles  ,  je  crois  qu'on  serait 
tout  à  fait  en  droit  d'admettre  que  la  cyclamine  agit  d'abord  sur  les  muscles 
ou  sur  certains  de  leurs  éléments ,  et  n'exerce  que  plus  tard  son  influence 
délétère  sur  les  nerfs  moteurs  et  sensibles.  Cette  proposition ,  d'accord  avec 
les  faits,  serait  aussi  en  conformité  parfaite  avec  une  notion  bien  établie  au- 
jourd'hui ,  à  savoir  que  les  nerfs  opposent  aux  agents  chimiques  une  résis- 
tance plus  grande  que  les  muscles. 

Nous  abordons  actuellement  un  point  plus  difficile  :  le  mécanisme  de  l'ac- 
tion de  la  cyclamine  sur  les  poissons.  Chez  ces  animaux,  comme  chez  les 
grenouilles ,  il  y  a  une  vive  Irritation  de  la  peau  :  aussi  voyons-nous  des 
mouvements  répétés  par  lesquels  ils  s'etTorcent  de  fuir  et  de  se  soustraire  à 
la  souffrance  qu'ils  éprouvent.  Puis  i'<''piderme  se  modifie  et  se  soulève  ;  il  y 
a  une  sécrétion  muqueuse  sur  toute  la  surface  tégumentaire.  Ces  phéno- 
mènes se  manifestent  aussi  sur  l'appareil  branchial,  de  telle  sorte  que  la  peau 
et  les  branchies  se  trouvent  bientôt  hors  d'état  de  remplir  convenablement 
leurs  fonctions  ;  l'hématose  est  nécessairement  imparfaite.  C'est  à  cette 
asphyxie  incomplète  qu'il  faut  rapporter,  en  grande  partie  du  moins,  les  trou- 
bles que  l'on  voit  rapidement  survenir  dans  la  première  période.  .Mais  l'as- 
phyxie est-elle  la  seule  cause  de  la  mort?  La  cyclamine  ne  pénètre-t-elle  pas 
dans  les  tissus  profonds  comme  chez  les  grenouilles?  Il  est  clair  qu'il  y  a 
ici  une  objection  à  adresser  à  l'hypothèse  de  la  pénétration  de  proche  en 
proche.  La  peau  des  poissons  n'est  pas  comme  celle  des  batraciens  ;  elle  est 
revêtue  d'une  couche  d'écaillés  qui  doit  s'opposer  à  l'absorption  cutanée. 
Nous  ne  méconnaissons  pas  la  valeur  de  cette  objection;  toutefois,  nous 
croyons  que  l'obstacle  opposé  par  la  couche  d'écaillés  n'est  pas  insurmon- 
table, cette  couche  n'étant  pas  formée  d'une  pièce  continue  ;  et  d'ailleurs  les 
branchies  oflrent  une  voie  aisée  d'absorption.  Lors  donc  que  les  poissons 
sont  laisses  dans  la  solution  de  cyclamine,  il  nous  semble  que  celle-ci  doit 
s'introduire  dans  les  tissus  profonds,  les  envahir  et  les  altérer  de  proche 


71 

eu  proche.  Mais  ce  n'est  pas  là  ce  qui  arrive  dans  les  pèches  faites  à  l'aide 
de  la  cyclamine  :  c'est  alors  l'asphyxie  qui  joue  le  principal  rôle;  les  tissus 
profonds  ne  sont  pas  encore  atteints  lors{]uc  les  poissons  sont  déjà  en- 
gourdis, puisque  nous  avons  pu  alors  les  faire  revenir  à  la  vie. 

Nous  répéterons  ici,  à  propos  des  poissons,  ce  que  nous  avons  dit  plus 
haut  :  la  cyclamine  ne  détermine  jamais  des  troubles  morbides  qui  puissent 
ètrerindice  d'une  action  élective  sur  le  système  nerveux  central  ou  sur  les 
nerfs  moteurs. 

La  commission  de  Kaples  a  insisté  sur  la  rapidité  avec  laquelle  la  putréfac- 
tion s'empare  des  animaux  tués  par  la  cyclamine.  Rien  n'est  plus  exact.  Cette 
putréfaction  rapide  est  due  à  la  mort  que  la  cyclamine  amène  très-prompte- 
ment  dans  tous  les  éléments  avec  lesquels  elle  a  été  en  contact.  Lorsqu'un 
animal  meurt  dans  d'autres  conditions,  la  vie  générale  est  abolie  longtemps 
avant  que  les  différents  éléments  et  les  tissus  qu'ils  composent  aient  cessé 
de  vivre  de  leur  vie  partielle.  Cette  vie  partielle  s'éteint  progressivement, 
et  ce  n'est  qu'après  qu'elle  est  abolie. complètement  que  la  putréfaction  s'éta- 
blit. 11  n'en  est  pas  de  même  chez  les  animaux  tués  par  la  cyclamine  :  cette 
substance  altère  les  liquides  auxquels  elle  se  mêle,  et  dès  lors  ces  liquides 
subissent  les  modilications  qui,  ainsi  qu'on  le  sait,  se  développent  dans 
les  matières  organiques  dépouillées  de  la  vie.  On  y  voit  naître  des  gra- 
nulations animées  de  mouvement  brownien ,  puis  des  vibrions.  Ces  liquides 
font  bientôt  participer  les  tissus  qu'ils  baignent  au  mouvement  de  décompo- 
sition qui  les  travaille  :  la  putréfaction,  née  dans  les  parties  les  plus  superfi- 
cielles du  corps  pénètre  peu  à  peu  dans  les  parties  plus  profondes.  C'est  là, 
suivant  nous  ,  la  raison  pour  laquelle  les  animaux  tués  par  la  cyclamine  se 
putréfient  rapidement.  Nous  ajouterons  que  la  cyclamine  est  une  substance 
très-altérable,  et  qu'elle  précipite  peut-être  la  marche  de  ces  phénomènes. 

Nous  avons  vu  dans  nos  expériences  les  modifications  dont  nous  venons 
de  parler  se  manifester  avant  même  que  les  animaux  fussent  morts.  Ainsi 
plusieurs  fois,  chez  des  grenouilles  sous  la  peau  desquelles  nous  avions  in- 
troduit de  la  cyclamine  solide,  la  mort  n'était  pas  encore  survenue  au  bout 
de  vingt-quatre  heures  :  les  animaux  étaient  seulement  très-affaiblis,  et 
nous  trouvions  alors  que,  dans  toutes  les  parties  du  corps,  bien  que  la  cy- 
clamine eût  été  introduite  dans  un  point  limité,  dans  une  cuisse  par  exemple, 
le  liquide  sous-cutané  était  très-granuleux  et  contenait  de  très-nombreux 
vibrions.  Dans  ce  moment,  le  sang  pris  dans  le  cœur  offrait  en  général  aussi 
des  granulatiims  assez  nombreuses,  mais  les  vibrions  y  étaient  très-rares, 
et  les  globules  n'étaient  pas  altérés,  au  moins  en  apparence.  Ces  faits  mon- 
trent encore  que  la  mort  des  grenouilles  n'arrive  pas  dans  ces  cas,  au  moyen 
d'un  transport  de  la  substance  par  la  circulation,  car  les  modifications  que 
détermine  la  cyclamine  auraient  du  être  surtout  remarquables  dans  le  sang. 
Quoi  qu'il  en  soit,  nous  appelons  l'attention  sur  ces  faits.  N'est-il  pas  inté- 


72 
ressant  de  voir  des  grenouilles  respirer,  sentir  et  se  mouvoir,  alors  que 
tous  leurs  organes  sont  en  contact  avec  des  liquides  en  voie  de  décompo- 
sition? 

Je  termine  ici  ces  remarques,  que  la  difficulté  du  sujet  ne  m'a  pas  permis 
d'abréger.  Il  est  en  effet  peu  de  parties  qui  soient  plus  difficiles  à  élucider 
en  physiologie  que  celles  qui  sont  relatives  à  l'action  des  poisons,  et 
malheureusement  on  s'imagine  trop  aisément  le  contraire.  On  suit  une  route 
tracée  d'avance,  on  fait  sur  les  grenouilles  quelques  expériences  classiques, 
telles  que  la  ligature  de  l'aorte,  ou  bien  la  section  des  nerfs,  avant  l'intro- 
duction de  la  substance  toxique;  on  inscrit  le  résultat  de  ces  expériences,  et 
l'on  croit  connaître  alors  le  mécanisme  de  l'action  de  la  substance  essayée, 
Nous  devons  nous  inscrire  contre  l'emploi  exclusif  d'un  pareil  mode  de  re- 
cherche :  les  faits,  même  les  plus  généralement  admis,  que  la  science  parait 
avoir  acquis  en  procédant  ainsi,  ne  sont  rien  moins  que  certains,  ou  pour 
mieux  dire  leur  interprétation  est  probablement  inexacte.  Quand  même  les 
observations  que  nous  venons  de  présenter  sur  l'action  de  lacyclamine  n'au- 
raient d'autre  intérêt  que  celui  de  montrer  combien  tout  ce  qui  se  rattache 
aux  questions  toxico-physiologiques  est  obscur,  nous  croirions  avoir  ac- 
compli une  œuvre  utile  :  il  est  bon,  il  est  profitable  de  déclarer,  en  s'ap- 
puyant  sur  des  faits,  que  la  science  est  loin  d'avoir  dit  son  dernier  mot  sur 
les  points  les  plus  fondamentaux  de  ces  questions,  et  qu'elle  réserve  par 
conséquent  d'importantes  découvertes  à  ceux  qui  tenteront  de  nouveaux 
efforts. 

Nous  résumerons  ces  renianiues  ainsi  qu'il  suit  : 

lo  II  n'est  pas  prouvé  que  la  cyclaraine  introduite  avec  précaution,  et  par 
l'orifice  buccal,  dans  le  tube  digestif  des  oiseaux,  détermine  la  mort. 

2°  La  cyclamine  en  solution  aqueuse  assez  étendue  amène  la  mort  des 
grenouilles,  des  têtards  de  batraciens,  des  poissons  et  d'autres  animaux  qui 
y  sont  plongés  ;  mais  ce  n'est  pas  par  suite  d'une  véritable  intoxication. 

3«  La  mort  des  larves  de  batraciens  est  déterminée  par  l'action  énergique 
que  la  cyclamine  exerce  sur  elles,  action  par  suite  de  laquelle  les  tissus  sont 
rapidement  altérés  des  parties  superficielles  aux  parties  profondes. 

4o  La  mort  des  grenouilles  semble  due  aussi  à  une  pénétration  plus  ou 
moins  lente  et  progressive  de  la  cyclamine  dans  les  liquides  et  les  tissus, 
et  à  l'altération  directe  qu'elle  y  produit.  La  circulation  ne  joue  probablement 
qu'un  rôle  secondaire  dans  le  transport  de  la  cyclamine. 

5°  Chez  les  poissons,  la  mort  ou  les  phénomènes  morbides  sont  liés  en 
grande  partie,  selon  toute  probabilité,  aux  troubles  des  fonctions  respira- 
toires et  cutanées  par  suite  de  l'altération  de  l'épiderme  du  tégument  et  de 
l'épilliéliiim  des  branchies. 

6°  Aucun  fait  ne  démontre  que  la  cyclamine  ait  une  action  primitive  ou 
spéciale,  soit  sur  le  système  nerveux  central,  soit  sur  les  nerfs  moteurs. 


73 
7*  La  putréfaction  rapide  qui  s'empare  des  animaux  morts  sons  l'influence 
de  la  cyclïmine,  tient  à  l'action  altérante  directe  que  cette  substance  exerce 
sur  les  liquides  et  les  éléments  de  tissu  avec  lesquels  elle  entre  en  contact.  , 

m,  —  Physiologie  pathologique. 

MYÉLITE  AIGUË  ENVAHISSANT  LA  PLUS  GRANDE  PARTIE  DU  RENFLEMENT  CER- 
VICAL; RAMOLLISSEMENT  PRESQUE  DIFFLUENT  ET  ROSÉ  DE  CETTE  PORTION 
DE  LA  MOELLE;  PARALYSIE  SEULEMENT  DES  MEMBRES  INFÉRIEURS;  CONSER- 
VATION COMPLÈTE  DES  MOUVEMENTS  ET  DE  LA  SENSIBILITÉ  DANS  LES  MEM- 
BRES SUPÉRIEURS  ET  LES  MUSCLES  DU  THORAX  ;  par  iM.  B.  HiLLAïUET,  médecin 
des  hôpitaux. 

Je  vieus  présenter  à  la  Société  une  observation  qui  me  parait  intéressante 
SOUS  tous  les  1  apports,  et  qui,  indépendamment  de  la  marche  rapide  de  la 
maladie  et  de  l'absence  de  quelques-uns  des  symptômes  précurseurs  des  in- 
flammations aiguës  de  la  moelle  épinière,  soulève  un  problème  de  physio- 
logie sur  lequel  je  désire  attirer  l'attention  de  ceux  de  mes  collègues  qui 
s'occupent  tout  spécialement  et  avec  tant  de  succès  de  cette  branche  si  im- 
portante des  sciences  médicales. 

Voici  le  fait  : 

Obs.  —  La  nommée  Delannoy,  âgée  de  64  ans,  ouvrière,  entra,  le  10  avril 
1860,  à  l'hôpital  Saint-Louis,  pavillon  Sainte-Marie,  chambre  n"  1. 

Cette  femme,  d'une  santé  habituelle  très-bonne,  d'une  forte  constitution, 
tempérament  sanguin,  a  été  réglée  dès  l'âge  de  13  ans,  et  l'a  toujours  été 
régulièrement  depuis  jusqu'à  l'âge  de  46  ans.  Mariée,  elle  a  eu  quatre  en- 
fants, dont  une  fille  seule  a  survécu,  et  elle  est  d'une  solide  constitution. 

Ses  parents  étaient  d'une  bonne  santé  habituelle;  elle  ne  peut  dire  de 
quelle  maladie  ils  sont  morts. 

Il  y  a  deux  mois  et  demi,  elle  fut  appelée  à  remplacer  une  cuisinière  pen- 
dant dix  jours;  elle  en  fut  très-fatiguée.  Malgré  cela,  elle  alla  rester  une 
douzaine  de  jours  chez  une  dame  malade,  auprès  de  laquelle  elle  passa  plu- 
sieurs nuits.  Elle  éprouva  alors  beaucoup  de  fatigue,  rentra  chez  elle  le 
jour  du  mardi  gras,  et  le  lendemain,  se  plaignit  d'éprouver  une  grande 
courbature  dans  les  membres  et  dans  les  reins;  elle  fut  obligée  de  garder  le 
lit.  Un  médecin  lui  fit  appliquer  douze  sangsues  sur  le  côté  droit  de  la  poi- 
trine, au  niveau  du  huitième  espace  intercostal,  où  elle  éprouvait  particuliè- 
rement, à  ce  qu'il  paraît,  une  violente  douleur  qui  augmentait  pendant  les 
mouvements  respiratoires,  et  la  gênait  beaucoup  dans  l'acconiplissoinent  de 
cette  fonction. 

Le  lendemain,  la  douleur  [)ersistant,  on  lui  appliqua  un  large  vésicatoire 


74 

sur  ce  point;  la  douleur  augmenta  et  se  manifesta  du  côté  gauche,  de  telle 
sorte  qu'elle  formait  une  ceinture  douloureuse  à  peu  près  au  niveau  de  la 
base  du  thorax;  ou  mi'me  temps  aussi  elle  apparut  dans  les  deux  épaules. 
On  posa  un  nouveau  vésicatoire  volant  sur  cette  région  en  môme  temps  que 
l'on  prescrivit  une  douzaine  de  sangsues  à  apiiliquer  au  niveau  du  bord  an- 
térieur des  fausses  côtes  droites. 

Elle  n'éprouva,  pendant  les  premières  soufFranccs,  ni  frissons  ni  lièvre,  à 
ce  qu'elle  dil,  mais  elle  commença  bicnlùt  à  tousser.  La  toux  était  fré- 
quente et  exaspérait  les  douleurs  du  tliorax  et  de  la  partie  moyenne  du  dos. 
L'expecloralion  n'ollVait  d'ailleurs  rien  de  bien  remarquable;  la  malade  ne 
peut  d'ailleurs  donner  aucun  renseignement  là-dessus.  Seulement  elle  dit 
que  les  crachats  n'ont  jamais  été  sanguinolents.  Son  médecin,  croyant  avoir 
afTaire  à  une  grippe,  lui  prescrivit  des  boissons  mucilagineuses,  et  la  laissa 
tranquille  du  reste.  Cet  état  dura  ainsi  cinq  semaines;  la  toux  persista,  mais 
la  malade  put  se  lever,  marcher  dans  sa  chambre  et  s'occuper  de  son  mé- 
nage. 

Dans  les  premiers  jours  d'avril,  se  trouvant  assise  dans  un  fauteuil,  elle 
voulut  se  lever  pour  recevoir  son  médecin  qui  arrivait,  lorsqu'elle  s'aperçut 
qu'elle  y  parvenait  avec  beaucoup  de  peine.  Elle  ne  put  marcher,  sa  jambe 
droite  ne  pouvant  avancer;  elle  éprouva  d'ailleurs  une  très-grande  difTicultéà 
se  mettre  sur  ses  jambes;  on  fut  obligé  de  la  coucher,  et  deux  jours  après 
la  jambe  gauche  avait  perdu  les  mouvements  act'ifs.  Le  lendemain,  cette  ma- 
lade se  trouva  complètement  paralysée  des  membres  inférieurs.  En  même 
temps  elle  fut  prise  de  rétention  d'urine;  on  la  sondait  deux  fois  pur  jour,  et 
alors  elle  commença  à  ne  plus  pouvoir  retenir  ses  matières  fécales,  au  point 
qu'elle  n'avait  plus  conscience  de  leur  émission.  Celte  paralysie  est  survenue, 
au  dire  de  la  malade,  sans  être  accompagnée  ni  précédée  de  crampes,  de 
fourmillements  et  de  soubresauts. 

Les  douleurs  persistèrent  sans  se  localiser  dans  un  point  limité  du  rachis. 

Les  jours  suivants,  l'état  de  la  malade  empira.  Ses  eufauts  la  tirent  entrer 
alors  à  l'hôpital  Saint-Louis. 

Etat  actuel  à  l'entrée  de  la  malade.  —  Décubitus  dorsal  ;  faciès  développé, 
non  amaigri;  tristesse  marquée;  paralysie  complète  des  membres  inférieurs, 
tant  du  mouvement  que  du  sentiment;  la  malade  reste  insensible  à  tous  les 
excitants;  elle  a  de  même  perdu  la  notion  du  froid  et  du  chaud  sur  les  mem- 
bres pelviens;  pourtant  l'action  réllexe  est  conservée,  surtout  dans  le  pied 
gauche  ;  ainsi  en  chatouillant  avec  la  pulpe  du  doigt  la  face  plantaire,  les 
muscles  de  la  jambe  correspondante  se  contractent,  mais  la  malade  ne  peut 
la  retirer.  De  môme,  sous  l'inllueuce  de  courants  électriques  à  faible  et  forte 
tension,  on  voit  que  la  contractilité  persiste. 

La  température  des  membres  paralysés  est  à  33  et  34'';  incontinence  des 
matières  fécales  ;  rétention  d'urines  qui  ne  coulent  que  par  regorgement.  Les 


75 
urines  sont  un  peu  troubles,  mais  ne  contiennent  aucun  principe  animal. 

La  malade  éprouve  à  la  base  de  la  poitrine  une  douleur  en  ceinture  qui  la 
fait  souffrir,  et  occasionne  un  pcMi  de  gêne  de  la  respiration.  Cette  doulenr 
se  prolonge  tout  le  long  de  la  colonne  vertébrale,  et  ne  paraît  pas  exaspérée 
par  la  pression,  la  percussion  ou  l'application  d'une  éponge  imprégnée  d'eau 
très-chaude;  elle  n'est  pas  plus  vive  en  un  point  quelconque  du  rachis,  et 
présente  partout  la  même  intensité. 

Les  membres  supérieurs  sont  intacts,  ainsi  que  les  organes  de  la  respira- 
tion et  le  cœur. 

Peu  de  chaleur  normale;  pouls  plein,  fort,  un  peu  fréquent,  ù  84  pulsations; 
intelligence  parfaitement  intacte,  ainsi  que  la  vue,  l'ouïe  et  l'odorat. 

Pour  traitement,  dix  ventouses  scarifiées  le  long  de  la  colonne  vertébrale 
(200 grammes  de  sang);  boisson  acidulée;  une  portion. 

Le  11,  même  état;  escarre  longue  comme  la  main  à  la  région  sacrée; 
pansement  avec  vin  aromatique  et  poudre  de  quinquina;  même  régime. 

Cet  état  dure  ainsi  jusqu'au  25;  tcufcfois  les  douleurs  indiquées  précé- 
demment ont  notablement  diminué;  peut-être  sont-elles  moins  bien  per- 
çues. L'escarre  s'agrandit  de  jour  en  jour  et  répand  une  odeur  gangreneuse 
fétide.  Le  pouls  conserve  sa  force  et  sa  fréquence. 

Le  26,  le  pouls  est  plus  fréquent,  plus  fort;  110  pulsations.  La  peau  est 
sèche,  brûlante;  la  langue  est  sèche,  presque  fuligineuse;  les  pommettes 
sont  rouges.  A  l'auscultation  de  la  poitrine,  je  constate  du  râle  crépitant  fin, 
sec  et  un  peu  de  souffle  dans  la  moitié  inférieure  du  poumon  droit;  matité  à 
ce  niveau;  rien  dans  le  poumon  gauche. 

Julep;  kermès  avec  addition  de  45;  sirop  de  thridace;  2  grammes  extrait 
de  quinquina;  diète. 

Le  27,  même  état  du  côté  de  la  peau  et  du  pouls  ;  difficulté  extrême  de  la 
respiration;  dyspnée  intense. 

Le  28,  coma-,  orthopnée;  râle  trachéul;  mort  à  quatre  heures  du  soir. 

Autopsie  trente-six  heures  apriiS  la  mort.  —  Temps  froid  et  humide; 
quelques  traces  de  décomposition  vers  les  parois  abdominales  et  les 
membres. 

Cavité  crânienne.  —  Adhérences  très-fortes  et  anciennes  de  la  dure-mère 
et  de  la  face  interne  des  os  du  crâne,  surtout  au  niveau  de  la  partie  anté- 
rieure. Ou  est  obligé  de  les  détruire  à  l'aide  du  bistouri;  sans  cette  précau- 
tion, on  enlèverait  la  dure-mère  avec  les  os  du  crâne,  et  l'on  déchirerait  la 
substance  cérébrale. 

A  l'incision  de  la  diu-e-mère  et  de  l'arachnoïde,  il  s'écoule  de  la  sérosité 
en  plus  grande  quantité  qu'à  l'état  normal  chez  les  vieillards. 

La  pie-mère  est  épaissie;  elle  s'enlève  facilement  sans  se  déchirer,  et 
n'adhère  nullement  aux  circonvolutions;  ses  vaisseaux,  un  peu  épaissis, 
contiennent  peu  de  sang. 


76 

Les  cai'OtitJes  sont  Irès-nianifcslement  aHiéroraateuses;lc  cerveau  est  de 
bonne  consistance  et  iinenient  injecte.  La  membrane  qui  tapisse  les  ventri- 
cules latéraux  trc-s-épaissie,  à  ce  point  qu'il  m'est  possible,  avec  la  plus  soi- 
gneuse dissection,  de  l'isoler  de  la  substance  cérébrale  sans  la  déchirer.  Les 
ventricules  sont  un  peu  dilatés  et  contiennent  une  sérosité  claire,  limpide. 

Les  autres  parties  du  cerveau  sont  intactes  et  normales  ;  il  en  est  de  même 
du  cervelet. 

Canal  rachidien.  —  Ce  canal  osseux  ne  présente  lui-même  rien  de  parti- 
culier; aucun  développement  osseux  anormal. 

La  dure-mère  est  également  intacte;  très-peu  de  liquide  dans  le  tissu 
cellulaire  sous-araclinoïJien. 

La  consistance  de  la  moelle  est  normale  dans  presque  toute  sa  longueur,  si 
ce  n'est  au  niveau  du  renflement  cervical,  où  elle  présente,  dans  l'étendue 
de  5  à  6  centimètres,  les  altérations  suivantes  : 

La  consistance  parait  considérablement  diminuée;  car  au  toucher,  à  tra- 
vers les  membranes,  on  peiçoit  une  sensation  de  fausse  fluctuation,  et 
mieux  d'une  bouillie  épaisse;  on  constata  en  eftet,  plus  tard,  sa  diflluence 
sons  un  mince  filet  d'eau. 

En  incisant  la  pie-mère  à  ce  niveau,  on  la  trouve  épaissie,  aJhérente  à  la 
substance  nerveuse,  et  quand  on  voulait  l'en  isoler,  on  entraînait  avec  elle 
des  lambeaux  de  cette  substance.  La  moelle  était,  en  effet,  réduite,  dans 
toute  l'étendue  indiquée  plus  baul,  en  une  bouillie  presque  liquide;  à  la  sur- 
face de  ces  parties  altérées  existaient  de  nombreux  vaisseaux  capillaires 
très-apparents  et  gorgés  de  sang  qui  lui  donnaient  une  coloration  un  peu 
rougeàtre;  la  surface  de  section  de  celle  partie,  divisée  transversalement 
en  plusieurs  endroits,  présentait  une  coloration  d'un  blanc  grisâtre  très- 
prononcé,  légèrement  teintée  de  rose  hortensia.  En  outre  on  constatait  que 
la  substance  grise  était  presque  complètement  résorbée  ;  on  n'en  trouvait 
plus  de  traces  dans  toute  la  partie  ramollie. 

La  consistance  de  la  moelle  dans  le  reste  de  l'élendiie  est  normale,  comme 
cela  a  été  dit  plus  haut.  La  pie-mère  est  un  peu  plus  injectée  peut-être  que 
dans  l'état  normal. 

Thorax.  —  Cœur  normal;  quelques  plaques  athéromateuses  jaunâtres  à  la 
base  des  valvules  sygmoïdes  de  l'aorte,  ainsi  que  dans  l'épaisseur  des  parois 
de  l'aorte;  quelques-unes  sont  devenues  osseuses. 

Le  poumon  droit,  dans  tout  son  lobe  inférieur,  est  le  siège  d'une  violente 
congestion;  tout  le  parenchyme  est  infiltré  de  sang,  mais  sans  hépatisation; 
rien  dans  le  poumon  gauche.  Les  deux  poumons  s'enlèvent  du  reste  facile- 
ment; rien  dans  la  cavité  pleurale. 

Abdomen.  —  Foie  assez  volumineux,  na  peu  jaunâtre;  bonne  consistance. 
A  la  loupe  il  |)réseutc  un  aspect  granuleux  assez  prononcé;  dans  quelques 
points  les  granulations  sont  assez  volumineuses  pour  être  énucléces. 


Bien  du  côté  de  l'eslomai!,  dfs  inle?lins  ni  île?  aiilros  organes  rontiMins 
dans  celte  cavité. 

Eo  somme,  celte  observation  inléiessanie  nous  monlre  nne  femme  de 
64  ans,  d'une  bonne  constitution,  d'une  très-bonne  santé  habiluelic,  qui, 
après  des  fatigues  excessives  pour  son  âge,  des  nuits  passées  sans  sommeil, 
fut  prise  tout  à  coup  de  phénomènes  généraux  :  fièvre,  courbature,  etc.,  qui 
caractérisent  un  état  inflammatoire,  et  en  même  temps  de  pliénoraènes  lo- 
caux, tels  que  la  douleur  sur  un  ou  [)lusieurs  points  du  racbis  avec  irradia- 
tion vers  la  partie  supérieure  de  la  loge  tlioraciqiie,  suivant  le  trajet  de  nerfs 
intercostaux.  Ces  accidents  furent  assez  marqués  pour  faire  penser  au  pre- 
mier médecin  de  la  malade  qu'elle  pouvait  être  au  début  d'une  pleurésie  d'une 
certaine  intensité,  bien  qu'il  n'ait  constaté  aucun  signe  physique  de  celle  af- 
fection. Ce  qu'il  y  a  de  remarquable  dans  ce  fait,  c'est  :  1"  que  les  accidents 
suivirent  une  marche  franchement  aiguë  et  rapide;  2"  que  la  douleur  ne  ré- 
pondait pas  au  siège  qu'alFectait  la  lésion  anatoniique  révélée  plus  tard  par 
l'autopsie  (le  siège  même  de  la  douleur  du  début,  plus  l'absence  de  la  para- 
lysie des  membres  supérieurs,  nous  avait  amené,  pendant  l'existence  delà 
maladie,  à  localiser  la  lésion  vers  la  partie  moyenne  de  la  portion  dorsale  de 
la  moelle)  ;  3'  enfin  l'absence  absolue  de  crampes,  de  fourmillements,  de  sou- 
bresauts dans  les  membres  inférieurs  et  supérieurs,  et  la  paralysie  presque 
rapide  et  sans  secousse  des  membres  inférieurs,  quinze  jours  au  moins  après 
le  début  des  premiers  accidents,  alors  qu'il  ne  s'y  était  encore  manifesté  au- 
cun affaiblissement  graduel. 

La  gêne  progressive  de  la  respiration,  l'engouement  pulmonaire,  la  forma- 
tion d'escarre  au  sacrum,  les  troubles  de  la  miction  et  l'évacuation  involon- 
taire des  fèces  se  sont  trouvés  ici,  comme  dans  la  plupart  des  altérations  de 
la  moelle  à  leur  période  ultime. 

Mais  il  est  un  fait  d'une  très-grande  importance  au  point  de  vue  physiolo- 
gique, qui  m'a  déterminé  à  présenter  cette  observation  à  la  Société  :  je  veux 
parler  du  défaut  de  relation  qui  existait  entre  la  conservation  des  mouve- 
ments volontaires  et  de  la  sensibilité  des  membres  supérieurs,  et  le  siège  de 
la  lésion  anatomique.  En  effet,  tout  le  renflement  cervical  ou  brachial  (puis- 
que les  nerfs  des  membres  thoraciques  en  émergent)  était  complètement 
ramolli,  presque  diffluent,  et  les  membres  thoraciques  avaient  conservé  leur 
liberté  d'action,  leur  sensibilité;  les  mouvements  volontaires  y  étaient  in- 
tacts. Dira-t-on  pour  ce  fait  ce  que  l'on  a  dit  à  propos  de  plusieurs  autres, 
que  l'autopsie  a  été  mal  faite,  que  le  temps  écoulé  entre  l'autopsie  et  le  mo- 
ment de  la  mort  était  trop  considérable,  que  la  température  atmosphérique 
était  trop  élevée  et  que  ces  diverses  circonstances  ont  pu  nous  induire  eu 
erreur,  comme  ou  l'a  dit  à  l'occasion  du  fait  de  Rullitr  et  de  quelques  au- 
tres? ou  bien  invoquera-t-on  le  même  argument  déjà  mis  en  avant  :  savoir 
que  la  portion  médullaire  n'était  pas  complètement  altérée,  et  que  quelques 


78 

libres  suffisaient  pour  servir  de  conducfetirs  et  transmottro  les  mouvement? 
volontaires  aux  membres  thoraciqucs?  A  cela  je  répondrai  eu  renvoyant  a 
laulopsic  qui  a  été  faite  avec  le  plus  grand  soin,  et  je  montrerai,  bien  que 
je  n'aie  pas  fait  de  recherches  microscopiques  sur  les  portions  altérées,  la 
moelle  dans  un  parfait  état  de  ramollissement  dans  tous  les  points  qui  con- 
stituent le  bulbe  ou  renflement  cervical. 

Je  suis  loin  de  vouloir  admettre,  à  l'exemple  de  quelques  physiologistes, 
que  les  nerfs  siégeant  au-dessns  de  la  lésion  aient  été  sulTisants,  au  moyen 
de  leurs  anastomoses  avec  les  nerfs  qui  émanent  de  la  région  médullaire  ra- 
mollie, pour  transmettre  et  concourir  à  l'intégrité  des  mouvements  volon- 
taires, pas  plus  que  je  ne  tiens  ù  soutenir  cf;tte  vieille  opinion  erronée  que 
les  méninges  peuvent,  dans  des  cas  semblables,  transmettre  le  mouvement 
ou  la  sensibilité;  je  dis  seulement  que  l'opinion  la  plus  accréditée  parmi  les 
physiologistes,  et  qui  me  semble  également  la  plus  rationnelle,  me  parait 
avoir  reçu  dans  cette  circonstance  une  atteinte  sérieuse,  et  que  la  question 
mérite  bien  encore  d'attirer  l'atlention  des  expérimentateurs. 

Je  n'ai  pas  trouvé  dans  les  auteurs  de  faits  parfaitement  semblables.  Tou- 
tefois, je  crois  devoir  en  indiquer  qui,  bien  que  dilTérents  par  le  siège  de  la 
lésion  médulaire,  présentent  une  certaine  analogie  avec  l'observation  qui 
fait  le  sujet  de  cette  note. 

Le  fait  de  RuUier  (Journ.  de  physiologie  expér.,  t.  III,  1828)  a  trait  à  un 
homme  de  40  ans,  affecté  depuis  son  enfance  d'une  déviation  de  la  colonne 
vertébrale,  et  qui  fut,  tout  à  la  fois,  privé  du  mouvement  des  membres  thora- 
ciques  avec  intégrité  de  la  sensibilité  et  conservation  des  mouvements  des 
membres  pelviens.  A  l'autopsie,  on  ne  trouva  aucune  compression  de  la 
moelle;  mais,  dans  une  étendue  de  6  à  7  pouces  environ  (partie  postérieure), 
comprise  entre  les  deux  tiers  inférieurs  de  la  région  cervicale  et  le  tiers  su- 
périeur de  la  région  dorsale  inclusivement,  et  correspondant  à  huit  ou  neuf 
paires  de  nerfs,  la  moelle  était  ramollie  et  diiniiente.  On  voyait  à  peine  sur  la 
partie  antérieure  de  cette  portion  de  la  moelle  altérée  les  cordons  médul- 
laires on  rapport  avec  les  racines  conespoiulantes  ou  antérieures,  A  gauche, 
le  faisceau  antérieur  n'était  plus  marqué,  dans  l'étendue  de  1  pouce  envi- 
ron, que  par  des  portions  lenticulaires  de  matière  médullaire  placées  à  la 
suite  les  unes  des  autres  dans  la  ligne  de  sa  direction,  etc.  (cité  par  M.  Lon- 
get,  obs.  I,  Anatomie  du  système  nerveux,  1. 1,  p.  328). 

Dans  le  t.  II  du  Traité  des  maladies  de  la  moelle  épinière,  d'OUivier 
(d'Angers),  on  trouve  encore  des  faits  analogues  et  d'un  grand  intérêt.  L'ob- 
servation 01 ,  p.  529,  contient  l'histoire  d'un  homme  de  61  ans  qui,  après  avoir 
éprouvé  des  douleurs  dorsales  depuis  six  mois  environ,  un  sentiment  de 
pesanteur  et  d'engourdissement,  suivi  plus  tard  de  paralysie  des  membres 
inférieurs  seulement,  mourut  subilemcnt;  à  l'autopsie  il  fut  trouvé  atteint 
d'une  intUtraliou  sanguine  avec  ramollissement  pultacé  de  la  moelle  depuis 


79 
la  septième  veritibre  cervicale  jusqu'au  sacrum.  Rien  du  côté  des  membres  su- 
périeurs. 

Les  observations  81,  83,  85  et  87  du  même  auteur,  présentent  aussi  une 
grande  analogie  avec  celle  que  nous  publions,  mais  n'oflTrent  pas,  il  s'en  faut, 
un  aussi  grand  intérêt. 

Dans  un  mémoire  trôs-remarquable  de  M.  le  professeur  Velpeau  (Archives 
GÉN.  DE  MÉD.,  t.  VII,  1825),  on  lira  avec  intérêt  quelques  observations  égale- 
ment analogues  cl  d'un  haut  intérêt. 

En  terminant,  je  veux  arrêter  l'attention  de  la  Société  sur  deux  points  im- 
portants :  l'action  réflexe,  quoique  atTaiblie,  était  conservée,  malgré  la  pa- 
ralysie la  plus  absolue  des  membres  inférieurs;  enfin,  l'excitation  galvani- 
que transmettait  encore  la  contractilité  des  membres  paralysés,  à  une  époque 
très-rapprochée  de  la  mort;  ce  qui  ne  concordait  pas  parfaitement  avec  les 
observations  de  M.  le  docteur  Duehesne  (de  Boulogne),  ni  avec  les  induc- 
tions qu'il  avait  cru,  à  l'occasion  d'un  fait  d'Iiématomyélie,  devoir  en  tirer, 
touchant  le  pronostic  des  affections  de  la  moelle. 

On  sait,  en  effet,  que  M.  Duehesne  (de  Boulogne)  avait  trouvé  que  dans  les 
affections  graves  de  la  moelle  cpinière,  qui  doivent  entraîner  la  mort  dans  un 
terme  très-rapproché,  la  sensibilité  électro-musculaire  est  complètement 
éteinte.  C'est  du  moins  ce  qui  résulte  des  faits  énoncés  dans  l'observation 
à  laquelle  je  viens  de  faire  allusion,  et  dans  un;  grand  nombre  d'autres 
encore. 

IV.  —  Anatomie  pathologique. 

1"   TUMEDR    FIBRO  CALCAIRE  DE  LA  DURE-MÎÎRE  ;  présentée  par  M.    BONNEJOY. 

Cette  tumeur  a  été  trouvée  chez  une  femme  de  55  ans,  morte  à  l'hôpital 
Lariboisière  d'un  épanchement  dans  le  lobe  cérébral  droit. 

Elle  proéminait  à  la  partie  droite  de  l'encéphale,  dans  l'intérieur  du  crâne, 
et  était  située  à  environ  3  ceidimètres  de  la  ligne  médiane,  et  3  centimètres 
et  demi  de  la  ligne  périphérique  de  la  tente  du  cervelet. 

Elle  avait,  en  déprimant  les  circonvolutions  cérébrales  recouvertes  par 
l'arachnoïde  et  la  pie-mère,  formé  une  espèce  de  cupule  qui  la  recevait,  mais 
sans  contracter  aucune  adhérence  avec  elle. 

A  l'autopsie,  on  tiouvaitune  injection  considérable  des  méninges, plus 
vive  aux  environs  du  foyer  hémorrhagique,  mais  elle  n'augmentait  ni  ne 
diminuait  dans  la  cupule  précitée.  Enfin,  de  nombreuses  coupes  faites  en 
tous  sens  dans  cette  cupule,  n'ont  pas  fait  voir  de  communications  avec  le 
foyer  hémorrhagique  qui  s'en  trouvait  séparé  par  une  distance  minimum  de 
3  centimètres. 

Il  est  facile  de  conclure  de  ces  remarques  que  cette  tumeur,  à  laquelle  le 


80 
cerveau  s'était  liabilini  n'a  ou  aucune  intlucnoe  sur  la  marche  lïc  la  maladie 
à  laquelle  asuccoiul)(''  la  malade. 

Celte  tumeur,  examinée  d'abord  par  M.  Bioca,  puis  par  M.  Cli.  Robin,  a 
présenté  une  structure  composée  de  faisceaux  fibreux  purs  entremêlés  d'uu 
autre  tissu  dont  on  trouve  l'analogue  dans  les  corps  de  Pacchioni  hypertro- 
phiés. 

Ce  tissu  se  présente  sous  l'aspect  de  fibres  bien  plus  grosses  que  le  tissu 
fibreux  ordinaire,  présentant  une  partie  ceuliale  amorphe,  cassante,  de 
nature  calcaire,  entourée  J'une  enveloppe  conservant  les  caractères  du  tissu 
fibreux  et  qui,  dans  les  cassures,  se  décolle  sans  se  déchirer. 

Ce  tissu  n'est  autre  que  du  tissu  fibreux  ayant  subi  une  dégénérescence 
calcaire,  le  dépôt  commence  par  la  partie  centrale  des  faisceaux,  les  écarte, 
les  hypertrophie,  et  s'accompagne  d'autres  dépôts,  amorphes  ou  granulés, 
dans  l'intervalle  de  ces  mêmes  faisceaux. 

En  somme,  dans  celte  tumeur  qui  semble  développée  dans  l'épaisseur  de  la 
dure-mère,  on  reconnaît  du  tissu  fibreux  ordinaire,  du  tissu  ayant  subi  la 
dégénérescence  calcaire,  et  des  dépôts  intermédiaires  aux  deux  ordres  de 
fibres,  et  dont  la  nature  calcaire  est  démontrée  par  ce  fait  qu'à  l'aide  de  l'a- 
cide chlorhydrique,  il  donne  lieu  à  de  nombreuses  bulles  de  gaz. 

2°  ATROPHIE  MUSCULAIRE  PROGRESSIVE  ;  LÉSIONS  HISTOLOGIQUES  DE  LA  SUBSTANCE 
GRISE  DE  LA  MOEILE  ÉPlNIKRE;   par  M.  JULES  LUYS. 

Il  s'agit  d'un  homme  âgé  de  57  ans,  entré  à  l'hôpital  Lariboisière  dans  le 
service  de  M.  Hérard,  et  qui  présentait  une  atrophie  prononcée  des  muscles 
des  régions  thénar  et  hypothénar  de  la  main  gauche.  Les  masses  musculaires 
de  l'avant-bras  étaient  pareillement  diminuées  de  volume.  La  faiblesse  était 
proportionnelle  à  la  diminution  apparente  de  l'élément  musculaire.  C'est  à 
peine  si  la  main  et  l'avant-bras  du  côté  opposé  présentaient  en  même  temps 
une  faiblesse  croissante  et  un  certain  degré  d'atrophie.  Il  n'y  avait  rien  à  si- 
gnaler du  côté  des  membres  inférieurs.  L'intelligence  était  saine.  Le  malade 
succombe  à  une  pneumonie  inicrcurrente. 

On  ne  trouva  à  l'autopsie  rien  d'anormal  dans  l'encéphale.  La  moelle  épi- 
nière  au  niveau  et  au-dessus  du  renflement  brachial  présente  une  atrophie 
très-manifeste  des  racines  antérieures  du  côté  gauche.  Ces  racines,  en  efTot, 
étaient  grisâtres,  diminuées  considérablement  de  volume;  ce  n'était  plus 
qu'une  sorte  de  ccilulosité  lâche,  sans  consistance,  que  la  plus  légère  traction 
suffisait  pour  dissocier.  Il  n'y  avait  environ  que  les  filets  radiculaircs  corre.s- 
pondant  à  cinq  racines  antérieures  du  côté  gauche,  d'envahis.  Au-dessous 
et  au-dessus  de  ces  endroits,  les  filets  nerveux  émergonts  de  la  moelle  avaient 
repris  leur  volume  et  leur  aspect  normaux. 

Les  filets  nerveux  d'origine  des  racines  correspondantes  du  côté  droit  pré- 
sentent aussi  un  certain  degré  d'atrophie, 


81 

Eu  examinant  lu  texture  de  la  moelle,  nous  constatâmes  les  particularité? 
suivantes  : 

1"  L'énorme  développement  du  système  capillaire  dans  tonte  la  portion  de 
substance  grise  correspondante  au  point  où  les  racines  étaient  atrophiées. 
Les  vaisseaux,  en  effet,  étaient  litt(;ralement  turgides,  et  les  globules  empilés 
les  uns  sur  les  autres  dans  leur  cavité.  Les  canaux  vasculaires  venant  de  la 
périphérie  de  la  moelle  et  ceux  venant  des  portions  centrales  formaient  tous 
un  lacis  anastomotique  excessivement  remarquable.  En  quelques  endroits, 
le  tissu  de  la  substance  grise  avait  été  éraillé  par  suite  de  la  dilatation  des 
parois  vasculaires.  Presque  partout  les  parois  des  vaisseaux  étaient  épaissies 
et  entourées  d'un  dépôt  granuleux,  véritable  exsudât  qui  n'avait  pas  été 
au  delà  de  leur  tunique  externe,  dans  d'autres  points,  l'exsudat  avait  franchi 
cette  limite  et  se  trouvait  à  l'état  dilTus  dans  la  trame  de  la  substance  grise 
principalement.  Cette  vascularisation  exubérante  était  plus  développée  du 
côté  gauche  ;  elle  avait  complètement  disparu  au  niveau  de  la  région  dorsale  et 
de  la  région  lombaire.  Une  grande  quantité  de  corpuscules  amyloïdes  se  fai- 
sait remarquer  dans  le  tissu  cellulaire  qui  entourait  les  capillaires  et  dans  les 
portions  centrales  de  la  substance  grise. 

2°  Les  éléments  nerveux  otTraient  ceci  de  remarquable  :  dans  les  racines 
antérieures  atrophiées,  nous  constatâmes  la  disposition  des  tubes  nerveux 
par  résorption  de  leur  contenu ,  les  parois  seules  étant  çà  et  là  encore  recon- 
naissables.  Dans  les  cornes  antérieures  de  la  substance  grise,  au  point  cor- 
respondant aux  lieux  d'émergence  des  racines  antérieures,  nous  ne  pûmes 
constater,  en  les  recherchant  avec  soin,  la  présence  des  cellules  nerveuses; 
elles  avaient  toutes  disparu  et  nous  ne  trouvâmes  à  leur  place  que  cette  sub- 
stance granuleuse  plus  ou  moins  abondante  et  que  nous  sommes  porté  à  con- 
sidérer comme  un  exsudât  des  capillaires  énormément  dilatées  de  ces  ré- 
gions. 

A  côté  des  points  où  nous  nous  constatâmes  l'absence  des  cellules  anté- 
rieures, nous  pûmes  en  trouver  quelques-unes  en  voie  d'évolution  rétrograde, 
elles  étaient  de  coloration  brunâtre,  remplies  de  granulations  foncées;  toutes 
leurs  anastomoses  étaient  rompues. 

C'est  principalement  dans  le  côté  gauche  de  la  substance  grise  que  nous 
trouvâmes  ces  lésions  variées,  elles  étaient  bien  moins  prononcées  dans  tout 
le  côté  droit. 

Les  cellules  nerveuses  des  régions  postérieures  correspondantes  de  la 
moelle  étaient  pareillement  méconnaissables. 

La  texture  et  les  éléments  anatomiques  de  la  moelle  aux  régions  dorsale  et 
lombaire  étaient  dans  leurs  rapports  normaux. 


C.  R. 


COMPTE  RENDU  DES  SÉANCES 


DE 


LA  SOCIÉTÉ  DE  BIOLOGIE 

PENDANT  LE  MOIS  DE  JUILLET  1860; 

Par  m.  le  Docteur  J.  M  ARE  Y,  secrétaire. 


PRÉSIDENCE  DE  M.  RAYER. 


I.  —  Physiologie. 


NOTE  SUR  UN  CAS  D'ÉRUPTION  DENTAIRE  CHEZ  UNE  PERSONNE  DE   85  ANS; 

par  M.  Carre,  interne  des  hôpitaux  de  Paris. 

Quoique  soumises  à  des  lois  dans  leur  évolution,  les  dents  peuvent,  comme 
beaucoup  d'organes,  présenter  de  curieuses  anomalies.  Ici,  plus  encore 
peut-être  que  dans  aucun  système  de  l'économie,  ces  anomalies  sont  fré- 
quentes. Tantôt,  en  effet,  les  dents  font  leur  apparition  avec  une  rapidité  ex- 
traordinaire (tout  le  monde  connaît  l'exemple  de  Louis  XIV)  ;  tantôt,  au  con- 
traire, elles  se  montrent  bien  après  l'époque  voulue.  Ainsi,  Charles  Rayer 
fait  mention  d'une  femme  qui  n'eut  ses  canines  qu'à  l'âge  de  13  ans  -,  Baumes 
eite  le  eas  curieux  d'un  homme  qui  ne  fit  pas  une  seule  dent  pendant  tout* 


84 

sa  vie.  Les  exemples  de  troisième  dentition  ne  sont  pas  raves  '1);  enfin,  on  a 
cité  des  cas  de  quatrième  dentition  [1],  mais  ces  cas  paraissent  tellement  en 
deliors  des  lois  natnrelles,  qu'on  peut  rester  sceptique  à  leur  éi^ard.  Il  n'en 
est  pas  de  même  de  ces  apparitions  tardives,  dont  les  exemples  nombreux, 
fournis  par  les  auteurs,  constatent  l'autlienticité.  On  pourrait  multiplier  les 
citations  à  cet  égard;  Je  me  contente  de  donner  quelques  faits. 

Ysabeau  a  vu  des  dents  faire  leur  apparition  chez  des  sujets  de  80,  92  et 
même  l'20  ans  (3)  ;  Fauchart  a  observé  des  dents  de  sagesse  à  40  et  56  ans  ; 
Bohmer  à  76  ;  Hoffmann  à  80  et  81  ;  Bartholln  à  83.  Malgré  tous  ces  exemples, 
j'ai  pensé  que  l'observation  suivante  présentait  assez  d'intérêt  pour  être  re- 
latée : 

Obs.  —  Madame  X a  85  ans;  elle  jouit  dune  excellente  santé  et  d'une 

activité  surprenante  pour  son  âge.  Un  phénomène  curieux  s'est  manifesté 
chez  elle  vers  le  mois  de  janvier  1859.  A  cette  époiiue,  elle  ressentit  ime 
douleur  à  la  mâchoire  supérieure?  elle  crut  s'être  brûlée  en  prenant  un  po- 
tage trop  chaud.  Cette  sensation  de  brûlure  et  de  chaleur  persista,  avec  un 
peu  de  gonflement,  pendant  une  huitaine  de  jours,  et  c'est  alors  qu'elle  s'a- 
perçut, à  son  grand  étonnement,  qu'une  dent  lui  poussait.  C'était  la  canine 
supérieure  gauche.  Celle-ci  s'accrut  avec  rapidité,  et  actuellement  elle  a  ses 
dimensions  et  ses  caractères  naturels,  qui  permettent  facilement  de  la  recon- 
naître; elle  est  solidement  implantée  dans  son  alvéole. 

Deux  mois  environ  après  cette  première  apparition,  les  mômes  symptômes 
d'évolution  dentaire  se  montrèrent  dans  le  voisinage  et  se  terminèrent  par 
l'éruption  de  la  deuxième  incisive  gauche.  Cette  dent  est  petite,  solide  et 
présentant  des  aspérités. 

A  quelques  mois  d'intervalle  (la  date  n'est  pas  précise),  madame  X vit 

apparaître  la  première  petite  molaire  inférieure  du  côté  droit;  enOn,  au  mois 
de  janvier  dernier,  la  première  petite  molaire  supérieure  du  môme  côté.  La 
première  de  ses  deux  dents  n'a  acquis  qu'un  développement  très-limité  ;  elle 
déborde  à  peine  le  rebord  de  la  gencive,  elle  est  irrégulière  à  sa  surface 
libre.  La  deuxième  a  des  dimensions  presque  normales. 

La  première  fois  que  je  vis  madame  X ,  elle  éprouvait  un  peu  de  dou- 
leur au  niveau  de  l'alvéole  correspondante  à  la  première  incisive  supérieure 
droite;  elle  croyait  à  l'évolution  d'une  dent  nouvelle;  aujourd'hui,  c'est-à- 
dire  un  mois  après,  les  signes  congestionnels  dont  je  viens  de  parler  ont 
disparu. 

(1)  Gelilor,  De  dentiticwe  tertia,  Lclpsiat),  1766;  Huiler,  Elemknta  puysio- 
Lom,£,  t.  VIII,  p.  T.. 

(2)  Voir  Encyclopédie  anatomiqle,  article  Denu. 

(••)   JOLRNAL  »E  MÉDECINE,   I7(i6,  t,  .KXV. 


85 

Ainsi,  dans  l'intervalle  d'un  an  et  demi,  la  personne  qui  fait  le  sujet  de 
cette  observation,  a  fait  quatre  dents,  savoir,  dans  l'ordre  d'évolution  : 

1°  La  canine  supérieure  gauche; 

2»  La  deuxième  incisive  supérieure  gauche; 

3°  La  première  petite  molaire  inférieure  droite; 

4»  La  première  petite  molaire  supérieure  droite. 

De  ces  quatre  dents  une  (la  première)  a  acquis  ses  dimensions  normales 
avec  rapidité  ;  une  autre  (la  dernière)  a  presque  sa  longueur  ordinaire  ;  les 
deux  autres  sont  restées  rudimentaires  et  inégales.  Les  gencives  fermes, 
comme  chez  les  vieillards  édentés,  sont  totalement  dégarnies  dans  les  au- 
tres points  de  leur  étendue. 

J'ai  questionné  madame  X sur  sa  première  et  sur  sa  dernière  dentition  ; 

mais  on  comprend  que  ses  souvenirs  soient  assez  confus  pour  ne  pouvoir 
fournir  que  de  vagues  données  sur  une  époque  de  sa  vie  déjà  si  éloignée. 
Cependant  elle  ne  se  rappelle  pas  avoir  entendu  dire  qu'il  y  ait  eu  quelque 
chose  d'anormal  dans  le  développement  de  ses  dents. 

Elle  n'a  été  réglée  qu'à  plus  de  18  ans.  Le  flux  menstruel  s'est  tari  vers 
l'âge  de  44  ans.  Mariée  à  21,  elle  a  eu  quinze  couches  ;  tous  ses  enfants  ont 
eu  d'excellentes  dents. 

Pendant  ses  nombreuses  couches,  ou  à  leur  suite,  elle  a  eu  plusieurs  fois 
des  douleurs  dentaires.  Ce  n'est  qu'à  partir  de  50  ans  que  les  dents  sont  suc- 
cessivement tombées,  sans  causer  de  soufl'rances. 

Les  cheveux  ont  blanchi  à  67  ans,  à  l'époque  de  la  mort  de  son  mari.  Mais 
ce  changement  de  coloration  a  été  très-limité ,  car,  à  présent  encore,  la  che- 
velure de  madame  X est  légèrement  blanche  à  la  région  frontale.  En  ar- 
rière et  sur  les  côtés,  les  cheveux,  fins  et  abondants,  sont  d'un  blond  châtain 
et  assez  longs  pour  descendre  jusqu'au  niveau  de  la  taille. 

La  vue  et  l'ouïe  ont  conservé  leur  intégrité,  les  ongles  poussent  avec  une 
rapidité  qui  oblige  madame  X à  remédier  souvent  à  leur  exubérante  lon- 
gueur. 

II.  —  Anatomie. 

NOTE  SUR  LES  LIGAMENTS  QUI  SUCCÈDENT  A  LOUUAQUE  (1); 

par  M.  le  docteur  Charles  Robin. 

« 

Le  passage  suivant  deHuschke  (Splanchnologie,  Paris,  1845,  trad.  franc., 

in-8,  p.  309)  résume  assez  bien  les  diverses  descriptions  qui  ont  été  données 
des  artères  ombilicales  et  de  l'ouraque  chez  l'adulte,  descriptions  dont  ce 
travail  démontre  l'inexactitude,  u  Le  sommet  (de  la  vessie)  est  retenu  en 

(1)  Voyez,  pour  la  première  partie  de  ces  recherches,  Ch.  Robin,  Mémoim 
sur  la  rétraction  des  vaisseaux  ombilicaux,  Gazette  Médicale,  1858. 


86 
place  sur  la  ligne  médiane  par  le  ligament  suspenseur  {Ugamentum  suspenso- 
rium  seu  vésicule  médium),  qui  est  l'ouraque  oblitéré  et  réduit  à  un  cordon 
ligamenteux.  La  vessie  n'est  donc  pas  sujette  à  abandonner  la  ligne  médiane, 
comme  il  arrive  si  souvent  à  la  matrice  qui  n'a  point  de  ligament  suspenseur. 
De  la  portion  de  ses  faces  latérales  couvertes  par  le  péritoine,  s'élèvent  à 
droite  et  à  gauche,  les  ligaments  latéraux  {ligamenta  lateralia,  dexlrum  et 
sinistrum),  deux  cordons  arrondis,  dont  chacun  naît  du  tronc  de  l'artère  vé- 
sicale  supérieure,  se  porte  de  là  eu  dedans  et  en  avant,  le  long  des  parois 
vésicales,  monte  contre  les  parois  du  bas-ventre  derrière  le  muscle  droit, 
se  rapproche  là  peu  à  peu  de  la  ligne  médiane,  et  parvenu  à  l'ombilic,  ren^ 
contre  celui  du  côté  opposé  et  l'ouraque,  puis  se  confond  avec  le  tissu  fibreux 
de  la  portion  ombilicale  de  la  ligne  blanche.  Ces  cordons  sont  les  artères  om- 
bilicales du  fœtus,  oblitérées  à  partir  des  artères  vésicales  supérieures  et  con- 
verties en  ligaments  ;  aussi  les  appelle-t-on  chordse  arteriarum  ombilicalium. 
Comme,  ainsi  que  l'ouraque,  ils  font  saillie  au-dessous  du  péritoine,  ils  lais- 
sent entre  eux  et  l'ouraque  deux  fosses  triangulaires  étendues  depuis  le  sommet 
de  la  vessie  jusqu'à  l'ombilic,  qu'on  nomme  fosses  ingninales  internes  {fossa 
inguinalis  dextra  et  sinistra.)  Ces  ligaments  latéraux  contribuent  aussi  à  rete- 
nir la  vessie  dans  sa  situation  verticale,  en  même  temps  qu'ils  la  dirigent  en 
avant.  i>  Ce  rôle,  ainsi  que  celui  attribué  plus  haut  à  l'ouraque  ne  peut  être 
accepté  comme  exactement  interprété  ;  les  fossettes  inguinales  n'ont  pas  l'é- 
tendue que  leur  donne  cette  description. 

Le  ligament  fibreux  (pii  fait  suite  à  l'ouraque  se  perd  quelquefois  en  s'efll- 
lant  sur  la  surface  postérieure  de  la  ligne  blanche,  sans  avoir  de  relation  avec 
les  autres  Claments.  D'autres  fois,  il  monte  en  entier,  subdivisé  ou  non,  sur 
la  ligne  médiane,  et  se  joint  aux  deux  ligaments  artériels  à  leur  angle  de 
réunion,  plus  bas  que  l'ombilic.  Parfois,  il  se  jette  latéralement  sur  l'un  des 
deux  ligaments  artériels  avant  leur  réunion  sur  la  ligne  médiane,  mais  alors 
une  ou  plusieurs  de  ses  branches  vont  joindre  le  ligament  (lui  fait  suite  à  la 
veine  ombilicale.  Le  plus  souvent,  il  ne  fait  que  communiquer  par  un  ou 
deux  minces  filaments  avec  les  ligaments  des  artères,  et  se  continue,  en 
cordon  simple  ou  subdivisé,  avec  un  ou  deux  faisceaux  principaux  du  li- 
gament de  la  veine  ombilicale,  sans  avoir  de  connexion  avec  l'anneau.  Ja- 
mais il  ne  s'y  insère  immédiatement,  et,  lors  mémo  que  les  deux  ligaments 
faisant  suite  aux  moignons  artériels  vont  directement  à  l'anneau,  c'est  à  eux 
qu'il  s'unit  quand  il  approche  beaucoup  de  ce  dernier.  Enfin,  quelquefois, 
.  il  passe  derrière  l'ombilic  sans  entrer  en  connexion  avec  lui,  et  se  continue 
comme  il  vient  d'être  dit  avec  le  ligament  de  la  veine  entier  ou  avec  une  de 
ses  branches. 

Par  cette  continuation  des  ligaments  faisant  suite  à  l'ouraque  et  à  la  veine 
ombilicale,  la  vessie  se  trouve  reliée  mécaniquement  au  foie,  le  bas-ventre 
iivoc  la  région  sotis-diaphragmalique  de  l'abdamen  pav  l'intermédiaire  de 


87 
toute  la  hauteur  de  la  portion  molle  des  parois  abdominales.  Par  là  aussi  se 
trouve  augmentée  la  résistance  de  celle-ci,  celle  du  moins  de  la  ligne  blanche 
dans  le  sens  longitudinal. 

Les  citations  suivantes  montrent  que  quelques-uns  des  faits  précédents 
ont  déjà  été  vus  sans  que  leur  signification  ait  été  saisie  :  •<  L'ouraque  chez 
le  fœtus  arrive  jusqu'à  l'ombilic,  et  bientôt  il  adhère  à  l'une  des  artères  om- 
bilicales ;  son  adhérence  à  un  de  ces  vaisseaux  fait  que  chez  l'adulte  on  le 
rencontre  très-bas  et  très-rapproché  de  la  vessie,  disposition  qui  est  due  à 
ce  que  ces  vaisseaux  se  sont  rétractés  dans  la  cavité  abdominale.  »  On  croi- 
rait, d'après  ces  mots,  que  la  rétraction  des  artères  est  réellement  indiquée 
dans  cette  phrase,  si  l'on  ne  lisait  quelques  lignes  plus  bas  :  «  Tous  ces  cor- 
dons solides  et  pleins,  artères,  veines  et  ouraque,  par  leur  mode  de  termi- 
son  et  d'origine,  représentent  donc  un  triangle  dont  le  sommet  est  à  la  peau 
et  à  l'anneau  ombilical.  «  (Jobert  (de  Lamballe),  Maladies  chirurgicales  du 
CANAL  INTESTINAL,  Paris,  1829,  in-8,  t.  II,  p.  213-214.) 

«Il  est  très-fréquent  de  voir  l'ouraque,  volumineux  à  son  origine,  se  ré- 
trécir après  2  ou  3  pouces  de  trajet,  et  aller  se  confondre  avec  le  cordon  qui 
remplace  l'artère  ombilicale  gauche;  d'autres  fois  il  s'éparpille  dans  le  tissu 
cellulaire,  et  les  filaments  qui  résultent  de  sa  division  sont  les  uns  à  l'ombi- 
lic, les  autres  aux  cordons  qui  représentent  les  artères  ombilicales.  »  (Cru- 
veilhier,  Anatomie  descriptive,  Paris,  1843,  in-8,  t.  Ill,  p.  549.)  Ce  n'est  point 
l'ouraque  qui  est  éparpillé,  mais  son  adhérence  cicatricielle  à  l'ombilic  qui 
est  tiraillée  et  détachée  de  l'anneau. 

Chez  les  solipèdes  et  les  ruminants,  lorsque  la  vessie  descend,  elle  soulève 
le  péritoine  sous  forme  de  pli,  et  un  filament  fibreux  qui  occupe  le  bord  libre 
de  ce  dernier,  existe  dès  l'origine  de  ce  déplacement  entre  le  sommet  de  la 
vessie  et  l'ombilic.  Chez  l'adulte,  on  trouve  donc  un  ligament  analogue  à 
ceux  que  je  viens  de  décrire,  étendu  entre  le  sommet  de  ce  réservoir  et 
l'anneau  sur  le  bord  inférieur  et  un  peu  au  fond  duquel  il  s'insère.  Il  est  blanc 
nacré  ou  un  peu  jaunâtre,  aplati,  large  de  1  à  2  millimètres.  Il  est  formé  de 
fibres  élastiques  analogues  à  celles  signalées  plus  haut  dans  les  ligaments  de 
l'homme,  et  de  fibres  lamineuses.  Il  est  à  peine  vasculaire  et  ne  contient  que 
quelques  capillaires. 

Chez  les  carnassiers  et  les  rongeurs,  le  sommet  de  la  vessie  est  arrondi, 
flottant,  tout  à  fait  libre,  et  n'est  point  surmonté  d'un  ligament  filamenteux 
allant  à  l'ombilic  comme  chez  les  animaux  précédents. 

«  L'une  de  ces  lames  (péritonéales,  dites  Ugameiits  de  la  vessie),  impaire  et 
verticale,  se  fixe  sur  la  partie  inférieure  du  cul-de-sac  de  la  vessie  ou  mieux 
son  fond  ;  il  n'est  pas  rare  de  la  voir  se  prolonger  en  avant  sur  la  paroi  in- 
férieure de  l'abdomen  jusqu'à  l'ombilic  ;  elle  porte,  dit-on,  à  son  bord  libre 
un  mince  ourlet,  dernier  vestige  du  canal  ouraque;  si  cet  ourlet  existe,  ce 
qui  nous  semble  douteux,  il  ne  peut  avoir  la  signiOcaliQQ  qu'on  veut  bieu 


lui  attribuer,  car  l'ouraque  n'a  point,  comme  les  artères  ombilicale?,  une 
portion  abdominale;  il  commence  seulement  au  niveau  de  l'ombilic,  pour  se 
])rolong(;r  dans  le  cordon  jusqu'à  rallanloïae.  »  (Cbauvcau,  Anatomie  com- 
PAKÉE  DES  ANIMAUX  DOMESTIQUES,  Paris,  1855,  in-8,  page  450.)  Il  n'est  pas 
douteux  que  l'ourlet  ci-dessus  existe,  mais  il  n'appartient  pas  au  repli  du 
péritoine;  c'est  lui  qui  soulève  le  péritoine  en  nn  double  feuillet.  Son  déve- 
loppement est  dû  à  la  traction  graduelle  qu'éprouve  l'adhérence  cicatricielle 
du  sommet  de  l'ouraque  ou  de  la  vessie  à  l'anneau  après  la  chule  du  cordon. 
Cette  traction  dépend  elle-même  de  l'écartement  amené  entre  ces  deux  or- 
ganes par  l'accroissement  du  corps. 

Sur  l'extrémité  de  la  veine  oblitérée  et  rétractée,  sont  insérés  des  lilaments 
aplatis  d'un  blanc  jaunâtre  qui  tranche  sur  la  teinte  grise  de  celle-ci.  Us 
rampent  à  la  surface  à  laquelle  ils  adhèrent  fortement  dans  une  étendue  de 
3  à  5  centimètres,  avant  d'abandonner  son  extrémité  qu'ils  enchâssent  en 
quelque  sorte.  Au  delà  de  celle-ci,  ils  se  réunissent  ordinairement  en  un  liga- 
ment uniijue  long  de  1  ou  plusieurs  centimètres,  qui  se  divise  bienl(M  en  deux 
ou  trois  filaments  accolés  l'un  à  l'autre.  Parfois  un  ou  plusieurs  de  ceux-ci 
se  bifurquent  de  nouveau  dans  le  voisinage  de  l'ombilic.  Ils  sont  générale- 
ment grêles,  leur  volume  n'est  pas  nécessairement  en  rapport  avec  cehii  des 
ligaments  sous-ombilicaux,  et  leur  disposition  n'offre  pas  les  variétés  qu'on 
observe  sur  ces  derniers. 

Ordinairement  un  de  ces  filaments,  qui  est  presque  toujours  le  plus  gros, 
se  continue  derrière  l'anneau  avec  le  ligament  qui  fait  suite  au  cordon 
fibreux  de  l'ouraque.  Mais  en  même  temps  des  divisions  de  ce  faisceau  on 
les  branches  du  ligament  de  la  veine,  se  continuent  derrière  ou  sur  les  côtés 
de  l'ombilic  avec  des  branches  des  ligaments  artériels. 

Us  passent  ainsi  derrière  l'anneau  sans  lui  adhérer,  et  appliqués  contre  lui 
par  le  péritoine,  le  tissu  lamineux  et  le  fascia  umbilicalis.  Quelquefois  ils 
concourent  à  empêcher  les  viscères  de  traverser  Pombilic.  En  même  temps 
que  les  dispositions  précédentes,  il  n'est  pas  rare  de  voir  les  particularités 
que  voici,  bleu  qu'elles  ne  soient  pas  constantes.  De  chaque  côté  de  l'anneau, 
ù  son  niveau  ou  uu  peu  plus  bas  s'intriquent  avec  les  fibres  d'insertion  des 
ligaments  artériels,  celles  de  deux  des  subdivisions  du  ligament  faisant  suite 
à  la  veine  ;  il  peut  aussi  en  venir  un  s'unir  avec  les  fibres  de  ces  ligaments 
artériels  au  bord  inférieur  de  l'anneau. 

Lorsque  le  curdun  fibreux  de  l'ouraque  s'est  rétracté  sans  conserver  de 
relations  avec  les  ligaments  des  vaisseaux,  ce  qui  est  rare,  on  ne  trouve  (\ue 
les  unes  ou  les  autres  des  dispositions  précédentes,  et  surtout  la  continuation 
des  ligaments  faisant  suite  à  la  veine  avec  ceux  des  artères  seulement. 

L'orifice  ombilical  se  trouve  placé  au  centre  d'une  portion  de  la  ligue 
blanche  qui  est  ovalairc,  allongée  dans  le  sens  vertical,  et  plus  épaisse  que 
le  reste  de  cette  bjuide  aponévrolique.  La  ioruie  ovalairc  de  celle  portion  de 


89 
la  ligne  blanche  est  due  à  ce  que,  au  niveau  de  cet  oriflce,  les  muscles  droits 
de  l'abdomen  et  leur  '^lûno  sont  un  peu  rétrécis,  et  leur  bord  interne  est  par 
suite  légèrement  concave.  Lorsqu'on  a  ouvert  leur  gaine  aponévrotique,  on 
voit  même  que  le  muscle  est  pourvu  au  niveau  de  cette  concavité  et  dans 
toute  sa  longueur  d'un  petit  faisceau  tendineux  longitudinal,  brillant,  plus  ou 
moins  long  et  plus  ou  moins  épais  suivant  les  sujets.  L'anneau  ombilical  lui- 
même  est  bordé  de  fibres  qui  s'irradient  autour  de  lui  comme  centre,  qui 
s'épaisissent  et  vont  se  perdre  entre  les  fibres  transversales  ou  légèrement 
obliques  de  la  ligne  blanche  qui  de  droite  et  de  gauche  viennent  s'entre- 
croiser sur  la  ligne  médiane. 

C'est  à  ces  faisceaux  radiés  au  pourtour  du  trou  aponévrotique  ombilical, 
sur  ses  deux  côtés,  que  s'insèrent  par  enchevêtrement  de  fibres  les  deux 
moitiés  du  ligament  faisant  suite  à  la  veine  ombilicale,  quand  il  n'est  pas  eu 
continuité  avec  le  ligament  faisant  suite  à  l'ouraque,  qui  manque  parfois, 
ainsi  que  nous  Tavoiis  vu. 

Dès  que  les  filaments  ligamenteux  aplatis,  décrits  précédemment,  sont  de- 
venus volumineux,  leur  teinte  d'un  gris  jaunâtre,  analogue  à  celle  du  tissu 
élastique,  tranche  sur  l'aspect  gris  demi-transparent  et  cylindrique  des  longs 
vaisseaux  qui  les  accompagnent.  Ces  vaisseaux  leur  adhèrent  quelquefois 
même  assez  fortement,  et  avant  la  dissection  donnent  à  l'ensemble  du  sys- 
tèmeligamentcux  un  aspect  plus  riclieet  plus  éparpillé  (luil  ne  l'est  réellement. 
Ceci  est  surtout  marqué  pour  les  vaisseaux  qui,  de  la  face  antérieure  de  la 
vessie  montent  sur  les  côtés  du  cordon  de  l'ouraque  et  des  ligaments  qui 
lui  font  suite.  Sous  le  microscope,  les  petites  veines  se  distinguent  parce 
qu'elles  sont  assez  riches  en  fibres  élastiques  longitudinales,  tandis  que  celles 
des  artérioles  sont  surtout  circulaires.  Les  vaisseaux  qui  accompagnent  le 
ligament  faisant  suite  à  la  veine,  peuvent  être  suivis  derrière  l'ombilic  et  la 
ligne  blanche  jusqu'à  2  ou  3  centimètres  au-dessous  de  lui,  où  ils  s'inoculent 
transversalement  avec  des  branches  des  artères  et  veine  épigaslriques.  Dans 
leur  trajet  sus-ombilical,  ils  donnent  des  branches  transversales  qui  s'ana- 
stomosent avec  des  rameaux  des  mêmes  conduits  au  travers  d'orifices  arron- 
dis ou  ovalaires  à  contours  bien  dessinés,  quelquefois  assez  épais,  que  pré- 
sente la  gaine  aponévrotique  sterno-pubienne. 

Chez  le  cheval,  on  trouve  le  bout  de  la  veine  ombilicale  à  8  ou  10  centi- 
mètres au-dessus  de  l'ombilic,  appliqué  par  le  péritoine  contre  la  ligne 
blanche;  mais  il  ne  reste  nullement  adhérent  à  l'anneau.  Il  est  légèrement 
conique,  blanchâtre  et  le  cordon  fibreux  résultant  de  l'oblitération  de  la  veine 
offre  également  cette  couleur.  Ce  cordon  offre  la  même  structure  que  chez 
l'homme;  il  est  large  de  3  à  5  millimètres,  reste  appliqué  et  adhérent  contre 
la  ligne  blanche,  puis  contre  l'appendice  syphoïde  jusqu'au  niveau  des  at- 
taches du  diaphragme  à  ce  cartilage.  A  partir  de  là,  il  occupe  le  bord  libre 
du  repli  péritonéal  falciforme,  gagne  l'échancrure  du  lobe  moyen  dans  la- 


90 

quelle,  après  un  trajet  de  quelques  centimètres,  il  rencontre  une  grosse 
branche  hèputique  de  la  veine  porte  sur  laquelle  il  s'insère.  Il  no  conserve 
de  cavité  à  son  point  d'insertion  que  dans  une  longueur  de  3  à  4  milli- 
mètres. Le  ligament  qui  lui  fait  suite  ne  conserve  pas,  comme  chez  l'homme, 
de  connections  avec  celui  de  l'ouraque  chez  l'adulte. 

III.  —  Pathologie. 

1°  NOTE  SUR  LE  DÉLIRE  AIGU  CHEZ  LES  NÉO-CALÉDONIENS;  par  M.  DE  RoCHAS  , 

chirurgien  de  marine. 

Ou  sait  que  plusieurs  voyageurs  en  Amérique,  en  particulier  de  Humboldt, 
ont  constaté  l'absence  ou  l'extrême  rareté  de  l'aliénation  mentale  dans  les 
tribus  indiennes  du  Nouveau-Monde.  On  a  dit  et  avec  juste  raison,  je  trouve, 
que  les  causes  morales  si  nombreuses  qui  provoquent  dans  les  sociétés  po- 
licées le  développement  de  cette  aflection  n'existent  point  pour  la  plupart 
dans  les  hordes  barbares.  Quiconque  a  vécu  quelque  temps  côte  à  cûte  avec 
les  sauvages,  et  à  plus  forte  raison  parmi  eux,  sait  qu'il  n'est  aucun  événe- 
ment susceptible  de  les  impressionner  longtemps  et  vivement  ;  l'insouciance 
est  l'essence  même  de  leur  caractère  et  leur  procure,  à  bien  des  égards,  les 
mêmes  avantages  que  la  philosophie.  Mais  il  est  un  ordre  d'impressions  men- 
tales dont  les  sociétés  barbares  sont  le  domaine  de  prédilection  :  je  veux  par- 
ler des  idées  superstitieuses,  des  terreurs  paniques,  de  toutes  les  misères 
morales  entretenues  par  l'ignorance,  et  trop  souvent  exploitées  par  le  charla- 
tanisme d'une  caste.  Rien  d'étonnant  alors  que. ces  impressions,  d'autant  plus 
puissantes  qu'elles  ont  pour  sujet  des  cerveaux  plus  faibles  et  accessibles 
pour  ainsi  dire  à  elles  seules,  ne  produisent  des  effets  en  rapport  avec  leurs 
causes,  je  veux  dire  des  dérangements  psychiques  et  sensoriaux  liés  à  la 
théomanie  ou  à  la  démonomanie.  Voilà  ce  que  j'ai  cru  observer  chez  les  Néo- 
Calédoniens,  et  c'est  là  que  je  voulais  en  venir.  Ces  sauvages  sont  éminem- 
ment superstitieux  :  la  croyance  à  des  esprits  dont  il  serait  trop  long  de  faire 
la  nomenclature  et  de  caractériser  l'espèce  et  les  propriétés,  la  foi  dans  les 
prodiges,  la  confiance  dans  les  sorciers  sont  vivaces  parmi  eux.  Qu'il  me 
suffise  de  dire  que  le  dogme  de  l'immortalité  de  l'âme  et  la  croyance  dans 
un  autre  monde  peuple  les  bois,  les  cimetières,  une  foule  de  lieux,  d'êtres 
extraordinaires,  âmes  des  ancêtres  ou  esprits  incréés.  Parmi  ces  esprits,  les 
uns  sont  bons,  les  autres  mauvais,  et  les  espiègleries  de  ceux-ci  sont  aussi 
fréquentes  que  désagréables,  voire  même  fatales,  à  condition  qu'un  sorcier 
glisse  adroitement  dans  la  marmite  une  petite  dose  de  poisou  dont  il  connaît 
si  bien  le  maniement. 

Les  apparitions  sont  fréqiicnles,  les  nialiulios  réi)utées  tenir  à  possession 
le  .sont  davantage  encore,  mais  la  plus  biiîarre  de  foutes,  et  c'est  d'elle  sculç 


91 

dont  je  veux  m'occcuper  ici,  est  celle  qui  tient  à  l'enlèvement  du  cœur,  c'est- 
à-dire  de  riutelligeiicc,  car  les  Néo-Calédonieus  ont  placé  le  souffle  de  la  vie 
et  le  centre  de  ses  manifestations  dans  cet  organe  qu'ils  voient  palpiter  sous 
l'elTort  d'un  agent  inconnu  dans  le  corps  de  l'ennemi  qu'ils  éventrent. 

Voici  donc  la  singulière  maladie  qui  me  parait  ôlre,  sauf  opinion  plus  éclai- 
rée, une  forme  de  délire  aigu  accompagné  d'hallucinations  liées  à  la  théo- 
manie ou  démonomanie. 

Un  individu  mâle  ou  femelle,  bien  portant  et  sensé,  est  pris  tout  à  coup 
d'un  délire  ou  furieux  ou  ébriéliforme.  Son  œil  devient  hagard,  sa  physio- 
nomie revêt  un  aspect  étrange  ;  il  s'agite  et  parle  d'une  façon  déréglée.  Il 
montre  du  doigt  les  êtres  fantastiques  qu'il  voit  et  qu'il  entretient;  il  les 
poursuit  ou  cherche  à  leur  échapper,  et  pour  cela  escalade  les  montagnes 
avec  la  vélocité  d'un  chevreuil,  et  court  en  quelque  sorte  sur  les  troncs  per- 
pendiculaires des  cocotiers  comme  sur  un  plan  horizontal.  Il  lance  des  pierres 
ou  des  sagaies  à  tort  et  à  travers,  frappe  les  personnes  qu'il  rencontre  et  qu'il 
prend  sans  doute  pour  ce  qu'elles  ne  sont  pas.  Dans  une  autre  forme  de  dé- 
lire plus  calme,  l'individu  rit  et  déraisonne  à  la  manière  des  gens  ivres,  fait 
des  actes  sans  conséquence,  mais  reste  doux  et  calme.  Cette  forme  parait  être 
beaucoup  plus  rare  que  la  précédente.  Je  me  hâte  d'ajouter  que  les  Calédo- 
niens n'usent  d'aucune  boisson,  d'aucune  substance  enivrante. 

Dans  l'un  et  l'autre  cas,  l'accès  délirant  n'est  jamais  de  longue  durée,  une 
heure  ou  une  heure  et  demie  ;  après  quoi  les  sujets  tombent  prostrés,  et  re- 
venant complètement  à  la  raison,  racontent  d'ordinaire  les  choses  étranges 
qu'ils  ont  vues  à  peu  près  comme  on  rendrait  compte  d'un  rêve.  »Mon  cœur 
Hait  parti,  »  disent-ils,  j'ai  vu  le  père,  le  frère  d'un  tel  (morts  depuis  tant 
d'années)  ;  j'ai  vu  tels  et  tels  esprits  ;  j'ai  assisté  à  une  grande  fête  chez  nos 
ancêtres,  etc.,  etc. 

Un  chrétien  du  nom  de  Bonifacio  avait  vu  l'enfer.  Durant  un  sermon  sur 
l'enfer,  deux  femmes  furent  prises  spontanément  du  délire  dont  il  est  ques- 
tion. Ce  délire  est,  du  reste,  susceptible  de  se  propager  par  la  contagion  de 
l'exemple,  comme  chez  nous  au  temps  du  diacre  Paris.  Un  jour  sept  femmes 
furent  prises  coup  sur  coup  et  parcoururent  en  bacchantes  les  bois  et  les 
montagnes.  Ici  le  délire  était  probablement  lié  à  l'érotomanie;  mais  comme 
les  faunes,  les  démons  de  luxure  sont  très-nombreux  dans  les  lieux  écartés, 
on  voit  que  c'est  toujours  le  même  ordre  de  causes  et  de  phénomènes. 

En  aucun  cas  le  délire  n'a  de  suite  funeste,  il  ne  laisse  après  lui  qu'une 
prostration  plus  ou  moins  prolongée  que  pourraient  expliquer  à  eux  seuls 
les  prodiges  de  gymnastique  qui  l'ont  accompagné.  Un  premier  accès  est 
généralement  suivi  d'un  ou  plusieurs  autres  rapprochés  ;  c'est  ainsi  qu'il  en 
survient  trois,  quatre,  cinq,  pendant  deux  ou  trois  jours  consécutifs,  puis  les 
sujets  guérissent  pour  toujours  ou  provisoirement.  Eu  ce  dernier  cas,  après 
un  intervalle  de  plusieurs  mois,  d'une  ou  de  plusieurs  années,  une  récidive 


92 

a  lieu  ;  c'est  alors  une  sorle  de  folie  intermittente.  Les  causes  physiques  ex- 
térieures (surcroît  de  chaleur,  soleil,  etc.,  etc.)  ne  paraissent  avoir  aucune 
part  à  sa  ])roduction.  11  se  développe  en  toutes  saisons  et  en  tous  lieux.  Cer- 
taines organisations  y  paraissent  prédisposées,  car  ce  sont  généralement  les 
mêmes  sujets  qui,  dans  une  même  année  ou  à  plusieurs  années  d'intervalle, 
en  sont  repris. 

Leur  santé  est,  du  reste,  parfaite  en  temps  ordinaire,  et  ils  ne  se  distin- 
guent nullement  des  autres  personnes  par  l'état  de  leur  intelligence,  le  fonc- 
tionnement de  leur  cerveau. 

Le  délire  est-il  apyrétique  ou,  au  contraire,  accompagné  de  fièvre?  C'est  ce 
que  je  n'ai  pu  savoir.  Il  a,  en  somme,  des  rapports  très-frappants  avec  ['ob- 
session des  temps  anciens,  et  est  considéré  comme  tel  par  certaines  per 
sonnes  qui  croient  plus  que  moi  à  l'intervention  du  diable  dans  notre  pauvre 
monde. 

Dans  l'opinion  des  Néo-Calédoniens,  c'est  bien  une  obsession,  le  fait  d'un 
être  surnaturel,  aussi  le  sorcier  a-t-il  la  spécialité  de  sa  cure.  On  en  va  quérir 
un  qui  a  la  spécialité  des  traitements  psychiques,  un  familier  des  esprits  qui 
ne  craint  point  de  contrarier  un  lutin.  Le  sorcier  admoneste  vivement  le  ma- 
lade et  arrête  ainsi  son  attention  sur  un  visage  sévère  et  qu'on  est  habitué  à 
respecter  ou  au  moins  à  craindre,  et  il  parvient  quelquefois  à  achever  sa  cure 
par  la  surprise  en  crachant  brusquement  dans  l'oreille  ou  dans  l'œil  du  ma- 
lade des  herbes  mâchées  qu'il  tenait  eu  réserve  dans  la  bouche.  Ce  genre  de 
guérison,  dont  il  est  impossible  de  contester  l'authenticité,  ne  peut  s'expli- 
quer que  par  le  brusque  changement  d'idée  apporté  dans  l'esprit  du  malade. 
Bien  entendu  que  le  sorcier  dit  et  que  les  indigènes  croient  que  les  herbes 
en  question  jouissent  d'une  vertu  spécifique. 

La  sorte  de  folie  dont  je  viens  d'essayer  de  donner  une  idée  est  la  seule 
qui  existe  chez  les  Néo-Calédoniens,  et  elle  n'est  pas  très-rare.  Mais  l'idiotie 
existe  aussi,  bien  qu'elle  m'ait  paru  rare.  J'en  ai  vu  un  cas  chez  un  sujet 
rabougri,  elle  était  probablemcut  liée  à  uu  vice  de  conformation  cérébrale. 

2°  DEUX  OBSERVATIONS  DOBSTBUCTIONS  DE  L' ARTÈRE  PULMONAIRE;  par  M.  LAN- 

cEREAux,  interne  des  hôpitaux  de  Paris,  lauréat  de  la  Faculté  et  de  l'Aca- 
démie de  médecine. 

DILATATION  DU  COEUU  DROIT,  OBSTRUCTION  PAR  DES  CAILLOTS  FIBRINEUX 
DE  LA  PLUPART  DES  DIVISIONS  DE  L'ARTÈRE  PULJIONAIRE  ET  EN  PARTI- 
CULIER DE  LA  BRANCHE  DROITE,  LÉGÈRE  ALTÉRATION  GRAISSEUSE  DE  LA  PAROI 
DE  CE  VAISSEAU. 

Obs.  1.— Le26  avril  1860  est  entrée  à  l'hôpital  de.la  Pitié  la  nommée  X, 
Agée  do  70  aus,  llngère. 


93 

Forlcmeiit  cmis'.itiii-c  et  chargée  d'embonpoint,  celle  lemme  se  présenk 
dans  les  con'Jilions  suivantes  : 

La  face  est  pâle,  légèrement  bouffie;  la  langue,  les  lèvres  et  les  extrémités 
sont  froides  et  violacées;  les  membres  sont  œdémateux,  mais  principale- 
ment les  membres  inférieurs. 

L'abdomen  est  développé  et  renferme  du  liquide,  le  foie  ne  parait  pas  aii;;- 
menté  de  volume  ;  la  sonorité  de  la  poitrine  est  légèrement  diminuée  et  quel  - 
ques  rùles  disséminés  s'y  font  entendre  ;  la  respiration  fréquente,  pcnibic, 
oblige  parfois  la  malade  à  rester  assise  sur  son  lit,  malgré  une  sensation  de 
dyspnée  excessive;  les  mouvements  d'inspiration  sont  peu  prononcés. 

L'impulsion  du  cœur  est  assez  faible,  l'abondance  du  tissu  cellulo-adipeux 
empêche  de  limiter  cet  organe  par  la  percussion;  les  battements  sont  lourds, 
les  bruits  difficiles  à  percevoir  à  cause  de  la  fréquence  de  la  respiration  ; 
toutefois,  il  semble  bien  qu'il  existe  du  souffle,  sans  qu'on  puisse  préciser 
exactement  à  quel  temps  il  appartient. 

Le  pouls  est  accéléré,  petit,  à  peine  sensible. 

Les  fonctions  digestives  et  génito-urinaires  n'offrent  pas  de  trouble  ap- 
parent. 

Ce  même  état  persiste  durant  quelques  jours;  l'asphyxie  toutefois  fait  des 
progrès,  et  la  malade  succombe  le  1"  mai. 

Nécropsie.  Les  membres  inférieurs  sont  fortement  œdémateux  ;  les  supé- 
rieurs conservent  à  peine  l'impression  du  doigt.  La  face  et  les  extrémités 
ont  une  teinte  livide  et  violacée.  Le  tissu  cellulo-adipeux  est  très-dévc- 
loppé;  l'ouverture  de  la  cavité  abdominale  donne  lieu  à  l'écoulement  d'une 
grande  quantité  de  liquide. 

Le  foie  est  granuleux  à  sa  surface,  son  tissu  est  ferme,  induré,  comme  cela 
se  rencontre  ordinairement  dans  les  afl"ectiofls  cardiaques. 

La  rate,  un  peu  volumineuse,  adhère  au  diaphragme  ;  son  parenchyme  a 
plus  de  fermeté  qu'à  l'état  normal. 

A  part  quelques  irrégularité  de  leur  surface,  les  reins  ne  sont  pas  sensi- 
blement altérés. 

Les  artères  de  la  base  du  cerveau  offrent  quelques  plaques  jaunâtres  ou 
laiteuses. 

La  quantité  du  liquide  céphalo-rachidien  est  augmentée;  la  substance  cé- 
rébrale ne  parait  pas  altérée. 

Le  cœur  est  chargé  d'une  couche  de  graisse  très-épaisse;  il  est  volumi- 
neux. Les  ventricules  ont  13  centimètres  de  hauteur  et  25  de  circonférence  à 
leur  base;  on  remarque  quelques  plaques  laiteuses  sur  leur  partie  anté- 
rieure. L'oreillette  droite  est  dilatée,  sa  surface  intérieure  a  une  coloration 
normale;  l'oriflce  auriculo-ventriculaire  correspondant,  également  atteint  de 
dilatation,  se  trouve  insuffisant  malgré  l'intégrité  presque  complète  de  la 
valvule,  qui  n'est  que  légèrement  épaissie. 

Le  ventricule  droit,  dont  la  cavité  est  agrandie,  a  une  paroi  de  13  milli- 


Çi't 
mètres  d'épaisseur.  L'oriilce  pulmonaire  a  7  à  8  ceatimèlres  de  circoiifè- 
rence;  ses  valrules  sont  intactes.  Le  tronc  de  l'artère  pulmonaire  est  par- 
semé de  quelques  points  jaunâtres.  La  branche  droite  renferme  un  caillot 
fibrineux  qui  obstruerait  complètement  son  calibre  si  à  l'union  du  tiers  an- 
térieur avec  le  tiers  postérieur  il  n'existait  une  petite  rigole  semblant  per- 
mettre encore  la  projection  d'une  faible  quantité  de  sang. 

D'un  rouge  brun  ou  jaunâtre,  ce  caillot  est  constitué  par  des  lamelles  plus 
adhérentes  à  la  paroi  en  arrière  qu'en  avant.  Dans  la  portion  postérieure,  en 
effet,  comme  dans  les  anévrismes,  les  lamelles  sont  concentriques  et  d'au- 
tant plus  décolorées  qu'elles  sont  plus  rapprochées  de  la  paroi  du  vaisseau. 
A  ce  niveau,  du  reste,  la  paroi  est  altérée,  on  y  trouve  des  plaques  d'indu- 
ration, quelques  points  ramollis  dans  lesquels  l'examen  microscopique  ré- 
vèle l'existence  de  nombreuses  granulations  moléculaires  et  de  quelques 
cristaux  de  cholestérine.  Le  coagulum  fibrineux  s'arrête  au  niveau  des  bran- 
ches artérielles  qui  pénètrent  le  parenchyme  pulmonaire.  Mais  dans  ces  der- 
nières se  rencontrent,  sans  continuité  avec  le  précédent,  plusieurs  autres 
caillots  qui  oblitèrent  complètement  le  calibre  du  vaisseau  qui  les  renferme 
et  présentent  avec  sa  paroi  des  adhérences  très-intenses. 

La  branche  de  l'artère  pulmonaire  qui  se  rend  au  poumon  gauche  est  in- 
tacte. L'une  des  divisions  de  premier  ordre  et  un  grand  nombre  d'autres  de 
deuxième  et  de  troisième  ordre  se  trouvent,  comme  à  droite,  oblitérés  par 
des  caillots  adhérents  et  fusiformes. 

Partout  ces  caillots  brunâtres  sont  plus  colorés  et  moins  consistants  à  leur 
centre  qu'à  leur  circonférence  qui  parait  bien  évidemment  de  formation 
plus  ancienne. 

Les  parois  des  branches  parenchymateuses  de  l'artère  pulmonaire  ont  leur 
surface  interne  partout  égale  et  lisse;  elles  offrent  seulement  quelques  pla- 
ques laiteuses  disséminée?.  Au  niveau  de  chaque  caillot,  le  calibre  du  vais- 
seau se  trouve  dilaté;  il  est  rétréci  au  delà  où  existe  un  coagulum  J)lan- 
châtre,  filamenteux,  adhérent  à  la  paroi  et  se  continuant  par  un  pédicule 
cylindrique  avec  le  caillot  placé  à  1  centimètre  en  amont. 

Cette  disposition,  à  peu  près  générale,  me  parut  tout  d'abord  avoir  contri- 
bué à  la  formation  des  caillots,  mais  l'examen  attentif  de  ces  derniers,  dont 
la  partie  centrale,  plus  molle  et  plus  noire,  annonce  évidemment  une  forma- 
tion plus  récente,  me  fit  abandonner  ma  première  opinion.  Un  seul  petit  coa- 
gulum me  parut  faire  exception,  en  ce  sens,  qu'il  était  moins  coloré  au  centre 
où  existaient  quelques  globules  blancs. 

De  la  fibrine  à  l'état  concret,  des  granulations  moléculaires,  des  globules 
blancs  et  un  grand  nombre  de  globules  rouges  composent  ces  diverses  coa- 
gulations ;  il  va  sans  dire  que  les  globules  rouges  sont  plus  abondants  au 
centre. 

L'oreillette  et  le  ventricule  gauche  sont  aussi  le  siège  d'une  dilatatiou, 


95 
mais  celle-ci  est,  proportionaellement,  moins  considérable  ique  celle  des 
cavités  droites. 

Les  parois  du  Tentricule  gauche  ont  à  peu  près  l'épaisseur  des  parois  du 
ventricule  droit;  on  constate  une  légère  induration  uu  bord  d'insertion  des 
valvules  aortiques. 

Partout  les  veines  sont  intactes;  un  examen  attentif  ne  parvient  pas  à 
faire  découvrir  la  moindre  trace  d'une  coagulation  récente  ou  antérieure. 

Le  parenchyme  pulmonaire,  à  part  un  léger  œdème,  n'est  nullement 
altéré. 

DÉGÉNÉRESCENCE  GRAISSEUSE  DU  CœUR  ;  OBLITÉRATION    PAR  DES  CONCRÉTIONS 
FIBRINEUSES  DE  LA  PLUPART  DES  DIVISIONS  DE  L'ARTÈRE  PULMONAIRE. 

Obs.  il  —La  nommée  Lévêque,  âgée  de  60  ans,  journalière,  entre  à  l'hô- 
pital de  la  Pitié,  le  15  mai  1860,  dans  le  service  de  M.  le  docteur  Marrottc. 

Cette  malade,  fortement  constituée,  a  la  taille  élevée  et  un  embonpoint 
remarquable;  elle  accuse  une  diarrhée  datant  de  plusieurs  mois,  de  l'oppres- 
sion et  de  l'essoufflement,  surtout  prononcés  durant  la  marche;  de  la  douleur 
et  une  gêne  considérable  à  la  région  épigastrique. 

La  langue  est  sale,  il  y  a  perte  de  l'appétit,  deux  à  trois  selles  par  jour. 

Le  pouls  est  faible,  petit,  mais  sans  fréquence. 

Les  bruits  du  cœur  sont  sourds  et  accompagnés  d'un  léger  bruit  de  souf- 
flet. Ils  ne  déterminent  qu'une  faible  impulsion  à  la  région  précordiale  où  la 
matité  parait  avoir  une  étendue  exagérée. 

Dans  le  lit,  la  malade  se  trouve  assez  bien  ;  mais  si  elle  essaye  de  se  mou- 
voir ou  de  moucher,  elle  est  bientôt  prise  d'une  dyspnée  intense  et  obligée 
de  s'arrêter.  Les  extrémités  inférieures  sont  froides,  violacées  et  légèrement 
œdématiées. 

On  diagnostique  une  dilatation  des  cavités  et  des  oriflces  du  cœur.  La 
diarrhée  est  d'abord  combattue. 

L'état  précédent  persiste  durant  quelques  jours,  puis,  la  diarrhée  dispa- 
rait; les  battements  du  cœur  deviennent  moins  perceptibles,  ils  offrent  par- 
fois des  intermittences;  le  souffle  toujours  doux,  se  prolonge  vers  la  pointe; 
le  pouls  est  de  plus  en  plus  petit,  la  température  plus  élevée,  les  extrémités 
sont  toujours  froides. 

La  dyspnée  s'accroît  et  s'accompagne  d'un  malaise  indéfinissable. 

La  malade  vient-elle  à  s'asseoir,  aussitôt  elle  se  trouve  prise  d'éblouis- 
sements  et  de  vertiges. 

L'examen  de  la  poitrine  permet  de  constater  l'existence  de  quelques  râles 
disséminés  et  d'un  peu  de  faiblesse  du  murmure  vésiculaire. 

Un  point  important  à  noter,  c'est  que,  malgré  l'intensité  de  la  dyspnée,  les 
efforts  d'inspiration  sont  à  peine  augmentés  et  ne  rendent  pas  compte  de  la 


9G 
gèiic  excessive  accusée  par  la  malade.  La  nuit,  il  y  a  babilueiiemeul  du  cau- 
chemar. 

Dans  la  nuit  du  21  mai,  la  malade  éprouve  un  malaise  plus  grand,  une  op- 
pression excessive;  elle  jette  tout  à  coup  un  cri  des  plus  aigus  et  perd  con- 
naissance. La  respiration  s'arrête,  le  pouls  se  suspend,  le  nez  s'efTile,  et 
l'infirmier,  qui  la  croit  morte  ou  sur  le  point  de  mourir,  lui  jette  de  l'eau  a 
la  tête  ;  puis,  les  3'eux  s'ouvrent,  le  pouls  revient  et  la  malade  retombe  dans 
le  même  état.  Ce  n'est  guère  que  dix  minutes  plus  tard  qu'elle  agite  forte- 
ment ses  membres,  pousse  un  second  cri,  s'asseoit  sur  son  lit  et  dit  qu'elle 
se  trouve  mieux. 

Le  54  mai,  elle  meurt  tout  à  coup,  tandis  que  l'infirmier  lui  imprime  un 
léger  mouvement,  en  essayant  de  la  soulever,  pour  la  replacer  sur  ses 
oreillers. 

Autopsie.  OEdème  peu  prononcé  des  extr 'mités  inférieures;  coloration  vio- 
lacée des  supérieures;  développement  exagéré  du  tissu  adipeux  sous-cutan(\ 
Augmentation  de  quantité  des  liquides  sous-arachnoïdien  et  ventriculaire  ; 
pas  d'altération  sensilde  de  la  substance  de  l'encépbale. 

Le  foie  est  un  peu  gros,  les  reins  ne  paraissent  pas  altérés,  la  rate  est  vo- 
lumineuse et  adhérente  aux  parties  voisines.  Elle  se  convertit  en  bouillie 
noirâtre  sous  les  doigts  qui  cliercbeut  à  l'extraire  ;  la  muqueuse  digestive  est 
violacée. 

Système  vasculaire.  Le  cœur  est  flasque,  mou,  chargé  de  graisse  et  plus 
volumineux  qu'à  l'état  normal.  Cette  augmentation  de  volume  tient  en  grande 
partie  à  la  dilatation  des  cavités  et  à  l'accumulation  de  la  graisse  sur  les  faces 
antérieure  et  postérieure. 

Les  parois  ventriculaires  ont  environ  t  centimètre  et  demi  d'épaisseur  à 
droite  et  à  gauche;  mais  à  droite  principalement  la  couche  graisseuse  forme 
environ  la  moitié  de  l'épaisseur. 

Les  orifices  sont  dilatés  proportionnellement  aux  cavités,  les  valvules  of- 
frent (juclques  plaques  légèrement  opaques  mais  sans  épaisseur  notable. 

Le  tissu  musculaire  des  ventricules  est  jaunâtre,  comme  injecté  de  graisse 
dans  certains  points,  principalement  à  droite;  l'examen  microscopique  des 
faisceaux  striés  permet  de  reconnaître  dans  quelques-uns  une  accumulation 
plus  grande  des  granulations  grises  et  jaunâtres  et,  dans  d'autres,  de  vérita- 
bles granulations  graisseuses.  Quelques  préparations  donnent  en  abondance 
des  cellules  adipeuses,  excessivement  larges,  renfermant  la  plupart  des  cris- 
taux de  margarine.  Ces  grosses  cellules  adipeuses  ne  se  rencontrent  pas  dans 
les  colonnes  charnues,  mais  on  y  voit  des  faisceaux  cbai'gés  de  granulations 
jaunes  et  de  gouttelettes  huileuses. 

Les  arléies  coronaires  sont  altérées  et  celte  altération  consiste  dans  un 
épaiséisscnicnt  par  plaques  jaunàUcà  diâaéminées  (dégénércircncc  grais- 


97 
seuse  et  crétacée),  qui  détermine  le  rétrécissement  du  calibre  du  vaisseau. 

L'aorte  n'est  pas  altérée;  le  tronc  de  l'artère  pulmonaire  est  sain. 

Quelques  plaques  blanches,  laiteuses,  se  rencontrent  à  la  surface  interne 
des  branches  de  cette  artère. 

Dans  la  plupart  des  divisions  de  second  ordre,  existent  des  concrétions  li- 
brineuses  qui  les  obstruent  complètement  et  se  prolongent  dans  les  divisions 
subséquentes  pour  s'y  terminer;  les  plus  petites  ramifications  renferment  un 
sang  noir  et  épais.  Brunâtres  et  blanchâtres  à  leur  surface,  ces  concrétions 
adhèrent  à  la  membrane  interne  du  vaisseau,  dont  il  est  permis  toutefois  de 
les  détacher.  Elles  sont  cylindriques,  d'une  consistance  variable,  mais  géné- 
ralement plus  colorées  et  plus  molles  au  centre  qu'à  la  périphérie;  elles  oc- 
cupent une  grande  partie  des  divisions  de  l'artère  pulmonaire  et  partout 
elles  présentent  des  caractères  à  peu  près  semblables,  de  telle  sorte  qu'il 
est  impossible  de  leur  assigner  un  point  de  départ  et  qu'il  faut  bien  recon- 
naître qu'elles  sont  d'un  âge  fort  différent.  Aucune  d'elles  ne  se  termine  au 
niveau  d'un  éperon. 

Dans  le  cœur  se  rencontre  un  caillot  librineux  avec  prolongement  dans  le 
tronc  de  l'artère  pulmonaire;  mais  il  est  mou,  de  formation  récente,  et  ne 
peut  être  considéré  comme  l'origine  des  concrétions  dont  nous  venons  de 
parler. 

Quant  à  ces  dernières ,  l'examen  microscopique  démontre  qu'il  entre  dans 
leur  composition  : 

1°  De  la  fibrine  à  l'état  fibrillaire  ou  granuleux; 

2°  De  la  matière  amorphe  et  des  granulations  moléculaires  ; 

3°  Des  globules  blancs  du  sang  et  des  globules  rouges  déformés. 

Tous  les  autres  vaisseaux,  et  plus  particulièrement  les  veines  des  mem- 
bres, ont  été  examinés  avec  grand  soin  sans  qu'on  y  pût  trouver  nulle  part 
la  trace  d'une  coagulation  fibrineuse. 

Le  parenchyme  des  poumons  présentait  pour  toute  lésion  une  légère  infil- 
tration de  sérosité. 

Dans  les  deux  observations  précédentes,  nous  constatons  : 

!•  L'existence  de  concrétions  fibrineuses  oblitérant  la  plupart  des  branches 
de  l'artère  pulmonaire  et  l'absence  de  ces  mêmes  concrétions  dans  toute  autre 
partie  du  système  vasculaire; 

2»  L'adhérence  de  ces  concrétions  aux  parois  artérielles,  leur  consistance 
plus  molle  et  leur  coloration  plus  prononcée  vers  le  centre  ; 

3°  L'altération  du  système  vasculaire  de  la  petite  circulation. 

Dans  le  premier  cas,  dilatation  de  l'oreillette  et  du  ventricule  droit  avec 
altération  de  l'artère  pulmonaire  ;  dans  le  second,  dilatation  des  cavités  du 
cœur  droit  avec  dégénérescence  graisseuse  du  ventricule  et  plaques  laiteuses 
de  l'artère  pulmonaire. 

C'est,  comme  on  le  s-ait,  dans  ces  derniers  temps  que  l'attention  des  ana- 
n.  R. 


98 

tomo-patliologistes  s'est  dirigée  vers  l'étude  des  caillots  sanguin.-^  dont  l'exis- 
tence au  sein  des  vaisseaux  n'est  rieu  moins  que  rare  dans  certaines  ma- 
ladies, lorsqu'on  veut  se  donner  la  peine  de  les  y  chercher.  L'opinion  est 
partagée  quant  à  l'origine  de  ceux  que  l'on  rencontre  dans  l'artère  pulmo- 
naire: tandis  que  les  uns  pn'tendent  qu'ils  y  sont  généralement  transportés 
par  le  courant  circulatoire,  d'autres  pensent  qu'ils  s'y  forment  le  plus  sou- 
vent sur  place  {in  situ).  Qu'y  a-t-il  d'impossible,  en  effet,  que  la  même  cause 
qui  détermine  la  coagulation  du  sang  dans  l'un  des  vaisseaux  des  membres 
ou  du  tronc  ne  la  produise  en  même  temps  dans  l'artère  pulmonaire  ?  Ne 
sait-on  que  cette  artère  est  susceptible  de  s'enflammer?  Et  pour  mon  compte 
je  puis  dire  que  j'ai  eu  l'avantage  d'observer  récemment  un  magnilique 
exemple  de  cette  inflammation  avec  suppuration  à  l'intérieur  du  vaisseau. 
Mais,  en  outre,  le  sang  altéré  de  certains  cachectiques  ne  rencontre-t-il  pas 
autant  de  difTicultés  à  circuler  dans  les  nombreuses  divisions  de  cette  artère 
dont  le  calibre  est  de  plus  en  plus  petit,  que  dans  les  veines  où  le  contraire 
se  remarque?  Je  sais  qu'on  peut  invoquer  le  voisinage  du  cœur,  la  force 
d'impulsion  dans  un  cas,  le  défaut  presque  absolu  dans  l'autre. 

Mais  cette  objection,  qui  peut  avoir  de  la  valeur  lorsque  le  cœur  droit  est 
sain,  doit  nécessairement  tomber  quand  il  est  malade. 

Dans  nos  deux  faits,  tout  indique  que  la  coagulation  sera  faite  sur  place; 
les  caractères  des  concrétions,  leur  absence  dans  tout  le  reste  du  système 
circulatoire,  suffisent  pour  lever  tous  les  doutes.  JN'ous  devons  donc  repous- 
ser l'idée  d'embolie,  et  chercher  la  cause  de  la  coagulation  qui  s'est  faite 
dans  le  vaisseau  lui-même. 

Cette  cause  ne  pouvant  être  une  altération  des  reins,  pas  plus  qu'une  lésion 
des  poumons  ou  de  tout  autre  organe  puisqu'ils  étaient  tous  sains,  doit  donc 
se  trouver  dans  le  sang  ou  dans  le  système  circulatoire.  Mais  l'absence  de 
l'une  de  ces  maladies  cachectiques  dont  le  terme  ultime  est  la  coagulation 
spontanée  du  sang  au  sein  des  vaisseaux,  nous  reporte  immédiatement  à 
l'examen  du  système  circulatoire.  Or  dans  un  cas,  l'artère  pulmonaire  est 
altérée  et  le  cœur  droit  dilaté  dans  l'autre;  le  cœur  droit  dilaté  a,  en  oulre, 
subi  en  partie  la  dégénéresce  graisseuse.  Les  plaques  laiteuses  de  l'artère 
pulmonaire,  dans  ce  dernier  cas,  faisant  à  peine  saillie  à  l'intérieur  du  vais- 
seau, nous  les  croyons  sans  grande  influence,  et  nous  pensons  devoir  rap- 
porter ici  avec  assez  de  raison,  principalement  à  la  dilatation  et  ù  l'état 
graisseux  du  cœur  la  coagulation  du  sang  dans  l'artère  pulmonaire,  et  si 
dans  la  première  observation  la  lésion  de  cette  dernière  a  pu  contribuer  à 
son  oblitération,  il  i'aut  bien  reconnaître  que  l'état  du  ventricule  droit  n'y  a 
pas  été  complètement  indifférent,  si  l'on  se  rappelle  combien  peu  cette  artère 
se  trouvait  altérée. 

Si  ce  rapprochement  n'a  pas  encore  été  signale,  si  Jusqu'à  présent  on  s'est 
peu  préoccupé  de  l'importance  de  l'altération  du  vcntrii.'ulc  droit  dans  les 


00 
iaiis  du  geaie  de  ceux  que  nous  rapportons,  il  ne  faut  pas  eu  conclure  qu  ils 
soient  très-rares.  Nous  avons  vu,  en  effet,  que  cette  altération  se  trouvait 
notée  dans  un  grand  nombre  d'observations. 

Nous  nous  contenterons  d'indiquer  seulement  les  observations  II  et  III  du 
mémoire  de  Pagct  (Transactions  iMédicales,  18  i4)  et  de  rapporter  la  note 
suivante  extraite  des  Bulletins  de  la  Société  anatomique,  tome  III,  p.  109. 
M.  Monod  fait  voir  un  caillot  fibrineux  occupant  toute  la  cavité  de  l'oreillette 
gauche  entièi  ement  moulée  sur  lui.  La  portion  contenue  dans  l'appendice 
auriculaire  beaucoup  pins  consistante  et  plus  blanche  que  le  reste,  contient 
du  pus  de  bonne  nature  (1).  Les  ramiflcations  de  l'artère  pulmonaire  sont  en 
grande  partie  remplies  de  productions  fîbrineuses  moulées  sur  la  cavité  des 
vaisseaux.  Les  unes  sont  percées  à  leur  centre  d'un  canal  qui  permettait  le 
passage  du  sang,  les  autres  ne  sont  pas  canaliculées.  Partout  où  existent  ces 
productions  fibrineuses,  le  lobule  pulmonaire  correspondant  est  le  siège 
d'une  infiltration  sanguine.  La  femme  qui  a  fourni  ces  pièces  pathologiques 
était  alTectée  d'une  dilatation  passive  très-considérable  des  cavités  droites  du 
cœur. 

J'entrevois  l'objection  de  tous  ceux  qui,  avec  M.  Virchow,  pourraient  ici 
rattacher  à  un  caillot  migrateur  l'obstruction  de  l'artère  pulmonaire,  et  je 
leur  demande  de  me  prouver  cette  migration  ou  bien  de  ra'expliquer  l'état 
canaliculé  des  concrétions  fibrineuses. 

S'il  est  évident  que  chez  nos  malades  la  mort  a  été  le  résultat  de  l'asphyxie, 
comment  s'expliquer  la  persistance  de  la  vie  avec  un  obstacle  aussi  considé- 
rable au  cours  du  sang  dans  l'artère  pulmonaire  lorsqu'il  est  établi  par  des 
faits  qui  paraissent  bien  observés  qu'uu  seul  caillot  migrateur  arrêté  dans 
une  division  de  second  ordre  peut  amener  rapidement  la  mort?  C'est  là  très- 
probablement  un  phénomène  du  genre  de  ceux  que  fournissent  les  épanche- 
ments  pleurétiques  dont  la  rapidité  de  formation  peut  parfois  donner  lieu  à  la 
mort  subite.  Ce  serait  encore  l'histoire  de  ce  moineau  qui  meurt  subitement 
dans  l'air  vicié  par  un  animal  de  même  espèce  qui  continue  d'y  vivre.  Le 
trouble  subit  d'une  fonction  telle  que  la  respiration  est  donc  toujours  dange- 
reux ;  il  doit  être  pris  en  sérieuse  considération  pour  le  diagnostic  des  ob- 
structions de  l'artère  pulmonaire  par  des  caillots  migrateurs. 

L'afTection  du  cœur  avait  été  diagnostiquée  chez  nos  deux  malades,  mais 
on  n'avait  pas  soupçonné  l'obstruction  de  l'artère  pulmonaire.  Il  faut  donc 
savoir  que  le  diagnostic  est  difficile  dans  les  cas  de  ce  genre  où  les  symp- 
tômes sont  peu  différents  de  ceux  qui  se  rencontrent  dans  les  maladies  du 
cœur,  et  que  ce  qui  en  fait  la  principale  difficulté  c'est  l'affection  cardiaque 


(t)  On  sait  aujourd'hui  que  les  caillots  du  cœur  renferment  non  paa  du  pus, 
mais  des  globules  blancs  et  de  la  fibrine. 


100 
concomitante  à  l'aide  de  laquelle  ou  paivient  toujours  a  se  icndre  coiiii»te 
des  phénomènes  observés. 

On  peut  dire  cependant  qu'il  n'est  pas  impossible,  si  l'on  se  rappelle  la  pâ- 
leur générale,  le  froid  des  extrémités,  l'anxiété  extrême,  la  sensation  exces- 
sivement pénible  de  dyspnée  accusée  par  nos  malades. 

Ces  phénomènes,  en  effet,  ne  paraissaient  pas  suffisamment  expliipiés  par 
les  signes  physiques  constatés  à  l'examen  du  cœur  et  des  poumons,  ils  n'é- 
taient pas  en  rapport  avec  les  efîorts  musculaires  de  la  respirât  ionjà  peine 
plus  marquée,  avec  la  possibilité  où  se  trouvaient  les  malades  de  changer  de 
place  et  d'occuper  presque  indifféremment  la  position  assise  ou  horizon- 
tale. 

Je  crois  devoir  insister  plus  particulièrement  sur  la  dyspnée  qui,  sans  les 
plaintes  réitérées  des  malades,  nous  aurait  à  peine  frappé,  et  qui  cependant 
était  tellement  pénible  et  douloureuse,  que  l'une  d'elles  croyait  à  sa  lin  pro- 
chaine d'après  cette  seule  sensation,  et  qu'elle  accusait  d'ignorer  sa  mala- 
die si  l'on  n'y  prêtait  une  sérieuse  attention. 

Nous  espérons  donc  que  ces  considérations  ne  seront  pas  complètement 
inutiles,  et  qu'elles  serviront  à  éclaircir  l'histoire  encore  si  obscure  des  ob- 
structions de  l'artère  pulmonaire.  Nous  les  résumons  comme  il  suit  : 

1°  La  dilatation  et  l'altération  graisseuse  du  cœur  droit  peuvent  contribuer 
à  la  formation  de  concrétions  flbrineuses  au  sein  de  l'artère  pulmonaire,  si 
elles  n'en  sont  parfois  la  cause  unique.  Le  plus  souvent,  suivant  nous,  cette 
cause  agirait  de  concert  avec  l'altération  de  l'artère  pulmonaire. 

2*  La  vie  est  compatible  pendant  un  certain  temps  avec  l'oblitération  de  la 
plupart  des  divisions  de  l'artère  pulmonaire,  lorsque  cette  oblitération  sur- 
vient lentement,  et  qu'elle  est  due  conséquemment  à  des  caillots  qui  se  for- 
ment sur  place. 

30  Les  caillots  migrateurs  donnant  lieu  à  des  troubles  subits,  excessil's  et 
souvent  rapidement  mortels,  peuvent  être  cliniquement  distingués  des  pré- 
cédents ; 

4°  L'oblitération  d'une  ou  de  plusieurs  des  divisions  de  l'artère  pulmonaire 
n'entraîne  pas  nécessairement  l'altération  du  parenchyme  du  poumon  cor- 
respondant. C'est  là  une  preuve  que  l'artère  pulmonaire  est  simplement  un 
organe  d'iiématosc,  et  que  les  artères  bronchiques  sont  [)lns  spécialement 
destinées  à  la  nutrition  des  poumons. 

5»  La  coincidence  fréquente  d'une  affection  cardiaque  avec  dilalalinn,  et  de 
l'oblitération  de  plusieurs  des  divisions  de  l'artère  pulmonaire,  rend  plus 
difficile  le  diagnostic  de  celte  dernière.  Une  dyspnée  excessivemcut  pénible 

t  surtout  le  peu  de  rapport  entre  cette  sensation  et  les  efforts  musculaires  de 
la  respiration,  les  plaintes  du  malade,  la  pâleur  et  le  froid  des  extrémités,  et 
peut  être  aussi  la  moindre  fréquence  du  pouls,  sont  autant  de  phénomène." 


toi 

(jiii  doivent  mettre  sur  la  voie  du  diagnostic  de  l'obstruction  artt'riel le,  et 
qui  peuvent  suffire  pour  la  reconnaître. 

V.— Botanique. 

NOTE  SUR  LE  POLLEN  ET  LA  FÉCONDATION  DES  GLAUXINIA  ; 

par  M.  Ernest  Faivre. 

Le  glauxiniaestune  plante  de  la  famille  des  gesneréacées;  elle  fleurit  dans 
nos  serres  chaudes  pendant  les  mois  de  juin  et  de  juillet.  Nous  rappellerons, 
pour  faire  comprendre  les  détails  qui  suivent,  que  dans  ces  plantes  il  y  a 
quatre  étamines  réunies  par  les  anthères  et  dont  les  filets  sont  écartés;  l'o- 
vaire est  surmonté  par  un  style  simple  et  un  stigmate  légèrement  lobé. 

Si  on  examine  le  bouton  avant  l'épanouissement  de  la  fleur,  on  constate 
que  le  style  très-court  est  bien  loin  d'atteindre  les  anthères  ;  dès  que  l'épa- 
nouissement a  eu  lieu,  le  style  s'allonge  avec  rapidité,  passe  sous  l'arceau 
des  étamines,  se  recourbe  par  en  haut,  de  manière  que  le  stigmate  tou- 
che les  anthères  ;  alors  seulement  la  fécondation  peut  avoir  lieu,  et  immédia- 
tement les  anthères  se  flétrissent. 

Voici  des  observations  qui  montrent  l'énergie  de  la  nutrition  co'incidant 
avec  l'acte  fécondateur  : 

Le  27  juin,  à  sept  heures  du  matin,  quatre  boutons  de  glauxlnia  erecta 
commencent  ù  s'épanouir;  le  style  a  seulement  0,10  millimètres  de  lon- 
gueur. 

Le  même  jour,  à  sept  heures  du  soir,  dix  heures  après,  il  a  acquis 
0,16  millimètres. 

Le  28,  à  sept  heures  du  matin,  le  style  mesure  22  millimètres,  et  le  même 
jour,  il  se  recourbe  et  atteint  vers  trois  heures  la  face  supérieure  des  an- 
thères; la  fécondation  commence  alors,  et  pendant  trois  jours  le  style  reste 
appliqué  sur  les  étamines.  Après  ce  laps  de  temps,  il  se  relève,  s'allonge 
de  nouveau  pendant  vingt-quatre  heures,  et  atteint  33  millimètres. 

Ainsi,  pendant  l'espace  de  cinq  jours  qui  s'est  écoulé  depuis  l'épanouisse- 
ment du  bouton,  le  style  a  acquis  23  millimètres  de  longueur;  il  a  accompli 
en  même  temps  une  sorte  d'évolution  complexe  pour  aller  chercher  le  pollen 
sur  la  face  supérieure  des  étamines. 

Il  arrive  dans  quelques  circonstrances  que  le  style,  au  lieu  de  se  courber 
au-dessus  des  étamines,  s'élève  directement  de  bas  en  haut  et  force  les  an- 
thères à  se  dissocier.  Dans  les  cas  analogues  qui  ont  été  observés,  la  fécon- 
dation n'a  pas  eu  lieu. 

Les  faits  qui  précèdent  et  qui  s'observent  dans  plusieurs  genres  de  la  fa- 
mille des  gesneréacées,  démontrent  le  rôle  actif  de  la  nutrition  au  moment 
même  de  la  reproduction  sexuelle;  il  se  fait  alors  dans  toutes  les  parties  flo 
raies  un  afflux  de  suc  considérable. 


1U2 

Le  pollen  des  glauxinia  se  présente  sous  forme  de  grains  arrondis,  Joiii 
la  structure  ne  diffère  pas  de  la  structure  ordinaire  des  grains  de  pollen.  La 
teinture  d'iode  les  colore  en  jaune  rouge  et  il  ne  se  manileste  aucune  colo- 
ration bleue,  lors  même  qu'on  a  eu  soin  d'ajouter  une  goutte  d'acide  snlfu- 
rique. 

Le  liquide  cupro-ammoniacal  ne  dissout  pas  le  grain  ;  en  un  mot,  le  pollen 
n'offre  aucune  réaction  analogue  à  celle  de  la  cellulose;  il  se  comporte,  au 
contraire,  par  rapport  aux  acides,  comme  une  matière  azotée.  La  fovella,  con- 
tenue dans  le  grain  de  pollen,  est  douée  de  mouvements  très-actifs,  qui  uiit 
été  bien  des  fois  décrits. 

Nous  avons  voulu  examiner  dans  quelles  limites  ce  pollen  peut  être  con- 
servé sans  cesser  de  perdre  ses  propriétés  fécondantes.  Après  avoir  recueilli, 
le  15  juillet  1859,  du  pollen  de  glauxinia,  nous  l'avons  examiné  au  micro- 
scope pendant  les  mois  d'octobre,  de  janvier  et  de  mars  1860.  Ce  pollen 
avait  été  simplement  enveloppé  dans  du  papier  et  placé  dans  un  lieu  tres- 
sée, 

A  toutes  les  époques,  le  pollen  a  présenté  les  mêmes  caractères. 

Le  1*'  juillet  1860,  nous  avons  enlevé  les  étamines  d'une  très-jeune  fleur 
de  glauxinia,  et  nous  l'avons  fécondée  artificielloment  avec  le  pollen  con- 
servé depuis  une  année;  la  fécondation  a  parfaitement  réussi.  C'est  un  fait 
de  plus  à  ajouter  à  ceux  que  les  botanistes  ont  déjà  recueillis;  jamais,  à 
notre  connaissance,  ce  résultat  n'avait  été  constaté  sur  des  plantes  ornemen- 
tales de  serre  chaude  comme  les  gesnercacées  ;  nous  nous  proposons  de  re- 
nouveler l'expérience. 


COMPTE  RENDU  DES  SÉANCES 


LA  SOCIÉTÉ  m  BiOLOGIl 

PENDANT  LE  MOIS  d'AOUT  1860; 

Par  m.  le  Docteur  J.  MAREY,  secrétaire. 


PRESIDENCE  DE  M.  RAYER. 


I.  —  Anatomie. 

SUR  LE  MODE  DE  DÉVELOPPEMENT    DES    LIGAMENTS   QUI    RELIENT    ENTRE  EUX 

l'ombilic  ET  SES  VAISSEAUX;  par  M.  le  docteur  Charles  Robin. 

Lorsqu'après  avoir  détaché  la  paroi  abdominalecie  haut  eabas,  avec  la  portion 
du  foie  à  laquelle  adhère  la  veine  ombilicale  oblitérée,  on  enlève  le  péritoine, 
on  voit  l'ombilic  relié  aux  extrémités  des  vaisseaux  rétractés  par  un  ensemble 
de  filaments  ligamenteux,  d'épaisseur  et  do  dispositions  très-variées  d'un 
sujet  à  l'autre.  Il  faut,  sur  quelques  cadavres,  procéder  avec  soin  à  l'ablation 
du  péritoine  pour  ne  pas  les  enlever  ou  les  rompre.  Quelquefois,  on  peut  les 
suivre  très-nettement  par  transparence,  lorsque  de  la  graisse  ne  les  masque 
pas  trop. 


104 

Dans  les  premiers  jours  de  la  rétraction  des  artères  et  de  la  Teine,  on  voit 
la  tunique  externe  des  uns  et  des  autres  établir  une  connexion  entre  leurs 
bouts  et  l'ombilic.  Elle  forme  une  sorte  de  ligament  aplati,  mou,  creux  dans 
le  principe,  bientôt  plein  par  soudure  de  ses  deux  faces,  et  cela  bien  plus 
vite  lorsqu'il  ne  s'est  pas  épanché  de  sang  dans  sa  cavité  que  dans  le  cas 
contraire.  C'est  ce  qu'on  observe,  pour  la  veine  en  particulier,  lorsque  sa 
rétraction  est  tardive,  parce  qu'alors  son  extrémité  étant  cicatrisée  ne  laisse 
pas  écouler  de  sang  ;  en  outre,  en  raison  de  la  lenteur  de  sa  rétraction,  il  y  a 
soudure  l'une  avec  l'autre  des  deux  faces  de  la  tunique,  en  même  temps  que 
s'accomplit  le  phénomène  précédent.  11  en  résulte  que  quelquefois,  lors 
même  qu'elle  ne  s'est  encore  réfractée  que  de  6  à  8  millimètres.  C'est  déjà 
un  ligament  plein,  aplati,  grisâtre,  mou,  qui  relie  son  extrémité  à  l'ombilic. 
Pendant  que  le  cordon  cylindrique  succédant  à  l'ouraque  descend,  il  se  dé- 
veloppe dès  le  commencement  de  leur  écartement,  entre  son  extrémité  et 
l'ombilic,  un  filament  ligamenteux  grisâtre  ou  gris  rougeâtre,  aplati  ou  cy- 
lindrique très-étroit.  Or  dès  l'époque  où  le  bout  de  la  veine  est  à  quelques 
millimètres  de  l'anneau,  on  peut  reconnaître  que  le  ligament  qui  lui  fait 
suite  adhère  aux  côtés  de  l'anneau  par  ses  bords  et  se  continue  avec  celui 
de  l'ouraque  par  sa  partie  médiane.  En  même  temps  les  bouts  tiraillés  de  la 
tunique  adventice  passent,  comme  nous  l'avons  vu,  à  l'état  de  filaments 
pleins,  minces,  aplatis,  larges  d'abord  de  1  à  2  millimètres;  mais  parfois,  à 
l'âge  d'un  an,  lorsque  les  moignons  artériels  se  voient  au  niveau  du  pubis, 
sur  les  côtés  du  sommet  de  la  vessie  vide,  ils  sont  passés  à  l'état  de  fins  fila- 
ments fibreux,  à  peine  perceptibles  à  cause  de  leur  transparence,  plus 
tard  ils  grossiront  et  prendront  une  coloration  plus  tranchée.  Us  adhè- 
rent avec  les  précédents  aux  côtés  de  l'ombilic;  les  uns  et  les  autres  se 
partagent  à  leur  extrémité  en  plus  petits  filaments;  chacun  de  ceux-ci  s'al- 
longe et  grossit  au  fur  et  à  mesure  que  lo  bout  des  organes  qu'ils  relient  à 
l'anneau  et  entre  eux  s'écarte  de  celui-ci  et  que  le  sujet  avance  en  âge.  Do 
là  résulte  qu'en  outre  des  ligaments  faisant  suite  au  bout  de  la  veine,  à  celui 
de  l'ouraciue  et  à  celui  de  chacune  des  artères,  il  s'en  développe  d'autres  plus 
petits  qui  s'éteudent  de  quelque  point  de  leur  longueur  jusqu'à  l'ombilic 
ou  aux  ligaments  analogues  qui  les  avoisinent. 

Toutefois,  lorsque  les  artères  restent  adhérentes  avec  le  sommet  du  cordon 
de  l'ouraque  chez  l'homme  ou  celui  de  la  vessie  chez  les  solipèdes  et  chez 
les  ruminants,  il  ne  se  développe  qu'un  seul  ligament  à  partir  du  haut  de 
ces  trois  organes  réunis  jusqu'à  l'ombilic.  Ce  fuit  est  assez  rare.  Chez  quel- 
ques sujets  les  artères  et  l'ouraque  commenceut  par  se  rétracter  chacun  sé- 
parément d'une  manière  égale  ou  non,  et  le  ligament  qui  leur  fait  suite  abou- 
tit directement  à  l'anneau  ;  mais  lorsque  la  rétraction  coutinue,  l'extrémité 
ombilicale  de  chacun  de  ces  filaments  se  détache  simultanément  pour  tous 
les  trois  on  un  ligament  commun  qui  s'allonge  avec  l'âge  derrière  la  ligne 


105 

blanche,  et  reçoit  à  ?on  bout  inférieur  ceux  qui  auparavant  allaient  à  l'anneau. 
Parfois,  avec  les  progrès  du  développement,  le  ligament  de  l'ouraque  se  dé- 
tache de  cette  exln-mité  inférieure,  et  cesse  d'élre  en  connexion,  môme  in- 
directe, avec  l'ombilic  et  avec  les  ligaments  artériels  et  veineux,  ce  qui  est 
rare. 

Sur  quelques  individus,  les  ligaments  du  bout  des  artères  continuent,  cha- 
cun de  son  côté,  à  rester  en  connexion  avec  l'anneau,  mais  celui  de  l'ou- 
raque se  détache  de  l'ombilic  en  restant  adhérent  à  l'un  des  deux  ligaments 
artériels  seulement  ;  il  en  résulte  que  la  rétraction  continuant,  il  est  entraîné 
de  côté  par  le  ligament  de  l'artère  auquel  il  adhère,  puis  s'incline  peu  à  peu 
et  cesse  d'être  placé  sur  la  ligne  médiane,  et  tire  parfois  obliquement  le 
sommet  de  la  vessie. 

Quelquefois,  l'un  des  ligaments  artériels  se  comporte,  par  rapport  à  l'autre, 
comme  celui  de  l'ouraque  dont  il  vient  d'être  question;  c'est-à-dire  qu'il  se 
détache  de  l'anneau  et  reste  adhérent  à  l'autre  ligament  artériel  qui  l'entraîne 
en  même  temps  que  celui  de  l'ouraque;  ce  dernier  est  inséré  un  peu  plus 
bas  ou  cesse  d'avoir  aucune  annexion  avec  eux  et  devient  libre. 

De  ce  mode  de  développement  résulte  qu'il  se  produit,  comme  on  le  com- 
prend facilement,  de  nombreuses  variétés  dans  le  nombre  et  le  volume  des 
filaments  faisant  suite  aux  extrémités  de  chaque  vaisseau  et  de  l'ouraque; 
quelquefois  même  celui-ci  se  détache  tout  à  fait  de  l'anneau  sans  conserver 
aucune  connexion  avec  lui.  Ce  fait  est  normal  chez  les  carnassiers  et  les 
rongeurs. 

On  voit  déjà,  par  ce  qui  précède,  qu'il  n'est  pas  exact  de  dire  avec  M.  Ri- 
chet  (Du  trajet  et  de  l'anneau  ombilical,  etc.,  Archives  gén.  de  med.,  Paris, 
1856,  in-8,t.  VllI,  p.  644)  :  «Daus  ce  cordon  (fibreux  qui  traverse  l'anneau)  il  est 
jusqu'à  un  certain  âge  possible  de  retrouver,  à  l'aide  d'une  dissection  minu- 
tieuse, les  éléments  qui  pendant  la  vie  intra-utérine  établissent  entre  le  fœtus 
et  la  mère  des  rapports  vasculaires  ;  ces  éléments  sont  les  deux  artères  om- 
bilicales, la  veine  de  ce  nom,  et  enfin  l'ouraque »  Après  la  naissance, 

ces  organes,  devenus  inutilesà  la  vie  nouvelle,  se  soduent  entre  eux  et  avec 
le  derme,  au  moyen  d'une  cicatrice  qui,  de  jour  en  jour,  devient  plus  fi- 
breuse, plus  résistante,  et  qui,  comme  tous  les  tissus  inodulaires,  a  une 
certaine  tendance  à  se  rétracter  et  à  attirer  à  elle  les  parties  environ- 
nantes. » 

Ces  interprétations,  comme  on  le  voit  facilement  (1)  et  comme  il  ressor- 
tira encore  de  ce  qui  suit,  ne  sont  pas  plus  exactes  que  celles  des  autres 


(1)  M.  Malgaigne  ne  croit  pas  que  ce  soit  là  le  mode  d'oblitération  de  l'an- 
neau ombilical  (Traité  d'anatomie  chirurgicale,  Paris,  1859,  2»  édit.,  t.  II, 

p.  240  et  378), 


106 
auteurs  qui  ont  traité  ce  sujet,  parce  qu'on  n'a  pas  signalé  la  rétraction  de- 
artères  et  du  cordon  de  l'ouraque  en  bas,  vers  le  bassin,  ni  celle  de  la  veine 
en  liant,  ni  le  tiraillement  de  leur  attache  cicatricielle  primitive  à  l'ombilic, 
ni  par  suite  le  mode  de  développement  des  ligaments,  qui  rend  compte  de 
leur  nature  et  de  leurs  variétés.  Par  suite,  on  n'avait  vu  qu'un  petit  nombre 
des  dispositions  anatomiques  qui  existent,  mais  en  les  interprétant  mal  et 
les  décrivant  mal  au  fond,  puisqu'on  décrivait  comme  aboutissant  à  l'anneau 
ombilical  et  y  adhérant  des  vaisseaux  qui  en  sont  distincts  :  la  veine  de  3  à 
10  centimètres,  chez  l'adulte  et  les  artères  de  10  à  14  centimètres  ;  puisqu'on 
donnait  comme  étant  les  vaisseaux  modifiés  ce  qui  est  ici  une  portion  de  la 
tunique  adventice  modifiée  considérablement  pendant  l'accroissement  après 
la  rétraction,  ailleurs  l'adhérence  cicatricielle  tiraillée. 

On  voit,  d'après  ce  qui  précède,  que  l'état  des  vaisseaux  ombilicaux  après 
la  naissance  et  chez  l'adulte  n'a  en  réalité  pas  été  décrit,  ou  du  moins  ne  l'a 
pas  été  exactement.  En  effet,  ce  ne  sont  ni  les  uns  ni  les  autres  qui  se  ren- 
dent à  l'ombilic  ;  leurs  extrémités  ne  restent  nullement  adhérentes  à  l'an- 
neau, contrairement  à  ce  que  disent  tous  les  auteurs,  sauf  rares  exceptions, 
et  encore  pour  les  artères  seulement.  C'est  à  plusieurs  centimètres  de  celui-là 
qu'il  faut  les  chercher. 

En  outre,  dans  le  passage  du  reste  des  artères  à  l'état  de  cordon  fibreux  ce 
ne  sont  point  toutes  les  parties  de  l'artère  qui  y  prennent  part  en  quelque 
sorte,  car  il  n'y  a  que  la  tunique  externe  ou  vasculaire  qui  s'épaissit,  tandis 
que  la  tunique  élastique  et  musculaire  se  réduit  peu  à  peu  à  l'état  de  mince 
filament  au  centre  de  la  précédente. 

Sur  43  cordons  fibreux  succédant  à  la  veine  ombilicale,  que  j'ai  disséqués, 
j'ai  noté  38  fois  la  longueur  de  1  à  2  centimètres  pour  la  portion  restée 
perméable,  et  5  fois  l'étendue  de  3  à  4  centimètres.  Tout  le  reste  du  cordon 
est  plein  ;  examinés  à  l'intérieur,  ces  cordons  pleins  mesurent  en  général  4 
à  6  centimètres,  depuis  leur  point  d'attache  sur  le  sinus  porte  jusqu'au  bord 
antérieur  de  la  scissure  du  foie,  et  C  à  8  centimètres  hors  du  foie  dans  le 
bord  libre  du  ligament  suspenseur.  Enfin,  de  l'extrémité  du  moignon  yei- 
neux  jusqu'à  l'anneau  ombilical  se  trouve  un  intervalle  de  3  à  10  centimètres 
selon  les  sujets. 

Le  tronc  commun  ou  sinus  de  la  veine  porte  est  placé  à  peu  près  trans- 
versalement sous  le  foie,  perpendiculairement  au  sillon  longitudinal.  En 
avant,  tout  à  fait  sur  la  ligne  médiane,  le  cordon  fibreux  qui  succède  à  la 
veine  ombilicale  s'insère  presque  à  angle  droit  sur  le  sinus  porte.  11  est  gri- 
sâtre, formé  de  faisceaux  de  fibres  longitudinales  lâchement  unies,  se  disso- 
ciant aisément  par  dilacéralion,  et  il  se  déchire  facilement  en  long.  La  face 
interne  de  la  courte  portion  restée  tubuleuse  à  son  point  d'insertion  est 
blanchâtre,  lisse,  et  laisse  voir  la  disposition  longitudinale  des  faisceaux 
fibreux. 


107 

Celte  cavité,  as^ez  large  à  rendrcit  môme  fie  sa  communication  avec  celle 
dn  sinus,  se  termine  en  pointe  dans  l'axe  dn  cordon  fibreux.  La  disposition 
des  fitres  dans  celui-ci  fait  que  l'extrc'mité  des  ciseaux  pénètre  facilement 
dans  son  tissu  si  l'on  fend  sans  précaution  la  cavité  de  la  base;  il  importe 
d'éviter  cet  accident  quand  on  veut  mesurer  la  longueur  de  cette  cavité.  Cette 
texture  lâche  est  aussi  la  cause  qui  fait  que,  si  l'on  pique  le  centre  de  ce  cor- 
don avec  un  tube  à  injection  mercurielle,  le  métal  file  en  écartant  ses  fibres 
jusqu'au  bout  du  moignon,  et  c'est  là  seulement  qu'il  s'épanche,  tant  chez 
fadulte  que  chez  les  jeunes  sujets,  ainsi  que  l'a  vu  M.  Sappey(l).  Le  liga- 
ment fibreux  qui  succède  au  canal  veineux  est  aplati,  grisâtre,  sans  cavité 
aucune,  résistant  quand  on  cherche  à  le  rompre,  est  formé,  comme  le  pré- 
cédent, de  fibres  lamineuses  principalement,  flexueuses  et  faciles  à  disso- 
cier aussi  dans  le  sens  de  leur  longueur.  Il  se  détache  à  angle  droit  du  bord 
postérieur  du  sinus  porte,  et  va  directement  d'avant  en  arrière  au  bord  anté- 
rieur de  la  veine  cave  ou  de  la  grosse  veine  sus-hépatique  gauche,  près  de 
la  veine  cave.  Il  est  inséré  au  sinus  porte,  à  1  ou  même  2  centimètres  plus 
à  droite  que  le  cordon  fibreux  de  la  veine  ommbilicale  et  non  vis-à-vis 
de  lui. 

On  ne  connaît  pas  encore  d'exceplion  à  cet  écartement  qui  existe  entre 
l'ombilic  et  le  bout  du  moignon  veineux  qui  s'en  détache  et  qui  remonte 
après  la  chute  du  cordon  ombilical. 

Ces  faits  ont  une  grande  importance  anatomo-pathologique  et  pour  avoir 
été  ignorés  ils  ont  conduit  à  émettre  des  hypothèses  erronées  dont  ils 
eussent  préservé  certainement  s'ils  avaient  été  connus.  C'est  ainsi  que  : 
1°  l'indépendance  de  la  veine  ombilicale  par  rapport  aux  veines  des  parois 
du  ventre;  T  la  courte  étendue  de  la  portion  de  ce  vaisseau  qui  reste  tubu- 
leuse  et  la  grande  longueur  de  celle  qui  est  pleine  chez  l'adulte  ;  3"  enfin, 
la  distance  qui  sépare  le  bout  de  rombilic  du  moignon  veineux  auraient  dû 
démontrer  l'impossibilité  : 

l»  D'un  retour  pathologique  de  ce  cordon  fibreux  à  l'état  de  veine  pendant 
certaines  cirrhoses  ; 

2"  De  la  formation  chez  l'adulte  d'une  communication  vasculaire  qui  n'a 
jamais  existé  entre  lui  et  les  veines  épigastriques  ou  les  tégumenteuses 
abdominales. 

Dans  le  travail  cité  plus  haut,  M.  Sappey,  en  faisant  mieux  connaître  l'ana- 
tomie  du  système  de  la  veine  porte,  a  démontré  que  d'autres  veines  né- 
gligées jusqu'alors  établissaient  cette  communication  accidentelle  entre  la 


(1)  Sappey,  Recherches  sur  un  point  d'anatomie  pathologique  relatif  à 
l'histoire  de  la  cirrhose  (Rapport  de  MM.  Barth,  Robert  et  Ch.  Robin,  Bul- 
letin DE  l'acad.  impér.  de  MÉDECINE.  Pari?,  1859,  in-8,  t.  XXIV,  p.  953j. 


108 
Tcine  porte  et  les  veines  générales  sans  que  la  veine  ombilicale  oblitérée 
prit  aucune  pari  ù  ce  phénomène. 

A  la  page  G45  de  sou  mémoire  cité  plus  haut,  M.  Ricliet  dit  que  les  adhé- 
rences de  la  veine  ombilicale  à  la  partie  supérieure  de  l'anneau  sont  trés- 
faibles  ;  qu'un  petit  peloton  adipeux  occupe  entre  la  circonférence  supérieure 
de  l'anneau  et  la  veine  l'espace  dépourvu  d'adhérence.  «  Quant  à  la  demi-cir- 
conférence inférieure  de  l'anneau,  dit-il,  elle  est,  au  contraire,  solidement 
fermée  par  les  adhérences  que  contractent  avec  elle  les  artères  ombilicales 
et  aussi  les  vestiges  cellulcux  de  la  veine.  » 

Ceci  est  exact  pour  les  ligaments  des  artères,  mais  non  pour  celui  de  la 
veine.  Il  est  vrai  que  le  ligament  faisant  suite  à  la  veine  n'adhère  pas  au 
bord  supérieur  de  l'anneau,  mais  il  n'adhère  pas  non  plus  à  son  bord  in- 
férieur, c'est  aux  insertions  des  ligaments  artériels  sur  les  côtés  et  au-des- 
sous de  l'ombilic  ;  c'est  aussi  avec  le  ligament  faisant  suite  au  cordon  de 
l'ouraque  qu'il  se  continue  en  partie,  en  passant  derrière  l'ombilic  sans  s'y 
insérer  à  proprement  parler,  fait  qui  n'avait  pas  été  noté.  11  n'est  pas  non 
plus  exact,  comme  on  le  voit,  de  dire  que  la  veine  «  n'étant  que  faiblement 
sollicitée  vers  le  foie,  dont  le  développement  reste  longtemps  stationnaire 
après  la  naissance  et,  d'autre  part,  adhérent  intimement  au  cordon  ligamen- 
teux des  artères  et  de  l'ouraque  (devenus  fibreux,  peu  extensibles  et  ne  par- 
ticipant plus  d'ailleurs  à  l'accroissement  général),  se  laisse  entraîner  en  has, 
en  sorte  que  détachée  et  maintenue  à  distance  du  bord  supérieur  de  l'anneau 
elle  ne  peut  contracter  avec  lui  qu'une  union  très-précaire.»  {Richet,  îoc.  cit., 
Î856,  in-8,  t.  VllI,  p.  646.) 

Les  faits  précédents  nous  rendent  compte  de  la  manière  dont  on  doit  inter- 
préter la  citation  suivante  : 

«  Je  l'ai  vue  (la  veine  ombilicale)  dans  plusieurs  cas  se  porter  à  gauche  du 
môme  bouton  (ombilical),  et  plusieurs  fois  se  bifurquer  comme  pour  embras- 
ser les  autres  vaisseaux  et  venir  se  terminer  à  la  peau  par  ses  deux  divisions. 
Enfin  il  m'est  pourtant  arrivé,  mais  rarement,  île  la  rencontrer  se  divisant  en 
une  multitude  de  cordons  qui  venaient  se  fixer  sur  la  peau,  n  (Jobert  (de 
Laraballe),  Maladies  chirurgicales  du  canal  intestinal.  Paris,  1829,  in-S°, 
t.II,  p.  412.) 

Nous  venons  de  voir  que  ce  n'est  pas  à  la  peau  que  se  fixent  ces  cordons, 
et  que  ce  n'est  pas  la  veine  qui  se  divise  ainsi,  mais  le  ligament  qui  lui  fait 
suite. 

M.  lUchet  donne  le  nom  de  gouttière  ou  de  trajet  ombilical  à  l'espace  com- 
pris entre  la  face  postérieure  de  la  ligne  blanche,  le  bord  interne  des  mus- 
cles droits  et  le  fascia  umbilicalis.  Il  le  fait  terminer  inférieurement  comme 
ce  fascia  à  la  partie  supérieure  tic  l'anneau  oniliilical,  dépourvue  d'adhérence 
avec  les  restes  des  vaisseaux,  et  le  cousidôre  comme  l'analogue  à  l'om- 
bilic du  trajet  inguinal;  mais  le  fascia  umbiliralis  ne  descend  pas  toujours 


109 
aussi  bas;  il  n'est  pas  rare  uou  plus  de  le  voir  passer  derrière  l'ombilic 
même  et  s'étendre  à  quelques  centimètres  au-dessous  de  lui  ;  par  conséquent 
le  trajet  qu'illimité  en  arrière  est  loin  d'aboutir  toujours  à  l'anneau;  cela 
n'a  lieu  qu'autant  que  le  fascia  s'arrêle  an  niveau  ou  un  peu  au-dessous  de 
ce  dernier.  Ces  faits,  joints  à  l'absence  du  fascia,  presque  aussi  fréquente 
que  sa  présence,  à  ce  que  ce  trajet  ne  contient  que  de  la  graisse  et  des  liga- 
ments succédant  à  la  veine  sans  être  jamais  traversé  par  aucun  organe  fœtal, 
car  la  rétraction  est  achevée  avant  l'apparition  àa  fascia.  Ces  fails,  dis-je, 
montrent  assez  que  les  analogies  de  ce  trajet  avec  le  canal  inguinal  ne  sau- 
raient être  soutenues  ni  sous  le  point  de  vue  de  leur  constitution  ni  sous 
celui  de  leurs  usages. 

On  voit  quelquefois  toute  espèce  de  feuillet  de  ce  genre  manquer  chez  des 
sujets  fortement  musclés,  et  dont  les  aponévroses  abdominales  sont  épaisses 
et  brillantes. 

Quand  le  fascia  est  bien  développé,  il  commence  un  peu  au-dessous  du 
moignon  de  la  veine,  où  il  est  formé  de  puissants  faisceaux  fibreux  nacrés 
transverses,  allant  d'une  gaîne  sterno-pubienne  à  l'autre.  11  s'élargit  au  ni- 
veau de  l'ombilic,  derrière  lequel  il  passe,  et  là  s'amincit.  Il  descend  ensuite 
plus  ou  moins  bas  au-dessous  de  l'anneau,  c'est-à-dire  de  l  à  5  centimètres 
environ,  en  s'élargissant  toujours;  là  ses  faisceaux  sont  entre-croisés  en  di- 
verses directions.  Il  se  termine  au  niveau  de  la  ligne  demi-circulaire  de 
Douglas,  ou  même  plus  bas,  et  quelquefois  de  son  bord  inférieur  se  détachent 
les  faisceaux  signalés  ci-dessus.  Obliquement  dirigés  en  bas  sur  les  gaines 
musculaires,  il  offre  chez  certains  sujets  des  interruptions  ou  lacunes  vers 
sa  partie  inférieure.  II  s'élargit  en  approchant  de  son  bord  inférieur.  Il  tient 
ainsi  appliqués  contre  la  ligne  blanche  et  les  muscles  droits  de  l'abdomen  les 
ligaments  faisant  suite  à  l'ouraque  et  aux  vaisseaux;  il  les  masque,  et  fait 
qu'on  ne  les  voit  qu'après  dissection,  ou  du  moins  on  ne  fait  que  les  aperce- 
voir par  transparence  au  niveau  des  portions  les  plus  minces  de  l'aponé- 
yrose. 

On  Toit  par  ce  qui  précède  que  le  fascia  umhilicalis  est  un  feuillet  aponé- 
vrotique  qui  se  rapporte  à  l'existence  de  l'appareil  ligamenteux  succédant 
aux  vaisseaux  ombilicaux  qui,  ainsi  que  beaucoup  d'autres  groupes  d'or- 
ganes, s'en  trouve  pourvu  lorsqu'il  offre  un  certain  degré  de  développement. 
On  voit  d'autre  part  que  ces  ligaments  jouent  un  rôle  dans  la  résistance  des 
parois  abdominales  et  de  la  ligne  blanche  en  particulier  dans  le  sens  longi- 
tudinal. Ils  concourent  par  suite,  lorsqu'ils  sont  bien  développés,  à  maintenir 
la  configuration  et  la  bonne  conformation  de  ces  parois. 


nu 


II.  —  Anaïomie  pathologioue. 

1*  EXAMEN  ANAÏOMIQUE  DE  PLUSIEURS  CAS  D'HÉMORRIIAGIE  MÉNINGIENNE  INTRA- 
ARACIlNOÏDrENNE  ;   ÉTUDES  HI6Ï0L0GIQUES  SUR  LA  CO.NSTITUTION  DU  CAILLOT 

ET  SON  ENVELOPPE;  [)ar  M.  J.-V.  Laborde,  interne  des  hôpitaux. 

L'étude  anatomo-patliologique  de  l'hémorrhagie  méningienne,  quoique 
ayant  suscité  des  travaux  remarquables,  reste  encore  fort  incomplète.  Ayant 
en  l'occasion,  sur  un  terrain  oii  l'autopsie  est  fertile  (Bicètre),  d'en  observer 
plusieurs  cas,  je  les  ai  examinés  le  plus  attentivement  posiible,  dans  le  but 
surtout  d'élucider  quelques-unes  des  questions  encore  obscures  qui  se  rat- 
tachent à  ce  sujet  :  c'est  le  résultat  général  et  sommaire  de  cet  examen  que 
j'ai  l'bonneur  de  soumettre  aujourd'iiui  à  la  Société. 

Devant  reprendre  ce  travail  a  un  autre  point  de  vue,  je  m'occuperai  exclu- 
sivement, en  ce  moment,  de  la  partie  auatomique  et  histologiqnc. 

Un  caillot  sanguin,  pins  ou  moins  volumineux,  tantôt  recouvrant  tout  un 
lobe  cérébral,  tantôt  une  partie  seulement  de  ce  lobe,  situé  entre  la  dure- 
mère  et  la  surface  convexe  des  circonvolutions,  voilà  ce  qui  constitue  gros- 
sièrement, en  quelque  sorte,  l'hémorrhagie  méningienne,  celle  surtout  que 
l'on  rencontre  plus  particulièrement  chez  les  vieillards  et  les  aliénés.  Mais 
cette  disposition  générale  est  assez  bien  décrite  dans  la  plupart  des  auteurs; 
c'est  sur  des  détails  plus  intimes  que  nous  proposons  d'insister. 

Dans  les  cas  qu'il  nous  a  été  donné  d'examiner,  et  plus  particulièrement 
dans  deux  qui  peuvent  servir  de  type,  et  que  nous  avons  essayé  de  repro- 
duire par  le  dessin  que  voici,  l'épanchement  sanguin  s'est  toujours  montré  à 
nous  complètement  isolé  des  parties  voisines,  emprisonné  dans  une  cme- 
loppe  partout  continue  à  elle-même,  coostiluant  en  un  mot  un  véritable 
kyste. 

Ce  kyste,  assez  adhérent  par  sa  portion  ou  face  supérieure  à  la  dure-mère 
pour  suivre  l'enlèvement  de  celle-ci,  n'a  qu'un  rapiwrt  de  simple  contact  avec 
la  surface  du  lobe  cérébral  sur  lequel  il  est  couché  et  qu'il  comprime.  Tou- 
tefois l'adhérence  à  la  face  interne  de  la  dure-mère  est  facilement  vaincue 
par  une  traction  modérée,  et  l'on  peut  alors  contempler  à  l'aise  l'enveloppe 
dont  nous  parlions  tout  à  l'heure.  Elle  est,  nous  le  répétons  à  dessein, 
partout  continue  à  elle-même;  i)arfaitement  lisse  du  côté  qui  répond  à  lu  face 
interne  de  la  dure-mère,  elle  présenlc,  au  contraire,  du  côté  crrèbral  où 
elle  est  du  reste  complètement  libre,  quelques  inégalités  par  plaiiucs  et  d'as- 
pect gaufré,  que  nous  verrons  bientôt  ne  pas  être  autre  chose  que  des  pseu- 
do-organisations commençantes. 

SufTisammcnt  épaisse  et  résistante  pour  ne  pas  se  déchirer  sous  d  assez 
fortes  tractions,  celte  emeloppe  eu  impose  teliemcut  pur  tes  apparence^ 


111 

pour  une  production  membraneuse  normale,  et,  par  exemple,  pourlaraL-h- 
noïde  ellc-raôme,  qu'un  anatomiste  distingué  auquel  nous  avous  montré  une 
de  nos  pièces  disséquées,  s'est  cru  autorisé  à  affirmer,  de  visu,  qu'il  ne  s'a- 
gissait point  ici  d'une  néo-formation,  mais  bien  de  l'arachnoïde  elle-même. 
Mais  cette  illusion  s'est  immédiatement  dissipée  à  la  faveur  de  l'examen  liis- 
tologique. 

Lorsqu'en  effet  ayant  complètement  détaché  du  caillot  qu'elle  emprisonne, 
mais  dont  elle  ne  fait  point  partie  intégrante,  cette  enveloppe  partout  conti- 
nue à  elle-même,  et  qui  peut  être  étalée  sur  un  plan  horizontal,  à  lu  façon 
d'une  feuille  de  papier;  lorsque,  dis-je,  on  vient  à  soumettre  un  de  ses  lam- 
beaux à  l'examen  microscopique,  on  ne  tarde  pas  à  se  convaincre  qu'elle  est 
essentiellement  constituée  : 

Par  des  fibres  tassées,  caractéristiques  de  la  fibrine  en  voie  d'organisation 
ou  à  l'état  fibrillaire,  mais  donnant  lieu  à  un  tissu  membraniforme,  quelle 
qu'en  soit  d'ailleurs  l'imperfection,  car  toute  espèce  de  vascularisation  y  est 
absente;  c'est,  en  un  mot,  la  pseudomembrane  à  son  premier  terme. 

Quant  au  contenu  du  kyste,  il  est  constitué  par  un  magma  noirâtre,  partie 
liquide,  partie  coagulé,  et  dont  les  éléments  sont  :  des  globules  sanguins 
déformés,  globules  pyoïdes,  granules  moléculaires  et  transparents,  fais- 
ceaux fibrineux. 

Nous  avons  vainement  recherché  les  éléments  de  l'arachnoïde  dans  tout 
le  rayon  occupé  par  le  kyste  sanguin;  c'est  à  peine  si  l'examen  le  plus  tenace 
a  pu  nous  révéler,  dans  un  seul  cas,  deux  ou  trois  cellules  d'épithélium  at- 
tribuables  à  cette  membrane.  Il  semblerait  donc  résulter  de  là  que  le  travail 
pathologique  suscité  par  l'hémorrhagie  amènerait  la  destruction  des  éléments 
de  la  membrane  arachnoïde,  principalement  à  la  face  interne  de  la  dure- 
mère. 

Peut-être  pourrait-on  expliquer  par  là  l'erreur  de  quelques  auteurs  qui  ont 
prétendu  que ,  dans  des  cas  semblables ,  l'hémorrhagie  se  faisait  entre  la 
dure-mère  elle-même  et  l'arachnoïde,  qu'elle  n'était  pas,  en  un  mot,  intra- 
arachnoïdienne. 

2»  TUMEURS  MÉLANIQUES  MULTIPLES  ;  MÉLANOSE  AYANT  ENVAHI  LA  PLUPART  DU 

SYSTÈME  ORGANIQUE  ;  par  MM,  Lancereaux  et  DuBREUiL,  internes  des  hô- 
pitaux. 

Obs.  —  Perréal  (Jean-Baptiste),  cordier,  âgé  de  51  ans,  né  à  Paris,  entré  à 
la  Pitié,  service  de  31.  Maisonneuve,  salle  Saint-Louis,  n»  19. 

Ce  malade  portait  à  la  partie  interne  du  talon  gauche  une  tumeur  noire, 
peu  saillante  au-dessus  du  niveau  des  téguments,  et  survenue  dans  les  cir- 
constances suivantes  : 

Un  clou  de  sa  chaussure  l'avait  blessé.  La  cicatrisation  avait  d'abord  paru 
se  faire,  mais  un  peu  plus  tard  une  petite  tumeur  noire  s'était  manifestée  au 


li-2 
môme  cudroil.  Elle  avail  pcrtilntc  et,  vers  le  nio  a  ûe janvier  IbGO,  elle  avait 
atteint  la  grosseur  d'une  noisette. 

A  la  fin  de  février,  le  malade  s'adressa  à  M.  LafTore,  médecin  des  Quinze- 
Vingts,  qui  vit  qu'il  avait  affaire  à  une  petite  tumeur  mélaniquc.  Il  la  toucha 
successivement  avec  la  pierre  infernale,  avec  le  pcrchlorure  de  fer.  Les  dou- 
leurs étaient  modérées  et  Perréal  put  continuer  son  travail  jusqu'au  milieu 
du  mois  de  mars. 

A  cette  époque,  un  engorgement  ganglionnaire  se  manifesta  dans  la  région 
inguinale,  au  niveau  de  l'embouchure  de  la  saphène.  11  a  persisté  et  s'est 
accru  depuis. 

Plusieurs  fois  de  petites  hémorrhagies  avaient  eu  lieu  à  la  surface  de 
l'ulcère. 

Rien  de  relatif  à  la  diathèse  cancéreuse  dans  les  antécédents. 

A  l'entrée  du  malade  à  l'hôpital,  nous  avons  constaté  à  la  partie  interne  du 
talon  gauche  la  présence  d'une  tumeur  ayant  à  peu  près  les  dimensions  d'une 
noix;  la  circonférence  était  indurée;  la  tumeur  présentait  à  sa  surface  une 
coloration  noirâtre  que  nous  crûmes  être  l'effet  de  quelque  cautérisation. 

Dans  la  région  inguinale  du  même  côté  existait  l'engorgement  ganglion- 
naire déjà  sigalé;  en  déprimant  les  parties  molles  au  niveau  de  l'arcade  de 
Fallope,  on  sentait  plusieurs  autres  ganglions  également  engorges.  M.  Mai- 
sonneuve  diagnostiqua  une  affection  cancéreuse  et  circonscrivit  la  tumeur 
avec  des  flèches  caustiques. 

Au  bout  de  huit  jours,  l'escarre  se  détacha  ;  la  plaie  marchait  vers  la  cica- 
trisation, lorsque  survinrent  les  phénomène  suivants  : 

Vers  le  30  mai,  on  remarqua  qu'il  existait  autour  de  la  plaie  des  dépôts 
mélaniques  du  volume  d'une  tète  d'épingle.  Ils  étaient  arrondis,  saillants  au- 
dessous  de  la  peau  et  ne  s'élcudaienl  alors  qu'à  une  petite  distance  du  siège 
primitif  du  mal. 

Depuis  cette  époque,  le  dépôt  de  mélanose  a  continué  à  se  faire  avec  une 
remarquable  intensité.  Le  nombre  des  tumeurs  s'est  accru  en  même  temps 
que  leur  volume  et,  le  21  juin,  le  malade  était  dans  l'état  suivant  :  la  liuueur 
du  talon  avait  acquis  le  volume  d'une  petite  pomme  :  elle  était  ulcérée,  pro- 
sentait une  coloration  noirâtre  et  laissait  suinter  un  ichor  sanieux,  fclide. 
(Dans  cet  ichor  nous  avons  trouvé,  par  l'examen  microscopique,  des  cellules 
épithéliales  remplies  de  granulations  pigmenteuses.)  Cette  surface  fongueuse 
saignait  facilement;  le  sang  exhalé  contenait  une  assez  notable  quantité  de 
matière  mélanique. 

Inférieurement,  l'ulcère  s'étendait  jusqu'à  la  plante  du  pied;  supérieure- 
ment, il  était  surmonté  d'une  foule  de  tumeurs  mélaniques  du  volume  d'une 
noisette,  assez  rapprochées  pour  se  confondre  par  leur  circouférence. 

Ces  tumeurs,  en  très-grand  nombre,  ont  envahi  la  face  interne  de  la 
jambe  correspondante.  Les  plus  élevées  remontaient  jusque  vers  le  milieu 


113 
de  la  hauteur  du  mollet.  D'autres  se  voyaient  à  la  face  plantaire  du  pied  jus- 
qu'à sou  tiers  antérieur;  d'autres,  enlin,  occupaient  la  face  interne  du  talon. 
Toutes  sout  parfaitement  noires,  situés  supei-ficieliement  dans  l'épaisseur  de 
la  peau;  leur  volume  est  d'autant  moindre  qu'elles  s'éloignent  davantage  du 
siège  primitif  de  l'affection. 

Les  ganglions  de  la  région  inguinale,  aussi  bien  ceux  de  l'embouchure  de 
la  saphène  que  les  ganglions  inguinaux  profonds,  continuent  à  s'accroître. 
Ceux  de  l'embouchure  de  la  saphène  fout  une  saillie  Irès-marquée  au-des- 
sous des  téguments.  Leur  teinte  est  noirâlre  par  places;  dans  les  mêmes 
points  ils  sont  ramollis.  Leurs  lymphatiques  afférents  forment  un  cordon 
noueux  du  volume  d'une  plume  d'oie  qui  se  perd  vers  le  milieu  de  la  face 
interne  de  la  cuisse. 

Le  malade  avait  maigri  et  présentait  une  teinte  jaune  paille. 

Le  15  juin,  il  s'est  aperçu  qu'il  portait  à  la  face  dorsale  de  la  phalangine 
de  l'annulaire  gauche  une  granulation  mélauique  du  volume  d'une  tète  d'é- 
pingle. Quelques  jours  plus  tard,  il  remarqua  une  granulation  semblable  au 
côté  externe  de  l'avant -bras  droit;  toutes  deux  étaient  situées  dans  l'épais- 
seur de  la  peau. 

A  la  date  du  21  juin,  le  faciès  est  encore  bon,  le  teint  coloré,  l'appétit  con- 
servé; le  malade  mange  deux  portions,  les  digestions  se  font  bien;  depuis 
trois  ou  quatre  jours  seulement,  le  malade  ne  peut  dormir. 

11  juillet.  L'affection  mélauique  a  fait  des  progrès  rapides.  Les  tumeurs 
voisines  de  l'ulcère  ont  acquis  le  volume  d'une  noix  et  se  sont  confondues 
en  une  masse  unique,  vu  leur  nombre  et  leur  rapprochement.  Elles  forment 
~à  la  face  interne  du  talon  une  masse  noire,  épaisse,  bosselée  ;  la  matière 
mélauique  est  située  immédiatement  au-dessous  de  l'épiderme.  Elle  est  à 
nu  sur  certains  points,  là  où  la  pellicule  épidermique  à  disparu. 

Exsudations  sanguines  assez  abondantes  entraînant  une  notable  quantité 
de  mélanose. 

Les  digestions  sont  encore  assez  bonnes  ;  le  malade  ne  peut  dormir. 

17  juillet.  Le  talon  a  pris  à  un  haut  degré  l'aspect' fongueux  et  saignant.  La 
tumeur  mélauique  surajoutée  présente  à  peu  près  le  volume  du  poing;  les 
autres  dépôts  mélaniques  à  distance  se  sont  accrus  en  nombre  et  en  vo- 
lume. 

On  peut  suivre  a  la  face  imerne  de  la  jambe  et  de  la  cuisse  un  cordon 
noueux  qui  va  se  perdre  dans  les  ganglions  de  l'embouchure  de  la  saphène. 
De  place  en  place  on  aperçoit  de  petites  tumeurs  mélaniques  sur  le  trajet  de 
ce  cordon.  L'appétit  est  presque  nul. 

20  juillet.  Le  malade  a  eu  des  vomissements  pendant  la  nuit  dernière;  les 
matières  vomies  ne  présentaient  pas  la  coloration  noirâtre.  Des  plaques 
rouges  d'angioleucite  sont  disséminées  à  la  face  interne  de  la  cuisse  et  de  la 
jambe. 

C,   R.  '  g 


114 

Le  23  juillet,  le  malade  sort  pour  aller  aux  Quinze-Vingts. 

Le  20  août,  M.  Laffore,  médecin  des  Quinze-Vingts,  a  l'obligeance  de  nous 
avertir  que  le  malaJe  est  mort  le  matin  même,  conservant  jusqu'à  la  fin  l'in- 
tégrité de  ses  facultés  intellectuelles,  et  nous  invite  à  venir  pratiquer  Tau- 
topsie. 

Autopsie.  — Nous  constatons  d'abord  les  faits  suivants  : 

Sur  la  peau  de  la  poitrine,  sur  celle  du  front,  des  avant-bras,  de  l'abdomen, 
nous  trouvons  de  petites  tumeurs  mélaniqucs.  Au  niveau  de  la  partie  interne 
et  postérieure  du  calcanéum  gaucbe  existe  une  tumeur  volumineuse  formée 
par  une  série  de  mamelons  noirs.  En  pressant  avec  les  doigts,  on  constate 
qu'elle  est  très-molle  ;  en  l'incisant,  il  s'en  écoule  un  liquide  noirâtre. 

Sur  toute  la  partie  interne  du  membre  inférieur  gaucbe,  depuis  le  talon 
jusqu'à  l'aine,  au  niveau  du  trajet  parcouru  par  les  lymphatiques,  ou  voit  sur 
la  peau  de  petites  taches  d'un  brun  noirâtre. 

Au  niveau  de  l'aine  gauche  existe  une  large  perte  de  substance  condui- 
sant dans  une  poche,  remplie  d'un  liquide  granuleux,  noir  et  dont  les  parois 
sont  noires  aussi. 

Cette  poche  remonte  jusqu'au-dessus  de  l'arcade  cruciale  en  passant  eo 
arrière. 

La  partie  inférieure  du  scrotum  a  disparu;  ou  voit  les  tuniques  sous-ja- 
centes  ;  elles  ont  leur  coloration  normale.  Le  médecin  des  Quinze- Vingts  nous 
dit  que  celle  portiuu  du  scrotum  s'est  gangrenée  et  détachée  quelques  jours 
avant  la  mort. 

Nous  disséquons  le  membre  inférieur  et  nous  trouvons  que  la  tumeur  mé- 
lanique  s'étend  jusqu'au  calcanéum  qui  eu  est  cependant  scpuré  par  les  tissus 
libreux  qui  le  recouvrent.  Je  dissèque  les  vaisseaux  qui  l'avoisineut,  et  je 
constate  que  l'artère  et  les  veines,  tant  superiicieilcs  que  proiondes,  sont 
saines.  Le  nerf  tibial  postérieur  est  sain  aussi,  mais  les  vaisseaux  lympha- 
tiques qui  remontent  le  long  de  la  partie  interne  du  membre,  ont  augmenté 
de  volume;  leur  lumière  dilatée  est  remplie  de  matière  noirâtre. 

Les  ganglions  inguinaux  sont  détruits  et  à  leur  place  on  trouve  l'ulcération 
et  l'excavation  q)ie  nous  avons  signalées. 

Les  lymphatiques  du  bassin  ne  présentent  rien  d'anormal,  non  plus  que  le 
canal  thoracique.  , 

Passant  aux  organes  internes,  nous  constatons  ce  qui  suit  : 

Le  foie  présente  de  très-nombreuses  taches  noires,  assez  étendues,  tant  à 
sa  surface  que  dans  son  parenchyme. 

Nous  ne  notons  riendauormal  dans  les  vaisseaux  du  foie;  nous  retrouvons 
les  taches  mélaniques,  mais  moins  nombreuses  et  moins  étendues  dans  les 
reins,  les  capsules  surrénales,  la  rate,  le  pancréas. 

Il  n'y  a  rien  dans  le  péritoine,  le  grand  cpiploon  ni  dans  le  mésentère.  Les 


115 
ganglions  niésentériques,  qui  ont  conservé  leur  volume,  présentent  quelques 
taches  noirâtres. 

Sous  la  muqueuse  intestinale,  nous  rencontrons  de  petites  taches  mélani- 
ques  assez  abunnaiiles. 

Rien  à  noier  dans  les  vaisseaux  de  l'abilomen. 

En  entamant  les  vertèbres  lombaires  par  un  trait  de  scie  qui  détache  une 
partie  de  leur  corps,  nous  voyons  que  le  tissu  spongieux  qui  les  constitue 
présente  une  couleur  noire  uniforme. 

Nous  détachons  un  segment  du  calcanéum,  et  nous  trouvons  qu'il  ne  pré- 
sente que  de  rares  points  mélaniques. 

Thorax.  — Le  sternum,  les  côtes  présentent  par  places  une  coloration  noi- 
râtre. Sous  la  plèvre  pariétale  on  aperçoit  de  nombreuses  taches  mélaniques. 
Les  poumons  offrent  à  leur  face  externe  des  taches  noires  bien  plus  étendues 
qu'a  l'état  Hormal  ;  à  l'intérieur,  ils  présentent  de  petites  tumeurs  olTrant  la 
même  coloration. 

Sous  le  feuillet  viscéral  du  péricarde  nous  voyons  des  taches  noires;  nous 
en  voyons  encore  sous  l'endocarde.  Elles  sont  peu  nombreuses,  tant  les  pre- 
mières que  les  secondes.  EnUn,  dans  l'épaisseur  des  parois  du  cœur,  il  existe 
quelques  points  mélaniques. 

En  détachant  la  voûte  cnînienne,  nous  constatons  qu'il  y  a  dans  le  diploé 
des  os  qui  la  composent  des  plaques  noires,  assez  larges,  visibles  à  travers 
le  tissu  compacte. 

A  la  surface  du  cerveau,  il  n'y  a  qu'une  pelUe  tache  noire  assez  super- 
flcielle. 

Des  caillots  recueillis  dans  la  veine  cave  et  dans  le  cœur  ne  présentent  rien 
de  particulier  à  l'examen  à  l'œil  un. 

Examen  microscopique. —La  matière  recueillie  dans  les  vaisseaux  lym- 
phatiques se  présente  sous  l'aspect  de  granulations  noiiâires;  nous  n'y  trou- 
vons pas  de  cellule. 

Dans  le  foie,  nous  trouvons  les  grauulations  infiltrées  dans  les  cellules  du 
foie  qui,  à  part  cela,  sont  normales. 

Le  rein  nous  offre  des  granulations  dc.ît  les  unes  sont  libres,  les  autres 
contenues  dans  des  cellules  qui  pn  veulent  la  forme  de  celle  de  l'épithélium 
prismatique. 

Dans  le  cœur,  les  granulations  paraissent  infiltrées  dans  la  fibre  primitive. 
Dans  les  poumons,  elles  sont  en  partie  libres,  en  partie  contenues  dans  des 
cellules  épithéliales  pavimenteuses. 

La  matière  noire  que  nous  avons  signalée  dans  un  coin  du  cerveau  et  qui 
correspondait  à  de  la  substance  grise,  nous  a  paru  contenue  dans  des  myé- 
locytes.  Nous  avons  trouvé,  au-dessus  de  ce  point  noir,  un  capillaire  renfer- 
mant des  granulations  pigmeotaires,  mais  nous  n'avons  pu  déterminer  si 
elles  étaient  dans  les  parois  ou  dans  la  cavité  du  vaisseau. 


116 
Dans  les  caillots  recueillis  dans  le  cœur  et  dans  la  veine  cave  inférieure, 
nous  n'avons  pas  constaté  de  granulatious  pigmentaires  bien  évidentes.  11 
nous  a  paru  cependant  y  en  avoir  quelqucs-uues  dans  un  leucocyte. 

III.  —  Pathologie. 

ÏIÉMORRIIAGIE  DE  LAl  PROTUBÉRANCE;  PARALYSIE  ALTERNE  (HÉMIPLÉGIE  GAUCHE; 
PARALYSIE  FACIALE  DROITE);  HYPERTROPHIE  ANCIENNE  DU  COEUR;  MALADIE 
DE  BRIGHT;  PÉRICARDITE;  (HiDÈME  pulmonaire;  PLEURÉSIE  DOUBLE;  MORT; 

par  J.-B.  HiLLAiRET,  médecin  de  riiùpilal  Suiut-Louis,  etc. 

il  y  a  quelques  mois  je  présentai  à  la  Société  un  cas  de  ramollissement  hé- 
morrhagique  siégeant  dans  l'étage  moyen  et  intérieur  droit  de  la  protubé- 
rance annulaire,  qui  confirmait  les  idées  émises  par  AIM-  MiUard  et  Gu- 
bler,  etc.,  sur  la  cause  auatomique  de  la  paralysie  alterne. 

Je  viens  aujourd'liui  montrer  les  pièces  d'uu  nouveau  cas  observé  dans 
mon  service.  Plus  intéressant  eucore  que  le  précédent,  il  ajoute  uue  nouvelle 
preuve  à  l'appui  des  opinions  des  auteurs  précités,  et  si  l'on  n'examinait  pas 
avec  une  certaine  atteution  le  mode  de  développement  progressif  du  loyer 
bémorrhagique,  il  pourrait  être  une  source  de  discussions  et  fournir  des  ar- 
guments coutre  des  affirmations  qui  nous  paraissent  les  plus  vraies  et  les 
plus  anatomiques. 

Voici  le  fait  : 

Obs.  —  Le  nommé  Larchevêque  (Louis),  âgé  de  39  ans,  borloger,  est  entré 
le  25  juiu  ISOO  àl'bùpital  Saint-Louis,  pavillon  Gabrielle.  Ce  malade  dit  qu'il 
a  toujours  joui  d'une  très-bouue  sauté  peudaut  son  enfance,  sa  première  jeu- 
nesse, et  n'a  jamais  l'ait  de  maladie  grave.  Toutefois,  il  prétcud  avoir  eu  de 
tout  temps  quelques  palpitations  qui  le  géuaieul  lorsqu'il  voulait  se  livrer  à 
de  trop  rudes  travaux  ou  à  des  exercices  violents.  11  n'a  jamais  eu  de  mala- 
dies vénériennes,  ne  s'est  jamais  livré  à  la  débauche  et  a  constamment  mené 
une  vie  régulière. 

Marié  à  l'âge  de  22  ans,  il  a  eu  neuf  enfants  ;  cinq  sont  morts,  les  uns  en 
venant  avant  terme,  les  autres  au  momeut  de  la  naissance  ou  quelques  jours 
après;  il  ajoute  que  chez  aucun  de  ces  enfants  décédés  on  n'a  trouvé  sur 
leur  corps  de  taches  ni  autres  aifectious  qui  aient  pu  faire  penser  à  la  sy- 
philis. 

La  mère  de  ces  enfants  est  d'ailleurs  aussi  très-bien  portante,  et  n'a  jamais 
lait  de  maladie  grave  ;  les  quatre  eufanls  vivants  se  portent  parfaileuieut  bien  ; 
l'un  d'eux  est  jumeau. 

Un  an  ou  deux  après  sou  mariage  (il  y  a  seize  ou  dix-sept  ans)  les  palpita- 
tions de  cœur  sont  devenues  plus  fortes.  Le  malade  s'en  plaignait  assez  sou- 
vent à  sa  femme,  et  il  y  a  environ  dix  ans,  sans  cause  connue,  sans  avoir  ou 


117 

de  rhume  préalable,  il  fut  pris  d'un  crachement  de  sang  rouge,  vermeil,  mous- 
seux, qui  dura  huit  jours.  Toutefois  cette  hémoptysie  avait  été  annoncée  par 
une  petite  toux  sèche.  A  chaque  expectoration  il  rendait  à  peu  près  un  demi- 
verre  de  sang.  Depuis  cette  époque,  les  hémoptysies  se  sont  renouvelées 
assez  souvent;  elles  venaient  d'abord  tous  les  deux  ans,  puis  tous  les  ans,  et 
enfin  tous  les  six  mois.  Leur  durée  a  semblé  augmenter  à  mesure  qu'elles 
devenaient  plus  fréquentes.  Malgré  ces  hémoptysies,  il  s'est  conservé  assez 
longtemps  dans  un  assez  bon  état.  L'appétit  était  bon,  les  forces  assez  satis- 
faisantes, et  dans  l'intervalle  des  hémorrhagies  il  ne  toussait  point.  Ce  n'est 
guère  que  depuis  trois  années,  époque  à  laquelle  les  hémoptysies  sont  deve- 
nues plus  fréquentes,  qu'il  a  commencé  à  perdre  ses  forces,  et  en  même 
temps  il  fut  atteint  de  migraines  insupportables  qui  duraient  parfois  plusieurs 
jours  et  s'accompagnaient  presque  toujours  de  vomissements.  Ainsi,  il  y  a 
deux  ans,  pendant  une  atteinte  semblable,  il  a  vomi  vingt-quatre  fois  durant 
une  nuit  ;  les  matières  vomies  étaient  composées  de  matières  alimentaires 
et  de  bile.  Depuis  lors  il  survint  de  la  constipation  qui  ne  céda  qu'à  des  pur- 
gatifs réitérés  et  à  des  lavements  adoucissants. 

C'est  à  partir  de  cette  époque  que  Larchevêque  a  été  réellement  et  toujours 
souffrant,  et  qu'il  n'a  pu  qu'à  de  rares  intervalles  se  livrer  à  ses  occupations 
habituelles.  Les  palpitations  devinrent  plus  fortes  et  fréquentes,  il  se  plai- 
gnit d'éprouver  une  vive  douleur  dans  la  région  du  cœur  et  fut  souvent  en 
proie  à  une  anxiété  précordiale  très-vive.  Enfin,  pour  la  première  fois,  il  y  a 
un  an  les  extrémités  devinrent  œdémateuses;  l'œdème  a  continué  depuis  cette 
époque  à  se  montrer  chaque  fois  qu'il  marchait  un  peu,  le  soir  principalement, 
pour  disparaître  pendant  la  nuit  et  dans  le  repos  horizontal^  mais  reparais- 
sant lorsqu'il  se  levait  et  se  livrait  à  quelque  exercice  ou  restait  debout. 

Il  y  a  six  mois,  dans  l'intervalle  de  deux  hémoptysies,  le  malade  urina  du 
sang  pendant  une  quinzaine  de  jours  ;  les  urines  étaient,  au  dire  du  malade, 
d'un  brun  foncé,  et  laissaient  au  fond  du  vase  du  sang  coagulé. 

Enfin,  il  y  a  deux  mois,  il  fut  pris  de  difficulté  extrême  de  respirer,  de 
dyspnée  intense  ;  les  palpitations  de  cœur  étaient  très-fortes,  douloureuses. 
Il  y  eut  des  instants  où  l'on  crut  la  mort  prochaine,  mais  au  bout  de  quel- 
ques instants  ces  accidents  disparaissaient  pour  revenir  bientôt.  Leur  retour 
n'avait  rien  de  fixe,  et  ils  arrivaient  avec  une  violence  telle  qu'ils  effrayaient 
les  personnes  présentes.  Dans  l'intervalle  de  ces  attaques  de  suffocation,  la 
santé,  sauf  les  palpitations  et  l'œdème  des  membres  inférieurs,  était  assez 
bonne;  l'appétit  était  bien  conservé. 

Pour  tous  ces  accidents,  les  différents  médecins  qu'il  a  consultés  lui  ont 
prescrit  des  loochs,  des  potions  gommeuses,  des  saignées,  des  sangsues  à 
l'anus  ;  mais  voyant  son  état  s'aggraver  malgré  tout,  il  se  décida  à  entrer  dans 
mon  service  au  pavillon  Gabrielle,  où  il  fut  couché  dans  la  chambre  n"  19 

Etat  actuel,  25  juin  à  l'entrée  du  malade  : 


118 

Tempérament  lymphatico-nerveux;  consfitntioii  moyenne,  mais  détériorée; 
faciès  pale,  amaigri;  membre  grêles;  peau  flasque.  L'économie  tout  entière 
offre  les  traces  d'une  longue  souffrance. 

Le  malade  est  assis  dans  sou  lit,  il  se  plaint  d'éprouver  une  gône  considé- 
rable de  la  respiration. 

Aucune  douleur  sur  aucun  autre  point. 

La  percussion  de  la  poitrine  ne  révèle  aucune  modiQcation  de  la  résonnance 
normale.  A  l'auscultation,  on  constate  que  la  respiration  est  légèrement  rude, 
soufflante,  et  mélangée  de  bulles  de  râles  muqueux  à  petites  bulles  dissé- 
minées çà  et  là  dans  toute  l'étendue  du  poumon  droit  principalement. 

La  main  appliquée  sur  la  région  précordiale  ne  perçoit  aui'un  frottement 
anormal,  mais  des  battements  forts  et  fréquents  dans  une  très-grande  éten- 
due du  cœur.  La  pointe  du  cœur  bat  au  niveau  du  septième  espace  intercostal, 
et  la  percussion  accuse  une  augmentation  de  la  matité  précordiale  dans  une 
étendue  considérable. 

A  l'auscultation,  on  ne  perçoit  aucun  bruit  anormal,  ni  souffle,  ni  frotte- 
ment, ni  bruit  de  cuir  neuf.  Seulement  les  bruits  du  cœur  sont  sourds,  en- 
roués. 

L'impulsion  du  cœur  est  forte  et  soulève  la  tète  pendant  l'auscultation. 

Le  pouls  est  petit,  déprossible.à  84. 

Le  malade  dit  avoir  de  l'appétit  ;  les  digestions  sont  bonnes. 

Le  foie  semble  de  volume  normal.  Aucune  souffrance  ni  du  côté  des  autres 
organes  de  la  cavité  abdominale  ni  des  centres  nerveux. 

Prescription  :  E;iu  gommée;  extrait  de  quinquma;  pilules  opiacées. 

Sous  l'influence  de  la  prescrii)tion  et  du  régime,  le  malade  se  trouve  mieux, 
les  forces  reviennent  un  peu.  Le  malade  peut  rester  levé  une  partie  de  la 
journée  et  se  promener.  Les  palpitations  sont  moindres  et  la  respiration  plus 
facile.  Cet  état  persiste  ainsi  jusqu'au  7  juillet. 

Ce  jour  même  (7  juillet),  le  malade  pendant  une  promenade  au  jardin,  est 
pris  d'une  forte  céphalalgie,  avec  fourmillements  dans  la  moitié  gauche  du 
corps,  en  même  temps  les  mouvements  y  deviennent  gênés.  La  marche  est 
difficile,  impossible  mêiuc,  à  ce  point  qu'on  est  obligé  de  le  monter  dans  sa 
chambre.  11  est  à  peine  coucliéquedcs  vomissements  surviennent,  composés 
de  matières  alimentaires  et  de  bile  (le  malade  venait  de  prendre  son  repas). 
La  céphalalgie  persiste,  les  fourmillements  disparaissent,  et  les  mouvements 
deviennent  tout  à  fait  impossibles  dans  la  moitié  gauche  du  corps.  Mais,  par 
contre,  la  moitié  droite  de  la  face  est  paralysée.  Ainsi  ce  côté  du  visage  est 
abaissé,  affaissci,  et  se  trouve  sur  un  plan  iidorieurà  la  moitié  gauche;  la 
commissure  labiale  gauche  est  portée  en  haut  et  en  dehors.  Cette  déviation  de 
la  face  se  remarque  surtout  quand  le  malade  veut  parler. La  paralysie  ne  parait 
pas  absolue  dans  ce  point;  la  paupière  supérieure  droite  n'est  pas  paralysée, 


m 

et  le  malade  ne  fume  pas  la  pipe.  En  même  temps  la  parole  est  embarrassée, 
pâteuse,  le  malade  a  de  la  peine  à  se  faire  comprendre. 

La  sensibilité  est  partout  conservée  dans  les  parties  paralysées. 

Le  pouls  est  mou,  dc'-pressible,  fréquent.  Les  battements  du  coeur  sont 
très-accélérés,  tumultueux;  même  état  des  antres  orcjanes. 

L'interne  de  frarde  appelé  prescrit  nne  potion  calmante. 

Le  8  juillet  h  la  visite,  le  malade  se  trouve  à  peu  près  dans  le  même  état. 
La  paralysie  persiste  du  cAté  ffancbe  du  corps  et  des  membres,  mais  à  un 
moindre  des'ré.  Ainsi,  il  peut  assez  fléchir  les  doi^-ts  et  contracter  les  mains 
pour  exercer  unelé2:ère  pression.  La  paralysie  du  côté  droit  de  la  face  est  la 
même.  La  sensibil'té  est  toujours  conservée  et  même  exagérée  sur  certains 
points  isolés  du  membre  inférieur.  Intelligence  intacte;  constipation;  même 
état  du  cœur;  respiration  assez  calme  relativement. 

Une  bouteille  eau  de  Sedlitz;  sinapisraes;  frictions  au  Uniment  chloro- 
formé, etc. 

Le  9,  même  état  des  membres  paralysés  et  du  cfité  droit  delà  face.  La  res- 
piration est  un  peu  gênée;  le  malade  se  sent  étouffer  à  cinq  ou  six  reprises 
difTérentes;  dans  la  matinée  la  face  a  pâli  et  il  est  presque  tombé  en  syn- 
cope. Cet  état  syncopal  a,  chaque  fois,  duré  très-peu  de  temps;  même  état 
du  cœur. 

L'examen  de  la  poitrine  donne  à  la  nercussion  une  légère  matité  à  droite  et 
en  arrière,  dans  l'étendue  du  tiers  inférieur  ou  à  l'auscultation  on  y  constate 
un  léger  bruit  de  frottement,  en  même  temps  que  des  bulles  de  gros  râles 
muqueux  disséminées  càetlà. 

Rien  de  notable  du  côté  gauche. 

Œdème  des  membre  inférieurs  remontant  des  pieds  à  la  moitié  inférieure 
de  chaque  jambe.  Pas  de  bouffissure  de  la  face  ni  d'infiltration  des  membres 
supérieurs,  ni  des  bourses. 

Les  urines  étant  examinées,  on  y  constate  une  très-notable  quantité  d'al- 
bumine coagulable  à  l'aide  de  l'acisle  nitrique  ou  de  la  chaleur. 

Même  prescription.  Un  large  vésicatoire  volant  à  la  partie  postérieure  de 
la  poitrine,  du  côté  droit  du  thorax. 

Le  10,  l'état  du  malade  s'est  notablement  aggravé;  les  forces  sont  amoin- 
dries. La  matité  du  côté  droit  de  la  poitrine  et  en  arrière  s'est  notablement 
accrue,  et  le  frottement  pleural  type  se  fait  entendre  dans  nne  plus  grande 
étendue,  presque  jusqu'au  niveau  de  l'épine  de  l'omoplate,  il  offre  aussi 
une  rudesse  plus  grande  que  la  veille;  on  perçoit  aussi  les  mêmes  râles  mu- 
queux. La  respiration  est  anxieuse,  la  face  pâle;  état  syncopal.  Même  élat  de 
l'hémiplégie  gauche  et  de  la  paralysie  faciale  droite.  Persistance  et  augmen- 
tation de  l'œdème  des  membres  inférieurs.  Pouls  toujours  petit,  faible,  dé- 
pressible  et  fréquent.  De  temps  à  autre,  état  sudoral  de  la  peau  du  front  et  du 
visage,  existant  avec  une  pâleur  extrême  ;  lèvres  livides. 


120 

Môme  prescription. 

Le  11,  même  état  de  la  respiration  et  de  la  circulation  ainsi  que  des  par- 
ties paralysées.  Intelligence  toujours  conservée;  afTaiblissement ;  anxiété; 
état  syncopal;  pas  de  garde-robes  depuis  quatre  jours. 

Le  12  et  le  13,  affaiblissement  progressif.  La  pleurésie  droite  augmente 
notablement.  Tout  le  côté  présente  une  matité  absolue,  et  l'on  constate  un 
souflle  très-fort  dans  toute  la  fosse  sous-épineuse  et  à  l'angle  de  l'omo- 
plate. 

Le  14,  l'oppression  est  plus  grande  encore;  orthopnée  intense;  douleur 
précordiale  trôs-forte.  La  matité  de  cette  région  semble  notablement  accrue, 
et  l'on  y  constate  un  bruit  de  frottement  péricarditique,  isochrone  aux  bat- 
tements du  cœur,  d'une  très-grande  rudesse  et  vraiment  modèle.  Les  bruits 
du  cœur  sont  sourds,  enroués,  éloignés  de  l'oreille,  mais  sans  souffle.  Les 
battements  sont  précipités,  tumultueux. 

La  matité  du  côté  droit  du  thorax  est  toujours  la  même,  ainsi  que  le  souflle 
constaté  les  jours  précédents.  En  outre,  on  perçoit  du  côté  gauche  et  en  ar- 
rière un  bruit  de  frottement  très-manifeste  qui  n'existait  pas  la  veille,  dans 
le  tiers  inférieur,  avec  matité,  dans  retendue  de  quatre  à  cinq  travers  de 
doigt.  Une  pleurésie  nouvelle  s'était  déclarée  dans  ce  point  depuis  le  précé- 
dent examen.  Même  état  des  parties  paralysées.  L'inUltration  des  membres 
inférieurs  augmente  e\  remonte  vers  les  cuisses  et  les  bourses.  Même  état  du 
pouls. 

Douze  ventouses  sèches  au  niveau  de  la  région  précordiale,  et  en  dehors 
de  la  poitrine  du  côté  gauche,  etc. 

Le  15,  après  les  ventouses,  le  malade  s'est  senti  un  peu  mieux.  L'oppression 
est  devenue  moins  forte,  mais  ce  matin  elle  est  toujours  très-grande.  Le  pouls 
est  fréquent,  petit  et  faible,  facilement  dépressible,  à  100.  Le  frottement  pé- 
ricarditique persiste  avec  plus  d'intensité  encore  et  s'entend  dans  toute  la 
région  du  cœur  ;  frémissement  perçu  à  la  main.  Même  état  des  bruits  pleu- 
raux. L'œdème  est  le  même,  ainsi  que  l'état  des  parties  paralysées. 

Vésicatoire  volant  sur  la  région  précordiale,  lavement  laxatif,  bouil- 
lon, etc. 

Le  16,  le  malade  n'a  i)as  voulu  se  laisser  poser  le  vésicatoire.  Daus  la  jour- 
née d'hier,  expectoration  abondante  d'un  liquide  muco-purulent  mêlé  de 
stries  de  sang.  Le  malade  est  assis  sur  sou  lit,  les  jambes  pendantes  et  très-in- 
liltrées.  Le  faciès  est  pâle,  les  lèvres  livides.  L'oppression  est  extrême.  Jac- 
titation  artérielle. 

Peu  après  la  visite,  râle  trachéal,  pouls  d'une  faiblesse  extrême.  Même 
état  dos  bruits  respiratoires  et  des  parties  paralysées.  La  sensibilité  persiste 
jusqu'à  la  lin. 

Le  malade  reste  dans  cet  état  jusqu'au  lendemain  17,  et  meurt  dans  la 
matinée. 


121 

Autopsie  le  18,  vingt-quatre  heures  après  la  mort;  température  assez  éle« 
vée,  atmosphère  humide. 

Absence  de  rigidité  cadavérique.  Traces  nombreuses  de  putréfaction  déjà 
avancée  sur  l'abdomen,  les  membres  inférieurs  et  les  parois  du  thorax.  Dans 
tous  ces  points,  les  muscles  sont  verdùtres  et  putrilagineux. 

Cavité  crânienne.  Les  os  du  crâne,  d'épaisseur  normale,  ne  présentent  rien 
de  particulier. 

Les  membranes  du  cerveau  sont  intactes  et  s'enlèvent  facilement  ;  il  s'é- 
coule très-peu  de  sérosité  à  l'incision  de  la  dure-mère.  Le  pie-mère  est  peu 
colorée.  Les  vaisseaux  contiennent  peu  de  sang. 

L'encéphale  a  son  volume  normal,  il  est  de  bonne  consistance,  assez 
ferme,  sans  aucune  injection  ;  la  substance  à  la  surface  des  coupes  est  même 
assez  pâle  ;  la  substance  grise  est  décolorée.  Toutefois  les  vaisseaux  de  l'hé- 
misphère droit  contiennent  un  peu  plus  de  sang  que  ceux  de  l'hémisphère 
gauche. 

Après  avoir  coupé  minutieusement  tranche  par  tranche  la  masse  des»  hémi- 
sphères, on  n'y  découvre  aucune  trace  de  ramollissement  ni  de  foyer  hémor- 
rhagique. 

La  protubérance  annulaire  vue  à  l'extérieur  paraît  être  de  volume  normal  ; 
sa  conformation  est  régulière.  Lorsqu'on  la  divise  par  tranches  minces,  dans 
le  sens  vertical  et  d'avant  en  arrière,  on  constate  que  toute  la  partie  anté- 
rieure est  indemne  et  parfaitement  saine,  mais  en  faisant  une  coupe  verti- 
cale et  transversale  qui  passe  immédiatement  en  arrière  des  tissus,  on  tombe 
sur  un  foyer  hémorrhagique  qui  semble  de  prime  abord  n'occuper  que  le 
centre  de  la  partie  postérieure  de  la  protubérance,  à  partir  de  l'étage  moyen 
jusqu'à  l'étage  inférieur  et  qui  est  de  récente  formation,  car  le  caillot  sanguin 
qu'il  contient,  assez  bien  coagulé,  est  d'un  rouge  foncé,  non  enkysté  et  non 
encore  organisé.  11  est  cependant  d'une  assez  bonne  consistance  et  ne  se 
désagrège  pas  sous  l'action  d'un  mince  filet  d'eau.  Comme  il  vieut  d'être  dit, 
le  caillot  occupe  le  centre  de  la  protubérance,  envahit  l'étage  moyen,  l'étage 
inférieur,  et  s'arrête  à  2  millimètres  et  demi  à  3  millimètres  environ  de  la 
face  antéro-inférieure.  Si  l'on  fait  une  coupe  de  la  protubérance  dans  le  sens 
transversal  qui  aille  rejoindre  le  milieu  de  l'épaisseur  des  pédoncules  céré- 
belleux moyens,  on  voit  que  cet  épanchement  pénètre  profondément  dans  la 
substance  du  pédoncule  cérébelleux  moyen  droit,  et  se  prolonge  jusque  vers 
le  point  de  pénétration  de  ce  pédoni;ule  dans  la  masse  cérébelleuse  corres- 
pondante, à  1/2  centimètre  près.  Ducôtégaucl'.e,  répanchementselimilc  assez 
bien  et  s'arrête  au  niveau  du  pédoncule  cérébelleux  moyen  correspondant. 

En  somme,  le  foyer  hémorrhagique  présente  une  étendue  de  plu3  de 
2  centimètres  à  2  centimètres  1/2  dans  tous  ses  diamètres,  et  offie  ceci  de 
remarquable  que  les  différentes  couches  qui  le  composent  sont  de  nuances 
difl'éreutes;  de  telle  sorte  qu'il  y  aurait  quchpie  probabilité  Cju'il  se  serait 


\n 

formi"  successivement  de  !a  partie  droite  et  centrale  de  l'étage  moyen  en 
s'irradiant  vers  le  pédoncule  cérébelleux  moyen  et  vers  les  autres  parties, 
et  non  d'une  manière  subite  et  instantanée  pour  toute  l'étendue  qu'il  occupe. 
C'est  ainsi  que  la  portion  que  nous  indiquons  comme  étant  le  point  où  l'in- 
terstice liémorrliagique  s'est  fait  en  premier  lieu  est  plus  pâle,  plus  dense 
et  mieux  organisé  que  les  autres  parties  qui  constituent  la  périphérie  du 
foyer. 

Le  bulbe  rachidieu  ainsi  que  le  cervelet  sont  intacts.  Le  nerf  facial  droit 
est  complètement  indemne.  M.  Vulpian,  qui  a  bien  voulu  le  disséquer  et  le 
suivre  avec  le  plus  grand  soin  jusqu'au  niveau  du  planclier  du  quatrième 
ventricule,  a  constaté  et  nous  a  fait  constater  qu'il  était  exempt  de  toute  alté- 
ration. Cette  circonstance  est  des  plus  importantes  à  noter,  eu  égard  à  la 
théorie  que  nous  soutenons  avec  les  auteurs  précédemment  cités. 

Cavité  thoraciquR.  —  A  l'ouverture  de  la  poitrine  du  côté  gauche,  il  s'en 
écoule  une  assez  grande  quantité  de  sérosité  citrine  transparente  et  lim- 
pide. La  plèvre  pariétale  est  très  épaissie  et  doublée  d'une  fausse  membrane 
récente  et  molle  qui  la  recouvre  dans  toutes  ses  parties.  Elle  est  en  outre 
excessivement  colorée.  Le  feuillet  viscéral  est  un  peu  dépoli,  injecté,  mais 
moins  épaissi.  Le  poumon  gauche,  dans  sa  partie  inférieure,  est  vivement 
congestionné.  Son  tissu  est  noirâtre,  assez  friable,  se  déchire  assez  faci- 
ment,  et  n'est  point  granuleux  à  la  surface  des  loupes.  Lorsqu'on  l'incise,  il 
s'en  écoule  un  liquide  rougeâtre  en  assez  bonne  quantité  ;  quelques  par- 
celles de  ce  tissu  gagnent  le  fond  du  vase. 

La  cavité  pleurale  droite  contient  une  minime  qualité  de  liquide  citrtn, 
limpide  et  transparent.  La  plèvre  nariétale  et  viscérale  est  fortement  épais- 
sie, doublée  dans  toutes  ses  parties  p;ir  wne  vaste  fausse  membrane  épaisse, 
encore  un  peu  molle,  partout  continue  à  elle-même,  et  que  l'on  peut  facile- 
ment soulever.  Les  deux  feuillets  pleuraux,  viscéral  et  pariétal,  sont  reliés 
entre  eux  par  des  brides  cellulo-membraneuses  assez  épaisses  et  résistantes 
pour  rendre  l'extraction  du  poumon  assez  difTicile,  et  adhèrent  surtout  for- 
tement en  arrière  au  niveau  de  l'angle  des  côles.  Le  poumon  droit  remplit 
toute  la  cavité  thoraciquc  droite;  il  est  très-volumineux,  et  se  trouve  infiltré 
dans  toute  son  étendue  de  liquide  séro-spumeux  et  rougeâtre  qui  s'écoule 
abondamment  à  travers  les  incisions  pratiquées.  Dans  le  centre  de  ce  pou- 
mon, on  trouve  çà  et  là  quelques  foyers  sanguins  dont  les  uns  sont  plus  ou 
moins  anciens  et  presque  organisés,  tandis  que  les  autres  sont  récents. 

Nulle  part  il  n'y  existe  de  traces  de  tubercules.  Les  canaux  bronchiques 
sont  obstrués  par  une  assez  bonne  quantité  d'écume  bronchique. 

Les  ganglions  bronchiques  sont  volumineux;  quelques-uns  ont  acquis  le 
volume  d'une  noix  et  sont  ramollis  au  centre. 

Cœur.  —  Le  cœur,  recouvert  du  péricarde,  forme  une  masse  considéra- 
ble; il  s'écoule  de  la  cavité  du  péricarde  un  peu  de  liquide  séreux.  La  se- 


m 

reuse  est  fortement  épaissio,  sillonnée  par  un  granl  nombre  de  vaisseaux 
sanguins  très-visibles  à  l'œil  nu.  Le  feuillet  pariétal  est  doublé  dans  toute 
son  étendue,  aussi  bien  au  niveau  du  cœur  qu'au  niveau  des  prolongements 
sur  les  vaisseaux,  d'une  fausse  membrane  molle,  épaisse,  semi-organisée, 
cellulo-vasculaire  qni  se  prolonge  sans  discontinuité  sur  l'origine  des  gros 
vaisseaux  et  sur  toute  la  surface  du  feuillet  viscéral.  Cette  fausse  membrane, 
qui  a  exactement  la  forme  do  la  séreuse  du  péricar  Je»  adhère  à  elle-même 
du  feuillet  pariétal  an  feuillet  viscéral,  au  moyen  de  brides  celiulo-vascu- 
laires  assez  fortes  et  résistantes  formant  en  quelques  points  un  feutrage 
assez  consistant  entre  les  deux  feuillets  pseudo-membraneux. 

Presque  partout  on  périt  détacher  avec  facilité  la  fausse  membrane  du 
feuillet  viscéral  et  du  feuillet  pariétal  de  la  séreuse. 

Le  cœur,  assez  volumineux,  présente  les  dimensions  suivantes  : 

Circonférence  à  la  base  des  ventricules,  31  centimètres  25  millimètres. 

Diamètre  transversal  à  la  base  des  ventricules,  16  centimètres. 

Hauteur  totale,  oreillettes  comprises,  diamètre  vertical  de  la  base  des 
oreillettes  à  la  pointe  du  cœur,  21  centimèlres  25  millimètres. 

Diamètre  vertical  des  oreillettes  seules,  7  centimètres. 

Et  ses  ventricules,  14  centimètres  25  millimètres. 

L'augmentation  du  volume  du  cœur  porte  principalement  sur  le  ventricule 
gauche.  Les  parois  ventriculaires  droites  peu  épaisses,  un  peu  plus  cepen- 
dant qu'à  l'état  normal.  La  cavité  venlriculaire  de  dimension  normale.  Sur 
toute  la  surface  interne  de  ce  ventricule  on  remarque  une  légère  rougeur  et 
un  léger  boursouflement  de  l'endocarde,  au  niveau  surtout  de  la  valvrile 
tricnspide.  Un  caillot  dur,  résistant,  complètement  décoloré,  fibrineux,  ad- 
hérent et  enchevêtré  dans  les  tendons  de  la  tricnspide,  remplit  la  cavité  ven- 
triculaire.  Le  degré  d'organisation  qu'il  présente  indique  qu'il  remonte  à 
une  époque  antérieure  à  la  mort. 

Le  ventricule  gauche  fait  une  saillie  en  masse  considérable.  Ses  parois  à 
la  base  mesurent  3  centimètres  d'épaisseur,  et  à  la  partie  moyenne  1  .f  enti- 
rnètre  1/2.  Les  colonnes  charnues  sont  également  hypertrophiées.  L'endo- 
carde au  niveau  des  valvules  sygmoïJesde  l'aorte  et  de  la  tricnspide,  est  nota- 
blement épaissi,  boursouflé  et  très-rouge,  et  l'on  trouve  en  outre  de  petits 
produits  plastiques  de  la  forme,  mais  beaucoup  plus  petits  qu'une  lentille 
déposés  à  leur  surface. 

Les  orifices  ne  présentent  rien  de  particulier. 

Dans  l'aorte,  la  membrane  interne  est  également  injectée,  rosée,  notable- 
ment boursouflée  et  molle  par  place,  et  recouverte  dans  certains  points  de 
produits  [ilastiques  superiiciels.  On  aperçoit  du  côté  de  la  courbure  de  la 
crosse  deux  cicatrices  fibreuses  résistantes,  allongées  dans  le  sens  du  vais- 
seau, qui  attestent  d'une  ancienne  inflammation  du  vaisseau. 


124 

Cavité  abdominale.  —  L'estomac  et  les  intestins  ne  présentent  rien  de  parti- 
culier. 

Le  foie  est  seulement  un  peu  volumineux  et  congestionné,  sans  trace 
d'aucune  altération  de  texture. 

Les  reins,  d'un  volume  moindre  qu'à  l'état  normal,  sont  enveloppés  d'une 
capsule  fibreuse  notablement  épaissie  et  qui  se  détache  avec  assez  de  facilité. 
Leur  surface  extérieure  i)réseute  une  coloration  brunâtre  prononci'e,  rendue 
surtout  très-évidente  par  la  présence  d'une  quantité  de  petits  points  blancs, 
jaunâtres,  granuleux,  assez  durs  et  répandus  sur  toute  leur  surface,  qui  est 
irrégulière  en  certains  points  et  comme  segmentée  en  d'autres  points.  Çà  et 
là  se  rencontrent  quelques  petits  kystes  séreux  du  volume  de  lentilles. 

Fendue  longitudinalemcnt^  la  substance  des  reins  est  moins  colorée  que 
la  surface;  la  substance  médullaire  a  disparu  en  partie  dans  quelques  points; 
ce  qui  en  reste  est  très-vivement  injecté.  Substance  corticale  blanchâtre, 
dure,  comme  fibreuse. 

Rien  de  notable  pour  les  uretères,  la  vessie  ni  les  autres  organes. 

S'il  restait  quelques  doutes  dans  l'esprit  des  médecins  touchant  l'influence 
qu'exerce  l'hypertrophie  ancienne  du  cœur  sur  le  développement  des  hé- 
morrhagies  cérébrales  ou  autres,  de  même  que  sur  la  pathologie  de  l'hy- 
pertrophie du  foie,  et  surtout  de  la  maladie  de  Bright,  des  atTections  pulmo- 
naires, etc.,  etc.,  les  détails  cliniques  et  anatomo-pathologiqucs  seraient 
certes  de  nature  à  les  lever. 

Mais  ce  n'est  point  de  cela  qu'il  s'agit  actuellement;  nous  voulons  insister 
sur  le  fait  de  la  paralysie  alterne  et  la  relation  qui  existe  entre  cette  para- 
lysie et  la  lésion  de  la  protubérance  annulaire  chez  ce  malade. 

Lorsqu'il  entra  dans  notre  service,  il  n'était  atteint  d'aucune  paralysie, 
les  mouvements  et  la  sensibilité  de  toutes  les  parties  du  corps  étaient  par- 
faitement intacts  ;  seulement  il  souffrait  depuis  longtemps  de  gène  très- 
grande  de  la  respiration  et  de  palpitations  de  cœur.  Or  un  jour,  étant  à  se 
promener  dans  le  jardin,  il  est  pris,  sans  avoir  fait  plus  de  mouvements  que 
d'habitude,  sans  autre  exercice  que  les  jours  précédents,  de  céphalalgie, 
d'éblouisscments,  de  tournoiements  de  tète,  de  vertige  enfin,  et  en  même 
temps  de  fourmillemenls,  d'engourdissements  dans  les  membres  supérieur 
et  inférieur  gauches.  Puis,  quelques  instants  après,  le  mouvement  s'affaiblit 
dans  les  membres  à  ce  point  que  le  malade  ne  peut  plus  marcher  ni  exercer 
la  préhension  à  l'aide  du  membre  thoracique  gauche.  Alors  on  s'aperçoit 
aussi  que  le  côté  gauche  de  la  face  est  intact,  que  les  muscles  se  contractent 
bien,  et  même  qu'ils  sont  si  bien  contractés  (pie  les  traits  sont  tirc's  en  haut 
et  en  dehors,  taudis  que  le  côté  droit  du  visage  est  compli'temeut  paralysé, 
puisque  la  joue  est  pendante,  les"  traits  abaissés  et  ramenés  en  dehors,  en- 
traînés qu'ils  sont  par  la  contraction  non  équilibrée  des  membres  du  côté 
■_Mi!'',lic.  Kn  oMlrr,  dans  ra<;!iuM  de  ^lUidln-,  la  jonc  droite  et  les  lèvres  du  ' 


125 
même  côté  sont  soulevées  comme  des  voiles  inertes  alors  que  la  partie  gau- 
che des  lèvres  et  la  joue  gauche  se  contractent  parfaitement.  Il  ne  peut  donc 
rester  aucun  doute  à  cet  égard.  La  paralysie  alterne  est  bien  conllrmée. 

Maintenant,  que  trouve-t-oa  du  côté  de  l'encéphale?  Les  hémisphères  cé- 
rébraux sont  parfaitement  hitacts  dans  toutes  leurs  parties  ;  il  n'existe  au- 
cune trace  de  lésion  du  côté  des  ventricules  ni  des  pédoncules  cérébraux. 
Si  l'on  coupe  par  tranches  verticales  et  d'avant  en  arrière  la  protubérance 
annulaire,  on  arrivera  successivement  jusqu'en  arrière  des  cotés  sans  ren- 
contrer aucune  lésion.  Mais,  à  partir  de  ce  point,  on  aperçoit  au  niveau  de 
l'étage  moyen  et  se  prolongeant  jusqu'à  l'étage  inférieur,  vers  le  centre 
même  de  la  largeur  de  la  protubérance,  un  foyer  hémorrhagique  de  récente 
formation,  qui  présente  une  étendue  de  1  centimètre  et  demi  dans  tous  les 
sens;  et  si  on  incise  transversalement  l'organe  de  droite  et  de  gauche,  en 
faisant  aboutir  l'incision  vers  le  milieu  de  l'épaisseur  des  pédoncules  céré- 
belleux moyens,  dans  une  étendue  de  2  centimètres  à  peu  près,  on  voit  ce 
foyer  hémorrhagique  prendre  de  plus  vastes  proportions  et  se  prolonger 
d'une  part  jusqu'à  1  centimètre  dans  l'épaisseur  du  pédoncule  cérébelleux 
moyen  droit,  d'une  autre  part,  jusque  vers  l'origine  du  pédoncule  céré- 
belleux moyen  gauche  et  envahir  la  presque  totalité  de  l'épaisseur  de  la  pro- 
tubérance dans  sa  moitié  postérieure. 

A  ce  simple  examen,  en  présence  d'une  aussi  vaste  collection  sanguine, 
on  se  demande  comment  le  malade  a  pu  vivre  encore  une  douzaine  de 
jours  et  plus ,  avec  une  telle  lésion  de  la  protubérance ,  lorsqu'on  sait 
que  des  foyers  moins  vastes  qui  s'y  forment  entrainent  la  mort  avec  une 
rapidité  extrême.  En  second  lieu,  on  ne  comprend  pas  bien  comment  une 
lésion  de  cette  étendue  n'a  pu  entraîner  qu'une  hémiplégie  d'un  côté  et  pas 
de  l'autre,  et  une  paralysie  faciale  plutôt  à  droite  qu'à  gauche,  et  alors  on 
peut  être  porté  à  interpréter  ces  faits  contre  la  théorie  de  la  paralysie  al- 
terne, car,  en  définitive,  toute  la  substance  médullaire,  ou  au  moins  la  plus 
grande  partie  parait  altérée  dans  la  moitié  postérieure  de  cette  protubérance. 
Ces  doutes  sont  loin  d'être  fondés  si  l'on  examine  plus  attentivement  la  pièce 
pathologique  et  si  cherchant  à  s'enquérir  du  mode  de  formation  du  foyer 
hémorrhagique,  on  étudie  avec  soin  les  dilTéreutes  couches  du  dépôt  san- 
guin, le  point  où  s'est  fait  en  premier  lieu  le  raptus  hémorrhagique  et 
qu'on  compare  ces  données  anatomiques  avec  le  développement  successif 
des  phénomènes  morbides  observés  pendant  la  vie. 

Ainsi,  en  examinant  bien,  on  voit  que  la  collection  sanguine  s'est  faite  en 
plusieurs  temps  et  successivement;  que  le  point  où  le  sang  s'est  infiltré 
dans  la  substance  médullaire  en  premier  lieu  et  qui  est  plus  décoloré  que 
dans  les  parties  environnantes,  moins  lluide  et  mieux  organisé,  siège  à 
droite  de  la  protubérance,  au  niveau  de  l'étage  moyen  et  que  de  là  le  sang 
s'est  infiltré  successivement  et  lentement,  d'une  part,  vers  le  pédoncule  ce- 


126 
rébelleux  moyen  droit  et  vers  la  face  inférieure  de  la  protubérance;  que, 
d'une  autre  part  et  en  second  lieu,  riK'morrliagie  s'est  étendue  lentement  ou 
progressivement,  et,  dans  un  second  temps,  vers  la  partie  ganclie  et  tout  à 
fait  en  arrière  de  la  protubérance;  car,  dans  ces  points,  le  sang  est  plus 
noir,  cailiebotté,  moins  organisé  et  serai-diffluent,  ce  qui" ne  s'observe  pas 
dans  les  parties  que  nous  avons  désignées  en  prenfiier  lieu.  Ain4  s'explique 
donc  pour  nous  comment  s'est  produite  la  paralysie  alterne,  comment  la 
mort  n'est  pas  survenue  rapidement  par  le  fait  d'un  foyer  bémorrliagique  si 
considérable  et  surtout  comment  il  ne  s'est  pas  produit  sous  son  influence 
une  paralysie  générale  ainsi  que  cela  a  été  signalé  dans  divers  faits  de  lé- 
sions de  la  protubérance.  Il  est  vrai  que  toute  la  moitié  antérieure  de  la  pro- 
tubérance était  intacte. 

Nous  bornons  ici  ces  réflexions,  et  nous  ajoutons  en  terminant  que,  bien 
que  ce  fait  semble  douteux,  au  premier  abord,  et  même  fournir  des  arguments 
contre  la  théorie  toute  physiologique  de  la  paralysie  alterne,  il  en  est  peu 
d'aussi  intéressants  et  qui  puissent  mieux  servir  à  la  consacrer. 

2<>  OBSERVATION  DE  PELLAGRE  SPORADIQUE  ;  par  M.  LANCEREAUX, 

Femme  de  47  ans,  entrée  à  la  Pitié  le  29  août. 

Antécédents  :  hygiène  ordinaire,  n'a  jamais  mangé  de  maïs,  malade  de- 
puis six  ans  sans  cause  connue.  D'abord  troubles  du  côté  des  fonctions  di- 
gestives,  anorexie,  diarrhée,  puis  érylhème  avec  gonilement  du  dos  des 
mains,  survenant  à  chaque  printemps,  se  terminant  à  l'aulomne  par  des 
squammes  qui  persistaient  durant  tout  l'hiver  pour  être  remplacées  par  l'é- 
rythème  au  printemps  suivant.  Tristesse  habituelle  depuis  le  début  de  la 
maladie,  délire  eu  1856,  à  l'occasion  d'une  frayeur  déterminée  par  une  ex- 
plosion de  gaz  dans  la  maison  qu'elie-habitait.  Quinze  jours  plus  tard,  la  ma- 
lade entre  à  la  Salpèlriire  où  l'on  diiignosliqne  une  mélancolie.  Eile  en  sort 
après  un  séjour  de  sept  mois,  et  depuis  cette  époque  le  délire  n'a  reparu  que 
très-rarement.  HOmoptysies  durant  son  séjour  à  la  Salpùtrière,  depuis  un  au 
toux  légère  sans  expectoration,  faiblesse  générale,  tristesse  excessive;  perte 
complète  de  l'appétit,  et  piinci|)alemeut  depuis  six  mois. 

Ces  symptômes  existent  encore  à  son  enlréeà  la  Pitié,  la  malade  a  en  outre 
des  vomissements  à  plusieurs  reprises,  de  la  constipation  dans  les  quinze 
premiers  jours,  de  la  diarrhée  dans  les  quinze  derniers. 

A  part  la  tristesse  et  la  lenteur  des  réponses,  il  n'existe  aucun  trouble  cé- 
rébral, les  idées  sont  nettes,  la  mémoire  assez  bien  conservée  ;  pas  de  para- 
lysie. 

Squammes  assez  épaisses  sur  le  dos  des  mains  et  sur  le  front,  coloration 
grisâtre  sur  quelques  poins. 

Dans  les  derniers  jours  râles  dans  la  poitrine,  épuisement. 


127 

Mort  le  22  septembre. 

NÉcROPSiE.  —Les  os  du  crâne  épaissis  et  plus  vasculaires,  comme  injectés 
eu  quelques  points,  se  brisent  très-facilement  ;  la  dure-mère  reste  adhérente 
aux  os.  Le  sommet  du  crâne  enlevé  avec  la  dure-mère,  il  existe  une  membrane 
mince,  transpai ente,  rougeàtre  et  injectée  sur  qnehiucs  points,  principale- 
ment dans  les  portions  qui  se  rappvochent  de  la  base.  Elle  est  séparée  de 
l'arachnoïde  viscérale  à  laquelle  la  relient  quelques  piolongcments  cellu- 
leux  par  une  couche  de  liquide  séreux  qu'on  peut  évaluer  à  environ  80  à  100 
grammes  pour  chaque  hémisphère. 

Ce  feuillet  transparent  qui  se  perd  insensiblement  sur  l'arachnoïde  parié" 
taie  vers  la  base  du  cerveau,  se  rencontre  encore  dans  les  fosses  cérébel- 
leuses, où  il  est  moins  épais  et  purait  plus  récent.  On  ne  le  trouve  pas  à  la 
face  inférieure  pas  plus  qu'à  la  lace  supérieure  de  la  tente  du  cervelet.  Sa 
structure  et  sa  consistance  sont  celles  des  néomembranes  de  la  cavité  de 
l'arachnoïde,  trame  fibrillaire  parsemée  de  noyaux  embryoplastiques  sur  les 
points  plus  récemment  formés  ;  fibres  de  tissu  lumineux  ;  capillaires  parfois 
très-volumineux  avec  parois  dont  la  structure  se  rapproche  de  celle  des 
capillaires  beaucoup  plus  petits ,  quelques  rares  granulations  graisseuses  et 
quelques  granules  d'hématosine.  Intégrité  de  l'arachnoïde  et  de  la  pie  mère, 
et  de  la  substance  cérébrale.  Ecoulement  abondant  de  sérosité  du  canal  ra- 
chidien,  intégrité  de  la  moelle. 

Infiltration  de  granulations  tuberculeuses  et  de  matières  noires  dans  les 
lobes  supéiieurs  des  deux  poumons  et  aussi  dans  le  lobe  moyen  du  poumon 
droit  ;  quelques  cicatrices  à  la  surface  des  lobes  supérieurs.  Absence  d'exca- 
vations et  de  ramollissement  de  la  matière  tuberculeuse;  tissu  du  cœur  mou, 
un  peu  jaunâire  el  friable. 

Foie  gras,  moyennement  développé;  absence  de  bile  dans  la  vésicule; 
calcul  oblitérant  le  canal  cystique;  cicatrice  du  fond  de  la  vésicule. 

Estomac  normal;  ulcérations  très-nombreuses  dans  l'intestin  grêle  à  partir 
du  point  où  disparaissent  les  valvules  conniventes. 

Toutes  ces  ulcérations  ont  une  direction  transversale,  formant  les  unes  de 
simples  plaques,  occupant,  les  autres^  toute  la  circonférence  de  l'intestin. 
On  peut  encore  apercevoir  sur  quelques-unes  des  granulations  tuberculeuses 
jaunâtres,  non  encore  ramollies. 

À  la  sortie  du  gros  intestin  il  existe  encore  quelques  ulcérations  ayant  à 
peu  près  les  dimensions  d'une  pièce  de  1  franc.  Tout  en  dehors  des  ulcéra- 
tions, la  muqueuse  est  intacte. 

Les  capsules  surrénales  ne  paraissent  pas  altérées  ;  les  reins  sont  mous  et 
décolorés  à  leur  surface. 

Quelques  ganglions  mésentériques  sont  tuberculeux. 

Cette  observation,  comme  celles  rapportées  par  M.  Landouzy  et  beaucoup 


128 
d'autres  observateurs,  tend  à  prouver  que  la  pellagre  peut  exister  à  IVtat 
sporadique,  et  que  la  cause  est  encore  à  chercher. 

Ici  je  désire  attirer  plus  particulièrement  ratteution  de  la  Société  sur  deux 
points  d'anatomie  pathologique  : 

Eu  premier  lieu,  l'existence  chez  notre  malade  de  granulations  tubercu- 
leuses dans  le  parenchyme  pulmonaire  et  d'ulcérations  tuberculeuses  de  l'in- 
testin. Ces  altérations  qui,  pour  un  instant,  avaient  pu  nous  inspirer  quel- 
ques doutes  sur  la  véracité  de  notre  diagnostic,  nous  ont  paru  conformes  à 
la  règle  après  la  lecture  des  observations  rapportées  dans  le  mémoire  que 
publie  en  ce  moment  M.  Landouzy.  Nous  y  trouvons  en  effet  que  la  plupart 
des  malades  dont  on  a  pu  faire  l'autopsie  offraient  des  tubercules  non  ra- 
mollis dans  le  poumon  et  parfois  des  ulcérations  de  l'intestin.  Cette  coïnci- 
dence, sur  laquelle  le  savant  médecin  de  Reims  ne  paraît  pas  insister,  nous 
parait  mériter  d'être  signalée.  Il  semblerait  en  effet  qu'il  y  eût  une  certaine 
relation  entre  la  pellagre  ei  la  tuberculisation.  Serait-ce  une  influence  du 
genre  de  celle  qui  existe  entre  le  diabète  et  la  production  tuberculeuse  pul- 
monaire? Les  tubercules  seraient-ils  dans  ces  cas  une  lésion  ultime,  consé- 
quence du  dépérissement  de  l'organisme?  Celle  question  mérite  d'être  étu- 
diée, et  pour  le  moment  nous  ne  sommes  pas  éloigne  d'admettre  la  dernière 
hypothèse 

Le  second  point  que  nous  voulons  signaler  est  relatif  à  la  cause  qui  a  pu 
produire  la  néomembrane  trouvée  à  la  surface  interne  de  la  dure-mère. 

Kous  nous  sommes  informé  auprès  des  parents  de  notre  malade,  dans  le 
but  de  savoir  s'il  n'y  avait  point  eu  d'excès  alcooliques.  C'est  qu'en  ell'et 
nous  avons  eu  l'occasion  d'observer  plusieurs  cas  de  péritonite  dirouique 
avec  productions  pseudo-membraneuses  et  épanchement  de  sérosité  citrine 
transparente,  sans  pus,  qui  nous  ont  paru  n'avoir  d'autre  origine  que  les  ex- 
cès alcooliques  auxquels  s'étaient  adonnes  les  malades  qui  en  étaient  at- 
teints. Les  deux  malades  dont  MM.  Charcot  et  Vulpiau  ont  eulretenu  la  Société 
dans  la  dernière  séance  à  l'occasion  de  Ihémorrhagie  méningée,  résultat  du 
développement  de  néomembranes  dans  la  cavité  arachnoïdienne,  faisaient 
des  excès  du  même  genre. 

Chez  un  grand  nombre  d'individus  atteints  d'hémorrhagies  méningées, 
.suite  de  productions  membraneuses,  on  signale  comme  antécédents  des  ex- 
cès alcooliques  du  délirium  tremens. 

Il  me  semble  donc  qu'il  peut  y  avoir  une  relation  de  cause  à  effet  entre  l'a- 
bus des  boissons  alcooliques  et  les  productions  pseudo-membraneuses  à  la 
surface  des  séreuses. 

Bien  que  celte  relation  n'existât  pas  chez  le  nialîide  dont  j'entrolicns  la  So- 
ciété, j'espère  néanmoins  pouvoir,  avant  peu,  donner  des  preuw  s  de  l'opi- 
nion que  je  tends  à  soutenir  aujourd'hui. 


129 

2*'  CONTRIBUTION  A  L'HISTOIRE  DES  GANGRÈNES  SPONTANÉES.  OBSERVATION  AVEC 
NÉCROPSIE  DANS  LAQUELLE  LA  GANGRÈNE  PARAIT  DEVOIR  ÊTRE  RAPPORTÉE  A 
UNE  LÉSION  PRIMITIVE  DU  SYSTÈME  VASCULAIRE  A  SANG  NOIR,  OU  TOUT  AU 
MOINS  A  UNE  LÉSION  SIMULTANÉE  DES  VEINES  ET  DES  ARTÈRES  (ARTÉRO-PHLÉ- 

BiTE  DE  VICTOR  FRANÇOIS)  ;  par  M.  J.-V.  Laborde,  interne  en  médecine  des 
hôpitaux. 

La  pièce  patliologique  que  j'ai  l'honnenr  de  présenter  à  la  Société  provient 
d'un  liomme  âgé  de  75  ans,  le  nommé  Cliéron  (François),  menuisier,  entré  à 
l'infirmerie  générale  de  Bicétre  (service  de  M.  Léger)  le  21  juillet  1860.  lise 
plaint  d'un  peu  d'étoufTement  et  d'une  légère  recrudescence  survenue  dans 
sa  toux  habituelle. 

On  constate  l'existence  d'un  catarrhe  pulmonaire  avec  quelques  manifesta- 
tions aiguës.  Il  est  soumis  à  un  traitement  approprié,  et  six  jours  s'écoulent 
sans  qu'aucun  phénomène  nouveau  attire  l'attention  sur  l'état  de  ce  ma- 
lade. 

Tout  à  coup  et  sans  être  annoncé  par  aucun  symptôme  notable,  un  gonfle- 
ment œdémateux  apparaît  au  pied  et  à  la  jambe  du  côté  gauche,  lesquels  pré- 
sentent en  même  temps  une  teinte  légèrement  bleuâtre^  ou  plutôt  violacée. 
Cette  teinte  n'est  point  partielle,  et  bornée  seulement  soit  à  un,  soit  à  deux 
orteils  du  pied;  elle  s'est  répandue  comme  d'emblée  sur  le  pied  et  la  jambe, 
sans  toutefois  dépasser  le  tiers  supérieur  de  celle-ci. 

Un  examen  attentif  de  tout  le  membre  inférieur  gauche,  dirigé  particuliè- 
rement vers  son  système  circulatoire  fait  découvrir  au  niveau  du  pli  de 
l'aine  et  immédiatement  au-dessus  du  sortir  du  ligament  de  Fallope,  une  tu- 
meur ovoïde  de  la  grosseur  d'une  noix  environ,  pulsatile,  et  occupant,  sans 
nul  doute,  un  point  du  trajet  de  la  fémorale  à  sa  naissance.  Les  battements  à 
cet  endroit  sont  assez  énergiques  pour  soulever  la  main  qui  s'y  applique,  et 
pour  se  révéler  à  l'œil  à  une  assez  grande  distance  du  lit  du  malade.  Toute- 
fois cette  tumeur  qui  a  toutes  les  apparences  d'une  dilatation  anévrismale, 
n'est  le  siège  d'aucun  bruit  de  souffle  ou  de  tout  autre  phénomène  stétho- 
scopique  saisissable. 

Au-dessous  d'elle,  l'artère  fémorale  présente  dans  tout  son  trajet  une  pul- 
sation très-faible,  quoique  perceptible  encore. 

Point  de  douleur  précordiale. 

Battements  du  cœur  irréguliers,  tumultueux,  sans  bruit  anormal  ;  pouls 
fréquent,  irrégulier;  langue  tendant  à  la  sécheresse;  dyspnée  légère,  tels 
sont  les  phénomènes  initiaux  dont  l'analyse  m'a  été  transmise,  car  je  n'ai  pu 
observer  moi-même  le  malade  qu'à  partir  du  2  août. 

A  cette  époque  (du  2  au  5  août)  les  choses  sont  dans  l'état  suivant  : 

Coloration  bleuâtre,  cyanique,  de  la  jambe  gauche,  s'étendant  jusqu'à  une 
ligne  qui  embrasserait  circulairement  la  tubérosité  antérieure  du  tibia  eu 
c.  R.  9 


130 
avant,  la  limite  supérieure  du  creux  poplité  en  arrière.  Cette  coloration  est 
d'autant  plus  foncée  qu'on  se  rapproche  davantage  de  la  i»artie  supérieure  de 
la  jambe;  au  pied,  elle  est  plutôt  violacée  que  bleue,  et  ronge  brique  par 
plaques.  Elle  perd,  eu  un  mot,  de  son  intensité,  à  mesure  qu'elle  s'étend  de 
bas  en  liaut.  Quoique  moindre  que  les  premiers  jours,  la  tuméfaction  de  la 
jambe  est  encore  très-nolable.  On  voit  ramper  à  la  surface  de  celle-ci  de  nom- 
breuses veinosiiés  gorgés  d'un  sang  que  l'on  voit,  en  quelque  sorte,  circuler 
avec  une  extrême  diincultc,  et  dont  la  itas«  devient  plus  manifeste  lorsque 
l'on  promène  le  doigt  sur  les  vaisseaux  veineux  distendus  et  variqueux  ;  car 
on  déplace  alors,  à  volonté,  et  dans  nu  sens  quelconque,  la  colonne  san- 
guine. 

Au  pied  la  tuméfaction  œdémateuse  qui,  comme  à  la  jambe,  avait  été  ob- 
servée les  premiers  jours,  commence  à  disparaître,  et  déjà  il  est  facile  de 
constater  même  une  diminution  de  son  volume  normal.  Les  orteils  surtout, 
et  particulièrement  le  gros,  sont  durs  à  leur  extrémité,  flétris,  ratatinés,  et 
présentent,  en  un  mot,  comme  un  commencement  de  momilicalion.  Chose 
remarquable,  le  malade  n'éprouve  dans  les  parties  aucune  espèce  de  douleur 
spontanée,  et  il  n'en  a  pas  davantage  éprouvé,  au  début  de  l'affection.  Mais 
nous  allons  voir  qu'il  est  facile  de  provoquer  chez  lui  de  vives  souffrances. 
La  dilaiation  artérielle  formant  nue  tumeur  pulsatile  au  niveau  du  i)li  de 
l'aine,  présente  absolument  les  mêmes  caractères  que  ceux  qui  lui  ont  été 
assignés  plus  haut.  Les  battemenis  artériels  perdent  subitement  de  leur  in- 
tensité au-dessous  de  la  tumeur,  à  une  dislance  de  2  à  2  centimèlres  et  demi 
environ  de  celle-ci.  Leur  force  est  bien  au-dessous  de  la  normale  dans  le 
reste  du  trajet  de  l'artère  fémorale,  et  c'est  à  peine  si  on  les  retrouve  à  son 
émergence  de  l'anneau  du  troisième  adducteur.  Au  creux  poplité,  ils  ne  sont 
plus  constatables,  au  moins  d'une  façon  irréfragable,  et  ils  font  absolument 
défaut  dans  les  vaisseaux  artériels  perceptibles  de  la  jambe  et  du  pied.  Du 
reste  les  parties  sont  absolument  privées  de  chaleur. 
Rien  de  semblable  n'existe  dans  le  membre  opposé  qui  reste  sain. 
Le  malade,  avons-nous  dit,  ne  souffre  pas  spontanément;  mais  la  plus  lé- 
gère pression  exercée  au  creux  poplilé  lui  arrache  des  cris  de  douleur,  et 
on  sent  manifestement  à  cet  endroit  comme  un  endurcinsement  des  parties 
situées  autour  du  faisceau  vasculo-nerveux.  Les  douleurs  provoquées  sont 
moins  vives  sur  le  trajet  des  vaisseaux  fémoraux,  et  on  n'y  sent  i)as,  comme 
à  la  région  poplitée,  de  cordon  dur  et  noueux,  si  ce  n'est  pourtant  immédia- 
tement au-dessous  de  la  petite  tumeur  signalée  au  pli  de  l'aine.  Là,  en  effet, 
et  en  pressant  un  peu,  les  doigts  rencontrent,  dans  la  direction  des  vaisseaux, 
une  tuméfaction  oblongue,  résistante,  située  plutôt  vers  la  région  interne  et 
plus  profondément  que  l'artère.  Cette  particularité,  jointe  à  la  persistance  des 
battements  artériels,  nuus  a  fourni  la  présomption,  sinon  la  certitude,  que 
cette  dureté,  résultat  probable  d'une  oblitération  fibrineuse,  pourrait  avoir 


131 

son  siège  dans  la  veine  fémorale,  et  amener,  par  la  compression  qu'elle  exer- 
çait la  dilatation  en  ampoule  que  nous  avons  décrite  dans  l'artère. 

Le  cœur,  de  moyen  volume,  ne  présente  pas  de  bruit  anormal;  mais  le 
rhylhmc  de  ses  battements  n'exisie  plus:  ceux-ci  sont  irrégnliers,  tumul- 
tueux, et  ses  irrégularités  se  traduisent  par  le  pouls  radial,  lequel  est  en 
même  temps  faible  et  tremblotant. 

Langue  sèche,  soif  vive,  anorexie. 

Un  peu  de  dyspnée,  mais  point  de  douleurs  précordiales  ou  d'angoisses. 

Malgré  ces  phénomènes,  la  gravité  de  l'état  général  n'est  pas  en  rapport 
avec  celle  des  accidents  locaux  :  le  malade  est  calme,  ne  se  plaint  pas.  Quoi- 
que trèsàgé  et  fort  amaigri,  il  offre  une  grande  force  de  résistance. 

L'histoire  de  ses  antécédents  jette  peu  de  lumière  sur  l'étiologie  de  l'af- 
fection dont  il  est  porteur.  11  est  depuis  dix  années  à  Bicètre,où  il  a  été  ad- 
mis pour  sa  mauvaise  vue  et  des  douleurs  gagnées  pendant  un  long  séjour 
dans  les  camps.  11  a  reçu  trois  blessures  q:ii  ne  laissent  pas  de  traces.  11  tra- 
vaillait de  sa  profession  de  menuisier  dans  les  ateliers  de  la  maison,  mais  il 
a  dû  cesser  depuis  deux  ans,  parce  qu'il  aurait  eu,  dit-il,  une  attaque  de 
paralysie.  Or  des  renseignements  exacts  mancjuent  sur  la  réalité  de  celle-ci, 
qui,  si  elle  a  existé,  n'a  pas  laissé  de  manifestations  persistantes  et  actuelle- 
ment saisissables. 

Eutin,  sans  èlre  d'une  sobriété  exemplaire,  il  faisait  de  rares  excès,  ne 
buvait  que  du  vin,  et  a  eu  toujours  horreur  des  alcooliques. 

A  part  les  troubles  de  la  circulation  cardiaque,  nous  n'avons  rien  constaté 
de  pathologique  ou  d'anormal  dans  les  organes  thoraciques  et  abdomi- 
naux. 

Essayées  avec  soin  et  par  les  réactifs  appropriés,  les  urines  n'ont  présenté 
ni  sucre  ni  albumine. 

Traitement  : 

1°  Local  :  onctions  mercurielles,  et  enveloppement  du  membre  avec  du 
diachylon  gommé  pour  faciliter  l'absorption; 

2"  Général  :  tonique,  vins  de  quiuquiua  et  de  Bordeaux,  côtelette,  bouil- 
lons, etc. 

6  août.  Les  choses  qui  étaient  restées  à  peu  près  stationnaires  les  trois  ou 
quatre  jours  précédents,  prennent  tout  à  coup  un  essor  progressif  vers  un 
dénoûment  fatal. 

Aujourd'hui  une  première  phlyctène  peu  étendue  s'est  ouverte  à  la  partie 
postéro-interne  et  supérieure  de  la  jambe.  La  gangrène  se  dessine  avec  les 
caractères  d'IumÙLlilé  à  la  jambe,  tandis  que  le  pied  et  surtout  ses  orteils 
continuent  à  se  flétrir  et  s'atrophier.  Ainsi  il  y  a  contraste  entre  les  deux 
parties. 

On  cesse  les  frictions  mercurielles  et  ou  entoure  la  jambe  de  ouate.  Le 
reste  idem. 


132 

Le  8.  Phlyctènes  multiples  et  plus  considérables  à  la  jambe,  dont  le  volume 
est  encore  augmenté.  Le  mal  ne  dépasse  pas  la  limite  supérieure  de  celle- 
ci;  elle  commence  à  exhaler  l'odeur  caractéristique  de  la  gangrène.  L'empâ- 
tement poplité  augmente  et  le  moindre  toucher  y  provoque  des  douleurs  in- 
tolérables. Impossible  de  percevoir  les  pulsations  de  l'artère. 

Un  peu  de  délire  loquace  la  nuit. 

Le  10.  Décortication  presque  complète  de  la  jambe,  non  du  pied;  écoule- 
ment de  sanie  fétide.  Absence  complète  des  pulsations  artérielles  jusqu'à 
2  centimètres  environ  au-dessous  de  la  dilatation  artérielle  inguinale.  Chose 
remarquable,  celle-ci  s'est  sensiblement  affaissée  et  tend  à  disparaître.  Ses 
battements  ont  perdu  au  moins  la  moitié  de  leur  intensité. 

Aggravation  de  l'état  général.  Le  malade  est  inquiet  et  ses  mains  sont 
tremblantes  ;  la  langue  est  sèche  et  rude  à  la  surface  ;  quelques  fuliginosités 
apparaissent  aux  lèvres  et  sur  les  dents  ;  pouls  précipité  et  irrégulier  ;  cha- 
leur mordicante  à  la  peau  ;  battements  cardiaques  de  plus  en  plus  tumul- 
tueux. 

Veinosités  nombreuses  à  la  région  abdominale  inférieure,  effet  d'une  riche 
circulation  supplémentaire. 

Le  12.  La  jambe  est  transformée  en  un  sphacèle  putrilagineux  et  noir,  à 
odeur  infecte,  saus  autre  élimination  que  celle  d'un  liquide  sanieux.  La  tu- 
meur de  l'aine  est  presque  complètement  affaissée  ;  c'est  à  peine  si  l'on  per- 
çoit encore  un  peu  ses  battements. 

Empâtement  toujours  excessivement  douloureux  à  la  pression,  au  creux 
poplité. 

Langue  effilée,  tremblante,  sèche;  respiration  dypsnéique;  signes  d'en- 
gouement pulmonaire  hypostatique. 

AiToser  la  jambe  gangrenée  avec  du  chlorure  de  chaux. 

Le  reste  idem. 

Le  14.  Faiblesse  extrême;  le  malade  peut  à  peine  parler-,  soubresauts  des 
tendons  ;  fuliginosités  ;  respiration  très-embarrassée  ;  désordre  extrême  dans 
les  battcmeuts  du  cœur  et  dans  le  pouls  que  l'on  sent  à  peine.  Affaissement 
complet  de  la  dilatation  artérielle,  dont  les  pulsations  sont  cependant  encore 
saisissables. 

Le  15.  Agonie  très-longue- 

Mort  à  dix  heures  du  soir. 

Autopsie  pratiquée  vingt-quatre  heures  après  la  mort. 

Après  avoir  mis  à  nu  et  disséqué  avec  soin  tout  l'arbre  circulatoire  depuis 
le  cœur  jusqu'à  l'extrémité  du  membre  affecté,  voici  ce  que  nous  avons  con- 
staté : 

1»  Au  cœur,  traces  de  péricardile  ancienne,  pla([ucs  laiteuses  disséminées. 

Dans  son  intérieur,  présence  de  caillots  librineux,  récemment  organisés 
dans  les  cavités  gauche  et  droite  :  à  gauche,  uu  caillot  assez  volumineux 


133 
pour  remplir  prescpie  complètement  la  cavité  ventriculaire,  se  prolonge,  en 
s'effilant  dans  l'aorte,  jusqu'au  niveau  des  premières  grosses  collatérales  ;  à 
droite,  autre  caillot  non  moins  volumineux,  polypiforme,  enveloppant  dans 
ses  nombreuses  ramiflcations  les  cordons  tendineux  de  la  valvule  triscupide 
et  envoyant  dans  l'artère  pulmonaire  un  prolongement  qui  se  bifurque  à  son 
tour  dans  les  divisions  de  celles-ci;  à  part  celle-ci,  intégrité  à  peu  près  com- 
plète des  orifices  cardiaques. 

20  L'aorte  paraît  saine  dans  tout  son  parcours  non  moins  que  la  veine  cave 
supérieure  et  leurs  ramifications. 

Un  premier  caillot  semi-organisé  se  rencontre  dans  la  veine  cave  inférieure 
immédiatement  avant  sa  bifurcation,  dans  un  parcours  de  5  centimètres  en- 
viron. Ce  caillot,  ainsi  qu'on  peut  le  voir  sur  la  pièce  qui  est  sous  les  yeux 
de  la  Société,  remplit  presque  complètement  la  lumière  du  vaisseau  et  en- 
voie un  prolongement  dans  chacune  des  veines  iliaques.  Mais  l'oblitération 
de  celles-ci  est  loin  d'être  complète  et  elles  ne  contiennent  dans  le  reste  de 
leur  parcours  inférieur  que  du  sang  liquide,  plus  ou  moins  poisseux  par  en- 
droits. Il  en  est  de  même  des  artères  iliaques  dont  la  lumière  n'est  occupée 
que  par  du  sang  épais  mais  non  coagulé. 

3°  Avec  la  veine  fémorale  commence  la  véritable  lésion.  Dégagée  de  la 
gaine  commune,  la  veine  paraît  d'abord  manifestement  augmentée  dans  son 
calibre  et  cela  surtout  dans  les  2  premiers  centimètres  de  son  origine.  A 
partir  de  ce  point,  et  durant  un  trajet  de  8  à  10  centimètres  au  moins,  elle 
offre  l'aspect  d'un  gros  cordon  dur  et  rempli  par  un  corps  solide.  Si  on  l'in- 
cise, en  effet,  outre  qu'on  s'aperçoit  alors  que  les  parois  sont  épaissies, 
comme  indurées  et  fortement  injectées,  on  découvre  dans  son  intérieur  une 
concrétion  flbrineuse  parfaitement  organisée,  vermiculaire,  remplissant  non- 
seulement  toute  sa  lumière,  mais  ayant  amené  une  distension  assez  consi- 
dérable du  vaisseau,  surtout  à  son  origine. 

C'est  là,  sans  nul  doute,  que  l'on  sentait  la  tumeur  oblongue  que  nous 
avons  notée  plus  haut  parmi  les  signes  de  l'affection  et  on  voit  qu'elle  était 
constituée  par  la  veine  oblitérée  et  épaissie.  Immédiatement  au-dessus  de  ce 
point  oblitéré  siégeait  la  dilatation  artérielle  signalée.  Peut-être  celle-ci 
trouve-t-elle  son  explication  dans  la  compression  que  la  veine,  modifiée 
comme  nous  venons  de  voir,  a  dû  exercer  sur  l'artère,  au-dessus  du  point 
dilaté. 

Du  reste,  l'ouverture  de  l'artère  à  cet  endroit  laisse  à  peine  apercevoir  des 
traces  de  la  distension,  pourtant  considérable,  que  nous  avons  observée. 
Elle  n'y  offre  pas  non  plus  d'altération  appréciable  de  sa  paroi  interne;  mais, 
à  partir  de  ce  point,  et  au  milieu  d'une  petite  quantité  de  sang  liquide,  on 
rencontre  un  long  caillot  blanchâtre,  aplati,  rubané  et  presque  filiforme,  s'é- 
tendant  dans  un  tuyau  qui  correspond  presque  exactement  à  celui  qu'oc- 
cupe dans  la  veine  l'énorme  caillot  susmentionné.  Au-dessous  de  celui-ci 


m 

ce  ne  sont  plus  de  véritables  coagulnras  ou  des  concrétions  flbrinenses  que 
l'on  rencontre  dans  la  veine  qui  cependant  est  partout  oblitérée,  mais  une 
matière  poisseuse,  à  consistance  de  gelée,  couleur  lie  de  vin,  et  q'ii  sert 
comme  ùag glutinaiif  ay\x  parois  veineuses.  De  plus,  la  veine  présente  par 
places  des  dilatations  ampiilliformes,  une  surtout  tn'vs-remyrri'iatjle  vers  la 
limite  inférieure  de  la  l'éinorale,  à  son  émergence  de  l'anneau  du  troi.-ième 
adducteur,  dilatation  qui  pourrait  contenir  une  noix,  et  que  remplit  l'espèce 
de  putrilage  sanguin  dont  nous  venons  de  parler.  Celui-ci,  examiné  au  mi- 
croscope, se  compose  de  globules  sanguins  déformés,  de  granulations  molé- 
culaires transparentes  et  d'un  très-grand  nombre  de  corpuscules  arrondis, 
framboises  ou  déchiquetés  à  leur  contour,  renfermant  un  ou  plusieurs 
noyaux,  très-semblables  en  un  mot  aux  corpuscules  du  pus,  mais  n'étant 
autres,  sans  doute,  que  des  globules  blancs. 

Au  niveau  de  l'ampoule  veineuse  que  nous  venons  de  décrire ,  l'artère  est 
complètement  oblitérée  par  un  caillot  (ibrineux  bien  organisé,  mais  qui  n'a 
pas  plus  de  2  centimètres  1/2  à  3  centimètres  de  longueur. 

4°  Au  creux  poplité,  le  faisceau  vasculo-nerveux  se  trouve  comme  empri- 
sonné au  milieu  d'un  tissu  très-dense,  lardacé,  criant  sous  le  scalpel,  et  que 
l'on  rencontre  seulement  sur  le  trajet  et  tout  autour  de  l'artère  et  de  la 
veine. 

Celle-ci,  très-dilatée  par  places,  moniliforme,  est  remplie  dans  tout  son 
trajet  poplité  par  la  même  matière  sanieuse  lie  de  vin,  tenant  en  suspension 
quelques  coaguluras  incomple's.  Cette  matière  est  fortement  collée  à  la  pa- 
roi interne  de  la  veine,  d'où  clic  ne  peut  être  bien  complètement  arrachée 
que  par  le  raclage.  Alors  la  membrane  interne  du  vaisseau  apparaît  lisse  et 
colorée  eu  violet;  coloration  qu'elle  doit  sans  doute  au  contact  du  sang  mo- 
difié par  la  stase,  à  moins  que  l'altération  dont  elle  est  en  réalité  le  siège 
ne  ?,oH  primiiive  et  antérieure  à  celle  du  liquide  en  stagnation.  Quoi  qu'il  en 
soit,  la  veine  redevient  perméable  dans  toute  la  portion  sphacélèe  du  mem- 
bre :  c'est  ce  qui  a  ordinairement  lieu  en  pareil  cas;. 

Qjant  à  l'artère  poplitèc,  elle  est  loin  de  présenter  les  mêmes  altérations 
que  sa  satellite;  on  n'y  rencontre  pas  trace  de  concrétion  librinpu.sc,  mais 
seulement  du  sang  plus  ou  moins  litiuide,  sans  plaques  crétacées  ou  atliéro- 
maleuscs  sur  sa  paroi. 

Ainsi  que  la  veine,  elle  est  complètement  vide  à  la  jambe  au  milieu  du  pu- 
trilage  gangreneux ,  et  il  en  est  de  même  des  vaisseaux  artériels  et  veineux 
de  toute  la  partie  mortifiée. 

Toutes  les  branches  collatérales  de  premier  et  de  deuxième  ordre  de  l'artère 
et  de  la  veine  fémorale  et  poplilée  sont  complètement  oblîte'ri'es  par  des  bou- 
chons fihrineux.  La  veine  saphène  inlorneelle-môme  est  obstruée  dans  une 
longue  portion  de  son  trajet  supérieur. 


135 

Poumons.  —  Engouement  hypostatique  aux  bases";  point  de  caillots  orga- 
nises dans  les  ramifications  des  vaisseaux  pulmonaires. 

Les  existences  de  la  famille  du  malade  ne  nous  ont  point  permis  d'exami- 
ner le  cerveau. 

Les  autres  organes  ont  été  trouvés  sains. 

En  lisant  l'observation  qui  précède,  tout  le  monde  sera  sans  doute  frappé 
comme  nous  de  la  marche  insolite  de  la  maladie  et  trouvera  sulTisamment 
justifiée  l'interprétation  que  nous  avons  cru  devoir  lui  donner.  Tout,  en  efTet, 
dans  la  série  des  phénomènes  ofTerts  par  notre  malade,  concourt  à  démon- 
trer que  le  mal  a  eu  pour  point  de  départ  le  système  veineux;  ainsi,  tout 
d'abord  gonflement  œdémateux  du  membre  et  en  même  temps  cyanose  pres- 
que immédiatement  généralisée  de  celui-ci.  Point  de  douleurs  spontanées, 
point  de  début  localisé  comme  d'habitude  dans  l'un  des  orteils,  ordinaire- 
ment le  gros- 
Ce  n'est  que  plus  tard,  consécutivement,  que  la  forme  sèche  et  atrophique  se 
dessine  dans  ces  derniers  et  dans  le  pied,  tandis  que  la  forme  essentielle- 
ment humide  persiste  à  la  jambe  :  le  contraste  reste  frappant  jusqu'à  la 
mort. 

Les  phénomènes  qui  se  passent  consécutivement  dans  le  pied  ne  témoi- 
gnent-ils pas  de  l'implication  consécutive  du  système  artériel?  Absence  com- 
plète, avons-nous  dit,  de  douleurs  spontanées,  mais  douleurs  intolérables 
provoquées  par  la  plus  légère  pression,  surtout  quand  elle  s'exerce  sur  le 
trajet  des  vaisseaux.  Ne  dirait-on  pas  d'une  phlegmatia  alba  dolens? 

Enfin,  le  résultat  de  l'autopsie  est  parfaitement  confirmatif  de  cette  inter- 
prétation, en  faisant  voir  que  les  principales  et  les  plus  étendues  altérations 
siègent  dans  la  veine. 

Ce  fait  est  donc  de  ceux  très-rares,  il  est  vrai,  et  pour  cela  très-intéres- 
sants, qui  peuvent  donner  créance  à  l'idée  émise  par  Quesnay,  à  savoir,  que 
l'oblitération  d'une  grosse  veine  peut  faire  enHer  la  partie  et  la  disposer  à  la 
gangrène  humide. 


COMPTE  RENDU  DES  SÉANCES 


DE 


r r 


LA  SOCIETE  DE  BIOLOGIE 

PENDANT  LE  MOIS  DE  SEPTEMBRE  1860; 

Par  m.  le  Docteur  J.  M  ARE  Y,  secrétaire. 


prësidë^ce  de  m.  rayer. 


I.  —  Physiologie. 

ACTION  DU  CURARE  SUR  LA  TORPILLE  ÉLECTRIQUE  ;    par  M.  A.  MOREAU. 

J'ai  pratiqué  dans  la  veine  dorsale  de  la  torpille  l'injection  d'une  solution 
de  curare.  Le  poisson  remis  dans  l'eau  a  continué  à  respirer  et  à  nager  pen- 
dant quelques  instants,  puis  a  cessé  de  nager  et  bientôt  après  de  respirer. 
Plaçant  alors  sur  le  dos  de  ce  poisson  plat  une  grenouille,  dont  j'avais  coupé 
le  bulbe  racbidien  pour  supprimer  tout  mouvement  volontaire,  j"ai  pincé  la 
torpille  sur  les  parties  latérale  et  postérieure  du  corps.  Aucun  mouvement 
ne  s'est  manifesté  dans  le  poisson;  mais  au  même  instant  la  grenouille  a  fait 
un  bond  vertical  énergique. 

Ainsi,  l'impression  produite  par  le  pincement  a  été  transmise  aux  cen. 


138 
très  nerveux,  et  est  revenue,  par  les  nerfs  qui  animent  l'organe  électrique, 
déterminer  une  décharge,  sans  produire  en  aucun  point  du  corps  de  mouve- 
ment réflexe. 

Celte  expérience  a  été  répétée  un  grand  nombre  de  fois,  et  toujours  avec 
le  même  résultat.  Elle  n'exige  d'autre  précaution  que  celle  de  renouveler, 
environ  toutes  les  cinq  minutes,  la  grenouille  dont  les  tissus  perdent  vite 
dans  Teau  de  mer  leurs  propriétés  pliysiologiques. 

Après  ces  essais,  la  torpille  est  retirée  de  l'eau.  L'abdomen  étant  ouvert, 
je  soulève  les  nerfs  volumineux  situés  à  la  face  inférieure  du  cartilage  qui 
limite  en  haut  la  cavité  abdominale.  J'excitai  avec  un  courant  électrique  ces 
nerfs  composés  de  filets  de  sentiment  et  de  filets  moteurs  :  aucun  mouvement 
ne  se  manifeste;  mais  l'organe  électrique  produit  une  décharge  accusée  par 
la  grenouille  placée  sur  le  poisson,  et  par  le  galvanomètre  mis,  au  moyen 
de  fils  de  cuivre  isolés,  en  communication  avec  deux  plaques  de  platine  re- 
posant sur  la  face  supérieure  et  la  face  inférieure  de  l'organe  électrique. 
Ainsi  cette  excitation  ne  détermine  aucun  mouvement  réflexe,  ni  même 
direct,  c'est-à-dire  dû  à  la  contraction  des  muscles  animés  par  le  nerf  que 
l'on  a  e.xcité;  mais  l'imrression  produite  sur  les  nerfs  de  sentiment  a  été 
transmise  par  eux  aux  centres  nerveux,  et  ceux-ci  ont  réagi  sur  les  nerfs  de 
l'organe  électrique  et  produit  la  décharge  par  leur  intermédiaire. 

Enfin,  je  porte  l'excitation  sur  une  des  branches  du  pneumo-gastrique 
qui  vont  animer  l'organe  électrique  après  avoir  traversé  les  branchies;  j'ex- 
cite le  nerf  avant  son  entrée  dans  les  branchies;  j'obtiens  à  chaque  excita- 
tion une  décharge  sans  aucune  contraction  des  muscles  des  branchies,  tandis 
que  sur  une  torpille  non  curarée  l'excitation  portée  sur  le  même  point  du 
nerf  détermine  la  contraction  des  muscles  en  même  temps  que  la  décharge. 

11  est  presque  inutile  de  dire  que  les  muscles  excités  directement,  c'est- 
à-dire  sans  l'intermédiaire  des  nerfs,  se  contractent  vivement.  On  sait  en 
effet  que  M.  Claude  Bernard  s'est  servi  du  curare  pour  montrer  que  la  con- 
traction du  muscle  peut  être  obtenue  indépendamment  de  l'action  du  nerf. 

Les  expériences  que  je  viens  de  citer,  et  que  j'ai  faites  à  Naples  en  1858  et 
à  Palavas  près  Montpellier  en  1860,  montrent  que  l'action  du  curare  s'exerce 
d'abord  sur  les  nerfs  moteurs,  et  que  les  nerfs  électriques  conservent 
leurs  propriétés  physiologiques  comme  les  nerfs  de  sentiment  et  les  cen- 
tres nerveux. 

La  période,  très-longue,  de  l'empoisonnement  pendant  laquelle  les  nerfs 
électriques  survivent  aux  nerfs  moteurs  (quant  aux  propriétés  physiolo- 
giques), apparaît  d'autant  plus  tôt  que  la  vitalité  du  poisson  est  plus  grande. 
Les  doses  employées  étaient  de  3  à  4  centimètres  cubes  d'une  solution  con- 
tenant 2  grammes  de  curare  pour  100  grammes  d'eau,  pour  des  torpilles  de 
taille  moyeQDe. 


139 
11.  —  Physiologie  comparée 

LES  POUMONS  DES  SERPENTS  JOUENT  LE  RÔLE  DORGANES  INCUBATEURS  SUR  LES 
OEUFS  CONTENUS  DANS  LES  OVIDUCTES.  CEUX-CI  VIENNENT  EN  EFFET  SE 
METTRE  EN  CONTACT,  PAR  SUITE  DE  LEUR  ACCROISSEMENT  DANS  TOUTES 
LEURS  DIMENSIONS,  AVEC  LES  EXTRÉMITÉS  DE  CES  RÉSERVOIRS  AÉRIENS. 
c'est  CE  QUE  PROUVE  L'ÉTAT  DE  DÉVELOPPEMENT  TRÈS-AVANCÉ  DES  œUFS 
TROUVÉS  DANS  LES  OVIDUCTES  D'UNE  FEMELLE  DE  PYTHON  DE  SÉBA  ,  DE 
GRANDE  TAILLE  (3  MÈTRES  PASSÉS),  5I0RTE  AU  MUSÉUM  D'HISTOIRE  NATU- 
RELLE DE  PARIS;  par  M.  le  docteur  Henri  Jacquart,  aide-naturaliste  d'an- 
thropologie au  Muséum,  clievalier  de  la  Légion  d'houneur. 

Une  femelle  de  python  de  Séba,  déposée  au  Muséum  d'histoire  naturelle  de 
Paris,  meurt  le  6  septembre  1860. 

Elle  est  longue  de  3in,  13. 

Le  plus  grand  diamètre  transversal  de  son  corps  est  de  O^-.IO. 

La  longueur  de  sa  tète  est  de  0'°,10  et  sa  largeur  de  O^.oe. 

J'insiste  sur  ces  dimensions  parce  qu'elles  sont  en  rapport  avec  celles  des 
œufs  que  j'ai  trouvés,  et  dont  je  parlerai  tout  à  l'heure. 

Cette  femelle,  venant  du  Sénégal,  avait  pondu  plusieurs  œufs  pendant  la 
traversée.  Elle  mourut  quinze  jours  environ  après  son  arrivée  au  Jardin  des 
plantes. 

Je  procédai  à  l'autopsie  dans  l'espérance  de  trouver  des  linguatules,  pour 
coraoléler  le  mémoire  dont  j'ai  déjà  lu  plusieurs  fragments  a  la  Société,  sur 
les  crochets  de  ces  animaux,  leurs  muscles,  le  système  nerveux  de  la  tête, 
et  leur  état  embryonnaire  qui  les  rapproche  des  crustacés  parasites. 

Si  cet  espoir  ne  s'est  pas  réalisé,  si  je  n'ai  pas  trouvé  les  linguatules  que 
je  cherchais,  j'ai  trouvé  des  filaires  que  je  ne  cherchais  pas,  et  en  grand 
nombre,  et  un  autre  petit  ver  enroulé  en  spirales  à  une  de  ses  extrémités. 
Mais  ce  n'est  point  là  le  sujet  de  ma  commuuication  ;  ce  sont  des  matériaux 
rais  en  réserve  pour  plus  tard. 

Je  constate  d'abord  dans  les  oviductes  la  présence  de  treize  œufs. 

Ces  conduits  ont  le  diamètre  de  l'intestin  grêle  de  l'homme  adulte. 

Leurs  vaisseaux  sont  très-développés ,  surtout  les  veines;  elles  sont, 
comme  on  sait,  au  nombre  des  principales  racines  des  veines  de  Jacobson, 
tandis  que  celles  de  chaque  ovaire  vont  se  jeter  dans  une  branche  qui  aboutit 
à  la  veine  cave  postérieure. 

Quatre  œufs  sont  contenus  dans  l'oviducte  gauche  et  neuf  dans  le  droit. 
Ils  sont  d'autant  plus  gros  qu'ils  sont  situés  plus  près  de  l'insertion  de  l'ovi- 
ducte au  cloaque. 

Leur  grand  diamètre  varie  de  9  à  10  centimètres,  et  leur  petit  de  4  à  5. 

Ces  œufs  sont  placés  dans  les  oviductes  d'une  manière  alternante,  c'est- 
à-dire  que,  dans  ces  conduits  rapprochés,  ils  sont  interposés  par  un  ou  par 


140 
deux,  de  sorte  qu'on  rencontre  successivement  un  ou  deux  œufs  d'un  ovi- 
ducte,  puis  au-dessus  et  au-dessous  un  ou  deux  de  l'autre. 

Cette  disposition,  du  reste,  est  facile  à  concevoir  parce  que  l'espace  est 
limité. 

Je  prends,  pour  l'examiner,  le  troisiôme  œuf  à  partir  du  cloaque,  après 
l'avoir  extrait  à  l'aide  d'une  incision  aux  parois  du  conduit.  J'ouvre  les  dif- 
férentes membranes,  et  j'arrive  à  un  embryon  qui  n'a  pas  moins  d'un 
centimètre  et  demi  de  longueur,  et  qui  est  très-avancé  dans  son  développe- 
ment, car  le  cœur  est  déjà  complet  et  l'abdomen  fermé. 

La  queue,  roulée  en  plusieurs  spirales,  est  fixée  par  un  repli  de  la  séreuse 
comparable  au  mésentère. 

Le  disque  embryogène  très-étendu  dépasse  les  limites  de  la  circonférence 
d'une  section  faite  par  un  plan,  qui  partagerait  le  vitellus  en  deux  moitiés 
égales. 

On  voit  donc  que  si  la  femelle  du  python  ne  fait  pas  comme  la  vipère  des 
petits  vivants,  les  embryons  contenus  dans  ces  œufs  sont  au  moins  très- 
avancés  dans  leur  développement  avant  et  surtout  au  moment  de  la  ponte 
des  œufs.  Ainsi  ils  ont  déjà  depuis  longtemps  subi  dans  le  corps  de  la  mère 
une  incubation,  que  celle-ci  continue  ensuite  après  la  ponte  avec  beaucoup 
de  sollicitude. 

Il  y  a  donc  ici  dans  les  lois  physiologiques  du  développement  simplement 
variété  dans  l'unité.  C'est  un  point  de  l'histoire  de  l'évolution  embryonnaire 
qui  nous  paraît  très-intéressant.  En  effet,  dès  que  les  œufs  sont  arrivés  dans 
les  oviductes,  ils  sont  en  contact  médiat  avec  les  gaz  contenus  dans  les  ex- 
trémités des  poumons,  avec  lesquels  les  oviductes,  par  suite  de  leur  énorme 
accroissement,  viennent  se  mettre  en  rapport  :  la  longueur  du  poumon  gau- 
che, plus  grande  que  celle  du  droit,  correspond  à  la  disposition  inverse  des 
ovaires. 

D'où  il  suit  que  chez  les  ophidiens  les  extrémités  des  poumons  ne  servent 
pas  seulement  aux  fonctions  respiratrices  comme  réservoirs  aériens,  mais 
qu'elles  remplissent  le  rôle  de  chambres  incubatrices,  par  rapport  aux  œufs 
contenus  dans  les  oviductes.  Ceci  n'a  rien  de  choquant,  lorsqu'on  réfléchit 
que  chez  les  vertébrés  l'hématose  ne  s'efTectue  pas  par  le  contact  immédiat 
de  l'air  avec  le  sang,  mais  à  travers  la  membrane  qui  tapisse  les  cellules 
aériennes  et  à  travers  les  parois  des  vaisseaux. 

On  peut  donc  concevoir  que  les  gaz  contenus  dans  les  poumons  agissent 
par  endosmose,  en  traversant  les  parois  si  poreuses  de  ceux-ci,  et  les  parois 
également  trôs-amincics  des  oviductes  distendus  par  les  œufs.  C'est  du 
reste  ce  que  j'avais  pressenti  dans  vm  mémoire  que  j'ai  publié  dans  les  An- 
nales DES  SCIENCES  NATURELLES  sur  la  Circulation  du  python  (I). 

(1)  4'  série,  ZooL.,  t.  IV,  rallier  n»  fi. 


141 
''  III.  —  Pathologie. 

FRACTURE  DU  CRANE  AVEC  ÉCOULEMENT  SANGUI.N  PAR  L'OREILLE;  par  M.  EDMOND 

Simon,  interne  à  la  Charité. 

J'ai  riionneur  de  présenter  à  la  Sociélé  de  biologie  un  exemple  de  fracture 
du  crâne  qui  me  paraît  être  très-confirmatif  de  l'opinion  la  plus  répandue 
actuellement  sur  l'origine  du  liquide  séreux  qui  s'écoule  par  l'oreille.  Tout 
le  monde  sait  que  grâce  à  la  chimie,  on  reconnaît  généralement  Jans  le  li- 
quide séreux  qui  s'écoule  par  l'oreille  la  composition  du  liquide  encéphalo- 
rachidien.  Voici  une  pièce  qui  me  paraît  devoir  en  apporter  la  preuve  anato- 
mo-physiologique. 

Séraphin  Baccocchi,  peintre  en  bâtiment,  âgé  de  22  ans,  est  tombé  d'une 
échelle,  à  la  hauteur  d'un  deuxième  étage  le  27  août  1860. 

Dans  sa  chute  sa  tête  a  porté  par  sa  partie  latérale  droite,  contre  la  balus- 
trade d'un  balcon  à  l'entresol  ;  il  arriva  sur  le  sol  en  présentant  également  le 
côté  latéral  droit.  Il  y  eut  perte  de  connaissance  pendant  une  demi-heure  en- 
viron. On  l'apporta  aussitôt  à  l'hôpital. 

A  son  entrée  il  offre  une  intelligence  un  peu  obtuse,  des  contusions  légères 
à  la  fesse  droite  et  au  bras  correspondant,  un  écoulement  de  sang  par  l'oreille 
droite.  Le  cuir  chevelu  est  contusionné  immédiatement  au-dessus  de  l'o- 
reille. 

Le  lendemain  de  son  entrée  il  présente  une  intelligence  un  peu  plus  nette, 
plus  active  ;  il  raconte  lui-même  son  accident.  Il  a  dormi  une  partie  de  la  nuit, 
mais  il  a  vomi  deux  fois. 

Absence  de  fièvre,  68  pulsations,  peau  normale,  douleurs  de  tête  assez  vi- 
ves, peu  d'appétit,  soif  modérée. 

Pendant  les  trois  jours  qui  ont  suivi  son  entrée,  il  n'a  présenté  d'autre  par- 
ticularité que  d'être  un  peu  sourd  du  côté  droit  et  de  n'aller  point  à  la  garde- 
robe  ;  pas  de  vomissements. 

Le  31  août,  vers  cinq  heures,  il  est  pris  tout  à  coup  de  délire  loquace,  ma- 
niaque; il  veut  se  lever,  rentrer  chez  lui;  il  insulte  tout  le  monde  et  pousse 
par  moments  des  cris  aigus. 

Cependant  le  pouls  et  la  peau  ne  présentent  rien  de  particulier,  les  pupil- 
les sont  normalement  dilatées,  il  n'y  a  pas  eu  de  vomissements  nouveaux,  la 
constipation  persiste,  l'écoulement  sanguin  par  l'oreille  continue,  mais  est 
faible.  Ce  délire  se  dissipe  vers  la  fin  de  la  nuit,  et  le  lendemain  matin  nous 
retrouvons  le  malade  parfaitement  calme. 

Deux  jours  de  suite  ce  délire  se  reproduit  à  la  même  heure.  M.  le  profes- 
seur Velpeau,  après  avoir  fait  appliquer  douze  sangsues  derrière  l'oreille 
droite,  ordonne  l'administration  du  sulfate  de  quinine,  malgré  l'absence  de 
frisson  initial  et  de  sueurs  à  la  fin  de  ces  accès. 


142 

Le  délire  ne  s'en  reproduit  pas  moins,  il  devient  même  continu  à  partir  div 
4  septembre. 

Réapplicalion  de  sangsues  derrière  les  oreilles,  potion  antispasmodique, 
puis  calomel  à  doses  fractionnées. 

L'état  général  ne  s'est  pas  modifié  et  n'explique  pas  du  tout  l'existence 
d'une  méningite,  si  ce  n'est  par  une  constipation  opiniâtre.  L'écoulement  de 
sang  par  l'oreille  persiste;  il  n'y  a  pas  eu  de  convulsions. 

Enfin  le  6,  dans  le  cours  de  la  journée,  le  délire  diminue  graduellement  et 
cesse  vers  le  soir. 

Le  lendemain  matin  on  trouve  le  malade  calme,  raisonnant  assez  bien  et 
demandant  à  s'en  aller.  L'écoulement  de  sang  est  arrêté.  M.  Velpeau  refuse 
de  signer  la  pancarte,  il  n'autorise  à  le  laisser  partir  que  si  l'on  vient  le  cher- 
cher. 

Le  8,  le  délire  reparait  avec  violence,  puis  le  malade  tombe  dans  un  état 
senii-comateus  avec  grande  dilTicnlté  de  respirer.  L'écoulement  de  sang  par 
l'oreille  se  reproduit,  mais  il  est  toujours  très-faible.  Le  pouls  reste  rare,  dé- 
pressible,  la  peau  est  halitueiise. 

Le  9,  l'état  comateux  s'aggrave,  turgescence  de  la  face,  cyanose  légère  des 
lèvres  et  des  extrémités. 

Application  de  sangsues  derrière  les  oreilles,  calomel  à  doses  fraction- 
nées. 

Le  10,  l'asphyxie  est  imminente;  application  d'un  large  vésicatoire  sur  le 
cuir  chevelu. 

Mort  vers  deux  heures  de  l'après-midi. 

Autopsie.  —  Le  cadavre  n'oflVait  aucune  plaie,  mais  seulement  les  traces 
d'une  contusion  de  moyenne  intensité  au  dessus  de  l'oreille  droite,  des  ecchy- 
moses en  voie  de  résolution  au  niveau  de  l'épaule  et  de  la  cuisse  correspon- 
dantes, et  enfla  une  teinte  bleuâtre  des  téguments  sous  la  clavicule  droite. 

En  disséquant  les  parties  molles  du  crâne  pour  scier  ce  dernier,  on  s'aper- 
çut aussitôt,  à  la  présence  d'une  petite  esquille,  qu'il  restait  une  fracture  de 
celte  boite  osseuse  au  niveau  du  temporal  droit. 

Le  crâne  et  le  cerveau  sinuillanémeut  fuient  sciés  horizontalement.  Un 
observa  alors  un  épanchement  sanguin  entre  la  dure-mère  et  le  crâne  répon- 
dant an  foyer  delà  fracture.  La  moitié  inférieure  du  cerveau  fut  enlevée owc 
précaution,  vu  le  siège  de  l'iiémorrhagic  et  la  nature  conslanuneut  la  mémo 
de  l'épanchcment  par  l'oreille.  Du  jtus  crémeux  en  petite  quantité  était  étalé 
sur  les  surfaces  libres  de  l'arachnoïde;  de  l'un  et  de  l'autre  côté,  une  couche 
mince  de  sang  iioisseux  colorait  l'aracunuïde  répondant  à  la  moi  lié  postérieure 
du  lobe  occiputal  droit. 

Le  décollement  de  la  moitié  supérieure  du  cerveau  répondant  à  la  calotte 
du  crâne  lit  voir  par  la  présence  du  pus  (juc  la  méningite  s'était  généralisée. 

Lu  filet  d'eau  ayant  débarrassé  les  suiiaces  libres  de  l'ai-achnoïde  du  sanç 


143 

et  (lu  pus  quil'olisnurcissaient,  on  trouva  cette  membrane  épaissie,  opaline, 
mais  intacte  dans  toute  son  étendue  dans  sa  portion  viscérale. 

La  dure-mère,  détergée  de  la  même  façon,  ne  montra  d'autre  solution  de 
continuité  qu'une  ouverture  réticulée  des  dimensions  d'une  lentille,  située  à 
la  partie  postérieure  de  l'épanchement  sanguin.  C'est  cette  ouverture  qui  cer- 
tainement a  donné  issue  au  sang  qui  s'est  insinué  dans  la  cavité  de  l'arach- 
noïde. 

Il  a  été  parfaitement  constaté  qu'au  niveau  du  conduit  auditif  externe,  le 
prolongement  de  l'arachnoïde  qui  accompagne  les  nerfs  auditif  et  facial  était 
complètement  intact. 

L'épanchement  sanguin  situé  entre  la  dure-mère  et  les  parois  osseuses  est, 
comme  on  le  voit  sur  cette  pièce,  circulairement  situé,  et  comme  à  cheval  au- 
dessus  du  rocher;  il  a  à  peu  près  0,09  centimètres  de  diamètre  avec  un  relief 
de  0,023  millimètres.  Ses  limites  précises  sont  eu  avant,  l'union  de  la  grande 
aile  du  sphénoïde  avec  le  temporal,  en  arrière  le  tiers  antérieur  de  la  portion 
horizontale  du  sinus  transverse,  en  haut  5  centimètres  au-dessus  de  la  su- 
ture temporo-pariétale,  en  bas  la  saillie  du  temporal  qui  répond  au  canal 
demi-circulaire  externe. 

Le  caillot  qui  persiste  peut  être  évalué  du  poids  de  70  à  80  grammes.  Par 
la  disposition  de  la  fracture  que  nous  allons  examiner,  on  peut  concevoir  que 
ce  sang  aurait  pu  être  renouvelé  pendant  longtemps,  car  il  venait  des  deux 
branches  principales  de  la  méningée  moyenne,  branches  divisées  en  même 
temps  que  les  os. 

Le  décollement  de  la  dure-mère  jusqu'à  quelques  millimètres  du  pourtour 
du  foyer  sanguin,  et  d'autre  part  le  raclage  de  l'os  extérieurement  permet  de 
constater  que  la  fracture  se  comporte  de  la  façon  suivante  : 

Elle  commence  sur  le  pariétal  droit  vers  son  tiers  postérieur  à  5  centimètres 
]j2  au-dessus  de  son  union  avec  le  temporal,  descend  sur  ce  dernier,  et  là 
se  bifurque  aussitôt. 

L'une  des  branches  de  bifurcation,  l'antérieure,  se  dirige  au  devant  de  la 
racine  transverse  de  l'apophyse  zygomatique  et  s'arrête  à  la  suture  temporo- 
sphénuïdale;  l'autre  branche,  la  postérieure,  tombe  sur  la  paitie  antérieure 
du  conduit  auditif  externe,  l'ouvre  longitudinalement  à  0,001  millimètre  en 
arrière  de  la  scissure  de  Glazer,  décolle  supérieurement  les  téguments  qui 
tapissent  ce  conduit,  et  en  même  temps  produit  une  fissure  sur  ceux-ci  béante 
de  0,001  millimètre  de  largeur,  laquelle  fait  communiquer  le  foyer  sanguin 
avec  l'extérieur. 

L'ablation  de  la  paroi  inférieure  du  conduit  auditif  externe  permet  de  con- 
stater que  la  membrane  du  tympan  intacte,  est  rasée  à  sa  partie  antérieure 
par  la  fracture. 

Celle-ci  se  prolonge  sur  le  rocher  presque  parallèlement  à  son  axe,  ouvre 
la  caisse  du  tympan  ;  le  marteau  en  effet  présente  sa  tète  immédiatement  au- 


144 
dessous  de  la  division.  Cette  particularité  explique  peut-être  pourquoi  le  ma- 
lade a  craché  pendant  deux  jours  un  peu  de  sang  qui  a  pu  s'écouler  dans  la 
bouche  par  la  trompe  d'Eustache. 

La  fracture  interrompue  par  la  fente  pélro-sphcnoidale  et  le  trou  déchiré 
antérieur,  se  prolonge  cependant  sur  le  corps  du  sphénoïde  jusqu'au-dessous 
du  sinus  caverneux  gauche. 

On  remarque  de  plus  deux  fissures  à  droite  et  à  gauche  du  trou  occipital, 
l'une,  la  droite,  allant  de  cette  ouverture  au  trou  déchiré  postérieur  ;  l'autre, 
la  gauche,  s'arrélant  à  peu  de  distance  dans  la  fosse  occipitale  inférieure. 

La  disposition  de  cette  fracture,  la  nature  et  la  petite  quantité  de  sang  (en- 
viron 5  à  6  grammes  par  jour)  que  perdait  le  malade  par  l'oreille,  me  parais- 
sent, comme  je  le  disais  en  commençant  l'observation,  donner  presque  im 
démenti  à  la  théorie  qui  fait  venir  la  sérosité  qui  s'écoule  par  l'oreille  du 
sérum  d'un  foyer  hémorrhagique  voisin. 

Si  en  effet  un  épanchement  sanguin  extracranien  est  capable  de  donner 
lieu  à  un  écoulement  de  sérosité,  ce  doit  bien  être  certainement  dans  le  cas 
auquel  nous  avons  afTaire,  car  la  fracture  traversant  le  foyer,  la  sérosité  aurait 
donc  pu  facilement  filtrer  à  travers  la  fissure  des  os  et  des  téguments  de 
l'oreille  externe,  et  cependant  cela  n'a  pas  eu  lieu.  Pendant  douze  jours  il 
ne  s'est  écoulé  que  du  sang  qui  est  devenu  plus  pâle,  il  est  vrai,  vers  la  fin, 
mais  encore  assez  coloré  pour  mériter  le  uom  de  sang. 

Nous  avons  constaté  et  fait  constater  la  parfaite  intégrité  de  l'arachnoïde 
viscérale,  celle  du  prolongement  que  cette  membrane  donne  aux  nerfs  facial 
et  auditif,  l'intégrité  complète  aussi  du  rocher  dans  toute  la  portion  qui  ré- 
pond au  couduit  auditif  iulerne  et  même  au  delà,  comme  cette  pièce  le  mon- 
tre. Il  n'y  avait  donc  point,  dans  ce  cas,  de  communication  directe  ou  indi- 
recte de  la  cavité  sous-arachnoïdienne  avec  l'extérieur.  D'autre  part  il  y  a  eu 
absence  complète  d'écoulement  séreux. 

Du  rapprochement  de  ces  deux  i'alls  ne  peut-il  pas  en  résulter  la  forte  pré- 
somption anatomo-physiologique  que  le  liquide  séreux  qui  s'écoule  par 
l'oreilleest  bien  comme  l'a  démontré  l'analyse  chimique  du  liquide  encéphalo- 
rachidien.  Il  me  semble  au  moins  que  cette  présomption  est  rendue  patente 
par  cette  pièce. 

Pour  terminer  l'observation,  je  dirai  que  le  reste  des  organes  étaient  parfai- 
tement sains.  Ou  a  trouvé  seulement  uu  peu  d'épanchement  sanguin  dans  le 
tissu  cellulaire  répondant  au  grand  pectoral  et  dans  l'épaisseur  de  ce  muscle. 

IV.  —  Toxicologie. 

EMPOISONNEMENT  PAU  LES  CHAMPIGNONS;  dcux  obscrvatious  par  M.  Lance- 
REA»)x,  interne  des  hôpitaux  de  Paris. 

Uns.  1.  —  P.  P.,  âgé  de  28  ans,  employé  au  bois  de  Boulogne,  y  faisait  son 


145 

service  comme  de  coutume  le  18  août  1860,  lorsqu'il  recueillit  au-dessus  de 
la  cascade,  sur  les  côtés  de  la  route  dite  de  la  Vierge-au-Berceau,  des  cham- 
pignons que,  nous  dit-il,  ses  confrères  ramassaient  et  mangeaient  impuné- 
ment. Il  revint  à  Paris  avec  dix-huit  à  vingt  de  ces  champignons,  pesant  en- 
viron une  livre  et  demie,  ayant  les  uns  la  forme  d'un  œuf,  les  autres  celle 
d'une  ombrelle,  et  qui,  d'après  les  renseignements  pris  auprès  du  malade 
par  M.  Personne,  pharmacien  de  la  Pitié,  appartenaient  à  l'espèce  fausse 
oronge,  Amanita  muscaria,  Fers.  (Âgaricns  pseudo-amantiacus,  Bull.) 

Après  les  avoir  épluchés  largement,  il  les  mangea  à  onze  heures  du  matin 
en  compagnie  de  la  nommée  L...,  jeune  fille  de  16  ans,  dont  l'observation 
se  trouve  plus  loin.  Cbacun  d'eux  en  mangea  une  portion  à  peu  près  égale,  il 
en  resta  une  petite  quantité  que  la  jeune  femme  mangea  peut-être  dans  le 
courant  de  la  journée.  Laissons  de  côté  l'observation  de  cette  dernière,  et 
voyons  ce  qui  advient  chez  P. 

P...  retourna  au  bois  de  Boulogne  pour  y  faire  son  service;  vers  quatre 
heures  il  éprouva  du  malaise,  de  la  pesanteur  à  l'eslomac,  des  douleurs  et  de 
la  lourdeur  dans  les  reins  (le  malade  ressent  ordinairement  des  douleurs  dans 
cette  région). 

A  sept  heures  il  dine,  mais  il  a  peu  d'appétit.  A  huit  heures,  il  éprouve  des 
nausées,  prend  une  tasse  de  café,  ce  qui,  dit-il,  retarde  les  vomissements 
jusqu'à  minuit. 

A  onze  heures,  malaise,  nausées,  gonflement  de  l'estomac,  bourdonnements, 
sifflements  dans  les  oreilles,  surdité  légère;  absence  de  phénomènes  du  côté 
de  la  vue, 

A  minuit,  vomissements  abondants  et  fréquents,  composés  d'abord  de  ma- 
tières alimentaires,  puis  de  matières  liquides  un  peu  brunâtres.  Diarrhée 
vers  une  heure  du  matin  ;  une  demi-heure  plus  tard  il  prend  10  centigrammes 
d'émétique. 

Les  matières  vomies  ne  renferment  pas  de  champignons,  les  vomissements 
continuent  d'être  fréquents,  ils  alternent  avec  la  diarrhée  qui  revient  toutes 
les  demi-heures.  Le  malade  prétend  qu'il  a  reçu  un  peu  de  soulagement 
de  l'émétique.  Dans  la  matinée,  malaise  général,  abattement,  crampes, 
principalement  dans  les  membres  inférieurs  et  les  mollets,  faiblesse  géné- 
rale, station  verticale  impossible.  L'intelligence  est  intacte;  la  diarrhée  con- 
tinue. Les  vomissements  sont  moins  fréquents  à  partir  de  midi.  La  voix  est 
affaiblie,  les  extrémités  sont  froides,  les  urines  ne  sont  plus  sécrétées. 

A  huit  heures  du  soir,  je  le  reçois  à  l'hôpital  de  la  Pitié,  il  éprouve  toujours 
les  même  malaise,  des  bourdonnements,  des  étourdissements,  quelques  ver- 
tiges, des  crampes,  une  faiblesse  générale;  les  vomissements  et  la  diarrhée 
persistent.  La  peau  a  une  teinte  cuivrée,  les  extrémités  sont  froides,  les  traits 
décomposés,  la  physionomie  triste  et  fatiguée.  Le  pouls  petit,  fréquent,  à 
peine  perceptible. 

C.  R.  10 


146 

Je  fis  appliquer  des  sinapismes  et  couvrii'  le  malade,  dans  le  but  d'amener 
Ja  réaction,  ce  qui  déjà  avait  été  tenté  par  les  médecins  de  la  Tille  qui  avaient 
ordonné  du  rhum.  Les  vomissements  et  la  diarrhée  continuent  encore  toute 
la  nuit. 

Le  mardi  20  août,  le  pouls  moins  serré  et  moins  fréquent  a  repris  un  peu 
de  sa  force,  les  extrémités  sont  chaudes,  les  traits  moins  altérés,  il  y  a  un 
mieux  sensible,  les  vomissements  ont  cessé,  la  diarrhée  persiste  jusqu'au 
lendemain. 

Le  22  et  le  23  le  mieux  contiuue,  le  pouls  reprend  son  état  normal,  le  ma- 
lade accuse  à  peine  du  malaise  du  côté  des  voies  digestives. 

Le  24,  il  a  une  portion  d'aliments,  puis  bientôt  deux  et  trois. 

II  est  envoyé  à  Vincennes  le  4  septembre  la  guérison  est  alors  complète. 

Obs.  II.  —  L...,  jeune  fille  de  16  ans,  fleuriste,  eut  le  malheur  de  partager 
le  repas  de  P...  qui  fait  le  sujet  de  l'observation  précédente.  Forte  et  bien 
portante,  elle  se  trouvait  à  l'époque  de  ses  règles,  le  19  août,  c'est  elle-même 
qui  prépara  les  champignons. 

Dans  le  courant  de  la  journée,  elle  éprouve  quelques  coliques,  un  malaise 
général,  qu'elle  rapporte  à  son  état  menstruel  ;  elle  est  fatiguée,  dans  l'im- 
possibilité de  travailler,  et  c'est  vers  huit  heures  du  soir  que  surviennent  des 
coliques  plus  intenses,  des  nausées  et  des  vomissements.  Il  existe  en  même 
temps  de  la  céphalalgie,  des  sifflements,  des  bourdonnements  dans  les  oreilles 
et  de  la  surdité  plus  prononcée  dans  certains  moments.  La  diarrhée  accom- 
pagne bientôt  ces  phénomènes,  les  déjections  sont  fréquentes  et  abondantes, 
les  traits  s'altèrent,  la  voix  s'aiTaiblit,  les  extrémités  deviennent  froides.  La 
physionomie  se  décompose  de  plus  en  plus,  la  faiblesse  est  extrême  et  la 
mort  imminente  vers  quatre  heures  du  matin. 

Il  n'y  eut  pas  chez  elle,  comme  chez  P...,  de  vomitif  administré,  la  men- 
struation retint  les  médecins.  Dans  le  courant  de  la  journée,  les  crampes  qui 
étaient  survenues  vers  une  heure  du  matin  tourmentèrent  beaucoup  la  ma- 
lade, les  vomissements  et  la  diarrhée  continuaient  toujours. 

Apportée  à  l'hôpital  le  20  août  vers  huit  heures  du  soir,  je  la  trouve  dans 
l'état  suivant  :  les  extrémités  sont  froides,  glaciales,  légèrement  violacées  ; 
les  traits  décomposés,  les  yeux  excavés,  la  voix  éteinte,  la  faiblesse  exces- 
sive; les  pupilles  un  peu  dilatées;  l'intelligence  assez  nette,  les  réponses 
lentes,  la  sensibilité  un  peu  obtuse,  léger  état  de  sonmolencc.  La  langue  est 
sèche,  brunâtre,  froide;  la  soif  inextinguible  et  tellement  insupportable  que 
la  malade  réclame  avant  tout  des  boissons,  et  n'accuse  guère  que  ce  seul 
phénomène.  Les  vomissements  et  la  diarrhée  continuent  néanmoins,  les  ma- 
tières rendues  sont  abondantes,  très-liquides  et  grisâtres. 

Le  ventre  est  peu  développé,  la  pression  y  détermine  des  gargouillements, 
et  peu  de  douleur.  Le  pouls  est  petit,  serré,  fréquent,  donne  environ  1^0  pnl- 


1 


lîT 
salions  par  minute  Les  ballcmcnts  du  cœur  sont  faibles.  La  respiration  est 
anxieuse,  difTicile.  (Boissons  à  la  glace,  sinapisme,  potion  éthérée.) 

Le  lendemain  matin,  la  malade  se  trouve  à  peu  prôs  dans  le  même  état,  la 
réaction  ne  s'est  pas  faite.  M.  Marrotte  ordonne,  à  la  visite  du  matin,  du  rhum 
et  du  laudanum. 

La  malade  s'affaiblit  de  plus  en  plus,  les  traits  sont  encore  pins  décompo- 
ses, la  figure  est  terreuse,  le  pouls  n'est  plus  perceptible  vers  midi.  La  mort 
arrive  le  même  jour,  21  août,  à  deux  heures,  dans  un  effort  de  bâille- 
ment. 

Nécropsie.  —  L'habitude  extérieure  du  cadavre  n'offre  rien  à  noter. 

Dans  l'abdomen  il  existe  une  injection  avec  coloration  violacée  de  la  der- 
nière moitié  de  l'intestin  grêle,  plusieurs  petites  taches  ecchymotiques  se 
trouvent  disséminées  sous  la  séreuse.  Les  ganglions  mésentériques  sont  vo- 
lumineux, les  uns  ont  conservé  leur  coloration  habituelle ,  les  autres  ont  re- 
vêtu une  teinte  légèrement  jaunâtre. 

L'estomac,  très-dilaté,  renferme  en  petite  quantité  un  liquide  grisâtre,  on 
n'y  trouve  aucune  parcelle  des  champignons.  La  muqueuse,  d'un  gris  blan- 
châtre, nullement  injectée,  est  un  peu  ramollie  ;  elle  se  décolle  par  fragments, 
même  sous  l'influence  d'un  simple  filet  d'eau.  Les  glandes  font  saillie  dans 
la  portion  pylorique  de  l'estomac  et  du  duodénum.  Les  deux  dernières  por- 
tions de  cet  intestin  et  le  tiers  supérieur  du  jéjuno-iléon  ne  paraissent  pas 
altérés,  la  muqueuse  offre  seulement  un  peu  plus  de  mollesse.  L'injection 
commence  plus  bas;  elle  est  de  plus  en  plus  marquée  à  mesure  qu'on  ap- 
proche du  cœcum;  elle  est  très-prononcée  dans  le  dernier  mètre  de  l'intestin 
grêle,  où  se  rencontrent  quelques  petites  taches  ecchymotiques  sous-mu- 
queuses. Hypertrophie  de  tous  les  follicules  isolés  formant  à  la  surface  in- 
terne de  l'intestin  de  nombreuses  saillies  miliaires  ou  lenticulaires  (psoren- 
terie)  blanchâtres  à  leur  sommet,  vasculaires  à  leur  base,  où  viennent  aboutir 
de  nombreux  vaisseaux  fortement  injectés.  Les  plaques  de  Peyer  sont  tu- 
méfiées, rouges,  et  très-vasculaires.  La  muqueuse  à  leur  niveau  est  dépour- 
vue d'épithélium  et  dépolie.  De  nombreuses  cellules  épithéliales^  la  plupart 
granuleuses,  des  granulations  moléculaires  et  de  la  matière  amorphe,  tels 
sont  les  éléments  des  glandes  altérées. 

Dans  le  gros  intestin,  la  vascularisation  est  encore  exagérée,  mais  moins 
que  dans  le  dernier  tiers  de  l'intestin  grêle. 

Les  follicules  isolés  offrent  la  même  altération.  Matières  liquides  gri- 
sâtres, avec  quelques  grumeaux  blanchâtres  dans  tout  l'intestin. 

Le  foie  est  gros,  il  offre  sur  quelques  points  un  léger  pointillé  brunâtre, 
tranchant  sur  la  coloration  jaune  de  son  parenchyme. 

La  rate  est  petite  et  ne  parait  pas  altérée. 

Les  reins  sont  sains. 


148 

Les  poumons  ont  leurs  lobes  inférieur»  un  peu  congestionnes  et  œdéma- 
teux, mous  et  couverts  de  graisse. 

Le  cœur  renferme  un  sang  noir  gelée  de  groseille,  à  peine  coagulé. 

Partout  le  sang  a  présenté  le  même  aspect. 

Injection  marquée  des  méninges,  légères  ecchymoses  sous-méningées, 
piqueté  de  la  substance  grise  dont  la  surface  parait  en  quelques  endroits  un 
peu  dépolie.  Absence  d'adhérence  entre  les  méninges  et  la  substance  céré- 
brale, opacité  ancienne  de  ces  membranes.  Mollesse  de  la  substance  ctré- 
brale. 

La  grande  ressemblance  dans  les  lésions  cadavériques,  la  marche  et  les 
symptômes  observés  chez  nos  malades,  et  dans  les  mêmes  manifestations 
chez  les  individus  atteints  de  choléra-morbus,  ne  pourrait-elle  être  pour 
quelque  chose  à  l'appui  de  l'opinion  qui  range  cette  dernière  maladie  au 
nombre  des  intoxications.  Le  poison  n'étant  pas  évidemment  identique  dans 
les  deux  cas,  n'offrirait-il  pas  néanmoins  quelque  analogie  ? 


COMPTE  RENDU  DES  SÉANCES 


LA  SOCIÉTÉ  DE  mum 

PENDANT  LE  MOIS  D'OCTOBRE  1860; 

Pab  m.  le  Docteur  Jules  LUYS,  secrétaire. 


PRËSIDËEG  DE  M.  RilïËR. 


I.  — Anatomie. 


NOTE    SUR    l'appareil    PORTE    RÉNAL-HÉPATIQUE    DE    LA    BAUDROIE  (LOPHIUS 

piscATORius  L.)  ;  par  M.  Jourdain. 

L'auteur  de  cette  communicatioi),  après  avoir  fait  remarquer  le  peu  de 
volume  de  l'organe  urinaire  qui  est  réduit  à  la  partie  cervicale,  décrit  l'ap- 
pareil porte  rénal  dont  la  circonscription  très-étendue  embrasse  quatre 
veines  principales  :  la  veine  swpérieure  de  l'appareil  branchial,  la  veine  rec- 
tale postérieure,  la  veine  axillaire  et  la  veine  latérale.  Ce  dernier  vaisseau, 
le  plus  volumineuï  des  afférents  du  rein,  parait  remplacer  la  veine  caudale 
extraordinairement  réduite  chez  la  baudroie. 

L'arc  rénal -hépatique,  dont  il  indique  avec  détaille  trajet  elles  affluents, 
résulte  de  deux  fortes  brandies  qui  se  détaciieat,  l'une  de  la  veine  latérale 


droite,  l'autre  de  la  veine  latérale  gauche;  il  s'ouvre  à  plein  canal  dans  le 
tronc  même  de  la  veine  porte,  à  peu  de  distance  du  l'oie. 

L'auteur  fait  remarquer  qu'une  semblable  disposition  n'avait  point  encore 
été  rencontrée  dans  les  poissons,  où  un  arc  rcnal-liépatique  a  été  men- 
tionné {carpe  tanche,  saluth,  anguille,  congre).  (V.  ses  Recherches  sur  la 
VEINE  PORTE  RÉNALE.)  Il  entre  dans  quelques  considérations  théoriques  sur 
la  constitution  de  cet  arc  et  sur  les  raisons  anatomiqucs  qui  lui  semblent 
en  déterminer  les  diverses  formes  jusqu'ici  connues. 

Il  termine  en  décrivant  brièvement  Tensemble  de  la  veine  porte  hépati- 
que et  la  cardinale  postérieure. 

II.  —  Anatomie  pathologique. 

NOTE  SUR  LES  KYSTES  CONGÉNITAUX  DES  ORGANES  DE  LA  GÉNÉRATION  ; 

par  M.  GiRALDÈs. 

Des  recherches,  suivies  depuis  longtemps,  m'ont  permis  de  constater 
l'existence  fréquente  de  kystes  dans  les  organes  génitaux  des  enfants  nou- 
veau-nés. La  présence  de  tumeurs  de  ce  genre  au  moment  de  la  naissance 
paraît  présenter  un  certain  intérêt  au  point  de  vue  pathologique;  désormais, 
en  effet,  lorsqu'il  s'agira  de  rechercher  l'étiologie  des  kystes  de  l'ovaire 
chez  la  femme  adulte,  on  sera  bien  obligé  de  faire  intervenir  la  supposition 
de  l'existence  de  kystes  congénitaux.  Beaucoup  de  ces  cas  qu'on  regarde, 
sans  raison,  comme  étant  produits  par  des  troubles  de  la  menstruation,  par 
une  perturbation  dans  le  phénomène  de  l'ovulation,  ne  sont  peut-être  que  la 
suite  d'un  état  congénital.  On  rencontre  fréquemment  dans  les  ovaires  des 
enfants  nouveau-nés  deux  sortes  de  kystes  :  les  uns  développés  dans  le 
stroma  de  l'ovaire,  les  autres  formés  par  une  dilatation  des  canaux  du  corps 
de  RosenmuUer.  Les  premiers  sont  simples  ou  multiloculaires,  ils  contiennent 
un  liquide  simplement  séreux  ou  sanguin.  J'ai  rencontré  chez  des  enfants  au 
moment  de  la  naissance  des  kystes  du  stroma  de  l'ovaire  ayant  le  volume 
d'une  grosse  amande,  mesurant  de  0,017  à  0,020  dans  leur  grand  diamètre. 
Ces  tumeurs  contenaient  quelquefois  un  liquide  épais,  sirupeux,  même  san- 
guinolent. Les  organes  mâles  comme  les  organes  femelles  sont  également 
le  siège  de  kystes  congénitaux.  Je  viens  montrer  à  la  Société  un  exemple  de 
ce  genre,  un  kyste  volumineux  du  cordon  chez  un  enfant  de  15  jours.  Cette 
tumeur  mesure  0,017  dans  son  grand  diamètre,  el  0,011  dans  son  petit  dia- 
mètre. Sa  position  au-dessous  de  l'épididynic  fait  croire  à  première  vue  qu'il 
appartient  à  cet  organe;  un  examen  minutieux  démontre  qu'il  s'est  déve- 
loppé au  contraire  dans  la  partie  inférieure  du  cordon,  que  par  son  évolu- 
lution  successive  il  a  refoulé  l'épidydime  en  s'en  enveloppant.  Cette  tumeur, 
dont  les  parois  sont  sillonnées  par  im  lacis  vasculairc  assez  riche,  est  rem- 


.I5i 

plie  par  un  liquide  transparent  comme  de  l'eau  distillée,  ne  se  coagulant  pas 
par  l'action  de  l'acide  azotique,  et  contenant  quelques  lamelles  épithéliales 
très-transparentes.  La  partie  interne  est  lisse  et  tapissée  par  de  l'épitlié- 
lium,  sans  aucune  communication  avec  les  tubes  de  l'épidydime  ou  des 
vasa  aberrantia,  La  position  et  les  rapports  de  celte  tumeur,  surtout  avec 
l'organe  que  j'ai  désigné  sous  le  nom  de  corps  innominé,  le  fait  considérer 
comme  étant  développé  aux  dépens  de  ce  corps.  Il  n'est  pas  rare  de  rencon- 
trer dans  cette  région  du  cordon,  chez  les  enfants  nouveau-nés,  des  kystes 
du  volume  de  0,002  à  0,003;  mais  les  tumeurs  du  volume  de  celle  que  je 
présente  sont  rares;  c'est  le  troisième  exemple  que  j'ai  rencontré  sur  plu- 
sieurs centaines  d'enfants. 

III.  —  Pathologie. 

SUR  LES  EXCAVATIONS  ET  LES  SAILLIES  DE  LA  PAPILLE  DU  NERF  OPTIQUE; 

par  M.  DE  Graefe  (1). 

Les  excavations  qui  se  forment  au  niveau  de  la  papille  du  nerf  optique 
ne  reconnaissent  pas  toutes  une  même  origine.  Tantôt  elles  dépendent, 
comme  cela  a  lieu  dans  le  glaucome,  de  l'excès  de  la  pression  intra-ocu- 
laire,  tantôt  elles  résultent  directement  d'une  atrophie  des  fibres  nerveuses 
de  la  papille.  Il  est  important  de  distinguer  par  la  forme  de  la  papille  même 
l'une  de  l'autre  ces  deux  espèces  d'excavations,  puisque  dans  les  cas  très- 
chroniques  de  glaucome  les  autres  symptômes,  qui  prouvent  un  excès  de 
pression  intra-oculaire,  peuvent  être  réduits  à  un  minimum,  et  que  c'est 
exclusivement  cette  espèce  à  laquelle  se  rapporte  l'efficacité  des  procédés 
opératoires.  On  peut  constater  en  effet  entre  les  deux  espèces  une  différence 
de  forme.  La  pression  intra-oculaire  agit  non-seulement  perpendiculaire- 
ment à  la  surface  de  la  papille,  mais  celle-ci  est  aussi  refoulée  dans  le 
sens  latéral,  d'où  résulte  qu'en  pareil  cas  l'excavation  prend  la  forme  d'une 
cupule,  et  présente  des  bords  comme  taillés  à  pic  (quelquefois  même  creusés 
à  la  base),  alors  même  que  la  profondeur  n'en  est  pas  très-considérable.  Les 
excavations  de  la  deuxième  espèce  ont  des  bords  moins  tranchés,  une  pente 
plus  douce,  et  se  confondent  par  conséquent,  sans  transition  marquée,  avec 
le  niveau  général  de  la  rétine.  A  cette  différence  dans  la  forme  des  deux 
ordres  d'excavations  qui  a  été  démontrée  par  les  recherches  de  Henri  Miiller, 
correspondent  des  caractères  ophthalmoscopiques  bien  nettement  tranchés. 
Ainsi,  lorsqu'on  promène  devant  l'œil  un  verre  convexe  de  manière  à  lui 
donner  un  effet  prismatique  de  plus  en  plus  fort,  on  observe  que  le  mode 

(1)  Cette  note,  remise  par  l'auteur,  est  la  reproduction  d'une  communica- 
tion orale  qu'il  a  faite  à  la  Société  le  27  octobre  18C0. 


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15? 

de  d(3placen]cnt  du  fond  de  rexcavation  de  la  papille  n'est  pas  le  môme  dans 
les  deux  cas.  Dans  les  excavations  glaucomateuses  tout  le  ioud  de  la  papille 
se  déplace  contre  le  plan  de  la  rétine  adjacente.  Dans  les  cas  d'excavations 
atrophiques,  le  déplacement  est  beaucoup  moins  brusque  et  presque  nul 
pour  les  parties  périphériques  de  la  papille.  De  plus,  les  vaisseaux  subissent 
aux  bords  de  l'excavation  glaucomafeuse  une  déviation  soudaine  qui  ne  s'ob- 
serve pas  dans  l'excavation  par  atrophie.  On  rencontre  dans  les  cas  de  la 
première  espèce  toujours  une  liyperémie  circonscrite  dans  les  veines  réti- 
niennes  immédiatement  au  delà  du  bord  de  l'excavation.  Enfin  on  observe 
ordinairement  dans  l'excavation  glaucomafeuse  le  pouls  de  l'artère  soit  spon- 
tané, soit  provoqué  par  une  pression  très-douce  du  globe,  ce  qui  n'existe  ja- 
mais dans  les  excavations  atrophiques. 

On  avait  longtemps,  par  une  singulière  erreur  optique,  regardé  les  exca- 
vations comme  des  saillies.  Depuis  que  M.  de  Graefe  a  signalé  cette  erreur, 
les  méthodes  se  sont  beaucoup  perfectionnées,  de  manière  qu'aujourd'hui 
l'on  n'est  pas  seulement  sûr  du  sens  dans  lequel  la  papille  a  changé  de  ni- 
veau, mais  qu'on  peut  aussi  déterminer  approximativement  le  degré  d'une 
excavation  et  d'une  saillie.  11  existe  en  efîet  des  saillies  de  la  papille  qui 
cependant  ont  été  beaucoup  moins  étudiées  jusqu'à  ce  temps,  et  dont  la  pré- 
sence a  une  relation  très-importante  avec  des  maladies  siégeaut  hors  de 
l'œil.  Il  y  a  plus  de  trois  années  M.  de  Graefe  vit  chez  lui  un  malade  qui  était 
hémiplégique  du  côté  droit  et  atteint  d'une  paralysie  de  la  septième  paire 
droite,  dément  en  grande  partie,  sujet  à  des  convulsions  épilcptiformes  et 
affecté  en  outre  de  cécité  complète  avec  dilatation  prononcée  des  pupilles. 
L'ophlhalmoscope  montrait  la  papille  du  nerf  optique  bombée,  formant  une 
saillie  irrégulièrement  hémisphérique.  La  substance  paraissait  opaque,  très- 
rouge  et  parsemée  cà  et  là  de  foyers  apoplectiques.  Les  veines  étaient  forte- 
ment remplies,  tortueuses,  se  cachant  en  partie  dans  le  tissu  opaque,  lu 
pourtour  de  la  papille  la  rétine  était  de  même  opaq\ie  et  rouge,  mais  seule- 
ment dans  une  étendue  de  quelques  millimètres.  Cette  opacité  devait  naturel- 
lement cacher  l'anneau  choroïdion,  de  manière  que  la  papille  avait  perdu  ses 
limites  ordinaires.  Le  malade  ayant  succombé  immédiatement  après  un  accès 
épilepliforme,  on  trouva  ce  qu'on  avait  soupçonné,  savoir  :une  tumeur  dans 
l'hémisphère  gauche.  Les  troncs  desnerfs  optiques  étaient  sains,  maisles  deux 
papilles  et  surtout  celle  du  côté  de  la  tumeur  étaient  affectées  d'une  infiltra- 
tion gélatineuse  avec  gonflement  des  éléments  du  tissu  cellulaire  interstitiel. 
Les  mêmes  pfiénomèncs  ophthalnioscopiques  de  la  papille  ont  été  rencon- 
trés dans  trois  autres  cas  où,  comme  dans  le  précédent,  une  tumeur  intra- 
cérébrale  avait  comprimé  et  aplati  le  cerveau.  Les  analyses,  faites  en  partie 
par  M.  Virchow,  en  partie  par  W.  Schweigger,  ont  fourni  des  résultats  ana- 
logues pour  les  changements  de  l;i  pai>ille.  Dans  deux  de  ces  cas  la  maladie 
était  assez  ancienne,  la  saillie  le  la  papille  et  l'cngorgemcut  des  vaisseaux 


m 

avaient  en  conséquence  diminué,  mais  l'hypertrophie  et  la  condensation  du 
tissu  cellulaire  étaient  plus  prononcées,  ainsi  que  l'atrophie  des  éléments 
nerveux. 

Les  caractères  ophthalmoscopiques  de  l'affection  en  question  se  distin- 
guent des  rétinites  par  la  concentration  des  phénomènes  sur  la  papille  elle- 
même  par  la  coloration  de  celle-ci  en  rouge  très-prononcé  et  par  la  restric- 
tion de  l'opacité  au  pourtour  de  la  papille  et  à  la  cavité  des  fibres. 

La  coïncidence  de  cette  affection  avec  les  tumeurs  du  cerveau  étant  con- 
statée quatre  fois,  il  s'agissait  de  trouver  le  lien  entre  les  deux  altérations. 
Comme  l'examen  microscopique  n'avait  démontré  dans  les  papilles  elles- 
mêmes  aucun  élément  analogue  à  ceux  de  la  substance  des  tumeurs,  mais 
simplement  de  l'hyperémie,  de  l'infiltration  séreuse  avec  gonflement  du 
tissu  cellulaire,  et  comme  d'un  autre  côté  il  y  avait  toujours  dans  le  crâne  les 
signes  d'une  pression  très-exagérée,  M.  de  Graefe  pense  que  c'est  un  lieu 
très-indirect  qui  explique  la  causalité,  savoir  l'hyperémie  mécanique  qui 
provient  de  la  compression  des  sinus  caverneux,  et  qui  produit  la  dilatation 
des  vaisseaux  veineux  et  une  infiltration  œdémateuse.  Il  paraît  d'abord 
étrange  que  ces  phénomènes  se  limitent  si  nettement  à  la  papille  elle-même, 
et  que  hors  de  l'œil  le  nerf  optique  ne  montre  pas  d'altérations  appréciables. 
Ceci  pourrait  cependant  s'expliquer  par  les  conditions  anatomiques  dans 
lesquelles  la  papille  se  trouve  resserrée  par  l'anneau  sclérotidien  peu  dila- 
table; elle  peut  cire  sujette  à  une  espèce  d'incarcération,  dès  qu'une  fois 
l'accumulation  de  sang  et  la  transsudation  de  sérum  ont  atteint  un  certain 
degré.  Déjà  l'expérience  a  démontré  à  M.  de  Graefe  que  la  même  affection  de 
la  papille  optique  se  rencontre  dans  un  degré  moins  prononcé,  et  avec  cer- 
taines modifications  dans  les  cas  où  le  siège  de  la  pression  n'est  pas  dans  le 
cerveau,  mais  à  la  base  du  crâne  ou  dans  l'orbite. 

Ces  résultats,  tout  en  plaidant  pour  l'explication  donnée,  imposent  des  ré- 
serves pour  les  conclusions  du  diagnostic.  La  saillie  de  la  papille  mentionnée 
ne  peut  pas  être  prise  pour  un  signe  pathognomonique  d'une  tumeur  du 
cerveau,  elle  peut  cependant  très-bien  contribuer  à  poser  le  diagnostic,  si 
les  autres  symptômes  le  rendent  vraisemblable  sans  le  trancher. 

En  ellét  ce  sont,  dans  la  série  des  maladies  intracraniennes,  surtout  les 
tumeurs  qui  donnent  le  plus  grand  excès  de  pression,  et  qui,  par  conséquent, 
seront  le  plus  aptes  à  produire  l'hyperémie  mécanique  dont  il  s'agit. 

Il  y  a  d'autres  altérations  de  la  rétine  et  du  nerf  optique  qu'il  faut  bien  dis- 
tinguer des  précédentes,  quoiqu'elles  aussi  se  combinent  avec  des  maladies 
iuliacranieunes.  Ici  la  papille  n'est  pas  seule  altérée,  mais  le  tronc  du  nerf 
lui-même  est  malade.  Il  parait  qu'il  s'agit  d'une  névrite  descendante.  L'oph- 
thalmoscope  montre  la  papille  gonflée,  il  est  vrai,  mais  pas  si  saillante,  sur- 
tout pas  si  rouge,  plutôt  grise  dès  le  début.  L'opacité  s'étend  beaucoup  plus 
dans  la  rétine,  dont  les  couches  moyennes  et  externes  sont  de  même  envu- 


154 

hies,  présentant  des  groupes  de  points  blancs,  des  plaques  blanches,  de 
nombreux  loyers  apoplectiques,  en  un  mot  des  altérations  très-semblables  à 
celles  que  l'on  rencontre  dans  la  maladie  de  Brigbt.  C'est  cette  forme  (jui 
complique  les  encéphalites,  et  qui  souvent  explique  la  cécité  double  ou  uni- 
latérale qui  les  accompagne.  Son  existence  est  importante  à  reconnaître, 
parce  que  sans  cela  ou  peut  attribuer  à  la  paralysie  du  nerf  optique  elle- 
même  des  conséquences  dues  à  la  maladie  périphérique.  Ainsi,  selon  M.  de 
Graefe,  un  foyer  apoplectique  ou  inflammatoire  dans  un  hémisphère  du 
cerveau  n'explique  jamais  par  lui-même  une  cécité  double.  11  ne  peut  expli- 
quer, par  les  symptômes  paralytiques  qu'il  provoque,  qu'une  hémiopiemono 
ou  bilatérale. 

S'il  y  a  amaurose  complète,  soit  d'un  œil  ou  des  deux,  il  faut  ou  bien 
que  le  foyer  central  soit  bilatéral  ou  qu'il  y  ait  quelque  complication  à  la  base 
du  crâne,  ou  enfin  que  l'affection  périphérique  mentionnée  soit  venue  se 
compliquer  avec  la  maladie  primitive.  Les  faits  de  pathologie  bien  analysés 
paraissent,  selon  M.  de  Graefe,  argumenter  strictement  en  faveur  de  l'ancienne 
théorie  de  Wollaston  concernant  la  semi-décussation  des  uerfs  optiques. 

IV.  —  Pathologie  comparée. 

NOTE  Sna  UN  ABCÈS  DU  REIN  CHEZ  LA  GRENOUILLE;  par  M.  KARR, 

interne  des  hôpitaux  de  Lyon. 

Les  maladies  de  la  grenouille  sont  peu  connues.  Le  hasard  nous  ayant  mis 
dernièrement  à  même  d'observer  un  abcès  du  rein  chez  ce  batracien,  nous 
avons  cru  ce  cas  assez  curieux  et  intéressant  pour  le  relater  ici.  Depuis,  nous 
avons  pu  voir  un  abcès  du  foie  et  de  la  rate  réunis  chez  un  de  ces  animaux. 
Si  nous  joignons  à  ces  diverses  lésions  d'organes  la  présence  de  distomes 
que  nous  avons  constaté  plusieurs  fois  dans  le  poumon  de  la  grenouille,  nous 
sommes  fondés  à  croire  que  les  maladies  de  ces  animaux  sont  nombreuses 
et  variées,  et  que  leur  description  peut  présenter  quelque  intérêt  au  savant 
comme  au  pathologislc. 

En  sacrifiant  une  grenouille  pour  des  expériences  physiologiques,  nous 
fûmes  fort  surpris  de  trouver  une  tumeur  anormale  à  la  partie  anléro-infé- 
férieure  de  la  colonne  vertébrale.  Voici  sa  description  : 

Situation.  —  Elle  est  située  au  devant  de  la  dernière  pièce  du  rachis,  au- 
quel elle  est  adhérente.  Son  bord  supérieur  correspond  un  peu  au-dessus  de 
l'origine  dos  nerfs  sciatiqucs  qui  longent  ses  côtés;  celui  de  droite  est  dé- 
bordé en  partie  par  la  tumeur.  Sou  bord  inférieur  repose  sur  les  parties 
molles  du  bassin.  Par  sa  face  postérieure,  elle  correspond  aux  parties  mus- 
culaires de  cette  région.  Sa  face  antérieure  est  en  contactavec  le  paquet  intes- 
tinal et  la  plupart  des  organes  contenus  dans  l'abdomen. 

Forme.  —  Elle  se  présente  sous  uu  aspect  irrégulièrement  arrondi;  elle  a 


155 
la  forme  d'un  ovoïde  à  grosse  extrémité  supérieure.  Sou  diamètre  transverse 
moyeu  mesure  6  millimètres.  Sa  couleur  jaunâtre,  plus  foncée  suivant  les 
poiuts,  paraît  due  à  une  certaine  quantité  de  graisse  inégalement  disposée 
à  l'intérieur.  La  veiue  cave  intérieure  du  côté  droit  passe  au-dessus  de  la 
tumeur,  et  la  divise  en  deux  parties  en  laissant  sur  elle  un  petit  sillon.  Celle 
du  côté  gauche  accompagne  les  nerfs  et  conserve  sa  position  normale. 

Consistance.  —  Au  premier  aspect,  la  tumeur  parait  solide  et  composée  de 
matériaux  graisseux.  Quand  on  la  touche  on  conserve  cette  conviction,  mais 
quand  on  presse  sur  elle  avec  l'extrémité  d'une  pince,  les  parois  se  dépri- 
ment avec  facilité,  comme  si  l'on  avait  affaire  à  une  collection  liquide. 

Anatomie  pathologique.  —  L'examen  de  la  tumeur  nous  a  permis  de  con- 
stater qu'elle  était  formée  de  plusieurs  couches  superposées  dans  l'ordre  sui- 
vant : 

1°  A  l'extérieur  une  couche  mince  résistante  recouverte  cà  et  là  par  des 
pelotons  adipeux,  et  présentant  tous  les  caractères  du  tissu  flbreux; 

1°  Une  couche  épaisse  à  demi  solide,  jaunâtre,  offrant  l'aspect  de  pus  à 
demi  concret,  nous  a  présenté  au  microscope  un  grand  nombre  de  globules 
de  pus  et  de  gouttelettes  graisseuses; 

3°  Au  centre  de  ces  deux  couches  se  trouvait  une  cavité  du  volume  d'un 
pois  remplie  de  pus.  Ici  même  le  microscope  nous  a  permis  de  constater  les 
éléments  histologiques  de  ce  produit. 

Les  os  situés  sous  la  tumeur  étaient  parfaitement  sains.  On  pouvait  croire 
d'abord  que  la  tumeur  avait  eu  pour  point  de  départ  une  lésion  osseuse  de  la 
colonne  vertébrale.  Mais  on  ne  trouvait  trace  de  lésion  ni  dans  les  os  ni  dans 
les  muscles,  qui  avaient  conservé  leur  aspect  normal. 

Ayant  éliminé  cette  double  origine,  le  point  de  départ  de  la  tumeur  deve- 
nait difficile  à  conjecturer.  On  pouvait  se  reposer  à  l'idée  qu'elle  avait  pris 
naissance  dans  le  tissu  cellulaire  du  bassin,  et  que  nous  avions  affaire  à  un 
abcès  chaud  développé  spontanément  ou  sous  une  cause  traumatique. 

Mais  en  examinant  attentivement  l'extérieur  de  la  tumeur,  nous  avions  re- 
marqué à  la  partie  inférieure  deux  prolongements  flottant  par  leur  extré- 
mité libre  et  amincie,  se  réunissant  supérieurement  et  se  confondant  avec  le 
reste  de  la  tumeur.  Ce  corps  bidenté  était  rougeâtre,  de  la  couleur  d'un 
ganglion  lymphatique.  Lorsque  par  la  dissection  nous  cherchâmes  à  isoler 
les  diverses  enveloppes  de  la  tumeur,  nous  aperçûmes  distinctement  que  la 
cavité  centrale  se  continuait  par  deux  culs-de-sac  dans  chacun  de  ces  pro- 
longements, à  une  faible  dislance.  11  devint  évident  pour  nous  que  ce  corps 
avait  été  le  point  de  départ  de  la  collection  purulente  qui  avait  détruit  une 
partie  de  sa  substance,  avait  repoussé  ses  éléments  et  s'était  coiffé  de  sa 
membrane  fibreuse  d'enveloppe.  Or  ce  corps  pouvait  se  reconnaître,  grâce 
aux  deux  prolongements  restés  sains  :  c'était  le  rein.  Pour  lever  tous  nos 
doutes  à  cet  égard,  nous  avons  examiné  comparativement  les  corps  rou- 


156 

geâlres  avec  des  reins  normaux  pris  sur  une  autre  grenouille,  et  le  micro- 
scope nous  a  donné  la  certitude  que  les  éléments  histologiques  étaient  les 
mêmes. 

V.  —  Électuicité  animale. 

EXPÉRIENCES  EXPLIQUANT  LE    PHÉNOMÈNE   ÉLECTHIQUE    DE  LA  TOBPILLE; 

par  M.  Armand  Moreau. 

L'auteur  a  lu  dans  cette  séance  la  note  suivante  : 

J'ai  l'honneur  de  présenter  à  la  Société  le  récit  d'expériences  faites  en  vue 
d'expliquer  le  phénomène  de  la  décharge  électrique  de  la  torpille.  Chaque 
expérience  a  été  instituée  d'après  une  idée  préconçue  en  rapport  avec  les 
idées  théoriques  que  l'on  se  fait  actuellement  sur  cette  question  difïïcile. 

La  théorie  la  plus  généralement  proposée  considère  l'organe  comme  agis- 
sant à  la  manière  d'une  pile,  et  par  conséquent  la  décharge  électrique  comme 
un  phénomène  lié  à  une  réaction  chimique.  On  suppose  une  sécrétion  se 
faisant  sous  l'influence  nerveuse;  j'ai  d'abord  cherché  à  voir  le  rôle  de  la 
circulation  dans  cette  fonction. 

Dans  une  première  expérience  j'ai  lié  toutes  les  artères  qui  vont  à  un  des 
deux  organes  électriques.  Il  faut  pour  cela  placer  la  ligature  sur  les  artères 
qui  vont  du  cœur  à  la  branchie  du  même  côté  ;  on  supprime  forcément  un 
des  organes  respiratoires,  mais  il  serait  presque  impossible  d'atteindre  sur 
l'animal  vivant,  dans  l'épaisseur  même  des  branchies,  les  origines  des  ar- 
tères qui  vont  à  l'organe  électrique.  Après  avoir  ainsi  supprimé  la  circulation 
sanguine  dans  un  des  organes,  j'ai  excité  les  nerfs  de  cet  organe  et  j'ai  con- 
staté que  les  décharges  électriques  étaient  encore  aussi  manifestes  qu'avant 
la  ligature. 

L'expérience  suivante,  faite  aussi  dans  le  but  de  voir  le  rôle  de  la  circula- 
tion dans  le  phénomène  de  la  décharge,  est  plus  concluante.  Sur  une  tor- 
pille vivante  j'ai  cherché,  en  arrière  de  l'estomac,  le  vaisseau  dorsal  :  c'est, 
comme  on  le  sait,  l'analogue  de  l'aorte  des  vertébrés  supérieurs;  mais  au 
lieu  de  naître  d'un  cœur  gauche,  il  résulte  de  la  réunion  des  vaisseaux  qui, 
sortant  des  branchies,  portent  le  sang  artérialisé.  J'ai  injecté  dans  le  vaisseau 
dorsal  et  du  côté  des  branchies  du  suif  maintenu  liquide  à  la  faveur  d'unt» 
température  convenable  et  d'une  petite  quantité  d'essence  dejérébenthine. 
La  torpille  a  péri  aussitôt,  et  {luelques  iniiiules  après,  le  suif,  solidifié  par  le 
refroidissemenl,  remplissait  toutes  les  artères  de  l'organe  électrique.  J'ai  en- 
suite excité  les  nerfs  de  l'organe  et  obtenu  des  décharges  manifestes. 

On  ne  peut,  dans  cette  expérience,  objecter,  comme  dans  la  précédenle, 
que  le  cours  du  sang  peut  se  rétablir  par  les  anastomoses  Irès-petites  qui 
oxistrnt  entre  les  vaisseaux  du  côté  droit  et  ceux  du  côté  gauche  de  l'animai, 
lui  outre,  dans  des  vaisseaux  remplis  de  suif,  les  phénomènes  d'exosmose 
ue  sont  pas  possibles  coram(î  on  peut  penser  qu'ils  le  sont  encore  dans  l'ex- 


157 

perience,  Lien  connue,  qui  consiste  à  obtenir  la  décliargc  eu  excitant  le  nerf 
d'un  morceau  de  l'organe  électrique  détaché  de  l'animal. 

Il  est  donc  établi  que  le  sang  qui  circule  dans  les  artères  n'est  pas  immé- 
diatement nécessaire  au  phénomène  de  la  décharge  électrique. 

Je  supposai  ensuite  qu'une  sécrétion  pouvait  encore  se  faire  sous  l'influence 
nerveuse  aux  dépens  des  éléments  liquides  renfermés  dans  le  tissu  lui-même, 
de  même  que  l'on  voit  dans  des  instants,  très-courts  il  est  vrai,  la  sécrétion 
de  la  glande  sous-maxillaire  se  produire  encore  quand  on  galvanise  le  filet 
nerveux  qui  part  du  lingual,  après  la  ligature  de  l'artère  de  la  glande;  et, 
pensant  que  les  réactions  chimiques  devaient  se  faire  dans  des  milieux 
acides  ou  alcalins,  j'espérai  que  l'expérience  suivante  me  fournirait  une  in- 
dication importante  relativement  à  la  nature  des  liquides  mis  en  présence. 

Je  choisis  des  torpilles  de  grande  taille  et  les  sacrifie  en  enlevant  rapiiic- 
ment  les  centres  nerveux  situés  au-dessus  de  la  moelle  épinière.  J'évite  ainsi 
les  décharges  volontaires  et  répétées,  qui  épuisent  l'organe.  Je  dissèque  en- 
suite la  peau  de  la  face  dorsale,  afin  de  rendre  bien  apparente  la  surface  su- 
périeure des  prismes.  Ils  sont  alors  très-visibles  et  offrent  des  dimensions  au 
moins  égales  à  celles  des  alvéoles  d'un  gâteau  de  miel.  Je  transperce  succes- 
sivement et  sans  en  passer  un  seul  chacun  des  50  prismes  les  plus  voisins 
de  l'abdomen;  ce  senties  plus  gros  de  l'organe.  Le  poinçon  pénètre  à  tra- 
vers le  diaphragme  supérieur  et  ressort  en  perçant  la  peau  qui  adhère  au 
diaphragme  le  plus  inférieur  du  prisme.  Quand  ils  sont  ainsi  tous  transpercés 
suivant  leur  axe,  je  fais  passer  successivement  dans  chacun  d'eux  un  cou- 
rant d'eau  fortement  acidifiée  par  l'acide  sulfurique.  Puis  je  coupe  l'organe 
de  façon  à  ne  conserver  que  le  département  composé  des  prismes  ainsi  tra- 
versés par  l'acide.  La  branchie  voisine  est  laissée  adhérente  à  l'organe  et  le 
nerf  respecté,  puis  le  tout  est  disposé  comme  il  convient  pour  constater  la 
manifestation  ou  l'absence  de  la  décharge  électrique.  J'excite  alors  le  nerf  et 
trouve  que  la  décharge  se  produit  toujours. 

Cette  expérience  fut  répétée  sur  une  autre  torpille  en  substituant  à  l'acide 
sulfurique  une  solution  de  potasse.  La  décharge  fut  obtenue  comme  dans 
l'expérience  précédente.  Je  m'assurai  en  faisant,  aussitôt  après  la  décharge 
obtenue,  différentes  sections  dans  l'organe,  qu'en  tous  les  points  le  papier 
tournesol  était  fortement  rougi  ou  bleui  suivant  que  j'avais  agi  avec  l'acide 
sulfurique  ou  la  potasse. 

Il  est  nécessaire  de  prendre  l'acide  et  l'alcali  à  un  degré  de  concentration 
capable  de  réagir  fortement  sur  le  papier  de  tournesol,  mais  cependant  bien 
loin  encore  du  maximum  de  concentration  ;  en  effet,  j'ai  obtenu  avec  des 
solutions  concentrées  l'arrêt  définitif  de  la  fonction  électrique. 

En  substituant  à  l'acide  sulfurique  l'acide  nitrique,  même  très-étendu,  jai 
cessé  immédiatement  d'obtenir  la  décharge.  L'aspect  opalin  que  prend  alors 
l'appareil  m'a  fait  penser  que  la  coagulation  de  l'albumine  était  la  cause  de 


158 

cet  e/Tet,  et  non  la  nature  acide  du  liquide.  L'alcool  et  le  tannin,  qui  tous 
deux  coagulent  l'albumine,  ont  donné  le  même  résultat. 

L'état  physique  du  milieu  parait  donc  plus  important  pour  la  fonction  que 
la  réaction  chimique  acide  ou  alcaline. 

Avant  de  tirer  des  conclusions,  je  désire  multiplier  et  varier  encore  ces 
expériences,  qui  ont  été  subitement  interrompues  par  des  circonstances  re- 
latives à  la  pêche  en  mer,  et  que  je  ne  puis  pour  cela  otTrir  aussi  précises 
qu'il  convient. 

Dans  un  prochain  travail,  je  donnerai  le  degré  de  concentration  des  li- 
queurs employée;^. 

VI.  —  Matière  médicale. 

NOTE  SLR  LA  MANNE  D'ALHAGI   MAURORUM,  D.  C;  par  J.  LÉON  SOUUEIRAN. 

Nous  devons  à  l'obligeance  de  M.  le  docteur  Gaillardot  qui  réside  à  Damas 
Syrie),  un  très-bel  échantillon  de  cette  manne,  très-rare  dans  les  collections 
de  matière  médicale,  et  que  dans  l'Orient  on  emploie  fréquemment  comme 
nourriture  et  comme  purgatif  en  la  mélangeant  d'infusion  de  séné. 

L'alhagi  Maurorum,  D.  C,  est  un  arbrisseau  épineux,  appartenant  à  ia  fa- 
mille des  légumineuses,  qui  laisse  exsuder  sur  ses  feuilles  et  ses  branches 
des  gouttelettes  à  demi  liquides,  qui  se  concrètent  au  contact  de  l'air.  Les 
habitants  recueillent  ces  exsudations  et  en  forment  des  pains  de  couleur 
jaune  verdâtre,  devenant  noirs  au  bout  de  quelque  temps,  quand  la  surface 
commence  à  fermenter  sous  l'influence  de  l'air  et  de  l'humidité.  Le  peu  de 
soins  avec  lequel  cette  récolle  se  fait,  est  cause  que  la  matière  sucrée  est 
toujours  remplie  d'une  notable  proportion  de  débris  de  feuilles  et  de  rameaux, 
ce  qui  doit  diminuer  la  valeur  du  produit. 

L'odeur  que  présente  la  manne  â'alhagi  en  pains  rappelle  tout  à  fait  celle 
du  séné;  la  saveur  est  aussi  celle  de  cette  plante  purgative,  en  même  temps 
que  sucrée.  Ces  deux  caractères  nous  font  supposer  que  cette  manne  doit 
jouir  plutôt  de  propriétés  purgatives  que  de  la  faculté  de  servir  d'aliments. 

La  récolte  de  la  manne  doit  se  faire,  au  rapport  des  voyageurs,  le  matin, 
car  les  rayons  du  soleil  déterminent  sa  liquéfaction.  Elle  ne  se  fait  pas  indif- 
féremment dans  toutes  les  localités,  car  il  faut,  pour  que  Valhagi  produise 
ses  exsudations,  certaines  conditions  de  végétation,  qu'on  ne  rencontre  que 
dans  des  localités  quelquefois  assez  limitées. 

Quelques  auteurs,  Ilallé,  Cuillemin,  ont  pensé  que  c'était  la  manne  d'alliagi 
qui  constituait  la  manne  des  Hébreux  ;  mais  aujourd'hui  plus  génératemeut 
on  s'accorde  à  reconnaître  comme  représentant  celte  nourriture  des  Israé- 
lites dans  le  désert,  le  lecanore  affinis,  Everem. 


COMPTE  RENDU  DES  SÉANCES 


SE 


LA  SOCIÉTÉ  DE  BIOLOGIE 

pendant  le  mois  de  novembre  1860; 
Par  m.  le  Docteur  Jules  LUYS,  secrétaire. 


PRESIDENCE  DE  M  RAYER. 


I.  —Physiologie. 

1»  DISTIN'CTION  ANATOMIQUE  ET  PHYSIOLOGIQUE   DES  NERFS  DE  SENTIMENT 
ET  DE  MOUVEMENT  CHEZ  LES  POISSONS. 

M.  Armand  Moreau  communique  à  la  société  la  note  suivante  : 
J'ai  déjà  eu  l'occasion  de  décrire  devant  la  Société  la  disposition  anato- 
mique  que  j'ai  rencontrée  dans  les  nerfs  des  poissons  cartilagineux,  disposi- 
tion qui  est  telle  que  la  racine  ganglionnaire  et  la  racine  non  ganglionnaire 
s'accolent  sans  s'intriquer,  et  qu'ainsi  le  nerf  mixte  qui  résulte  de  cet  acco- 
lement  peut  être  très-facilement  divisé  en  ses  deux  éléments  primitifs.  11 
suffit  en  effet  d'engager  une  aiguille  dans  l'interstice  visible  qui  sépare  les 
deux  racines  déjà  réunies  et  d'inciser  le  névrilemne.  On  écarte  alors  les 
deux  moitiés  et  on  voit  que  cette  séparation  se  continue  pour  ainsi  dire 


160 
d'elle-même,  et  permet  de  reconnaître  jusque  dans  les  nerfs  les  plus  fins 
que  l'œil  puisse  apercevoir  la  présence  des  deux  racines  racliidiennes  pro- 
longées. 

J'ai  mis  à  profit  cette  disposition  anatomique  pour  faire  la  recherche 
expérimentale  des  propriétés  physiologiques  des  racines  ganglionnaires  et 
non  ganglionnaires. 

Aujourd'hui  je  viens  indiquer-  comment  on  peut  rendre  complète  cette 
preuve  expérimentale  qui  ofl'rait  une  lacune  dans  mes  premières  expé- 
riences. 

J'avais  pu  constater  le  pincement  de  ce  que  la  racine  non  ganglionnaire 
donnait  lieu  à  des  mouvements  limités  aux  muscles  dans  lesquelles  le  nerf 
se  distribue,  et  de  plus  que  le  pincement  de  la  racine  ganglionnaire  ne  dé- 
terminait point  ces  mouvements. 

Ce  caractère  négatif  sulTisait  déjà  pour  montrer  que  la  racine  ganglion- 
naire n'est  pas  une  racine  de  mouvement  ;  mais  cette  racine  n'avait  pas 
offert  le  caractère  positif  qui  lui  appartient,  c'est-à-dire  la  propriété  de 
déterminer  des  mouvements  généraux  réflexes  quand  on  l'excite. 

L'artifice  opératoire  suivant  qui  exagère  singulièrement  les  actions  réflexes 
des  nerfs  rachidiens  m'a  permis  de  voir  de  la  façon  la  plus  nette  ces  mou- 
vements réflexes. 

J'ai  coupé  la  moelle  épinière  à  son  origine  et  divisé  une  partie  raclii- 
dienne  en  ses  deux  éléments  qui  sont  ses  deux  racines  prolongées,  comme 
il  a  été  établi  dans  le  récit  de  mes  dissections. 

Puis  coupant  chacune  de  ces  racines  prises  en  dehors  du  canal  vertébral , 
j'en  ai  pincé  successivement  les  quatre  bouts.  Lorsque  le  pincement  a  port'^. 
sur  le  bout  central  de  la  racine  ganglionnaire,  les  mouvements  réflexes 
les  plus  violents  ont  aussitôt  apparu. 

Le  pincement  du  bout  central  de  la  racine  non  ganglionnaire  n'a  donné 
lieu  à  aucun  mouvement,  non  plus  que  celui  du  bout  périphérique  de  la 
racine  ganglionnaire. 

Ces  expériences  montrent  que  tous  les  caractères  des  racines  rachidienncs 
observés  sur  les  animaux  supérieurs  peuvent  être,  de  la  manière  la  plus 
facile,  constatés  dans  la  classe  des  poissons.  Nous  exceptons  toutefois  la  sen 
sibilité  récurrente,  laquelle  n'a  encore  été  constatée  que  sur  des  mammi- 
fères. 

2»  EXPÉRIENCES  SUR  LES  EFFETS  DE  LA  GALVANISATION  DU  NERF  OCULO-MOTEUa 
COMMUN  CHEZ  LES  MAMMIFÈRES;  par  M.  YULPIAN. 

M.  VoLPiAN  rappelle  que  les  physiologistes  ne  sont  pas  encore  tous  d'ac- 
cord sur  les  efifets  que  produit  chez  les  mammifères  l'excitation  de  la  partie 
centrale  du  nerf  moteur-oculaire  commun  :  les  uns  admettent  que  l'excita- 


161 
lion  de  cette  partie  déteriuiue,  cûiimie  chez  loiseau,  des  contractions  très- 
manifestes  de  l'iris,  traduites  par  un  resserrement  de  la  pupille;  d'autres 
professent  que  cet  effet  n'est  produit  que  lorsqu'on  irrite  le  nerf  au  delà  du 
ganglion  ophtlialmique,  c'est-à-dire  lorsque  les  agents  excitateurs  sont  mis 
en  contact  avec  les  nerfs  ciliaires.  M.  Vulpian  a  fait  sur  le  chien  plusieurs 
expériences  relatives  à  cette  question.  Ayant  très-rapidement  mis  à  décou- 
vert sur  un  chien  la  base  du  cerveau  et  les  nerfs  qui  en  partent,  il  a  pu  por- 
ter les  électrodes  d'un  appareil  volta-faradique  sur  les  nerfs  oculo-moteurs 
communs  près  de  leur  origine.  Il  a  vu  constamment,  lorsque  l'opération  était 
faite  avec  célérité,  la  pupille  se  rétrécir  sous  l'influence  de  l'excitation  gal- 
vanique faite  sur  la  partie  du  nerf  comprise  entre  son  origine  et  son  entrée 
dans  le  sinus  caverneux.  Mais  l'excitabilité  de  cette  partie  du  nerf  disparaît 
très-promptemcnt  :  dès  que  la  galvanisation  n'y  produit  plus  d'effet,  si  l'on 
porte  les  électrodes  sur  la  partie  du  nerf  qui  est  comprise  dans  la  paroi  ex- 
terne du  sinus  caverneux,  on  obtient  encore  des  contractions  de  l'iris  pen- 
dant un  certain  temps. 

Le  nerf  oculo-moteur  commun  a  donc,  dès  son  origine,  une  excitabilité 
motrice  très-évidente  :  ce  qui  a  pu  la  faire  mettre  en  doute,  c'est  probable- 
ment sa  rapide  disparition  après  la  mort  des  animaux.  Mais  on  se  convain- 
cra toujours  facilement  que  l'excitation  de  ce  nerf,  en  deçà  du  ganglion 
ophthalmique,  est  suivie  de  contractions  de  l'iris  en  galvanisant  la  partie  de 
ce  nerf  qui  est  dans  la  paroi  du  sinus  caverneux,  car  le  nerf  conserve  le 
plus  longtemps  sa  motricité. 

II,  —  Anatomie. 

NOTE  SDR  LE  TISSU  PUOPRE  DU  BULBE   DENTAIRE  ;    pat  MM.  leS  dOCtCUrS 

Charles  Robin  et  Emile  Magitot. 

Le  tissu  de  la  masse  du  bulbe  dentaire  est  composé  de  noyaux  ovoïdes, 
parsemés  en  grand  nombre  dans  une  substance  homogène  transparente,  peu 
granuleuse,  et  plus  tard  ils  sont  accompagnés  de  fibres  lamineuses  peu  abon- 
dantes à  la  périphérie,  mais  davantage  vers  le  centre.  On  y  trouve  en  outre 
des  vaisseaux  et  des  nerfs. 

Tissu  du  bulbe  chez  le  foetus.  Les  noyaux  du  bulbe  sont  analogues  aux 
éléments  embr  y  o-plastiques,  mais  ils  sont  grisâtres,  plus  foncés  qu'eux,  moins 
clairs  au  centre  parce  qu'ils  sont  plus  granuleux;  leurs  granulations  sont 
grisâtres,  assez  foncées,  à  centre  peu  brillant;  ils  n'ont  pas  de  nucléole,  tan- 
disque  les  noyaux  embryo-plastlques  qui  leur  sont  mélangés  vers  le  point 
de  jonction  du  bulbe  avec  la  paroi  folliculaire  en  présentent  un  pour  la  plu- 
part. Ils  sont  plus  petits,  d'une  forme  ovoïde  moins  allongée  que  celle  de  ces 
derniers,  car  ils  n'ont  que  7  à  8  millièmes  de  millimètre  de  long,  rarement 
9  millièmes;  enûn  leur  contour  est  plus  foncé.  Ils  sont,  dureste,  insolubles 
C.  R.  11 


l'32 
dans  l'acide  acoUque  et  i)ar  leur  aspect  pénùnU  se  laii piochent  beaucoup  de 
ceux  qu'on  trouve  dans  la  substance  des  bulbes  des  poils  et  des  plumes. 
Sans  être  contigus,  ils  sont  rapprochés  les  uns  des  autres  et  l'intervalle  qlii 
les  sépare,  occupé  par  la  matière  amorphe  égale  de  1  à  4  fois  leur  diamètre, 
selon  les  âges  et  selon  les  régions  du  bulbe  ;  c'est  ainsi  qu'ils  sont  un  peu 
plus  écartes  chez  les  sujets  âgés  que  chez  les  autres  et  davantage  aussi 
vers  le  bord  que  vers  le  centre  du  bulbe  ou  de  ses  saillies.  Ces  noyaux  sont 
assez  généralement  dispOëés  parallèlement  les  uns  aux  autres,  et  même  leur 
grand  diamètre  est  assez  communément  aussi  parallèle  à  l'aie  vertical  du 
bulbe.  Cette  disposition  est  très-manifeste  et  très-élégante  dans  les  longs  et 
minces  prolongements  qui  de  la  base  du  bulbe  s'enfoncent  dans  les  divisions 
de  la  couronne  chez  les  ruminantSj  les  pachydermes,  etc. 

La  matière  amorphe  interposée  aux  noyaux  est  tenace,  élastique,  assez 
résistante  sous  les  aiguilles  qui  cherchent  à  la  dilacérer.  Elle  est  remar- 
quablement transparente  vers  la  surface  du  bulbe  et  dans  les  prolongements 
dont  il  vient  d'être  question  ci-dessus.  Elle  est  parsemée  de  fines  granula- 
tions moléculaires  qui  sont  plus  abondantes  vers  le  centre  qil'à  la  surface  du 
bulbe.  Cette  matière  amorphe  est  plus  claire,  plus  transparente  chez  les  ani- 
maux qu'on  vient  de  tuer  que  chez  ceux  qui  ont  atteint  ou  dépassé  la  période 
de  rigidité  cadavérique.  Comme  diverses  espèces  d'éléments  anatomiques  et 
de  substances  amorphes  solides  ou  demi-solides,  celle-ci  subit  après  la  mort 
une  sorte  de  coagulation  qui  la  rend  finement  granuleuse  dans  des  points  où 
elle  ne  l'était  pas  auparavant. 

Il  entre  dans  la  constitution  du  bulbe  de  véritables  noyaux  embryo-plas- 
tiques,  mais  ils  se  trouvent  surtout,  comme  nous  l'avons  dit,  vers  sa  base  et 
à  l'endroit  de  sa  continuité  avec  la  paroi  folliculaire. 

Postérieurement  à  l'apparition  des  vaisseaux  dont  il  sera  question  plus 
loin,  on  voit  un  certain  nombre  de  ces  noyaux  devenir  le  centre  autour  du- 
quel naissent  les  corps  flbro-plastiques  qu'on  trouve  avec  les  éléments  pré- 
cédents, au  sein  du  tissu  bulbaire  à  partir  du  cinqiiième  mois  environ  de  la 
vie  intra-utérine  chez  l'homme,  et  qui  plus  tard  arrivent  à  l'état  de  fibres  la- 
raineuses  proprement  dites. 

Ce  sont  les  corps  fibro-plastiqucs  fusiformes  et  étoiles  que  Purkinge  et 
Raschkou  appellent  (1835)  «  granules  anguleux  réunis  par  des  fils  très-déliés 
de  tissu  cellulaire.  «  C'est  la  même  disposition  dont  parlent  Koelliker,  Lent 
et  Hannover  sous  le  nom  de  cellules  étoilées  de  la  pulpe  dentaire. 

Ces  corps  fibro-plasliques,  fusiformes  ou  étoiles,  sont  assez  rares  :  où  lés 
rencontre  particulièrement  vers  la  base  adiiérento  du  bulbe  à  l'endroit  de 
sa  coutinuité  avec  la  paroi  folliculaire.  La  généraliou  de  ce  corps  fibro-plas- 
tique  s'effectue  par  suite  d'une  série  do  [ihénomènes  d'évolution  qui  ont 
pour  centre  le  noyau  embryo-plastique. 

Sur  deux  points  opposés  da  noyau,  on  voit  naître  un  prolongement  à  ron- 


leur  L1SSC2  net,  niais  jiùie  et  deili^;  sa  forme  est  colle  d'un  cOne  dont  la  base 
correspond  au  noyau  qu'elle  entoure  et  dont  l'extrémité  effilée  suit  une  direc- 
tion rectiligne  si  la  matière  amorphe  qui  l'environne  est  abondante  et  les 
noyaux  rares;  elle  suit  au  contraire  une  direction  sinueuse  et  irrégulière  si 
les  noyaux  sont  pressés  l'un  contre  l'autre.  Le  noyau  compris  de  cette  ma- 
nière entre  deux  prolongements  coniques  devient  lusiforme  (corps  fibro- 
piastiques  fusiformes).  Seulement,  il  faut  remarquer  que  ce  n'est  pas  aux  dé- 
pens de  sa  substance  que  se  forment  les  prolougemeats,  car  ce\ix-ci  se 
produisent  autour  du  noyau  comme  centre  de  génération.  Tour  (juelques 
éléments  il  en  nait  sur  les  différents  points  de  la  circonférence  du  noyau, 
et  celui-ci  se  trouve  bientôt  entouré  de  rayons  plus  ou  moins  nombreux 
(corps  fibro-plastiques  étoiles)  qui  se  ramiflent  et  s'anastomosent  réciproque- 
ment. Ils  forment  ainsi  dans  les  points  où  ils  existent  et  lorsque  leur  évolu- 
tion en  fibres  est  achevée,  le  réseau  ou  la  trame  de  libres  lamineuses  de  la 
pulpe  dans  les  mailles  de  laquelle  sont  mêlés  les  autres  éléments  de  l'oiigune. 

Lorsque  les  corps  fibro-plastiques  sont  arrivés  à  l'état  de  fibres  lamineuses 
leur  noyau  s'atrophie  et  disparaît  tandis  que  de  nouveaux  noyaux  subissent 
au  sein  de  l'organe  la  même  évolution. 

Un  fait  très-digne  de  remarque  dans  l'étude  de  la  texture  du  bulbe  chez 
des  sujets  d'espèces  différenteo,  mais  à  des  âges  corespondaûts,  c'est,  comme 
nous  l'avons  déjà  dit,  la  complète  identité  de  composition  auatomique  de  cet 
organe  dans  la  série  des  vertébrés  et  par  suite  l'analogie  d'aspect  de  son  tissu 
sous  le  microscope,  quelles  que  soient  d'ailleurs  les  diversités  de  forme  et 
de  volume.  Partout  on  observe  le  môme  mode  de  distribution  des  noyaux 
dans  la  matière  amorphe,  le  même  mode  de  disposition  et  de  configuration 
des  corps  fibro-plastiques  situés  au  voisinage  de  la  base  du  bulbe  vers  le 
point  de  continuité  de  substance  avec  la  paroi  folliculaire.  Dans  cet  endroit, 
on  constate  que  le  tissu  est  toujours  plus  transparent  que  dans  le  reste  de 
l'étendue  de  l'organe  et  l'on  y  rencontre  plus  facilement  les  corps  fibro-plas- 
tiques étoiles  plongés  dans  une  matière  amorphe  transparentes  moins  gra- 
nuleuse que  dans  le  reste  du  bulbe.  Enfin  on  remarque  que  sur  le  bord  libre 
du  bulbe  le  tissu  de  l'organe  offre  une  transparence  plus  grande  qu'ailleurs 
parce  que  la  matière  amorphe  y  prédomine  sur  les  noyaux.  Les  seules  par- 
ticularités qui  d'un  groupe  de  mammifères  à  l'autre  méritent  d'être  notées, 
c'est  que  tantôt  le  tissu  offre  une  grande  transparence  et  les  noyaux  ainsi 
que  la  matière  amorphe  sont  très-pâles  (ruminants);  d'autres  fois,  la  matière 
amorphe  est  plus  granuleuse,  les  noyaux  et  corps  fusiformes  plus  foncés 
(pachydermes);  ou  bien  les  corps  fibro-plastiques  fusiformes  ou  étoiles  sont, 
vers  la  base  adhérente  du  bulbe,  plus  nombreux  que  les  noyaux  (homme, 
carnassiers).  Mais  les  caractères  généraux  de  texture  sont  si  analogues  qu'il 
est  toujours  possible,  dans  une  préparation  réunissant  toutes  les  parties  com- 
posaales  d'un  follicule,  de  rccoauaiire  le  bulLe  ù  sa  coustitution  spéciale. 


Matièrk  A.Moiii'HE  KT  SI  HKACK  DU  BULBK  CHEZ  LE  roKTUs— l>a  iiuilifie  amor- 
plie  trauspaiente  inlerposée  aux  noyaux  les  dépasse  sur  toute  la  surface  du 
bulbe  dans  une  épaisseur  de  1  à  2  centièmes  de  millimètres  jusqu'auprès  de 
son  adhérence  à  la  paroi.  Elle  s'avance  ainsi,  comme  un  vernis  relativement 
épais,  au  delà  de  toute  la  portion  du  bulbe  essentiellement  formée  de  noyaux 
et  de  substance  amorphe  finement  granuleuse.  Elle  est  pâle,  très-transpa- 
rente, dépourvue  de  noyaux  et  de  granulations  moléculaires  dans  toute 
cette  portion  qui  dépasse  ainsi  le  tissu  fondamental  du  bulbe.  C'est  dans  l'é- 
paisseur de  cette  couche  que  naissent  les  cellules  de  la  dentine,  un  peu  avant 
la  vascularisation  du  bulbe  pour  les  follicules  de  la  première  dentition,  et  uu 
peu  après  cette  vascularisation,  au  contraire,  pour  les  dents  permanentes 
ou  de  la  deuxième  dentition  ;  eu  sorte  qu'elle  n'est  disposée,  comme  nous 
venons  de  le  dire,  qu'autant  que  ces  cellules  ne  sont  pas  encore  apparues, 
ou  dans  les  parties  seulement  où  elles  ne  sont  pas  encore  nées. 

La  surface  de  cette  portion  de  matière  amorphe  est  plus  dense  que  la  por- 
tion sous-jacente,  et  se  ride  facilement  par  les  manœuvres  de  la  préparation 
en  formant  des  plis  très-fins  et  élégants  qui  s'étendent  des  bords  ou  du  som- 
met du  bulbe  vers  le  milieu  de  sa  surface.  C'est  cette  couche  qui  depuis 
Raschkow  a  reçu  le  nom  de  membrana  precformativa  d'après  l'idée  adoptée 
par  beaucoup  d'auteurs,  mais  reconnue  fausse  depuis  que  c'est  d'elle  que 
procéderait  l'ivoire  (Raschkow,  Meletemata  circa  mammalium  dentium  evo- 
lulionem.  \Vatislavi;e,  1835,  iu-4»,  p.  5).  Todd  et  Bowmann  l'ont  appelée 
transparent  homogeneous  membrane  forming  the  surface  of  the  dentinal  pulp 
(Physiological  anatomy.  London,  1847  in-S»,  p.  ISGj.  Ils  la  considèrent  à  tort 
comme  un  reste  de  la  réflexion  de  l'épithélium  du  sac  ou  follicule  modifié 
dans  sa  structure.  Marcuseu  a  admis  à  tort  aussi  que  la  membrana  prafor- 
mativa  n'était  rien  autre  que  la  partie  du  bulbe  changé  en  os  la  première 
(Sur  le  développement  des  dents  des  mammifères,  Bulletin  de  l'Académie 
iMPÏiRiALE  DE  SAINT  PiiTERSBOunG,  1850,  in-S»,  t.  YllI,  p.  314).  Elle  n'est  point 
non  plus  la  couche  la  plus  extérieure  des  cellules  de  la  dentine,  comme  l'ad- 
met Hannover  [Ueber  die  Entwichelung  xmd  den  Bau  des  Saegethier^ahns. 
Veiiha>dlungen  der  Kaiserliciien,  Leopold-Carolinischen  Académie  der 
NATURFORSCHER.  Brcslau,  1857,  in-4°,  t.  XXV,  p.  12). 

Cette  couche  superficielle  est  en  continuité  de  substance  avec  la  matière 
amorphe  sous-jacente.  La  macération  dans  l'eau  sépare  ces  deux  parties,  et 
il  est  alors  possible  de  la  voir  sous  le  microscope  détaché  du  reste  de  l'or- 
gane et  flottant  dans  le  liquide  de  la  préparation  en  lambeaux  membrani- 
formes  très-délicats. 

Lorsqu'on  dilacère  le  tissu  du  bulbe,  cette  couche  superficielle  se  détache 
de  la  portion  sous-jacente  plus  molle  en  lambeaux  d'une  transparence  ex- 
trême, sans  granulations,  ni  stries  et  trop  minces  pour  qu'on  puisse  voir 
deux  lignes  peruieliaiit  d'en  mesurer  l'épaisseur.  Elle  cosse   d'exister  où 


I(i5 
s'arrête  l;i  couche  amorplie  transparente  si??naléo  ci-cle?Hiis,  c'est-à-ilire  vers 
la  jouction  de  la  base  du  bulbe  à  la  paroi.  Lorsque  les  cellules  de  la  dentine 
sont  nées  et  forment  une  rangée  à  la  surface  du  bulbe  dans  la  couche  de  ma- 
tière amorphe  dont  elles  prennent  la  place,  on  peut  voir  encore  passant 
au-dessus  d'elles  cette  portion  superficielle  plus  dense  qui  peut  en  être  dé- 
tachée en  lambeaux  membraniformes,  et  qui  persiste  longtemps  après  l'é- 
poque de  l'apparition  de  l'ivoire  et  de  l'émail  même,  à  la  surface  duquel  on 
peut  la  suivre  et  la  retrouver. 

Changements  OUI  SURVIENNENT  AVEC  l'âge  DANS  la  texture  durulbe.— 
C'est  quelques  jours  après  l'apparition  des  cellules  de  la  dentine  au  sommet 
des  bulbes  de  la  première  dentition  que  se  développent  les  vaisseaux  dans 
l'épaisseur  de  ceux-ci,  et  quelque  temps  avant,  au  contraire,  dans  les  bulbes 
de  la  deuxième  dentition.  C'est  un  peu  après  cette  vascularisation  que  se 
montrent  les  nerfs  dans  le  bulbe. 

En  même  temps  que  s'effectuent  les  phénomènes  qui  précèdent,  on  con- 
state au  sein  du  bulbe  la  production  d'un  grand  nombre  de  fibres  lamineuses, 
résultat  de  l'évolution  ultérieure  des  corps  flbro-plastiques  fusiformes  et 
étoiles.  Nous  allons  faire  connaître  les  changements  pour  ne  pas  interrom- 
pre la  description  de  la  texture  générale  du  bulbe,  et  nous  décrirons  ensuite 
la  disposition  des  vaisseaux  et  des  nerfs. 

Par  suite  du  passage  à  l'étit  de  libres  lamineuses  des  corps  fibro-plasti- 
ques  et  de  la  production  incessante  de  ceux-ci,  la  consistance  du  bulbe 
augmente  graduellement. 

La  multiplication  des  faisceaux  de  fibres  lamineuses  a  pour  effet,  non- 
seulement  d'augmenter  sa  résistance,  mais  encore  de  diminuer  la  transpa- 
rence ce  qui  le  rend  plus  difficile  à  étudier.  Dans  l'intervalle  de  ces  faisceaux 
et  dans  leur  épaisseur,  on  retrouve  un  certain  nombre  de  noyaux  embryo- 
plastiques  que  l'addition  d'une  goutte  d'acide  acétique  dans  la  préparation 
rend  plus  évidents.  La  matière  amorphe  au  sein  de  laquelle  ces  éléments  se 
trouvent  inclus  est  grisâtre,  finement  granuleuse  et  d'une  consistance  bien 
plus  considérable  éhez  les  sujets  âgés  que  chez  les  jeunes,  circonstance  qui 
concourt  à  donner  au  bulbe  une  résistance  qui  augmente  avec  l'âge. 

Pendant  que  s'opèrent  ces  modifications  du  bulbe,  il  diminue  graduelle- 
ment de  largeur  et  d'épaisseur,  d'une  manière  à  la  fois  absolue  et  relative, 
mais  il  s'allonge  considérablement  à  mesure  que  se  développent  les  racines 
au-dessous  de  la  couronne  dentaire.  Cette  portion  radiculaire  du  bulbe  est 
grêle  et  le  devient  de  plus  en  plus  avec  l'âge,  mais  cependant  elle  est  diffi- 
cile à  rompre,  plus  tenace  et  plus  résistante  que  la  portion  qui  remplit  la 
cavité  de  la  couronne  ;  car  la  texture  de  cet  organe  offre  plusieurs  particu- 
larités en  rapport  avec  sa  forme.  Il  résulte  de  ces  changements  que  sur  les 
dents  uniradiculaires  le  bulbe  est  en  forme  de  massue,  à  partie  rétréoie 
plus  ou  moins  loncrue  et  d'an'ant  plu?  grêle  nue  le  sujpf  est  plus  âgé.  Sur 


les  dents  muUicnspidt'cs,  la  ijarlio  cùi'onaire  du  buU)e  se  prûlonge  à  sa 
base  en  autant  de  portions  rétrécies  qu'il  y  a  de  racines. 

Ces  prolongements  grêles  dpivent  leur  résistance  à  ce  qu'ils  sont  entière- 
ment fprmés  de  libres  lamineuses,  disposées  en  faisceaux  ou  nappes  paral- 
lèles, entourant  les  vaisseaux  et  les  tubes  pervcux  qui  s'y  voient  encore 
disposés  en  faisceaux  serrés.  L'acide  acétique  fait  découvrir  quelques 
noyaux  embryo-plastiques  dans  pes  faisceaqx  ou  nappes  de  fibres  lami- 
neuses. Celles-ci  sont  accompagnées  d'un  peu  de  substance  amorphe,  trans- 
parente, finement  granuleuse  qui  |cs  empâtent  en  quelque  sorte.  Mais  dans 
cette  matière  amorphe  à  ce  niveau,  il  n'y  a  pas  de  noyaux  ovoïdes  propres 
au  tissu  bulbaire.  Les  fibres  lamineuses  sont  fines,  disposées  parallèlement 
les  unes  autres,  rectilignes,  un  peu  onduleuses  ;  aussi  le  tissu  du  bulbe 
se  déchire  facilement  dans  le  sens  de  sa  longueur  et  plus  dilpcilement  en 
travers. 

En  suivant  ces  fibres  dans  la  partie  rpnflée  ou  coronnaire  du  bulbe,  on 
es  voit  s'écarter  davantage  les  uns  des  autres,  sous  forme  de  faisceaux 
tâches  ou  de  nappes,  qui  s'entrecroisent  parfois.  En  mêine  temps  on  trouve 
une  plus  grande  quantité  (le  matière  amorphe  que  dans  la  partie  radiculaire 
du  bulbe,  fait  qui  coïncide  avec  la  plus  gran4e  mollesse  de  celte  portion 
coronnaire. 

Cette  matière  amorphe  est  un  peu  plus  ferme  que  chez  le  fœtus  ;  elle  est 
un  peu  plus  granuleuse  et  moins  transparente,  comme  nous  l'avons  dit.  Elle 
dépasse  de  quelques  centièmes  de  millimètre  la  portion  peutrale  occupée 
par  les  fibres  et  forme  la  partie  superficielle  du  bulbe;  mais  les  ansps  des 
vaisseaux  papillaires  s'avancent  jusqu'à  sa  surface  même  une  fois  que  l'évo- 
lution de  chaque  dent  est  achevée.  A  cette  époque  aussi  celte  substance  se 
trouve  directement  en  contact  avec  la  face  interne  de  l'ivoire,  tandis  que  tant 
que  la  racine  n'a  pas  atteint  toute  sa  longueur,  on  trouve,  vers  le  bord  mince 
de  la  dent  qui  croît,  entre  la  substance  du  bulbe  et  celle  de  l'ivoire,  une 
rangée  de  cellules  de  la  dentine.  Du  reste,  sur  les  dents  complètement  déve- 
loppées de  l'enfant  comme  de  l'adulte,  la  portion  superficielle  de  cette  ma- 
tière amorphe  est  devenue  plus  dense  que  la  portion  sous-jacente;  elle  se 
détache  eu  lambeaux  membranifornics  minces,  transparents,  analogues  à 
ceux  qu'on  sépare  de  la  surface  du  bulbe  avant  l'apparition  des  cellules 
dcntinaires  pt  qu'oP  3  appelés  membrana  •prcrformativa.  Seulement  sur  les 
bulbes  des  dents  développées  ces  lambeaux  se  détachent  moins  facilement  et 
sur  une  moindre  étendue  parce  que  la  matière  sous-jacentc  est  plus  ferme; 
en  outre,  leur  substance  est  llncment  granuleuse,  enfin  par  places,  elle  en- 
traîne des  noyaux  propres  de  la  substance  du  bulbe,  ce  qui  n'a  pas  lieu  pour 
la  précédente. 

La  matière  amorphe  dont  nous  venons  de  parler  est,  en  effet,  parsemée 
de  ces  noyaux  comme  pendant  l'état  fœtal  du  bulbe,  et  il  y  en  a  jusqu'à 


107 
•2  OU  3  millièines  de  iriilliinùlre  de  laisurfaco  nK^^me  de  la  portion  coronaire 
du  bulbe,  c'est-à-dire  presque  jusqu'au  contact  de  l'ivoire.  Ces  noyaux  sorit 
plus  rares,  plus  écartés  les  uns  des  autres  que  pendant  l'état  fœtal  ;  ils  sont 
plus  nombreux  prés  de  la  surface  du  bulbe  que  vers  la  profondeur,  où  on  les 
voit  devenir  de  plus  en  plus  rares,  tandis  que  ce  sont  les  fibres  qui  sont 
plus  abondâtes.  Ces  noyaux  sont,  du  reste,  semblables  à  ceux  du  fœtus,  si  ce 
n'est  qu'ils  sont  un  peu  plus  allongés,  bien  qu'à  un  faible  degré.  On  remarque 
enfin  que  le  tissu  de  la  portion  coronaire  dn  bulbe  est  plus  mou  à  la  surface 
où  ils  abondent  que  vers  la  profondeur  où  les  fibres  prédominent. 

III.  — Anatomie  comparée. 

1'  NOTE  SUR  LA  CONFCBMATION  EXTÉRIEURE  DE  L'ESTOMAC  DU  KANGnROO 

(de  Benett)  ;  par  C.  Sappey. 

L'estomac  du  kanguroo  est  remarquable  par  sa  capacité,  par  son  enroule- 
ment circulaire,  et  surtout  par  sa  conformation  extérieure  qui  le  distingue 
essentiellement  de  celui  de  tous  les  autres  mammii'èrGS. 

Le  volume  considérable  de  ce  viscère  sulTirait  à  lui  seul  pour  accuser  la 
nature  des  aliments  la  plus  habituellement  soumise  à  son  action  :  le  kan- 
guroo est  herbivore;  et  nous  ne  saurions  nous  étonner  par  conséquent  des 
grandes  dimensions  que  présente  son  estomac;  aussi  je  ne  les  aurais  pas 
mentionnées  si  cet  organe  par  sa  capacité  ne  méritait  d'être  remarqué  même 
parmi  ceux  des  animaux  qui  se  nourrissent  exclusivement  de  végétaux. 
Sous  ce  point  de  vue  la  kanguroo  se  rapproche  des  rongeurs  qui  ont  tous 
l'estomac  plus  ou  moins  volumineux  et  parmi  lesquels  G.  Cuvier  l'avait  en 
effet  classé. 

L'enroulement  que  présente  le  grand  axe  de  l'estomac  cbez  cet  animal  est 
presque  circulaire  dans  l'état  de  vacuité  ;  lorsqu'il  est  distendu  par  les  ali- 
ments, ou  artificiellement  à  l'aide  de  rinsufilation.la  courbe  qu'il  décrit 
devient  spiroïde,  ses  deux  extrémités  se  croisant  pour  se  porter  l'une  en 
avant  l'autre  en  arrière.  La  concavité  que  nous  offre  le  bord  supérieur  de  ce 
viscère  cbez  l'bommeet  tous  les  mammifères  se  trouve  donc  ici  si  pronon- 
cée qu'à  l'arc  ou  à  la  simple  courbure  la  nature  a  substitué  une  véritable 
spirale. 

Mais  c'est  surtout  par  sa  conformation  extérieure  que  l'estomac  du  kan- 
guroo diffère  de  celui  de  tous  les  autres  vertébrés.  Cette  conformation  est 
tout  à  fait  semblable  et  même  identique  à  celle  que  nous  off're  le  gros  intes- 
tin cbez  l'homme  et  la  plupart  des  mammifères  herbivores.  Comme  celui-ci, 
il  est  parcouru  par  trois  bandes  musculaires  parallèles  à  son  grand  axe^  éga- 
lement espacées  et  ofl'rant  une  largeur  de  12  à  15  millimètres.  Chacune  de 
ces  bandes  est  lisse  aussi.  Dans  leurs  intervalles  on  remarque  une  triple 
série  de  bosselures  très-prononcées,  et  dans  chaque  série  également  les  bos- 


1G8 
«dures  sont  S('paroes  les  unes  des  autres  par  autant  de  dépressions  angu- 
leuses qui  font  saillie  dans  la  cavité  de  l'estomac.  Ainsi  par  sa  forme  très- 
allongée,  dans  l'enroulement  plus  que  circulaire  de  son  grand  axe,  par  ses 
trois  bandes  longltudinalement  dirigées,  par  ses  trois  séries  de  bosselures 
et  d'étranglements,  cet  organe  reproduit  très-lidèlement  le  mode  de  confor- 
mation du  gros  intestin  des  mammifères  herbivores,  et  comme  la  tunique 
musculaire  est  semblablement  disposée  dans  ces  deux  viscères,  comme  la 
tunique  muqueuse  elle-même  offre  la  plus  remarquable  analogie  dans  l'un  et 
l'autre,  on  peut  dire  sans  aucune  exagération  qu'il  serait  difficile  et  impos- 
sible peut-être  de  trouver  dans  la  série  animale  deux  organes  qui  présentent 
autant  de  similitude  au  point  de  vue  anatomiquo  et  autant  de  différence  au 
point  de  vue  physiologique. 

2°  NOTE  SUR  LA  LANGUE  DU  FLAMANT;  par  M.  DARESTE. 
• 

Le  flamant  ordinaire  [Phœnicopterus  riiher),  diffère  de  tous  les  oiseaux 
connus  par  la  conformation  de  la  langue.  Cet  organe  qui,  chez  la  plupart  des 
oiseaux  est  à  peu  près  entièrement  cartilagineux,  a  chez  le  flamant  un  vo- 
lume très-considérable,  et  une  apparence  charnue.  En  disséquant  avec  soin 
la  langue  d'un  de  ces  oiseaux,  j'ai  reconnu  que  cette  apparence  est  due  à 
l'existence,  au-dessous  delà  muqueuse  buccale, d'un  tissu  adipeux  extrême- 
ment abondant,  et  dont  les  cellules  sont  remplies  par  une  graisse  liquide  de 
couleur  rouge  ;  semblable  d'ailleurs  à  celle  que  l'on  retrouve  dans  le  tissu 
adipeux  des  autres  régions  du  corps.  Le  cartilage  lingual  qui  occupe  la  partie 
inférieure  de  la  langue  ne  diffère  pas  d'ailleurs  sensiblement,  quant  à  la  dis- 
position, et  aux  muscles  qui  le  font  mouvoir,  de  la  même  partie  chez  les  au- 
tres oiseaux.  C'est  évidemment  à  celle  accumulation  de  la  graisse  que  les 
langues  des  flamants  devaient  chez  les  Romains  leur  réputation  commealiraeut 
de  luxe. 

Cette  langue  m'a  d'ailleurs  présenté  une  particularité  assez  intéressante. 
Aristote,  dont  les  connaissances  exactes  on  anatomic  comparée  excitent  de 
plus  en  plus  notre  admiration,  avait  signalé  comme  un  caradlère  général  de 
la  classe  des  oiseaux,  l'absence  de  l'épiglotte.  C6  fait  a  été  vérilié  par  tous  les 
anatomistes  modernes.  Or  il  est  très-curieux  que  la  langue  du  flamant  pos- 
sède une  épiglotte,  assez  petite  il  est  vrai,  mais  cependant  tout  à  fait  compa- 
rable, par  la  forme  et  la  disposition,  à  l'épiglotte  des  mammifères.  Je  nie 
suis  assuré,  que  malgré  sa  petitesse,  cette  épiglotte  peut  cependant,  comme 
chez  les  mammifères,  fermer  l'orilice  supérieur  de  la  trachée  i)cndant  la  dé- 
glutition. 

Je  regrette  que  mes  occupations  ne  m'aient  point  permis  de  décrire  en  dé- 
tail ces  diverses  parties  :  mais  j'ai  conservi;  la  pièce,  et  j'espère  (juelque  jour 
[luuvoii  repiuudrc  complètement  ce  travail. 


Ifi9 
IV,  —  Anatomie  pathologique. 

MALADIE  DU  CœUR  ;  RÉTRÉCISSEMENT  ET  INSUFFISANCE  DE  L'ORIFICE  MITRAL  ; 
OEDÈME  PULMONAIRE,  APOPLEXIE,  INFLAMMATION  DU  POUMON;  OBSTRUCTION 
DE  l'artère  PULMONAIRE  ;  par  M.  DUMONTPALLIER. 

Obs!  —  Deffigier  (Marie),  31  ans.  Maladie  du  cœur  datant  de  plusieurs  an- 
nées :  œdème  général  ayant  commencé  par  les  extrémités  inférieures,  u.> 
cite.  Dyspnée,  matité  étendue  et  douloureuse  de  la  région  cardiaque,  palpita- 
tions violentes,  choc  de  la  pointe  dans  le  cinquième  espace  intercostal. 
Bruit  de  souffle  au  premier  temps  ayant  son  maximum  d'intensité  à  la  pointe, 
ne  se  prolongeant  point  dans  les  vaisseaux  du  cou.  Point  d'éloignement  des 
bruits  du  cœur. 

Double  épanchement  thoracique  ;  résorption,  puis  râles  sous-crépitants 
dans  la  portion  déclive  des  deux  poumons.  Plus  tard,  crachats  apoplecti- 
ques, bientôt  visqueux,  adhérant  au  vase,  râles  crépitants  dans  le  lobe  in- 
férieur du  poumon  gauche,  souffle  et  matité  dans  la  même  région. 

Douleur  dans  la  poitrine,  an.Kiété  extrême,  dyspnée  progressive,  teinte, 
bleuâtre  de  la  face.  Mort  par  obstacle  à  la  circulation  cardiaco-pulmonaire. 

Autopsie.  —  Cavité  thoracique  :  cœur  très-hypertrophié,  augmentation  de 
volume  portant  surtout  sur  les  deux  oreillettes.  L'oreillette  droite  est  dis- 
tendue par  du  sang.  L'oreillette  gauche  est  dure,  résistante  à  la  pression. 
Sillon  auriculo-ventriculaire  très-accusé,  dilatation  considérable  de  la  veine 
coronaire  antérieure.  Cœur  enlevé  avec  précaution  :  l'oreillette  droite  se 
vide  par  les  veines  caves  dont  il  sort  du  sang  liquide  noirâtre  et  à  demi 
coagulé.  L'oreillette  a  au  moins  doublé  de  capacité.  L'orifice  tricuspide  est 
peut-être  un  peu  dilaté,  mais  la  valvule  est  sufTisante.  L'oriflce  et  les  val- 
vules de  l'artère  pulmonaire  sont  dans  des  conditions  normales. 

L'oreillette  gauche  est  distendue  par  un  caillot  fibrineux,de  date  ancienne, 
adhérent  aux  parois,  à  couches  concentriques,  ramolli  en  plusieurs  points. 
Au  niveau  de  l'orifice  mitral  on  remarque  un  caillot  cruorique.  Cet  orifice  a 
la  forme  d'un  entonnoir  dont  l'extrémité  inférieure  est  tellement  rétrécie, 
résistante,  qu'elle  ne  peut  admettre  l'extrémité  du  petit  doigt.  La  valvule 
mitrale  est  épaissie,  dure,  semi-cartilagineuse,  fixe  et  n'a  conservé  aucune 
mobilité  de  ses  valves,  les  tendons  qui  bordent  la  valvule  sont  eux-mêmes 
épaissis.  Les  parois  de  l'oreillette  et  des  ventricules  ne  sont  point  hypertro- 
phiés. Substance  musculaire  de  coloration  et  de  consistance  normales. 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  remarquable  dans  l'état  du  cœur,  c'est,  d'une  part,  le 
rétrécissement  et  l'insuffisance  de  l'oriiice  mitral,  et  d'autre  part  la  présence 
du  caillot  fibrineux  de  l'oreillette  gauche  qui  faisait  ressembler  cette  cavité 
à  un  sac  anévrisraal. 


170 

L'observation  clinique  avait  établi  qu'il  existait  un  bruit  de  souffle  très- 
fort,  ressemblant  aux  vibrations  d'une  corde  de  viole,  au  premier  temps,  et 
couvrant  en  partie  le  petit  silence.  Ce  bruit  de  souffle  ne  pouvait  être  attri- 
bué au  rétrécissement  mitral,  parce  que  l'oreillette  gauche,  remplie  d'uu 
énorme  caillot  fibrineux,  ne  ppuvait  plus  chasser  le  sang  à  travers  l'orifice 
rétréci  avec  une  force  suffisante  poiu-  produire  un  bruit  de  souffle. 

Si  nous  remarquons  d'autre  part  que  les  orifices  tricuspides,  pulmonaire 
et  aortique  étaient  normaux,  on  ne  pouvait  les  accuser  de  produire  un  bruit 
de  souffle;  donc  nous  sommes  conduits  à  recoi]naître  que,  dans  ce  cas,  le 
bruit  de  souffle  au  premier  temps  était  dû  à  l'insufflsance  mitrale.  Cette  ob- 
servation clinique  et  anatomopathologique  vient  à  l'appui  de  la  théorie  de 
Rouanet,  si  remarquablement  soutenue  dans  ces  derniers  temps  par  les  belles 
expériences  de  M.  Chauveau. 

Poumons.—  L'examen  clinique  avait  permis  de  reconnaître  qu'il  existait  de 
l'apoplexie  pulmonaire,  de  l'œdème  et  de  l'inflammation  du  poumon.  Voici 
ce  que  démontra  la  npcropsie. 

A.  Poumon  droit.  —  Plusieurs  lobules  du  lobe  inférieur  sont  le  siège 
d'une  apoplexie.  Autour  du  noyau  apoplectique  le  tissu  pulmonaire  est  saiu, 
si  ce  n'est  dans  la  portion  la  plus  déclive  et  en  arrière  où  il  y  avait  de  l'œ- 
dème, ï^çf  branche  et  les  rameaux  de  l'artère  pulmonaire  qui  se  rendaient  à 
ce  noyau  apoplectique  étaient  complètement  oblitérés  par  des  caillots  fibri- 
neux, de  date  ancienne  et  adhérant  aux  parois. 

B.  Poumon  gauche.  —  Coloration  brune,  foncée  du  lobe  inférieur  et  plus 
particulièrement  dans  la  portion  costo-vertébrale  où  l'on  observe  aussi  une 
dureté  inégale  du  tissu  pulmonaire.  A  la  coupe  on  aperçoit  des  noyaux  mul- 
tiples d'apoplexie,  de  volume  variable,  réunis  enire  eux  par  des  portions 
de  tissu  enflammé,  ramolli, gangrené.  Au  milieu  des  noyaux  hèmorrhagiques 
se  dessinent  des  traînées  de  fibrine,  disposées  sans  ordre  apparent,  et  rappe- 
lant assez  bien  l'aspect  d'une  truffe  coupée  en  son  milieu.  Sur  les  limites 
des  parties  malades,  le  poumon  était  sain  et  ne  présentait  que  peu  d'œdème. 
Dans  le  lobe  supérieur,  on  observait  un  noyau  apoplectique,  de  forme  losan- 
gique,  dont  la  base  correspondait  à  la  surface  du  poumon  ;  ce  noyau  était 
isolé  au  milieu  d'un  tissu  normal.  A  toutes  les  parties  an'octées  d'hémorrha- 
gic  correspondaient  des  branches  et  des  rameaux  de  l'artère  pulmonaire, 
remplis  de  caillots  flbi'ineux.  La  coloration  des  caillots  était  plus  rouge, 
et  Icijr  consistance  moins  grande  dans  les  parties  les  plus  voisines  des 
foyers  hèmorrhagiques. 

Le  tronc  de  l'artère  pulmonaire  renfermait  un  caillot  fibrineux,  lamellaire, 
adhérent  à  la  partie  postérieure  du  vaisseau.  Ce  caillot  se  bilurquait  pour 
se  prolonger  à  gauche  dans  plusieurs  branches  et  rameaux  qui  se  rendaient 
aux  foyers  hèmorrhagiques.  Les  divisions  de  l'artère  étaient  complétemopt 
oblitérées,  les  parois  artérielles  épaissies,  et  leur  dissection  devenait  trfljs- 


171 

facile  au  milieu  du  tissu  pulmonaire.  Les  veines  pulmonaires  ne  pv^^sen- 
taient  aucune  altération. 

Dans  presque  toute  son  étendue,  là  mémo  oii  il  n'y  avait  point  de  caiUql?, 
l'artère  pulmonaire  présentait  une  teinte  jaune  de  sa  tunique  interne,  an- 
dessous  de  laquelle  on  distinguait  de  nombreux  dépôts  atliéromateux  dq 
forme  et  de  grandeur  variables. 

Les  caillots  du  poumon,  observés  au  microscope,  étaient  composés  de 
fibrine  granuleuse,  présentant  quelques  stries  éparses,  des  globules  rouges 
encore  rcconnaissables,  point  de  globules  blancs  ni  de  globules  graisseux. 

Les  fragments  du  caillot  trouvé  dans  l'oreillette  gauche  présentaient  les 
traqsfornjations  de  la  librine  ramollie  :  aspect  granulei]x,  globules  graj.-- 
seux  en  grand  nombre  et  quelques  globules  blancs. 

Comment  se  rendre  compte  des  diverses  lésions  pulmonaires?  Il  n'est  point 
rare  de  rencontrer  l'œdème,  l'inflammation  et  l'apoplexie  pulmonaires  dans 
les  maladies  organiques  du  cœur;  mais  quel  est  l'enchaînemeut  de  ces  lé- 
sions multiples  simultanées,  et  dans  leur  étiologie  quelle  part  faut-il  accorder 
à  la  présence  des  caillots  de  l'artère  pulmonaire? 

L'obstruction  pulmonaire  est-elle,  dans  ce  cas  particulier,  le  résultat  d'mie 
embolie,  c'est-à-dire  d'un  caillot  veineux  périphérique  qui  serait  venu  s'ar- 
rêter dans  l'artère  pulmonaire,  et  qui  aurait  secondairement  amené  la  forma- 
tiop  des  caillots  multiples,  puis  déterminé  l'œdème,  l'inflammation  et  l'apo- 
plexie du  poumon?  Telle  serait  la  physiologie  pathologique  qui  serait  ac- 
ceptée par  les  partisans  de  la  théorie  de  Virchow  sur  Terabolie  du  poumon. 
Pour  être  en  droit  de  nier  d'une  manière  absolue  que  les  phénomènes  patho- 
logiques aient  pu  suivre  cet  enchaînement  pathologique,  il  nous  eiit  fa|lu 
examiner  la  plus  grande  partie  du  système  veineux  cave  supérieur  et  infé- 
rieur. Nous  ne  l'avons  point  fait,  c'est  là  une  lacune;  mais  remarquons  que 
l'autopsie  n'a  dévoilé  aucune  lésion  du  cœur  droit,  et  que  nous  n'avons 
trouvé  dans  les  cavités  droites  de  cet  organe  aucun  caillot  de  formation  an- 
cienne. Ajoutons  que  l'observation  clinique  ne  nous  avait  révélé  aucun  des 
symptômes  qui  permettent  de  penser  qu'il  pouvait  exister  une  obstruclion 
veineuse  périphérique;  ajoutons  encore  que  la  gêne  respiratoire  avait  été 
progressive,  trouvant  sa  raison  dans  la  maladie  du  cœur,  les  complications 
pulmonaires,  et  que  la  dyspnée  n'avait  point  présenté  dans  son  apparition  la 
soudaineté  ordinairement  observée  dans  les  cas  d'embolie  pulmonaire. 
Enfin,  si  nous  rapprochons  cette  observation  de  celles  qui  ont  été  dernière- 
rement  publiées  par  M.  Lancereaux  (Soc.  de  biologie,  1860),  avec  lesquelles 
elles  présentent  de  grandes  analogies,  et  où,  après  recherches  convenables, 
il  a  été  impossible  de  constater  d'obstruction  périphérique,  nous  regrette- 
rons moins  la  lacune  que  nous  notons  dans  notre  observation,  et  nous  serons 
conduits  à  penser  que  l'obstruction  pulmonaire,  dans  ce  cas  particulier, 
n'est  peut-être  point  la  conséquence  d'une  embolie. 


172 

Recherchons  donc,  dans  le  poumon  lui-même  et  dmis  les  li'sloiis  cardia- 
ques, l'étiologie  de  l'obstruction  pulmonaire.  Et  pour  interpréter  les  phéno- 
mènes anatomiques,  aidons-nous  de  l'observation  clinique.  La  malade  était 
affectée  d'une  altération  considérable  de  l'orifice  mitral,  puis  dans  l'oreil- 
lette du  côté  gauche  l'autopsie  a  permis  de  constater  un  caillot  fibrineux  de 
date  ancienne,  adhérent  aux  parois,  et  assez  volumineux  pour  mettre  un 
obstacle  très-grand  à  la  circulation.  La  conséquence  de  cet  obstacle  à  la 
circulation  du  retour  du  poumon  vers  le  cœur  détermina  de  l'œdème  des 
poumons;  il  y  avait,  qu'on  me  permette  cette  comparaison,  un  phlegmatia 
de  l'oreillette  gauche  qui  devait  avoir  toutes  les  conséquences  des  coagu- 
lations veineuses.  L'œdème  durait  depuis  longtemps;  il  était  persistant;  n'a- 
t-il  pas  pu  devenir  une  cause  prédisposante  de  l'hémorrhagie  pulmonaire, 
surtout  si  l'on  accepte  que  la  circulation  veineuse  était  gênée,  tandis  que  le 
sang  continuait  à  être  chassé  avec  violence  du  cœur  droit  vers  le  poumon? 
L'hémorrhagie  une  fois  produite,  la  circulation  est  devenue  complètement 
impossible  dans  les  capillaires,  ramuscuies  et  rameaux  de  l'artère  compris, 
enclavés  dans  les  noyaux  hémorrhagiques  ;  alors  stase  sanguine  dans  les 
vaisseaux,  et  consécutivement  dépôt  des  capillaires  vers  les  troncs  princi- 
paux de  l'artère  pulmonaire,  de  caillots  cruoriqiies,  puis  fibrineux. 

Ce  mode  d'interpréter  les  lésions  anatomiques  me  parait  en  rapport  avec 
les  faits  cliniques  dont  l'ordre  d'évolution  a  été  le  suivant  :  maladie  orga- 
nique du  cœur  de  date  ancienne,  œdème,  apoplexie  pulmonaire,  surtout 
dans  les  parties  déclives,  et  consécutivement  à  l'apoplexie,  inllammatiou  et 
ramollissement  du  parenchyme  pulmonaire. 

Nous  réservons  à  la  cachexie  cardiaque  la  part  qui  appartient  à  toute  ca- 
chexie dans  les  coagulations  veineuses  en  général,  faisant  jouer  à  l'obstacle 
de  la  circulation  cardiaco-pulmonaire  le  rôle  de  cause  locale,  déterminante 
de  l'obstruction  dans  l'artère  pulmonaire. 

Si  l'on  objecte  à  cette  interprétation  que  les  caillots  des  gros  troncs 
étaient  fibrineux,  incomplets  et  paraissaient  de  date  plus  ancienne  que  les 
caillots  cruoriques  qui  se  trouvaient  dans  les  rameaux  de  l'artère  pulmo- 
naire, nous  répondrons  que  ces  caillots  étaient  incomplets,  parce  que  les 
troncs  vasculaires  où  ils  se  trouvaient,  desservaient  d'autres  branches  q'ii 
se  rendaient  à  des  portions  saines  du  poumon,  et  que  le  sang  ne  dépose  que 
sa  fibrine  là  où  la  circulation  est  encore  possible.  Quant  aux  caillots  de  troi- 
sième et  quatrième  ordre,  ils  étaient  fibrineux  et  cruoriques,  parce  que 
l'obstacle  à  la  circulation  était  complet  dans  les  portions  du  poumon  où  ou 
les  rencontrait. 

Notre  interprétation  n'est  du  reste  qu'une  hypothèse  que  d'autres  faits 
viendront  infirmer  ou  confirmer. 


173 

V.  —  SÉMEIOTIQUE. 
DE  l'emploi  on  SPHYGMOGRAPIIE  DANS  LE  DIAGNOSTIC  DES  AFFECTIONS  VALVO- 

LAiRES  DU  cœuR  ET  DES  ANÉVRisMES  DES  ARTÈRES.  Extrait  d'une  note  de 
M.  Marey, 

En  commençant  des  recherches  cliniques  au  moyen  de  notre  instrument, 
nous  l'avons  applique  tout  d'abord  au  diagnostic  des  maladies  du  cœur  et  des 
vaisseaux,  pensant  que  ces  affections  devaient  au  premier  chef  influer  sur 
la  forme  du  pouls.  Les  résultats  que  nous  avons  déjà  obtenus  nous  semblent 
assez  importants  pour  mériter  d'être  présentés  à  l'Académie. 

!•   DE   LA   FORME  DU   POULS   DANS   LES   ANÉVKISMES. 

Dans  un  mémoire  présenté  en  1858  et  inséré  aux  Comptes  rendus  de  l'a- 
cadémie DES  sciences,  nous  avons  été  amené  à  expliquer  par  l'élasticité  de 
la  poche  anévrismale  l'affaiblissement  du  pouls  qui  s'observe  sur  le  vaisseau. 
Nous  avions  reproduit  artiOciellement  le  phénomène  dont  le  résultat  nous 
avait  fait  prédire  quelle  serait  la  forme  du  pouls  pris  sur  une  artère  au- 
dessous  d'une  poche  anévrismale. 

Le  tracé  représenté  (fig.  1)  conflrme  nos  prévisions  (1). 

Fig.  ». 

Côte  sain. 


Côté  de  l'anévrisme. 


Le  malade  qui  l'a  fourni  avait  un  anévrisme  de  l'artère  humérale  du  côte 
gauche.  Deux  tracés  ont  été  pris,  un  sur  chacune  des  artères  radiales.  Le 
tracé  supérieur  a  été  obtenu  du  côté  sain,  l'inférieur  a  été  pris  du  côté  de 
l'anévrisme. 

Cette  forme  de  la  pulsation  étant  pathognomon ique,  pourra,  dans  les  cas 
où  l'application  de  l'instrument  sera  possible,  trancher  la  question  parfois 
litigieuse  de  savoir  si  une  douleur  est  auévrismale  ou  simplement  soulevée 
par  les  battements  d'une  artère. 


(1)  Chacune  des  flgures  représente  la  pulsation  artérielle  pendant  un  espace 
de  six  secondes. 


[1\ 

2°   DU    rOLLS    UA^a    LÏ^S   AlliiCnoNS    VALVULAIKib   1>II    CŒUR. 

Ces  affections  sont  rarement  simples,  c'est-à-dire  bornées  au  rélrccisse- 
ment  ou  à  l'inocclusioû  d'un  seul  orifice  du  cœur.  Nous  choisirons  cepen- 
dant les  types  qui  correspondent  à  ces  états  simples  et  qui,  dans  le  cas  de 
lésion  complexe,  se  combinent  entre  eux  d'une  manière  facile. 

Affections  de  l'orifice  aortique. 

IlETRÉCISSEMENT. 

Fipr.  2. 


iHi'.ls  telle  liguie,  la  dur>'0  de  l'expansion  du  vaisseau  est  considérable, 
comme  l'indique  l'obliquité  de  la  ligne  d'ascension  du  levier.  Cet  effet  tient 
à  la  difficulté  que  le  sang  éprouve  à  passer  dans  l'aorte.  Le  dicrotisme  du 
pouls,  dont  il  existe  des  vestiges  même  dans  les  pulsations  normales,  man- 
que en  général  dans  cette  affection  :  cela  se  comprend  d'après  ce  que  nous 
avons  dit  antérieurement  delà  nature  de  ce  phénomène. 

INSUFFISANCE. 

Fis.  3. 


La  seusaiiou  de  choc  violent  qu'éprouve  le  doigt  lorsqu'on  explore  le 
pouls,  et  qui  a  été  donnée  par  Corrigan  comme  caractéristique  de  l'insuffi- 
sance des  valvules  de  l'aorte^  se  traduit  par  l'amplitude  très-grande  et  la 
verticalité  presque  parfaite  de  l'ascension  du  levier.  Cette  ligne  d'ascension 
se  termine  en  général  par  un  angle  ou  par  une  pointe  aiguë,  dont  rexistencc 
permet  de  diagnostiquer  presque  à  coup  sur  l'insuffisance  aoilique. 

S'il  existe  à  la  fois  rétrécissement  et  insuffisance  aorliqucs,  les  deux  for- 
mes précédentes  se  combinent,  et  l'on  trouve,  après  le  début  brusque  et  le 
petit  crochet  de  l'insuffisance,  la  systole  longue  et  l'absence  de  dicrotisme 
du  rétrécissement  {fig.  4). 

Fi.'.  4. 


175 

Affections  de  l'orifice  milral. 

Tandis  que  les  lésions  des  valvules  aorliques  s'accompagnent  ordinai- 
rement de  régularité  du  pouls,  les  affections  de  la  valvule  mitrale  ont  pour 
caractère  dominant  l'irrégularité  des  battements  du  coeur  et  leur  intensité 
inégale- 
Fier.  5. 


Le  pouls  est  petit,  assez  dicrote,  la  pulsation  est  comme  avortée,  et  cela 
est  facile  à  comprendre  dans  toute  la  lésion  de  l'onfice  mitral.  En  effet,  si 
la  valvule  est  insuffisante,  elle  laisse  refluer  dans  l'oreillette  une  grande  par- 
tie de  l'ondée  ventriculaire.  Il  n'en  arrive  donc  dans  l'aorte  qu'une  fraction 
plus  ou  moins  faible.  Si  l'oriflce  mitral  est  rétréci,  le  ventricule  n'a  pais  le 
temps  de  s'emplir  entre  deux  systoles,  il  ne  peut  donc  envoyer  dans  l'aorte 
que  des  ondées  très-petites. 

La  simplicité  étant  l'exception  dans  les  affections  mitrales,  les  deux 
causes  ci-dessus  indiquées  doivent  en  général  se  combiner  pour  altérer  la 
forme  de  la  pulsation.  Nous  ne  saurions  encore  indiquer  les  caractères  qui 
correspondent  à  la  prédominance  de  l'une  d'elles. 

Nous  ne  discuterons  pas  la  valeur  comparative  de  la  méthode  que  nous 
proposons  et  de  l'auscultation  dans  le  diagnostic  des  maladies  du  cœur,  car 
nous  pensons  que  toutes  deux  gagnent  à  être  employées  simultanément  et 
contrôlées  Tune  par  l'autre.  Cependant,  pour  n'être  pas  accusé  de  compli- 
quer inutilement  l'examen  des  malades  et  employer  un  instrument  quaûd 
l'oreille  et  le  doigt  suffiraient,  nous  appellerons,  en  terminant,  l'attention 
sur  les  considérations  suivantes  : 

1"  Personne  n'aie  tact  assez  lin  pour  sentir  avec  le  doigt  les  détails  minu- 
tieux que  révèle  le  sphygmographe  dans  une  seule  pulsation,  détails  dont 
chacun  a  certainement  sa  valeur  et  pourra  servir  un  jour  à  préciser  le 
diagnostic. 

2°  Les  indications  du  sphygmographe  semblent  avoir  plus  de  constance 
que  les  signes  d'auscultation,  et  chez  les  vieillards,  par  exemple,  la  forme 
du  pouls  est  à  certains  moments  le  seul  indice  qui  révèle  une  lésion  des  ori- 
fices du  cœur. 

3°  Dans  un  grand  nombre  de  cas,  les  bruits  pulmonaires,  les  épnnche- 
ments  de  la  plèvre  ou  du  péricarde  rendent  l'auscultation  du  cœur  difficile 
et  quelquefois  impossible;  ils  ne  changent  rien  à  la  forme  graphique  du 
pouls. 

4»  Toutes  les  fois  que  les  battements  du  cœur  sont  fréquents  et  tumul- 


176 
lueux,  on  a  peine  à  distinguer,  à  l'auscultation,  le  premier  et  le  second 
bruit,  on  est  souvent  forcé  d'ajourner  le  diagnostic.  Le  spliygmographe  sai- 
sit pour  ainsi  dire  au  passage  les  pulsations  qui  ont  quelque  chose  de  carac- 
téristique, et  l'on  peut  discuter  la  signification  du  tracé. 

5*  Enfin  un  tracé  du  pouls  se  conserve  indéfiniment,  et  fixe  un  souvenir 
que  la  mémoire  ne  saurait  garder;  mis  sous  les  yeux  d'un  élève,  il  constitue 
la  meilleure  définition  des  caractères  du  pouls  et  les  fait  comprendre  avec 
une  lucidité  que  le  langage  ne  saurait  atteindre. 

VI.  —  Pathologie  comparée. 

1°    NOTE  SUR  L'ÉPIZOOTIE  QUI   A    FRAPPÉ  LE  TROUPEAU  d' ALPAGAS  DU  JARDIN 
ZOOLOGIQUE  d'acclimatation  ET   SUR  QUELQUES    FAITS    RELATIFS  A  L'ANA- 

TOMiE  DE  CES  ANIMAUX  ;  par  M.  G.  Sappey. 

Le  troupeau  d'alpacas  qui  habite  depuis  deux  mois  le  jardin  zoologique 
d'acclimatation  est  originaire  du  Pérou.  M.  Roehn,  qui  s'est  chargé  d'en 
faire  l'acquisition  et  de  l'amener  en  France,  n'est  arrivé  à  ce  résultat  qu'a- 
près s'être  exposé  à  des  tribulations  de  toutes  espèces  et  môme  à  d'assez 
grands  dangers.  D'une  part,  en  effet,  les  Péruviens  désirent  conserver  le 
commerce  exclusif  des  laines  provenant  de  l'alpaca  et  se  refusent  à  l'expor- 
tation de  cet  animal;  en  sorte  que  les  acquisitions  de  ce  genre,  et  surtout 
celles  d'un  troupeau  tout  entier,  rencontrent  chez  eux  de  tiès-grandes  difli- 
cultés.  D'une  autre  part,  au  moment  de  l'arrivée  de  M.  Roehn,  c'est-à-dire  au 
mois  de  juin  1860,  le  Pérou  se  trouvant  en  guerre  avec  la  Bolivie,  tout  étran- 
ger était  considéré  comme  suspect.  Loin  de  rencontrer  aide  et  protection,  il 
eut  donc  à  lulter  contre  dos  obstacles  sans  cesse  renaissants;  et  pour  les 
éviter,  il  dut  souvent  abandonner  les  routes  connues  et  conduire  pénible- 
ment son  troupeau  à  travers  des  voies  non  fréquentées  sur  lesquelles  on  ne 
trouvait  ni  un  brin  d'herbe  ni  une  source  d'eau  vive.  C'est  ainsi  qu'il  voya- 
gea à  marches  forcées  pendant  quatre  jours  dans  des  plaines  sablonneuses 
durant  lesquels  le  troupeau  déjà  fatigué  ne  put  ni  se  désaltérer,  ni  prendre 
aucune  nourriture.  Précédemment  déjà  celui-ci  avait  eu  beaucoup  à  souffrir 
en  passant  sur  la  crête  neigeuse  des  Cordillières.  Les  animaux  qui  le  com- 
posaient arrivaient  donc  sur  les  bords  de  l'océan  Pacifique,  où  ils  devaient 
être  embarqués,  dans  des  conditions  de  santé  très- mauvaises. 

A  peine  arrivés  au  bord  de  la  mer,  ils  furent  immédiatement  transportés 
dans  le  navire  destiné  à  les  recevoir,  sans  iiue  M.  Roehn  put  leur  laisser 
prendre  aucun  repos,  dont  ils  avaient  grand  besoin,  et  sans  qu'il  lui  fiit  même 
possible  de  faire  admettre  dans  ce  navire  huit  quintaux  d'orge  achetés  pour 
les  nourrir  pendant  la  traversée. 

Après  trente  et  un  jour  de  navigation  aui  le  grand  Océan,  le  troupeau  al- 


177 
teignit  listhme  de  Panama  où  il  quitta  momentanément  la  mer  pour  prendre  le 
chemin  de  fer  qui  devait  le  conduire  dans  l'océan  Atlantique,  et  de  là  aux 
rives  occidentales  de  France.  Mais  dans  ce  trajet  les  animaux  avaient  souf- 
fert, surtout  de  la  soif.  La  nécessité  de  se  procurer  de  l'eau  avait  forcé  le 
commandant  du  bâtiment  de  s'arrêter  cinq  jours  au  Choco,  où  les  ardeurs 
d'un  soleil  de  plomb  alternaient  avec  des  pluies  torrentielles.  Ces  conditions 
étaient  si  défavorables  pour  les  animaux  que  conduisait  M.  Roehn,  qu'il  en 
perdit  neuf  dans  un  seul  jour. 

Embarqués  sur  l'océan  Atlantique,  ils  eurent  encore  beaucoup  à  souffrir 
pendant  la  traversée,  et  un  grand  nombre  succomba  à  l'épuisement  déter- 
miné par  ces  fatigues  et  par  ces  souffrances  successives.  Aussi  lorsque  le 
6  septembre  1860  ils  entrèrent  dans  le  port  de  Bordeaux,  leur  nombre  qui 
s'élevait  d'abord  à  108  se  trouvait-il  réduit  à  45.  Les  deux  tiers  environ 
avaient  péri  pendant  la  durée  du  long  trajet  qu'ils  venaient  de  parcoiirir , 
c'est-à-dire  pendant  un  laps  de  trois  mois. 

De  Bordeaux  les  survivants  sont  conduits  par  le  chemin  de  fer  à  l'aria,  et, 
le  10  septembre,  ils  sont  installés  au  jardin  zoologique  d'acclimatation  dans 
leur  demeure  définitive.  Mais  pendant  «ette  dernière  partie  de  leur  voyage 
l'un  d'eux  avait  aussi  succombé,  en  sorte  que  34  seulement  arrivèrent  à  leur 
destination. 

A  leur  entrée  dans  le  port  de  Bordeaux ,  6  d'entre  eux  étaient  aifectés 
d'une  maladie  de  la  peau  sur  laquelle  M.  Leblanc,  à  leur  arrivée  au  jardin 
zoologique,  fut  appelé  à  émettre  son  avis.  Ce  vétérinaire  constate  l'existence 
de  la  gale  et  prescrit  des  frictions  avec  la  pommade  d'Helmerick.  Mais  ces 
frictions  portaient  sur  leur  toison  et  non  sur  la  peau  proprement  dite;  aussi 
restèrent-elles  sans  résultat  durant  six  semaines.  Dans  ce  laps  de  temps 
non-seulement  la  gale  ne  guérit  pas  chez  les  animaux  qui  en  étaient  atteints^ 
mais  elle  se  propagea  de  ceux-ci  à  d'autres  et  se  manifesta  ainsi  successive- 
ment sur  la  plupart  d'entre  eux. 

Le  traitement  auquel  ils  étaient  soumis  restant  infructueux,  on  pnt  le 
parti  de  les  tondre,  dans  la  pensée  que  la  pommade  immédiatement  appli- 
quée sur  la  peau  ne  tarderait  pas  à  détruire  les  acarus  qui  l'infectaient.  On 
était  alors  à  la  fin  d'octobre;  la  température  -était  douce  et  même  ciiaude. 
Mais  dans  les  jours  qui  suivent  elle  change  brusquement;  un  froid  très-vif 
lui  succède  ;  et  ces  pauvres  animaux  privés  de  leur  toison  et  malades,  res- 
tent exposés  aux  rigueurs  de  notre  climat,  bien  différent  du  leur,  puisque  le 
Pérou  s'étend  du  10"  au  ?0'  degré  de  latitude  sud,  tandis  que  Paris  se  trouve 
sous  le  48«  nord.  M.  le  directeur  du  jardin  zoologique  redoubla  de  précau- 
tions vainement  pour  les  soustraire  à  l'impression  fâcheuse  du  froid;  ils  ne 
tardèrent  pas  à  en  subir  les  effets.  Dès  les  premiers  jours  plusieurs  succom- 
bèrent, et  la  mort  continua  à  ravager  si  rapidement  ce  troupeau,  que  vers 
le  15  noYembre,  sur  les  34  alpacas  qui  étaient  arrivés  au  jardin  zoolo- 
c.  R.  12 


178 
gique  '20  avaient  cessé   d'exister.   Leur  numlre  est  doue  igduU  aujour- 
d'hui à  8. 

M.  le  docteur  Rufz,  profondément  peiné  de  celte  mortalité,  a  cherché  à 
en  connaître  la  cause;  il  a  ouvert  dans  ce  but  plusieurs  des  animaux  qui 
venaient  de  périr  sous  ses  yeux.  Notre  collègue  M.  Darestc  en  ai^ussi  exa- 
miné quelques-uns.  J'ai  été  invité  également  à  rechercher  les  lésions  aux- 
quelles ils  avaient  succombé  ;  et  pour  favoriser  ces  recherches,  M.  le  direc- 
teur du  jardin  d'acclimatation  m'en  adressa  six  dans  une  seule  journée. 
Une  autopsie  consciencieusement  faite,  exigeant  un  temps  assez  long,  je 
priai  M.  Dareste  de  vouloir  bien  s'adjoindre  à  moi  pour  procéder  à  cette 
étude,  ce  qu'il  a  fait  avec  le  zèle  le  plus  empressé.  Le  lendemain,  notre 
collègue  se  trouvant  empêché  par  une  cause  imprévue,  M.Moreau,  sur  l'ap- 
pel que  je  lui  ai  fait,  a  bien  voulu  venir  le  suppléer.  C'est  donc  au  nom  de 
ces  deux  collègues  et  au  mien  que  je  ym  communiquer  à  la  Société  les  ré- 
sultats qui  suivent  : 

Sur  le  premier  alpaca  soumis  à  notre  examen,  nous  avons  remarqué  de 
très-nombreux  cysticerques  logés  dans  l'épaisseur  des  muscles.  Ces  para- 
sites se  présentaient  le  plus  souvent  à  l'état  solitaire;  sur  quelques  points 
cependant  ils  étaient  si  rapprochés  qu'ils  formaient  de  véritables  groupes  de 
quatre,  cinq  ou  six  individus.  On  les  rencontrait  non-seulement  sur  les  mus- 
cles du  tronc,  mais  dans  tous  ceux  des  membres,  du  cou  et  de  la  tète.  Dési- 
rant nous  assurer  s'il  n'en  existerait  pas  aussi  dans  le  centre  nerveux,  où 
leur  présence,  on  le  sait,  est  beaucoup  plus  funeste,  nous  avons  enlevé  par 
un  trait  la  voûte  du  crâne,  ainsi  que  la  partie  correspondante  de  l'encéphale; 
mais  le  cerveau,  le  cervelet,  la  protubérance  aunulaire  et  le  bulbe  rachi- 
dien  n'en  offraient  aucune  trace;  ils  avaient  pour  siège  exclusif  le  système 
musculaire,  à  l'action  duquel  ils  ne  portent  en  général  aucune  atteinte,  et  ne 
pouvaient  être  considérés  par  conséquent  comme  la  cause  ou  l'une  des  cau- 
ses de  la  mort  de  l'animal  sur  lequel  ils  avaient  pris  naissance. 

Les  deux  poumons  sont  fortement  congestionnés.  Sur  le  gauche  nous  re- 
marquons l'hépatisatiou  d'un  petit  nombre  de  lobules  annonrant  l'existence 
d'une  pneumonie  circonscrite.  Mais  le  phénomène  capital  qui  se  présente  à 
notre  observation  est  la  présence  d'une  écume  fine  et  blanche  dans  la  partie 
inférieure  de  la  trachée  et  la  plus  grande  partie  de  l'étendue  des  bronches.. 
Sur  plusieurs  points  du  sang  se  mêle  à  cette  écume;  sur  d'autres  on  voit 
des  lllets  sanguins  et  môme  de  véritables  caillots  dont  le  volume  varie  de  la 
grosseur  d'une  lentille  à  celle  d'une  amande.  A  la  vue  de  cette  écume  séro- 
sanguinolente,  remplissant  la  plus  grande  partie  des  bronches  et  de  leurs 
divisions,  il  était  de  la  dernière  évidence  que  l'air,  depuis  le  moment  de  sa 
formation,  ne  pouvait  parvenir  que  très-incomplélement  jusqu'aux  cellules 
pulmonaires,  et  que,  après  y  être  parvenu,  il  ne  devait  en  être  expulsé  que 
très-diiïicilement.  11  était  démontré  eu  U'aulrcii  teimcâ  que  l'iiémalose  avait 


170 
cessé  peu  à  peu  de  s'acconiplii-  dans  les  divers  temps  delà  vie,  et  que  l'ani- 
mal avait  succombe  à  l'asphyxie. 

Le  cœur  droit,  toutes  les  veines  aflluentes,  à  une  assez  grande  distance 
étaient  remplies  de  sang  et  dilatées.  jJe  foie  était  fortement  congestionné. 

Du  côté  de  l'abdomen,  il  existe  une  rougeur  assez  prononcée  sur  toute  la 
partie  supérieure  de  l'intestin  grêle.  Les  autres  viscères  abdominaux  sont 
sains.  Rien  du  côté  de  la  tète  et  du  cou. 

Conclusion  :  Mort  par  asphyxie. 

Chez  le  second  alpaca,  aucune  trace  de  cysticerques.  Poumons  très-con- 
gcstionnés,  écume  bronchique  considérable.  Réplétion  et  dilatation  de  toutes 
les  grosses  veines  qui  convergent  vers  les  veines  caves.  Congestion  du  foie. 
Rien  dans  les  viscères  abdominaux.  Conclusion  :  mort  par  asphyxie  non 
moins  évidente  que  dans  le  cas  précédent. 

Troisième  aîpaca.— Cysticerques  très-nombreux  dans  les  muscles.  Conges- 
tion un  peu  prononcée  des  poumons.  Quelques  traces  de  pneumonie  lobulaire. 
Viscères  de  l'abdomen  sains.  Gale  caractérisée  par  des  croûtes  plus  étendues 
et  plus  épaisses  que  dans  les  autres  alpacas.  Conclusion  :  Cause  de  la  mort 
douteuse. 

Quatrième  alpaca.  —  Tas  de  cysticerques,  pneumonie  double  intéressant 
les  deux  tiers  du  poumon  droit  et  la  moitié  postérieure  du  poumon  gauche. 

—  Aucun  vestige  d'écume  bronchique.  —  Viscères  abdominaux  à  l'état  nor- 
mal. —  Conclusion  :  mort  par  pneumonie. 

Cinquième  alpaca.  —  Cysticerques  peu  nombreux  et  Inégaux  en  volume  ; 
les  uns  ont  atteint  tout  leur  développement  et  leurs  dimensions  ordinaires, 
d'antres  sont  en  voie  de  développement  et  moitié  plus  petits,  d'autres  plus 
petits  encore  et  presque  naissants;  en  sorte  qu'ils  se  présentent  à  tous  les 
degrés  par  lesquels  ils  passent  pour  arriver  à  leur  évolution  complète.  — 
Poumon  gauche  congestionné.  —  Poumon  droit  affecté  de  pneumonie  dans 
son  tissu  postérieur.  —  Bronches  remplies  d'une  écume  sanguinolente. 

—  Tissu  cellulaire  du  médiastin  supérieur  infiltré  d'une  grande  quantité 
d'air.  —  Conclusion  :  mort  par  pneumonie  et  surtout  par  asphyxie. 

Sixième  alpaca.—  Cysticerques  très-abondants  et  inégalement  développés. 

—  Pneumonies  labulaires.  —  Point  d'écume  bronchique.—  Conclusion  :  mort 
par  pneumonie. 

Ainsi  sur  les  six  alpacas  dont  nous  avons  fait  l'autopsie,  trois  ont  suc- 
combé à  l'asphyxie,  un  aune  pneumonie  double,  un  à  une  pneumonie  lobu- 
laire; chez  un  seul  les  lésions  observées  étaient  insutïisantes  pour  expliquer 
la  mort  ;  comme  chez  ce  dernier  la  gale  était  plus  intense  que  chez  les  au- 
tres, peut-être  pourrait-on  l'attribuer,  en  partie  au  moins,  à  cette  affection 
qui  avait  exercé  probablement  une  influence  plus  vive  et  plus  fâcheuse  sur 
les  principales  fonctions  de  l'éoouonue.  En  se  plaçant  à  un  point  de  vuepln.^ 


180 
général  cinq  sur  six  sont  morts  d'une  maladie  qui  avait  intéressé  les  orga- 
nes essentiels  de  la  respiration. 

Dans  le  cours  des  recherches  que  nous  avons  faites  pour  reconnaître  les 
lésions  qui  avaient  déterminé  la  mort  chez  nos  six  alpacas,  M.  Dareste  et  moi 
nous  avons  été  conduits  à  fixer  aussi  notre  attention  sur  quelques  faits  in- 
hérents àl'anatomie  de  ces  animaux.  Ces  faits  sont  relatifs  : 

1"  A  l'existence  des  valvules  dans  les  veines  du  cou  et  delà  tète; 

1°  A  une  disposition  toulc  spéciale  et  très-remarquable  de  la  partie  termi- 
nale du  colon  ; 

3»  Aux  replis  et  aux  glandes  de  la  muqueuse  utérine. 

Valvules  des  veines  jugulaires.  —  Chez  l'homme  les  veines  de  la  tète 
et  du  cou  sont  peu  valvuleuses.  En  est-il  de  même  chez  les  mammifères  et 
les  oiseaux?  Les  auteurs  gardent  le  silence  sur  ce  point;  et  ils  semblent 
ainsi  admettre  pour  les  deux  premières  classes  de  vertébrés  ce  qui  est  uni- 
versellement admis  pour  l'homme. 

Le  cou  et  par  conséquent  aussi  les  veines  jugulaires  étant  très-longs  chez 
l'alpaca,  nous  avons  cru  devoir  examiner  celles-ci  pour  constater  si  elles 
étaient  pourvues  ou  dépourvues  de  valvules.  A  la  première  inspection  nous 
avons  pu  reconnaître  qu'elles  en  étaient  pourvues  sur  toute  leur  longueur. 
Ces  valviiles  sont  disposées  par  paires  ;  et  toutes  ces  paires  ressemblent 
parfaitement  à  celles  qu'on  observe  chez  l'homme  sur  les  veines  jugulaires 
internes  au  niveau  de  leur  union  avec  les  veines  sous-clavières.  Comme  ces 
dernières,  elles  sont  très-développées,  et  obturent  complètement  le  calibre 
du  vaisseau  au  moment  où  elles  s'abaissent  sous  l'inHuence  du  reflux  du 
sang.  On  en  compte  de  sept  à  dix.  Leur  nombre  varie  soit  d'individu  à  indi- 
vidu, soit  de  l'un  à  l'autre  côté. 

L'existence  de  ces  replis  valvulaires  est  du  reste  parfaitement  conforme 
aux  lois  de  la  physiologie.  L'observation  a  démontré  en  effet  qu'ils  occupent 
les  parties  du  système  veineux  dans  lesquelles  le  sang  circule  contrairement 
à  l'action  de  la  pesanteur  et  qui  sont  exposées  à  être  comprimées.  Or,  pendant 
la  préhension  des  aliments  qui  se  prolonge  chez  l'alpaca,  comme  chez  un 
grand  nombre  de  mammifères  herbivores  pendant  une  grande  partie  de  la 
journée,  la  tète  et  le  cou  prennent  une  direction  presque  verticale  et  très- 
analogue  par  conséquent  à  celle  des  membres.  Dès  lors,  il  était  naturel  que 
les  veines  qui  rumèncnt  le  sang  de  ces  i)arlies  antérieures  du  corps  présen- 
tassent le  même  mode  de  conformation  que  celles  qui  émanent  des  parties 
déclives  postérieures. 

Le  grand  développement  des  valvules  des  veines  jugulaires  de  l'alpaca 
m'avait  porté  à  conjecturer  que  ces  veines  devait  être  valvuleuses  aussi  chez 
tous  les  mammifères  et  tous  les  oiseaux  dont  le  cou  plus  ou  moins  allonge 
était  ramené  fréquemment  ù  la  direction  oblique  ou  verticale  parla  préiicn- 
fcion  des  aliments. 


ISl 

Ne  trouvant  dans  les  auteurs  aucun  renseignement  sur  co  sujet,  j'eus  l'heu- 
reuse pensée  de  m'adresser  à  notre  collègue  M.  Goubcaux.  11  m'apprit  qu'il 
existait  de  très-belles  valvules  dans  les  veines  jugulaires  du  cheval,  dans 
celles  du  bœuf  et  dans  celles  du  dromadaire.  Mes  conjectures  étaient  ainsi 
en  partie  confirmées.  Plus  récemment  j'ai  eu  l'occasion  d'observer  ces 
mêmes  veines  chez  une  pénélope  que  m'avait  fait  remettre  M.  le  directeur 
du  jardin  zoologique  d'acclimatation,  et  j'ai  pu  constater  sur  ce  gallinacé 
deux  valvules.  Le  lendemain,  sur  un  goéland  venu  de  la  même  source,  je 
trouvais  une  valvule  sur  chacune  des  veines  jugulaires. 

De  l'ensemble  des  recherches  qui  précèdent,  il  est  permis  de  conclure 
qu'en  les  poursuivant  sur  un  plus  grand  nombre  d'animaux,  on  arrivera  à 
des  résultats  confirmatifs  des  précédents  ;  et  il  sera  alors  démontré  que  dans 
tous  les  mammifères  et  les  oiseaux  chez  lesquels  la  tète  et  le  cou  se  trouvent 
ramenés  fréquemment  à  une  situation  déclive,  verticale  ou  oblique,  par  la 
nécessité  de  saisir  sur  la  surface  du  sol  les  aliments  dont  ils  se  nourrissent, 
les  veines  jugulaires  et  les  veines  afférentes  ne  sont  pas  moins  valvuleuses 
que  celles  des  membres. 

Enroulement  spiroïde  de  la  partie  terminale  du  colon.  —  Le  cœur, 
les  parties  ascendante,  transversale  et  descendante  du  colon,  présentent  chez 
l'alpaca  la  disposition  et  la  direction  qui  leur  sont  propres  dans  les  autres 
mammifères.  Mais  l'S  iliaque  affecte  un  mode  d'enroulement  dont  on 
chercherait  vainement  un  second  exemple  dans  cette  classe  de  vertébrés. 

Parvenu  à  sa  partie  terminale,  le  colon  en  effet  s'enroule  à  la  manière 
d'une  spirale  dont  les  spires  se  superposeraient  en  diminuant  graduellement 
de  diamètre  de  manière  à  former  un  véritable  cône.  Sur  le  sommet  de  celui- 
ci,  l'intestin  se  contourne  en  huit  de  chiffre  et  décrit  à  l'intérieur  du  cône 
précédent  une  nouvelle  série  de  spires,  superposées  aussi  et  à  diamètre 
croissant  qui  forment  un  second  cône  de  la  base  duquel  part  le  rectum.  La 
partie  terminale  du  colon  de  l'alpaca  ou  l'esse  iliaque  proprement  dite,  au 
lieu  de  décrire  une  double  sinuosité  comme  chez  l'homme,  s'enroule  donc 
autour  d'un  axe  fictif  et  forme  ainsi  deux  cônes,  un  cône  à  spires  ascen- 
dantes de  la  base  au  sommet,  et  un  cône  interne  à  spires  descendantes  du 
sommet  à  la  base.  Ces  deux  cônes  emboîtés  l'un  dans  l'autre  sont  unis  par  de 
petits  replis  du  péritoine,  et  les  spires  superposées  de  chaque  cône  sont 
reliées  entre  elles  par  des  replis  analogues. 

Sur  le  premier  alpaca  que  nous  avons  ouvert,  cette  disposition  de  l'extré- 
mité terminale  du  colon  nous  a  paru  si  étrange  que  nous  l'avons  considérée 
d'abord  comme  le  résultat  d'adhérences  consécutives  à  une  péritonite  circon- 
scrite. La  voyant  se  reproduire  sur  notre  deuxième  alpaca  dans  des  condi  - 
tiens  tout  à  fait  semblables,  je  commençais  à  douter  de  son  origine  morbide 
et  à  conjecturer  qu'elle  représentait  peut-être  un  état  normal.  M.Dareste,  sans 
yepousser  cette  hypothèse  inclinait  phitôt  vers  notre  première  opinion,  Pouy 


IS2 
éclaircir  nos  doutes  il  sulïisait  d'examiner  les  autres  alpacas  dont  nous  allions 
faire  l'autopsie,  ce  que  nous  fîmes  en  effet.  Or,  sur  le  troisième,  puis  sur  le 
quatrième  et  sur  tous  en  un  mot,  nous  pûmes  constater  une  disposition  en- 
tièrement identique,  et  il  resta  ainsi  parfaitement  démontré  qu'elle  était  bien 
réellement  normale. 

Si  cet  enroulement  si  remarquable  de  la  tin  du  colon  n'a  pas  été  signalé 
par  les  auteurs,  c'est  sans  doute  parce  qu'il  a  été  donné  bien  rarement  aux 
anatomistes  d'ouvrir  des  alpacas  et  parce  que  ceux  auxquels  ce  privilège  a 
été  accordé,  l'auront  considéré,  ainsi  que  nous  l'avions  fait  d'abord,  comme 
un  état  maladif  et  non  comme  une  disposition  normale.  Nous  tombions  dan.=5 
la  même  erreur  que  nos  prédécesseurs,  si  nous  n'avions  eu  pour  l'éviter, 
toute  une  série  d'animaux  sur  lesquels  nous  pouvions  multiplier  nos  obser- 
vations, faveur  dont  aucun  d'eux  n'avait  joui  très-probablement. 

Pus  ET  GLANDES  DE  LA  MUQUEUSE  UTÉRINE.  —  Au  nombro  de  nos  ani- 
maux se  trouvait  un  alpaca  femelle  en  état  de  gestation,  mais  dont  la  cavité 
utérine  était  vide.  M.  Darcste  l'ayant  enlevée  et  incisée  sur  sa  face  anté- 
rieure, la  muqueuse  qui  tapisse  ses  parois  s'olTrit  à  nous  dans  toute  son 
étendue.  Cette  membrane  présentait  d'innombrables  plis  qui  surmontaient 
sa  surface  libre,  n'offrant  du  reste  aucune  direction  déterminée,  se  croisant 
dans  tous  les  sens,  et  en  conservant  de  petites  dépressions  très-irrégulières 
et  inégales  en  étendue  et  en  profondeur. 

Ainsi  disposée,  la  muqueuse  utérine  de  cet  alpaca  rappelait  très-bien  la 
muqueuse  gastrique  de  l'homme.  Seulement  les  replis  qu'elle  formait  étaient 
beaucoup  moins  inégaux  et  sans  direction  prédominante. 

En  pratiquant  une  incision  perpendiculaire  sur  l'épaisseur  de  cette  mu- 
queuse et  en  écartant  ensuite  les  deux  bords  de  celle-ci,  il  devenait  facile  de 
distinguer  sur  l'un  et  sur  l'autre  les  glandes  utérines  très-apparentes  à  l'œil 
nu.  Mais  on  les  voyait  beaucoup  mieux  sur  une  tranche  verticale  compri- 
mée entre  deux  lames  de  verre  et  examinée  par  transparence. 

Vues  à  un  faible  grossissement,  on  remarquait  que  ces  glandes  offraient 
de  très-grandes  sinuosités  et  s'enroulaient  sur  certains  points  de  leur  trajet 
en  spirale.  En  les  déroulant  par  voie  de  compression  on  augmentait  très- 
considérablcmcnt  leur  longueur  qui  devenait  triple  ou  quadruple  de  leur 
étendue  normale  égale  à  l'épaisseur  de  la  muqueuse  utérine. 

Les  plis  si  multiples  de  cette  dernière  membrane  et  les  sinuosités  si  pro- 
noncées que  décrivent  les  glandes  sont  deux  faits  qui  nous  ont  paru  assez 
intéressants  pour  fixer  un  instant  l'atlcntion  de  la  Société  et  pour  être  men- 
tionnés dans  ses  comptes  rendus. 


183 


1"  NOTE  SUR  QUELQUES  ALTÉRATIONS  PATHOLOGIQUES  OBSERVEES  CHEZ  DES  OI- 
SEAUX DU  JARDIN  ZOOLOGIQUE  D'ACCLIMATATION  DU  BOIS  DE  BOULOGNE}  par 

M.  Dareste. 

La  fondation  du  jardin  zoologique  d'acclimatation  du  bois  de  Boulogne 
m'a  fourni  l'occasion  d'étudier,  le  mois  dernier,  sur  plusieurs  oiseaux  de 
cet  établissement,  diverses  lésions  pathologiques  qui  présentent,  à  plusieurs 
égards,  un  certain  intérêt  pour  la  pathologie  comparée. 

Tadorne.  —  Inflammation  aiguë  du  péricarde.  Les  deux  feuillets  de  cet  or- 
gane présentent  des  traces  nombreuses  d'inflammation;  congestions  sangui- 
nes, et  fausses  membranes,  sans  qu'il  y  ait  eu  cependant  d'adhérences  pro- 
duites entre  les  deux  feuillets.  Hémorrhagies  abondantes  dans  toute  la  partie 
supérieure  de  la  poitrine,  au-dessus  du  sternum. 

Tadorne.  —  Congestions  sanguines  très-intenses  dans  toutes  les  méninges 
rachidiennes,  depuis  l'occiput  jusqu'à  la  région  lombaire.  Déchirure  de  la 
dure-mère  à  la  région  cervicale,  et  existence  d'un  épanchement  sanguin 
considérable  qui  a  pénétré  dans  le  canal  rachidien  immédiatement  au-des- 
sous des  vertèbres.  Très-faible  congestion  des  méninges  encéphaliques. 

Canard  siffleur.  —  Hypertrophie  considérable  du  ventricule  droit,  dont  le 
volume  est  très-augmenté.  Elle  porte  surtout  sur  les  colonnes  charnues  qui 
forment  le  revêtement  de  la  paroi  inter-ventriculaire  gauche,  lequel  pré- 
sente sa  conformation  normale.  Cette  hypertrophie  portait  également  sur  la 
valvule  auriculo-ventriculaire  du  cœur  droit,  valvule  qui  chez  les  oiseaux 
est  musculaire,  au  lieu  d'être  simplement  fibreuse  comme  chez  les  mammi- 
fères, à  l'exception  toutefois  de  l'ornithorhynque.  C'est  là  un  fait  curieux  de 
pathologie  ornithologique,  car  il  est  évident  qu'il  ne  peut  exister  que  dans 
les  oiseaux.  Epanchements  sanguins  très-considérables  dans  toute  la  partie 
supérieure  de  l'abdomen  :  ils  présentent  les  divers  degrés  de  transformation 
que  l'on  observe  dans  les  caillots  sanguins,  ce  qui  semble  indiquer  l'exis- 
tence d'hémorrhagies  successives  et  non  simultanées.  Je  constate  un  dépôt 
de  sang  en  nature,  à  la  partie  supérieure  du  lobe  droit  du  foie,  au-dessous 
de  sa  membrane  d'enveloppe.  Dans  le  péritoine,  un  énorme  caillot  sanguin, 
seulement  à  moitié  décoloré,  flotte  au  milieu  d'une  sérosité  roussâtre.  Ail- 
leurs, dans  le  péritoine  lui-même  et  dans  trois  vésicules  aériennes,  on  re- 
trouve d'autres  caillots  très-considérables  également,  mais  entièrement  dé- 
colorés, et  ayant  la  consistance  et  l'aspect  d'une  gelée.  Le  lobe  gauche  du 
foie  et  le  gésier  sont  recouverts  d'une  masse  de  filaments  de  fibrine  entière- 
ment décolorés.  Péritonite  intense.  Les  intestins  sont  congestionnés  en  bien 
des  points  de  leur  surface,  et  adhèrent  entre  eux  par  des  fausses  mem- 
branes. Hypertrophie  des  parois  des  vésicules  aériennes  qui  se  sont  en  plu- 
sieurs points  transformés  en  membranes  opaques  et  d'une  assez  grande 


184 
épaisseur,  et  qui  se  sont  soudées  aux  organes  environnants.  Tel  est  en  par- 
ticulier l'état  de  la  vésicule  aérienne  qui  revêt  le  lobe  droit  du  foie,  et  qui  a 
contracté  avec  ces  organes  des  adhérences  difficiles  à  décrire. 

Poule  nègre.  —  Hémorrhagie  considérable  dans  le  poumon  gauche.  L'é- 
panchement  sanguin  s'est  prolongé  jusque  dans  une  vésicule  aérienne  qui 
était  remplie  d'un  caillot  flbrineux. 

Flamant.  —  Hémorrhagie  considérable  dans  la  partie  supérieure  de  la 
poitrine,  qui  est  remplie  de  caillots  récents  et  non  encore  décolorés  ;  plu- 
sieurs caillots  ont  pénétré  dans  la  partie  antérieure  de  la  poitrine,  en  avant 
du  sternum,  et  ont  disséqué  les  muscles  pectoraux.  Congestion  légère  dans 
les  méninges  rachidiennes. 

Perdrix  garnira.  —  Hémorrhagies  intestinales  occupant  principalement  le 
cœcura  gauche.  Ce  cœcum  et  le  rectum  sont  remplis  de  concrétions  llbri- 
neuses.  Plusieurs  de  ces  concrétions  adhèrent  aux  parois  de  l'intestin  :  les 
autres  sont  détachées  et  flottent  librement  dans  l'intestin.  L'une  d'elles  est 
de  la  grosseur  d'une  noisette,  très-dure  et  formée  de  cercles  excentriques. 

Perdrix  garnira.  —  Concrétions  flbrineuses  en  très-grand  nombre  dans  le 
foie.  Péritonite  générale  :  les  intestins  sont  congestionnés  et  les  anses  in- 
testinales adhèrent  par  des  fausses  membranes.  La  naissance  des  cœcums 
sur  l'intestin  est  occupée  par  une  masse  librineuse  énorme,  et  l'un  des  cœ- 
cums est  complètement  infiltré  par  cette  matière. 

Faisan  ordinaire.  —  Congestion  intense  des  méninges  rachidiennes  et  du 
diploé  de  la  moelle  cervicale. 

Héron.  —  Hémorrhagies  très-abondantes  dans  les  fosses  nasales,  qui  sont 
entièrement  remplies  de  caillots  sanguins  à  tous  les  degrés,  depuis  les  cail- 
lots mous  et  colorés  jusqu'aux  concrétions  iibrineuses. 

N'ayant  eu  aucun  renseignement  sur  les  symptômes  éprouves  pendant  la 
vie,  il  ne  m'est  pas  possible  de  tirer  de  ces  faits  toutes  les  conséquence.^^ 
qu'ils  renferment.  Je  ferai  remarquer  seulement  que  chez  tous  ces  oiseaux 
soumis  à  mon  étude  il  y  a  toujours  eu  des  congestions  et  des  hémorrhagies, 
et  (pie  par  conséquent  ces  aflections  paraissent  jouer  un  grand  rôle  dans  la 
pathologie  des  oiseaux.  Je  rappellerai  à  ce  sujet  (jue,  d'après  divers  rensei- 
gnements que  j'ai  recueillis  de  côté  et  d'autre,  ces  sortes  d'afl'ections  pa- 
raissent avoir  été  communes  en  France  pendant  le  cours  de  cette  année.  Pen- 
dant un  séjour  de  quelques  jours  que  j'ai  fait  au  mois  d'août,  à  Bry-sur- 
Marne  près  Paris,  j'ai  vu  mourir  un  grand  nombre  de  canards  domestiques 
sous  l'inlluencc  de  ces  congestions  rachidiennes  dont  j'ai  rapporté  quelques 
exemples.  Ces  animaux  mouraient  d'une  manière  subite,  sans  que  rien  ait 
aunoncé  leur  état  de  maladie  aux  personnes  qui  en  prenaient  soin. 


185 
VU.  —  Histoire  naturelle. 

NOTE  SUR  LA  LAVE  DU  STRATOMYS  CUAMiELEON;  par  J.  LÉON  SOUBEIRAN. 

Il  est  très-curieux  d'observer  les  divers  insectes  dans  les  milieux  dififé- 
rents  dans  lesquels  ils  se  développent  ;  car  oa  rencontre  assez  souvent  des 
individus  qui  vivent  d'une  façon  identique  à  ce  qui  se  passe  ordinairement, 
bien  que  se  trouvant  exceptionnellement  dans  des  circonstances  anormales. 
C'est  ainsi  qu'en  1857  nous  avons  trouvé  dans  la  source  de  la  grande  cas- 
cade à  Oletle  (Pyrénées-Orientales),  la  Cypris  fusca  L.  que  l'on  trouve  fré- 
quemment dans  nos  eaux  des  environs  de  Paris,  et  qui  paraissent  supporter 
sans  le  moindre  inconvénient  une  température  de  +  78o,  et  l'action  de  l'eau 
sulfureuse  de  cette  source  est  différente  des  eaux  du  bassin  parisien. 

En  faisant  opérer,  il  y  a  quelque  temps,  des  travaux  dans  la  source  de 
Saint-Jorre,  près  Vichy  (Allier),  dont  il  est  propriétaire,  M.  N.  Larbaud  a 
trouvé  dans  un  ancien  tube  d'ascension  un  certain  nombre  de  larves  très- 
vives.  Ces  animaux  étaient  baignés  de  toutes  parts  par  une  eau  très-alcaline 
et  très-chargée  d'acide  carbonique  (puisque  l'analyse  a  donné  à  M.  Bouquet 
1,233  grammes  d'acide  carbonique  et  6,188  grammes  de  bicarbonates  alca- 
lins). Examinées  avec  soin,  ces  larves  ont  le  corps  long ,  aplati,  revêtu  d'une 
peau  coriace,  divisée  en  anneaux,  dont  les  trois  derniers,  plus  longs  et 
moins  gros ,  forment  une  queue  terminée  par  un  bouquet  de  poils  qui 
rayonnent  en  quelque  sorte  de  l'extrémité  du  dernier  anneau.  La  tête  est 
écailleuse,  petite,  oblongue,  et  munie  d'un  grand  nombre  de  petits  appen- 
dices et  crochets  qui  servent  à  l'animal  à  agiter  l'eau.  La  reproduction  se 
fait  par  la  partie  inférieure  du  corps,  et  l'eau  pénètre  entre  les  poils  de  la 
queue  qui  est  généralement  tournée  vers  la  surface  de  l'eau.  Tous  ces  ca- 
ractères se  rapportent  parfaitement  au  Stratomys  chamxleon  Fabr.,  in- 
secte diptère  tros-commun  dans  toutes  les  contrées  de  la  France,  mais  dont 
on  n'avait  pas  encore  indiqué  le  séjour  (pour  la  larve)  dans  une  eau  émi- 
nemment minérale. 


COMPTE  RENDU  DES  SÉANCES 


DE 


r  ^ 


LA  SOCIETE  DE  BîOLOmi 

pendant  le  mois  de  décembre  1860; 
Par  m.  le  Docteur  Jules  LUYS,  secrétaire. 


presidëme  de  m.  rmër. 


I.  — Physiologie. 

VARIATIONS  PHYSIOLOGIQUES  DU  POULS,  ÉTUDIÉES  A  L'AIDE  DU  SPHYGMOGRAPHE  ; 

par  M.  le  docteur  Marey. 

Influence  de  l^effort  sur  la  fréquence  et  la  forme  du  pouls. 

Dans  un  mémoire  publié  en  1860  (1),  nous  avons  cherché  à  démontrer  que 
la  fréquence  des  battements  du  cœur  est  réglée  par  les  résistances  que  le 
ventricule  éprouve  au  moment  de  sa  systole.  C'était  assimiler  le  cœur  à  tous 
les  moteurs  mécaniques  dont  le  jeu  est  intermittent  et  qui,  pour  un  même 
travail,  exécutent  d'autant  plus  de  mouvements  en  un  temps  donné  que  la 
résistance  qu'ils  éprouvent  est  moindre. 


(11  Gazette  médicale,  année  18G0,  p.  225,  23G,  298. 


1S8 

Nous  ne  voulions  pas  cependant  affirmer  d'une  manière  prémalurée  que 
toutes  les  variations  qui  surviennent  dans  la  fréquence  des  battements  tien- 
nent à  un  changement  dans  les  résistances  contre  lesiiuelles  lutte  le  ventri- 
cule :  en  un  mot,  à  des  variations  dans  la  facilité  de  l'écoulement  du  sang 
artériel.  Aussi,  faisant  nos  réserves  pour  les  cas  oii  quelque  iniluence  ner- 
veuse viendrait  directement  agir  sur  le  cœur  et  augmenter  sa  force  d'im- 
pulsion, nous  formulions  ainsi  la  loi  qui  préside  à  la  fréquence  des  batte- 
ments ; 

Toutes  choses  égales  du  côté  du  cœur,  celui-ci  exécute  en  tm  temps  donne 
d'autant  plus  de  contractions  qu'il  y  a  moins  de  résistance  au  passage  du 
sang. 

La  résistance  que  le  sang  contenu  dans  les  arlèrcs  éprouve  à  s'écouler  du 
côté  des  veines,  se  traduit  par  des  caractères  spéciaux  de  la  circulation  ar- 
térielle. La  tension  dans  ces  vaisseaux  s'élève  lorsque  l'obstacle  à  la  sortie 
du  sang  est  considérable;  elle  s'abaisse  lorsque  l'écoulement  de  ce  sang  est 
facile.  On  peut  donc  d'une  manière  générale  juger  de  la  résistance  que  le 
cœur  éprouve  à  se  vider,  d'après  l'état  de  la  tension. 

Une  forte  tension  artérielle  indique  la  présence  d'un  obstacle  au  devant 
de  la  circulation  dans  les  artères;  cet  obstacle  est  presque  toujours  le  res- 
serremeut  des  petits  vaisseaux. 

Nous  avons  donc  pu  exprimer  en  d'autres  termes  la  loi  qui  préside  à  la 
fréquence  des  contractions  du  cœur,  et  dire  : 

La  fréquence  des  battements  du  cœur  est  en  raison  inverse  de  la  tension  ar- 
térielle. 

Ce  rapprochement  entre  la  fréquence  et  la  tension  était  d'autant  plus  im- 
portant à  signaler  que,  d'après  la  forme  du  pouls,  on  peut  savoir  si  la  tension 
artérielle  est  faible  ou  forte,  de  telle  sorte  qu'en  examinant  les  difTérent s 
tracés,  il  était  facile  de  reconnaître  la  coïncidence  que  nous  avons  si- 
gnalée. 

Ainsi,  dans  l'hémorrliagie,  dans  les  cas  où  l'attitude  du  corps  est  favorable 
à  la  circulation  artérielle,  dans  ceux  où  les  vaisseaux  sont  relâchés  par  une 
température  très-élevée,  on  peut  voir  les  caractères  de  la  faible  tension  ar- 
térielle réunis  à  la  fréquence  du  pouls. 

Dans  le  resserrement  des  petits  vaisseaux  par  le  froid,  dans  la  compres- 
sion d'artère  volumineuse,  dans  les  attitudes  du  corps  où  la  pesanteur  n'est 
pas  favorable  au  cours  du  sang  artériel,  on  voit  les  caractères  de  la  forte 
tension  en  môme  temps  que  le  pouls  est  rare. 

En  établissant  la  constance  de  ce  rapport,  nous  considérions  la  contracli- 
lité  des  petits  vaisseaux  comme  le  régulateur  de  la  circulation  tout  entière.  L'iu- 
lluence  du  changement  de  calibre  decesartérioles  ne  se  bornant  pas  à  une 
modification  locale  du  mouvement  du  sang,  mais  retentissant,  de  proche  en 
proche,  Jusque  sur  le  moteur  central,  le  cœur,  qui  réglait  le  nombre  de  ses 


189 
battements  d'après  l'état  de  contraction  ou  de  relùcliemeut  des  vaisseaux  pé- 
riplicriques. 

Pour  ne  pas  aller  trop  loin  dans  les  applications  de  cette  loi,  nous  avons, 
avec  les  autres  physiologistes,  attribué  au  cœur  une  certaine  autonomie,  et 
dans  les  cas  où  la  loi  ci-dessus  semblait  enfreinte,  l'exception  nous  parais- 
sait dépendre  d'une  influence  nerveuse,  agissant  directement  sur  le  cœur, 
pour  donner  à  ses  contractions  une  rapidité  plus  grande. 

La  plus  frappante  de  ces  exceptions  était  la  suivante  :  Un  violent  effort 
d'expiration,  la  glotte  étant  fermée,  augmente  considérablement  la  fréquence 
du  pouls,  et  cependant  le  tracé  donné  par  l'instrument  s'élève  brusquement 
au  moment  de  l'efTort,  prouvant  que  la  tension  est  augmentée  dans  l'artère 
radiale. 

Voici  le  tracé  qu'on  obtient  alors  : 

Fis.   1. 


EH'oi't  d'expiration  maintenu  de  h  un  d. 

Lorsque  l'effort  cesse  la  pression  baisse  dans  la  radiale,  comme  l'indique 
l'abaissement  du  levier  du  sphygmographe,  et  l'on  obtient  la  figure  sui- 
vante : 

VvA-  2. 


JWWV^ 


V\c„       .- 


\  ^. 


Effort  d'expiration  maintenu  de  a  en  b.  Pouls  après  l'eifort,  de  h  en  d. 

Analysons  ces  tracés  dans  leurs  différents  détails. 


190 

On  observe  :  1"  mie  variation  de  la  lifjne  d'ensemble  du  trace  du  pouls  ; 
2"  Un  changement  dans  la  forme  des  pulsations  ; 
3"  Un  changement  dans  leur  fréquence. 

1°  VARIATrONS   DE  LA    LIGNE   D'ENSEMBLE  DU  TUACÉ.  —  (Fjg.    I,  dc  a  CU  b.) 

Les  premières  pulsations  ne  sont  point  altérées,  VefTort  n'a  pas  encore  eu 
1  ieu.  Le  niveau  de  cette  pulsation  reste  sur  une  ligne  horizontale.  En  b,  l'efTort 
d'expiration  commence,  l'aorte  lii(n-aciiiue  et  l'aorte  abdominale  sont  com- 
primées par  l'interméiJiaire  des  gaz  pulmonaires  et  intestinaux  comprimés 
eux-mêmes;  ces  vaisseaux  intérieurs  se  vident  dans  les  artères  périphéri- 
ques :  dans  la  radiale  eu  particulier. 

Ne  nous  occupons  que  de  la  radiale;  cette  artère  reçoit  uu  suiig  sous  l'in- 
fluencc  de  deux  forces  combinées  : 

l»  L'impulsion  cardiaque,  force  intermittente; 

2°  La  compression  aortique,  force  continue,  graduellement  croissante. 

La  ligne  d'ensemble  des  pulsations  va  donc  s'élever  comme  le  ferait  la 
moyenne  des  indications  d'un  manomètre,  elle  s'élèvera  (de  b  en  c),  en  vertu 
dc  deux  mouvements,  l'un  prolongé,  dépendant  de  l'effort,  l'autre  saccadé 
dépendant  du  cœur. 

En  c,  la  contraction  des  muscles  expirateurs  qut  produisenl  l'effort  arrive 
au  terme  de  sa  croissance  ;  elle  reste  à  un  degré  fixe  où  elle  fait  équilibre 
à  la  force  d'expansion  des  gaz  thoraciques  et  abdominaux.  Arrivé  à  ce  point, 
la  ligne  d'ensemble  cesse  de  s'élever,  et  si  l'effort  n'augmente  pas,  elle  des- 
cend bientôt  (de  c  en  d)  sous  l'influeuce  de  l'écoulement  du  sang  artériel  à 
travers  le  capillaires. 

Voici  la  cause  de  cette  descente.  Au  début  de  l'effort,  la  compression  de 
l'aorte  est  secondée  parleretrait  élastique  du  vaisseau  lui-même  qui  concourt 
avec  elle  pour  expulser  vers  la  périphérie  une  partie  du  contenu  de  ce  vais- 
seau. Mais  comme  le  sang  est  poussé  plus  fortement  à  travers  les  vaisseaux 
périphériques,  il  s'écoule  avec  plus  de  rapidité  que  de  coutume  :  alors  l'aorte 
se  désemplit  et  diniiiuic  de  volume,  ?a  tension  élastique  faiblit  donc.  Dès  lors 
l'effort  expirateur  n'étant  plus  secondé  par  le  retrait  do  l'aorte  agit  tout  seul 
et,  quoique  maintenu  au  mémo  degré  d'intensité,  il  a  moins  de  puissance 
pour  pousser  le  sang  dans  les  vaisseaux  de  la  périphérie  :  de  là  abaissement 
graduel  de  la  pression  dans  la  radiale,  à  mesure  que  l'aorte  se  vide. 

Fig.  2.  Sous  l'induence  de  l'effort,  la  tension  était  devenue  élevée  dans  la 
radiale  (Je  o  en  b).  Au  point  b,  l'ellort  cesse.  Le  sang  rellue  brusquement 
des  artères  périphériinics  dans  l'aorlc  qui,  désemplie  par  lu  compression 
qu'elle  vient  d'éprouver,  a  moins  de  tension  Intérieure  que  les  autres  vais- 
seaux. Ce  reflux  produit  dans  le  système  arti-ricl  une  sorte  d'équilibre;  la 
tension  est  faible  dans  toute  son  étcui  lue  ;  la  ligne  d'ensemble  tombe  au  point  c. 

Cependant  le  cœur,  envoyant  de  nouvelles  ondées,  répare  la  tension  aor- 


101 
li(]iie;  et  celle-ci  s"élcvaiU  peu  a  icii,  le  juiig  allliie  de  lujuviaii  dai;s  les  ar- 
tères de  la  périphérie  oii  la  pression  s'élève  peu  à  peu  et  reprend  son  degré 
normal.  La  ligne  d'ensemble  s'élève  doue  peu  à  peu  comme  on  le  voit  dans 
la  ligure  (de  c  en  d). 

■2°  Changements  dans  la  forme  de  la  pulsation.  —  Nous  avons  dit  qu'a- 
vant l'effort,  la  forme  du  pouls  est  normale  (fig.  1,  de  a  en  5).  Au  moment 
où  l'effort  commence  (de  h  en  c),  en  même  temps  que  le  niveau  général  s'é- 
lève, chacune  des  pulsations  est  modifiée  dans  sa  forme.  L'ascension  conti- 
nue à  s'effectuer  brusquement,  mais  la  descente  n'a  plus  lieu  d'une  manière 
complète,  car  l'expulsion  produite  par  l'effort  continue  à  pousser  active- 
ment le  sang  dans  la  radiale  pendant  le  repos  du  cœur.  Aussi  voit-on  sou- 
vent, dans  ce  moment,  la  ligne  du  pouls,  après  s'être  élevée  à  son  maxi- 
mum, se  porter  horizontalement  jusqu'à  l'ascension  suivante. 

Arrivé  au  sommet  de  l'ascension  de  la  ligne  d'ensemble  (en  c),  le  caractère 
du  pouls  a  complètement  changé  :  il  prend  la  forme  dicrote  au  plus  haut  de- 
gré. Le  dicrotisme  est  alors  au  moins  égal  à  celui  qu'on  rencontre  dans  la 
fièvre  typhoïde  la  plus  grave,  il  indique  une  tension  extrêmement  faible  de 
l'aorte.  C'est  qu'en  effet  l'aorte  s'est  vidée  en  partie,  qu'elle  a  diminué  de 
volume  et  que  ses  parois  moins  tendues  sont  devenues  beaucoup  plus  élas- 
tiques. Or  l'élasticité  de  l'aorte  est  la  condition  nécessaire  à  la  production  du 
dicrotisme  (1). 

Tant  que  l'effort  se  continue,  l'élasticité  de  l'aorte  va  en  augmentant,  puis- 
que le  vaisseau  continue  à  se  vider;  aussi  voit -on  l'intensité  du  dicrotisme 
aller  toujours  en  croissant  de  c  en  d  (2). 

Passons  à  la  figure  2.  Au  point  h,  l'effort  cesse  et  le  sang,  avons-nous  dit, 
reflue  vers  l'aorte.  Ce  reflux  est  légèrement  interrompu  par  les  ondées  nou- 
velles que  lance  le  coeur,  et  qui  se  mauifeslcnl  par  des  pulsations  rudimen- 
taires.  Lorsque  ce  reflux  a  eu  lieu,  le  système  arlériel  tout  entier  se  retrouve 
sensiblement  en  équilibre  de  tension,  et  cette  tension,  d'abord  faible  en  c,  va 
s'élever  peu  à  peu  a  chaque  afflux  nouveau.  Aussi  la  pulsation  véritable  a-t-elle 

(1)  Nous  avons  pu  nous  assurer  directement  de  ce  fait  au  moyen  de  tubes 
de  caoutchouc  semblables  en  largeur  et  en  diamètre,  mais  d'élasticités  diffé- 
rentes. Le  phénomène  du  dicrotisme  se  produisait  d'autant  plus  nettement  que 
le  tube  était  plus  élastique. 

(2)  On  peut  remarquer  ici,  en  passant,  un  fait  important  à  signaler  :  la  fré- 
quence du  pouls  devenant  considérable  pour  une  raison  que  nous  donnerons 
tout  à  l'heure.  La  pulsation  complète  n'a  plus  le  temps  de  s'effectuer  avant 
que  la  suivante  n'arrive.  Aussi,  après  l'ascension  du  dicrotisme,  voit-on 
arriver  une  nouvelle  ascension,  pour  ainsi  dire  subintrante  et  qui  corres- 
pond à  une  nouvelle  contraction  du  cœur. 


192 

à  chariiJC  instant  des  caractères  dillcrcnts,  chacune  correspondant  à  un  état 
de  tension  plus  forte  que  celui  de  la  pulsation  précédente,  plus  faible  que 
pour  celle  qui  suit.  Le  dicrotlsme  |va  donc  aller  en  diminuant  (de  c  en  d), 
suivant  en  cela  la  variation  de  la  tension  de  l'aorte  et  de  l'élasticité  de  ce 
vaisseau. 

3°  CHANGEMENTS  DANS   LA  FRÉQUENCE  DU  POULS.  —  NOUS  SaVOUS  que,  dsns 

les  circonstances  ordinaires,  la  forte  pression  correspond  à  un  obstacle  au 
cours  du  sang  et  que,  par  suite,  elle  s'accompagne  de  ralentissement  des 
battements  du  cœur.  Dans  l'effort  d'expiration,  la  pression  est  augmentée 
dans  la  radiale  comme  l'indique  la  hauteur  du  tracé  (1).  Pourquoi  n'y  a-t-il 
pas  diminution  de  la  fréquence  du  pouls?  Pourquoi  cette  fréquence  est-elle, 
au  contraire,  augmentée?  Nous  allons  voir  que  l'explication  est  toute  natu- 
relle, et  que  cette  exception  apparente  est  une  confirmation  nouvelle  de  la  loi 
que  nous  avons  posée. 

L'augmentation  de  pression  qui  a  lieu  dans  les  artères  périphériques  ne 
tient  pas  à  ce  que  le  sang  éprouve  un  obstacle  à  son  écoulement;  mais  elle 
provient  d'une  force  nouvelle  qui  s'ajoute  à  la  contraction  cardiaque  par 
l'afflux  dans  les  artères.  Cette  force,  c'est  la  pression  que  subit  l'aorte  dans  le 
thorax  et  l'abdomen. 

Pourquoi  cette  compression  de  l'aorte  ne  fait-elle  pas  obstacle  à  l'afflux  du 
sang  poussé  par  le  cœur?  C'est  que  le  cœur  lui-même  est  plongé  dans  le 
milieu  comprimé,  c'est  qu'il  est  aidé  dans  sa  contraction  par  la  pression  même 
qui  agit  sur  l'aorte,  et  que  ces  actions  égales  et  contraires  se  neutralisent 
complètement. 

Si  nous  éliminons  l'action  de  la  pression  extérieure  agissant  sur  la  partie 
intra  thoracique  et  intra-abdominalc  de  l'appareil  circulatoire,  que  nous 
reste-t-il?  Une  plus  grande  facilité  du  passage  du  sang  dans  les  vaisseaux 
de  la  périphérie  qui  ne  sont  soumis  extérieurement  qu'à  la  pression  atmo- 
sphérique, et,  par  suite  de  cet  écoulement  plus  facile,  une  fréquence  plus 
grande  des  battements  du  cœur  pendant  l'effort. 

Veut-on  voir  d'une  manière  très-frappante  l'influence  de  la  tension  arté- 
rielle sur  la  fréquence  du  pouls?  Qu'on  regarde,  figure  2  (de  c  en  d),  la  durée 
comparative  de  chacune  des  pulsations  (jui  se  succèdent,  et  pendant  les- 
quelles la  tension  artérielle  se  répare.  On  voit  que  chacune  d'elles,  apparte- 
nant a  un  degré  de  tension  différent,  possède,  non-seulement  une  forme  spé- 
ciale, mais  aussi  une  durée  spéciale  et  que,  dans  les  premières  pulsations 
(au  moment  où  la  tension  est  faible),  il  existe  une  fréquence  très-grande  qui 
diminue  à  vue  d'œil  à  mesure  que  la  tension  s'élève. 

vl)  On  sait  aussi  que  lu  colonne  d'un  manomètre  applique  a  une  artère  s'é- 
lève considérablement  lorsque  l'animal  fait  un  effort. 


193 

La  complexité  de  tous  ces  phcnomèucs  nous  avait  empèclié  pendant  long- 
temps d'en  saisir  les  relations  réciprocpies.  Les  influences  de  l'effort  sur  la 
fréquence  du  pouls  nous  avaient  paru  inexplicables  par  la  loi  dynamique  toute 
seule,  et  suivant  la  tendance  si  naturelle  en  médecine,  nous  avions  attribué 
au  système  nerveux  le  rôle  principal  dans  leur  production... 

Voici  donc  encore  une  fois  le  système  nerveux  dépossédé  d'ut^  de  ses  at- 
tributions. La  stimulation  sympathique  ou  réflexe  des  battements  du  cœur 
pendant  les  contractions  de  l'effort.  Pareille  chose  est  souvent  arrivée  et  devra 
sans  doute  arriver  encore  bien  souvent,  car  l'action  nerveuse  est  la  cause 
qu'on  invoque  pour  presque  tous  les  phénomènes  qu'on  ne  peut  expliquer. 
On  ne  dit  pas  d'un  phénomène  qu'il  est  inconnu  dans  sa  cause,  on  dit  qu'il 
est  nerveux. 

II.  —  Anatomie. 

SUR  LA  CAUSE  DE  LA  DÉPRESSION  CUTANÉE  DE  L'OMWLIC;  par  M.  le  dOCtCUr 

Charles  Robin. 

La  cause  de  la  dépression  que  présente  la  peau  chez  la  plupart  des  sujets, 
au  niveau  de  l'anneau  flbreux  de  la  ligne  blanche  et  du  point  de  continuité  du 
cordon  avec  le  derme,  n'est  pas  nettement  indiquée  par  les  auteurs  qui  se  sont 
occupés  de  ce  sujet.  Cette  dépression  reconnaît  pour  cause  une  des  particu- 
larités du  phénomène  de  la  rétraction  des  vaisseaux  ombilicaux  après  la 
chute  du  cordon.  Elle  est  due  à  la  rétraction  des  artères  d'une  manière  gé- 
nérale, et  spécialement  à  l'adhérence  avec  le  derme  de  l'un  des  filaments 
ligamenteux,  qui,  pendant  cette  rétraction,  se  développent  entre  les  bouts 
artériels  et  les  ombilics  cutanés  et  aponévrotiques.  Cette  insertion  de  l'un  des 
faisceaux  ligamenteux  à  la  peau  existe  toutes  les  fois  que  la  dépression  om- 
bilicale est  marquée  ;  elle  manque  chez  les  sujets  dont  l'ombilic  est  saillant, 
en  forme  de  mamelon  au  lieu  d'être  enfoncé.  Chez  les  mammifères  quadru- 
pèdes, dont  les  artères  se  rétractent  sans  jamais  conserver  avec  l'ombilic  les 
relations  ligamenteuses,  qui  au  contraire  se  développent  toujoiars  chez 
l'homme,  la  cicatrice  cutanée  ombilicale  est  constamment,  ou  saillante  au 
dehors  ou  sur  le  même  plan  que  le  reste  de  la  peau  du  ventre.  Au  milieu  de 
toutes  les  variétés  des  ligaments  faisant  suite  aux  bouts  artériels,  on  peut 
distinguer  les  suivantes  comme  étant  les  plus  constantes. 

Généralement  ces  ligaments  se  réunissent  en  un  tronc  commun  sur  la 
ligne  médiane  ou  un  peu  sur  l'un  de  ses  côtés,  à  un  ou  plusieurs  centimètres 
au-dessous  de  l'ombilic.  Ce  faisceau  commun  gagne  le  bord  inférieur  de 
l'anneau  autour  duquel  il  s'insère  en  s'épanouissant.  Ces  ligaments  et  leur 
portion  médiane  sont  parfois  uniques,  cylindriques  ou  à  peu  près,  épais  de 
1  à  3  millimètres,  très-résistants  jusqu'à  l'âge  le  plus  avancé.  La  portion 
C.  R  13 


194 
médiane  conutiaue  est  quelquefois  plus  grêle  que  os  deux  ligaujeuls  du 
bout  des  ârtèfes  qui  ee  rendent  à  son  extrémité  inférieure,  soit  seuls,  soit 
arec  le  ligament  de  l'ouraque  entre  eux  deux.  Tout  le  système  sousombi- 
lical  peut  se  borner  à  ces  dispositions  anatomiques  auxquelles  il  faut  joindre 
les  vaisseaux  décrits  ailleurs. 

Gliea  quelques  sujets,  ces  derniers  ligaments  ou  le  faisceau  médian  sont 
formés  de  plusieurs  filaments  grêles,  rapprochés  les  uns  des  autres  ;  mais 
ce  fait  est  rare.  Il  en  est  chez  lesquels  une  ou  plusieurs  branches  minces 
comme  un  fil,  partant  des  moignons  artériels,  continuent  en  dehors  des  li- 
gaments précédents  la  direction  occupée  jadis  par  les  artères,  et  se  rendent 
directement  à  l'ombilic  pour  s'y  insérer  avec  ceux-là, 

Ordinairement  un  faisceau  plus  ou  moins  volumineux,  mais  parfois  très- 
fin,  du  volume  d'un  gros  fil  ou  environ,  se  détache  des  ligaments  artériels 
insérés  au  bas  ou  sur  les  côtés  de  l'anneau  ombilical  aponévrotique,  et  se 
fixe  au  derme  de  la  cicatrice  cutanée,  devenue  à  peine  rcconnaissable  du 
reste^  alors  même  qu'on  a  étalé  la  peau.  Cette  insertion  maintient  ainsi  cette 
portion  de  la  peau,  tirée  de  haut  en  bas,  sous  forme  de  cul-de-sac,  dont  le 
fond  est  au  niveau  de  l'anneau  fibreux  de  la  ligne  blanche,  c'est-à-dire  sui- 
te même  plan  que  celui  où  ont  lieu  les  insertions  des  autres  fibres  de  ces 
ligaments.  Par  suite,  l'ombilic  paraît  d'autant  plus  enfoncé  ou  rétracté,  selon 
l'expression  reçue,  que  les  tissus  musculaires  et  adipeux  dépassent  davan- 
tage en  avant  de  la  ligne  blanche  le  niveau  de  celle-ci. 

C'est  lorsque  la  peau  est  ainsi  retenue  au  niveau  m6me  de  l'anneau 
fibreux  de  la  ligne  blanche  par  cette  insertion  d'une  des  divisions  des  liga- 
ments artériels  sur  le  derme  que  la  dépression  cutanée  est  profonde.  Mais  ce 
filament  ligamenteux  traverse  souvent  de  part  en  (jart  l'anneau  aponévroti- 
que ;  alors  le  fond  du  cul-de-sac  cutané  n'atteint  pas  ce  dernier,  il  feste  pias 
ou  moins  en  avant  de  lui,  et  alors  la  dépression  cutanée  est  peu  profonde; 

La  dépression  cutanée  dé  l'ombilic  constitué  une  petite  gaine  irrégulière, 
aplatie  transversalement.  Elle  a  une  profondeur  qui  varie  de  8  ù  15  milli- 
mètres d'un  sujet  a  l'autre.  Son  orifice  est  transversal  on  obliquet  plissé  vers 
ses  commlHsureSi  et  ses  lèvres  sont  sinueuses,  plissées  elles-mêmes  chea 
quelques  sujets.  Ses  parois  sont  appliquées  l'une  contre  l'autre  et  tapissées 
d'un  minée  épiderme.  La  peau  en  est  fine  et  s'enflamme  quelquefois  de  ma- 
nière à  causer  de  la  démangeaison,  de  la  cuisson  même  cf  un  suintement 
purulent  ou  séro-puruletit,  prenant  faCilebietlt  de  l'odéut  et  pouvant  dlirfef 
longtemps  chez  quelffiés  sujets. 

A  partir  de  son  orifice  cette  gaine  est  dirigée  de  haut  en  bas  ;  cette  përticu- 
larilé  est  due  à  la  direction  du  faisceau  liganiéniew.K  artériel  ijui  retient  lire 
rn  bas  le  fond  de  son  cul-de-sac,  lequel  est  appliqué  contre  la  ligne  blanche 
ou  sur  ses  côtés.  Les  ligaments,  qui  du  bout  des  artères  se  rendent  à  l'om- 
bilic, ne  ^'allongeant  pas  pendant  la  grossesse  et  durant  l'ascite  autant  que 


r.!.> 

s'osrandisscnt  les  parois  dii  veiilrc,  ils  rolicnneiit  la  peau  et  rendent  ainsi 
l'ombilic  cutané  d'autant  plus  profond  que  les  parois  sont  distendues  davan- 
tage. 

Lorsque  cette  insertion  dermique  du  faisceau  ligamenteux  manque,  la  peau 
n'est  pas  enfoncée  au  niveau  de  l'ombilic  ou  est  soulevée  par  du  tissu  adi- 
peux, en  forme  de  mamelon  plus  ou  moins  volumineux. 

Autour  de  rinscrtion  du  ligament  mi  deïme,  c'est-à-dlré  à  peu  près  dans 
l'anneau  fibreux  ombilical,  le  tissu  lamineux  sous-cutané  ou  sous-cicatriciel 
est  dépourvu  du  tissu  adipeux.  Il  est  un  peu  plus  tenace  et  un  peu  pins  adhé- 
rent à  la  ligne  blanche  et  à  l'anneau  que  dans  les  autres  régions  de  la  peau; 
mais  il  ne  mérite  pas  le  nom  de  noyau  fbreux  de  la  cicatriie  ombilicale  que 
lui  donnent  quelques  auteurs,  et  ce  n'est  i)as  essentiellement  lui  qui  bouche 
l'anneau.  Derrière  ce  tissU  plus  dense,  «n  trouve  entre  les  lèvres  de  l'anneaW, 
et  vers  sa  demi-circonférencé  supérieure  surtout,  un  peu  de  tissu  adipeux 
lobule,  décrit  par  tous  les  auteurs,  en  arrière  duquel  passent  les  ligaments 
continus  de  la  veine  et  de  l'ouraque^  ou  les  branches  du  ligament  veineux 
allant  à  ceux  des  artères. 

Des  faisceaux  ligamenteux  puissants  peuvent  sercnc'ontrei'  aussi  bieû  dans 
les  cas  où  les  bouts  artériels  sont  descendus  au  niveau  ou  au-dessous  du 
sommet  de  la  vessie  que  dans  ceux  où  ils  sont  restés  au  milieu  de  l'inter- 
valle qui  sépare  ce  dernier  de  l'ombilic.  Le  faisceau  médian  que  forment  par 
sa  réilnion  lés  deux  ligaments  attériels  intrique  ses  fibres,  soit  aVe'C  celles 
de  la  partie  inférieure  seulement,  soit  avec  celles  de  ses  côtés  en  même 
temps.  Dans  ce  derniers  cas,  elles  envoient  souvent  leurs  fibres  derrière  la 
ligne  blanche  à  1  ou  2  centimètres  de  sa  circonférence. 

De  cette  porlion  médiane  sous-ombilicale  des  ligaments  se  détachent  de 
haut  en  bas  ou  transversalement  des  faisceaux  aplatis  qiii  vont  s'épanouir  à 
2  ou  3  centimètres  de  la  ligne  médiane  et  s'intriquer  avec  les  flbi'es  de  l'a- 
pOnévrose  des  gi-ands  droits  de  l'abdomen. 

Sur  quelques  sujets,  ces  ligaments  artériels  volumineux,  près  des  artères, 
s'épanouissent  en  filaments  fréquemment  anastomosés  au-dessous  de  l'an- 
âeau  et  sur  la  face  postérieure  de  la  gaîne  des  sterno-pubicns,  avec  les 
fibres  de  laquelle  les  leurs  s'enchevêtrent.  Il  en  résulte  que  ces  ligaments 
se  tertninent  ainsi  avant  d'arrivet  à  l'anneau  auquel  ne  parviennent  qu'un 
seul  ou  un  petit  nombre  de  filaments  grêles  ^îour  s'insérer  sur  ses  côtés  on 
à  la  peau,  ou  anx  deux  ensemble. 

Lorsque  les  insertions  des  ligaments  artériels  sur  les  côtés  et  à  la  partie 
inférieure  de  l'anneau  sont  puissantes,  son  pourtour  fibreux  se  trouve 
épaissi  et  sa  largeiir  diminuée  d'autant,  Sans  jamais  être  obturée  complète- 
ment ;  il  est  souvent  réduit  à  nn  petit  orifice  triangulaire  de  2  à  3  mil- 
limètres de  large,  ou  à  une  petite  fente  transversale  dont  la  lèvre  supé- 
rieure est  représentée  par  le  pourtour  supévieur  de  l'anneau  fibreux.  <in 


106 
dcconvrecc  dernier  tout  entier  en  enlevant  les  insertions  ci-dessus  par  la 
dissection,  et  alors  on  le  trouve  aussi  large  ou  presque  aussi  large  que 
chez  le  fœtus,  et  parfois  plus  grand.  Tantôt  il  est  circulaire,  tantôt  au  con- 
traire il  est  sous  forme  de  fente  transversale  bilabiée  que  rétrécit  en  bas 
seulement  ou  sur  les  côtés  en  même  temps  l'insertion  des  ligaments  arté- 
riels. 

J'ai  déjà  dit  que  ces  ligaments  n'existent  que  chez  l'homme  et  manquent 
chez  les  autres  mammilèrcs. 

«  Avant  de  gagner  l'ombilic,  ces  deux  vaisseaux  (les  artères  ombilicales) 
chez  l'adulte,  et  cela  est  bien  plus  remarquable  cliez  le  vieillard,  se  divisent 
en  une  multitude  de  petits  cordons  dont  les  uns  se  rendent  au  péritoine, 
et  servent  à  le  fixer  contre  l'ombilic,  et  dont  le  tronc  vient  se  réunir  à  celui 
du  côté  opposé,  dans  l'anneau  ombilical.  »  (Jobert  de  Lamballe,  Maladies 

CHIRURGICALES' DD   CANAL  INTESTINAL.  PariS,    1829,  in-S,  t.  11,  p.  413.) 

«  Il  est  curieux  d'étudier  la  manière  variable  dont  les  artères  ombilicales 
se  convertissent  en  type  fibreux  après  la  naissance.  Quelquefois  ces  artères 
sont  converties  en  deux  cordons  réguliers  qui  se  portent  en  convergeant  à 
l'ombilic.  D'autres  fois,  chacun  de  ces  cordons  est  subdivisé  en  faisceaux 
irréguliers  qu'il  est  difficile  de  rapporter  à  leur  véritable  origine.  »  (Cru- 
veilhier,  Anat.  descriptive.  Paris,  1843,  in-8%  t.  II,  p.  698,  en  note.)  On  a  tu 
par  ce  qui  précède  que  ce  n'est  qu'exceptionnellement  et  très-rarement  que 
les  artères  restent  adhérentes  à  l'ombilic,  et  surtout  que  ce  ne  sont  pas  elles 
qui  se  subdivisent  en  faisceaux  irréguliers,  mais  bien  les  ligaments  qui  se 
sont  développés  entre  elles  et  l'anneau  pendant  leur  rétraction.  C'est  en  s'en- 
chevctranl  avec  les  faisceaux  radiés  de  l'anneau  fibreux  ombilical  que 
s'insèreut  les  ligaments  faisant  suite  aux  artères.  C'est  même  sur  cette  inser- 
tion qu'a  lieu,  quand  ils  sont  puissants,  par  cutre-croisement  réciproque, 
celle  du  ligament  de  la  veine. 

Ces  fibres  d'insertion  des  ligaments  faisant  suite  aux  vaisseaux  tranchent 
par  leur  teinte  d'un  gris  mat  ou  jaunâtre,  moins  brillante  que  celle  des 
faisceaux  aponévrotiques  sur  l'aspect  nacré  des  fibres  radiées  de  l'anneau. 

Le  mode  d'insertion  des  ligaments  faisant  suite  aux  artères  a  été  assez 
exactement  décrit  et  figuré  par  M.  Richct  ;  il  a  seulement  reporté  un  peu  trop 
bas  l'insertion  du  ligament  de  la  veine,  sans  voir  ses  relations  avec  celui  de 
l'ouraquc  (llichet.  Archives  générales  de  médecine,  185(3,  t.  VllI,  p.  650, 
fig.  II).  Comme  les  autres  auteurs,  il  considère  comme  ouraque,  veine  et 
artères  devenus  fibreux  et  adhérents  à  l'ombilic  les  ligaments  qui  leur  font 
suite.  «  Chez  l'adulte,  l'ombilic  est  représenté  par  une  cicatrice  froncée  et 
déprimée,  au  fond  de  laquelle  vient  se  rendre  un  cordon  fibreux  qui  tra- 
verse l'amicau.  Dans  le  cordon,  il  est,  jusqu'à  un  certain  âge,  possible  de 
retrouver,  à  l'aide  d'une  dissection  minutieuse,  les  éléments  qui,  pendant 
la  vie  intra-utérine  établissaient  entre  le  fœtus  et  la  mère  des  rapports  vas- 


197 
culaires  ;  ces  éléments  sont  les  deux  artères  ombilicales,  la  veine  de  ce  nom 
et  enfin  l'ouraque...  Lorsque  après  la  naissance,  ces  organes,  devenus  inu- 
tiles à  la  vie  nouvelle  qui  s'établit,  sont  divisés,  au  niveau  du  point  où  la 
peau  se  réfléchit  sur  le  cordon,  ils  se  fondent  entre  eux  et  avec  le  derme  au 
moyen  d'une  cicatrice  qui  de  jour  en  jour  devient  plus  fibreuse,  plus  résis- 
tante, et  qui,  comjue  tous  les  tissus  inodulaires,  a  une  certaine  tendance  à  se 
rétracter  et  à  attirer  à  elle  les  parties  environnantes.  »  (Richct,  p.  G44.)  Les 
faits  précédents  et  l'étude  de  !a  rétraction  montrent  sufTisamment  ce  que 
cette  interprétation  a  de  vicieux  sans  qu'il  soit  nécessaire  de  la  discuter. 

On  voit  aussi  par  ce  qui  précède  dans  cette  insertion  autour  de  l'anneau 
aponévrotique  ombilical,  des  ligaments  qui  se  sont  développés  pendant  la 
rétraction  des  vaisseaux;  il  n'y  arien  qui  ressemble  aux  cicatrices  quelcon- 
ques et  qui  puisse  leur  être  assimilé;  il  n'y  a  rien  non  plus  dans  l'anneau 
fibreux  lui-même  qui  leur  ressemble. 

D'autre  part,  les  bouts  cicatrisés  et  oblitérés  des  vaisseaux  étant  rétractés 
loin  de  l'anneau,  avant  même  leur  cicatrisation^  il  n'y  a  pas  d'autre  cicatrice 
à  l'ombilic  que  celle  tout  extérieure  de  la  peau.  C'est  du  reste  la  seule  partie 
qui,  avec  les  vaisseaux  qui  se  sont  éloignés,  ait  été  ulcérée,  ouverte  et  mise 
au  contact  de  l'air  à  un  moment  donné.  Sa  cicatrice  seule  présente  à  l'om- 
bilic les  caractères  d'un  tissu  cicatriciel  ou  régénéré,  et  cela  sur  une  éten- 
due des  plus  restreintes.  11  n'y  a  par  suite  rien  qui  autorise  à  se  servir  avec 
presque  tous  les  auteurs  des  expressions  de  cicatrice  ombilicale  et  de  tissu 
inodulaire  en  parlant  soit  des  parties  profondes  de  l'ombilic  qui  s'insèrent  à 
l'anneau  aponévrotique,  soit  de  cet  orifice  lui-même. 

Cbez  les  ruminants,  le  bout  de  la  veine  ombilicale  oblitérée  est  relié  à 
l'anneau  par  un  ligament  simple,  aplati,  blanc,  presque  nacré.  Il  suit  le  bord 
libre  du  repli  ou  ligament  falciforme  du  foie,  puis  s'applique  contre  la  ligne 
blanche  et  se  termine  à  l'anneau  ombilical.  Il  est  formé  de  fibres  élastiques 
et  de  faisceaux  de  fibres  lamineuses,  mais  ne  contient  presque  pas  de  vais- 
seaux. Chez  les  carnassiers,  on  voit  sur  quelques  individus  partir  de  l'ombi- 
lic un  filament  fibreux  blanchâtre  qui  remonte  derrière  la  ligne  blanche,  jus- 
qu'au niveau  du  sillon  médian  du  foie  ;  mais  il  s'éparpille  contre  l'aponévrose 
du  sterno-pubien  sans  gagner  le  foie  dont  le  bord  antérieur  est  libre  et  flot- 
tant en  quelque  sorte^  mais  repose  sur  la  paroi  antérieure  du  ventre. 

Les  traités  d'anatomie  comparée  et  d'anatomie  vétérinaire  ne  parlent 
pas  du  ligament  ci-dessus,  et  à  peine  du  cordon  de  la  veine  ombilicale  obli- 
térée qu'ils  décrivent  comme  se  terminant  à  l'ombilic 

Chez  les  solipèdes  le  cordon  fibreux  provenant  de  l'oblitération  de  la  veine 
ombilicale  adhérant  fortement  dans  une  grande  longueur  à  la  ligne  blanche, 
n'est  relié  à  l'anneau  que  par  de  faibles  ligaments  fibreux  au  nombre  de  deux 
ou  trois  ne  dépassant  souvent  pas  le  volume  d'un  gros  fil  à  coudre  qui  se 
4élaclje  clu  bout  rétvauté  de  la  veine.  Quelques  iUaments  partis  du  J)0«t  de 


m 

ce  dernier,  au  lieu  de  se  rendre  à  l'ombilic  s'écartent  dç  la  lignç  blanche  et  se 
perdent  sur  la  face  postérieure  de  la  gaîqe  des  muscles  çterno-pubiens. 

m.  —  Pathologie  interne. 

1»  NOUVEAU  FAIT  d'OBSTRUCTION  PB  U'ARTÈRE  PULMONAIRE  AVEQ  AFFEGTION  PU 
CC«UU  DROIT  ET  DE  l' ARTÈRE  PULMONAIRE  (DILATATION);  EMPHYSÈME;  CA' 
TARRUE  BRONCHIQUE  ;  pur  M.  LANCEREAUX. 

Dans  le  cours  du  mois  de  juillet  dernier,  j'avais  l'honneur  de  présenter  à 
la  Société,  à  deux  reprises  différentes,  des  poumons  qui,  malgré  leur  altéra- 
tion fort  légère,  offiaient  de  nombreuses  concrétions  fibrineuses  dissémi- 
nées dans  les  divisions  de  l'arlcre  pulmonaire,  dont  elles  oblitéraient  le  ca- 
libre. Les  concrétions  étaient  pour  moi  dos  caillots  autocbtliones  et  non  mi- 
grateurs. J'étais  frappé  en  même  temps  de  la  dilatation  considérable  des 
cavités  du  cœur  droit,  et  j'attirai  l'attention  de  la  Société  sur  cette  dilatation 
coïncidant  avec  une  altération  graisseuse  du  ventricule  et  quelques  plaques 
jaunes  à  la  surface  interne  du  tronc  artériel  ou  de  ses  branches. 

La  relation  de  ces  deux  faits  consignés  dans  les  bulletins  de  la  Société  de 
biologie  (1)  me  permit  de  formuler  les  conclusions  suivantes  : 

1"  La  dilatation  et  l'altération  graisseuse  du  cœur  droit  peuvent  contribuer 
à  la  formation  de  concrétions  fibrineuses  dans  l'artère  pulmonaire.  Le 
plus  souvent,  suivant  nous,  cette  cause  agirait  de  concert  avec  l'altération  de 
l'artère  pulmonaire. 

2"  La  vie  est  compatible  pendant  un  certain  temps  avec  l'oblitération  de  la 
plupart  des  divisions  de  l'artère  pulmonaire,  lorsque  cette  oblitération  sur- 
vient lentement  et  qu'elle  est  due  conséquemment  à  des  caillots  qui  se  for- 
ment sur  place, 

3°  Les  caillots  migrateurs ,  donnant  lieu  à  des  troubles  subits ,  excessifs 
et  souvent  rapidement  mortels ,  peuvent  être  cliniquement  distingués  des 
précédents. 

4"  La  coïncidence  fréquente  d'une  affection  cardiaque  avec  dilatation  et  de 
l'oblitération  de  plusieurs  des  divisions  de  l'artère  pulmonaire  rend  plus  dif- 
ficile le  diagnostic  de  cette  dernière.  Néanmoins,  une  dyspnée  excessive- 
ment pénible,  et  surtout  le  peu  de  rapport  entre  cette  sensation  et  les  ellbrts 
musculaires  de  la  respiration,  les  plaintes  du  malade,  la  pâleur  ou  l'état  vio- 
lacé, le  froid  des  extrémités,  peut-être  aussi  la  moindre  fréquence  et  la  pe- 
titesse du  pouls  sont  autant  de  phénomènes  qui  doivent  mettre  sur  la  voie 
de  l'obstruction  artérielle  et  qui  parfois  suffiront  pour  la  reconnaître. 


(1)  Voir  Gaz.  méd.,  1860,  p.  509. 


199 

5»  L'oblitération  d'une  ou  de  plusieurs  tle§  divisions  «Je  l'artèrç  pulmo- 
naire n'entraîne  pas  nécessairement  l'altération  du  parenchyiiie  du  poumon 
correspondant.  C'est  là  une  preuve  que  i'artèi'e  pulmonaire  est  un  organe 
d'hématose  et  que  les  artères  bronchiques  sont  plus  spécialement  destinées 
à  la  nutrition  des  poumons. 

Aujourd'hui,  j'apporte  un  nouveau  fait  à  l'appui  des  conclusions  pré- 
cédentes. Je  le  ferai  suivre  de  quelques  remarques  qui  viendront  com- 
pléter ce  que  j'ai  déjà  dit  de  cette  maladie  redoutable  qui  commence  par  de 
la  dyspnée,  de  l'emphysème,  du  catharre,  des  palpitations,  et  qui  se  termine 
fréquemment  par  de  l'anasarque,  des  concrétions  fîbrineuses  au  sein,  de  l'ar- 
tère pulmonaire,  la  dilatation  du  cœur  droit;  altérations  diverses  qui  Unis- 
sent par  amener  l'asphyxie  et  la  mort. 

Obs.  —  Lair,  60  ans,  vidangeur,  entre  à  l'hôpital  de  la  Pitié  }e 20  novem- 
bre 1860,  salle  Saint-Paul,  service  de  M.  i^avotte. 

C'est  un  homme  robuste  et  bien  constitué.  Sa  poitrine  est  large,  ses  u;em- 
bres  sont  développés,  son  emboppoint  ordipaire,  l\  raconte  que  son  père  e^t 
mort  d'une  malacjie  qui  présentait  beaucoup  de  ressemblance  ^vec  celle  qui 
l'amène  à  l'hôpital-  Quant  à  sa  mère,  elle  toussait  fréquemipent ,  mais  il  ne 
peut  dire  à  quelle  affection  elle  a  succombé. 

Il  accuse  de  l'essoufflement,  des  palpitations,  de  la  dyspnée,  du  catarrhe  re- 
venant à  peu  près  chaque  année  depuis  son  enfance,  Il  a  toujours  eu,  comme 
il  le  dit,  riialeine  courte,  mais  il  ne  peut  préciser  quel  a  été  le  phénomène 
initial.  Depuis  six  mois  il  s'est  aperçu  de  l'œdème  des  membres,  qqi  aujour  ■ 
d'hui  est  considérable,  Jaipaisil  n'a  étg  qttgiû':  de  rhumatisme  j  ici,  ^es  ré- 
ponses sont  très-positives. 

Nous  constatons  :  faciès  tuméfié,  livide,  lèvres  grosses  violacées,  infiltra- 
tion séreuse  générale,  plus  prononcée  aux  membres  inférieur  et  supérieur 
droit.  Froid  des  extrémités.  Ascite  légère,  épanchement  peu  abondant  de  sé- 
rosité dans  les  cavités  pleurales,  râles  humides  dans  la  plus  grande  étentjue 
des  deux  poumons ,  crachats  épais  peu  aérés,  nmeo-purulents.  A  la  percus- 
sion sonorité  un  peu  exagérée  dans  quelques  points,  diminuée  à  la  hase. 
Dypsnée  intense,  efforts  respiratoires  peu  énergiques.  (Emphysème,  çeclème, 
catarrhe.) 

L'impulsion  du  cœur  est  faible,  le  pouls,  d'une  fréquence  ordinaire,  est 
mal  frappé,  mou,  dépressible.  Léger  reflux  dans  Jes  veines  du  cou  un  peu 
dilatées,  foie  volumineux.  (Diurétiques  et  purgatifs,  vin  diurétique,  pGani- 
monce.) 

Durant  les  jours  suivants,  on  ne  constate  pas  d'amélioration  bien  sensible, 
l'œdème  ne  diminue  pas,  la  cyanose  s'accroit  plutôt ,  la  dypsnée  augmente; 
on  constate  de  la  raatité  en  arrière  et  à  droite  ;  le  murmure  vésiculajre  y  est 
absent. 


200 
A  partir  du  1"  décembre,  ae^gravalion  des  phénomènes  précédents.  Affais- 
sement de  plus  en  plus  prononcé.  Mort  le  5  décembre. 

Autopsie.  —  L'abdomen,  le  péricarde,  les  plèvres,  renferment  un  liquide 
séreux  non  inflammatoire.  Dans  la  plèvre  droite,  où  l'épanchenicnt  se  trouve 
un  peu  plus  abondant  qu'à  gauche,  il  existe  quelques  adhérences  anciennes 
et  assez  lâches  entre  la  surface  extérieure  du  poumon  et  la  paroi  thoracique 
correspondante. 

Les  poumons  sont  bosselés.  Ce  phénomène  tient  à  la  dilatation  par  l'air  de 
quelques-uns  de  leurs  lobules ,  et  au  retrait  de  quelques  autres  qui  sont 
comme  carnifiés.  Ce  dernier  état  paraît  reconnaître  pour  cause  l'épanchc- 
ment  pleural  plutôt  que  l'obstruction  artérielle,  puisque  les  lobules  carnifiés 
ne  correspondent  pas  spécialement  aux  branches  oblitérées  de  l'artère. 

Un  peu  d'oedème  et  de  congestion ,  sans  extravasation  sanguine,  achèvent 
de  constituer  l'altération  pulmonaire. 

Le  cœur  tout  entier  a  la  forme  d'une  gibecière,  il  est  volumineux  ;  à  droite, 
il  est  chargé  de  graisse.  Les  valvules  ne  sont  pas  altérées,  l'orifice  tricuspide 
est  élargi.  Le  cœur  a  ses  dimensions  et  son  volume  à  peu  près  normaux. 
Le  cœur  droit,  convenablement  dilaté,  a  sa  cavité  plus  que  doublée.  La  paroi 
est  épaissie,  son  tissu  un  peu  jaunâtre  ,  ses  fibres  musculaires  sont  chargées 
de  quelques  granulations  grises  et  graisseuses.  11  renferme  un  sang  noir  et 
coagulé  sans  trace  de  caillots  fibrineux.  Nulle  part  dans  le  système  veineux 
ne  se  rencontre  la  moindre  concrétion  fibrineuse.  L'artère  pulmonaire  est  le 
siège  d'une  dilatation  eu  quelque  sorte  proportionnelle  à  la  dilatation  vontri- 
culaire.  La  paroi  est  jaunâtre,  mais  non  épaissie  ou  ulcérée  ;  ou  voit  dans  plu- 
sieurs de  ses  divisions  de  troisième  et  quatrième  ordre,  à  droite  comme  à 
gauche,  au  sommet  et  à  la  base  des  poumons,  des  caillots  fibrineux  oblité- 
rant pour  la  plupart  la  cavité  du  vaisseau,  ayant  généralement  pour  siège  et 
pour  point  de  départ  l'angle  de  division  des  branches  de  l'artère  à  laquelle 
un  certain  nombre  sont  assez  adhérentes  pour  ne  pouvoir  en  être  détachées 
sans  déchirure  de  la  membrane  interne. 

Quelques-unes  de  ces  concrétions  envoient  des  prolongements  dans  les  di- 
visions subséquentes  ;  d'autres,  du  volume  d'un  pois,  sont  arrondies  et  sans 
prolongements,  toutes  sont  constituées  par  de  la  fibrine,  dans  laiiuelle  les 
granulations  graisseuses  sont  encore  très -rares.  Elles  sont  lisses  à  leur  grosse 
extrémité,  où  se  rencontre  parfois  du  sang  noir  plus  récemment  coagulé. 

Le  foie  est  volumineux,  à  surface  un  peu  granuleuse,  il  est  congestionné, 
ses  vaisseaux  renferment  du  sang  très-noir;  il  ofTre  à  la  coupe  un  pointillé 
aunâtre. 

La  rate  est  petite  et  dure. 

Les  reins  ne  paraissent  pas  altérés, 

Léger  œdème  aTébval, 


201 

J'ai  déjà  rappelé  les  symptômes  qui,  dans  les  cas  de  oe  genre,  peuvent 
mettre  sur  la  voie  du  diagnostic  des  concrétions  librineuses  de  l'artère  pul- 
monaire. J'ajouterai  seulement  que  l'induction  pourra  encore  y  aider;  car 
si  je  m'en  rapporte  à  mes  propres  recherches,  je  dirai  qu'il  m'est  presque 
toujours  arrivé  de  rencontrer  des  caillots  flbrineux  au  sein  de  l'artère  pul- 
monaire dans  la  dilatation,  avec  altération  graisseuse  du  cœur  droit,  sans 
lésion  vulvulaire;  rarement,  au  contraire,  dans  les  autres  alTections  car- 
diaques. 

Pour  ce  qui  est  de  l'origine  de  ces  caillots,  il  me  semble  toujours  qu'il 
faut  laisser  une  certaine  part  à  l'affection  du  cœur  droit.  En  effet,  dans  le  cas 
actuel,  l'artère  pulmonaire  pas  plus  que  le  poumon  n'étaient  primitive- 
ment altérés;  l'état  de  cachexie,  propre  à  notre  malade,  ne  paraît  pas  plus 
favorable  à  la  formation  de  dépôts  flbrineux,  puisque  partout,  même  dans  le 
cœur  droit,  nous  avons  trouvé  le  sang  noir  sans  coagulum  flbrineux.  On 
pourrait  encore  se  demander  si  l'obstacle  apporté  au  cours  du  sang  par 
l'état  des  poumons  n'est  pas  pour  quelque  chose  dans  la  formation  des  cail- 
lots. Pour  éluder  cet  argument,  il  sulflt  de  faire  remarquer  que  ce  n'est  pas 
ordinairement  dans  les  dernières  divisions  de  l'artère  que  se  rencontre  la 
coagulation,  mais  plutôt  dans  les  divisions  de  deuxième,  troisième,  parfois 
de  quatrième  ordre,  et  fréquemment  au  niveau  d'un  éperon.  Ainsi,  tout 
semble  indiquer  que  ces  caillots  se  forment  sur  place,  et  que  la  force  d'im- 
pulsion du  cœur  droit  troublée  et  affaiblie  contribue  puissamment  à  leur 
formation.  Leur  forme,  leur  disposition,  leur  siège  néanmoins,  peu  diffé- 
rents de  ce  qu'ils  sont  dans  les  cas  d'embolie,  doivent  mettre  sur  la  réserve 
ceu.x  qui  ont  de  la  tendance  à  trouver  partout  des  caillots  migrateurs.  Entons 
cas,  si  ma  manière  de  voir  n'est  pas  partagée,  qu'on  veuille  bien  cependant 
reconnaître  la  coïncidence  fréquente  de  la  dilatation  du  cœur  droit  et  de 
l'obstruction  de  l'artère  pulmonaire. 

De  toutes  les  affections  cardiaques,  celle  qui  m'occupe  en  ce  moment  est 
certainement  l'une  des  plus  graves  ;  elle  est  fréquemment,  sinon  toujours 
mortelle,  et  souvent  dans  un  court  espace  de  temps.  J'ai  en  ce  moment  sous 
les  yeux  un  homme  de  32  ans  qui  en  est  atteint.  Robuste  en  apparence,  il  n'a 
jamais  cependant  pu  exécuter  de  travaux  rudes  et  prolongés.  Dans  le  cou- 
rant du  mois  d'aoiit  dernier,  il  vit  ses  jambes  enfler  pour  la  première  fois; 
les  purgatifs  et  la  digitale  ne  tardèrent  pas  à  faire  disparaître  l'œdème  qui 
amenait  le  malade  à  l'hôpital.  11  sortit  bientôt,  et  rentra  le  15  novembre. 
L'œdème  qui  cette  fois,  comme  chez  le  précédent  malade,  occupe  les  membres 
inférieurs  et  se  trouve  plus  prononcé  au  membre  supérieur  droit,  se  montre 
rebelle,  malgré  l'emploi  des  purgatifs  et  des  diurétiques;  des  râles  nom- 
breux dans  les  deux  poumons  se  font  entendre,  les  symptômes  d'anhéma- 
tosie  se  développent;  encore  peu  de  temps,  et  la  mort  surviendra.  Chez  nos 
deux  roaUdes,  nous  avons  noté  l'abseoce  d'atteinte rhiimatismîile  aotérjeuie  ; 


202 

çbe?  l'un  comme  chez  l'autre,  la  maladie  parait  héréditaire.  Mais  alors  est- 
ce  l'affection  cardiaque  ou  l'atTection  pulmonaire,  ou  toutes  les  deux  à  la 
lois  qui  se  transmettent  héréditairement? 

Je  serais,  pour  ma  part,  assez  porté  à  croire  que  l'affection  pulmonaire  est 
seulement  héréditaire,  Mais  alors  il  me  faut  considérer  l'affection  cardiaque 
comme  une  affection  secondaire  et  consécutive  à  l'altération  primitive  du 
poumon  (emphysème,  catarrhe).  La  dilatation  simultanée  de  l'artère  pulmo- 
naire et  des  cavités  droites  viendrait  assez  à  l'appui  de  cette  opinion  ;  on 
sait  en  outye  que  l'altération  du  système  capillaire  chez  les  vieillards  donne 
souvent  lieu  à  l'hypertrophie  et  à  la  dilatation  du  cœur  gauche.  Cependant, 
sans  oublier  que  le  cœur  droit,  dans  l'affection  qui  nous  occupe,  n'est  généra- 
lement que  fort  peu  hypertrophié,  et  tout  en  reconnaissant  qu'un  grand 
nombre  d'emphysémateux,  de  catarrheux  n'offrent  jamais  les  altérations  sur 
lesquelles  nous  cherchons  à  attirer  l'attention  des  cliniciens  et  des  anatomo- 
pathologistes,  nous  pensons,  lorsque  nous  savons  que  la  dilatation  du  cœur 
droit  est,  pour  ainsi  dire,  habituelle  chez  les  individus  dont  la  poitrine  est 
rétrécie  et  déformée,  que  la  théorie  mécanique  que  nous  adoptons  est  encore 
la  plus  rationnelle.  Nous  savons  du  reste  que  tout  obstacle  à  la  respiration 
apporte  toujours  un  certain  trouble  dans  la  circulation. 

Nous  résumons  ce  fait  et  les  réflexions  qui  l'accompagnent  par  les  propo- 
sitions suivantes  : 

U  II  est  une  affection  du  cœur  droit  et  de  l'artère  pulmonaire  consistant 
dans  la  dilatation  de  ces  organes. 

2°  Dans  cette  affection,  rarement  accompagnée  de  l'hypertrophie  du  ven- 
tricule droit,  il  y  a  fréquemment  surcharge  graisseuse  de  ce  ventricule  et 
concrétions  flbrineuses  dans  les  divisions  de  l'artère  pulmonaire. 

3°  Cette  affection,  fréquente  chez  les  emphysémateux  et  tous  les  indivi- 
dus qui  offrent  une  déformation  prononcée  du  thorax,  diffère  cliniquement 
de  la  plupart  des  maladies  cordtaques  par  l'absence  du  souffle;  elle  se  re- 
connaît en  outre  à  la  dyspnée  excessive  accusée  par  les  malades,  à  l'œdème 
ordinairement  très-prononcé  et  parfois  plus  considérable  à  droite  qu'à 
gauche,  à  la  mollesse  du  pouls,  au  froid,  et  à  l'état  violacé  habituel  de  la 
face  et  des  extrémités. 

2'  HPMATPCÈLP  PÉRI-UTÉRINE  COMMUNIQUANT  AVEC  L'INTESTIN  ET  LA  VESSIE  ; 

observation  par  MM.  Martin-Mag^on  et  Soulié, 

Obs.  —  P...,  âgée  de  18  ans,  d'un  tempérament  lymphatjco-nerveux,  d'une 
constitution  chétive,  habite  Paris  depuis  le  24  décembre  1859.  Elle  a  été  ré- 
glée à  10  ans;  à  14  ans  ans  elle  a  eu  pour  la  première  fois  un  rapport 
sexuel  qui  a  été  suivi  d'une  grossesse.  Elle  est  acccouchéc  à  huit  mois  d'un 
garçon  cpii  a  vécu  neuf  jours.  La  grossesse  et  l'accouchement  n'ont  rien  pré- 


203 
sente  (Je  particulier.  Pendant  trois  années  cette  jeune  fille  a  vécu  daaa  la  con- 
tinence, puis  elle  s'est  livrée  au  désordre.  Dans  le  raoia  de  novembre  1859 
elle  est  prise  tout  à  coup,  au  moment  de  ses  règles,  de  douleurs  dans  la  ré- 
gion hypogastrique.  Ces  douleurs,  légères  d'abord,  allèrent  peu  à  peu  en  aug- 
mentant. M.  Martin-Magron  voit  la  malade  le  trois'ième  jour  ;  elle  est  couchée 
sur  le  dog,  la  figure  anxieuse,  le  pouls  fréquent,  dur  et  petit.  Nausées,  envies 
de  vomir;  le  ventre  est  tendu,  très-douloureux  à  la  pression,  dans  la  région 
hypogastrique,  surtout  au  niveau  de  la  fosse  iliaque  gauche,  la  miction 
est  dilTicile,  constipation,  les  règles  sont  arrêtées.  Quinze  sangsues  loco  do- 
lenti^  cataplasmes,  bains  purgatifs,  Après  huit  jours  les  douleurs  ont  dimi- 
nue, l'exploration  de  l'abdomen  est  devenue  plus  facile;  on  sent  comme  un 
empâtement  dans  la  fosse  iliaque  gauche  et  dans  le  petit  bassin  ;  la  malade  se 
refuse  à  l'exploration  vaginale  (Frictions  avec  l'onguent  napolitain,  cata- 
plasmes, bouillon). 

Après  quinze  jours,  les  douleurs  ont  à  peu  près  cessé,  la  malade  se  lève, 
elle  se  plaint  d'un  sentiment  de  gêne  dans  le  bas-ventre  avec  difficulté  d'uri- 
ner et  d'aller  à  la  garde-robe.  En  déprimant  la  paroi  antérieure  de  l'abdo- 
men au-dessus  du  pubis,  on  sent  dans  le  petit  bassin  une  tumeur  molle, 
grosse  comme  une  orange  ;  le  toucher  vaginal  fait  reconnaître  en  arrière  et 
sur  les  côtés  du  col  de  l'utérus  une  saillie  arrondie,  dépresaible,  évidem- 
ment en  rapport  avec  la  tumeur  signalée  dans  le  petit  bassin,  ha  malade  se 
rétablit  peu  à  peu  en  conservant  cependant  une  difficulté  dans  la  miction 
et  la  défécation.  La  tumeur  n'a  pas  changé  de  volume.  Dans  le  mois  de  juin 
1860,  la  jeune  flUe  est  prise  de  douleurs  sourdes  d'abord,  puis  très-aiguës, 
ayant  leur  siège  principal  dans  la  cavité  pelvienne  et  s'irradiant  vers  la  fosse 
iliaque  droite.  La  fièvre  est  intense.  Nouvelle  application  de  sangsues,  cata- 
plasmes, frictions  mercurielles. 

Après  huit  jours  les  douleurs  ont  diminué,  mais  la  lièvrg  persiste,  la  santé 
générale  commence  à  s'altérer,  perte  d'appétit,  envie  presque  continuellQ 
d'uriner,  La  tumeur  est  à  peu  près  la  même  qu'auparavant.  Un  jour,  à  la  suite 
de  douleurs  très-vives,  les  urines  sont  rendues  troubles,  noirâtres  et  exha- 
lant une  odeur  des  plus  désagréables.  Le  surlendemain  elles  sont  moins  colo- 
rées, et  laissent  déposer  une  matière  qui,  par  l'agitation,  se  délaye  dans  le 
vase  sous  forme  de  nuage.  Une  exploration  attentive  du  petit  bassin  apprend 
que  la  tumeur  a  disparu,  du  moins  on  ne  distingue  plus  comme  auparavant 
sa  forme  et  ses  limites.  Quelques  jours  après  ce  changement  survenu  dans  les 
urines,  la  malade  rend  par  l'urètre  un  lambeau  de  tissu  de  2  pouces  de  long 
et  d'une  ligne  et  demie  de  large,  puis  elle  s'aperçoit  que  des  gax  s'échappent 
par  le  méat  urinaire  pendant  la  miction.  Ce  fait  est  bien  constaté  par  les 
assistants  (1).  A  partir  de  ce  moment,  la  jeune  fille  va  de  mal  en  pis,  elle  ne 

(1)  L'urine  est  sale  et  a  l'odeur  de  matière  fécale. 


204 
mange  presque  plus,  la  diarrhée  est  permanente,  la  maigreur  est  efifrayaute. 
Le  24  septembre,  la  malade  entre  à  l'hôpital  de  la  Charité  dans  le  service  de 
M.  Malgaigne,  suppléé  par  M.  Depaul.  A  ce  moment  le  ventre  est  déprimé, 
pas  douloureux,  si  ce  n'est  au-dessus  du  pubis  où  par  la  pression  on  déter- 
mine ime  sorte  de  gargouillement.  La  malade  rend  toujours  des  gaz  en  uri- 
nant. Le  toucher  vaginal  auquel  elle  se  résigne  diiricilement  ne  laisse  sentir 
aucune  tumeur.  On  cherche  a  relever  les  forces  par  des  toniques,  on  combat 
la  diarrhée  par  des  lavements,  etc.,  câlin  P...  meurt  dans  le  marasme  le  phis 
complet  le  15  octobre;  depuis  quelques  jours  elle  ne  rendait  plus  de  gaz  en 
urinant,  et  le  bruit  aérique  qu'on  entendait  au-dessus  du  pubis  avait  dis- 
paru. 

L'autopsie  est  pratiquée  par  M.  Soulié,  interne  de  service,  en  présence  de 
MM.  Martin-Magron  et  Gaéniot. 

Au  moment  où  on  veut  détacher  la  paroi  antérieure  de  l'abdomen,  on  s'a- 
perçoit qu'au  niveau  du  petit  bassin,  elle  a  contracté  des  adhérences  avec 
une  masse  intestinale  composée  du  cœcum,  de  l'S  iliaque  et  d'une  portion 
d'intestin  grêle.  En  opérant  avec  précaution,  on  trouve  dans  l'épaisseur 
même  de  la  paroi  abdominale  une  cavité  pouvant  loger  une  noiselte,  à  fond 
gris  noirâtre  et  dont  les  connexions  seront  ultérieurement  indiquées.  En  dé- 
truisant avec  soin  les  adhérences  qui  unissent  les  dilleienles  portions  d'intes- 
tin signalés  plus  haut,  on  pénètre  dans  une  poche  qui  occupe  la  plus  grande 
partie  du  petit  bassin  et  se  prolonge  à  gauche  vers  la  fosse  iliac[ue.  Cette  ca  • 
vite,  pleine  d'un  liquide  jaunâtre,  ayant  l'odeur  de  la  matière  fécale,  est  li- 
mitée en  avant  et  en  haut  par  la  masse  intestinale  dont  il  a  été  question,  en 
avant  et  en  bas,  par  une  portion  de  la  face  postérieure  de  la  vessie,  plus  bas 
encore  par  l'utérus  et  les  ligaments  larges  (1)  qui  ont  été  refoulés  vers  le  plan 
cher  du  petit  bassin,  en  arrière  par  le  rectum,  et  sur  les  côtés  par  la  portion 
des  parois  latérales  du  pelvis,  qui  sont  en  arrière  des  ligaments  larges.  La 
poche  dont  nous  venons  de  limiter  les  contours  présente  trois  ouvertures; 
la  première  communique  avec  la  cavité  signalée  dans  la  paroi  abdominale,  la 
seconde  débouche  dans  la  vessie,  la  troisième  dans  la  partie  inférieure  de 
l'intestin  grêle,  à  2  pouces  au-dessous  du  cœcum.  L'ovaire  gauche,  réduit  à 
une  bandelette  de  tissu  libreux  est  remplie  par  un  kyste  sanguin  gros 
comme  une  noix  ;  la  trompe  de  ce  côté  est  dans  l'état  normal;  l'ovaire  droit 
est  comme  réduit  en  bouillie,  la  trompe  droite  a  l'épaisseur  du  petit  doigt, 
et  présente  à  la  face  externe  une  excoriation  large  comme  l'ongle,  à  bords 
déchiquetés,  la  muqueuse  est  rouge,  boursouflée,  granuleuse.  Les  veines 
du  plexus  ovari([ue  ne  sont  point  variqueuses;  l'utéi us  est  sain.  La  vessie 
présente  sur  sa  paroi  postérieure  une  saillie  analogue  à  l'am[)oule  de  Watcr, 


(!'  Avec  lu  truiujjc  cl  l'uViuio  du  côté  di'oit 


205 
au  sommet  de  laquelle  est  un  orifice  qui  conduit  dans  jhi  poclic  que  nous 
avons  décrite.  Le  rectum  est  couvert  dans  toute  son  étendue  d'ulcérations 
analogues  à  celles  qu'on  rencontre  dans  la  dyssenterie  chronique.  Quelques 
brides  ligamenteuses  brillantes,  établissent  des  adhérences  entre  le  foie  et 
le  diaphragme.  Le  cœur  elles  poumons  sont  sains. 

L'époque  de  l'apparition  des  douleurs,  la  marche  de  la  maladie,  les  faits 
constatés  à  l'autopsie,  nous  portent  à  croire  que  dans  le  cas  que  nous  venons 
de  rapporter,  il  y  a  eu  hématocèle  intra-péritonéale  résultant  d'une  hémor- 
rhagie  ovarienne,  puis  six  mois  après,  inflammation  ulcérative  de  la  poche, 
et,  par  suite,  communication  de  celle-ci  avec  les  organes  environnants. 

3°  POCHE  HYDATIQUE  EXPULSÉE  DE  L'UTÉRUS  D'UNE  FEMME  DE  34  ANS  ; 

par  le  docteur  Henri  Jacquart. 

Madame  L...,  âgée  de  34  ans,  d'un  tempérament  lymphatique,  a  eu  quatre 
enfants,  dont  le  plus  âgé  a  12  ans.  Elle  a  toujours  été  bien  réglée.  Tous  ses 
accouchements  ont  été  réguliers  et  faciles,  à  l'exception  du  dernier  que  nous 
avons  terminé  par  le  forceps.  L'enfant  qui  se  présentait  par  la  tète  est  venu 
mort,  ce  qu'on  peut  attribuer  au  retard  apporté  par  la  sage-femme  à  recou- 
rir à  notre  intervention.  Les  règles  sont  revenues  au  bout  de  six  semaines. 
Ceci  se  passait  quatre  ans  environ  avant  que  cette  dame  n'expulsât  le  produit 
dont  nous  avons  à  nous  occuper  aujourd'hui. 

Les  règles  ont  eu  lieu  huit  jours  avant,  mais  d'une  manière  insuiïisante. 
Le  23  août  1860,  la  veille  du  jour  où  nous  l'avons  vue,  elle  ressent  dans  l'a- 
prèS'dîner  des  tranchées  utérines  ;  elle  rend  quelques  portions  de  membra- 
nes épaisses,  lisses,  transparentes,  en  un  mot  semblables  à  celles  qui  enve- 
loppent les  hydatides  et  des  eaux  rousses. 

Appelé  vers  dix  heures  du  soir,  nous  ne  pouvons  nous  rendre  auprès  d'elle, 
et  pour  calmer  ses  douleurs  nous  prescrivons  9  gouttes  de  laudanum  de 
Rousseau  dans  un  quart  de  lavement.  Les  tranchées  deviennent  moins  péni- 
bles sans  cesser  complètement,  et  le  soir,  vers  onze  heures,  est  expulsée  ia 
poche  de  l'hydatide  mère  n'ayant  pas  moins  de  5  à  6  centimètres  de  diamè- 
tre, vidée  qu'elle  était  d'une  grande  partie  de  son  contenu,  et  ses  parois  étant 
alTaissées.  C'est  cette  poche  que  le  lendemain  notre  savant  collègue  M.  le 
docteur  Vulpian  a  bien  voulu  soumettre  de  notre  part  à  votre  examen, 
n'ayant  pu  nous-mème  assister  à  la  séance.  Notre  estimable  collègue  M.  le 
docteur  Davaine,  si  compétent  en  pareille  matière,  s'est  chargé  de  l'exami- 
ner, et  a  constaté  que  c'était  bien  une  poche  qui  avait  renfermé  des  hyda- 
tides. 

La  malade  nous  a  appris  qu'il  y  a  deux  ans,  elle  a  rendu  en  revenant  d'une 
course  des  produits  semblables.  Le  lendemain,  25  août  1860,  jour  où  seule- 
ment nous  la  voyons,  les  tranchées  ou  douleurs  utérines  ont  cessé.  Le  col 


206 
de  l'utérus,  eiilr'ouvert,  permet  l'introiluction  du  doigt  indicateur  jusqu'à  la 
moitié  de  la  longueur  de  la  première  phalange.  Le  corps  de  la  matrice  est 
un  peu  plus  gros  que  dans  l'état  normal.  11  s'écoulait  du  vagin  un  liquide 
presque  transparent  et  en  petite  quantité.  Quelques  jours  de  repos  suffirent 
pour  ramener  la  santé.  Les  règles  revinrent  à  l'époque  voulue,  et,  depuis, 
cette  dame  a  contiaué  à  se  bien  porter; 

IV.  —  TÉRATOLOGIE. 
OBSERVATION  DE  CRVPTORCHIDIE  ;  ABSENCE  D'AMMALCIîLES  DAXS  LE  SPERME  DU 

sujet;  par  M.  E.  Berchon, chirurgien  de  première  classe  île  la  marine,  chef 
de  travaux  anjitomiques  de  l'École  de  medeciùe  uaValè  de  Rochefott. 

Un  voilier  des  constructions  navales  du  port  de  Rocheforl  entre  à  l'hôpilal 
de  la  marine  en  février  1860  pour  obtenir  un  bandage  herniaire  du  côté 
droit.  M.  Beau,  deuxième  chirurgien  en  chef,  reconnaît  l'absence  des  testi- 
cules dans  le  scrotum,  la  présence  du  testicule  droit  dans  le  caual  inguinal, 
et  m'invite  à  visiter  le  sujet. 

D*"  (Félix),  âgé  de  21  ans,  né  à  la  Rochelle  (Charente-Inférieure),  o?t  de 
petite  taille;  son  embonpoint  est  médiocre,  ses  forces  moins  qu'ordinaires  ; 
il  est  blond,  ses  cheveux  sont  fins  et  lisses,  il  n'a  pas  de  barbe  au  visage,  à 
l'exception  de  petites  moustaches  à  poils  rares  et  roides,  qu'il  semble  soi- 
gner d'Une  manière  particulière;  le  système  pileux  est  du  reste  peu  déve- 
loppé sur  le  thorax  et  sur  les  ûiembres,  il  n'existe  même  qu'aux  aisselles 
et  aux  jambes j  où  se  remarquent  quelques  poils  claii'-semés  et  courts. 

6a  voix  est  peu  toriej  tirlarde;  Il  n'a  jamais  pU  chanter  ;  sa  mine  est  assez 
éveillée,  son  teint  coloré,  et  son  intelligetice  pai'âît  ordinaire* 

D"*  est  loquace  et  parait  s'être  beaucoup  occupé  de  l'anotnalie  qu'il  pré- 
sente dans  le  développement  de  ses  organes  génitaux. 

Il  dit  n'avoir  jamais  eu  de  testicules  dans  le  atrotum,  et  avoir  caché  so\\ 
état  jusqu'à  l'époque  de  son  entrée  à  l'hôpital;  il  a  eouvent  éprouvé  des 
douleurs  dans  l'aine  droite,  principalement  à  la  suite  d'une  fatigue  prolongée, 
mais  il  n'a  jamais  demandé  d'exemption  de  service  pour  ce  motif. 

Il  a  réclamé  pour  la  première  fois  les  conseils  d'un  médecin  vers  le 
commencement  de  février  18G0,  et)  comme  il  arriTO  presque  toujours  en 
pareille  circonstance  (M>  un  bandage  herniaire  a  été  conseillé  ;  mais  son  ap- 


(I)  Voyez  Recherches  sur  les  monorchides  et  les  cryptorchides  chèx 
l'homme,  par  Ernest  ttodard.  Paris,  1856,  ln-8,  p.  t2>  €t  Étudbs  sCr  La 
monorchioie  et  la  cRYPTORcniDiB  casEZ  l'homme,  par  ie  docteur  Ernest  Godard. 
Paris,  Victor  MassoB»  1857,  in-8,  p.  3'2. 


207 
plication  a  déleruiiiié  des  douleurs  si  iiilulérablci  qu'il  a  iallu  iiioiujdc- 
nient  reaoncel-  à  son  emploi. 

D***  ajoute  qu'il  a  eu  des  érections  assez  fréquentes  depuis  l'Age  de  15  ans, 
et  qu'il  est  porté  aux  relations  sexuelles,  qu'il  dit  1-edlieïcher  deux  fois  en- 
viron par  semaine.  Le  coït  n'est  pas  douloureux. 

L'examen  de  la  région  scrotale  permet  de  reconnaître  Ce  qui  sUit  : 

La  saillie  normale  du  scrotum  manqué  complètement,  mais  l'enveloppe 
cutanée  présente  cependant,  au  niveau  du  bulbe  urétral  et  vers  la  racine 
de  la  verge,  un  état  de  corrUgation  et  de  plissemefit  marqués  ;  les  tégu- 
nicnts  ont  en  cet  endroit  une  teinte  foncée  brunâtre;  le  raphc  médian  est 
distinct;  une  assez  grande  quantité  de  poils  roux  longs  et  roides  se  remar- 
quent au-dessous  et  sur  les  côtés  de  la  verge,  dont  la  longueur  est  de 
O^.OS  dans  l'état  de  repos. 

Cet  organe  est  atteint  de  phymosis  congénial,  à  orifice  très-rétréci  ;  sa 
forme  est  assez  régulièrement  conique  par  suite  du  peu  de  développement, 
ou  plutôt  de  la  configuration  du  gland. 

Rien  ne  rappelle  dans  la  région  scrotale  les  éléments  du  cordon  ou  des 
testicules. 

Deux  tumeurs  s'observent,  au  contraire,  dans  les  régions  inguinales 
droite  et  gauche. 

Celle  de  droite,  globuleuse,  beaucoup  plus  volumineuse,  surtout  quand 
on  l'examine  dans  la  station  verticale  du  sujet  et  après  une  marche  prolon- 
gée, est  déterminée  par  l'existence  simultanée  d'une  hernie  et  du  testicule 
droit  à  l'entrée  extérieure  du  canal  inginal,  dont  l'orifice  intérieur,  tiès- 
large,  laisse  facilement  pénétrer  le  doigt  dans  l'abdomen. 

Le  testicule  roule  sous  les  doigts  qui  le  pressent,  et  offre  un  volume  in- 
férieur à  celui  de  l'état  normal;  l'épididyme  est  distinct  de  la  glande  et  l'on 
peut  reconnaître  sans  peine  les  principaux  éléments  du  cordon. 

Ce  testicule  ne  peut  être  enfoncé  dans  l'abdomen  ou  attiré  vers  les  bourses, 
bien  qu'il  jouisse  cependant  d'une  assez  grande  mobilité  en  haut  et  en  bas. 

L'aine  gauche  est  loin  de  présenter  une  pareille  disposition  ;  la  saillie 
qu'on  y  remarque  est  peu  développée,  le  canal  et  l'orifice  inguinal  ne  per- 
mettent point  l'introduction  du  doigt,  mais  on  constate  par  la  pression  der- 
rière les  parois  abdominales  l'existence  d'un  cori)s  rénitent,  qui  doit  être 
vraisemblablement  le  testicule  gauche;  il  n'y  a  point  de  hernie  réelle  de  ce 
côté. 

D*^*  nous  fournit  le  4  mars  du  sperme  en  assez  notable  quantité  et 
d'aspect  peu  distinct  du  sperme  ordinaire.  L'odeur  est  très-peu  prononcée; 
ou  peut  distinguer  dans  le  verre  qui  le  contient  deux  parties  à  peu  près 
égales,  l'une  formée  par  une  masse  plus  opaque  et  plus  dense  qui  ne  tarde 
pas  à  se  dissoudre  et  à  se  confondre  sous  une  teinte  uniforme  avec  la 
deuxième  partie  plus  transparente  et  plus  fluide. 


■208 

L'cxameu  microscopique  presque  immédiat,  prolongé  dans  de  bonnes 
conditions  de  lumière  et  répété  avec  comparaison  aux  préparations  remar- 
quables de  Bourgogne,  démontre  l'absence  complète  d'animalcules  dans 
toutes  les  parties  du  liquide. 

La  masse  opaque   correspond  à    des  amas    de    cellules    épithéliales. 

D*"'  nous  affirme  avoir  constaté  lui-même,  pendant  une  maladie  qui  exi- 
geait ses  soins,  que  son  grand-père  avait  deux  testicules  normalement  dé- 
veloppés et  descendus,  mais  il  n'a  pu  nous  fournir  aucun  renseignement 
sur  l'état  des  organes  de  la  génération  de  son  père. 


FIN  DES  COMPTES  RENDIS  DES  SEANCES. 


MÉMOIRES 


LUS 


A  LA  SOCIÉTÉ  DE  BIOLOGIE 

PENDANT  L'ANNÉE  1860 


►  ■eiitSi.k;  Si  '  t 


RAPPORT 


SUE  LA  QUESTION  SOUMISE  A  LA  SOCIÉTÉ  DE  BIOLOGIE 

PAR  MM.  POUCHET,  PENNETIER,  TINEL  et  DOYÈRE, 


AU  SDJET  DE  LA 


REVIVISCENCE  DES  ANIMAUX  DESSÉCHÉS, 

lu  à  la  Société  de  Biologie,  le  17  et  le  24  mars  1800, 

PAR  M.  PAUL  BROC  A, 

AU   NOM    d'une    commission   COMPOSÉE   DE 

MM.  BALBIANl,  BERTHELOT,  BROWN-SÉQUARD,  DARESTE,  tiUILLEMIN,  CH.  ROBIS 
et  BROCA,  rapporteur. 


To  be  or  not  to  be,  that  is  the  question. 
(Hamlet.) 

Une  des  plus  graves  et  des  plus  hautes  questions  dont  puissent  s'oc- 
cuper les  biologistes,  s'agite  depuis  plus  d'une  année  dans  la  presse  et 
dans  les  académies.  Deux  observateurs  également  consciencieux, 
deux  expérimentateurs  également  habiles,  MM.  les  professeurs  Doyère 
et  Pouchet,  ont  renouvelé  un  débat  qui  avait  déjà  divisé  les  savants 
du  dernier  siècle;  conduits  par  leurs  expériences  contradictoires  à  des 
conclusions  diamétralement  opposées,  ils  ont  résolu  d'un  commun 
accord,  avec  une  bonne  foi  qui  les  honore,  de  soumettre  leur  diffé- 
rend à  l'appréciation  d'une  société  savante. 

C'est  un  grand  honneur  pour  la  Société  de  biologie  d'avoir  été  prise 
pour  arbitre  dans  une  discussion  aussi  importante.  C'est  en  même 
temps  une  grande  responsabilité  qu'elle  a  acceptée  devant  le  monde 
scieutifique,  et  vos  commissaires,  messieurs,  se  sont  pénétrés  des  de- 
voirs que  cette  situation  leur  imposait.  Ils  ont  pensé  que  des  expé- 
riences assez  délicates  pour  donner  des  résultats  contradictoires  entre 
les  mains  de  deux  savants  qui  doivent  à  leur  habileté  expérimentale 
une  partie  de  leur  célébrité,  ne  pouvaient  être  répétées  avec  trop  de 
circonspection.  Avant  d'agir  par  eux-mêmes,  ils  ont  tenu  à  faire  opérer 
devant  eux  les  deux  adversaires;  ils  n'ont  pas  reculé  devant  les  longs 
délais  qui  devaient  résulter  de  cette  détermination;  enfin,  pour  pro- 

1 


céder  à  leur  tour  aus^^i  rigoureusement  que  possible,  ils  n'ont  entre- 
pris leurs  propres  expériences  qu'après  en  avoir  soumis  le  plan  aux 
parties  intéressées.  Sans  négliger  aucune  des  conditions  que  M.  Doyère 
juge  indispensables,  ils.  ont  accepté  avec  empressement  les  modifica- 
tions demandées  par  M.  Pouchet.  et  sûrs  alors  d'avoir  fait  tout  ce  qui 
dépendait  d'eux  pour  se  tenir  à  l'abri  des  causes  d'erreur,  ils  se  sont 
mis  à  l'œuvre  en  s'enlourant  de  précautions  qui  paraîtront  peut-être 
minutieuses,  et  qui,  sans  doute,  ne  sont  pas  toutes  également  utiles, 
mais  qui,  du  moins,  ont  eu  l'avantage  de  leur  donner  plus  de  sécu- 
rité. 

Neuf  mois  se  sont  écoulés  depuis  que  la  commission  est  instituée, 
et  ceux  qui  ne  connaissaient  pas  toutes  les  difficultés  de  notre  tâche  ont 
pu,  sans  malveillance,  se  plaindre  de  nos  lenteurs.  Il  était  d'ailleurs 
permis  d'attendre  avec  quelque  impatience  la  solution  d'un  problème 
de  physiologie  qui  avait  donné  lieu  à  des  polémiques  ardentes,  et  qui 
avait  eu  le  privilège  d'exciter  à  un  haut  degré  l'attention  du  public 
scientifique.  Nous  tenons  beaucoup,  messieurs,  à  vous  faire  savoir 
que  nous  n'avons  rien  négligé  pour  vous  présenter  notre  rapport  le 
plus  tôt  possible.  La  commission  ne  s'est  pas  réunie  moins  de  qua- 
rante-deux fois  en  séances  régulières,  sans  compter  les  travaux  par- 
tiels confiés  fréquemmentà  quelques-uns  de  ses  membres.  Les  expérien- 
ces de  M.  Doyère,  commencées  le  20  juin  1859,  ont  duré  jusqu'au  4  juil- 
let. Celles  de  M.  Pouchet,  commencées  le  12  août,  n'ont  été  terminées 
que  le  2  novembre.  C'est  depuis  lors  seulement  que  la  commission  a 
travaillé  seule  ;  l'une  de  ses  expériences  a  duré  plus  de  quatre-vingt- 
dix  jours,  et  en  se  présentant  aujourd'hui  devant  vous  elle  est  certaine 
du  moins  d'avoir  eu,  à  défaut  d'autre  mérite,  celui  du  zèle  et  de  l'ac- 
tivité. 

Nous  ne  terminerons  pas  ce  préambule,  messieurs,  sans  remercier 
vivement  M.  le  professeur  Gavarret  d'avoir  mis  libéralement  à  notre 
disposition  toutes  les  ressources  du  laboratoire  de  physique  de  la  Fa- 
culté de  médecine.  Ayant  déjà  par  ses  propres  travaux  pris  position 
dans  le  débat,  il  a  voulu  rester  étranger  à  toutes  nos  opérations,  il 
n'y  a  môme  pas  assisté  ;  mais  il  a  bien  voulu  nous  autoriser  ù  nous 
servir  des  appareils  qu'il  avait  préparés  lui-même,  et  dont  la  précision 
ne  laissait  rien  à  désirer. 

Notre  rapport  se  composera  de  trois  parties. 

Dans  la  première  partie,  qui  sera  presque  entièrement  historique  et 
critique,  nous  décrirons  sommairement  le  phénomène  de  la  revivis- 
cence, nous  en  ferons  ressortir  l'importance,  nous  exposerons  les 
diverses  doctrines  dont  il  a  été  le  point  de  départ,  et  nous  discute- 
rons les  bases  des  expériences  propres  à  dissiper  les  incertitudes  de 


3 

la  science  sur  ce  sujet,  qui  touche  aux  régions  les  plus  élevées  de  la 
biologie  générale. 

Dans  la  seconde  partie,  qui  sera  purement  expérimentale,  nous 
vous  soumettrons  les  résultats  des  expériences  exécutées  devant  nous 
par  MM.  DoyèreetPouchet,  et  de  celles  que  nous  avons  ensuite  exécu- 
tées nous-mêmes. 

Enfin,  le  rapporteur  vous  demandera  la  permission  de  vous  pré- 
senter dans  une  troisième  partie  quelques  remarques  sur  la  théorie 
du  phénomène  de  la  reviviscence. 


PREMIERE  PARTIE. 

§  I.  —  Exposé  du  sujet. 

Nous  ne  nous  proposons  pas,  messieurs,  de  vous  présenter  ici  l'his- 
toire complète  de  la  question  des  reviviscences.  Si  nous  devions 
exposer,  même  en  abrégé,  les  opinions  de  tous  les  savants  qui  s'en 
sont  occupés,  résumer  leurs  expériences,  examiner  les  conclusions 
qu'ils  en  ont  tirées,  et  peser  leurs  autorités  contradictoires,  nous  se- 
rions entraînés  bien  au  delà  des  limites  que  la  nature  de  notre  travail 
nous  impose.  La  commission  n'a  pas  été  instituée  pour  étudier  toutes 
les  propriétés  des  animaux  dits  ressuscitants,  mais  seulement  pour 
répondre  à  une  question  particulière  qui  est  la  suivante  :  Des  animaux 
complélemenl  desséchés  peuvent-ils  être  ranimés  par  Cliiimectation  ? 
Nous  laisserons  donc  de  côté  tous  les  détails  historiques  ou  expérimen- 
taux qui  ne  se  rattachent  pas  à  cette  question  spéciale. 

Les  petits  animaux  qui  possèdent  la  propriété  de  se  ranimer  au  con- 
tact de  l'eau  après  avoir  été  privés  par  la  dessiccation  de  toutes  les 
apparences  de  la  vie,  et  qui  ont  été  désignés  depuis  Spallanzani  sous 
le  nom  d"a/uwm«/a;re«u5a7ani5,  appartiennent  à  un  assez  grand  nombre 
de  genres  et  à  un  plus  grand  nombre  d'espèces.  Les  plus  célèbres  sont 
ceux  qui  constituent  les  trois  groupes  connus  vulgairement  sous  les 
noms  de  rotifùres,  de  iardigradcs  et  d'anguillides.  Placés  sur  les  con- 
fins du  monde  microscopique,  ils  peuvent  être  aperçus  à  la  loupe,  et 
quelquefois  même  à  l'œil  nu;  toutefois,  pour  les  étudier  convena- 
blement il  faut  recourir  à  des  grossissements  de  30  à  100  diamè- 
tres. D'autres  animaux  beaucoup  plus  petits,  appartenant  à  la  caté- 
gorie si  mal  limitée  des  infusoires,  partagent  avec  les  précédents  la 
propriété  de  reviviscence.  Il  est  probable  enfin  que  cette  propriété 
appartient  encore  à  quelques  animaux  beaucoup  plus  grands,  et  par- 


4 

fiitement  visibles  à  l'œil  nu.  Mais  nous  avons  dû  concentrer  presque 
exclusivement  notre  attention  sur  les  rolifèrcs,  les  tardig rades  et  les 
anguiUules,  parce  que  le  débat  soumis  à  la  Société  roule  principale- 
ment sur  la  reviviscence  de  ces  animaux. 

Le  sable  qui  se  dépose  dans  les  gouttières  ou  sur  les  toitures  en 
tuile,  et  la  matière  terreuse  sur  laquelle  croissent  les  mousses  des  toits, 
des  ruines  et  des  rochers,  recèlent  presque  toujours  une  ou  plusieurs 
espèces  d'animaux  réviviscibles.  Le  nombre,  la  nature  et  les  propriétés 
de  ces  êtres  singuliers,  varient  beaucoup  suivant  la  situation  et  l'ex- 
position du  lieu  où  ils  résident.  On  trouve  même  quelquefois  de  no- 
tables différences  entre  les  deux  versants  d'une  même  toiture.  Les 
animaux  sont  en  général  plus  abondants  sur  le  versant  le  moins  ex- 
posé au  soleil,  mais  en  revanche  ceux  qui  vivent  sur  le  versant  opposé 
résistent  mieux  aux  températures  élevées  et  à  la  dessiccation  artifi- 
cielle. Leur  merveilleuse  organisation  brave  impunément  les  varia- 
lions  excessives  de  chaleur  et  d'humidité  qui  se  manifestent  naturel- 
lement dans  le  milieu  où  ils  vivent;  ils  peuvent  rester  longtemps  dans 
l'eau,  s'y  nourrir, s'y  reproduire.  Le  séjour  dans  la  terre  humide  dimmue 
leur  activité  sans  la  détruire,  et  ils  en  conservent  assez  pour  pouvoir 
grimper  sur  la  tige  des  mousses  à  l'ombre  desquelles  ils  sont  nés;  de 
telle  sorte  que,  suivant  la  quantité  d'eau  qui  leur  est  accordée,  ils 
vivent  tantôt  comme  des  infusoires,  tantôt  comme  des  vers  de  terre. 
Mais  ces  aptitudes  diverses,  déjà  si  remarquables,  ne  suflTiraient  pas 
pour  maintenir  leurs  espèces,  s'ils  ne  jouissaieiitd'une  autre  propriété 
plus  remarquable  encore,  qui  leur  permet  de  franchir  impunément 
les  plus  longues  périodes  de  sécheresse.  Lorsque  l'eau  vient  à  leur 
manquer,  ils  se  rétractent,  s'amincissent,  se  racornissent,  se  momifient 
en  quelque  sorte,  se  confondant  avec  la  poussière  voisine,  et  pouvant, 
comme  elle,  être  emportés  par  le  vent;  ils  peuvent  rester  plusieurs 
mois,  plusieurs  années,  dans  cet  état  semblable  à  la  mort,  et  qui, 
pour  les  animaux  ordinaires,  serait  une  mort  définitive.  Mais  ils  n'ont 
pas  pour  cela  perdu  leur  droit  à  la  vie,  et  lorsqu'on  verse  de  l'eau  sur 
ces  corps  depuis  si  longtemps  inertes,  on  voit,  chose  à  peine  croyable, 
toutes  les  manifestations  de  la  vie  y  apparaître  de  nouveau.  Les  or- 
ganes se  déploient,  les  formes  se  rétablissent,  des  contractions  par- 
tielles, puis  des  mouvements  d'ensemble  ne  tardent  pas  à  se  montrer; 
enfin,  au  bout  d'un  temps  (jui  varie  depuis  quelques  minutes  jusqu'à 
plusieurs  jours,  ces  êtres  qui,  placés  dans  un  milieu  constamment 
favorable,  auraient  pu  de[)uis  longtemps  périr  sans  retour,  recommen- 
cent comme  une  aulie  vie,  ou  plutôt  reprennent  leur  vie  antérieure 
au  point  où  la  dessiccation  l'avait  suspendue,  jusqu'à  ce  qu'une  uou- 
vfîlle  période  de  sécheresse  vienne  l'interrompre  encore  une  fois. 


5 

Tels  sont,  en  dehors  des  conditions  artilicielles  créées  par  les  expé- 
rimentateurs, les  phénomènes  qui  se  passent  tous  les  jours  dans  la 
nature.  Chaque  alternative  de  pluie  et  de  sécheresse  ranime  ou  des- 
sèche sur  nos  toits  des  milliards  d'animalcules;  et  de  quelque  manière 
qu'on  interprète  ces  faits  étranges,  on  est  bien  obligé  de  reconnaître 
qu'ils  forment  un  contraste  frappant  avec  ceux  qu'on  observe  chez  les 
autres  animaux.  Partout  ailleurs  la  vie  animale  se  manifeste  à  nous 
comme  un  acte  continu;  l'activité  de  certains  tissus  et  de  certains  or- 
ganes persiste  pendant  l'hibernation  comme  pendant  la  léthargie  ou 
l'asphyxie.  S'uls,  les  animaux  qui  survivent  à  la  congélation  complète 
sont  comparables  àceux  qui  peuvent  vivre  encore  après  avoir  été  des- 
séchés, car  toutes  les  fonctions  de  la  vie  sont  bien  positivement  sus- 
pendues chez  les  uns  comme  chez  les  autres.  Mais  les  premiers  conser- 
vent du  moins  dans  leurs  tissus  les  proportions  respectives  d'eau  et  d'é- 
léments organiques  qui  constituent  leur  structure  normale  ;  toutes  leurs 
parties  ont  gardé  leur  forme,  leur  volume  et  leurs  rapports.  Le  dégel 
remet  donc  tout  à  coup  leurs  organes  dans  les  conditions  matérielles 
où  ils  étaient  avant  la  congélation,  et,  là  où  l'état  anatomique  est  in- 
altéré, le  retour  des  fonctions  ne  parait  pas  un  prodige.  L'animal  des- 
séché, au  contraire,  a  perdu,  en  même  temps  que  les  manifestations 
de  la  vie,  la  forme,  la  disposition,  le  volume,  et  jusqu'à  la  constitution 
moléculaire  de  ses  organes.  La  plus  grande  partie  de  l'eau  imbibée 
dans  ses  tissus  s'est  évaporée,  et  ceux-ci,  avant  de  retrouver  leur  sou- 
plesse, avant  de  reprendre  leurs  fonctions,  doivent  d'abord  recouvrer 
leur  structure.  C'est  là  ce  qui  donne  un  caractère  tout  exceptionnel  à 
la  reviviscence  de  l'animal  desséché,  quel  que  soit  d'ailleurs  le  degré 
plus  ou  moins  avancé  de  dessiccation  auquel  il  ait  été  soumis.  Ce  re- 
tour de  l'activité  vitale  dans  un  corps  qui  paraissait  réduit  à  l'état  de 
momie  est  un  phénomène  tellement  insolite,  tellement  peu  coDforrae 
en  apparence  aux  lois  ordinaires  de  la  vie  animale,  que  les  physio- 
logistes, appelés  à  en  chercher  l'explication,  ont  dû  éprouver  plus 
d'embarras  encore  que  de  surprise. 

§   IL  —  HISTOIRE   DE  LA  DÉCOUVERTE  DES  AMMAUX  RÉVIVISCENTS. 

Les  rotifères  et  leur  merveilleuse  propriété  de  reviviscence  furent 
découverts  le  2  septembre  1701  par  Leeuweuhoek  (1).  Comme  plu- 


(1)  Ant.  a  Leeuwenhoek,  Continxiatio  arcanobum  nature.  Lugd.  Batav.^ 

1719,  in-4,  epist.  144,  ad  Henr.  Bieysvicium,  p.  384  et  sqs.  La  lettre  est  datée 
Ju  8  février  1702. 


6 

sieurs  autres  découvertes  précieuses  du  même  auteur,  celle-là  fut  ac- 
cueillie avec  indifférence  et  promptement  oubliée,  soit  qu'on  n'en  eût 
pas  compris  la  portée,  soit  qu'on  l'eût  jugée  trop  extravagante  pour 
mériter  d'être  vérifiée,  soit  enfin  que  l'imperfection  des  instruments 
d'optique  n'eût  pas  permis  aux  autres  observateurs  de  retrouver  l'ani- 
mal singulier  décrit  et  figuré  par  l'illustre  micrographe.  Le  fait  de  la 
reviviscence  put  donc  paraître  nouveau  lorsque  Needham,  en  1743, 
découvrit  à  son  tour,  dans  le  blé  niellé,  des  myriades  d'anguillules 
réviviscibles  (1).  La  même  année,  Henry  Baker  rappela  l'attention 
des  observateurs  sur  les  animaux  à  roues  découverts  par  Leeuwen- 
hoek  ;  mais,  quoiqu'il  les  eût  observés  lui-même  (2),  il  se  borna  à 
reproduire  sans  commentaires  la  description  du  micrographe  hollan- 
dais(3).  Il  prévoyait  sans  doute  qu'il  n'était  pas  sans  danger  de  creuser 
un  pareil  sujet,  car  l'année  suivante,  dans  sa  longue  lettre  au  prési- 
dent de  la  Société  royale  de  Londres,  il  décrivit  dans  les  plus  grands 
détails  la  structure  et  les  mouvements  des  rotifères,  et  glissa  légère- 
ment sur  le  phénomène  de  la  reviviscence,  dont  il  ne  fit  pas  même 
ressortir  la  singularité  (4).  Ce  fut  seulement  dix  ans  plus  tard,  qu'ayant 
enfin  trouvé  une  explication  rassurante,  il  se  permit  de  traiter  la  ques- 
tion avec  quelques  développements. 

Moins  prudent  que  lui,  Needham  avait  annoncé  du  premier  coup 
que  les  petits  vers  desséchés  du  blé  gâté  par  la  nielle,  prenaient  vie 
(took  life)  au  contact  de  l'eau.  Cette  expression  peut-être  ne  rendait 
pas  exactement  sa  pensée  ;  nous  ferons  bientôt  voir  qu'il  n'était  pas 
aussi  radical  que  le  crurent  ses  ennemis.  Mais  il  avait  froissé  les  idées 
de  tout  le  monde,  et  il  ne  tarda  pas  à  s'en  apercevoir.  Poursuivi  par 
les  analhènies  des  uns,  par  les  sarcasmes  des  autres,  considéré  tantôt 
comme  un  novateur  impie,  tantôt  comme  un  visionnaire  absurde,  le 


1)  Tarbcrvill  Needham,  a  Letter  concerning  Chalky  Tabulons  Concrétions ^ 
with  some  Micrnscopical  Observations  on  the  Farina  of  the  Red  Lily,  and  on 
Worms  discovered  in  Smutty  Corn.  Cette  lettre,  datée  du  11  août  17 i3,  fut  lue 
à  la  Société  roj'ale  de  Londres,  le  22  décembre,  et  publiée  dans  riiiLosoPU. 
TiiANSACTioNs,  vol.  XLII,  1743,  art.  10,  p.  034-611.  Le  passage  relatif  aux  an- 
t^iiilliiles  forme  le  dernier  alini'a  du  volume. 

P)  H.  Baker,  Essai  sur  l'uisï.  nat.  du  polype  insecte,  trad.  franr.  Paris, 
174i,  in-12,  p.  35-30.  L'édit.  anglaise  est  de  Londres,  1743. 

(3)  II.  Baker,  Tue  Mk.kosc.opk  made  easy.  Lond.,  1743,  iii-S,  p.  IVi. 

(4)  A  letter  to  Martin  Folkes,  on  the  Wheeler  or  Wheel  Animal.  Cette  lettre 
est  datée  du  16  janvier  1744  ;  elle  a  été  reproduite  textuellemeut  dans  l'ou- 
Traçc  de  l'auteur,  intitulé  :  EMployment  for  the  Michoscope.  Lonl.,  17J3, 
jn-8.  2'  édit.,  1764,  iu-S,  p,  207  a  292. 


7 
malheureux  Needham  ne  réussit  même  pas  à  se  réhabiliter  en  sacri- 
fiant plusieurs  fois  ses  idées  aux  exigences  variables  de  l'époque. 
Ceux-là  même  qui  avaient  de  leurs  propres  yeux  vérifié  l'exactitude 
de  sa  découverte,  se  refusèrt^nt  à  en  accepter  les  conséquences.  L'his- 
toire des  rôti  fores  fut  de  nouveau  mise  au  nombre  des  fables.  Quant 
aux  anguiilules  de  la  nielle,  on  prétendit  que  ce  n'étaient  pas  des 
animaux,  mais  seulement  des  filaments  animés,  des  fibres  mouvantes, 
des  étuis  pleins  de  globules  mobiles,  ou  même  de  simples  tubes  de 
nature  végétale,  mis  en  oscillation  par  l'imbibition  de  l'eau  (1).  Puis, 
lorsque  l'animalité  de  ces  êtres  eut  été  démontrée,  on  soutint  qu'ils 
ne  différaient  pas  des  infusoires  ordinaires,  qu'ils  se  formaient  pen- 
dant l'expérience  soit  par  génération  spontanée,  soit  par  l'éclosion 
de  germes  préexistants  (2).  Pour  émettre  une  pareille  assertion,  il  fal- 
lait avant  tout  n'avoir  jamais  observé  les  animalcules  de  la  nielle; 
mais  tant  d'efforts  d'imagination,  tant  d'interprétations  étranges,  tant 
d'objections  systématiques  empruntées  à  la  théologie,  à  la  philosophie 
ou  à  la  science  méritaient  d'être  rappelés  ici,  comme  une  preuve 
évidente  que  le  fait  pur  et  simple  de  la  reviviscence,  de  la  reviviscence 
naturelle,  qui  se  manifeste  chez  les  animaux  desséchés  spontanément 
à  l'air  libre,  bouleversait  toutes  les  idées  qu'on  avait  admises  jusqu'a- 
lors sur  la  nature  de  la  vie  animale. 

Spallanzani,  à  la  suite  de  ses  premières  observations  (1767),  s'était 
d'abord  rangé  parmi  ceux  qui  niaient  l'animalité  des  anguiilules. 
«  Ce  ne  sont  vraiment,  avait-il  dit,  que  des  filets  allongés  mis  en  mou- 
avement  par  le  fluide  qui  les  pénètre  (5).»  L'autorité  de  ce  savant 


(1)  Croirait-on  que  tout  récemment  M.  Diesinga  encore  mis  en  cloute  l'ani- 
malité des  anguiilules?  (P/i«Mome/!on.rech'us  forsan  motumoleculari  explican- 
dum),  dans  Systema  helmuntologi^e,  t.  Il,  p.  132,  1851.  Cité  par  M.  Davaine 
dans  son  mémoire  sur  les  anguiilules  du  blé  niellé  (Mém.  de  la  Soc.  de  bio- 
logie, 1856,  t.  m,  p.  210,2-=  série). 

(2)  C'est  surtout  pour  les  animaux  dont  l'animalité  n'a  jamais  pu  êti  e  niée 
qu'on  a  imaginé  cette  fin  de  non-recevoir.  Nous  n'entreprendrons  pas  d'ex- 
pliquer comment,  jusque  dans  notre  siècle,  des  hommes  de  la  valeur  de 
Bory  de  Saint- YinceiU  et  d'Ehrenberg  ont  pu  croire  que  la  reviviscence  des 
rotifères  est  une  pure  illusion,  et  que  ceux  de  ces  animaux  qui  se  raniment 
sous  l'œil  de  l'observateur  sont  tout  simplement  des  nouveau-nés  éclos  pen- 
dant l'expérience. 

(3)  Spallanzani,  Saggio  di  osservazioni  microscopiche,  concernenti  il  sis- 
TKMA  DELLA  GENERAZiONE.  Modèue,  1767,  Ifi-S,  1  vol.  Traductiou  trançaisc 
par  l'abbé  Hegley,  avec  d^s  notes  de  Needham,  sous  le  titre  de  Nouvelles 

RECHERCHES  SCR   LES   DÉCOUVERTES   MICROSCOPIQUES    ET    SUR    LA   GÉNÉRATION 

DES  CORPS  ORGANISÉS.  Loiidrcs  et  Paris,  1769,  in-8,  t.  I  ch.  2,  p.  25. 


8 

avait  lait  faire  à  Needham  un  dernier  pas  en  arrière,  et  celui-ci  avait 
lini  par  déclarer  humblement  que  «  certains  filets  ou  fibres  allongées 
«  en  forme  d'anguilles,  qui  se  trouvent  dans  le  blé  niellé,  sont  une 
«  sorte  dôlrc  purement  vital,  qui  ne  donne  aucune  marque  de  spoQ- 
«  tanéilé  dans  ses  mouvements  (1).  »  Mais  pendant  que  Needham  dé- 
guisait ainsi  sa  capitulation  sous  un  jeu  de  mots  aussi  infjénieux 
qu'obscur,  la  question  entrait  tout  à  coup  dans  une  période  nou- 
velle. Fontana  et  Rolfredi  étudiaient  le  mode  de  reproduction  des  an- 
guillules.  Fontana  (1771)  assistait  aux  principales  phases  de  l'évolu- 
tion de  ces  animaux,  à  la  formation  de  la  galle  où  cette  évolution 
s'opère,  où  les  adultes  mâles  fécondent  leurs  femelles,  où  celles-ci 
pondent  leurs  œufs  innombrables,  et  où  les  jeunes,  incomparahle- 
ment  plus  petits  que  leurs  parents,  éclosent  presque  aussitôt.  RofTredi 
(177S)  arrivait  à  des  résultats  plus  précis  et  plus  complets,  décrivait 
Don-seulement  le  développement  des  anguillules,  mais  encore  leur 
migration  dans  la  terre  et  leur  ascension  dans  la  tige  du  blé  (2).  Ces 


11)  Note  7  du  ch.  2  de  l'ouvrage  cité  dans  la  note  précédente,  t.  I,  p.  162. 

(2)  Fontana  avait  publié  en  1765,  dans  la  première  édition  italienne  de  se3 
recherches  sur  le  venin  de  la  vipère  ,  quelques  observations  sur  la  revivis- 
cence des  anguillules  du  blé  niellé;  mais  il  ne  paraît  s'être  occupe  que  six 
ans  plus  tard  de  l'origine  de  ces  animaux.  Le  précis  de  ses  expériences  sur 
la  propagation  et  la  sexualité  des  anguillules  parut,  en  1771,  dans  les  No- 
VELLE  LETTERARiE  Di  FiRENZA,  supplemeuto  al  n°XXX,p.  815  (27  juillet  1771). 
Les  expériences  de  Rofl'redi,  commencées  à  la  même  époque  (Jouunal  db 
PHYSIQUE  de  Rozier,  1776,  t.  VII,  p.  37S,  in-4)  ne  furent  publiées  qu'en  jan- 
vier 1775  (Journal  de  physique  de  Rozier,  1775,  t.  V,  p.  1).  Fontana  crut  de- 
voir établir  ses  droits  de  priorité,  et  pour  cela,  sans  luire  aucune  allusion 
au  mi'moire  de  Roffredi,  il  se  borna  à  réimprimer,  sous  forme  de  lettre,  le 
résumé  qui  avait  déjà  paru  en  1771.  Celte  lettre  parut  à  Rome,  en  1775,  dans 
I'Antologie,  et  fut  reproduite  en  janvier  1776,  dans  le  Journal  de  physique 
de  Rozier  (t.  VII,  p.  43).  Roffredi  accueillit  fort  mal  cette  réclamation  indi- 
recte. Il  accusa  amèrement  son  rival  d'avoir  modilié  le  texte  de  1771.  C'était 
Trai;  mais  les  changements  étaient  iusigniliants  et  ne  se  rapportaient  pas  à 
la  question  des  anguillules.  Ou  connaissait  alors  fort  peu  les  maladies  du 
grain.  Ce  qui  était  la  nielle  pour  les  uns,  s'appelait  pour  les  autres  la  rouille,  la 
volpe,  Vergot,  le  faux  ergot,  leblé  charbonné,  le  blé  avorté,  le  blérachitique,  le 
blé  cor/m,  etc.,  et,  la  confusion  des  mots  enlniînant  la  confusion  des  idées,  on 
avait  cru  (jue  les  grains  à  anguillides  étaient  les  mêmes  (pie  ceux  qui  pro- 
duisaient les  épidémies  d'ergolisnie.  Fontana,  qui  avait  d'abord  partagé  cette 
erreur,  ne  tarda  pas  à  s'en  défaire,  et,  dans  la  réimpression  do  1776,  il  sup- 
prima ou  atténua  ce  qui  était  relatif  aux  propriétés  vénéneuses  des  grains  à 
anguillidcs.  DeFavcu  mémo  de  RolTredi  (Journ.  de  piiys.,  1776,  p.  376-377),  les 
changements  ne  portaient  que  sur  ce  point,  mais  il  insinua  que  Fontana,  ayant 


9 
deux  savants,  sans  doute,  étaient  loin  d'avoir  épuisé  le  sujet;  ils 
avaient  commis  plusieurs  méprises,  négligé  plus  d'un  fait  important, 
et  il  était  réservé  à  notre  collègue,  M.  Davaine,  de  corriger  et  de  com- 
pléter leur  œuvre  (1).  Mais  ils  avaient  du  moins  démontré,  d'une  ma- 


pavlû  du  blé  ergoté,  qui  ne  renferme  pas  d'anguilliiles,  avait  imaginé  tout  ce 
qu"il  avait  dit  sur  ces  animaux,  et  qu'il  avait  obscurci  à  dessein  les  passages 
relatifs  à  la  question  d'empoisonnement,  parce  que  «des  observations  qui, 
«  faites  sur  un  individu  devraient  être  réputées  chimériques,  peuvent  être 
«  tenues  pour  réelles  si  on  les  rapporte  à  un  autre.  »  (P.  377.)  Fontana  dé- 
daigna de  répondre  à  cette  attaipie  déloyale,  et  il  eut  tort,  car  la  plupart  des 
auteurs  l'ont  dépouillé  de  ses  tlécouvertes  pour  en  faire  honneur  à  RofTredi, 
et  plusieurs  même  sont  allés  jusqu'à  l'accuser  de  plagiat.  Si  ces  auteurs 
avaient  lu  avec  attention  la  lettre  de  Fontana,  ils  y  auraient  vu  deu.x.  choses 
que  les  travaux  de  M.  Davaine  ont  récemment  confirmées,  et  qui  sont  les  deux 
points  capitaux  de  l'histoire  des  anguillules.  1°  Les  grains  à  anguillules  ne 
sont  pas  des  grains  véritables,  mais  des  galles  ou  coques,  dont  la  formation 
est  provoquée  par  la  présence  des  anguillules  (Journ.  de  phys.,  t.  VII,  p.  44- 
45).  Cette  opinion,  qui  est  exacte,  est  rejetée  par  HofTredi  (p.  370),  qui  per- 
siste à  considérer  les  grains  nielles  comme  des  grains  avortes  (p.  371  et  379). 
2"  Les  anguillules  sont  des  animaux  à  sexes  sépares,  et  les  mâles  adultes 
difTèrent  beaucoup  des  femelles  (p.  46).  La  découverte  de  ce  fait  appartient 
à  Fontana.  RofTredi  prétendit,  il  est  vrai,  en  1776  (p.  382),  qu'il  avait  annoncé 
ce  fait  dans  une  note  de  la  page  13  de  son  mémoire  de  1775.  Or  voilà  tout  ce 
qu'on  lit  dans  celte  note  :  «  La  lig.  2  exigerait  une  description  détaillée  sur  la 
«  structure,  l'intérieur,  et  peut-être  le  sexe  de  cette  anguille  parvenue  à  son 
«  dernier  terme  d'accroissement.  Mais  n'ayant  pas  encore  étudié  à  fond  l'an- 
<(  guille  dans  ce  dernier  période,...  je  dois  attendre,  pour  donner  ces  détails 
«  qui  peuvent  être  intéressants,  que  le  retour  de  la  saison  convenable  m'ait 
«  permis  de  faire  les  observations  nécessaires.  »  (Loc.  cit.,  t.  V,  p.  13.)  Telle  est 
la  note  où  il  prétendit,  l'année  suivante,  «  avoir  fait  sentir  qu'il  avait  des  ob- 
«  servations  propres  à  faire  juger  que  les  anguilles  d'une  moindre  grosseur 
«qu'on  rencontre  dans  le  blé  avorté,  mêlées  avec  les  grosses  anguilles 
«  mères,  étaieiit  les  mâles  de  l'espèce.  »  (T.  VII,  p.  382).  Il  oubliait  que  dans 
un  autie  mémoire,  publié  en  mars  1775,  deux  mois  après  l'impression  de 
cette  fameuse  note  de  la  page  13,  il  avait  déclaré  formellement  que  les  an- 
guillules de  la  colle  étaient  seules  pourvues  de  sexes,  et  qu'il  n'avait  pu  dis- 
tinguer la  sexualité  sur  aucune  autre  espèce  d'anguillules.  {Loc.  cit,  t.  V, 
p.  215.)  C'est  donc  à  Fontana  que  revient  la  découverte  de  la  sexualité  des 
anguillules  et  de  la  nature  de  la  galle  qui  contient  le  grain  niellé,  et  ce  sont 
là  certainement  les  deux  points  les  plus  importants  de  leur  histoire. 

(1)  Davaine,  Mémoire  sur  les  anguillules  du  blé  niellé,  dans  Mém.  de  la  soc. 
DE  BIOLOGIE,  1856,  t.  III,  p.  201  271.  C'est  la  monographie  la  plus  complète 
et  la  plus  exacte  que  la  science  possède  sur  ce  sujet. 


10 
nière  irréfutable,  que  les  anguillules  de  la  nielle  sont  de  véritables 
animaux,  et  la  physiologie  dès  lors  était  définitivement  mise  en  de- 
meure de  se  prononcer  sur  la  nature  du  phénomène  de  la  revi- 
viscence. 

Spallanzani,  qui  avait  reculé  d'abord  devant  la  difficulté,  osa  cette 
fois  l'aborder  courageusement  de  front.  Il  ne  s'agissait  plus  mainte- 
nant d'établir  que  les  êtres  réviviscents  étaient  des  animaux  :  c'était 
déjà  incontestable;  mais  il  s'agissait  de  savoir  jusqu'à  quel  point  le 
phénomène  de  la  reviviscence  s'écartait  des  lois  ordinaires  de  la  vie, 
et,  pour  résoudre  cette  grave  question,  il  fallait  recourir  à  des  expé- 
riences variées.  Spallanzani  ne  se  borna  donc  pas,  comme  on  l'avait 
fait  jusqu'alors,  à  placer  les  animaux  dans  les  conditions  où  ils  se 
raniment  naturellement.  Il  créa  pour  eu^des  conditions  artificielles, 
il  les  soumit  à  l'action  du  vide,  à  celle  des  températures  élevées  et  des 
mélanges  réfrigérants;  il  les  exposa  au  contact  de  diverses  vapeurs 
et  de  divers  liquides.  Ce  ne  furent  pas  seulement  les  anguilnUes  de  la 
nielle  qui  furent  l'objet  de  ces  remarquables  expériences.  Spallanzani 
avait  retrouvé  dans  le  sable  des  gouttières  les  rotifères  décrits  par 
Leeuwenhoek  et  presque  entièrement  oubliés  depuis  trois  quarts  de 
siècle  (1);  en  outre,  il  avait  découvert  dans  ce  même  sable  deux  au- 
tres espèces  inconnues  avant  lui,  les  tardigrades  et  les  anguillules  des 


(1)  Nous  avons  déjà  dit  que  Baker,  en  1743  et  1744,  avait  constaté  la  revi- 
viscence des  rotitères  des  toits.  Après  lui,  plusieurs  naturalistes  microgra- 
phes  étudièrent  et  décrivirent  plusieurs  espèces  d'animaux  à  roues,  mais 
aucun  d'eux  pendant  longtemps  ne  put  réussir  à  ranimer  ces  animaux  après 
les  avoir  desséchf's.  11  est  permis  d'en  conclure  qu'ils  avaient  observé  des 
espèces  diti'érentes  de  celles  que  Lecuwenhoek  avait  étudiées.  UofTredi,  en 
1775,  réussit  à  ranimer  quelques  rotifères  desséchés  (Voy.  Journ.  de  phys., 
de  l'abbé  Hozier,  mars  1775,  t.  V,  p.  220.  Paris,  1775,  in-4).  Mais  il  ne  prit 
probablement  (jue  les  rotifères  des  eaux  bourbeuses,  car  il  parle  de  la  boue 
dans  laiiuelle  ils  s'étaient  desséchés.  On  comprend  ainsi  qu'il  n'en  ait  pu  ra- 
nimer que  5  sur  109.  11  ajoute  d'ailleurs,  p.  122,  que  les  anguillules  du  blé 
niellé  constituent  un  exemple  jusqu'à  présent  unique  dans  son  genre,  en  ce 
sens  que  leur  reviviscence  n'est  pas  seulement  un  événement  possible, 
comme  celle  des  rotifères,  mais  que  cet  événement  est  dans  l'ordre  même 
de  la  nature.  11  n'avait  donc  pas  étudié  les  rotifères  des  toits  dont  la  revivis- 
cence est  tout  aussi  bien  dans  l'ordre  de  la  nature  que  celle  des  anguillules, 
imiscpie  leurs  habitudes  les  exposent  naturellemeiU  a  subir  toutes  les  alter- 
natives d'humidité  et  de  sécheresse,  et  ipi'ils  ne  pourraient  s'y  mainteiiir 
sans  leur  propriété  de  reviviscence.  Spallanzani  est  donc  le  premier  qui,  de- 
puis Baker,  ait  retrouvé  les  rotifères  des  toits. 


11 

tuiles,  qui  partagent  avec  les  rotifères  la  propriété  de  se  ranimer 
au  contact  de  l'eau.  Il  avait  donc  étudié  le  phénomène  de  la  revi- 
viscence sur  quatre  espèces  différentes,  et  la  question  avait  ainsi  ac- 
quis un  caractère  do  généralité  qui  en  n'haussait  singulièrement  l'im- 
portance. Son  mémoire  sur  les  animaux  que  l'observateur  peut  à  son 
gré  faire  passer  de  la  mort  à  la  vie,  publié  à  Modène  en  1776  (I),  et 
presque  aussitôt  traduit  en  français,  mit  décidément  la  physiologie 
aux  prises  avec  tout  un  ordre  de  faits  jusque-là  dédaignés  par  elle  ou 
écartés  comme  des  exceptions  trop  rares  ou  trop  étranges  pour  mé- 
riter d'être  prises  en  considération.  Bientôt  le  cercle  des  reviviscences 
s'agrandit  davantage  encore.  Dans  la  préface  de  sa  traduction  de 
Spallanzani,  Sennebier  ajoutalesî;o/uo.ïàlaliste  des  animaux  révivis- 
cibles  (2).  PuisFontana,  après  avoir  parlé  des  rotifères,  annonça  qu'il 
avait  trouvé  soit  sur  les  toits,  soit  dans  la  terre,  soit  dans  l'eau,  qxian- 
tité  (Caiitres  petits  animaux  susceptibles  d'être  ranimés  par  l'humec- 
tation  après  avoir  été  desséchés  (5).  Il  décrivit  même,  sous  le  nom  de 
seta  equina,  un  grand  animal  filiforme  (gordius),  long  de  plusieurs 
centimètres  qui,  par  la  dessiccation,  devient  semblable  «  à  une  paille 
éciasée  et  aride,  »  et  qui,  plongé  dans  l'eau,  reprend  en  moins  d'une 
demi-heure  sa  forme,  son  volume,  son  poids  et  son  activité  (i). 
Enfin,  les  observateurs  plus  modernes  ont  reconnu  que  les  rotifères 
ne  forment  pas  une  seule  espèce,  mais  une  famille  composée  d'un 
assez  grand  nombre  d'espèces,  dont  plusieurs  sont  réviviscentes, 
et,  en  examinant  de  plus  près  les  animaux  désignés  depuis  Spallan- 
zani, sous  le  nom  de  tardigrades,  ils  ont  reconnu  encore  que  c'était 
un  groupe  assez  nombreux  comprenant  plusieurs  genres  très-distincts, 
entre  autres  les  macrobiotes,  qui  coriespondent  aux  tardigrades  de 
Spallanzani,  et  les  émydiums,  dont  la  forme  rappelle  assez  bien  celle 
d'une  tortue  microscopique. 


(1)  Spallanzani,  Opuscoli  di  fisioa  animale  e  vegetabile.  Modena,  1776, 
in-8.  Opnscolo  iv  :  Osseriazioni  e  sperienzc  intorno  ad  alcuni  prodigiosi  ani- 
mali,  ch'  è  in  balia  delV  osservatore  ilfarli  tornare  da  morte  a  vita,  vol.  II, 
p.  181-'253. 

(2)  Sennebier,  trad.  fr.  des  Opuscules  de  physique  de  Spallanzani.  Genève, 
1777,  iu-b.  Introd.,  p.  xxxviii. 

(3)  Fontana,  Tuaité  sur  le  veni.n  de  la  vipère,  etc.,  Florence,  1781,  in-4, 
t.  I,p.92. 

(4)  Loc.  cit.,  p.  91. 


12 

^  III.  —  IMPORTANCE  DE   LA  QUESTION  DES  REVIVISCENCES. 

La  propriété  de  reviviscence  n'est  donc  plus,  comme  on  avait  pu 
le  croire  dans  l'origine,  l'apanage  exclusif  d'un  animal  merveilleux; 
elle  esl  le  partage  d'un  grand  nombre  d'espèces  douéi'S  pour  la  plu- 
part d'une  organisation  ttès-complexe;  et  comme  ces  espèces  diffè- 
rent énormément  les  unes  des  autres,  comme  en  outre  plusieurs 
d'entre  elles  sont  extrêmement  semblables  à  d'autres  espèces  non  révi- 
viscibles,  comme  enfin  les  animaux  réviviscents  examinés  en  état 
d'activité  ne  se  distinguent  des  animaux  ordinaires  par  aucun  carac- 
tère anatomique,  physiologique  ou  zoologique,  on  est  forcé  de  recon- 
naître que  leur  singulière  propiiété  échappe  à  toute  explication  par- 
tielle, qu'elle  sort  du  domaine  de  l'histoire  naturelle  pour  entrer  dans 
celui  de  la  biologie  la  plus  générale  et  la  plus  élevée,  et  qu'elle  sou- 
lève le  plus  ardu  des  problèmes  relatifs  à  l'éternelle  question  des  rap- 
ports de  la  vie  avec  la  matière. 

Ainsi  s'expliquent,  messieurs,  les  longues  hésitations  de  la  science, 
la  vivacité  des  controverses  qui  se  sont  élevées  parmi  les  observa- 
teurs, et  l'agitation  toute  récente  provoquée  par  le  débat  qui  vous  a 
été  soumis.  Depuis  l'antiquité  jusqu'à  l'époque  actuelle  deux  doctrines 
rivales,  qui  portent  aujourd'hui  les  noms  de  vitalisme  ci d'oi^gcmicisine, 
se  sont  inégalement  partagé  les  suffrages  des  savants.  Les  uns,  cl  ce  sont 
les  plus  nombreux,  ont  considéré  la  vie  comme  un  principe  d'action 
qui  anime  la  matière  et  met  en  jeu  les  oiganes.  Pour  les  autres,  la  vie 
n'est  que  le  résultat  de  l'organisation,  que  la  manifestation  des  pro- 
priétés de  la  matière  organisée.  S'il  était  vrai  qu'un  corps  complè- 
tement desséché,  qu'un  cadavre  entièrement  privé  de  vie  put  acquérir 
en  s'hydratant  la  propriété  de  fonctionner,  de  se  mouvoir,  de  res- 
pirer, de  se  nourrir,  de  se  reproduire,  pour  la  perdi'e  de  nouveau, 
et  la  reprendre  encore  plusieurs  fois  au  gré  de  l'expérimentateur;— s'il 
était  prouvé  que  la  reviviscence  fût  une  véritable  résurrection,  que 
l'eau,  agent  inerte,  et  l'imbibition,  phénomène  purement  physique, 
eussent  le  pouvoir  de  ranimer  une  momie;  —  s'il  suffisait  en  un  mot 
de  rétablir  l'intégrité  de  l'organisation  pour  rendre  à  la  matière  une 
activité  et  une  spontanéité  naguère  anéanties,  alors,  il  faut  bien 
l'avouer,  c'en  serait  fait  du  principe  viial,  et  on  pourrait  adopter  cette 
définition  célèbre  :  la  vie,  c'est  l'organisation  en  action,  felle  est, 
pour  l'œil  le  moins  attentif,  la  conséquence  qui  se  dresse  inévilable- 
ment  derrière  la  question  des  reviviscences.  Si  un  animal  tout  à  fait 
mort  peut  revivre  encore,  le  vilalisme  est  vaincu;  si,  au  contraire,  il 
est  démontré,  s'il  est  seulement  rendu  probable  ou  possible  que  cel 


13 
animal,  au  milieu  des  apparences  de  la  mort,  conserve  pourtant  un 
état  organique  compatible  avec  la  continuation  d'une  vie  amoindrie, 
les  organicistes  sont  privés  de  leur  argument  le  plus  fort,  le  plus  direct 
et  le  plus  saisissant. 

Vos  commissaires,  chargés  par  vous  de  constater  des  faits  et  non 
de  juger  les  doctrines,  éviteront,  messieurs,  de  se  prononcer  sur  ces 
questions  générales.  Ils  n'ont  pas  dû  vous  dissimuler  la  gravité  d'un 
débat  qui  touche  à  de  pareils  sujets,  mais  ils  vous  prieront  de  remar- 
quer en  même  temps  qu'on  en  a  singulièrement  exagéré  la  portée.  A 
la  faveur  d'une  confusion  de  langage  qui  a  déjà  bien  des  fois  entravé 
la  marche  de  la  philosophie  et  de  la  physiologie,  on  a  pu  croire  que 
les  destinées  du  vitalisme  étaient  inséparables  de  celles  du  spiritua- 
lisme, et  que  la  négation  du  principe  vital  conduisait  inévitablement  à 
la  négation  de  l'àme.  C'était  une  conclusion  logique  pour  ceux  qui, 
professant  la  doctrine  de  l'animisme,  accordaient  une  âme  à  tous  les 
êtres  vivants,  et  faisaient  jouer  à  cette  âme  le  rôle  que  les  vitalistes 
assignent  au  principe  vital.  Aujourd'hui  laquestion  a  changé  de  face: 
le  spiritualisme  moderne  n'admet  l'âme  que  dans  le  genre  humain, 
et  repousse  toute  similitude  entre  ce  principe  immatériel  et  la  cause 
quelconque,  dynamique  ou  physique,  qui  régit  la  vie  de  tous  les  êtres. 
On  peut  donc  nier  le  principe  vital  sans  nier  l'àme,  comme  on  peut 
nier  celle-ci  sans  rejeter  celui-là,  et  nous  ne  saurions  trop  regretter 
qu'au  dernier  siècle  comme  de  nos  jours  laquestion  des  reviviscences, 
déjà  si  grave  en  elle-même,  ait  été  aggravée  encore  par  l'ombrageuse 
susceptibilité  d'une  certaine  fiactiondel'écolespiritualiste,  malentendu 
déploiable  qui,  en  effrayant  les  uns,  en  ôlant  aux  autres  la  liberté  de 
leur  jugement,  a  créé  à  la  science  des  obstacles  toujours  renaissants. 
Needham,  accusé  d'impiété,  put  se  croire  obligé  de  modifier  plusieurs 
fois  ses  idées  sur  la  reviviscence,  et  de  concession  en  concession,  finit 
par  dénaturer  entièrement  le  fait  qu'il  avait  découvert.  Fontana,  plus 
ferme  en  ses  opinions,  ne  les  rétracta  jamais,  mais  la  prudence  l'em- 
pêcha de  publier  son  traité  de  la  vie  et  de  la  mort  apparente  des 
AMMAUxi^l).  a  II  craint  d'être  excommunié,  dit  Dupaty  :  tout  le  pou- 


(t)  Fontana  a  exprimé  très-nettement  sa  pensée  dans  plusieurs  passages 
de  son  Traité  sur  le  venin  de  la  vipère,  etc.  Florence,  in-4,  tome  1, 
p.  90  94  et  325.  G"est  à  la  page  92  de  ce  volume  qu'il  a  annoncé  la  publication 
prochaine  de  son  traité  de  la  vie  et  de  la  mort  des  animaux,  mais  il  n'a 
jamais  publié  cet  ouvrage.  «  Il  se  proposait  encore,  dit  Desgeneltes,  de  donner 
«  un  traité  sur  la  résurrection  des  animaux,  et  il  en  parlait  avec  complai- 
«  sance.  Ce  titre  avait  singulièrement  alarmé  beaucoup  d'esprits  quoiqu'il 
«  ne  fût  question  que  de  la  résurrection  du  rotifère  et  de  quelques  anguillules 


14 
voir  du  graiul-duc  ne  le  sauverait  pas  (1).  »  Baker  ne  se  permit  de 
disserter  sur  la  reviviscence  qu'après  avoir  mis  ses  idées  en  harmonie 
avec  celles  de  l'évêque  de  Durliaiii  (2)  et  IlofTredi,  au  moment  de  con- 
clure, se  réfugia  dans  une  léticence  (3).  Tout  récemment  enlin,  quel- 
ques hommes  sincères  croyant  leur  dogme  menacé,  ont  crié  au 
matérialisme  comme  si  l'homme  était  au  nombre  des  animaux  dits 
ressuscitants.  Disons  donc  bien  haut  que  la  grande  controverse  du  spi- 
ritualisme et  du  matérialismeestentièrement  étrangère  au  débat  actuel, 
et,  sûrs  désormais  d'être  à  l'abri  de  toute  pression  extérieure,  exposons 
sans  craindre  de  scandaliser  personne,  les  diverses  théories  qui  ont  été 
invoquées  pour  expliquer  le  phénomène  de  la  reviviscence  naturelle. 

§   IV.  —  EXPOSÉ  DES  THÉORIES.  THÉORIE  DE  LA  VIE  LATENTE. 

Citons  d'abord,  pour  mémoire,  l'opinion  de  ceux  qui,  faute  d'avoir 
su  ou  voulu  observer  par  eux-mêmes,  ont  simplement  nié  le  phé- 
nomène qui  nous  occupe.  Les  uns  ayant  examiné  le  blé  ergoté  au  lieu 
du  blé  n/e//e,  ont  déclaré  que  l'existence  même  des  anguillules  était 
fabuleuse.  Les  autres,  ayant  cru  que  les  anguillules  de  la  nielle 
étaient  la  même  chose  que  les  anguillules  de  la  colle,  et  ayant  vu  que 
la  dessiccation  tuait  à  jamais  ces  dernières,  ont  été  conduits  à  nier  la 
reviviscence  de  toutes  les  anguillules.  D'autres,  supposant  qu'il  n'y 
avait  qu'une  seule  espèce  de  rotifères  (-4),  ont  étudié  les  rotifères  des 


«  microscopiqnes  qu'il  croyail  avoir  observée  dans  lesei;rlc  ergoté-  Le  rigo- 
«  risme  de  Fontana,  au  temps  du  concile  toscan,  u'avuit  point  assez  rassuré 
«  les  fidèles  contre  les  conclusions  qu'il  avait  parrojs  tirées  del'obseivatiop 
«  de  la  nature.  Il  est  fâcheux  pour  les  sciences  d'avoir  été  privées  de 
«  cet  ouvrage,  mais  il  a  été  probablement  liem-eux  pour  Fontana  qu'il  ne 
«  l'ait  point  publié,  car  les  hommes  qui  veulent  éclairer  les  antres  sont  trop 
«  souvent  condamnés  au  sacrKice  de  leur  repos.  »  Biogbaphie  du  dict.  de 
se.  MÉD.,  art.  Fontana,  in-8,  tome  IV,  p.  ISG.  Paris,  I6'2I. 

(1)  13upaty,  Lettres  sur  l'Italie,  179G,  in-lî2,  t.  I,p.  112.  M.  Poufliet  a  égale- 
ment reproduit  ce  passage  de  Dnpaty. 

(1)  Emplovment  for  THE  Micuoscopiî,  etc.  2'  édit.  Londres,  176'i,  in-8,  part.  I, 
cliap.  IV,  p.  '256,  257.  (La  1"  édition  est  de  1753.) 

(3)  0  Je  ne  m'arrêterai  pas  ici  à  faire  dos  comparaisons,  à  proposer  des  ré- 
«  flexions,  car  tout  homme  qui  pense  aime  mieux  tirer  ces  réllt>xi()ns  de  son 
«  propre  fonds.  »  Uoffredi,  dans  le  journal  ve  piiysiquk  de  l'abbé  Hozier, 
t.  V,  p.  222. 

(4)  Il  y  a  réellement  plusieurs  espèces  de  rotifères,  mais  les  recherches 
récentes  de  M.  Balbiani  tendent  à  établir  un  fait  déjà  soupçonné  par  Spal- 


eaux,  qui  ne  peuvent  se  dessécher  sans  mourir  définitivement  (I),  et 
ont  dès  lors  rejeté  les  observations  faites  par  Leeuwenhoek  sur  les 
rotifères  des  toits.  D'autres  enfin  ont  soutenu  jusque  dans  notre  siècle 
que  les  œufs  seuls  pouvaient  résister  à  la  dessiccation,  et  que  par  con- 
séquent la  prétendue  reviviscence  n'était  autre  chose  que  l'éclosion  des 
œufs  contenus  dans  le  sable. 

Ces  diverses  assertions,  émises  par  des  hommes  qui  n'avaient  évi- 
demment pas  observé  le  phénomène,  peuvent  être  écartées  sans  dis- 
cussion. Après  cette  élimination  sommaire,  nous  nous  trouvons  en 
présence  de  deux  opinions  opposées,  de  deux  doctrines  rivales  aux- 
quelles se  rattachent  les  noms  également  illustres  de  Leeuwenhoek  et 
de  Spallanzani. 

Ce  sont  ces  deux  doctrines  qui  viennent  de  se  donner  rendez-vous 
devant  la  Société  de  biologie.  Celle  de  Leeuwenhoek,  représentée  au- 
jourd'hui par  M.  Pouchet,  proclame  que  la  vie  est  un  acte  continu 
et  que  les  animaux  réviviscibles  continuent  à  vivre  au  milieu  des  appa- 
rences de  la  mort.  Celle  de  Spallanzani,  dont  M.  Doyère  a  été  dans 
notre  siècle  le  principal  promoteur,  nous  présente  ces  apparences 
comme  une  réalité  et  nous  annonce  que  la  reviviscence  est  une  véri- 
table résurrection.  Nous  aurons  à  vous  les  exposer  Tune  et  l'autre,  mais 
auparavant,  pour  simplifier  le  débat,  nous  devons  vous  parler  d'une 


lazani,  savoir  que  les  rotifères  des  fossés  sont  de  la  même  espèce  que  ceux 
des  toits.  Ces  derniers  sont  cependant  les  seuls  qui  possèdent  d'une  manière 
bien  manifeste  la  propriété  de  reviviscence;  lorsqu'ils  séjournent  continuel- 
lement dans  l'eau  ils  la  perdent  en  grande  partie.  Il  parait  que  le  séjour  dans 
un  endroit  constamment  humide  leur  fait  subir,  sans  clianger  sensiblement 
leur  forme  et  leur  volume,  des  modiflcations  qui  ne  leur  permettent  plus  de 
résistera  la  sécheresse.  (Voy.  Spallanzani,  Opuscules  de  physique  animale 
ET  VÉGÉTALE,  trad.  fr.  Paris,  1767,  in-8, 1. 1,  p.  341.) 

(1)  Il  n'est  pas  certain  que  les  rotifères  des  eaux  ne  puissent  jamais  se  ra- 
nimer après  avoir  été  desséchés.  On  voit,  dans  une  expérience  de  Roffredi, 
que  sur  109  rotifères,  cinq  furent  rappelés  à  la  vie  par  l'humectation  ;  ils 
avaient  été  pris  dans  de  la  houe  desséchée.  Or  il  est  difTicile  de  croire  que 
sous  le  nom  de  loue  l'auteur  ait  voulu  désigner  le  sable  des  tuiles  et  des  gout- 
tières. Il  est  probable  d'ailleurs  que  le  nombre  des  animaux  ranimés  eiit  été 
infiniment  plus  considérable  si  Roffredi  les  eiit  pris  sur  les  toits.  Enfin,  il 
ajoute  que  toutes  les  fois  qu'il  a  mis  les  animaux  à  nu  sur  le  verre,  la  des- 
siccation les  a  irrévocablement  tués.  Tout  cela  s'applique  bien  aux  rotifères 
des  eaux.  (Voy.  le  deuxième  mémoire  de  Roffredi  dans  le  Journal  de  phy- 
sique de  l'abbé  Rozier,  t.  V,  p,  219,  220.  Paris,  1775,  in-4.) 


16 
opinion  mixte,  soutenue  à  une  certaine  époque  par  Needham,  et  de- 
venue le  point  de  départ  de  tout  ce  qu'on  a  dit  depuis  sur  la  vie  latente. 
Loisque  Needham  publia  pour  la  première  fois  sa  découverte  (1743), 
il  donna  aux  animalcules  de  la  nielle  le  nom  d'anguilles  et  ne  se  pro- 
nonça pas  formellementsur  la  nature  du  phénomène  de  la  reviviscence. 
Ce  qu'il  en  disait,  toutefois,  permettait  de  penser  qu'il  s'agissait  pour  lui 
d'une  résurrection  véritable,  du  retour  de  la  vie  dans  un  corps  tout  à  fait 
inerte  (1).  Mais  bientôt,  effrayé  sans  doute  de  cette  conclusion,  il 
s'efforça  d'en  atténuer  la  gravité  au  moyen  d'une  singulière  hypothèse. 
Il  supposa  que  les  angulllules  n'étaient  pas  des  animaux,  mais  des  zoo- 
phytes,  ou  animaux-plantes.  La  classe  des  zoophytes,  bien  différente 
alors  de  ce  qu'elle  est  devenue  depuis,  dans  la  classification  de  Cuvier, 
avait  été  imaginée  pour  roustraii'e  la  théorie  de  Ydine  sensitive  aux 
conséquences  des  expériences  de  Trembley  sur  les  polypes  d'eau  douce 
(hydres).  «  Si  l'àme  des  animaux  ou  cette  substance  qui  leur  donne  la 
«vie,  disait-on,  est  une  essence  indivisible,  toute  dans  le  tout,  ei 
«  toute  dans  chaque  partie,  comment  se  peut-il  donc  que,  dans  le  po- 
te lype,  elle  puisse  être  divisée  en  quarante  ou  cinquante  parties  sans 
0  cesser  cependant  d'exister  et  de  donner  la  vie  (2)?»  C'était  pour 
tourner  la  difficulté  sans  abandonner  l'àme  sensitive  qu'on  avait  admis 
une  classe  d'êtres  doués  de  mouvements  comme  les  animaux,  et  privés 
d'âme  sensitive  comme  les  végétaux.  Needham  imita  cet  exemple,  et 
ne  tarda  pas  à  ranger  ses  anguilles  parmi  les  zoophytes;  n'étant  plus 
dès  lors  ni  des  animaux  ni  des  végétaux,  elles  n'étaient  plus  tenues  de 
se  conformer  aux  lois  qui  régissaient  les  deux  règnes.  Il  supposa  donc 
que  les  anguilles  de  la  nielle,  nées  par  une  espèce  particulière  de  vé- 
gétation qui  disposait  en  filaments  la  substance  encore  tendre  des  grains 


(1)  Tubcrvill  Needliaiu,  Nouvelles  observations  microscopiques,  traduites 
de  l'anglais  par  un  anonyme.  Cet  anonyme  est  le  professeur  Alleman,  deLeyde). 
Lcyde,  1747,  in-12,  chap.  viii.  p.  104.  «  Si  l'on  suppose,  dit  Needham,  que  ces 
«  animaux  trouvent  dans  la  terre  une  humidité  sufTisante  pour  leur  donner 
«  la  vies  si  je  puis  m'exprimer  ainsi,  eux  ou  leurs  œufs,  ils  peuvent  aisément 
u  s'insinuer  dans  le  jeune  blé,  etc.  »  Le  correctif  si  je  puis  m'exprimer  ainsi, 
n'atténue  que  faiblcnipiit  réncrgie  de  l'expression  qui  précède,  et  aucun 
passage  du  mémo  cluipilre  ne  permet  de  ranger  l'auteur  au  nombre  de  ceux 
qui  repoussent  l'idée  d'une  parfaite  résurrection.  Cet  ouvrage  avait  déjà  paru 
en  anglais  sous  le  litre  de  an  account  ok  some  microcospical  discove- 
lUES,  etc.  London,  1745,  in-12. 

(2)  Baker,  Essai  sur  l'histoire  naturelle  du  polype  insecte,  trad.  fr. 
Paris,  1744,  in-12,  p.  332.  Baker  dans  ce  passage  expose  une  opinion  qu'il  iv- 
hito  plus  loin. 


17 
de  froment  (1),  possédaient  une  espèce  particulière  de  vie.  a  Leur 
«  vie,  dit-il,  n'est  qu'un  degré  de  vitalité  au-dessus  de  la  végétation 
et  ordinaire  des  plantes.  C'est  pour  cela....  que  leur  principe  de  vie 
a  reste  longtemps  parfaitement  inactif,  tandis  que  les  corps  organisés 
a  sont  desséchés  et  qu'il  entre  en  action  dès  qu'une  humidité  suffi- 
«  saute  met  en  liberté  leur  substance  qui  s'était  lesserrée.  Ainsi,  quoi- 
a  qu'il  s'élève  à  quelques  égards  au-dessus  de  la  végétation  et  qu'il 
a  devienne  le  premier  degré  de  la  vitalité  animale,  il  a  toujours  une 
«  grande  analogie  avec  sa  source  immédiate,  avec  cette  végétation 
«  commune  qui  fait  croître  les  plantes  où  il  s'abrite  en  son  entier  dans 
a  les  graines  desséchées  pendant  des  années  sans  se  manifester  (2).  » 
Cette  théorie  n'eut  aucun  succès.  Needham  l'abandonna  bientôt,  ou 
plutôt  la  transforma  sans  en  abroger  le  principe  fondamental.  Assailli 
par  une  foule  d'objections,  il  accorda  que  les  anguillules  n'étaient 
ni  des  animaux,  ni  des  plantes,  ni  des  zoophytes,  mais  seulement 
une  sorte  d'être  purement  vital  privé  de  spontanéité;  seulement  il 
ajouta  :  tt  Le  défaut  de  spontanéité  n'exclut  pas,  selon  moi,  un  vrai 
«  principe  organique  intérieur  de  mouvement  purement  matériel  ({mq 
j'appelle  vitalité  (5).  » 

L'embarras  de  l'auteur  devenait  visible  dans  la  suite  du  passage; 
aussi  accueillit-il  avec  empressement  la  démonstration  de  l'animalité 
des  anguillules,  donnée  par  RofTredi,  en  1775,  dans  le  travail  que  nous 
avons  déjà  cité.  «  Il  était  très-naturel,  dit  il  dans  sa  lettre  à  l'abbé 
«  Rozier,  de  se  tromper  sur  le  nature  et  l'origine  d'un  être  si  singulier, 
«  dont  la  vie,  renouvelée  à  plaisir  après  un  très-long  et  très-parfait 
«  dessèchement,  était  un  phénomène  qui  n'entrait  pas  du  tout  dans 


(1)  Needliam,  Nouvelles  observations  microscopiques  avec  des  décou- 
vertes INTÉRESS.\.NTES  SUR  LA  COMPOSITION  ET  LA  DÉCOMPOSITION  DES  CORPS 

ORGANISÉS.  Paris,  1750,  iQ-12,  p.  225.  Les  144  premières  pages  de  cet  ou- 
vrage ne  sont  que  la  réimpression  de  la  traduction  publié  à  Leyde  eu  1747, 
par  AUeman.  Les  400  pages  suivantes  ont  été  écrites  en  français  pour  cette 
édition. 

(2)  Loc.  cit.,  p.  227  en  note. 

(3)  Nouvelles  recherches  sur  les  découvertes  microscopiques  et  la  gé- 
nération DES  CORPS  ORGANISÉS,  par  Spallanzani,  traduit  de  l'italien  par  l'abbé 
Regley,  avec  des  Notes  et  des  recherches  physiques  et  métaphysiques 
SUR  LA  NATURE  ET  LA  RELIGION,  par  M.  de  Needham.  Londres  et  Paris,  1769, 
2  vol  in-8°.  Le  passage  cité  se  trouve  à  la  page  162  du  premier  volume,  dans 
la  septième  note  de  Needham  sur  le  chap.  II  de  Spallanzani.  C'est  dans  cet  ou- 
vrage que  Needham  a  soutenu  que  la  force  végétatrice  avait  fait  sortir  Eve  du 
corps  d'Adam,  comme  un  jeune  polvpe  se  dt^tache  du  polvpe-mère. 

2 


18 

M  l'idée  que  les  philosophes  de  ce  temps  s'étaient  faite  de  la  vitalité 
a  aûiraale....  L'espèce  do  vie  dont  ces  vers  sont  doués  et  qui  se  con- 
«  serve  pendant  des  années  dans  un  état  parfait  deximuation  et  de 
«  dessèchement,  est  très-singulière.  Cette  vitalité,  si  ferme  et  si  dura- 
«  ble,  est  une  propriété  qui  me  paraît  d'une  nature  fort  différente  de  la 
«  vitalité  ordinaire  (1).  »  Needham  se  trouvait  ainsi,  après  plus  de 
trente  ans,  revenu  à  son  point  de  départ,  et  dès  lors  il  ne  changea  plus; 
mais,  au  milieu  des  oscillations  continuelles  de  sa  pensée  indécise, 
au  milieu  de  ses  théories  successives  sur  la  nature  des  êtres  qu'il  avait 
découverts,  il  y  avait  deux  points  sur  lesquels  il  ne  s'était  jamais  con- 
tredit :  c'étaient,  d'une  part,  la  cessation  complète  delà  vie  chez  ces  êtres 
suivant  lui  parfaitement  desséchés;  d'une  autre  part,  l'existence d  une 
vitalité  particulière,  différente  delà  vitalité  ordinaire,  rendue  inactive 
par  la  dessiccation,  mais  persistant  toujours  dans  la  matière,  e(  n'at- 
tendant pour  entrer  en  action,  c'est-à-dire  pour  rétablir  la  vie,  que  le 
concours  de  l'humidité.  Sur  ces  deux  points  fondamentaux,  la  plupart 
de  ses  contemporains  furent  d'accord  avec  lui  (2).  La  plupart  de  ses 
successeurs  adoptèrent  la  même  doctrine,  qui  ne  s'est  pas  sensiblement 
transformée  en  changeant  d'étiquette,  et  qui  règne  aujourd'hui  dans  un 
très-grand  nombre  d'esprits.  Celte  vitalité  différente  de  la  vie,  qui  lui 
survit,  qui  la  rappelle,  qui  n'a  pas  de  durée  limitée,  qui  se  maintienlsans 
eau,  sans  oxygène,  qui  résiste  à  l'action  du  vide,  et  à  celle  d'une  tem- 
pérature capable  d'anéantir  toutes  les  existences  connues,  —cette  vita- 
lité, disons-nous,  a  maintenant  changé  de  nom;  elle  s'appelle  la  vie 
latente,  et  sous  ce  titre  illusoire  les  physiologistes  ont  déguisé  leur  em- 
barras. Ce  n'est  pas  la  première  fois  que  la  science  s'est  ainsi  payée  de 


(1;  JouRi\ALDEPiiYsiQfciideI{ozier.  Paris,  mars  1775,  in-4°,t.  V,  p.  226,  227. 

(2)  Nous  citerons  en  parlieulicr  ici  l'opinion  de  Baker.  Cet  auteur  admet 
(jue  des  corps  pai  failcmcnt  secs  et  durs  [perfectlij  dry  and  hard)  peuvent  con- 
server encore  leur  principe  vital  (their  liiing  power),  et  comme  dans  cet  état 
ils  ne  peuvent  être  le  siège  d'aucune  altération  spontanée,  rien  n'empf^che 
qu'on  puisse  les  ranimer  au  bout  de  vingt,  quarante,  cent  ans,  ou  même  au 
bout  d'un  nombre  quelconque  d'années.  (Emplovment  for  tue  michoscope, 
2'  édll.  London,  1764,  iu-8°,  part.  II,  chap,  IV,  p.  254,  255.)  «  (Jnelle  que  soit 
«  l'essence  de  la  vie,  dil-il,  elle  n'est  peut-ôtrc  ni  détruite  ni  endommagée  par 
«  les  accidents  quelconques  qui  peuvent  aUcindre  les  organes  où  elle  agit, 
<i  ou  les  corps  oii  elle  habile.  »  (P.  256.)  Et  Baker  place  cette  opinion  sous  le 
patronage  de  Butler,  cvèque  de  Durliam,  qui  a  dit  dans  son  Analogy  of  keu- 
GioN  TO  TUE  coNSTiTUTio.N  AM)  couHSE  OF  .xATiiu:,  p.  21,  q'i'un  ètrc  doué  de 
principe  vital  ne  peut  pa.s  plus  le  perdre  dans  la  durée  de  son  existence 
qii'une  pierre  uc  pourrait  l'acquérir 


19 

niotH.  Celui  de  vie  Uitunte  a  été  emprunté  au  langage  des  physiciens 
qui,  pour  expliquer  certains  phénomènes,  ont  admis  vui  calorique  la- 
lent.  De  même,  a-t-on  dit,  que  le  calorique  plus  ou  moins  masqué 
existe  eu  puissance  dans  tous  les  corps,  de  même  la  vie  plus  ou  moins 
dissimulée  existe  en  puissance  dans  tous  les  êtres  qui  peuvent  se  ra- 
nimer (1).  Une  théorie  qui  repose  sur  un  mot  a  toujours  plus  de  chances 
de  succès  et  de  longévité  que  celles  qui  reposent  sur  des  faits.  Les  faits 
peuvent  être  discutés,  analysés,  vérifiés  ou  contredits.  Mais  le  mot  ré- 
siste à  toutes  les  attaques;  chacun  l'interprète  à  sa  guise;  beaucoup 
même  ne  l'interprètent  pas  du  tout;  il  leur  plaît  par  son  obscurité 
même  ;  enfin,  si  ce  mot  a  un  double  sens,  il  a  l'avantage  de  servir  de 
point  de  ralliement  à  des  sentiments  opposés.  Le  mot  de  vie  latente 
possède  au  plus  haut  degré  cet  avantage.  C'est  pour  les  uns  une  vie 
en  puissance,  une  vie  possible,  une  propriété  purement  matérielle  que 
certains  corps  organisés  conservent  lorsqu'ils  sont  desséchés  ;  pour  les 
autres,  c'est  une  vie  modifiée  mais  non  suspendue,  amoindrie,  mais 
non  détruite,  privée  de  manifestation  appréciable,  mais  bien  léelle 
cependant.  Grâce  à  celte  équivoque,  les  partisans  de  deux  doctrines 
inconciliables  ont  pu  se  croire  d'accord,  et  les  esprits  qui  reculent  de- 
vant les  problèmes  arJus  de  la  biologie  générale  ont  pu  se  trouver 
à  l'aise.  Mais  ceux  qui  cherchent  la  vérité  doivent  écarter  toute  amphi- 
bologie. Nous  laisserons  donc  de  côté  la  théorie  illusoire  de  la  vie  la- 
tente, pour  nous  occuper  seulement  des  deux  grandes  doctrines  qui 
méritent  seules  de  se  partager  les  suffrages  des  physiologistes  éclairés. 


§  V.  —  LES   KÉSDRRECTIONNISTES  ET   LES   ANTIRÉSDRRECTIONNISTES. 

Lorsqu'on  voit  le  corps  d'un  animal  desséché  se  ranimer  au  contact 
de  l'eau,  on  ne  peut  faire  que  deux  suppositions  : 

Ou  bien  l'animal  était  réellement  mort,  et  l'humidité  lui  a  rendu 
la  vie; 

Ou  bien  l'animal  possédait  encore^  malgré  les  apparences  de  la 
mort,  une  vie  passive  sans  manifestation  extérieure  appréciable,  et 
bien  différente  sans  doute  de  la  vie  ordinaire,  mais  permanente  et 
continue  comme  celle-ci,  et  exigeant  d'ailleurs  comme  elle  le  concours 
simultané  de  l'eau  et  de  la  matière  organisée. 


(1)  Il  n'est  plus  question  aujourd'hui  du  calorique  latent,  depuis  les  tra- 
Taux  des  modernes  sur  l'équivalent  mécanique  de  la  chaleur. 


20 

Dans  le  premier  cas,  la  reviviscence  est  une  véritable  résurrection  ; 
dans  le  second  cas  ce  n'est  que  le  passage  de  la  vie  passive  à  la  vie 
active. 

On  peut  hésiter  entre  ces  deux  opinions;  on  peut  contester  la  ri- 
gueur des  démonstrations  sur  lesquelles  elles  s'appuient;  on  peut  res- 
ter dans  le  doute  en  attendant  des  preuves  plus  décisives;  on  peut  se 
demander  même  si  la  science  possédera  jamais  sur  ce  problème  une 
solution  définitive  et  irrévocable.  Mais  il  ne  reste  aucune  place  pour 
une  troisième  opinion;  il  n'y  a  pas  de  transaction  possible,  il  n'y  a 
pas  de  doctrine  intermédiaire.  «  Il  n'y  a  qu'une  nature,  a  dit  Hippo- 
crate;  être  et  n'être  pas,  ix£a  œùciç,  dvatxa>.  ij.ti  eivau  (1)  » 

Quelle  que  soit  l'explication  qu'on  adopte,  le  fait  de  la  reviviscence 
reste  toujours  en  opposition  avec  les  phénomènes  oi'dinaires  de  la  vie; 
mais  il  s'en  écarte  beaucoup  plus  si  l'on  accepte  la  première  opinion 
que  si  l'on  accepte  la  seconde.  Il  est  donc  naturel  que  celle-ci  doive  se 
présenter  tout  d'abord  à  l'esprit  de  Tobservateur.  Il  est  natuiel  encore 
qu'elle  ait  régné  avant  l'autre  dans  la  science,  et  que  ses  adhérents 
aient  usé  de  leur  droit  de  priorité,  en  exigeant  de  leurs  adversaires 
des  démonstrations  rigoureuses  là  où  ils  ne  pouvaient  eux-mêmes, 
dans  l'origine,  fournir  que  des  assertions. 

Ils  ont  donc  émis  la  proposition  suivante  :  le  corps  de  l'animal  ré- 
viviscible  sera  réputé  vivant  jusqu'à  ce  qu'on  ait  démontré  qu'il  ne 
l'est  pas. 

En  logique  absolue,  ce  n'est  pas  ainsi  sans  doute  qu'il  eût  fallu  pro- 
céder. Il  aurait  fallu  dire,  au  contraire,  le  corps  d'un  animal  qui  parait 
mort,  et  qui  ne  manifeste  à  nos  sens  aucune  action  vitale,  sera  réputé 
mort  jusqu'à  ce  qu'on  ait  démontré  qu'il  est  vivant. 

Mais  ce  n'est  pas  ainsi  que  la  question  a  été  posée.  Les  résurrection- 
nistesont  dû  accepter  la  situation  qui  leur  était  faite,  et  entreprendre 
de  prouver  par  l'expérimentation  physiologique,  non-seulement 
1°  qu'il  n'y  a  pas  de  vie  appréciable  et  démontrable  dans  les  corps 
inertes  des  animaux  réviviscibles,  mais  encore  2"  que  ces  corps  con- 
servent leur  propriété  de  reviviscence  dans  des  conditions  absolument 
incompaiiblcs  aocc  toute  espèce  de  vie. 

Le  premier  point  était  d'autant  plus  facile  à  établir  qu'il  n'était  pas 
sérieusement  contesté.  Il  est  clair,  en  effet,  qu'un  rotifère  desséché  à 
l'air  libre  sur  une  plaque  de  verre,  depuis  quelques  heures  seulement, 
ne  présente  plus  aucun  des  caractères  sensibles  de  la  vie.  Il  est  entiè- 


(1)  l\VV\  TP0<1>H£,  6' 


21 
rement  immobile,  et  sa  transparence  permet  même  de  reconnaître 
qu'il  ne  s'effectue  aucun  mouvement  partiel  dans  la  profondeur  de  ses 
organes.  Il  ne  répond  à  aucune  excitation,  il  n'exécute  aucune  fonc- 
tion. Il  ne  respire  pas,  puisqu'on  peut  le  placer  longtemps  dans  le  vide 
sans  lui  ôter  sa  propriété  de  reviviscence;  il  ne  se  nourrit  pas  non 
plus  puisqu'il  n'est  en  contact  avec  aucune  matière  organique;  enfin 
il  peut  se  ranimer  après  être  resté  dans  cet  état  d'inertie  pendant  un 
temps  indéfini,  ou  du  moins  infiniment  supérieur  à  la  plus  longue 
durée  possible  de  la  vie  effective  chez  les  animaux  de  son  espèce;  de 
telle  sorte  que  le  temps  pour  ainsi  dire  n'existe  pas  pour  lui,  et  qu'il 
se  trouve  en  dehors  de  cette  loi  générale  qui  a  fixé  une  durée  limitée 
à  la  vie  de  tous  les  animaux. 

Les  antirésurrectionnistes  ont  admis  tous  ces  faits,  mais  ils  ont 
répondu  que  la  vie  a  ses  degrés  d'activité;  qu'elle  peut  s'atténuer  sans 
s'éteindre;  qu'au-dessous  de  la  vie  parfaite,  de  la  vie  supérieure  carac- 
térisée par  la  sensibilité,  le  mouvement,  la  spontanéité  et  par  l'exer- 
cice simultané  de  toutes  les  fonctions,  il  y  a  des  états  de  vie  où  cer- 
taines fonctions,  même  les  plus  importantes,  peuvent  être  ou  paraître 
entièrement  suspendues.  La  syncope,  la  léthargie,  l'asphyxie,  l'hi- 
bernation, le  sommeil  prolongé  de  la  chrysalide,  l'état  du  crapaud 
emprisonné  dans  le  plâtre,  et  enfin  celui  des  animaux  congelés,  mon- 
trent les  divers  degrés  de  cette  série  décroissante  où  l'on  voit  toutes 
les  fonctions  de  la  vie  disparaître  tour  à  tour  ou  plusieurs  à  la  fois  sans 
que  pour  cela  la  vie  elle-même  soit  nécessairement  interrompue.  L'é- 
tat de  l'animal  desséché  et  réviviscible  occupe  le  dernier  degré  de  la 
série.  C'est  la  vie  réduite  à  son  minimum,  mais  c'est  encore  la  vie.  La 
dessiccation  n'est  qu'apparente;  il  reste  toujours  dans  les  corps  révi- 
viscibles  une  certaine  quantité  d'eau  qui  a  échappé  à  l'évaporation  Les 
organes,  dont  l'activité  a  cessé  d'être  appréciable,  n'ont  plus  besoin, 
pour  se  maintenir,  du  jeu  incessant  de  la  respiration  et  de  la  nutrition; 
ne  faisantaucune  perte,  ils  n'ont  rien  à  réparer.  L'animal  dont  l'exis- 
tence est  amoindrie  à  ce  point  reste  donc  en  dehors  des  conditions 
qui  assignent  à  la  vie  ordinaire  une  durée  déterminée,  et  l'on  conçoit 
ainsi  qu'il  puisse,  dans  cet  état  d'inertie  apparente,  dépasser  indéfini- 
ment les  limites  de  la  longévité  dévolue  par  la  nature  aux  êtres  de  son 
espèce. 

Telles  sont,  messieurs,  les  deux  interprétations  opposées  qu'on  a 
données  du  phénomène  de  la  reviviscence  naturelle,  et  si  l'on  restait 
sur  ce  terrain,  on  ne  serait  pas  près  de  s'entendre.  Les  résurreciionis- 
tes  ont  donc  été  conduits  à  chercher  dans  les  conditions  artificielles 
l'expérimentation  des  preuves  plus  catégoriques;  pour  cela  ils  se 
sont  efforcés  de  démontrer  qu'on  peut  soumettre  les  animaux  révivis- 


22 
cents  à  des  épreuves  incompatibles  avec  la  continuation  de  la  vie,  sans 
leur  ôter  pour  cela  la  propriété  de  se  ranimer  ensuite  au  contact  de 
l'eau. 

Il  s'agissait  avant  tout,  dans  cette  nouvelle  phase  du  débat,  de 
prendre  un  point  de  départ  accepté  par  tout  le  monde,  de  déterminer 
d'avance  une  ou  plusieurs  conditions  considérées  d"un  commun  ac- 
cord comme  indispensables  au  maintien  de  la  vie,  et  de  placer  ensuite 
les  animaux  réviviscibles  en  dehors  de  ces  conditions.  Or  tous  les 
physiologistes  s'accordent  à  reconnaître  qu'il  n'y  a  pas  de  vie  possible 
sans  une  certaine  quantité  d'eau,  ni  au-dessus  d'une  certaine  tempé- 
rature. Il  iallait  donc  prouver  que  la  propriété  de  reviviscence  résis- 
tait soit  à  cette  température,  soit  à  la  dessiccation  artificielle.  A  ce  prix 
seulement  les  résurrectionnistes  pouvaient  espérer  de  convaincre 
leurs  adversaires. 

De  là  deux  séries  d'épreuves  :  épreuve  des  températures  élevées, 
épreuve  de  la  dessiccation  artificielle. 

Vépreuve  des  températures  élevées  paraît  au  premier  coup  d'œil  la 
plus  concluante  et  la  plus  décisive.  Soumettre  le  corps  d'un  animal  à 
un  degré  de  chaleur  qui  le  tuerait  infailliblement  s'il  était  vivant,  et 
constater  que  malgré  cela  il  peut  conserver  encore  sa  propriété  de  re- 
viviscence, n'est-ce  pas  démontrer  que  cette  propriété  purement  ma- 
térielle est  indépendante  de  la  vie? 

Mais  il  reste  une  difficulté  :  c'est  de  déterminer  le  degré  de  tempéra- 
ture incompatible  avec  la  vie  de  l'animal  que  l'on  considère,  et  cette 
difficulté  est  plus  grande  qu'on  ne  pourrait  le  croire  tout  d'abord. 

Tous  les  animaux,  en  effet,  ne  sont  pas  également- doués  sous  le 
rapport  de  la  résistance  aux  variations  de  la  chaleur.  Telle  espèce  vit 
normalement  dans  un  milieu  dont  la  température  tuerait  prorapte- 
ment  la  plupart  des  autres.  Certains  animaux  périssent  au-dessous 
même  de  40'  centigrades.  Presque  tous  meurent  entre  40"  et  45"; 
quelques-uns,  et  les  rotifères  sont  du  nombre,  peuvent,  sans  mourir, 
supporter  jusqu'à  50"  de  chaleur  humide.  On  dit  enfin,  et  la  chose  est 
croyable,  quoique  trop  imparfaitement  établie  pour  être  admise  sans 
réserve,  on  dit  que  certaines  sources  thermales  dont  la  température 
est  supérieure  à  50"»  renferment  des  animaux  vivants.  Il  n'y  a  donc 
aucun  terme  précis  et  général  qu'on  puisse  fixer  comme  la  limite  d(  s 
températUH's  compatibles  avec  la  vie,  puisque  cette  limite  vai'ie  con- 
sidérablement suivant  les  espèces. 

Pour  sortir  de  cette  difficulté,  Spallanzani  imagina  un  procédi; 
plus  simple  que  rigoureux,  il  prit  des  rotifères  vivants,  les  chaull'.i 
graduellement  dans  l'eau  où  ils  nageaient,  et  reconnut,  ou  crut  recon- 
naître, qu'ils  mouraient  alors  sans  retour  à  la  température  de  45»  cen- 


23 
tigrades.  Il  se  trompait  de  5"  (1)  ;  ce  n'était  qu'une  erreur  sans  impor- 
tance. Prenant  alors  des  rotifères  desséchés  dans  le  sable,  il  put  les 
chauffer  jusqu'à  70"  avant  de  leur  enlever  la  propriété  de  reviviscence  ; 
ilse  trompait  encore  de  10",  car  les  rôti  fères  chauffés  dans  ces  condi  lions 
résistent  fort  bien  jusqu'à  80".  Mais  cette  erreur,  pas  plus  que  l'autre, 
ne  portait  atteinte  au  résultat  général  de  l'expérience.  Il  était  clair  qu'il 
y  avait  une  différence  très-considérable  entre  la  température  qui 
tuait  les  rotifères  en  pleine  activité  et  celle  qui  ôtait  au  corps  de  ces 
animaux,  préalablement  desséchés,  la  propriété  de  se  ranimer  au  con- 
tact de  Teau.  Spallanzani  crut  pouvoir  en  conclure  que  la  vie  des  roti- 
fères était  incompatible  avec  une  température  supérieure  à  45",  et  que 
ceux  qui  revivaient  après  avoir  supporté  une  chaleur  beaucoup  plus 
forte,  passaient  réellement  de  la  mort  à  la  vie. 

Mais  ce  procédé  expérimental  donne  prise  aune  objection  sérieuse. 
Les  adversaires  de  la  doctrine  des  résurrections  n'ont  jamais  prétendu 
que  la  vie  des  animaux  desséchés  fût  soumise  aux  mêmes  conditions 
que  la  vie  active  ordinaire.  Ce  qui  détruit  l'une  peut  épargner  l'autre, 
et  de  même  que  les  chrysalides  supportent  des  degrés  de  froid  et  de 
chaud  qui  tueraient  la  chenille  ou  le  papillon,  de  même,  le  rolifère, 
desséché  dans  le  sable,  peut  acquérir  dans  cet  élat,  voisin  de 
l'inertie,  des  immunités  particulières.  Le  raisonnement  de  Spallanzani 
n'était  donc  pas  sans  réplique,  puisque  le  point  de  départ  de  son  ex- 
périence était  sujet  à  contestation,  et  si  l'on  veut  donner  à  l'épreuve 
des  températures  élevées  une  signification  rigoureuse,  il  faut  partir 
d'une  autre  donnée. 

La  chimie  organique,  qui  était  inconnue  au  temps  de  Spallanzani, 
nous  enseigne  que  tous  les  animaux  dont  on  a  pu  analyser  les  humeurs 
renferment  de  l'albumine  dissoute.  Celle-ci  se  coagule  vers  65°  centigr., 
et  il  est  clair  qu'un  corps  dont  les  humeurs  sont  coagulées  est  irrrévo- 
cablement  privé  de  vie.  Il  parait  donc  résulter  delà  qu'une  tempéra- 
ture de  6S%  prolongée  assez  longtemps  pour  pénétrer  dans  tous  les 


(1)  Les  rotifères  chauffés  dans  l'eau  entre  45  et  50°  centigr.  paraissent  morts  ; 
ils  sont  gonflés,  allongés  et  immobiles,  mais  au  bout  de  quelques  heures  ou 
de  quelques  jours,  uu  certain  nombre  d'entre  eux  reprennent  leur  activité. 
Spallanzani  n'ayant  pas  aUendu  assez  longtemps  les  crut  morts.  L'erreur  était 
excusable,  et  eUe  était  d'ailleurs  sans  gravité,  car  elle  n'était  que  de  cinq  de- 
grés. Au  delà  de  50°,  en  effet,  les  rotifères  plongés  dans  l'eau  meurent  tous, 
sans  exception,  et  définitivement.  (Yoy.  Gavarret,  Expériences  sur  les  roti- 
fères, LES   TARDIGRADES  ET  LES  ANGUILLULES   daUS    ANNALES  DES  SCIENCES 

NATURELLES,  4*série,  t.  XI,  cahier  n"  5.  Paris,  1859,  in-8,  tirage  à  part,  p.  1 1 .") 


24 
organes,  doit  mettre  à  mort  tous  les  êtres  qui  renferment  de  l'albu- 
mine en  dipsolulion  ;  il  paraît  en  résulter  encore  qu'un  corps  chauffé 
au  delà  de  cette  température  est  réellement  mort,  et  que  s'il  se  ranime 
ensuite  c'est  une  véritable  résurrection. 

La  limite  de  6S"  semble  donc,  au  premier  abord,  propre  à  servir  de 
base  à  l'épreuve  des  températures  élevées. 
Mais  les  antirésurrectionistes  ont  ici  deux  objections  à  faire  valoir  : 
En  premier  lieu,  la  température  où  se  coagule  l'albumine  n'est  pas 
une  température  fixe.  Diverses  conditions  dépendant,  les  unes  du  de- 
gré de  concentration  de  la  solution  albumineuse,  les  autres  de  la  na- 
ture des  substances  qui  s'y  trouvent  mêlées,  les  autres  enfin  de  la  nature 
même  de  la  substance  albumineuse  (car  il  y  a  plusieurs  espèces  d'albu- 
mine), —  diverses  conditions,  disons-nous,  peuvent  rendre  la  coagula- 
tion plus  tardive  ou  plus  prompte.  Celle-ci  peut  avoir  lieu  déjà  à  60% 
ou  être  retardée  jusqu'à  75".  Cette  objection  n'a  qu'une  valeur  relative. 
On  y  échapperait  en  prenant  la  température  de  75°  comme  la  limite 
des  températures  compatibles  avec  la  vie. 

Mais  la  seconde  objection  est  capitale.  Le  corps  des  animaux  révi^ 
viscents  échappe  par  sa  petitesse  à  l'analyse  chimique.  Personne  n'a 
donc  pu  y  constater  la  présence  de  l'albumine.  Qui  sait  si  la  propriété 
de  résistance  à  la  chaleur,  dévolue  à  ces  animaux,  ne  viendrait  pas 
de  ce  qu'ils  diffèrent  des  autres  précisément  par  l'absence  de  toute  ma- 
tière coagulable?  Cette  supposition  acquiert  quelque  valeur  lorsqu'on 
songe  que  l'albumine  desséchée  cesse  d'être  susceptible  de  se  dissou- 
dre de  nouveau  lorsqu'on  la  soumet  à  une  température  bien  inférieure 
à  iOO°. 

Nous  aurons  à  examiner  plus  loin  cette  dernière  assertion,  lorsque 
nous  nous  occuperons  de  la  théorie  des  reviviscences;  nous  dirons 
alors  que  des  précautions  très-semblables  à  celles  qu'il  faut  prendre 
pour  chauffer  impunément  les  rotifères,  permettent  de  conserver  ù 
l'albumine  sèche  sa  solubilité,  sous  des  températures  égales  ou  supé- 
rieures à  100°.  Mais  l'objection  n'en  persiste  pas  moins  tout  entière. 
La  présence  de  l'albumine  dans  le  corps  des  animaux  réviviscents  n'est 
qu'une  chose  très-probable  ;  ce  n'est  pas  une  chose  démontrée.  La  tem- 
pérature de  65°,  ou  si  l'on  veut  celle  de  75°,  qui  doit  nécessairement 
tuer  tous  les  êtres  dont  les  humeurs  sont  albumineusesne  saurait  donc 
être  considérée  irrévocablement  comme  la  limite  universelle  de  la  vie 
animale,  et  il  ne  suffit  pas  d'avoir  chauffé  un  rotifère  au  delà  de  cette 
température  pour  être  en  droit  d'affirmer  qu'il  est  nécessairement 
mort. 

Quel  sera  donc  le  point  de  départ  de  l'épreuve  des  températures 
élevées?  S'il  no  suffit  ni  de  chauder  le  corps  d'un  animal  réviviscible 


25 

jusqu'à  la  limite  particulière  où  l'expérience  montre  qu'il  périt  sans 
retour  lorsqu'il  est  en  pleine  activité  dans  l'eau,  ni  de  le  chauffer  jus- 
qu'à la  limite  générale  où  l'albumine  liquide  se  coagule,  jusqu'à  quel 
degré  de  température  faudra-t-il  donc  le  porter  pour  s'assurer  qu'il 
est  bien  mort?  Faudra-t-il  aller  jusqu'à  70,  jusqu'à  80,  jusqu'à  100°. 
Il  n'y  a  absolument  aucune  raison  physique,  chimique  et  physiologique 
pour  choisir  l'une  de  ces  limites  de  préférence  aux  autres.  On  a  choisi 
d'un  commun  accord  le  terme  de  100°;  c'est  une  réminiscence  des  ex- 
périences de  l'hétérogénie. 

Lorsqu'on  veut  tuer  tous  les  germes  contenus  dans  une  infusion,  on 
chauffe  le  liquide  jusqu'à  l'ébullition,  parce  que  c'est  commode  et  fa- 
cile. Pour  le  chauffer  davantage,  il  faudrait  compliquer  l'expérience, 
et  ce  serait  tout  à  fait  inutile  puisque  tout  ce  qui  a  vie  périt  dans  l'eau 
bien  avant  100°.  Pour  le  maintenir,  avec  quelque  précision,  à  une 
température  moins  élevée,  il  faudrait  prendre  des  précautions  par- 
ticulières et  ce  seraittout  aussi  inutile,  puisqu'on  se  propose  de  détruire 
les  germes  et  non  de  les  ménager.  Voilà  pourquoi,  dans  les  expé- 
riences relatives  à  la  question  des  générations  spontanées,  on  fait 
bouillir  le  liquide  des  infusions.  Mais  de  croire  qu'il  y  ait  un  rapport 
quelconque  entre  les  conditions  de  la  vie  et  ce  fait  que,  sur  notre  pla- 
nète et  au  niveau  de  la  mer,  l'eau  bout  à  100°,  c'est  ce  qui  ne 
peut  venir  à  l'idée  de  personne.  C'est  donc  faute  d'y  avoir  suffisam- 
ment réfléchi  qu'on  a  choisi,  dans  la  question  des  reviviscences,  la 
limite  de  100"  comme  celle  où  la  vie  doit  s'éteindre,  et  si  un  animal 
reste  vivant  jusqu'à  80°,  il  n'y  a  aucune  raison  théorique  pour  qu'il 
ne  puisse  vivre  encore  à  100",  à  110°  et  même  au  delà. 

Il  résulte  de  cette  longue  discussion,  messieurs,  que  l'épreuve  des 
températures  élevées  considérée  en  elle-même,  abstraction  faite  des 
rapports  qu'elle  peut  avoir  avec  le  dessèchement  des  animaux,  ne  sau- 
rait, dans  l'état  actuel  de  la  science,  reposer  sur  une  base  inattaqua- 
ble; mais  elle  acquiert  une  importance  considérable  lorsqu'on  la  fait 
intervenir,  comme  l'a  fait  M.  Doyère  dans  l'épreuve  décisive  de  la  des- 
siccation artificielle  dont  nous  allons  maintenant  nous  occuper. 

§  VI.  —  VALEUR  DE  L'ÉPREUVE  DE  LA  DESSICCATION  ARTIFICIELLE. 

S'il  était  démontré  qu'un  animal  complètement  desséché  peut  se  ra- 
nimer en  s'imbibant  d'eau,  la  question  des  résurrections  serait  défini- 
tivement et  affirmativement  résolue.  La  vie  exige  nécessairement  le 
concours  simultané  de  l'eau  et  de  la  matière  organisée;  elle  est  anéan- 
tie aussi  complètement  par  l'évaporation  de  l'une  que  par  la  putréfac- 


26 
tion  de  l'autre.  «  Je  ne  connais,  dit  Fontana,  que  deux  états  dans  l'a- 
«  nimal  qui  puissent  nous  rendre  certains  qu'il  est  vraiment  mort  : 
«  l'un  est  la  putréfaction  totale  de  ses  organes,  l'autre  est  le  desséche- 
«  ment  absolu  de  ses  humeurs.  Le  premier  ôle  la  possibilité  de  toute 
«  fonction  animale;  le  second  détruit  tout  principe  de  mouvement. 

«  Le  dessèchement  total  des  parties  fluides  et  solides  non-seulement 
«  empêche  l'usage  des  organes,  mais  il  amène  jusqu'à  l'immobilité  ab- 
«  solue  dans  toutes  les  parties.  Un  animal  dans  cet  état  de  desséche- 
«  ment  total  des  parties,  d'immobilité  d'organes,  est  certainement  mort 
«  selon  moi,  et  il  doit  l'être  pour  tout  le  monde;  autrement  nous  se- 
«  rions  exposés  à  un  pyrrhonisme  capricieux  et  déraisonnable.  Un 
«  poisson,  par  exemple,  séché  au  soleil  ou  dans  les  étuves  pendant 
«  vingt  ans  de  suite  et  rendu  plus  dur  que  du  bois,  passerait  encore 
«  pour  vivant.  J'avoue  que  je  ne  peux  concevoir  de  vie  sans  action, 
«  ni  d'action  sans  mouvement,  ni  de  mouvement  organique  lorsque 
«  les  organes  sont  desséchés.  Cet  état  est  donc  pour  moi  l'état  de 
«  mort  (1).  » 

Fontana  était  partisan  de  la  doctrine  des  résurrections,  et  lorsqu'il 
s'exprimait  ainsi,  il  se  croyait  bien  sûr  d'avoir  ranimé  desrotifères 
parvenus  à  une  dessiccation  absolue.  «J'en  ai  mis  un,  dit-il  ailleurs, 
«  sur  une  lame  de  verre  que  j'ai  exposée  tout  un  été  au  grand  soleil  ; 
«  il  s'y  est  tellement  desséché  qu'il  est  devenu  semblable  à  une  goutte 
«  de  colle  aride,  cependant  il  n'a  tallu  que  quelques  gouttes  d'eau  pour 
«  lui  rendre  le  mouvement  et  la  vie  (2).  »  Les  adversaires  de  sa  doc- 
trine ont  mis  en  doute  l'exactitude  de  cette  expérience.  Us  ont  soutenu 
que  l'animal,  malgré  les  apparences,  n'était  pas  complètement  sec  ; 
mais  aucun  d'eux  n'a  élevé  la  moindre  contestation  sur  la  vérité  des 
principes  exposés  avec  tant  de  netteté  par  le  physiologiste  de  Flo- 
rence. Tous  ont  reconnu  que  l'état  de  siccité  absolue  est  un  état  de 
mort  absolue.  «  La  dessiccation  tue  infailliblement  les rolifères,  dit  Ru- 
«  dolphi,  et  leur  résurrection  est  une  pure  fable  qu'on  répète  l'un  après 
«l'autre.  La  dessiccation  détruit  toute  organisation  (5).»  «  Une  dessic- 
«  cation  absolue  tue  irrévocablement  l'animal,  »  dit  Dugès  (4).  «  Si 
«  quelques  observateurs,  dit  Bory  de  Saint-Vincent,  ont  cru  faire  reve- 
a  nir  des  animalcules  en  les  remouillant,  c'est  parce  qu'il  était  resté 


(1)  Fontana.  Traité  sur  le  vemn  de  la  vipiiRE,  sua  les  poisons  améri- 
cains, ctc.Florcuce,  1781,  ia-4»,  t.I,  p.  325.  (Cet  ouvrage  aété  écrit  en  lïauçais.) 

(2)  Loc.  cit.,  p.  92. 

(3)  Kudolphi,  GnuNDNiss  der  physiologie.  Berlin,  1821,  Bd  1.  s.  285,  in-S». 

(4)  Dugès,  Pbvsiologie  coMPABÉE.  Montpellier,  1838,  in-S*,  t.  I,  p.  37. 


27 
«  assez  d'humidité  dans  ces  animaux  ou  autour  d'eux  pour  qu'ils  ne 
«  fussent  pas  morts  tout  de  bon  (t).  »  «Il  est  nécessaire,  dit  Ebrenberg, 
«  que  les  anguillules  soient  protégées  contre  l'évaporation  par  une 
«  couche  de  mucus,  et  les  rotifères  par  une  couche  de  sable  (pour 
«qu'ils  puissent  se  ranimer).  La  dessication  véritable  produit  la 
«  mort  (2).  ))  Enfm  MM.  Pouchet,  Pennetier  et  Tinel  ont  admis  égale- 
ment, dans  les  mémoires  qu'ils  ont  soumis  à  l'appréciation  de  la 
Société  de  biologie,  qn"un  animal  absolument  desséché  est  irrévoca- 
blement mort,  et  M.  Pouchet,  dans  ses  écrits  ultérieurs,  a  plusieurs  fois 
répété  sous  diverses  formes,  que  la  vie  est  impossible  sans  eau  (5). 

Nous  avons  cru,  messieurs,  devoir  multiplier  les  citations  pour  vous 
montrer  que  tous  les  physiologistes  qui  ont  écrit  pour  ou  contre  les 
résurrections  se  sont  trouvés  ici  parfaitement  d'accord,  et  que  tous, 
malgré  la  différence  de  leurs  pointsde  vue,  ont  admis,  comme  un  axiome 
biologique  incontestable,  que  la  dessiccation  complète  est  l'indice  cer- 
tain d'une  mort  complète.  Cet  axiome  pourra  donc  servir  de  point  de 
départ  à  des  expériences  dont  il  y  aura  lieu  sans  doute  de  discuter 
l'exactitude,  mais  dont  personne  ne  contestera  la  signification,  si  elles 
sont  une  fois  reconnues  exactes. 

Toutefois,  si  l'on  est  d'accord  sur  le  principe,  on  est  loin  de  s'enten- 
dre sur  l'application  qu'il  faut  en  faire.  Lorsqu'un  animal  arrive  à 
la  siccité  absolue,  la  mort  est  désormais  un  fait  accompli;  mais  dans 
l'évaporation  graduelle  qui  le  conduit  à  cet  état,  quel  est  le  moment  où 
la  vie  l'abandonne?  Est-ce  l'instant  précis  où  la  dernière  molécule 
d'eau  s'évapore?  est-ce  celui  où  les  organes,  quoique  encore  très-lé- 
gèrement hydratés,  sont  arrivés  à  un  degré  de  dureté  et  de  solidité  qui 
s'oppose  à  toute  espèce  de  mouvement?  En  d'autres  termes,  il  faut  de 
l'eau  pour  maintenir  la  vie,  mais  suffit-il  qu'il  y  en  ait  une  parcelle 
quelconque,  ou  bien  y  a-t-il  une  limite  au-dessous  de  laquelle  le  peu 
d'humidilé  qui  reste  ne  peut  plus  empêcher  l'animal  dépérir?  Soit 
qu'on  réfléchisse  sur  ce  phénomène  en  particulier,  soit  qu'on  le  con- 
fronte avec  les  autres  phénomènes  physiques,  chimiquesou  organiques 
qui  accompagnent  les  autres  genres  de  mort,  à  la  soustraction  de 


(1)  Art.  T'ibnon  de  rEncyclopédie  méthodique.  Paris,  1824,  ia-4,ZooPHYTES, 
t.  Il,  p.  775. 

(2)  Chr.  Gott.  Ehrenbers,  Die  Infusionsthierchen  als  vollkommene  Or- 
GANisME.x.  Leipzig,  1838,  grand  in-fol.,  p.  495. 

(3)  Voy.  en  particulier  la  cinquième  conclusion  du  mémoire  de  M.  Pouchet 
Sur  les  animaux  ressuscitants.  Paris,  1850,  in-S»,  p.  87.  «  La  dessiccation 
«  complète,  absolue,  c'est  la  mort  absolue.  » 


28 
l'oxygène  qui  entraîne  la  mort  par  asphyxie,  à  la  suppression  des  ali- 
ments qui  produit  la  mort  par  inanition,  on  est  conduit  à  penser  que 
la  mort  par  dessiccation  doit  arriver  avant  la  dessiccation  complète, 
comme  la  mort  par  asphyxie  arrive  avant  la  désoxygénation  abso- 
lue, comme  la  mort  par  inanition  arrive  avant  que  les  liquides  nour- 
riciers soient  entièrement  privés  de  principes  nutritifs.  Cette  opinion, 
qui  est  celle  des  résurrectionistes,  a  été  partagée  aussi  par  leurs  prin- 
cipaux adversaires,  et  c'est  ce  que  va  nous  montrer  l'exposé  des  ex- 
plications émises  par  ces  derniers  pour  rendre  compte  de  la  conserva- 
tion de  la  vie  chez  des  animaux  en  apparence  desséchés. 

Leeuwenhoek  assista  plus  d'une  fois  aux  phénomènes  curieux  qui  ac- 
compagnent l'évaporation  graduelle  de  l'eau  où  nagent  les  rotifères. 
«Hune  vero  comperi,  dit-il,  ubi  omnis  fere  exhalaverat  aqua,  adeo 
«  ut  animalculum  sese  non  amplius  aqute  immergere,  atque  in  ta  cir- 
((cumvolvere  posset,  tune  sese  componere  in  fîguram  ovalem,  atque 
«  eo  in  statu  remanere;  nec  animadvertere  potui  humores  ex  talis 
«  animalculi  corpore  exhalare,  figuram  enim  ovalem  atque  rotundam 
«  illsesam  servabat  (1).» 

Ainsi,  l'animal,  une  fois  roulé  en  boule  ovalaire,  conservait  ensuite 
sa  forme  et  ses  dimensions,  y  compris  son  épaisseur.  Leeuwenhoek, 
en  s'exprimant  ainsi,  avait  sous  les  yeux  des  rotifères  conservés  à  sec 
depuis  cinq  mois  entiers.  Il  supposa  donc  que  la  peau  des  rotifères  de- 
venait comparable  à  l'enveloppe  dure  et  imperméable  des  œufs  de  pa- 
pillon. «...  Pariter  horum  animalculorum  cuticulas  ex  tam  solidà 
«  conflatas  esse  materià,  ut,  ne  minimam  quidem  permiltanl  exhala- 
it tionem.  Quod  si  sese  aliter  haberet,  asserere  non  vereor,  hœc  ani- 
«  malcula,  cœlo  admodum  arido,  omui  aquà  destituta,  ncccssario  om- 
K  nia  esse  emoriiura  {'^).r>  On  pouvait  objecter,  contie  cette  expli- 
cation, qu'une  enveloppe  imperméable  de  dedans  en  dehors  devait 
l'être  aussi  de  dehors  en  dedans,  et  que  l'animal  plongé  dans  l'eau  au 
bout  de  quelques  mois,  aurait  àix  rester  insensible  au  contact  de  ce  li- 
quide. Leeuwenhoek  prévit  sans  doute  l'objection,  et  parut  croire  que 
l'intervention  de  l'activité  de  l'animal  n'était  pas  étrangère  à  la  rentrée 
de  l'eau. 

«  Lorsque  la  terre  se  dessèche^  dit-il  dans  une  lettre  datée  du  3  no- 
«  vembre  1703,  ils  se  contractent  en  figure  ovalaire,  et  les  pores  de  leur 


(1)  Ant.  a  Lccuwenliock,  Epistol/E  ad  societatem  regiasi  anglicam,  seu 
coNTiNUATio  ARCANonuM  NATURE.  Lugd.  Batav.,  1719,  in  4°.Epist.  144,  p.  388. 
La  lettre  est  datée  du  8  f(ivrier  1702. 

('2)  l'ascs  389-390. 


29 
«  peau  sont  si  bien  fermés  qu'ils  ne  respirent  plus  du  tout  :  c'est  ainsi 
«  qu'ilsse  conservent  jusqu'àce  qu'il  pleuve;  alorsi'/i  ouvrent  leurs  corps 
«  et  jouissent  de  l'iiumiclité.  »  The  pores  of  llieir  skinarc  so  welt  cLo- 
sed  tliat  tliey  do  not  perspire  at  ail,  whcreby  tliey  préserve  themselves 
tilt  it  vains,  upon  wliicli  tfiey  open  tlicir  bodies  and  enjoy  moisture  (1). 
Dans  une  troiisième  et  dernièie  lettre,  qui  ne  figure  pas  plus  que  la  pré- 
cédente dans  lacollection  de  ses  œuvres,  l'illustre  micrographe  hollan- 
dais revint  encore  une  fois  sur  la  surprenante  propriété  des  rotifères, 
qu'il  avait  vu  revivre  après  plus  de  vingt  et  un  mois  de  dessiccation. 
«  Quand  il  ne  resta  plus  d'eau,  dit-il,  ils  se  fermèrent  en  ligure  glo- 
«bulaire,  they  closed  tlicmselves  up  in  a  globiUar  figure...  Au  bout  de 
«  deux  jours  je  versai  un  peu  d'eau  dans  le  tube,  et  après  une  demi-heure 
«environ,  ils  commencèrent  à  ouvrir  et  à  étendre  leurs  corps,  tliey 
((  began  to  open  and  extend  their  bodies.  » 

Il  est  permis  de  croire,  d'après  ces  citations,  que  Leeuwenhoek  n'at- 
tribuait pas  l'humectation  du  rotifère  à  un  phénomène  d'imbibition 
pure  et  simple;  cet  animal,  suivant  lui,  fermait  son  corps  pour  échap- 
per à  la  sécheresse  extérieure,  et  le  rouvrait  pour  jouir  de  l'humidité. 
Cela  supposait  non-seulement  qu'il  conservait  toujours  une  certaine 
quantité  d'eau,  mais  encore  qu'il  en  conservait  une  quantité  très-no- 
table, si  même  il  ne  la  conservait  toute;  ses  muscles  ne  perdaient 
ainsi  ni  leur  souplesse  ni  leur  contractilité  volontaire,  de  telle  sorte 
qu'on  ne  pouvait  pas  même  lui  appliquer  ce  vers  du  poêle  latin  : 

Vivit,  et  est  vitic  nescius  ipse  sux. 

M.  Ehrenberg  a  renchéri  encore  sur  l'opinion  de  Leeuwenhoek. 
a  Le  sable  et  la  mousse,  dit-il,  garantissent  aussi  bien  les  animalcules 
«  contre  la  dessiccation  qu'un  épais  manteau  de  laine  garantit  l'Arabe 

«  de  la  chaleur  brûlante  du  soleil Leur  vie  n'est  pas  interrompue; 

«  ils  continuent  à  remplir  leurs  fonctions  et  à  se  reproduire  de  telle 
«  sorte  que  les  rotifères  et  les  tardigrades  que  faisait  admirer  M.  Schulte 
«  dans  son  sable  n'étaient  que  les  arrière-petits-enfants  de  ceux  qu'il 
a  avait  recueillis  quatre  ans  auparavant  (2).  » 


(1)  Ânt.  a  Leeuwenhoeck,  A  Letter  concernlng  the  Worms  observedin 
Sheeps-Livers  and  Pasture  Ground,  dans  Puilosophical  transactions, 
n''289.  1704,  TOl.  XXIV,  p.  1527. 

(2)  A  Letter  concerning  Animalcula  on  tue  Root  of  Duck-Weed,  dans 
Philosophical  Transactions,  n°  295.  1705,  vol,  XXIV,  p.  1784  et  suivantes. 

(3)  Ehrenberg.  Dm  iNFusiONSTmERCHEN,  p.  495  et  494. 


30 

Bory  de  Saint-Vincent  admet  que  Je  rotifère  en  état  de  mort  appa- 
rente continue  encore  à  respirer.  «  On  doit  deviner,  par  tout  ce  que 
«  nous  avons  dit  de  leur  co:!ur  et  de  leurs  branchies,  qu'il  n'y  a  pas  plus 
«  en  eux  possibilité  de  résurrection  apiès  la  mort  que  chez  tout  autre 
«  animal  où  la  respiration  est  une  condition  indispensable  dcxis- 
«  lencc  (1).  » 

M.  Pouchet,  muni  d'instruments  plus  puissants  que  ceux  de  Leeu- 
wenhoek,  et  meilleur  observateur  en  cela  qu'Ehrenberg  et  Bory  de 
Saint- 'Vincent,  n'a  pas  pu  partager  les  illusions  de  ces  savants  sur  la 
quantité  d'eau  que  conserveraient  dans  leurs  organes  les  animaux  révi- 
viscibles,  et  sur  les  fonctions  actives  qu'ils  accompliraient  encore  dans 
leur  état  de  mort  apparente.  Il  admet  que  chez  ces  animaux  les  fonc- 
tions vitales  sont  en  grande  partie  suspendues  et  qu'il  ne  reste  dans 
leur  corps  qu'une  très-petite  parcelle  d'humidité;  mais  il  ne  pense 
pas  pour  cela  que  la  vie  doive  se  maintenir  jusqu'à  l'évaporation  de 
la  dernière  molécule  d'eau.  «  Plus  la  dessiccation  est  poussée  loin,  dit- 
«  il,  plus  la  prétendue  faculté  de  reviviscence  s'anéantit  rapidement. 
«  On  peut  obtenir  ce  résultat  par  plusieurs  moyens,  car  la  dessiccation 
«  absolue  ?i^est  pas  mùne  essentielle  pour  Catteindre  (2).  » 

Ainsi  donc,  messieurs,  tous  les  savanis  qui  ont  combattu  d'une  na- 
nière  sérieuse  la  doctrine  des  résurrections  ont  admis  directement  ou 
indirectement  que  les  animaux  réviviscibles  meurent  avant  le  degré 
de  dessiccation  qui  constitue,  pour  les  physiciens,  la  siccilé  absolue. 
Il  suffit  pour  les  tuer  d'une  siccité  relative,  comparable,  par  exemple, 
à  celle  du  bois  mort,  qui,  desséché  naturellement,  soit  à  l'ombre,  soit 
au  soleil,  retient  pourtant  encore  une  certaine  quantité  d'eau  hygro- 
scopique,  et  ne  peut  en  être  entièrement  dépouillé  que  par  des  moyens 
artificiels.  Soumis  à  une  évaporation  progressive,  l'animal  périt  tout 
à  fait  à  une  limite  indéterminée  sans  doute,  mais  qu'on  sait  située 
du  moins  à  une  certaine  dislance  du  terme  définitif  de  la  dessiccation. 
Si  l'on  procède  à  l'expérience  avec  une  grande  lenteur,  il  s'écoule 
toujours  un  temps  assez  long  entre  le  moment  de  la  mort  et  celui  du 
dessèchement  parfait,  et  si  l'on  compare  par  la  pensée  l'animal  qui 


(1)  Bory  de  Saint-Yiiiccnt,  art.  RoTU'iînE  du  Dictionnairk  (.lassioik  d'ius- 
TOiRE  NATURELLE,  t.  XIV,  p.  C83.  l'ails,  18'28,  in-S*.  Lors(iuc  Bory  écrivait 
CCS  lignes,  il  y  avait  longtemps  déjà  qu'on  savait  que  le  prétendu  arur  des 
rotifères  n'est  qu'un  sac-  contractiblo  qui  l'ait  jiartie  de  l'appareil  digestif. 

('2)  l'onciict,  Actes  du  Muséum  dmistoire  naturelle  de  Houen.  Nouvelles 

EXPERIENCES  SUR  LES  ANIMAUX  PiEUDO-RESSUSClTANTS.   HOUCU,    18G0,    graud 

in-8",  p.  8. 


31 

vient  d'expirer,  par  suite  de  la  soustraction  graduelle  de  l'eau,  avec 
celui  qui  est  absolument  sec,  on  est  conduit  ù  admettre  entre  ces  deux 
degrés  de  dessiccation  un  grand  nombre  de  degrés  intermédiaires.  En 
d'autres  termes,  la  quantité  d'eau  qui  suffit  pour  le  maintien  de  la  vie, 
quelque  faible  qu'on  la  suppose,  n'est  pas  indéfiniment  voisine  de 
zéro;  elle  n'est  pas  plus  petite  que  toule  quantité  donnée,  elle  n'est 
pas  ce  qu'on  appelle,  dans  les  sciences  exactes,  U7i  infiniment  petit. 
Elle  constitue  une  certaine  fraction  du  poids  total  du  corps  de  l'animal, 
et  ce  rapport  pourrait  être  exprimé  en  chiffres  si  l'animal  lui-même 
n'était  pas  trop  petit  pour  être  pesé  dans  nos  balances.  Nous  avons  dû 
insister  sur  ce  point,  afin  de  mettre  l'épreuve  de  ladessiccation  artificielle 
à  l'abri  d'une  objection  spécieuse.  Pour  dessécher  sûrement  les  matières 
organiques  sans  les  décomposer,  on  ne  possède  que  deux  moyens  : 
l'action  prolongée  du  vide  sec  et  le  chauffage  dans  un  courant  d'air  sec 
à  une  température  modérée.  On  reconnaît  que  la  matière  soumise  à 
l'un  ou  l'autre  de  ces  procédés  est  parvenue  au  terme  de  la  dessicca- 
tion possible  lorsqu'elle  cesse  de  perdre  de  son  poids.  Mais  il  y  a  une 
limite  à  la  sensibilité  des  balances  les  plus  délicates,  et,  quelque  consi- 
dérable que  soit  le  poids  de  la  substance  employée,  on  peut  toujours 
concevoir  une  fraction  plus  petite  que  celle  qui  exprime  la  dernière 
déperdition  pondérable;  on  ne  peut  donc  pas  affirmer  que  la  dessicca- 
tion possible  soit  une  dessiccation  absolue,  on  peut  dire  seulement 
qu'elle  en  approche  indéfiniment.  De  là  est  venue  une  objection  à  la- 
quelle nous  devons  répondre  à  l'avance.  On  a  dit  que,  puisque  la  des- 
siccation absolue  n'était  pas  chose  démontrable,  on  ne  pouvait  jamais 
être  certain  d'avoir  rendu  exactement  sec  un  rotifère  soumis  à  un 
procédé  quelconque  de  dessèchement,  et  que,  s'il  se  ranimait  ensuite, 
c'était  bien  la  preuve  qu'il  n'avait  pas  perdu  toute  son  eau.  C'est  une 
manière  commode  d'arranger  les  choses  pour  que  l'expérience  de  la 
dessiccation  soit  concluante  si  elle  tue  l'animal  sans  retour,  et  de 
nulle  valeur  si  elle  ne  fempêche  pas  de  se  ranimer,  bonne  à  invoquer 
contre  les  résurrectionnistes  si  elle  dépose  contre  eux,  et  pourtant  in- 
capable de  leur  fournir  une  preuve  si  elle  répond  en  leur  faveur.  Ce 
n'est  pas  ainsi,  messieurs,  qu'on  doit  raisonner  quand  on  cherche  sin- 
cèrement la  vérité  avec  un  esprit  libre  d'idées  préconçues.  M.  Pouchet, 
que  nous  ne  confondons  pas  avec  ces  adversaires  aveugles  de  la  doc- 
trine des  résurrections,  a  parfaitement  compris  que  de  semblables  argu- 
ties n'étaient  pas  faites  pour  la  science  sérieuse.  Ilaloyalementetspon- 
tanément  déclaré  que  l'épreuve  de  la  dessiccation  aurait  à  ses  yeux 
une  valeur  décisive,  pourvu  qu'elle  fût  faite  dans  des  conditions  pro- 
pres à  en  assurer  l'exactitude.  Cette  déclaration,  qu'il  a  de  son  propre 
mouvement  déposée  entre  nos  mains,  nous  l'avons  acceptée  malgré 


32 

nous,  parce  qu'elle  nous  paraissait  inutile  de  la  part  d'un  savant  dont 
le  caractère  et  la  bonne  foi  scientifiques  sont  au-dessus  de  tout  soup- 
çon. Ce  n'est  donc  ni  à  lui  ni  à  ses  honorables  disciples  que  peuvent 
s'adresser  les  remarques  précédentes.  Elles  nous  ont  paru  nécessaires 
toutefois  pour  dissiper  les  doutes  que  quelques  esprits  trop  difficiles 
ont  pu  concevoir  sur  la  signification  et  la  portée  de  l'épreuve  de  la 
dessiccation.  Nous  avons  àû  vous  montrer  que,  de  l'assentiment  una- 
nime de  tous  les  savants  qui  ont  étudié  la  questioîi,  la  proportion 
d'eau  nécessaire  à  la  vie  n'est  pas  un  infiniment  petit,  qu'elle  est  no- 
tablement supérieure  à  la  proportion  impondérable  et  hypothétique 
que  les  procédés  rigoureux  de  dessiccation  laissent  peut-être  dans  la 
matière  organique,  et  qu'un  animal  soumis  à  ces  procédés  rigoureux 
meurt  nécessairement  avant  même  d'être  parvenu  à  ce  qu'on  appelle, 
dans  l'état  actuel  de  la  science,  le  dessèchement  complet. 

C'est  ainsi,  messieurs,  que  la  grande  et  complexe  question  des  re- 
viviscences se  trouve  ramenée  à  des  termes  aussi  simples  que  précis, 
et  que  le  débat  se  trouve  concentré  sur  un  seul  point. 

Un  corps  desséché  aussi  complètement  que  possible  par  des  moyens 
arliticiels  esl-il  privé  de  vie?  —  Oui,  répondent  d'une  commune  voix 
les  biologistes  des  deux  camps. 

Mais  ce  corps,  hydraté  de  nouveau,  peut-il  reprendre  la  vie  qu'il  a 
perdue?  C'est  ici  que  surgit  la  controverse. 

M.  Doyère  nous  dit  :  Lorsque  l'expérience  est  faite  avec  les  précau- 
tions convenables,  lorsqu'on  procède  d'abord  à  la  dessiccation,  puis  à 
'  l'humectation  avec  assez  de  lenteur  et  de  circonspection,  le  corps  le 
plus  desséché  peut  conserver  encore  sa  propriété  de  reviviscence. 

MM.  Pouchet,  Pennetier  et  Tinel  nous  disent  au  contraire  :  Aucune 
précaution  expérimentale  ne  peut  soustraire  un  animal  aux  consé- 
quences ordinaires  de  la  dessiccation,  et  lorsqu'une  fois  il  est  bien 
desséché,  rien  désormais  ne  peut  lui  rendre  la  vie. 

Le  problème  se  trouve  donc  dégagé  du  cortège  de  raisonnements  et 
de  subtilités  qui  en  avaient  jusqu'ici  reculé  la  solution.  Il  passe  du  do- 
maine de  la  théorie  dans  celui  de  l'expérimentation  pure  et  simple,  et 
il  ne  s'agit  plus  que  de  savoir  si  wi  animal,  soumis  d'une  manière  ri- 
goureuse à  C épreuve  de  la  dessiccation,  est  susceptible  ou  non  de  se  ra- 
nimer au  contact  de  l'eau. 

Nous  aurons  maintenant,  messieurs,  à  vous  exposer  successivement  : 
1"  les  expériences  de  M.  Doyère;  2"  celles  de  M.  Pouchet;  5°  celles  de  la 
commission  que  vous  avez  instituée. 

Ce  sera  l'objet  de  la  seconde  partie  de  ce  rapport. 


33 


DEUXIÈME  PARTIE. 


§  I.    —  EXPÉRIENCES   DE  M.    DOYÈRE. 

C'est  à  M.  Doyère  que  revient  l'honneur  d'avoir  institué  le  premier 
les  expériences  relatives  à  l'épreuve  de  la  dessiccation  artificielle.  C'est 
lui  qui,  le  premier,  a  employé  le  vide  et  la  chaleur  dans  le  but  de 
faire  subir  aux  animaux  réviviscents  un  dessèchement  plus  complet 
que  celui  qui  s'effectue  à  l'air  libre.  On  a  pu  méconnaître  l'originalité 
de  celte  série  d'expériences,  parce  que  Spallanzani  avait  déjà  soumis 
les  rotifères  à  l'action  du  vide  et  à  celle  des  températures  élevées.  Mais 
le  physiologiste  italien,  en  agissant  ainsi,  ne  se  proposait  pas  de  des- 
sécher les  animaux  ;  il  voulait  montrer  seulement  que  la  propriété  de  re- 
viviscence persistait  dans  le  vide,  et  dans  des  étuves  chauffées  jusqu'à 
70°,  c'est-à-dire  dans  des  conditions  qu'il  jugeait  incompatibles  avec 
la  vie. 

Pour  M.  Doyère,  au  contraire,  le  vide  et  la  chaleur  n'ont  été  que  des 
moyens  de  dessiccation,  et  ses  expériences  ont  acquis  ainsi  une  signi- 
fication et  une  portée  toutes  nouvelles. 

Chacun  sait  que  l'évaporation  est  nulle  dans  un  air  parfaitement  sa- 
turé d'humidité,  et  qu'elle  s'effectue  avec  d'autant  plus  de  facilité  que 
l'air  ambiant  est  plus  sec.  L'état  hygrométrique  des  substances  orga- 
niques varie  donc  suivant  l'état  hygrométrique  de  l'atmosphère.  Il  en 
résulte  que  la  dessiccation  à  l'air  libre  manque  de  constance  et  de  pré- 
cision, puisque  d'un  moment  à  l'autre  la  proportion  de  vapeur  d'eau 
contenue  dans  l'air  peut  augmenter  ou  diminuer.  La  première  condi- 
tion nécessaire  pour  obtenir  une  dessiccation  méthodique  est  de  met- 
tre la  substance  employée  à  l'abri  des  variations  atmosphériques. 

Si  l'on  se  contentait  de  renfermer  la  substance  sous  une  cloche 
exactement  lutée,  on  n'obtiendrait  qu'une  dessiccation  très-impar- 
faite ,  quand  même  la  cloche  serait  très-grande,  et  quand  même  l'air 
qu'on  y  confinerait  serait  très-sec.  L'évaporation  commencerait  sans 
doute,  mais  elle  ne  tarderait  pas  à  s'arrêter,  l'air  confiné  devenant  de 
plus  en  plus  humide.  Pour  obvier  à  cet  inconvénient,  on  place  sous 
la  cloche  une  substance  avide  d'eau  telle  que  l'acide  sulfurique  con- 
centré, la  chaux  vive  ou  le  chlorure  de  calcium.  Cet  appareil  porte  le 
nom  de  cloche  sèche.  La  cloche  humide.,  au  contraire,  est  celle  où  l'on 
a  introduit  une  quantité  d'eau  supérieure  à  celle  qui  est  nécessaire 


34 
pour  la  saturation  de  l'air  et  l'on  y  place  les  objets  secs  qu'on  veut  hy- 
drater doucement,  ou  les  objets  humides  qu'on  veut  soustraire  à  l'éva- 
poration. 

Les  substances  organiques  déposées  sous  la  cloche  sèche  ont  perdu, 
au  bout  de  quelques  jours,  la  plus  grande  partie  de  leur  eau,  mais  elles 
en  conservent  encore  une  certaine  quantité.  Pour  pousser  la  dessicca- 
tion plus  loin,  il  faut  diminuer  la  tension  de  l'air  enfermé  sous  la 
cloche. 

Lorsqu'on  met  une  cloche  sèche  en  communication  avec  la  pompe 
pneumatique,  on  obtient  ce  qu'on  appelle  le  vide  sec.  Une  substance 
organique  placée  dans  le  vide  sec  perd  de  son  poids  pendant  plusieurs 
jours,  puis  il  arrive  un  moment  où  le  poids  ne  varie  plus.  C'est  cet 
état  que  les  chimistes  appellent  l'état  de  siccité.  La  quantité  d'eau  qui 
reste  encore,  s'il  en  reste,  dans  la  substance  desséchée,  n'est  plus  ap- 
préciable à  la  balance;  c'est  le  terme  de  la  dessiccation  à  froid. 

La  dessiccation  à  chaud  s'obtient  en  chauffant  la  substance  dans  un 
courant  d'air  sec.  Si  l'air  était  confiné,  la  dessiccation  ne  s'effectuerait 
que  très-imparfaitement,  et  les  matières  organiques  pourraient  s'alté- 
rer bien  avant  100  degrés.  Il  faut  donc  que  l'air  se  renouvelle,  c'est- 
à-dire  que  l'étuvesoit  traversée  par  un  courant  d'air;  mais  il  faut  eu 
outre  que  cet  air  soit  sec,  c'est-à-dire  qu'il  ait  été  tamisé  dans  un  ap- 
pareil rempli  de  substances  avides  d'eau. 

La  dessiccation àchaud  exige  donc,  pour  être  bien  faite,  un  appareil 
compliqué,  et  une  surveillance  qui  devient  assez  pénible  lorsqu'on  veut 
procéder  av(îc  lenteur.  C'est  pourquoi  l'on  donne  souvent  la  préférence 
à  la  dessiccation  à  froid,  qui  a  d'ailleurs  l'avantage  de  ne  pas  exposer, 
comme  l'autre,  à  décomposer  les  matières  organiques. 

L'action  du  vide  sec  paraît  déjà  suflisante  pour  la  dessiccation  des 
animaux  réviviscibles.Mais  le  résultat  sera  bien  plus  décisif  encore  si, 
apiès  avoir  porté  aussi  loin  que  possible  la  dessiccation  à  froid,  on  sou- 
met le  corps  de  l'animal  à  la  dessiccation  à  chaud,  au  sortir  de  la  ma- 
chine pneumatique. 

C'est  ce  qu'a  fait  M.  Doyère,  et  il  annonce  qu'après  avoir  traversé  suc- 
cessivement ces  deux  épreuves,  les  animaux  peuvent  encore  se  rani- 
mer. Il  ajoute  que  la  dessiccation  à  chaud  est  beaucoup  plus  dange- 
reuse, toutes  choses  égales  d'ailleurs,  lorsqu'elle  est  employée  seule 
que  lorsqu'elle  est  précédée  de  la  dessiccation  à  froid  ;  en  d'autres  ter- 
mes, suivant  lui,  les  animaux  qui  ont  subi  l'action  du  vide  sec  peu- 
vent supporter  impunément  des  températures  plus  élevées  que  ceux 
qui  ont  été  du  premier  coup  placés  dans  l'éluve.  Non-soulement  la 
dessiccation  complète  n'est  pas  un  obstacle  absolu  à  reviviscence,  mais 
encor*^  elle  soustrait  les  tissus  aux  altérations  physiques  ou  chimiques 


35 
auxquelles  les  expose  l'épreuve  du  chauffage,  de  telle  sorte  que  les  ani- 
maux réviviscibles  peuvent  résister  à  une  chaleur  d'autant  plus  forte 
qu'ils  ont  été  plus  complètement  déshydratés  avant  d'y  être  soumis. 

Ces  propositions,  exprimées  dans  le  mémoire  que  M.  Doyère  nous  a 
remis,  découlaient  déjà  de  ses  anciennes  expériences,  publiées  en 
4842  dans  les  Annales  des  sciences  naturelles  (1).  11  avait  con- 
staté en  outre,  dès  cette  époque,  que  la  rapidité  avec  laquelle  s'ef- 
fectue l'évaporation  dans  la  dessiccation  à  froid  exerce  une  inlluence 
très-notable  sur  la  reviviscence  ultérieure.  Tandis  que  les  ani- 
maux desséchés  dans  le  sable  ou  dans  les  mousses  revivent  pres- 
que tous,  ceux  qu'on  enlève  au  moyen  d'une  pipette,  et  qu'on  dé- 
pose vivants  sur  une  lame  de  verre,  perdent  trois  ou  quatre  fois 
sur  dix,  en  se  desséchant  à  l'air  libre,  leur  propriété  de  reviviscence. 
Il  est  donc  plus  dangereux  pour  l'animal  d'être  desséché  à  nu  que 
d'être  desséché  au  milieu  de  grains  de  sable  ou  de  mousse  qui  retar- 
dent l'évaporation  (2).  Si  maintenant  les  animaux  déposés  à  nu  sur  le 
verre  sont  placés  dans  le  vide  sec  sans  avoir  été  desséchés  à  Pair 
libre,  ce  qui  rend  nécessairement  l'évaporation  beaucoup  plus  rapide, 
on  en  voit  à  peine  revivre  deux  ou  trois  sur  aix  (3).  M.  Doyère  conclut 
de  là  qu'il  est  nécessaire,  pour  assurer  le  succès  des  expériences,  de 
procéder  à  la  dessiccation  avec  une  grande  lenteur.  Il  recommande 
donc  d'exposer  d'abord  les  animaux  à  l'air  libre  pendant  quelques 
jours,  puis  de  les  faire  séjourner  quelque  temps  sous  la  cloche  sècfie 
avant  de  les  soumettre  à  l'action  du  vide  sec.  En  agissant  ainsi,  il  a 
pu,  dans  ses  expériences  de  1840,  ranimer  des  animaux  qui  avaient 
subi  successivemeut  les  trois  épreuves  suivantes  :  1°  dessiccation  à  l'air 
libre  pendant  huit  jours;  2°  dessiccation  pendant  dix-sept  jours  sous  une 


(1)  Doyère,  Mémoire  sur  les  tardigrades,  troisième  et  dernière  partie- 
dans  Ann.  des  se.  naturelles.  Zool.  2' série,  t.  XVIIT,  Paris,  1842,  in-8°.  Re- 
produit par  l'auteur  dans  la  thèse  qu'il  soutint  la  même  année  à  la  Faculté 
des  sciences,  p.  128  à  139. 

(2)  Ce  fait  était  déjà  connu  de  Spallanzani,  qui  en  avait  donné  l'explication 
suivante  : 

«  On  pourrait  dire  que  l'action  immédiate  de  l'air,  en  heurtant  et  fouettant 
a  ces  petits  corpuscules  par  son  choc  déchirant,  dans  un  moment  où  ils  sont 
«  encore  humides,  et  où  ils  sont  en  même  temps  très-tendres  et  très-délicats, 
«  les  rend  ainsi  incapables  de  ressusciter  par  l'altération  qu'ils  en  reçoi- 
«  vent.  »  (  Spallanzani ,  Opuscules  de  physique  animale  et  végétale,  tr. 
fr.  Genève,  1767,  in-8»,  t.  II,  p.  316.) 

(3)  Doyère,  Thèse  pour  le  doctorat  es  sciences.  Paris,  1842,  in-S»,  p.  130- 
132. 


36 
cloche  qui  recouvrait  une  capsule  pleine  d'acide  sulfurique;  S"  dessic- 
cation pendant  vingt-huit  jours  dans  le  vide  barométrique  où  l'on  avait 
introduit,  en  même  temps  que  les  animaux,  un  peu  de  chlorure  de 
calcium  (1).  Enfin,  et  c'est  certainement  le  résultat  le  plus  remarqua- 
ble des  expériences  que  nous  analysons,  tandis  que  les  animaux  vi- 
vants chautTés  dans  l'eau  périssent  sans  retour  à  5U%  et  que  les  ani- 
maux simplement  desséchés  à  l'air  libre  périssent  au  plus  lard  à  90% 
ceux  qui,  avant  d'être  soumis  au  chauffage,  ont  été  convenablement 
desséchés  à  froid,  peuvent  revivre  encore,  suivant  M.  Doyère,  après 
avoir  supporté  une  température  bien  supérieure.  Nous  croyons  devoir 
extraire  de  sa  thèse  le  passage  suivant,  qui  a  été  le  principal  point  de 
départ  des  polémiques  récentes  : 

«  Si  Ton  prend  des  mousses  desséchées  jusqu'à  ce  que  vingt-quatre 
«  heures  d'exposition  dans  le  vide  sec  ne  leur  fassent  plus  perdre  de 
«  leur  poids,  et  qu'on  en  entoure  la  boule  d'un  thermomèire  placé 
«  dans  une  étuve,  on  peut  élever  la  température  de  l'éluve  jusqu'à  ce 
«  que  le  thermomètre  marque  120",  sans  que  tous  les  animalcules  que 
«  les  mousses  contiennent  aient  perdu  la  faculté  de  revenir  à  la  vie. 
«  Toutefois,  le  nombre  des  ressuscitants  diminue  à  mesure  que  la 
«  température  approche  davantage  de  ce  terme,  et  en  même  temps  le 
«  retour  à  la  vie  de  ceux  qui  ressuscitent  se  manifeste  par  des  mouve- 
«  ments  de  plus  en  plus  lents,  et  exige  un  temps  de  plus  en  plus  long. 

«  Dans  deux  expériences  qui  ont  été  faites  sous  les  yeux  de  MM.  de 
«  Jussieu,  Dumas,  Milne  Edwards  et  de  Quatrefages,  en  novera- 
«  bre  18-41,  les  animalcules  ont  supporté  une  température  de  122  et  de 
«  125°  centigr.  La  mousse  entourait  la  boule  du  thermomètre. 

«  Dans  des  expéiiences  que  j'ai  faites  au  milieu  de  Tété,  et  sur  des 
«  mousses  qui  avaient  subi  l'action  directe  du  soleil  pendant  plusieup 
«  semaines,  j'ai  vu  des  animalcules  revivre  jusqu'à  140  et  145°.  J'ai 
«  môme  trouvé  un  grand  rotifère  vivant  dans  un  paquet  do  mousses 
«  quiavait  été  porté  jusqu'à  135".  Maisjedoisajoutcrque  le  procédé  par 
«  lequel  je  mesurais  la  tempéialure  était  moins  rigoureux  que  dans  le 
«  cas  précédent;  car  je  me  servais  d'une  éluve  à  double  enveloppe 
«  métallique,  contenant  de  l'huile  entre  ces  deux  enveloppes,  et  je  pre- 
a  nais  la  température  du  bain  d'huile  lui-môme,  avec  la  précaution 
«  seulement  de  la  maintenir  constante  pendant  dix  minutes.  On  ne 
«  peut  donc  voir  dans  ce  dernier  cas  qu'un  maxinmm  auquel  la 
«  température  des  mousses  elles-mêmes  ne  devait  pas  être  très- 
«  inférieure.  » 


(!)  Tlifse  cilée,  p.  l;i:f. 


37 

Tels  étaient  les  faits  annoncés,  en  1842,  dans  la  thèse  de  M.  Doyère. 
L'auteur  ayant  reconnu  dès  cette  époqueque  les  expériences  faites  àdes 
températures  supérieures  à  123°  man(iuaientde  précision,  cesexpérien- 
ces  peuvent  être  considérées  comme  non  avenues.  Les  autres  étaient 
plus  rigoureuses  sans  doute,  puisqu'on  avait  pris  non  pas  la  température 
du  bain,  mais  la  température  des  mousses.  Il  fautbien  reconnaître,  tou- 
tefois, que  l'auteur,  pressé  par  le  défaut  de  temps  ou  d'espace,  avait 
usé  d'un  laconisme  qui  laissait  prise  aux  objections.  La  durée  de  la 
dessiccation  préalable  à  froid  n'était  pas  indiquée,  l'appareiloù  le  chauf- 
fage avait  été  pratiqué  n'était  pas  décrit,  la  durée  même  du  chauffage 
n'était  pas  mentionnée;  de  telle  sorte  que  le  lecteur,  désireux  de  voir 
par  lui-même,  était  exposé  à  de  nombreuses  déceptions.  M.  Doyère 
n'avait  pas  dit  qu'il  lui  avait  fallu  de  longs  tâtonnements  pour  arriver 
au  succès,  que  les  précautions  les  plus  minutieuses  ne  mettent  pas  tou- 
jours à  l'abri  d'un  échec,  qu'on  ne  réussit  pas  indifféremment  avec 
toutes  les  mousses  qui  renferment  des  animaux  réviviscibles,  et  que 
son  expérience  est  une  des  plus  délicates,  des  plus  difficiles,  des  plus 
aléatoires  qu'on  puisse  entreprendre.  Il  semblait,  au  contraire,  résulter 
du  texte  que  cette  expérience  était  fort  simple,  ei  il  n'est  pas  étonnant 
que  ceux  qui  ont  voulu  la  répéter  sans  autre  indication  aient  obtenu 
des  résultats  fort  différents  des  siens.  Les  négations  de  MM.  Pouchet, 
Pennetier  et  Tinel  n'auront  donc  pas  été  inutiles  à  la  science,  puis- 
qu'elles ont  conduit  M.  Doyère  à  exposer  ses  procédés  avec  plus  de  ri- 
gueur et  de  précision,  et  à  mettre  ainsi  tous  les  expérimentateurs  en 
mesure  de  contrôler  ses  recherches  en  pleine  connaissance  de  cause. 
Jusque-là  il  était  presque  inévitable  qu'on  obtînt  des  résultats  négatifs, 
et  il  était  naturel  qu'on  se  demandât  si  l'auteur  d'une  observation  qu'on 
ne  pouvait  répéter  n'avait  pas  été  induit  en  erreur  par  quelque  vice 
d'expérimentation.  Ainsi  est  né,  messieurs,ledébatqui  vousa  été  sou- 
mis, et  comme,  au  milieu  de  divergences  multiples,  qui  roulaient  sur 
plusieurs  questions  distincte?,  notre  attention  aurait  pu  se  disséminer 
ou  s'égarer,  les  deux  adversaires  ont  cru  devoir  rendre  notre  tâche  plus 
facile  en  nous  signalant  tout  spécialement  l'expérience  du  chauffage  à 
100°.  Cette  expérience  est  la  seule,  par  conséquent,  que  nous  ayons  eu 
à  exécuter  nous-mêmes,  car  on  nous  demandait  simplement  si  des  ani- 
maux desséchés  sous  une  température  de  100°  pouvaient  ou  non  conser-.. 
ver  la  propriété  de  se  ranimer  au  contact  de  l'eau.  Mais  nous  ne  ré- 
pondrions pas  à  votre  attente  si  nous  nous  bornions  à  énoncer  devant 
vous  les  résultats  que  nous  avons  obtenus.  Vous  êtes  curieux  sans  doute 
de  connaître  les  faits  expérimentaux  dont  MM.  Doyère  et  Pouchet  nous 
ont  rendus  témoins.  Nous  allons  donc  vous  présenter  ces  faits  dans  tous 
leurs  détails. 


Les  expériences  de  M.  Doyère  ont  été  commencées  le  20  juin  1859. 

Matériaux  des  expériences.  —  M.  Doyère  a  remis  entre  les  mains  de  la 
commission  quatre  boites  renfermant  des  échantillons  de  mousses  qu'il  avait 
récoltées  lui-même. 

Boite  n"  1.  Mousse  recueillie  à  Toulon,  le  10  mai  1859,  sur  un  vieux  toit 
près  des  remparts  (face  ouest). 

Boite  n"  2.  Mousse  recueillie  à  Toulon,  le  10  mai  1859,  sur  le  toit  de  la  vieille 
boulangerie  de  la  marine  (face  nord). 

Boîte  n'  3.  Mousse  recueillie  à  Cherbourg,  le  15  juin  1859,  sur  le  toit  des 
sapeurs-pompiers  (face  est). 

Boite  n°  4.  Mousse  recueillie  le  12  juin  1859,  dans  une  carrière  du  Bas- 
Meudon  (face  sud). 

Diverses  préparations  faites  ce  jour-là  et  les  suivants  ont  montré  que  toutes 
ces  mousses  contenaient  des  animaux  réviviscibles,  savoir  :  des  rotifères 
grands  et  petits,  et  des  tardigrades  macrobiotes  dans  toutes  les  boites;  des 
tardigrades  émydiums  dans  les  boîtes  n"'  1,  2  et  3,  et  des  anguillules  dans 
les  boîtes  n"  3  et  n°  4,  abondantes  seulement  dans  la  boite  n°  3. 

Le  même  jour,  M.  Doyère  nous  a  lemis  19  verres  de  montre  où  il  avait  dis- 
posé à  l'avance,  soit  à  nu,  soit  avec  du  sable,  des  animaux  qu'il  avait  vus 
vivants  le  jour  de  la  préparation,  et  qu'il  avait  ensuite  laissé  dessécher  na- 
turellement. Ces  préparations  avaient  été  faites  le  10,  le  17  et  le  19  juin  1859. 

Expérience  I.  —  Un  seul  macrobiote  desséché  a  nu,  pendant  trois  jours, 

sous  LA  pression  ATMOSPHÉRIQUE.  REVIVISCENCE. 

Cet  animal,  enlevé  au  moyen  de  la  pipette,  a  été  déposé  par  M.  Doyère.  le 
17  juin  1859,  avec  une  toute  petite  goutte  d'eau,  dans  le  verre  de  montre n"  2. 

Le  20  juin  1859,  on  nous  présente  ce  verre  de  montre  sur  lequel,  à  l'œil 
nu,  nous  n'apercevons  absolument  rien.  Mais  une  petite  tache  d'encre,  dé- 
posi'e  sur  la  face  inférieure  du  verre,  indique  le  point  où  nous  retrouverons 
au  microscope  le  tardigrade  desséché. 

Après  avoir  placé  le  corps  de  cet  animal  au  foyer  du  microscope  (80  dia- 
mètres), M.  Doyère  l'humecte  à  trois  heures  vingt-huit  minutes,  avec  quel- 
ques gouttes  d'eau. 

A  trois  heures  trente-huit  minutes,  l'animal  remue  une  patte. 

A  trois  heures  quarante-cinq  minutes,  il  est  tout  à  fait  ranimé  et  commence 
à  progresser. 

A  (juatre  heures  trente  minutes,  il  ne  reste  plus  dans  le  verre  qu'une 
très-petite  quantité  d'eau.  Pour  retarder  l'évaporation  on  le  recouvre  d'un 
autre  verre  de  montre,  et  on  le  place  sous  scellés  dans  une  armoire  du  la- 
boratoire de  physique. 

Le  23  juin,  on  hrise  les  scellés.  Le  verre  parait  tout  à  fait  sec.  Oa  retire  le 
corps  du  macrobiote  et  on  l'humecte  à  deux  heures  vingt-ciuci  minutes  avec 
une  seule  goutte  d'eau. 
A  trois  heures  quarante-huit  minutes,  l'animal  remue  lentement  une  patte, 


39 

puis  il  s'arrête  bientôt  et|reste  tout  à  fait  immobile  pendant  plusieurs  minutes. 
A  quatre  heures  seize  ûiinutes  il  remue  plusieurs  pattes,  mais  il  n'exécute 
encore  que  des  mouvements  partiels.  On  ajoute  quelques  gouttes  d'eau. 

A  quatre  heures  trente-cinq  minutes,  rien  de  plus.  On  dépose  le  verre  de 
montre  sous  la  cloche  humide  et  on  le  scelle  de  nouveau  dans  l'armoire. 

Le  25  juin,  à  trois  heures  trente  minutes,  on  examine  de  nouveau  l'animal. 
Il  est  plein  de  vie,  et  se  meut  très-vigoureusemeut.  L'expérience  n'a  pas  été 
poussée  plus  loin. 

Exp.  II.  —  Animaux  desséchés  a  nu,  pendant  trois  jours,  sous  la  pression 

ATMOSPHÉRIQUE.  REVIVISCENCE. 

Vingt  et  un  rotifères  grands  ou  petits  et  un  macrobiote  vivants,  enlevés  au 
moyen  de  la  pipette,  ont  été  déposés  un  à  un,  par  M.  Doyère,  le  17  juin  1859, 
dans  le  verre  de  montre  n°  16  (mousse  de  Cherbourg.) 

Le  20  juin  1859,  on  nous  présente  ce  verre  de  montre.  Nous  y  retrouvons 
au  minroscope  plusieurs  corps  qui  nous  paraissent  tout  à  fait  secs. 

A  trois  heures  vingt  minutes,  on  humecte  la  préparation  avec  une  petite 
quantité  d'eau. 

A  trois  heures  vingt-huit  minutes,  on  voit  déjà  remuer  quelques  rotifères. 
Le  macrobiote  est  vu  eu  pleine  activité  à  trois  heures  quarante  minutes.  A 
trois  heures  cinquante  minutes,  tous  les  animaux  sont  ranimés  à  l'exception 
d'un  petit  rotifère. 

A  quatre  heures,  rien  de  nouveau.  L'eau  est  en  grande  partie  évaporée.  On 
recouvre  le  verre  n"  16  d'un  autre  verre  de  montre  pour  retarder  la  dessicca- 
tion, et  on  le  dépose  sous  scellés  dans  une  armoire. 

Le  23  juin,  on  brise  les  scellés.  La  préparation  paraît  aussi  desséchée  qu'elle 
l'était  le  20  juin  lorsque  M.  Doyère  nous  l'a  présentée  pour  la  première  fois. 

A  deux  heures  quarante-huit  minutes,  on  verse  un  peu  d'eau  dans  le. verre 
démontre.  A  deux  heures  cinquante-six  minutes,  deux  rotifères  commencent 
à  se  mouvoir;  plusieurs  autres  entre  deux  heures  cinquante-six  minutes  et 
trois  heures  six  minutes. 

A  trois  heures  trente  et  une  minutes,  un  rotifère,  immobile  jusqu'alors,  exé- 
cute une  légère  contraction. 

A  quatre  heures,  plusieurs  animaux  sont  encore  immobiles.  Le  verre  de 
montre  est  placé  sous  la  cloche  humide  et  scellé  dans  l'armoire. 

Le  25  juin,  à  trois  heures  trente-cinq  minutes,  on  brise  les  scellés.  On  exa- 
mine avec  soin  la  préparation.  Tous  les  rotifères  sont  en  pleine  activité  à 
l'exception  de  deux  qui  paraissent  morts.  L'un  de  ces  animaux  avait  déjà 
paru  mort  le  20  juin.  M.  Doyère  enlève  les  cadavres  avec  la  pipette.  Le  ma- 
crobiote est  bien  vivant  et  se  bat  de  temps  en  temps  avec  les  rotifères. 

A  quatre  heures,  le  verre  n"  16  recouvert  d'un  autre  verre  de  montre  est 
scellé  dans  l'armoire. 

Ces  animaux  étaient  destinés  à  être  humectés  plus  tard ,  mais  ils  ne  l'ont 
pas  été. 

M.  Doyère  se  proposait  de  nous  montrer,  dans  ces  deux  expériences, 


40 

que  des  animaux  desséchés  à  nu  sur  le  verre  pouvaient  être  ranimés. 
Le  fait  avait  été  mis  en  doute  par  Spallanzani  et*  par  plusieurs  auteurs 
modernes.  Nous  avons  constaté  que  dans  ces  conditions  les  animaux 
conservent  parfaitement,  au  bout  de  trois  jours,  leur  propriété  de  revi- 
viscence. Nous  avons  diî,  la  première  fois,  nous  en  rapportera  l'asser- 
tion de  M.  Doyère  qui,  en  nous  présentant  le  20  juin  les  deux  prépa- 
rations, nous  annonça  qu'elles  dataient  de  trois  jours.  C'est  ce  qui 
no>JS  a  décidés  à  laisser  écouler  trois  autres  jours  avant  de  procéder  à 
une  nouvelle  humectation.  Le  verre  do  montre  ayant  été,  dans  cet  in- 
tervalle, conservé  dans  une  armoire  scellée,  il  ne  peut  rester  aucun 
doute  sur  le  résultat  de  l'expérience. 

Le  nombre  des  animaux  qui  ont  péri  sans  retour  dans  ces  deux 
expériences  a  été  beaucoup  moindre  que  nous  ne  nous  y  attendions. 
M.  Doyère  avait  dit.  en  1842,  qu'il  avait  vu  ordinairement  trois  ou 
quatre  animaux  sur  dix  mourir  définitivement  lorsqu'on  les  desséchait 
à  nu  et  à  l'air  libre.  Or  les  vingt  et  un  rotifères  et  les  deux  macrobiotes 
humectés  le  20  juin  devant  la  commission  se  sont  tous  ranimés  à  l'ex- 
ception d'un  petit  rotifère,  et  les  vingt-deux  animaux  survivants,  dessé- 
chés de  nouveau  le  même  jour,  se  sont  tous  ranimés  encore  à  rexception 
d'un  second  rotifère.  En  somme  il  y  a  eu  seulement  deux  insuccès  sur 
quarante-cinq  cas,  proportion  bien  inférieure  à  la  proportion  de  trois 
ou  quatre  sur  dix,  indiquée  en  I8i2  par  M.  Doyère.  Cette  difi'érence 
vientprobablementdeceque,danssesanciennesexpériences,  M.  Doyère 
laissait  l'évaporation  s'effectuer  entièrement  à  l'air  libre,  tandis  qu'au- 
jourd'hui il  retarde  la  dessiccation  en  recouvrant  d'un  second  verre  de 
niontie  celui  qui  supporte  les  animaux.  C'est  un  fait  assez  général  que 
la  reviviscence  est  d'autant  plus  incertaine  et  exige  d'autant  plus  de 
temps  que  l'animal  est  plus  sec.  A  ce  titre  on  pourrait  objecter  contre 
les  deux  premières  expériences  que  le  délai  de  trois  jours  n'est  pas 
suffisant  pour  faire  dessécher  des  animaux  entourés  sans  doute  d'une 
très-faible  quantité  d'eau,  mais  renfermés  dans  un  très-petit  espace. 
L'expérience  suivante  servira  de  réponse  à  cette  objection. 

Exp.  111.  —  Animaux  desséchés  a  nu  et  a  l'air  libre,  d'abord  pendant 

TREIZE  JOURS,  PUIS  PENDANT  SOIXANTE-QUINZE  JOURS.  REVIVISCENCE. 

Le  23  juin  1859,  M.  Doyi-re  nous  présente  le  verre  de  montre  n°  13,  sur 
lequel  il  a  df^poséànu,  le  10  du  même  mois,  six  ansiiillules,  trois  émydiums, 
trois  macrobiotes  et  quatre  rotifères.  Cesanimau.x  ont  donc  été  desséches  pen- 
dant treize  jours  entre  deux  verres  de  montre,  au  moment  où  on  les  soumet 
à  notre  examen.  Us  proviennent  de  la  mousse  de  Toulon. 

Le  23  juin,  à  deux  heures  cinquante  minutes,  on  humecte  la  préparation. 


41 

A  trois  heures  cinquante  minutes,  on  l'examine.  Tous  les  animaux  sont  rani- 
més à  l'exception  des  anguillules,  qui  paraissent  mortes. 

A  quatre  heures,  on  recouvre  le  verre  n"  13  d'un  autre  verre  de  montre,  et 
on  le  dépose  dans  l'armoire  scellée. 

Le  2  juillet  1859,  ce  verre  n"  13  m'a  été  remis  pour  le  conserver  et  l'exa- 
miner plus  tard. 

Je  l'ai  gardé  sous  une  cloche,  dans  mon  cabinet  de  travail,  pendant  les  deux 
mois  de  juillet  et  août.  La  chaleur  a  été  excessive.  Plusieurs  fois  j'ai  vu  la 
tempéralure  se  maintenir  à  26°  dans  ce  cabinet  pendant  toute  la  nuit. 

La  plupart  des  membres  de  la  commission  ayant  quitté  Paris  pendant  les 
vacances,  nous  n'avons  pu  continuer  à  travailler  en  commun.  J'ai  donc  pro- 
cédé seul,  le  6  septembre  1859,  à  la  réhumectation  des  animaux  desséchés 
depuis  le  23  juin  dans  le  verre  n°  13. 

La  préparation  est  humectée  le  6  septembre,  à  neuf  heures  du  soir.  Quel- 
ques instants  après  j'y  compte  cinq  anguillules,  trois  émydiums,  trois  macro- 
biotes,  quatre  rotifères  roulés  en  boule.  Tous  ces  animaux  sont  immobiles. 

A  onze  heures  du  soir,  à  minuit,  rien  de  nouveau. 

A  minuit  dix  minutes,  l'un  des  rotifères,  toujours  roulé  en  boule,  com- 
mence à  exécuter  quelques  mouvements  partiels  consistant  en  une  contrac- 
tion lente  sur  un  seul  point,  et  recommençant  toutes  les  deux  ou  trois 
minutes. 

A  minuit  quarante  minutes,  les  contractions  sont  un  peu  plus  fortes,  mais 
non  plus  fréquentes.  Elles  sont  toujours  de  même  nature.  L'animal  n'est  pas 
encore  desséché.  Les  autres  sont  immobiles. 

Le  7  septembre,  à  midi  vingt  minutes,  le  rotifère  qui  s'est  ranimé  la  veille 
exécute  des  mouvements  d'ensemble  ;  il  est  déployé,  mais  il  ne  progresse  pas 
encore.  Les  trois  autres  rotifères  sont  déployés  et  endosmoses.  11  est  certain 
qu'ils  ne  se  ranimeront  pas.  Tous  les  autres  animaux  sont  immobiles. 

A  quatre  heures,  le  rotifère  ranimé  se  promène.  Les  autres  sont  morts. 

L'animal  a  été  revu  vivant  pendant  cinq  jours,  puis  l'expérience  a  été  in- 
terrompue. Tous  les  autres  animaux  étaient  définitivement  morts  (1). 

L'expérience  précédente  nous  montre  un  rotifère  desséché  à  nu  sur 
le  verre,  le  23  juin  1859,  et  ranimé  au  bout  de  soixante-quinze  jours 
après  avoir  supporté  la  température  excessive  d'un  été  exceptionnel; 
mais  elle  nous  montre  en  même  temps  que  quinze  autres  animaux,  dé- 
posés dans  le  même  verre  de  montre,  avaient  perdu  leur  propriété  de 
reviviscence.  En  laissant  de  côté  les  anguillules  des  toits  dont  la  ré- 
sistance est  habituellement  inférieure  à  celle  des  rotifères  et  des  tar- 


(1)  Le  8  septembre  1859,  j'ai  humecté  de  la  même  manière  quatre  rotifères, 
un  émydium  et  un  macrobiote,  déposés  à  nu  dans  le  verre  de  montre  n"  18, 
le  19  juin  précédent,  par  M.  Doyère.  Ce  verre,  préparé  pour  la  commission, 
n'avait  pas  été  examiné  par  elle,  et  je  l'avais  conservé  sans  précaution  dans 
un  tiroir.  Aucun  des  animaux  ne  s'est  ranimé. 


42 
digrades,  il  reste  neuf  animaux  dont  un  seul  a  revécu,  et  il  paraît  pro- 
bable que  si  rhumectation  avait  été  retardée  quelque  temps  encore, 
ce  dernier  rolifère  ne  se  serait  pas  ranimé.  Nous  aurons  à  revenir  plus 
tard  sur  ce  phénomène,  que  nous  retrouverons  dans  une  expérience 
de  M.  Pouchet. 

Nous  n'avons  parlé  jusqu'ici  que  des  animaux  desséchés  à  nu.  II 
est  intéressant  de  comparer  ces  résultats  avec  ceux  que  fournit  la  des- 
siccation au  milieu  du  sable. 

EXP.   IV.  —  ANIMAUX  DESSÉCHÉS  AVEC  DU  SABLE.  LES   ANGUILLULES  NE  SE 
RANIMENT  PAS.  REVIVISCENCE  PRESQUE  GÉNÉRALE  DES  AUTRES  ANIMAUX. 

Le  20  juin  1859,  M.  Doyère  nous  remet  le  verre  de  montre  n*  14,  conte- 
nant une  grande  anguillule,  deux  petites,  trois  rotifères  et  sept  tardigrades 
(trois  macrobiotes  et  quatre  émydiuras).  Ces  animaux  ont  été  réunis  au 
moyen  de  la  pipette,  le  17  juin,  et  on  a  ajouté  un  peu  de  sable  à  la  pré- 
paration. Le  20  juin,  le  contenu  du  verre  nous  parait  bien  sec.  Nous  enfer- 
mons la  préparation  dans  l'armoire  scellée. 

Le  23  juin,  à  trois  heures  quarante-huit  minutes,  on  humecte  le  verre  n*  14. 
A  quatre  heures  dix  minutes,  tous  les  animaux  sont  immobiles.  A  quatre 
heures  dix-huit  minutes,  un  macrobiote  commence  à  se  mouvoir.  A  quatre 
heures  vingt-cinq  minutes,  plusieurs  animaux  sont  en  activité,  mais  plu- 
sieurs sont  encore  immobiles.  On  scelle  le  verre  sous  la  cloche  humide. 

Le  25  juin,  à  trois  heures  quarante  minutes,  la  préparation  est  examinée. 
Aucune  anguillule  n'a  revécu.  Les  trois  rotifères  et  les  trois  macrobiotes 
sont  extrêmement  vigoureux;  un  émydium  est  mort;  les  trois  autres  sont 
vivants,  mais  se  meuvent  avec  difTiculté. 

Le  premier  indice  de  reviviscence  s'est  montré,  comme  on  voit, 
trente  minutes  seulement  après  l'humectation,  c'est-à-dire  beaucoup 
plus  tard  que  dans  les  expériences  I  et  II,  où  les  animaux  avaient  été 
desséchés  à  nu  sur  le  verre.  On  ne  peut  rien  conclure  d'un  seul  fait; 
celui-ci  ne  s'accorde  pas  avec  l'opinion  de  Spallanzani,  qui  considé- 
rait la  présence  du  sable  comme  favorable  à  la  reviviscence;  mais 
nous  ferons  remarquer  que  les  animalcules  déposés  à  nu  sur  le  verre 
ont  été  recouverts  d'un  second  verre  de  montre,  tandis  que  les  prépa- 
rations faites  avec  du  sable  ont  été  desséchées  au  grand  air.  La  des- 
siccation a  donc  pu  être  moins  rapide  dans  le  premier  cas  que  dans  le 
second.  Au  surplus,  il  faut  bien  se  garder  de  croire  que  la  durée  du 
temps  nécessaire  pour  la  reviviscence  ne  dépende  que  des  conditions 
de  la  dessiccation;  elle  dépend  aussi  beaucoup  de  la  constitution  par- 
ticulière de  l'animal,  puisque  nous  avons  vu  le  ;23  juin  (exp.  I)  des 
rotifères  desséchés  à  nu  dans  le  même  verre  de  montre  se  ranimer,  les 
uns  au  bout  de  huit  minutes,  les  autres  au  bout  de  quarante-trois 


43 

minutes,  et  d'autres  seulement  au  bout  de  plus  de  soixante-quatre 
minutes. 

On  vient  de  voir  que  la  dessiccation  à  nu^  pratiquée  avec  les  précau- 
tions convenables,  ne  détruit  pas  la  propriété  de  reviviscence.  Cette 
dessiccation  peut  être  poussée  plus  loin  dans  le  vide  sec  sans  que  le 
résultat  soit  changé.  C'est  ce  que  montre  l'expérience  suivante. 

EXP.   V.  —  ANIMAUX   DESSÉCHÉS  A  NU,    D'ABORD  A  L'AIR  LIBRE,  PUIS  SOUS 
LA  CLOCHE  SÈCHE,  ET  ENFIN  DANS  LE  VIDE  SEC.   REVIVISCENCE. 

Le  20  juin  1859,  M.  Doyère  nous  présente  deux  émydiums,  deux  macro- 
biotes  et  trois  anguiliules  parfaitement  à  nu  dans  le  verre  de  montre  n»  19. 
La  préparation  n'a  été  faite  qu'liier  matin  ;  néaumoins  les  animaux  parais- 
sent secs. 

A  quatre  heures  dix-sept  minutes,  on  place  le  verre  sous  le  récipient  de  la 
machine  pneumatique,  à  côté  d'une  coupe  pleine  d'acide  sulfarlque  concen- 
tré. On  ne  fait  pas  le  vide  ce  jour-là.  On  pose  les  scellés  sur  la  cloche. 

Le  lendemain  21  juin,  à  trois  heures,  sans  toucher  aux  scellés,  on  fait  le 
vide  à  4  millimètres. 

Le  22  juin,  la  cloche,  tubulée  par  en  haut  et  mal  obturée,  n'a  pas  tenu  le 
vide;  le  baromètre  ne  marque  plus.  On  pompe  de  nouveau  jusqu'à  4  milli- 
mètres. 

Le  23  juin,  la  cloche  n'a  pas  tenu  le  vide  d'une  manière  complète.  Le  ba- 
romètre ne  marque  plus.  Néanmoins,  quand  on  ouvre  le  robinet,  l'air  exté- 
rieur se  précipite  avec  assez  de  force  pour  culbuter  le  veire  de  montre. 

A  trois  heures,  ou  lève  les  scellés.  On  extrait  le  verre  de  montre  n°  19,  et 
on  l'humecte  à  trois  heures  une  minute. 

A  trois  heures  trente-deux  minutes,  un  émydium  fait  un  léger  mouvement. 
A  trois  heures  trente-six  minutes,  il  est  tout  à  fait  ranimé.  Le  second  émy- 
dium commence  à  se  mouvoir  à  trois  heures  quarante  minutes  ;  les  deux 
macrobioles  à  quatre  heures  et  quatre  heures  cinq  minutes.  Les  anguiliules 
ne  bougent  pas. 

A  quatre  heures  vingt  minutes,  on  scelle  ce  verre  sous  la  cloche  humide. 

Le  25  juin,  à  trois  heures  cinquante  minutes,  on  l'examine  de  nouveau. 
L'eau  n'est  pas  évaporée,  mais  les  quatre  animaux  qui  vivaient  hier  sont 
morts  aujourd'hui.  Les  anguiliules  sont  toujours  inanimées. 

Cette  expérience  manque  de  précision,  puisque,  par  suite  delà  mau- 
vaise disposition  de  la  cloche,  le  vide  a  été  incomplet.  Il  est  certain 
toutefois  que  la  raréfaction  de  l'air  était  considérable,  puisque,  au 
moment  où  le  robinet  a  été  ouvert,  l'air  extérieur  s'est  précipité  avec 
violence  sous  le  récipient.  Nous  rappellerons  ici  que,  dans  ses  expé- 
riences sur  lee  anguiliules  de  la  nielle^  M.  Davaine  a  pu  ranimer  ces 
animalcules  après  les  avoir  desséchés  à  nu,  d'abord  à  l'air  libre,  puis 
dans  le  vide  sec  où  il  les  avait  maintenus  pendant  cinq  jours.  On 


44 

a  vu  dans  les  expériences  précédentes  que  les  angnillules  des  toits, 
soumises  à  une  dessiccalion  moins  complète  (surtout  dans  l'expé- 
rience IV).  ne  se  sont  pas  ranimées,  et  nous  pouvons  dire  à  ce  propos 
qu'il  y  a  des  différences  considérables,  sous  tous  les  rapports,  entre 
les  anguillules  de  la  nielle  et  celles  des  toits.  Les  premières  sont  beau- 
coup plus  réviviscibles  que  les  autres,  mais  elles  ne  le  sont  qu'à  l'état 
de  larves,  et  celles  qui  parviennent  à  l'âge  adulte  ne  peuvent  résister  à 
la  moindre  dessiccation.  Les  anguillules  des  toits,  dont  l'évolution  est 
entièrement  différente,  peuvent  se  ranimer  à  tout  âge,  et  les  plus 
grosses  ne  paraissent  pas  moins  réviviscibles  que  les  plus  petites. 

Dans  les  trois  dernières  expériences  de  M.  Doyère,  l'épreuve  du  vide 
n'a  été  que  le  préliminaire  de  l'épreuve  du  chauffage;  on  a  dabord 
desséché  les  animaux  à  froid  pour  les  mettre  en  état  de  supporter  des 
températures  élevées,  qui,  sans  cette  précaution  préalable,  auraient 
détruit  leur  organisation. 

EXP.  VI.  —  MOUSSE  DESSÉCHÉE  A  FROID  DANS  LE  VIDE  SEC,  PUIS  CHAUFFÉE  A  98". 
REVIVISCENCE  DES  ANIMAUX  CONTENUS  DANS  LA  MOUSSE. 

Le  20  juin  1859,  à  quatre  heures  dix-sept  minutes,  on  place  sous  la  ma- 
chine pneumatique  une  certaine  quantité  de  mousses  provenant  de  la  boite 
n°  1,  et  recueillies  à  Toulon  par  M.  Doyère  sur  un  toit  exposé  à  l'ouest.  Dix 
échantillons  sont  disposés  dans  de  petites  cupules  en  cuivre;  une  large 
coupe  pleine  d'acide  sulfurique  concentré  est  en  même  temps  placée  sous  la 
clociie.  On  ne  fait  pas  le  vide  ce  soir-là.  On  scelle  la  cloche,  qui  est  tubulée 
par  le  haut,  et  mal  obturée  comme  on  va  le  voir. 

Le  21  juin,  à  trois  heures,  on  fait  le  vide  à  4  millimètres. 

Le  22  juin,  à  une  heure,  la  cloche  n'a  pas  tenu  le  vide;  le  baromètre  ne 
marque  plus.  On  pompe  de  nouveau  jusqu'à  4  millimètres. 

Le  23  juin,  la  cloche  n'a  pas  tenu  le  vide.  Toutefois  l'air  se  précipite  avec 
force  sous  le  récipient,  lorsqu'on  ouvre  le  robinet  à  trois  heures. 

A  trois  heures  trente-trois  minutes,  on  remplace  la  cloche  tubulée  par  une 
cloche  pleine;  on  renouvelle  l'acide  sulfurique,  et  l'on  fait  le  vide  à  4  milli- 
mètres. 

Le  27  juin,  la  cloche  a  parfaitement  tenu  le  vide;  le  baromètre  est  à  G  mil- 
limètres. La  mousse,  a[)rès  trois  jours  de  vicie  imparfait,  a  donc  séjourné 
quatre  jours  consécutifs  dans  le  vide  sous  une  pression  de  4  à  G  millimètres. 

M.  Doyère  préparc  son  étuve  :  c'est  une  boite  métallique,  ou  chambre  à 
air,  contenue  dans  une  autre  boîte  métallique  beaucoup  plus  grande;  l'in- 
tervalle compris  entre  les  deux  boîtes  constitue  la  chambre  à  eau.  La  cham- 
bre à  air  communi{iue  avec  l'extérieur  par  deux  tubes,  ruusnpi'rleur,  l'autre 
inférieur,  alin  que  l'air  se  renouvelle  pendant  le  chaufTage,  et  (]uc  la  petite 
quantité  de  vapeur  d'eau  dr-gagée  des  mousses  ne  séjourne  |)a?  dans  l'étuve. 
Le  tube  inférieur,  qui  apporte  l'air,  est  disposé  en  forme  de  serpentin  et  dé- 


45 
crit  dans  la  chambre  à  eau  un  grand  nombre  de  flexuosités;  de  telle  sorte 
que  l'air  nouveau,  en  arrivant  dans  l'étuve,  est  drjà  aussi  chaud  que  celui 
qu'il  remplace.  Le  tube  supérieur  est  droit  et  laisse  passer  un  thermomètre 
qui  donne  la  température  de  la  chambre  à  air.  Un  autre  thermomètre,  plon- 
geant dans  la  chambre  à  eau,  donne  la  température  du  liquide. 

A  midi  quarante  minutes,  on  fait  rentrer  l'air  sous  la  machine  pneuma- 
tique, on  extrait  rapidement  trois  des  cupules  en  cuivre  qui  contiennent  les 
mousses,  on  y  laisse  les  autres  pour  une  expérience  ultérieure  (exp.  VIII), 
et  l'on  refait  le  vide  aussitôt. 

Chaque  cupule,  au  moment  où  on  la  retire,  est  immédiatement  recouverte 
d'un  verre  de  montre.  Toutes  trois  sont  transportées  à  l'extrémité  du  labora- 
toire et  placées  dans  l'étuve.  On  enlève  alors  les  verres  de  montre,  et  l'on  fait 
descendre  la  boule  du  thermomètre  jusque  dans  l'une  des  cupules,  de  ma- 
nière à  la  mettre  en  contact  avec  la  mousse. 

Il  est  midi  cinquante  minutes.  L'eau  est  à  la  température  de  24",  qui  est 
celle  de  l'air  du  laboratoire.  Ou  commence  alors  à  chaufl'er  de  la  manière 
suivante  : 

Température  marquée 
Température  de  l'eau.        par  le  thermomètre  des  mousses. 


12  heures  50  minutes. 

24° 

1  — 

n 

— 

50» 

1  — 

10 

— 

58» 

1  — 

20 

— 

62» 

1  — 

35 

— 

70° 

1  — 

50 

— 

80» 

2   - 

» 

— 

100° 

2   — 

10 

— 

100» 

2   1_ 

25 

^ 

100» 

2   — 

30 

— 

100° 

2   

35 

— 

100» 

82° 

90° 

97°5 

98° 

98° 

A  deux  heures  trente-cinq  minutes,  on  ouvre  l'étuve  et  l'on  retire  les  cu- 
pules. 

A  deux  heures  cinquante  minutes,  les  mousses  sont  refroidies.  Le  contenu 
de  la  cupule  n»  1  est  placé  dans  un  verre  de  montre  et  scellé  sous  la  cloche 
humide.  Le  contenu  des  deux  autres  cupules  est  déposé  dans  la  boîte  n°  5  et 
remis  au  rapporteur  de  la  commission  pour  être  examiné  plus  tard. 

Le  28  juin,  à  trois  heures  quinze  minutes,  on  brise  les  scellés  et  l'on 
humecte  la  mousse  provenant  de  la  cupule  n°  1.  Celte  mousse  a  séjourné 
pendant  vingt-quatre  heures  sous  la  cloche  humide  après  avoir  subi  une 
température  de  98°. 

On  exprime  immédiatement  dans  un  verre  de  montre  une  partie  du  sable 
contenu  dans  la  mousse,  et  l'on  place  la  préparation  sous  le  microscope.  On 
découvre  bientôt  deux  corps  de  rotifères  roulés  en  boule  et  trois  anguillules. 

A  trois  heures  quarante  minutes,  Vun  des  rotifères  commence  à  se  mouvoir. 

A  quatre  heures,  cet  animal  est  très-vigoureux.  L'autre  rotifère  est  immo- 
bile, ainsi  que  les  trois  anguillules. 


46 

La  commission,  préoccupce  d'uue  autre  cxijérierice  ([ui  marchait  de  Iront 
avec  celle-ci,  négligea  les  jours  suivants  d'examiner  de  nouveau  la  prépara- 
tion, qui  tut  perdue. 

Suite  de  l'expérience  (par  le  rapporteur).  Le  G  septembre  1859,  à  dix  heures 
du  soir,  je  prends  un  peu  de  la  poussière  déposée  au  fond  de  la  boite  n"  5, 
qui  m'a  été  remise  le  27  juin,  et  ([ui  renferme  le  reste  des  mousses  chauf- 
fées à  98°.  Je  la  répartis  entre  quatre  verres  de  montre  a,  b,  c,  d,  que  j'hu- 
mecte immédiatement.  Je  trouve  des  corps  d'animaux  dans  les  quatre  pré- 
parations. 

A  minuit  et  demi,  tous  les  animaux  sont  encore  immobiles. 

Le  7  septembre  1859,  à  midi  quarante-cinq  minutes,  j'examine  la  prépara- 
tion. 

Dans  le  verre  a,  je  trouve  ua  petit  rotifère  très-vivant  et  très-mobile,  plus 
un  émydium  et  deux  macrobiotes  qui  paraissent  morts. 

Dans  le  verre  b,  un  tardigrade  macrol)iote  extrêmement  vigoureux,  un  ro- 
tifère endosmose  et  très-évidemment  mort,  et  plusieurs  anguillules  immo- 
biles. 

Dans  le  verre  c,  un  macrobiote  vivant,  un  autre  immobile,  et  un  rotifère 
en  boule. 

Dans  le  verre  d,  un  seul  macrobiote  vivant  ;  il  n'y  a  aucun  autre  animal 
dans  ce  verre. 

Le  même  jour,  à  neuf  heures  du  soir,  les  trois  animaux  du  verre  c  sont  en 
pleine  activité;  rien  de  changé  dans  les  autres  verres. 

Les  animaux  ranimés,  observés  matin  et  soir,  ont  vécu  deux  jours  entiers. 

Le  10  septembre  au  matin,  je  ne  retrouve  plus  qu'un  tardigrade  vivant.  Le 
soir,  cet  animal  est  mort  comme  les  autres. 

Seconde  suite  de  l'expérience  (par  le  rapporteur).  Le  18  mars  18C0,  près  de 
neuf  mois  après  la  séance  de  chauffage,  j'ai  repris  dans  la  boite  u"  5  un  peu 
de  mousse  que  j'ai  humectée  à  dix  heures  du  soir. 

J'en  ai  fait  trois  préparations  que  j'ai  examinées  aussitôt,  et  oii  j'ai  trouvé 
environ  dix  corps  de  macrobiotes  ou  de  rotifères  et  deux  anguillules;  aucun 
émydium. 

Le  19  mars,  à  midi,  et  le  même  jour,  à  onze  heures  du  soir,  aucune  revi- 
viscence. 

Le  20  mars,  à  midi,  un  macrobiote  vivant  et  très-agile.  11  y  a  dans  le  même 
verre  trois  autres  macrobiotes  endosmoses  et  tloltants,  un  rotifère  endos- 
mose, un  rotifère  en  boule  et  une  anguillulc  morte. 

Les  animaux  des  autres  préparations  sont  en  très-petit  nombre,  et  au<;un 
d'eux  n'a  revécu. 

Les  préparations  ont  été  examinées  matin  et  soir  jusqu'au  '23  mars.  Le  ro- 
tifère en  boule  ne  s'est  pas  déployé;  ses  viscères  paraissaient  désorganisés. 
Aucun  animal  n'a  revécu,  à  l'exception  du  macrobiote  déjà  meulionué,  cl 
celui-ci  môme  a  été  trouvé  mort  le  21  mars,  à  dix  heures  du  soir.  11  était 
encore  vivant  le  malin. 

Dans  celle  expérience  l'ébullilion  de  l'eau  a  été  prolongée  trente- 
cinq  minutes,  niais  la  lempcralure  de  l'eau  ne  se  communiquant 


47 

qu'assez  lentement  à  l'air  de  l'étuve,  le  thermomètre  de  l'éluve  n'a 
dépassé  97"  que  dix  minutes  avant  la  fin,  et  n'est  resté  à  98*  que  pen- 
dant cinq  minutes.  La  température  de  98°  n'a  pas  été  dépassée;  elle 
ne  pouvait  l'être  dans  une  étuve  à  eau,  avec  la  condition  de  mainte- 
nir une  communication  entre  l'air  extérieur  et  celui  de  l'étuve.  Quel- 
que faible  que  soit  le  courant  d'air,  il  empêche  la  température  inté- 
rieure de  se  mettre  entièrement  en  équilibre  avec  celle  de  l'eau.  Le 
chauffage  a  été  fait  exactement  de  la  môme  manière  dans  l'expérience 
suivante  qui  a  été  faite  en  même  temps. 

EXP.  VII.  —  ANIMAUX  DÉPOSÉS  SUR  LE  VERRE  AVEC  UN  PEU  DE  SARLE,  DESSÉ- 
CHÉS A  FROID  DANS  LE  VIDE  SEC,  PUIS  CHAUFFÉS  A  98".  REVIVISCENCE. 

Les  trois  verres  de  montre  n*  1,  n"  4  et  n"  17,  préparés  le  17  juin  par 
M.  Doyère,  et  renfermant  des  animaux  qui  ont  été  présentés  secs  à  la  com- 
mission le  50  juin,  ont  été  placés  sous  la  cloclie  de  la  machine  pneumatique 
en  même  temps  que  les  mousses  de  l'expérience  précédente.  Après  un  séjour 
de  vingt-quatre  heures  sous  la  cloche  sèche,  de  trois  jours  dans  le  vide  sec 
imparfait,  et  de  quatre  jours  dans  le  vide  sec  sous  une  pression  de  i  à  6  mill., 
ces  trois  verres  sont  extraits  de  la  machine  pneumatique  le  11  juin,  à  midi 
quarante  minutes.  On  recouvre  chacun  d'eux  d'un  autre  verre  de  montre 
pour  les  transporter  jusqu'à  l'étuve  sans  les  exposer  à  l'humidité  atmosphé- 
rique; on  les  dépose  dans  l'étuve  à  côté  des  mousses  de  l'expérience  précé- 
dente, puis  on  les  découvre  et  l'on  procède  au  chauffage  de  midi  cinquante 
minutes  à  deux  heures  trente-cinq  minutes.  (Voir  dans  l'exp.  VI  le  tableau 
des  températures.) 

A  deux  heures  trente-cinq  minutes,  les  trois  verres  sont  extraits  de  l'étuve. 

A  deux  heures  cinquante  minutes,  on  place  les  verres  n°  1  et  n"  4  sous  la 
cloche  humide,  et  l'on  humecte  directement  le  verre  n"  17. 

Examen  du  verre  n°  17.  —  Ce  verre  renferme  des  émydiums  et  des  anguil- 
lules  tout  à  fait  à  nus.  Au  sortir  de  l'étuve  il  a  passé  quinze  minutes  à  l'air 
libre,  puis  il  a  été  humecté  sans  séjourner  sous  la  cloche  humide.  Examiné 
successivement  le  27  juin,  le  28  et  le  30,  il  n'a  montré  aucune  reviviscence. 

Examen  du  verre  n*  t.  —  Ce  verre,  extrait  de  l'étuve  le  27  juin  à  deux 
heures  trente-cinq  minutes,  est  resté  exposé  à  l'air  libre  pendant  quinze 
minutes.  A  deux  heures  cinquante  minutes  on  l'a  placé  sous  la  cloche  hu- 
mide, où  on  l'a  laissé  cinquante  minutes.  Ce  verre  renferme  une  très-petite 
quantité  de  sable  de  gouttière,  et  plus  de  vingt  animalcules  de  diverses  es- 
pèces. 

A  trois  heures  quarante  minutes ,  on  humecte  la  préparation. 

A  quatre  heures  vingt  minutes,  un  macrobiote  remue  une  patte;  à  quatre 
heures  vingt-cinq  minutes,  il  remue  plusieurs  pattes,  mais  ne  change  pas  de 
place. 

A  quatre  heures  trente  minutes,  rien  de  nouveau.  Les  autres  animaux  sont 
toujours  immobiles.  On  sceUe  le  verre  sous  la  cloche  humide. 

Le  28  jum,  à  trois  heures  quinze  minutes,  on  examine  de  nouveau  la  pré- 


48 

paration:on  y  trouve  sept  macrobiotes,  deux  rotifôres  el  un  émydiura  parfai- 
tement vivants  et  agiles.  Il  y  a,  en  outre,  cinq  ou  six  macrobiotes,  cinq  ou 
six  rotifères  et  deux  émydiums  qui  paraissent  tout  à  fait  morts. 

La  préparation  n'a  pas  été  examinée  les  jours  suivants. 

Examen  du  verre  n"  4.— Ce  verre  renferme  sept  ou  huit  rotifères  grands  ou 
petits  avec  un  peu  de  sable.  Au  sortir  de  l'ctuve,  le  27  jnin,  à  deux  heures 
trente-cinq  minutes,  il  est  resté  quinze  minutes  à  l'air  libre;  à  deux  heures 
cinquante  minutes^  il  a  été  scellé  sous  la  cloche  humide,  où  il  a  séjourné  un 
peu  plus  de  vingt-quatre  heures. 

Le  28  juin,  à  trois  heures  quinze  minutes,  on  l'humecte  et  on  l'examine. 

A  trois  heures  trente  minutes,  un  grand  rotifère  commence  à  se  contracter; 
à  quatre  heures  dix  minutes,  il  est  eu  pleine  activité.  Les  autres  animaux 
sont  toujours  immobiles.  Plusieurs  rotifères  sont  endosmoses,  deux  sont 
encore  roulés  en  boule.  Ce  verre  n'a  [las  été  examiné  les  jours  suivants. 

Celle  expérience,  comme  on  voit,  a  été  menée  de  front  avec  la  pré- 
cédente, niais  nous  avons  cru  devoir  l'en  séparer  parce  que  les  ani- 
maux, desséchés  sur  le  verre,  et  non  dans  les  mousses,  ont  été  exposés 
plus  directement  et  plus  complètement  à  l'action  de  la  chaleur. 
M.  Doyère  pense  que  la  présence  des  mousses,  en  rendant  la  dessic- 
cation plus  lente,  favorise  beaucoup  le  succès  de  l'expérience.  Le 
sable  contenu  dans  les  verres  n°  4  el  n°  4  a  pu  contribuer  de  la  même 
manière  à  maintenir  la  propriété  de  reviviscence.  On  a  vu,  en  effet, 
que  dans  le  verre  n'  17  où  les  animaux  étaient  déposés  à  nu,  la  revi- 
viscence n'a  pas  élé  obtenue.  Cela  pourrait  tenir  aussi  à  une  circon- 
stance à  laquelle  M.  Doyère  attache  beaucoup  d'importance.  Ce  n'est 
pas  seulement  dans  l'opération  de  la  dessiccation  qu'il  t'aul  agir  avec 
lenteur.  Il  pense  que  l'opération  de  l'humectalion  doit  se  faire  d'une 
manière  graduelle,  pour  ne  pas  exposer  les  animaux  aux  lésions  de 
tissus  qui  pourraient  résulter  d'une  imbibition  trop  rapide-  Voilà 
pourquoi  les  mousses  de  l'expérience  VI,  et  les  verres  n»  1  el  n"  i  de 
l'expérience  Vil,  après  avoir  séjourné  quinze  minutes  à  l'air  libre, 
ont  élé  placés  quelque  temps  sous  la  cloche  humide  avant  d'être  direc- 
tement humectés. 

Ilyaeu  reviviscence  dans  les  trois  cas,  tandis  que  les  animaux 
du  verre  w  17,  humectés  au  bout  de  quinze  minutes  sans  avoir  passé 
sous  la  cloche  humide,  ne  se  sont  pas  ranimés.  E>t  ce  parce  qu'ils 
étaient  tout  à  fait  à  nu,  ou  parce  qu'ils  ont  été  mouillés  sans  ménage- 
ment? La  que^tion  est  restée  douteuse  pour  nous  ;  mais  comme  l'excès 
de  prudence  ne  saurait  nuire,  nous  avons  dû  suivre  dans  nos  propres 
expériences  le  précepte  de  procéder  graduellement  à  l'humectation. 

Quoique,  d'après  les  termes  précis  du  débat  soumis  à  la  Société  de 
biologie,  la  commission  eût  élé  instituée  principalement  pour  vérifier 
l'expérience  du  chauffage  à  400%  nous  avons  accepté  avec  plaisir  la  pro- 


position  que  nous  a  faite  M.  Doyère,  de  porter  lu  température  au  delà 
de  100°.  11  a  donc  exécuté  devant  nous  l'expérience  suivante  qui  a 
donné  un  résultat  négatif. 

EXP.  YIII.  —  ANIMAUX   CHAUFFÉS  A   120*   ET  A   140°.   POINT  DE  REVIVISCENCE. 

On  a  vu  dans  respérience  VI  que  sept  cnpules  en  cuivre,  contenant  des 
échantillons  de  monsses,  avaient  été  laissées  le  27  juin  1855  sous  la  machine 
pneumatique  pour  servir  à  une  expérience  ultérieure. 

Ces  mousses  n'avaient  été  exposées  à  l'air  que  pendant  quelques  minutes, 
car  on  avait  refait  le  vide  presque  immédiatement,  après  avoir  seulement 
pris  le  temps  de  renouveler  l'acide  sulfurique.  Le  vide  fut  maintenu  à  6  mil- 
limètres jusqu'au  30  juin.  Les  mousses  avaient  alors  séjourné  trois  jours 
dans  le  vide  sec  imparfait,  puis  sept  jours  dans  le  vide  sec  sous  une  pression 
de  4  à  6  millimètres. 

Le  30  juin,  à  une  heure  trente  minutes,  on  ouvre  le  robinet  de  la  machine 
pneumatique,  on  extrait  cinq  cupules  et  on  les  transporte  à  l'étuve  avec 
les  précautions  déjà  indiquées.  L'étuve  est  disposée  comme  dans  l'expérience 
précédente,  si  ce  n'est  qu'on  a  remplacé  le  bain  d'eau  par  un  bain  d'huile 
pour  obtenir  des  températures  supérieures  à  lOO". 

Le  bain  d'huile  a  été  préalablement  chauffé  et  porté  jusqu'à  100°,  mais  la 
porte  de  l'étuve  est  restée  ouverte,  de  sorte  que  la  température  de  la  chambre 
à  air  est  très-peu  élevée. 

A  une  heure  dix  minutes,  on  ferme  la  porte  de  l'étuve  et  l'on  procède  au 
chaufTage  de  la  manière  suivante  : 

Température  de      Température  des 


l'huile. 

mousses. 

heure  10  minutes. 

100° 

— 

17 

— 

105° 

42° 

— 

27 

— 

120» 

65° 

On  diminue  le  feu. 

— 

37 

— 

118* 

81" 

— 

47 

— 

126° 

90» 

— 

52 

— 

125° 

100"5 

— 

57 

— 

129° 

104- 

2 

— 

7 

— 

133' 

110» 

2 

— 

12 

— 

136» 

112» 

2 

— 

17 

— 

138» 

115» 

On  éteint  le  feu. 

2 

— 

27 

— 

130» 

in^û 

Ou  rallume  le  fou. 

0 

— 

37 

— 

148" 

llS^J 

2 

38 

150» 

l\9"b 

On  retire  rapidement 
trois  cupules  el  on  re- 
ferme aussitôt  l'étuve. 

2 

— 

47 

— 

1G4° 

130° 

On  éteint  détiuitivement 
le  feu. 

2 

_ 

55 

— 

157» 

140» 

3 

— 

150» 

142» 

50 

A  trois  heures,  on  ouvre  l'étuve  et  l'on  retire  les  deux  dernières  cupules 
qui  ont  subi  pendant  soixante  minutes  une  température  supérieure  à  100°; 
savoir  de  100"  à  1!20°  pendant  quarante-six  minutes,  et  de  120"  à  I42<*  pendant 
vingt-deux  minutes. 

Les  trois  autres  cupules  retirées  de  réluve  à  deux  heures  trente-huit  mi- 
nutes, n'ont  pas  dépassé  IIQ^S,  mais  sont  restées  pendant  quarante-six  mi- 
nutes au-dessus  de  lOO». 

Les  cinq  cupules  numérotées  sont  scellées  sous  une  cloclie  peu  humide  à 
trois  heures  vingt  minutes. 

Le  lendemain,  l'"-  juillet,  sans  lever  les  scellés,  on  fait  pénétrer  sous  la  clo- 
che une  grande  quantité  d'eau. 

Le  2  juillet,  on  brise  les  scellés  à  trois  heures,  on  fait  trois  préparations 
avec  les  mousses  chaufTées  à  IID-d  dans  trois  verres  numérotés  120  a,  120  ?>, 
120  c.  On  fait  quatre  préparations  avec  les  mousses  chauffées  à  liO",  dans 
quatre  verres  numérotés  140  a,  b,  c  et  d. 

On  trouve  dans  tous  les  verres  des  corps  d'animaux  de  diverses  espèces  ; 
tous  ces  coi'ps  sont  immobiles.  A  quatre  heures  et  demie,  on  scelle  les  prépa- 
rations sous  la  cloche  humide. 

Le  3  juillet  à  neuf  heures  du  matin,  en  l'absence  de  M.  Doyf're,  nous  exami- 
nons successivement  tous  les  verres;  nous  y  trouvons  des  corps  de  rotifères, 
de  tardigrades  et  d'anguillules,  tous  endosmoses  et  flottant  à  vau-l'eau.  Les 
débris  des  mousses  qui  ont  été  chauffées  à  liO°  ont  perdu  en  partie  leur 
structure,  et  paraissent  avoir  subi  une  sorte  de  carbonisation. 

Dans  le  verre  n°  120  a,  nous  découvrons  en  outre  un  iufusoirc  volumineux 
à  mouvements  très-rapides,  et  exactement  semblable  à  d'autres  animaux  de 
môme  espèce  que  nous  avons  ranimés  dans  d'autres  expériences  après  les 
avoir  desséchés  (1).  Cet  animalcule  de  forme  elliptique,  long  de  0°"",05, 


(1)  Nous  regrettons  de  ne  pouvoir  désigner  ici  sous  son  vrai  nom  cet  ani- 
malcule qui  est  assez  commun  dans  la  mousse  des  toits,  et  qui  n'est  autre, 
selon  tontes  probabilités,  que  le  volvox  dont  Sennebicr  a  signalé  la  revivis- 
cence. MM.  Gavarret  et  Doyèrc,  dans  leurs  travaux  récents  sur  les  animaux 
réviviscibles,  ont  parlé  plusieurs  fois  de  la  reviviscence  des  volvox,  et,  ayant 
assisté  moi-même  à  quelques-unes  de  leurs  expériences,  j'ai  pu  m'assurer 
que  l'animal  désigné  par  eux  sous  ce  nom  est  bien  de  même  espèce  que  l'in- 
fusoire  observé  le  3  juillet  et  les  jours  suivants,  dans  le  verre  120  a,  par  les 
membres  de  la  commission.  ïoulofois,  notre  collègue  JI.  Balbiani,  qui  a 
étudié  les  infusoires  d'une  manière  toute  spéciale,  et  qui,  retenu  en  province, 
n'avait  malheureusement  pas  pu  assister  à  la  séance  du  3  juillet,  n'a  pas  re- 
connu le  volvox  sur  le  dessin  que  nous  lui  avons  montré  et  qui  est  annexé 
au  procès-verbal.  Ce  dessin  a  d'ailleurs  été  fait  sous  un  tr^p  faible  grossis- 
sement (80  diamètres)  pour  que  M.  Balbiani  ait  pu  caractériser  exactement 
l'animal.  Il  pense  que  c'est  un  parnm''rium.  Nous  avons  pu  nous  assurer  do- 
I)uis,  comme  on  le  verra  dans  la  relation  des  expériences  de  la  conmiission^ 
(|ue  les  paraméciums  sont  des  animaux  réviviscibles.  11  est  fort  douteux,  an 


51 

large  de  0"'"',03ô,  est  le  seul  être  vivant  c[ui  existe  dans  nos  sept  prépara- 
tions. 

Le  4jnillet,  à  deux  heures  de  l'après-midi,  nous  examinons  de  nouveau  les 
préparations.  Nous  retrouvons  l'infusoire  d'hier,  et  rien  déplus. 

Le  rapporteur  a  examiné  plusieurs  jours  de  suite  le  verre  n»  120  a,  oii  était 
Vinfusoire  en  question.  Cet  animal  était  encore  vivant  le  0  juillet,  jour  où  la 
préparation  a  été  jetée.  Il  est  resté  entièrement  seul  jusqu'à  la  lin.  Aucun 
autre  infusoire,  soit  de  la  môme  espèce,  soit  d'une  antre  espèce,  ne  s'est 
montré  dans  cette  préparation,  excepté  des  monades  qui  n'y  ont  paru  que  le 
dernier  jour. 

Le  résultat  de  celte  expérience  a  été  négatif  pour  ce  qui  concerne  la 
reviviscence  des  rotifères,  des  tardigrades  et  des  anguillules,  et  au 
moins  douteux  pour  ce  qui  concerne  la  reviviscence  de  l'infusoire  du 
verre  120  a.  Quoique  dix-huit  heures  seulement  se  soient  écoulées  en- 
tre le  moment  où  la  mousse  a  été  humectée  et  celui  où  l'infusoire  vi- 
vant a  été  découvert,  et  quoique  cet  infusoire  soit  au  nombre  de  ceux 
dont  la  propriété  de  reviviscence  a  été  rendue  certaine  par  d'autres 
expériences,  on  ne  saurait  considérer  comme  démontré  que  l'animal- 
cule observé  le  4  juillet,  à  neuf  heures  du  malin,  ait  été  ranimé  par 
l'humectalion. 

Nous  savons  qu'il  ne  venait  pas  de  l'eau  versée  sur  les  mousses, 
puique  le  5  juillet  nous  avions  examiné  la  préparation  pendant  une 
heure  et  demie  sans  y  apercevoir  aucun  être  vivant. 

Nous  ne  pensons  pas  que  le  délai  de  dix-huit  heures  soit  suffisant 
pour  que  les  partisans  de  l'hélérogénie  puissent  attribuer  à  cette  cause 
le  développement  spontané  d'un  infusoire  aussi  volumineux  aux  dé- 
pens de  substances  organiques  chauffées  au  delà  de  100°  pendant  qua- 
rante-six minutes  (1).  D'ailleurs  un  animal  seul,  qui  reste  seul  dans  la 
même  infusion  pendant  sept  jours,  ne  peut  guère  être  considéré  comme 
le  produit  d'une  génération  spontanée. 

Reste  l'hypothèse  d'un  œuf  déposé  dans  le  verre  de  montre  par  l'at- 
mosphère, et  éclos  dans  la  nuit  du  3  au  4  juillet.  Comme  les  six 


contraire,  que  le  véritable  volvox  soit  réviviscible.  Les  infusoires  n'ont  été 
étudiés  sous  de  forts  grossissements  que  dans  notre  siècle,  et  il  est  probable 
que  Sennebier  a  confondu  les  volvox  avec  les  paraméciums. 

(1)  On  sait  que  M.  Pouchet,  dans  son  Traité  d'hktérogénie,  a  démontré  que 
les  matières  organiques  soumises  à  des  températures  élevées,  ne  donnent 
lieu  que  très-tard  au  développement  des  infusoires,  et  que  le  retard  est  d'au- 
tant plus  grand  que  la  température  a  été  plus  élevée.  Ce  fait  lui  a  fourni  un 
de  ses  plus  forts  arguments  en  faveur  de  la  doctrine  qu'il  soutient  avec  tant 
de  talent. 


52 
autres  verre;;  préparés  le  même  jour,  et  conservés  sous  la  môme  clo- 
che, n'ont  présenté  aucun  infusoire,  il  faudrait  admettre  qu'un  seul 
germe,  ou  du  moins  un  très-petit  nombre  de  germes,  existait  dans  les 
tiois  litres  d'air  contenus  sous  la  cloche.  Ce  n'est  pas  inadmissible. 

On  remarquera  toutefois  que  les  adversaires  de  l'hélérogénie  accor- 
dent généralement  à  l'air  atmosphérique  une  fertilité  incomparable- 
ment plus  grande.  Il  est  donc  assez  probable  que  notre  infusoire  était 
un  animal  réviviscent,  mais  ce  n'est  qu'une  probabilité,  la  certitude  de 
la  léviviscence  ne  pouvant  être  établie  que  par  l'observation  diiecle  de 
l'animal,  dabord  en  état  de  mort  apparente,  puis  en  état  d'activité. 
Or  nous  n'avons  pas  vu,  le  5  juillet,  le  corps  de  l'animal  que  nous 
avons  vu  vivre  le  lendemain  et  les  jours  suivants.  Nous  ne  Pavons  pas 
vu  pour  deux  raisons  :  d'abord  parce  que  nous  ne  le  cherchions  pas  ; 
mais  nous  ne  l'auiions  pas  trouvé  davantage,  au  milieu  du  sable  et 
des  débiis de  mousse, quand  même  il  aurait  existé  et  que  nous  l'aurions 
cherché  attentivement;  car  le  corps  d'un  animal  aussi  petit  disparaît 
derrière  le  moindre  détritus  de  matière  organique,  et  ne  pourrait  d'ail- 
leurs être  reconnu,  en  état  d'immobilité,  que  sous  des  grossissements 
bien  supérieurs  à  celui  dont  nous  nous  servions. 

L'origine  de  cet  infusoire  reste  donc  douteuse,  et  nous  n'en  aurions 
pas  parlé  si  nous  ne  savions,  par  les  expériences  ultérieures  de  MM.  Ga- 
varrct  et  Doyère,  que  des  infusoires  de  cette  espèce,  et  de  celte  espèce 
seulement,  se  sont  montrés  habituellement  en  pleine  activité,  à  coté 
des  rotifères,  dans  les  préparations  faites  avec  des  mousses  et  chauffées 
audelàdclOOM'l). 

Quoi  qu'il  en  soit,  messicuis,  l'expérience  du  chauffage  à  140°  a  com- 
plètement échoué,  et  le  chauffage  i\  120°  a  détruit  la  propriété  de  re- 
viviscence chez  les  rotifères,  lestardigiadeset  lesanguillules.  M.  Doyère 
avait  eu  soin  de  nous  dii'e  d'avance  qu'il  ne  comptait  pas  beaucoup  sur 
le  succès.  11  pensait  que  les  mousses  n'avaient  pas  séjourné  assez  long- 
temps sous  la  machine  pneumatique.  Obligé  de  quitter  Paris,  il  vou- 
lait utiliser,  avant  de  partir,  les  matériaux  qu'il  avait  préparés,  nous 
proposant  d'ailleurs  de  reprendre  ultérieurement  l'expérience  du  chauf- 
fage au  dflàde  100",  dans  des  conditions  plus  favorables,  et  avec  des 
ap[)nreils  plus  parfaits. 

Nous  n'avons  pas  cru  devoir  accepter  celte  proposition,  parce  que 
la  prépaiation  et  l'exécution  de  Texpérience  auraient  pris  beaucoup  de 


(1)  Gavarref,  Ouki-OUes  EXPÈniENCKS  simtES  noxiFKnES,  les  TAnmcuADEs  et 

LES  ANOniLLULES,  (lailS  los  ANNALES  DBS  SCIENCES  NATURELLES,  4'  Série,  I.  XI, 

l'allier  Y.  Tirip^c  à  piirt,  p".  l'i,  en  noio    l'.iiis.  1859,  in  8». 


53 

temps,  et  que  d'ailleurs  nous  n'avions  pas  été  chargés  de  déterminer 
la  limite  de  la  température  où  périssent  définilivement  les  animaux 
réviviscibles.  mais  seulement  d'examiner  si  ces  animaux  peuvent  ou 
non  icsister  à  une  chaleur  dt;  100".  L'expérience  du  27  juin  terminait 
donc  en  réalité  la  série  des  faits  que  nous  étions  chargés  de  constater, 
el  si  nous  avons  pu  sortir  un  instant,  le  50  juin,  des  bornes  de  notie 
programme,  nous  n'avons  pas  voulu  nous  engager  dans  des  recherches 
d'un  autre  ordre,  qui  auraientnécessairement  retardé  la  présentation  de 
notre  rapport. 

Les  recherches  relatives  à  la  limite  des  températures  que  peuvent 
supporter  les  tardigrades  et  les  rotilères  ont  été  faites  depuis  par 
MM.  Gavarret  et  Vous  en  connaissez  le  résultat.  Vous  savez 

que  ces  expérimentations  ont  pu  ranimer  des  animaux  chauflés  entre 
liO"  à  115"  centigrades. 

Nous  reviendrons  plus  loin  sur  celte  importante  question. 

§   II.  —  EXPÉRIENCES  DE  M.   POLCHET. 

Les  faits  dont  nous  venions  d'être  témoins  paraissaient  déposer  vic- 
torieusement en  faveur  des  assertions  de  M.  Doyère,  et  établir  qu'un 
animal  complètement  desséché  d'abord  à  froid,  dans  le  vide  seC;  puis 
à  chaud  sous  une  température  de  100",  peut  encore  revenir  à  la  vie. 
Mais  nous  ne  pouvions  rien  conclure  avant  d'avoir  répété  nous-mêmes 
l'expérience  décisive  du  chautT.ige,  et  nous  ne  devions  le  faire  qu'apiès 
avoir  invité  leshonorablesconlradicteursdeM.  Doyère  à  expérimenter 
devant  nous  à  leur  tour. 

Ce  n'était  pas  une  simple  question  de  convenance,  c'était  une  exi- 
gence de  la  justice  la  plus  élémentaire,  et  c'était  en  môme  temps  le 
seul  moyen  d'arriver,  par  la  comparaiirou  des  expériences,  à  éliminer 
autant  que  possible  les  causes  d'erreurs. 

Nous  n'avons  qu'à  nous  féliciter  d'avoir  suivi  celte  voie,  car  nous  y 
avons  gagné  d'entrer  en  relation  avec  un  des  savants  les  plus  estimés 
de  notre  époque,  et  d'assister  à  plusieurs  expériences  curieuses  et  nou- 
velles qui  serviront  à  compléter  l'histoiie  des  animaux  réviviscenis. 

Les  conclusions  présentées  à  la  Société  par  MM.  Pouchet  el  Penne- 
tiei'j  dans  leur  mémoire  du  17  mai  1859,  étaient  les  suivantes  : 

«  1°  Les  rotilères  et  les  tardigrades  oOstrvt's  vivants ,  et  auxquels  on 
«  fait  ensuite  subir  une  dessiccation  complète  pendant  vingt-qualre 
«  heures,  à  une  température  de  25  à  30°  centigr.,  ne  reviennent  jamais 
«  à  la  vie,  quels  que  soient  les  procédés  que  l'on  ait  suivis,  soit  pour 
«  leur  dessiccation,  soit  pour  leur  révivificalion. 


5'} 

«  2"  Les  rotifère3  el  les  lardigrades  ou  leurs  œufs,  qui  se  irouvcnl 
«  dans  la  mousse  dos  toits,  après  y  avoir  subi  une  dessiccation  lente 
«  et  complète  pendant  un  mois,  périssent  sans  retour  sous  l'influence 
«  d'une  température  de  100",  prolongée  pendant  une  heure. 

«  5"  Assez  souvent  on  s'aperçoit  même  que,  loin  de  retrouver  l'in- 
«  tégrité  de  leurs  fonctions  après  la  dessiccation,  ces  animaux,  par 
«  reCfet  de  celle-ci,  ont  éprouvé  quelques  graves  lésions  organiques 
«  dans  les  appareils  les  plus  essentiels  à  la  vie. 

«  4"  L'endosmose  qu'éprouvent  quelques  rotifères  lorsqu'on  les 
«  plonge  dans  l'eau  après  leur  dessiccation,  a  pu  être  prise  par  des  ob- 
«  servateurs  inattentifs  pour  un  commencement  de  révivifjcation.  » 

Avant  de  nous  mettre  en  rapport  avec  M.  Pouchet,  nous  avons  dû 
examiner  ces  quatre  conclusions.  La  quatrième  n'était  pas  contestable; 
la  troisième  était  la  conséquence  et  comme  l'explication  de  la  seconde. 
La  première  était  en  contradiction  avec  plusieurs  expériences  exécu- 
tées devant  nous  par  M.  Doyèro;  mais  la  seconde  conclusion,  où  nous 
lisions  qu'une  température  de  100",  prolongée  pendant  une  heure,  tue 
sans  retour  les  animaux,  n'était  nullement  ébranlée  par  les  laits  dont 
nous  avions  été  témoins.  M.  Doyère  n'avait  maintenu  la  température 
de  100"  que  pendant  quelques  minutes  dans  les  expériences  qui  avaient 
réussi;  tandis  que  MM.  Pouchet  et  Pennetier  l'avaient  maintenue  pen- 
dant une  heure.  Nous  avons  de  fortes  raisons  de  croire  qu'une  expérience 
aussi  longue  doit  presque  nécessairement  aboutir  au  résultat  annoncé 
par  les  expérimentateurs  du  Muséum  deRouen,  et  il  est  fort  probableque, 
si  ces  derniers  étaient  restés  sur  le  terrain  où  ils  avaient  d'abord  placé 
le  débat,  nous  n'aurions  eu  qu'à  confirmer  leur  principale  assertion. 
Mais  M.  Pouchet,  qui  a  eu  le  mérite  d'insister  plus  que  ses  devanciers 
sur  l'importance  de  la  durée  des  épreuves,  et  de  démontrer  que  les 
épreuves  en  apparence  les  plus  inoffensives  peuvent  devenir  fort  dan- 
gereuses avec  le  temps,  M.  Pouchet,  disons-nous,  a  spontanément 
reconnu  que  la  limite  d'une  heure  pour  l'épreuve  du  chaufTage  à  100", 
était  arbitraire  et  excessive.  Le  chautîage  n'étant  pour  lui  qu'un 
moyen  de  rendre  la  dessiccation  complète  et  certaine,  il  a  pensé 
avec  raison  que  ce  résultat  devait  être  obtenu  en  moins  d'une  heure, 
et  qu'une  demi-heure  de  chaleur  à  100"  sullisait  amplement  pour  en- 
lever les  derniers  restes  d'humidité,  pourvu  que  la  quantité  do  matières 
mise  en  expérience  ne  fût  pas  trop  considérable.  Il  a  donc,  sans  que 
nous  le  lui  ayons  demandé,  réduit  à  trente  minutes  la  durée  de  la 
grande  expéntence  du  cliauflage,  et  vous  verrez  comme  nous,  dans 
cette  détermination,  une  preuve  de  sa  haute  sincérité. 

Le  travail  de  MM.  Pouchet  et  Pennetier  n'était  pas  le  seul  que  nous 
eussions  à  examiner.  La  Société  avait  reçu  à  peu  près  à  la  même  épo- 


00 

que  unft  note  de  M.  Tinel  sur  les  roiifôres  et  les  tardigrades,  et  un 
mémoire  de  M.  Perinelier  sur  la  question  spéciale  des  anguillules  des 
toits. 

Les  faits  annoncés  par  M.  Tinel  sont  les  suivants  : 

1"  Les  rotil'ères  déposés  à  nu  sur  le  verre,  et  exposés  au  soleil  sous 
une  température  de  40  à  4S°,  perdent  au  bout  de  trois  heures  leur  pro- 
priété de  reviviscence;  ils  la  perdent  au  bout  de  vingt-qualre  heures 
si  on  les  conserve  à  l'ombre,  à  la  température  ordinaire. 

2°  Déposés  sur  le  verre  avec  une  très-mince  couche  de  sable  et 
conservés  à  l'ombre,  ils  perdent  leur  propriété  au  bout  de  trois  jours, 

5°  Déposés  sur  le  verre  avec  un  peu  plus  de  sable,  ils  périssent  dé- 
finitivement au  bout  de  six  jours  si  on  les  expose  au  soleil,  au  bout  de 
quinze  jours  si  on  les  conserve  à  l'ombre. 

4°  Les  tardigrades  résistent  moins  que  les  rotifères;  déposés  sur  le 
verre  avec  une  certaine  quantité  de  sable,  ils  sont  tous  morts  définiti- 
vement au  bout  de  cinq  jours  si  on  les  conserve  à  l'ombre ,  au  bout  de 
quarante-huit  heures  si  on  les  expose  au  soleil. 

5"  Les  rotifères  et  les  tardigrades,  déposés  avec  du  sable  sur  une  pla- 
que de  verre,  séchés  à  l'ombre  pendant  vingt-quatre  heures,  puis 
portés  graduellement  dans  l'étuvc  au  delà  de  la  température  qui  coagule 
l'albumine  et  maintenus  pendant  quatre  heures  à  la  température  de  80", 
ont  perdu  sans  retour  leur  propriété  de  reviviscence. 

Le  mémoire  particulier  de  M.  Pennetier,  comme  nous  vous  l'avons 
déjà  dit,  est  relatif  seulement  aux  anguillules  des  toits,  et  nous  y  trou- 
vons l'énoncé  des  faits  suivants  : 

1"  Les  anguillules  des  toits  déposées  sur  une  lame  de  verre  et  con- 
servées pendant  plusieurs  jours,  soit  à  l'ombre,  sous  une  température 
de  20  à  25",  soit  au  soleil  sous  une  température  de  5o  à  43»,  ne  sont 
plus  ranimées  par  l'humectation. 

2"  Les  anguillules  des  toits  déposées  sur  le  verre,  recouvertes  d'une 
couche  de  sable,  et  conservées  soit  à  l'ombre  soit  au  soleil,  perdent  éga- 
lement leur  propriété  de  reviviscence  au  bout  d'un  nombre  de  jours 
d'autant  moindre  que  la  couche  de  sable  est  moins  épaisse. 

5"  La  poussière  des  mousses,  tamisée  à  plusieurs  reprises,  conservée 
en  couche  épaisse,  à  l'ombre,  et  sous  une  température  de  25",  recèle 
encore  des  animaux  réviviscibles  au  bout  de  dix-huit  jours.  Si  alors 
on  la  chauffe  graduellement  en  petite  quantité,  toutes  les  anguillules 
qu'elle  renferme  périssent  sans  retour  après  avoir  supporté  pendant 
deux  heures  une  température  de  7,-)". 

Tels  sont,  messieurs,  les  faits  qui  nous  ont  été  annoncés  par  les  ad- 
versaires de  M.  Doyère.  Nous  n'aurons  pas  besoin  de  les  discuter  iso- 
lément; vous  avez  remarqué  sans  doute  que  la  plupart  de  ces  faits  sont 


56 

en  opposition  avec  les  résultais  des  expériences  que  nous  vous  avons 
déjà  ox posés  en  détail.  Vous  n'en  devez  pas  conclure  cependant  qu'ils 
aitnl  été  mal  observés.  Nous  tenons  pour  certain  que  les  expérimen- 
tateurs de  Rouen  ont  vu  et  bien  vu  ce  qu'ils  nous  rappoilenl,  et  la  dif- 
férence des  résultais  obtenus  ne  peut  être  attribuée  qu'à  la  différence 
des  conditions  au  milieu  desquelles  les  animaux  ont  été  desséchés.  Il 
est  probable,  d'une  part,  que  les  mousses  employées  à  Rouen  étaient 
peu  favorables  au  succès  des  expériences;  elles  avaient  été  récoltées 
«  au  mois  de  mai  dans  une  gouttière  des  combles  de  la  cathédrale  de 
«  Rouen,  à  un  endroit  ombragé  par  la  tour  Georges  (VAmboise  (l).  » 
Le  terreau  abondant  qui  fut  extrait  de  leurs  racines  était  noir,  et  celte 
couleur,  due  à  la  décomposition  des  matières  organiques,  était  l'indice 
d'une  humidité  habituelle.  Or,  il  nous  paraît  certain  que  la  résistance 
des  animaux  varie  considérablemenlsuivanlledegréd"humiditédu  mi- 
lieu où  ils  ont  été  élevés.  Les  mousses  mises  en  expérience  par  M.  Doyère 
avaient  été  récollées,  au  contraire,  en  petites  toufles,  sur  des  toits 
ou  sur  des  rochers  exposés  au  soleil,  et   la  matière  terieuse  con- 
tenue dans  U'uis  racines  était  non  pas  du  terreau  véritable,  mais  plutôt 
une  sorte  de  sable  aride  et  jaunâtre.  Voilà  donc  une  première  circon- 
stance qui  était  de  nature  à  faire  échouer  les  expériences  de  Rouen.  Il 
en  est  une  autre  sans  doute  dont  il  faut  tenir  compte  également.  Il  ne 
nous  paraît  pas  certain  que  MM.  Pouchet,  Pennetier  etTinel,  dans  leurs 
premiers  essais,  aient  piocédé  à  la  dessiccation  avec  une  lenteur  suffi- 
sante. Par  exemple,  nous  ne  voyons  pas  dans  leurs  relations  que  les 
animaux  déposés  à  nu  sur  une  lame  de  verre  aient  été  recouverts  d'un 
verre  de  montre  pendant  quelques  heures;  M.  Doyère  attache  beau- 
coup d'importance  à  cette  précautiou,  qui  est  destinée  à  retarder  l'éva- 
poralion. 

Nous  remarquons,  en  outre,  que  l'opération  du  chauffage  n'a  pas 
été  précédée  d'une  dessiccation  à  froid,  d'abord  sous  la  cloche  sèche, 
puis  dans  le  vide  sec.  Enfin,  nous  pouvons  supposer  que  les  animaux 
ont  été  humectés  directement  au  sortir  de  l'étuve  sans  passer  sous  la 
cloche  humide.  M.  Pouchet,  dans  les  expériences  qu'il  a  exécutées  de- 
vant nous,  s'est  plusieurs  fois  conformé  à  ces  préceptes,  mais  il  les  con- 
sidérait comme  illusoires;  il  pensait  même  que  l'expérience  préalable 
du  vide  sec  étiit  plutôt  nuisible  qu'utile,  et  qu'elle  était  capable  à  elle 
seule  de  mettre  à  mort  les  animaux.  Tandis  que  M.  Doyère  recomman- 


(1)  Pouchet,  Actes  du  muséum  de  Rouen.  Nouvelles  expé(\ienc.es  sur  les 
ANIMAUX  pseudo-ressuscitants.  Houcii,  1800,  in-6%  p.  25.  Yoy.  aussi  p.  19 
et  p.  9. 


57 

dait  d'éviter  tout  changement  brusque,  et  de  ménager  des  transitions 
graduelles,  pour  respecter  l'organisation  délicate  des  rotitères  et  des 
tardigrades,  le  professeur  de  Rouen  annorçait  au  contraire  que  ces 
animaux  peuvent  sans  inconvénient  franctiir  tout  à  coup  100"  de  tem- 
pérature. Ce  fut  l'objet  de  la  première  expérience  de  M.  Pouchet,  ex- 
périence la  plus  étonnante  peut-être  de  toutes  celles  qui  ont  été  faites 
jusqu'ici  sur  les  animaux  réviviscents. 

Les  expériences  de  M.  Pouchet  ont  été  commencées  le  12.aoùt  1839 
et  terminées  le  2  novembre. 

Matériaux  des  expériences.  —  Ces  matériaux  ont  été  apportés  de  Ilouea 
par  M.  Pouchet. 

1"  Mousses  provenant  de  la  cathédrale  de  Rouen  ;  récoltées  le  9  aoûf,  elles 
ont  été  humectées  à  Rouen  le  10  août.  Elles  sont  encore  assez  humides  pour 
que  la  pression  en  fasse  sortir  quelques  gouttes  de  liquide. 

2°  Terreau  noir  provenant  de  ces  mêmes  mousses  avant  leur  humectatioa 
et  passé  au  gros  tamis. 

3"  Terreau  noir  provenant  de  ces  mêmes  mousses  avant  leur  humectation 
et  passé  au  tamis  de  soie. 

4°  Terreau  recueilli  le  8  juin  1859  sur  la  cathédrale  de  Rouen, et  renfermant 
un  grand  nombre  d'animaux  qui  ont  cessé  d'être  réviviscibles,  quoique  ce 
terreau  n'ait  été  soumis  à  aucun  procédé  de  dessiccation  artificielle. 

La  première  partie  de  la  séance  du  12  août  est  consacrée  à  l'examen  de  ces 
divers  matériaux.  On  ranime  aisément  les  animaux  des  n°'  1,2  et  3.  Le 
terreau  n*  4,  conformément  à  l'assertion  de  M.  Pouchet,  ne  renferme  que  des 
animaux  absolument  et  définitivement  morts;  examinés  trois  jours  de  suite 
après  l'humectation,  ils  ne  se  sont  pas  ranimés. 

M.  Pouchet  nous  montre  l'étuve  dont  il  se  sert  habituellement  pour  ses 
expériences  de  chauffage.  Voici  comment  il  décrit  lui-même  cet  appareil  : 

«  Cette  étuve  se  compose  d'une  gouttière  en  cuivre  rouge,  de  50  centimètres 
»  de  longueur  sur  10  de  largeur  et  2  de  profondeur.  Le  fond  de  celte  gout- 
n  tière  est  recouvert  d'une  plaque  en  verre  mobile,  sur  laquelle  on  pose  ho- 
H  rizontalement  un  thermomètre.  L'appareil  est  recouvert  d'une  lame  en 
«  verre,  pour  qu'on  puisse,  à  chaque  instant,  apprécier  la  température  qu'ac- 
«  cuse  le  thermomètre.  Celte  étuve,  soutenue  par  deux  pieds  de  métal,  est 
«  chauffée  à  l'une  de  ses  extrémités  par  une  petite  lampe  (1).  » 

La  substance  que  l'on  se  propose  de  chauffer  est  déposée  sur  la  plaque 
de  verre  inférieure,  au  niveau  de  la  boule  du  thermomètre  ou  même  sur  la 
boule  de  ce  thermomètre.  La  chaleur  de  la  lampe,  communiquée  à  la  plaque 
de  cuivre,  se  transmet  à  l'air  contenu  dans  l'étuve,  mais  elle  est  nécessaire- 
ment beaucoup  plus  considérable  à  lextrémité  qui  correspond  à  la  lampe 
qu'à  l'extrémité  opposée.  Pour  faire  varier  la  température  de  la  substance 


(1)  Pouchet,   Recherches   et  expériences  sur  les   animaux  ressusci- 
tants. Paris,  1859,  in-8,  p.  60. 


58 
qu'il  dessèche,  M.  Pouchet  n'a  pas  hesoin  de  toucher  à  sa  lampe.  Il  se  con- 
tente de  faire  glisser  horizontalement  la  plaque  de  verre  inférieure ,  de  ma- 
nière à  rapprocher  ou  à  éloigner  la  boule  du  thermomètre  horizontal  de  l'ex- 
trémitc  la  plus  chaude  de  l'étuve. 

Toutefois,  quand  la  température  accusée  i)ar  le  thermomètre  s'élève  un 
peu  trop  vite,  il  soulève  pendant  quelques  instants  la  plaque  de  verre  supé- 
rieure qui  forme  le  couvercle  de  l'étuve,  ce  qui  permet  à  l'air  extérieur  de 
prendre  la  place  de  l'air  chaud.  Ajoutons  enfin  que  la  boîle  n'est  jamais  close 
hermétiquement,  et  que  deux  ouvertures  opposées,  dont  l'une  donne  pas- 
sage au  tube  du  thermomètre,  permettent  à  l'air  de  se  renouveler  pendant  le 
chauffage. 

Cette  étuve  est  simple  et  facile  à  manier,  et  avec  un  peu  d'habitude  elle 
permet  de  régler  assez  bien  la  température  du  thermomètre.  Mais  les  com- 
missaires ont  craint  qu'elle  n'eût  pas  une  précision  suffisante,  et  M.  Pouchet, 
pour  écarter  cette  objection,  s'est  servi  dans  deux  de  ses  expériences  soit  de 
l'étuve  de  Gay-Lussac,  soit  d'un  appareil  particulier  qui  sera  décrit  en  temps 
et  lieu,  et  qui  a  été  préparé  par  notre  collègue  M.  Berthelot. 

EXP.  IX.  —  ANIJI.VUX  SOUMIS  A  UN  FROID  DE  IG°,  PUIS  EXPOSÉS  SUBITEMENT  A 
UNE  CHALEUR  DE  78"  ET  SUBISSANT  AINSI  INSTANTANÉMENT  UN  CHANGEMENT 
DE  94»  DE  TEMPÉRATURE.  REVIVISCENCE. 

Le  12  août  1859,  à  trois  heures  trente  minutes,  M.  Pouchet  introduit  au 
fond  d'une  longue  éprouvette  environ  20  centigrammes  du  terreau  n"  2,  et 
plonge  cette  éprouvette  dans  un  mélange  réfrigérant.  Un  thermomètre  qui 
surmonte  le  terreau  dans  l'éprouvette  marque  : 

A  3  heures  35  minutes  une  température  de  +  l". 
A  3  heures  40  minutes  —  —  9°. 

A  3  heures  50  minutes  —  —  IC)". 

A  3  heures  55  minutes  —  —  10°. 

Pendant  que  le  terreau  refroidissait  dans  la  glace,  on  chauffait  l'éluvc- 
Ponchet  à  la  température  de  +18". 

A  trois  heures  cinquanle-cinq  minutes,  M.  Pouchet  relire  l'éprouvette, 
entr'ouvre  rapidement  l'étuve,  et  verse  le  terreau  sur  la  boule  du  thermo- 
mètre, qui  est  à  78".  Le  terreau  retombe  sur  la  plaque  de  verre,  dont  la  tem- 
pérature est  au  moins  de  75". 

A  quatre  heures  dix  minutes,  après  (piinze  minutes  de  séjour  dans  l'étuve, 
et  sous  une  température  de  78°  au  moins,  le  terreau  est  retiré,  placé  en  en- 
tier dans  le  verre  de  montre  n"  1,  et  arrosé  immédiatement  d'eau  froide, 
avant  même  d'être  refroidi. 

Ce  verre  de  montre,  recouvert  d'un  autre,  est  scellé  sous  la  cloche  humide 
pour  être  examiné  demain. 

Le  treize  août,  ù  deux  heures  trente-cinq  minutes,  nous  l'examinons. 
i\ous  y  trouvons  plusieurs  rolifères  vivants  et  des  lardigrades  vivants,  mais 
peu  vigoureux.  Aucune  anguillule  n'existe  dans  la  préparation.  Tous  les  ani- 
maux sans  exceplion  te  .'■ijiit  nuiiiuét. 


59 

EXP.  X.  —  AUTIÎE  EXPÉRIENCE   SEMBLABLE,  CHANGEMENT  SUBIT  DE  05°,0. 
REVIVISCENCE. 

Le  douze  août,  à  quatre  heures,  une  très-pelile  quantité  du  terreau  n"  3, 
taniis(''  au  tamis  de  soie,  est  placée  de  la  môme  manière  dans  le  mélange  ré- 
frigérant. 

A  quatre  heures  quatorze  minutes,  la  température  de  l'éprouvette  est  des- 
cendue à  tT-jO  au-dessous  de  zéro. 

On  projette  le  terreau  avec  soin  sur  la  boule  du  thermomètre  de  l'étuve- 
Poucliet.  Étant  plus  fin  que  le  terreau  n"  2,  il  reste  sur  la  boule  au  lieu  de 
retomber  sur  la  plaque. 

Température  de  l'étuve,  à  4  heures  14  minutes  +  78°. 

—  à  4  heures  15  minutes  +  76°. 

—  à  4  heures  17  minutes  +  78°. 

—  à  4  heures  23  minutes  +  84°.  On  soulève  légè- 

ment  le  couvercle. 

—  à  4  heures  28  minutes  +  78°. 

—  à  4  heures  32  minutes  +  78°. 

Après  un  séjour  de  dix-huit  minutes  dans  l'étuve,  le  terreau  est  placé 
dans  le  verre  de  montre  n°  2,  qu'on  recouvre  aussitôt  d'un  autre. 

A  cinq  heures,  on  humecte  la  préparation  et  on  la  scelle  sous  la  cloche 
humide. 

Le  13  août,  à  deux  heures  trente  minutes,  nous  examinons  le  verre  n"  2  ; 
nous  y  trouvons  un  macrobiote  et  un  rotilere  parfaitement  vivants,  plus  une 
anguiUule  morte. 

De  toutes  les  épreuves  auxquelles  on  a  soumis  jusqu'ici  les  animaux 
réviviscibles  celle  qui  précède  est  à  coup  sûr  la  plus  prodigieuse.  Avant 
cette  belle  expérience  de  M.  Pouchet,  on  n'avait  qu'une  idée  très-incom- 
plète de  la  résistance  des  tardigrades  et  des  rotifères,  et  il  est  presque 
incroyable  que  dans  un  échaufTement  aussi  rapide,  dans  un  saut  in- 
stantané de  près  de  100°  de  température,  la  dilatation  brusque  des 
tissus  n'en  produise  pas  la  rupture.  Mais  il  faut  bien  se  rendre  à  l'évi- 
dence, et  reconnaître  que  M.  Pouchet  a  découvert  une  des  propriétés 
les  plus  extraordinaires  des  rotifères  et  des  tardigrades.  Il  est  bien  en- 
tendu que  cette  propriété  ne  leur  appartient  que  lorsqu'ils  ont  été  des- 
séchés quelque  temps  à  l'air  libre,  lorqu'ils  sont  dans  cet  état  où  leur 
vie  est  amoindrie  suivant  les  uns,  éteinte  suivant  les  autres,  et  M.  Pou- 
chet a  fourni  sans  le  vouloir  à  ses  adversaires  un  argument  nouveau, 
qui,  pour  n'être  pas  sans  réplique,  n'en  est  pas  moins  saisissant.  Si 
l'on  posait  la  question  suivante  à  un  homme  versé  dans  la  connais- 
sance de  la  nature,  mais  non  encore  initié  à  l'histoire  des  rotifères  : 
un  corps  qui  peut,  sans  s'altérer  et  sans  perdre  aucune  de  ses  pro- 


60 
priélés,  passer  subitement  de  17"  au-dessous  de  glace  à  78"  au-dessus 
deO,  ce  corps  est-il  mort  ou  vivant?  la  première  réponse  qui  se  pré- 
senterait à  l'esprit  serait  certainement  qu'un  être  vivant  ne  peut  résister 
à  une  pareille  épreuve.  Mais  les  léflexions  générales  que  nous  vous 
avons  présentées  dans  la  première  partie  de  ce  rapport  ne  nous  per- 
mettent pas  de  considérer  celle  conclusion  comme  rigoureuse.  Nous 
ne  nous  y  arrêterons  donc  pas  plus  longtemps,  et  nous  examinerons 
maintenant  l'argument  que  M.  Poudiet  a  tiré  de  sa  découverte. 

Nous  avons  déjà  dit  combien  M.  Doyère  attache  d'importance  à  la 
lenteur  et  à  la  gradation  nuancée  des  préparutions  qu'il  fait  subir 
aux  animaux  avant  de  les  soumettre  aux  épreuves  les  plus  dange- 
reuses. Il  attribue  en  grande  partie  les  insuccès  de  ses  contradicteurs  à 
l'insuflisance  des  précautions  qu'ils  ont  prises.  C'est  pour  réfuter  celle 
interprétation  et  pour  démontrer  que  les  précautions  exigées  sont 
illusoires,  que  M.  Pouchel  a  institué  sa  remarquable  expérience.  Que 
deviennent  maintenant,  dit-il,  la  délicatesse  extrême  des  organes  et  la 
fragilité  excessive  des  tissus  qu'on  a  signalées  chez  les  animaux  révi- 
viscenls?  Ne  voit-on  pas  au  contraire  que  ces  êtres  possèdent  une 
organisation  d'une  résistance  extraordinaire?  C'est  à  celle  organisa- 
tion exceptionnelle  qu'ils  doivent  la  propriété  de  conserver  la  vie  sous 
des  températures  qui  deviennent  mortelles  pour  d'autres  animaux. 
Mais  il  y  a  une  température  où,  comme  tout  ce  qui  a  vie,  ils  finissent 
par  périr.  C'est  entre  80  et  90°  qu'est  située  celle  limite  pour  les  roti- 
fèreset  les  tardigrades;  au-dessous  de  80"  ils  peuvent,  sans  aucune 
prudence,  sans  aucune  transition,  être  impunément  exposés  à  toutt-s 
les  températures;  au-dessus  de  90",  aucune  précaution  ne  peut  les 
soustraire  à  la  mort,  à  une  mort  définitive.  Tel  est  l'argument  de 
M.  Pouchet,  et  vous  reconnaîtrez,  messieurs,  qu'il  mérite  d'élre  exa- 
mirié  sérieusement. 

Mais  nous  vous  ferons  remarquer  que  les  règles  expérimentales 
données  par  M.  Uoyèie  sont  applicables  seulement  aux  animaux  qu'on 
veut  soumettre  à  des  épreuves  dangereuses,  et  le  chauffage  à  80°  n'a 
jamais  constitué  à  ses  yeux  une  épreuve  dangereuse.  C'est  pour  fran- 
chir cette  température  que  les  précautions  sontnécessaires.  Nous  ajou- 
tons que  M.  Doyère,  sans  mettre  en  doute  les  altérations  anatomiques 
que  la  dilution  [tar  la  chaleur  pourrait  faire  subir  aux  tissus,  s'est 
préoccupé  principalement  des  altérations  chimiques  que  subissent 
les  matières  organiques,  lorsqu'on  les  chaufle  jusqu'au  voisinage  ou 
jusqu'au  delà  de  100"  avant  de  les  avoir  entièrement  desséchées.  Ce 
n'est  donc  pas  seulement  l'application  de  la  chaleur  qui  a  besoin  d'être 
lente  et  graduelle;  c'est  surtout  la  dessiccation  préalable  des  tissus; 
et  tandis  que  M.  Doyère  prescrit  de  dessécher  les  animaux  d'abord  à 


61 
l'air  libre,  puis  sous  la  cloche  sèche,  puis  dans  le  vide  sec  pendant 
plusieurs  jours,  il  n'hésite  pas,  lorsqu'une  fois  il  les  a  niis  dans  l'étuve, 
à  les  f  lire  passer  proniptcment  de  la  température  ordinaire  à  la  tem- 
pérature de  100".  M.  Pouchet,  au  contraire,  faisant  peu  de  cas  des 
opérations  préalables  de  la  dessiccation,  prolonge  considérablement 
l'épreuve  du  rliauffage,  et  la  différence  de  ces  procédés  nous  fournira 
bientôt  l'explication  des  résultats  contradictoires  obtenus  devant  nous 
par  les  deux  expérimentateurs. 

Après  les  expéi'iences  précédentes,  celle  qui  suit  vous  paraîtra  sans 
doute  peu  importante;  nous  la  reproduirons  toutefois  parce  qu'elle 
nous  a  montré  un  fait  jusqu'ici  sans  exemple  :  la  reviviscence  d'une 
grosse  anguillule  chauffée  sans  aucune  préparation  à  78". 

EXP.  XI.    —  TERHEAU    CHAUFFÉ  PENDANT  TRENTE  MINUTES  A   78°. 
REVIVISCENCE  DES  ROTIFÈRES  ET  D'UNE  GROSSE  ANGUILLULE. 

Le  \1  août  1859,  M.  Pouchet  répand  sur  la  plaque  de  verre  de  son  étiive,  en 
couche  mince,  étroite  et  rectangulaire,  une  petite  quantité  de  terreau  n"  3.  La 
boule  du  thermomètre  est  appliquée  sur  ce  terreau. 

II  est  quatre  heures  trente- huit  minutes,  l'étuve  est  chaude,  mais  la  tempé- 
rature ne  peut  être  exactement  appréciée,  carie  thermomètre  vient  d'être 
placé  à  l'instant. 

A  quatre  heures  quarante- cinq  minutes,  le  thermomètre  marque  78°.  Cette 
température  doit  être  maintenue  trente  minutes,  c'est-à-dire  jusqu'à  cinq 
heures  quinze  minutes.  Parfois  cependant  le  thermomètre  monte  à  80".  Alors 
M.  Pouchet  découvre  un  peu  l'étuve  ou  repousse  légèrement  la  plaque  de 
verre  qui  supporte  le  thermomètre  ;  parfois  aussi  la  température  descend 
à  76"  :  alors  on  repousse  la  plaque  en  sens  inverse. 

A  cinq  heures  quinze  minutes,  après  trente  minutes  d'une  température 
d'environ  78°,  la  poussière  est  retirée,  placée  dans  le  verre  de  montre  n"  4, 
humectée  immédiatement  avec  de  l'eau  froide,  et  scellée  sous  la  cloche 
humide. 

Le  13  août,  à  deux  heures  quarante  minutes,  nous  examinons  le  verre 
D"  4;  nous  y  trouvons  plusieurs  rotifères  tous  bien  vivants.  11  n'y  a  pas  de 
corps  de  tardigrades  dans  la  préparation.  Dans  un  coin  nous  apercevons  une 
grosse  anguillule  dont  nous  n'avons  pas  mesuré  la  longueur,  mais  dont  la 
largeur  est  de  1  dixième  de  millimètre.  C'est  par  conséquent  une  anguillule 
adulte,  parvenue  à  un  volume  qu'atteignent  rarement  les  anguiliules  des 
toits.  Cet  animal  exécute  de  légers  mouvements  que  nous  avons  d'abord 
voulu  attribuer  à  quelque  cause  extérieure,  mais  bientôt  nous  avons  pu 
constater  qu'il  s'agissait  bien  réellement  d'un  mouvement  musculaire,  et 
l'examen  a  été  répété  à  [ihisieurs  reprises,  avec  le  même  résultat,  jusqu'à  lu 
Ilu  de  la  séance  qui  s'est  i)rolongée  jusqu'à  quatre  heiires. 

Pour  faire  ressortir  Timportance  de  ce  dernier  fait,  nous  vous  di- 


G2 
rons  d'abord  que  jusqu'ici  personne  n'avait  pu  ranimer  uneanguillule 
chauffée  au  delà  de  70".  C'est  à  celle  température  que  M.  Davaine  a  vu 
périr  lesanguillules  de  la  nielle,  et  M.  Pennetier,  qui  a  vu  revivre  une 
seule  l'ois  une  toute  petite  anguillule  des  toits  chauffes  à  70",  n'a  jamais 
pu  réussir  à  en  sauver  une  seule  au  delà  de  celte  température.  Nous 
ajouterons,  comme  une  autre  singularité,  que  l'animal  lanimé  sous  nos 
yeux  était  bien  positivement  une  anguillule  adulte.  Or  ce  sont  celles-là 
précisément  qui  passent  pour  être  les  moins  réviviscibles.  Vous  n'avez 
pas  oublié  les  intéressantes  recherches  de  M.  Davaine  sur  le  parallèle  des 
petites  et  des  grandes  anguillules  de  la  nielle.  Les  premières,  qui  sont 
des  larves,  possèdent  seules  la  propriété  de  reviviscence,  et  peuvent  la 
conserver  pendant  un  très-grand  nombre  d'années,  tandis  que  les 
adultes,  desséchées  seulement  pendant  deux  heures  à  l'air  libre  et  à  la 
température  ordinaire,  ne  peuvent  jamais  être  ranimées. 

On  savait  bien  que  les  anguillules  de  la  nielle  ne  sont  pas  de  la 
même  espèce  que  celles  des  toits;  on  savait  bien  que  ces  dernières 
sont  réviviscibles  môme  à  l'état  adulte,  mais  on  savait  encore  qu'elles 
périssent  très-fréquemment  dans  la  sécheresse  naturelle,  qu'elles  se 
raniment  bien  plus  difficilement  que  les  anguillules  du  blé,  et  l'on  pou- 
vait les  considérer  dèslorscomme  beaucoup  moins  réviviscenles.  Lefait 
que  nous  avons  observé  prouve  que  cette  conclusion  était  prématurée. 
Nous  ne  pouvons  vous  dire  s'il  doit  être  considéré  comme  exception- 
nel, et  nous  ne  savons  pas  davantage  si  des  anguillules  plus  petites 
et  plus  jeunes  auraient  pu  résister  à  une  pareille  épreuve.  C'est  un 
sujet  de  recherches  que  nous  signalons  aux  expérimentateurs,  et  si 
l'on  songe  que  dans  l'expérience  précédente  le  terreau,  avant  d'être 
chauffé,  n'avait  été  soumis  à  aucun  procédé  de  dessiccation  artifi- 
cielle, on  est  conduit  à  supposer  qu'il  ne  sera  pas  impossible  de  rani- 
mer les  anguillules  des  toits  après  les  avoir  chauffées  bien  au  delà 
même  de  70". 

Revenons  maintenant  aux  tardigrades  et  aux  rolifères. 

Vous  savez  déjà  que  M.  Pouchet  repousse  les  idées  de  M.  Doyère 
sur  l'utilité  de  la  dessiccation  préalable.  Suivant  lui,  les  chances 
de  la  révivification  diminuent  d'autant  plus  que  la  dessiccation  est 
plus  avancée;  et  dans  les  expériences  de  chauffage,  ce  n'est  pas 
la  chaleur,  c'est  la  soustraction  de  l'eau  qui  tue  surtout  les  ani- 
maux. A  l'appui  de  cette  opinion,  le  professeur  de  Rouen  invoque  une 
série  d'expériences  beaucoup  plus  simples  et  beaucoup  plus  faciles 
que  les  épreuves  du  chauffage,  d'expériences  qui  se  font  poui'  ainsi 
dire  toutes  seules,  à  l'air  libre,  et  à  la  température  ordinaire  de  l'été. 
Pourvu,  dit-il,  que  le  terreau  soit  étalé  en  couche  sulhsamment  mince, 
l'évaporalion  spontanée  suffît  pour  enlever  en  peu  de  temps  la  quan- 


63 
titc  d'eau  nécessaire  à  la  vie,  et  à  partir  de  ce  moment  les  animaux 
ne  peuvent  plusse  ranimer.  Ainsi,  dans  une  série  d'observations  faites 
pendant  l'été  sur  du  terreau  étalé  en  couchn  mince  et  desséché  natu- 
rellement à  une  température  moyenne  de  20  à  27",  il  a  vu  le  nombre 
des  révivifications  diminuer  de  jour  en  jour;  passé  le  neuvième  jour, 
le  succès  est  devenu  exceptionnel,  et  aucun  animal  ne  s'est  ranimé  plus 
tard  que  le  seizième  jour.  Dans  le  même  terreau,  exposé  chaque  jour  au 
soleil,  presque  tous  les  animaux  étaient  déjà  définitivement  morts  au 
bout  de  trois  jours,  et  aucun  n'a  pu  revenir  après  la  fin  du  huitième 
jour  (I).  Le  reste  du  terreau  qui  avait  servi  à  ces  observations  nous  a 
été  présenté  le  12  aoiit  1859  par  M.  Pouchet,  et  nous  avons  constaté 
qu'efTectivementtous  les  animaux  étaient  morts  sans  retour. 

M.  Pouchet  a  voulu  nous  rendre  témoin  de  cette  expérience,  dont 
l'importance  n'échappera  à  personne,  et  il  l'a  exécutée  sous  deux  for- 
mes différentes,  prenant  d'abord  du  terreau  sec  dispersé  sur  le  verrt; 
au  moyen  d'un  tamis,  puis  des  animaux  ranimés  une  première  fois,  et 
desséchés  sur  des  plaques  de  verre  ou  dans  des  verres  do  montre. 

Quoique  le  résultat  n'ait  pas  entièrement  répondu  à  son  attente,  il 
mérite  de  vous  être  présenté,  parce  qu'il  est  de  nature  à  modifier  les 
idées  qu'on  se  fait  généralement  de  la  permanence  de  la  propriété  de 
reviviscence. 

EXP.  XII.  —  POUSSIÈRE  FERTILE  ÉTALÉE  EX  MINCE  COUCnE  SUR  UNE  GRANDE 
PLAQUE  DE  VERRE,  GARDÉE  D'ABORD  DIX  JOURS  A  l'OMBRE,  PUIS  EXPOSÉE  AU 
SOLEIL  PENDANT  SOIXANTE-HUIT  JOURS.  LA  PLUPART  DES  ANIMAUX  ONT 
PERDU  AU  BOUT  DE  CE  TEMPS  LEUR  PROPRIÉTÉ  DE  REVIVISCENCE. 

Le  13  août  1859,  une  certaine  quantité  de  terreau  n"  3  est  tamisée  au  tamis 


(1)  Voy.  pour  le  tableau  de  ces  observations  le  mémoire  de  M.  Pouchet, 
Recherches  et  expériences  sur  les  animaux  ressuscitants.  Paris,  1859, 
in-8*,  p.  89  et  90.  On  lit,  p.  88,  la  conclusion  suivante,  qui  est  la  dixième  : 
«  A  l'ombre,  en  été,  par  une  température  moyenne  de  25%  en  moins  de  vingt 
«  jours  les  rotifôres,  les  anguillules  des  toits  et  les  tardigrades  réviviscents 
*  périssent  absolument  et  sans  retour.  »  Cetteconclusion  s'applique  seulement 
aux  animaux  préalablement  ranimés  et  conservés  dans  des  verres  de  montre 
ou  sur  des  plaques  de  verre,  comme  il  sera  dit  dans  l'expérience  XIII.  Quant 
aux  animaux  étalés  en  couche  mince  sur  le  verre,  sans  humecfation  préa- 
lable, M.  Pouchet  s'est  borné  à  dire  dans  sa  sixième  conclusion  qu'ils  pé- 
rissent en  été  en  moins  de  deux  mois.  Enfin  dans  la  quatrième  conclusion  de 
son  se.;ond  mémoire  sur  les  animaux  pseudo-ressuscitants,  Rouen,  18G0, 
in-8°,  il  dit,  p.  29  :  «  que  la  dessiccation  et  la  mort  arrivent  en  moins  de  trois 
«  mois,  en  automne,  sur  les  animalcules  exposés  au  soleil.  » 


64 

de  soie  au-dessus  d'une  plaque  de  verre  de  30  centimèlres  carrés,  et  dis- 
posée en  couche  tellement  mince  que  les  grains  de  poussière  ne  se  touchent 
même  pns. 

On  ratisse  avec  une  farte  un  coin  de  la  plaque,  et  la  poussière  qui  en  est 
retirée,  recueillie  dans  le  verre  de  montre  n"  5,  est  humectée  pour  servir  de 
critérium.  Ce  verre  de  montre,  enfermé  et  scellé  sous  la  cloche  humide  est 
examiné  au  bout  de  trois  jours  :  nous  y  trouvons  plusieurs  animaux  vivants 
et  un  très  petit  nombre  de  cadavres.  La  poussière  répandue  sur  la  plaque  est 
donc  fertile. 

Le  13  août,  à  cinq  heures  quarante  minutes,  la  grande  plaq\ie  est  enfermée 
dans  une  grande  boite  en  verre,  de  40  centimètres  de  côté.  Elle  repose  hori- 
zontalement sur  des  supports  en  verre,  au  milieu  à  peu  près  de  la  hanfeur  de 
la  boîte.  Celle-ci  est  ficelée  et  cachetée.  Elle  ne  ferme  pas  hermétiquement. 

Le  23  août,  après  dix  jours  de  séjour  dans  le  laboratoire  de  physique,  la 
caisse  est  transportée  dans  les  combles  de  la  Faculté.  On  l'installe  en  ma  pré- 
sence dans  un  grenier  qui  fait  en  partie  saillie  au-dessus  des  plombs.  C'est 
par  les  plombs  qu'on  y  pénètre,  à  travers  une  espèce  d'antichambre  qui  s'élève 
de  plus  d'un  mètre  au-dessus  des  plombs  voisins,  et  qui,  recouverte  d'ua 
toit  en  plomb,  est  entièrement  vitrée  du  côté  du  sud,  du  nord  et  de  l'ouest. 
C'est  dans  cette  antichambre  qu'on  dépose  la  boite  contre  la  paroi  vitrée  qui 
regarde  le  sud.  Il  est  onze  heures  du  matin,  la  température  du  grenier  est 
très-chaude.  Le  soleil  pourtant  n'y  pénètre  pas  encore,  mais  il  viendra 
bientôt,  et  rayonnera  jusqu'au  soir  sur  la  boite  en  verre  où  les  animaux  sont 
renfermés. 

M.  Pouchet,  en  commençant  cette  expérience  pense  qu'au  l"  octobre  tous 
les  animaux  auront  perdu  leur  propriété  de  reviviscence.  Mais  plusieurs  com- 
missaires ayant  quitté  Paris  pendant  les  vacances,  la  fin  de  l'expérience  a  été 
relardée  jusqu'au  31  octobre. 

Le  31  octobre,  à  dix  heures  du  matin,  la  caisse  est  toujours  en  place  ;  on 
la  transporte  dans  le  laboratoire  de  physique.  Les  scellés  sont  intacts.  On  re- 
tire la  grande  plaque,  et  Ion  dispose  sur  une  lame  de  verre  A  un  peu  de  la 
poussière  qu'elle  supporte.  La  préparation  est  humectée  et  scellée  sous  la 
cloche  humide. 

Le  1"  novembre,  à  deux  heures  de  l'après-midi,  on  fait  pénétrer  une  nou- 
velle quantité  d'eau  sous  la  cloche  sans  toucher  aux  scellés. 

Le  2  novembre,  à  dix  heures  quarante  minutes  du  matin,  on  brise  les  scellés, 
et  l'on  place  la  lame  de  verre  A  sous  le  microscope. 

Nous  y  voyons  d'abord  cinq  cadavres  de  rotifères  et  de  tardigradcs.  Chaque 
commissaire  examine  attentivement  la  préparation  sans  y  découvrir  autre 
chose.  Cet  examen  est  du  reste  assez  diiricile,  parce  que  la  préparation  occupe 
une  étendue  assez  considérable,  (lu'elle  renferme  beaucoup  de  sable,  et 
qu'elle  est  très-peu  transparente.  Kous  étions  sur  le  point  de  conclure  que 
tous  les  animaux  étaient  morts,  et  de  recommencer  une  nouvelle  préparation, 
lorsque  M.  Pouchet  revenant  une  dernière  fois  au  microscope,  découvrit 
enfin  un  rotifère  vivant.  Cet  animal  exécutait  à  peine  quelques  légères  con- 
tractiuDS,  et  M.  Pouchet  n'était  pas  éloigné  de  croire  qu'il  allait  bieotOt 


65 
mourir.  Mais  quelques  instants  après  nous  le  vîmes  exécuter  des  mouve- 
ments d'ensemble,  déployer  ses  roues,  avaler  l'eau  et  attirer  sa  proie. 

Nous  regrettons  de  n'avoir  pas  fait  d'autre  préparation  avec  la 
même  poussière  pour  apprécier  approximativement  la  proportion  re- 
lative des  animaux  réviviscibles  et  de  ceux  qui  ne  Tétaient  plus. 
M.  Pouchel,  rappelé  à  Rouen  par  ses  fonctions  devait  quitter  Paris,  le 
lendemain,  et  nous  ne  pûmes  pas  prendre  avec  lui  un  autre  rendez- 
vous.  Il  résulte  néanmoins  de  ce  que  nous  avons  vu  que  sur  6  ani- 
maux mis  en  observation,  5  avaient  déjà  perdu,  apiès  soixante-dix- 
huit  jours  de  dessici-alion  naturelle,  leur  propriété  de  reviviscence. 
Il  nous  parait  probable  que  quelques  semaines  de  plus  auraient  suffi 
pour  anéantir  chez  tous  cette  propriété.  M.  Pouchet  m'a  envoyé,  il  y 
a  quelques  semaines,  un  peu  de  terreau  de  même  provenance  que  le 
précédent,  et  traité  par  lui  de  la  même  manière  dans  une  expérience 
qu'il  a  faite  à  Rouen,  à  partir  du  10  août  18S9.  Le  nombre  des  ani- 
maux réviviscents  a  été  en  diminuant  chaque  semaine  jusqu'au  com- 
mencement de  novembre,  et  depuis  lors  aucun  animal  n'a  pu  se  ra- 
nimer. J'ai  fait  avec  ce  terreau  plusieurs  préparations,  et  je  n'ai  pu  en 
retirer  que  des  cadavres.  J'en  ai  donné  à  M.  Doyère  qui  n'a  pas  mieux 
réussi  que  moi.  M.  Pouchet,  à  la  suite  de  ses  premières  expériences, 
faites  dans  le  cœur  de  l'été  et  sous  une  température  tout  à  fuit  excep- 
tionnelle, a  pu  être  conduit  à  exagérer  la  rapidité  avec  laquelle  sur- 
vient la  mort  définitive  des  animaux  soumis  à  son  procédé  de 
dessiccation  naturelle;  mais  une  différence  da  quelques  semaines,  ou 
même  de  quelques  mois,  n'atténue  en  rien  l'importance  du  fait  qu'il 
nous  a  présenté,  et  quoique  l'expérience  n'ait  pas  été  faite  jusqu'au 
bout  sous  nos  yeux,  nous  en  avons  vu  assez  pour  considérer  comme 
très-probable  que  les  animaux  disposés  en  couche  mince  et  exposés 
au  soleil  peuvent  perdre  en  trois  mois,  en  automne,  et  plus  tôt  encore 
en  été,  leur  propriété  de  reviviscence.  Nous  aurons  à  chercher  plus 
loin  l'explication  de  ce  phénomène. 

EXP.  XIII.  —  ANIMAUX  DESSÉCHÉS  Stn  VEKBE,  ET  RANIMÉS 
AU  BOUT  DE    SOIXANTE-DIX-IIUIT  JOURS. 

Le  12  août,  à  quatre  lieures  trente  minutes,  M.  Poucliel  fait  onze  prépara- 
tions avec  le  leireaii  n"  3  savoir  5  sur  des  plaques  de  verre,  et  G  dans  des 
verres  de  montre.  Il  les  humecte,  et  à  cinq  heures  du  suir  nous  les  scellons 
sous  la  cloclie  humide. 

Le  13  août,  de  deux  à  quatre  heures,  nous  collons  une  éliquelie  sur  chanue 
plaque  et  sous  chaque  vei  re  de  montre.  Puis  examinant  successivement  les 
préparations  nous  comptons  autant  que  possible  le  nombre  des  animaux  vi- 
vants de  chaque  espèce  qu'elles  i enferment,  et  nous  inscrivons  ce  résultat 


66 
sur  l'étiquette  correspondante,  qui  reçoit  en  outrt;,  sur  l'invitation  de  M.  Pou- 
cliet,  la  signature  du  rapporteur. 

On  dépose  les  onze  préparations  sous  une  grande  cloche  tubulée  par.  en 
naut,  qui  repose  sur  plusieurs  feuilles  de  papier  Joseph,  au  milieu  du  labo- 
ratoire de  physique.  On  pose  les  scellés  sur  la  cloche. 

M.  Pouchet  annonce  que  le  1"  octobre  prochain  les  animaux  seront  défini- 
tivement morts.  L'examen  n'a  pu  être  fait  qu'un  mois  plus  tard. 

Le  31  octobre,  à  dix  heures  quinze  minutes  du  matin,  la  cloche  est  toujours 
en  place  Les  scellés  sont  intacts.  On  les  brise.  On  humecte  toutes  les  prépa- 
rations on  verse  de  l'eau  sur  le  papier  Joseph,  et  l'on  pose  de  nouveau  les 
scellés  sur  la  cloche.  On  ferme,  en  outre,  la  tubulure  avec  un  bouchon  qu'oa 
scelle  avec  de  la  cire  à  cacheter. 

Le  1"  novembre,  à  deux  heures  du  soir,  nous  ajoutons  de  l'eau  sur  le  pa- 
pier Joseph  qui  supporte  la  cloche,  sans  toucher  aux  scellés. 

Le  2  novembre,  à  dix  heures  cinq  minutes  du  matin,  nous  brisons  les 
scellés  et  nous  examinons  successivement  toutes  les  préparations.  Toutes 
renferment  un  ou  plusieurs  animaux  vivants  et  un  ou  plusieurs  cadavres  en- 
dosmoses. Le  nombre  des  vivants  est  un  peu  plus  considérable  que  celui  des 
morts  Par  exemple,  dans  l'une  des  préparations,  de  8  animaux  inscrits  sur 
l'étiquette,  5  ont  revécu  [4  rotifères  et  1  tardigrade).  Les  3  autres  animaux 
n  rotitères  et  1  tardigrade)  ont  été  retrouvés  morts  ou  endosmoses. 
\ncune  anguiUule  ne  s'est  ranimée  quoiqu'il  y  en  eût  8  inscrites  sur  les 
diverses  étiquettes. 

Ce  résultat,  comparé  au  précédent,  a  paru  surprendre  M.  Pouchet.  Il 
pensait  que  les  animaux  desséchés  sur  verre  après  avoir  été  humectes, 
devaient  mourir  plus  vite  que  ceux  de  l'expérience  XII;  c'est  le  con- 
traire qui  a  eu  lieu,  et  tandis  que  chez  ces  derniers  la  reviviscence  a 
été  exceptionnelle,  les  premiers  au  contraire  ont  lourni  plus  de  vi- 
vants que  de  morts.  Nous  croyons  pour  notre  pari  que  les  animaux 
•enfermés  dans  la  poussière  qui  a  été  exposée  au  soleil  sur  les  toits  de 
,a  Faculté,  ont  éprouvé  des  variations  d'humidité  et  de  température 
plus  fréquentes,  plus  brusques  et  plus  considérables  que  ceux  qui  sont 
restés  constamment  sous  une  cloche  dans  le  laboratoire  de  physique, 
et  c'est  à  celle  cause  que  nous  attribuons  la  difîérence  des  résultats. 
Maisiln-en  est  pas  moins  certain  que  le  31  octobre,  après  soixanle- 
dix-huit  jours  de  dessiccation  naturelle  à  l'ombre,  et  à  la  tempéra- 
ture ordinaire,  bon  nombre  d'animaux,  presque  la  moitié,  avaient 
perdu  leur  propriété  de  reviviscence,  et  il  nous  parait  probable  que 
quelques  mois  de  plus  auraient  sufll  pour  la  faire  perdre  aux  autres. 
Nous  aurons  à  nous  expliquer  plus  loin  sur  la  cause  de  ce  phénomène, 
dont  MM.  Pouchet,  Pennetier  il  Tinel  ont  fait  ressortir  l'importance, 
quoiqu'ils  n'en  aient  peut-être  pas  donné  la  véritable  explication.  _  ^ 
M.  Pouchet  s  était  proposé  de  démontrer  par  les  expérience  prece- 


r< 


67 
dentés  que  la  dessiccation  naturelle  suffît  pour  tuer  sans  retour  les  ani- 
maux. Ses  autres  expériences  ont  eu  pour  but  d'établir  que  la  dessic- 
cation artificielle  amène  promptement  le  même  résultat,  et  qu'aucun 
animal  ne  peut  supporter,  sans  périr  irrévocablement,  une  température 
de  100"  prolongée  pendant  trente  minutes.  Suivant  lui,  les  anguillules 
meurent  vers  la  température  de  75";  les  tardigrades,  entre  80  et  85"; 
les  rotifères  entre  8b  et  90",  et  cette  limite  de  90"  est  la  dernière  qui 
soit  compatible  avec  le  maintien  de  la  vie  chez  les  animaux  soumis 
jusqu'ici  aux  expériences. 

EXP.  XIV.  —  ANIJUUX  CHAUFFÉS  A  100°   DAiNS  L'ÉTCVE  POUCHET; 
NON-REVIVISCENCE- 

Le  16  août  1859,  à  dix  heures  du  matin,  on  prend  une  certaine  quantité  de 
terreau  n"  3  et  on  la  divise  en  deux  parties. 

L'une,  déposée  dans  le  verre  de  montre  n*  7  est  immédiatement  humectée 
pour  servir  de  critérium.  On  la  scelle  sous  la  cloche  humide,  et  le  lendumai 
on  y  trouve  des  animaux  vivants.  Le  terreau  est  donc  fertile. 

IG  août.  La  seconde  partie  du  terreau  est  disposée  en  couche  mince  sur  la 
plaque  de  verre  inférieure  de  l'étuve  Pouchet,  sous  la  forme  d'une  étroite 
bande  transversale  large  de  3  à  4  millimètres.  Le  thermomètre  est  couché 
au-dessus  de  telle  sorte  que  le  tiers  extrême  de  la  boule  recouvre  le  milieu 
de  la  bande  de  terreau. 

Il  est  dix  heures  cinquante  minutes;  l'étuve  est  froide;  le  thermomètre 
marque  25». 

On  chauffe  graduellement  l'étuve,  conformément  au  tableau  suivant,  tracé 
à  l'avance  par  M.  Pouchet  ;  de  cinq  en  cinq  minutes  les  commissaires  s'assu- 
rent que  le  chauffage  ne  s'écarte  pas  sensiblement  des  moyennes  indiquées. 

Il  heures  du  matin 65» 

11  heures  trente  minutes 67*  50 

Midi 70° 

Midi  trente  minutes.  . 72°  50 

l  heure 75° 

1  heure  trente  minutes 77"  50 

2  heures • 80° 

2  heures  trente  minutes 82»  50 

3  heures 85° 

3  heures  trente  minutes 87°  50 

4  heures ,  • 90° 

4  heures  trente  minutes 92»  50 

5  heures 95° 

5  heures  trente  minutes 97°  50 

G  heures 100° 

6  heures  trente  minutes 100» 


68 

A  BIX  lienrps  trente  minutes,  on  éteint  le  ïo.-i  et  l'on  retire  le  terreau  qu'on 
n^partit  dans  les  deux  verres  de  montre  a  et  h. 

Ce  terreau  a  été  cliauffé  pendant  sept  lienres  et  demie;  il  a  supporté  pendant 
quatre  lieures  et  demie  )me  température  égaie  ou  supérieure  à  80";  pendant 
deux  heures  et  demie  une  température  égale  ou  supérieure  a90"  ;  pendant  une 
heure  et  demieunetemiJératureégaleousupérieureàOô";  enlln, pendant  trente 
minutes  une  température  de  100°.  Celte  température  de  100"  n'est  môme 
qu'un  minimum  ;  c'est  celle  qu'a  marquée  le  thermomètre,  mais  il  n'est  pas 
impossil)le  (pie  le  terreau,  répandu  eu  couche  mince  sur  la  plaque  de  verre  qui 
supporte  le  tiiermomètre,  ait  subi  une  température  supérieure  de  quelques 
degrés  à  celle  qu'annonce  la  dilatation  du  mercure. 

Les  deux  verres  de  montre  a  et  b,  renfermant  le  terreau  sec,  sont  placés 
sous  nn  entonnoir,  et  scellés  dans  une  armoire  à  six  heures  trente-cinq 
minutes. 

Le  17  août,  à  une  heure  vingt  minutes,  nous  les  plaçons  sur  un  liège  flot- 
tant dans  l'eau,  et  nous  recouvrons  le  tout  d'une  cloche  sur  laquelle  nous 
apposons  les  scellés. 

Le  18  août,  à  trois  heures  dix  minutes,  les  deux  préparations  sont  humec- 
tées et  SI  ellées  de  nouveau  sous  la  cloche  humide  pour  être  examinées  le 
lendemain. 

Le  19  août,  à  quatre  heures,  nous  brisons  les  scellés.  Les  deux  verres  a  et  6 
renferment  beaucoup  de  corps  de  rotifères,  les  uns  endosmoses  et  déployés, 
les  autres  rétractés  en  houle,  et  quelques  cailavres  de  tardigrades  flottant  à 
vau-l'eau.  Aucun  animal  vivant,  si  ce  n'est  quelques  très-petits  infusoires. 

La  préparation  n'a  plus  été  examinée. 

Dans  cette  expérience,  M.  Pouchet  a  suivi  Irès-exiiclement  les  pré- 
copies de  iM.  Doyère  pour  l'humeclation  après  lechauffnge,  mais  il  n'a 
pas  pris  le  soin  do  dessécher  préalablement  les  animaux  à  froid.  Celte 
|)récaulion  a  été  prise,  quoique  peul-élro  d'une  manière  insuffisante, 
par  la  faute  de  l'appareil,  dans  l'cxpénence  qai  suit. 

E\P.  XY.  —  AMMAirx  DKSSÉCIIKS  SlIIl  VEllUE  PENDANT  CINQ  JOmS  SOT'S  LA 
MACIUNE  PNEli.MATIOllE  ET  CHAIFFÉS  A  100"  PENDANT  TRENTE  MINUTES 
DANS  l'ÉTCVE  de  GAY-IASSAC.  NON-RÉVIVlSCENCE. 

Le  12  août  1859,  on  prépare  avec  le  terreau  n"  2  deux  plaques  de  verre  et 
cinq  verres  de  montre.  On  les  humecte  et  l'on  constate  le  jour  mémeqtril  y  u 
partout  des  animaux  vivants.  A  cinq  heures  on  scelle  les  préparations  sous 
la  cloche  humide,  qui  repose  sur  plusieurs  couches  de  pa[iier  Joseph. 

Le  13  août,  on  prépare  avec,  le  terreau  n°  3  neuf  autres  plaques  de  verre, 
on  les  liuniecle,  el,  après  avoir  constati'  (pi'il  y  ai):irto»it  des  animaux  vivants, 
on  scelle  ces  nouvelles  préparations  sons  la  cloche  humide. 

Le  K)  août,  les  sept  pn'paialions  du  12  août,  el  les  neuf  préparations  du 
13  août  paraissent  encore  légèrement  humides.  On  les  place  sans  les  hu- 


69 
mecter  de  nouveau,  sous  une  cloclic  a  soupirail  qui  repose  sur  paiùer  Joseph 
et  l'on  pose  les  scellés. 

Le  17  août,  à  une  lieure  trente  minutes,  trois  des  verres  de  montre  et  six 
des  plaques  de  verre  du  13  août,  bien  étiquetés,  sont  transportés  dans  le  la- 
boratoire de  chimie  au  res-de-chaussc'e,  et  placés  sous  la  cloche  de  la  ma- 
chine pneumaliqucavcc  un  coupe  d'acide  sulfuri(iue  concentré.  On  fait  le  vide 
à  3  millimètres  1/2.  On  scelle  la  machine. 

Le  l'Jaoùt,  à  trois  heures,  la  cloche  tient  encore  le  vide  à  4  millimètres  1/2. 

Le  22  aoùfj  la  machine  n'a  pas  tenu  le  vide  ;  le  baromètre  ne  marque  plus. 
On  ouvre  le  robinet  et  l'air  rentre  assez  mollement,  ce  qui  indique  qu'il  était 
déjà  rentré  sous  la  cloche  une  notable  quantité  d'air. 

On  ne  peut  préciser  le  moment  où  la  machine  a  lâché. 

Quoique  le  vide  n'ait  pas  tenu  complètement,  on  se  décide  à  procéder  au 
cliauffage. 

Le  22  août,  à  dix  heures  et  demie  du  matin,  on  brise  les  scellés  de  la  ma- 
chine pneumatique,  on  relire  les  neufs  pré[iarations  ;  on  les  transporte  au 
premier  étage,  dans  le  laboratoire  de  physique,  et  on  les  dispose  dans  l'étuve 
à  eau  de  Gay-Lussac. 

A.  dix  heures  et  demie,  on  allume  le  feu. 

A  onze  heures,    le   tiiermomètre  manjuc  60". 

A  onze  heures  cinq  minutes  ...     —  85*.  On  éteint  le  feu. 

A  onze  heures  huit  minutes  ...     —  80°.  On  rallume. 

A  onze  heures  quinze  minutes  .  .      —  85''.  On  éteint. 

A  onze  heures  vingt  minutes.  .  .      —  82°.  On  rallume. 

A  midi —  85°. 

A  une  heure —  90°. 

A  deux  heures —  95". 

A  trois  heures —  Ébullitiou. 

On  maintient  l'ébullition  jusqu'à  trois  heures  trente  minutes,  puis  on  éteint 
le  feu  et  on  ouvre  la  porte  de  l'étuve. 

A  trois  heures  quarante  minutes,  on  retire  les  objets. 

A  trois  heures  quarante-cinq  minutes,  on  les  place  sous  la  cloche  humide. 

A  quatre  heures  quarante  minutes,  ou  les  humecte  et  on  les  scelle  sous  la 
cloche  humide. 

Le  23  août,  à  dix  heures  du  malin,  on  brise  les  scellés  et  on  examine  les 
préparations.  Tous  les  objets  sont  encore  baignés  d'eau.  On  retrouve  tous  les 
corps  des  animaux  qui  ont  été  vus  vivants  le  12  et  le  13,  et  qui  sont  indiqués 
sur  les  étiquettes.  Quelques  rotifères  sont  en  boule,  les  autres  sont  endos- 
moses, ainsi  que  les  tardigrades.  Plusieurs  grands  rotifères  ont  un  œuf  dans 
le  corps;  mais  les  viscères  sont  désorganisés,  et  tous  les  animaux  paraissent 
morts. 

Les  préparations  n'ont  pas  été  examinées  ultérieurement. 

Jusqu'ici  nous  avons  vu  M.  Pouchel  procéder  au  chauffage  soit  dans 
son  éluve,  soit  dans  celle  de  Gay-Lussac;  et  dans  les  deux  cas,  la 


^'< 


^..^i^--- 


70 
tempéralurc  de  100",  prolongéo  pendant  tri-nle  minutes,  a  été  mortelle 
pour  tous  les  animaux.  Voici  maintenant  une  ll■ûi^ième  expérience  que 
nous  rapportons  la  dernière,  quoiqu'elle  n'ait  pas  été  la  dernière  en 
date.  On  pouvait  objecter  contre  l'étuve  Pouchet  qu'elle  ne  donnait 
pas  avec  une  exactitude  rigoureuse  la  température  du  terreau,  et  con- 
tre réluve  de  Gay-Lussac  qu'elle  ne  permettait  pas  d'établir  dans  la 
chambre  à  air  un  courant  régulier  d'air  sec.  Nous  avions  proposé  à 
M.  Pouchet  de  se  servir  de  Péluve  Doyère,  mais  il  éleva  à  son  tour  des 
doutes  sur  la  précision  de  cette  étuve.  On  choisit  donc,  sur  la  propo- 
sition de  M.  Bcrthelot,  un  appareil  tout  à  l'ait  différent  des  autres,  et 
comme  c'est  avec  ce  même  appareil  modifié  que  nous  avons  exécuté 
plus  tard  nos  propres  expériences,  nous  devons  vous  dire  dès  main- 
tenant en  quoi  il  consiste. 

Il  est  construit  sur  le  type  de  l'appareil  à  dessiccation  de  Liebig. 
Un  tube  en  U,  très-ouvert,  reçoit  dans  sa  partie  horizontale  la  sub- 
stance qu'on  veut  dessécher  (1).  Ce  tube  est  plongé  dans  un  bain 
dont  la  température  est  indiquée  par  un  thermomètre.  L'une  des  bran- 
ches du  tube  en  U  communique  avec  un  grand  vase  à  siphon  rempli 
d'eau;  c'est  le  vase  aspirateur.  L'autre  branche  de  ce  dernier  tube  com- 
munique avec  le  tube  à  dessiccation  qui  communique  lui-même  avec 
l'air  extérieur,  et  qui  est  rempli  d'un  côté  de  potasse  caustique,  de 
l'autre  côlé  de  ponce  sulfurique  (2).  Le  siphon  aspirateur  est  muni 
d'un  robinet.  Lorsqu'on  ouvre  le  robinet,  l'eau  s'écoule,  le  vide  tend  à 
se  faire  dans  la  partie  supérieure  du  grand  vase,  et  l'air  du  tube  en  U  est 
attiré  et  remplacé  par  de  l'air  nouveau,  qui  a  traversé  le  tube  à  dessic- 
cation. On  parvient  ainsi  à  renouveler  l'air  pendant  toute  la  durée  du 
chauffage,  et  à  entraîner  la  vapeur  d'eau  à  mesure  qu'elle  se  dégage, 
sans  exposer  la  matière  organique  au  contact  de  l'immidité  atmosphé- 
rique. 

Cet  appareil  a  été  déOnitivcment  adopté  par  M.  Pouchet  comme  plus 
parfait  que  tous  les  autres,  et  suivant  son  vœu,  nous  nous  en  sommes 
servis  dans  nos  expériences  propres,  en  lui  faisant  subir  de  très-légères 
modifications  qui  n'eu  ont  pas  changé  le  caractère. 

EXP.    XYL  —  ANIMAUX  CHAUFFÉS  X    100°  PENDA.NT  TRli.NTK  MI.NUTES  DANS 
LE  TUBE  EN   U.  NON-RÉVIVISCENCE. 

LclGaofit   1859,  à  dix  lieurcs  et  demio  liii  matin,  M.  l'ouchcl  introduit 


(1)  Voy.  la  planche,  (iy.  II. 

(2)  Voy.  la  planche,  fig.  I. 


71- 

dans  le  tube  en  U  nne  partie  du  terreau  n°  3,  dont  la  fertilité  a  été  vérifiée 
le  même  jour  pour  l'expérience  XIV. 

A  onze  heures  trente  minutes,  on  commence  à  chauffer;  à  midi,  le  thermo- 
mètre (In  bain  marque  70». 

Depuis  midi  Jusqu'à  six  heures  trente  minutes,  on  a  dirigé  le  chaufTage  de 
manière  à  atteindre  graduellemeut  de  demi-heure  eu  demi-heure  lès  tem- 
pératures indiquées  sur  le  tableau  do  l'expérience  XIV.  Ces  deux  expériences 
ont  marché  de  front,  et  ont  été  surveillées  de  la  même  manière  par  les 
commissaires. 

A  six  heures,  la  température  est  à  100°. 

On  prolonge  l'ébuUition  jusqu'à  six  heures  trente  minutes. 

On  retire  alors  l'appareil,  on  le  démonte,  et  on  en  extrait  le  terreau  ;  on  le 
place  dans  le  verre  de  montre  c,  et,  sans  l'humecter,  on  le  scelle  dans  l'ar- 
moire sous  un  entonnoir  renversé. 

Le  17  août,  à  une  heure  vingt  minutes,  on  scelle  le  verre  c  sous  une  clo- 
che humide. 

Le  18  août,  à  trois  heures  dix  minutes,  on  humecte  le  verre  et  on  replace 
les  scellés. 

Le  19  août,  à  quatre  heures,  ou  examine  la  préparation  :  on  n'y  trouve  que 
des  animaux  morts,  rotifères  ou  tardigrades. 

Ici  se  termine,  messieurs,  la  série  des  expériences  de  M.  Pouchet,  et 
si  deux  d'entre  elles  n'ont  pas  répondu  entièrement  à  son  attente,  nous 
devons  déclarer  que  dans  tous  les  autres  cas,  le  résultat  obtenu  a  été 
exactement  celui  qu'il  nous  avait  annoncé. 

Les  expériences  de  chaufTage,  en  particulier,  ont  entièrement  échoué, 
dans  le  même  laboratoire  précisément  où,  quelques  semaines  aupa- 
ravant, celles  de  M.  Doyère  avaient  parfaitement  réussi. 

Nous  pouvions  nous  dire,  sans  doute,  qu'une  expérience  négative 
ne  saurait  détruire  la  valeur  d'un  fait  positif  bien  constaté.  Mais 
M.  Pouchet  avait  fait,  devant  nous,  de  trois  manières  différentes,  trois 
tentatives  infructueuses.  Nous  savions,  en  outre,  et  nous  n'en  avions 
jamais  douté,  qu'il  avait  fait  dans  son  propre  laboratoire,  soit  seul, 
soit  avec  le  concours  de  ses  disciples,  un  grand  nombre  d'expériences 
tout  aussi  négatives.  Le  caprice  du  hasard  ne  pouvait  donc  pas  nous 
expliquer  la  différence  des  résultats  obtenus  devant  nous  par  les  deux 
adversaires,  et  nous  devions  chercher  les  causes  de  celte  différence 
dans  les  conditions  mêmes  de  l'expérience.  C'est  ce  que  nous  avons 
fait  avant  de  nous  mettre  à  l'œuvre,  et  le  succès  que  nous  avons 
obtenu,  tout  en  nous  permettant  de  donner  raison  à  M.  Doyère  sur  le 
point  principal  du  débat,  nous  a  permis  en  même  temps  de  signaler 
les  causes  qui  ont  empêché  jusqu'ici  ses  adversaires  de  réussir. 


72 
III.  Expériences  de  la  commission. 

Parmi  les  expériences  variées  qui  avaient  été  exécutées  devant  nous, 
il  y  en  avait  plusieurs  que  nous  n'avions  pas  besoin  de  répéter.  La 
commission  avait  adopté,  dès  le  premier  jour,  comme  principe  uni- 
forme, la  règle  de  toujours  poser  les  scellés  sur  les  préparations  qui 
étai((nt  faites  en  sa  présence.  Dès  lors  elle  prenait  sous  sa  responsabi- 
lité toutes  les  épreuves  simples  qui  n'exigeaient  pas  des  manipulations 
spéciales.  Que  les  animalcules  des  expériences  I  et  II  aient  été  dépo- 
sés sur  le  verre  par  M.  Doyère  lui-même  ou  par  les  membres  de  la 
commission,  cela  ne  change  rien  à  la  chose;  nous  avons  constaté  de 
nos  propres  yeux  que  les  animaux  étaient  parfaitement  à  nu;  nous  les 
avons  ranimés  ensuite  après  les  avoir  tenus  sous  nos  scellés  pendant 
trois  jours,  et  nous  pouvons  affirmer  dès  lors  que  des  animaux  des- 
séchés à  nu  sur  le  verre  peuvent  conserver  au  bout  de  trois  jours  leur 
propriété  de  reviviscence.  Nous  en  dirons  autant  des  expériences  III, 
IV,  V,  IX,  X,  XII  et  XIII.  L'expérience  XI,  relative  à  la  démonstration 
d'uu  fait  qui  n'est  pas  contesté,  n'avait  pas  besoin,  plus  que  les  pré- 
cédentes, d'être  répétée.  Nous  pourrons  donc  vous  présenter  en  toute 
sécurité,  comme  des  vérités  constatées  par  nous,  les  conclusions  qui 
découlent  de  ces  diverses  expériences. 

Mais  les  épreuves  du  chauffage  au  delà  80°  exigent  des  opérations 
compliquées,  dont  le  modus  faciendi  varie  notablement  au  gré  de 
l'expérimentateur,  et  dont  la  précision  doit  toujours  être  discutée. 
Quand  même  ces  épreuves  auraient  fourni  le  môme  résultat  entre  les 
mains  de  MM.  Doyère  et  Pouchet,  nous  aurions  cru  de  notre  devoir  de 
les  répéter  encore,  ne  pouvant  assumer  devant  vous  la  responsabilité 
d'une  expériencedélicatequenousnaurionspas  exécutée  nous-mêmes; 
Mais  ce  devoir  devenait  tout  à  fait  impérieux,  puisque  les  deux  adver- 
saires avaient  obtenu  devant  nous  des  résultats  contradictoires.  Nous 
avons  donc  décidé  que  nous  nous  bornerions  à  répéter  l'épreuve  du 
chauffage,  et.  avant  de  faire  notre  plan,  nous  avons  comparé  et 
analysé  l'expérience  positive  de  M.  Doyère  et  les  expériences  néga- 
tives de  M.  Pouchet. 

Nous  avons  trouvé  que  les  circonstances  au  milieu  desquelles  ces 
deux  expérimentateurs  ont  opéré  devant  nous,  diffèrent  à  plusieurs 
égards,  et  nous  avons  dû  choisir  pour  nos  propres  expériences  les 
conditions  qui  se  rapprochaient  le  plus  de  celles  dont  M.  Doyère  s'est 
entouré;  nous  l'avons  l'ait  du  moins  toutes  les  fois  que  cela  nous  a  été 
possible  sans  sortir  du  programme  tracé  par  M.  Pouchet. 


73 

1*  M.  Pouchet  a  opéré  sur  des  animaux  élevés  à  l'ombre,  M.  Doyère 
sur  des  animaux  élevés  sur  des  toits  exposés  au  soleil. 

2°  M.  Doyère  a  fait  précéder  la  dessiccation  à  chaud  d'une  dessic- 
cation artificielle  à  froid,  dans  le  vide  sec  prolongé  pendant  quatre 
jours,  et  aussi  parfait  que  possible.  M.  Pouchet,  sur  trois  expériences 
de  chaiiff.ige  à  100°  n'a  eu  recours  qu'une  seule  fois,  dans  l'expé- 
rience XV,  à  répreuve  préalable  de  vide  sec;  celle  expérience  XV  est 
donc  la  seule  dont  le  résultat  négatif  puisse  paraître  en  contradiction 
avec  les  résultats  positifs  obtenus  par  M.  Doyère. 

3'  Cette  expérience  unique  donne  prise  aux  trois  objections  sui- 
vantes : 

a.  Le  vide  a  été  maintenu  pendant  cinq  jours,  mais  il  n'a  été  par- 
fait qu'au  commencement;  la  machine  n'a  pas  été  surveillée  pendant 
les  tiois  derniers  jours,  et,  lorsqu'on  a  rendu  l'air,  le  baroniètie  ne 
marquait  plus  depuis  un  laps  de  temps  qu'on  ne  peut  préciser. 

6.  Au  sortir  de  la  machine  pneumatique,  les  plaques  de  verre  et  les 
verres  de  montre  ont  élé  transportés  jusqu'à  l'étuve  sans  être  protégés 
contre  l'humidité  atmosphérique.  La  machine  pneumatique  était  au 
rez-de-chaussée,  dans  le  laboratoire  de  chimie  ;  l'étuve  était  au  pre- 
mier étage,  dans  le  laboratoire  de  physique.  Il  a  donc  fallu  traverser 
la  cour  de  la  Faculté,  et,  quoique  l'air  ne  fût  pas  humide  ce  jour-là, 
les  animaux  ont  dii  s'hydrater  pendant  le  trajet. 

c.  Le  chauffage  a  été  fait  dans  l'étuve  de  Gay-Lussac,  qui  n'est  pas 
pourvue,  comme  celle  de  M.  Doyère,  d'un  tube  serpentin  destiné  à 
entretenir  dans  la  chambre  à  air  un  courant  continuel  d'air  chaud. 

Nous  ne  prétendons  pas  que  ces  trois  objections  soient  fondées; 
nous  ne  pouvons  dire  si  toutes  les  précautions  minutieuses  recom- 
mandées par  M.  Doyère  sont  réellement  indispensables;  nous  nous 
bornons  à  exposer  ici  les  différences  des  deux  procédés;  car  il  est 
clair  qu'il  faut  avoir  suivi  rigoureusement  tous  les  préceptes,  utiles  ou 
illusoires,  de  M.  Doyère,  pour  pouvoir  dire  que  son  expérience  a 
échoué. 

4°  Voici  maintenant  une  différence  beaucoup  plus  importante,  qui 
explique  sans  doute  mieux  que  les  précédentes  la  différence  des  résul- 
tats obtenus.  M.  Doyère  prolonge  beaucoup  moins  que  M.  Pouchet  la 
séance  de  chauffage.  Il  procède  avec  assez  de  lenteur  jusqu'à  80",  puis 
il  monte  rapidement  jusqu'à  la  température  de  l'ébullition,  et  ne  la 
maintient  que  quelques  minutes.  M.  Pouchet  fait  des  séances  beau- 
coup plus  longues,  maintient  les  animaux  pendant  plusieurs  heures 
au-dessus  de  80%  et  arrive  très-lentement  à  la  température  de  l'ébul- 
lition qu'il  prolonge  pendant  trente  minutes.  C'est  ce  qui  résulte  du 
tableau  suivant  : 


7'i 


POUCHE 

T. 
XIV. 

Expéi'.  XV. 

Exp 

Eip. 

XVI. 

4  h. 

40  m. 

7  h. 

30  m. 

7  h. 

0  m 

3 

40 

4 

30 

4 

30 

4 

40 

2 

30 

2 

30 

Environ  1 

1 

0 

1 

0 

0 

30 

0 

30 

0 

30 

DOYERE. 

Ejpér.  YI  et  VII. 

Durée  totale  du  chauffage 1  li.  35  m. 

Au-dessus  de  80".  .  .  0  35 
Au-dessus  de  90".  .  .  0  25 
Au-dessus  de   97°  1/2.    0        10 

Température  de  l'ébullition. ...    0         5 


Or  tout  le  monde  accorde  que  les  rotifères  et  les  tardigrades  peu- 
vent être  portés  sans  danger  à  la  température  de  80".  C'est  au-dessus 
de  80"  que  commencent  les  températures  dangereuses,  et  il  n'est  pas 
démontré  que  celle  de  dOO"  soit  nécessaiiemcnt  plus  dangereuse  pour 
eux  que  celle  de  93  ou  de  90,  ou  même  de  85°;  il  est  probable  même 
qu'une  température  de  85",  prolongée  pendant  plusieurs  heures,  est 
plus  dangereuse  qu'une  température  de  100"  et  plus  prolongée  seule- 
ment pendant  dix  ou  quinze  minutes.  C'est  ce  qui  ressort  des  expé- 
riences contenues  dans  ce  rapport  et  de  celles  qui  ont  été  publiées 
depuis  quelques  mois  par  MM.  Pouchet,  Gavarret  et  Doyère.  Il  suffit 
certainement  de  quelques  minutes  pour  qu'une  petite  quantité  de  ma- 
tière organique,  sèche  et  poreuse,  déjà  chauffée  graduellement  pen- 
dant plus  d'une  heure,  se  mette  en  équilibre  de  température,  dans 
toutes  ses  parties,  avec  l'air  de  Téluve;  et  lorsque  nous  voyons,  par 
exemple,  dans  les  expériences  VI  et  VII  du  M.  Doyère,  le  thermomètre 
marquer  97°  1/2  ou  au  delà  pendant  dix  minutes,  nous  ne  pouvons 
douter  que  les  mousses  au  milieu  desquelles  plongeait  la  boule  du 
thermomètre  aient  éprouvé  réellement  la  même  température  pendant 
ces  dix  minutes.  Réduisons,  si  l'on  veut,  à  cinq  minutes  la  durée  du 
temps  pendant  lecjuel  les  animaux  ont  été  entièrement  pénétrés  de 
cette  température,  il  n'en  sera  pas  moins  certain  (pi'ils  ont  été  rani- 
més après  avoir  supporté  le  degré  de  chaleur  le  plus  élevé  qu'on 
puisse  atteindre  dans  une  étuve  à  eau  bouillante  {i].  Mais  ils  n'ont 
subi  cette  température  dangereuse  que  pendant  quelques  minutes,  et 


(!)  Je  tiens  de  M.  Wuilz  que  la  chaleur  de  la  chambre  à  air  ilans  l'étuvc  de 
Gay-l.UKsac  ne  (Irpussc  p:uèrc  95».  Si  IN'tiivc  Doyère  donne  jusiiu'a  08°,  c'est 
parce  que  l'air  (pii  y  pénètre  s'est  déjà  réchauffé  dans  le  serpentin,  tandis 
que  l'air  e.\térieur  pénètre  directement  dans  l'éluve  Gay-Lussac  à  Iraters  les 
Jointures  dn  la  porte. 


75 
ce  qui  résulte  de  plus  certain  des  expériences  de  M.  Pouchet,  c'ost 
que  le  danger  s'accioil  avec  la  durée  des  épreuves.  Vous  voyez  main- 
tenant combien  sont  différentes  les  conditions  au  milieu  desquelles 
les  deux  expérimentateurs  ont  opéré  devant  nous.  L'un  a  maintenu 
les  températures  dangereuses  pendant  trente-cinq  minutes  seulement, 
l'autre  pendant  trois  heures  quarante  minutes  et  pendant  quatre 
heures  trente  minutes;  le  premier  n'a  maintenu  le  maximum  de  cha- 
leur que  pendant  cinq  minutes,  le  second  pendant  trente  minutes.  Il 
n'en  faudrait  pas  davantage  assurément  pour  expliquer  la  différence 
des  résultats  obtenus. 

M.  Pouchet,  qui  a  élevé  des  doutes  sur  la  précision  de  Téluve  de 
M.  Doyère,  a  déclaré  en  outre  que  la  durée  du  chauffage  avait  été  in- 
suffisante. Il  pense  que  ce  n'est  pas  assez  de  maintenir  la  température 
maximum  pendant  quelques  minutes,  un  temps  aussi  court  ne  pouvant 
donner  la  certilude  que  la  chaleur  indiquée  par  le  thermomètre  a  bien 
réellement  atteint  les  animaux.  Il  demande  donc  que  l'épreuve  du 
chauflage  soit  faite  dans  un  tube  en  U  analogue  à  celui  dont  il  s'est 
servi  dans  l'expérience  XVI,  qu'on  opère  avec  une  petite  quantité  de 
substance,  et  qu'on  maintienne  la  température  maximum  pendant 
trente  minutes.  Tel  est  le  programme  qu'il  nous  a  tracé  et  qu'il  a  rédigé 
dans  les  termes  suivants  : 

Paris,  le  2  novembre  1859. 

«  Toutes  les  opinions  et  toutes  les  expériences  de  Spallanzani  et 
«  de  ses  successeurs  sont  vraies  ou  peuvent  être  vraies,  du  moment 
«  où  l'animal,  quel  qu'il  soit,  aura  subi  une  dessiccation  absolue  et 
«  supporté  une  température  de  100°  pendant  trente  minutes. 

«  En  présence  d'un  tel  fait,  j'anéantis  cent  expériences  variées,  qui 
«  cependant  s'élèvent  contre  lui;  car,  pour  moi,  un  animal  qui,  dans 
«  ces  circonstances,  revivrait  après  un  seul  jour,  pourrait  revivre 
«  après  un  siècle. 

«  Je  suis  assez  convaincu  de  ce  que  j'avance  pour  laisser  sans  limites 
«le  choix  des  espèces  et  le  mode  d'expérimentation;  seulement,  à 
«  l'égard  de  la  température  de  dOO»,  comme  l'appareil  de  M.  Berlhelol 
«  est  le  plus  scientifique  que  l'on  ait  encore  employé,  je  demande  qu'il 
«  soit  préféré,  en  suivant  les  précautions  que  j'ai  indiquées  à  la  page  71 
«  de  mon  mémoire  sur  les  animaux  ressuscitants,  et  en  n'employant 
«  que  fort  peu  de  substance,  1  ou  2  décigrammes  au  plus. 

«  Signé  Pouchet.  » 

L'appareil  désigné  dans  celte  note,  sous  le  nom  de  M.  Berthelot,  n'est 
autre  que  l'appareil  à  deSvSiccation  de  Liebig,  légèrement  modifié  par 


76 
notre  collègue  pour  les  besoins  de  l'expérience  XVf.  Nous  l'avons  mo- 
difié encore  depuis  lors,  pour  rendre  lo  résultat  plus  rigoureux  et 
plus  précis,  nous  vous  décrirons  tout  à  l'heure  cet  appareil  ainsi  deux 
fois  modifié,  et  vous  verrez  qu'il  est  toujours  parfaitement  conforme 
au  principe  adopté  par  M.  Puuchet.  Les  précautions  qui  sont  recom- 
mandées à  la  page  71  du  mémoire  indiqué  ont  pour  but  d'empêcher 
qu'il  ue  leste  des  animaux  dans  la  partie  supérieure  du  tube  en  U,  et 
que  ces  animaux,  soumis  à  une  température  inférieure  à  celle  du 
bain,  ne  soient  ensuite  confondus  avec  les  autres.  Sous  ce  rapport, 
nous  avons  poussé  la  prudence  aussi  loin  que  possible.  Enfin,  pour 
nous  conformer  aux  termes  du  programme  plus  complètement  encore 
que  M.  Pouchet  ne  le  demandait,  nous  avons,  dans  notre  expérience 
décisive,  substitué  le  bain  d'huile  au  bain  d'eau,  afin  que  la  tempéra- 
ture du  tube  en  U,  au  lieu  de  rester  à  08°,  comme  cela  a  lieu  dans  les 
moillouies  éluvcs  à  eau,  put  s'élever  réellement  jusqu'à  100".  Cette 
modification  avait  en  outre  l'avantage  de  ne  pas  répandre  de  la  vapeur 
d'eau  dans  l'air  du  laboratoire;  quoique  l'air  admis  dans  l'éluve  tra- 
versât un  appareil  à  dessiccation,  nous  étions  d'autant  plus  certains 
d'exclure  la  vapeur  d'eau,  qu'il  y  en  avait  moins  dans  l'air  ambiant. 

Le  choix  des  matériaux  étant  laissé  entièrement  à  notre  disposition, 
nous  avons  préféré  les  mousses  au  terreau,  et  nous  nous  sommes 
servis  exclusivement  des  échantillons  que  M.  Doyère  nous  avait 
remis. 

Enfin,  nous  avons  pensé  que  nous  pouvions  prolonger  l'action  du 
vide  sec  avant  le  chauffage  bien  plus  longtemps  que  ne  l'a  fait 
M.  Doyère.  En  effet,  la  dessiccation  préalable  à  froid,  qui  est  pour  ce 
dernier  un  élément  de  succès,  est  au  contraire,  aux  yeux  de  M.  Pou- 
chet, une  cause  d'insuccès,  puisque  les  animaux  sont  ainsi  exposés  à 
deux  dangers  au  lieu  d'un.  Nous  nous  sommes  dit  par  conséquent 
que,  si  nous  réussissions,  M.  Pouchet  ne  pourrait  nous  reprocher 
d'avoir  trop  ménagé  les  animaux,  et  que  si  nous  ne  réussissions  pas, 
M.  Doyère  ne  pourrait  nous  reprocher  de  les  avoir  privés  d'une  chance 
favorable.  Le  vide  sec  a  donc  été  prolongé  dans  un  cas  pendant  quatre- 
vingt-deux  jours. 

Les  expériences  de  M.  Pouchet  avaient  été  terminées  le  2  novembre. 
Le  S,  la  commission  a  tracé  le  plan  de  celles  qu'elle  allait  entrepren- 
dre, et  elle  les  a  commencées  le  11)  novembre  1859,  à  trois  heures  de 
l'après-midi. 

Matériaux  des  expériknces.  —  N»  1.—  (Bolle  ii«  4.)  Mousse  recueillie  le 

1*2  juin  1859,  dans  mie  carrière  du  Bas-Meutlon-,  face  au  sud;  terreau  blond. 
La  bolle  a  élé  conservée  dans  mon  cabinet  depuis  le  4  juillet  jusqu'à  ce 


77 

jour.  Trois  préparations  successives  faites  le  11,  le  13  et  le  14  novembre 
par  le  rapporteur,  ont  montré  que  près  des  trois  quarts  des  animaux  (rolifères 
et  macrobiotes)  sont  encore  parfaitement  r.;viviscenls. 

N"  2.  —  (Boite  n*  9.)  Mousses  provenant  du  toit  Ratier,  aux  Ternes,  face  au 
sud,  recueillies  il  y  a  quelques  jours  par  M.  Doyère. 

Lp  terreau  est  légèrement  brun;  il  ne  renferme  que  des  rotifères,  tous  ré- 
viviscibles. 

N»  3.  —  (Bolle  n"  2.)  Mousses  recueillies  le  10  mai  1859,  à  Toulon,  sur  le 
toit  de  la  vieille  boulangerie  de  la  marine;  face  au  nord;  terreau  noir. 

Celte  mousse  ne  renferme  qu'un  petit  nombre  d'animaux.  Une  préparation 
faite  par  le  rapporteur,  le  11  novembre,  ne  lui  a  montré  qu'un  rotifère,  un 
macrobiote  et  une  auguillule.  Ces  trois  animaux  se  sont  ranimés. 

MISE  EN  TftAiN  DES  EXPÉRIENCES.  —  Le  19  novembre  1859,  à  trois  heures, 
après  avoir  choisi  ces  trois  échaniillons,  nous  plaçons  sous  la  machine  pneu- 
matique à  cloche  pleine,  à  côté  d'une  large  coupe  renfermant  de  l'acide  sul- 
furiquedeux  fois  rectiOé,  les  objets  suivants  : 

1°  Un  tube  en  U  très-évasé,  semblable  à  celui  dont  s'est  servi  M.  Pouchet 
dans  l'expérience  XVI  (l),  contenant  20  centigrammes  de  la  mousse  de  l'é- 
chantillon n"  1.  La  mousse  a  été  poussée  jusqu'au  fond  du  tube,  dont  la 
branche  verticale  a  ensuite  été  ramonée  dans  toute  sa  longueur  avec  un  gros 
tampon  de  coton  cardé.  Deux  bouchons  pleins,  préparés  à  l'avance  pour  ce 
tube,  sont  placés  à  côté  de  lui,  afin  qu'on  puisse  le  refermer  instantané- 
ment lorsqu'on  l'extraira  de  la  machine. 

2'  Trois  tubes  en  U,  de  forme  très-allongée,  préparés  avec  leurs  bouchons 
tubulés,  qu'on  place  à  côté  d'eux.  Ces  tubes  sont  vides. 

3°  Une  certaine  quantité  de  coton  cardé,  afin  qu'on  puisse  essuyer  les 
tubes  avec  une  substance  parfaitement  sèche  lorsqu'on  voudra  s'en  servir. 

4°  Enfin  trois  petites  cupules  en  cuivre  numérotées,  et  renfermant  le.« 
échantillons  suivants  : 

Cupule  n»  16,  mousse  de  l'échantillon  n'  l  (boite  n"  4). 
Cupule  n»  29,  mousse  de  l'échantillon  n"  3  (boite  n*  2). 
Cupule  n"  12,  mousse  de  l'échantillon  n»  2  (boite  n»  9). 

Ces  trois  échantillons  sont  à  peu  près  d'égal  volume.  La  balance  de  pré- 
cision du  laboratoire  de  physique  étant  dérangée,  nous  n'avons  pu  les  peser 
rigoureusement;  mais  un  fragment  de  l'échantillon  n°  l ,  aussi  égal  (|ue  pos- 
sible à  celui  qui  a  été  déposé  dans  la  cupule  U'^  IG,  a  été  mis  de  côté  pour 
être  pesé  plus  tard.  Il  pesait  exactement  365  milligrammes. 

On  laisse  ces  divers  objets  pendant  une  heure  sous  la  cloche  de  la  niacliine 
pneumatique.  A  quatre  heures  trente  minutes,  nous  faisotis  !;•  vide  incom- 
pléîement,  jusqu'à  ce  que  le  baromètre  commence  à  marquer. 


(1]  Voir  la  planche,  flg.  II. 


\ 


78 

Le  21  novembre,  à  dix  heures  et  demie  du  malin,  ou  pompe  jusqu'à  ce  que 
le  mercure  descende  à  13  millimètres. 

Enfin,  le  même  jour  à  deux  heures  de  l'après-midi  on  porte  le  vide  à  5  mil- 
limètres. 

Le  3  décembre  1859,  le  vide  tient  toujours  à  5  millimètres.  On  extrait  le  tul)e 
en  U  qui  renferme  de  la  mousse  de  l'échantillon  n^l,  et  qui  est  destiné  à  l'ex- 
périence XIX.  Cette  extraction  se  fait  de  la  manière  suivante.  On  adapte  au  tube 
à  robinet  de  la  machine  pneumatique  un  tube  à  dessiccation  rempli  de  porno 
sulfurique.  On  ouvre  très-légèrement  le  robinet  a  une  heure  quarante-sept 
minutes  et  l'on  entend  un  tout  petit  sifflement  qui  indique  l'entrée  de  l'air  et 
qui  dure  plusieurs  minutes.  L'air  est  donc  rentre  très-leutemeut,  et  a  eu  le 
temps  de  se  dessécher  dans  le  tube  à  dessiccation. 

A  une  heure  cinquante-sept  minutes,  l'un  des  commissaires  soulève  ra 
pidement  la  cloche,  un  autre  extrait  en  un  clin  d'œil  le  tube  en  U  avec  ses 
deux  bouchons  et  un  peu  de  coton  cardé,  et  l'on  replace  immédiatement  l'a 
cloche  qu'on  lute  aussitôt. 

Occupés  de  la  préparation  de  l'expérience  de  ce  jour,  nous  n'avons  pu  re- 
faire le  vide  qu'à  deux  heures  seize  minutes;  mais  on  remarquera  que  l'air 
rentré  sous  la  cloche  était  parfaitement  sec,  que  la  cloche  n'a  été  soulevée 
que  d'un  côté,  et  qu'elle  n'est  pas  restée  soulevée  plus  d'une  ou  deux  se- 
condes, qu'enfin  l'acide  sulfurique  a  dû  attirer  et  absorber  l'humidité  de  la 
petite  quantité  d'air  qui  a  pu  pénétrer  sous  la  cloche,  et  on  eu  conclura  que 
les  mousses  contenues  dans  les  cupules  n'ont  pas  dû  s'hydrater  d'une  manière 
sensible. 

On  fait  le  vide  jusqu'à  56  millimètres.  La  machine  s'échaulFe,  on  est  obligé 
de  s'arrêter.  Le  lendemain  on  porte  le  vide  à  3  milimètres. 

Le  3  janvier  1860,  le  vide  persiste  toujours  à  3  millimètres.  On  rend  l'air 
avec  les  mêmes  précautions  que  précédemment,  et  on  extrait  le  plus  rapide- 
ment possible  une  partie  de  la  mousse  contenue  dans  la  cupule  u"  16.  Cette 
mousse  est  destinée  à  l'expérience  XVII.  On  rétablit  aussitôt  le  vide  à  4  mil- 
limètres. 

Le  2  février,  on  extrait  de  la  même  manière  ime  autre  partie  de  la  mousse 
de  la  cupule  n"  16  (voy  exp.  XVIII),  et  l'on  refait  aussitôt  le  vide  à  G  milli- 
mètres. 

Enfln,  le  9  février,  on  a  extrait  définitivement  le  reste  des  matériaux  dé- 
posés sous  le  récipient,  en  ayant  toujours  soin  de  rendre  lentement  de  l'air 
desséché,  à  travers  un  tube  à  dessiccation. 

Exp.  XVll.  —  animaux  desséchés  a  froid  dans  le  tide  sec  pe.ndant 

QUARANTE-CINQ  JOURS.   REVIVISCENCE. 

Le  3  janvier  1860,  ù  onze  heures  du  matin,  nous  retirons  de  dessous  la  ma- 
chine pneumatique  une  partie  de  la  mousse  contenue  dans  la  cupule  n"  IG. 
Cette  machine  séjourne  dans  le  vide  sec  ilepuis  le  l'J  novembre,  c'est-à-dire 
depuis  quaruiilc-cinci  jours.  Elle  est  confiée  au  rapporteur,  qui  est  chargé 
d'examiner  si  les  animaux  sont  encore  réviviscibles.  L'air  est  très-humide. 
Le  thermomètre  du  laboratoire  nianiue  13". 


7gr 

A  onze  heures,  la  mousse  est  placée  dans  une  petite  éprouvelte  qu'on  lernif* 
avec  un  bouchon. 

A  onze  heures  trente  minutes,  jr  respire  quelques  instants  dans  le  tube 
pour  y  faire  pénétrer  de  l'air  humide,  et  je  le  referme  aussitôt. 

A  midi  trente  minutes,  je  verse  quelques  gouttes  d'eau  dans  l'éprouvette, 
de  manière  à  hydrater  légèrement  les  mousses. 

A  quatre  heures  trente  minutes,. je  divise  la  mousse  en  quatre  parties  que 
j'humecte  séparément  dans  les  verres  de  montre  a,  h,  c,  d. 

Verre  a.  Je  ne  trouve  dans  ce  verre  qu'un  seul  corps  tout  à  fait  immobile  : 
c'est  nn  macrobiote.  Examiné  matin  et  soir  jusqu'au  quatrième  jour,  cet  ani- 
mal ne  s'est  pas  ranimé. 

Verre  b.  A  quatre  heures  cinquante  minutes,  j'y  trouve  un  paramécium 
d'une  activité  extraordinaire  et  d'un  volume  considérable.  Cet  animal  est 
exactement  semblable  à  celui  qui,  dans  l'expérience  YIII,  s'est  montré  au 
bout  de  dix-huit  heures  dans  une  préparation  faite  avec  des  mousses  chauf- 
fées à  110°.  Mais  l'eau  avec  laquelle  il  a  été  humecté  n'était  pas  distillée,  et 
avait  été  prise  dans  une  carafe.  Il  est  hautement  probable,  toutefois,  que  le 
paramécium  provient  de  la  mousse,  et  qu'il  s'est  ranimé  vingt  minutes  après 
avoir  été  humecté.  Dans  le  même  verre  b  je  trouve  1  rotifère  et  2  anguillules, 
l'une  grosse,  l'autre  petite.  Ces  trois  animaux  ne  se  sont  pas  ranimés.  La 
préparation  a  été  examinée  matin  et  soir  jusqu'au  quatrième  jour.  .le  n'y  ai 
vu  vivre  que  le  paramécium,  qui  est  resté  très-actif  jusqu'à  lu  On. 

Verre  c.  A  cinq  heures  dix  minutes,  je  trouve  dans  ce  verre  :  au  moins 
2  paraméciums  en  pleine  activité,  1  macrobiote  vivant,  2  anguillules  et  plu- 
sieurs rotifères  immobiles.  Le  lendemain,  à  une  heure  après  midi,  il  y  a  dans 
le  verre  3  rotifères  vivants  ^2  petits  et  1  grand.)  11  y  a  eu  outre  2  rotifères 
endosmoses,  et  morts  sans  ressource;  les  2  anguillules  sont  toujours  immo- 
biles. Elles  ne  se  sont  pas  ranimées  les  jours  suivants. 

Verre  d.  Je  l'examine  pour  la  première  fois  le  5  janvier  à  neuf  heures  du 
soir.  Je  n'y  trouve  aucun  corps  de  rotifère  ni  de  tardigrade.  Il  n'y  a  qu'une 
seule  anguillule  (qui  ne  s'est  pas  ranimée  ultérieurement)  et  2  ou  3  paramé- 
ciums en  pleine  activité. 

Par  conséquent,  après  un  séjour  de  près  de  sept  mois  dans  une 
boite  et  un  séjour  de  quarante-cinq  jours  dans  le  vide  sec,  les  cinq 
anguillules  étaient  mortes  sans  retour;  trois  rotifères  sur  cinq,  un 
macrobiote  sur  deux  se  sont  ranimés;  et  enfin  un  certain  nombre  de 
paraméciums  se  sont  ranimés  également  selon  toute  probabilité, 

EXP.  XVIII.  —  ANIMAUX  DESSÉCHÉS  A  FROID  DANS  LE  VIDE  SEC  PENDANT 
SOIXANTE-QUINZE  JOURS.  REVIVISCENCE. 

Le  2  février  18C0,  à  dix  heures  et  demie  du  matin,  on  extrait  de  la  machine 
pneumatique  une  partie  de  la  mousse  contenue  dans  la  cupule  n*  IG.  On  en 
prend  une  quantité  plus  considérable  que  dans  l'expérience  précédente.  Cette 


80 
mousse  a  séjourno  dans  le  vide  sec  depuis  le  19  novembre  1859,  c'est-à-dire 
pendant  soixante-quinze  jours. 

Le  rapporteur  est  chargé  de  chercher  si  les  animaux  sont  encore  révivis- 
cibles. 

La  mousse,  déposée  dans  une  éprouvolte  bouchée  à  dix  heures  et  demie, 
est  placée  à  midi  et  demi  sous  une  cloche  humide. 

A  six  hcure.s,  elle  est  humectée  dans  le  verre  de  montre  a.  11  se  dépose  un 
peu  do  sable  au  fond  de  ce  verre;  j'enlève  la  mousse  et  je  la  transporte  dans 
le  verre  de  montre  b,  où  je  l'étreins  légèrement;  enfin  je  la  dépose  sans  l'hu- 
mecter de  nouveau,  dans  le  verre  de  montre  c  qui  est  placé  sous  une  cloche 
humide. 

Cette  fois  l'humectation  a  été  faite  avec  de  l'eau  distillée. 

Verre  a.  Six  heures  dix  minutes.  J'aperçois  cinq  ou  six  corps  de  macro- 
biotes  ou  de  rolifères  immobiles. 

A  huit  heures,  ces  animaux  sont  toujours  immobiles,  mais  un  paramécium 
est  déjà  ranimé. 

A  onze  heures  du  soir,  il  y  a  dans  ce  verre  un  grand  rotifère  et  un  ma- 
macrobiole  en  mouvement;  les  autres  sont  toujours  immobiles.  La  prépara- 
tion est  examinée  les  jours  suivants.  Je  ne  retrouve  plus  le  paramécium  à 
partir  du  4  février.  Le  tardigrade  et  le  rotifère  meurent  le  5  et  le  6  février. 

Verre  b,  examiné  pour  la  première  fois  le  2  février,  à  huit  heures  du  soir, 
après  deux  heures  d'humectation.  J'y  compte  2  anguilliiles  grosses  et  7  ou 
8  corps  de  macrobiotes  ou  de  rotifères  ;  tous  ces  animaux  sont  immobiles. 

A  onze  heures  du  soir,  un  macrobiote  et  un  grand  rotifère  sont  en  mouve- 
ment exactement  comme  dans  le  verre  a. 

Le  3  février,  rien  de  changé. 

Le  5  février,  le  tardigrade  est  mort,  le  rotifère  seul  est  vivant.  Plusieurs 
corps  de  rotifères  sont  encore  roulés  en  boule,  et  j'espère  toujours  les  voir 
se  ranimer.  Mais  l'examen  continué  jusqu'au  8  février  a  été  inli  uclueux. 

Le  8  février,  de  neuf  à  onze  heures  du  soir,  j'assiste  aux  derniers  moments 
du  seul  rotifère  qui  reste  dans  la  préparation. 

Verre  e.  Reprenant  alors  la  mousse  qui  a  été  déposée  le  2  février  dans 
le  verre  c  après  avoir  été  étreinte,  et  qui  a  séjourné  depuis  six  jours  sous 
la  cloche  humide,  je  me  disi)Ose  à  l'humecter  de  nouveau;  mais  en  soulevant 
celle  mousse  je  trouve  au-dessous  d'elle,  au  fond  du  verre,  un  dépôt  humide 
sans  couche  de  liquide  appréciable.  Jenlève  la  mousse,  j'ajoute  de  l'eau,  et 
quelques  instants  plus  tard  j'aperçois  dans  la  préparation  une  grande  quantité 
de  rotifères  vivants.  J'en  ai  compté  au  moins  3  grands  et  6  petits,  tous  très- 
vigoureux  et  très-agiles.  H  y  a  eu  outre  3  rotifères  déployés  et  endosmoses, 
2  lotifèresen  boule,  2  tardigrades  morts  et  1  anguillule  morte. 

On  remarquera  en  premier  lieu  que  dans  cette  expérience,  sur  7  ou  8 
tardigrades,  2  seulement  ont  repris  vie,  tandis  que  plus  de  la  moitié 
des  rotifères  ont  revécu  (M  sur  environ  une  vinj;taine).  Ou  remar- 
quera en  outre  que  le  nombre  des  réviviscenis  a  été  relativement  beau- 
coup plus  considérable  dans  la  mousse  à  peine  humectée  que  dans  les 


81 

verres  de  montre  où  les  animaux  étaient  ensevelis  dans  une  nappe 
dVau.  Cela  vient  à  l'appui  des  idées  de  M.  Doyère  sur  l'ulililé  d'une 
humectalion  lente.  Enfin,  m'étant  servi  celte  l'ois  d'eau  distillée,  je 
puis  affirmer  que  le  paramécium  qui  s'agitait  après  deux  heures  d'hu- 
mectation  dans  le  verre  a  était  bien  un  animal  réviviscent. 

Si  l'on  compare  maintenant  le  résultat  des  deux  expériences  XVII 
et  XVIII  sous  le  rapport  de  la  reviviscence  des  animaux,  on  trouve 
qu'aucune  anguillule  ne  s'est  ranimée,  et  que  pour  les  rolifèresla  pro- 
portion des  morts  ne  s'est  pas  sensiblement  accrue  pas  suite  d'un  sé- 
jour dans  le  vide  sec  prolongé  trente  jours  de  plus.  Quant  aux  macro- 
bioies,  ils  étaient  trop  peu  nombreux  dans  l'expérience  XVII  pour  qu'on 
puisse  établir  une  comparaison;  mais  il  est  permis  de  croire,  d'après 
l'expérience  XVIII,  que  le  séjour  prolongé  dans  le  vide  sec  leur  est 
plus  nuisible  qu'aux  rotifères.  N'oublions  pas  enfin  que  du  11  au  14  no- 
vembre, la  mousse  de  la  boîte  n*  4  d'où  l'échantillon  a  été  extrait 
donnait  une  proportion  bien  plus  considérable  d'animaux  révivis- 
cents  (près  des  trois  quarts).  La  dessiccation  prolongée  à  froid  ne  pa- 
raît donc  pas  une  épreuve  sans  danger. 

Arrivons  maintenant  aux  expériences  de  chauffage.  La  première  a 
été  faite  le  5  décembre  1859,  avec  des  mousses  qui  avaient  subi  l'ac- 
tion du  vide  sec  pendant  douze  jours.  Elle  a  échoué. 

EXP.   XIX.  —  ANIMAUX  CHAUFFÉS  A    100°  PENDANT  TRENTE  MINUTES,  APRÈS 
DOUZE  JOURS  DE  SÉJOUR  DANS  LE  VIDE.   POINT  DE  REVIVISCENCE. 

Le  19  novembre  1859,  nous  avons  placé  sous  la  machine  pneumatique  un 
grand  tube  en  U  très-évasé,  où  nous  avions  introduit  ÎO  centigrammes  de 
mousse  provenant  de  l'échantillon  n»  t  (Voy.  la  planche,  (ig.  II). 

La  brandie  verticale  du  tube  avait  été  soigneusement  essuyée  avec  un 
tampon  de  coton  cardé  ;  deux  bouchons  préparés  d'avance  et  un  peu  de  coton 
cardé  ont  été  placés  sous  la  cloche  avec  le  tube  contenant  la  mousse. 

On  a  fait  le  vide  progressivement  et  depuis  le  21  novembre,  à  deux  heures, 
le  baromètre  a  marqué  constamment  5  millimètres. 

Le  3  décembre,  à  une  heure  cinquante-neuf  minutes,  on  rend  l'air  à  travers 
un  tube  à  dessiccation.  On  extrait  rapidement  le  grand  tube  en  U,  avec  ses 
deux  bouchons  et  un  peu  de  coton  cardé.  On  pousse  un  [)etit  tampon  de  coton 
jusque  près  de  la  mousse,  et  l'on  bouche  aussitôt  les  deux  branches  du  tube 
en  U.  Tout  cela  dure  environ  cinq  secondes. 

A  deux  heures,  après  avoir  replacé  la  cloche  de  la  machine  pneumatique, 
on  enlève  successivement  les  deux  bouchons  qu'en  remplace  aussitôt  par  des 
bouchons  tubulcs  communiquant  avec  des  tubes  à  dessiccation  pleins  de 
ponce  sulfurique  (Voy.  la  fig.  1).  On  est  certain  par  conséquent  que  l'humi- 
dité atmosphériiiue  n'a  pu  et  ne  pourra  pénétrer  jusque  sur  la  mousse. 

On  prépare  alors  le  chaulTage,  et  l'on  dispose  Texpérience  comme  dans 

6 


82 

l'exp.  iXVI,  avec  cette  seule  cJiffc-rence  qu'au  lieu  d'un  seul  tul)e  à  dessicca- 
tion, placé  du  cùlé  par  où  l'air  arrive,  on  eu  a  mis  un  second  du  côté  par  où 
il  s'en  va.  Cela  a  pour  but  d'empêcher  l'iiumidité  du  vase  aspirateur  de  rc- 
lluer  sur  la  mousse  lorsque  l'écoulement  de  l'air  est  suspendu  quelques 
instants  pour  le  renouvellement  de  l'eau.  On  plonge  le  tube  en  U  dans  le  bain 
et  l'on  s'assure  que  le  coton  (et  à  plus  forte  raison  la  mousse)  est  entière- 
rement  submergé.  L'un  des  commissaires  agite  constamment  l'eau  du  bain- 
marie  pour  égaliser  partout  la  température.  On  mesure  litre  par  litre,  d'après 
l'écoulemeut  de  l'eau  fournie  par  le  siphon,  la  quantité  d'air  sec  qui  traver.^e 
l'étuve. 

TABLEAU  DE  L'eXPÉRIENCE. 

Températiivp.     Yolnmp  dft  l'air  qui  traverse 
du  bain.  l'appareil. 

2  heures  15  minutes  +  8" 


2 

— 

25 

— 

40» 

2 

litres. 

2 

— 

36 

— 

45» 

0 

-      1/2 

2 

— 

42 

— 

50° 

2 

— 

50 

— 

57° 

2 

— 

2 

— 

58 

— 

65° 

2 

— 

3 

— 

5 

— 

67° 

2 

— 

2 

— 

20 

— 

80" 

2 

— 

.3 

— 

35 

— 

83» 

1 

— 

3 

— 

45 

— 

!)1° 

1 

— 

3 

— 

59 

— 

92° 

2 

— 

4 



8 

— 

93« 

2 

— 

4 

— 

20 

— 

97°5 

2 

— 

/i 



23 

— 

100° 

2 

— 

/i 

— 

28 

— 

100» 

2 

litres.     On 

4 

— 

52 

— 

100° 

Ou  enlève  l'appareil 
aspirateur. 

A  ([ualrc  heures  cinquante-deu.v  minutes,  le  tube  est  retiré  du  bain. 

Yingt-(juatre  litres  cl  demi  d'air  (uit  traversé  l'appareil.  On  a  pensé  qu'il 
n'était  pa:;  né-'essairc  de  continuer  l'aspiration  pendant  les  vingt-ipiatre  dcr- 
uières  minutes,  la  mousse  devant  être  déjà  assez  complètement  desséchée 
pour  qu'il  ne  s'en  dégageât  plus  de  vapeur.  L'èbtillition  a  été  prolongée  pen- 
dant vingt-neuf  minutes  (on  croyait  la  demi-iieure  achevée). 

A  ciiHi  heures,  le  tui)e  étant  reiroidi,  on  coui>e  à  la  lime  la  grosse  hrim-'he 
verticale  du  tube  en  U  entre  le  coton  et  la  mousse,  et  l'on  relire  celle-ci  (lu'on 
dépose  dans  un  verre  de  montre  bien  essuyé.  On  la  hiisse  pendant  sent  mi- 
nutes exposée  à  l'iiir  humide  du  laboratoire. 

A  cimi  heures  sept  minutes,  on  dépose  le  verre  sous  la  cloche  humide  et 
l'on  pose  les  scellés. 

1.0  lendemain  4  décembre,  à  di.x  heures  du  matin,  tes  scelh's  sont  intacts. 
La  température  du  laboratoire  est  à  +  7°. 

Nous  préparons  d'abord  un  agitateur,  nue  pipette  et  plu'-'ieurs  verres  ile 


83 
monire.  Comme  ces  objets  ont  déjà  servi  nous  les  plongeons  dans  de  l'acide 
sulfurique  concentré,  puis  nous  les  lavons  dans  de  l'eau  distillée.  Les  verres 
sont  numérotés  au  diamant. 

A  onze  lieures,  la  mousse  est  humectée  avec  de  l'eau  distillée  dans  le 
verre  de  montre  n°  5.  A  onze  heures  quinze  minutes  nous  faisons  trois  pré- 
parations dans  les  verres  n°  5,  n»  3  et  n°  18.  . 

A  onze  heures  trente  minutes,  ces  trois  verres  sont  scellés  sous  la  clociie 
humide.  On  transporte  cette  cloche  dans  le  petit  laboratoire  où  l'on  allume  un 
calorifère  à  gaz  pour  obtenir  une  température  de  là"  a  10°,  beaucoup  plus 
favorable  à  la  reviviscence  que  la  température  naturelle,  qui  descend  chaque 
nuit  jusqu'à  0". 

Le  soir,  le  calorifère  uiarcl;e  bien,  et  le  thermomètre  est  à  17".  Mais  dans 
la  nuit  une  cause  imprévue  arrête  peadaut  quelques  instants  l'écoulement  du 
gaz,  Lefeus'éteinl,  et  l'écoulement  du  gaz  recommence  bientôt,  de  telle  sorte 
que  le  ô  décembre,  à  dix  heures  du  matin,  nous  trouvons  la  petite  chambre 
pleine  d'hydrogène  carboné.  Or  la  cloche,  quoique  bien  scellée,  ne  ferme 
pas  hermétiquement.  Les  animaux  humectés  hier  ont  donc  passé  la  nuit  dans 
une  atmosphère  délétère. 

Nous  examinons  successivement  toutes  les  préparations  ;  nous  y  trouvons 
une  dizaine  de  rotifères  endosmoses,  cinq  ou  six  macrobiotes  flottants,  et 
ui;e  seule  anguillule  enroulée.  Tous  ces  animaux  paraissent  morts.  Il  n'y  a 
aucun  infusoire. 

On  replace  les  préparations  sous  scellés  :  on  les  examine  de  nouveau  le  7  dé- 
cembre. Aucun  animal  ne  s'est  ranimé;  tous  paraissent  morts  sans  ressource. 

Parmi  les  causes  qui  avaient  pu  faire  échouer  l'expérience  et  qu'il 
fallait  éliminer  dans  les  expériences  ultérieures,  nous  avons  cru  dé- 
couvrir les  suivantes  : 

1°  Les  animaux  humectés  avaient  séjourné  dans  une  atmosphère 
chargée  d'une  grande  quantité  de  gaz  hydrogène  carboné,  circon- 
stance tout  accidentelle,  qui  etlt  été  insignifiante  si  les  animaux  eus- 
sent été  secs,  mais  qui  pouvait  très-bien  avoir  nui  à  des  animaux  hu- 
mectés et  en  voie  de  reviviscence. 

2°  Le  courant  d'air  sec  avait  été  supprimé  pendant  les  vingt-quatre 
dernières  minutes  de  l'ébuliition.  M.  Doyère  professe  que  la  moindre 
parcelle  d'humidité  répandue  dans  l'air  à  l'état  de  vapeur  et  séjour- 
nant sur  les  animaux,  peut  déterminer  dans  leurs  tissus  des  altérations 
chinjiques  sous  la  température  de  100";  or  c'est  précisément  à  ce  mo- 
ment que  le  courant  d'air  sec  a  été  supprimé,  et  quoiqu'il  soit  extrê- 
mement probable  qu'il  ne  restait  plus  d'eau  dans  les  mousses,  nous 
avons  résolu  de  faire  durer  le  courant  d'air  jusqu'à  la  fin  dans  nos 
expériences  ultérieures. 

7)"  Le  tube  à  dessiccation  était  plein  de  ponce  sulfurique  ;  or,  en 
soufflant  quelques  minutes  dans  ce  tube,  nous  avons  vu  le  papier  de 


84 
tournesol  placé  à  l'autre  extrémité  rougir  légèrement.  Le  courant  d'air 
a  donc  pu  cniraîner  quelques  parcelles  d'acide  sulfuriqiie  dont  le 
contact  aura  nui  aux  animaux.  C'est  pourquoi  nous  avons  résolu  de 
nous  servir  ultérieurement  d'un  appareil  à  dessiccation  rempli  de 
chaux  vive. 

4°  Le  tube  à  dessiccation  n'avait  que  22  centimètres  de  longueur,  et 
l'air  de  la  chambre  était  rempli  de  vapeur  d'eau,  dégagée  du  bain- 
marie.  Nous  avons  donc  résolu  de  remplacer  le  bain  d'eau  par  un  bain 
d'huile,  et  de  faire  passer  l'air  successivement  dans  trois  vases  à  des- 
siccation. 

5°  L'expérience  préalabledu  vide  sec  avait  duré  douze  jours,  c'esl-à- 
dire  au  moins  deux  fois  plus  longtemps  que  dans  l'expérience  corres- 
pondante de  M.  Doyère.  Il  nous  avait  paru  bon  de  pousser  plus  loin 
que  lui  la  dessiccation  préalable  à  froid,  puisque  nous  nous  proposions 
de  pousser  plus  loin  que  lui  la  dessiccation  à  chaud,  pour  satisfaire 
au  désir  de  M.  Pouchet.  Mais  ayant  porté  de  cinq  à  trente  minutes  la 
durée  du  chauffage  à  100*,  nous  pouvions  nous  demander  si  c'était 
asspz  d'avoir  doublé  la  durée  de  l'opération  préliminaire  du  vide  sec. 
Il  a  donc  été  convenu  que  nous  agirions  désormais  sur  des  mousses 
soumises  à  l'action  du  vide  pendant  un  temps  beaucoup  plus  long. 

6°  Enfin,  le  chauffage  avait  été  dirigé  de  telle  sorte  que  les  animaux 
avaient  subi  pendant  une  heuie  et  demie  une  température  supérieure 
à  80°;  ils  avaient  donc  été  exposés  toute  une  heure  aune  température 
dangereuse  avant  d'atteindre  la  température  définitive  de  100°.  Et 
comme  il  s'agissait  seulement  pour  nous  de  décider  si  trente  minutes 
d'exposition  à  une  chaleur  de  100°  détruisent  ou  non  la  propriété  de 
reviviscence,  nous  avons  cru  devoir  abréger  autant  que  possible  la 
durée  des  températures  transitoires  comprises  entre  80  et  100".  C'est 
pùurijuoi  nous  avons  décidé  que  désormais  nous  chaufferions  les 
mousses  pendant  deux  heures  à  60%  afin  de  les  dessécher  entièrement, 
puis,  que  nous  les  porterions  lapidement  à  la  température  de  100°,  où 
nous  les  maintiendrions  trente  minutes. 

En  adoptant  ces  diverses  modifications  nous  supposions  bien  qu'elles 
n'étaient  pas  toutes  également  utiles;  mais  ayant  à  vérifier  l'exactitude 
d'un  fait  (expérimental  annoncé  par  M.  Doyère,  nous  devions  nous 
placer  momentanément  au  même  point  de  vue  que  lui,  et  appliquer 
dans  toute  leur  rigueur  les  principes  qu'il  a  émis. 

C'est  .^iir  ces  bases  qu'ont  été  instituées  les  deux  expériences  sui- 
vantes. Elles  ont  marché  de;  Iront;  l'une  a  échoué,  l'antre  a  réussi,  et 
non^  iiiiioiis  bieiilùl  à  chercher  1;  s  causes  de  cette  différence,  qu'on 
pourrai  èi.e  tenté  d'attribuer  au  hasard,  s'il  y  avait  dans  la  nature 
autre  chose  que  des  causes  et  des  effets. 


85 

XP.  XX  et  XXI.  —  ANIMAUX  CHAUFFÉS  A  100"  PENDANT  THEME  MINUTES, 
APnÈS  QUATRE-VINGT-DEUX  JOURS  DEXPOSITION  DANS  I.E  VIDE  SEC.  DEUX 
EXPÉRIENCES  PARALLÈLES  (11.  REVIVISCENCE  DANS  UN  CAS.  RÉSULTAT  NÉGATIF 
DANS  l'autre  cas. 

Les  Irois  cupules  de  cuivre  n"  16,  29  et  12,  renferiBant  cliacune  envlrou 
36  centigrainmes  de  mousse,  ont  été  déposées  le  19  novembre  IbôO  sous  la 
machine  pneumatique. 

La  cupule  n'  16  renferme  une  mousse  à  terreau  blond,  recueillie  le  12 
juin  1859,  dans  une  carrière  du  Bas-MeuJon,  face  au  sud. 

La  cupule  n"  29  renferme  une  mousse  à  terreau  noir,  recueillie  à  Toulon, 
en  juin  1859,  sur  un  toit  exposé  au  nord. 

La  cupule  n"  12  renferme  une  mousse  à  terreau  hrun,  recueillie  dans  les 
premiers  jours  de  novembre  1859,  aux  Ternes,  sur  un  toit  exposé  au  sud. 

Ces  trois  échantillons  de  mousses  ont  été  chauffés  le  9  février  1860,  au 
sortir  de  la  machine  pneumatique,  après  quatre-vingt-deux  jours  de  séjour 
dans  le  vide  sec. 

La  mousse  de  la  cupule  n»  16  étant  de  beaucoup  la  plus  riche,  était  aussi 
celle  sur  laquelle  nous  basions  le  plus  d'espoir.  C'était  pour  elle,  à  vrai  dire, 
que  nous  faisions  l'expérience;  nous  n'avons  employé  les  autres  que  parce 
qu'il  nous  avait  paru  instructif  de  faire  marcher  trois  expériences  de  front. 

Une  partie  du  contenu  de  la  cupuie  n°  16,  extraite  rapidement  le  3  jan- 
vier 1860,  après  quarante-cinq  jours  de  séjour  dans  le  vide,  avait  fourni  des 
animaux  réviviscents.  (Voy.  exp.  XVH.) 

Une  autre  partie  plus  considérable  de  la  même  mousse,  extraite  avec  les 
mêmes  précautions  le  2  février  1860,  après  soixante-quinze  jours  de  séjour 
dans  le  vide,  avait  fourni  également  des  animaux  réviviscents.  (Voy.  exp.  XVIIL) 

Ces  deux  soustractions  préalables  avaient  réduit  d'un  tiers  au  moins  le 
poids  de  la  mousse  contenue  dans  la  cupule  u°  16,  et  en  évaluant  à  20  centi- 
grammes environ  le  poids  de  ce  qui  restait,  nous  croyous  ne  pas  nous  tromper 
de  p  us  de  quelques  centigrammes. 

Une  pesée  rigoureuse  n'aurait  pu  se  faire  qu'en  exposant  la  mousse  au 
contact  de  l'air  humide  avant  de  la  mettre  dans  l'étuve  :  c'était  un  inconvé- 
nient auquel  nous  ne  pouvions  pas  nous  exposer. 

Trois  tubes  en  U,  très-allongés  et  d'une  forme  particulière,  avaient  été 
placés  sous  le  récipient  avec  les  mousse;  ces  tubes  étaient  numérotés  au 
diamant;  on  y  avait  joint  les  bouchons  lubulés  et  les  tubes  coudés  d'ajutage 
destines  à  s'adapter  a  la  grosse  branche  de  chaque  tube  en  U.  Enfin,  il  y  avait 
sous  le  même  récipient  un  peu  de  coton  cardé.  De  telle  sorte  que  tous  les 
corps  qui  allaient  être  mis  en  contact  ou  en  communication  avec  les 
mousses,  se  trouvaient  entièrement  dépouillés  d'humidité. 

(1)  Nous  nous  proposions  de  faire  marcher  de  front  trois  expériences; 
mais  un  accident  survenu  peudaut  le  chauffage  a  réduit  à  néant  la  Iroloièuie 
ex  périence. 


80 

Le  9  fiVi'ier  18G0,  à  iino  Iieurc  et  demie,  on  fait  p(^n(5trei'  lentement  l'air 
sous  le  récipient  à  travers  un  tuhe  à  dessiccation. 

On  soulève  rapidement  la  cloche,  on  extrait  un  tube  en  U,  un  bouchon 
d'ajutage,  un  peu  de  colon  cardé,  et  la  cupide  n»  IC.  On  abaisse  aussitôt  la 
clociieet  ou  dispose  la  mousse  de  la  cupule  u"  IG  dans  le  tube  en  II,  qui  por'c 
le  U"  '2.  On  essuie  a  plusieurs  reprises  avec  un  gros  tampon  de  coton  les 
trois  quarts  supérieurs  delà  grosso  branche  du  tube,  alin  d'enlever  parfai- 
lemcut  le  peu  de  terreau  (jui  a  pu  s'attacher  aux  parois;  puis  on  retire  ce 
tampon  et  on  le  remplace  par  un  tampon  plus  polit  et  plus  poreux,  qu'on  fait 
descendre  jusqu'à  1  centimèt;e  delà  mousse,  et  qui  est  destiné  à  empêcher 
dos  parcelles  do  terreau  de  s'élever  pendant  le  ohaufTacre  au-dessus  du  ni- 
veau du  bain.  Dès  que  ce  tampon  est  placé  on  adapte  le  bouchon  tubulé  à  la 
grosse  extrémité  du  tube  en  U,  et  on  bouclie  avec  de  la  cire  à  modeler  d'une 
part  la  petite  extrémité  de  ce  tube,  d'autre  part  l'extrémité  du  tube  d'ajutage. 
Tout  cela  dure  à  peine  cinq  à  six  secondes. 

On  extrait  ensuite  de  la  même  manière  la  cupule  n»  29  dont  le  contenu  est 
eu  partie  placé  dans  le  tube  en  U  n°  3,  et  la  cupule  n°  12,  dont  le  coulenu  est 
eu  partie  placé  dans  le  tube  en  Un"  I.  On  n'emploie  que  les  deux  tiers  en- 
viron du  contenu  de  chaque  cupule,  afin  de  ne  disposer  dans  chaque  tube 
en  tj  qu'une  quantité  de  mousse  à  peu  près  égale  à  celle  qui  occupe  déjà  le 
tube  n"  2.  Le  reste  a  été  déposé  dans  les  boites  A  et  B  pour  être  examiné  plus 
tard. 

Les  tubes  n"  3  et  n°  1  sont  préparés  exactement  de  la  même  manière  que 
le  tube  n°  2,  si  ce  n'est  qu'on  ne  laisse  pas  de  tampon  de  coton  dans  le  tube 
n"  3  dont  le  bouchon  est  traversé  par  un  thermomètre,  La  boule  du  thermo- 
inètre  descend  jusqu'à  1/2  centimètre  environ  au-dessus  de  la  mousse.  On  n'a 
voulu  interposer  aucun  corps  entre  la  mousse  et  la  bou'ie  du  thermomètre, 
afin  qu'en  passant  de  l'une  à  l'autre  la  température  de  l'air  ne  put  varier. 
Enfin,  cette  boule  occupe  exactement  l'axe  du  tube  ;  elle  n'en  touche  pas 
les  parois,  et  elle  ne  pourra  les  toucher,  le  corps  de  l'instrument  étant  solide- 
ment fixé  dans  le  bouchon  de  liégo  qu'il  traverse  à  frottement. 

On  ne  songe  jamais  à  tout;  notre  thermomètre,  destiné  à  marquer  des  tem- 
pératures élevées,  avait  des  degrés  très-courts,  de  telle  sorte  que  le  point  où 
l'échelle  devenait  apparente  au  dessus  du  bouchon  traversé  par  le  thermo- 
mètre correspondait  à  -|-74°.  Nous  n'avons  donc  pas  pu,  pendant  le  chaufi'age, 
marquer  la  température  des  mousses  au-dessous  de  cette  limite;  et  nous 
avons  dû  dès  lors  jusque-là  nous  en  rapporter  aux  indications  du  thermo- 
mètre plongé  dans  le  bain  d'huile. 

Les  trois  tubes  étant  ainsi  proparés  et  herméticiuement  clos,  nous  avons 
luté  avec  de  la  cire  à  cacheter  les  bouchons  de  liège  d'ajutage.  Ce  travail  a 
été  achevé  à  deux  heures.  Le  reste  de  l'appareil,  que  nous  allons  maintenant 
décrire,  avait  été  prépan''  d'avance  par  le  soins  de  M.  le  professeur  davarret, 
avec  une  précision  qui  ne  laissait  rien  désirer.  (Voy.  la  plaïu'he,  lig.  III.) 

L'air  extériein-,  introduit  en  .\,  liaverse  successivement  trois  llacons  B,  l', 
D,  de  deux  litres  chacun,  cnlièrenienl  remplis  do  [)elits  fragments  de  clmux 
vive. 


87 

Le  troisième  vase  D  est  fermé  supcricurenicnt  par  un  gros  boucliuii  do 
liège  d'où  sortent  trois  petits  tubes  coudés  a,  b,  c,  qui  sont  mis  eu  communi- 
cation par  des  ajutages  en  caoutchouc  avec  la  petite  branche  des  trois  tubes 
en  U,  n»  1,  n»  2,  n»  3.  Ces  trois  tubes  plongent  verticalement  dans  le  bain 
d'huile  où  ils  sont  enfoncés  dans  pins  des  trois  quarts  de  leur  longueur.  Un 
support  V,  auquel  est  suspendu  le  thermomètre  du  bain,  sert  à  fixer  la  par- 
tie supérieure  des  trois  tubes  et  les  empêche  de  vaciller.  L'air  sec,  apporté 
par  la  petite  branche  de  l'U,  arrive  directement  sur  la  mousse,  puis  sur  la 
boule  du  thermomètre  intérieur.  Les  trois  petits  tubes  a',  b',  c'  le  conduisent 
ensuite  dans  un  vase  il,  où  il  se  dégage  sous  une  colonne  d'acide  su!furi(iuo 
haute  d'iui  centimètre  et  demi.  Du  vase  H,  l'air  e?t  attiré  dans  le  vase  à  aspi- 
ration K,  plein  d'eau  et  muni  d'un  robinet  L,  qu'on  ouvre  [)lus  ou  moius  sui- 
vant qu'on  veut  attirer  l'air  avec  plus  ou  moins  de  rapidité.  Ce  vase  est; 
gradué  de  litre  en  litre;  il  renferme  huit  litres  d'eau,  mais  ne  peut 
aspirer  que  cinq  litres  d'air.  Eu  effet,  lorsque  le  niveau  de  l'eau  s'abaisse 
trop,  l'écoulement  du  liquide,  même  à  plein  robinet,  devient  très-lent,  à 
cause  de  la  résistance  que  l'air  rencontre  sur  sou  passage  en  se  dégageant 
sous  l'acide  sulfurique  du  vase  H. 

Pour  interrompre  le  moins  longtemps  possible  le  courant  d'air,  on  reçoit 
l'eau  du  vase  K  dans  un  second  vase  M  exactement  semblable  et  où  l'on  a 
versé  préalablement  trois  litres  d'eau,  de  telle  sorte  que,  lorsque  les  cinq 
litres  du  vase  K  sont  écoulés,  on  n'a  qu'à  lui  substituer  le  vase  M  déjà  rem- 
pli de  liquide. 

Tous  les  bouchons  sont  exactement  lûtes  à  la  cire;  on  s'assure  qu'il  n'y  a 
aucune  fuite  en  pinçant  successivement  tous  les  tubes  de  caoutchouc  qui 
servent  aux  ajutages,  et  en  constatant  que  cela  suffit  pour  arrêter  le  dégage- 
ment des  bulles  d'air  dans  les  vases  K  et  H.  On  s'assure  également  que  le 
tirage  est  exactement  égal  dans  les  trois  tubes  en  U,  en  examinant,  dans  le 
vase  H,  le  dégagement  parfaitement  uniforme  des  petites  bulles  d'air  qu'ap- 
porte chacun  des  trois  petits  tubes  plongés  dans  l'acide  sulfurique. 

Le  bain  E,  E  renferme  quatre  litres  d'huile.  Le  chauffage  est  fuit  au  moyen 
d'un  fourneau  à  gaz  F,  muni  d'un  robinet  qu'on  ouvre  plus  ou  moins  selon 
qu'on  veut  obtenir  plus  ou  moins  de  chaleur. 

A  deux  heures,  on  enlève  successivement  les  bouchons  de  cire  à  modeler 
qui  obturent  les  ouvertures  d'entrée  et  de  sortie  des  trois  tubes  en  U,  n"  t, 
n''2  et  n°  3,  où  les  mousses  ont  été  déposées  ;  ou  remplace  successivement 
chacun  de  ces  bouchons  par  un  ajutage  en  caoutchouc  fixé  d'autre  part  à  l'un 
des  trois  petits  tubes  que  supportent  chacun  des  vases  D  et  H.  L'appareil  étant 
ainsi  définitivement  disposé,  on  s'assure  qu'il  n'y  a  aucune  fuite,  que  l'écou- 
lement de  l'air  est  bien  uniforme  dans  les  trois  tubes,  et  l'on  commence  a 
chauffer  le  bain.  Les  trois  tubes  ont  été  soulevés  au-dessus  du  bain  jusqu'à 
deux  heures  vingt-cinq  minutes-,  à  ce  moment  la  température  de  l'huile  mar- 
que 50°;  on  plonge  les  trois  tubes  en  U  jusque  au  fond  du  bain,  et  on  ou- 
vre le  robinet  L. 


88 


TABLEAU  DB  L'EXPÉRIENCB. 


Température           Températur» 

Volume 

du  bain                  de  l'air 

de  l'air  écoulé. 

d'huile.            dans  le  tube  n"  3. 

2  heures  25  minutes. 

50"           N'a  pu  être  ap- 

A  2  heures 

2     - 

55 

— 

52"          préciée  à  cause 

49  minutes  5  litres 

3     - 

2 

— 

63°           (le  la  brièveté 

d'air  ont  passé. 

3     - 

5 

— 

65*                  du 

3     — 

15 

— 

61°           thermomètre. 

3      — 

20 

— 

59- 

3     — 

30 
35 

— 

62" 

.  .       5  litres. 

3      ~ 

63» 

3     — 

45 

— 

60» 

3      - 

50 

— 

57" 

4      — 

G 
10 

— 

60» 

•  . .       5  litres. 

4     — 

64» 

4      - 

20 

— 

60" 

4      — 

23 

— 

60- 

4      - 

25 

— 

71- 

4      - 

26 

— 

75» 

A  ce  moment  le  mercure  du  thermomètre  intérieur  devient  apparent. 

4  heures  27  minutes. 

.      80»                75» 

4     - 

28 

— 

85"                78* 

4     - 

29 

— 

90»                84» 

.  .  .       5  litres. 

4      — 

31 

— 

95»                90» 

.4      - 

33 

— 

100"                95» 

4     - 

35 

— 

101°                96- 

4      - 

37 

— 

100.                97ol 

4      - 

38 

— 

lOlo                97''5 

(A  ce  moment  on  entend  un  léger  craquement.  Le  tuhe  en  U,  n»  1,  Tient  de 
se  fêlera  sa  partie  inférieure  :  l'huile  a  pénétré  sur  la  mousse  et  rempli  le 
tube  en  U.  Le  tirage  d'air  continue  roguiièrement  dans  les  denx  autres  lubes, 
et  l'on  ralentit  dès  lors  d'environ  un  tiers  l'écoulement  de  l'eau  du  vase  as- 
pirateur.) 


4  heures  40 

minutes 

101» 

98" 

4     

43 

— 

102° 

99» 

4     

45 

— 

104» 

100° 

4      — 

47 

— 

104" 

101" 

4      — 

49 

— 

102» 

101» 

4      

5t 

— 

99" 

99<.i 

4      — 

53 

— 

99» 

99° 

__ 

54 

_ 

QS» 

98»2 

89 


Températare 

Température 

Volam» 

du  bain 

de  l'air 

de  l'air  écoulé. 

d'huile. 

dans  le  tube  n"  i. 

4  heures  55  minutes. . 

.       lOOo 

98» 

4     - 

57 

— 

103» 

9805 

4     - 

58 

— 

104" 

99o5 

4      - 

59 

— 

105° 

100° 

5      — 

0 

— 

106° 

101»5 

5      — 

l 

— 

105" 

102" 

5      - 

2 

— 

103- 

102"2 

5      — 

4 

— 

100» 

101° 

5      — 

5 

— 

99" 

100°8 

5      — 

6 

— 

100" 

100» 

5      — 

7 

— 

lor 

99»8 

5      — 

8 

— 

104° 

100» 

5      - 

10 

— 

103^' 

100°5  .... 

.    tout  près  de  5  liti 

A  cinq  heures  di.x  minutes  on  retire  les  deux  tubes  en  U,  n»  2  et  n»  3,  qui 
seuls  ont  résisté  à  la  chaleur  du  bain,  et  on  les  place  sous  scellés  dans  une 
armoire. 

Le  bain  d'huile  est  resté  trente-sept  minutes  à  100°,  descendant  une  fois  à 
98°,  une  fois  à  99°  pendant  une  minute,  et  montant  une  fois  à  106°,  deux  fois 
à  104°. 

Le  thermomètre  du  tube  n°  3  est  resté  trente  minutes  entre  98o  et  102»  2. 

Les  mousses,  qui  touchaient  la  paroi  des  tubes  en  U,  ont  dû  recevoir  plus 
de  chaleur  que  le  thermomètre  intérieur,  qui  ne  touchait  ni  la  paioi  ni  la 
mousse. 

On  n'a  pu,  faute  d'espace,  agiter  l'huile  pendant  le  chauffage  (  deux  com- 
missaires étaient  continuellement  penchés  au-dessus  du  bain  surveillant  cha- 
cun l'un  des  thermomètres;  un  troisi'me,  placé  vis-à-vis,  réglait  le  fourneau 
à  gaz  ).  Il  en  est  résulté  que  la  température  des  couches  inférieures  de 
l'huile  a  dû  être  un  peu  plus  forte  que  celle  des  couches  supérieures.  Or,  le 
thermomètre  du  bain  ne  descendait  qu'à  6  centimètres  du  foni,  tandis  que 
les  tubes  en  U  touchaient  le  fond,  où  la  température  était  plus  haute. 

Vingt-cinq  litres  d'air  sec  ont  traversé  l'appareil.  U  y  a  d'abord  eu  vingt 
litres  répaitis  entre  les  trois  tubes;  puis  cinq  litres  répaitis  entre  les 
tubes  2  et  3,  ce  qui  fait  en  tout  un  peu  plus  de  neuf  litres  pour  chacun 
d'eux- 

Les  deux  tubes  n*  2  et  n»  3  ont  été  placés  debout  et  scellés  dans  l'armoire 
le  9  février  1860  à  cinq  heures  dix  minutes  du  soir. 

Le  10  février,  à  onze  heures  du  matin,  les  commissaires  constatent  que  les 
scellés  sont  intacts.  Ils  retirent  la  mousse  contenue  dans  les  deux  tubes  n»  2 
et  n°  3,  en  coupant  ces  tubes  à  leur  partie  inférieure,  et  en  évitant  ainsi  de 
faire  repasser  les  mousses  par  leur  ouverture  d'entrée. 

Le  contenu  du  tube  n*  3  est  placé  dans  le  verre  de  montre  A,  et  celui  du 
tube  n*  2  dans  le  verre  de  montre  B.  Ces  deux  verres  de  montre  ne  sont  pas 
humectés  aujourd'hui.  On  les  scelle  sous  la  cloche  humide. 


90 

Le  U  février,  à  trois  heures  et  demie,  les  scellés  sont  intacts. 

A  trois  heures  cinquante  minutes  on  humecte  les  verres  de  montre  A  et  B 
avec  une  petite  quantité  d'eau  distillée.  On  a  préalablement  pris  un  peu  d'eau 
distillée  dans  le  même  llacon,  et  on  s'est  assuré  par  l'examen  microscopique 
(ju'elle  ne  renfermait  point  d'infusoire  (1). 

On  pétrit  très-légèrement  les  mousses  avec  les  doigts,  de  manière  à  obte- 
nir des  dépôts  successifs  dans  plusieurs  verres  de  montre. 

1°  Préparations  faites  avec  la  mousse  du  verre  de  montre  A. 

Cette  mousse  provient  du  tube  en  U  u"  3,  et  renferme  du  terreau  noir. 

Premier  dépôt  dans  le  verre  de  montre  n'  5. 

Deuxième  —  —  n"  3. 

Troisième  —  —  n°  1. 

Le  reste  des  mousses  étreintes  —  n°  9. 

Aucune  de  ces  préparations  n'a  fourni  d'animaux  réviviscibles.  Elles  ont 
été  examinées  plusieurs  jours  de  suite  par  la  commission,  puis  transportées 
avec  soin  chez  le  ra[)porleur  qui  les  a  étudiées  matin  et  soir  jusqu'au  22  fé- 
vrier. 

La  mousse  humide  conservée  dans  le  verre  n"  9  a  été  reprise  le  15  février; 
elle  a  servi  à  faire  de  nouvelles  préparations  où  quelques  cadavres  d'ani- 
maux ont  été  retrouvés. 

Nous  avons  compté  dans  toutes  ces  préparations  environ  une  trentaine 
d'animaux,  savoir  :  une  vingtaine  de  rotil'èrcs,  cinq  ou  six  macrobiotes,  deux 
émydiums  et  plusieurs  anguillules. 

2»  Préparations  faites  avec  la  mousse  du  verre  de  m  antre  B. 
Cette  mousse  provient  du  tube  en  U  n"  2,  et  renferme  du  terreau  blond. 

Premier  dépôt  dans  le  verre  n"  18. 

Deuxième  —  —  n°  II. 

Le  reste  des  mousses  étreintes  —  n°   2. 

Ces  préparations  ont  été  faites  le  11  février  à  trois  heures  cinquante  mi- 
nutes. 

A  quatre  heures  quinze  minutes  elles  ont  été  scellées  sous  la  cloche  hu- 
mide. Chacune  d'elles  ne  renferme  qu'une  petite  quantité  d'eau. 

Dans  la  nuit  du  U  au  12  février,  il  gèle  assez  fortement. 

Le  12  février,  à  dix  heures  du  matin,  un  thermomètre  placé  près  de  la 
cloche  qui  recouvre  la  préparation  marque  zéro.  Cette  basse  température  est 
Irès-dél'avorablc  à  la  reviviscence. 


(1)  Nous  avons  pris  culte  précaution  pour  le  cas  où  des  paraméciums  se 
seraient  mrinfr's  dyns  ncs  pr:-p:i.:Hli(/ns. 


91 

Ou  brise  les  scellés  et  on  examine  les  préparations.  On  aperçoit  tout  de 
snitc  plnsieiirs  tardigTaiies  endosmoses  et  (lotfanis  qui  paraissent  morts  sans 
retour.  Beaucoup  de  rolifôrcs  sont  également  déployés  et  endosmoses;  mais 
plusieurs  sont  encore  en  boule  et  paraissent  appelés  à  se  ranimer. 

A  dix  heures  vingt-cinq  minutes,  M.  Balbiani  cioil  apercevoir  une  légère 
contraction  dans  le  corps  d'un  grand  rotilùre  en  boule  du  verre  n"  II.  A  partir 
de  ce  moment  l'animal  a  été  continuellement  examiné  par  les  commissaires, 
pendant  plusd'un quart  d'iieure;  les  contractions  se  renouvellent,  deviennent 
plus  fortes,  enfin  à  dix  heures  quarante  minutes  l'animal  complètement  dé- 
ployé commence  à  exécuter  des  mouvements  d'ensemble,  et  à  mouvoir  ses 
roues. 

A  dix  heures  cinquante-cinq  minutes  un  autre  rotifère  du  même  verre 
n"  )  1  donne  quelques  signes  de  reviviscence.  On  aperçoit  dans  ses  organes, 
sous  un  grossissement  de  180  diamètres,  de  légères  contractions  vermicu- 
laires,  mais  le  corps  ne  se  déploie  pas  et  reste  roulé  en  boule. 

Le  verre  de  monire  n»  18  n'a  montré  ce  jonr-là  aucun  animal  révivis- 
cent. 

A  onze  heures  trente  minutes  les  préparations  sont  de  nouveau  scellées 
sous  la  cloche  humide. 

Dans  la  nuit  du  12  au  13  février  la  température  extérieure  descend  jus- 
qu'à —G'. 

Le  13  février,  à  une  heure  et  demie  le  thermomètre  marque  encore  —  3» 
dans  la  cour,  et  0»  dans  le  laboratoire. 
Nous  brisons  les  scellés. 

Nous  ne  retrouvons  pas  dans  le  verre  n"  11  le  rotifère  dont  la  reviviscence 
a  été  constatée  hier;  cet  animal  est  sans  doute  mort;  mais  nous  retrouvons 
celui  qui  paraissait  sur  le  point  de  se  ranimer;  il  est  toujours  dans  le  même 
état.  On  voit  de  loin  en  loin  dans  ses  organes  de  petites  contractions  partielles. 
Son  corps  est  toujours  globuleux. 

Pour  en  finir  avec  le  verre  n°  11,  nous  dirons  que  ce  dernier  animal  ne 
s'est  pas  complètement  ranimé,  qu'il  est  resté  globuleux  jusqu'au  22  févri&r, 
jour  où  la  préfiaration  a  été  jetée;  qu'enfin  aucun  autre  auiraal  ne  s'est  ra- 
nimé dans  ce  verre  à  partir  du  12  février. 

Il  n'y  a  donc  eu  dans  le  verre  n"  Il  qu'une  seule  reviviscence  com- 
plète. 

Le  13  février  à  deux  heures  dix  minutes,  un  grand  rotifère  du  verre  n"  18 
exécute  de  légères  contractions  ;  à  deux  heures  quinze  minutes  il  est  déployé; 
à  deux  heures  vingt  minutes  il  commence  à  marcher  lentement;  bientôt  il 
s'arrête,  se  contracte  en  boule  irrégulière  et  reste  immobile  pendant  plu- 
sieurs minutes.  Cet  animal  a  été  observé  continuellement  jusqu'à  trois  heu- 
res ;  il  a  exécuté  à  trois  ou  quatre  reprises  difl'érentes  des  mouvements 
d'ensemble. 

A  trois  heures  les  préparations  sont  de  nouveau  scellées  sous  la  cloche 
humide.  La  température  froide  nous  parait  contribuer  à  retarder  la  revivi- 
scence. Il  est  donc  décidé  que  demain  les  animaux  seront  placés  dans  une 
couveuse  à  la  température  de  -f  15°  à  +  20'. 


9?. 

(La  couveuse  n'a  pu  être  disposée  que  le  15  février,  u  trois  heures  après 
midi.) 

La  température  extérieure  descend  à  —6*  dans  la  nuit  du  13  au  14  février, 
à  —8»  dans  la  nuit  du  14  au  15. 

Le  15  février  à  dix  heures  du  matin,  nous  brisons  les  scellés  et  nous  exa- 
minons de  nouveau  le  verre  de  montre  n°  18. 

Nous  y  trouvons  cinq  grands  rotifères  plus  ou  moins  actifs.  Nous  ne  pou- 
vons dire  si  le  rotifère  qui  s'est  ranimé  sous  nos  yeux  le  13  février  est  au 
nombre  des  cinq.  Quelques-uns  de  ces  animaux  sont  peu  actifs;  mais  l'un 
d'eux  exécute  des  mouvements  rapides,  déploie  ses  roues,  et  clierclie  sa 
proie. 

Nous  ajoutons  quelques  gouttes  d'eau  distillée  sur  la  mousse  du  verre  n*  2. 
Les  préparations  sont  de  nouveau  scellées  sous  la  cloche  humide. 

Le  même  jour  (15  février),  à  trois  heures,  nous  plaçons  nos  préparations 
dans  l'étage  moyen  d'une  couveuse  à  eau  chaude.  Pour  empêcher  l'évapora- 
tion  autant  que  possible,  nous  recouvrons  les  verres  avec  d'autres  verres  de 
montre,  et  nous  plaçons  à  côté  d'eux,  dans  la  couveuse,  des  substances  im- 
bibées d'une  grande  quantité  d'eau. 

A  cinq  heures  le  thermomètre  de  la  couveuse  marque  -f  12». 

A  huit  heures  du  soir  il  marque  +  14°. 

Le  lendemain  matin,  16  lévrier,  à  dix  heures,  il  marque  encore  I4«.  Dans  le 
verre  n"  18  nous  ne  trouvons  plus  que  quatre  rotifères  vivants;  dans  le  nom- 
bre il  y  a  un  petit  rotifère.  Par  conséquent,  trois  seulement  des  cinq  grands 
rotifères  vus  vivants  la  veille  dans  le  môme  verre,  .«ont  encore  en  vie.  Ce 
Jour-là  la  commission  considère  le  résultat  comme  sufTisamment  constaté,  et 
les  préparations  sont  confiées  au  rapporteur  qui  est  chargé  de  les  examiner 
matin  et  soir  pendant  plusieurs  jours  encore. 

Les  animaux,  à  partir  du  16  février  au  matin,  ont  été  conservés  chez  le 
rapporteur  dans  un  petit  laboratoire  où  des  dispositions  avaient  été  prises 
pour  obtenir  une  température  constamment  égale  ou  supérieure  à  -1-15''. 

Aucun  autre  animal  ne  s'est  ranimé  dans  le  verre  de  montre  n*  18.  Les  trois 
grands  rotifères  qu'on  y  avait  vu  vivre  le  IC  février  à  dix  heures  du  matia 
sont  morts,  l'un  daus  la  journée  du  16,  les  deux  autres  dans  la  nuit  du  16 
au  17. 

Le  petit  rotifère  a  véru  trois  jours  entiers,  et  a  été  trouvé  mort  à  son  tour 
le  19  février  à  onze  heures  du  matin. 

La  mousse  h  gèrement  humide  qui  avait  été  conservée  dans  le  verre  de 
montre  n-  2  jusqu'au  16  février,  a  servi  dans  la  journée  du  16  à  faire  trois 
pré[)arations. 

Le  léger  dépôt  à  peine  humide  que  cette  mousse  avait  laissé  sur  le  verre 
n"  2  a  été  examiné  le  jour  même  et  a  montré  un  grand  rotifère  vivant.  La 
mousse  a  ité  transportée  dans  le  verre  de  montre  ir  8,  humectée  et  étreinte 
dans  ce  verre,  et  déposée  eulin  dans  le  verre  n°  17. 

Le  17  février,  à  quatre  heures  du  soir,  je  trouve  un  petit  rotifère  vivant 
daus  le  verre  de  montre  u°  8.  J'y  trouve  on  outre  le  soir,  ù  onze  heures,  un  - 
grand  rotifère  qui  esécule  quelques  mouvements. 


93 

Enfin  le  même  jour  à  onze  heures  du  soir,  la  mousse  est  étreinte  une 
dernière  fois  dans  le  verre  n°  17.  J'y  trouve  un  grand  rotifère  qui  change 
plusieurs  lois  de  forme  sous  mes  yeux. 

l.e  lendemain,  18  février,  à  raidi,  tous  les  animaux  paraissent  morts,  à  l'ex- 
ception du  petit  rotifère  du  verre  de  montre  n°  18,  qui  meurt  à  son  tour, 
comme  on  l'a  dijù  dit,  dans  la  nuit  du  18  au  19  février. 

A  partir  de  ce  jour,  les  préparations,  examin('es  soir  et  matin  jusqu'au  22 
février  au  soir,  n'ont  plus  montré  que  des  animaux  parfaitement  immobiles. 
Plusieurs  rotifères  étaient  encore  en  boule,  mais  je  pensai  qu'après  onze 
jours  d'bumectation,  sous  une  température  qui,  pendant  les  six  derniers  jours, 
n'était  pas  descendue  au-dessous  de  +15°,  il  n'y  avait  aucune  cliancede  voir 
les  autres  animaux  se  ranimer.  Les  préparations  furent  donc  jetées  à  l'excep- 
tion d'une  seule,  l'une  des  plus  anciennes,  celle  du  verre  n°  18,  où  s'étaient 
développés  un  grand  nombre  de  kolpodes  dont  j'étais  curieux  d'étudier  la 
reproduction.  Je  reviendrai  tout  à  l'heure  sur  l'examen  ultérieur  de  celte  pré- 
paration. 

Tous  ces  détails  minutieux  nous  ont  paru  nécessaires  pour  déter- 
miner le  nombre  des  animaux  qui  ont  revécu,  l'époque  où  ils  se  sont 
ranimés,  et  la  durée  de  leur  vie  après  la  reviviscence. 

Il  y  avait  dans  les  diverses  préparations  qui  ont  été  faites  une 
vingtaine  de  macrobiotes,  aucun  émydium,  2  ou  3  anguillules  et  en- 
viron 80  rotifères,  grands  ou  petits.  Les  grands  rotifères  étaient  rou- 
geàtres,  les  petits  étaient  blancs. 

Tous  les  macrobiotes  et  toutes  les  anguillules  étaient  absolument 
morts. 

Le  nombre  des  rotifères  qui  se  sont  ranimés  ne  peut  être  rigoureu- 
sement déterminé,  mais  il  n'est  pas  inférieur  à  onze,  savoir  : 

Y  .       /  1  grand  rotifère  dans  le  verre  de  montre  n°  Il  (12  février). 

"  '.    .        \  5  grands  rotifères  —  —       n»18  (13-15  fév.). 

commission.  )  ,      .-»     ..,,  .o  ,.n  ,■    ■    l 

\  1  petit  rotifère  —  —       nMS  (16  février). 

!•   l  grand  rotifère  —  —  n-  2  (16  février). 

1  grand  rotifère  —  —  n»  8  (17  février). 

1  petit  rotifère  —  —  n»  8  (17  février). 

,    1  grand  rotifère  —  —  m  17  (17   février). 

Tous  ces  animaux  ont  exécuté  des  mouvements  d'ensemble.  Il  y  a 
eu  en  outre,  le  12  et  le  13  février,  chez  l'un  de-s  rotifères  du  n°  11,  un 
commencement  de  révivification  caractérisée  par  des  contractions 
viscérales  partielles,  sans  changement  de  forme  de  l'animal,  qui  e>si 
resté  globuleux. 

La  révivification  la  plus  piécoce  a  été  celle  de  l'autre  rotifère  du  n"  11 . 
Elle  s'est  effectuée  sous  nos  yeux  au  bout  de  dix-huit  heures  d'bumec- 
tation. 


94 

La  révivification  la  plus  tardive  a  été  celle  du  grand  rolifère  qui 
s'esl  ranimé  le  17  février,  entre  quatre  et  onze  heures  du  soir,  dans  le 
verre  n'  8,  après  cinq  jours  d'hunieclalion. 

Ces  animaux  étaient  peu  vigoureux.  Trois  seulement  ont  déployé 
leurs  roues,  marché  et  cherché  leur  proie;  les  autres  restaient  en 
place,  s'allongeant  ou  se  repliant  sans  avancer.  Nous  avions  d'abord 
attribué  cette  paresse  à  la  rigueur  de  la  température;  mais  une  teni- 
péiature  de  15°  prolongée  ensuite  pendant  plusieurs  jours  n'a  pu 
rendre  la  vigueur  aux  animaux. 

Enfin,  on  remarquera  que  les  animaux  ranimés  n'ont  conservé  que 
peu  de  temps  leur  activité.  Le  plus  vivace  a  été  le  petit  rotifère  dun"  18; 
il  est  resté  actif  pendant  trois  jours.  Les  autres  ont  cessé  de  se  mou- 
voir beaucoup  plus  tôt,  et  plusieurs  même  sont  redevenus  immobiles 
avant  vingt-quatre  heures. 

Cet  état  d'immobilité,  persistant  pendant  plusieurs  jours  de  suite, 
nous  avait  paru  un  état  de  mort,  et  dans  cette  conviction,  j'avais  jeté 
toutes  les  préparations  le  22  février  à  l'exception  d'une  seule,  celle  du 
verre  n*  18,  que  j'avais  conservée  dans  un  autre  but.  Je  n'en  avais 
même  conservé  qu'une  partie,  ayant  transvasé  incomplètement  le  con- 
tenu dans  une  petite  cuvette  plate,  pour  faciliter  l'étude  des  infusoires 
qui  s'étaient  développés  dans  cette  préparation. 

Chargé  par  la  commission  de  faire  connaître  à  MM.  Pouchet  et 
Doyère  les  principaux  résultats  de  la  dernière  expérience,  le  rappor- 
teur écrivit  à  ces  messieurs  le  28  février  pour  leur  annoncer  que  plu- 
sieurs animaux  s'étaient  ranimés,  mais  qu'aucun  d'eux  n'avait  vécu 
plus  de  trois  jours.  M.  Doyère  me  répondit  aussitôt  en  m'invilant  à 
examiner  de  nouveau  les  préparations  et  en  me  disant  que  la  mort 
prompte  de  ces  animaux  pouvait  n'être  qu'apparente,  et  qu'il  avait  vu 
plusieurs  fois  des  rolifèrcs,  conservés  dans  l'eau,  se  rouler  en  boule  et 
rester  complètement  immobiles  pendant  plusieurs  jours. 

surrE  DE  l'expéiuence  XXI  par  le  u.vpporteuu." 

Eu  recevant  cctlc  Icllre,  le  1"  mars  ISGO,  je  rciiris  la  préparation;  j'y 
trouvai  sept  rotifèrcs  endosmoses,  déployés,  et  morts  sans  ressource;  un 
tardigradc  lloltant,  une  aiiguillulc  morlc,  et  deux  rotifèrcs  roulés  en  boule. 
Je  concentrai  toute  mon  attention  sur  ces  deux  rotifèrcs  globuleux,  dont  le 
corps  ne  paraissait  pas  désorganisé.  Je  les  examinai  pendant  plus  d'une 
heure;  je  n'y  aperçus  aucun  signe  de  vie. 

Le  2  leais,  dans  la  matinée,  exanion  pendant  une  demi-heure,  résultat 
négalif. 

Le  2  mars,  à  neuf  heures  du  soir,  les  animaux  sont  eucore  immobiles; 
mais  ù  neuf  heures  cl  demie,  l'un  d'eux  exécute  sous  mes  yeux  queliiues 


95 

contraclions.  En  vingtmiinitc»  itciiaiiRc  trois  fois  de  forme;  ciirm  une  Ijnisque 
contraction  le  rend  parfiiilement  globuleux.  Observé  ensuite  pendant  dix 
minutes  il  n'exécute  plus  le  moindre  mouvement. 

Les  jours  suivants  j'ai  examiné  de  nouveau  plusieurs  fois  cette  préparation 
et  il  ne  m'a  plus  été  donné  devoir  les  rotifères  se  mouvoir.  Mais  il  reste  bien 
certain  pour  moi  que  l'un  de  ces  deux  animaux  était  encore  vivant  le  2  mars 
au  soir.  Or  il  provenait  du  verre  u°  18,  où  tous  les  animaux  réviviscibles 
s'étaient  ranimés  du  13  au  16  février.  Il  y  avait  donc  au  moins  quinze  jours 
que  cet  animal  était  vivant. 

De  quelle  nature  est  cet  état  de  mort  apparente  d'un  rotifère  qui, 
conservé  dans  l'eau,  reste  entièrement  immobile,  sous  forme  globu- 
leuse, pendant  plusieurs  jours?  En  apprenant  que  l'eau  de  nos  prépara- 
tions n'avait  pas  été  renouvelée,  que  nous  nous  étions  bornés  à  ajouter 
quelques  gouttes  d'eau  pour  remplacer  celle  qui  s'était  évaporée,  sans 
décanter  celle  qui  avait  déjà  séjourné  dans  nos  verres  de  montre, 
M.  Doyère  a  supposé  qu'il  s'agissait  peut-être  d'une  espèce  d'asphyxie, 
due  au  contact  d'un  liquide  altéré  par  la  putréfaction  ou  la  fermenta- 
tion des  matières  organiques.  Cela  est  possible  pour  le  rotifère  observe 
le  2  mars  dans  une  préparation  déjà  ancienne;  mais  celui  qui,  humecté 
le  11  février,  fut  vu  en  pleine  activité  le  12,  au  bout  de  dix-huit 
heures,  et  qui  passa  pour  mort  le  lendemain  et  les  jours  suivants,  et 
ceux  qui,  vus  vivants  le  15  février,  après  quatre  jours  d'humectation, 
furent  confondus  le  lendemain  avec  les  morts,  ne  peuvent  guère  avoir 
été  asphyxiés  par  suite  de  la  décomposition  des  matières  organiques, 
d'autant  plus  que  la  température  était  très-froide,  et  que  les  prépara- 
tions ne  furent  maintenues  dans  un  milieu  plus  chaud  qu'à  partir  du 
irj  février  à  trois  heures  après  midi.  D'ailleurs  nous  avons  vu  en 
été,  par  des  températures  de  20  à  23",  des  rotifères  vivre  plus  de 
cinq  jours  dans  des  verres  de  montre  dont  l'eau  n'avait  pas  été  dé- 
cantée, sans  paraître  en  souffrir  le  moins  du  monde.  Ce  n'est  donc 
pas  à  cette  cause  qu'il  faut  attribuer  le  peu  de  durée  de  l'activité  des 
rotifères  qui  se  sont  ranimés  après  avoir  subi  pendant  trente  minutes 
une  température  de  100".  Il  me  paraît  bien  plus  probable  que  leur  or- 
ganisme avait  été  lésé  par  cette  épreuve  périlleuse,  qu'ils  ne  se  sont 
pas  ranimés  dans  un  état  d'intégrité  parfaite,  et  qu'ils  n'ont  recouvré 
qu'une  vie  languissante  aboutissant  promptement  soit  aune  mort  dé- 
finitive, soit  à  un  état  d'immobilité  ressemblant  à  la  mort.  Je  rappel- 
lerai que  trois  de  ces  animaux  seulement  sur  onze  ont  exécuté  sous 
nos  yeux  des  mouvements  de  locoiuotioii^qne  ceux-là  même  étaient  peu 
agiles,  que  les  autres,  plus  paresseux  encore,  ne  changeaient  pas  de 
place;  qu'enfin  un  douzième  rotifère  n'a  pu  exécuter  que  de  petites 
contraclions  partielles,  probablement  viscérales,  sans  pouvoir  réussir 


% 

à  se  (léploypr.  J'ajoute  que  dans  mes  observations  du  6  septem- 
bre 18.19,  faites  sur  la  mousse  chauffée  à  98°  au  mois  de  juin  précé- 
dent par  M.  Doyère,  aucun  dos  trois  animaux  ranimés  n'a  conservé 
plus  de  trois  jours  son  activité;  que  dans  mes  observations  du 
18  mars  1800,  laites  sur  la  n)ême  mousse,  le  seul  animal  qui  se  soit  ra- 
nimé a  vécu  moins  do  quaiaute-huit  heures  (I).  Il  me  paraît  résulter 
de  ces  faits  que  les  épreuves  dangereuses  ne  sont  pas  funestes  seule- 
ment aux  animaux  qui  perdent  leur  propriété  de  reviviscence,  mais 
qu'elles  sont  nuisibles  même  à  ceux  qui  la  conservent,  et  si  l'on  con- 
sidère en  outre  que  le  nombre  des  animaux  réviviscents  est  d'autant 
moindre  que  l'épreuve  a  été  plus  périlleuse  et  plus  longue,  on  est  con- 
duit à  penser  que  le  chauffage  à  100°  ne  saurait  être  prolongé  au  delà 
d'une  certaine  limite  sans  mettre  définitivement  à  mort  tous  les  ani- 
maux. 

l.a  comparaison  des  deux  expériences  XX-XXInous  fournit  un  en- 
seignement utile.  Ces  deux  expériences  ont  marché  de  front;  elles  ont 
été  faites  dans  des  conditions  en  apparence  identiques;  et  cependant 
l'une  a  réussi,  tandis  que  l'autre  a  échoué.  On  ne  peut  s'en  prendre 
qu'à  la  différence  des  mousses  mises  en  expérience.  Celles  qui  ont 
fourni  des  animaux  réviviscents  provenaient  de  la  boîte  n»  4;  elles 
avaient  été  récoltées  à  Meudon,  sur  des  rochers  exposées  au  sud,  et 
leur  terreau  était  blond.  Celles  dont  les  animaux  ont  succombé  à  l'é- 
preuve du  chauffage  provenaient  de  la  boîte  n°  2;  elles  avaient  été  re- 
cueillies à  Toulon  sur  un  toit  exposé  au  nord,  et  leur  terreau  était 
noir.  Nous  savons  d'ailleurs  qu'il  y  avait  dans  cette  mousse,  avant  le 
chauffage,  des  animaux  réviviscibles,  car  un  échantillon  pris  dans  la 
cupule  n"  29  au  sortir  de  la  machine  pneumatique,  et  déposé  le  9  fé- 
vrier dans  la  boite  A  (-2),  a  été  mis  en  expérience  le  17,  et  a  fourni  des 
rotifères  et  des  tardigrades  vivants.  Il  est  vrai  que  le  nombre  des  ani- 
maux morts  sans  retour  était  beaucoup  plus  considérable  (vivants  : 
2  rotifères  et  i  macrobiote;  morts:  7  à  8  rotifères,  6  macrobiotes, 
1  émydium  et  3  anguillules).  Or  le  11  novembre,  avant  d'être  soumise 
à  l'action  du  vide,  cette  mousse  avait  donné  trois  reviviscences  sur 
trois  animaux  examinés  (3).  Le  séjour  dans  le  vide  pendant  quatre- 
vingt-deux  jours  avait  donc  été  très-nuisible  aux  animaux.  Si  l'on 
compare  ce  résultat  avec  celui  qui  a  été  constaté  dans  l'expé- 
rience XVII,  sur  les  animaux  de  la  mousse  à  terreau  blond,  après 


(1)  Voy.  plus  haut,  dans  la  suite  de  re.\pér.  VI,  p.  '16. 

(2)  Voy.  plus  haut,  p.  86. 

(3)  Voy.  plus  haut,  p.  77. 


97 

soixante-quinze  jours  de  séjour  dans  le  vide  (t),  on  voit  que  l'épreuve 
de  la  dessiccation  prolongée  à  froid  a  été  beaucoup  mieux  supportée 
par  ces  dernieis. 

Il  parait  donc  que  la  propriété  de  résister  soit  à  la  dessiccation  à 
froid,  soit  à  la  dessiccation  à  cliaud,  est  plus  développée  chez  les  ani- 
maux élevés  dans  le  terreau  de  couleur  claire,  c'est-à-dire  dans  un 
milieu  habituellement  sec,  que  chez  les  animaux  élevés  dans  le  terreau 
de  couleur  foncée,  c'est-à-dire  dans  un  milieu  plus  humide.  Cette 
conclusion  ne  repose  pas  sur  un  assez  grand  nombre  d'observations 
pour  être  adoptée  sans  appel.  Peut-être  même  la  couleur  du  terreau 
n'est-elle  pas  toujours  en  rapport  avec  l'humidité  du  lieu  où  croissent 
les  mousses.  Mais  ce  qui  est  bien  positivement  établi  par  les  lésultats 
inverses  des  deux  expériences  XX  et  XXF,  c'est  que  la  résistance  de  la 
propriété  de  reviviscence  aux  épreuves  dangereuses  est  sujette  à  va- 
rier beaucoup,  pour  des  animaux  de  même  espèce  élevés  dans  des 
lieux  différents.  Il  n'en  faut  pas  davantage  pour  concilier  les  faits,  en 
apparence  contradictoires,  qui  ont  été  constatés  par  des  observateurs 
habiles  et  sincères;  c'est  ici  surtout  que  les  expériences  négatives 
doivent  être  accueillies  avec  prudence,  et  même  avec  défiance,  quel  que 
soit  le  talent  de  ceux  qui  les  exécutent. 

Nous  avons  à  nous  excuser,  messieurs,  d'avoir  si  longtemps  arrêté 
votre  attention  sur  des  détails  expérimentaux  aussi  minutieux  et  aussi 
fatigants.  Vous  voudrez  bien  ne  pas  oublier  que  la  plupart  des  faits  que 
nous  avons  été  appelés  à  examiner  étaient  en  co.ntestation  ;  il  nous  a 
donc  paru  nécessaire  de  vous  les  exposer  aussi  complètement  que  pos- 
sible afin  que  chacun  de  vous  puisse  les  analyser,  les  étudier  comme 
nous  l'avons  fait  nous-mêmes,  et  contrôler  nos  appréciations  en  pleine 
connaissance  de  cause.  Nous  pourrions,  et  nous  devrions  peut-être 
nous  en  tenir  \k;  mais  si  votre  attention  n'est  pas  encore  épuisée,  nous 
vous  demanderons  la  permission  de  vous  piésenter  encore  quelques 
remarques  sur  certaines  questions  qui,  sans  nous  avoir  été  directement 
soumises,  se  laltachent  étroitement  à  celles  dont  nous  nous  sommes 
occupés  jusqu'ici. 


(l)  Voy.  plus  liuut,  p.  73. 


98 


TROISIÈME  PARTIE. 


REMARQUES  GÉNÉRALES  SUR   LA   REVIVISCENCE. 


Nous  avons  dit  déjà  que  les  animaux  réviviscents,  en  état  d'activité 
dans  l'eau  ou  dans  la  terre  humide,  no  diffèrent  pas  des  animaux 
ordinaires.  Les  conditions  de  leur  vie  ou  de  leur  mort  n'ollrent  alors 
rien  de  particulier,  rien  qui  mérite  d'arrêter  longtemps  l'attention  des 
biologistes. 

Mais  lorsque  ces  animaux  ont  été  amenés,  par  suite  de  l'évapora- 
tion,  à  un  état  de  dureté  et  d'immobilité  complète,  et  que  cependant 
ils  conservent  encore,  au  milieu  de  toutes  les  apparences  de  la  mort, 
la  propriété  de  se  ranimer  au  contact  de  l'eau,  ils  offrent  à  l'observa- 
teur un  sujet  d'étude  tout  spécial,  et  comme  un  monde  nouveau  à 
peine  exploré  jusqu'ici  par  la  physiologie. 

Dans  les  nombreux  travauxqu'on  a  faits  sur  ce  sujet,  on  s'est  presque 
toujours  borné  à  examiner  une  seule  question.  On  s'est  demandé  si  les 
corps  réviviscibles  étaient  dans  un  état  de  mort  véritable  ou  dans  un 
état  de  mort  apparente.  La  plupart  des  expériences,  malgré  leur  va- 
riété, ont  été  dirigées  dans  ce  sens.  On  a  placé  les  animaux  plus  ou 
moins  desséchés  dans  des  conditions  qui  pouvaient  paraître  incompa- 
tibles avec  la  vie,  et  l'on  a  cherché  si  la  propriété  de  reviviscence  résis- 
tait ou  non  à  ces  épreuves. 

C'est,  il  faut  le  dire,  la  partie  la  plus  importante  du  sujet,  mais  ce 
n'en  est  qu'une  partie.  Que  l'animal  réviviscible  soit  réellement  mort 
ou  qu'il  soit  doué  de  vie,  il  est  certain  qu'il  se  trouve  dans  des  condi- 
tions entièrement  différentes  de  celles  que  présentent  ordinairement, 
soit  les  corps  vivants,  soit  les  corps  inanimés;  il  importe  donc  de  faire, 
sur  ce  mode  particulier  d'existence,  une  série  de  recherches  analo- 
gues à  celles  que  les  physiologistes  ont  faites  sur  les  fonctions  de  la 
vie,  et  à  celles  que  les  chimistes  ont  faites  sur  les  propriétés  de  la 
matière. 

M.  Doyère  est  entré  le  premier  dans  cette  voie  en  signalant  certaines 
conditions  communes  qui  président  à  la  fois  au  maintien  de  la  pro- 
priété de  reviviscence  et  au  maintien  des  propriétés  de  certains  prin- 
cipes immédiats. 

M.  Davaine,  en  étudiant  raction  d'un  grand  nombre  de  substances 


99 
organiques  ou  minérales,  acides  ou  alcalines,  toxiques  ou  non  toxi- 
ques sur  les  anguillules  de  la  nielle,  en  comparant  sous  ce  rapport 
les  anguillules  adultes  avec  les  larves,  et  les  larves  déjà  ranimées 
avec  celles  qui  ne  l'étaient  pas  encore,  a  tracé  le  cadre  d'une  série 
d'expériences  qui  devront  être  répétées  sur  les  autres  animaux  révi- 
viscents. 

Enfin  les  observations  toutes  récentes  de  M.  Pouchet  et  de  ses 
élèves,  MM.  Pennetier  et  Tinel,  ont  notablement  agrandi  le  cercle  de 
nos  connaissances  sur  les  conditions  au  milieu  desquelles  persiste  ou 
disparait  la  propriété  de  reviviscence,  et  quoique,  à  notre  avis,  ils 
n'aient  pas  connu  la  véritable  interprétation  «les  faits  qu'ils  ont  décou- 
verts, ces  faits,  dont  l'exactitude  n'est  pas  douteuse,  ont  droit  désor- 
mais à  toute  l'attention  des  physiologistes. 

Des  observations  assez  nombreuses  avaient  déjà  montré  que  les 
animaux  réviviscents,  déposés  dans  des  boites,  ne  sont  pas  toujours 
indéfiniment  réviviscibles  ;  on  les  avait  vu  revivre  au  bout  de  plu- 
sieurs années,  et  même  au  bout  de  vingt-huit  ans;  toutefois  on  avait 
remarqué  que  le  nombre  de  ceux  qui  se  ranimaient  diminuait  ordi- 
nairement à  mesure  qu'on  prolongeait  plus  longtemps  l'expérience; 
il  paraissait  donc  probable  que  la  durée  de  la  propriété  de  revivis- 
cence n'était  pas  illimitée.  En  d'autres  termes,  on  savait  que  Vépreuve 
du  temps  finissait  par  devenir  dangereuse  au  bout  d'un  nombre 
d'années  qui  variait  beaucoup  suivant  les  cas,  et  qui,  d'après  les 
faits  connus,  ne  paraissait  jamais  inférieur  à  trois  ou  quatre  ans; 
mais  la  cause  de  ce  phénomène  restait  inconnue.  Dominé  par  la 
pensée  que  la  vie  des  animaux  réviviscents  dépendait  de  la  présence 
ou  de  l'absence  de  l'eau  dans  leurs  tissus,  M.  Pouchet  a  pensé  que 
la  durée  de  la  propriété  de  reviviscence  variait  suivant  que  les 
conditions  étaient  plus  ou  moins  favorables  à  l'évaporation  de 
l'eau,  et  qu'en  définitive  Vépreuve  du  temps  n'était  qu'un  cas  particu- 
lier de  l'épreuve  de  la  dessiccation.  Pour  vérifier  l'exactitude  de  cette 
supposition,  il  a  cherché  à  accélérer  l'évaporation  naturelle  en  expo- 
sant aussi  directement  que  possible  les  corps  réviviscents  au  contact  de 
l'air;  il  les  a  dispersés  au  moyen  d'un  tamis,  sur  de  grandes  plaques 
de  verre,  et  quoiqu'il  ne  les  eût  soumis  à  aucun  procédé  de  dessicca- 
tion artificielle,  il  a  vu  qu'alors  la  reviviscence  s'éteignait,  non  pas  au 
bout  de  quelques  années,  mais  au  bout  de  deux  ou  trois  mois,  et  même 
en  été  au  bout  de  deux  à  trois  semaines.  Il  a  pu  être  conduit,  par  des 
circonstances  que  nous  examinerons  bientôt,  à  exagérer  la  rapidité  de 
la  mort  définitive  des  animaux  traités  de  la  sorte  ;  mais  une  différence 
de  quelques  semaines  est  ici  de  peu  d'importance.  Le  fait  essentiel,  dé- 
montré par  M.  Pouchet,  c'est  que  Vépreuve  de  Cexposilion  à  l'air  libre 


100 

constitue  pour  les  animaux  réviviscentsune  épreuve  très-dangereuso. 

Le  professeur  de  Rouen  en  a  lire  une  conséquence  qui  paraissait 
assez  logique,  et  qui  devait  ûaturellemeut  se  présenter  à  son  esprit, 
savoir  :  que  Vépi^euve  de  l'exposition  à  fair  libre,  Vdprcuve  du  temps 
et  Véprcîive  du  chauffage  agissaient  de  la  même  manière  sur  les  ani- 
maux; que  c'étaient  seulement  trois  formes  différentes  de  l'épreuve 
de  la  dessiccation,  qu'elles  ne  dilTéraient  que  par  la  lenteur  ou  la  rapi- 
dité de  leurs  résultats,  etque  la  mort,  la  mort  définitive,  survenait  dans 
les  trois  cas  au  moment  où  la  quantité  d'eau  retenue  dans  les  tissus  de- 
venait insuffisante  pour  l'entretien  de  la  vie. 

Cette  doctrine,  qui  atténuerait  singulièremfnt,  sans  l'cff'acer  toute- 
fois, la  gravité  du  phénomène  de  la  reviviscence,  se  trouve  renversée 
par  ce  fait  que  nous  avons  ranimé  des  rotifères  dessécliés  d'abord  à 
froid,  puis  à  chaud,  aussi  complètement  que  possible.  Les  trois 
épreuves  dont  nous  venons  de  parler  ne  doivent  donc  plus  être  con- 
fondues avec  répreuve  de  la  dessiccation.  L'enchaînement  qu'on  avait 
établi  entre  elles  se  trouve  rompu,  et  il  est  nécessaire  de  les  étudier 
séparément. 

1"   ÉPREUVE   DE  l'exposition   A   l'aIR  LIBRE. 

Nous  savons  maintenant  qu'un  rotifère,  desséché  successivement  à 
froid  et  à  chaud  et  parvenu  au  degré  de  dessiccation  le  plus  complot 
qu'on  puisse  obtenir,  dans  l'état  actuel  de  la  science,  sans  décomposer 
les  matières  organiques,  peut  conserver  encore  la  propriété  de  se  ra- 
nimer au  contact  de  l'eau. 

Comment  concilierons-nous  pourtant  celte  proposition  avec  les 
observations  de  MM.  Pouchet,  Pennetier  et  Tinel  sur  la  mort  prompte 
et  définitive  des  animaux  réviviscenls  desséchés  à  l'ombre  et  à  la  tem- 
pérature ordinaire  de  l'été?  N'oublions  pas  que  dans  ces  conditions 
M.  Pouchet  a  vu  la  propriété  de  reviviscence  détruite  à  partir  du 
seizième  jour,  qu'une  autie  expérience,  fuite  en  automne, nous  a  mon- 
tré que  presque  tous  les  animaux  étaient  morts  au  bout  de  soixaulo- 
dix-huit  jours  (fxpér.  XIII),  qu'enfin  du  terreau  récolté  par  M.  Pouchet 
et  conservé  dans  un  liim  sec  a  cessé,  depuis  le  mois  de  novembre,  de 
fûui'nir  drs  animaux  réviviscents  (I). 

Y  aurait-il  donc  contradiction  eiiti'e  ces  deux  séries  de  faits?  llépé- 
lons  une  fois  de  plus  qu'il  ne  saurait  y  avoir  de  contradiction  dans  la 


(1)  Voy.  plus  haut,  [).  Gj. 


101 
nature.  Lorsque  deux  faits  bien  constatés  paraissent  opposés  l'un  à 
l'autre,  c'est  que  l'un  des  deux  au  moins  a  été  mal  interprété. 

Le  premier  fait,  c'est-à-dire  la  reviviscence  des  rotileres  desséchés 
dans  le  vide  sec  pendant  quatre-vingt-deux  jours,  puis  dans  l'air  sec 
à  60°  pendant  deux  heures,  puis  dans  l'air  sec  à  100»  pendant  trente 
minutes,  ce  fait  est-il  mal  interprété?  Des  corps  microscopiques  qui 
ont  subi  une  pareille  épreuve  sont-ils  moins  secs  que  les  mêmes  corps 
desséchés  pendant  seize  jours  à  l'air  libre,  même  en  été,  même  au 
soleil?  La  réponse  ne  peut  faire  l'objet  d'un  doute.  Il  est  certain  que 
la  dessiccation  artificielle  est  plus  complète  que  la  dessiccation  natu- 
relle, et  si  la  première  ne  suffit  pas  pour  mettre  définitivement  à  mort 
les  rotifères,  on  peut  dire,  à  plus  forte  raison,  que  l'autre  est  incapable 
de  détruire  à  elle  seule  la  propriété  de  reviviscence  de  ces  animaux. 

C'est  donc  le  second  fait  qui  est  mal  interprété.  Ce  n'est  pas  à  la 
dessiccation  proprement  dite,  c'est  à  une  autre  cause  qu'il  faut  attribuer 
la  mort  définitive  des  animaux  desséchés  naturellement  à  l'air  libre. 

Cette  conclusion  est  rigoureuse,  et  a  paru  telle  à  M.  Pouchet,  puis- 
qu'il a  dit  à  propos  de  l'expérience  du  chaulfage ,  dont  il  nous  traçait 
le  programme,  que,  si  nous  réussissions  à  ranimer  des  animaux  chauf- 
fés à  100°  pendant  trente  minutes,  il  était  prêt  à  «  anéantir,  en  pré- 
«  sence  de  ce  fait,  cent  expériences  variées  qui  cependant  s'élèvent 
«  contre  lui  (1).  » 

11  est  bien  entendu  que  ce  ne  sont  pas  les  expériences  en  question 
qui  se  trouvent  anéanties;  elles  sont  et  restent  parfaitement  exactes. 
Ce  qui  s'écroule,  c'est  seulement  l'explication  qu'on  en  avait  donnée. 

Il  était  bien  naturel  que  cette  explication  se  présentât,  avant  toute 
autre,  à  l'esprit  de  M.  Pouchet.  Sachant  que  plusieurs  expérimentateurs 
avaient  ranimé  ,  au  bout  d'un  certain  nombre  d'années,  des  animaux 
renfermés  dans  des  boîtes,  ayant  vu  lui-môme  la  reviviscence  persis- 
ter plusieurs  mois  dans  le  terreau  conservé  en  couche  épaisse,  puis 
ayant  constaté  que  les  animaux  du  même  terreau  périssaient  sans  re- 
tour au  bout  de  quelques  semaines  lorsqu'il  les  étalait  en  couche 
mince  sur  une  lame  de  verre,  et  qu'ils  succombaient  plus  prompte- 
ment  encore  lorsqu'il  les  déposait  à  nu  dans  un  verre  de  montre,  il  en 
conclu!,  avec  toute  apparence  de  raison  ,  que  les  conditions  propres  à 
favoriser  l'évaporisation  de  l'eau  accéléraient  la  mort  définitive ,  que 
Jes  conditions  opposées  la  retardaient,  et  que  par  conséquent  les  ani- 
maux, en  perdant  leur  eau,  perdaient  leur  propriété  de  reviviscence. 
Celte  proposition  lui  parut  d'autant  plus  certaine  que  ses  essais  de 


(1)  Voy.  plus  haut,  p.  75. 


102 
dessiccation  artificiolle  ne  lui  avaient  donné  que  des  résultats  néga- 
tifs. Nous  vous  avons  déjà  signalé  les  causes  qui  avaient  pu  le  faire 
échouer.  Nous  n'y  reviendrons  pas  ici. 

Comment  cxpliquorons-nous  donc  ce  double  fait  que  les  rotifères  ri 
les  tardigrades,  exposés  directement  au  contact  de  l'air,  à  la  tempé- 
rature naturelle,  perdent  en  quelques  mois  leur  propriété  de  revivis- 
cence, tandis  que  les  mêmes  animaux,  conservés  dans  des  boites  ou 
dans  une  couche  épaisse  de  sable  ou  de  terreau,  sont  encore  révivis- 
ciblos  au  bout  de  plusieurs  années? 

Si  l'exposition  prolongée  au  contact  de  l'air  n'avait  été  nuisible 
qu'aux  animaux  de  M.  Pouchet,  nous  pourrions  supposer  que  le  peu 
de  résistance  de  ces  animaux  dépendait  de  leur  provenance.  Nous 
savons  que,  toutes  choses  égales  cC ailleurs ,  les  rotifères  et  les  tardi- 
grades  élevés  dans  du  sable  habituellement  sec  résistent  mieux  à  cer- 
taines épreuves  que  ceux  qui  ont  vécu  dans  un  terreau  habituellement 
humide.  Il  est  donc  assez  probable  que  cet  élément  n'est  pas  sans  in- 
fluence sur  les  résultats  de  l'exposition  h  l'air  libre,  et  quand  on  voit 
dans  les  premières  observations  de  M.  Pouchet  tous  les  rotifères  mourir 
définitivement  dès  le  dix-septième  jour  (i),  lorsqu'on  voit  la  propriété 
de  reviviscence  éteinte  déjà  au  bout  de  cinq  jours  chez  tous  les  lardi- 
grados,  chez  toutes  les  anguillules  et  chez  presque  tous  les  rotifè- 
res (2),  on  est  autorisé  à  croire  que  la  nature  du  teireau  a  été  pour 
beaucoup  dans  ce  singulier  résultat.  Mais  du  terreau  très-semblable, 
recueilli  dans  le  même  lieu  deux  ou  trois  mois  plus  tard  et  mis  en 
expérience  le  13  août  devant  la  commission,  renfermait  encore,  au 
bout  de  soixante-dix-huit  jours,  quelques  animaux  révisviciblos  (voy. 
expér.  XII},  quoiqu'il  eût  été  exposé  au  soleil  depuis  le  23  août  jus- 


Ci)  Nous  ne  parlons  pas  ici  des  cxprncnces  faites  devant  la  commission, 
mais  de  celles  que  M.  roncbcl  a  consignées  dans  le  premier  tableau  de  ses 
RKciiKuniES  suu  LKS  ANIMAUX  RKSSisciTANTS,  publiccs  au  Hiois  d'aoùt  1S59, 
(p.  89.)  Sur  134  animaux  examinés  entre  le  cinquième  et  le  vingtième  jour,  il 
n'y  eut  que  9  rotifères  ranimés  par  l'hnmcctation  ;  savoir,  1  au  bout  de  cinq 
jours,  3  an  bout  de  bnit  jours,  1  an  bout  de  ncnt'  jours,  1  an  boiU  de  onze 
jours,  2  au  bout  de  seize  jours.  Au  delà  du  seizième  jour  il  n'y  eut  plus  de 
reviviscence.  Aucun  tardigrade,  aucun?  anquillule  ne  se  ranima.  Sur  les 
134  animaux  examiui'S,  il  y  avait  81  roliières,  31  auguillides,  et  2'2  tardi- 
grades. 

Le  terreau  avait  ('lé  dcsséclic  à  l'ombre,  à  l'air  libre,  sous  nue  température 
qui  avait  varié  de  "0  à  28". 

("2)  Sur  14  rotifères,  I  anfriiillule  rt  T.  lardirrados,  exaniim'.'^  nilrc  le  cin- 
quième et  le  luiilièiue  jour,  '2  rotifères  seulement  furent  raninns. 


103 

qu'au  1"  octobre  en  couche  excessivement  mince;  en  lin,  plus  de  la 
moitié  des  animaux  se  sont  ranimés  dans  des  préparations  faites  de- 
puis le  même  temps,  avec  le  môme  terreau,  sur  de  petites  plaques  de 
verre  ou  dans  des  verres  de  montre  conservés  dans  le  laboratoire  de 
physique,  sous  une  cloche  tubulée  (expér.  XIII).  Voilà  donc  des  ié- 
sultats  bien  différents  obtenus  avec  des  animaux  de  même  provenance. 
D'un  autre  côté,  dans  l'expérience  III,  faite  avec  la  mousse  de  Toulon, 
presque  tous  les  animaux  exposés  à  l'air  libre  avaient  perdu ,  au  bout 
de  soixante-quinze  jours,  leur  propriété  de  reviviscence;  ces  aiiinia'ix 
étaient  pourtant  doués  d'une  organisation  bien  solide,  puisqiii^  la 
même  mousse,  chauffée  à  98"  dans  l'expérience  VI,  a  fourni  nu  très- 
grand  nombre  de  rotifères  et  de  tardigradcs  réviviscents.  Ce  ne  sont 
donc  pas  seulement  les  animaux  de  la  cathédrale  de  Rouen  (jui  suc- 
combent à  l'épreuve  de  l'exposition  à  l'air  libre.  Getto  épreuve ,  chose 
qu'on  n'eût  certes  pas  prévue,  est  plus  dangereuse  que  celle  do  la  des- 
siccation artiflcielle,  et  elle  paraît  nuisible  à  la  plupart  des  animaux  des 
toits,  quelle  qu'en  soit  la  provenance. 

On  remarquera  que  des  corps  microscopiques  dispersés  sur  le  verre, 
et  conservés  à  l'air  libre  ,  soit  en  été ,  soit  en  hiver,  soit  à  l'ombre, 
soit  dans  un  lieu  visité  chaque  jour  par  le  soleil ,  ne  sont  pas  exposés 
seulement  cà  perdre  leur  eau  par  évaporation.  Ils  subissent  nécessaire- 
ment les  variations  de  température  et  les  variations  hygrométriques 
de  l'atmosphère.  Déposés  dans  des  boites,  ou  conservés  en  couche 
épaisse,  ils  n'échappent  pas  pour  cela  à  ces  deux  ordres  d'influences, 
mais  ils  les  subissent  moins  aisément,  et  surtout  moins  brusquement, 
et  c'est  à  cela  sans  doute  qu'ils  doivent  de  garder  pendant  un  temps 
incomparablement  plus  long  leur  propriété  ne  reviviscence;  car,  ainsi 
que  nous  l'avons  déjà  dit,  on  ne  peut  attribuer  cette  différence  au  fait 
pur  et  simple  d'une  dessiccation  plus  ou  moins  complète. 

Mais  il  se  présente  une  objection  qui  paraît  fort  grave.  Vous  n'avez 
pas  oublié  que  les  rotifères  et  les  tardigrades  peuvent  subir  impuné- 
ment et  sans  transition  des  changements  de  température  énormes  et 
presque  incroyables;  qu'ils  peuvent  sauter  sans  périr  de  —  17"  6  à 
+  78°,  et  qu'après  cette  épreuve  effrayante,  humectés  tout  à  coup, 
encore  chauds,  avec  de  l'eau  froide,  ils  se  raniment  en  quelques  mi- 
nutes (expér.  IX  et  X).  N'est-ce  pas  la  preuve,  nous  dit  M.  Pouchet, 
que  les  changements  les  plus  extrêmes  et  les  plus  rapides  de  tempéra- 
rature  et  d'humidité  sont  sans  action  sur  les  corps  réviviscibles? 
Qu'est-ce  auprès  de  cela  que  les  étroites  oscillations  thermométriques 
et  hygrométriques  qui  atteignent  les  animaux  exposés  à  l'air  libre  en 
quelque  saison  que  ce  soit? 

Cet  argument  est  séduisant,  mais  il   n'est    pas   sans  réplique. 


104 
M.  Doyère  est  le  premier  expérimentateur  qui  ait  recommandé  d'hu- 
mecter graduellement ,  en  quelques  heures  ou  môme  en  deux  ou  trois 
jours,  les  animaux  dont  la  reviviscence  a  été  compromise  par  le 
chauffage  à  100°.  Mais  tous  les  autres  observateurs  (et  lui-même 
dans  les  expériences  oïdinaires)  ont  l'habitude  de  verser  l'eau  di- 
rectement sur  les  corps  plus  ou  moins  secs  qu'ils  veulent  ranimer. 
Un  brusque  changement  d'état  hygrométrique  n'est  donc  pas  un 
obstacle  sérieux  à  la  reviviscence.  On  ne  peut  pas  dire  toutefois  que 
celte  épreuve  soit  absolument  sans  danger.  Lorsqu'on  place  un  nombre 
déterminé  d'animaux  dans  un  verre  de  montre,  avec  une  petite  quan- 
tité d'eau,  qu'on  les  laisse  sécher  à  l'air  libre  pendant  deux  ou  trois 
jours,  qu'on  les  humecte  de  nouveau  pour  les  faire  sécher  encore,  et 
ainsi  de  suite,  on  voit  le  nombre  des  réviviscents  diminuer  à  chaque 
humectalion  nouvelle,  et  il  arrive  un  moment  où  tous  les  animaux 
sont  définitivement  morts.  Spallanzani,  qui  eut  la  patience  de  pousser 
l'expérience  jusqu'au  bout,  put  ranimer  quelques  rotifères  jusqu'à 
quinze  fois,  mais  aucun  ne  supporta  la  seizième  épreuve  (i).  11  est 
même  assez  rare  qu'on  puisse  aller  jusque-là;  je  n'ai  pu  dépasser  avec 
les  rotifères  la  sixième  révivification,  mais  j'ai  obtenu  jusqu'à  la  neu- 
vième avec  les  anguillules  du  blé  niellé.  Ainsi,  quoique  l'épreuve  do 
l'humectation  soit  peu  dangereuse,  elle  n'est  pas  entièrement  inofîen- 
sive  puisque  quelques  animaux  y  succombent  même  dès  la  première 
fois,  et  le  danger  s'accroît  à  chaque  nouvelle  épreuve.  Si  le  corps  des 
animaux  révivisci blés  était  une  matière  organique  amorphe,  il  pour- 
rait peut-être  conserver  toutes  ses  propriétés,  malgré  les  alternatives 
répétées  d'humectation  et  de  dessiccation  à  de  courts  intervalles;  mais 
ce  corps  est  doué  d'une  organisation  compliquée,  et  il  faut  que  cette 
organisation  soit  respectée  pour  que  le  retour  des  fonctions  soit  pos- 
sible. Or  un  coips  non  homogène  qui  s'humecte  rapidement  ne  se 
gonfle  pas  d'une  manière  uniforme;  les  parties  hygroscopiques  se 
gonflent  plus  vite  que  les  autres,  et  il  en  résulte  des  tiraillements  inté- 
rieurs qui  peuvent  altérer  la  structure  et  même  la  continuité  des  tis- 
sus. Il  n'est  donc  pas  étonnant  que  l'absorption  de  l'eau  soit  capable 
de  nuire  à  l'organisation  des  animaux  réviviscents,  et  la  seule  chose 
dont  on  puisse  s'étonner,  c'est  que  ce  changement  d'état  ne  leur  soit 
pas  plus  nuisible.  Dès  le  moment  que  l'absorption  de  Veau  peut  faire 


(I)  Spallanzani,  OimscuLEs  de  physiqur,  etc.,  trad.  fr.  Genève,  1777,  in-8», 
t.  il,  p.  310  :  «  Ils  (les  rotifères)  étaient  très  abondants  la  première  fois 
«  qn'ils  rcssnscitaicnf,  mais  leur  nombre  diminua  dans  les  suivantes;  ils 
«  (Maient  très-rares  dans  les  dernières.  Il  n'en  ressuscita  plus  aucun  à  la  sei- 
«  zièmc  fois.  » 


103 
perdre  aux  animaux  desséchés  leur  propriété  de  reviviscence,  on  com- 
prend que  l'absorption  de  la  vapeur  (Veau  atmosphérique  puisse  pro- 
duire en  eux  les  mêmes  lésions  ou  du  moins  des  lésions  analogues; 
car  en  définitive  c'est  toujours  de  Teau  qui  s'imbibe  dans  les  tissus, 
qui  les  gonlle  inégalement,  et  si  la  propriété  de  reviviscence  est  com- 
promise à  un  degré  quelconque  dans  le  premier  cas,  on  ne  voit  pas 
pourquoi  elle  ne  serait  pas  compromise  aussi  dans  le  second.  Elle  le  sera 
sans  doute  à  un  moindre  degré,  car  il  est  naturel  que  la  pénétration 
de  l'eau  étant  plus  lente,  les  effets  de  cette  pénétration  soient  moins 
prononcés  et  moins  graves;  mais  le  risque,  pour  être  atténué,  n'est 
pas  annulé. 

Au  surplus,  ce  n'est  pas  seulement  Thumectation  qui  est  de  nature 
à  altérer  la  structure  des  corps  réviviscents  ;  l'évaporation  trop  rapide 
suffit  à  elle  seule  pour  produire  ce  résultat.  Une  mince  couche  d'albu- 
mine étalée  au  pinceau  sur  une  lame  de  verre ,  et  desséchée  lentement 
sous  un  verre  de  montre,  conserve  sa  continuité;  tandis  que  si  on 
la  dessèche  plus  vite,  si  on  l'expose  seulement  à  l'air  libre,  elle  ne 
tarde  pas  à  se  fendiller.  De  semblables  fissures,  et  môme  des  fissures 
beaucoup  moindres,  suffiraient  amplement  pour  empêcher  un  corps 
réviviscent  de  se  ranimer.  Ne  savons-nous  pas,  en  effet,  que  les  roti- 
féres,  déposés  vivants  et  à  nu  sur  une  lame  de  verre  et  exposés  aus- 
sitôt en  plein  air,  perdent  le  plus  souvent  leur  propriété  de  revivis- 
cence, taudis  qu'ils  la  conservent  ordinairement  lorsqu'on  les  dessèche 
plus  lentement  entre  deux  verres  de  montre?  Ne  savons-nous  pas  que 
ces  animaux,  placés  dans  le  vide  lorsqu'ils  sont  encore  mouillés,  pé- 
rissent presque  tous  définitivement,  tandis  qu'ils  résistent  très-bien 
à  l'action  du  vide  lorsqu'ils  ont  été  préalablement  desséchés  à  l'air 
libre  (i)?  C'est  donc  la  preuve  qu'un  changement  trop  rapide  de  l'état 
hygrométrique  altère  gravement  leur  organisation.  Des  animaux  révi- 
viscents, déjà  naturellement  et  lentement  desséchés,  sont  moins  expo- 
sés sans  doute  aux  altérations  de  ce  genre;  celles-ci,  au  lieu  de  se  pro- 
duire en  une  seule  fois  et  en  quelques  instants,  ne  surviendront  qu'à 
la  longue  et  en  plusieurs  fois;  mais  il  est  probable  qu'elles  deviendront 
tôt  ou  tard  assez  prononcées  pour  faire  perdre  aux  tissus  une  partie 
de  leur  structure  et  de  leurs  propriétés. 

Un  corps  réviviscent,  exposé  continuellement  au  contact  de  l'air, 
subit  donc  une  épreuve  nuisible  chaque  fois  que  l'hygromètre  varie, 
et  comme  l'humidité  atmosphérique  peut  augmenter  ou  diminuer 
plusieurs  fois  dans  la  même  journée,  comme  les  substances  hygrosco- 


(1|  Voy.  plus  haut,  p.  36,  40  et  43. 


106 
piques  tendent  sans  cesse  à  se  mettre  en  équilibre  avec  l'air  qui  les 
touche,  le  corps  du  rotifère,  déposé  à  nu  sur  une  plaque  de  verre,  loin 
d'ètredans  cet  état  de  repos  moléculaire  qui  assurerait  la  conservation 
de  ses  tissus  et  de  ses  organes,  est  au  contraire  le  siège  d'une  évapora- 
tion  ou  d'une  irabibition  qui  se  succèdent  presque  sans  interruption. 

Il  est  probable  que  c'est  la  principale  cause  du  danger  que  courent 
les  animaux  exposés  continuellement  à  l'air  libre.  La  durée  du  temps 
au  bout  duquel  ils  perdent  alors  leur  propriété  de  reviviscence ,  doit 
naturellement  varier  avec  le  nombre  et  l'étendue  des  oscillations 
hygrométriques  qui  se  succèdent  dans  un  temps  donné.  Cela  peut 
expliquer  la  différence  des  résultats  obtenus  dans  les  diverses  saisons. 
Cela  explique  bien  mieux  encore  la  longue  persistance  de  la  propriété 
de  reviviscence  chez  les  animaux  conservés  dans  une  couche  épaisse 
de  terreau  ou  renfeimés  dans  une  boite,  car  il  est  clair  que  dans  les 
deux  cas  ils  sont  en  grande  partie  soustraits  à  l'action  des  variations 
de  l'humidité  atmosphérique. 

Faut-il  joindre  à  cette  cause  l'influence  des  changements  de  tempé- 
rature? Nous  n'osons  pas  l'alïirmer,  et  ta  belle  expérience  de  M.  Pou- 
chet  sur  les  animaux  qui  passent  tout  à  coup  impunément  de  —  17°,6 
à +  78",  doit  nous  faire  hésiter  ici.  Nous  remarquerons  toutefois  que 
cette  épreuve  n'est  pas  plus  excessive  en  ce  qui  concerne  la  tempéra- 
ture que  ne  l'est  l'humectalion  directe  en  ce  qui  concerne  l'humidité. 
Une  première  humectation  est  presque  inoffensive;  les  animaux  y 
résistent  presque  toujours,  mais  ils  ne  résistent  pas  à  plusieurs  humec- 
lations  faites  à  de  courts  intervalles.  De  même  il  est  possible  qu'une 
première  variation  de  température  soit  à  peu  près  sans  gravité,  et  que 
les  variations  suivantes  finissent  par  devenir  dangereuses.  Il  faudrait 
donc  savoir  avant  tout  si  l'expérience  des  brusques  changements  de 
température  pourrait  être  impunément  répétée  cinq  ou  six  fois  de 
suite.  C'est  ce  qui  n'a  pas  encore  été  essayé. 

11  y  a  encore  une  autre  condition  dont  il  faut  aussi  tenir  compte. 
Si  les  changements  de  tcmpératuie  sont  capables  de  déranger  l'orga- 
nisation des  corps  réviviscibles,  ce  ne  peut  être  qu'en  y  produisant  des 
dilatations  et  des  condensations  altei'natives.  On  comprend  que  la  di- 
latation ne  soit  pas  uniforme  dans  un  corps  qui  n'est  pas  homogène,  et 
qu'elle  puisse  y  produire  des  ruptures  intersticielles,  d'autant  plus  à 
craindie  que  ces  tissus  sont  plus  fragiles.  Or  la  fragilité  des  tissus  est 
plus  grande  lorsqu'ils  sont  secs  que  lorsqu'ils  sont  humides.  Un  roti- 
fère bien  desséché,  soumis  h  la  pression  d'une  aiguille,  éclate  comme 
un  grain  de  sel,  suivant  l'expression  de  Spallanzani  (!}.  Desséché  à 

(1)  Spallanzani,  lue  <  u.,  p.  .'L"  I . 


107 
l'air  libre  depuis  quelques  heures  seulement.,  et  retenant  encore  une 
certaine  quantité  d'eau  quoique  le  verre  sur  lequel  il  repose  paraisse 
tout  à  fait  sec,  le  corps  de  cet  animal  est  encore  assez  llexible  pour 
s'aplatir  sous  le  compresseur  sans  éclater.  La  fragilité  du  corps  de  l'a- 
nimal est  donc  d'autant  plus  grande  qu'il  est  plus  sec.  Nous  rappelle- 
rons maintenant  que  le  terreau  avec  lequel  M.  Pouchet  a  fait  ses  expé- 
riences des  brusques  changements  de  température,  avait  été  recueilli 
depuis  peu  de  temps  dans  un  lieu  assez  humide;  que  ce  terreau  n'avait 
été  soumis  à  aucun  procédé  de  dessiccation,  qu'il  avait  été  conservé  en 
couche  épaisse,  et  qu'il  devai  t  par  conséquent  retenir  encore  une  certaine 
quantité  d'humidité.  L'humidité  nuit  aux  animaux  soumis  à  des  tempé- 
ratures élevées,  parce  qu'elle  favorise  alors  l'altération  des  matières  orga- 
niques, et  qu'elle  les  expose  â  une  sorte  de  coction .  Mais  si  l'expérience 
a  prouvé  que  la  dessiccation  préalable  augmente  la  résistance  des  ani- 
maux réviviscents  aux  températures  élevées,  elle  a  prouvé  aussi  que 
la  présence  d'une  petite  quantité  d'eau  ne  s'oppose  pas  au  succès  de 
l'expérience  du  chauffage  à  80°.  L'humidité  que  renfermaient  les  corps 
des  rotifères  et  des  tardigrades  soumis  à  l'épreuve  des  brusques  chan- 
gements de  température  n'a  donc  pu  détruire  en  eux  la  propriété  de 
reviviscence,  puisque  ces  animaux  n'ont  pas  été  portés  au  delà  de  78"; 
mais  elle  a  pu  maintenir  dans  leurs  tissus  une  certaine  flexibilité  qui 
les  a  rendus  aptes  à  subir,  sans  se  rompre,  une  dilatation  inégale  et 
soudaine.  Il  faudrait  donc  savoir  encore  si  des  animaux  plus  complè- 
tement desséchés  résisteraient  à  la  même  épreuve  aussi  bien  que  les 
précédents.  C'est  une  expérience  à  faire,  et  l'on  pourra  se  demander 
jusque-là  si  la  dilatation  et  la  condensation  alternatives  qui  accompa- 
gnent les  fréquentes  variations  de  la  température  ambiante  ne  sont 
pas  de  nature  à  déterminer  quelques  lésions  dans  le  corps  des  ani- 
maux exposés  à  l'air  libre,  lorsque  l'état  hygrométrique  de  l'atmo- 
sphère permet  à  ces  corps  de  subir  une  dessiccation  considérable. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  dangers  de  l'exposition  à  l'air  libre  ne  pou- 
vant être  attiibués  au  fait  pur  et  simple  de  la  dessiccation,  nous  pa- 
raissent dépendre  des  lésions  produites  soit  par  les  variations  de  l'état 
hygrométrique  des  corps,  soit  par  les  variations  de  la  température, 
soit  par  ces  deux  causes  réunies,  et  nous  comprenons  ainsi  poui'quoi 
les  deux  expériences  XII  et  XIII  ont  donné  à  M.  Pouchet  des  résultats 
si  différents.  Dans  la  première,  le  terreau,  dispersé  au  tamis  sur  une 
grande  plaque  de  verre,  a  été  conservé  à  l'ombre  pendant  dix  jours, 
puis  exposé  pendant  soixante-huit  jours  au  soleil  derrière  un  vitrage, 
dans  un  grenier  mal  clos,  au-dessus  des  plombs  de  la  Faculté.  L'expo- 
sition.au  soleil  a  eu  lieu  pendant  les  deux  mois  de  septembre  et  oc- 
tobre, à  une  époque  où  les  nuits  sont  Iruiches  et  humides,  où  la  cha- 


108 

leur  solaire estencore  considérable,  et  où  parconséquent  les  oscillations 
de  la  température  cl  derhumidilé  atmosphériques  sont  très-étendues: 
presque  tous  les  animaux  ont  perdu  leur  propriété  de  reviviscence. 
Dans  l'expérience  XIII,  au  contraire,  plus  de  la  moitié  des  animaux 
ont  pu  se  ranimer;  ils  étaient  pourtant  dès  l'origine  dans  des  condi- 
tions plus  défavorables;  provenant  du  même  terreau,  ils  avaient  été 
humectés  devant  nous,  et  desséchés  presque  à  nu  sîir  le  verre;  ils 
étaient  par  conséquent  bien  plus  directement  exposés  que  les  autres 
au  contact  de  l'air.  Mais  au  lieu  d'être  exposés  au  soleil,  ils  ont  été 
conservés  à  l'ombre,  sous  une  cloche  tubulée,  au  milieu  du  labora- 
toire de  physique,  et  dans  cette  grande  pièce  bien  close,  située  au  pre- 
mier étage,  les  variations  hygrométriques  et  Ihermoraétriques  ont 
certainement  été  beaucoup  moins  brusques  et  beaucoup  moins  consi- 
dérables que  dans  un  petit  grenier  vitré  faisant  saillie  au-dessus  d'une 
toiture  en  plomb. 

En  résumé,  quoique  Fonlana  ait  pu  ranimer  un  rotifère  desséché  à 
nu  sur  le  verre,  et  exposé  à  l'air  pendant  tout  un  été  au  grand  soleil, 
l'épreuve  de  l'exposition  à  l'air  libre,  prolongée  pendant  quelques 
mois,  doit  êlre  rangée  au  nombre  des  épreuves  dangereuses,  et  la 
disparition  plus  ou  moins  prompte  de  la  propriété  de  reviviscence 
paraît  devoir  être  attribuée  aux  lésions  que  déterminent  dans  le  corps 
des  animaux  les  variations  fréquentes  de  la  température,  et  surtout  de 
l'humidité  atmosphérique. 

2"  ÉPREUVE  DU  TEMPS. 

Nous  venons  d'étudier  les  causes  qui  peuvent  détruire  en  quelques 
semaines  ou  en  quelques  mois  la  propriété  de  reviviscence  des  ani- 
maux exposés  directement  au  contact  de  l'air.  Les  animaux  entourés 
d'une  grande  quantité  de  matière  solide,  enfermés  dans  des  boites  et 
conservés  dans  un  lieu  sec,  échappent,  sinon  entièrement,  du  moins 
en  grande  partie  à  l'inlluence  des  variations  atmosphériques;  il  est 
naturel  dès  lors  qu'ils  conservent  plus  longtemps  leur  propriété  de 
reviviscence.  On  sait,  en  effet,  que  des  rotifères  et  des  anguillules  ont 
pu,  dans  ces  conditions,  êlre  ranimés  au  bout  de  plusieurs  années; 
mais  on  sait  aussi  que,  dans  les  expériences  qui  ont  été  prolongées 
très-longtemps,  la  propriété  de  reviviscence  a  souvent  fini  par  s'é- 
teindre, une  fois  au  bout  de  trois  ans,  d'autres  fois  au  bout  de  cinq  ou 
six  ans;  et  quoique,  dans  un  cas  sur  lequel  nous  aurons  à  revenir, 
des  anguillules  aient  pu  revivre  après  vingt-huit  ans,  on  ne  saurait 
méconnaître  que  l'épreuve  du  temps  finit  à  la  longue  par  devenir 
nuisible  aux  corps  des  animaux  réviviscents. 


109 

On  a  pu  interpréter  ce  phénomène  de  trois  manières  différente?. 

Les  partisans  de  la  vie  latente  ont  dit  simplement  que  cette  vie  par- 
ticulière était,  comme  toute  vie,  soumise  à  l'action  du  temps;  qu'elle 
pouvait  se  prolonger  bien  au  delà  des  limites  assignées  par  la  nature 
à  la  vie  des  animaux  constamment  actifs;  qu'au  lieu  de  durer  quel- 
ques mois,  elle  pouvait  durer  plusieurs  années,  mais  qu'elle  finissait 
par  s'épuiser  tôt  ou  tard. 

Nous  nous  sommes  déjà  expliqués  sur  la  vie  latente;  nous  n'y  re- 
viendrons pas  ici. 

La  seconde  interprétation  est  celle  de  M.  Pouchet.  Nous  avons  déjà 
dit  que,  pour  lui,  l'épreuve  du  temps  n'est  qu'un  cas  particulier  de 
l'épreuve  de  la  dessiccation.  Des  animaux  enfermés  dans  une  boîte 
perdent  leur  eau  moins  rapidement  que  ceux  qui  sont  exposés  à  l'air 
libre;  au  lieu  de  perdre  leur  propriété  de  reviviscence  au  bout  de 
quelques  semaines  ou  de  quelques  mois,  ils  peuvent  alors  la  conserver 
pendant  plusieurs  années,  mais  ils  ne  sauraient  la  conserver  indéfini- 
ment, l'évaporation,  quoique  retardée,  devant  tôt  ou  tard  les  priver  de 
la  proportion  d'eau  nécessaire  à  l'entretien  de  la  vie.  Aussi  M.  Pouchet 
a-t-il  pu  dire,  en  parlant  des  animaux  complètement  desséchés  et 
soumis  pendant  trente  minutes  à  une  température  de  100°  :  i  Un  ani- 
«  mal  qui,  dans  ces  circonstances,  revivrait  après  un  seul  jour,  pour- 
tf  rait  revivre  après  un  siècle  (1).  » 

Nous  aurons  tout  à  l'heure  à  examiner  cette  conclusion,  qui  est 
parfaitement  logique  au  point  de  vue  où  M.  Pouchet  s'est  placé,  mais 
qui  demande  à  être  discutée,  maintenant  que  nous  savons  que  la  vie 
et  la  mort  des  rotifères  ne  dépendent  pas  du  fait  pur  et  simple  de  la 
dessiccation. 

Reste  une  troisième  et  dernière  interprétation.  Il  faut  admettre  que 
l'épreuve  du  temps  lait  subir  au  corps  des  animaux  réviviscents  de 
lentes  altérations  qui  finissent  par  modifier  la  constitution  anato- 
mique  ou  chimique  des  tissus,  au  point  de  rendie  impossible  le  retour 
des  manifestations  vitales;  car  la  propriété  de  reviviscence  paraît  liée 
exclusivement  à  la  conservation  de  l'état  matériel  du  corps.  Mais  en 
quoi  peuvent  consister  ces  altérations  extrêmement  lente?,  dont  les 
effets  ne  deviennent  appréciables  qu'au  bout  de  plusieurs  années?  Ne 
semble-t-il  pas  qu'un  corps  une  lois  desséché,  et  ainsi  soustrait  si- 
multanément à  la  putréfaction,  à  la  fermentation  et  au  mouvement  de 
la  vie,  devrait  conserver  indéfiniment  l'inlégrilé  de  ses  organes  et  la 
propriété  qui  en  dépend? 


(I)  Yoy.  plus  haut,  p.  75. 


110 

On  vient  do  voir  ce  que  pense  à  cet  égard  M.  Pouchet.  Déjà,  il  y  a 
un  siècle,  Bukcr  avait  dit,  à  propos  des  anguiilules  de  la  nielle  : 
«  Lorsqu'elles  sont  une  fois  parfaitement  sèches  et  dures,  elles  parais- 
«  sent  à  peu  près  à  l'abri  des  altérations  ultérieures,  pourvu  que  leurs 
«  organes  ne  soient  ni  brisés  ni  dilacérés;  dès  lors,  n'est-il  pas  pos- 
a  sible  qu'elles  soient  rendues  à  la  vie,  même  au  bout  de  vingt,  de 
«  quarante,  de  cent  ans  ou  d'un  nombre  quelconque  d'années,  à  con- 
a  dition  que  leurs  organes  soient  conservés  intacts?  L'expérience 
«  future  peut  seule  répondre  à  cette  question.  » 

Baker,  écrivant  ces  lignes  en  1753  (1),  faisait  allusion  à  une  expérience 
qui  lui  avait  montré,  en  juillet  1747,  des  anguillules  réviviscentes  dans 
des  grains  niellés  recueillis  et  desséchés  depuis  l'été  de  1743,  c'est-à- 
dire  depuis  quatre  ans  (2).  Ce  laps  de  temps  était  trop  court  sans  doute 
pour  permettre  dès  lors  à  l'auteur  de  répondre  affirmativement  à  la 
question  qu'il  avait  posée;  mais  une  observation  qu'il  fit  longtemps 
après  parut  beaucoup  plus  démonstrative.  Ces  mêmes  grains  niellés 
que  Needham  avait  recueillis  en  4743,  qu'il  avait  donnés  au  mois 
d'août  de  la  même  année  à  Martin  Folkes,  président  de  la  Société 
royale  de  Londres,  et  que  celui-ci  avait  donnés  à  Baker  en  1744,  furent 
mis  pour  la  dernière  fois  en  expérience  en  1771,  et  les  anguillules  se 
ranimèrent  encore  après  avoir  été  ainsi  conservées  à  sec  pendant 
vingt-huit  ans  (5).  Cette  observation,  la  plus  longue  de  toutes  celles 
qu'on  possède  jusqu'ici  sur  la  reviviscence,  semble  confirmer  pleine- 
ment la  supposition  qui  s'était  déjà  présentée  à  l'esprit  de  Baker,  à  la 
suite  d'une  expérience  beaucoup  plus  courte.  Si  un  animal,  dont  la 
vie  naturelle  ne  peut  se  prolonger  au  delà  d'une  année  (4),  garde  encore 


(1)  Hem'v  Baker,  EMPL0YME^'T  Fon  tue  MicnoscoPE,  2*  éô'\t.,  Loiidon  170 'i, 
in-8",  part.  11,  p.  255.  La  première  édition  parut  à  Londres  en  1753. 

(2)  Loc.  cit.,  p.  253-254. 

(3)  Needliam,  Lettre  à  l'ahbe  J{o;:ier,  dans  le  Journal  de  poysioce,  t.  V, 
p.  227,  mars  1775,  in-1";— Spallanzanl,  Opuscules  de  phvsiqne  animale  et 
VÉGÉTALE,  trad.  fr.  Genève,  1777,  in-S",  t.  II,  p.  35G.  Spallanzani  ne  parle  que 
d'une  période  devinj5^t-sept  ans.  Il  fait  commencer  l'expérience  àl'auuée  17  ii, 
où  les  grains  niellrs  furent  donnés  à  Baker;  mais  ces  grains  avaient  été  re- 
cueillis par  Needham  dés  1743. 

(4)  Les  anj;ulllulcs  de  la  nielle  ne  sont  réviviscentes  qu'à  l'état  de  larves. 
Les  anguillules  mères  meurent  très-peu  de  temps  après  avoir  déposé  leurs 
œufs  dans  la  galle  qui  porte  le  nom  t\c  grain  nielle.  Cette  ponte  a  lieu  quel- 
ques semaines  avant  la  maturité  du  blé;  les  (cuts  éclosent  presipie  aussitùl. 
et  les  grains  niellés,  pleins  de  lai  ves  d'anguillules,  se  dcssèclicnt  en  nuMiio 
temps  que  les  véritables  grains  de  Iroment.  Conservées  duus  les  greniers  jus- 


111 

au  bout  de  vingt-huit  ans  sa  propriété  de  reviviscence,  s'il  reprend 
alors  sa  vie  autrefois  interrompue,  et  s'il  devient  ainsi  le  contem- 
porain de  ceux  qui  pourraient  être  ses  descendants  àla vingt-huitième 
génération,  ne  sera-t-il  pas  permis  d'en  conclure  que  la  réviviscibi- 
lité  persiste  indéfiniment  dans  les  corps  soustraits  aux  lésions  méca- 
niques? 

Cette  conclusion  n'est  pourtant  pas  rigoureusee  ,  car  c'est  une 
question  de  savoirs!  la  matière  organique,  môme  desséchée  et  inerte, 
peut  se  conserver  indéfiniment  sans  altération.  Parvenue  à  un  cer- 
tain état  de  sécheresse,  elle  est  à  l'abri  de  la  putréfaction  et  de  la  fer- 
mentation, parce  que  ces  actions  chimiques  exigent,  pour  se  produire 
à  un  degré  appréciable,  une  assez  notable  quantité  d'eau.  Mais  a-t-elle 
acquis  par-là  une  permanence  éternelle?  Qui  oserait  l'affirmer?  Parmi 
les  modificcitions  que  peut  subir  la  matière,  il  en  est  qui  s'effectuent 
dans  un  temps  plus  ou  moins  court;  celles  là  ont  pu  être  étudiées  par 
les  physiciens  et  les  chimistes,  et  rapportées  par  eux  à  des  causes  pré- 
cises. Mais  à  côté  de  ces  actions  rapides,  dont  les  effets  sont  faciles  à 
apprécier,  il  en  est  d'autres  infiniment  plus  lentes,  dont  les  effets  ne 
deviennent  sensibles  qu'au  bout  d'un  temps  beaucoup  plus  long,  et 
celles-là  sont  pour  la  plupart  tout  à  fait  inconnues.  Il  y  a  quelques 
années  à  peine  qu'on  commence  à  connaître  les  propriétés  chimiques 
de  la  lumière,  et  on  serait  encore  bien  embarrassé  s'il  fallait  expliquer 
pourquoi  la  plupart  des  couleurs  végétales  finissent  par  se  faner,  même 
à  l'abridu  soleil.  Le  vieux  papier  change  de  couleur,  celui  qui  estde  mau- 
vaise qualité  finit  quelquefois  par  tomber  en  poussière  ;  les  vieux  verni  s 
s'écaillent,  les  vieilles  colles  peident  leur  cohérence,  les  vieilles  farines 
s'altèrent,  le  vieux  vaccin,  conservé  à  sec  entre  deux  plaques  de  verre, 
perd  sa  vertu  au  bout  de  quelques  années,  etc.  Les  causes  de  ces  alté- 
rations lentes  de  la  matière  organique  ont  à  peine  été  étudiées.  On  en 
connaît  vaguement  quelques-unes,  on  en  soupçonne  d'autres,  et  d'au- 
tres encore,  qu'on  ne  soupçonne  pas  aujourd'hui,  seront  probablement 
découvertes  plus  tard.  Les  obstacles  qui  s'opposent  aux  progrès  de 
cette  partie  de  la  science  ne  sont  pas  insurmontables  sans  doute,  mais 
on  comprend  combien  il  est  difficile  de  soumettre  à  une  expérimen- 


qu'à  l'époque  des  semailles,  les  larves  d'anguillules  se  raniment  dans  la 
terre,  restent  à  l'état  de  larves  jusqu'au  commencement  du  printemps,  mon- 
tent alors  dans  le  blé  et  gagnent  l'épi  où  elles  achèvent  de  se  développer. 
La  durée  naturelle  de  leur  existence  ne  peut  donc  dépasser  une  année.  Elles 
partagent  le  sort  de  la  plante  annuelle  sur  laquelle  commence  et  flnit  leur 
vie.  (Voyez  pour  plus  de  di'taiîs  le  mémoire  déjà  cité  de  M.  Davaine). 


112 
tation  rigoureuse  des  phénomènes  extrêmement  lents,  qui  ne  devien- 
nent appréciables  qu'au  bout  d'un  certain  nombre  d'années.  Quoi  qu'il 
en  soit,  ce  qu'on  sait  aujourd'hui  permet  déjà  de  dire  qu'il  ne  suffit 
pas  de  mettre  le  corps  d'un  animal  réviviscentà  l'abri  des  chocs  mé- 
caniques, pour  être  certain  qu'il  conservera  sa  structure,  ni  de  le 
soustraire  à  la  putréfaction  pour  être  certain  que  ses  tissus  conserve- 
ront leur  composition  chimique. 

Malgré  l'obscurité  qui  plane  encore  sur  la  nature  des  altérations 
que  l'épreuve  du  temps  fait  subir  aux  substances  organiques,  il  est 
deux  ordres  d'influences  que  nous  signalerons  ici.  Les  unes  paraissent 
propres  à  altérer  la  constitution  pliysique  de  ces  substances,  les  autres 
à  en  modifier  la  composition  chimique. 

Nous  avons  déjà  indiqué  les  premières  en  parlant  de  l'épreuve  de 
l'exposition  à  l'air  libre  :  ce  sont  les  variations  delà  température  et  de 
l'état  hygrométrique.  Nous  avons  dit  que  les  alternatives  de  froid  et  de 
chaud,  de  sécheresse  et  d'humidité,  peuvent  agir  mécaniquement  sur 
les  matières  organiques  et  porter  atteinte  à  la  continuité  de  leur  sub- 
stance, et  c'est  à  ces  causes  séparées  ou  réunies  que  nous  avons  at- 
tribué le  peu  de  durée  de  la  propriété  de  reviviscence  des  animaux  ex- 
posés directement  au  contact  de  l'air.  Ces  mêmes  causes  agissent  avec 
beaucoup  moins  d'intensité  sur  des  corps  entourés  d'une  grande  quan- 
tité de  matières  et  conservés  dans  des  boîtes  fermées.  L'intensité  de 
leurs  eifets  doit  nécessairement  décioîlre  comme  l'intensité  de  leur  ac- 
tion. Le  résultat  qui,  dans  un  cas,  est  obtenu  au  bout  de  quelques  mois 
ou  quelques  semaines,  pourra,  dans  l'autre  cas,  se  faire  attendre  plu- 
sieurs années,  et  on  pourrait  déjà  expliquer  ainsi  ce  fait,  parfaitement 
certain,  que  la  propriété  de  reviviscence  persiste  beaucoup  plus  long- 
temps chez  les  animaux  renfermés  dans  des  boites  que  chez  les  animaux 
exposés  directement  aux  vicissitudes  atmosphériques.  ^ 

Mais  il  est  probable  que  les  matières  organiques  soumises  à  l'épreuve 
du  temps  sont  exposées  ù  subir,  sous  l'inlluence  delà  chaleur  et  de 
l'humidité  des  modifications  d'une  tout  autre  nature,  qui  peuvent 
porter  atteinte  à  leur  composition  chimique.  Ce  que  nous  pourrions 
dire  de  l'inlluence  isolée  de  la  chaleur  trouveia  mieux  sa  place  lors- 
que nous  étudierons  l'épreuve  du  chauffage.  Nous  ne  nous  occuperons 
ici  que  de  l'influence  de  l'humidité. 

Nous  ne  parlons  pas,  bien  entendu,dc  ce  degré  d'humidité  qui  règne, 
par  exemple,  dans  ks  caves,  et  qui  place  les  matières  organiques  dans 
des  conditions  propres  à  développer  la  fermentation  ou  la  putréfac- 
tion, phénomènes  sans  doute  plus  lents  dans  leur  action  (jue  si  les 
matières  étaient  dans  l'eau,  mais  ûv.  mèniu  nature  certainement  que 
la  putréfaction  et  la  fermenlulion  ordinaires. 


113 

Nous  ne  parlons  pas  non  plus  des  substances  mal  desséchées  qui, 
empilées  môme  dans  un  lieu  sec,  peuvent,  comme  le  foin  ou  le  blé  en- 
core humides,  entrer  en  fermenlaiion  au  bout  de  quelques  semaines 
ou  de  quelques  mois.  Celte  fermentation,  qui  détruit  la  propriété  ger- 
minative  du  blé,  s'accompagne  de  production  de  chaleur  et  de  déga- 
gement d'acide  carbonique,  et  doit  par  conséquent  être  rattachée  aux 
fermentations  ordinaires. 

Il  est  clair  que  si  les  corps  réviviscenls  étaient  placés  dans  l'une  ou 
l'autre  de  ces  conditions,  au  milieu  des  matières  organiques  qui  les 
entourent,  ils  seraient  exposés  à  subir  des  actions  chimiques  ana- 
logues aux  précédentes,  ils  les  subiraient  même  assez  promptement; 
mais  il  est  clair  aussi  que  ces  cas  diffèrent  entièrement  de  celui  que 
nous  étudions  ici.  Nous  supposons  les  substances  organiques  arrivées 
et  maintenues  à  un  degré  de  dessiccation  suffisant  pour  rendre  impos- 
sibles la  putréfaction  et  la  fermentation  proprement  dites,  comme  l'est, 
par  exemple,  le  blé  bien  séché  au  soleil  et  étalé  dans  un  grenier  en 
couche  peu  épaisse. 

Ce  degré  de  dessiccation  et  ce  mode  de  conservation  sufiîsenl-ils 
pour  mettre  les  matières  organiques  a  l'abii  de  toute  altération  chi- 
mique? Il  est  certain  que  non  ;  il  est  certain,  par  exemple,  que  les  fa- 
rines bien  sèches,  conservées  en  sacs  pendant  plusieurs  années,  ac- 
quièrent un  mauvais  goût  et  deviennent  impropres  à  la  panification. 
Ces  deux  résultats  sont  l'indice  d'une  altération  chimique  (1).  Le  blé 
desséché  d'abord  au  soleil,  puis  dans  les  granges,  et  enfin  déposé  dans 
les  greniers,  perd  en  trois  ou  quatre  ans,  dans  les  pays  habituellement 
humides,  sa  faculté  de  germination;  il  ne  la  perd  qu'au  bout  de  sept 


(1)  C'est  un  fait  bien  connu  que  les  farines  se  conservent  d'autant  plus 
longtemps  qu'elles  sont  plus  sèches.  Du  temps  de  Duhamel  on  ne  faisait  le 
tninot  (farine  en  baril  pour  les  voyages  au  long  cours)  que  dans  la  Provence, 
parce  que  les  blés  y  sont  plus  secs.  Les  farines  du  Nord  ne  pouvaient  servir 
pour  le  même  usage.  Duhamel  prouva  qu'au  moyen  de  l'étuvage  on  pouvait 
faire  le  minot  avec  toutes  les  farines.  Aujourd'liui  l'industrie  de  la  minote- 
rie s'est  répandue  dans  tout  le  bassin  de  la  Garonne,  et  ju?que  dans  le  nord 
de  la  France,  à  iNantes,  au  Havre,  etc.  Il  suffît  d'enlever  à  la  farine  quelques 
centièmes  d'eau  et  de  la  soustraire  au  contact  de  l'air  par  la  compression 
pour  la  conserver  plusieurs  années.  Mais,  pour  la  conserver  indéfiniment,  il 
faudrait  lu  déshydrater  complètement  par  des  moyens  qui,  jusqu'ici,  n'ont 
pas  été  appliqués  eu  grand.  Les  fécules  se  conservent  beaucoup  mieux  que 
la  farine.  L'altération  de  celle-ci  paraît  dépendre  surtout  de  l'altératiot» 
chimique  du  gluten,  qui  perd  son  élasticité,  de  telle  sorte  que  la  pâte  perd 
sou  liant  et  ne  lève  plu?. 

8 


114 
ou  huit  ans  dans  les  pays  où  l'air  est  habilucUement  plus  sec  et  plus 
chaud;  et  eu  Egypte,  où  il  ne  pleut  jamais,  les  grains  enfermés  dans 
les  anciennes  sépultures  ont  si  bien  résisté  à  l'action  du  temps  qu'on 
a  pu  les  faire  germer  encore  après  une  longue  suite  de  siècle?.  C'est  à 
dessein  que  nous  avons  choisi  cet  exemple  qui  est  tout  à  fait  compara- 
ble à  celui  des  animaux  réviviscents.  L'animation  d'un  germe  de- 
puis longtemps  desséché  n'(.'st-elle  pas  une  véiitable  reviviscence? 
Cette  analogie  n'avait  pas  échappé  à  Needham  qui,  à  tine  certaine  épo- 
que, était  parti  de  là  pour  établir  un  rapprochement  entre  les  anguil- 
lules  de  la  nielle  et  les  productions  végétales.  Elle  n'a  pas  échappé 
non  plus  à  M.  Doyère,  et,  pour  cet  habile  expérimentateur,  l'élude  des 
animaux  réviviscents  n'a  été  que  le  prélude  d'une  importante  série  de 
recherches  sur  la  conservation  des  grains  (1).  Comme  le  corps  du  ro- 
tifère,  le  germe  du  blé  perd  sa  propriété  de  reviviscence  bien  avant 


(1)  La  propriété  germinalive  des  grains  et  leur  aptitude  à  la  panification 
sont  à  peu  près  solidaires  l'une  de  l'autre.  Les  grains  qui  ne  sont  plus  paui- 
flables  ne  germent  pas,  et  réciproquement  les  grains  devenus  impropres  à  la 
germination  sont  bien  près  d'être  impropres  également  à  la  panification. 
Tout  permet  donc  de  croire  que  la  perte  de  la  faculté  gcrminative  est  le  ré- 
sultat d'une  altération  chimique  de  la  substance  du  grain.  Cette  altération  se 
produit  d'autant  plus  vite  que  le  blé  renferme  plus  d'eau.  Les  blés  très-liu- 
mideSj  qui  renferment  jusqu'à  23  pour  100  d'eau,  sont  quelquefois  altérés 
avant  la  fin  de  l'hiver.  iNoii-senlement  ils  ne  germent  plus,  mais  encore  la 
l'urine  qu'on  en  extrait  ne  donne  presque  plus  de  gluten  parla  maluNation. 
Les  blés  des  environs  de  Paris  renferment,  suivant  les  années,  de  14  à  18 
pour  100  d'eau.  Les  plus  humides  sont  gâtés  au  bout  de  deux  à  trois  ans;  les 
plus  secs  peuvent  durer  jusciu'à  sept  ou  huit  ans.  Les  blés  de  Maroc  et  d'.U- 
gérie,  ne  renfermant  que  de  10  à  13  pour  100  d'eau,  et  ceux  d'Andalousie,  ne 
renfermant  que  de  6  à  11  pour  100  d'eau,  se  conservent  beaucoup  plus  long- 
temps lorsqu'on  les  soustrait  à  l'humidité  atmosphérique.  M.  Doyèic  a  re- 
connu dans  ses  recherches  de  1S50-1852  sur  VAhicite  des  céréales  qne  le  blé 
exposé  à  l'air  dans  nos  contrées  subitdes  variations  hygrométriques  qui  peu- 
vent aller  presqu'à  5  et  môme  G  pour  100  (Recherches  sur  l'.vlucite  des 

CÉRÉALES,    SUIVIES    DE     QUELQUES    RÉSULTATS    RELATIFS    A     l'E.NSILAGE    DES 

GRAINS.  Paris,  1852,  grand  in-S",  p.  74).  Pour  conserverie  blé  sans  altéra- 
tion, il  est  donc  indispensable  de  le  soustraire  au  contact  de  l'air,  au  moins 
dans  nos  climats,  ce  qu'on  peut  obtenir  au  moyen  de  l'ensilage  ;  mais  cela  ne 
suffirait  pas  si  l'on  ne  commençait  par  enlever  au  grain  une  partie  de  son  eau 
au  moyen  de  l'éluvage,  ou  de  tout  autre  procédé  de  dcssicralion  artilicielle. 
Ou  pourrait  aussi  conserver  indéfiniment  la  plupart  des  blés  de  France,  ea 
leur  enlevant  4  à  5  pour  100  d'eau  par  des  moyens  arliûoiols,  et  eu  les  te- 
nant ensuite  à  l'alu'i  de  l'iiumidil(';  atmosi)hérique. 


115 
400%  lorsqu'on  le  place  sans  précaution  dans  une  étuve;  mais  lors- 
qu'on le  dessèche  graduellement  avant  de  le  soumettre  à  cette  épreuve, 
il  peut  germer  encore  après  avoir  dépassé  de  15  à  20"  la  température 
de  l'eau  bouillante  (1).  La  reviviscence  aux  températures  élevées  est 
donc  subordonnée  dans  les  deux  cas  à  la  soustraction  préalable  de 
l'humidité,  et  lorsque  nous  voyons  le  séjour  dans  un  air  incomplète- 
ment sec  détruire  à  la  longue  la  propriété  germinative  du  blé,  n'esl- 
il  pas  permis  de  croire  que  la  même  cause  pourra  aussi  finir  par  dé- 
truire la  propriété  de  reviviscence  des  rotifères  ? 

Il  résulte  de  ce  qui  précède  que  les  animaux  réviviscents,  desséchés 
à  la  température  ordinaire,  et  conservés  ensuite  dans  des  boîtes,  ne 
sauraient  être  considérés  comme  soustraits  aux  actions  physiques  et 
chimiques.  L'état  dans  lequel  se  trouvent  leurs  corps  ne  peut  être 
considéré  comme  permanent.  Il  faudrait  prendre  des  précautions  tou- 
tes spéciales  pour  les  mettre  à  l'abri  des  intluences  plus  ou  moins  nui- 
sibles que  nous  venons  de  signaler  ;  ce  serait  le  seul  moyen  de  savoir 
si  la  propriété  de  reviviscence  est  aussi  permanente  que  la  matière  or- 
ganisée à  laquelle  elle  appartient.  Ces  précautions  n'ont  jamais  été 
prises;  les  animaux  ont  été  conservés  sans  aucun  soin,  et  le  résultat 
des  observations  a,  par  suite,  considérablement  varié.  Spallanzani, 
dans  une  de  ses  expéilences,  déposa  le  sable  du  gouttières  dans  une 
boite,  l'examina  de  six  en  six  mois,  et  reconnut  qu'au  bout  de  trois 
ans  l'humectation  ne  ranimait  pas  mèmeunrotifèresur  cent  (2).  Mais 
dans  une  autre  expérience  il  vit  «  les  animaux  conservés  très-secs 
«  dans  un  petit  vase  de  terre  fermé,  »  se  ranimer  parfaitement  au  bout 
de  quatre  années.  Il  en  conclut  qu'ils  ressuscitaient  toujours  «  qiiel 
a  que  fût  le  temps  pendant  lequel  ils  étaient  restés  a  sec  (3).  »  Schuitze 
recueillit,  en  1850,  du  sable  de  gouttière  renfermant  des  animaux  ré- 
viviscibles,  et,  en  1858,  c'est-à-dire  au  bout  de  huit  ans,  la  propriété 
de  reviviscence  persistait  encore  (4).  Tout  récemment  enfin  M.  Doyère 
a  mis  en  expérience  des  mousses  provenant  de  l'herbier  de  M.  Lenor- 
mand.  Ces  mousses,  recueillies  à  Java  il  y  a  plus  de  onze  ans,  et  re- 


(1)  Duhamel  avait  déjà  réussi,  au  dernier  siècle,  à  faire  germer  des  grains 
de  blé  chauffés  duns  rétiive  jusqu'à  Il2°5'.  (Spallanzani,  Opuscules  de 
PHYSIQUE,  tr.  fr.,  1. 1,  p.  5!2.  Genève,  1777,  in-S".) 

(2)  Spallanzani  loc.  cit.,  t.  11,  p.  3U. 

(3)  Loc.  cit.,  p.  309. 

(4)  M.  Slrauss  Durklieima  eu  l'occasion  d'examiner  ce  sable  en  1838au  con- 
grès scientifique  de  Fribuig  en  Bri^gan.  La  propriété  de  reviviscence  per 
sistait  encore.  (Communication  orale.) 


lie 

eues  en  France  on  1849,  renfernnent  des  corps  derolilèresqui  ont  pu 
être  presque  tous  ranimés  après  trois  ou  quatre  jours  d'humectalion. 
Ainsi  la  propriété  de  reviviscence  qui,  dans  une  expérience  do  Spal- 
lanzani,  s'est  trouvée  à  peu  près  entièrement  éteinte  au  bout  de  trois 
ans,  s'est  parfaitement  maintenue  ici,  pour  des  animaux  de  même  es- 
pèce, pendant  plus  de  onze  ans.  Les  ansfuillules  de  la  nielle  ont  fourni 
des  résultats  plus  variables  encore.  On  a  vu  plus  haut  que  B.iker  avait 
pu  ranimer  ces  animaux  au  bout  de  vingt-huit  ans  :  l'expérience  n'a 
pas  été  poussée  plus  loin;  la  période  de  vingt-huit  ans  n'est  donc  pas 
une  limite,  mais  un  minimum.  D'un  autre  côté,  Bauer,  dans  une  pre- 
mière expérience,  vit  la  propriété  de  reviviscence  des  anguillules  durer 
pendant  cinq  ans  et  huit  mois,  et  dispaiailre  après  celte  époque  ;  dans 
une  autre  expérience,  faite  sur  des  gi'ains  niellés  d'une  autre  année, 
les  anguillules  ne  cessèrent  d'être  l'éviviscibles  qu'à  partir  de  six  ans 
et  un  mois  (1).  Voilà  des  différences  tout  à  fait  analogues  à  celles  que 
montre  la  durée  de  la  faculté  germinative  du  blé;  elles  dépendent  très- 
probablement  des  conditions  au  milieu  desquelles  les  corps  ont  été 
conservés,  c'est-à-dire  de  la  lacilité  plus  ou  moins  grande  avec  la- 
quelle ils  ont  subi  les  variations  de  température  et  d'humidité,  et  de  la 
quantité  d'eau  qui  est  restée  dans  leur  tissus.  On  remarquera  que  les 
anguillules  de  la  nielle,  qui  ont  fourni  jusqu'ici  la  plus  longue  période 
de  réviviscibilité,  sont  étroitement  pressées  les  unes  contre  les  autres  et 
enfermées  au  nombre  de  plus  de  50,000  dans  une  coque  épaisse,  dure 
et  tellement  peu  perméable,  que  loi'squ'on  veut  la  ramollir  pour  en 
extraire  le  contenu,  il  faut  la  faire  macéier  dans  l'eau  pendant  plu- 
sieurs heures.  Cette  enveloppe  piotectrice  rend  les  anguillules  peu  ac- 
cessibles aux  variations  hygiométriques,  et  contribue  sans  doute  beau- 
coup à  la  conservation  de  leur  propriété  de  reviviscence. 

Nous  voilà  bien  loin  n)ainteuant  de  l'opinion  de  M.  Pouchet.  Au  lieu 
de  penser  comme  lui  que  l'épreuve  du  temps  devient  nuisible  en  des- 
séchant les  animaux,  nous  pensons,  au  contraire,  qu'elle  doit  sa  prin- 
cipale gravité  à  l'insuffisance  de  la  dessiccation,  et  à  l'absence  des 
précautions  destinées  à  empêcher  les  corps  de  s'hydrater  de  nouveau. 
Nous  pensons  aussi,  quoique  à  nos  yeux  la  chose  soit  plus  douteuse, 
que  les  variations  de  température  ajoutent  encore  à  ces  chances  dé- 
favorables. 

Faut-il  conclure  de  là  que  l'épreuve  du  temps  soit  inullcnsive  en 


(I)  Francis  iHiiier,  Microscopical  Observations  on  titr  Susppusinn  of  the 
iluscular  Motion  of  the  Vibrio  Tritici,  dans  l*iULOSOPiiic.\r.  TiiANSACTlONS, 
1833.  l'art.  I,  p.  8,  iu-/j°. 


il7 

ellemêmo,  et  qu'en  prenant  corlaines  précautions  ou  puisse  maintenir 
indéfiniment  la  propriété  de  reviviscence?  Il  nous  parait  fort  probable 
que  des  animaux  desséchés  dans  le  vide,  enftrmés  à  la  lampe  dans  un 
tube  de  verre  avec  un  petit  fragment  de  chaux  vive,  et  enfouis  dans 
la  terre  à  une  profondeur  de  2  ou  5  mètres,  soustraits  ainsi  d'une  ma- 
nière complète  aux  variations  hygrométriques  et  d'une  manière  à 
peu  près  complète  aux  variations  de  température,  il  nous  parait  fort 
probable  que  ces  animaux  conserveraient  leur  propriété  de  revivis- 
cence bien  plus  longtemps  que  des  animaux  de  même  provenance 
simplement  déposés  dans  des  boites.  Mais  la  conserveraient-ils  à  ja- 
mais ou  seulement  pendant  un  siècle?  Pour  avoir  une  opinion  sur 
ce  point,  il  faudrait  d'abord  savoir  si  l'absence  de  l'eau  et  le 
maintien  d'une  température  modérée  et  constante  suffTisent  pour 
soustraire  toutes  les  matières  organiques  à  toutes  les  altérations 
chimiques.  L'exemple  du  blé  d'Egypte  n'est  concluant  que  pour 
le  blé  ;  les  principes  immédiats  qui  composent  ce  grain  ne  sont  pas, 
ne  peuvent  pas  êiro  identiques  à  ceux  qui  composent  les  corps  des 
animaux  révivisccnts,  et  les  influences  qui  n'agissent  pas  sur  les  uns 
pourraient  à  la  rigueur  modifier  les  autres.  On  ne  peut  donc  pas  af- 
firmer que  l'épreuve  du  temps  doive  devenir  absolument  sans  danger 
à  la  faveur  des  pi  écaulions qui  viennent  d"èlre  indiquées.  L'expérience 
seule  en  pour/a  décider,  et  la  question  restera  indécise  jusqu'à  ce 
qu'on  ait  fait  celte  expérience  décisive,  qui  exigera  peut-être  le  con- 
cours de  plusieurs  générations  d'observateurs  (1). 


(l;  Lorsque  j'ai  eu  connuissancc  de  la  l'évivication  des  rolifères  de  l'her- 
bier de  M.  LeiiormandJ'ai  csiiéré  un  moment  ipie  rcxamendes  mousses  plus 
anciennes  conservées  dans  les  herbiers  du  Muséum  pourrait  permettre  d'ap- 
précier la  durée  de  la  propriété  de  reviviscence.  Il  me  semblait,  et  il  me 
semble  encore,  que  les  mousses  comprimées  dans  un  herbier  sont  moins 
exposées  aux  vicissitudes  atmosphériques  que  les  mousses  déposées  dans 
des  boites.  Je  me  suis  donc  adressé  à  M.  le  professeur  Brongniart.  qui  a  bien 
Youlu,  avec  une  libéralité  dont  je  ue  saurais  trop  le  remercier,  mettre  à  ma 
disposition  des  échantillons  de  hryum  argentrum,  de  linjumpiri forme  et  de 
grimmia  pukinata,  datant  de  10,  40,  50,  70,  100  et  même  140  ans.  Mais  le  gi- 
sement des  plantes  n  était  pas  indiqué  sur  les  étiquettes.  Ces  mousses  ne 
croissent  pas  seulement  sur  les  toits,  elles  croissent  aussi  dans  les  lieux 
humides,  elles  y  deviennent  même  plus  belles  que  dans  les  lieux  secs,  et  il 
est  infiniment  peu  probable  que  les  botanistes  qui  les  ont  récoltées  soient 
allés  faire  leurs  herborisations  sur  les  toits.  Or  les  rolifères  qui  ont  été 
élevés  dans  les  lieux  humides  ne  possèdent  qu'à  un  faible  degré  la  propriété 
de  reviviscence.  Il  était  bon  sans  doute  d'examiner  les  mousses,  mais  il  fallait 
le  faire  avec  la  pensée  qu'un  résultat  négatif  ne  prouverait  absolument  rien. 


.'-  \ 


M/ 


^ 


118 

5°   ÉPREUVE   DU   CHAUFFAGE. 

La  plupart  dos  animaux  qui,  dans  nos  pxpérionoes,  ont  subi  pendant 
trente  minutes  une  tempciature  de  100",  ont  perdu  pans  retour  leur 
propriété  de  reviviscence;  cette  épreuve  est  donc  extrêmement  dan- 
gereuse, quelque  précaution  qu'où  puisse  prendre  pour  en  atténuer  la 
gravité. 

Les  animaux  qui  se  sont  ranimés  étaient  certainement  aussi  secs 
que  les  autres.  Ce  n'est  donc  pas  le  fait  pur  et  simple  de  la  dessicca- 
tion qui  a  été  nuisible  à  ces  derniers. 

Loin  que  la  dessiccation  soit  la  cause  de  la  mort  des  animaux  soumis 
à  l'épreuve  du  chauffage,  on  peut  dire  au  contraire  que  la  résistance 
aux  températures  élevées  s'accroît  d'autant  plus  que  les  corps  ont  été 
mieux  desséchés  d'avance. 

A  l'appui  de  celte  assertion  on  peut  citer  une  série  d'expériences  qui 
n'ont  pas  toutes  été  faites  devant  la  commission,  mais  qui  sont  par- 
faitement authentiques. 

Les  lotifères  vivants  chauffés  dans  l'eau  périssent  au  plus  tard  à 
bO°  centigrades,  et  rien  désormais  ne  peut  les  rappeler  à  la  vie  (1). 

Chauffés  dans  le  sable  mouillé  ils  meurent  sans  retour  à  5o"  centi- 
grades (2). 

Chauffés  dans  le  sable  ou  dans  la  mousse  qui  sans  être  mouilles  ont 
t-éjourné  dans  un  air  très-humide,  ils  peuvent  supporter  jusqu'cà  80* 


Plusieurs  des  écliantillons  que  j'ai  reçus  de  M.Brongniart  ont  été  mis  en  ex- 
périence. Je  n'y  ai  trouvé  ni  tarclif^rades  ni  angulUules,  mais  qucUiiies-uns, 
nolammeiit  ceux  de  1750,  renferuieiit  des  corps  de  rotifi  res.  Ces  corjjs  sont 
ri'giiliers  et  globuleux,  mais  les  viscères  paraissaient  désorganisés;  aucun 
ne  s'est  ranimé.  Les  rotifôres  des  mou?ses  recueillies  à  Java  avant  1849,  ont 
pu  conserver  jus([u'ici,  et  conserveront  peul-ètre  encore  longtemps  leur  pro- 
priétéde  reviviscence.  Dans  ce  climat  tropical  iln'ost  sans  doute  pas  nécc-^sairc 
de  monter  sur  les  toits  pour  trouver  des  rotil'ères  I)icn  révivjscents  II  faut 
tenir  compte  aussi  de  la  durée  du  temps  pendant  lequel  les  plantes  pré'parécs 
dans  les  iierhiers  conservent  leur  liumiilin''  [)ri!nilive.  La  dessiccation  s'ob- 
tient à  coup  sur  Ijcaui-oup  plus  promptement  à  Java  que  dan.^  notre  zone,  et 
la  période  d'iiunddilé  ([ui  précède  la  dessiccation  définitive  doit  être  d'autant 
plus  P'nsiblc  aux  animaux  qu'elle  se  prolonge  plus  longtemps. 

(1)  Spallanzain  avail  (ixé  celte  limite  ii  30°  Ri'aumur  qui  font  45»  ccnligr. 
IN'ons  avons  indi(pié  plus  liant  la  cause  de  son  erreur.  (Voy.  p.  23,  en  note.) 

('2)  Spallau/aui,  Oi'ii.sciJLiis  UE  iMirsigut;,  traduction  française.  Genève, 
1777,  in-«°,  t.  11,  p.  334. 


119 

de  chaleur,  mais  ne  peuvent  aller  au  delà  ;  presque!  tous  périssent 
même  entre  7d  et  80"  (1). 

Chauffés  dans  un  terreau  moins  humide  qui  a  été  desséché  natu- 
rellement à  l'air  libre,  ils  peuvent  aller  jusqu'à  83  et  même  jusqu'à 
9ir  (2). 

Desséchés  pendant  sept  jours  sous  la  machine  pneumatique  ils  peu- 
vent résister  à  une  température  de  98",  prolongée  pendant  cinq  mi- 
nutes. (Exp.  VI  et  VII.) 

Enfin,  desséchés  à  froid  sous  la  machine  pneumatique  pendant 
quatre-vingt-deux  jours,  puis  à  chaud  pendant  deux  heures,  sous  une 
température  de  60",  ils  peuvent  résister  à  une  chaleur  de  100"  pro- 
longée pendant  trente  minutes,  et  portée  même  à  un  certain  moment 
jusqu'au  delà  de  102°  (Exp.  XXI.) 

Ce  n'est  sans  doute  pas  la  limite  des  températures  que  les  rotifères 
peuvent  supporter  lorsqu'ils  ont  été  préalablement  desséchés.  Nous  re- 
viendrons tout  à  l'heure  sur  cette  limite.  Nous  voulons  seulement  ici 
faire  constater  que  la  résistance  des  rotifères  aux  températures  é! 'vées 
est  en  raison  inverse  de  la  quantité  d'eau  interposée  dans  leurs  tissus. 

Pourquoi  les  rotifères  chauffés  dans  l'eau  meurent-ils  au  plus  tard 
et  sans  retour  à  50°  centigrades?  Cette  température  est  inférieure  à 
celle  qui  fait  coaguler  l'albumine  et  qui  détermine  dans  les  matières 
organiques  des  changements  chimiques  appréciables.  Il  est  donc  pro- 
bable que  le  contact  de  l'eau  à  S0°  fait  subir  au  corps  des  rotifères  des 
altérations  anatomiques  incompatibles  avec  la  vie.  On  trouve  en  effet 
immédiatement  après  le  chauffage  que  les  animalcules  sont  gonflés, 
allongés,  gorgés  d'eau.  Ils  restent  dans  cet  état  jusqu'à  la  putréfac- 
tion. Chauffés  entre  45  et  50",  ils  sont  dans  le  même  état  de  gonfle- 
ment, mais  ils  n'y  restent  pas  tous,  et  au  bout  de  quelques  heures  ou 
de  quelques  jours,  un  certain  nombre  d'entre  eux  reprennent  leur 
activité  (5). 

Il  est  naturel  que,  chauffés  hors  de  l'eau,  les  animaux  révivisconts 
échappent  à  ces  lésions  anatomiques,  qui  paraissent  déterminées 
surtout  par  des  phénomènes  d'endosmose.  Mais  dès  qu'ils  atteignent 
les  températures  où  l'albumine  se  coagule  ils  semblent  menacés  d'une 


(1)  Gavarret,  Expériences  sur  les  rotifères,  les  tardigrades  et  les 

ANGUILLULES  DES  MOUSSES  DES  TOITS,  duUS  AmV.  DES  SC.  NATURELLES,  4'  sé 

vie,  t.  XI,  n"  3  (tirage  a  part,  p.  13). 

(2)  PoUChct,  RecIUOIXCMES  et  EXPÉRIE>fCES  SUR  LES  AMMAUX  RESSUSCITANTS. 

Paris,  1859,  in-8°,  p.  9l.et  92. 

(3)  Gavarret,  loc.  cit.,  p.  il. 


120 
désorganisation  irréparable,  et  puisque  cependant  ils  résistent  à  cette 
épreuve  et  même  à  des  terapéralures  encore  plus  élevées,  il  faut  en 
conclure  de  deux  choses  l'une  :  ou  bien  qu'ils  ne  renferment  pas  d'al- 
bumine, ou  bien  que  cette  substance  se  trouve  chez  eux  dans  un  état 
qui  la  soustrait  à  la  coagulation, 

La  première  hypothèse  est  peu  vraisemblable.  Tous  les  animaux 
qu'on  a  pu  analyser  jusqu'ici  ont  fourni  de  l'albumine.  Il  ne  faudra 
donc  recourir  à  cette  hypothèse  que  si  l'on  ne  peut  faire  autrement, 
et  l'on  pourra  faire  autrement  si  la  seconde  hypothèse  est  reconnue 
valable. 

Or  on  va  voir  que  la  reviviscence  des  rotifères  soumis  à  l'épreuve 
du  chauffage  est  parfaitement  compatible  avec  l'existence  d'une  cer- 
taine quantité  d'albumine  dans  leurs  tissus. 

L'albumine  liquide  peut  être  solidifiée  de  deux  manières:  par  coagu- 
lation ou  par  dessiccation. 

L'albumine  coagulée  est  devenue  à  jamais  insoluble  dans  l'eau.  Mais 
l'albumine  desséchée  à  froid  conserve  sa  solubilité;  et  lorsqu'elle  est 
redissoule  on  trouve  qu'elle  n'a  perdu  aucune  de  ses  propriélés. 

On  comprend  ainsi  qu'un  corps  renfermant  de  l'albumine  et  des- 
séché à  froid  puisse  être  remis  par  l'humectation  dans  l'éiat  où  il  était 
avant  la  dessiccation. 

L'albumine  desséchée  à  l'air  libre  pendant  quelques  jours  retient 
encore  une  certaine  quantité  d'eau.  Celle  qu'on  prépare  dans  le  com- 
merce pour  le  collage  des  vins  serait  exposée  à  une  prompte  pulréfac- 
si  on  ne  la  desséchait  plus  complètement  dans  une  étuve  chauffée 
entre  40  et  50".  La  dessiccation  naturelle  à  l'air  libre  laisse  donc  dans 
l'albumine  une  proportion  d'eau  assez  notable. 

Néanmoins  cette  albumine  peut  être  chauffée  sans  aucune  précau- 
tion jusqu'à  environ  80"  sans  perdre  sa  solubilité. 

Si  pour  la  dessécher  davantage  on  létale  en  couche  très-mince  sur 
une  assiette,  et  qu'on  la  garde  pendant  quinze  jours  dans  un  lieu  sec, 
on  peut  au  bout  de  ce  temps  l'exposer  pendant  plusieurs  minutes  à  une 
température  sèche  de  100»  sans  lui  enlever  sa  solubilité. 

Enfin,  M.  Chevreul  ai'econnu  que  l'albumine  desséchée  aussi  com- 
plètement que  possible  sous  la  pression  aiiuospltériquc  ne  cesse  entiè- 
ment  d'être  soluble  qu'après  avoir  subi  pendant  une  heure  et  demie 
au  moins  une  température  sèche  de  100°  (1).  Ce  professeur  n'a  pas  eu 


(1)  Chevreul,  De  l'influence  ocE  l'kai;  K.XERCF,  SUR  pi.rsiEims  jibstances 

AZOTÉES  SOLIIBLES,  dailS  AN.\.  DE  CllliMIE  ET  DE  l'nYSIQCE,  t.  XIX,  [).  3'2  (Ib'JÎ), 

lu  à  l'Académie  des  scieuces  le  9  juillet  li>'-2i.  Nous  croyons  devoir  indiquer 


121 
recours  à  la  dessiccation  préalable  dans  le  vide  sec;  M.  Doyère  pense 
qu'avec  celte  précaution  de  plus  on  arriverait  à  redissoudre  de  l'albu- 
mine chauffée  même  jusqu'au  delà  de  120°.  Mais  ceci  est  encore  du 
domaine  de  l'hypothèse. 

En  tous  cas,  nous  en  savons  assez  pour  être  autorisés  à  dire  que  la 
reviviscence  des  rotifères  chauffés  à  100°  n'implique  nullement  l'idée 
qu'il  n'y  ait  pas  d'albumine  dans  le  corps  de  ces  animaux. 

Dès  lors  il  n'y  a  aucune  raison  de  croire  que  les  animaux  révivis- 
cents  diffèrent  des  autres  par  l'absence  de  l'albumine. 

On  remarquera  d'ailleurs  que  les  conditions  de  dessiccation  plus  ou 
moins  complète  qui  permettent  à  l'albumine  de  conserver  sa  solubi- 
lité, et  aux  rotifères  de  conserver  leur  propriété  de  reviviscence,  sous 
des  températures  croissantes,  sont  à  peu  près  exactement  les  mêmes. 
L'analogie  est  frappante,  et  l'on  pourrait  être  tenté  de  supposer  que  la 
propriété  de  reviviscence  des  rotifères  soumis  à  l'épreuve  des  tempé- 
ratures élevées  dépend  uniquement  de  la  solubilité  de  leur  albumine. 

Telle  n'est  pourtant  pas  la  pensée  de  M.  Doyère.  Pour  lui,  la  ques- 
tion de  l'albumine  n'est  pas  la  base  exclusive  de  la  théorie  de  la  revi- 
viscence :  ce  n'est  qu'un  exemple  particulier  destiné  à  montrer  que 
l'influence  de  la  dessiccation  préalable  sur  les  rotifères  soumis  à 
l'épreuve  du  chauffage  n'est  pas  en  opposition  avec  les  faits  de  la  chi- 
mie organique.  Dès  le  moment  qu'un  principe  immédiat,  l'albumine, 
peut  acquérir  en  se  desséchant  de  plus  en  plus  la  propriété  de  résister 
à  des  températures  croissantes,  les  principes  albuminoïdes  indéter- 
minés dont  se  compose  le  corps  des  rotifères  peuvent  se  comporter 
d'une  manière  analogue  sans  qu'il  y  ait  lieu  de  s'en  étonner. 


en  quelques  mots  les  principaux  faits  consignés  dans  cet  important  mémoire. 
M.  Clievreul,  après  avoir  étudié  plusieurs  autres  matières  azotées,  s'occupe 
de  l'albumine  de  l'œuf  (§7).  100  parties  de  blanc  d'œuf  desséchées  à  l'air 
libre  se  réduisent  à  15,  et  ce  résidu  desséché  dans  le  vide  se  réduit  à  13,65. 
Par  conséquent  15  parties  d'albumine  séchées  à  l'air  libre  contiennent  encore 
1,35  d'eau  d'interposition  (soit  9  p.  100).  Nous  citerons  maintenant  dans  son 
entier  le  passage  relatif  à  l'action  de  la  chaleur  sur  l'albumine  sèche  soluble 
(p.  41).  «  L'albumiue  séche'e  à  l'air  peut  passer  à  l'état  d'albumine  coagulée 
«  insoluble,  si  on  la  renferme  dans  une  petite  boule  de  verre  qu'on  tient 
«  plongée  dans  l'eau  bouillante  pendant  une  heure  ou  une  heure  et  demie. 
«  L'albumiue  roussit.  L'effet  de  la  chaleur  ne  se  produit  que  lentement,  car, 
»  après  une  heure  et  demie  icne  -partie  de  l'ulbuminc  est  encore  soluble  dans 
«  l'eau,  et  coagulahle,  si  l'on  chauffe  la  solution  filtrée  jusqu'à  78°.  » 
M.  Clievreul  n'a  pas  répété  celte  expérience  sur  l'albumine  desséchée  dans  le 
vide. 


122 

L'alléralion  que  subissent  diverses  substances  orrraniques,  ot  en 
pai'ticuiier  l'albumine,  lorsqu'on  les  chauffe  en  présence  de  l'eau, 
n'est  pas  une  décomposition;  elle  parait  due,  au  contraire,  soit  à  la 
combinaison  de  ces  substances  avec  l'eau,  celle-ci  passant  à  l'état 
d'eau  de  combinaison,  comme  cela  a  lieu  dans  l'hydratation  du  plâtre, 
soit  à  un  de  ces  changements  d'état  connus  sous  le  nom  de  transfor- 
mations  isoinériques  ^  dans  lequel  l'eau  n'exercerait  qu'une  action  de 
présence. 

Lorsque  les  substances  soumises  au  chaufF,ige  sont  parfaitement 
desséchées,  et  qu'on  les  chauffe  dans  un  milieu  parfaitement  sec,  elles 
échappent  à  cette  cause  d'altération  et  peuvent  dès  lors  résister  à  des 
températures  qui  les  modifieraient  si  la  moindre  quantité  d'eau  ou  de  va- 
peurd'eauétaitencontactavecelles.  C'est  sur  cesdonnéesqueM.  Doyère 
a  fait  reposer  l'épreuve  du  chauffage  des  animaux  réviviscents;  toutes 
les  précautions  dont  il  s'entoure  ont  pour  but  d'exclure  entièrement 
de  l'étuve  l'eau  et  la  vapeur  d'eau.  Pour  lui,  le  chauffage  des  rotifères 
à  100°  n'est  pas  destiné  à  sécher  les  animaux  plus  complètement  qu'on 
ne  les  dessèche  à  froid,  mais  à  prouver  qu'il  ne  reste  plus  d'i^au  dans 
le  corps  de  ces  animaux  au  moment  où  ils  approchent  de  la  tempé- 
rature de  l'eau  bouillante.  On  pouvait  supposer  jusqu'alors  que  les 
rotifères  desséchés  à  froid,  ou  sous  des  températures  peu  élevées,  con- 
servaient néanmoins  en  vertu  de  leui'  état  de  vie,  ou  en  vertu  du  peu 
de  perméabilité  de  leurs  enveloppes,  une  certaine  proportion  d'eau. 
Pour  prouver  que  cette  interprétation  était  inadmissible,  et  que  les 
corps  des  rotifères  et  des  tardigrades  se  desséchaient  aussi  complè- 
tement que  les  substances  inertes,  M.  Doyère  a  soumis  ces  corps  à  des 
températures  qui  auraient  dû  altérer  la  composition  chimique  de  leurs 
tissus  s'il  y  fût  resté  la  moindre  quantité  d'eau.  Constatant  ensuite 
que  les  animaux  étaient  encore  réviviscibles,  il  en  a  conclu  que  la 
composition  chimique  de  leurs  tissus  n'avait  pas  été  altérée,  et  que 
par  conséquent  ils  étaient  tout  à  fait  secs  au  moment  où  ils  avaient 
atteint  les  hautes  températures.  En  d'autres  termes,  l'épreuve  du  chauf- 
fage n'a  été  pour  lui  qu'une  vérification  de  l'épreuve  de  la  dessicca- 
tion. Voilà  pouiipioi,  dans  ses  expériences,  il  ne  s'est  pas  attaché  à 
maintenir  longtemps  le  maximum  dn  température.  11  lui  a  paru  qu'au 
bout  de  quelques  minutes,  la  tempe ratiiiu;  marquée  par  le  thermomètre 
de  l'étuve  avait  dû  pénétrer  cotnpiétement  jusqu'aux  moindres  par- 
celles de  la  substance  placée  autoiir  de  la  boule  du  thorniomèliv.  Pour 
M.  Pouchet,  au  contraire,  le  chauffa'f^e  n'est  qu'un  moyen  tic  dessic- 
cation, et  dès  lors,  la  température  iiiaximnm  doit  être  maintenue  assez 
longtemps  pour  que  l'évaporation  totale  de  l'eau  soit  rendue  abso- 
menl  indubitable. 


123 

Il  n'est  pas  étonnant  que  des  expériences  dirigées  dan^  O.os  buis  (Jif- 
férents  aient  donné  des  résultais  ilifférenl;^.  Mais  il  est  résulté  di'.s 
reclierches  de  M.  Pouchet  un  fait  d'une  haute  importance  dont  nous 
aurons  bientôt  à  chercher  l'explication  :  c'est  que  la  durée  de  l'épreuve 
du  chauffage  en  accroît  considérablement  le  danger. 

Ainsi,  1°  dans  l'expérience  XI  (voy,  plus  haut,  p.  61),  quelques 
centigrammes  de  terreau  ont  été  chauffés  pendant  trente  minutes  à 
une  températuie  de  78"  environ.  Tous  les  rolifôres  se  sont  ranimés, 
ainsi  qu'une  anguillule.  (Il  n'y  avait  pas  de  tardigrades  dans  la  prépa- 
ration). Le  thermomètre  avait  marqué  plusieurs  fois  jusqu'à  80";  et 
dans  l'expérience  X,  qui  avait  donné  un  résultat  analogue,  la  tempé- 
rature s'était  élevée  une  fois  jusqu'à  84". 

2*  Dans  une  autre  expérience  faite  à  Rouen  avec  du  terreau  de 
même  provenance,  et  contenant  environ  cinquante  animalcules  révi- 
viscibles,  M.  Pouchet  avait  vu  toutes  les  anguillules,  tous  les  tardigra- 
des, moins  deux,  et  une  partie  des  rotifères  (le  nombre  n'en  est  pas  in- 
diqué), définitivement  privés  de  leur  propriété  de  reviviscence,  après 
une  séance  de  soixante  minutes  à  80". 

5°  Une  autre  fois,  toujours  avec  la  même  quantité  de  terreau,  il 
avait  prolongé  le  chaulfage  à  80"  pendant  cent  vingt  minutes.  Deux 
rotifères  seulement  s'étaient  ranimés  sur  environ  50  animaux  (1). 

La  progression  est  évidente  :  le  nombre  des  animaux  morts  sans 
retour  s'est  accru  à  mesure  que  l'épreuve  durait  plus  longtemps. 

Voici  maintenant  deux  autres  expériences,  faites  avec  la  même 
quantité  de  terreau,  mais  dans  lesquelles  la  température  a  été  mainte- 
nue à  85°  pendant  soixante  minutes.  Cinq  animaux  se  sont  ranimés 
la  première  fois  (4  rotifères  et  1  tardigrade);  la  seconde  fois,  3  ro- 
tifères ont  revécu  (2).  Ainsi,  quoique  la  température  eût  été  plus 
élevée  de  5°  que  dans  le  cas  précédent,  le  nombre  des  animaux  révi- 
viscents  a  été  plus  considérable  ;  mais  la  séance  du  chauffage  avait 
été  deux  fois  moins  longue.  Il  est  moins  dangereux  pour  les  animaux 
de  subir  pendant  une  heure  une  chaleur  de  85"  que  de  subir  pendant 
deux  heures  une  chaleur  de  80». 

On  noiera  que  toutes  ces  expériences  ont  été  fiiites  sur  des  animaux 
de  même  provenance  (terreau  noir  de  la  cathédrale  de  Rouen).  Le 
chauffage  n'avait  pas  été  précédé  de  dessiccation  artificielle  à  froid. 


(1)  Recherches  et  expériences  sur  les  anim.\ux  ressuscitants.  Paris, 
1859.  Iu-8",  p.  91.  Ces  deux  expériences  sout  la  troisième  et  la  quatrième 
du  tableau. 

(2)  Loc.  cit.,  p.  91.  (Expériences  V  et  VI  du  tableau.) 


•~-^^L 


124 

Les  exp«îriencRS  précédées  de  dessiccation  à  froid,  et  faites  avec  des 
animaux  élevés  dans  des  milieux  plus  secs,  ont  présenté  des  différences 
analogues. 

Dans  les  expériences  VI  et  VII,  nous  avons  vu  revivre  la  plupart  des 
animaux  qui  avaient  supporté  pendant  cinq  vii7iulcs  la  plus  haute 
température  qu'on  puisse  obtenir  dans  une  éluve  à  eau  bouillante; 
les  tardigrades  se  sont  ranimés  aussi  bien  que  les  rotifères  ; 

Tandis  que  dans  les  expériences  XIX,  XX  et  XXI,  faites  avec  beau- 
coup plus  de  précautions  que  les  précédentes,  la  reviviscence  n'a  été  ob- 
tenu qu'une  fois  (expérience  XXI),  et  seulement  sur  un  petit  nombre 
deroiifères.  Muis  la  température  de  l'eau  bouillante  avait  été  mainte- 
nue trente  mimiles  au  Lieu  de  cinq. 

L'influence  de  la  durée  est  aussi  évidente  ici  que  dans  la  première 
série  de  faits,  et  il  nous  a  paru  fort  probable  que,  si  le  chauffage  cà  100* 
eût  été  prolongé  vingt  outrenteminutesde  plus  dans  l'expérience  XXI, 
tous  les  animaux  auraient  lini  par  succomber  définitivement. 

Voici  enfin  une  autre  série  d'expériences  que  nous  pouvons  invo- 
quer, quoique  nous  n'en  ayons  pas  été  témoin. 

Au  mois  de  novembre  ISiJ,  en  présence  de  MM.  de  Jussieu,  Dumas, 
Milne  Edwards  et  de  Quatrefages,  M.  Doyère  ranima  des  animalcules 
qui  avaient  été  cliauffés  jusqu'à  122  et  125"  (1). 

Au  mois  d'octobre  1859,  MM.  Doyère  et  Gavarret  ont  fait  des  expé- 
riences dans  le  but  de  déterminer  le  degré  de  température  qui  tue  irré- 
vocablement les  animalcules  réviviscibles.  Ils  ont  obtenu  la  revivis- 
cence à  100°,  à  110°.  Tous  les  animaux  chaulTés  à  115,  120  et  123'" 
étaient  niorls  irrévocablement  (2).  La  limite  qui,  en  1811,  paiaissait 
s'élever  au  moins  à  125°,  paraissait  donc,  en  1859,  descendre  au-des- 
sous de  115°. 

Voici  la  cause  de  celte  dill'érence.  En  1841,  M.  Doyère,  ne  faisant 
qu'une  expérience  à  la  fois,  avait  porté  rapidement  les  mousses  à  la 
température  di;  125°,  et  les  y  avait  laissées  seulement  «/î^c/f/Mcs  minutes. 

En  1859,  MM.  Gavarret  et  Doyère,  faisant  marcher  plusieurs  expé- 
riences de  front,  ont  placé  divers  échantillons  dans  la  même  étuve. 
Ils  ont  élevé  graduellement  la  tempéiature  afin  de  pouvoir  retirer 
successivement,  à  des  intervalles  déterminés,  les  échantillons  qui  au- 


(1)  Voy.  pUi.s  haut,  p.  3(). 

(2)  Gavarret,  Expériences  sur  les  rotifères,  les  tardigrades  et  les  anguillules, 
dans  Annai.ks  mes  sciiînces  ^.^Tl;ulîu,ll:s.  Les  aiiiniau.\  (pii  se  sont  ranimés 
aprc's  le  c!iaii(I'ai;c  à  110"  étaient  r(\^t('s  trcntc-ileiix  minutes  à  des  lenipcra- 
tures  sii[)crii;urcs  a  100".  (Tirage  à  part,  p.  8  cl  'J.) 


125 

raient  subi  des  températures  déterminées.  Il  en  est  résulté  que  les 
mousses  cliauflées  à  110"  avaient  supporté  pendant  trente  minutes  une 
température  comprise  entre  100  et  110°;  que  les  mousses  chaufîées  à 
12o''  avaient  supporté  pendant  soixante-dix-huit  minut(!S  une  tempé- 
rature comprise  entre  113  et  125";  que  les  mousses  chauffées  à  120° 
avaient  supporté  pendant  trente-huit  minutes  une  température  com- 
prise entre  115  et  120°,  etc.  La  durée  des  températures  voisines  du 
maximum  a  donc  été  très  longue  dans  les  expériences  de  1859,  très 
courte  dans  les  expériences  de  18 il. 

Nous  savions  déjà  que  la  dessiccation  artificielle  atténue  les  dangers 
de  l'éprouve  du  chauffage  et  permet  de  reculer  notablement  la  limite 
des  températures  où  la  propriété  de  reviviscence  est  anéantie  ;  mais 
on  vient  de  voir  qu'elle  ne  met  pas  les  animaux  en  état  d'affronter 
indéfiniment  les  températures  où  elle  leur  permet  de  rester  impuné- 
ment pendant  plusieurs  minutes. 

Il  fiuit  tenir  compte  de  cet  élément  lorsqu'on  cherche  la  limite  des 
températures  compatibles  avec  le  maintien  de  la  reviviscence. 

Les  températures  dangereuses  sont  celles  qui  ne  peuvent  être  sup- 
portées longtemps  par  les  animaux  réviviscibles.  Elles  commencent 
vers  70°  pour  les  anguillules,  vers  80»  pour  les  tardigrades  et  les  roti- 
fères;  le  danger  s'accroît  avec  la  température,  et  la  durée  du  temps 
pendant  lequel  les  animaux  peuvent  résister  à  une  température  déter- 
minée diminue  à  mesure  que  celle-ci  est  plus  élevée. 

A  quoi  pourrons-nous  attribuer  cette  influence  nuisible  de  la  durée 
du  chauffage?  Comment  expliquerons-nous  qu'un  rolifcre  puisse  sup- 
porter pendant  trente  minutes  une  température  de  100%  et  ne  puisse 
pas  la  supporter  pendant  une  heure?  En  quoi  consiste  ce  changement 
d'état  produit  par  la  continuation  d'une  température  d'abord  inof- 
fensive? 

Pour  répondre  à  ces  questions,  demandons-nous  comment  le  calo- 
rique peut  agir  sur  les  corps.  Il  ne  peut  agir  que  de  deux  manières  : 
soit  en  les  dilatant,  soit  en  leur  faisant  subir  des  altérations  chimiques. 

On  concevrait  que  la  dilatation  pût  déterminer  dans  le  corps  des 
rotifères  des  ruptures  incompatibles  avec  le  rétablissement  ultérieur 
des  fonctions.  Mais  les  ruptures  devraient  se  produire  au  moment  où 
la  température  change,  et  non  pas  au  moment  où  la  température  se 
maintient.  Le  rotifère  chauffé  à  100»  pendant  trente  minutes  a  subi 
depuis  longtemps  le  degré  de  dilatation  que  cette  température  est 
capable  de  produire,  et  lorsqu'on  voit,  pendant  les  trente  minutes  sui- 
vantes, le  mercure  du  thermomètre  adjacent  conserver  invariablement 
le  même  volume,  on  ne  comprend  pas  que  le  corps  des  rotifères  puisse 
continuer  à  se  dilater. 


12(3 

Ce  n'est  donc  pis  à  l'action  physique  de  la  chaleur,  mais  à  son  action 
chimique,  qu'on  doit  attribuer  les  changements  produits  par  la  conti- 
nuation du  chaulfagc.  Lorsque  la  température  est  très-élevée,  lors- 
qu'elle dépasse  150  ou  200°,  l'altération  chimique  de  la  plupart  des 
matières  organiques  est  extrêmement  prompte;  mais  elle  devient 
plus  lente  sous  des  températures  moins  hautes,  et  la  durée  du  temps 
nécessaire  pour  la  produire  est  d'autant  plus  considérable  que  la  cha- 
leur est  moins  forte.  On  comprend  ainsi  qu'une  substance  oiganique 
puisse  résister  à  une  température  déterminée  pendant  un  nombre  dé- 
terminé de  minutes,  et  qu'elle  puisse  ensuite  s'altérer  peu  à  peu  à  par- 
tir de  ce  moment. 

Il  y  a  certainement  une  limite  qu'on  ne  pourrait  dépasser,  ne  fût-ce 
que  pendant  une  seule  minute,  sans  détruire  à  jamais  la  propriété  de 
reviviscence  de  tous  les  animaux. 

Cette,  limite  est  encore  inconnue;  les  expériences  que  MM.  Gavari'et 
et  Doyère  ont  faites  récemment  pour  la  déterminer  n'ont  pu  donnei- 
qu'un  minimum  bien  au-dessous  probablement  de  la  limite  réelle, 
puisqu'avant  d'atteindre  la  température  terminale,  ils  ont  fait  passer 
les  anunaux  par  des  températures  dangereuses  prolongées  assez  long- 
temps pour  être  extrêmement  nuisibles.  Dans  le  procédé  qu'ils  ont 
suivi,  la  duréedu  chauffage  s'est  accrue  avec  l'intensité  du  chauffage, 
et  les  deux  dangers  ont  par  conséquent  marché  de  front.  La  limite  de 
dlO  à  115",  qu'ils  ont  déterminée,  ne  saurait  donc  être  considérée 
comme  déiinitive,  et  des  expériences  ultérieures  dirigées  de  manière 
à  abréger  de  beaucoup  la  durée  des  températures  intermédiaires,  per- 
mettront probablement  de  reculer  cette  limite  jusque  vers  120  ou  125°; 
car  on  n'a  pas  oublié  qu'en  1841  M.  Doyère  a  réussi  à  ranimer  des 
animaux  chauffés  à  cette  dernière  température,  en  présence  de  plu- 
sieurs savants.  Si  nous  nous  bornons  à  dire  qut;  la  chose  est  probable, 
c'est  parce  que  nous  ne  connaissons  pas  les  détails  de  l'oxpérience 
dont  le  résultat  a  été  simplement  énuméré  en  quelques  lignes  (1). 
Mais  nous  devons  ajouter  que  ce  résultat  s'accorde  parfaitement  avec 
ce  que  les  autres  expériences  nous  ont  appris  sur  les  conditions  capa- 
bles de  porter  atteinte  à  la  propriété  de  reviviscence. 

Cette  propriété  se  maintient  tant  que  le  corps  de  l'animal  desséché 
conserve  son  intégrité;  elle  disparait  dès  que  les  tissus  ou  les  organes 
deviennent  le  siège  de  lésions  ou  d'altérations  d'une  certaine  yravilé. 
Des  lésions  ou  des  altérations  légères  peuvent  permettre  à  l'animal  de 
se  ranimer,  mais  la  vie  qu'on  lui  rend  est  incertaine,  paresseuse  et  de 


(l)  Voy.  plus  haut,  p.  3G. 


127 
courte  durée;  il  est  malade;  rétat  de  ses  tissus  et  de  ses  organes 
s'oppose  au  réiablissemenl  régulier  et  complet  des  fonctions,  et  il 
meurt  dérmitivemenl  après  une  aL;onie  de  quelques  heures  ou  de  quel- 
jours  (1). 
Les  lésions  qui  peuvent  détruire  ou  amoindrir  la  propriété  de  ré- 


(1)  Yoy.  plus  haut,  expér.  XXI,  p.  95.  Nous  rappelons  en  particulier 
l'exemple  Je  ce  rotiière  qui  fut  sur  le  point  de  se  ranimer  sous  nos  yeux, 
qui  présenta  des  contractions  viscérales  partielles,  et  qui  néanmoins  ne  put 
réussir  à  se  déployer.  ^Voy.  p.  91.)  J'ai  eu  l'occasion  de  constater  un  fait  ana- 
logue sur  un  animal  qui  ne  passe  pas  pour  réviviscent.  Dans  un  échantillon 
de  mousse  que  j'ai  récolté  le  12  septembre  1859,  à  Sainte-Foy,  sur  un  toit 
exposé  à  l'ouest,  et  qui  est  principalement  riche  en  anguillules,  j'ai  trouvé  le 
24octobre  nnacarus  dontje  n'ai  pas  su  déterminer  l'espèce,  mais  dont  leîgenrc 
est  facile  à  reconnaître  d'après  le  croquis  que  j'ai  conservé.  Cet  animal,  long  de 
plus  de  1/2  millimètre,  et  large  de  1/3  de  millimètre  (sans  compter  les  pattes), 
fut  humecté  à  dix  heures  du  matin  avec  le  reste  de  la  préparation.  Quoique 
son  corps  fiit  très-peu  transparent,  on  apercevait  très-nettement,  sur  les  deux 
côtés  de  la  ligne  médiane,  deux  grands  sacs  à  peu  près  symétriques  qui 
paraissaient  faire  partie  du  tube  digestif.  A  trois  heures  de  l'après-midi,  je 
crus  apercevoir  nne  légère  oscillation  dans  l'un  des  sacs,  et  dès  lors  je  con- 
centrai toute  mon  attention  sur  cet  animal.  Je  vis  ces  oscillations,  qui  étaient 
d'abord  fort  lentes,  se  régulariser  bientôt,  et  prendre  le  caractère  de  contrac- 
tions viscérales  péristalliques  qui  se  succédaient  à  des  intervalles  de  cinq 
minutes  au  moins  et  de  dix  minutes  au  plus.  Chaque  contraction  durait  à 
peine  deux  ou  trois  secondes;  puis  tout  rentrait  dans  le  repos  jusqu'à  la  con- 
traction suivante.  Les  deux  sacs  se  contractaient  alternativement  ;  une  seule 
fois  je  les  ai  vus  se  contracter  simultanément.  Cela  dura  toute  la  journée.  Le 
soir^  à  minuit,  rien  n'était  changé.  J'espérais  pouvoir  continuer  l'observa- 
tion le  lendemain;  mais  à  dix  heures  du  matin  je  trouvai  l'animal  absolu- 
ment immobile,  et  au  bout  de  trois  jours  je  dus  perdre  l'espoir  de  le  voir 
revivre.  Le  phénomène  qui  s'est  passé  chez  lui  me  paraît  devoir  être  consi- 
déré comme  une  reviviscence  partielle;  deux  organes  dont  l'intégrité  était 
conservée  ont  pu  reprendre  vie;  les  autres  organes,  plus  altérés,  ne  se  sont 
pas  ranimés.  De  môme  que  toutes  les  parties  d'un  animal  ne  meurent  pas  à  la 
fois,  et  qu'après  la  mort  de  l'individu  certains  tissus  ou  certains  organes  con- 
tinuent à  être  le  siège  de  phénomènes  vitaux,  de  môme  dans  la  reviviscence 
tous  les  organes  ne  se  raniment  pas  avec  la  même  facilité.  Les  animaux  dont 
tous  les  organes  conservent  leur  intégriié,  malgré  la  dessiccation,  sont  réel- 
lement réviviscents.  On  conçoit  que  d'autres  animaux  puissent  posséder  des 
organes  réviviscibles  et  d'autres  organes  non  réviviscibles.  Ces  animaux, 
parmi  lesquels  il  faut  sans  doute  ranger  l'acarus  en  question,  formeraient 
ainsi  nue  transition  eutre  ceux  qui  sont  réviviscibles  et  ceux  qui  ne  le  sont 
pas. 


128 
viviscpnce  sont,  les  unes  physiques  ou  plutôt  mécaniques,  les  autres 
chimiques.  Les  premières  altèrent  la  continuité  des  organes,  les  autres 
altèrent  la  composition  chimique  des  tissus.  Le  chauffage  peut  être 
dirigé  de  manière  à  ne  délcrminer  aucune  lésion  mécanique,  et  à 
éviter  également,  parmi  les  altérations  chimiques,  celles  qui  résultent 
de  l'action  de  l'eau  interposée  sur  les  matières  organiques.  Mais  rien 
ne  peut  soustraire  ces  matières  à  la  décomposition  qui  survient  sous 
l'influence  des  températures  élevées. 

Cette  décomposition  s'effectue  de  diverses  manières,  suivant  la  na- 
ture des  matières  organiques,  suivant  le  degré  de  température,  sui- 
vant que  le  chauffage  a  lieu  en  vase  clos  ou  dans  un  courant  d'air,  etc. 
Il  dépend  de  la  volonté  de  l'expérimentateur  de  la  diriger  à  sou  gré, 
de  l'activer  Ou  de  la  ralentir,  mais  il  ne  dépend  pas  de  lui  de  l'em- 
pôcher. 

Il  y  a  donc  une  limite  de  température  au  delà  de  laquelle  la  consti- 
tution chimique  des  animaux  est  inévitablement  modifiée. 

Les  rotifèrcs  peuvent-ils  conserver  leur  propriété  de  reviviscence 
jusqu'à  cette  limite?  Cela  est  probable,  quoique  les  expériences  pro- 
pres à  le  démontrer  rigoureusement  n'aient  pas  encore  été  foiles. 

Il  y  a  deux  inconnues  dans  ce  problème.  D'une  part,  on  ignore  jus- 
qu'à quel  degré  de  température  les  rolifôres  peuvent  rester  révivisci- 
bles;  d'une  autre  part,  on  ignore  à  quel  degré  de  température  com- 
mence la  décomposition  des  matières,  albuminoïdes  ou  autres,  qui 
composent  le  coi'ps  de  ces  animaux.  On  ignore  même  oïi  commence 
la  décomposition  des  principes  immédiats  les  mieux  étudiés,  tels  que 
l'albumine  ou  la  fibrine. 

Ce  qui  est  certain,  c'est  que  cette  décomposition  peut  être  opérée 
sous  des  températures  bien  inférieures  à  celles  qui  sont  employées 
dans  les  analyses  chimiques.  Il  suilit  pour  cela  de  prolonger  longtemps 
le  chauffage. 

La  farine  de  froment  chauffée  à  lOO"  au  contact  de  l'air  pen- 
dant quelques  heures  seulement  ne  subit  aucune  décomposition;  le 
gluten  change  d'état  et  perd  son  élastricité,  mais  sa  composition 
chimique  reste  la  môme;  la  fécule  est  inaltérée,  et  la  préparation 
conserve  sa  blancheur.  Il  semble  donc  résulter  de  là,  et  c'est  une 
opinion  assez  générale,  que  la  farine  ne  se  décompose  pas  sous  une 
température  de  lUO". 

Pourtant,  si  l'on  prolonge  le  chauflage  pendant  plusieurs  jours 
de  suite,  la  décomposition  s'efl'ectue,  car  la  préparation  jaunit  d'a- 
bord et  brunit  ensuite,  comme  elle  le  fait  en  quelques  heures  sous 
une  température  de  200° 

Cet  exemple  nous  montre  d'une  part  que  la  décomposition  de  cer- 


129 

laines  matières  organiques  peut  commencer  à  s'effectuer  sous  des 
températures  relativement  peu  élevées,  d'autre  part  que  ce  résultat 
exige  pour  se  produire  un  temps  d'autant  plus  long  que  la  chaleur  est 
moins  forte. 

Il  est  fort  probable  que  les  matières  albuminoïdes  animales  se  com- 
portent d'une  manière  analogue.  Elles  se  décomposent  rapidement 
sous  des  températures  de  ISO  à  160",  et  en  quelques  minutes  sous  des 
températures  d'environ  130",  qui  paraissent  peu  éloignées  de  celles  où 
les  rolifères  perdent  nécessairement  leur  propriété  de  reviviscence. 
Lorsqu'on  abaisse  la  température,  il  suffit  sans  doute,  pour  décompo- 
ser ces  matières,  de  prolonger  le  chauffage. 

Jusqu'oïl  faudrait-il  descendre  pour  mettre  les  substances  albumi- 
noïdes, chauffées  indéfiniment  au  contact  de  l'air,  à  l'abri  de  toute 
décomposition,  de  toute  oxydation?  C'est  ce  qu'on  ignore  absolument. 
Les  chimistes  ont  étudié  les  actions  rapides,  mais  ils  ont  négligé  la 
plupart  des  actions  lentes,  dont  les  effets  ne  deviennent  appréciables 
qu'au  bout  de  quelques  heures,  de  quelques  jours,  de  quelques  se- 
maines. M.  Chevreul,  toutefois,  a  reconnu  qu'il  fallait  maintenir  à 
100°,  pendant  une  heure  et  demie,  l'albumine  desséchée  pour  la  trans- 
former en  un  composé  insoluble.  N'est-il  pas  probable  que  la  même 
substance,  chauffée  à  80  ou  90»  pendant  plusieurs  heures,  perdrait 
également  sa  solubilité?  N'est-il  pas  probable  que  d'autres  matières 
azotées  partagent  avec  l'albumine  la  propriété  de  pouvoir  résister, 
pendant  un  certain  temps,  à  la  température  de  100°  ou  de  s'altérer 
ensuite  si  l'on  prolonge  le  chauffage?  N'est-il  pas  probable  enfin  que 
ces  mêmes  matières,  chauffées  au-dessous  de  100%  n'échapperaient 
pas  ù  l'action  chimique  de  la  chaleur  prolongée  plus  longtemps  en- 
core? Tout  cela  est  hypothétique  sans  doute,  et  l'on  n'est  pas  autorisé, 
avant  que  l'expérimentation  ait  prononcé,  à  établir  sur  de  semblables 
données  la  théorie  de  la  reviviscence.  Il  faut  bien  le  dire,  ce  n'est  pas 
ici  la  chimie  qui  conduit  à  l'explication  des  phénomènes  physiologi- 
ques, c'est  plutôt  la  connaissance  de  ces  phénomènes  et  le  besoin  de 
les  expliquer  qui  nous  conduit  à  émettre  des  hypothèses  chimiques, 
lesquelles,  pour  être  corroborées  par  un  petit  nombre  d'exemples 
particuliers,  n'en  sont  pas  moins  des  hypothèses. 

Toutefois,  lorsqu'on  songe  : 

1°  Que  la  propriété  de  reviviscence  est  indépendante  de  la  présence 
de  l'eau; 

2°  Que  le  chauffage,  par  conséquent,  ne  devient  pas  nuisible  par  le 
fait  de  la  dessiccation  ; 

5°  Que  dès  lors  les  températures  dangereuses  pour  les  animaux 
préalablement  desséchés  par  des  moyens  artificiels  ne  sont  dange- 

MÉM.  9 


]?.0 
rrusosqiiR  parcn  qu'ellor.  exposent  les  malièros  organiques  à  dos  al It'i- 
ralions  chimiques;  — 

On  est  en  droit  de  penser  ou  au  moins  de  supposer  que  la  destruc- 
lion  de  la  propriété  de  reviviscence  chez  les  rotifères  chauffés  avec 
les  précautions  convenables,  est  l'indice  d'une  altération  chimique  de 
leurs  tissus,  c'est-à-dire  que,  suivant  l'expression  de  M.  Doyère,  la 
reviviscence  finit  seulement  là  où  un  nouvel  état  moléculaire  com- 
mence (1). 
Et  si  l'on  ajoute: 

1"  Que  ces  altérations,  révélées  par  la  destruction  de  la  propriété  de 
reviviscence,  sont  subordonnés  à  la  fois  au  degré  de  la  température  et 
à  la  durée  du  chauffage; 

2"  Qu'elles  surviennent  d'autant  plus  vite  que  la  température  est 
plus  haute; 

5"  Que  la  limite  la  plus  élevée  des  températures  compatibles  avec  la 
reviviscence  des  rotifères  paraît  correspondre  à  peu  près  à  la  limite  où 
les  matières  albuminoïdes  desséchées  commencent  à  s'altérer  rapide- 
mcnl  ;  — 

On  est  conduit  encore  à  penser,  ou  du  moins  à  supposer,  quela  limite 
inférieure  des  températures  dangereuses  pour  les  rotifères  desséchés 
doit  correspondre  à  la  limite  inférieure  dos  températures  capables 
d'altérer  avec  plus  ou  moins  de  lenteur  un  ou  plusieurs  des  principes 
qui  rentrent  dans  la  composition  des  tissus  de  ces  animaux; 

Ou  en  d'autres  termes,  que  si  les  rotifères,  chauffés  à  80°  pendant 
plusieurs  heures  consécutives,  perdent  leur  propriété  de  reviviscence, 
c'est  parce  que,  dans  ces  conditions,  un  ou  plusieurs  de  leurs  prin- 
cipes immédiats  subissent  des  altérations  chimiques. 

Allons  plus  loin  dans  cette  voie  d'hypothèses.  Nous  avons  admis 
jusqu'ici  que  les  températures  dangereuses  commencent  à  80"  pour  les 
rotifères  et  les  tardigrades,  parce  que  cette  limite  parait  indiquée  par 
les  expériences  qui  ont  été  faites  jusqu'ici,  et  notamment  par  celles 
de  M.  Pouchet.  Mais  dans  ces  expériences  l'épreuve  du  chauffage  n'a 
été  prolongée  qu'une  ou  deux  heures  au  plus. 

On  peut  en  conclure  que  les  températures  qui  deviennent  dange- 
reuses au  bout  de  ce  temps  pour  les  rotifères  et  les  tardigrades  ne  com- 
mencent que  vers  80". 

En  résulte-t-il  que  des  températures  moins  élevées  prolongées  plus 
longtemps  laisseraient  subsister  la  propriété  de  reviviscence?  Nulle- 


(l)  TntSESPOUR  LE  DOCTORAT  Ks  SCIENCES.  Paris,  184?.  In-8»,  p.  138. 


131 

ment.  Il  est,  au  contraire,  exlièmeriient  probable  qu'un  chauffage  à 
70°  prolongé  pendant  un  ou  deux  jours  serait  aussi  nuisible  aux  ani- 
maux que  deux  heures  de  chauffage  à  80°. 

En  tous  cas,  M.  Pouchet  a  reconnu  que  les  animalcules  exposés 
continue llcment  dans  une  étuve  à  une  chaleur  de  56",  perdent  au  bout 
de  dix  jours  leur  propriété  de  reviviscence  (1).  Nous  n'affirmons  pas 
que  cette  loi  soit  applicable  à  tous  les  rotifères;  n'oublions  pas  que 
ceux  de  M.  Pouchet,  élevés  dans  un  milieu  humide,  résistent  moins  à 
l'aclion  des  hautes  températures  que  les  rotifères  et  les  tardigrades 
élevés  sur  des  toits  exposés  au  soleil.  Il  est  donc  possible  que  ces 
derniers  soient  capables  de  résister  plus  de  dix  jours  à  l'action  d'une 
température  de  56°  ;  mais  le  fait  que  nous  voulons  établir  conserve 
néanmoins  toute  sa  signiticalion. 

Des  animaux  de  même  provenance,  mis  en  expérience  par  M.  Pou- 
chet, ont  perdu  leur  propriété  de  reviviscence  au  bout  de  quelques 
heures  sous  des  températures  peu  supérieures  à  80",  et  au  bout  de  dix 
jours  seulement  sous  une  température  d'environ  56°.  C'est  la  confir- 
mation de  la  remarque  que  nous  avons  déjà  faite  à  l'occasion  des 
températures  plus  élevées.  Là  encore  nous  voyons  la  durée  du  chauf- 
fage compenser  C abaissement  de  la  température.  Mais  cette  compen- 
sation est  loin  d'être  proportionnelle. 

Les  rotifères,  qui  peuvent  supporter  au  moins  trente  minutes  la  tem- 
pérature de  100°,  ne  résistent  pas  plus  de  deux  ou  trois  heures  à  une 
chaleur  de  80°. 

Ainsi,  pour  compenser  une  différence  de  20°,  il  suffit  de  rendre  la 
durée  du  chauffage  cinq  ou  six  fois  plus  longue.  D'un  autre  côté  ces 
mêmes  rotifères,  qui  ne  résistent  pas  plus  de  deux  ou  trois  heures  à  une 
chaleur  de  80°  environ,  résistent  pendant  dix  jours  à  une  chaleur  de 
56°.  La  différence  de  température  est  ici  de  24°,  c'est-à-dire  à  peine  plus 
considérable  que  dans  le  premier  cas,  tandis  que  la  différence  de  du- 
rée est  devenue  au  moins  cent  fois  plus  grande.  Il  ne  paraît  guère 
possible  de  concilier  ces  faits  avec  la  théorie  qui  attribue  à  la  dessic- 
cation l'influence  nuisible  du  chauffage.  On  peut  supposer  à  la  rigueur 
que  la  dessiccation  soit  cinq  ou  six  fois  plus  rapide  à  100°  qu'à  80° , 
mais  on  ne  conçoit  guère  qu'elle  soit  cent  fois  plus  lente  à  56"  qu'à  80'. 
Puis,  quelle  est  la  substance  organique  qui,  réduite  en  poudre  impal- 
pable et  chauffée  en  petite  quantité ,  pourrait  retenir  de  l'humidité 
jusqu'au  dixième  jour  sous  une  température  de  56°? 


(1)  Pouchet,  Nouvelles  expériences  sur  les  animaux  pseudo-ressuscf- 
TANTS.  Rouen,  1860,  grand  in-8,  p.  15. 


13?. 

La  théorie  de  la  dessiccation  ne  paraît  donc  pas  acceptable,  mais  il 
y  a  dans  les  expériences  de  M.  Pouchet  des  faits  incompatibles  avec 
cette  théorie. 

Dans  une  première  série  d'expériences  le  terreau  fut  enfermé  dans 
des  hSiWons  exactement  bouchés  et  remplis  cVab^  "par faitcment  desséché. 
L'humidité  dégagée  du  terreau,  ne  pouvant  s'échapper  à  l'extérieur, 
séjourna  dans  le  ballon  pendant  toute  la  durée  du  chauffage. 

Dans  une  seconde  série  d'expériences,  les  ballons,  d'ailleurs  exac- 
temetit  lûtes,  furent  tenus  en  communication  avec  un  appareil  à  des- 
siccation rempli  de  chaux  vive. 

Enfin,  dans  une  troisième  série  d'expériences,  les  animaux  furent 
chauffés  en  contact  avec  de  Cair  humide. 

La  dessiccation  a  donc  été  com.plète  dans  le  second  cas,  très-incom- 
plète dans  le  premier,  à  peu  près  nulle  dans  le  troisième.  Or,  le  ré- 
sultat a  été  le  même  dans  les  trois  cas  :  la  propriété  de  reviviscence 
s'est  trouvée  anéantie  au  bout  de  dix  jours  de  chauffage  à  S6°.  Les 
animaux  chauffés  à  sec  n'ont  résisté  ni  plus  ni  moins  longtemps 
que  les  animaux  chauffés  dans  l'air  humide,  et  M.  Pouchet,  en  insti- 
tuant ces  intéressantes  expériences,  a  fourni  sans  le  vouloir  un  argu- 
ment précieux  contre  la  théorie  de  la  dessiccation. 

Mais  si  ce  n'est  pas  la  dessiccation  qui  tue  sans  retour  les  animaux 
chauffés  à  K6%  quelle  est  la  cause  que  nous  pourrons  invoquer  pour 
expliquer  l'inlluence  nuisible  de  cette  température  suffisamment  pro- 
longée? 

Confinés  dans  des  vases  parfaitement  clos,  placés  dans  une  étuve 
sous  une  chaleur  aussi  constante  que  possible  (l),  soustraits,  par  con- 
séquent, aux  effets  fâcheux  des  variations  hygrométriques  et  thermo- 
mélriques,  les  animaux  n'ont  pu  éprouver  aucune  lésion  mécanique. 
11  nous  semble  difficile,  dès  lors,  de  ne  pas  attribuer  le  résultat  de 
l'cxpérifnce  à  l'altération  chimique  de  leurs  tissus.  On  n'est  pas  ha- 
bitué à  cette  idée  que  les  matières  organiques  assez  sèches  pour  être 
à  l'abri  de  la  putréfaction,  ou  même  tout  à  fait  sèches,  puissent  subir 
des  altérations  chimiques  sous  des  températures  inférieures  même  ;\ 
celle  qui  coagule  l'albumine  en  dissolution.  Mais  les  chimistes  ont  fait 
fort  peu  de  recherches  sur  l'influence  de  ces  températures,  et  per 


(1)  Le  maximum  s'est  ('levé  à  G'2",5,  le  minimum  a  été  de  54°.  Les  oscilla- 
tions de  lempi  rature  ont  donc  été  de  moins  de  D",  cl  l)cancoup  moins  consi- 
dérables, par  eunséipiiMit,  (iiie  les  oscillations  de  la  teniinTature  nalin'elle  qui 
permettent  pourtant  aux  animaux  de  conserver  leur  propriété  de  reviviscence 
pendant  j)liisienrs  aiméep. 


133 
sonne,  à  notre  connaissance,  n'a  essayé  de  soumettre  les  principes  al- 
buminoïdes  aux  épreuves  prolongées  que  M.  Pouchet  a  fait  subir  aux 
animaux  réviviscents. 

Personne  ne  sait  donc  quelle  est  la  limite  inférieure  dos  tempéra- 
tures capables  de  déterminer  à  la  longue  des  altérations  chimiques 
dans  les  substances  organiques  chauffées  au  contact  de  l'air.  Parce 
qu'on  aura  vu  ces  substances  résister  pendant  quelques  heures  ou 
quelques  jours  à  une  température  de  S6",  par  exemple,  en  pourra-t-on 
conclure  que  ces  mêmes  substances  résisteraient  aussi  bien  pendant 
plusieurs  semaines  ou  pendant  plusieurs  mois  à  cette  température  oit 
même  à  des  températures  moins  élevées  encore?  Ne  sait-on  pas  que 
certains  métaux  peu  avides  d'oxygène,  finissent  par  s'oxyder  natu- 
rellement ù  froidj  quoiqu'on  soit  obligé  de  les  porter  à  une  chaleur  de 
plusieurs  centaines  de  degrés  pour  les  oxyder  rapidement? 

Toute  cette  partie  de  la  chimie  qu'on  pourrait  appeler  la  chimie  des 
actions  lentes  est  encore  à  peu  près  inexplorée.  C'est  un  immense 
champ  de  recherches  que  nous  prenons  la  liberté  de  signaler  à  l'at- 
tention des  hommes  spéciaux.  Jusqu'à  ce  que  ces  recherches  aient  été 
faites,  jusqu'à  ce  que  toutes  les  questions  que  nous  avons  posées  aient 
reçu  une  réponse  positive,  il  sera  permis  de  considérer  comme  très- 
probable  que  l'épieuve  du  chauffage,  même  l'épreuve  du  chauffage  à 
des  températures  irôs-modérées,  ne  détruit  la  propriété  de  reviviscence 
qu'en  modiliant  la  constitution  chimique  des  tissus  des  animaux,  lors- 
que celle  épreuve  est  dirigée  de  manière  à  ne  porter  aucune  atteinte  à 
l'intégrité  de  leur  constitution  anatomique. 

L'inégale  résistance  des  diverses  espèces  d'animaux  réviviscents 
soit  à  la  durée,  soit  à  l'intensité  du  chauffage,  n'est  nullement  en  op- 
position avec  cette  hypothèse,  car  il  est  hors  de  doute  que  les  diverses 
substances  alburainoïdes  résistent  très-inégalement  à  l'action  de  la 
chaleur,  et  on  peut  considérer  comme  à  peu  près  certain  que  la  com- 
position chimique  du  corps  des  rotifères  n'est  pas  identique  avec  celle 
du  corps  des  tardigrades  ou  des  anguillules.  La  propriété  de  revivi- 
scence peut  s'éteindre  dès  qu'un  seul  tissu,  dès  qu'un  seul  principe 
immédiat  a  subi  la  plus  légère  altération  chimique.  La  plus  légère  dif- 
férence de  composition  chimique  peut  donc  rendre  Irès-diffèrents  les 
effets  du  chauffage. 

On  conçoit  de  la  même  manière  ce  fait,  déjà  si  souvent  indiqué 
dans  notre  rapport,  que  des  animaux  de  même  espèce,  mais  élevés 
dans  des  milieux  différents,  résistent  inégalement  à  l'épreuve  des 
températures,  et  que,  sur  cent  rotifères  de  même  espèce,  de  même 
provenance,  et  soumis  à  la  même  épreuve,  dans  la  même  expérience, 
les  uns  restent  plus  ou  moins  réviviscibles,  tandis  que  les  autres  ont 


134 

entièromont  perdu  la  propriété  fie  se  ranimer  au  contact  de  l'eau.  Lps 

difîcrcnces  individuelles,  pour  ôlre  moins  prononcées  que  les  ditfé- 
rcnct'S  d'espèce  à  espèce  n'en  sont  pas  moins  parfaitement  réelles. 
Les  phénomènes  chimiques  do  la  putréfaction  peuvent  se  développer 
avec  une  rapidité  cxliêinement  vaiiable,  dans  les  cadavi es  d'indivi- 
dus morts  le  mêmejour  et  déposés  dans  le  même  local,  sur  deux  tables 
voisines  (I). 

Les  différences  individuelles  pouvant  exercer  une  pareille  influence 
sur  la  résistance  que  les  tissus  opposent  ci  la  putréfaction,  on  ne  sau- 
rait s'étonner  qu'elles  exercent  une  influence  analogue  sur  la  marche 
des  phénomènes  chimiques  provoqués  par  le  chauffage  des  rotifères. 


Nous  pouvons  maintenant  jeter  un  coup  d'œil  d'ensemble  sur  les 
trois  séries  d'expériences  que  nous  venons  d'étudier  séparément. 
M.  Pouchet  en  avait  formé  un  faisceau  que  nous  avons  dû  briser,  parce 
que  la  théorie  qui  les  enchaînait  Tune  à  l'autre  se  trouvait  renversée 
par  les  résultats  de  nos  expériences. 

Dès  le  moment  que  la  dessiccation  la  plus  parfaite  ne  détruisait  pas 
nécessairement  la  propriété  deréviviviscence,  les  dangers  de  l'épreuve 
de  l'exposition  à  l'air  libre,  -de  l'épreuve  du  temps  et  de  l'épreuve  du 
chauffage  ne  pouvaient  plus  être  attribués  au  fait  pur  et  simple  de  la 
dessiccation.  Il  fallait  donc  chercher  ailleurs  le  mode  d'action  de  ces 
trois  épreuves.  N'ous  avons  essayé  de  le  faire  sans  nous  dissimuler 
que  dans  l'état  actuel  de  la  science  il  nous  manquait  trop  d'éléments 
pour  arriver  à  une  solution  définitive. 

Les  faits  que  nous  nous  efforcions  d'expliquer  étaient  établis  par 
des  expériences  sufiisammi^nt  certaines;  mais  ces  faits  étaient  trop 
peu  nombreux;  ils  ne  formaient  pas  une  série  continue;  nous  ne  con- 
naissions qu'une  partie,  et  la  plus  petite  partie,  des  conditions  maté- 
rielles propres  à  maintenir,  à  compromettre  ou  à  anéantir  la  propriété 


(1)  Ces  di/Térences  dépendout  souvent  de  la  naliirc  des  maladies  qui  ont 
déterminé  la  mort;  mais  elles  s'observent  aussi  chez  les  individus  morts  de 
mort  violente  au  milieu  delà  santi';  la  plus  parfaite.  Une  centaine  de  cadavres 
provenant  pour  la  plui)art  de  la  barricade  du  Petit-Pont  furent  déposés  le  '23 
juin  1848  dans  la  salle  des  morts  de  l'Hôtcl-Dieu.  Le  "5  juin  je  fus  chargé  de 
présidera  rembaumemeiU  de  ces  corps  qu'on  ne  pouvait  encore  transporter 
au  cimetière,  et  qui  commençaient  à  exhaler  de  l'odeur.  Beaucoup  étaient  déjà 
dans  un  état  de  putrélactiou  avancée,  taudis  ([u'un  certain  nombre  n'ofTiaicut 
absolument  aucun  indice  de  putréfaction. 


135 

de  reviviscence.  Nous  n'avions  que  des  renseignements  très-incom- 
plets sur  la  limite  extrême  de  la  résistance  des  animaux  aux  diverses 
épreuves. 

Les  expériences  faites  jusqu'à  ce  jour  ne  nous  fournissaient  donc 
que  quelques  jalons,  et  en  passant  de  l'un  à  l'autre  nous  courions 
risque  de  nous  égarer  plus  d'une  fois.  Mais  ce  n'était  que  la  moindre 
des  difficultés  semées  sur  notre  route.  A  défaut  des  notions  qu'aurait 
pu  nous  fournir  une  série  complète  de  faits  pliysîoiogiqucs  relatifs 
aux  animaux  réviviscents,  nousavons  dû  faire  appel  aux  connaissances 
acquises  sur  les  conditions  physiques  et  chimiques  capables  d'altérer 
ou  de  conserver  l'état  moléculaire  des  matières  organiques,  et  l'on  a 
vu  combien  la  science  est  en  défaut  sur  ce  point.  Les  phénomènes 
chimiques  de  cet  ordre  sur  lequel  nous  pouvions  nous  baser,  étaient 
moins  nombreux  et  plus  incertains  encore  que  les  phénomènes  phy- 
siologiques dont  nous  cherchions  à  découvrir  les  causes,  et  nous 
étions  sans  cesse  exposés  à  expliquer  obsciirum  per  obscurius. 

Nous  n'avons  pas  cru  devoir  pour  cela  renoncer  à  toute  tentative 
d'explication.  La  nécessité  d'établir  une  théorie  de  la  reviviscence  ne 
peut  échapper  à  aucun  de  ceux  qui  étudient  la  nature  des  phénomènes 
vitaux,  qui  se  demandent  si  la  vie  est  un  effet  ou  une  cause,  un  ré- 
sultat ou  un  principe  d'action.  L'importance  d'un  pareil  but  est  assez 
considérable  pour  exciter  le  zèle  des  expérimentateurs.  Nous  avons 
voulu  leur  signaler  les  lacunes  de  la  science,  attirer  leur  attention  sur 
les  points  douteux  ou  inconnus,  et  donner  un  but  déterminé  aux 
recherches  qu'on  pourra  entreprendre  pour  confirmer  ou  infirmer  no- 
tre opinion  sur  la  nature  du  phénomène  de  la  reviviscence. 

En  attendant  que  l'expérimentation  ultérieure  ait  multiplié  et  étendu 
nos  connaissances  sur  ce  sujet,  nous  pensons  que  l'ensemble  des  faits 
connus  jusqu'à  ce  jour  permet  de  considérer  la  réviviscibilité  comme 
une  propriété  inhérente  à  la  matière  organisée,  et  aussi  permanente 
ni  plus  ni  moins  que  l'état  moléculaire  dont  elle  dépend.  Il  nous  pa- 
raît dès  lors  que  le  phénomène  de  la  reviviscence  rentre  dans  la  caté- 
gorie des  phénomènes  dont  les  conditions  sont  soumises  aux  lois  de  la 
physique  et  de  la  chimie  pures. 

Cette  conclusion  se  présente  naturellement  à  l'esprit  lorsqu'on  songe 
que  la  dessiccation  complète  laisse  persister  la  propriété  de  reviviscence . 
Là  où  l'eau  fait  entièrement  défaut^  la  vie  parait  tout  à  fait  impossible  ; 
et  là  où  il  n'y  a  plus  de  vie,  la  matière  devenue  inerte  ne  peut  être 
modifiée  soit  dans  sa  constitution,  soit  dans  ses  propriétés,  que  par 
les  agents  physiques  ou  chimiques. 

Mais  on  pouvait  objecter  contre  cette  doctrine  que  la  révivitcibihté 
s'éteint  dans  des  conditions  qui,  au  premier  abord,  ne  semblent  pas 


136 

de  nature  à  modifier  les  matières  organiques.  Des  épreuves  qui,  com- 
parées il  celle  du  chaufïage  à  100",  paraissent  tout  à  fait  inoffensives, 
l'épreuve  de  l'exposition  à  l'air  libre,  la  simple  épreuve  du  temps,  en- 
lèvent aux  animaux  leur  propriété  de  reviviscence,  et  le  môme  résultat 
est  produit  au  bout  d'un  temps  plus  ou  moins  court  par  des  tempéra- 
tures sèches  bien  inférieures  à  celles  qu'on  emploie  généralement  pour 
décomposer  les  substances  organiques. 

Nous  avons  dû  nous  demander,  par  conséquent,  si  ces  diverses 
épreuves  étaient  réellement  sans  action  sur  les  principes  immédiats 
et  notamment  sur  les  substances  albumiuoïdes  semblables  ou  ana- 
logues à  celles  dont  se  composent  les  corps  des  animaux  réviviscenls. 
Nous  croyons  avoir  montré,  par  quelques  exemples  particuliers,  que 
certains  principes  immédiats  subissent  dans  ces  conditions  des  allé- 
rations  plus  ou  moins  graves,  consistant  soit  en  un  changement  d'é- 
tat, soit  en  un  changement  décomposition  atomique,  et  accompagnées 
dans  les  deux  cas,  d'un  changement  de  propriétés. 

Dès  lors,  quoique  la  composition  chimique  des  corps  réviviscents 
n'ait  pas  encore  été  exactement  déterminée,  les  résultats  des  épreuves 
auxquelles  ces  corps  ont  été  soumis  se  concilient  parfaitement  avec 
les  faits  connus  de  la  chimie  organique. 

Ainsi,  deux  doctrines  sont  en  présence.  Le  phénomène  de  la  revivis- 
cence est  un  phénomène  vital,  ou  bien  c'est  un  phénomène  indépen- 
dant de  la  vie,  et  dépendant  exclusivement  de  l'état  matériel  des 
corps. 

La  première  doctrine  est  en  opposition  absolue  avec  les  résultats  de 
l'épreuve  de  la  dessiccation. 

La  seconde  doctrine,  au  contraire,  n'est  en  opposition  avec  aucun 
fait  connu;  elle  permet  d'expliquer  non-seulement  les  résultats  de  l'é- 
preuve capitale  de  la  dessiccation,  mais  encore  ceux  des  autres 
épreuves.  Elle  découle  directement  de  certaines  expériences,  et  elle  se 
concilie  très-bien  avec  toutes  les  autres. 

Il  y  a  donc  des  raisons  décisives  qui  doivent  faire  rejeter  la  pre- 
mière. Il  n'y  en  a  aucune  qui  puisse  empêcher  d'accepter  la  seconde; 
et  celle-ci,  reposant  d'ailleurs  sur  des  faits  bien  positifs,  nous  paraît 
devoir  être  admise,  dans  l'état  actuel  de  la  science,  comme  l'expression 
de  la  vérité. 


EiN  RESUME  : 

1°  Les  animaux  dits  ?x'yiyi5ccnis  sont  ceux  qui  peuvent  être  ranimés 
par  l'huniectution  après  avoir  perdu,  par  suite  d'une  dessiccation  plus 


137 

ou  moins  complète,  toutes  les  apparences,  toutes  les  manifestations 
de  la  vie. 

2"  Lorsqu'ils  sont  plongés  dans  un  milieu  humide,  ils  vivent  comme 
les  animaux  ordinaires,  ils  ne  s'en  distinguent  par  aucun  caractère 
anatomique  ou  physiologique,  et  ne  peuvent  alors  supporter  sans  périr 
définitivement  une  température  supérieure  à  50". 

3°  Lorsqu'ils  ont  été  privés  de  toutes  les  apparences  de  la  vie  par 
une  dessiccation  naturelle  à  l'air  libre,  ils  peuvent  supporter  des  tem- 
pératures beaucoup  plus  élevées,  sans  perdre  leur  propriété  de  revi- 
viscence. 

4"  Ils  peuvent  alors  subir  de  brusques  changements  de  température, 
et  franchir  foM^  à  coup  un  intervalle  de  près  de  100"  (de  — 17-6  à  +  78°) 
sans  perdre  leur  propriété  de  reviviscence.  (Pouchet,  exp.  X.) 

5"  Les  procédés  les  plus  parfaits  de  dessiccation  artificielle  à  froid 
ne  suffisent  pas  toujours  pour  enlever  à  ces  animaux  leur  propriété  de 
reviviscence. 

6°  Leur  résistance  aux  températures  élevées  paraît  s'accroître  d'au- 
tant plus  qu'ils  ont  été  plus  complètement  desséchés  d'avance. 

7°  Toutes  les  espèces  réviviscentes  ne  résistent  pas  au  même  degré 
à  la  dessiccation  artificielle  et  aux  températures  élevées. 

8°  Des  animaux  de  la  même  espèce,  suivant  le  milieu  où  ils  ont  été 
élevés,  peuvent  présenter  sous  ce  rapport  des  différences  très-consi- 
dérables; ceux  qui  ont  vécu  dans  un  milieu  habituellement  humide 
résistent  moins  que  ceux  qui  ont  vécu  dans  un  milieu  habituelle- 
ment sec. 

9°  Les  anguillules  des  tuiles  perdent  leur  propriété  de  reviviscence 
plus  aisément  que  les  tardigrades  et  les  rotifères  ;  et  ceux-ci  paraissent 
doués  d'une  résistance  supérieure  à  celle  des  tardigrades. 

10"  Nous  avons  vu  une  grosse  anguillule,  chauffée  pendant  trente 
minutes  à  78°  dans  fétuve  de  M.  Pouchet,  se  ranimer  après  l'hu- 
mectation.  (Exp.  XI.) 

11"  Les  tardigrades  émydiums,  et  surtout  les  tardigrades  macro- 
biotes,  ont  pu  se  ranimer  après  avoir  subi  pendant  cinq  minutes  une 
température  de  98"  dans  l'étuve  de  M.  Doyère.  (Exp.  VI  et  VII.) 

12°  Les  rotiières  peuvent  se  ranimer  après  avoir  séjourné  quatre- 
deux  jours  dans  le  vide  sec,  et  subi  immédiatement  après  pendant 
trente  minutes  une  température  de  100".  (Exp.  XXI.)  Par  conséquent, 
des  animaux  desséchés  successivement  à  froid  et  à  chaud,  et  parvenus 
au  degré  de  dessiccation  le  plus  complet  qu'on  puisse  obtenir,  dans 
l'état  actuel  de  la  science,  sans  décomposer  les  matières  organiques, 
peuvent  conserver  encore  la  propriété  de  se  ranimer  au  contact  de 
l'eau. 


138 

13°  L'exposition  prolongée  ù  l'air  libre  consliluc  pour  les  animaux 
réviviscenls  une  épreuve  très-dangereuse  et  détruit  en  peu  de  mois 
leur  propriété  de  reviviscence. 

14"  Ce  résultat  ne  peut  être  attribué  à  la  dessiccation,  puisque  des 
corps  desséchés  à  l'air  libre  et  à  la  température  naturelle  ne  peu- 
vent être  considérés  comme  plus  secs  que  les  mômtis  corps  desséchés 
artificiellement  d'abord  à  froid,  puis  à  chaud,  aussi  complètement 
que  possible. 

15°  Les  dangers  de  l'épreuve  de  l'exposition  à  l'air  libre,  ne  pou- 
vant être  attribués  au  fait  de  la  dessiccation,  dépendent  selon  toutes 
probabilités  des  altérations  matérielles  que  font  subir  aux  corps  des 
animaux  révivisccnts  les  variations  continuelles  de  la  température  et 
surtout  de  l'humidité  atmosphérique. 

16"  Les  animaux  déposés  dans  des  boîtes,  protégés  par  une  couche 
épaisse  de  mousse  ou  de  terreau,  ou  soustraits  d'une  manière  quel- 
conque à  l'action  directe  de  l'air  extérieur,  conservent  leur  propriété 
de  reviviscence  beaucoup  plus  longtemps  que  les  animaux  exposés 
directement  aux  vicissitudes  atmosphériques.  Néanmoins,  dans  ces 
conditions,  ils  cessent  d'être  réviviscibles  au  bout  d'un  certain  nom- 
bre d'années. 

17"  La  limite  du  temps  pendant  lequel  ils  conservent  ainsi  leur 
propriété  de  reviviscence,  est  très-variable.  Elle  peut  s'élever  jus- 
qu'à onze  ans  au  moins  pour  les  rotifères,  jusqu'à  vingt-huit  ans  an 
moins  pour  les  anguillules  du  blé  niellé.  (Voy.  p.  110  et  p.  lia.) 

18"  Les  dangers  de  l'épreuve  du  temps  ne  pouvant  être  attribués  au 
faitde  la  dessiccation,  dépendent,  selon  toutes  probabilités,  des  altéra- 
tions physiques  ou  chimiques  que  subissent  à  la  longue  les  tissus  et 
les  principes  immédiats  des  corps  réviviscents. 

19»  Dans  l'épreuve  des  températures  élevées,  la  durée  du  chauffage 
n'est  pas  moins  importante  à  considérer  que  l'intensité  du  chauffage. 

20"  La  limite  inférieure  des  températures  que  les  rotifères  peuvent 
supporter  indéfiniment  sans  perdre  leur  propriété  de  reviviscence 
est  encore  indéterminée.  11  parait  résulter,  d'une  expérience  de 
M.  Pouchet,  que  celte  limite  est  inférieure  à  56°.  (Voy.  p.  131  et  152.) 

21°  La  limite  supérieure  des  températures  que  les  rotifères  peuvent 
supporter  quelques  instants  sans  perdre  leur  propriété  de  revivis- 
cence est  encore  indéterminée.  Il  parait  résulter,  d'une  expérience 
de  M.  Doyère,  qu'elle  est  égale  ou  supérieure  à  125".  (Voy.  p.  50.) 

22"  La  températuie  de  l'ébullition  de  l'eau  est  aisément  supportée 
pendant  cinq  minutes  par  les  rotifères  et  les  tardigrades,  préaUi- 
hlcmcnt  desséches  à  froid  (Ex|).  VI  et  Vil);  cette  même  température, 
prolongée  pendant  trente  minutes,  a  anéauti  chez  tous  nos  tai'di- 


130 
grades  et  chi'z  la  plupart  de  nos  lutiiôres  la  propriété  de  reviviscence 
(Exp.  XIX,  XX  et  XXI).  Il  est  extrêmement  probable  que,  prolongée 
plas  longtemps  encore,  elle  aurait  anéanti  celle  propriété  chez  tous 
les  animaux. 

25"  Certaines  matières  organiques,  préalablement  desséchées,  se 
comportent  à  cet  égard  comme  les  animaux  réviviscents;  elles 
peuvent  supporter  quelque  temps  sans  altération  la  température  de 
î'ébuUition  qui,  prolongée  plus  longtemps,  altère  soit  leurs  propriétés, 
soit  leur  composition  chimique;  mais,  chaufïées  au  contact  de  l'eau 
ou  de  la  vapeur  d'eau,  elles  ne  peuvent  supporter,  même  pendant 
quelques  instants,  la  température  de  I'ébuUition,  sans  subir  des  alté- 
ratioQS  irréparable-'. 

24"  Tout  permet  de  croire  que  l'épreuve  du  chauffage,  convenable- 
ment dirigée,  ne  porte  atteinte  à  la  propriété  de  reviviscence  des 
rotilères  qu'en  portant  atteinte  à  la  composition  chimique  de  leur 
corps. 

25°  La  propriété  de  reviviscence  des  rotifères  paraît  aussi  perma- 
nente ni  plus  ni  moins  que  la  matière  organisée  à  laquelle  elle  ap- 
partient. 

CONCLUSION  DE  LA  COMMISSION. 

Le  travail  qui  précède  est  naturellement,  comme  tous  les  rapports, 
l'œuvre  du  rapporteur.  Mais  la  conclusion  suivante  a  été  rédigée  en 
séance  et  adoptée  à  l'unanimité  par  la  commission,  qui  prend  d'ail- 
leurs sous  sa  responsabilité  l'exactitude  des  expériences  consignées 
dans  le  rapport  : 

«  La  résistance  des  tardigrades  et  des  rotifères  aux  températures 
«  élevées  paraît  s'accroître  d'autant  plus  qu'ils  ont  été  plus  complé- 
«  tement  desséchés  d'avance.  Les  rotifères  peuvent  se  ranimer  après 
«  avoir  séjourné  quatre-vingt-deux  jours  dans  le  vide  sec  et  subi  im- 
«  diatement  après  une  température  de  100"  pendant  trente  mi- 
«  nutes.  Par  conséquent,  des  animaux  desséchés  successivement  à 
«  froid  dans  le  vide  sec,  puis  à  100"  sous  la  pression  atmosphérique, 
«  c'est-à-dire  amenés  au  degré  de  dessiccation  le  plus  complet  qu'on 
«  puisse  réaliser  dans  ces  conditions  et  dans  l'état  actuel  de  la  science, 
«  peuvent  conserver  encore  la  propriété  de  se  ranimer  au  contact  de 
«  l'eau.  » 

Balbiani,  Berthelot,  Broca,  Brown-Séquard, 
Dareste,  Gl'illemin,  Robin. 


ÉTUDE 

SUR  L'ICTÈRE 

DÉTERMINÉ 

PAR  L'ABUS  DES  BOISSONS  ALCOOLIQUES, 

Mémoire  lu  à  la  Société  de  biologie 

Par  le  Docteur  E.  LEUDET, 

Professeur  titulaire  de  clinique  médicale  à  l'Ecole  de  médecine  de  Rouen, 
médecin  en  chef  de  l'Ilotel-Dieu,  etc. 


L'influence  fâcheuse  exercée  par  l'abus  répété  des  alcooliques  sur  le 
foie  est  admise,  surtout  en  Angleterre  et  en  Allemagne  ;  chez  nos  voi- 
sins d'outre-Manche,  cette  opinion  est  adoptée  au  point  qu'on  désigne 
presque  indistinctement  sous  le  nom  de  cirrhose  et  de  foie  des  buveurs, 
l'altération  que  nous  connaissons  plus  spécialement  en  France  sous  le 
nom  de  cirrhose.  Cette  manière  de  voir  est  formellement  émise  dans 
un  ouvrage  justement  classique,  celui  de  Budd  (Diseases  of  the 
LivER,  p.  141,  2*  édit.).  Bamberger  (Virchow's  Handruch  der  Patho- 
logie, V.  VI,  p.  566, 1855)  est  au  moins  aussi  positif  que  les  auteurs 
anglais.  «  La  relation  de  cause  à  effet  entre  la  cirrhose  ou  inflammation 
interstitielle  du  foie  est  établie  d'une  manière  si  certaine,  dit-il,  qu'on 
ne  peut  élever  aucun  doute  à  cet  égard,  »  et  plus  loin  il  dit  avoir 
pu  rapporter  dix  fois  sur  trente-quatre  la  cause  première  de  la  cir- 
rhose à  l'abus  des  alcooliques.  M.  Lebert  (  Handruch  der  Praktisches 
Medicin,  V.  I,  p.  440, 1858)  ne  rejette  pas  cette  origine  de  la  cirrhose. 
Falck  (Virchow's  Handr.  der  Pathologie,  v.  II,  p.  302, 1855 }  ,Frerichs 
(Klinik  der  Lederkrankheiten,  V.  I,  p.  293,  etc.,  1858),  Bamberger 
(/oc.  aV.),  décrivent  comme  se  développant  consécutivement  à  l'ac- 


\n 

lion  prolongée  dos  alcooliqnes,  une  série  de  métamorphoses  pallio- 
logiques  du  foie,  depuis  ce  que  l'on  a  nommé  le  foie  muscade  jusqu'au 
foio  gras  et  à  la  cirrhose.  J'ai  cité  ici  les  renseignements  les  plus  posi- 
tifs contenus  dans  les  œuvres  de  nos  confrères  étrangers  ;  ces  opinions 
sont  loin  d'être  purement  dogmatiques,  elles  s'appuient  sur  des  résul- 
tats cliniques  et  anatomo-pathologiques  de  la  plus  grande  valeur. 

En  France,  la  plupart  de  nos  auteurs  classiques  sont  loin  d'être  aussi 
positifs  relativement  au  rapport  de  cause  à  effet;  cependant  il  semble 
que  chaque  jour  cette  opinion  compte  plus  de  partisans. 

Placé,  comme  je  le  dirai  plus  loin,  à  la  tète  d'un  grand  service  de 
médecine,  dans  une  localité  où  les  abus  alcooliques  sont  malheureu- 
sement trop  fréquents,  j'ai  été  frappé  d'observer  quelques  faits  qui  me 
paraissent,  sous  une  autre  forme,  prouver  l'action  nuisible  des  alcoo- 
liques sur  le  foie,  non  plus  d'une  manière  lente  comme  dans  la  cir- 
rhose, mais  d'une  manière  rapide.  La  maladie  du  foie  que  j'ai  observée 
est  aigué  els'accompagne  d'ictère.  Je  ladésignoici  sous  le  nom  d'ictère 
aigu  des  ivrognes,  choisissant  cette  dénomination  pour  ne  pas  préju- 
ger de  lanature  de  la  maladie,  mais  loin  de  vouloir  prétendre  que  l'hé- 
patite aiguë  des  ivrognes  n'existe  pas  souvent  sans  ictère. 

L'ictère  à  la  suite  des  excès  alcooliques  n'est  pas  môme  mentionné 
par  la  plupart  des  auteurs  ;  d'autres  expriment  leur  doute  sur  la  réa- 
lité de  la  relation  de  causalité  énoncée  ;  quelques-uns,  au  contraire, 
sans  admettre  l'ictère  comme  fréquent,  en  citent  cependant  des  exem- 
ples, et  surtout  quelques  cas  de  la  forme  maligne  :  tel  est  le  fait  de 
Horaczt'k  (Die  Gallige  Dyskp.asie),  sur  lequel  je  reviendrai  plus  loin. 
M.  Fauconueau-Dufresne  (PuÉcis  des  maladies  du  foie  et  du  pancréas, 
p.  152,  185G)  range  également  l'abus  des  boissons  alcooliques  au 
nombre  des  causes  de  l'hépatite  aiguë.  M.  Beau  (Mémoire  sur  l'appa- 
reil  SPLÉNO-lIÉPATIQUE ,   ARCHIVES    (GÉNÉRALES    DE    MÉDECINE,  Sér.  IV, 

V.  XXVI,  p.  31, 185G)  a  insisté,  après  un  exposé  physiologique  des  plus 
intéressants,  sur  l'influence  des  ingesta  sur  l'hépalalgie  avec  conges- 
tion du  foie  avec  ou  sans  ictère. 

Le  sujet  que  j'aborde  est  donc  encore  peu  riche  en  démonstrations 
cliniques;  c'est  ce  qui  m'a  engagé  à  m'en  occuper.  Je  crois  pouvoir 
établir  que  l'abus  des  boissons  alcooliques  occasionne,  dans  des  cir- 
constances que  je  préciserai  plus  loin,  des  accidents  aigus  du  côté  du 
Iule  et  de  l'estomac;  que  ces  accidents  ne  sont  pas  purement  nerveux, 
mais  bien  d'origine  inflammatoire  ;  en  un  mol,  que  l'ictère  des  ivrognes 


existe  comme  conjéqiience  d'une  liépalîle  légère  et  d'une  gastrite  ai- 
guë ou  d'une  exacerbation  aiguë  de  la  phlegmasio  stomacale  dans  le 
cours  d'une  inflammalion  chronique. 

Comme  introduction  à  l'élude  de  cet  accident  morbide,  je  transcris 
immédiatement  une  de  mes  observations. 

INGESTION  d'un  VERRE  d'ALCOOL  TRÈS-CONCENTRÉ.  IVRESSE  DE  TROIS  JOURS 
DE  DURÉE;  ACCIDENTS  GASTRIQUES  SÉRIEUX;  ICTÈRE  DÉBUTANT  SIX  JOURS 
APRÈS  l'excès.  ADTNAMIE;  MORT.  ULCÈRES  DE  L'eSTOMAC;  ATROPHIE  AI- 
GUË DU  FOIE. 

Obs.  I.  —  Gantais  (Adolphe),  âgé  de  39  ans,  tonnelier,  entre  le  2G  décembre 
1858  à  i'hôtel-Dieu  de  Rouen  dans  mou  service,  salle  V,  n"  9,  D'une  taille 
ordinaire,  muscles  bien  développés.  Gantais  a  travaillé  quelques  années  dans 
des  tilatures  de  coton  et  dans  des  teintureries,  et  depuis  vingt  ans  sans  inter- 
ruption comme  tonnelier;  il  ne  se  rappelle  qu'une  maladie  grave  il  y  a  trois 
ans  environ,  variole  qni  a  laissé  quelques  cicatrices  sur  le  nez  et  fut  suivie 
d'un  abcès  à  la  fesse;  depuis  de  longues  années  il  fait  habituellement  un 
grand  abus  des  boissons  alcooliques,  mais  n'en  a  jamais  ressenti  de  graves 
inconvénients  du  côté  de  l'appareil  digestif  ou  du  système  nerveux.  L'état 
d'adynamie  de  Gantais  au  moment  de  son  admission  à  l'Hôtel-Dieu,  m'a  em- 
pêché de  m'assurer,  par  un  interrogatoire  très-répété,  s'il  n'avait  eu  en  réalité 
aucun  accident  gastrique,  même  léger. 

Il  y  a  sept  jours  Gantais  prit  par  erreur  un  grand  verre  d'alcool  concentré, 
de  trois-six,  qu'il  croyait  être  du  vin  blanc.  Celte  ingestion  ne  fut  suivie 
d'aucune  sensation  de  brûlure  dans  le  tube  digestif,  il  tomba  presque  immé- 
diatement dans  un  état  d'ivresse  profonde  qui  ne  dura  pas  moins  de  trois 
jours,  et  ne  peut  donner  aucun  renseignement  sur  les  symptômes  qu'il  pré- 
senta pendant  ce  laps  de  temps.  Depuis  cette  époque  jusqu'au  jour  de  l'en- 
trée, il  a  toujours  éprouvé  les  mêmes  accidents.  Anorexie  complète,  impos- 
sibilité absolue  de  supporter  aucun  aliment  ou  aucune  boisson  sans  les  re- 
jeter immédiatement;  vomissements  aqueux  et  bilieux;  douleur  dans  le 
ventre,  mais  non  limitée  à  l'épigastre  ;  l'iclère  n'a  été  remarqué  que  le  ma- 
tin du  2G  décembre. 

Ce  même  jour,  dans  la  soirée,  je  trouve  Gantais  dans  l'état  suivant:  ady- 
namie;  intelligence  parfaite;  coloration  ictérique  très-marquée  de  la  peau  et 
des  muqueuses,  sans  prurit;  diminution  des  vomissements  depuis  le  matin; 
douleur  spontanée  dans  tout  l'abdomen  augmentée  par  la  pression  à  l'épi- 
gastre et  au  niveau  de  l'hypogastre  droit;  pas  de  raétéorisme,  pas  de  selles 
dans  la  journée  ;  Gantais  n'avait  pas  de  diarrhée  depuis  l'excès  alcoolique.  Le 
foie  ne  se  sent  pas  au-dessous  des  fausses  côtes.  Langue  un  peu  rouge,  hu- 
mide; soif  incessante.  .Aucun  phénomène  pathologique  n'est  noté  dans  les 


144 

autres  organes.  Pouls  de  92-%;  sans  chaleur  de  la  peau.  (Une  bouteille  deau 
de  Sedlitz  suivie  de  plusieurs  vomissements  et  de  sept  à  huit  selles  qui  n'ont 
rien  pri'senté  de  particulier,  mais  que  je  n'ai  pas  vues.) 

21  au  matin.  Âdynamie  plus  marquée;  coloration  ictérique  d'un  jaune  ver- 
dâtre;  âdynamie  plus  marquée;  pas  de  vomissements  depuis  la  veille.  Mêmes 
symptômes.  (Six  sangsues  à  l'anus;  gomme  sucrée;  eau  albumineuse; 
bains.) 

Mort  le  28  décembre  au  matin. 

Examen  du  cadavre  vingt-deux  heures  après  la  mort.  Pas  de  traces  de 
putréfaction;  cerveau  et  méninges  sains;  pas  d'injection  anormale  ni  d'aug- 
mentation du  liquide  intraventriculaire.  Pas  d'adhérence  des  deux  feuillets 
des  plèvres  ;  dilatation  emphysémateuse  des  deux  poumons  à  leur  sommet 
et  à  leur  face  antérieure;  tissu  pulmonaire  partout  sain,  crépitant.  Pas  d'é- 
panchement  dans  le  péricarde;  quelques  petites  ecchymoses  sous-séreuses 
à  la  partie  antérieure  du  ventricule  droit  ;  les  muscles  du  cœur  offrent  une 
teinte  légèrement  jaunâtre  sans  dégénérescence  graisseuse  à  l'examen  mi- 
croscopique; rougeur  uniforme  par  imbibition  de  toutes  les  cavités  du  cœur 
dont  les  parois  et  les  orifices  ont  leurs  caractères  normaux  ;  même  teinte 
rougeâtre  de  la  membrane  interne  de  l'aorte  et  des  gros  vaisseaux. 

Pas  d'épanchement  dans  le  péritoine;  aucune  injection  des  divers  feuillets 
de  cette  membrane  séreuse.  L'estomac  était  petit,  rcveni;  sur  lui-même  et 
présentait  de  nombreux  plis  d'amplialion  dirigés  dans  le  sens  du  plus  grand 
axe  du  viscère  ;  la  muqueuse  était  d'une  teinte  généralement  grisâtre,  un 
peu  ardoisée,  mamelonnée  et  épaissie,  fournissant  des  lambeaux  très-petits; 
sur  le  sommet  des  plis  d'amplialion  on  remarquait  au  moins  une  vingtaine 
de  petits  ulcères  ayant  un  demi  à  1  centimètre  de  longueur,  ovoïdes,  à  bords 
jaunâtres,  nullement  décollés,  taillés  à  pic  et  n'intéressant  pas  toute  l'épais- 
seur de  la  muqueuse;  les  bords  étaient  un  peu  jaunâtres  et  présentaient  de 
petits  caillots  sanguins  dans  beaucoup  d'endroits  ;  à  leur  circonférence,  de 
nombreux  vaisseaux  capillaires  entouraient  comme  d'une  auréole  irisée  cha- 
cune des  pertes  de  substance.  La  tunique  musculaire  semblait  un  peu  épais- 
sie. L'estomac  était  vide.  Des  ulcères  analogues  existaient  dans  le  tiers  infé- 
rieur de  l'œsophage,  et  quelques-uns  également  dans  le  duodénum.  Le  tiers 
supérieur  de  la  muqueuse  de  l'intestin  grêle  était  ramolli,  avec  de  larges 
plaques  de  vaisseaux  arborisés  par  place,  son  contenu  était  d'un  jaune  gri- 
sâtre perle;  dans  les  deux  tiers  inférieurs  et  dans  la  moitié  supérieure  du 
gros  intestin,  les  matières  contenues  représentaient  un  magma  noirâtre  qui 
ne  se  mêlait  ni  à  l'eau  ni  avec  les  acides,  mais  avec  l'alcool  et  ne  fournissait 
aucune  couleur  verdâtre  quand  il  était  mis  au  contact  de  l'acide  nitrique; 
la  muqueuse  était  dans  toute  celte  étendue  très-ramollie,  mais  sans  ulcères. 

Le  foie  est  moins  volumineux  au  moins  d'un  tiers  que  dans  l'état  normal; 
il  est  mou,  décoloré  par  places,  et  présente  de  petits  points  d'une  couleur 


145 

légèrement  jaunâtre  dans  lesquels  l'examen  microscopique  fait  à  peine  re- 
connaître quelques  cellules  hépatiques  très-granulées  et  beaucoup  de  magma 
amorphe  ;  le  foie  est  du  reste  peu  congestionné.  Canaux  biliaires  et  vésicules 
sans  altération,  non  oblitérés  jusque  dans  le  duodénum;  bile  noirâtre  peu 
abondante.  Veine  porte  saine,  de  môme  que  la  raie  et  les  reins. 

J'ai  rapporté  cette  observation  dans  tous  ses  détails,  parce  qu'elle 
présente  un  exemple  de  la  forme  la  plus  grave  de  l'ictère  aigu  consé- 
cutif à  l'abus  des  alcooliques;  je  remarque  surtout  que  chez  ce  ma- 
lade il  existait  une  prédisposition  aux  accidents  gastro-intestinaux,  à 
cause  des  abus  alcooliques  habituels.  Ce  renseignement  obtenu  de  la 
bouche  du  malade  est  vérifié  à  l'autopsie  par  les  preuves  anatomiques 
d'une  phlegmasie  chronique  de  la  muqueuse  stomacale.  Cependant 
on  aurait  tort,  je  crois,  de  ne  pas  distinguer  dans  les  lésions  que  je 
viens  de  décrire  deux  ordres  d'altérations,  les  unes  chroniques,  les 
autres  aiguës.  En  effet,  les  ulcères  ne  présentent  pas  les  caractères  de 
la  forme  chronique  lente  ;  les  bords  jaunes  avec  dépôts  sanguins,  l'in- 
jection périphérique,  l'étendue  môme  de  la  lésion  ulcéreuse  déposent 
en  faveur  d'une  recrudescence  aiguë.  La  cause  à  laquelle  je  cherche 
à  rapporter  ces  lésions  était  bien  suffisante  pour  les  produire;  en  effet, 
l'ingesta  était  une  quantité  considérable  d'alcool  concentré  ;  son  in- 
gestion ne  fut  suivie,  il  est  vrai,  d'aucun  accident  suraigu,  mais  je 
peux  dire  ici,  ce  que  je  prouverai  plus  loin  avec  beaucoup  d'observa- 
teurs, que  l'intensité  des  lésions  dans  les  gastrites  toxiques  n'est  pas 
en  rapport  direct  avec  l'intensité  des  accidents  éprouvés  pendant  la 
vie.  Ces  accidents  furent  cependant  assez  intenses  pour  causer  au 
malade  un  état  de  souffrance  permanent  qui  dura  jusqu'à  l'ictère  ter- 
miné en  deax  jours  par  la  mort.  Cette  apparition  tardive  de  l'ictère 
n'est  du  reste  pas  exceptionnelle,  et  je  la  montrerai  dans  d'autres  cas 
d'empoisonnement  alcoolique  aigu,  et,  en  outre,  dans  d'autres  em- 
poisonnements, comme  je  l'ai  déjà  fait  remarquer  dans  un  autre  tra- 
vail. {Mémoire  sur  Cempoisoiinement  par  la  pâte  pfiosphorée  des  allu- 
mettes cldmiqucs^  AucHiv.  GÉN.  DE  MÉD.,  sér.  V,  vol.  IX,  p.  308.) 

Après  avoir  rapporté  cette  observation,  je  donnerai  un  court  résumé 
d'une  observation  analogue  de  Horaczek  (Die  gallige  Dyskuasie)  rap- 
portée dans  le  mémoire  do  Lebert  sur  l'ictère  typhoïde.  (Virchow's 
ARCHIV.  fur  PATHOL.  AXAT.,  Vûl.  Vllï,  p.  1G8,  185't.) 


MÉM.  10 


146 

HÉPATITE  AVEC  ICTÈUE;  COMPLICATION  DE  PHRENITIS  POTATORUM;  VOMISSE- 
MENTS, MORT  LE  TREIZIÈME  JOUR.  RAMOLLISSEMENT  DU  CEIWEAU  AVEC 
HYDROCÉPHALE  AIGU;  ATROPHIE  DU  FOIE;  RATE  GROSSE  ET  FRAGILE;  RA- 
MOLLISSEMENT DE  LA  MUQUEUSE  DE  l'ESTOMAC  ET  DE  L'INTESTIN. 

Obs.  11.  —  L.  K.,  âgé  de  47  ans,  abusait  habituellement  des  alcooliques  de- 
puis deux  ans.  Après  un  excès  de  ce  genre,  il  se  sentit  abattu,  tourmenté  de 
douleurs  dans  les  membres  analogues  à  celles  qu'il  avait  éprouvées  dans  des 
attaques  antérieures  de  rhumatisme  ;  dans  le  but  de  les  diminuer  le  malade 
but  une  certaine  quantité  de  vin  nouveau,  le  lendemain  il  ne  sentit  pas  sou- 
lagé, mais  vomit  plusieurs  fois  un  liquide  bilieux.  Malgré  un  malaise  continu, 
des  frissons  erratiques  et  un  ictère  commençant,  L.  K.  se  traîna  encore  une 
semaine.  Le  malade  boit  de  nouveau  du  vin;  douleurs  de  tète;  dans  l'esto- 
mac, dans  la  région  du  foie;  mort  avec  des  accidents  cérébraux.  On  trouva  à 
l'autopsie  les  lésions  que  les  Allemands  attribuent  à  l'ictère  aigu,  un  ramol- 
lissement de  la  muqueuse  de  l'estomac  et  de  l'intestin. 

Ces  deux  observations  présentent  sous  leur  forme  la  plus  grave 
l'ensemble  des  accidents  de  l'iclère  aigu  des  ivrognes;  je  me  hâte 
d'ajouter  que  cette  forme  est  heureusement  la  plus  rare,  et  que  dans 
la  majorité  des  cas  l'ictère  aigu  des  ivrognes  ne  se  termine  pas  im- 
médiatement par  la  mort. 

La  coloration  morbide  de  la  peau  ne  se  manifeste  pas  en  gi5néral 
immédiatement  aprè=;  l'excès,  fait  que  démontrent  les  sept  observa- 
tions que  j'ai  pu  recueillir.  L'abus  des  alcooliques  est,  dans  quelques 
cas,  suivi  d'accidents  gastriques  intenses  (obs.  1)  ;  ce  sont  des  vomis- 
sements incessants,  provoqués  par  l'ingestion  de  toutes  les  boissons, 
une  anorexie  complète,  une  douleur  plus  ou  moins  vive  à  l'épigastre, 
avec  malaise  marqué,  impossibilité  d'exécuter  aucun  travail  ;  plus 
souvent  ces  accidents  gastriques  sont  beaucoup  moins  prononcés  et  se 
bornent  à  des  douleurs  épigastriqucs  sourdes  avec  ou  sans  vomisse- 
ments. L'action  nuisible  du  premier  excès  est  souvent  entretenue  par 
une  persistance  dans  l'abus  des  boissons.  Le  fait  suivant  rentre  dans 
cette  catégorie. 

Anus  CONSIDÉRABLE  DES  BOISSONS  ALCOOLIQUES  PENDANT  PLUSIEURS  JOURS; 
DOULEURS  ÉPIGASTRIQUES,  ANOREXIE;  RECRUDESCENCE  DES  ACCIDENTS  GAS- 
TRIQUES,  ICTÈRE,  GUÉRISON. 

Obs.  III.  —  Yardon  (Adolphe),  âgé  de  24  ans,  chargeur,  d'une  taille  élevée, 
muscles  bien  développés,  entre  le  27  mai  1859  à  l'Hûlel  Dieu  de  Houen, 


147 
salle  IX,  n»  16,  dans  ma  division.  Habituellement  d'une  bonne  santé,  Vardon 
commet  fréquemment  des  excès  alcooliques;  mais  n'a  jamais  eu  d'accidents 
gastriques,  nerveux  aigus  ou  chroniques  ou  d'ictère.  11  y  a  près  d'un  mois 
Vardon,  dans  le  but  de  s'assurer,  dit-il,  de  la  guérison  radicale  d'une  blen- 
norrliagie  contractée  deux  mois  auparavant,  but  pendant  quatre  jours  un 
litre  d'eau-de-vie  chaque  jour.  Il  ne  parait  pas  avoir  été  dans  un  état  d'i- 
vresse très-prononcée;  malgré  cet  excès,  il  continua  à  travailler,  mais  a 
soufTert  depuis  constamment  et  sans  interruption  de  douleurs  sourdes  épigas- 
triques  avec  nausées,  sans  diarrhée.  Pendant  ce  temps,  Vardon  continua  en- 
core à  boire  de  l'eau- de-vie,  sans  excès,  dit-il,  mais  en  assez  grande  abon- 
dance. Huit  jours  avant  l'entrée  à  l'Hôlel-Dieu,  sans  cause  connue  recrudes- 
cence des  douleurs  épigastriques,  inappétence  absolue,  quelques  vomisse- 
ments de  substances  ingérées  et  même  bilieux  ;  absence  de  diarrhée  ;  malaise, 
abattement,  céphalalgie-  Vardon  ne  croit  pas  que  l'ictère  ait  débuté  avant  le 
25  mai.  Venu  à  la  consultation  externe  de  l'Hôtel-Dieu,  le  malade  prit  un  pur- 
gatif qui  provoqua  plusieurs  selles  et  des  vomissements  et  fut  suivi  d'une 
recrudescence  de  douleurs  épigastriques. 

Le  soir  de  l'entrée,  Vardon  présentait  une  teinte  ictérique  verdâtre  très- 
prononcée  de  la  peau  et  des  muqueuses;  abattement,  céphalalgie,  étourdis- 
sements  dans  la  station  ;  douleur  épigastrique,  obtuse,  augmentant  par  la 
pression  ainsi  qu'au  niveau  de  l'hypocondre  droit  où  l'on  constate  un  déve- 
loppement léger  du  foie.  Langue  un  peu  blanche,  légèrement  rougeâtre  à  la 
pointe  et  sur  les  bords.  Pouls  à  46,  pas  de  chaleur  de  la  peau.  (Gomme  sucrée, 
bain  alcalin  ;  une  portion.) 

Le  29,  les  accidents  demeurent  les  mêmes.  J'ordonne  six  sangsues  au  creux 
épigastrique,  un  lavement  purgatif,  une  portion  de  légumes  verts. 
:   Le  30,  un  purgatif  administré^  20  grammes  d'huile  de  ricin^  est  rejeté  par 
le  vomissement.  Pouls  de  42-44. 

Du  30  mai  au  2  juin,  moins  de  douleur  à  l'épigaslre  et  au  niveau  du  foie, 
pas  de  vomissements,  selles  rares;  mêmes  étourdissemenls.  Pouls  de  40-42. 
(Magnésie,  4  grammes.) 

Du  4  au  7  juin,  diminution  graduelle  de  l'ictère  qui  a  disparu  le  9;  on 
constate  néanmoins  encore  un  peu  de  matière  colorante  de  la  bile  dans  l'u- 
rine en  l'essayant  au  moyen  de  l'acide  nitrique. 

Les  douleurs  épigastriques  ont  complètement  cessé  ainsi  que  le  malaise, 
la  céphalalgie  et  les  vertiges,  Vardon  quitta  l'Hôtel-Dieu  le  12  juin  1859. 

Malgré  la  dislance  assez  considérable  qui  sépare  l'apparition  de  l'ic- 
tère de  l'époque  où  l'excès  alcoolique  eut  lieu,  j'ai  cru  néanmoins 
devoir  attribuer  la  coloration  morbide  de  la  peau  à  cette  cause,  en  eflet 
la  santé  de  Vardon,  toujours  bonne  jusqu'alors,  fut  constamment  al- 


148 
lérée  depuis  celle  (jpociue,  c'est  ce  que  j'ai  pu  conslaler  aussi  dans 
tous  les  aulres  fails  observés.  L'abus  exagéré  de  l'alcool  était  suivi 
dans  plusieurs  cas  d'un  malaise  peu  grave  analogue  à  celui  que  je 
viens  de  décrire,  puis,  au  boul  d'un  temps  variable  dans  le  cours  de 
cet  état  valétudinaire  caractérisé  surtout  par  de  la  dépression  des 
forces,  de  la  céphalalgie,  de  l'anorexie,  quelques  vomilurilions,  on 
voyait  se  manifester  une  recrudescence  de  ces  mêmes  accidents,  des 
douleurs  épigastriques  plus  intenses,  des  vomissemenls  ou  des  symp- 
tômes morbides  étrangers  à  l'appareil  digestif,  des  étourdissements, 
des  vertiges  assez  intenses  pour  empêcher  la  marche,  des  syncopes. 
Dans  quelques  cas,  il  se  manifeste  simultanément  quelques-uns  des 
accidents  habituels  de  l'alcoolisme  chronique  éprouvés  antérieurement 
par  les  malades,  des  douleurs  erratiques  dans  les  muscles,  des  trem- 
blements musculaires,  etc. 

DE  l'ictère  et  des  SYMPTÔMES   MORBIDES    QUI  SE  MANIFESTENT 
DANS  SON  COURS. 

L'ictère  aigu  des  ivrognes  présente  peu  de  caractères  spéciaux.  Chez 
tous  les  malades  que  j'ai  observés,  il  y  avait  principalement  à  noter 
l'intensité  de  la  couleur  mobide  de  la  peau  et  des  muqueuses  ;  celte 
couleur  atteignait  presque  la  teinte  vcrdâtre  et  pouvait  être  comparée  à 
celle  qu'on  observe  dans  les  cas  où  l'ictère  reconnaît  pour  cause  une 
oblitération  complète  des  canaux  efférents  de  la  bile.  Comme  dans 
l'ictère  ordinaire  symptomatique  ou  idiopathique,  la  matière  colorante 
peut  apparaître  dans  l'urine  avant  de  se  manifester  à  la  peau  ;  c'est 
aussi  dans  les  urines  qu'elle  persiste  le  plus  longtemps.  L'ensemble  de 
phénomènes  le  plus  remarquable  est  le  trouble  du  système  nerveux 
qui  apparaît  en  même  temps  que  l'ictère;  dans  quelques  cas  c'était 
un  délire  calme  alternant  avec  le  coma,  comme  on  l'observe  souvent 
dans  les  maladies  du  foie,  plutôt  qu'un  délire  violent  avec  agitation, 
insomnie  et  hallucinations,  tel  qu'on  l'a  noté  dans  le  deliriuni  tremens  ; 
plus  souvent  les  malades  accusaient  une  dépression  considérable  du 
système  nerveux,  des  étourdissements,  des  vertiges,  rendant  la  station 
impossible,  et  allant  même  dans  un  cas  jusqu'à  produire  la  syncope. 
L'état  du  pouls  était  en  rapport  avec  cet  alTaiblissement  :  ainsi  j'ai 
constaté  plusieurs  fois  qu'il  ne  battait  que  ''lO  ù  4i  fois  par  minute; 
dans  plusieurs  cas  il  était  au-dessous  de  GO,  et  jnmais  il  ne  s'cpt  élevé 


149 
au-dessus  de  96.  La  peau  n'a  jamais  présenté  la  chaleur  vive  qu'ac- 
compagne l'état  fébrile. 

Les  douleurs  éprouvées  dans  l'estomac  cl  dans  la  région  du  foie 
n'ont  jamais  été  très-vives,  et  cela  n'étonnera  pas  ceux  qui  savent  que 
la  muqueuse  gastrique  peut  être  le  siège  de  lésions  profondes  sans 
que  le  malade  accuse  de  vives  douleurs  au  niveau  de  ce  viscère,  té- 
moin dans  beaucoup  de  cas  de  gastrite  toxique.  Cette  absence  de  sen- 
sibilité se  remarque  surtout  dans  les  cas  où  il  y  a  une  sédation  mar- 
quée, occasionnée  soit  par  Faction  de  la  substance  toxique  ingérée, 
soit  par  une  autre  cause  quelconque.  Ces  deux  conditions  se  rencon- 
trent ici,  car  les  excès  alcooliques  laissent  souvent  à  leur  suite,  quand 
ils  sont  immodérés,  une  adynamie  profonde,  qu'augmente  encore 
l'ictère  grave  dont  la  dépression  du  système  nerveux  est  un  des  sym- 
ptômes les  plus  habituels. 

J'ai  signalé  à  plusieurs  reprises  la  douleur  spontanée  ou  provoquée 
par  la  pression  dans  la  région  de  l'hypocondre  droit;  celte  douleur 
n'était  jamais  très-vive,  mais  cependant  existait  dans  presque  tous 
les  cas,  elle  coïncidait  chez  plusieurs  malades  avec  une  augmentation 
du  volume  de  la  glande  hépatique,  jamais  considérable  il  est  vrai, 
cependant  appréciable  chez  un  malade  (ob?.  I).  Cette  augmentation  du 
volume  du  foie  n'existait  pas,  et  l'autopsie  permit  de  constater  une 
atrophie  de  l'organe.  Ces  deux  symptômes,  la  douleur  et  l'hypertro- 
phie, sont  im|)orlant3  à  noter,  ils  me  semblent  démontrer  que  l'ictère 
n'était  pas  purement  nerveux,  sympathique,  comme  on  l'a  noté  dans 
quelques  cas  d'embarras  gastrique,  mais  qu'il  était  bien  sous  la  dé- 
pendance d'un  élat  congestionnel  du  foie.  Ce  symptôme,  quand  il  se 
produit  rapidement,  n'est  pas  toujours,  à  beaucoup  près,  accompagné 
d'ictère;  l'hypertrophie  du  foie  apparaît  quelquefois  dès  le  début  dans 
le  cours  des  accidents  gastriques  aigus  qui  suivent  les  excès  alcooli- 
ques, et  disparait  après  l'application  des  antiphlogisticiues  sans  avoir 
produit  d'ictère.  Si  cette  hypertrophie  avait  été  abandonnée  à  elle- 
même,  aurait-elle  pu,  après  une  période  d'incubation  plus  ou  moins 
longue,  s'accompagner  d'ictère?  C'est  ce  que  je  ne  saurais  prétendre 
en  l'absence  de  toute  démonstration  clinique. 

La  diarrhée,  du  moins  dans  les  faits  dont  j'ai  recueilli  l'observation, 
n'a  jamais  accompagné  l'ictère;  il  y  avait,  au  contraire,  une  ten- 
dence  marquée  à  la  constipation.  Dans  les  évacuations  alvines,  j'ai 
plusieurs  fois  constaté  l'absence  de  matière  colorante  de  la  bile;  trois 


150 
fois  CCS  évacuations  furent  noirâtres,  et  chez  un  malade  dont  l'exa- 
men du  cadavru  fut  pratiqué,  j'ai  constaté  la  présence  du  sang  dans 
le  tube  digestif. 

nUI'.KE  ET  TERMINAISON    DE    L'ICTÈRE  ALCOOLIQUE. 

La  durée  de  l'ictère  qui  survient  après  les  excès  alcooliques  n'ex- 
cède pas  en  général  dix  à  quinze  jours.  Quand  il  se  termine  par  la 
guérison,  sa  diminution  est  habituellement  assez  rapide,  et  le  malade 
ne  conserve  plus  que  les  symptômes  habituels  de  la  gastrite  chronique 
qui  existent  parfois  avant  la  complication  hépatique.  Jamais,  dans 
ces  cas,  nous  n'avons  trouvé  une  hypertrophie  du  foie  qui  persistât 
après  l'ictère.  Cette  lésion  aiguë  pourrait-elle,  dans  quelques  cas, 
être  le  début  d'une  cirrhose  ultérieurement  mortelle,  je  n'ai  pas  mal- 
heureusement pu  encore  le  vérifier,  cependant  je  ne  perdrai  aucune 
occasion,  assez  fréquente  du  reste,  où  les  malades  reviennent  pour 
une  autre  affection  à  l'Hôtel-Dieu  au  bout  de  plusieurs  années,  de 
m'assurer  de  l'état  du  foie,  et  je  ferai  alors  connaître  le  résultat  de 
mer  recherches.  Jusqu'ici  je  n'ai  donc  aucune  raison  de  croire  que 
l'ictère  alcoolique  soit  suivi  d'une  phlegmasie  lente  du  tissu  cellu- 
laire du  foie,  ou  d'une  de  ces  lésions  qu'on  englohe  aujourd'hui  sous 
le  nom  de  cirrhose. 

La  terminaison  fatale  de  l'ictère  alcoolique  aigu  s'observe  dans 
quelques  cas,  j'ai  cité  à  l'appui  de  cette  opinion  une  observation  per- 
sonnelle, et  une  autre  empruntée  à  Iloraczek.  La  maladie  présentait- 
elle  dans  ces  deux  observations  quelques  caractères  spéciaux  propres 
à  faire  soupçonner  une  issue  fatale?  L'intensité  des  accidents  est  sur- 
tout prononcée  dans  la  période  prodromique  de  l'iclère  ;  chez  ces  deux 
malades,  les  vomissements,  les  douleurs  épigastriques  furent  inces- 
sants jusqu'au  début  de  l'ictère.  Le  malade  de  Iloraczek  offrit  les 
symptômes  nerveux  qu'il  désigne  sous  le  nom  de  phrenetis  potatorum, 
chez  le  mien,  il  n'y  eut  qu'un  état  comateux  léger  dans  les  derniers 
jours  de  la  vie.  Mon  expérience  personnelle  ne  se  basant  que  sur  ce 
fait,  je  ne  peux  émettre  aucune  opinion  possible;  ce  que  j'ai  observé 
me  permet  seulement  de  supposer  que  des  accidents  gastriques  in- 
tenses et  du  coma  constituent,  dans  cette  affection,  des  symptômes  re- 
doutables. 


151 
ANATOMIE  PATHOLOCIQUB  DE  L'ICTÉRE  ALCOOLIQUE. 

Aucune  lésion  spéciale  n'appartient  à  cotte  forme  d'ictère.  Chez  le 
seul  malade  dont  rafTection  s'est  terminée  par  la  mort  (obs.  1),  j'ai 
constaté  les  caractères  de  l'atrophie  aiguë  du  foie,  comme  Rokitansky 
et  tout  dernièrement  Frerichs  l'ont  décrite.  Celte  atrophie  des  cellules 
sécrétoires  du  foie  est-elle  un  des  caractères  de  la  maladie?  Je  ne  sau- 
rais le  dire,  car  des  recherches  modernes  de  MM.  Ch.  Robin,  Gliar- 
cot,  etc.,  ont  prouvé  qu'elle  pouvait  manquer  dans  l'ictère  grave  ;  or 
le  l'ait  que  j'ai  cité  rentre  bien,  par  tous  ses  caractères  cliniques  et  ana- 
tomiques,  dans  le  cadre  de  cette  maladie  qu'on  a  nommée  ictère  grave 
ou  malin. 

J'ajouterai  à  ces  résultats  que,  chez  le  malade  cité,  j'ai  trouvé  des 
ulcères  strumeux  qui  me  paraissent  d'origine  inflammatoire.  Je  re- 
viendrai sur  ce  sujet  en  étudiant  plus  loin  la  nature  et  le  mécanisme 
de  production  de  l'ictère  alcoolique. 

ÉTIOLOGIE  DE  L'ICTÈRE  ALCOOLIQUE. 

Avant  de  chercher  à  préciser  les  conditions  dans  lesquelles  s'est 
produit  l'ictère,  je  dois  fournir  quelques  éclaircissements  sur  le  théâtre 
d'observation  où  je  suis  yjlacé. 

L'abus  des  alcooliques  est  malheureusement  des  plus  fréquents  dans 
la  population  ouvrière  de  la  ville  de  Rouen  ;  des  chiffres  statistiques 
me  permettent  d'assurer  que  notre  ville  est  une  de  celles  où  l'on  con- 
somme le  plus  d'alcooliques  en  France;  l'absence  de  toute  boisson  ré- 
paratrice propre  à  la  classe  ouvrière  est  malheureusement  une  des 
causes  de  cet  abus.  Le  prix  du  vin  rend  son  usage  inaccessible  à  nos 
ouvriers,  d'un  autre  côté  les  récoltes  peu  abondantes  de  pommes  ont 
restreint  chaque  année  l'usage  du  cidre,  aussi  les  boissons  alcooliques 
sont-elles  devenues  d'un  usage  général.  Quelle  est  la  qualité  de  ces 
boissons?  La  fraude,  malheureusement  si  fréquente  encore,  malgré  la 
surveillance  si  active  du  gouvernement,  introduit-elle  dans  ces  li- 
quides des  substances  nusibles  à  la  santé  du  consommateur?  A  en 
croire  l'opinion  publique,  cela  aurait  lieu  quelquefois,  et  l'on  a  même 
soupçonné  l'introduction  de  certaines  quantités  d'acide  sulfurique, 
mais  rien  de  positif  n'a  été  démontré  jusqu'alors.  Mon  savant  collègue 
et  ami  M.  Houzeau,  de  l'Ecole  des  sciences  de  Rouen,  a  bien  voulu  en- 


152 
trcprendre  des  recherches  à  cet  égard,  elles  sont  encore  trop  peu  avan- 
cées pour  qu'il  me  soit  permis  d'en  publier  les  résultats.  Si  à  défaut  de 
ces  renseignements  exacts,  l'on  interroge  quelque  vendeur  d'eau-de- 
vie  en  détail  et  les  consommateurs,  on  apprend  que  l'eau-dc-vie  con- 
sommée en  détail  varie  beaucoup,  au  point  de  vue  du  contenu  centé- 
simal en  alcool.  L'une  de  ces  boissons  a  même  reçu  de  nos  ouvriers 
quelques  dénominations  pittoresques  comme  on  en  trouve  souvent 
dans  la  langue  du  peuple;  l'eau-de-vie  qui  cause  une  ivresse  rapide 
est  nommée  par  eux  la  cruelle  et  la  roulante.  Je  sais,  du  reste,  comme 
on  l'a  vu  dans  une  de  mes  observations,  que  des  ouvriers  ont  recours 
à  l'alcool  du  commerce  de  préférence  à  l'eau-de-vie. 

La  quantité  de  boissons  alcooliques  consommée  par  chaque  individu 
de  la  classe  ouvrière  est,  à  Rouen,  très-considérable.  Cette  quantité 
peut  dépasser  un  litre  plusieurs  jours  de  suite.  L'eau-de-vie  est  bue 
le  plus  généralement  après  le  café,  dont  l'usage  est  très-répandu  dans 
nos  villes,  et  même  dans  les  campagnes;  en  outre,  quelques-uns  des 
buveurs  les  plus  obstinés  ne  boivent  à  leur  repas  que  de  l'eau-de-vie. 

La  nature  de  l'alimentation  de  la  classe  ouvrière  de  Rouen  n'est  pas 
de  nature  à  contre-balancer  l'action  fâcheuse  des  boissons  alcooliques 
sur  l'organisme.  L'usage  de  la  viande  dont  le  prix  s'élève  à  80  cen- 
times le  demi-kilogramme  ne  rend  guère  cet  aliment  accessible  aux 
ouvriers,  ce  sont  les  végétaux,  les  soupes  au  pain  ou  aux  légumes  qui 
souvent  avec  des  fruits  en  été  constituent  la  base  principale  de  l'ali- 
mentation. Ce  régime  végétal  est,  d'ailleurs,  facilement  adopté  par  les 
ivrognes  qui,  généralement,  éprouvent  à  un  faible  degré  la  sensation 
de  la  faim. 

Avec  ces  fâcheuses  prédispositions,  toutes  les  formes  de  l'alcoolisme 
aigu  et  chronique  se  rencontrent  à  Rouen,  le  delirium  tremens  se 
présente  chaque  année  uu  assez  grand  nombre  de  fois  dans  mon  ser- 
vice, le  tremblement  alcoolique,  les  accidents  de  gastrite  chronique 
sont  très-communs;  pendant  six  années  d'internat  dans  les  hôpitaux 
de  Paris,  je  n'avais  pratiqué  aucune  autopsie  de  gastrite  chronique, 
tandis  qu'à  Rouen  dans  le  cours  de  la  seule  année  1859  j'ai  pratiqué 
deux  ouvertures  de  cadavres  de  malades  morts  de  gastrite  chronique, 
et  recueilli  douze  autres  observations  de  malades  atteints  de  la  mcuie 
alTection,  et  qui  ne  succombèrent  pas.  .le  rattacherai  à  la  même  alTuc- 
liou  chronique  de  l'estomac  4  cas  recueillis  dans  la  morne  année  uii 
l'existence  d'un  ulcère  simple,  mortel,  de  l'estomac  fut  constaté  àlau- 


153 
topsie  ;  or,  ce  chiffre  n'est  pas  accidentel,  c'est  seulement  celui  d'une 
année,  car  en  1858  j'avais  recueilli  3  cas  d'ulcère  simple  de  l'estomac 
mortel.  La  proportion  exacte  des  atïcctions  de  ce  genre  dans  les  hôpi- 
taux des  autres  villes  de  la  France  ne  m'est  pas  connue,  mais  elle  doit 
être,  il  me  semble,  inférieure  au  chiffre  que  ma  statistique  à  Rouen 
m'a  fournie,  du  moins  à  en  juger  par  ce  que  j'ai  vu  à  Paris,  oii  j'ai 
constamment  recueilli  toutes  les  observations  des  malades  placés  dans 
les  services  auxquels  j'étais  attaché. 

La  paralysie  générale,  cette  maladie  qui  offre  tant  de  liens  de  cau- 
salité avec  les  excès  alcooliques  habituels,  est,  d'une  autre.part,  très- 
commune  à  Rouen.  Le  nombre  de  ces  malades  est,  chaque  année, 
assez  élevé  dans  ma  division.  Si  l'on  consulte  la  statistique  de  la 
France  (série  2,  vol.  lïl,  2*  partie,  1853)  dont  l'extrait  a  été  consigné 
par  M.  A.  Motet  dans  sa  thèse  inaugurale  (Paris,  1859,  pag.  9,  n°  250), 
on  trouve  que  le  département  de  la  Seine-Inférieure  est,  abstraction 
faite  du  département  de  la  Seine,  au  troisième  rang  des  départements 
qui  fournissent  le  plus  d'aliénés  par  cause  alcoolique,  en  effet,  la  cause 
alcoolique  a  pu  être  démontrée  dans  12,8  des  cas.  Il  est  bon  de  re- 
marquer qu'on  a  compris  dans  ce  chiffre  des  aliénés  les  idiots  et  les 
crétins  qui  devraient  en  être  séparés.  Si  cette  distinction  avait  été 
établie,  le  chiffre  centésimal  des  folies  produites  par  l'excès  des  bois- 
sons alcooliques  serait  encore  plus  élevé  qu'il  ne  l'est  dans  la  statis- 
tique précédente.  Cette  supposition  est,  du  reste,  confirmée  par  d'au- 
tres résultats  statistiques  publiés  en  Normandie.  MM.  Deboutteville  et 
Parchappe  (Notice  statistique  sur  l'asile  des  aliénés  de  la  Seine- 
Inférieure)  écrivent  que  le  chiffre  des  folies  causées  par  l'abus  des 
alcooliques  est  de  28  pour  100  de  toutes  les  espèces  d'aliénation. 

J'ai  parlé  plus  haut  de  la  relation  de  causalité  que  les  auteurs  an- 
glais et  allemands  surtout  ont  cherché  à  établir  entre  la  cirrhose  du 
foie  et  l'abus  des  boissons  alcooliques;  j'ai  voulu  savoir  si  à  Rouen  la 
cirrhose  du  foie  mortelle,  c'est-à-dire  celle  dont  on  ne  pouvait  révo- 
quer en  doute  l'existence,  était  commune.  Il  n'en  est  rien,  car  dans 
un  espace  de  près  de  six  années  où  les  ouvertures  de  cadavres  ont  été 
toutes  pratiquées  et  leurs  résultats  consignés  par  moi,  je  n'ai  point  vu 
la  cirrhose  du  foie  être  la  cause  de  la  mort  plus  de  trois  ou  quatre  fois 
chaque  année;  je  ne  tiens  compte  bien  entendu,  dans  ce  chiffre  sta- 
tistique, que  des  cas  où  la  cirrhose  hépatique  était  la  seule  cause  du 
décès. 


15i 

L'abus  habituel  dos  boissons  alcooli'.|iios  imprimu  aux  symplômos 
des  maladies  un  caractère  particulier.  Bien  souvent,  dans  le  cours  ou 
à  la  suite  des  affections  aiguës,  il  se  manifeste  des  accidents  nerveux, 
délire,  etc.,  qui  offrent  la  plus  grande  analogie  avec  le  delirium  tre- 
mens,  dernièrement  encore  j'ai  eu  occasion,  dans  mon  service,  d'ob- 
server un  délire  de  ce  genre  à  la  suite  d'une  scarlatine  chez  un 
adulte. 

Les  habitudes  de  la  classe  ouvrière  de  la  ville  de  Rouen  sont  donc 
de  nature  à  rendre  compte  de  la  fréquence  d'un  accident  que  l'on 
n'observe  que  rarement  ailleurs. 

Les  individus  chez  lesquels  j'ai  observé  l'ictère  aigu  étaient  toujours 
adonnés  depuis  longtemps  aux  abus  alcooliques,  en  effet,  des  excès 
aussi  considérables  que  ceux  que  j'ai  décrits  ne  sont,  en  général, 
commis  que  par  des  invidus  qui  ont  déjà  contracté  depuis  plus  ou 
moins  longtemps  cette  déplorable  habitude.  On  pourrait  se  demander 
si  un  état  de  souffrance  antérieur  du  foie  n'était  pas  une  condition 
prédisposante  pour  que  l'excès  exagéré  momentané  devint  la  cause 
efliciente  de  l'ictère?  Je  pose  cette  question  sans  avoir,  bien  entendu, 
la  prétention  de  la  résoudre,  car  je  n'ai  pu  m'assurer  de  l'état  des 
organes  avant  l'époque  où  ces  individus  furent  admis  à  l'hôpital 
pour  l'ictère;  cependant  je  serais  assez  disposé  à  soupçonner  la  réa- 
lité de  cette  prédisposition,  car  j'ai  plusieurs  fois  constaté  chez  des 
ivrognes,  à  la  suite  d'excès  alcooliques  pendant  la  durée  des  accidents 
aigus  du  côté  de  l'estomac,  une  augmentation  du  volume  du  foie  qui 
disparaissait  rapidement  sous  l'intluence  d'un  traitement  convenable. 
La  plupart  de  mes  malades  avaient  eu  antérieurement  des  signes  d'alté- 
ration de  l'estomac,  peut-être  avaient  ils  eu  plusieurs  fois  des  conges- 
tions momentanées  du  foie.  Le  climat  de  la  ville  de  Rouen  ne  peut, 
sans  aucun  doute,  être  considéré  comme  une  cause  prédisposante  aux 
congestions  hépatiques  sous  l'influence  des  alcooliques,  car  ce  climat 
diffère  peu  de  celui  de  Paris  sous  le  rapport  de  la  température,  il  est 
même  un  peu  plus  froid  et  plus  humide.  Je  donne  ce  détail,  car  je 
crois  que  l'inHuence  de  l'alcool  est  beaucoup  plus  pernicieuse  dans 
les  climats  chauds  que  froids  ;  je  sais  que  beaucoup  d'auteurs  ont  nié 
ce  fait,  et  dans  une  discussion  provoiiuée  à  la  Société  médicale  dos 
hôpitaux  par  la  communication  de  M.  Beau,  on  a  revendiqué  pour 
l'élévation  de  la  température  l'influence  presque  exclusive  sur  la  pro- 
duction des  affections  du  foie  dans  les  climats  chauds.  Cependant  si 


1^  ï 

l'on  étudio  dans  les  statistiques  faites  sur  les  lieux,  l'influence  géné- 
rale (les  abus  alcooliques  sur  la  santé  dans  le  nord  et  dans  le  midi, 
on  demeure  convaincu  que  cette  influence  est  beaucoup  plus  désas- 
treuse dans  le  sud  que  dans  le  nord.  Ainsi  Ferry  a  publié  (American 
Journal,  1842)  un  mémoire  sur  ce  sujet.  Il  a  trouvé  que  parmi  les 
troupes  stationnées  dans  les  provinces  du  nord  des  Etats-Unis  d'Amé- 
rique, le  nombre  des  maladies  causées  par  l'abus  des  boissons  alcoo- 
liques a  été  de  1,370,  sur  lesquelles  il  y  eut  5  décès,  ou  1  sur  274, 
tandis  que  parmi  les  troupes  stationnées  dans  les  provinces  du  sud,  le 
nombre  des  maladies  causées  par  les  excès  alcooliques,  a  été  de  2,616, 
et  la  mortalité  de  58  ou  1  sur  45.  Le  delirium  tromens  étudié  spécia- 
lement est  beaucoup  plus  commun  dans  le  sud  que  dans  le  nord  parmi 
les  mêmes  troupes.  Ainsi  dans  la  division  nord  le  nombre  des  cas  ob- 
servés a  été  de  102,  et  dans  la  division  sud  de  306.  Ces  résultats  prou- 
vent manifestement  que  l'abus  des  alcooliques  est  plus  nuisible  à  la 
santé  dans  le  sud  que  dans  le  nord. 

Falck  et  d'autres  auteurs  ont  déjà  insisté  sur  ce  point,  que  ce  ne 
sont  guère  que  les  alcooliques  à  un  degré  de  concentration  considé- 
rable, au  moins  de  50  pour  100  à  l'aréomètre  centésimal,  qui  pro- 
duisent des  accidents  gastriques;  cela  s'applique  aussi  aux  accidents 
hépatiques;  plusieurs  de  mes  malades  ont  aftirmé  que  l'eau-de-vie 
qu'ils  avaient  bue  était  très-forte,  et  l'un  même  avait  bu  de  l'alcool 
presque  pur.  La  quantité  de  boisson  alcoolique  fut  également  très- 
considérable  chez  les  individus  atteints  d'ictère. 

TRAITEMENT  DE    L'ICTÈRE    ALCOOLIQUE. 

Chez  les  malades  soumis  à  mon  observation,  j'ai  eu  recours  à  plu- 
sieurs ordres  de  médicaments. La  médication  qui  chez  tous  les  malades 
réussissait  le  plus  rapidement  à  calmer  les  accidents  gastriques  et 
hépatiques,  c'était  la  saignée  locale  au  creux  de  l'estomac  au  moyen 
des  sangsues.  Dans  un  cas  (obs.  I),  les  sangsues  furent  appliquées  à 
l'anus,  mais  l'état  du  malade  était  déjà  trop  grave  pour  permettre 
d'espérer  beaucoup  de  succès,  en  effet,  il  succomba  au  bout  de  peu 
de  temps.  Comme  Stokes  l'a  déjà  fait  remarquer,  il  est  nécessaire  d'a- 
voir recours  rapidement  à  ce  moyen,  car  les  symptômes  continuent  à 
se  développer  et  résistent  plus  au  traitement  que  si  l'accident  est 
traité  dès  le  début.  Les  antiphlogistiques  locaux  sont  utiles  quand  la 


156 
maladie  est  apyrétique,  ou  môme,  comme  cela  arrive  fréquemment, 
que  le  pouls  est  descendu  au-dessous  de  son  chiffre  normal.  Plusieurs 
malades  avaient  été  traités  avant  leur  admission  à  l'Hôtel-Dicu  par  les 
purgatifs  et  les  vomitifs,  moi-même,  j'ai  plusieurs  fois  administré  des 
purgatifs,  mais  toujours  sans  aucun  succès  ;  cette  médication  était 
même,  en  général,  plus  nuisible  qu'utile,  elle  augmentait  en  effet  les 
vomissements  et  les  douleurs  stomacales;  nouvelle  preuve  que  nous 
n'avions  pas  à  traiter  chez  ces  malades  des  embarras  gastriques  sim- 
ples. L'opium  à  petites  doses  était  un  utile  adjuvaut  des  émissions 
sanguines;  simultanément  j'avais  recours  à  des  boissons  adoucis- 
sante, en  général  froides.  Les  purgatifs  ont  été  donnés  par  moi  plu- 
sieurs fois  avec  avantage  à  la  fin  de  l'ictère  pour  combattre  la  consti- 
pation qui  souvent  se  manifeste  alors. 

Je  n'ai  observé  chez  aucun  malade  que  l'adynamie  produite  par  ce 
traitement  lui  fût  préjudiciable.  On  sait  en  médecine  pratique  que  le 
traitement  antiphlogistique  appliqué  aux  ivrognes  de  profession  pour 
combattre  des  phlegmasics  intercurrentes  est  souvent  suivi  de  Vap- 
parition  des  accidents  délirants.  Je  n'ai  jamais  rien  vu  d'analogue 
dans  mes  cas  d'ictère;  seulement  je  dois  ajouter  que  je  n'ai  jamais  in- 
sisté longtemps  sur  ce  traitement. 

PHYSIOLOGIE  PATHOLOGIQUE  DE  L'ICTÈRE  ALCOOLIQUE. 

Si  certaines  substances,  dit  M.  Beau  (archives  gén.  de  méd.,  sér.  iv, 
vol.  XXVI,  p.  31, 1851),  peuvent  déterminer  une  afTcction  passagère  du 
foie,  caractérisée  par  une  violente  douleur  avec  congestion  et  fluxion 
sanguine  de  l'organe  hépatique,  il  n'y  a  pas  loin  de  là  à  produire  une 
congestion  phlegmasique  fixe  et  continue,  c'est-à-dire  une  hépatite.  » 
Or,  suivant  le  même  auteur,  cette  congestion  hépatique  dérive  sou- 
vent d'une  irritation  produite  par  les  ingesla;  en  effet,  il  dit  ail- 
leurs [loc,  cit.,  p.  404)  :  «  11  est  une  cause  d'hépatalgie  sur  laquelle  je 
dois  insister  particulièrement ,  c'est  la  cause  qui  réside  dans  cer- 
tains ingesta  absorbés  par  la  veine  porte  et  transportés  jusqu'au  foie, 
dont  ils  excitent  directement  la  névralgie.  » 

Cette  manière  de  voir,  comme  cet  auteur  l'a  prouvé  dans  son  tra- 
vail, est  surtout  une  rénovation  des  idées  anciennes;  ce  quelle  uous 
parait  surtout  mettre  en  lumière,  c'est  le  rôle  des  irritants  transportés 
dans  le  tube  digestif  et  agissant  directement  sur  le  foie. 


157 
Les  expériences  physiologiques,  surtout  les  vivisections,  ont  dé- 
montré, dans  ces  dernières  années,  quelques  faits  nouveaux  que  je 
dois  rappeler  ici.  M.  CI.  Bernard  (Leçons  sur  les  effets  des  substances 
TOXIQUES  et  médicamenteuses)  a  obtenu  de  ses  expériences  sur  les  ani- 
maux les  résultats  suivants  :  l'alcool  introduit  dans  l'économie  re- 
tarde la  circulation,  d'où  résulte  une  diminution  de  l'activité  de  l'ac- 
tion des  organes  par  le  retard  du  passage  du  sang  dans  ces  organes. 
L'ivresse  ne  serait  pas  autre  chose,  suivant  M.  Poiseuille  (Recherches 

SUR  les  mouvements  des   LIQUIDES   DANS   LES  TUBES   DE  PETIT   DIAMÈTRE, 

Paris,  1844),  et  la  preuve  de  ce  fait,  c'est  qu'en  redonnant  à  la  circu- 
lation cette  activité  qu'elle  a  perdue,  en  administrant  de  l'acétate 
d'ammoniaque,  on  combat  l'ivresse  avec  succès. 

L'influence  de  l'alcool  sur  les  appareils  des  sécrétions  est  également 
remarquable;  ainsi  M.  Cl.  Bernard  {loc,  cit.)  a  démontré  que  l'alcool 
concentré  introduit  dans  l'estomac  des  animaux  retarde  et  même  ar- 
rête la  digestion;  qu'il  rend  la  sécrétion  du  suc  gastrique  beaucoup 
moins  abondante  et  détermine  même  quelquefois  à  la  surface  de  la 
muqueuse  de  ce  viscère  des  exhalations  sanguines.  Au  contraire,  si 
l'on  introduit  dans  le  tube  digestif  des  animaux  de  l'alcool  étendu  de 
moitié  d'eau,  toutes  les  sécrétions  du  tube  digestif  augmentent.  Le 
même  auteur  a  indiqué  également  une  curieuse  action  de  l'alcool  sur 
le  foie  (Leçons  sur  les  effets  des  substances  toxiques,  p.  457;  Comptes 
RENDUS  de  la  Soc.  DE  BiOL.,  sér.  II,  vol.  111,  p.  31, 1856).  On  connaît  la 
curieuse  propriété  que  possède  le  foie  du  cadavre  des  animaux  quand 
on  l'a  lavé  et  dépouillé  momentanément  de  la  matière  glycogérique, 
d'en  reformer  pour  ainsi  dire  ;  c'est-à-dire,  abandonné  à  lui-môme, 
d'en  offrir  une  nouvelle  quantité  au  bout  d'un  temps  variable.  M.  CI. 
Bernard  a  trouvé  que  si  on  soumettait  au  lavage,  après  l'avoir  scari- 
fié, le  foie  d'un  animal  auquel  on  aurait  introduit  pendant  plusieurs 
jours  de  l'alcool  pendant  le  jeûne,  on  pouvait  constater  le  lendemain 
dans  ce  foie  une  abondance  beaucoup  plus  grande  de  sucre  que  dans 
celui  d'un  animal  tué  après  un  jeûne  de  plusieurs  jours,  mais  qui 
n'avait  pas  absorbé  d'alcool.  Ce  n'est  pas  à  coup  sur,  dit  M.  Bernard, 
l'alcool  qui  dans  ce  cas  s'est  transformé  directement  en  sucre;  la 
chimie  se  révolte  contre  une  pareille  explication,  et  il  faut  bien  ad- 
mettre que  l'alcool  n'a  agi  que  comme  excitant. 

D'autres  expériences  viennent  encore  à  l'appui  de  ces  résultats;  j'ai 
dit  plus  haut  que  chez  leCanadien  de  M.  de  Beaumont  les  excès  de  table, 


158 
l'ingestion  de  substances  irritantes  provoquaient  un  véritable  état 
plUegniasique  de  la  muqueuse  digestive  ;  j'ajouterai  que  chez  le  ma- 
lade qui  a  succombé  à  la  suite  de  l'ingestion  d'une  boisson  alcoolique 
concentrée,  j'avais  trouvé  les  caractères  locaux  d'une  intlammatioa 
gastrique  et  une  atrophie  des  éléments  cellulaires  du  foie. 

Ces  expériences  prouvent  que  l'alcool  concentré  agit  simultané- 
ment comme  irritant  local  de  l'estomac  et  du  foie. 

Faudra-t-il  alors  attribuer  constamment  à  des  états  phlegmasiques, 
même  légers,  les  accidents  qui  suivent  quelquefois  l'ingestion  d'une 
quantité  immodérée  d'alcooliques  et  que  l'on  désigne  habituellement 
sous  le  nom  d'embarras  gastrique,  de  vomissements  nerveux,  etc.? 
Cette  question  est  difticile  à  résoudre  et  le  sera  différemment  suivant 
Texlension  et  l'acception  donnée  au  mot  inflammation.  Si  l'inflam- 
mation est  simplement  un  trouble  de  la  nutrition,  comme  le  veulent 
les  Allemands,  on  répondra  par  l'affirmative  ;  si,  au  contraire,  on 
admet  les  idées  anciennes,  on  répondra  négativement.  Sans  pouvoir 
donner  des  preuves  qui  m'entraîneraient  dans  des  développements 
que  ne  comporte  pas  l'étendue  de  ce  travail,  je  dirai  que  je  crois  que 
l'on  a  beaucoup  trop  restreint  l'acception  du  mot  gastrite;  eu  Al- 
lemagne, cette  expression  ne  ligure  plus  dans  quelques  livres  mo- 
dernes (Baraberger,  VmCHOW'S  HANDD.  DER  PATHOLOGIE,  1855);  ellc  CSt 

remplacée  par  celle  de  catarrhe  aigu  et  chronique  de  l'estomac,  qui 
embrasse  les  gastrites  aiguës  et  chroniques  et  l'embarras  gastrique  et 
mêmes  certaines  formes  du  ramollissement  rouge.  Ainsi,  au  dire  de 
M.  Bamberger  {Loc.  cit.,  t.  VI,  p.  2G2),  la  muqueuse  serait  dans  ces  cas 
gonflée,  injectée,  friable,  recouverte  d'un  mucus  épais,  ou  bien  elle  ne 
formerait  plus  quelquefois  qu'une  bouillie  rougeàtre  qu'on  enlèverait 
par  le  raclage.  C'est  bien  là  notre  gastrite.  Dans  un  autre  hémi- 
sphère, G.  Wood  (Practice  of  medicine,  vol.  I,  p.  509, 2*  édit.  Phila- 
deiphia,  1859)  admet  que  l'abus  des  boissons  alcooliques  produit 
quelquefois  la  gastrique  aigué. 

Les  faits  pathologiques  et  les  expériences  physiologiques  semblent 
donc  nous  permettre  de  croire  que  l'ingestion  des  boissons  alcooli- 
ques, surtout  peu  étendues  d'eau,  peut  produire  la  gastrite,  au  moins 
dans  ses  formes  légères. 

Si  l'on  analyse  les  symptômes  cliniiiues  au  lit  du  malade,  on  ne 
trouve  que  conlirmation  de  la  même  opinion,  llabershon  ^Ucsekva- 

TIONS  ON  DISEASES  OF  THE  ALIMENTAHY  CANAL,   p.  03,  1857)  a  fait  rt'Ulur- 


150 
quer  avec  raison  que  dans  l'inllainmation  aiguë  de  l'estomac,  suite 
de  l'abus  des  alcooliques,  il  y  a  deux  symptômes  qui  exigent  une  at- 
tention spéciale  :  l'absence  de  douleurs  à  l'estomac  et  la  prostation 
des  forces,  et  la  dépression  du  pouls.  Cette  opinion  est  vraie  assuré- 
ment, et  souvent  la  douleur  de  l'estomac  manque;  il  en  est  de  même 
des  vomissements;  d'autres  fois  ces  accidents  se  rencontrent  tous 
avec  une  grande  intensité. 

Les  accidents  gastriques  suivent  trop  immédiatement  la  débauche 
momentanée  pour  qu'on  puisse  révoquer  en  doute  leurs  rapports  de 
causalité  ;  il  en  est  pas  de  même  de  l'ictère.  Quelquefois  une,  deux, 
trois  semaines  et  même  plus  le  séparent  de  l'excès.  Une  série  non 
interrompue  de  symptômes  morbides  le  relient  à  la  cause  première, 
et  d'ailleurs  dans  une  série  d'actions  toxiques  la  congeslion  hépatique 
se  produit  lentement,  comme,  par  exemple,  dans  l'empoisonnement 
parla  pâte  phosphorée  des  allumettes  chimiques.  J'ai  dit  en  outre  plus 
haut  que  la  congestion  hépatique  pouvait  s'arrêter  dans  les  accidents 
gastriques  avant  de  produire  l'ictère.  Il  me  semble  donc  qu'on  peut 
admettre,  jusqu'à  ce  que  de  nouvelles  recherches  plus  étendues  soient 
entreprises  sur  ce  sujet,  que  l'ingestion  immodérée  d'alcooliques  et 
surtout  de  boissons  alcooliques  concentrées  détermine  la  congestion 
du  foie  et  peu  à  peu  l'ictère. 

L'ictère  résulte-t-il  d'une  propagation  de  l'inflammation  de  l'esto- 
mac au  foie  le  long  des  canaux  biliaires?  La  seule  autopsie  que  j'aie 
pratiquée  ne  me  permet  pas  d'adopter  cette  opinion. 

CONCLUSIONS. 

1"  L'usage  d'une  grande  quantité  de  boissons  alcooliques  peu  di- 
luées donne  lieu,  dans  certains  cas,  à  un  ictère  aigu. 

2"  L'ictère  aigu  des  ivrognes  offre  en  général  une  coloration  jaune 
intense  de  la  peau  ;  il  est  le  plus  souvent  apyrétiqne  et  même  accom- 
pagné d'un  ralentissement  marqué  du  pouls,  d'une  sédation  pronon- 
cée du  système  nerveux,  de  vertiges,  syncopes,  etc. 

3°  L'ictère  n'apparaît  pas  immédiatement  après  l'excès.  La  colora- 
tion morbide  de  la  peau  est  précédée  d'accidents  gastriques  plus  ou 
moins  intenses,  douleurs  épigastriques  spontanées  ou  provoquées, 
vomissements,  le  plus  souve-ni  d'une  douleur  dans  l'hypocondre  droit 
et  d'une  augmentation  de  volume  du  foie. 


160 

4*  La  maladie  se  termine  ordinairement  par  la  guérison,  cependant 
la  mort  peut  survenir  dans  l'état  comateux  ou  sous  l'inlluence  d'hé- 
morrhagies  intraviscérales. 

5°  A  l'ouverture  du  cadavre,  le  foie  peut  présenter  les  lésions  de 
l'atrophie  aiguë,  et  l'estomac  les  caractères  d'une  phlegmasie  aiguë 
même  ulcéreuse. 

G"  L'ictère  alcoolique  aigu  se  manifeste,  surtout  chez  les  ivrognes 
de  profession,  sons  l'influence  d'un  excès  immodéré,  principalement 
d'une  boisson  alcoolique  peu  étendue  d'eau. 

7"  Le  traitement  consiste  surtout  dans  l'application  d'antiplogisti- 
ques  locaux  et  de  boissons  émollientes. 

8"  La  maladie  résulte  d'une  absorption  directe  de  la  substance 
toxique  par  le  foie  ;  l'alcool  agit  aussi  comme  irritant  de  l'estomac. 


RAPPORT 

SUR  UNE  LARVE  D'OESTRIDE, 

EXTRAITE  DE  LA  PEAU  D'UN  HOMME  A  CAYENNE 
lu  à  la  Société  de  Biologie 

Par  m.  le  Docteur  A.  LABOULBÉNE, 

Professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paiis, 
ancien  interne  lauréat  (médaille  d'or],  etc. 


I 


Messieurs, 

Vous  nous  avez  chargés,  M.  Davaine  et  moi-même,  de  vous  faire  un 
rapport  sur  une  iarve  ctinsecte,  provenant  de  Cayenne  où  elle  a  été 
extraite  de  la  peau  d'un  homme.  Cette  larve,  présentée  à  la  Société 
par  M.  Leroy  de  Méricourt,  membre  correspondant,  a  été  rapportée 
par  lui  à  une  OEstride,  à  \a  Cuterebra  noxialis^  vulgairement  connue, 
dans  son  premier  état  de  larve,  sous  le  nom  de  ver  macaque  de 
Cayenne.  L'insecte  qui  nous  a  été  remis  est  conservé  dans  l'alcool. 

Nous  avons  examiné  celte  larve  et  nous  l'avons  comparée  avec 
celles,  déjà  nombreuses,  de  la  même  famille  qui  ont  été  observées  sur 
l'homme  dans  les  mêmes  conditions  et  dans  le  môme  continent.  Nous 
mettons  sous  les  yeux  de  la  Société  le  dessin  que  nous  avons  fait  de 
celte  larve,  ainsi  que  les  figures  comparatives  des  larves  d'OEstrides 
avec  lesquelles  l'insecte  présenté  par  M.  de  Méricourt  paraît  avoir  le 
plus  d'analogie. 

Il  est  évident  que  la  larve  qui  nous  a  été  soumise  est  une  larve 
d'insecte  diptère  et  qu'elle  doit  appartenir  à  une  espèce  de  la  famille 
des  OEstrides.  La  description  suivante  et  les  figures  ne  peuvent  laisser 
aucun  doute  à  cet  égard. 

Larve  d'œstride,  de  Cayenne.— La  larve  a  les  téguments  durcis  par 

MEM.  11 


162 
suite  d'un  séjour  prolougé  dans  l'ulcoul;  sa  couleur  totale  est  d'un 
brun  un  peu  rougeàtre,  sa  longueur  est  de  22  millimètres,  sa  largeur 
de  10  millimètres. 

Le  corps  est  composé  de  dix  segments  y  compris  celui  qui  enveloppe 
la  tète  ou  plutôt  le  pseudocéphale;  il  est  légèrement  arqué,  un  peu 
renflé  au  milieu,  mais  à  peine  atténué  en  arrière,  à  peu  près  elliptique 
quand  on  le  regarde  en  dessus. 

La  tête  présente  deux  tubercules,  ou  saillies  antennaires,  au-dessous 
desquels  sortent  deux  crochets  ou  mandibules,  distants,  peu  saillants, 
un  peu  arqués,  et  terminés  en  pointe  aiguë. 

Le  sixième  segment  du  corps  est  le  plus  grand  et  ceux  qui  le  pré- 
cèdent ou  le  suivent  diminuent  peu  à  peu  en  avant  ou  en  arrière.  Le 
septième  segment  parait  le  plus  long  de  tous. 

Le  premier  segment,  au  milieu  duquel  est  placé  le  pseudocéphale, 
n'offre  pas  d'épines;  mais  il  présente  un  peu  au-dessus  des  bords  laté- 
raux, vers  la  face  dorsale,  l'oritice  des  stigmates  antérieurs.  Nous 
avons  reconnu  l'existence  de  ceux-ci  à  cinq  ou  six  petits  corps  jau- 
nâtres, situés  dans  le  repli  cutané  au  bord  postérieur  de  ce  segment. 
Ces  petits  corps  nous  paraissent  être  analogues  à  ceux  qu'eu  remar- 
que à  l'extrémité  des  stigmates  antérieurs  chez  beaucoup  de  larves  de 
diptères. 

Le  deuxième  segment  de  la  larve  ou  le  premier  qui  suit  le  segment 
de  la  tête,  et  de  plus  les  troisième,  quatrième,  cinquième  et  sixième 
segments  portent  des  épines  recourbées  ou  des  crochets  arqués,  à  base 
large,  et  dont  la  pointe  est  dirigée  en  arrière.  Les  deuxième  et  troi- 
sième segments  n'ont  de  ces  épines  que  sur  leur  bord  antérieur  ainsi 
que  l'indiquent  les  figures  ;  mais  les  quatrième,  cinquième  et  sixième 
offrent,  outre  la  rangée  antérieure  qui  entoure  tout  le  segment  en 
dessus  et  en  dessous  du  corps,  une  deuxième  rangée  d'épines  ou  de 
crochets  aigus.  Ceux-ci  ont  leur  pointe  généralement  dirigée  en  avant, 
ils  sont  aussi  forts  ou  plus  forts  que  ceux  du  bord  antérieur;  ils  occu- 
pent le  dessus  et  les  côtés  du  corps,  mais  ils  n'arrivent  pas  sur  la  face 
ventrale  de  la  larve-  Le  septième  segment  offre  à  peine  quelques  cro- 
chets émoussés  ou  plutôt  des  tubercules  niutiqucs,  et  les  trois  seg- 
ments qui  suivent  (huitième,  neuvième  et  dixième)  sont  totalement 
dépourvus  de  crochets  à  pointe  aiguë. 

L'extrémité  de  cette  larve  est  tronquée.  Le  dernier  segment  présente 
une  excavation  centrale,  au  fond  de  laquelle  se  trouve  un  mamelon,  à 


Jjords  lïoDcés,  entiéremenl  recouvert  d'épines  microscopiques.  Nous 
sommes  parvenus,  malgré  la  rigidité  des  téguments,  à  écarter  les 
bords  revenus  sur  eux-mêmes  du  mamelon  et  nous  avons  reconnu  la 
présence  d'une  caverne  stigmatique,  pour  nous  servir  de  l'expression 
employée  par  M.  Léon  Dufour  et  désignant  celte  disposition. 

Au  fond  de  la  caverne,  il  existe  deux  plaques  ovales  et  un  peu  réni- 
formes,  brunes,  qui  nous  ont  paru  offrir  chacune  trois  saillies  longi- 
tudinales. Ces  plaques  ne  sont  autre  chose  que  l'aboutissant  des  tra- 
chées et  forment  les  stigmates  postérieurs  de  la  larve.  Les  bords  de  la 
saillie  mamelonaire,  eu  se  rapprochant,  peuvent  donc  obturer  l'oriiice 
des  stigmates  et  c'est  par  l'écartement  de  ces  bords  que  l'accès  de  Tair 
ou  sa  sortie  sont  rendus  possibles. 

La  larve,  vue  dans  son  ensemble  et  en  dessus,  est  presque  elliptique, 
tronquée  à  ses  deux  extrémités.  Elle  offre  des  tubercules  médians  sur 
les  deuxième,  troisième,  quatrième,  cinquième,  sixième  et  septième 
segments  ;  latéralement  elle  offre,  de  plus,  trois  rangées  de  tubercules 
lisses  et  larges,  dus  à  des  plis  du  tégument.  En  dessous,  les  quatrième, 
cinquième,  sixième  et  septième  segments  ont  des  rides  larges  et  trans- 
versales. 

Cette  description  ne  peut  laisser  aucun  doute  sur  l'ordre  et  la  fa- 
mille d'insectes  à  laquelle  cette  larve  appartient,  mais  est-il  possible 
de  reconnaître  si  elle  est  réellement  le  premier  état  de  la  Cuterebra 
noxialis? 

Pour  résoudre  cette  question,  il  est  nécessaire  de  comparer  cette 
larve  à  toutes  celles  déjà  connues  qui  offrent  avec  elle  une  analogie 
de  forme  ou  de  mœurs  et  qui  proviennent  du  même  hémisphère. 

M.  J.  Goudot  a  le  premier  décrit,  sous  le  nom  de  Cuterebra  noxialis^ 
une  larve  de  diptère  qui  vivait  sous  la  peau  des  vaches  et  des  chiens 
à  la  Nouvelle-Grenade,  et  dont  il  avait  lui-même  été  attaqué.  (Voy. 
Annales  des  sciences  naturelles,  3'  série,  t.  III,  p.  221,  1845.)  Ce  na- 
turaliste a  vu  éclore  l'insecte  parfait  des  larves  recueillies  à  terre, 
dans  un  endroit  où  des  vaches  infestées  de  ces  OEstrides  avaient  sé- 
journé; ces  larves,  appelées  gusano  ou  nuclie  par  les  habitants  du 
pays,  étaient  identiques  à  celles  qu'il  avait  observées  sur  lui-même  et 
dont  il  a  donné  la  figure.  {Loc.  cit.,  pi.  IV  bis,  fig.  5.) 

La  larve  qui  fait  le  sujet  du  présent  rapport  diffère  de  la  larve  de 
la  C.  noxialis  de  la  Nouvelle-Grenade  décrite  par  M.  Goudot.  Sur  la 
figure  donnée  par  cet  auteur  on  trouve  les  trois  premiers  segments 


iG'i 
anlérieurs  chagrinés,  el  les  trois  suivants  sont  les  seuls  qui  suienl 
pourvus  (l'uue  double  rangée  d'épines  dirigés  en  arrière;  ils  n'ont 
pas  de  mamelons  non  plus  que  les  cinq  segments  qui  suivent.  Celte 
larve  n'est  pas,  il  est  vrai,  terminée  par  un  appendice  caudal,  mais 
elle  est  plus  atténuée  que  la  nôtre  et  la  forme  générale  renllée  en 
avant,  à  partir  du  troisième  segment,  n'est  pas  la  même.  Aussi,  tout 
en  reconnaissant  un  air  de  famille  entre  ces  deux  larves,  nous  pou- 
vons dire  qu'elles  n'appartiennent  pas  au  même  insecte  et  qu'elles 
sont  d'espèce  différente. 

M.  Leroy  de  Méricourt  avait  désigné  la  larve  qu'il  a  présentée  à  la 
Société  sous  le  nom  de  ver  macaque  de  Gayenne.  Ce  nom,  donné  par 
Arture,  médecin  du  roi  à  Gayenne  dans  le  siècle  dernier,  se  trouve 
dans  les  Mémoires  de  l'Académie  des  sciences  de  Paris  pour  l'année 
1753,  p.  72.  Arture,  en  effet,  avait  communiqué  à  cette  célèbre  com- 
pagnie des  Observations  sur  Cespcce  de  ver  nommée  macaque,  mais  il 
n'avait  décrit  ni  le  ver,  ni  la  mouche  qui  en  provient. 

M.  le  docteur  Gharles  Coquerel,  membre  correspondant  de  notre  So- 
ciété, a  éclairci  les  observations  d' Arture,  grâce  à  M.  le  docteur  Gha- 
puis,  médecin  en  chef  de  la  marine  à  la  Guyane,  et  il  a  publié,  dans 
la  Revue  et  magasin  de  zoologie  (2«  série,  t.  II,  p.  356, 1859  et  pi.  XII, 
fig.  1),  la  description  et  une  très-bonne  figure  du  ver  macaque  de 
Gayenne.  G'est  à  l'aide  de  ces  documents  que  nous  allons  pou  voir  décider 
si  la  larve  présentée  par  M.  Leroy  de  Méricourt  se  rapporle  au  ver 
macaque. 

Ce  qui  frappe  le  plus  dans  la  description  de  ce  dernier  insecte,  c'est 
le  prolongement  caudiforme,  ou  en  queue,  des  derniers  segments 
du  corps,  et  surtout  le  double  bourrelet  terminal  séparé  par  un  étran- 
glement. Or,  messieurs,  rien  de  semblable  n'existe  dans  la  larve, 
bien  plus  grande  d'ailleurs  et  si  fortement  mamelonnée,  qui  nous 
a  été  soumise.  Elle  n'est  donc  pas  certainement  le  ver  macaque  tel 
qu'il  a  été  décrit  et  figuré  par  iM.  Coquerel  avec  une  grande  fidélité. 
{Loc.  cit.,  et  pi.  XII,  fig.  la.) 

Puisque  la  larve  qui  nous  occupe  n'est  ni  la  Cutcrcbra  noxialis  de 
M.  Goudot,  ni  le  ver  macaque  proprement  dit,  il  nous  reste  encore  à 
vous  dire  si  elle  ne  pourrait  point  être  rapportée  à  une  larve  d'CG5- 
tride^  très-curieuse,  qui  vil  sur  l'honune  el  en  même  temps  sur  les 
animaux,  le  chien  en  parliculier,  el  que  l'on  connaît  au  Mexique  sous 
le  nom  de  ver  mmjucuiL 


MM.  Cil.  Goquerel  et  Salle  ont  fait  connaître  cette  larve  qu'ils  ont 
décrite  et  figurée  dans  la  Revue  et  magasin  ue  zoologie,  2'^  série,  1. 11, 
p.  3G1,  1859,  et  pi.  XII,  fig.  4.  Cette  larve  a  une  incontestable  ana- 
logie avec  celle  qui  nous  occupe,  mais  elle  est  bien  moins  grande  ; 
elle  est  atténuée  en  arrière  et  non  elliptique.  Comme  la  nôtre,  elle 
est  mamelonnée;  toutefois,  des  différences  réelles  les  séparent  et,  bien 
qu'elles  aient  de  grands  rapports,  nous  pensons  que  celte  larve  d'OEs- 
tride  n'est  pas  plus  le  ver  moyacuil  que  la  Ciiterebra  noxialis  ou  le 
ver  macaque. 

Si  nous  comparons  enfin  cette  larve  aux  figures  données  par  M.  Hope 
dans  les  Transactions  of  the  entomological  society  of  London  (vol.  Il, 
p.  25G,  1837-18'i0,  pi.  XXII),  des  larves  observées  sur  le  corps  de 
l'homme,  nous  trouvons  que  notre  larve  diflere  de  toutes  celles  que  le 
savant  entomologiste  anglais  a  connues.  Nous  ferons  la  même  remar- 
que pour  les  larves  signalées  dans  la  Zoologie  médicale  de  MM.  Gervais 
et  Van  Beneden. 

Nous  ne  discuterons  pas  si  la  larve  qui  nous  occupe  est  exclusivement 
propre  à  l'homme.  Cette  question  du  parasitisme  des  OEstrides  est  au- 
jourd'hui résolue,  et  il  est  prouvé  que  ces  insectes  attaquent  l'homme 
exceptionnellement,  tandis  qu'ils  paraissent  vivre  de  préférence  sur 
d'autres  espèces  de  mammifères.  Les  observations  de  Bracy-Clarke, 
de  MM.  Roulin,  Justin  Goudot,  etc.,  rapportées  par  M.  Joly  dans  ses 
liecherclies  anatoinîques  et  physiologiijues  sur  les  OEstrides  (Anx.  de 
LA  Soc.  royale  dagric.  de  Lyon,  t.  iX,  p.  246  et  suiv.,  1646)  ne  peu- 
vent laisser  aucun  doute;  c'est  aussi  l'opinion  de  M.  le  docteur  Co- 
querel.  On  trouve  dans  la  Zoologie  médicale  de  MM.  Gervais  et  Van 
Beneden  d'autres  faits  contirmatifs  du  parasitisme  accidentel  des  OEs- 
trides chez  l'homme,  et  M.  Duncan  (d'Edimbourg)  vient  de  signaler 
chez  une  jeune  fille  de  13  ans  la  présence  de  tumeurs  renfermant  la 
larve  (le  ÏOEsCrus  ou  Ihjpodcrma  bovis.  (Edindurghveterinary  Review, 
1859.) 

Nous  pensons,  d'après  la  discussion  à  laquelle  nous  venons  de  nous 
livrer  : 

1'  Que  la  larve  présentée  à  la  Société  de  biologie  par  M.  Leroy  de 
Méricourt  diffère  de  toutes  les  larves  encore  observées  sur  le  corps  de 
l'homme; 

2"  Nous  sommes  d'avis  que  cette  larve  est  celle  d'une  OEstride,  pro» 
bubleinc'utdu  genre  C«/e?'<?6ra,genre  propre  au  nouveau  monde; 


166 

3"  11  nous  parait  très-probable  que  cet  insecte  n'est  pas  un  parasite 
exclusif  de  l'homme,  mais  que,  comme  les  Cuterebra  déjà  observés, 
elle  vit  sur  les  animaux  domestiques  et  n'attaque  l'homme  qu'ex- 
ceptionnellement. 

En  terminant  ce  rapport,  vos  commissaires  ont  l'honneur  de  vous 
proposer  : 

1°  De  remercier  M.  Leroy  de  Méricourt  pour  son  intéressante  com- 
munication ; 

2°  De  l'engager  à  poursuivre  la  recherche  des  insectes  qui  attaquent 
l'homme  dans  nos  possessions  du  nouveau  monde. 


REMARQUES 


PARALYSIES  ESSENTIELLES 

CONSÉCUTIVES  A  LA  FIÈVRE  TYPHOÏDE 
A  PROPOS  D'UN  FAIT  DE  PARALYSIE  ASCENDANTE  AIGUË 

RAPIDEMENT  MORTELLE, 
SURVENUE  DANS  LA  CONVALESCENCE  DE  CETTE  PYREXIE  ; 

Par  le  Docteur  E.  LEUDET  , 

Professeur  titulaire  de  clinique  médicale  à  l'Ecole  de  médecine  de  Rouen, 
médecin  en  chef  de  l'Hôtel-Dieu,  etc. 


L'élude  des  paralysies  consécutives  à  la  diphthérie  a  fixé  ratlen- 
tion  sur  les  accidents  semblables  qui  surviennent  parfois  dans  le  cours 
d'autres  maladies;  mon  savant  ami,  M.  Gubler  (Arch.  de  méd.,  1860), 
en  comparant  les  faits  de  ce  genre,  a  voulu  montrer  que  même  en 
dehors  des  causes  de  septicité  de  la  diphlhérie,  des  paralysies  analo- 
gues surviennent  dans  le  cours  ou  à  la  suite  de  maladies  simplement 
phlegmasiques  ou  septiques.  Avant  môme  la  publication  de  ce  tra- 
vail, j'avais  eu  occasion  de  recueillir  dans  mon  service  d'hôpital  un 
fait  très-remarquable  de  paralysie  ascendante  aiguë  consécutive  à  une 
pneumonie. 

Cette  observation  a  été  insérée  dans  tous  ses  détails  par  M.  Gubler, 
auquel  je  l'avais  communiquée.  Pendant  la  publication  de  la  première 
partie  du  mémoire  de  M.  Gubler,  j'ai  rencontré,  à  l'Hôtel-Dieu  de 
Rouen,  un  nouveau  cas  qui  m'a  paru  fort  intéressant,  en  ce  qu'il  pré- 


\ 


168 

sente  une  paralysie  ascendante  aiguë  rapidement  mortelle,  compa- 
rable à  quelques  cas  rares  décrits  à  la  suite  du  croup. 

La  dissemblance  qui  existe  entre  ce  fait  et  la  plupart  de  ceux  déjà 
connus  dans  la  science,  m'a  engagé  à  le  faire  connaître;  j'ai  en  même 
temps  parcouru  les  ouvrages  de  ma  propre  biblioihèque  et  trouvé 
que  des  faits  de  paralysie  consécutive  à  la  fièvre  typhoïde  étaient 
dans  les  ouvrages  de  nos  prédécesseurs  plus  communs  qu'on  ne  le 
croit  généralement. 

Le  but  du  travail  que  je  publie  aujourd'hui  est  donc  de  fournir  de 
nouveaux  matériaux  pour  écrire  l'histoire  de  la  paralysie  consécutive 
à  la  fièvre  typhoïde;  j'ai  hâté  cette  publication,  sans  attendre,  comme 
j'en  avais  eu  d'abord  l'intention,  que  le  hasard  me  fournit  une  expé- 
rience plus  étendue,  pour  cette  raison  que  cette  question  étant  au- 
jourd'hui à  l'étude,  mon  travail  serait  plus  opportun  que  s'il  avait  été 
publié  à  une  autre  époque. 

M.  Gubler  a  signalé  dans  son  mémoire  {loc.  cit.,  p.  402)  les  quel- 
ques indications  fournies  sur  les  paralysies  consécutives  à  la  fièvre 
typhoïde  par  Hildebrand,  Tissot,  de  Larroque,  MM.  Barthez  et  Rilliet, 
par  M.  Monneret  et  surtout  par  Graves,  dont  la  description  est  de 
beaucoup  la  plus  complète  et  qu'on  pourra  lire  dans  les  excellentes 
leçons  cliniques  de  ce  professeur,  malheureusement  trop  peu  connues 
en  France. 

Je  revendiquerai  une  place  dans  cet  historique  pour  notre  épidémio- 
graphe  normand,  Lepecq  de  la  Clôture  (Collect.  d'observ.  sur  les 
MAL.  ET  coNSTiT.  ÉPmÉM.,  1"  partie,  p.  532,  1778)  ;  il  cite  en  effet,  dans 
ce  passage  de  son  ouvrage,  deux  observations  que  je  transcrirai 
ici  : 

Obs.  I.  —  Dans  la  paroisse  de  Beauficel,  une  femme  de  44  ans,  bien  réglée, 
fut  prise  d'un  accablement  universel,  mal  de  tête,  dégoût  et  nauséea  ;  elle 
avait  le  pouls  petit,  embarrassé  et  la  lièvre  légère  ;  accidents  à  peu  près 
communs  aux  autres  malades  atteints  de  fièvre  putride. 

Elle  prit  de  l'émétique,  fut  purgée  ensuite  et  rendit  beaucoup  de  bile  po- 
racée  et  des  v^rs. 

Deux  jours  après,  il  lui  survint  une  grande  difTiciilté  de  pouvoir  remuer 
les  bras,  et  enfin  l'impossibilité  de  les  mouvoir  s'ensuivit  ;  ils  restèrent 
comme  paralysés.  La  malade  était  d'ailleurs  dans  une  grande  agitation,  se 
sentait  fort  échauffée  et  était  tout  à  fait  brûlante  ;  elle  prit  quelques  bols  avec 
le  camphre  et  le  nitre,  quelques  grains  d'yeux  d'Ocrevissc  qui  la  calmeront 


160 
un  peu;  il  survint  une  moiteur,  une  sueur  générale  qui  précéda  la  miliaire, 
dont  l'éruption  se  fit  le  neuvièiiie  jour  de  la  maladie. 

L'assoupissement,  le  délire  obligèrent  de  recourir  aux  v.-sicatoires  ;  on 
continua  l'usage  du  camphre  et  de  plus  un  apozème  de  plantes  nitreuses,  le 
quinquina  et  un  sirop  acide  ;  la  tisane  avec  les  feuilles  de  mélisse  fut  conti- 
nuée, ainsi  que  le  petit-lait  bien  clarifié,  l'eau  de  veau  avec  l'oseille  et  une 
décoction  de  pain. 

La  miliaire  parut  abondamment,  parcourant  ses  différents  temps  avec  les 
symptômes  ordinaires  et  toujours  dangereux. 

Les  bras  restèrent  constamment  paralysés. 

Cette  femme  commença  a  les  porter  avec  beaucoup  de  peine  et  de  lenteur 
à  son  visage  lorsque  la  dessiccation  des  exanthèmes  commença  à  se  faire; 
mais  les  doigts  conservaient  encore  une  si  grande  faiblesse  qu'elle  ne  pou- 
vait les  remuer  pour  se  gratter.  La  force  reprit  peu  à  peu  et  tous  ces  acci- 
dents se  dissipèrent  pendant  la  convalescence. 

Obs.  II.  —  J'ai  vu  un  homme  dans  la  même  paroisse  qui  eut  un  bras,  mais 
surtout  la  main  plus  faible,  et  dont  il  avait  peine  à  se  servir.  Les  doigts  étaient 
fort  affaiblis  et  en  coutraction,  comme  il  arrive  quelquefois  dans  certaines 
paralysies. 

Longtemps  après  sa  convalescence,  cet  accident  n'était  pas  totalement 
dissipé. 

Je  n'ai  pas  reproduit  ici  les  caractères  d'épidémie  de  lièvre  grave 
observée  par  Lepecq  de  la  Clôture  dans  celte  localité  -,  ils  sont  assez 
nettement  indiqués  pour  nous  permettre  de  reconnaître  dans  cette 
affection  la  maladie  désignée  de  nos  jours  sous  le  nom  de  fièvre  ty- 
phoïde. 

Le  docteur  James  Jackson  (Report  on  the  cases  of  typhoid  fever 

WHICH  OCCL'RRED  L\  THE  MaSSACHHSETS  GENERAL  HOSPITAL  FROM  SEPTEMBER 

1821  TO  THE  END  OF  1835,  p.  55,  1838)  est  plus  explicite  encore  relati- 
vement à  ces  paralysies  dans  le  cours  de  lièvres  typhoïdes.  «  Chez  un 
malade,  dit-il,  il  y  eut  une  paralysie  momentanée  d'une  jambe  ;  chez 
deux  malades,  j'observai  un  engourdissement  des  membres  persis- 
tant pendant  plusieurs  jours,  dans  la  dernière  période  de  la  maladie. 
Cette  affection  peut  être  classée  parmi  les  suites  de  la  fièvre,  car  elle 
survenait  après  la  convalescence;  elle  était  accompagnée  d'une  pa- 
ralysie plus  ou  moins  marquée  du  mouvement.  J'ai  vu  des  cas  de 
celte  espèce  durer  plusieurs  semaines  et  causer  beaucoup  d'inquié- 
tude... Je  crois  que  la  guérison  a  toujours  eu  lieu.  Je  ne  me  rappelle 
pas  avQir  vu  cette  affectign  décrite  par  awcuo  euteur. 


170 

Elisba  Bartlett  (On  typhoid  and  typhus  fever,  p.  'lô.  Philadelphie, 
1842)  cite  les  résultats  de  l'observatioQ  de  James  Jackson,  mais  ne  dit 
pas  avoir  lui-même  recueilli  de  faits  semblables. 

La  paralysie  uerveuse  à  la  suite  de  la  fièvre  typhoïde  a  encore  été 
bien  décrite,  quoique  sommairement,  par  le  professeur  Griesinger 
(ViRCHOw's  Hanub.  der  pathol.,  vol.  Il,  p.  172, 1857).  Les  paralysies 
du  mouvement  à  la  suite  de  la  fièvre  typhoïde  sont,  dit-il,  plus  rares 
que  celles  du  sentiment;  elles  sont  tantôt  unies  ou  bilatérales,  d'au- 
tres fois  ce  sont  des  paralysies  complètes  ou  incomplètes;  les  para- 
lysies du  mouvement  dans  d'autres  systèmes  de  muscles  sont  beau- 
coup plus  rares;  cependant  il  parle  ailleurs  de  cas  où  il  existait  de  la 
paralysie  de  l'élévateur  des  paupières  et  du  strabisme  [ioc.  cit., 
p.  184).  Cette  dernière  observation  a  fait  songer  au  cas  de  paralysie  de 
la  troisième  paire  nerveuse  crânienne,  rapportée  par  M.  Hervieux 
(Union  MÉD.,  29  juillet  1858). 

Magnus  Huss  (Statistique  et  traitem.  du  typhus  et  de  la  fièvre 
TYPHOÏDE,  Paris,  1855,  p.  202)  décrit  deux  formes  de  paralysies  consé- 
cutives à  la  fièvre  typhoïde  et  au  typhus;  dans  le  deuxième  stade  du 
typhus,  les  paralysies  aux  extrémités  arrivent  assez  rarement,  dit-il, 
surtout  dans  la  forme  de  typhus  abdominal  (lièvre  typhoïde)  pour 
fixer  l'attention  du  médecin.  Dans  une  première  forme,  les  symptômes 
ressemblent  à  s'y  tromper  à  une  apoplexie,  et  dépendent  ainsi  de  la 
coagulation  du  sang  ou  de  la  formation  d'un  thrombus,  ou  d'un  em- 
bolus  dans  une  des  artères  du  cerveau  ;  dans  une  autre  forme,  la  di- 
minution de  la  faculté  motrice  est  précédée  et  accompagnée  de  dou- 
leurs névralgiques,  souvent  unies  à  une  hyperesthésie  de  la  peau  et 
quelquefois  à  des  tiraillements  spasmodiques  dans  les  muscles. 

La  cause  duces  symptômes  est  la  formation  d'un  thrombus  ou  d'un 
embolus  dans  une  des  artères  des  extrémités.  Cette  première  caté- 
gorie de  faits  comprend  donc  une  variété  de  paralysie  organique  occa- 
casionnée  par  un  trouble  dans  le  système  vasculairc. 

La  deuxième  forme  décrite  par  Uuss  est  celle  que  nous  nommons 
nerveuse  essentielle.  «  Après  des  cas  où  la  congestion  du  cerveau  a 
été  vive  et  persistante,  dit-il,  j'ai  vu  quelquefois  des  malades  com- 
mencer à  se  plaindre,  à  l'origine  de  la  convalescence  ou  bien  aussi 
à  la  lin  du  stade  de  dépression,  de  mal  douloureux  dans  les  pieds  et 
dans  les  jambes.  Cette  douleur  ost  ([uelqiiefois  jointe  à  l'iiypercsthésie 
de  la  peau,  (luelquefois  auu  ;  après  quelques  jours  de  durée  de  celte 


171 
douleur,  il  arrive  un  sentiment  d'engourdissement,  après  quoi  suit 
de  la  paralysie;  il  arrive  aussi  qu'à  l'hypereslhésie  succède  l'a- 
nestliésie.  De  cette  manière  se  développe  une  paralysie  ou,  pour  mieux 
dire,  une  parcse  dans  les  pieds  et  dans  les  jambes,  laquelle  je  ne  peux 
pas  considérer  autrement  que  comme  provenant  seulement  d'une  di- 
minution ou  d'un  affaiblissement  de  l'inlluence  du  cerveau  et  de  la 
moelle  épinière  sur  les  parties  périphériques  qui  en  sont  le  plus 
éloignées. 

A.  Yogel  (Klinische  Untersuchungen  ueber  den  typhus,  185G)  ajoute 
à  ces  formes  de  paralysie  une  autre  variété  de  trouble  du  mouvement 
qui  dépendrait  suivant  lui  d'une  hémorrhagie  dans  les  muscles  des 
extrémités.  Cette  hémorrhagie  ne  se  manifesterait  en  général  que 
quand  les  malades  se  lèvent  déjà  et  s'efforcent  de  marcher,  ils  éprou- 
vent après  ces  tentatives  de  marche,  tout  à  coup  des  douleurs  plus  ou 
moins  grandes,  augmentant  par  la  pression  dans  une  étendue  variable 
du  mollet,  qui  ne  présente  pas  de  point  douloureux  ni  de  gonflement 
à  peine  appréciable. 

A  partir  de  ce  moment,  les  malades  ne  peuvent  plus  remuer  la 
jambe  et  demeurent  couchés  pendant  plusieurs  semaines.  Les  ecchy- 
moses qui  se  produisent  ultérieurement  dans  la  partie  douloureuse 
révèlent  la  cause  de  la  paralysie. 

En  Allemagne,  les  paralysies  nerveuses  dites  essentielles  de  la  fièvre 
typhoïde  paraissent  avoir  été  observées  assez  fréquemment;  ainsi,  eu 
rendant  compte  des  faits  de  paralysie  pneumonique  publiés  par 
M.  Macario  (Ganstatt's  Jahresb.  fur  1858,  v.  111,  p.  76),  Eisenmann  dit 
qu'il  observe,  au  moment  où  il  écrit  ce  compte  rendu,  une  femme 
détenue  dans  la  prison  de  cette  ville,  qui  est  atteinte  d'une  paralysie 
nerveuse  consécutive  à  la  fièvre  typhoïde.  Des  accidents  du  même 
genre  sont  signalés  par  M.  Lebert  (Handbuch  der  prakï.  med.,v.  I, 
p.  137, 1858),  et  par  M.  Hasse  (Virghow's  handb.  der  pathol.,  v.  IV, 
p.  638,  1855),  seulement  le  professeur  de  Gocltingue  les  rattache  à 
une  myélite,  opinion  sur  laquelle  j'aurai  à  revenir  plus  loin. 

Ces  travaux,  ajoutés  à  ceux  que  M.  Gubler  a  cités  dans  son  travail 
et  à  quelques  autres  publiés  depuis,  montrent  que  les  paralysies  con- 
sécutives à  la  fièvre  typhoïde  ne  sont  ni  nouvelles  ni  absolument 
exceptionnelles  :  c'est  du  moins  l'opinion  que  professe  M.  Trousseau 
(CuxiQUE  médicale  DE  l'Hôtel-Dieu  DE  Paris,  p.  393,  1861),  qui  relate 
lui-même  plusieurs  faits  nouveaux  empruntés  à  sa  propre  pratique. 


172 
Lesobservalionscmprunlées  aux  auteurs  se  classent  très-exactement 

lians  les  deux  divisions  établies  par  M.  Gubler  :  les  unes  sont  de  vé- 
tilables  paralysies  générales  survenant  dans  le  cours  de  la  maladie, 
l'orme  si  bien  étudiée  i)ar  M.  Beau;  les  autres  sont  celles  de  la  con- 
valescence, «  ne  dépendant  rnaiiireslenujiil  d'aucurie  alléralion  analo- 
i<  niique,  soit  des  nerfs,  soit  des  centres  nerveux;  elles  procèdent 
•  autrement  dans  leur  marche  extensive  que  celles  qui  sont  l'expres- 
«  sion  d'une  lésion  encéphalique,  envahissent  d'abord  les  membres 
«  inférieurs,  puis  ks  supérieurs,  et  se  généralisent  ainsi  sans  s'ac- 
»  compagner  de  lièvre  notable. 

«  Ces  paralysies  diffuses  guérissent  liabituellement,  alors  même 
«  qu'elles  sont  compliquées  de  troubles  cérébraux.  » 

J'ai  emprunté  ces  quelques  lignes  au  travail  de  M.  Gubler,  parce 
qu'elles  me  semblent  l'expression  exacte  des  faits.  C'est  à  ces  paraly- 
sies que  se  rapportent  les  faits  de  Graves  (Climc.\l  medicine;  édition 
de  Gerhard.  Philadelphie,  1842,  p.  98),  de  MM.  Barthez  et  Rilliet 
(Traite  des  maladies  des  enfants,  y.  11,  p.  558;  2*  éd.,  1853),  et  deux 
observations  du  service  deM.Bouillaud  (Gubler,  loc.  cit.,  p.  420,  etc.). 

Les  recherches  historiques  que  je  viens  de  relater  font  rapporter  à 
plusieurs  causes  ces  diverses  paralysies  des  membres  consécutives  à  la 
fièvre  typhoïde.  Pour  M.  A,  Vogel,  elles  reconnaissent  parfois  pour 
causes  des  hémorrhagics  intramusculaires;  j'ai  rencontré  moi-même 
de  ces  hémorrhagics  dans  les  muscles  des  membres  inférieurs  chez  un 
malade  convalescent  de  fièvre  typhoïde  peu  grave;  on  reconnaissait 
ia  nature  de  la  lésion  à  des  indurations  circonscrites  dans  l'épaisseur 
de  plusieurs  nmscles,  mais  il  n'y  avait  pas  dans  ce  cas  de  paralysie  de 
la  motilité  ou  de  la  sensibilité;  les  mouvements  étaient  seulement 
empêchés  par  la  douleur  (jue  provo([uait  la  contraction  musculaire. 
Je  n'ai  pas  eu  occasion  de  vérilier  l'exactitude  de  la  proposition  de 
M.  Magnus  Huss  sur  la  présence  de  caillots  emboliques  dans  les  artères 
des  sujets  qui  offraient  de  ces  paralysies.  Je  n'ai  donc  pas  autorité 
pour  en  révoquer  en  doute  l'existence.  Graves  {loc.  cit.,  p.  90)  attri- 
bue ces  paralysies  à  une  altération  congeslive  de  la  moelle;  enlin  la 
plupart  des  auteurs  français  les  considèrent  comme  purement  ner- 
veuses. 

La  marche  de  ces  paralysies  offre  un  certain  intérêt.  Avant  d'entrer 
dans  quelques  cousidéralions  sur  ce  sujet,  je  vais  relater  le  fait  que 
j'ai  observé, 


173 


FIÈVRE  TYPHOÏDE  PEU  GRAVE,  SANS  ACCIDENTS  CÉRÉBRAUX;  VERS  LA  TROI- 
SIÈME SEMAINE  DE  LA  MALADIE,  CONVALESCENCE  COMMENÇANTE.  SYMPTÔMES 
PARALYTIQUES  DU  MOUVEMENT  COMMENÇANT  DANS  LES  DEUX.  JAMBES,  ET 
s' ÉTENDANT  PROGRESSIVEMENT  DE  BAS  EN  HAUT;  PARALYSIE  DES  QUATRE 
MEMBRES.  ASPHYXIE.  INTÉGRITÉ  ABSOLUE  DE  LINTELLIGENCE  JUSQUAU  MO- 
MENT DE  LA  MORT  QUI  ARRIVE  SEPT  JOURS  APRÈS  l'APPARITION  DES  PRE- 
MIERS ACCIDENTS  DE  PARALYSIE.  INTÉGRITÉ  DU  CERVEAU  ET  DE  LA  MOELLE. 
ULCÉRATIONS  DES  PLAQUES  DE  PEYER  DE  L'iNTESTIN  EN  PARTIE  CICATRI- 
SÉES. 

Obs.  I.  —  Jehl  Thérèse,  domestique,  entre  le  1"  décembre  1859  à  l'Hôtel- 
Dleu  de  Rouen,  salle  XIX,  n°  5,  dans  ma  division.  D'une  bonne  santé  habi- 
tuelle Jehl  n'a  fait  aucune  maladie  grave.  L'afTeclion  actuelle  qui  l'amène  à 
l'hôpital  a  débuté  il  y  a  une  dizaine  de  jours  au  moins  par  de  l'abattement, 
de  la  céphalalgie,  des  bourdonnements  d'oreille  et  des  étourdissements  ; 
elle  s'alita  alors,  mais  déjà  avant  cette  époque  elle  se  sentait  très-mal  à  l'aise 
et  remplissait  avec  grande  difTiculté  ses  travaux  ordinaires  ;  elle  assure  néan- 
moins n'avoir  eu  de  diarrhée  à  aucune  époque  de  la  maladie.  Au  moment  de 
l'entrée  à  l'Hôtel-Dieu  je  trouve  Jehl  dans  l'état  suivant  :  céphalalgie,  un  peu 
d'abattement,  étourdissements;  épislaxis  peu  abondant  la  veille,  intelligence 
parfaite  et  réponses  très-précises;  chaleur  de  la  peau;  pouls  à  80  assez  dé- 
veloppé et  dur;  un  i)eu  de  tympanite  avec  sensibilité  légère  dans  les  deux 
fosses  iliaques  sans  gargouillement;  deux  taches  rosées  lenticulaires  dou- 
teuses à  la  partie  supérieure  du  ventre;  pas  de  saillie  de  la  rate;  pas  de  toux; 
râles  sifflants  et  sonores  peu  nombreux,  épars  dans  les  deux  côtés  de  la  poi- 
trine. 

2  décembre.  Même  état.  (Deux  verres  d'eau  de  Sedlitz  suivis  de  plusieurs 
selles.) 

3-5.  Un  peu  d'abattement;  somnolence  fréquente,  mais  intelligence  par- 
faite ;  aucun  soubresaut  tendineux  ;  pas  de  délire,  même  la  nuit;  diminution 
des  râles  dans  les  deux  côtés  de  la  poitrine,  et  du  météorisme;  pas  de  diar- 
rhée, quelques  selles  seulement  après  un  verre  d'eau  de  Sedlitz  administré 
le  4  et  le  6.  Le  pouls  varie  de  72  à  88  pulsations.  (Bouillon.) 

7.  Etat  général  meilleur;  moins  d'abattement.  Douleur  vague  accusée 
dans  la  paroi  thoracique  gauche,  sans  trajet  nerveux,  ne  se  propageant  pas 
dans  le  dos.  Intelligence  très-bonne,  spontanéité;  appétit.  Pouls,  70.  (Deux 
bouillons,  un  potage.) 

8.  Convalescence.  Une  portion  d'aliments  dont  on  élève  le  10  la  quantité  à 
deux  portions.  A.  partir  de  ce  jour  Jehl  semble  en  parfaite  convalescence, 
elle  se  lève  un  peu,  et  le  12  elle  peut  aller  prendre  par  une  belle  journée  l'air 
l)eiidaut  quelques  heures  dans  le  jardin  de  l'hôpital. 


174 

15.  Sans  aucune  douleur  préalable,  Jelil  accuse  en  se  promenant  dans  la 
salle  une  faiblesse  marquée  des  jambes,  telle  qu'elle  a  grand'peine  à  so 
recoucher  seule;  les  membres  infi 'rieurs ne  sont  le  siège  d'aucune  douleur, 
seulement  elle  y  éprouve  comme  un  engourdissement. 

16.  Affiiiblisseraent  extrême  des  deux  jambes,  el  depuis  le  malin  du  même 
jour  du  bras  droit;  la  malade  peut  lever  cependant  les  deux  jambes  dans 
son  lit,  mais  elle  est  incapable  de  se  tenir  debout,  même  avec  l'aide  d'une 
personne  ;  faiblesse  beaucoup  plus  grande  du  bras  droit  qu'elle  ne  peut  por- 
ter à  la  tête,  cependant  les  mouvements  de  l'avant-bras  droit  sont  conservés. 
Difficulté  pour  s'asseoir  dans  son  lit.  Les  mouvements  que  la  malade  ne  peut 
exécuter  seule  peuvent  être  imprimés  aux  membres  par  l'observateur  sans 
provoquer  aucune  douleur.  Aucune  hyperestbésie  cutanée  ;  pas  de  douleur 
dans  la  tète  ou  dans  le  dos  ;  absence  d'anestbésie.  Intelligence  parfaite;  au- 
cun mouvement  convulsif  général  ou  partiel.  Appétit  normal,  aucun  trouble 
de  la  déglutition,  aucun  symptôme  morbide  du  côté  de  l'arriùre-bouche  ou 
dans  la  voix.  (Potion  tonique  ;  deux  pilules  de  Vallct  ;  une  portion.) 

18.  Augmentation  de  la  faiblesse  musculaire;  Jehl  ne  peut  plus  lever  les 
bras  ou  les  jambes,  elle  peut  seulement  mouvoir  assez  l'avant-bras  droit 
pour  se  moucher  eu  portant  la  tète  à  la  rencontre  de  l'avant-bras;  la  force 
est  néanmoins  assez  diminuée  pour  ne  pas  lui  permettre  de  retenir  un  objet 
qu'on  place  entre  ses  doigts.  Intégrité  des  mouvements  du  col,  aucune  para- 
lysie des  muscles  de  la  face.  Pas  de  douleurs  de  tète  ni  dans  le  dos;  aucune 
hyperestbésie  ou  anesthésie;  même  impossibilité  pour  s'asseoir  seule.  Quand 
on  l'asseoit  de  force,  Jehl  accuse  quelques  douleurs  peu  vives  dans  les  reins. 
Intégrité  absolue  de  l'intelligence.  Pas  de  selles  depuis  quatre  jours;  mic- 
tion normale,  de  même  que  la  déglutition;  aucune  trace  de  pseudo-mem- 
branes dans  l'arrière-gorge,  qui  offre  son  aspect  normal,  aucune  coloration 
morbide  des  gencives,  pas  de  liséré  saturnin.  (Infusion  de  menthe;  potion 
tonique  ;  deux  pilules  de  Vallet;  calomel  0,G0,  et  résine  de  jalap  0,50;  deux 
bouillons,  deux  potages.) 

19.  96  pulsations.  Augmentation  des  accidents  paralytiques,  aujourd'hui 
comme  hier  Jehl  n'a  pu  manger  ni  boire  seule;  immobilité  absolue  de  la 
jambe  droite,  quelques  mouvements  peu  étendus  sont  encore  possibles  dans 
la  gauche.  Paralysie  motrice  incomplète  dans  le  bras  droit,  complète  à 
gauche.  Une  selle;  appétit.  Intelligence  demeurant  parfaite.  (Même  prescrip- 
tion, moins  le  purgatif.) 

20.  Même  état.  Cependant  aujourd'hui  Jehl  parvient  à  remuer  un  peu  les 
orteils  de  chaque  côté  sans  pouvoir  changer  les  jambes  de  place.  Quelques 
douleurs  comparées  à  de  l'engourclissement  dans  les  deux  poignets.  Voix  un 
peu  nasonnée;  l'arrière-bouchene  présente  rien  d'anormal  ;  les  mouvements 
du  voile  comme  ceux  de  la  langue  sont  parfaitement  normaux.  Intelligence 
bonne,  sponlauéilé;  la  malade  s'inquiète  do  son  état.  Diminution  de  l'appétit. 


175 
mauvais  goût  dans  la  bouche.  Deux  selles  abondantes  dans  la  matinée,  inro- 
lontaires,  mais  dont  la  malade  a  eu  parfaitement  conscience.  (Infusion  d'ar- 
nica; potion  avec  éllicr  sulfurique,  3  grammes;  bouillon.) 

21.  Aggravation  de  l'état  général  3  dyspnée  depuis  la  veille  au  soir;  ron- 
chus  tracl)éal.  Jehl  accuse  une  gène  considérable  dans  la  respiration.  Aucune 
douleur  de  tète;  teinte  violacée  des  lèvres  et  de  la  face.  Impossibilité  absolue 
de  remuer  les  deux  jambes  dont  la  sensibilité  est  conservée  ;  quelques  mou- 
vements sont  encore  possibles  dans  les  doigts  de  la  main  droite.  Aucune  trace 
de  soubresauts  ou  de  contracture  ce  jour  comme  les  précédents  ;  diflîculté 
de  la  déglutition.  Pouls,  120.  (Julep  avec  éther,  3  grammes;  ventouses  scari- 
fiées sur  la  région  dorsale  de  la  moelle  pour  150  grammes  de  sang;  frictions 
sur  les  parois  du  thorax  avec  alcoolat  de  mélisse  ;  sinapisme  sur  les  mem- 
bres.) 

Dans  la  matinée,  Jehl  présente  une  dypnée  croissante.  Mort  à  deux  heures 
du  soir;  la  connaissance  est  restée  parfaite  jusqu'à  une  heure  de  l'après- 
midi. 

Examen  du  cadavre  vingt-six  heures  après  la  mort.  Aucune  altération  des 
parois  du  crâne  ou  des  téguments.  Distension  des  vaisseaux  des  méninges 
par  du  sang,:  aucune  adhérence  des  enveloppes  du  cerveau  ou  de  la  moelle 
à  la  surface  du  cerveau.  Peu  de  liquide  dans  le  tissu  cellulaire  sous-arach- 
noïdien,  il  est  transparent,  nullement  louche,  sans  mélange  de  sang,  de  pus 
ou  de  fausses  membranes.  Le  cerveau  et  la  moelle  examinés  avec  soin  dans 
toute  leur  étendue,  ne  présentent  aucune  altération  ;  piqueté  vasculaire  très- 
peu  abondant  dans  le  cerveau. 
Arrière-bouche  et  larynx  sains. 

Adhérences  anciennes  partielles  des  deux  poumons;  plusieurs  tubercules 
crétacés  au  sommet  de  chaque  poumon,  entourés  par  un  tissu  pulmonaire  nu 
peu  épaissi.  Congestion  sanguine  des  deux  poumons,  sans  friabilité  de  l'or- 
gane, sans  traces  de  pneumonie. 
Péricarde  et  cœur  sains. 
OEsophage  sain. 

Muqueuse  stomacale  blanchâtre  légèrement  mamelonnée  dans  la  région 
pylorique,  ramollie  surtout  dans  le  grand  cul-de-sac. 

Les  altérations  de  l'intestin  grêle  sont  circonscrites  dans  une  hauteur  de 
I^.ôO  au-dessus  de  la  valvule  iléo-cœcale;  follicules  isolés  volumineux,  quel- 
ques-uns ulcérés  ;  parmi  les  plaques,  les  unes  présentent  des  ulcérations  dont 
le  fond  est  déjà  recouvert  par  une  couche  de  tissu  cellulaire  peu  dense,  les 
autres  sont  encore  molles,  volumineuses,  et  présentent  une  ou  plusieurs  ul- 
cérations, atteignant  les  fibres  musculaires  sans  aucune  trace  de  bourbillon. 
La  muqueuse  située  entre  ces  ulcérations  est  injectée  et  ramollie.  Quelques 
ulcérations  peu  étendues  existaient  dans  le  cœcum. 


176 

Ganglion?  nictenlcriques  vuluinineux,  mous,  ijuclques-uns  encore  légère- 
ment Tiolacés. 

Foie  d'une  dimension  normale,  d'une  couleur  fauve  claire  uniforme,  sans 
aucune  altération  de  structure;  bile  claire  verdàtre  ;  vésicule  et  canaux  bi- 
liaires normaux. 

Rate  adhérente  au  diaphragme,  volumineuse  (hauteur  0",12  sur  0»,08  de 
largeur),  tissu  ramolli. 

Reins  congestionnés  sains. 

Utérus  rétrofléchi  retenu  par  des  adhérences  celluleuses  anciennes  qui  le 
fixent  au  rectum  ;  col  virginal;  catarrhe  du  col  et  des  deux  trompes.  Ovaires 
gains. 

Les  nerfs  du  bas-ventre  n'offrent  aucun  caractère  morbide;  le  grand  sym- 
pathique n'a  pas  été  examiné. 

Cette  observation  présente,  plus  d'un  phénomène  insolite.  La  mala- 
die primitive,  la  fièvre  typhoïde,  quoique  accompagnée  de  symptômes 
peu  tranchés,  était  cependant  parfaitement  reconnaissable,  et  elle 
avait  été  exactement  diagnostiquée  par  moi  pendant  la  vie  de  la  ma- 
lade; l'examen  cadavérique  est  du  reste  venu  mettre  hors  de  doute  la 
nature  de  l'affection  primitive.  11  n'existe  sûrement  dans  l'état  actuel 
de  la  science  aucune  autre  affection  du  cadre  nosologique,  excepté  la 
fièvre  typhoïde,  à  laquelle  on  puisse  rapporter  les  infiltrations  et  les 
ulcérations  des  plaques  de  Peyer,  l'augmentation  du  volume  de  la 
rate  et  des  ganglions  avec  leur  changement  de  consistance. 

La  fièvre  typhoïde  ne  datait-elle  réellement  que  de  l'époque  de 
Tadmission  de  la  malade  à  l'Hôtel-Dieu?  Je  ne  saurais  le  croire.  En 
effet,  le  travail  de  cicatrisation  des  ulcérations  intestinales  était  déjà 
avancé,  et  il  es-t  très-probable  que  l'invasion  de  la  pyrexie  date  de 
l'époque  de  malaise  pendant  laquelle  celte  jeune  femme  put  encore, 
quoique  avec  peine,  remplir  ses  occupations  de  domestique  ;  cette  fièvre 
typhoïde  appartenait  donc  à  celte  catégorie  que  les  Allemands  dé- 
signent sous  le  nom  de  typhus  ambulalorius,  et  que  nous  nommons 
fièvre  latente. 

Après  avoir  été  témoin  de  ce  fait,  je  ne  saurais  adopter,  sans  y  ap- 
porter une  certaine  restriction,  celle  opinion  de  M.  Trousseau  (Cli- 
nique MÉDICALE,  v.  1,  p.  191,  1861)  :  «  C'est  après  les  formes  graves  de 
la  dolhinentérie  que  nous  voyons  ces  paralysies.  »  Or  on  désigne  gé- 
néralement sous  le  nom  de  formes  graves  de  la  dothiuenlérie,  celles 
qui  s'arrnmpagnpnt  de  symptômes  intenses  bien  tranchés.  Parmi  les 
circonstances  propies  à  favoriser  le  développement  de  la  dothinenté- 


177 
rie,  plusieurs  membres  de  la  Société  médicale  des  hôpitaux  ont  si- 
gnalé l'exisleDce,  pendant  le  cours  de  la  maladie,  d'accidents  nerveux 
graves  :  délire,  soubresauts  des  tendons,  etc.  Cette  opinion  semble 
fondée  quand  on  s'appuie  nniquement  sur  les  cas  de  paralysie  déve- 
loppés dans  le  cours  de  la  maladie  ;  mais  elle  cesse  d'être  l'expression 
des  faits  quand  on  examine  surtout  les  cas  de  paralysie  développés 
pendant  la  convalescence.  En  effet,  sans  sortir  du  fait  qui  m'occupe 
ici,  je  n'ai  remarqué  à  aucune  époque  de  la  maladie,  pas  plus  que 
dans  la  convalescence  du  délire,  des  troubles  nerveux  du  côté  des 
membres,  de  la  contracture,  des  convulsions  partielles  ou  générales, 
et  même  l'intelligence  est  demeurée  intacte  jusqu'à  une  heure  avant 
la  mort. 

On  peut  rapprocher,  relativement  à  l'influence  que  la  lièvre  typhoïde 
exerce  sur  les  phénomènes  de  la  convalescence,  les  paralysies  des  ac- 
cidents anémiques  qui  ont  été  décrits  par  beaucoup  d'auteurs.  Sans 
m'étendre  ici  sur  un  sujet  qui  fera  l'objet  d'un  travail  ultérieur,  je 
noterai  que  chez  un  certain  nombre  de  convalescents  de  fièvre  ty- 
phoïde peu  grave  et  d'une  durée  peu  prolongée,  j'ai  vu  fréquem- 
ment des  accidents  d'anémie  survenir  dans  mon  service  d'hôpital.  Les 
malades  qui  avaient  alors  un  pouls  plutôt  au-dessous  qu'au-dessus  du 
chiffre  normal,  accusaient  alors  une  grande  faiblesse,  des  étourdisse- 
ments,  et  présentaient  un  souffle  anémique  plus  ou  moins  fort,  inter- 
mittent ou  rémittent  au  col.  Enfin,  comme  dernière  preuve  de  la 
nature  adynamique  des  accidents,  j'ajouterai  que  ces  accidents  dimi- 
nuaient sous  l'influence  d'un  traitement  Ionique  et  surtout  ferrugi- 
neux. 

Cette  altération  du  sang  dans  la  fièvre  typhoïde  se  traduit  encore 
par  des  hydropisies  que  j'ai  décrites  dans  un  autre  travail.  (Arch.  gén. 
DE  MÉDECINE,  série  V.)  Je  rapprocherai  de  ces  signes  d'altération  du 
sang  dans  la  convalescence  de  cette  pyrexie  les  hémorrhagies  ultimes. 
En  effet,  comme  les  paralysies,  les  hémorrhagies  peuvent  se  manifester 
à  deux  époques  très-distinctes  de  la  maladie ,-  les  plus  fréquentes  appa- 
raissent dans  la  période  d'état  de  la  maladie,  mais  surtout  vers  sa 
terminaison,  et  paraissent  dépendre  beaucoup  plus  d'une  altération 
du  sang  que  d'une  lésion  mécanique  locale.  J'ai  vu  des  hémorrhagies 
intramusculaires  des  membres  se  manifester  beaucoup  plus  tard  chez 
un  jeune  homme  déjà  convalescent  d'une  fièvre  typhoïde  peu  grave  ; 
ces  hémorrhagies  étaient  parfaitement  reconnaissables,  car  les  noyaux 
MÉM.  12 


178 
localisés  sans  altération  de  couleur  de  la  peau,  présentèrent  plus  tard 
la  série  de  dégradations  de  couleurs  qui  sont  propres  aux  ecchy- 
moses. 

La  diffluence  du  sang,  ou  sans  vouloir  spécifier  la  nature  de  l'alté- 
ration hématiqiie  que  je  ne  connais  pas,  cet  état  du  liquide  sanguin 
qui  donne  lieu  dans  les  fièvres  typhoïdes  aux  anémies,  hydropisies, 
hémorrhagies,  etc.,  peut  apparaître  après  les  formes  de  la  pyrexie  en 
général  les  moins  graves. 

On  a  argué  du  peu  de  fréquence  des  paralysies  consécutives  aux 
fièvres  typhoïdes  pour  chercher  à  prouver  que  la  paralysie  et  la  py- 
rexie sont  de  pures  coïncidences  sans  relation  de  cause  à  effet.  On  au- 
rait, lors  des  premières  observations  de  paralysie  diphlhérilique,  pu 
user  du  même  argument  pour  les  besoins  d'une  opinion  analogue,  et 
cependant  l'expérience  ultérieure  est  venue  lui  donner  un  formel  dé- 
menti. N'avons-nous  pas  vu  plusieurs  médecins  citer  des  faits  analo- 
gues observés  antérieurement  et  qui  alors  avaient  passé  inaperçus  ou 
du  moins  sans  exciter  leur  attention?  D'ailleurs,  j'ai  cherché  à  dé- 
montrer par  un  historique  encore  bien  incomplet  que  ces  paralysies 
avaient  été  observées  et  décrites  par  des  observateurs  de  plusieurs 
pays.  Ne  pourrail-on  pas  invoquer  ici  le  genre  constitutionnel,  expli- 
cation alléguée  de  la  fréquence  actuelle  de  la  paralysie  diphlhéritiqne? 
Les  maladies  septiques  sont  surtout  celles  qui  présentent  ces  diffé- 
rences séméiologiques  dans  les  divers  temps  et  peut-tae  aussi  dans 
différents  pays. 

Celte  dernière  partie  de  la  proposition  que  j'émets  ici  n'est  pas  à 
mes  yeux  purement  dubitative;  depuis  que  j'exerce  à  Rouen,  j'ai  pu 
me  convaincre  que  les  symptômes  des  maladies,  et  surtout  les  phéno- 
mènes de  la  convalescence  des  maladies  aiguës  et  la  période  termi- 
nale des  affections  chroniques  était  très  -différente  de  ce  que  j'avais 
observé  pendant  dix  ans  dans  les  hôpitaux  de  Paris.  Les  maladies  ont 
ici  un  caractère  beaucoup  plus  adynamique. 

Les  paralysies  typhoïdes  de  la  convalescence  siègent  presque  tou- 
jours primitivement  aux  extrémités  périphériques  des  nerfs;  dans  le 
cas  que  j'ai  rapporté  les  accidents  débutèrent  par  une  faiblesse  très- 
grande  des  jambes.  C'est  en  effet  dans  cette  région  que  des  paralysies 
sont  signalées  par  Lepecq  de  la  Clôture,  MM.  Gubler,  Barthez  et 
Rilliet,  Huss,  J.  Jackson,  Griesinger,  Hasse,  etc.  Cependant,  dans  cer- 
tains cas,  la  paralysie  a  un  siège  différent;  j'en  ai  observé  un  exemple 


179 
dans  Je  coii-::-  de  la  période  aiguë  de  la  maladie  dans  un  cas  assez  in- 
téressant pour  croire  devoir  en  donner  une  courte  analyse. 

FIÈVRE  TTPnOÏDE  A  DÉnUT  LATENT;  ACCÎDEMS  DE  PARALYSIE  DD  SENTIMEM 
ET  DU  MOUVEMENT  DANS  LES  MEMBRES  SUPÉRIEURS  ;  AMAUROSE  INCOMPLÈTE. 
RÉTENTION  DURINE.  DÉLIRE  ULTIME.  MORT.  INTÉGRITÉ  DES  CENTRES  NER- 
VEUX, ULCÉRATIONS  TYPHOÏDES  DES  PLAQUES  DE  PEYER. 

Obs.  II.  —  Godefroy  (Michel)  âgé  de  22  ans,  manœuvre,  entre  le  2  sep- 
tembre 1856  à  l'Hôtel-Dieu  de  Rouen,  salle  V,  n»  1,  dans  ma  division.  Habi- 
tuellement d'une  bonne  santé,  Godefroy  était  occupé  depuis  quelque  temps  à 
servir  les  maçons  à  la  construction  de  la  nouvelle  prison  de  la  ville,  quand  il 
y  a  cinq  jours  il  tomba  d'une  hauteur  de  5  pieds  environ  d'un  échafaudage 
sur  les  fesses  et  le  dos;  relevé  immédiatement  sans  avoir  perdu  connais- 
sance, il  put  retourner  seul  à  son  domicile,  mais  cessa  tout  travail  ;  il  éprou- 
vait depuis  des  étourdissements,  une  douleur  localisée  principalement  dans 
le  côté  droit  de  là  tête,  de  l'anores  •"  ?:ms  diarrhée.  Aucun  traitement  n'a  été 
fait  en  ville. 

Au  moment  de  l'admission  du  malade  à  l'hôpital,  je  le  trouve  dans  l'état 
suivant  :  intelligence  médiocre,  un  peu  de  difficulté  dans  l'articulation  des 
mots  que  le  malade  semble  trouver  avec  peine  mais  qui  sont  toujours  justes. 
Céphalalgie,  principalement  à  droite.  Aucune  douleur  dans  les  membres 
sensation  d'engourdissement  dans  toute  l'étendue  du  membre  supérieur 
droit,  avec  analgésie  marquée;  force  un  peu  moins  développée  de  ce  côté. 
Le  malade  a  été  apporté  à  l'hôpital,  assurant  ne  pouvoir  marcher  à  cause  des 
étourdissements  qu'il  éprouve.  Unépistaxis  peu  abondant  il  y  a  trois  jours; 
pas  de  diarrhée;  pas  de  météorisme  abdominal,  de  sensibilité  dans  les  deux 
fosses  iliaques  ni  de  taches  rosées  lenticulaires  visibles. 

3  septembre.  Pas  de  délire  dans  la  nuit;  fièvre  marquée;  même  difficulté 
dans  l'articulation  des  mots;  un  peu  d'affaiblissement  de  la  vue,  cependant 
les  objets  peuvent  être  distingués;  persistance  de  la  céphalalgie  et  de  la  fai- 
blesse avec  analgésie  du  bras  droit.  Roideur  légère  du  tronc,  telle  que  le 
malade  s'assoit  avec  peine;  aucune  roideur  ni  douleur  dans  les  mouvements 
du  col  ou  de  la  tète;  même  absence  de  symptômes  abdominaux.  (Cinq  sang- 
sues derrière  chaque  oreille  ;  lavement  purgatif;  limonade  sucrée;  bouillon.) 
Dans  la  soirée,  à  cause  de  la  constipation  et  de  la  fièvre,  j'administre  0,80  de 
calorael  en  trois  fois. 

4.  Repos  calme  pendant  la  nuit.  112  pulsations.  Intelligence  toujours  assez 
bonne.  Plusieurs  selles  après  lecalomel  administré  la  veille;  un  peu  de  ten- 
sion du  ventre,  sans  taches  rosées  lenticulaires.  Difficulté  égale  dans  les  mou- 
vements des  deux  bras  que  le  malade  ne  peut  porter  à  sa  tête,  analgésie 
légère  dans  toute  leur  étendue  ;  la  vue  parait,  au  contraire,  être  devenue 
plus  distincte;  le  malade  remue  librement  les  jambes  dans  son  lit;  même 


180 

roidenr  du  tronc ,  ab?enre  complète  de  soubresauts  des  tendons.  (Limonade  ; 
compresses  froides  sur  la  tète;  bouillon.) 

5. 112  pulsations.  Abattement  complet;  dilTiculté  deraniculation  des  mots; 
aucun  mouvement  spontané  des  membres  supérieurs  quand  on  les  pique  ou 
les  pince;  un  peu  de  météorisme  abdominal;  mouvements  spontanés  des 
deux  jambes;  plusieurs  selles  involontaires.  (Vcsicatoire  à  chaque  tempe.) 

6-9.  Augmentation  de  la  prostration  ;  même  immobilité  des  membres  supé- 
rieurs, peu  de  mouvements  des  inférieurs;  la  déglutition  devient  difficile  le 
6,  et  les  boissons  peuvent  à  peine  être  avalées  ;  quelques  selles  involontaires. 
Respiration  accélérée.  Délire  loquace  par  moments.  Rétention  d'urine  le  der- 
nier jour. 

Mort  le  10  septembre,  à  sept  îieurcs  et  demie  du  maiin. 

Examen  du  cadavre  vingt-cinq  heures  après  la  mort.  Tcgumenis  du  crâne 
Bains,  de  même  que  la  boîte  crânienne  et  les  vertèbres  examinées  avec  soin 
dans  toute  leur  étendue;  distension  légère  par  du  sang  des  vaisseaux  de  la 
pie-mère;  aucune  apparence  morbide  des  méninges,  du  liquide  céphalo- 
rachidien  dont  la  quantité  est  normale;  pulpe  cérébrale  parfaitement  saine  à 
sa  surface  comme  à  l'intérieur.  Même  intégrité  du  cordon  rachidien  dans  toute 
son  étendue. 

Aucun  épanchement  dans  les  deux  plèvres  ;  splénisation  de  la  partie  posté- 
rieure du  lobe  inférieur  du  poumon  droit  saus  granulation  pneumonique; 
congestion  sanguine  de  la  base  du  poumon  gauche  ;  tout  le  reste  des  deux 
poumons  est  sain. 

Péricarde  et  cœur  sans  altération. 

Muqueuse  stomacale  saine.  Saillie  des  plaques  de  Peyer  d'une  étendue  de 
2  mètres  au-dessus  de  la  valvule  iléocœcale  ;  quelques-unes  de  ces  plaque? 
sont  molles;  quelques-unes,  les  plus  inférieures,  ulcérées  dans  leur  centre 
et  présentant  une  masse  bourbillonneuse  jaunâtre  incomplètement  détachée; 
peu  de  follicules  isolés  saillants;  dans  l'intervalle  des  éléments  glandulaires 
altérés,  la  muqueuse  est  pâle,  nullement  injectée. 

Foie  d'un  volume  normal,  un  peu  congestionné;  bile  saine. 

Rate  plus  que  doublée  de  volume,  molle  et  friable. 

Ganglions  mésentériques  volumineux,  violacés. 

Reins  sains,  un  peu  congestionnés. 

Vessie  saine. 

Les  symptômes  de  la  maladie  réelle  étaient  dans  ce  cas  si  peu  marqués  et 
es  accidents  paralytiques  si  singuliers,  que  j'avais  été  induit  en  erreur  pen- 
dant la  vie  du  malade  sur  la  nature  réelle  de  la  lésion. 

Cette  observation  diffère  beaucoui)  de  la  précédente  ;  elle  est  siir- 
loul  intéressante  au  point  de  vue  du  diagnosli(". 
La  forme  et  la  succession  des  accidents  parnlytiqiios  offrent  une 


181 
remarquable  analogie  dans  trois  cas  de  paralysies  ascendantes  aiguës 
autérieurement  publiés  :  l'un  d'eux  (Archiv.  gén.  de  méd.,  sect.  V, 
V.  IX,  p.  476,  1857)  est  consécutif  à  une  asphyxie  par  la  vapeur  de 
charbon;  il  n'y  a  donc  pas  identité  d'ordre  de  cause  avec  le  genre  de 
paralysie  que  j'étudie  ici.  Si  je  le  mentionne  dans  ce  travail,  c'est 
seulement  pour  rappeler  que  la  paralysie,  d'abord  limitée  aux  extrc- 
milés,  s'est  peu  à  peu  étendue,  au  point  de  devenir  générale  et  de 
causer  la  mort  par  asphyxie,  semblan  t  laisser  les  fonctions  cérébrales  in  ^ 
tactes  jusqu'au  moment  de  la  mort.  Sous  le  rapport  des  symptômes,  ce 
fait  de  paralysie  ascendante  aiguë  consécutive  à  l'empoisonnement 
par  le  charbon,  offre  donc  une  parfaite  analogie  avec  l'observation 
de  paralysie  typhoïde  rapportée  au  début  de  ce  travail,  et  aussi  avec 
l'observation  de  paralysie  pneumonique  recueillie  par  moi  et  consi- 
gnée dans  le  travail  de  M.  Gubler.  Cet  exposé  montre  donc  que, 
comme  dans  les  paralysies  diphlhéritiques,  on  voit  les  troubles  du 
mouvement  se  manifester  dans  les  membres  et  monter  progressive- 
ment; on  ne  remarque  pas,  il  est  vrai,  une  identité  absolue  entre  ces 
diverses  paralysies.  J'ai  moi-même  observé  deux  cas  de  paralysie 
diphlhéritique,  l'un  à  l'Hôtel-Dieu  de  Rouen,  dans  ma  division,  l'autre 
dans  ma  pratique  civile.  Chez  ces  deux  malades  la  paralysie  débuta 
d'abord  dans  le  voile  du  palais,  et  ne  se  manifesta  qu'ultérieurement 
dans  les  membres,  puis  dans  l'appareil  de  la  vision;  mais  celte  préfé- 
rence de  la  paralysie  diphthéiilique  pour  le  voile  du  palais  ne  tient- 
elle  pas  à  la  localisation  de  la  maladie  dans  l'arrière-bouche? 

M.  Maingault  (Soc.  méd.  des  hôpitaux,  12  déc.  1860)  et  M.  See 
{ibid.,  7  nov.  1860)  ont  l'un  et  l'autre  insisté  sur  l'intégrité  complète 
des  facultés  intellectuelles  comme  caractérisant  les  paralysies  diphthé- 
ritiques,  opposant  à  ce  résultat  que,  dans  les  paralysies  de  la  conva- 
lescence des  maladies  aiguës,  on  observe  des  symptômes  cérébraux 
graves,  délire,  démence,  etc..  L'observation  que  j'ai  recueillie  mon- 
tre qu'il  peut  y  avoir  une  intégrité  absolue  de  l'intelligence  avant  et 
pendant  la  période  paralytique  de  la  fièvre  typhoïde,  puisque  la  ma- 
ladie a  conservé  ses  fondions  intellectuelles  intactes  jusqu'au  moment 
de  la  mort. 

Les  accidents  de  paralysie  de  mouvements  dans  la  convalescence  de 
la  fièvre  typhoïde  sont,  de  l'aveu  de  tous  les  observateurs,  accompa- 
gnés ou  précédés  de  troubles  de  la  sensibilité;  cependanl;  cette 
cofisistence  n'est  pas  constante. 


182 

La  motilité  dans  le  cours  de  la  convalescence  de  la  fièTie  typhoïde 
peut,  du  reste,  présenter  d'autres  symptômes  morbides,  sans  parler 
des  soubresauts  dont  malheureusement  nous  voyons  chaque  jour  des 
exemples;  je  citerai  les  contractures  indiquées  et  observées  par 
Graves,  Chomel,  MM.  Louis,  Jackson,  Imbert-Goubeyre,  Aran,  etc.,  et 
dont  j'ai  moi-même  recueilli  plus  d'un  exemple;  enfm  les  convul- 
sions dont  j'ai  vu  en  1851,  pendant  mon  internat  à  l'hôpital  de  lu 
Pitié,  dans  le  service  de  M.  Gendrin,  un  cas  suivi  de  mort.  La  sen^i- 
bilité  cutanée  et  musculaire  est  également  modifiée  chez  ces  malades. 
Ainsi  l'hyperesthésie  cutanée  peut  être  observée  seule  ou  avec  para- 
lysie; ces  hypereslhésies  seraient  même  assez  fréquentes,  au  dire  du 
professeur  Griesinger  ;  le  même  observateur  assure  que  Tanesthésie  des 
membres  dans  la  convalescence  de  la  fièvre  typhoïde  est  assez  commune. 

Ces  divers  accidents  semblent  donc  former  une  série  morbide,  de- 
puis l'anesthésie  jusqu'à  la  paralysie,  depuis  l'hyperesthésie  jusqu'à 
la  convulsion. 

J'ai  déjà  fait  pressentir  quelle  était  ma  manière  de  voir  sur  la  na- 
ture de  ces  paralysies  typhoïdes.  L'opinion  de  Graves,  qui  les  attri- 
buait à  une  myélite  ou  à  une  congestion  de  la  moelle,  ne  me  semble 
guère  soutenable.  Je  n'ai  pas  constaté  cette  douleur  que  le  clinicien 
de  Dublin  dit  avoir  si  fréquemment  observée  dans  le  dos  au  début 
des  accidents  paralytiques;  d'ailleurs  à  elle  seule  elle  ne  suffirait  pas 
pour  démontrer  l'existence  d'une  maladie  de  la  moelle.  Griesinger 
fait  remarquer,  avec  juste  raison,  qu'il  ne  connaît  encore  aucun  tra- 
vail dans  lequel  l'existence  d'une  altération  du  cordon  rachidien  ait 
été  démontrée;  les  faits  que  j'ai  cités  plus  haut  m'autorisent  à  ne  pas 
rapporter  ces  paralysies  à  une  lésion  matérielle  de  l'axe  cérébro-spi- 
nal; j'aurais  beaucoup  plus  de  tendance  à  reporter  la  cause  de  ces 
troubles  à  une  altération  du  sang  dont  je  rencontre  chaque  jour  les 
preuves  chniques  les  plus  manifestes  et  qui  agit  ultérieurement  sur 
le  système  nerveux. 

La  plupart  des  auteurs,  conduits  par  l'expérience  clinique,  sont 
amenés  à  conseiller,  comme  M.  Trousseau  (loc.  cit.),  la  médication 
tonique  dans  les  paralysies  typhoïdes;  c'est  aussi  celle  que  je  propo- 
serais :  malheureusement  dans  le  cas  remarquable  que  j'ai  eu  sous 
les  yeux,  la  maladie  a  suivi  une  marche  si  rapide  que  tout  iraite- 
meal  a  été  sans  efficacité. 


MEMOIRE 


ANOMALIES  DE  L'ŒUF, 


LE  DOCTEUR  C.  DAVAINE. 


«  Je  n'ai  pas  besoin  d'insister  heaucoup 

«  pour  faire  sentir  de  quel  intérêt  ces 
«  anomalies  de  l'œuf  non  fécondé  peuvent 
n  être  pour  l'histoire  de  l'évolution  du 
«  fœtus,  des  grossesses  multiples,  des 
«  monstruosités,  etc.  » 

BiSCHOFF. 


L'œuf  est  sujet  à  des  anomalies  diverses  :  tantôt  sa  forme  est  plus 
ou  moins  modifiée,  tantôt  il  manque  de  quelque  partie  essentielle, 
tantôt  l'une  ou  plusieurs  de  ces  parties  s'y  trouvent  en  excès,  ou  bieu 
il  s'y  rencontre  un  corps  d'origine  inconnue. 

Dans  d'autres  temps,  ces  anomalies  ont  été  pour  les  savants,  aussi 
bien  que  pour  le  peuple,  l'objet  d'opinions  singulières,  bizarres  ou 
d'idées  superstitieuses;  aujourd'hui  l'origine,  la  nature  de  ces  ano- 
malies, leurs  effets  sur  le  développement  et  sur  l'organisation  de  l'em- 
bryon soulèvent  des  questions  dont  l'importance  physiologique  ne 
peut  être  méconnue. 

Les  faits  rapportés  dans  ce  mémoire  concernent  principalement 
l'œuf  des  oiseaux.  L'énorme  consommation  domestique  de  celui  de  la 
poule,  les  recherches  multipliées  des  savants  sur  son  développement 


18'» 
ont  donné,  en  sa  faveur,  une  proportion  considérable  de  cas  d'anoma- 
lie. L'œuf  des  animaux  qui  appartiennent  à  d'autres  classes  n'est  pas 
moins  sujet,  sans  doute,  à  des  vices  de  conformation;  nous  en  rap- 
porterons des  exemples  observés  chez  des  mammifères,  chez  des  pois- 
sons et  chez  des  invertébrés;  mais  c'est  chez  l'oiseau  seulement  que 
nous  pourrons  étudier  ces  anomalies  dans  leurs  diverses  conditions. 

L'œuf  est  essentiellement  constitué  par  une  vésicule  primordiale,  la 
vésicule  germinative,  par  un  vîtcUus  ou  jaune,  et  par  une  membrane 
d'enveloppe  ou  viteUine  (pi.  I,  fig.  2).  Primitivement  la  vésicule  ger- 
minative  est  située  au  centre  du  vitellus;  plus  tard  elle  devient  ex- 
centrique, ou  même,  chez  un  grand  nombre  d'animaux,  elle  se  placi' 
immédiatement  sous  la  membrane  vilelline,  et  le  vitellus  offre  autour 
d'elle  des  modidcalions  qui  constituent  ce  qu'on  appelle  la  cicalricule 
ou  le  germe  (lig.  3,  c),  car  c'est  de  ce  point  que  procède  le  dévelop- 
pement embryonnaire. 

Tel  est  Xœuf  ou  plutôt  Vovule  avant  qu'il  ne  quitte  l'ovaire. 

Chez  un  grand  nombre  d'animaux,  l'œuf,  uniquement  constitué  par 
ces  parties,  ne  reçoit  point  de  complément  avant  le  développement  de 
l'embryon.  Mais  chez  d'autres  animaux,  après  avoir  quitté  l'ovaire, 
l'ovule  parcourt  un  Inijet  plus  ou  moins  long  dans  de  nouveaux  or- 
ganes (pi.  I,  tig.  1)  où  il  accjuiert  de  nouvelles  parties;  celles-ci  ne 
sont  toujours  qu'accessoires,  et  servent  uniquement  à  la  nutrition  ou 
à  la  protection  de  l'embryon  futur.  Elles  consistent  en  un  liquide  al- 
bumiueux,  souveut  disposé  par  couches  {blanc,  albumen)  ou  sous 
forme  de  ligament  qui  maintient  le  jaune  en  place  {chalazes),  en  une 
membrane  d'enveloppe  revêtue  ou  non  d'une  substance  calcaire  ou 
d'apparence  cornée  [membrane  tcstacée,  coquillère  ;  test,  coque^  co- 
quille) (fig,  3). 

Les  anomalies  de  l'œuf  peuvent  donc  être  classées  en  deux  groupes  : 
les  unes,  que  j'appellerai  primitives,  atteignent  les  parties  qui  consti- 
tuent essentiellement  l'ovule,  c'est-à-dire  la  vésicule  germinative  ou 
la  cicalricule,  le  vitellus  et  la  membrane  vitelline;  les  autres,  que 
j'appellerai  secondaires,  atteignent  les  parties  annexes  de  l'ovule. 

Les  premières  se  forment  dans  l'ovaire,  les  secondes  se  forment  gé- 
nérale n^ent  dauii  i  oviducte. 


185 


PREMIÈRE  PARTIE. 

ANOMALIES  PRIMITIVES. 

Sbotion  I.  ->  Anomalies  relatives  h  la  véslcale  gcrmlnative. 

La  vésicule  germinative  est  constituée  par  une  paroi^  par  un  contenu 
et  par  un  noyau  ou  nucléole  appelé  tache  germinative  (pi.  1,  fig.  2  a). 

L'importance  de  la  vésicule  germinative  est  aujourd'hui  parfaite- 
ment connue,  et  si  son  rôle  physiologique  n'est  peut-être  pas  encore 
bien  déterminé,  on  sait  au  moins  que  c'est  d'elle  ou  de  la  portion  de 
l'ovule  qu'elle  occupe  que  procède  le  développement  embryonnaire. 

Lorsque  l'œuf  possède  une  cicatricule  ou  germe,  la  vésicule  germi- 
native est  située  dans  la  cicatricule;  car  ce  dernier  organe  ne  se  forme 
jamais  que  de  lo  portion  de  l'ovule  occupée  par  la  vésicule  du  germe. 
Si  la  vésicule  germinative  ne  se  retrouve  pas  toujours  dans  la  cicatri- 
cule, c'est  qu'elle  peut  disparaître  à  l'époque  où  celle-ci  acquiert  son 
développement  complet;  mais  dans  toute  cicatricule  la  vésicule  ger- 
minative a  primordiulement  existé. 

Chez  tous  les  animaux,  dans  l'ovule  normal,  la  vésicule  germina- 
tive ou  de  môme  la  cicatricule  est  unique. 

Les  anomalies  qui  concernent  la  vésicule  du  germe  peuvent  consis- 
ter :  1"»  dans  son  absence;  2"  dans  quelque  changement  de  sa  consti- 
tution ;  3°  dans  sa  multiplicité. 

1°  Lorsque  l'œuf  a  acquis  sa  maturité,  ou  bien  après  la  fécon- 
dation, la  vésicule  germinative  disparaît.  Pour  constiluer  une  ano- 
malie, l'absence  de  cette  vésicule  devrait  donc  avoir  été  primordiale; 
nous  n'en  connaissons  point  d'exemple,  à  moins  qu'il  n'y  ait  eu  en 
même  temps  une  anomalie  beaucoup  plus  complexe,  à  savoir  :  l'ab- 
sence même  du  vitellus. 

2°  Les  anomalies  signalées  jusqu'aujourd'hui,  et  qui  se  rappor- 
tent à  la  conetitution  de  la  vésicule  germinative,  ne  concernent 


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186 
que  le  nucléole,  c'est-à-dire  la  tache  germinative.  On  sait  que  chez 
les  mammifères  cette  tache  est  toujours  unique;  or  "Wagner  a  signalé 
quelques  faits  qui  dérogent  à  cette  loi  : 

Dans  l'œuf  d'une  lapine,  Wagner  a  figuré  deux  taches  germinatives,  à  côté 
l'une  de  l'autre,  sur  une  vésicule  d'ailleurs  normale;  dans  un  autre  œuf  du 
même  animal,  il  a  représenté  un  amas  de  six  taches  contiguës,  toutes  sphéri- 
ques,  et  dont  chacune  égale  presque  en  grosseur  la  tache  normale;  dans  un 
œuf  de  surmulot,  il  a  représenté  la  vésicule  avec  deux  taches;  enfin,  il  a 
donné  la  figure  de  la  vésicule  gerrainalive  d'une  brebis  qui  offre  une  tache 
entourée  d'un  anneau,  et  en  outre  plusieurs  taches  claires  semblables  à  des 
anneaux  (tj. 

Depuis  Wagner,  aucun  physiologiste  n'a  publié  de  cas  semblables, 
et,  d'un  autre  côté,  le  rôle  de  la  tache  germinative  dans  le  dévelop- 
pement ultérieur  de  l'ovule  est  tout  à  fait  inconnu;  en  sorte  que  noua 
nous  bornerons  à  une  simple  mention  de  ces  faits. 

3°  L'anomalie  la  plus  intéressante  peut-être  pour  le  physiologiste  est 
celle  qui  consiste  en  la  présence  de  plusieurs  vésicules  germinatives 
dans  un  vitellus  unique. 

L'existence  de  cette  anomalie  de  l'œuf  est  établie  par  l'observatiou 
du  fait  même  ou  par  l'observation  de  faits  qui  l'impliquent.  Ceux-ci 
sont  la  présence  sur  un  vitellus  de  deux  embryons  ou  de  deux  cica- 
tricules  distinctes,  car  la  vésicule  germinative  étant,  en  quelque 
sorte,  le  centre  du  développement  embryonnaire,  plusieurs  embryons 
distincts  impliquent  nécessairement  l'existence  primordiale  de  plu- 
sieurs vésicules  germinatives,  et,  d'un  autre  cùlé,  la  cicatricule  se 
conslituant  toujours  autour  de  la  vésicule  germinative,  l'œuf  qui 
possède  plusieurs  cicatricules  possède,  ou  bien  a  possédé  primordia- 
lement,  plusieurs  vésicules  germinatives.  D'après  ces  considérations, 
nous  nous  proposons  donc  de  rapprocher  et  de  confondre  dans  une 
même  étude,  au  point  de  vue  de  l'anomalie  qui  nous  occupe,  les  cas 
dans  lesquels  l'œuf,  renfermant  un  vitellus  unique,  possède  soit  plu- 
sieurs vésicules  germinatives,  soit  plusieurs  cicatricules,  soit  plu- 
sieurs embryons  distincts. 


(l)  6^CTCL0PBD1B  ANATOMtQUE,  t.  Vlll,  p.  10  et  644. 


187 

Du  rapprochement,  de  la  comparaison  et  de  l'appréciation  des 
divers  cas,  11  ressortira,  je  pense,  ce  fait,  encore  contesté  par  plu- 
sieurs physiologistes,  que  la  duplicité  chez  les  animaux  vertébrés, 
c'est-à-dire  la  monstruosité  composée,  doit  souvent  son  origine  au 
vice  de  conformation  de  l'œuf,  qui  consiste  dans  l'existence  primor- 
diale de  deux  vésicules  germinatives  en  un  même  vitellus. 

Alin  de  rendre  plus  complète  l'étude  de  l'anomalie  qui  nous  occupe, 
nous  rapporterons,  en  outre  des  faits  dans  lesquels  deux  embryons 
situés  sur  un  seul  vitellus,  mais  étant  partiellement  unis,  leur  déve- 
loppement par  deux  germes  primitivement  distincts  n'est  pas  de  soi- 
même  évident  ;  toutefois  la  place  que  nous  donnons  ici  à  ces  faits 
sera  justiQée  dans  la  suite  ;  on  verra  qu'il  n'y  a  pas  lieu  d'admettre 
pour  les  deux  embryons  partiellement  unis,  un  mode  de  formation 
autre  que  pour  les  deux  embryons  libres  sur  le  même  vitellus,  et  qu'il 
n'y  a  entre  ces  deux  cas  qu'une  différence  de  degrés. 

A.—  Deux  vésicules  germinatives  distinctes. 
Premier  fait.  — Laureot,  œuf  de  la  limace  grise. 

I.  —  Dans  ses  recherches  sur  les  monstruosités  doubles,  Laurent  s'ex- 
prime ainsi  :  «  En  étudiant  l'œuf  pris  dans  l'ovaire  de  la  Umax  agrestis,  nous 
avons  trouvé  de  temps  en  temps,  mais  rarement,  quelques  vitellus  des  œufs 
ovariens  qui  renfermaient  deux  germes,  ou  mieux  deux  vésicules  du  germe. 
Du  moment  où  nous  avons  pu  distinguer  nettement  deux  vésicules  du  germe 
dans  un  même  vitellus  ou  œuf  ovarien,  nous  aurions  voulu  pouvoir  suivre  le 
sort  de  cet  œuf  ovarien,  mais  l'œuf  et  l'animal  sur  lequel  on  l'observe  étant 
toujours  sacrifiés,  il  devint  évident  pour  nous  que  nous  ne  pourrions  ja- 
mais parvenir,  par  l'observation  directe,  à  l'origine  première  d'une  monstruo- 
sité double  provenant  à  nos  yeux  d'un  œuf  ovarien  à  double  vésicule  du 
germe...  (1).  » 

Deuxième  fait.  —  CosTE,  œuf  de  lapiu  (pi.  I,  Og.  12). 

II.  —  M.  Coste  a  donné  la  ligure  d'un  œuf  de  lapine  qui  renfermait  deux 
vésicules  germinatives.  Par  l'action  du  compresseur,  ces  deux  vésicules 
étaient  sorties  intactes  de  l'ovule  déchiré  (2). 


(1)  Laurent,  Essai  sur  les  monstruosités  doubles,  in  Annales  franc,  et 
ÉTBANG.  d'anat.  ET  DE  PHYSiOL.,  t.  111,  p.  217.  Paris,  1839. 

(2)  Coste,  Etudes  ovologiques  pour  servir  à  l'histoire  de  l'œuf  dans  l'ovaire, 
et  de  la  vésicule  germinative,  in  Ann  franc,  bt  étr.  d'anat.  et  de  phtsiol., 
1. 11,  p.  225,  pi.  V,  flg.  3,  3',  3",  Paris,  1838. 


188 

Tronumc  (att. —  Ai.LiiPi  THOMSON,  œuf  de  chat. 

III.  —  M.  Allen  Thomson  rapporte  un  fait  analogue  en  ces  termes  :  •  Per- 
sonne, non  plus  que  moi.  n'a  découvert  deux  vésicules  germinatives  dans 
nn  vitellus  avant  la  fécondation.  Une  observation  de  ce  genre  serait  du  plus 
haut  intérêt.  Une  fois  j'ai  pensé  avoir  rencontré  uu  exemple  de  cette  parti- 
cularité dans  l'œaf  ovarien  du  chat;  mais  je  crains  qu'il  n'y  ait  eu  quelque 
erreur  dans  l'observation,  et  que  les  vésicules  germinatives  de  deux  ovules 
rapprochés  qui  étaient  en  même  temps  sur  le  champ  du  microscope,  ne  se 
soient  accidentellement  juxtaposés  (1).  » 

B.  — Deux  cicatricules  distinctes. 

Premier  fait.  — Fabrice  d'Acqcapendeme,  œuf  de  poule. 

IV.  —  Fabrice  ab  Acquapendente  a  vu  deux  germes  sur  le  vitellus  d'un 
œuf  de  poule  ;  il  mentionne  le  fait  en  ces  termes  :  «  Eam  (cicatriculam)  in 
a  magno  vitello  duplicem  aliquando  observavimus,  alteram  alteri  satis  pro- 
€  pinquam,  et  alteram  altéra  minorem....  (2).  » 

Deuxième  (ail.  —  SERRES,  œuf  de  poule. 

V.  —  «  Chez  une  poule  qui  avait  pondu  des  œufs  à  double  jaune,  dit 
M.  Serres,  j'ai  rencontré  un  ovule  double  dans  le  même  calice,  dont  les  deux 
vitellus  s'étaient  réunis  quoique  les  deux  cicatricules  rapprochées  fussent 
distinctes  (3).  » 

Troisième  fait.  —  Allen  Thomson,  œuf  de  poule. 

VI.  —  «  Deux  cicatricules,  dit  M.  Allen  Thomson,  ont  été  quelquefois  ob- 
servées sur  un  jaune  unique,  mais  je  crois  qu'on  doit  conserver  quelque 
doute  de  savoir  si  cette  apparence,  que  j'ai  moi-même  quelquefois  vue,  n'est 
pas  trompeuse.  Je  n'ai  du  moins  jamais  observé  aucun  indice  de  développe- 
ment dans  l'une  et  l'autre,  et  je  ne  sache  pas  qu'aucun  ex[iérimentateur  ait 
vu  dans  ces  cicatricules  un  changement  qui  permit  de  conclure  qu'elles  con* 
tenaient  toutes  les  deux  le  germe  d'un  embryon  (i).  » 


(1)  Allen  Thomson,  Remarks  upon  the  early  condilion  and  probable  origin  of 
double  monsters,  in  The  London  and  Edinburgu  monthly  journal  of  médi- 
cal science,  1844,  u"  Vil,  p.  581. 

(2)  Hieronymi  Fabiicii  ab  Acquapendente,  De  formatione  ovi,  p.  13,  in 
Opéra  omnia,  Lugduni  Batavorum,  1737. 

(3)  Principes  d'embryogénie,  de  soogénie  et  de  tératogénie,  par  M.  Serres, 
dans  MÉM.  de  l'Ac.  des  sciences,  t.  XXV,  p.  92.  Paris,  1860. 

(4)  Allen  Thomson,  Mcm.  cit.,  p.  579. 


189 

C.  —  Deux  embryons  distincts. 

Premier  fait.  —  Reichert,  œuf  d'écrevisse. 

VII.  —  «  L'autre  cas  (voyez  ci-après  n"  XIII)  concerne  un  œuf  d'écrevisse 
avec  une  formation  jumelle  uormale.  Les  deux  embryons  se  trouvaient  en- 
core ici  sur  le  même  jaune,  l'un  derrière  l'autre  dans  le  diamètre  transver- 
sal de  l'ovule,  de  sorte  que  les  extrémités  caudales  étalent  opposées  et  sépa- 
rées par  un  très-petit  intervalle  (1).  » 

Deuxième  fait.  —  ALLEN  THOMSON,  œuf  de  poule  (pi.  I,  fig.  15). 

Vin.  —  Il  s'agit  d'un  œuf  de  la  poule  commune  examiné  par  M.  Allen 
Thompson  en  1840.  L'incubation  date  de  seize  à  dix-huit  heures;  le  jaune 
est  unique,  il  existe  un  seul  blastoderme.  Cette  membrane  a  acquis  à  peu 
près  son  développement  ordinaire  pour  l'époque  et  n'offre  point  d'apparence 
anormale;  mais  la  forme  de  l'aire  transparente  a  quelque  chose  de  particu- 
lier ;  elle  paraît  fendue  partiellement  sur  un  côté. 

Il  y  a  sur  cette  aire  deux  embryons  distincts,  dont  le  développement  ne 
va  pas  au  delà  du  premier  état  que  caractérise  l'existence  de  la  trace  primi- 
tive. La  trace  primitive  de  chaque  embryon  ne  diffère  pas  matériellement  de 
celle  qui  se  forme  d'un  germe  simple,  excepté  toutefois  que  chacune  possède 
une  légère  courbure  dans  la  portion  où  les  embryons  se  trouvent  le  plus 
rapprochés.  Les  couches  séreuse  et  muqueuse  du  blastoderme  ne  sont  pas 
encore  distinctement  séparées  l'une  de  l'autre.  Chaque  trace  primitive  con- 
siste dans  un  épaississement  formé  par  l'accumulation  de  petites  cellules  à  la 
surface  de  la  membrane  qui  aurait  bientôt  constitué  la  couche  séreuse.  La 
partie  centrale,  ou  l'axe  de  chaque  trace  primitive,  ne  diffère  pas  de  ce  qu'elle 
est  à  la  même  époque  dans  le  cas  normal  de  l'œuf  de  l'oiseau,  et  telle  que 
Bischoff  l'a  décrite  dans  l'œuf  du  chien,  formant  simplement  le  fond  de  la 
gouttière  primitive,  limitée  de  chaque  côté  par  l'épaississement  du  blasto- 
derme qui  constitue  les  lames  dorsales,  lesquelles,  après  le  dépôt  des  rudi- 
ments du  système  nerveux  sur  une  partie  de  leur  surface,  se  réunissent  au- 
dessus  de  la  gouttière  primitive  pour  constituer  le  premier  état  de  l'axe 
cérébro-spinal  et  de  son  canal  (2). 

Troisième  fait. —  WoLFF,  œuf  de  poule  (pi.  I,  fig.  18). 

IX.— «  Une  année  s'est  écoulée  depuis  que  j'ai  montré  à  l'illustre  Académie 
un  œuf  contenant  un  seul  vitellus  et  deux  embryons.  L'incubation  datait  de 
six  jours;  j'en  donne  aujourd'hui  la  description... 


(i)  Bischoff,  art.  Entvoickelungsgeschichte  dans  Wagner,  Handwoerterbttch 
DER  Physiologie,  1. 1,  p.  912,  1843  ;  et  Froriep'?,  N.  Notizen,  n»  485,  p.  10. 
(2)  Allen  Thomson,  Mém.  cité,  p.  489. 


190 

«  Noire  œuf  est  d'un  voliiine  ordinaire;  l'albumen  simple  a  sa  situation 
habituelle,  sa  grandeur  et  sa  consistance  normales  (a).  Le  vltellus  lui-même 
est  simple  et  n'oflre  rien  qui  soit  extraordinaire  ou  contre  nature  (b6);  sa 
situation,  son  volume,  sa  forme,  sa  consistance,  sa  structure  sont  tout  à  fait 
normaux  ;  sa  membrane  extérieure  est  mince,  pellucide.rinterne  est,  comme 
d'ordinaire,  plus  molle  et  plus  épaisse. 

«  La  première  partie  qui  se  présente  (en  procédant  de  dehors  en  dedans  et 
vers  l'embryon)  est  l'aire  vasculaire(e),  dans  laquelle  on  remarque  quelques 
particularités  qui  sont  les  premiers  indices  de  la  duplicité  embryonnaire, 
ou  qui  peuvent  être  considérées  comme  l'effet  de  cette  duplicité.  L'aire  est 
tout  à  fait  unique  et  simple  comme  le  vitellus,  car  elle  est  circonscrite  à  sa 
périphérie  par  une  veine  terminale  unique,  simple,  non  interrompue  (ce).  Elle 
n'oflVe  nullement  l'apparence  d'une  division  en  deux  aires  distinctes,  mais 
les  vaisseaux  y  forment  un  double  système  de  ramiQcations  qui  ne  sont,  il 
est  vrai,  ni  l'un  ni  l'autre  tout  à  fait  normaux  ;  c'est  là  le  premier  vestiçe  de 
la  duplicité  embryonnaire,  car  chacun  des  embryons  émet,  comme  d'habi- 
tude, ses  deux  troncs vasculaireslatéraux,d'oùrésultentdansrairevasculaire 
quatre  troncs  au  lieu  de  deux.  Ainsi  l'embryon  supérieur  if)  possède  un  tronc 
latéral  gauche  (p)  et  un  droit;  l'embryon  inférieur  (g)  est  également  pourvu 
d'un  tronc  droit  (u)  et  d'un  tronc  gauche  (t).  Chaque  tronc  de  l'embryon  su- 
périeur se  divise  ensuite,  comme  dans  l'état  normal,  en  deux  branches, 
l'une  supérieure  (qr),  l'autre  inférieure  (s).  Quant  à  l'embryon  inférieur,  les 
troncs  ne  se  divisent  point  ultérieurement  en  branches  supérieures  et  in- 
férieures, mais  ils  se  portent  entiers  vers  le  bas  et  représentent  les  bran- 
ches inférieures  seulement,  les  supérieures  faisant  complètement  défaut.  La 
cause  de  cette  disposition  parait  être  le  voisinage  de  l'autre  embryon  dont 
les  ramifications  vasculaires  inférieures  occupent  l'espace  dans  lequel  les 
vaisseaux  supérieurs  du  précédent  eussent  dû  se  distribuer.  Enfin  la  veine 
descendante  est  assez  visible  à  l'embryon  inférieur  (t),  tandis  qu'au  supé- 
rieur, à  cause  du  rapprochement  de  l'autre  embryon,  elle  n'existe  pas.  La 
veine  terminale,  dont  une  partie  seulement  est  visible  dans  la  position 
donnée  au  vitellus  {ce),  est  unique  et  simple,  circonscrivant  l'aire  vasculaire 
unique  dans  laquelle  se  distribuent  les  ramifications  des  vaisseaux  dérrits 
ci-dessus. 

D'après  ces  considérations,  il  parait  que  dans  l'aire  vasculaire  unique  il 
existe  un  double  système  de  vaisseaux  incomplet,  à  la  vérité,  puisque  les 
rameaux  supérieurs  font  défaut  dans  le  système  inférieur;  mais  ces  deux 
systèmes  sont  tellement  disposés  l'un  à  l'égard  de  l'autre  que,  pris  ensem- 
ble, ils  en  constituent  clairement  un  seul  commun  et  plus  grand,  autant 
que  l'on  considère  leurs  rameaux  ini'érieurs  comme  des  subdivisions  ou  des 
rameaux  secondaires  des  supérieurs.  Les  troncs  vasculaires  de  l'embryon 
iuférieur  représentent  d'autant  plus  les  branches  inférieures  simples  d'un 


191 

système  plus  grand  qu'ils  ne  donnent  point  de  branches  supérieures,  les- 
quelles, cependant,  doivent  naître  des  vrais  troncs  latéraux.  En  outre,  l'uni- 
que veine  descendante  qui  existe  répond  tout  à  fait  par  sa  situation  et  sa 
grandeur  à  un  système  plus  grand,  et  lui  suffît  complètement.  Ainsi,  non- 
seulement  aucune  partie  ne  manquerait  à  ce  système  commun,  mais  il 
n'existe  dans  l'aire  vasculaire  aucune  artère  qui  n'appartiendrait  point  à 
quelque  partie  essentielle  de  ce  système  ou  qui  pourrait  lui  être  rapportée. 

Il  offre  une  seule  anomalie,  à  savoir  :  que  les  branches  supérieures  et  in- 
férieures qui  proviennent  naturellement  d'un  tronc  latéral  de  chaque  côté 
proviennent  ici  immédiatement  de  l'embryon  même;  les  supérieures  et  les 
inférieures  de  leur  embryon  respectif. 

Si  donc  on  adopte  cette  manière  de  voir  touchant  la  distribution  des  vais- 
seaux, il  n'y  aura  pas  pour  chaque  embryon  un  système  propre,  mais  un 
seul  système  commun  à  l'un  et  à  l'autre,  et  divisé  de  telle  sorte,  que  l'em- 
bryon supérieur  en  possède  la  portion  supérieure,  c'est-à-dire  les  branches 
supérieures  qui,  pour  lui,  tiennent  lieu  des  troncs  avec  la  veine  ascendante 
qui  s'y  trouve,  tandis  que  l'embryon  inférieur  en  possède  la  portion  infé- 
rieure, c'est-à-dire  les  branches  inférieures  avec  la  veine  descendante.  Tout 
considéré,  la  distribution  des  vaisseaux  dans  l'aire  vasculaire  laisse  des 
doutes  de  savoir  s'il  n'y  a  qu'un  seul  système  commun  aux  deux  embryons 
ou  deux  systèmes  propres  à  chacun  des  embryons. 

«  J'ai  trouvé  une  constitution  semblable  de  l'aire  vasculaire  dans  un  œuf 
au  troisième  jour  de  l'incubation,  et  qui  contenait  un  monstre  double.  Ici 
deux  systèmes  vasculaires  étaient  encore  mieux  marqués,  et,  pris  ensemble, 
ils  représentaient  parfaitement  un  seul  système  commun. 

«  Mais  une  singularité  plus  grande  encore,  et  qui  paraît  moins  une  dé- 
pendance de  la  duplicité,  est  relative  à  la  situation  et  aux  enveloppes  des 
embryons.  Normalement  l'embryon  est  renfermé  dans  l'amnios  entre  Its 
deux  membranes  du  vitellus,  de  manière  que  celle  qui  est  extérieure  passe 
au-dessus  de  l'amnios,  et  applique  cette  dernière  enveloppe  et  le  fœtus 
contre  le  vitellus.  Non-seulement  nos  embryons  sont  tout  à  fait  dépourvus 
d'amnios,  mais  même  ils  sont  situés  en  dehors  de  la  membrane  vitelline  ;  de 
sorte  qu'ils  sont  mobiles  sur  la  sphère  du  jaune,  et  n'adhèrent  à  sa  surface 
que  lâchement  par  l'oflice  seul  des  ombilics  :  ce  qui  ne  me  parait  pas  moins 
extraordinaire  que  si  la  semence  d'un  végétal  existait  en  dehors  du  péri- 
carpe et  n'adhérait  à  sa  surface  externe  que  par  un  pédicule.  Les  deux  em- 
bryons étaient  vivants  lorsque  j'ouvris  l'œuf,  et  leurs  cœurs  palpitaient 
vivement;  en  outre  ils  avaient  des  mouvements  volontaires  qui  cessèrent, 
il  est  vrai,  bientôt.  Découverte  bien  inattendue  que  celle  de  deux  embryons 
libres,  mobiles,  nus,  sur  un  seul  vitellus  1 

«  Dans  l'état  naturel,  la  membrane  de  l'amnios  naît  de  l'orifice  abdominal, 
c'est-à-dire  de  l'ombilic;  elle  est  la  continuation  de  la  peau  de  l'abdomen  qui 


192 

se  réfléchit  immédiatement  autour  de  l'embryon  pour  constituer  l'amnios; 
car  dans  les  oiseaux  il  n'existe  point  de  cordon  ombilical.  On  trouverait 
difficilement  l'exemple  chez  un  animal  d'une  membrane  ou  d'une  enveloppe 
qui  se  terminerait  brusquement  comme  par  une  section  nette;  toutes  les 
membranes,  en  effet,  se  continuent  dans  d'autres  membranes  ou  se  réflé- 
chissent sur  elles-même;  ainsi  la  peau,  à  la  bouche  et  à  l'anus,  se  continue 
sans  interruption  avec  la  membrane  muqueuse  de  l'intestin.  Si  donc  chez 
nos  embryons  l'amnios  manque,  la  peau  de  l'abdomen  à  l'ombilic  est  conti- 
nue avec  la  membrane  extérieure  du  vitellus  qui,  par  sa  ténuité,  sa  pelluci- 
dité  et  par  sa  nature,  est  parfaitement  semblable  à  celle  de  l'amnios.  La 
membrane  yitelline,  comme  l'amnios  dans  les  autres  cas,  fournit  donc  une 
base  à  la  peau  de  l'embryon.  C'est  au  moins  ce  qu'il  est  permis  de  con- 
clure. 

M  Dans  l'état  naturel  encore,  l'embryon  adhère  au  vitellus  par  un  pédicule 
simple,  court  canal  de  communication  qui,  né  des  intestins,  se  continue 
dans  la  membrane  interne  du  vitellus,  tandis  que  la  membrane  extérieure, 
comme  je  l'ai  déjà  dit,  passe  sur  l'amnios  et  ne  se  continue  ni  avec  cette 
dernière  enveloppe  ni  avec  aucune  partie  de  l'embryon.  Nos  embryons,  au 
contraire,  ont  des  pédicules  formés  d'une  double  membrane,  ou  plutôt  ils 
ont  deux  pédicules,  dont  les  uns  extérieurs  naissent  normalement  de  l'in- 
testin et  se  continuent  avec  la  membrane  interne  du  vitellus,  et  dont  les 
autres  extérieurs  fournissent  aux  précédents  une  gaine  lâche  qui,  née  à 
l'ombilic  de  la  peau  de  l'abdomen,  se  continue  avec  la  membrane  extérieure 
du  vitellus  et  forme  une  espèce  de  cordon  ombilical  très-court,  bien  que 
chez  les  oiseaux  il  n'en  existe  point  du  tout. 

«  Les  embryons  sont  tellement  rapprochés  qu'un  troisième  ne  pourrait 
trouver  place  entre  eux,  principalement  à  cause  des  têtes  qui  se  touchent. 
L'un  est  placé  supérieurement  par  rapport  à  l'autre  (l'aire  vasculaire  et  la 
distribution  de  ses  vaisseaux  déterminent  les  régions  du  vitellus].  Lorsque 
j'ouvris  l'œuf,  les  embryons  étaient  placés  un  peu  différemment  d'aujour- 
d'hui; ils  sont  maintenant  situés  transversalement  sur  le  vitellus;  ils 
étaient  alors  plus  obliques,  presque  perpendiculaires  à  l'aire  et  plus  rappro- 
chés l'un  de  l'autre,  tellement  que  la  tête  de  l'inférieur  occupait  la  région  du 
pubis  de  l'autre  et  touchait  son  pied  droit.  Du  reste,  la  position  des  embryons 
est  telle  qu'ils  se  regardent  mutuellement  par  la  face  antérieure  de  leur 
corps,  d'où  il  résulte  que  le  supérieur  repose  à  la  manière  ordinaire  sur 
son  côté  gauche,  et  l'inférieur  est  couché  anormalement  sur  son  côté 
droit. 

•  Dans  cette  situation  des  embryons,  la  peau  de  l'abdomen  est  d'abord 
resserrée  à  l'ombilic,  puis  elle  s'élargit  et  se  porte  à  la  surface  du  vitellus 
où  elle  se  confond  avec  la  membrane  externe  de  cette  sphère,  et  produit  çà 
et  là  des  plis  courts  dont  l'un  surtout  mérite  d'être  uût'\  Celui-ci  so  porle 


193 
directement  de  l'ombilic  de  l'ua  des  embryons  à  l'ombilic  de  l'autre,  et 
constitue  une  sorte  de  ligament  qui  réunit  les  deux  corps  (n).  Un  autre  pli, 
semblable  et  parallèle  au  précédent  (o),  occupe  la  région  pectorale  des  em- 
bryons. L'espace  compris  entre  ces  plis  est  couvert  de  petites  bulles  for- 
mées par  la  membrane  Titelline. 

«  La  vésicule  ombilicale  (aujourd'hui  allantoïde)  de  chaque  embryon  est, 
comme  ordinairement,  située  entre  les  tuniques  extérieure  et  intérieure  du 
vitellus,  et  elle  est  visible  à  la  surface  de  cette  sphère  à  travers  la  membrane 
extérieure.  Le  col  de  cette  vésicule  pénètre  dans  la  cavité  abdominale  à 
l'endroit  où  s'unissent  la  peau  de  l'abdomen  et  la  tunique  extérieure;  du 
reste,  elle  contient  une  quantité  de  liquide  moindre  que  d'habitude,  ce  qui 
la  fait  paraître  plus  aplatie;  elle  est  aussi  plus  fermement  unie  avec  la  tu- 
fiique  extérieure  adjacente. 

«  Le  vitellus  étant  disséqué  jusqu'à  sa  surface  interne  (c'est-à-dire  jusqu'à  la 
face  interne  de  la  membrane  intérieure  du  vitellus)  dans  cette  partie  qui 
correspond  extérieurement  aux  ombilics  des  embryons,  on  trouve  l'ouver- 
ture qui  conduit  aux  intestins,  comme  dans  l'état  normal,  ouverture  qui  est 
celle  du  conduit  par  lequel  la  membrane  interne  du  vitellus  se  continue  avec 
la  membrane  de  l'intestin;  avec  elle  sortent  de  l'abdomen  les  vaisseaux  de 
l'aire  vasculaire  que  j'ai  décrits;  les  plis  delà  membrane  extérieure  qui 
existaient  entre  les  deux  embryons  existent  aussi  sur  la  membrane  exté- 
rieure et  répondent  parfaitement  aux  premiers  ;  de  telle  sorte  que  ces  plis 
n'appartiennent  point  seulement  à  la  membrane  extérieure,  mais  aux  deux 
ensemble. 

«  J'ai  séparé  aussi  la  membrane  intérieure  de  l'extérieure  pour  mettre  à 
découvert  l'orifice  abdominal  dont  la  première  est  la  continuation,  et  j'ai 
trouvé  une  disposition  presque  normale  en  observant  que,  au  lieu  de  la 
membrane  vitelline,  c'est  la  membrane  de  l'amnios  qui  se  continue  avec  la 
peau  de  l'abdomen. 

«Dans  les  embryons  mêmes,  je  n'ai  rien  trouvé  qui  ne  fût  normal.  L'appa- 
rence extérieure  comme  la  disposition  des  viscères  sont  conformées  suivant 
les  lois  ordinaires  de  la  nature  (l).  » 

Quatrième  fait,  —  Flocrens,  oDuf  de  poule. 

X.— «M.  Flourens  présente  à  l'Académie  un  œuf  de  poule  qui  contient  deux 
petits  parfaitement  séparés,  parfaitement  distincts  ;  chacun  de  ces  petits  est 
bien  développé,  chacun  est  complet,  et  néanmoins  ils  sont  contenus  tous  les 
deux  dans  un  seul  amnios. 

(I)  C.  F.  Wolfl",  OvuM  siMPLEX  GEMELLiFERUM  (cxhibit.  d.  22  feb.  1770), 
in  :  Novi  commentarii  Academf/E  scientiarium  imperialis  petropolitan/E, 
t.  XIV,  pro  anno  1769;  pars  prier,  p.  456.  Petropoli,  1770. 

MÉM.  13 


194 
•  Cet  amnios  unique  va  d'abord  de  l'ombilic  de  l'un  de  ces  petits  i  l'ombilic 
de  l'autre,  et  de  ces  deux  points  il  se  replie  et  se  porte  sur  les  deux  petits 
pour  les  envelopper.  —  On  sait  que  les  cas  semblables,  de  deux  fœtns  cow- 
tenus  dans  un  seul  amnios,  sont  fort  rares  dans  la  science.  —  Dans  l'œuf  dont 
il  s'agit,  il  n'y  a,  selon  M.  Y\ouYens,  qu'un  seul  amnios,  qa'nne  seuleallantoîde, 
qu'un  seul  blanc,  qu'un  seul  jaune;  mais  il  y  a  deux  cordons,  c'est-à-dire 
deux  pédicules  du  jaune,  deux  pédicules  de  l'allantoïde  et  deux  systèmes  de 
vaisseaux  ompbalo-mésentériques  et  ombilicaux  (1).  » 

Cinquième  fait. — SIMPSON,  œuf  de  canard. 

XI.  —  «Le  professeur  Simpson  m'a  permis  d'examiner,  dit  M.  Allen 
Thomson,  un  spécimen  de  ce  genre  qui  est  dans  sa  collection.  Il  consiste  ea 
deux  embryons  de  canard  arrivés  presque  à  maturité  et  unis,  non  directe- 
ment parles  téguments  de  l'abdomen  autour  de  l'ouverture  ombilicale,  mais 
plutôt  par  ce  qui  parait  être  un  grand  jaune  commun  qui  avait  été  jusque-là 
renfermé  en  partie  seulement  ('.ans  chaque  cavité  abdominale;  l'état  de  cette 
pièce,  qui  avait  été  conservée  longtemps  dans  l'alcool,  m'empêcha  de  déter- 
miner si  le  jaune  était  vraiment  simple  ou  s'il  l'était  en  apparence  seule- 
ment (2).  >» 

D.  —  Deux  embryons  partiellement  unis. 
Premier  fait.  — Baer,  œuf  de  poule  (pi.  I,  fig.  16). 

XII.  —  Au  mois  d'août  1827,  Baer  examina  un  œuf  de  poule  qui  avait  subi 
nne  incubation  de  cinquante-deux  à  cinquante-quatre  heures  et  qui,  n'ayant 
qu'un  seul  vilellus,  offrail  les  particularités  suivantes  :  l'aire  transparente 
n'avait  pas  une  forme  ordinaire,  elle  avait  celle  d'une  croix,  oflrant  deux 
branches  plus  longues  et  deux  plus  courtes;  les  premières  étaient  situées 
suivant  l'axe  transversal  de  l'œuf  ;  les  secondes  suivant  sou  axe  longitudinal. 
Dans  les  branches  les  plus  longues  se  trouvaieut  deux  petits  embryons  dont 
les  extrémités  postérieures,  divergentes,  se  dirigeaient  vers  les  pointes  de 
ces  branches  et  dont  les  extrémités  antérieures  étaient  réunies  en  une  seule 
masse,  formant  une  tête  commune.  Celte  tèle  s'élevait  tiès-rcmarquablement 
au-dessus  du  plan  de  la  membrane  proligère  ;  elle  était  dirigée  vers  la  pointe 
de  l'œuf  et  inclinée  vers  l'une  des  petites  branches  de  la  croix.  Les  deux 
corps  étaient  également  développés  ;  les  lames  dorsales  {plicce  primitivx, 
Bander)  étaient  closes  dans  toute  leur  longueur  et  entouraient  déjà  d'une 
manière  évidente  la  moelle  épinièrc;  les  indices  des  verlèbrcs  s'y  montraient 


(1)  Flourens,  OEufs  de  poule  qui  présentent  quelques  circonstances  singu- 
lières. —  Compte  rendu  acad.  x»es  se,  1S35, 1. 1,  p.  182. 

(2)  Allen  Thomson,  mém.  cité,  p.  579. 


195 
clairement.  Les  lames  abdominales  étaient  encore  écartées  et  presque  hori- 
zontalement placées;  ainsi  les  corps  étaient  ouverts.  Si  l'on  suivait  les  lames 
dorsales,  on  les  yoyait  se  continuer  dans  la  tète  commune  sans  interruption 
et  de  même  les  deux  moelles  épiulères  pouvaient  être  suivies  sans  inter- 
ruption depuis  leurs  extrémités  inférieures  jusque  dans  la  tête  où  elles  se 
réunissaient  à  un  cerveau  unique  et  commun.  Dans  ce  cerveau  se  trouvait  de 
chaque  côté  une  moelle  allouf^ée,  parfaitement  semblable  à  sa  congénère  et 
conformée  comme  elle  l'est  normalement  au  commencement  du  troisième 
jour  de  l'incubation  ;  il  y  avait  ensuite  d'un  côté  deux  petites  vésicules  dont 
on  devait  prendre  l'une  pour  la  cellule  des  corps  quadrijumeaux  et  l'autre 
pour  la  cellule  du  troisième  ventricule.  De  l'autre  côté,  il  y  avait  seulement 
une  vésicule  commune  plus  volumineuse.  Les  deux  moitiés  latérales  de  ces 
parties  étaient  directement  unies  entre  elles. 

Dans  les  deux  corps,  les  lames  abdominales  étaient  normalement  confor- 
mées jusqu'au  col;  mais  elles  ne  se  prolongeaient  pas  au  delà,  de  sorte  que 
les  cols  et  la  tète  commune  étaient  constitués  seulement  par  les  lames  dor- 
sales et  les  parties  qui  forment  la  colonne  vertébrale.  Une  lame  abdominale 
de  l'un  des  embryons  passait  de  chaque  côté,  sans  interruption,  dans  une 
lame  abdominale  de  l'autre  embryon;  elles  étaient  situées  dans  le  plan  de 
la  membrane  germinative  et  dirigées  vers  le  petit  bout  de  l'œuf.  La  même 
lame,  sans  aucune  interruption,  formait  la  paroi  gauche  du  ventre  de  l'un 
des  corps  et  la  paroi  droite  de  l'autre,  et  de  même,  une  autre  lame  formait 
sans  interruption  l'autre  côté  des  parois  abdominales. 

Ainsi,  de  chaque  côté,  il  y  avait  une  lame  ventrale  non  interrompue  qui 
appartenait  à  chacun  des  deux  corps  ;  et  dans  la  partie  moyenne,  où  la  tête 
commune  avait  la  direction  du  petit  bout  de  l'œuf,  chaque  lame  Tentrale 
formait  avec  l'autre  un  angle  dont  le  sommet  était  dirigé  vers  la  tète  et  dont 
les  côtés,  au  voisinage  de  cet  angle,  étaient  rapprochés  comme  s'ils  devaient 
se  réunir  plus  tard.  Cela  serait  arrivé  d'autant  plus  vraisemblablement  que 
les  deux  cœurs  étaient  placés  dans  les  deux  angles  formés  par  les  lames  ab- 
dominales et  que  l'on  pouvait  reconnaître  sur  chaque  angle  la  place  de  la 
bouche  qui  n'était  pas  encore  ouverte  (1). 

Deuxième  fait.  —  Reichbrt,  œuf  de  poule. 

XIII.  —  «  Nous  avons  reçu,  dit  Bischofif  (2),  récemment  de  Reichert  une 
notice  sur  deux  formations  ûe  jumeaux,  dont  une  description  plus  complète 
est  encore  à  venir.  Une  de  ces  formations  doubles  se  trouva  dans  un  œuf 

(1)  Ueber  einen  DoppeL-Embryo  rom  Huhne  aus  dem  Anfange  des  dritten 
Tages  der  Behriitung,  von  Prop.  Baer,  in,  Aaceiv.  fur  anat.  um>  physiol., 
von  J.  F.  Meckel.  1827,  vol.  II,  p.  576. 

(2)  Voy.  Bischoff,  art.  cité. 


l'JO 
de  poule  au  milieu  du  troisième  jour  de  l'incubation.  11  y  avait  aussi  là  deux 
embryons  sur  un  seul  et  même  globe  vitellin.  Ces  embryons  s'étaient  accrus 
avec  leurs  extrémités  céphaliques  réunies  et  allaient  en  arrière  en  dixer- 
geant.  Ils  avaient  tous  deux  un  cœur  commun  en  fer  à  cheval  et  une  area 
vasculosa  commune. 

«  L'autre  cas  concerne  un  œuf  d'écrevisse »  (Voyez  ce  cas  ci-dessus 

n°  VII.) 

g  Troisièmf  fait.  —  WoLFF,  œuf  de  poule. 

XIV.— A.  propos  d'un  fait  rapporté  ci-dessus  (voy.  n»  IX),  Wolff  dit  avoir  tu 
un  second  cas  analogue  sur  un  œuf  de  poule  couvé  depuis  trois  jours.  Dana 
ce  cas,  il  y  avait  un  monstre  double  à  deux  corps.  L'aire  vasculaire  unique 
était  aussi  entourée  par  une  seule  veine  terminale  et  elle  était  également 
pourvue  d'un  double  système  vasculaire  dont  l'ensemble  représentait  parfai- 
tement un  seul  système  commun  (l). 

Quatrième  fait.  —  Allen  Thompson,  œuf  d'oie  (pi.  I,  fig.  17). 

XV.  —  Il  s'agit  d'un  œuf  d'oie  observé  par  M.  Allen  Thomson,  en  1830;  l'in- 
cubation date  de  cinq  jours.  (Cette  période  de  l'incubation  chez  l'oie  corres- 
pond à  la  moitié  du  troisième  jour  chez  la  poule.) 

Le  jaune  est  unique  et  plus  volumineux  que  d'ordinaire.  Sur  ce  jaune 
existe  une  membrane  germinative  unique  et  qui  s'étend  sur  une  portion 
considérable  de  sa  surface.  Au  centre  de  l'aire  transparente  se  trouvent  deux 
embryons  disposés  l'im  par  rapport  à  l'autre  en  forme  de  croix  et  réunis 
par  la  poitrine.  L'aire  transparente  offre  aussi  une  forme  cruciale  comme  si 
elle  était  le  résultat  de  la  coalescence  de  deux  aires  appartenant  chacune  à 
un  embryon  distinct. 

L'aire  vasculaire  commune  était  circonscrite  par  un  sinus  terminal  uni- 
que, et  ses  veines,  qui  se  portaient  vers  le  cœur  des  deux  embryons,  pa- 
raissaient également  être  uniques;  mais,  sous  ce  rapport,  il  n'y  a  point  de 
certitude  complète,  car,  au  moment  où  l'on  en  fit  l'examen,  les  embryons 
étaient  morts  depuis  quelque  temps  et  la  circulation  avait  entièrement 
cessé. 

Les  têtes  sont  complètes,  non  réunies  et  disposées,  l'une  par  rapport  à 
l'autre,  comme  les  branches  d'une  croix.  Au-dessous  de  la  portion  croisée, 
les  parties  dorsales  et  abdominales  des  colonnes  vertébrales  vont  en  diver- 
geant par  une  courbure  brusque.  Dans  cette  portion  croisée,  par  laquelle  les 
embryons  sont  réunis,  existe  un  cœur  unique  et  commun  aux  deux  indivi- 
dus, et  chacun  possède  sa  paire  d'artères  et  de  veines  omphalo-mésen- 
tériques  qui  se  ramifient  sur  l'aire  vasculaire. 

1)  Wolff,  observ.  cit.,  p.  468  et  480. 


197 

La  plus  grande  portion  des  colonnes  vertébrales  et  des  parties  adjacentes 
sont  à  plat  dans  la  membrane  germinative.  Dans  cette  portion  de  chaque 
embryon  les  lames  abdominales  sont  apparentes,  mais  elles  ne  renferment 
point  encore  l'intestin.  Enfln,  dans  les  deux  individus,  les  rudiments  des  ex- 
trémités supérieures  et  inférieurs  sont  déjà  apparents. 

Les  tètes  adjacentes  des  embryons  étaient  recouvertes  par  le  capuchon 
céphalique  de  l'amnios,  et  les  extrémités  inférieures  par  le  repli  du  capu- 
chon caudal  qui  avait  commencé  à  se  lever  de  la  couche  séreuse  de  la  mem- 
brane germinative. 

La  direction  des  deux  embryons,  par  rapport  à  l'axe  de  l'œuf,  est  contraire 
à  celle  que  l'on  observe  presque  invariablement  dans  l'état  ordinaire  (1). 

Cinquième  fait.  —  Lebert,  œuf  de  poule. 

XYI.  -  «  M.  Lebert  a  observé  un  cas  de  ce  genre  (monstruosité  double)  sur 
un  œuf  de  poule  incubé  depuis  six  jours.  Les  deux  embryons  étaient  réunis 
par  la  partie  antérieure  de  la  poitrine.  L'œuf  n'offrait  du  reste  rien  d'extraor- 
dinaire et  n'avait  qu'un  seul  jaune,  en  sorte  que  les  deux  poulets  s'étaient 
développés  dans  la  même  cicatricule  (2).  » 

Sixième  fait.  —  Dareste,  œuf  de  poule. 

XVII.  —  «  Plusieurs  œufs  qui  avaient  été  soumis  à  l'incubation  dans  ces 
conditions  (température  trop  basse  ;  mort  de  l'embryon  avant  la  formation 
de  l'allantoïde),  m'ont  présenté  certaines  particularités  qui  doivent  être 
notées. 

«  Un  de  ces  embryons  était  double.  Il  s'était  formé  sur  une  cicatricule  uni- 
que appartenant  à  un  vitellus  unique.  Il  ne  présentait  qu'une  seule  tète  et 
qu'un  seul  cœur  ;  mais  les  troncs  étaient  doubles  et  s'écartaient  l'un  de 
l'autre  sur  une  ligne  droite  (3).  » 

Septième  fait?  —  RÉATOIUR,  œuf  de  poule. 

XVIII.  —  «  Le  hasard  a  voulu  que  le  premier  poulet  que  j'ai  été  bien  sûr 
d'avoir  vu  dans  un  œuf  déverni  était  un  poulet  monstrueux  ;  il  n'avait  qu'une 
tête,  un  corps,  deux  ailes,  mais  il  avait  quatre  jambes  et  quatre  cuisses.  Les 
physiciens  n'ont  pas  besoin  que  je  m'arrête  à  prouver  que  le  vernis  n'avait 
en  rien  contribué  à  cette  production  monstrueuse;  qu'il  n'était  pas  cause 
qu'il  y  avait  eu  un  germe  de  plus  dans  cet  œuf  que  dans  le  commun  des 


(1)  A-llen  Thomson,  mém.  cité,  p.  487. 

(2)  Lebert,  Comptes  rendus  de  la  Soc.  de  biologie,  t.  I,  p.  10,  anaée  1849. 
Paris,  1850. 

(3)  Camille  Dareste,  Note  sur  quelques  faits  relatifs  an.  dérclnppcment  du 
poulet,  Comptes  rendus  de  la  Soc.  de  BioLor.iE;  janvier  1860,  t.  Il,  3°  série-. 


19S 
œufs;  de  ce  qne  les  deux  germes  s'v  étaient  ri'Minis  pt  qu'il  n'était  resté  à 
l'extérieur  que  les  deux  cuisses  et  les  deux  jambes  de  l'animal  d'un  de  ces 
germes  (1).  » 

Huitième  fait? -^Ét.  GEOFPROT-SArNT-Hn.AinE,  muf  do  poule. 

XIX.  —  A  propos  de  l'œuf  à  vitellns  multiples,  nous  rapporterons  un  cas 
de  poulet  double  obserté  par  Etienne  Geoffroy  Saint-Hilaire,  et  qui  devrait 
peut-être  trouver  ici  sa  place  (Foy.  part.  II,  sect.  i,  §  8). 

Neimème  fait?  — Valentin,  œuf  de  poule. 

XX.  —  Un  autre  fait,  qui  doit  probablement  aussi  trouver  sa  place  parmi 
les  cas  d'œufs  à  deux  germes,  a  été  observé  par  M.  Yalentin.  Le  savant  pliy- 
siologiste  s'était  proposé  de  pratiquer  quelques  lésions  sur  le  blastoderme 
ou  sur  l'embryon  de  la  poule,  à  une  époque  fort  peu  avancée  du  développe- 
ment, et  de  continuer  l'incubation  afin  de  voir  ce  qu'il  en  adviendrait. 

Un  des  œufs  offrit  un  résultat  digne  de  remarque  :  l'embryon,  au- 
quel on  avait  pratiqué  une  lésion  à  l'extrémité  caudale,  au  second  jour  de 
l'incubation,  offrit,  au  cinquième  jour  les  rudiments  d'un  double  bassinet 
quatre  extrémités  postérieures  (2). 

Une  expérience  de  ce  genre  est  environnée  de  trop  de  diflicultés  pour 
qu'elle  soit  concluante  d'après  un  seul  cas.  On  pourrait  croire  que  le  hasard 
a  placé  sous  l'œil  de  l'observateur  un  œuf  qui  eût  donné  naturellement  un 
monstre  double. 

Jacobi,  Rathke,  Baer,  Vaientin,  de  QnATREFAGES,  GosTB,  LEREBortiET,  œnfs  de 

poissons. 

Chez  les  poissons,  l'existence  de  deux  embryons  (séparés  ou  plus  ou  moins 
unis)  sur  un  vilellus  unique,  n'est  pas  très-rare.  La  fécondation  artificielle  et 
la  conservation  des  œufs  fécondés  dans  un  but  de  propagation,  en  offrent 
chaque  jour  des  exemples  aux  observateurs.  Nous  nous  bornerons  donc  à 
une  simple  mention  des  faits  qui  ont  ét(i  publiés. 

XXI.  —  Jacobi,  à  qui  l'on  doit  les  premières  expériences  de  pisciculture, 
est  aussi  le  premier  qui  ait  observé  la  duplicité  embryonnaire  chez  les  pois- 
sons. «  En  faisant  éclore  des  truites,  j'ai  quelquefois  remarqué,  dit  ce  sa- 
vant, quantité  d'avortons  ou  de  monsires,  certaines  années  plus,  d'autres 
moins;  quelques-uns  avaient  deux  tètes. 

«  De  tous  ces  avortons  jamais  aucun  n'a  vécu  jusqu'à  six  semaines,  c'est- 

(1)  De  Réaumur,  Mém.  pour  servir  a  t/histoire  des  insectes,  t.  il,  p.  4?, 
1736. 
■    f")  DisPhoff,  art.  cité  c!  Valenlin,  Repertouiiibi,  vo'.  Il,  p.  108, 


199 

à-dire  au  delà  du  terme  où  la  matière  contenue  dans  la  membrane  ou  le  sac 
de  l'œuf  et  qui  leur  sert  d'estomac  peut  suffire  à  la  nourriture  (1).  » 

XXII.  —  Rathke,  au  rapport  de  Baer,  a  vu  des  monstres  doubles  chez  la 
blennie. 

XXIII.  —  Baer,  en  1835,  a  observé  deux  œufs  de  perche  pris  dans  la  Neva, 
qui  portaient  tous  les  deux  un  embryon  à  deux  tètes;  l'un  avait  en  outre  un 
double  corps.  Chacun  de  ces  œufs  était  du  reste  simple,  mais  plus  grand  que 
d'ordinaire  (1). 

XXIV.  —  Parmi  917  œufs  de  brochet  éclos  qui  furent  examinés  par  M.  Va- 
lentin,  6  possédaient  un  embryon  plus  ou  moins  double  ;  ces  œufs  prove- 
naient du  lac  de  Biel;  ils  avaient  été  fécondés  artificiellement  (3). 

XXV. —  En  1855,  M.  de  Qiiatrefages  a  donné  dans  le  Compte  rendu  de 
l'Académie  des  sciences  la  description  d'un  embryon  double  de  poisson 
dont  il  a  suivi  pendant  un  certain  temps  le  développement  (4). 

XXVI.  —  A  l'occasion  de  la  communication  de  M.  de  Quatrefages,  M.  Coste 
a  mis  sous  les  yeux  de  l'Académie  douze  embryons  de  poisson  atteints  de 
duplicité.  «  Dans  l'espace  de  deux  mois,  dit  ce  savant,  de  décembre  en  jan- 
vier dernier,  sur  400,000  embryons  de  truite  des  lacs,  de  saumon,  d'ombre- 
chevalier  éclos  dans  mes  appareils,  j'ai  trouvé  plus  de  100  monstres  dou- 
bles (5).  I» 

XXVII,  —  M,  Lereboullet  a  observé  à  la  même  époque  des  monstres 
doubles  chez  des  embryons  de  brochet  (6). 

D'après  les  faits  rapportés  parées  divers  observateurs,  les  poissons  chez 


(1)  Mém.  du  comte  de  Golstein,  trad.  en  partie  dans  les  Soirées  helvé- 
tiennes;  complet  dans  Duhamel  du  Monceau,  Traité  général  des  pêches, 
2»  partie,  sect.  2,  art.  8,  p.  211,  in-fol.  Paris,  1772. 

(2)  C.  E.  a  Baer,  Ueber  doppelleibige  Missgeburten,  s.  S,  taf.  i,  fig.  1-5, 
cité  par  Dalton. 

(3)  Valentin,  Recherches  sur  1p  développement  des  monstres  douilles,  Compt. 
rend.  soc.  BIOL.jt.  IV,  p.  99,  1852. 

(4)  De  Quatrefages,  Compte  rendo  des  séances  de  l'âcad.  des  sciences, 
t.  XL,  p.  626, 19  mars  1855. 

(5)  Coste,  Compte  rendd  "des  séances  de  l'Acad.  des  sciences,  t.  XL, 
p.  868,  avril  1855. 

(6)  Lereboullet,  Compte  rendu  Académie  bes  sciences,  t.  XL,  p.  916 , 
avril  1855. 


lesquels  la  duplicité  embryonnaire  a  été  observée  sont  :  la  perche  (Perça 

fluvialis),  la  bleiinie  [Blennius ?),  le  brochet  {Esox  hicius),  le  saumon 

{Salmo  salar),  la  truite  (Salmo  fario),  l'ombre-chevalier  {Salmo  umbla). 

La  duplicité  s'est  montrée  suivant  les  formes  et  suivant  les  degrés  les  plus 
variés.  «  11  s'en  est  trouvé,  dit  Jacobi,  qui  avaient  deux  tûtes  avec  un  seul 
corps,  d'ailleurs  régulier;  d'autres  n'avaient  qu'un  ventre  à  deux,  et  paimi 
ces  derniers  on  en  voyait  dont  les  ventres  s'étaient  tellement  confondus 
qu'ils  semblaient  attachés  l'un  à  l'autre  dans  toute  leur  longueur;  d'autres 
tenaient  ensemble  comme  si  l'on  avait  vu  deux  truites  l'une  à  côté  de  l'au- 
tre dans  l'eau.  Quelques-uns  présentaient  doux  corps  qui  allaient  se  con- 
fondre en  une  seule  queue  ;  mais  le  plus  extraordinaire  de  ces  monstres 
était,  sans  contredit,  celui  qui  était  formé  par  deux  petits  poissons  réunis  en 
croix  et  n'ayant  qu'un  seul  ventre  commun  (l).  » 

Les  deux  sujets  composant  l'embryon  double  ne  sont  pas  toujours  égale- 
ment développés;  souvent  l'un  des  deux  est  plus  petit  que  l'autre,  et  même 
quelquefois  tout  à  fait  rudimentaire.  On  voit  parfois  aussi  chez  l'un  ou  chez 
les  deux  sujets  les  déformations  ouïes  anomalies  qui  constituent  les  mons- 
tres unitaires. 

Généralement  les  embryons  doubles  des  poissons  ne  sont  point  viables, 
ainsi  que  l'avait  observé  Jacobi;  ils  périssent  à  l'époque  où  se  termine  la  vie 
embryonnaire;  toutefois,  chez  les  poissons  aussi  bien  que  chez  les  mammi- 
fères et  les  reptiles,  quelques-uns  de  ces  monstres  prolongent  leur  existence 
au  delà  de  ce  terme. 

Section  II.  —  Anomalie»  relatives  an  Titcllns. 

Les  anomalies  qui  portent  exclusivement  sur  le  vitellus  ont  été 
rarement  mentionnées.  Celles  que  nous  connaissons  consistent  dans 
un  changement  de  la  forme  de  ce  corps  ou  dans  la  fusiou  de  deux 
sphères  vilellines. 

g  I,  —  Fusion  do  deux  vitellus. 

L  —  Harvey  désigne  probablement  une  fusion  de  deux  vitellus  dans  la 
phrase  suivante  :  Alia  quoque  ova  vidimus  cum  Unis  vitellis  quaai  connas- 
centibus,  quitus  utrisque  unicum  albumen  commune  circumfundebatur  (2). 

II.  —  Dernièrement,  M.  Daueste  en  a  observé  deux  cas  parmi  trois  œufs 

(1)  Mém.  cité,  et  Gleditscb,  Collection  acad.,  t.  IX,  appcnd.,  p.  45. 

(2)  G.  Harvey,  Exekc.  de  gbneratione  animalutm,  excrcit.  xxiv.  Liigdunl 
r.at.,  1737,  p.  98, 


201 

provenant  d'une  poule  de  la  race  Bramah-pouira.  Ces  œufs  avaient  un  to- 
lume  plus  considérable  que  d'ordinaire;  ils  contenaient  deux  vitellus  soudés 
entre  eux,  de  telle  sorte  que  la  substance  vitelline  pouvait  facilement  passer 
de  l'un  à  l'autre.  La  réunion  n'avait  lieu  que  dans  un  petit  espace.  «  Chacun 
de  ces  deux  vitellus  portait  un  embryon  vivant  et  parfaitement  séparé  de 
son  frère  jumeau.  Celui  qui  était  le  plus  voisin  de  la  chambre  à  air  pré- 
sentait un  volume  un  peu  plus  considérable  que  l'autre;  mais  toutefois  sans 
grande  différence.  »  Ces  embryons  étaient  morts  (accidentellement)  au  mo- 
ment de  la  formation  de  l'allantoïde  (1). 

III.  —  M.  Serres  a  vu  dans  l'œuf  d'un  pigeon  une  disposition  toute  diffé- 
rente :  «  les  deux  cicatricules  s'étaient  pénétrées  quoique  les  deux  vitellus 
fussent  inférieurement  séparés  (2).  » 

g  II.  —  Variations  de  forme  du  vitellus. 

(i  Parmi  le  grand  nombre  d'œufs  ovariques  de  mammifères  et  de  femmes 
que  j'ai  examinés,  dit  Bischoff,  il  s'en  est  trouvé  plusieurs  dont  la  confi- 
guration s'écartait  de  celle  qui  est  ordinaire;  tels  sont  les  cas  dans  lesquels 
le  jaune  ne  remplit  pas  entièrement  la  zone,  affecte  une  forme  biconvexe  ou 
biconcave,  au  lieu  d'une  forme  sphérique,  et  se  trouve  divisé  en  deux  ou 
plusieurs  parties  (pi.  I,  iig.  13).  Quoique  en  général  les  ovules  soient  des 
sphères  parfaites,  il  m'est  arrivé  quelquefois  d'en  trouver  qui  avaient  la  forme 
d'un  œuf,  d'une  poire,  d'un  biscuit,  tant  parmi  les  œufs  ovariques  non  fé- 
condés que  parmi  les  œufs  tubaires  fécondés  (3).  « 


Section  III,  — Anomalies  eoniplexes  ou  Indéterminées. 

§  I.  — M.  Earrya  observé  deux  œufs  de  lapin  qui  offraient,  dans 
leurs  parties  internes,  une  disposition  particulière  et  dont  la  nature 
est  difficile  à  apprécier;  peut-être  dans  l'un  de  ces  corps  existait-il 
une  duplicité  delayésicule  germinative  (pi.  I,  Iig.  14). 

1°  «  Le  corps  représenté  dans  la  pi.  viii,  fig.  144,  dit  M.  Barry,  a  été  trouvé 
avec  quatre  œufs  dans  l'utérus  à  3/4  de  pouce  du  tube  de  Fallope.  La  période 
de  rimprégnatiou  était  la  cent  onzième  heure  et  demie.  Ces  œufs  avaient  1/3 


(1)  Dareste,  note  citée. 
C^)  Serres,  mém.  cité,  p.  92. 

(3)  T.  L.  G.  Bischoff,  TiiAiTii;  du  nÉvELOPi'FMExr  de  l'homme  et  dksmvm- 
MiFÈREs,  trad,,  p.  18  et  557.  Paris,  1843. 


202 
(le  ligne.  Le  corps  ea  question  avait  1/11  de  ligne;  il  était  constitué  par  les 
parties  suivantes  :  une  membraue  externe  (,«),  épaisse  et  transparente  {sona 
peUucida  de  l'œuf  ovarien),  une  membrane  intérieure  piriforme  th)  ayant 
1/20  de  ligne  de  longueur,  et  d'une  grande  épaisseur;  celle-ci  contenait  deux 
vésicules  dont  l'une  avait  1/50  de  ligne  et  l'autre  1/30  de  ligne;  les  mem- 
branes de  ces  deux  vésicules  avaient  aussi  une  épaisseur  considérable. 
Toutes  ces  menabranes  étaient  transparentes  et  contenaient  un  liquide  inco- 
lore et  transparent.  Les  deux  petites  vésicules  offraient  à  leur  centre  une 
masse  d'apparence  granulée.  Je  suis  disposé  à  penser  que  ce  corps  était  un 
œuf,  mais  il  n'est  pas  facile  de  déterminer  la  nature  de  ses  pai  ties.  » 

1'  «  Une  autre  fois,  j'ai  trouvé  dans  l'utérus  un  corps  de  1/6  de  ligne  et 
semblable  au  précédent  ;  mais  la  seconde  membrane  [b]  n'existait  pas  (1).  » 

§  II.  —  Chez  le3  huîtres  conservées  dans  des  parcs,  j'ai  observé  des 
anomalies  de  l'ovule  très-fréquentes  et  assez  notables. 

Les  ovules  de  ces  huîtres  diffèrent  ordinairement  de  ceux  des  huîtres  ré- 
cemment pèeliées  en  mer.  Us  sont  fréquemment  plus  opaques,  de  sorte  que 
la  vésicule  germinative  n'est  pas  apparente;  leur  membrane  vitelline  a  plus 
de  consistance,  d'où  résulte  moins  de  tendance  à  se  déformer  et  à  se  rom- 
pre; enfin,  si  l'on  en  examine  un  certain  nombre  à  la  fois,  on  observe  que 
leur  volume,  au  lieu  d'être  uniforme,  est  généralement  très-variable,  et  que 
la  plupart  semblent  avoir  subi  un  arrêt  dans  leur  développement  et  quelque 
changement  dans  leur  constitution  (2). 

Sectioiv  IT.  — Causes  des  anomalies  primitives  de  Pceuf. 

§  I.  —  D'après  les  faits  rapportés  ci-dessus,  on  peut  juger  que  les 
anomalies  qui  atteignent  l'œuf  à  l'ovaire  sont  rares  et  très-peu  variées. 
La  cause  en  est,  d'une  part,  à  ce  que  l'ovule  est  un  organe  très-simple 
et,  d'une  autre  part,  à  ce  que  l'ovaire,  profondément  situé,  est  géné- 
ralement à  Tabri  des  influences  extérieures.  Si,  chez  certaines  huî- 
tres que  l'on  conserve  dans  des  parcs,  les  anomalies  de  l'ovule  sont 
très-fréquentes,  cela  tient  à  ce  que  l'ovaire,  placé  immédiatement 
sous  la  coquille,  subit  les  variations  de  température  auxquelles  on 


(1)  Docteur  Martin  Barrv,  Rcsearches  in  Emhryology,  in  Philos,  transact. 
OF  THE  Royal  Society  of  London  for  the  year  lS39,part.  1,  p.  364,  §  308. 

(1)  C.  Davaine,  REcnicRcnns  sur  la  génération  des  huîtres,  p.  28,  Paris, 
1853,  etMÉM.  .Soc.  biologie,  1852. 


203 

soumet  chaque  jour  ces  mollusques.  En  effet,  on  sait  que,  en  été, 
pour  empêcher  les  huîtres  de  frayer,  ce  qui  les  amaigrit,  on  les  retire 
le  soir  sur  les  bords  des  parcs  et  qu'on  les  y  laisse  exposées  hors  de 
l'eau  pendant  toute  la  nuit.  Elles  subissent  ainsi  journellement  des 
alternatives  de  chaleur  et  de  froid  qui  peuvent  donner  jusqu'à  20»  de 
différence  (1). 

§  IL —  L'anomalie  qui  nous  intéresse  le  plus,  à  savoir  la  duplicité 
de  la  vésicule  germinative,  ne  peut  dépendre  d'une  influence  exté- 
rieure ou  d'une  cause  étrangère  à  l'ovaire.  Il  est  assez  clair,  d'après 
le  mode  de  formation  de  l'ovule,  que  la  duplicité  de  la  vésicule  ger- 
minative doit  son  origine  à  quelque  vice  de  conformation  de  la  vé- 
sicule ovarienne.  En  effet,  quoique  normalement  une  vésicule  ova- 
rienne ne  produise  qu'un  seul  ovule,  il  peut  arriver  cependant  qu'elle 
en  produise  deux  et  môme  trois.  «Je  suis  parfaitement  certain,  dit 
«  Bischoff,  d'avoir  vu  deux  fois,  chez  la  lapine,  deux  œufs  contenus 
«  dans  une  même  vésicule  de  Graaf  et  nichés  dans  la  même  membrane 
a  granuleuse;  ce  qui  prouvait  qu'ils  ne  pouvaient  point  provenir  de 
t  deux  follicules  différents.  Baer  a  fait  la  même  observation  sur  la 
«  chienne  et  peut-être  aussi  sur  la  truie.  Bidder  a  également  décrit 
«  avec  beaucoup  de  soin  deux  ovules  renfermés  dans  un  même  foUi- 
«  cule  chez  une  vache.  »  —  «  J'ai  encore  eu  tout  récemment  l'occasion 
rt  de  répéter  la  même  observation  sur  une  lapine  (2).  »  M.  Serres  a  vu 
chez  la  poule  deux  ovules  dans  une  seule  vésicule.  Ce  savant  rapporte, 
à  cette  occasion,  que  Valentin  en  a  observé  trois,  et  Barry  deux  et 
quatre  chez  le  chien,  et  que  ce  dernier,  en  outre,  en  a  vu  deux  chez  le 
saumon  (3).  Enfin,  M.  Morel  a  donné  dernièrement  l'observation  et  la 
figure  de  deux  ovules  qu'il  a  trouvés  dans  une  vésicule  de  Graaf  chez 
la  femme  (i). 

Que  deux  ovules,  formés  dans  la  même  vésicule,  au  contact  l'un  de 
l'autre,  s'enveloppent  d'une  membrane  vitelline  commune,  cela  se  con- 
çoit, et  les  faits  observés  par  M.  Dareste  prouvent  surabondamment  la 


(1)  C-  Davaine,  mém.  cité,  p.  29. 

(2)  Bischoff,  ouvr.  cité,  p.  19  et  557. 

(3)  Serres,  méra.  cit.,  p.  91. 

(4)  C.  Morel,  Prkcis  d'histologie  hum*ine,  p.    89,  pi.  xxi,  fig-.  7,  iu-b. 
Paris,  1860. 


204 

réalité  du  l'ait  ;  or  l'existence  de  deux  vésicules  germinatives  dans  uu 
seul  yitellus  peut  n'être  qu'un  degré  de  plus  dans  la  fusion  de  deux 
ovules.  On  est  d'autant  mieux  autorisé  à  adopter  cette  manière  de 
Toir  que,  parmi  les  faits  rapportés  ci-dessus,  plusieurs  fois  le  vitellus 
avait  un  volume  plus  grand  que  d'ordinaire  :  tels  sont  les  cas  de  Fa- 
brice et  de  Simpson  chez  la  poule,  d'Allen  Thomson  chez  l'oie,  de 
Baer  chez  la  perche.  Mais  quelle  est  la  condition  qui  fait  naître  deux 
ovules  dans  un  seul  follicule  ?  Probablement  un  vice  de  conformation 
fort  simple,  et  que  je  crois  assez  commun  dans  les  organes  élémen- 
taires de  sécrétion,  une  fusion  de  deux  follicules  en  un  seul.  Telle  se- 
rait donc,  telle  est  donc  probablement  la  condition  qui  donne  deux 
vitellus  plus  ou  moins  complètement  fusionnés  ensemble,  deux  vési- 
cules germinatives  dans  un  seul  vitellus.  Une  condition  si  peu  impor- 
tante que,  dans  quelque  autre  glandule,  l'anatomisle  dédaigoerait  de 
s'y  arrêter,  peut  sans  doute  devenir,  par  la  constitution  qu'elle  im- 
prime à  l'ovule  et  par  la  série  des  développements  de  celui-ci,  la  cause 
des  anomalies  les  plus  graves  et  les  plus  extraordinaires  auxquelles 
l'homme  et  les  animaux  sont  exposés.  C'est  ce  que  nous  allons  voir. 


Sectioiv  V.  —  ICffets  des  anomalies  primitives  de  l'œaf. 

§  1.  —  Une  malformation  aussi  complète  que  celle  qu'observa  Barry, 
l'atrophie  du  vitellus  sont  évidemment  incompatibles  avec  le  dévelop- 
pement embryonnaire.  Quant  aux  variétés  de  la  tache  germinative 
observées  par  Wagner,  quant  à  celles  de  la  forme  du  vitellus  obser- 
vées par  Bischoff,  nous  n'en  pouvons  rien  préjuger.  Il  n'en  est  pas  de 
même  de  l'existence  de  deux  vésicules  germinatives  dans  un  seul  vi- 
tellus ou  peut-être  de  la  coalescence  de  deux  vitellus. 

§11.— D'après  les  relations  qui  existent  manifestement  entre  les  faits 
ci-dessus  rapportés  dans  l'ordre  de  leur  complexité,  on  ne  serait  pas 
éloigné,  au  premier  abord,  de  considérer  la  duplicité  de  la  vésicule 
germinative  comme  la  condition  de  la  formation  de  deux  embryons 
qui  tôt  ou  lard  s'unissent  par  quelque  partie  de  leur  corps.  Cette  ma- 
nière de  voir  nous  parait,  en  effet,  la  théorie  la  ])lus  rationnelle  de 
toutes  celles  qui  ont  été  données  pour  expliquer  l'origine  des  mons- 
tres doubles. 


205 
La  question  du  développement  de  l'œuf  à  deux  vésicules  germi- 
natives  va  donc  nous  occuper. 

Dans  la  classe  des  oiseaux,  laquelle  nous  a  offert  les  faits  les  plus 
nombreux  et  les  mieux  observés,  la  vésicule  germinative  est  logée 
dans  une  partie  spéciale  qu'on  appelle  cicatricule.  A  l'époque  de  la 
maturité  de  l'œuf,  la  vésicule  a  déjà  disparu  et  le  développement  em- 
bryonnaire procède  de  la  cicatricule  qui,  constamment,  est  située  à 
la  surface  du  vitellus  (pi.  I,  lig.  3  c). 

Lorsqu'il  existe  sur  un  vitellus  deux  vésicules  germinatives  ou  deux 
cicatricules,  elles  peuvent  être  fort  éloignées  ou  même  opposées  l'une 
à  l'autre,  ou  bien,  au  contraire,  plus  ou  moins  rapprochées,  ainsi 
qu'on  en  peut  juger  par  les  faits  connus.  Dans  l'un  et  l'autre  cas,  le 
développement  de  l'œuf  peut  déterminer,  comme  nous  allons  le  voir, 
la  formation  de  monstres  doubles,  toutefois  par  deux  procédés  diffé- 
rents. 

Avant  d'exposer  ces  procédés,  il  est  nécessaire  de  rappeler  quels 
sont  et  comment  se  succèdent  les  phénomènes  initiaux  de  la  forma- 
tion embryonnaire  normale. 

A.  —  Aperçu  sur  le  développement  de  l'œuf  normal. 

I IIL  —  Le  premier  effet  du  développement  de  la  cicatricule  est  la 
formation  d'une  membrane  plane,  à  contour  arrondi  et  étalée  à  la  sur- 
face du  jaune  (pi.  I,  fig.  4)  ;  cette  membrane,  que  l'on  appelle  le  blas- 
toderme ou  la  membrane  germinative^  s'agrandit  et  envahit  d'heure 
en  heure  un  plus  grand  espace  sur  le  vitellus.  Bientôt  on  y  reconnaît 
deux  zones  concentriques,  l'une  centrale  (c),  de  forme  ovale,  claire 
(aire  transparente),  l'autre  entourant  complètement  celle-ci  (6),  beau- 
coup plus  grande  proportionnellement  et  opaque  (aire  vasculaire). 

C'est  dans  la  première  que  se  constitue  l'embryon.  Dans  la  seconde 
se  forment  des  vaisseaux  dont  l'un,  central,  est  un  organe  de  propul- 
sion du  sang,  un  cœur  en  un  mot,  quoiqu'il  diffère  alors  beaucoup 
du  cœur  du  fœtus  qu'il  doit  constituer  plus  tard.  Un  vaisseau  circu- 
laire se  forme  autour  de  la  zone  vasculaire  qu'il  limite  extérieure- 
ment (e)  ;  ce  vaisseau  rapporte  le  sang  au  cœur  et  fait  Tofflce  d'une 
veine  (veine  ou  sinus  terminal). 

Trois  couches  ou  feuillets  superposés  composent  le  blastoderme  : 

hd.  couche  profonde  (Qg.  5  e;  lig.  6  d)  envahit  de  plus  en  plus  la 


206 

surface  du  vilellus  qu'elle  recouvre  enfiu  tout  entier  ;  elle  forme  alors 
la  vésicule  ombilicale  destinée  à  nourrir  i'embryou  des  matériaux  du 
jaune  qu'elle  renferme;  de  celte  couche  naîtront  encore  les  intestins 
et  une  membrane  qui,  s'étalant  au  dehors,  servira  temporairement 
à  la  respiration  de  l'embryon  (allantoïde). 

La  couche  moyenne  (lig.  5  d;  tig.  6  c)  est  constituée  par  l'appareil 
vasculaire  que  nous  avons  décrit  ;  ses  vaisseaux  se  propagent  sur  les 
vésicules  ombilicale  et  allantoïde  à  mesure  que  ces  organes  se  déve- 
loppent. 

La  couche  la  plus  supei'ficielle  (tig.  5  et  Dg.  6  b)  devient  le  siège  des 
changements  les  plus  importants  pour  l'objet  qui  nous  occupe,  chan- 
gements par  lesquels  se  constituent  la  tête  et  le  tronc  de  l'embryon. 
C'est  dans  l'axe  de  l'aire  transparente  seulement  qu'ils  se  passent 
(fig.  4  d;  lig.  3  c)  :  de  chaque  coté  de  cet  axe,  qui  apparaît  comme  un 
trait  délié,  le  feuillet  superficiel  acquiert  de  l'épaisissement  et  forme 
deux  bandelettes  longitudinales  appelées  lames  dorsales  (lig.  6  A,  e), 
qui,  ultérieurement,  envelopperont  le  système  nerveux  central;  bien- 
tôt, en  dehors  de  celles-ci,  se  forment  deux  nouvelles  bandelettes 
longitudinales ,  les  lames  abdominales  (fig.  6  B,  /)  qui  ultérieurement 
formeront  les  parois  latérales  et  antérieures  de  la  poitrine  et  du 
ventre.  Le  centre  du  feuillet  superficiel  de  la  zone  transparente  con- 
stitue donc  alors  un  écusson  oblong,  auquel  on  peut  reconnaîtra  : 

1"  Un  axe  qui  se  confondra  avec  l'axe  embryonnaire; 

2*  Deux  lames  appelées  dorsales,  qui  formeront  la  colonne  verté- 
brale et  la  tête  ; 

3°  Deux  lames  externes  à  celles-ci  qui  formeront  les  parois  de  la 
poitrine  et  du  ventre. 

L'écusson  est  contenu  primitivement  dans  le  plan  du  blastoderme; 
puis,  à  mesure  qu'il  se  développe,  il  s'élève  par  son  centre  et  se  re- 
courbe suivant  les  extrémités  de  son  axe,  et  latéralement  vers  le 
vitellus  sur  lequel  il  repose;  il  offre  alors  l'image  d'une  nacelle  ren- 
versée sur  l'eau  (dg.  G  C).  Les  parties  latérales  de  l'écusson  (lames 
abdominales)  se  portent  déplus  en  plus  Tune  vers  l'autre  en  dessous  ; 
elles  enveloppent  enfin  et  enferment  la  partie  sous-jacente  des  feuil- 
lets moyen  et  profond  du  blastoderme  (lig.  6  C,  cd],  partie  qui  con- 
stituera par  son  développement  les  viscères  Ihoracitiucs  et  abdominaux. 

Ainsi  se  forment  la  tête  et  le  tronc;  les  membres  apparaissent  lors- 
que l'embryon  est  déjà  sorti  du  plan  du  blastoderme;  à  cette  époque 


207 
la  plus  grande  partie  de  cette  dernière  membrane,  étalée  au  dehors 
sur  le  vitellus,  reste  encore  largement  en  commuuicalion  avec  le  nou- 
vel être  et  lui  sert  provisoirement  d'appareil  de  respiration  et  de  nu- 
trition. 

Il  résulte  de  cet  exposé  : 

1°  Que  l'individu  revêt  primordialement  la  forme  d'une  membrane 
pourvue  d'un  cœur,  d'un  réseau  vasculaire,  et  limité  par  un  vaisseau 
circulaire  ; 

2*  Que  la  partie  centrale  de  cette  membrane  se  soulève  et  s'isole 
progressivement  du  reste  pour  former  l'embryon  ; 

3°  Que  celui-ci  procède  d'une  lame  ou  d'une  sorte  d'écusson  dont 
les  bords  s'enroulent,  se  rapprochent  et  constituent  finalement  la  tête 
et  les  parois  du  tronc. 

B.  —  Examen  théorique  du  développement  de  l'œuf  à  deux  germes. 

§  IV.  —  Avec  ces  données,  voyons  d'abord  ce  qu'il  adviendrait  si 
deux  cicatricules  sur  un  vitellus  unique  étaient  trés-éloignées  l'une 
de  l'autre  ou  opposées. 

Dans  une  première  période,  chacune  des  cicatricules  se  développera 
normalement,  et  le  blastoderme  correspondant  s'étendra  à  la  surface 
du  vitellus  sans  aucun  obstacle  ;  mais  il  arrivera  qu'aux  limites  de 
l'hémisphère  qui  lui  appartient,  le  feuillet  profond  de  l'un  des  deux 
blastodermes  destiné  à  envelopper  le  vitellus  pour  former  la  vésicule 
ombilicale,  il  arrivera,  dis-je,  que  ce  feuillet  rencontrera  le  feuillet 
correspondant  de  l'autre  blastoderme,  et  de  là  obstacle  réciproque  à 
tout  accroissement  ultérieur.  Pendant  que  ces  phénomènes  s'accom- 
pliront, au  centre  de  chaque  blastoderme  l'embryon  se  constituera  ; 
il  s'élèvera  au-dessus  du  plan  de  celte  membrane,  et  la  rencontre  des 
deux  feuillets  n'aura  pour  lui  aucun  inconvénient,  car  elle  aura  lieu 
lorsqu'il  sera  tout  à  fait  isolé.  Les  deux  feuillets  profonds  se  joignant 
de  toute  part  doivent  nécessairement  s'unir,  comme  nous  l'établirons 
bientôt;  ils  formeront  dune  une  vésicule  ombilicale  unique  et  com- 
mune aux  deux  embryons.  Or  les  vaisseaux  de  cette  vésicule  qui  pro- 
viendront d'une  double  origine  s'anastomoseront  entre  eux,  et  consti- 
tueront aussi  un  système  unique  et  commun.  A  l'époque  où  elle  se 
complète,  la  paroi  abdominale  tend  à  faire  entrer  le  vitellus  tout  en- 
tier dans  sa  cavité,  mais  chacun  des  embryons  prenant  du  jaune  une 
part  égale,  les  ombilics  largement  ouverts  doivent  venir  au  contact 


208 
l'un  de  l'autre  en  embrassant  la  vésicule  ombilicale  commune.  Celle- 
ci,  par  ses  vaisseaux,  établit  alors  des  communications  vasculaires 
entre  les  deux  sujets;  il  parait  donc  inévitable  que  les  deux  ombilics 
se  fermant  après  l'iucorporation  du  jaune  commun,  ne  contractent 
de  mutuelles  adhérences,  et  qu'il  n'en  résulte  un  fœtus  double  uni 
par  la  région  ombilicale,  en  un  mot,  un  monstre  xiphopage. 

Nous  en  avons  un  exemple  dans  le  cas  de  M.  Simpson,  car  il  est  bien 
probable  que  le  jaune  commun  aux  deux  embryons  était  en  réalité 
simple  ;  il  est  bien  probable  aussi,  nous  dirons  même  certain,  que 
dans  le  cas  de  Wolff  (pi.  I,  fig.  18),  les  deux  embryons  se  seraient 
juxtaposés  dans  une  période  plus  avancée  de  leur  développement  et 
se  seraient  réunis  à  l'ombilic. 

Entin,  dans  les  deux  cas  de  vitellus  partiellement  fusionnés  observés 
par  M.  Dareste,  les  embryons  formés  sur  chacun  de  ces  vitellus  se 
seraient  rencontrés  aussi  par  l'ombilic  au  niveau  du  point  de  fusion 
des  deux  jaunes.  Peut-être  en  serait-il  résulté  une  union  des  deux 
embryons,  union  semblable  à  celle  qu'Etienne  Geoffroy-Saint-Hilaire  a 
Tue  sur  un  œuf  pourvu  de  deux  vitellus  que  le  mirage,  avant  l'incu- 
bation, avait  fait  juger  distincts.  (Voy.  ci-après  œufs  à  deux  jaunes.) 

§  V.  —  Le  procédé  par  lequel  se  fait  l'union  ne  serait  plus  le  même 
si  les  deux  cicatricules  étaient  très-rapprochées. 

A. — Commedans  le  cas  précédent,  le  premier  effet  del'incubation  sera 
la  production  des  deux  membranes  blastodermiques  distinctes,  toutes 
les  deux  normales  et  ayant  toutes  les  deux  pour  centre  de  développe- 
ment leur  cicatricule  propre.  Après  avoir  acquis  un  accroissement 
égal,  parallèle,  si  l'on  peut  ainsi  dire,  les  blastodermes  se  rencontre- 
ront par  un  point  de  leur  circonférence,  et  ils  s'opposeront  dans  leur 
accroissement  l'un  vers  l'autre  un  mutuel  obstacle;  dans  tout  le  reste 
de  la  circonférence,  ils  se  développeront  librement  et  normalement. 
Au  point  de  rencontre,  que  surviendra-t-il?  On  peut  faire  à  ce  sujet 
trois  hypothèses  : 

1°  Les  deux  blastodermes  continueront  à  s'accroître  en  regard  l'un 
de  l'autre  en  se  repoussant  mutuellement; 

2°  L'un  des  blastodermes  se  superposera  à  l'autre  ; 

3"  Le  développement  s'arrêtera  suivant  toute  la  ligne  de  contact. 

Les  deux  premières  hypothèses  ne  peuvent  se  réaliser  ;  il  serait  inu- 
tile d'en  donner  ici  toutes  les  raisons;  il  suffira  de  faire  observer  que 


200 
la  cicatricule  est  maintenue  par  la  membrane  vitelline  qui  la  recouvre 
et  par  la  constitution  toute  spéciale  de  la  portion  sous-jacente  du 
vitellus  (pi.  I,  lig.  3  ac),  portion  du  vitellus  que  le  blastoderme  ne 
pourrait  abandonner  sans  abandonner  en  même  temps  les  éléments 
disposés  pour  satisfaire  aux  premières  phases  de  son  développement. 
Nous  trouverons  d'ailleurs  dans  plusieurs  des  faits  rapportés  ci-dessus 
la  preuve  que  les  choses  se  passent  autrement  que  dans  l'une  ou  l'au- 
tre de  ces  deux  hypothèses. 

Si  les  deux  blastodermes  ne  peuvent  se  repousser  mutuellement  ni 
se  superposer,  la  troisième  hypothèse  seule  peut  se  réaliser.  Ainsi 
donc,  excepté  dans  l'intervalle  des  deux  cicatricules,  les  deux  blasto- 
dermes se  développeront  librement;  au  centre  de  chacun,  dans  le 
feuillet  superficiel,  se  formera  l'écusson  qui  doit  constituer  la  tête  et  le 
tronc  de  l'embryon;  dans  le  feuillet  sous-jacent  se  formera  un  vaisseau 
pulsalile  ou  cœur,  ainsi  qu'un  réseau  de  vaisseaux  en  rapport  avec 
le  cœur  ;  dans  toutes  les  parties  qui  arriveront  successivement  au 
contact,  le  développement  sera  nul.  Or,  suivant  toute  la  ligne  de  con- 
tact, les  deux  blastodermes  ne  pourront  rester  indépendants  ;  il  s'o- 
pérera nécessairement  entre  eux  une  véritable  fusion,  car  ces  deux 
membranes  sont  constituées  par  des  éléments  simples  et  tout  à  fait 
identiques.  Pourquoi  ne  s'uniraient-ils  pas,  lorsque  des  tissus  beau- 
coup plus  complexes,  séparés  des  organes  auxquels  ils  appartiennent 
et  transportés  sur  d'autres  organes,  se  réunissent  avec  les  nouvelles 
parties  qui  se  trouvent  au  contact  et  entrent  avec  elles  en  commu- 
nauté de  circulation  et  de  vie,  lorsque  les  vaisseaux  dans  les  fausses 
membranes  s'abouchent  avec  ceux  des  séreuses  adjacentes?  Les  vais- 
seaux de  l'un  et  de  l'autre  blastoderme  entreront  en  communication, 
comme  ceux  de  toute  autre  greffe  animale,  et  les  deux  veines  termi- 
nales s'abouchant,  formeront  un  système  vasculaire  commun  avec 
deux  centres  de  circulation  distincts. 

Ce  qui  vient  d'être  exposé  comme  une  hypothèse  est  très-probable- 
ment l'expression  des  faits  : 

Dans  la  première  observation  d'Allen  Thompson,  le  blastoderme 
unique  résulte  évidemment  d'uue  fusion  de  deux  blastodermes 
primordiaux;  car,  outre  l'existence  de  deux  embryons  distincts, 
l'aire  transparente  conservait  la  trace  d'une  division  primitive. 

Dans  l'observation  de  Woiff,  deux  embryons  séparés  témoignaient 
aussi  de  l'existence  de  deux  cicatricules  primitives  ;  la  portion  du 
ME?.l.  14 


210 
blastoderme  interposée  aux  embryons  était  incomplète,  et  néanmoins 
les  deux  veines  terminales  s'étaient  abouchées  aux  deux  extrémités 
de  l'axe  d'union. 

B.  —  De  ces  faits  et  des  considérations  qui  précèdent,  il  seilible,  au 
premier  aperçu,  qu'on  ne  peut  déduire  autre  chose  (]ue  la  roales- 
cence  et  la  fusion  vasculaire  de  deux  blastodermes  juxtaposés;  mais, 
dès  l'instant  que  la  coalescence  des  deux  blastodermes  juxtaposés  a 
lieu,  on  doit  en  déduire,  dans  certaines  conditions  données,  la  coa- 
lescence et  la  fusion  des  deux  embryons  eux-mêmes.  En  effet,  sup- 
posons que  les  deux  cicatricules  soient  placées  sur  le  vitellus  à  une 
distance  telle  que  les  deux  blastodeimes  se  rencontreront  en  laissant 
entre  leurs  axes  un  intervalle  correspondant  à  l'épaisseur  des  lames 
dorsales  (pi.  I,  fig.  8),  les  lames  abdominales  internes,  par  rapport  à 
ces  axes,  ne  pourront  se  foiaier,  faulo  d'espace;  par  conséquent,  toutes 
les  parties  qui  naissent  do  ces  lames,  c'est-à-dire  les  parois  du  tronc 
correspondantes,  ne  se  développeront  point.  Les  deux  blastodermes 
s'unissant  dans  toute  la  ligue  de  leur  contact,  les  lames  dorsales 
juxtaposées  s'uniront  aussi  ;  alors,  dans  le  plan  des  deux  blastodermes 
fusionnés  en  un  seul,  se  trouveront,  en  procédant  de  l'axe  d'union  : 
1°  Les  lames  dorsales  internes  en  coalescence  ; 
2°  L'axe  vertébral  de  chacun  des  embryons  \ 
3°  Les  lames  dorsales  externes; 

4°  Les  lames  abdoujiuales  externes  à  celles-ci,  formant  les  limites 
extérieures  du  double  ccussou  embryonnaire. 

Le  rapprocheraeut  des  bords  de  cet  écussou  aura  pour  etîet  le  rap- 
prochement et  la  réunion  entre  elles  des  deux  lames  abdominales  exté- 
rieures, c'est-à-dire  de  deux  lames  abdominales  appartenant  à  deux 
embryons  différents,  car  les  lauies  abdominales  in lernes  (par  rapport 
aux  deux  embryons) ne  s'étant  pas  formées,  les  paroisqui  devraient  être 
interposées  manqueront  nécessairement.  Il  en  résultera  donc  une  ca- 
vité pecloralc  et  abdominale  unique  et  commune  à  deux  embryons 
unis  primitivement  en  arrière  par  leur  colonne  vertébrale.  Quant  au 
réseau  vasculaire  du  bla? loderme  commun,  la  ligue  de  fusion  étant 
très-voisine  des  axes  embryonnaires,  les  deux  vaisseaux  pulsatiles  ou 
cœurs  rapprochés  pourront,  dans  leurs  métamorphoses  ultérieures, 
éprouver  une  fusion  plus  ou  moins  complète  et  constituer  pour  les 
deux  sujets  un  cœur  unique  et  plus  ou  moins  normal. 


211 

§  VI.—  Ce  que  nous  venons  de  dire  s'appliquerait  à  des  embryons  dont 
les  axes  vertébraux  seraient  parallèles  ;  les  mêmes  résultats  se  produi- 
raient partiellement  à  l'une  ou  à  l'autre  des  extrémités  si  les  axes 
étaient  obliques  entre  eux.  Dans  la  première  catégorie  se  placent  les 
faits  rapportés  ci-dessus  de  Wolff  (deuxième  cas),  d'Allen  Tbomsoa 
(deuxième  cas)  et  deLebert;  dans  la  seconde  catégorie,  ceux  deBaer, 
de  Reichert  (deuxième  cas),  de  Dareste  el  de  Réaumur, 

Dans  plusieurs  de  ces  cas,  on  peut  trouver  quelques  indices  d'une 
séparation  primordiale  du  blastoderme  en  deux  membranes  distinc- 
tes :  dans  le  cas  deRaer,  l'aire  transparente  avait  une  forme  cruciale; 
sur  l'œuf  d'oie  observe  par  Allen  Thomaon,  la  même  disposilion  était 
encore  plus  prononcée  :  il  semblait  que  cette  aire,  en  forme  de  croix, 
fût  le  résultat  de  deux  aires  fusionnées;  en  outre,  il  existait  un  dou- 
ble système  vasculaire,  fait  qui  se  retrouve  encore  dans  la  seconde 
observation  de  Woltï. 

§  VII.  —  L'œuf  des  oiseaux  seul  nous  a  occupé  jusqu'ici;  la  pré- 
sence de  deux  vésicules  germinatives  daus  uu  vitellus  unique  pro- 
duirait chez  les  autres  vertébrés  des  résultats  semblables,  car  l'ovule 
est  constitué  chez  tous  d'une  manière  analogue.  Si,  dans  les  diverses 
classes  des  animaux  verlébrés,  les  procédés  du  développement  ne  sont 
pas  tout  à  fait  les  mêmes,  ils  ont  cependant  assez  d'analogie  pour 
déterminer  finalement  des  anomalies  du  même  genre.  Nous  laissons 
donc  ici  ce  sujet,  nous  réservant  d'y  revenir  plus  loin,  s'il  y  a  lieu. 

C.  —  Examen  critique  des  théories  de  l'origine  des  monstres  doubles. 

§  VIII.  —  Dans  une  série  cie  faits  rapportés  suivant  l'ordre  de  leur 
complexité,  nous  avons  pu  remarquer  une  relation  entre  l'œuf  pourvu 
de  deux  vésicules  germinaiives  dans  un  seul  vitellus  et  l'œuf  pourvu, 
de  deux  embryons  réunis  par  quelque  partie  de  leur  corps.  Nous 
avons  confirmé  cette  relation  par  l'examen  théorique  du  développe- 
ment de  l'œuf  à  deux  vésicules  germinatives,  et  nous  pouvons  con- 
clure que  la  théorie  qui  a  été  donnée  de  l'origine  des  monstres 
doubles  par  la  présence  de  deux  germes  distincts  sur  uu  seul  vitellus 
est.  tout  a  fait  rationnelle;  mais  pour  qu'une  théorie  puisse  être  re- 
gardée comme  la  véritable  expression  des  faits,  il  faut  qu'elle  soit 
applicable  à  toutes  les  circonstances  de  ces  faits;  si  donc  celle-ci 
remplit  cette  condition,  elle  réunira  en  sa  faveur  toutes  les  probabi- 
lités; en  outre,  si  les  théories  de  la  monstruosité  composée  qui  ont 


212 
été  successivement  données  sont  dùmonlrées  insuflisanles  on  fausses, 
nous  pourrons  espérer  de  posséder  enfin  l'explication  de  l'uu  des  phé- 
nomènes les  plus  singuliers,  les  plus  bizarres  de  l'organisation  des 
animaux. 
C'est  ce  qu'il  faut  examiner  maintenant. 

§  IX.  —  L'origine  des  monstruosités  a  toujours  vivement  occupé 
l'esprit  des  observateurs.  Avant  que  les  connaissances  anatomiques  et 
physiologiques  eussent  acquis  (Quelque  précision,  on  donnait  l'explica- 
tion de  ces  faits  extraordinaires  d'après  les  croyances  et  les  préjugés  du 
temps.  Lorsqu'on  eut  cessé  d'invoquer  l'influence  des  esprits,  du  dé- 
mon, des  accouplements  impurs,  etc.,  dans  lanaissance  des  monstres,  on 
accusa  la  nature.  La  nature  avait  ses  lois,  mais  elle  avait  aussi  ses 
écarts;  quelquefois  même,  peut-être  pour  montrer  sa  puissance,  elle 
y  prenait  plaisir;  les  animaux  nés  sans  leurs  principaux  organes  ou 
doublés  dans  ces  organes  étaient  des  jeux  de  nature  aussi  bien  que 
les  coquilles  marines  de  nos  montagnes. 

I  X.  —  A  ces  explications  succéda,  vers  la  tin  du  dix-septième 
siècle,  la  théorie  des  germes  originairement  monstrueux.  Le  germe 
était,  suivant  les  opinions  de  l'époque,  la  plante  ou  l'animal  réduit 
aux  plus  petites  dimensions  :  un  embryon  ayant  en  infiniment  -petit 
tout  ce  qu'il  aura  un  jour  en  grand  avec  Les  mêmes  proportions  et  Les 
mûmes  connexions.  On  sait  aujourd'hui  qu'il  n'existe  dans  l'ovule  pri- 
mitif, végétal  ou  animal,  rien  qui  ressemble  à  l'embryon  futur,  et  que 
la  formation  des  élres  vivants  ne  se  fait  point  par  un  simple  accrois- 
sement. Cette  théorie  d'ailleurs  ne  faisait  que  reculer  la  difficulté;  car 
pourquoi  et  comment  le  germe  serail-il  originairement  monstrueux? 

§  XI.  —  Vivement  soutenue  par  Winslow  pendant  la  première  moi- 
tié du  dix-huitième  siècle,  cette  théorie  rencontra  un  adversaire 
redoutable  dans  Lémery.  Le  célèbre  analomis te  s'efforça  de  montrer 
par  l'examen  des  faits  que  les  monstres  sout  le  résultat,  non  du  déve- 
loppement d'un  germe  anormal,  mais  d'un  développement  troublé. 
Cette  thèse,  eu  faveur  de  lu(iuelle  l'observation  des  monstres  unitaires 
fournit  de  nombreux  arguments,  est  moins  heureuse  lorsqu'il  s'agit 
des  monstres  doubles.  Voici  comment  Lémery  concevait  leur  origine  : 
Lorsque  deux  vitellus  normaux  existent  dans  le  même  œuf,  il  se 
trouve  sur  chacun  un  ycrme  iioriiial  ;  lorstiue  ces  germes  se  dévelop- 
pent, ils  sont  soumis  à  une  pression  réciproque  qui  peut  les  détruire: 


-213 
«  mais  si  la  prej^ion  a  été  moins  forte  ou  moins  longue,  il  ne  se  fera 
de  destruction  mutuelle  que  dans  un  certain  nombre  de  parties  de  l'un 
et  de  l'autre  embryon;  tout  le  reste  subsistera,  et  pourvu  qu'il  soit 
conditionné  de  manière  à  vivre  pour  quelque  temps,  il  naîtra  un 
monstre  composé  de  parties,  les  unes  simples,  les  autres  doubles, 
contre  nature  (1).  » 

Telle  est  la  théorie  de  Lémery;  elle  a  survécu  à  celle  de  Régis,  dé- 
fendue par  Winslow;  elle  n'est  pas  encore  aujourd'hui  tout  à  fait 
abandonnée.  Nous  ne  l'examinerons  point  ici;  nous  y  reviendrons  à 
propos  des  œufs  à  vitellus  multiples,  et  nous  verrons  qu'elle  est  in- 
suffisante pour  expliquer  l'origine  des  monstres  doubles.  (Voy.  part.  II, 
sect.  I.) 

§  XII.  —  Une  autre  théorie,  qui  date  à  peu  près  de  la  même  épo- 
que, a  été  moins  remarquée,  quoique,  au  point  de  vue  des  connais- 
sauces  du  temps,  elle  ne  soit  pas  moins  rationnelle.  «  On  peut  con- 
jecturer, dit  Jacobi  à  propos  des  poissons  monstrueux  qu'il  avait 
observés,  on  peut  conjecturer  que  tous  ces  monstres  de  poissons  pro- 
viennent de  ce  qu'un  œuf  s'est  trouvé  fécondé  par  plus  d'un  animal- 
cule de  la  laitance;  et  comme  c'est  la  matière  contenue  dans  l'œuf 
qui  fournit  au  petit  poisson  le  ventre,  l'estomac  ou  les  intestins,  au 
lieu  que  les  autres  parties  végètent  ou  poussent  entre  la  membrane 
et  la  coque  de  l'œuf,  tous  ces  monstres  se  trouvent  avoir  les  intestin3 
communs,  et  il  est  facile  d'en  inférer  comment  se  produisent  les 
monstres  dans  les  poissons  et  les  animaux  ovipares  (2).  » 

Cette  explication  pourrait  paraître  fort  séduisante,  car  on  sait  au- 
jourd'hui, fait  contesté  à  l'époque  de  Jacobi,  que  les  animalcules  de 
la  semence  sont  les  agents  de  la  fécondation,  et  qu'ils  pénètrent  dans 
l'ovule  même;  toutefois  on  sait  aussi  que  plusieurs  de  ces  animalcules 
pénètrent  ordinairement  à  la  fois  dans  l'ovule,  sans  qu'il  s'engendre  de 
monstres  doubles,  et  que  l'évolution  de  l'œuf  n'est  pas  exactement  ce 
que  l'avait  cru  notre  auteur. 

§  XIII.  —  Nous  arrivons  à  une  théorie  moderne  et  fondée  sur  une 
connaissance  plus  exacte  des  phénomènes  du  développement  de  l'œuf 

(1)  FontencUe,  Sur  les  monstres  (résumé  des  discussions  tU'-  IJiiycraey. 
Winslo'W,  Lémery);  Hist.  âcad.  des  scienxes,  aun.  1740. 
C?)  Jacobi,  mémoire  cité. 


2U 
des  animaux.  Elle  a  été  soutenue  surtout  par  M.  Valeutin,  qui  a 
trouvé  des  arguments  en  sa  faveur  dans  l'observation  de  quelque? 
embryons  doubles  de  poisson.  Suivant  le  savant  professeur  de  Berne, 
la  monstruosité  duplicitaire  serait  l'effet  d'une  segmentation  morbide 
ou  artificielle  de  l'œuf.  Les  éléments  de  l'ovule,  doués  en  eux-mêmes 
d'une  existence  propre,  se  développeraient  isolément  par  le  fait  de 
leur  disjonction,  et  donneraient  naissance  à  deux  êtres  plus  ou  moins 
distincts  l'un  de  l'autre.  Les  causes  de  la  disjonction  des  éléments 
pourraient  être  des  secousses  imprimées  aux  œufs  par  leur  transport 
à  longue  distance  ou  par  des  manipulations  diverses,  conditions  dans 
lesquelles  s'étfiient  trouvés  ceux  qu'il  avait  observés  (1). 
Plusieurs  objections  graves  peuvent  être  adressées  à  celte  théorie  : 
En  premier  lieu,  si  la  disjonction  des  éléments  du  blastoderme  était 
la  cause  des  monstruosités  composées,  pourquoi  ne  verrait-on  pas 
naître  plus  souvent  des  monstres  triples,  ou  plus  complexes  encore? 
En  second  lieu,  pourquoi  la  disjonction  ne  se  ferait-elle  généralement 
que  dans  l'axe  longitudinal,  de  manière  à  former  des  individus  unis 
suivant  le  sens  de  cet  axe?  En  troisième  lieu,  comment  expliquer  ce 
fait,  dont  nous  donnerons  ci-après  quelques  exemples,  de  monstres 
dont  la  partie  commune  aux  deux  corps  ne  forme  point  un  tout  com- 
plet, même  pour  un  seul  corps?  Il  semble  que,  dans  une  segmenta- 
tion morbide  ou  artiiicielle,  l'irrégularité  des  produits  obtenus  doit 
être  la  règle,  et  c'est  le  contraire  qu'on  observe  ;  il  semble  que  la  partie 
restée  intacte,  et  qui  fait  l'union  des  deux  composants,  doit  toujours 
être  complète,  et  la  théorie  n'explique  nullement  les  cas  contraires. 
(Voy.  ci-après,  §  XVIII.) 

Entin,  quant  à  la  cause  de  la  naissance  des  monstres  de  poisson  par 
les  secousses  d'un  voyage,  on  (  ùt  pu  faire  la  ronlre-épreuve  sur  des 
œufs  provenant  des  mêmes  individus  et  dont  h  s  uns  eussent  été  trans- 
portés, les  autres  non;  cette  contre-épreuve  n'a  pas  été  faite.  Nous 
ajouterons  que  Jacobi  a  vu,  commt"  M.  Valenlin,  beaucoup  d'œufs 
anormauxdepoissons,quoi(iue  ces  œufs  n'eussent  point  été  exposés  aux 
causes  d'anomalies  iavoquées  par  le  savant  professeur  de  Berne. 

§  XIV.  —  Nous  revenons  à  la  théorie  de  la  formation  des  monstres 
composés  par  la  présence  de  plusieurs  germes  en  un  même  vitellus. 

(1)  Valenlin,  inénioiro  cité. 


215 

a.  —  On  6e  demandera  quel  est  l'auteur  de  cette  théorie.  L'observa- 
tion de  faits  nouveaux,  les  progrès  de  nos  connaissances  sur  le  dé- 
veloppement des  animaux  y  mène  naturellement;  aussi  est-il  probable 
que  les  premiers  observateurs  qui  l*ont  admise  ne  l'ont  point  em 
pruntée  à  d'autres,  mais  qu'ils  l'ont  déduite  des  faits  et  de  leurs  mé- 
ditations propres. 

Wolff,  dans  le  siècle  dernier,  et  Baer,  dans  le  nôtre,  ont  vu  deux 
embryons  libres  ou  en  partie  fusionnés  sur  un  seul  vilellus  chez  la 
poule,  sans  que  ces  faits  aient  rien  changé  aux  diverses  opinions  ad- 
mises alors  sur  la  cause  de  l'origine  des  monstres  doubles. 

b. — Laurent  est  le  premier,  à  notre  connaissance,  qui  se  soit  expli- 
qué la  formation  de  ces  monstres  par  l'influence  de  deux  germes  situés 
dans  un  seul  vilellus.  Cette  manière  de  voir  est  implicitement  con- 
tenue dans  la  phrase  suivante  que  nous  avons  déjà  citée  :  «Nous  au- 
rions voulu  pouvoir  suivre  le  sort  de  cet  œuf  ovarien  (à  deux  vési- 
cules germinatives),  mais  l'œuf  et  l'animal  sur  lequel  on  l'observe 
étant  toujours  sacriQés,  il  devint  évident  pour  nous  que  nous  ne  pour- 
rions jamais  parvenir  par  l'observation  directe  à  l'origine  première 
d'une  monstruosité  double  provenant  à  nos  yeux  d'un  œuf  ovarien  à 
double  vésicule  du  germe.  » 

Le  mémoire  de  Laurent  date  de  1839. 

c— A  l'occasion  des  deux  faits  qu'il  a  publiés  en  1840  (faits  rapportés 
ci-dessus),  M.  Allen  Thomson  examine  la  question  de  l'origine  des 
monstres  doubles.  Après  avoir  établi  que  les  embryons  de  ces  mon- 
stres naissent  dans  un  seul  vitellus  et  du  même  blastoderme,  il  con- 
clut qu'il  y  a  primitivement  sur  ce  blastoderme  deux  centres  de  déve- 
loppement distincts;  il  cherche  alors  à  expliquer,  par  le  rapproche- 
ment ou  par  l'éloignement  supposés  des  axes  embryonnaires,  la 
fusion  plus  ou  moins  complète  des  deux  embryons,  et,  par  l'obliquité 
d«  ces  axes,  la  fusion  des  extrémités  supérieures  ou  inférieures  :  les 
axes  situés  en  prolongation  l'un  de  l'autre  donnent  des  monstres  unis 
par  le  sommet;  les  axes  parallèles  donnent  des  monstres  unis  par  les 
troncs;  les  axes  obliques  vers  l'extrémité  céphalique  ou  vers  l'extré- 
mité caudale  donnent  les  monstres  doubles  supérieurement  et  simples 
inférieurement  ou  inversement  (pi.  I,  fig.  7). 

Les  conditions  connues  du  développement  normal  de  l'œuf  lui  four- 
nissent des  raisons  d'admettre  comme  vraies  ces  suppositions.  Il  con- 


.  216 
dut  que,  dans  l'état  actuel  Je  nos  couuaiisanci.'S,  ou  nu  peut,  pour 
expliquer  l'origine  des  monstres  doubles,  aller  en  fait  au  delà  de 
l'existence  d'une  double  ligne  primitive  sur  un  blastoderme  unique; 
mais  ensuite,  portant  plus  loin  ses  vues,  il  se  demande  quelle  serait 
la  raison  de  la  formation  de  deux  centres  de  développement  sur  un 
blastoderme  unique  :  «Avons-nous  en  fait  quelque  raison  de  penser, 
(lit  le  savant  physiologiste,  que  deux  germes  peuvent  exister  dans  un 
(Cuf  ou  qu'une  vésicule  germinative  double  ou  qu'un  double  noyau 
dans  une  vi'Picule  germinative  peut  être  la  source  de  la  duplicité?  » 
Quant  à  la  réponse,  M.  Allen  Tbomson  croit  devoir  rester  dans  la  ré- 
serve jusqu'à  ce  que  de  nouveaux  faits  viennent  la  donner;  toute- 
fois, après  l'exposition  de  son  sujet,  poser  ces  questions  c'était  ache- 
ver de  donner  la  théorie  du  développement  des  monstres  doubles. 

d.  — Dans  un  excellent  mémoire,  publié  en  1840,  M.  Edouard  Dalton 

se  en  principe  que  l'origine  des  monstres  doubles  se  trouve  dans 

existencededeux  vésiculesgerminatives  sur  un  seulvitellus.  L'auteur, 

qui  ne  cite  à  ce  sujet  ni  Laurent  ni  Allen  Thomson,  ignorait  sans  doute 

que  cette  manière  de  voir  n'était  pas  tout  à  fait  nouvelle.  Pour  établir 

sa  thèse,  il  se  propose  de  démontrer  les  trois  points  suivants  : 

1°  11  existe  des  œufs  pourvus  de  deux  germes  en  un  même  vilellus. 

2»  Ces  germes,  par  les  progrès  de  l'évolution,  donnent  deux  em- 
bryon?. 

3"  Deux  embryons  sur  un  seul  vilellus  doivent  tôt  ou  lard  se  ren- 
contrer et  se  fusionner  par  quelque  partie  de  leur  corps. 

Les  faits  sur  lesquels  s'appuie  Edouard  Dalton  sont,  d'une  part,  celui 
de  Fabrice  d'Acqiiapoiidcnie,  et  d'une  autre,  ceux  de  Reichert,  de 
WoliTet  de  Baer.  Il  montre,  d'après  les  phénomènes  de  l'évolution 
normale  que,  dans  ces  derniers  cas,  la  fusion  des  embryons  peut 
s'expliquer  par  Tévolulion  simultanée  de  deux  germes  primitivement 
distincts.  Passant  ensuite  à  Tétudo  de  la  monstruosité  diiplicilaire ^  il 
élablit,  d'après  ic-s  cas  connus,  qu'elle  se  présente  généralement  dans 
l'une  de  ces  trois  conditions  :  les  axes  vertébraux  des  deux  compo- 
sants sont  sur  la  même  ligne  en  prolongation  l'un  de  l'auire;  ils  sont 
parallèles  l'un  à  l'autre,  ou  bien  enlin,  oblicjues  et  convergents  soit 
par  l'extrémité  céphalique,  suit  par  l'extréraité  caudale.  Cela  posé,  il 
examine  comment  les  deux  cicatricules,  suivant  leur  degré  de  rap- 
prochement et  suivant  la  situation  respective  de  leurs  axes,  pour- 


217 
raient,  par  leur  développement,  constituer  les  trois  genres  de  mons- 
tres doubles  autositaires  dont  il  a  rappelé  l'histoire,  et  Ters  quelle 
"rpoque  de  l'incubation  (chez  la  poule)  l'union  doit  se  faire  (1). 

L'auteur  n'a  pas  touché  la  question  des  monstres  parasitaires,  ni 
celle  de  la  loi  qui  unit  ordinairement  les  monstres  doubles  par  leurs 
parties  similaires. 

On  voit  que,  dans  l'exposition  de  sa  théorie,  Dalton  se  rencontre  plei- 
nement avec  Allen  Thomson,  différant  néanmoins  en  ceci  qu'il  pose 
en  fait  une  proposition  à  laquelle  ce  dernier  arrive  comme  à  une  dé- 
duction possible,  peut-être  probable. 

c.  —En  18Ô5,  à  l'Académie  des  sciences  de  Paris,  une  intéressante 
discussion  sur  l'origine  des  monstres  doubles  chez  les  poissons,  a 
montré,  d'une  part,  que  la  théorie  de  Laurent,  d'Allen  Thomson  et  de 
Dalton  n'était  pas  encore  admise  par  la  généralité  des  savants,  et 
d'une  autre  part,  elle  a  montré  que  cette  théorie  est  aussi  satisfai- 
sante pour  expliquer  la  monstruosité  duplicUaire  chez  les  poissons 
cl  les  reptiles  nus,  c'est-à-dire  chez  les  animaux  anallantoïdiens,  que 
chez  les  autres  vertébrés. 

M.  Coste,  après  avoir  exposé  les  raisons  qui  militent  en  faveur  de 
cette  manière  de  voir,  conclut  en  ces  termes  :  «  L'expérience  démontre 
«  aussi  que  deux  vésicules  germinatives  peuvent  coexister  dans  un 
«  même  œuf;  s'il  en  est  ainsi,  la  présence,  dans  l'œuf  des  poissons 
«  osseux,  de  deux  vésicules  germinatives  évanouies  sur  deux  points 
«  distincts  ou  sur  un  point  commun,  constituerait  un  double  foyer 
«  vers  lequel  les  granules  moléculaires,  ordinairement  consacrés  à  ne 
«  former  qu'une  seule  cicatricule,  se  réuniraient  soit  en  deux  grou- 
«  pes  séparés,  soit  en  deux  groupes  confondus  ([ui,  se  segmentant  de 
«  concert,  formeraient  un  blastoderme  unique,  blastoderme  dans  le- 
«  quel  le  degré  de  conjugaison,  selon  la  loi  d affinité  des  parties 
«  similaires,  serait  invariablement  réglé  par  la  position  et  la  direc- 
«  tion  réciproques  des  axes  virtuels,  si  je  puis  ainsi  dire,  des  deux 
a  êtres  en  voie  de  formation  (2).  » 


(1)  Eduardi  Dalton,  De  monstroeum  duplicium  origine  atque  evoldtionb 
coMMENTATio,  iD-4.  Halis  Saxonum,  1849. 

[1]  Coste,  OrIGI.NK  de  la  monstruosité  DOnBLE  CHEZ   LES  POISSONS  OSSEDX. 

Compte  rendu  Acad.  des  sciences,  23  avril  1855,  t.  XL,  p.  933. 


218 

D,  —  Conditions  des  monstres  composés  en  rapport  avec  la  théorie. 

§  XV.  —  Il  Boas  reste  à  examiner  si  la  théorie  dont  nous  venons 
de  tracer  l'histoire  répond  aux  principales  couditions  des  monstres 
composés. 

Ces  monstres  peuvent  êtres  classés  dans  deux  catégories  dont  les 
caractères  distinctifs  se  résument  en  deux  mots  : 

1"  Union  par  inclusion  ;  2*  union  par  accollement. 

1*  Dans  aucune  des  anomalies  de  l'ovule  nous  n'avons  vu  de  condi- 
tion quf  expliquât  l'existence  future  d'un  individu  dans  l'intérieur 
des  organes  d'un  autre;  nous  ne  chercherons  donc  point  à  éclairer 
la  question  de  l'origine  des  monstres  par  inclusion. 

2*  La  théorie  que  nous  développons  s'applique  exclusivement  aux 
monstres  doubles  par  accollement.  Ceux-ci  peuvent  être  répartis 
dans  deux  grandes  sections,  comprenant  :  1°  les  monstres  dont  les 
deux  composants  sont  sensiblement  égaux  (raoastres  autositaires, 
Is.  Geoffroy  Saint-Hilaire);  2°  les  monstres  dont  l'un  des  composants 
est  rudimenlaire  (monstres  parasitaires  ex  parte,  Is.  Geoffroy  Saint- 
Hilaire). 

Une  différence  plus  remarquable  que  l'égalité  ou  l'inégalité  de  vo- 
lume existe  généralement  entre  les  monstres  appartenant  à  ces  deux 
sections,  c'est  la  symétrie  des  deux  composants  et  l'union  par  des 
parties  similaires  qui  existent  chez  les  premiers  et  non  chez  les  se- 
conds. Ce  lait  très-remarquable  de  l'union  des  monstres  composés  par 
des  parties  similaires  se  retrouve  dans  le  plus  grand  nombre  des  cas, 
ainsi  que  l'ont  établi  les  travaux  de  notre  grand  naturaliste  Etienne 
Geoffroy  Saint-Hilaire  et  ceux  de  M.  Serres. 

Avant  d'examiner  au  point  de  vue  de  l'origine  des  monstres  auto- 
sîtaites  et  parasitaires  (ceux  par  inclusion  exceptés),  la  théorie  que 
nous  défendons,  il  nous  importe  d'établir  qu'il  n'y  a  pas  de  différence 
catégorique  entre  les  uns  et  les  autres.  Eu  effet,  en  dehors  de  l'atro- 
phie de  l'un  dus  composants  et  de  l'union  asymétrique,  les  différences 
sont  plus  apparentes  ijue  réelles  :  Si  le  monstre  parasitaire  semble 
ordinairement  un  individu  compli;t,  mais  rudimentaire,  dont  une 
partie  plonge  dans  les  organes  d'un  autre  individu,  il  n'eu  est  cepen- 
dant rien;  il  s'arrête  à  la  superficie  de  celui-ci,  comme  les  monstres 
autositaires  s  arrêtent  mutuellement  au  contact  l'un  de  l'autre.  Dans 


219 
les  deux  condilions,  il  y  a  absence  complète  de  tout  orgaoe  de  l'un  ou 
de  l'autre  composant  au  delà  des  limites  que  l'œil  aperçoit. 

Les  autosilaires  et  les  parasitaires  se  ressemblent  donc  sous  le  rap- 
port de  l'absence  de  toute  pénétration  de  l'un  dans  Tautie  et  sous  le 
rapport  de  la  limitation  des  individus  composants  aux  points  d'union. 
Mais  ce  ne  sont  pas  toujours  là  leurs  seuls  caractères  communs,  ou 
plutôt  les  dissemblances  qui  les  séparent  en  deux  catégories  distinc- 
tes peuvent  quelquefois  disparaître.  On  voit  des  monstres,  réunis 
par  des  parties  similaires,  offrir  un  développement  fort  inégal  (cas 
rare,  il  est  vrai,  chez  les  mammifères  et  les  oiseaux,  mais  commun 
chez  les  poissons),  et,  d'un  autre  côté,  on  voit  des  monstres  unis 
par  des  parties  non  similaires,  des  monstres  qui,  sons  ce  rapport, 
appartiendraient  aux  parasitaires,  offrir  quelquefois  un  développe- 
ment égal  dans  chacun  de  leurs  composants.  J'en  citerai  les  exemples 
suivants  : 

a.  Dans  un  cas  observé  par  ViUeneuve,cas  très-remarquable  et  très- 
connu  de  deux  individus  unis  par  l'extrémité  céphalique,  les  deux 
tètes  étaient  réunies  en  sens  inverse,  de  telle  sorte  que  le  frontal  de 
l'un  des  composants  était  en  rapport  avec  l'occipital  de  l'autre. 

6.  Dans  un  cas  décrit  par  Baer,  deux  individus  étaient  réunis  par  le 
front,  mais  obliquement,  de  manière  que  les  axes  vertébraux  de  cha- 
cun n'étaient  point  correspondants  et  que  la  bouche  de  l'un  des  com- 
posants était  située  près  de  l'oreille  de  l'autre  (l). 

c.  Enfin,  dans  trois  autres  cas  d'union  par  le  somme4;  observés  par 
Sannie,  Klein,  Barkow,  cas  auxquels  on  pourrait  joindre  l'épicome  de 
Home,  l'union  des  deux  crânes  n'avait  pas  lieu  anatomiquement  par 
les  parties  homologues. 

Si  les  monstres  doubles  peuvent  avoir  quelquefois  un  développe- 
ment inégal  quoique  réunis  par  leurs  parties  similaires;  si,  d'un  autre 
côté,  ils  peuvent  avoir  quelquefois  un  développement  égal  quoique 
réunis  par  des  parties  non  similaires,  il  n'y  a  point  de  différence  trés- 
esseutielie,  catégorique,  entre  les  monstres  autosilaires  et  les  para- 
sitaires. 

Gela  posé,  en  examinant  les  faits  de  plus  près,  nous  remarquons 


[\)    Baer,  Bi:llet!N  oe  l'Acad.  de;j  scïknces  djî  Saimt-Pétersbourg,  1845, 
t.  III,  p.  114,  pi.  \ll,  lig.  I  et  2. 


220 
que,  (liez  lo^  aiitosilaires  tout  à  lait  symétriques,  les  deux  composants 
soQt  doués  d'une  circulation  complèteet  propre,  ou  tout  au  moins  d'une 
circulation  égale  et  régulière;  or,  nous  remarquons  aussi  que  les 
monstres  appartenant  aux  autositaires  mais  qui  sont  réunis,  comme 
les  parasitaires,  par  des  parties  non  similaires,  sont  doués  d'un  sys- 
tème circulatoire  complet,  tandis  que  les  parasitaires  proprement  dits 
n'ont  point  de  circulation  propre;  sous  ce  rapport,  ces  derniers  sont 
dans  la  dépendance  du  sujet  principal  qui  leur  fournit  des  vaisseaux 
d'un  ordre  secondaire. 

La  cause  du  développement  parfait  chez  les  uns,  imparfait  chez  les 
autres,  nous  apparaît  donc  dans  la  présence  d'une  circulation  par- 
faite chez  les  premiers,  imparfaite  et  anormale  chez  les  seconds.  D'a- 
près cela,  on  peut  présumer  que,  lorsque  le  mode  d'union  sera  tel 
chez  deux  embryons  qu'il  n'en  résultera  aucun  obstacle  à  la  circula- 
tion régulière  de  l'un  des  composants,  il  se  formera  des  monstres 
autositaires  quoique  la  symétrie  puisse  ne  pas  exister;  l'un  des  com- 
posants sera  parasitaire  dans  le  cas  contraire. 

Appliquons  ces  vues  à  la  théorie  que  nous  avons  exposée  : 

Lorsque  deux  blastodermes  assez  rapprochés  sur  un  vitellus  unique 
s'unissent  symétriquement  (pi.  I,  fig.  8,  9,  10)  soit  par  l'extrémité  de 
leur  axe,  soit  latéralement,  le  cœur  et  l'appareil  circulatoire  de  ces 
membranes  peuvent  être  complets  dans  chacune  d'elles  et  les  embryons 
qui  s'unissent  par  leur  sommet  ou  par  leur  région  ombilicale,  auront 
également  chacun  une  circulation  complète.  Si  les  deux  blastodermes 
sont  plus  rapprochés,  l'union  latérale  ou  plus  ou  moins  oblique  aux 
extrémités  de  l'axe  étant  plus  étroite,  le  cœur  et  l'appareil  circula- 
toire de  chacun  pourront  être  plus  ou  moins  fusionnés,  mais  toutes 
les  parties  des  deux  membranes  blaslodermiques  recevront  une  part 
égale  du  liquide  nourricier;  les  embryons  suivront  une  condition 
semblable  et,  dans  tous  ces  cas,  ils  se  développeront  aussi  phrjsiologi- 
quemcnt,  aussi  complètement  (à  part  dans  les  parties  qui  doivent 
nécessairement  manquer)  qu'un  embryon  unique  sur  un  blastoderme 
normal. 

Il  n'en  sera  plus  de  même  lorsque  les  deux  blastodermes  étant 
aussi  rapprochés  que  dans  le  cas  précédent,  l'axe  de  l'un  sera  plus  ou 
moins  perpendiculaire  à  l'axe  de  l'autre  (pi.  I,  fig.  11);  en  effet,  si  la 
circulation  se  développe  normalement  dans  l'un,  il  pourra  n'en  pas 
être  de  même  dans  l'autre;  car  la  portion  du  blastoderme  qui  donne 


221 

naissance  aux  organes  primordiaux  de  la  circulalion pourra  bien,  par  lu 
rencontre  de  l'autre  blastoderme,  être  arrétéedans  son  développeraenl  : 

1"  Si  c'est  par  l'extrémité  céphalique  de  l'axe  que  la  rencontre  a 
lieu,  la  portion  du  vaisseau  qui  doit  constituer  le  cœur,  et  qui  est 
primitivement  située  vers  l'extrémité  de  cet  axe,  ne  se  formera  pas  ;  de 
là,  point  d'orgaue  de  propulsion  du  sang  propre  à  l'embryon  qui  suc- 
cédera. 

2°  Si  c'est  par  l'extrémité  caudale  de  l'axe  que  la  rencontre  a  lieu, 
l'existence  de  plusieurs  des  vaisseaux  principaux  sera  également 
compromise  ;  mais  en  outre  un  organe  qui  se  développe  vers  l'extré- 
mité postérieure  de  l'axe  embryonnaire,  l'allantoïde,  ne  se  formera 
pas,  et  l'une  des  fonctions  les  plus  importantes  ne  s'accomplira  que 
chez  l'autre  sujet. 

On  conçoit  qu'il  doive  exister  dans  les  deux  cas  pour  l'un  des  tm- 
bryons  un  trouble  complet  du  développement  et  une  atrophie  consé- 
cutive. Ainsi,  par  la  théorie  que  nous  avons  exposée,  on  se  rend 
compte  de  la  formation  d'un  monstre  parasitaire  aussi  bien  que  de 
celle  d'un  autositaire,  et  l'on  conçoit  que  dans  certaines  conditions, 
rares  sans  doute,  deux  embryons  réunis  d'une  manière  qui  n'est  pas 
symétrique,  n'en  jouissent  pas  moins,  dès  leur  première  formation, 
d'un  système  circulatoire  complet  et  suffisant  pour  qu'ils  acquièrent 
un  accroissement  égal  et  qu'ils  donnent,  en  un  mot,  un  monstre  dou- 
ble autositaire. 

§  XVI.  — Nous  avons  dit  que  les  monstres  composés  sont  ordinaire- 
ment réunis  par  leurs  parties  similaires.  Les  deux  auteurs  qui  ont 
cherché  dans  la  disposition  des  axes  embryonnaires  l'explication  des 
rapports  réciproques  des  monstres  doubles,  n'ont  point  donné  la  rai- 
son de  la  symétrie  de  ces  rapports  :  Allen  Thomson  déclare  qu'aucune 
explication  ne  le  satisfait;  Dalton,  malgré  tout  l'intérêt  qu'elle  pou- 
vait avoir  pour  sa  théorie,  Dalton  ne  la  cherche  pas  et  même  il  ne  pose 
pas  la  question. 

On  sait  que  ce  fait  remarquable  de  l'union  symétrique  des  monstres 
a  été  mis  en  lumière  par  Etienne  Geoffroy  Saint-Hilaire,  et  que  le  grand 
anatomiste  en  a  cherché  la  raison  dans  une  attraction  mutuelle  des  par- 
ties similaires.  En  face  d'un  illustre  maître,  ce  n'est  pas  sans  hésitation 
que  nous  proposerons  une  interprétation  nouvelle  :  chez  les  monstres 
composés,  la  réunion  par  les  parties  similaires  pourrait  s'expliquer,  sui- 


222 
vant  nous,  par  une  orientation  virtuelle  et  primitive  du  germe.  Dans 
l'œuf  de  la  poule  en  incubation  on  voit,  en  effet,  que  l'axe  du  blasto- 
derme a  généralement  une  direction  déterminée;  l'embryon  se  forme 
transversalement  au  grand  axe  de  l'œuf,  la  tête  à  gauche  (l'œuf  étant 
placé  devant  l'observateur  le  petit  bout  en  avant);  or,  il  ne  peut  être 
douteux  que  cette  direction  ne  tienne  à  ce  que  la  cicatricule  en  reçoit 
une  dans  la  vésicule  ovarienne. 

Si  l'axe  virtuel  du  germe  possède  une  direction  priraordialement 
déterminée,  deux  germes  distincts  placés  sur  un  même  vitellus  doi- 
vent avoir  l'un  et  l'autre  une  direction  semblable;  par  conséquent, 
les  deux  blastodermes  qui  se  développeront  se  rencontreront  par  des 
parties  similaires.  Ainsi  se  produiront  des  monstres  doubles  sensible- 
ment égaux  dans  leurs  deux  composants  et  symétriques  (autosilaires 
vrais),  ce  qui  sera  le  cas  en  quelque  sorte  normal  dans  cette  anoma- 
lie, et  donc  le  plus  commun. 

Dans  les  êtres  organisés  il  existe  assez  rarement  des  déviations  au 
type  normal  ;  or,  ces  déviations  devront  être  moins  rares  chez  ceux 
qui  offrent  déjà,  sous  quelque  rapport,  un  état  anormal.  La  direc- 
tion de  l'axe  virtuel  des  cicatricules  dans  l'œuf  à  deux  germes  pourra 
donc  assèB"^ouvent  n'être  pas  conforme  à  la  loi  ordinaire.  Alors  tantôt 
la  déviation  sera  peu  marquée,  tantôt  elle  sera  telle  que  les  axes  em- 
bryonnaires seront  plus  ou  moins  perpendiculaires  entre  eux  (pi.  1, 
fig.  11)  ;  d'oii  résultera  dans  l'union  des  deux  blastodermes  et  des  em- 
bryons consécutifs  tantôt  une  légère  irrégularité,  compatible  avec  un 
développement  du  reste  normal,  comme  il  arrive  dans  les  monstres  unis 
par  le  sommet,  tantôt  une  anomalie  telle  que  le  développement  de 
l'un  des  embryons  en  sera  gravement  entravé. 

Dans  le  premier  cas  se  produiront  des  monstres  réunis  par  des 
parties  non  similaires,  toutefois  sensiblement  égaux  (monstres  autosi- 
laires non  symétriques). 

Dans  le  second,  des  monstres  réunis  par  des  parties  non  similaires 
et  Irès-dissemblables  (monstres  parasitaires,  ex  parte,  Geoffroy  baint- 
Hilaire). 

§  XVII.  La  théorie  du  développement  des  monstres  doubles  par  deux 
germes  sur  un  seul  vitellus  donne  encore  raison  de  plusieurs  autres 
conditions  qui  se  reucontient  chez  ces  êtres  anomaux. 

Dana  la  remarquable  famille  des  monsiics  doubles  cyccplialiens 


223 

d'Is.  Geoffroy-Saint-Hilaire,  les  deux  têtes  et  les  deux  corps  sont  in- 
trmement  confondus,  de  telle  sorte  que  ceux  de  ces  monstres  qui  sont 
complets  dans  les  deux  composants,  offrent  une  cavité  crânienne 
unique  avec  deux  faces  opposées,  réalisant  le  type  du  dieu  Janus;  les 
deux  poitrines  et  les  deux  ventres  sont  également  confondus  eu  une 
seule  cavité  ayant  deux  colonnes  vertébrales  opposées,  et  deux  ster- 
nums  opposés;  mais  ce  qu'il  y  a  de  particulièrement  remarquable, 
c'est  que  chadune  des  figures  ou  chacune  des  poitrine^  n'appartient 
pas  au  même  individu;  elles  appartiennent  pour  moitié  aux  deux 
composants,  ainsi  la  demi-face  gauche  de  l'un  est  unie  avec  la  demi- 
face  droite  de  l'autre,  et  réciproquement.  Deux  livres  entr'ouverts, 
juxtaposés  par  leur  trancbe  et  ayant  les  dos  opposés  peuvent  donner 
l'idée  de  la  disposition  des  deux  poitrines,  les  dos  représentant  les 
deux  colonnes  vertébrales. 

Pour  concevoir  l'origine  de  cette  monstruosité  [Voij.  pi.  1,  lig.  9),  il 
faut  se  rappeler  que,  dans  la  formation  normale  de  la  tête  et  du  tronc 
embryonnaires,  le  blastoderme  se  soulève  suivant  son  axe,  lequel  se 
confond  avec  celui  de  l'embryon;  or  lorsque  le  blastoderme  résulte  de 
deux  blastodermes  fusionnés,  son  axe  ne  coïncide  pas  avec  celui  de  l'un 
ou  de  l'autre  des  embryons,  mais  c'est  avec  la  ligne  d'union  qu'il  coïn- 
cide. Si  donc,  les  premiers  vestiges  embryonnaires  placés  dans  le  plan 
du  blastoderme,  se  touchent,  le  soulèvement  n'aura  pas  lieu  dans  l'axe 
vertébral  de  l'un  ou  de  l'autre  embryon,  mais  suivant  l'axe  d'union, 
c'est-à-dire  suivant  la  marge  des  lames  abdominales  juxtaposées,  les- 
quelles s'uniront,  tandis  quu  les  lames  abdominales  externes  (lames 
appartenant  à  deux  embryons  différents)  se  rapprocheront  comme 
si  elles  appartenaient  au  même  individu  et  constitueront  plus  tard,  en 
s'unissant,  une  cavité  thoracique  et  abdominale  commune  aux  deux 
composants  ;  la  cavité  du  crâne  et  les  deux  faces  'se  formeront  de  la 
même  manière.  Si,  par  un  rapprochement  plus  grand  des  axes  em- 
bryonnaires, les  lames  ventrales  internes  ou  quelque  partie  des  lames 
dorsales  manquaient,  on  comprend  que  l'une  des  faces  et  que  l'une 
des  poitrines  resteraient  incomplètes;  l'une  des  faces  pourait  être 
représentée  par  un  seul  œil  cyclope,  comme  dans  les  iniopes;  ou 
seulement  par  deux  oreilles  fusionnées  comme  dans  les  synotes. 

§  XVIII.  —  Une  autre  condition  singulière  se  rencontre  lorsque  la 
partie  commune  aux  deux  composants  d'un  monstre  double  ne  forme 


224 
point  un  tout  complet,  même  pour  un  individu  simple.  Il  n'est  pas 
question  ici  de  ces  cas  dans  lesquels  un  accident  ou  bien  une  anoma- 
lie nouvelle  a  privé  de  quelque  organe  le  monstre  composé;  il  s'agit 
de  ces  cas  dans  lesquels  le  défaut  des  organes  fait  partie  intégrante 
du  plan  général  de  l'anomalie. 

Tel  était  un  fœtus  double  de  mouton  décrit  par  M.  Rayer  :  deux 
corps  complets,  unis  par  les  poitrines  et  le  col,  avaient  une  tête  com- 
mune, mais  rudimenlaire,  qui  offrait  deux  faces  opposées,  dont  l'une 
était  représentée  par  un  seul  œil  (cyclope)  et  deux  oreilles;  l'autre, 
plus  réduite  encore,  par  un  rudiment  d'orbite  et  deux  oreilles  fusion- 
nées à  leur  ba.-^e.  Les  fosses  nasales,  les  bouches  faisaient  défaut  ;  un 
œil  unique  existait  donc  pour  les  deux  individus  (1). 

Notre  collègue,  M.  Houel  a  dernièrement  présenté  à  la  Société  de 
biologie  un  fœtus  de  mouton  semblable. 

Le  défaut  des  organes  peut  exister  également  à  l'autre  extrémité. 
M.  Serres  a  donné,  dans  son  grand  ouvrage  sur  la  léralogénie,  la 
description  et  la  figure  d'un  fœtus  humain  double  dans  lequel  deux 
corps  complets  étaient  terminés  inférieurementpar  un  membre  unique 
contenant  les  rudiments  des  deux  membres  (2). 

Ces  faits,  dont  nous  pourrions  citer  d'autres  exemples,  ne  s'expli- 
queraient nullement  par  la  disjonction  accidentelle  des  éléments  du 
blastoderme  (théorie  de  Valentin),  car  les  parties  non  disjointes  de- 
vraient toujours  donner  l'état  normal.  Dans  l'union  de  deux  blasto- 
dermes primordialement  distincts,  la  condition  qui  produirait  une 
semblable  anomali(;  pourrait  exister  lorsque  les  axes  des  blastoder- 
mes, très-obliques  l'un  à  l'autre,  se  croiseraient  en  deçà  de  l'extrémité 
céphalique  ou  de  l'extrémité  caudale.  {Voy.  pi.  I,  fig  10.) 

§  XIX.  —  D'après  la  même  théorie,  les  embryons  ne  pourraient 
jamais  être  unis  que  par  les  parties  qui  sont  primitivement  contenues 
dans  le  plan  du  blastoderme;  ainsi  les  membres  qui  se  produisent  par 
une  sorte  de  bourgeonnement  lorsque  l'embryon,  ayant  revêtu  sa 
forme,  est  sorti  du  plan  du  blastoderme,  les  membres  ne  pourraient 
point  devenir  le  siège  de  l'union.  C'est,  en  effet,  ce  que  l'on  observe, 

(1)  P.  Rayer,  Sur  deux  cas  rares  de  monstruosité.  Mém.  soc.  de  biologie, 
t.  IV,  p.  341,  pi.  m,  lb52. 
(?)  Serres,  mém.  cité,  p.  91^,  pi.  XXIV. 


225 
les  monstres  doubles  sont  toujours  réunis  par  la  tête  ou  par  le  tronc; 
si  des  membres  de  l'un  et  de  l'autre  individu  sont  quelquefois  fu- 
sionnés, c'est  que  l'union  procède  de  la  portion  des  troncs  qui  con- 
stitue la  base  des  membres  fusionnés.  Ou  n'a  jamais  vu  deux  indivi- 
dus unis  par  quelque  partie  de  leurs  extrémités  supérieures  ou  infé- 
rieures, sans  que  cette  union  ne  comprit  l'épaule  ou  le  bassin.  Il  en 
est  de  même  pour  ces  êtres  parasitaires  qui  sont  réduits  à  quelques 
rudiments  des  extrémités,  et  dont  l'indépendance  ou  l'individualité  s« 
manifeste  par  leur  insensibilité,  leurs  rapports  avec  le  sujet  qui  les  porte 
ont  toujours  lieu  par  quelque  partie  de  la  tête  ou  du  tronc  de  celui-ci. 

En  résumé,  si  nous  envisageons  dans  leur  ensemble  les  observations 
rapportées  ci-dessus,  ainsi  que  les  conséquences  qui  en  découlent, 
nous  constatons  d'abord  comme  un  fait  acquis  l'existence  de  l'ano- 
malie qui  consiste  dans  la  présence  de  deux  vésicules  germinatives  en 
un  vitellus  unique. 

A.  Laurent  en  a  vu  plusieurs  chez  la  limace  grise,  M.  Goste  un  cas 
chez  le  lapin,  M.  Allen  Thomson  un  cas  chez  le  chat;  car  si  ce  der- 
nier auteur  croyant  son  fait  unique  l'a  donné  avec  hésitation,  nous 
n'avons  pas  les  mêmes  motifs  de  douter  de  l'exactitude  de  son  ob- 
servation. La  duplicité  de  la  cicatricule  dans  l'œuf  de  la  poule  ob- 
servée par  Fabrice  d'Acquapendente,  par  M.  Serres  et  par  M.  Allen 
Thomson  sont  encore  des  cas  de  duplicité  de  la  vésicule  germinative. 

B.  D'après  l'examen  qu»  nous  avons  fait  de  la  question  du  dévelop- 
pement simultané  de  deux  germes  placés  sur  le  même  vitellus,  on 
doit  conclure  que  ces  germes  donneront,  suivant  leur  degré  de  rap- 
prochement : 

1*  Deux  blastodermes  fusionnés  avec  deux  embryons  plus  ou  moins 
indépendants  l'un  de  l'autre,  comme  dans  les  cas  de  Reichert  (écre- 
visse),  d'AllenThomson,  de  Wolff,  de  Flourens  et  de  Simpson; 

2°  Deux  blastodermes  fusionnés  avec  deux  embryons  également  fu- 
sionnés dans  une  étendue  plus  ou  moins  considérable,  comme  dans 
les  cas  de  Baer,  de  Reichert,  de  WollT  (deuxième),  d'Allen  Thomson 
(deuxième),  de  Lebert  et  de  Daresie. 

Ces  deux  derniers  observateurs,  il  est  vrai,  disent  que  les  embryons 
s'étaient  développés  dans  la  même  cicatricule-,  mais  il  est  évident  que. 
pour  rester  dans  la  vérité  du  fait,  c'est  daus  le  même  blastoderme 
qu'ils  eussent  dû  dire. 

uéi.  15 


226 

C.  De  quelque  manière  qu'on  envisage  tous  ces  faits,  un  autre  point 
reste  acquis;  c'est  que  les  emhiyons  doubles,  et  par  conséquent  les 
monstres  doubles,  naissent  d'un  vitellus  unique  et  non  de  deuxyi- 
tellus  distincts,  comme  on  la  longtemps  admis. 

D.  Si  la  duplicité  embryonnaire  doit  son  origine  à  l'existence  de  deux 
Tésicules  germiualives  sur  un  seul  vitellus,  ce  phénomène  remar- 
quable de  l'union  ordinaire  des  monstres  doubles  par  leurs  parties 
similaires  trouve  une  explication  rationnelle  dans  l'orientalion  pri- 
mordiale des  germes. 

E.  Aucun  fait  ne  nous  donne  l'explication  de  l'origine  des  monstres 
doubles  par  inclusion. 

F.  En  dehors  de  la  duplicité  de  la  vésicule  germinative,  aucune  con- 
dition anormale  et  primitive  de  l'œuf  ovarien  ne  paraît  devoir  déter- 
miner, par  le  développement  embryonnaire,  une  anomalie  que  nous 
puissions  rapporter  à  celte  condition. 


DEUXIEME  PARTIE. 

ANOMALIES  SECONDAIRES. 

SECTion  I.  —  Œuf  à  Titellns  mnltiples. 

§  I.  —  Chez  les  animaux  vertébrés  l'œuf  normal  n'est  jamais  con- 
Btitué  que  par  un  seul  vitellus;  mais,  chez  quelques  invertébrés,  la 
même  coque  renferme  quelquefois  plusieurs  de  ces  corps.  C'est  sur- 
tout chez  des  hirudinées  et  chez  des  mollusques  que  ce  fait  a  été  ob- 
Bervé.  11  ne  sera  question  ici  que  des  animaux  chez  lesquels  les 
vitellus  multiples  dans  une  même  coque  constituent  un  état  anormal. 

§  11.  —  Chez  la  poule,  l'existence  de  l'œuf  à  deux  vitellus  a  été  très- 
anciennement  connue  :  Aristole  fait  la  remarque  que  les  œufs  qui 
donnent  doux  poulets  sont  pourvus  de  deux  jaunes  et  que  certaines 
poules  produisent  toujours  des  œufs  de  cette  sorte  (1).  Ouant  à  des 

(1)  Arislotelis  HiST.  de  animalibus;  Ed.  Soaliger,  hb.  vi,  8  60,  p.  Cô9. 
Tolûsae,  1619. 


227 
œufs  à  trois  jaunes,  nous  croyons  que  c'est  de  nos  jours  seulement 
que  leur  existence  a  été  signalée  :  M.  Valenciennes  rapporte  qu'il  en  a 
observé  trois;  ces  œufs  provenaient  de  la  halle  de  Paris  où  tous  ceux 
qu'on  y  vend  sont  comptés  et  mirés  par  des  employés  spécialement 
cliargés  de  celte  fonction.  Ces  employés  estiment  qu'ils  trouvent,  dans 
l'année,  cinq  ou  six  œufs  contenant  trois  jaunes;  or,  il  arrive  à  la 
halle  plus  de  140  millions  d'œufs  par  an,  c'est  donc  environ  un  œul 
à  triple  jaune  sur  23  millions. 

Les  œufs  à  deuxvilellus  sont  proportionnellement  beaucoup  plus 
communs  :  on  en  compte  sur  la  même  halle  deux  ou  trois  cents  par 
an,  c'est-à-dire  sur  140  millions  d'œufs.  On  a  remarqué  que  ces  œufs 
à  double  jaune  sont  plus  communs  dans  les  arrivages  du  Mans  et  de 
la  Normandie  (1).  Certaines  races  de  poule  sont  plus  fécondes  en  œufs 
de  cette  sorte,  telle  est  celle  dite  de  brahma-poulra. 

§  III.  —  Les  œufs  à  deux  jaunes  sont  généralement  plus  volumineux, 
que  des  œufs  ordinaires  :  Hagendorn  en  a  vu  de  la  grosseur  d'un  œuf 
d"oie  (2);  Dugès  parle  d'une  poule  qui,  dans  sa  vieillesse,  se  mit  à 
pondre  tous  les  trois  jours  des  œufs  énormes  et  à  deux  jaunes;  elle 
mourut  après  trois  semaines,  son  dernier  œuf  n'ayant  pu  être  ex- 
pulsé (3). 

Trois  œufs  à  double  vitellus,  pondus  successivement  par  la  môme  poule, 
m'ont  donné  les  mesures  suivantes  : 

Premier,  grand  axe,  75  millim.,  petit  axe,  47  millim. 
Deuxième,      —       77       —  —        48     — 

Troisième,      —       73       —  —        50     — 

Ces  dimensions,  malgré  leurs  variations,  donnent  pour  chaque  œuf  un  vo- 
lume à  peu  près  égal  et  bien  supérieur  à  celui  d'un  œuf  ordinaire  qui,  en 
moyenne,  a  60  millimètres  suivant  le  grand  axe  et  40  millimètres  suivant  le 
petit. 

Les  deux  jaunes  sont  quelquefois  conligu-;  d'autres  fois,  ils  sont 

(1)  Valenciennes,  Note  sur  des  œufs  à  plusieurs  jaunes  contenus  dans  la 
même  coquê.  Compte  rendu  acad.  des  sciences,  t.  XLll,  p.  3.  1856. 

(2)D.El)reDf.  Hagendorn.  Ova  duplici  vitello  prsedita,  Mise.  nat.  cuR.,déc.i, 
ann.  ii,  obs.  ccxLi,  p.  342. 

(3)  Ant.  Dugès,  Tbaité  de  phtsiologie  comparée,  t  III,  p.  318.  Paris,  1839. 


228 
séparés  par  une  couche  plus  ou  moins  épaisse  d'albumine,  ainsi  que 
l'avaient  reconnu  Ârislole  et  Harvey  (1). 

D'après  M.  Valencienues,  ces  œufs  sont  ordinairement  anormaux 
dans  leur  constitution;  leurs  sphères  vitellines  sont  déformées  et  pri- 
vées de  chalazes. 

Huit  œufs  que  j'ai  examinés  dernièrement  avaient  une  coque  régulière, 
une  chambre  à  air  unique,  placée  au  gros  bout,  deux  jaunes  sensiblement 
égaux  en  volume,  sphcriques  ou  légèrement  aplatis  par  pression  mutuelle, 
pourvus  l'un  et  l'autre  de  leur  cicatricule.  Ils  différaient  de  l'état  normal 
quant  à  la  position  des  deux  cicatricules  relativement  à  l'axe  de  l'œuf  et 
quant  au  nombre  et  à  la  situation  des  chalazes  :  sur  l'un  des  œufs,  la  cica- 
tricule d'un  vitellus  étant  située  normalement,  la  cicatricule  de  l'autre  était 
placée  entre  les  deux  jaunes;  sur  un  autre  œuf,  les  deux  cicatricules  étaient 
tournées  vers  les  deux  pôles  opposés  ;  sur  un  autre,  elles  étaient  placées  en 
dedans  des  deux  sphères  vitellines  ;  chez  tous,  enfin,  l'une  au  moins  des  ci- 
catricules avait  une  situation  qui  n'était  pas  tout  à  fait  régulière.  Quant  aux 
chalazes,  leur  nombre  n'a  point  dépassé  deux  ;  tantôt  elles  étaient  adhérentes 
au  même  jaune,  celui  du  petit  bout,  et  occupaient  une  position  transversale 
par  rapport  au  grand  axe  de  l'œuf  ;  tantôt  elles  appartenaient  chacune  à  l'un 
des  jaunes  ou  l'une  était  commune  aux  deux  jaunes. 

Il  peut  se  faire  toutefois  que  les  deux  vitellus  aient  des  chalazes 
disposées  normalement  comme  l'a  observé  Harvey  :  «  Oviim  nuper  in 
«  utero  gallinœ  perfectum  testâque  obtectum  reperi,  cum  vitellis,  ci- 
«  catriculis  atque  albuminibus  crassioribus,  omnibus  geminis  ;  ade- 
«rant  etiam  quatuor  chalaza3;  albumen  autem  unicum  duntaxat 
•  prœdicta  omoia  circumambibat  (2).  » 

J'ai  vu  moi-même,  il  y  a  quelques  années,  un  œuf  à  deux  jaunes 
dont  chaque  sphère  vitelline  avait  sa  cicatricule  propre  et  ses  deux 
chalazes,  mais  les  deux  internes  (par  rapport  aux  deux  jaunes)  étaient 
fusionnées  eu  une  seule. 

§  IV.  •—  Quant  aux  œufs  à  trois  vitellus  observés  par  M.  Valenciennes, 
leur  grosseur  était  celle  d'un  œuf  de  poule  ordinaire  ;  •  leurs  jaunes 
«  sont  petits  et  sont  loin  d'avoir  atteint  leur  grosseur  normale.  La 
«  sphère  vi tell ine  n'est  pas  régulière;  ces  jauues  sont  déformés,  ils 


(1)  Harvey,  ouv.  cit.,  p.  9S. 

(2)  Harvey,  ouv.  cit.,  p.  54. 


229 
«  ne  se  louchent  pas  entre  eux;  des  couches  plus  ou  moins  épaisses 

•  d'albumine  les  séparent  les  uns  des  autres;  chaque  vitellus  est  en- 

•  veloppé  de  sa  membrane  vitelline  propre.  »  Soumis  à  l'incubation 
pendant  huit  jours,  ils  n'ont  offert  aucun  indice  du  développement 
embryonnaire  (1). 

§  V.  —  Les  œufs  à  deux  vitellus  ont  encore  été  observés  chez  d'au- 
tres oiseaux  que  la  poule  :  M.  Valenciennes  en  a  vu  chez  le  moineaa 
commun,  l'alouette  des  champs,  le  pigeon  ramier,  la  tourterelle  des 
bois,  le  canard  musqué  et  le  cygne. 

§  VI.  —  Chez  des  invertébrés,  l'on  a  vu  aussi  des  œufs  à  deux  vi-. 
tellus  :  j'en  ai  observé  chez  le  planorbe  et  chez  la  paludine  vivi- 
pare (pi.  II,  fig.  2,  3,  4)  (3)  ;  M.  Jaquemin  en  a  vu  également  chez  la 
paludine  (2)  ;  M.  de  Quatrefages,  chez  quelques  mollusques  d'eau 
douce  ;  M.  Valenciennes,  chez  des  gastéropodes  pectinibranches  ;  enfin, 
M.  Robin  m'a  dit  enavoir  vu  un  chez  Vancytus  fluviatUis. 

L'anomalie  dont  nous  nous  occupons  a  été  signalée  par  Dujardia 
chez  ïascaris  acus  du  brochet  (4),  et  par  Dugès  chez  l'oxyure  du  cra- 
paud (5)  ;  mais,  dans  ces  deux  cas,  il  n'était  probablement  questioa 
que  d'un  fractionnement  normal  du  vitellus  en  voie  de  développe- 
ment. 

§  VIL  — Quel  est  le  mode  de  formation  des  œufs  à  deux  et  à  trois 
jaunes? 

D'après  les  faits  connus  et  d'après  la  manière  dont  se  constitue 
l'œuf  des  oiseaux,  on  peut  juger  que  la  cause  d'une  telle  ano- 
malie se  trouve  tantôt  à  l'ovaire,  tantôt  à  l'oviducte;  en  effet,  deux 
vitellus  complets  se  forment  quelquefois  dans  une  seule  vésicule  ova- 
rienne; nous  avons  mentionné,  en  parlant  des  causes  des  anomalies 
primitives,  un  assez  grand  nombre  d'observations  de  ce  fait.  Au  sortir 


(1)  Valenciennes,  raém.  cit.,  p.  3. 

(2)  C.  Davaine,  Comptes  rendus  des  séances  de  la.  Soc.  de  biologie,  t.  1, 
1849,  p.  88. 

(3)  Jaquemin,  Histoire  du  développement  du  planorbis  cornea,  1835. 

(4)  F.  Dujardin,  HisT.  nat.  des  helminthes,  p.  213.  Paris,  1845. 

(5)  A.  Dugès,  Recherches  sur  l'organisation  ej*  (^y,elque^  espèces  d'oxyures, 
ia  Ann.  se.  NAT.,  t.  LX,  p.  231.  Paris,  1826. 


230 
de  la  vésicule,  ces  vitellus  saisis  par  la  trompe  en  même  temps,  doi- 
vent nécessairement  être  enveloppés  ensemble  par  les  produits  que 
l'ovlducle  fournit  à  l'ovule;  en  outre,  l'anomalie  dans  laquelle  deux 
jaunes  sont  en  partie  fusionnés  ne  peut  avoir  son  origine  qu'à  l'o- 
vaire. Mais,  d'un  autre  côlé,  l'anomalie  pourrait  avoir  son  origine  à 
l'oviducte  si  deux  vésicules  ovariennes  donnaient  leur  ovule  presque 
simultanément  -,  les  vilellus,  engages  dans  le  pavillon  de  la  trompe, 
seraient  trop  rapprochés  pour  s'envelopper  séparément  de  leurs  mem- 
branes complémentaires;  c'est  ainsi  que,  nécessairement,  devait  se 
produire  celle  anomalie  dans  le  cas  suivant  :  une  poule  qui  était  en 
ma  possession,  donnait  constamment  des  œufs  à  deux  jaunes;  elle 
fut  tuée,  et  j'en  lis  l'autopsie  afin  de  constater  l'état  des  organes  géni- 
taux. L'ovaire  formait  une  grappe  très-considérable  dont  chaque  ca- 
lice ne  contenait  qu'un  seul  vitellus.  Un  fait  observé  par  mon  ami  le 
docteur  Laboulbène,  prouve  d'ailleurs  que  l'inclusion  de  deux  jau- 
nes dans  un  seul  œuf  peut  reconnaître  ce  mode  de  formation,  car 
dans  ce  cas,  l'un  des  jaunes  étant  enveloppé  de  sa  vésicule  ovarienne, 
l'autre  avait  dû  être  fourni  par  un  autre  vésicule.  (Voy.  sect.  iv,  c.) 

§  VIII.  —  Trois  opinions  différentes  ont  été  admises  relativement  au 
résultat  de  l'incubation  des  œufs  à  deux  jaunes;  ce  sont  :  leur  infé- 
condité, la  production  de  deux  embryons^  celle  d^un  monstre  double. 

Plusieurs  observateurs  professent  aujourd'hui  la  première  de  ces 
opinions. 

La  seconde  a  été  celle  d'Aristote,  d'Harvey,  de  Wolff,  etc.  Toutefois, 
Harvey  fait  à  ce  sujet  quelques  réserves,  et  dit  que  l'un  des  poulets, 
si  ce  n'est  tous  les  deux,  périt  le  plus  souvent  dans  l'œuf  (1).  Ou 
voit  dans  Pline  que  les  anciens  étaient,  comme  les  modernes,  partagés 
d'opinion  sur  cette  question  :  «  Quelques  poules,  dit  ce  naturaliste, 
«  pondent  toujours  des  œufs  à  deux  jaunes,  et  parfois  deux  petits 
«  écloseuL  à  la  fois,  l'un  plus  grand  que  l'autre,  d'après  Gelse.  D'au- 
«  très  auteurs  nient  la  naissance  de  ces  poussins  jumeaux  (2).  » 

11  existe  des  observations  authentiques  de  deux  poulets  éclos  d'un 
seul  œuf;  un  ras  de  ce  genre  très-remarquable  a  été  vu  par  mou  ami 


(1)  Huivey,  ExERCiT.  XIII,  p.  55. 

(2)  Pliue,  Ilisf.  NAï.,  trad.  par  LiUré,  liv.  X,  ch.  64. 


231 
M.  Claude  Bernard:  sur  dix  œufs  à  deux  jaunes  pondus  et  couvés  par 
une  poule,  neuf  donnèrent  chacun  deux  poulets  vivants  (1). 

M.  Dareste  a  constaté  sur  quelques  œnfs  à  deux  jaunes  couv(''s  de- 
puis six  jours  environ,  l'existence  de  deux  embryons;  celui  qui  était 
placé  vers  le  gros  bout  de  l'œuf,  c'est-à-dire  vers  la  chambre  à  air, 
était  plus  volumineux  que  l'autre  (2).  M.  Panum  (de  Kiel),  a  derniè- 
rement donné  l'observation  de  deux  embryons  développés  sur  les 
deux  vitellus  d'un  seul  œuf;  l'un  des  embryons  avait  une  anomalie  du 
cœur  (3). 

Les  œufs  à  deux  vitellus  peuvent  donc  se  développer  ;  ce  qu'indique 
d'ailleurs  l'existence  de  deux  cicatricules;  mais  assez  souvent,  sans 
doute,  la  situation  de  l'une  ou  celle  des  deux  cicatrioules  étant  peu 
favorable  au  développement,  l'un  des  embryims  périt  ou  tous  les 
deux  péri-sent  à  l'époque  où  la  respiration  prend  une  activité  plus 
grande;  car  alors  les  organes  respiratoires  éloignés  de  la  chambre  à 
air  remplissent  leur  fonction  d'une  manière  insuffisante. 

Dans  les  œufs  à  double  vitellus  de  la  paludine  et  du  planorbe,  j'ai 
pu  suivre  le  développement  complet  et  normal  de  deux  em- 
bryons (pi.  Il,  fig.  3,  4)  (4). 

Quant  à  la  troisième  opinion,  elle  appartient  à  Fabrice  d'Âcquapen- 
dente  (5).  Suivant  le  grand  anatoraiste.  des  œufs  de  poule  àdeux  vitellus 
donnent  des  poulets  pourvus  de  auatre  jambes  ou  de  quatre  ailes,  et 
de  deux  têtes  sur  un  seul  corps.  Depuis  le  temps  de  Fabrice  jusqu'à 
DOS  jours,  un  grand  nombre  de  physiologistes  ont  regardé  l'existence 
de  deux  jaunes  dans  l'œuf  comme  la  raison  de  la  monstruosité  dupli- 
citaire;  la  compression  que  devaient  éprouver,  suivant  eux,  deux 
embryons  renfermés  dans  la  même  coque,  déterminait  la  coalescence 
des  parties  en  contact,  et  la  formation  d'un  monstre  double. 

Deux  observations  semblent  venir  à  l'appui  de  cette  opinion  : 

1°  L'une  est  consignée  dans  le  Magasin  de  Hambourg  : 

•  Quelqu'un  qui  examinait  des  œufs  en  les  regardant  au  soleil,  en  trouva 

(1)  Cl.  Bernard,  Comptes  rendds  Soc.  de  biol.,  1. 1,  p.  9.  Paris,  1849. 

(2)  Dareste,  mém.  cité. 

(3)  Panum,  Arch.  de  Virchow,  1859,  et  Compte  rendu  Acad.  des  sciences, 
t.  XLVm,  p.  922,  1859. 

(4)  G.  Daraine,  Comptes  rendus  Soc.  de  biol  ,  1849,  p.  88. 

(5)  Fab.  d'icquapendente,  ouv.  cité,  part.  II,  cap.  1,  p.  11. 


232 

€  un  à  deux  jaunes.  Il  le  fit  couver  et  acquit  un  ruonstre  composé  de  deux 
•  poulets  réunis  ensemble,  à  deux  têtes,  et  dans  lequel  quelques  parties  pa- 
«  laissaient  mauquer,  et  d'autres  étaient  mêlées  de  façon  à  n'en  faire  qu'une 
t  seule  (1).  » 

2°  L'autre  observation  appartient  à  l'illustre  Etienne  Geoffroy-Saint- 
Hilaire  : 

Il  s'agit  d'un  poulet  double  qui  fut  mis  sous  les  yeux  de  l'Académie  des 
sciences,  en  mai  1826.  Il  provenait  d'un  œuf  remarquable  par  son  volume, 
lequel,  à  cause  de  cette  dernière  circonstance,  avait  été  examiné  avant  l'in- 
cubation au  moyen  du  mirage  ;  on  avait  alors  constaté  qu'il  existait  deux 
jaunes,  non-seulement  distincts,  mais  placés  à  distance.  Les  deux  sujets  qui 
en  provinrent,  d'ailleurs  bien  conformés,  étaient  réunis  ventre  à  ventre  par 
une  portion  commune  allant  d'un  vitellus  à  l'autre  (2). 

Ces  exemples  ne  peuvent  être  pris  comme  des  preuves  absolues  de 
la  réunion  de  deux  embryons  nés  de  deux  vitellus  complètement 
distincts,  car  le  mirage  ne  donne  jamais  qu'une  apparence  un  peu 
confuse  des  sphères  vitellines.  Dans  le  cas  observé  par  Geoffroy-Saiol- 
Hilaire,  il  se  peut  qu'il  y  ait  eu  une  fusion  partielle  des  deux  jaunes 
semblable  à  celle  que  M.  Dareste  a  observée  deux  fois.  Dans  cette 
condition  on  comprend  l'union  des  deux  embryons  par  l'ombilic; 
Or,  quelle  serait  la  raison  d'une  semblable  union  dans  le  cas  de  deux 
vitellus  complètement  distincts?  Serait-ce  la  compression  réciproque? 
Mais  dans  les  premiers  jours  de  leur  existence,  les  deux  embryons 
sont  séparés  par  les  membranes  vilellines,  et  ils  n'augmentent  nulle- 
ment la  masse  des  vitellus  sur  lesquels  ils  sont  couchés.  Par  la  suite, 
à  mesure  qu'ils  se  développent,  l'espace  libre,  loiu  de  diminuer,  s'ac- 
croît autour  d'eux  de  jour  en  jour;  l'œuf,  en  elîet,  perd  de  son  poids, 
comme  l'a  établi  Etienne  Geolîroy-Sainl-Hilaire(3),  et  la  chambre  à 
air  s'agrandit  proportionnellement.  L'union  ordinaire  des  monstres 


(1)  Cite  par  Gli.  Bonnet,  SEuv.,  t.  111,  p.  501,  note,  d'après  le  Magasin  de 
Hambourg,  t.  II,  p.  649. 

(2)  Isidore  Geofl'roy-Saint-Hilaire,  Compte  rendu  Acad.  des  sciences,  tom. 
XL,  p.  b73,  1855. 

(3)  Etienne  Geoffroy-Saint-Hilairc,  Des  différents  états  de  'pesanteur  des 
œufs  au  commencement  et  à  la  fin  de  l'incubation,  Journal,  ccmplement.  des 

SCIENCES  MÉD.,  t.  VII,  p.  271,  1820. 


233 
doubles  par  des  parties  similaires  ne  trouve  point  non  plus  sa  raison 
dans  la  coalescence  des  germes  de  deux  vitellus,  car  les  cicatricules 
ont  généralement  sur  les  deux  jaunes  une  situation  respective  fort 
variable,  et  de  telle  sorte  que  la  loi  de  conjugaison  devrait  être  l'u- 
nion par  les  parties  non  similaires. 

La  formation  d'un  monstre  double  sur  un  seul  vitellus  pourvu  de 
deux  germes  nous  paraît  établie  par  les  faits,  et  sous  ce  rapport  celle 
qui  aurait  son  origine  de  deux  jaunes  distincts,  manque  de  preuves 
certaines;  celle-ci  ne  s'explique  point  par  la  compression  réciproque 
des  deux  germes,  ni  par  la  manière  dont  se  fait  le  développement 
embryonnaire,  ni  par  la  situation  respective  et  trop  variable  des  em- 
bryons. Il  y  a  donc  lieu  de  croire  que,  dans  les  deux  cas  rapportés 
ci-dessus,  il  existait  une  fusion  primitive  et  partielle  des  deux  vitellus 
que  l'examen  par  le  mirage  ne  pouvait  faire  reconnaître. 

Sectiou  II.  —  Œuf  inclus  dans  un  autre. 

§  I.  —  De  toutes  les  anomalies  de  l'œuf,  la  plus  singulière,  celle  qui 
a  généralement  paru  le  moins  susceptible  d'explication,  est  l'inclusion 
d'un  œuf  dans  un  autre.  Cette  anomalie  a  été  signalée  il  y  a  bientôt 
deux  siècles,  et,  depuis  lors,  d'assez  nombreux  exemples  en  ont  été 
observés. 

§  II.  —  L'œuf  qui  renferme  l'autre  est  quelquefois  plus  volumineux, 
quelquefois  de  même  volume  qu'un  œuf  ordinaire;  il  possède  une 
coquille  et  un  blanc  normaux  et  généralement  aussi  un  jaune  intact 
ou  seulement  déformé  par  la  pression  de  l'œuf  inclus  qui  est  toujours 
situé  en  dehors  de  ce  jaune. 

L'œuf  contenant  n'est  quelquefois  formé  que  d'une  coquille  et  d'un 
blanc,  le  vitellus  faisant  défaut.  Ce  cas  est  rare  ;  M.  Flourens  en  a  ob- 
servé un  exemple  qui  offrait  encore  cela  de  remarquable  que  l'œuf 
inclus  était  volumineux  el  pourvu  d'un  blanc  et  d'uu  jaune  normaux. 
L'œuf  contenant  était  énorme  (1). 

L'œuf  inclus  est  très-rarement  d'un  volume  ordinaire  ;  presque  tou- 
jours il  est  fort  petit  et  constitué  seulement  par  une  coquille  et  un 
blanc,  sans  jaune.  Tels  sont  la  plupart  des  cas  rapportés  par  les  ob- 

(1)  Flourens,  communicatioa  à  l'Académie  des  sciences  citée. 


234 
servateurs;  il  en  est  cependant  quelques-uns  dans  lesquels  le  jaune 
existait.  Nous  venons  de  mentionner  un  fait  de  ce  genre  observé  par 
l'illustre  secrétaire  porpéttiel  de  l'Académie  des  sciences  ;  nous  en  ci- 
terons un  autre  de  M.  Rayer  (pi.  Il,  fig.  5)  :  il  s'agit  d'un  œuf  d'oie  très- 
volumineux  qui  en  contenait  un  autre;  celui-ci  possédait  un  vilellus 
bien  développé,  un  blanc  et  une  coque  calcaire.  L'œuf  extérieur  était 
complet,  toutefois  son  vilellus  était  fortement  aplati  et  comme  écrasé 
par  la  coquille  de  l'œuf  intérieur  (1).  Dans  un  cas  anciennemeiit  ob- 
servé par  un  chirurgien  aux  Indes,  l'œuf  inclus  était  complet,  mais 
fort  peiit  (2).  Jung  avait  vu  un  cas  semblable:  le  vitellus  de  l'œuf 
interne,  très-petit,  avait  ses  deux  clialazes  (3). 

Il  arrive  aussi  que  l'œuf  inclus  n'est  constitué  que  par  un  blanc  et 
la  membrane  coquillière,  le  jaune  et  la  coquille  faisant  défaut. 

§  m.  —  Cas  d'un  petit  œuf  sans  jaune  et  quelquefois  sans  coquille, 
inclus  dans  un  autre  du  reste  normal  : 

1"  OECFS  DE  POULB. 

Thomas  Bartliolin «  Ovum  gallinse  prœgnans,  »  deux  cas. 

(Epist.  medicin.,  cent.  III,  epist.  4^, 
29  juillet  1661.  —  Mise.  nat.  cur., 
deo.  l,  ana.  I,  obs.  XXXYl,  p.  104.) 

Perrault Petit  œuf  suns  jaune  ni  coquille  dans  ua 

œuf  ordinaire.  (Académie  royale  des 
sciences,  t.  X,  p.  559,  1666  à  1699;  et 
CoLLECT.  ACAD.,  pait.franç.,t.l,p.  388.) 

Georg.  Hier.  Velschii «  De  ovis  in  ovis,  n  deux  cas.  (Mise. 

NAT.  CUR.,  dec.  I,  anu.  III,  obs.  32, 
1672.) 

Job.  Sig.  Elslioltii «  Ovum  prîcgnans.  »  (Mise.  nat.  cur., 

dec.  I,  ann.  Yl  et  VII,  obs.  80,  p.  116, 
1675-1670.) 

J.  H.  Blancaard (Aci.  de  Copenhague,  1677-1679,  obs.  17, 

et  Jaarregist,  cent.  YI,  u"  45,  cité  par 
Haller  et  Is.  Geoffroy-Saint-Hilaire.) 

(1)  Rayer,  OEuf  complet  inclus  dans  un  autre  œuf  complet,  Comptes  re.ndus 
Soc.  de  biologie,  t.  1,  p.  123,  ann.  It:i9. 

(2)  Cité  par  Cleyer,  Mise.  nat.  cor.,  dec.  II,  ann.  I,  observ.  17,  ann.  1682. 

(3)  Georg.  Scbast.  Jung,  Ovum  ovo  prxgnans,  Mise.  nat.  cur.,  decur.  I, 
ann.  II,  obs.  CCL,  p.  348,  1671. 


235 

J  H.  Rivaliez «  Ovum  oto  praigoaus,  »  petit  œuf  à 

coque  imparfaite  entre  le  jaune  et  le 
blanc  d'un  œuf  ordinaire.  (Acta  eru- 
DiT.,anno  1G83,  p.  221.) 

Vallemout Petit  œuf  avec  une  coquille  sans  jaune 

dans  un  œuf  ordinaire.  (Journ.  des 
SAV.,  anu.  1G97,  p.  G.) 

HarTey Petit  œuf  sans  jaune  et  pourvu  d'une 

coquille,  renfermé  dans  un  autre. 
(Ouv.  cit.,  p.  38.) 

Ruysch Plusieurs  cas  mentionnés  ou  figurés. 

(Thés,  anat.,  III,  tab.  3,  fig.  5.—  Ibid., 
IV,  p.  12,  n»  48.  — Ibid.,  VII,  p.  13, 
n°  47.  —  Ibid.,  X,  n"  139.  —  Thés. 
MAX.,  p.  14,  n°  95.) 

VanderWiel Petit  œuf  avec  une  coquille  sans  jaune 

dans  un  œuf  ordinaire.  (Observ.  rares 

DE  MÉD.,    D'ANAT.,  ETC.,   t.  II,  p.  465. 

Paris,  1758.) 

Méry Petit  œuf  avec  une  coquille,  sans  jaune, 

dans  un  œuf  ordinaire.  (HisT.  acad. 
ROY.  DES  se,  ann.  1706,  p.  23,  g  IV.) 

Bruckmann (Epist.  58,  cité  par  Haller.) 

Georg.  H.  Bebr «  Ovum  gemellum.  »  (âct.  medic.  phys., 

vol.  VI,  obs.  82,  p.  295,  tab.  fig.  lY.) 

P.  G.  Rzaczynski Un  petit  œuf  avec  sa  coquille  dans  un 

autre.  (Hist.  nat.  ciir.  regni  POLONiyE, 
p.  303,  Sandomiriœ,  1721.) 

Schurigt (Obs.  medic^,  fasc.  I,  p.  56,  1764.) 

Joh.  Cb.  Kuiidmann «  Ovum  in  ovo  gallinaceo.  »  (âct.  Bues- 
la  w,  1722,  sect.  21,  p.  173,  art.  6,  cité 
par  Guellard.) 

Georg.  Wilh.  Beyer «  Ovulum  in  ovo.  »  (Act.  Breslaw,  1722, 

sect.  22,  p.  414,  art.  5,  cité  par  Gueltard.) 

Haller «  Ovum  gravidum.t  Petit  œuf  sans  jaune 

et  sans  coquille  dans  un  autre  œuf 
sans  coquille.  (Op.  minora  anat.,  tJII, 
p.  121,  LausanncC,  1708.) 

Guettard Petit  œuf  dans  un  œuf  ordinaire.  (Mém. 

SUR  DIFFERENTES  PARTIES  DES  SCIENCES 

ET  DES  ARTS,  t.  II,  p.  XV  et  préface 
p.  Lxxxu,  Paris,  1770.) 


236 

Anonyme Petit  œuf  à  coquille  incomplète  dans  un 

œuf  ordinaire.  (Acad.  bot.  de«.  se,  p. 
24,  g  II,  ann.  1775.) 

Lichtenberg Deux  cas.  (Magazin   FiiR  das   neuste, 

Gotha,  1781,  t.  I,  p.  83, 84.) 

Housset Deux  cas  observés  à  l'Hôtel-Dieu  de  Pa- 
ris en  1778  et  1780  :  premier,  œuf  sans 
jaune,  mais  arec  une  coquille  située 
dans  le  blanc  d'un  autreœuf; deuxième, 
œuf  inclus  sans  jaune  et  sans  coquille. 
(Observations  historiques  sdr  quel- 
ques ÉCARTS  ou  jeux  DB  LA  NATURE, 

p.  72,  Neuchâtel,  1785.) 

P.  Méûière.  . Œuf  de  poule  de  grosseur  ordinaire, 

sans  jaune,  contenant  un  petit  œuf 
à  coquille  irrégulière.  (Lachèse,  De 

LA  DUPLICITÉ  MONSTRUEUSE  PAR  INCLU- 
SION, thèse.  Paris,  1823,  in  4%  p.  17.) 

Isidore  GeolTroy-Saint-Hilaire.  .  .    (Hist.  des  anomalies,  t.  III,  part.  III, 

liv.  2,cliap.  11.) 

W.  F.  Montgomery.   . OEuf  gros  comme  une  groseille  trouvé 

dans  un  autre.  (Gyclop.edia  of  anat. 
AND  physiol.,  t.  Il,  p.  317,  Londres, 
1839.) 

G.  Davaine Un  petit  œuf  avec  une  coquille,  sans 

jaune,  dans  un  œuf  ordinaire,  pondu  à 
Passy,  près  Paris,  1860. 

2»  OECFS  DE  DINDO:*. 

Frank  de  Frankenau (SATiRiE  medic^ï;,  p.  78,  cite  par  Haller 

et  Geoffroy  Saint-Hilaire.) 

Brown  of  Norwich OEuf  de  dindon  et  de  poule  contenant  un 

autre  œuf;  pas  de  détails.  (Robert 
Hooke,  Philos,  experim.  and  obs., 
p.  32.  London,  172G.) 

Amelot Petit  œuf  avec  une  coquille  dans  un  œuf 

ordinaire;  pas  de  détails.  (Hist.  acad. 
noY.  DES  sciences,  1745,  p.  28,  |  III  ;  et 
Collect.  acad,,  t.  IV,  p,  337.) 


237 

5"  OEDF   DE   CyCNB. 

Brown  of  Norwich OEuf  de   cygne  donné   au  musée  de 

Gresliam.  Plus  gros  que  d'ordinaire,  il 
avait  5  pouces  dans  son  grand  axe  et 
10  decirconference.il  en  contenait  un 
autre  long  de  4  pouces  et  plus  gros 
qu'un  œuf  ordinaire  de  poule,  adhé- 
rent au  gros  bout  de  l'œuf  extérieur; 
sa  coquille  est  aussi  épaisse  et  aussi 
dure  que  celle  de  l'autre.  On  ne  sait  si 
l'un  ou  l'autre  avait  un  blanc  et  un 
jaune.  (Mus^dm  regalis  societatis  or 
Â.  Catalogue  of  nat.  and  artif.  ra- 

RETIES  OF  GrESHAM  COLLEGE;  by  Ne- 

hemjah  Grew  London,  1681,  p.  78.) 

4»  OEUFS  D'OIE. 

Jo.  Jac.  Stolterfoht a  Ovum  pi  segnans.  »  OEuf  d'oie  très-vo- 
lumineux en  contenant  un  autre  de 
la  grosseur  d'un  œuf  de  poule.  (Nova 
litteraria  maris  Balthici,  ann.  1699, 
p.  29.) 

Brown  of  Norwich Œuf  d'oie  en  contenant  un  autre  ;  l'œuf 

extérieur  n'avait  pas  de  jaune.  (Robert 
flooke,  loc.  cit.) 

Moraaz OEuf  d'oie  très-volumineux   contenant 

deux  jaunes,  et  en  outre  un  œuf  avec 
sa  coquille.  (Algem.  geneeskund  jaab- 

4  B0EKEN,  t.  m,  p.  44.) 

Rayer Cas  cité. 

§  IV.  —  Trois  œufs  peuvent  encore  être  renfermés  l'un  dans  l'au- 
tre. Cette  anomalie  a  été  observée  une  fois  chez  une  poule.  Dans  ce 
cas,  l'œuf  extérieur  était  régulièrement  conformé;  celui-ci  en  renfer- 
mait un  autre  sans  coquille,  mais  pourvu  d'une  membrane  coquilliére 
très-forte,  et  cet  autre  en  renfermait  aussi  un  sans  coquille  et  dont 
la  membrane  coquilliére  était  fort  mince  (l). 

(1)  Eggs  within  an  egg,  in  Charleston  médical  journal  and  reviev,-, 
vol.  XI,  n»  3,  p.  Ali,  mui  1856. 


238 

5  V.  —  Les  premiers  observateurs  des  faits  que  nous  venons  de 
mentionner  leur  ont  donné  diverses  iulerpr6taiions  :  tantôt  ils  ont 
cru  que  ces  œufs  étaient  engendrés  Tun  par  l'autre  (ovum  ovo  prœg- 
nans),  tantôt  ils  ont  vu  dans  cette  inclusion  un  état  primordial  et  un 
argument  en  faveur  de  la  llicorie  de  l'emboîtement  primitif  des 
germes  ;  pour  d'autres,  c'était  un  jeu  de  nature. 

Nos  connaissances  touchant  le  mode  déformation  de  l'œuf  expli- 
quent d'une  manière  satisfaisante  l'inclusion  dont  nous  nous  occu- 
pons, et  même  elles  donnent  la  raison  de  toutes  les  variétés  qui  ea 
ont  été  observées.  {Voy.  pour  l'explication  qui  suit  pi.  I,  tig.  1,  2,  3.) 

Nous  avons  dit  qije  l'œuf,  dans  Tovaire,  est  une  sphère  constituée 
par  la  vésicule  goraiiiiative  ou  la  cicatricule,  le  vitellus  et  sa  mem- 
brane d'enveloppe;  que,  chez  les  oiseaux,  au  sortir  de  la  vésicule 
ovarienne,  cette  sphère  pénètre  dans  l'oviducte  et  reçoit  succegsive- 
ment,  daus  son  trajet  à  travers  ce  conduit,  les  chalazes  et  leur  mem- 
brane, le  blanc,  la  membrane  co(}uillière,  enfin  la  coquille,  La  sphère 
vitelline  et  les  parties  qui  s'y  adjoij^nent  avancent  daus  le  canal  de 
l'oviducte  de  la  même  manière  que  le  bol  alimentaire  dans  le  tube 
digestif,  c'est-à-dire  par  des  contractions  péristaltiqucs  des  parois  de 
l'organe  qui  les  renferme,  contractions  qui  se  succèdent  d'avant  en 
arrière.  La  membrane  des  chalazes  et  les  couches  du  blanc  s'appli- 
quent au  vitellus  pendant  le  séjour  de  ce  corps  dans  la  première  par- 
tie de  l'oviducte;  la  membrane  testacée  ou  coquillère  se  forme  et  en- 
veloppe le  blanc  dans  la  partie  moyenne;  entin,  dans  la  dernière 
partie,  il  se  dépose  à  la  surface  de  la  membrane  testacée  des  grains 
calcaires  qui,  s'agglomérant,  constituent  la  coquille.  D'après  ces  don- 
nées, on  se  rendra  compte  facilement  des  anomalies  dont  il  est  ici 
question  et  de  plusieurs  autres  dont  il  sera  aussi  question  dans  la 
suite  de  ce  mémoire.  Il  suffît,  en  effet,  qu'une  cause  quelconque 
vienne  retarder,  accélérer  ou  rendre  inverses  les  contractions  péri- 
Ptal tiques  qui  font  parcourir  à  l'œuf,  suivant  un  ordre  réglé,  tout  le 
conduit  de  l'oviducte  pour  qu'il  se  produise  dans  la  disposition  des 
élémenls  qui  s'accumulent  autour  de  la  sphère  vitelline  et  qui  la 
complètent,  des  anomalies  plus  ou  moins  grandes,  pins  ou  moins 
complexes.  Un  séjour  trop  ou  trop  peu  prolongé  daus  une  partie 
diierniinée  de  l'oviducte  augmentera  on  diminuera  la  masse  des 
éléments  que  celte  partie  fournit  à  l'œuf;  ainsi  ce  corps  pourra  être 
pourvu  d'un  blanc  surabondant,  d'une  coquille  trop  épaisse  et  sur- 


239 

chargée  de  matières  calcaires,  ou  bien,  au  contraire,  il  n'aura  qu'un 
blanc  insuffisant,  une  coquille  trop  mince,  ou  même  il  n'aura  pas  de 
coquille.  Lorsque  les  contractions  péristaltiques  qui  le  font  cheminer 
d'avant  en  arrière  se  produiront  en  sens  inverse,  l'œuf  rétrogradera 
vers  des  parties  qu'il  aura  déjà  parcourues,  et,  soit  en  remontant, 
soit  en  redescendant,  il  s'adjoindra  extérieurement  des  couches  qui, 
dans  les  conditions  ordinaires,  sont  intérieures  aux  autres;  par  exem- 
ple, que  l'œuf  qui  a  parcouru  tout  l'oviducte,  c'est-à-dire  que  l'œuf 
déjà  complet  remonte  jusqu'au  pavillon  de  la  trompe,  il  y  rencontrera 
un  vitellus  récemment  sorti  de  l'ovaire,  et  dans  sa  descente  accom- 
pagné par  ce  vitellus,  ils  recevront  l'un  et  l'autre  un  blanc  commun, 
une  membrane  coquillière  et  une  coquille  communes;  que  ce  même 
œuf  ne  rétrograde  point  aussi  haut  ou  qu'il  n'y  ait  point  de  jaane 
nouvellement  engagé  dans  l'oviducte,  il  s'adjoindra  simplement  un 
second  blauc  et  une  seconde  coquille;  il  ne  revêtirait  même  qu'une 
membrane  coquillière  et  une  coquille  nouvelle,  s'il  ne  remontait  point 
au-dessus  de  la  partie  moyenne  de  l'oviducte;  d'un  autre  côté,  s'il 
rétrograde  avant  d'avoir  franchi  la  partie  moyenne  de  l'oviducte, 
l'œuf  inclus  n'aura  qu'une  membrane  coquillière  sans  coquille. 

Le  volume  ordinaire  d'un  œuf  bien  conformé  met  obstacle  à  son 
cheminement  en  sens  inverse  de  la  route  qu'il  a  déjà  suivie,  car  le 
calibre  de  l'oviducte  s'accroît  d'avant  en  arrière  proportionnellement 
au  volume  que  l'œuf  doit  acquérir  dans  chaque  partie  de  son  trajet  à 
travers  cet  organe;  c'est  pourquoi  généralement  les  œufs  inclus  sont 
d'une  petitesse  exceptionnelle  et  le  plus  souvent  incomplets.  Noua 
verrous  plus  loin  comment  se  forment  les  œufs  incomplets;  nous 
verrons  qu'ils  sont  ordinairement  petits,  circonstance  qui  favorise 
leur  retour  dans  des  parties  de  l'oviducte  qu'ils  ont  déjà  parcou- 
rues. 

§  VI.  —  Des  anomalies  qui,  au  premier  abord,  ne  paraissent  pas  de 
même  nature  que  celles  dont  nous  nous  occupons  dans  ce  chapitre,  à 
savoir  :  l'existence  de  deux  blancs  ou  de  deux  coques  superposés,  ou 
bien  celle  d'une  membrane  coquillière  extérieure  à  la  coque,  recon- 
naisL^oiit  un  mode  de  formation  identique  et  n'en  diffèrent  que  par  le 
degré.  Plusieurs  exemples  de  ces  anomalies  ont  été  rapportés  par  les  ob- 
servaleurs;run  desplus  remarquables, cousistantdanslasuperpositiun 
d'une  membrane  coquillière  à  la  surface  d'une  coquille  d'ailleurs  nor- 


240 
maie,  a  été  observé  par  Ilarvey  (1).  Un  fait  analogue  produit  artificiel- 
lement par  le  séjour  forcé  de  l'œuf  dans  l'oviducte,  a  été  rapporté 
par  Etienne  Geoffroy-Sain l-Hilaire  (2). 

§  VU.  —  D'après  les  faits  mentionnés  ci-dessus,  on  voit  que  l'inclu- 
sion d'un  œuf  dans  un  autre  n'est  pas  extrêmement  rare  cliez  la  poule, 
et  qu'elle  se  présente  aussi  chez  le  dindon,  chez  le  cygne  et  l'oie. 

§  VIII.  —  Chez  des  animaux  invertébrés  dont  l'ovule  reçoit  des  par- 
ties complémentaires  en  parcourant  un  oviducte,  on  rencontre  aussi 
des  œufs  inclus  dans  d'autres  œufs.  J'ai  observé  un  certain  nombre 
d'œufs  complets  réunis  deux  à  deux  ou  trois  à  trois  par  une  coquille 
commune,  chez  un  distomide  qui  se  développe  et  qui  forme  des  tu- 
meurs volumineuses  dans  la  région  pectorale  de  Y  aigle-bar  (pi.  II,  fig.  1); 
quelquefois,  comme  chez  la  poule,  les  œufs  inclus  étaient  incomplets  (3) . 

§  IX.  —  L'inclusion  dont  l'origine  est  à  l'oviducte,  ne  fait  que  rap- 
procher dans  une  coque  deux  ovules  qui  restent  toujours  indépen- 
dants l'un  de  l'autre  et  extérieurs  l'un  à  l'autre.  Si  ces  deux  ovules 
se  développaient,  ce  que  j'ai  vu  chez  le  distomide  cité  ci-dessus,  ils 
formeraient  deux  individus  complètement  distincts  et  séparés.  Pour 
qu'il  en  fût  autrement,  il  faudrait  que  l'une  des  sphères  vilellines  fut 
renfermée  dans  l'autre,  ce  qui  n'est  jamais  le  cas  dans  l'inclusion  qui 
se  forme  à  l'oviducte.  C'est  donc  dans  une  autre  condition  de  l'œuf, 
dans  une  anomalie  primitive  ou  ovarienne  qu'il  faudra  chercher  la  rai- 
son de  la  monstruosité  qui  consiste  dans  l'inclusion  d'un  fœtus  ou 
d'un  individu  dans  un  autre;  monstruosité  qui,  à  tort,  a  été  rappor- 
tée par  quelques  auteurs  aux  anomalies  de  l'œuf  dont  nous  venons 
de  nous  occuper. 

0BCTioif  111.  —  OBurentraTé. 

§  I.  —  Nous  parlerons  ici  de  quelques  corps  composés  par  les  élé- 
ments de  l'œuf,  et  qui  ont  été  qualiliés  à  cause  de  leur  grosseur  ex- 

(1)  Eurvcy,  ouv.  cit.,  p.  37,  excrcit.  XI. 

\2)  Et.  Geoflroy-SuiiU-lIilaire,  Sur  les  organes  sexuels  et  sur  les  produits  de 
génération  des  poules  dont  on  a  suspendu  la  ponte  en  fermant  l'oviductus,}iÈii. 

DU  MUSKUM  D'uIST.  NAT.,  t.  IX,  [).'\,  182Î. 

['il  G.  Dav;iinp,  Cû.mptf.s  hendos  de  l\  Soc.  de  biologu:,  1854. 


■241 
traordinaire  du  nom  d'œufs  monstrueux.  Ces  corps  ne  sont  point  pro- 
duits par  un  désordre  fonctionnel  de  l'oviducle  comme  les  œufs  in- 
clus ou  à  deux  jaunes,  mais  ils  le  sont  par  une  lésion  pathologique  de 
cet  organe;  à  proprement  parler  ce  ne  sont  point  des  œufs. 

1°  Un  corps  de  ce  genre  a  été  tronvé  par  Malpighi  dans  la  trompe?  (exfremo 
ovario)  d'une  poule  :  sa  forme  était  ovoïde,  sa  longueur  de  11  centimètres, 
sa  largeur  de  7;  il  était  composé  de  vitellus  plus  ou  moins  déformés  et  sé- 
parés par  des  couches  de  blanc  concret.  Sa  coque  était  épaisse  comme  du 
cuir  de  bœuf,  et  résistante  comme  du  parchemin;  il  n'y  avait  point  de  co- 
quille calcaire  (1). 

2»  Vallisneri  possédait  un  œuf  gros  comme  ccluid'une  oie,  qu'il  avait  trouvé 
dans  la  cavité  abdominale  d'une  poule.  Cet  œuf  était  formé  d'une  douzaine 
de  jaunes  environ  avec  très-peu  de  blanc.  Une  sorte  de  coque  fibreuse  dé- 
pourvue de  substance  calcaire  l'enveloppait  (1). 

3»  Morand  fils  a  donné  la  description  d'un  œuf  qui  pesait  sept  fois  plus 
qu'un  œuf  ordinaire  (trois  quarterons  et  demi),  et  qu'il  avait  extrait  du  ventre 
d'une  poule.  Cet  œuf  avait  un  blanc  et  son  jaune;  le  blanc  fort  endurci  était 
composé  de  trente-six  couches  assez  distinctes  ;  le  jaune,  au  contraire,  fondu 
et  dissous,  était  plus  pâle  qu'à  l'ordinaire.  On  ne  dit  point  qu'il  y  eiit  une  coque 
calcaire  (3). 

§  II.  —  Lorsque  le  pavillon  de  la  trompe  est  obstrué  chez  la  poule, 
ce  qui  n'est  pas  extrêmement  rare,  il  s'accumule  dans  la  cavité  abdo- 
minale une  quantité  plus  ou  moins  considérable  de  vitellus;  mais  ces 
jaunes  ne  forment  point  une  masse  ovoïde,  et  ne  sont  point  entourés 
d'albumine.  Si  l'obstruction  existe  dans  la  longueur  de  l'oviducte,  ce 
conduit  peut  quelquefois  encore  recevoir  un  ou  plusieurs  vitellus  qui 
s'entourent  de  blanc;  probablement  dans  les  trois  cas  ci-dessus,  les 
œufs  composés  s'étaient  constitués  dans  l'oviducte  encore  en  partie 
libre,  car  ils  avaient  la  forme  d'un  œuf  et  ils  étaient  entourés  d'une 
ou  de  plusieurs  couches  d'albumine  concrète.  Pourquoi,  dira-t-on, 
si  ces  couches  n'étaient  que  de  l'albumine,  pourquoi  n'avaienl-elles 
point  conservé  l'apparence  du  blanc  d'œuf  frais?  Ne  pourrait-on  croire 
plutôt  qu'elles  étaient  formées  d'une  exsudation  plastique  analogue 


(l)Marc.  Malpighi,  Opéra  i'osïucma,  p.  08,  tabl.  xn,  fig.  1,  London,  1797. 
(2j  Vallisneri,  Opère  fisico-medicue,  t.  il.  p.  77,  §  13.  Venezia,  1733. 
(3)  Morand  fils,  Sur  un  œuf  monstrueux ,  HisT.  acad.  roy.  des  sciences. 
1718;  et  Collect.  acad.,  part,  l'ranç.,  f.  lY,,  p.  252. 

MKM.  '  ÎG 


t42 
aux  fausses  membranes,  ou  bien  à  du  pus  concret?  Les  intéressantes 
expériences  d'iitienne  Geolïroy-Sairit-Hilaire  sur  la  rétention  forcée  de 
l'œuf  dans  l'oviiiurte  par  une  ligature  placée  sur  ce  conduit,  donnent 
à  ces  questions  une  réponse  péremptoire.  L'illustre  observateur,  eu 
effet,  remarqua  que  l'œuf  retenu  s'entourait  d'une  couche  d'albumine, 
non  pas  liquide,  mais  concrète,  semblable  au  blanc  d'œuf  cuit  et 
qu'il  s'amassait  dans  roviducle  des  corps  arrondis  formés  d'une  ma- 
tière semblable  au  blanc  d'œuf  cuit.  Un  acide  produit  par  l'infiam- 
maliou  vive  des  parties  environnantes  déterminait  la  coagulation, 
comme  l'a  constaté  l'auteur  avec  la  collaboration  de  M.  Cheyreul  (1). 
Une  cause  analogue,  sans  doute,  a  déterminé,  dans  les  cas  cités  ci- 
dessus,  la  coagulation  des  couches  albumineuses  de  ces  œitfs  com- 
posés. 

Sectioiv  1T.  —  Corps  étrangers  inclus. 

On  trouve  quelquefois  dans  l'œuf  des  corps  étrangers  organiques 
soit  inanimés,  soit  vivants,  ou  des  corps  inorganiques.  Généralement 
les  premiers  doivent  leur  origine  à  quelque  lésion  des  organes  de  la 
génération,  et  les  derniers  à  leur  introduction  du  dehors. 

Des  corps  charnus  trouvés  dans  l'œuf  de  la  poule  ont  été  comparés 
au  parenchyme  du  foie;  quelques-uns  même  ont  été  pris  pour  un  or- 
gane développé  isolément  de  tous  les  autres.  C'est  probablement  à 
des  concrétions  semblables  qu'il  faut  rapporter  les  histoires  populaires 
d'insectes,  de  hannetons  trouvés  dans  des  œufs.  Des  stries  de  sang 
provenant  de  l'ovaire,  des  chalazes  isolées  du  jaune,  des  vestiges  d'une 
incubation  interrompue  ont  été  regardés  comme  des  vers  ou  comme 
des  embryons  de  serpent,  de  basilic,  etc. 

Aux  corps  étrangers  appartiennent  : 

l*  Des  caillots  sanguins  récents  ; 

2*  Des  concrétions  Gbrineuses  ou  sanguines  anciennes; 

3*  Des  portions  mêmes  de  l'ovaire; 

4*  Des  entozoaires  réels  ou  actifs. 

A.  —  Caillots  sanguins  récents. 

Il  est  assez  commun  de  trouver  à  la  surface  ilu  jaune  d'un  œuf  récemment 

(1)  Et.  Geoffroy- Saint-H lia irCj  infim.  cité. 


243 
pondu  des  stries  ou  de  petits  amas  sanguinolents.  Leur  forme  et  leur  nombre 
sont  très-variables  ;  leur  volume  dépasse  rarement  celui  d'une  lentille ,  leur 
couleur  est  rutilante  comme  celle  du  sang  frais  ;  ils  forment  des  caillots  mous; 
ils  sont  disséminés  sur  le  vilellus  dont  ils  n'occupent  point  une  région  dé- 
terminée, et  n'ont  aucun  rapport  avec  la  cicatricule.  Jamais  ces  caillots  ne  se 
tiouvent  à  l'intérieur  même  du  vitcllus,  dans  l'albumen  ou  sous  la  coquille. 
J'ai  reconnu,  par  l'examen  anatomiqiie,  que  leur  siège  constant  est  l'intervalle 
qui  existe  entre  la  membrane  vitelline  et  la  membrane  des  chalazes  qui  en- 
Teloppe  immédiatement  la  première.  Une  pression  ménagée  les  déplace  et  les 
fait  avancer  entre  ces  deux  membranes  sans  qu'ils  pénètrent  au  dedans,  et  sans 
qu'ils  se  répondent  au  dehors.  La  constitution  de  ces  amas  sanguinolents  est 
celle  d'un  caillot  sanguin;  l'examen  microscopique  me  les  a  constamment 
montrés  formés  d'une  grande  proportion  de  corpuscules  du  sang  identiques 
avec  ceux  de  la  poule,  corpuscules  pour  la  plupart  tout  à  fait  intacts,  et  ac- 
compagnés quelquefois  dun  assea  graud  nombre  de  noyaux  libres,  restes  de 
globules  détruits. 

Quelle  est  l'origine  de  ces  caillots?  IlsTi'oiit  aucun  rapport  avec  le 
développeujcnt  embryonnaire,  car  ils  sont  toujours  situés  au  dehors 
de  la  membrane  vitelline,  et  quelquefois  à  l'opposé  même  de  la  cica- 
tricule qui,  du  reste,  n'offre  aucun  indice  de  dévetoppemeut  ;  d'un 
autre  côté,  ils  ont  une  analogie  couiplèle  avec  le  sang  de  la  poule. 
D'après  ces  considérations  co.ume  d'après  leur  siège  eu  dedans  de  la 
membrane  des  chalazes,  on  peut  coaciure  que  ces  caillots  sont  formés 
par  du  sang  de  la  poule  dépose  a  la  surface  du  vilellus  avant  que  ce 
corps  n'ait  revêtu  la  première  membrane  que  lui  fournil  l'oviducte, 
c'est-à-dire  dans  l'inUrvalle  de  son  passage  de  l'ovaire  à  la  trompe. 
Il  me  paiail  évident  que  le  sang  est  fourni  par  les  vaisseaux  du  calice 
ovarien,  lorsque  cet  organe,  embrassé  par  le  pavillon  de  la  trompe, 
se  rompt  pour  livrer  passage  à  l'ovule. 

B.  —  Concrétions  fibrineuses  et  sanguines  anciennes. 
l'ri-mxer  lait.  — lU VAINE. 

Quoique  ce  cas  vienne  le  dernier  en  date,  j'en  parlerai  tout  d'abord  à  cause 
de  l'étude  histologique  qui  a  été  faite  du  corps  contenu  dans  l'œuf  et  des 
indications  précises  que  l'on  a  sur  sa  nature. 

Un  de  mes  amis,  en  mangeant  un  OMif  de  poule,  aperçut  a  l'intérieur  un 
cor|)S  particulier  qu'il  recueillit  et  qu'il  m'envoya  dans  de  l'alcool  (pl.Il^fig.G), 

Ce  corps  a  la  forme  d'une  calotte  prolongée  d'un  côté  en  un  filament  épais 
à  la  base  et  amluci  graduellement  au  sommet.  Le  diamètre  de  la  calotte  est 


2Ï4 
de  11  millimètres,  le  filauieal  est  un  peu  moins  long;  la  circonférence  est 
épaissie  dans  la  partie  qui  donne  naissance  au  lilament,  amincie  à  l'opposé. 
La  plus  grande  épaisseur  est  de  3  millimètres;  la  concavité  de  l'une  des  faces 
et  la  convexité  de  l'autre  sont  à  peu  près  conformes  à  la  surface  du  segment 
d'un  petit  jaime  d'oeuf  de  poule,  de  telle  sorte  que  ce  corps  pouvait  être  situé 
entre  un  vitellus  qu'il  coiffait  et  le  calice  de  l'ovaire.  Il  était  évidemment 
libre  de  toute  adhérence,  d'une  connexion  quelconque  avec  une  autre  partie  ; 
il  forme  un  tout  complet.  Sa  couleur  est  d'un  brun  grisâtre;  sa  consistance 
est  très-ferme,  semblable  à  celle  d'un  caillot  librineux  ancien  ;  il  est  formé 
de  deux  couches  épaisses,  juxtaposées,  qui  ne  laissent  point  de  cavité  entre 
elles.  Examinée  au  microcope,  sa  substance  n'offre  pas  une  structure  ap- 
préciable; point  de  cellules,  point  de  vaisseaux,  aucuu  tissu  distinct,  aucun 
lilament  visible.  Elle  n'a  do  rapport  évident  qu'avec  la  fibrine  du  saug  dont 
la  cuisson  et  l'alcool  avaient  changé  quelque  peu  l'apparence. 

On  ne  peut  rapporter  l'origine  de  ce  corps  qu'à  du  sang  épanché 
hors  des  vaisseaux  de  l'ovaire  ;  toutefois,  à  une  époque  bien  antérieure 
à  celle  où  le  jaune,  abandonnant  le  calice,  pénètre  dans  l'oviducle, 
car  sa  consistance  est  de  beaucoup  plus  considérable  que  celle  des 
caillots  formés  lors  de  la  rupture  du  calice.  Une  hémorrhagie  à  l'in- 
térieur de  la  vésicule  ovarienne,  lorsque  le  vitellus  est  encore  loin 
de  sa  maturité,  satisfait  à  ton  tes  les  conditions  de  notre  corps  étranger. 
D'une  part,  le  sang  épanché  s'est  moulé  sur  la  convexité  du  vitellus, 
et  de  l'autre,  sur  la  concavité  de  la  vésicule  ovarienne;  la  partie  li- 
quide s'est  résorbée  et  le  caillot,  pendant  que  le  vitellus  achevait  de 
se  former,  a  pu  acquérir  la  consistance  et  la  fermeté  des  concrétions 
fibrineuses  anciennes  ;  enfin,  lors  de  la  maturité  du  jaune,  le  caillot 
a  été  reçu  avec  ce  corps  dans  l'oviducte. 

DetiTième  fait. — Dcuamel  (De  Lille). 

«  On  trouve  quelquefois  des  corps  étrangers  dans  Tintéricur  des  œufs  ;  cela 
n'arrive  sans  doute  que  bien  rarement,  puisque  ayant  employé  pour  ma  part 
(l'auteur  était  pharmacien)  au  moius  vingt  mille  œufs  frais,  ce  n'est  que  le 
mardi  8  avril  1823  que  j'ai  rencontre  une  semblable  particularité... 

«  ...Celui  que  j'ai  trouvé  est  réniforme  ;  il  avait  la  couleur  et  la  consistance 
d'un  rein.  Placi^  du  côld  opposé  à  la  cicatricule,  il  adhérait  au  jaune,  mais 
n'entrait  point  dans  sa  substance,  car  je  l'en  délaclai  sar.s  le  rompre.  Cette 
concnJtion  est  nécessairement  rccouvcrie  d'une  membrane,  puisque  je  pus 
la  laver  u  l'eau  fraîche  et  la  frotter  sans  qu'elle  se  divisât.  L'ayant  ainsi 
lavée,  je  l'ai  mise  dans  de  l'alcool  rectillé  pour  la  conserver.  Kilo  a  de  longeur 
4  lignes  et  de  largeur  au  plus  grand  des  lobes  près  de  2  lignes  I/-2.  Avant  son 


immersion  dans  l'alcool  elle  avait  une  couleur  partout  homogène,  mais  sans 
doute  quelques  légères  portions  d'albumine  n'auront  pas  été  enlevées  par  le 
lavage;  leur  coagulation,  surtout  entre  les  deux  lobes,  a  donné  à  la  concré- 
tion une  ressemblance  plus  grande  avec  le  viscère  dont  elle  a,  commaje 
l'ai  dit,  la  forme  et  la  couleur...  Vous  pourrez  en  juger  par  le  dépôt  que  j'ea 
fais...  (1).. 

Troisième  fait. —  Leblond. 

«  Un  œuf  de  poule  fut  ouvert  pour  les  usages  domestiques,  or  comme  on 
aperçut  dans  les  liquides  un  corps  rougeàtre  extraordinaire,  M.  Leblond  fut 
prévenu...  (Voy.  pi.  II,  fig.  7.) 

«  L'auteur  n'a  pu  s'assurer  sur  laquelle  des  deux  faces  concave  ou  convexe 
delà  membrane  vitelline  le  corps  était  primitivement  adhérent  ;  il  croit  qu'il 
était  renfermé  dans  le  sac.  Il  occupait  sur  le  vitellus  la  place  de  la  cicatricule 
et  du  germe...  Isolé,  ce  corps  était  irrégulier  en  apparence,  quoique  ayant 
conservé  l'empreinte  en  creux  de  la  convexité  du  vitellus  et  présentait  du 
côté  opposé  deux  sortes  de  plans  irrégulièrement  convexes  ;  sur  les  bords 
de  la  jonction  des  plans  se  prolongeait  d'un  côté  une  sorte  de  col  rétréci  fixé 
à  la  chalaze  ;  le  tout  était  recouvert  d'un  couche  mince  d'albumine  plus  con- 
crète et  d'une  membrane  diaphane  inégalement  épaisse,  appliquée  sur  le 
germe  paradoxal  auquel  elle  adhérait  par  quelques  points.  Après  avoir  dé- 
taché avec  soin  cette  enveloppe  membraneuse,  le  corps  problématique  fut 
trouvé  d'une  teinte  rouge  passant  au  jaunâtre,  d'apparence  fibrineuse  que 
l'auteur  regarde  comme  un  parenchyme  musculaire. 

«  Une  incision  longitudinale  mit  à  découvert  une  cavité  intérieure  conte- 
nant un  peu  de  mucuosité...  Une  seconde  incision,  faite  à  l'opposite,  ouvrit 
une  seconde  cavité  moins  vaste,  mais  à  parois  plus  épaisses  avec  des  fais- 
ceaux fibrineux  irréguliers  par  la  forme  et  la  longueur;  il  y  avait  donc  une 
cloison  entre  les  deux  cavités,  mais  elle  était  percée...  (2).  » 

L'auteur,  dans  un  mémoire  publié  sur  ce  fait,  admet  que  le  corps 
observé  par  lui  est  un  cœur  de  poulet  développé  isolément  de  toutes 
les  autres  parties  embryonnaires  ;  il  se  livre,  à  ce  sujet,  à  des  consi- 


(1)  Concrétion  trouvée  dans  l'intérieur  d'un  œuf  de  "poule,  par  M.  Duhamel, 
membre  résident.  (Recueil  des  trav.  de  la  Soc.  des  se.  de  Lille,  ann.  1823- 
1824,  p.  273.  Lille,  1826.) 

(2)  Charles  Leblond,  Recherches  d'anat.  et  de  physiol.  sur  un  embryon 
monstrueux  de  la  poule  domestique,  circonscrit  dans  l'existence  soli- 
taire d'un  coeur.  Paris,  1834;  avec  un  rapport  (iç  l'Acad.  des  sciences,  du 
29  sept.  1834. 


246 
dérations  sur  le  développement  et  la  constitution  des  organes,  sur  les 
lois  de  la  formation  normale  cl  des  anomalies  qui  le  mènent  à  des 
conclusions  nombreuses  et  fort  inattendues.  Une  simple  remarque 
réduit  toutes  ces  considérations  à  néant,  c'est  que  ce  cœur  s'est  déve- 
loppé en  l'absence  d'un  blastoderme. 

S'il  fallait  adopter  une  opinion  sur  la  nature  et  l'origine  du  corps 
en  question,  nous  rapprocherions  le  fait  des  deux  qui  précèdent  : 
comme  celui  que  j'ai  décrit,  le  cor|)6  étranger  de  Leblond  avait  la  con- 
sistance et  l'apparence  d'un  caillot  fibrineux  ;  sa  forme  était  en  rap- 
port avec  celle  de  l'intervalle  compris  entre  un  vitellus  et  la  véhicule 
ovarienne.  Quant  aux  libres,  quant,  à  la  membrane  qui  recouvrait  sa 
face  convexe,  et  dont  la  nature  n'a  point  été  déterminée  par  un  exa- 
men suffisant,  les  unes  étaient  certainement  des  faisceaux  de  fibrine, 
l'autre  peut-être  une  portion  de  la  vésicule  ovarienne  adhérenle  au 
caillot  et  entraînée  avec  celui-ci.  L'observation  suivante  nous  montre 
un  fait  analogue  sous  ce  rapport  et  qui  rend  notre  explication  très- 
vraisemblable.  Enfin,  je  ferai  remarquer  que,  dans  l'observation  de 
Duhamel,  le  corps  étranger  dont  la  situation  a  pu  être  bien  déter- 
minée n'avait  aucun  rapport  avec  la  cicalricule,  et  que,  par  consé- 
quent, ces  sortes  de  corps  n'ont  aucune  relalionavec  le  développement 
embryonnaire. 

C.  —  Fragments  de  l'ovaire. 
Premier  fait. —  LaboulbÈNE. 

L'œuf  provient  d'une  poule  de  la  race  de  Houdan.  Il  est  plus  volumineux 
que  les  œufs  ordinaires  de  cette  poulc;  sa  forme  est  réguliiTe.  mais  la  co- 
quille manque  de  carbonate  calcaire  en  plusiciirs  points  et  priucipalement 
au  gros  bout  d'où  sort  un  corps  allongé,  une  sorte  de  pédicule  qui  fait  une 
saillie  de  2  centimètres  au  deliors  de  la  coque  et  qui  a  de  2  à  3  millimètres 
d'épaisseur  ;  la  membrane  coquillière  est  normale  (pi.  II,  (ig.  8). 

Dans  le  petit  bout  de  l'œuf  existe  un  jaune  ou  vitellus  très-frais,  ayant  son 
apparence  ordinaire,  une  cicatricule,  un  blanc  muni  de  deux  chalazcs. 

Dans  le  gros  bout  se  trouve  un  autre  corps,  un  peu  plus  volumineux  que 
le  précédent  et  qui  possède  un  pédicule.  Il  est  entouré  d'un  albumen  diffé- 
rent, d'une  teinte  louche,  rosée  ou  rougeàtre,  un  peu  brune  vers  l'extré- 
mité. Ce  corps  est  d'une  couleur  blanc  sale,  roussâtre  ;  sa  surface  est  légère- 
ment tomenteuse  et  l'on  y  dislingue  des  nervures  (ini  paraissent  produites 
par  le  relief  de  vaisseaux  sanguins.  Le  pédicule  semble  faire  partie  inté- 
grante de  la  masse  de  ce  corps  ;  il  se  détache  par  une  faible  traction  de  la 


Z4/ 

membrane  coquillièie  qu'il  traverse  et  avec  laquelle  il  n'a  point  de  conti- 
nuité. 

L'examen  anafomique  fait  voirqun  le  corps  pédicule  est  formé  extérieure- 
ment d'une  enveloppe  mince,  cliifTonnée,  et  se  séparant  en  totalité  des  par- 
ties sous-jarentes  auxquelles  elle  n'adlière  que  très-faiblement.  Elle  ne  se 
continue  pas  sur  le  pédicule.  Examinée  au  microscope,  cette  enveloppe  se 
montre  comnosée  par  un  groupe  de  granulations  moléculaires  reliées  entre 
elles  par  une  matière  amorplie  unissante;  elle  renferme  aussi  des  globules 
graisseux.  C'est  évidemment  une  pseudo-membrane  de  formation  récente  et 
dépourvue  de  vaisseaux.  Au-dessous  d'elle  existe  une  seconde  membrane, 
qui  renferme  un  vilelhis  ou  jaune  ordinaire.  Cette  seconde  membrane  con- 
tient dans  l'épaisseur  de  ses  parois  de  nombreux  vaisseaux  qui,  aboutissant 
tous  au  pédicule,  laissent  à  l'opposé  nn  espace  libre  et  non  vascrdaire.  Cette 
disposition  rappelle  très  exactement  celle  du  stigmate  des  vésicules  ova- 
riennes qui  possèdent  encore  leur  vilellus.  «  Nous  pouvons  donc,  nous  de- 
vons admettre,  dit  avec  toute  raison  l'observateur,  que  le  corps  spbérique 
pédicule  situé  vers  la  grosse  extrémité  de  l'œuf,  présente  tous  les  caractères 
d'une  vésicule  ovarienne  entière,  avec  son  pédicule,  ses  vaisseaux  et  son 
stigmate  non  vasculaire.  Il  n'est  autre  qu'une  vésicule  ou  un  calice  de  l'o- 
vaire dont  le  pédicule  s'est  d'Haché,  et  cette  vésicule  non  rompue  s'est  en- 
veloppée d'albumine  après  s'être  revêtue  d'une  fausse  membrane  (1).  » 

Ce  fait  est  d'un  grand  intérêt;  il  peut  jt^ter  du  jour  sur  la  nature  de 
plusieurs  autres  dont  l'interprétation  avait  été  jusqu'aujourd'hui  fort 
difficile.  On  ne  trouve  point  ici,  comme  dans  les  cas  précédents,  une 
concrétion  fibrineuse,  mais  les  produits  d'une  inflammation  de  la  vé- 
sicule ovarienne;  inflammation  qui  a  déterminé  le  ramollissement  et 
la  rupture  du  pédicule  du  calice  et  la  formation  d'une  fausse  mem- 
brane enveloppante.  Cette  fausse  membrane,  toutefois,  a  dû  se  former 
avant  la  rupture  du  pédicule,  car,  une  fois  séparé  de  l'ovaire,  le  calice 
cesse  de  vivre  et  ne  peut  produire  un  corps  de  cette  nature. 

Le  vitelius  étant  parfait,  c'est  à  l'époque  de  la  maturité  de  l'ovule 
que  la  maladie  est  survenue;  quelque  lésion  du  même  genre  pourrait 
survenir  aussi  lorsque  la  vésicule  ovarienne  est  encore  peu  développée 
ou  bien  après  que  le  viteilusen  a  été  expulsé,  de  là  résulteraient  des 
différences  notables  dans  des  cas  cependant  analogues;  ceux  qui  sui- 
vent nous  en  ofTrenl  peut-être  des  exemples. 

(1)  A.  Laboulbène,  OEuf  de  poule  monstrueux  renfermant  à  la  fois  un  jaune 
ordinaire  et  une  vésicule  ovarienne.  (Co.mptes  rendus  de  LA  Soc.  DE  biologie, 
1. 1,  3*  série,  p.  161,  ann.  1859.  Paris,  1860.) 


248 

Deuxième  faiL—HkiLLX  (de Lille). 

«Madame  ***,  cassant  un  œuf  pondu  depuis  quelques  heures  seulement, 
sentit,  en  le  remuant  avec  une  cuiller,  de  la  résistance  dans  le  fond;  cher- 
chant à  la  vaincre,  elle  amena  au  dehors  un  corps  étranger  de  consistance 
assez  ferme  et  ressemblant  pour  la  forme  et  pour  le  volume  à  un  cœur  de 
poulet.  Ce  corps,  que  j'ai  examiné  attentivement,  m'a  paru  n'être  qu'une  tu- 
meur polj'peuse  qui  a  dû  adhérer  à  la  muqueuse  de  l'oviducte  par  le  pédi- 
cule même  qu'on  y  remarque.  Sa  couleur  intérieure  était  rouge  foncé;  sa 
texture  fibreuse  et  sa  consistance  égale  à  celle  du  cœur.  Une  membrane 
très-mince,  blanchâtre  et  composée  de  deux  feuillets  au  moins,  la  recouvrait 
entièrement.  Il  est  probable  que  cette  tumeur  se  sera  développée  sur  l'ori- 
ductus,  aura  été  englobée  par  l'œuf  pendant  son  développement  dans  cet  or- 
gane et  le  pédicule  arraché  au  moment  de  la  formation  de  l'enveloppe  cal- 
caire ou  de  la  ponte.  Ce  qui  nous  porte  à  admettre  cette  explication,  c'est 
la  cicatrice  que  l'on  remarque  à  la  coquille  que  je  tous  présente,  qui  con- 
state que  la  tumeur  y  a  adhéré  (1).  » 

Ce  fait  ressemble  trop  au  précédent  pour  qu'on  ne  le  range  pas  dans 
la  même  catégorie  ;  toutefois,  les  restes  d'une  hémorrhagie  déjà  an- 
cienne existaient  dans  la  membrane  enveloppante,  et,  à  ce  point  de 
vue,  il  se  rapproche  du  cas  observé  par  Leblond.  Je  serais  disposé  à 
croire  que  ce  corps  était  une  vésicule  ovarienne  dans  laquelle,  consé- 
cutivement à  la  sortie  du  vitellus,  il  s'était  fait  un  épanchement  san- 
guin. 

Troisième  fait  ?  —  ValliSNERI. 

«  Notre  auteur  possède  un  œuf  qui  a  été  touvé  dans  un  autre  œuf  de  poule, 
le  2  mars  1700.  Il  est  gros  comme  un  œuf  de  pigeon,  et  semblable  à  ceux 
que  Acquapendente,  avec  le  vulgaire,  a  appelé  centenins.  L'auteur  l'ayant 
ouvert  dans  toute  la  longueur  l'a  trouve  rempli  presque  entièrement  d'un 
petit  morceau  de  chair  arrondi.  La  coquille  avait  une  certaine  épaisseur, 
maiselleétait  plutôt  tenace  et  flexible  que  fragile.  Elle  renfermait  une  tunique 
ou  membrane  très-dense  et  forte  qui,  étant  soulevée,  avait  l'apparence  d'une 
bourbe  de  couleur  livide  et  de  suie  ;  cependant  elle  ne  répandait  aucune  odeur 
désagréable.  Sous  cette  membrane  existait  le  petit  morceau  de  chair  ci-dessus 
mentionné,  semblable  au  parenchyme  du  foie  ou  bien  au  placenta.  L'au- 
teur l'ayant  renfermé  dans  une  boite  pendant  toute  la  nuit  et  l'ayant  examiné 

(1)  Corps  étranger  trouvé  dans  un  œuf,  par  M.  Bailly,  membre  résidant. 

(Mém.  soc.   ROY.  DES  SCIENCES de  Lille,  année  1838,  2«  partie,  p.  2'26. 

Lille,  1838.)  ,....„,; 


2'|0 
le  matin  suiraut,  vemariiuu  que  la  couleur  rougeàtrc  était  plus  prononcée 
quoique  encore  encore  pâle  et  légèrement  jaunâtre  ;  au  contact  de  l'air  cette 
couleur  devint  d'un  beau  rouge  ;  son  odeur  et  sa  saveur  étaient  celles  de  la 
chair.  Divisé  par  le  milieu,  il  n'offrit  pas  une  organisation  bien  distincte, 
mais  seulement  un  amas  confus  de  fibres  mêlées  à  du  sang  et  à  un  peu  de 
sérum. 

«  Ce  corps  était  plus  gros  vers  le  gros  bout  de  l'œuf,  et,  vers  le  petit  bout, 
il  formait  une  espèce  de  petite  boule.  Par  un  examen  attentif  on  pouvait  voir 
qu'il  était  formé  de  trois  parties  connexes  avec  la  supérieure,  laquelle  pa- 
raissait être  la  tête.  Ainsi,  dit  l'auteur,  ce  corps  pourrait  être  comparé  un 
peu  grossièrement,  si  vous  voulez,  à  une  môle  embryonnaire  qui  aurait 
quelque  ressemblance  avec  un  petit  poulet  muni  de  sa  tête,  de  ses  ailes  et  de 
son  tronc  (1).» 

Quatrième  fait  ?  —  Petit. 

«  M.  Petit  a  fait  voiràrAcadémie  un  petit  corps  oviforme  d'environ  10  lignes 
de  longueur  et  de  5  lignes  de  diamètre,  qu'il  avait  trouvé  dans  le  blanc  d'un 
œuf.  Ce  corps,  qui  était  lui-même  une  espèce  de  petit  œuf,  n'était  attaché  au 
grand  que  par  un  pédicule  assez  court  et  qui  avait  peu  de  consistance.  On 
y  voyait  quatre  enveloppes  ;  l'extérieur  était  assez  solide  puisque,  en  étant 
séparée,  elle  conservait  sa  forme  et  se  soutenait  par  elle-même,  ce  que  ne 
faisaient  point  les  autres.  A  chaque  séparation  des  trois  premières  enve- 
oppes  ainsi  prises  extérieurement,  le  petit  corps  conservait  sa  figure;  mais 
on  n'en  eut  pas  plutôt  séparé  la  quatrième,  que  tout  ce  qui  y  était  renfermé 
s'échappa  en  forme  de  blanc  d'œuf  sans  jaune. 

M.  Winsiow  dit  en  avoir  vu  un  semblable  (2).  » 

Cinquième  fait? — Gleter. 

«  On  doit  aussi  ranger  dans  la  classe  des  œufs  monstrueux  celui  qui  fut 
donné,  le  19  juin  1664,  à  M.  Georges  Frédéric  Béhaimius,  magistrat  de  Nurem- 
berg (pi.  11,  fig.  9).  11  avait  deux  jaunes,  à  l'inférieur  desquels  était  attaché 
par  un  pédicule  un  appendice  semblable  au  fruit  de  l'arbousier  (3).  » 

Ces  trois  derniers  faits  peuvent  être  interprétés  assez;  exactement, 
je  pense,  si  on  les  rapproche  des  deux  précédents. 

(1)  Ant.  Vallisneri,  Opère  fisico-mediciie,  t.  II,  p.  76,  §  12.  Venezia,  1733. 

^2)  Petit,  Corps  oviforme  trouvé  dans  un  œuf.  (HiST.  de  de  l'Acad.  royale 
DES  se,  année  1742,  p.  42.) 

(3)  André  Cleyer,  Collect.  acad.  part,  étranc,  1. 111,  p.  459.  (Extrait  des 
Ephem.  de  lAcad.  descur.  DELA  .NAT.,  déu.  Il,  auu.  1, 1682.  Observ.  16,  in 
scholiis. 


250 

Le  cas  de  Vallisoeri  conceroe,  suivant  moi,  une  coQcrélioa  fibri- 
neuse  formée  dans  iiu  calice,  lequel  s'est  séparé  de  l'ovaire.  Dans 
l'oviducte,  il  s'est  revêtu  d'une  cociuille,  formant  ainsi  une  sorte  de 
petit  œuf  qui,  semblable  à  la  plupart  des  œufs  inclus,  est  remonté  à 
la  faveur  de  sa  petitesse  vers  le  pavillon  de  la  trompe  où  il  a  été  en- 
globé dans  un  œuf  normal. 

L'œuf  inclus  de  Petit  peut  être  aussi  un  calice  devenu  malade  à 
l'époque  où  le  jaune  encore  peu  développé  est  peu  consistant.  Ce  calice, 
après  s'être  entouré  d'une  membrane  coquillière,  aura  rétrogradé  vers 
le  pavillon  de  la  trompe.  Mais  peut-être  ce  corps  u'était-il  composé  que 
de  couches  de  blanc  concret  semblables  à  celles  qui,  dans  les  expé- 
riences de  GeolTroy-Saint-Hiiuire,  s'amassaient  dans  l'oviducte  entravé. 

Entin,  si  l'on  veut  juger  le  cas  de  Cleyer  d'après  la  ligure  qu'il  a 
donnée  de  son  œuf  monstrueux,  on  y  trouve  de  tels  rapports  avec 
celui  de  Laboulbèiie,  qu'il  n'est  pas  permis  de  douter  qu'il  ne  s'agisse 
d'un  fait  semblable.  L'auteur  représente,  il  est  vrai,  le  fruit  dont  il 
parle;  mais  on  sait  qu'à  l'époque  où  vivait  Cleyer,  les  figures  anexées 
aux  observations  n'étaient  généralement  que  des  images  approxima- 
tives d(!S  choses  ou  même  n'étaient  que  des  images  schématiques , 
c'est-à-dire  telles  que  l'imagination  concevait  tes  objets  représentés. 
Or  c'est  dans  la  disposition  générale  des  différentes  parties  (pii  com- 
pos(>nt  l'œuf  de  Cleyer  qu'existent  des  rapports  remarquables  avec 
celui  de  Laboulbùne. 

D.  —  Entozoaires. 

De  véritables  entozoaires  ont  été  trouvés  dans  l'œuf  de  la  poule,  mais 
des  corps  d'une  toute  autre  nature  qui  se  trouvaient  accidentelle- 
ment sous  la  coquille,  ont  été  regardés,  surtout  par  d'anciens  obser- 
vateurs, comme  des  animaux  parasites  ou  comme  des  êtres  qui  s'y 
étaient  formés  par  quelque  circonstance  surnaturelle. 

1°  Entozoaires  vrais.— Tous  les  entozoaires  trouvés  dans  l'œuf  de  la 
poule  ai)parlien lient  à  la  même  espèce,  le  distome  de  la  bourse  de 
Fabricius.  liaiiow,  Puikinje,  Eschholz,  Schilling,  en  ont  rapporté 
dos  exemples  (l).  Le  dislome  observé  par  ces  savants  vit  chez  la  |)ouIe, 
dans  la  bourse  de  Fabricius,  organe  (|ui  communique  médiatement 
avec  l'oviducte  dans  lequel  le  parasite  peut  assez  facilement  s'iotro- 

(1)  Voyez  Diesinj,  Systema  hf.luinthum.  Viadobouiu,  ISôÛ.  Vol.  I,  p.  335- 
330. 


251 
duire;  on  comprend  qu'un  ver,  égaré  dans  l'ovidiicte,  soit  quelque- 
ibis  enveloppé  par  la  coquille  d'un  œuf  comine  un  corps  étranger  quel- 
conque. 

Il  ne  faudrait  pas  confondre  avec  ce  distome  un  caillot  sanguin 
situé  à  la  surface  du  vilellus;  j'ai  été  témoin  d'une  méprise  semblable 
faite  fiar  un  anatomiste  savant,  mais  étranger  aux  counaissances  hel- 
miuthologiqnes. 

2°  Entozoaires  fictifs.  —  Un  cas  observe  par  l\odet,  médecin-vété- 
rinaire dont  les  travaux  sont  justement  appréciés,  a  été  rapporté  par 
cet  observateur  aux  liydatides;  mais  je  pense  que  cette  manière  de 
voir  n'est  pas  exacte;  voici  le  fait  : 

«  Le  25  avril  1818,  étant  alors  de  service  à  Paris  avec  mon  régiment,  je 
trouvai,  dans  un  œuf  de  poule  qui  venait  d"ètre  cassé,  et  qui  même  paraissait 
assez  frais,  une  vésicule  blanchâtre,  ovoïde,  membraneuse,  renfermant  une 
matière  liipiide,  d'apparence  séreuse,  et  très-diaphane,  ainsi  qne  quelques 
globules  flottants,  d'un  blanc  opaque  et  demi-solides. 

«  Cette  vésicule  était  placée  sur  le  cùlé  du  germe,  c'est-à-dire  de  la  cica- 
tricule,  et  se  trouvait  attachée  par  un  pédoncule  peu  allongé,  au  milieu 
même  de  celle  ci  ;  enfin,  à  quelque  distaiicc  du  point  d'attache  on  remar- 
quait, sur  la  membrane  propre  du  jaune,  un  autre  point  vésiculaire,  blan- 
châtre, de  l'étendue  et  du  volume  d'une  lentille  ordinaire,  et  contenant  aussi 
une  luiueur  blanchâtre,  très-limpide. 

«Après  avoir  examiné  avec  soin  l'une  et  l'autre  vésicule,  je  perçai  la  plus 
petite;  il  en  sortit  seulement  une  sérosité  limpide,  inodore,  diaphane  et  sans 
couleur  particulière;  mais  je  détachai  et  conservai  dans  son  entier  la  plus 
grande  vésicule.  Elle  était  du  volume  d'un  gros  haricot,  un  peu  affaissée  sur 
elle-même,  d'un  blanc  un  peu  mat,  et  conservait  sa  forme  ovalaire;  la  vé- 
sicule, très-U'ansparente,  était  d'une  texture  homogène  et  d'une  finesse 
égale  dans  toute  son  étendue,  quoique  assez  forte,  mais  on  n'y  reconnais- 
sait aucune  apparence  de  fibres  bien  distinctes.  Son  pédoncule,  sa  mem- 
brane extérieure,  son  organisation  intérieure,  qui  résultait  de  la  sérosité  et 
des  globules  blancs  et  flottants  qu'elle  contenait,  l'accroissement  évident 
qu'elle  devait  avoir  pris,  sans  doute  par  une  véritable  nutrition  particulière, 
tout  me  porta  à  penser  que  cette  production  anormale,  ainsi  que  celle  bleu 
moins  développée  qui  raccompagnait,  ne  pouvait  être  autre  chose  qu'une 
véritable  hydatide,  analogue  en  tout  aux  productions  hydatiques  de  l'homme 
et  des  animaux  et,  par  conséquent,  du  genre  des  acéphalocystes  (l).  » 

(1)  J.  R.  G.  Rodet,  Observations  sur  les  hydalides,  Journ.  complémentaire, 
t.  XVII,  p.  125,  Paris,  1823,  et  Hurtrel  d'Arboval,  Dsct.  de  bîfd.  et  de  chir. 
VETÉKiN.MRES,  art.  Hydatides. 


JeiieiJiusiegarder  ces  vésicules  comme  deshydatides,  uou que  j  ad- 
mette qu'un  ver  vésiculaire  ne  puisse  trouver  à  vivre  dans  un  œuf  ou 
que  le  germe  d'un  tel  ver  ne  puisse  y  arriver,  mais  parce  que,  chez 
lu  poule,  il  n'existe  point  de  vers  semblables. 

L'observation  de  Rodet,  qui  est  la  seule  de  ce  genre  que  je  con- 
naisse, peut  recevoir  une  autre  interprétation  :  il  est  à  croire  qu'il 
s'agit  ici  d'un  amnios  développé  indépendamment  de  l'embryon  ;  en 
effet,  M.  Dareste  a  vu  que  celte  enveloppe  fœtale  continue  quelquefois 
de  s'accroître  après  la  mort  de  l'être  qu'elle  devait  enfermer  et  quoique 
les  traces  de  l'existence  antérieure  de  cet  être  ne  soient  plus  appré- 
ciables qu'à  la  loupe  (1).  Un  observateur  moins  attentif  ou  moins 
savant  que  notre  collègue  de  la  Société  de  biologie,  aurait  pu,  dans 
un  cas  semblable,  prendre  la  vésicule  amniotique  pour  un  ver  vé- 
siculaire. 

Les  auteurs  des  seizième  et  dix-septième  siècles  ont  rapporté  un 
grand  nombre  de  cas  d'animaux  plus  ou  moins  étranges  trouvés  dans 
des  œufs  d'oiseaux.  C'étaient  des  vers,  des  scorpions,  des  lézards,  des 
serpents  ou  des  embryons  de  ces  animaux,  enfin  un  reptile  imaginaire, 
le  basilic. 

Suivant  ces  auteurs,  les  animaux  trouvés  dans  l'œuf  devaient  leur 
origine  soit  à  un  accouplement,  soit  à  une  incubation  contre  nature, 
soit  à  leur  introduction  accidentelle  dans  l'œuf  après  avoir  été  avalés 
par  la  poule,  soit  à  la  force  de  l'imagination  de  celle-ci  vivement  frap- 
pée de  frayeur  par  quelque  phénomène,  soit  à  la  putréfaction,  soit 
enfin,  comme  beaucoup  d'autres  monstruosités,  à  un  jeu  de  nature. 

Tous  ces  cas  sont  évidemment  le  produit  de  l'imagination  et  de 
l'ignorance,  ou  bien  le  résultat  d'une  interprétation  erronée  relative- 
ment à  quelque  corps  étranger  renfermé  dans  la  coquille  ou  même 
relativement  à  quelque  partie  derœuf  commela  chalaze,  ce  dont  nous 
verrons  plus  loin  un  exemple. 

Aux  faits  dont  nous  parlons  se  rapportent , 

1"  Une  espèce  de  ver  ou  de  serpent  trouve  pur  Licet  dans  un  œuf  de  poule 
sans  jaune.  (L'iyssis  Alduviaudi  MoMSTaoRUM  uist.,  p.  3iSt).  Bouoniic, 
16/jî.) 

(l)  Voy.  Dareste,  Comptks  rendus  de  la  Soc.  de  biologib,  "•  série,  t.  Y, 
p.  1  '^C^,  et  3'  série,  t.  1,  p.  33,  1850. 


2"  IJa  grand  ver  trouYé,  par  Fabrice  ab  Aquapendenle,  daus  un  œuf  qu'il 
mangeait.  (Aldovrande  cité.) 

3°  Un  ver  à  quatre  pieds,  ayiint  la  forme  d'un  lézard,  dans  un  œuf  sans 
jaune;  par  Griindelius.  (Ephem.  n.\t.  cur.,  dec.  ii,  an.  v,  obs.  212.  1G86.) 

4»  Des  scorpions  trouvés  dans  un  œuf  de  poule.  (Lyncjpus,  Expos,  in  nabd 
Rech.,  p.  773;  cité  par  Vanderwiel.) 

5°  Un  animal  semblable  à  un  serpent  trouvé  dans  un  œuf.  (Blancaard, 
CoLLECT.  MED.  PHYS.,  Cent,  iii,  obs.  90;  cité  par  Vander-^iel.) 

6"  Un  serpent  sorti  d'un  œuf,  à  Floreuce  ;  cas  communiqué  à  Sténon.  (Van- 
derwiel.) 

7°  Serpent  trouvé  dans  un  œuf  de  poule,  par  Jérôme  Santasofla  et  par  Jacq. 
Grandi.  (Collect.  acad.,  t.  lY,  p.  ISO.) 

8°  Un  basilic  sorti  de  i"œu/"  d'un  coq  âgé  de  iOà  12ans.(Lemnius,  Dénatura. 
.MiRACUL.,  lib.  IV,  c.  12,  p.  402  ;  cité  par  Vandei  wiel.) 

9*  Embryon  de  basilic  trouvé  dans  un  œuf  de  poule  cuit,  par  Ludovic 
Keppler.  (Bartholin,  Epist.  med.,  cent,  ii,  epist.  92.) 

10»  Monstre  à  face  humaine  ayant  des  serpents  au  lieu  de  cheveux  et  de 
barbe.  (Amb.  Paré,  OEuvres,  liv.  xxv,  p.  1008.) 

E.  —  Corps  étrangers  inorganiques. 

Nous  ne  connaissons  que  deux  cas  de  corps  inorganiques  trouvés 
dans  l'œuf  de  la  poule.  L'un  de  ces  corps  était  une  épingle,  dont  la 
présence  s'explique  aussi  bien  dans  un  œuf  chez  la  poule,  que  chez 
l'homme  au  centre  d'un  calcul  ou  dans  un  organe  qui  ne  communi- 
que point  avec  le  dehors;  l'autre  n'eût  trouvé  son  interprétation  que 
dans  une  analyse  chimique;  mais  la  chimie  n'existait  point  comme 
science  à  l'époque  où  le  fait  a  été  observé. 

Le  premier  cas  appartient  à  Perrault,  l'illustre  architecte  qui  fut 
aussi  médecin  éminent  et  l'un  des  plus  savants  naturalistes  de  son 
temps. 

11  est  question  «  d'un  œuf  dans  lequel  on  a  trouvé  une  épingle  renfermée 
«  sans  que  Ton  pût  savoir  par  où  elle  était  entrée.  Cette  épingle  était  couverte 
«  d'une  croûte  blanchâtre  et  épaisse  d'un  tiers  de  ligne,  ce  qui  lui  faisait 
*  avoir  la  forme  d'un  os  d'une  cuisse  de  grenouille;  sous  cette  croûte,  l'é- 
«  pingle  était  noire  et  un  peu  rouillée(l).  » 

Le  deuxième  cas  appartient  à  Panthot,  médecin  et  professeur  au 

collège  de  Lyon,  observateur  exact. 

(1)  Perrault,  raém.  cilé. 


«  Un  religieux,  en  coupant  un  œuf  de  poule,  trouva  dans  le  milieu  du  jaune 
«  une  pierre  de  la  grosseur  et  de  la  figure  d'un  noyau  de  cerise.  Cette  pierre 
«  (tait  dure,  solide,  et  résonnait  comme  un  caillou.  Sa  superficie  était  polie 
«  cl  roupsâtre;  la  substance  intérieure  était  blanche;  elle  pesait  15  grains 
«  (n8',75},  et  son  poids  n'a  pas  diminué  depuis  qu'elle  est  sortie  de  l'œuf.  Elle 
«n'était  point  composée  de  couches  excenlritines  comme  sont  les  pierres 
«  (pii  se  forment  dans  les  corps  vivants  ;  d'où  M.  Panlhot  conclut  (luelle  ne 
a  s'était  formée  ni  dans  l'œuf  ni  dans  l'ovaire  de  la  poule  (1).  » 


Section  V.  —  Défaut  de  partieiît. 

A.  —  Absence  de  vitellus. 

Il  arrive  qu'une  poule  ponde  des  œufs  saDs  jau.ne,  œufs  ordinaire- 
ment fort  petits  et  quelquefois  sans  coquille. 

En  Halle,  au  temps  de  Fabrice  d'Acquapendente,  un  œuf  de  ce 
genre  passait  pour  être  le  centième  et  le  dernier  de  la  poule  qui  ces- 
sait de  pondre  après  l'avoir  produit,  d'où  le  nom  de  centenin  {ovum 
ccnleninum)  qui  lui  était  vulgaireinenl  donné.  En  d'autres  temps,  ces 
œufs  ont  passé  pour  être  le  résulat  de  l'accouplement  d'une  poule 
avec  un  reptile;  mais  ils  ont  été  plus  universellement  regardés 
comme  des  œ.ufs  du  coq.  Cette  dernière  opinion  est  très-ancienne; 
longtemps  elle  a  été  admise  par  les  savants,  et  aujourd'hui  même  on 
la  retrouve  dans  les  croyances  populaires. 

Les  œufs  de  coq  n'étaient  poiut  seulement  ext.ranaiurels  par  leur 
origine,  ils  l'étaient  encore  par  leur  produit  :  ou  pensait  que,  ayant 
été  couvés  par  le  coq,  ou,  suivant  d'autres,  par  un  crapaud,  il  en 
sortait  un  serpent  ou  bien  un  basilic,  reptile  merveilleux,  ayant  des 
ailes  et  dont  l'iialeine  ou  le  regard  donnait  la  mort. 

Après  plusieurs  siècles  de  doutes  et  de  discussions  à  cet  égard,  les 
savants  reconnurent  l'innocuité  de  l'œuf  sans  jaune;  mais  pour  sou 
origine  elle  n'en  resta  pas  moins  couverte  d'une  obscurité  pro- 
fonde. 

En  105't,  dans  la  basse-cour  du  roi  do  Danemark,  existait  un  vieux 
coq  qui,  disait-on,  pondait.  Thomas  Bariholin  ayant  rccounu  entre  les 
œufs  attribués  à  ce  coq  et  des  œufs  ordinaires  de  poule  de  nolables 

(I)  Kxlrail  d'une  leitrcdc  M.  Panlhot,  Collect.  a<:ai).  paiit.  ktuang.,  1.  VII, 
p.  y,  et  Journal  des  savants,  ICtlO. 


différences,  obtint  de  faire  l'exiimcn  analoraiqiie  de  l'animai.  On  ne 
trouva  point  d'organe  destiné  à  i)roduire  des  œufs,  et  néanmoins  l'il- 
lustre analomiste  n'en  vint  pas  à  conclure  ou  à  penser  que  les  œufs 
n'appartenaient  point  à  ce  coq,  mais  il  se  deuianda  s'ils  ne  s'étaient 
point  formés  dans  l'intestin  (1).  Scheffer,  diins  un  coq  qui  passait 
aussi  pour  pondre,  trouva  vers  le  dos  une  poche  renfermant  un  œuf 
(sans  doute  une  concrétion  tuberculeuse  ou  cancéreuse);  Bartholin, 
à  qui  la  pièce  séi  lie  fut  envoyée,  inclina  cette  fois  à  penser  que  l'ani- 
mal était  hermaphrodite  (2);  enfin  un  savant  contemporain,  Grunde- 
ius,  ouvrit  à  sou  tour  un  coq  qui  avait  pondu,  disait-on,  quatre  œufs 
petits  et  sans  vitellus;  l'absence  d'un  ovaire  ne  put  faire  renoncer 
l'observateur  aux  opinions  erronées  de  son  temps  :  il  rapporte  que, 
dans  une  autre  occasion,  on  tua  en  sa  présence  un  coq  qui  avait 
pondu  un  œuf  renfermant,  au  lieu  de  jaune,  un  ver  à  quatre  pieds, 
de  couleur  noire,  semblable  à  un  lézard.  Ce  ver,  jeté  au  feu,  avait 
répandu  une  odeur  très-f-'tide  (3). 

Tel  était  sur  ce  point  l'état  de  la  science  à  la  fin  du  dix-septième 
siècle;  car  si  quelques  hommes,  comme  Harvey,  n'avaient  pas  admis 
de  semblables  erreurs,  ils  n'avaient  cependant  pas  donné  ou  cherché 
l'explication  des  faits.  L'esprit  philosophique  qui  dirigea  les  investi- 
gations des  savants  au  tiècle  dernier  ne  devait  point  laisser  subsister 
plus  longtemps  de  pareilles  opinions;  bientôt  un  fait  intéressant  four- 
nit à  Lapeyronie  l'occasion  d'apporter  la  lumière  dans  ce  sujet  : 

Un  fermier  montra  à  l'illustre  chirurgien  plusieurs  œufs  de  coq  qui  conte- 
naient, au  dire  de  cet  homme,  un  embryon  de  serpent,  embryon  qui  se 
développerait  par  l'incubation;  mais  l'incubation,  à  laquelle  on  scunit  ces 
œufs,  n'en  fit  éclore  aucun,  et  l'inspection  montra  que  le  petit  serpent  n'était 
autre  chose  qu'un  filament  constitué  par  les  chalazes.  Pour  reconnaître 
l'origine  de  ces  œufs,  Lapeyronie  ayant  fait  l'autopsie  du  coq,  ne  trouva  ni 
ovaire  ni  oviducte.  Des  œufs  sans  jaune  s'étant  reirouvés  chaque  jour  mal- 
gré l'absence  du  coq,  le  fermier  découvrit  enfin  la  poule  qui  les  pondait. 
Cette  poule,  observée  pendant  plusieurs  jours,  rendait  par  le  cloaque  des 


(1)  Th.  Bartholir.i  Historiarum  kariorum  centurie,  cent.  I;  bisl.  99, 
HagseC'jmiL,  1634,  p.  143. 

P)  Th.  Bartholin,  Epist.  med.  cî:.\t.  III,  epist.  52,  16G2. 

(3)  J.  B.  Gnmdelius,  De  gallo  galiinaceo  oviparo,  Ephem.  nat.  cuii.,  de;.  11, 
ann.  V,  1686,  obs.  CCXI-GCXII. 


2Ô6 
matières  semblables  à  du  jaune  d'œuf  délayé,  et  parfois  elle  chantait  avec 
Tioleoce,  comme  un  coq  enroué.  L'autopsie,  dont  les  pièces  furent  présen- 
tées à  l'Académie  des  sciences,  lit  découvrir  une  tumeur  aqueuse,  de  la 
grosseur  du  poing,  adhérente  d'une  part  au  ligament  du  pavillon  de  l'ovi- 
ducte,  et  d'une  aulre  au  centre  du  mésentère.  L'ne  portion  de  l'oviducte 
comprimée  entre  ces  deux  attaches  était  étranglée  au  point  que  sa  cavité,  for- 
tement distendue  par  l'insufflation,  n'avait  cependant  que  5  lignes  de  dia- 
mètre; ainsi,  dit  Lapeyronie,  le  jaune  sortant  de  l'ovaire  n'eût  pu  franchir 
cette  partie  rétrécie  sans  la  crever  ou  sans  se  crever  lui-même. 

Le  vitellus,  embrassé  par  le  pavillon  de  la  trompe,  recevait  la  première 
couche  de  blanc  et  les  chalazes,  mais  arrivé  dans  la  partie  la  plus  rétrécie. 
Les  membranes  vitellines  et  chazalifères  se  rompaient;  la  substance  du  jaune 
s'écoulait  au  dehors  par  l'oviducte  ou  refluait  dans  la  cavité  du  ventre  qui 
en  était  remplie.  Quant  aux  chalazes  et  a  leur  membrane,  débarrassées  de  la 
sphère  vilelline,  elles  franchissaient  le  rétrécissement  et  s'enveloppaient,  en 
parcourant  le  reste  du  canal,  d'un  blanc,  d'une  membrane  testacée  et  d'une 
coquille  (1). 

Mon  ami  M.  Claude  Bernard  a  été  témoin  dernièrement  d'un  fait 
non  moins  intéressant  : 

Une  poule  se  présentait  chaque  matin  sur  le  nid  en  chantant  d'une  ma- 
nière qui  n'était  pas  ordinaire.  Généralement  elle  quittait  le  nid  sans  avoir 
pondu,  mais  quelquefois  elle  y  laissait  un  petit  œuf,  ou  bien  elle  perdait  son 
œuf  quelque  temps  après  dans  la  basse-cour.  Aucun  de  ces  œufs  n'avait  de 
vitellus.  La  poule  devint  languissante  et  mourut.  A  l'autopsie,  M.  Bernard 
trouva  une  oblitération  complète  du  pavillon  de  l'oviducte.  La  cavité  du 
ventre  était  remplie  des  vitellus  qui  s'étaient  successivement  échappés  de 
l'ovaire. 

Le  développement  de  l'ovule  dans  la  vésicule  ovarienne  et  la  sé- 
crétion des  produits  complémentaires  qui  se  fait  dans  roviducte,  sont 
indépendants  quoique  corrélatifs.  Qu'une  cause  quelconque  s'oppose 
à  la  pénétration  de  l'ovule,  c'est-à-dire  de  la  sphère  vitelline,  dans  le 
pavillon  de  l'oviducte,  cette  sphère  tomhe  nécessairemfnt  dans  la  ca- 
vité abdominale;  l'albumen  destiné  à  lui  servir  d'enveloppe  n'en  est 
pas  moins  sécrété;  cet  albumen  chemine  donc  isolément  dans  le  canal 
qui  l'a  produit,  et  reçoit  une  membrane  coquillière  et  une  coquille. 

(1)  liapcyronie,  Observ.  sur  hs  petits  crufs  de  poule  sanx  jaune,  que  l'07i 
appelle  vulgairement  œufs  de  coq,  ÂCAD.  ROY.  ni;s  se.  nr:  l'Auis,  1710,  cl  Cof.- 
LLcr.  ACAO.,  part,  franc.,  t.  III,  p.  .17». 


'loi 

On  conçoit  que  d'autres  causes  encore,  telles  que  l'avortement  du 
vitellus,  une  sécrétion  surabondante  d'albumen,  des  contractions  dé- 
réglées de  l'oviducte,  puissent  faire  arriver  dans  la  partie  postérieure 
de  ce  canal  quelque  portion  isolée  de  blanc  qui,  s' enveloppant  d'une 
coque,  représente  un  œuf  sans  jaune. 

De  quelque  manière  qu'il  se  produise,  l'œuf  sans  vitellus  est  moins 
volumineux  qu'un  œuf  normal.  La  petitesse  de  son  volume  favorise 
sa  progression  dans  le  tube  génital,  aussi  son  séjour  dans  la  portion 
de  l'oviducte  qui  sécrète  la  coquille  est-il  quelquefois  très-court,  d'où 
vient  qu'il  est  expulsé  au  dehors  avant  d'avoir  acquis  cette  enveloppe, 
ou  bien  que,  remontant  vers  le  pavillon  de  l'oviducte,  il  se  retrouve 
privé  de  coquille  dans  un  autre  œuf. 

B.  —  Absence  d'albumen. 

La  quantité  de  blanc  qui  existe  dans  l'œuf  des  oiseaux  est  assez 
variable,  mais  on  a  rarement  signalé  l'absence  complète  de  cette  sub- 
stance; un  œuf  de  poule  (pi.  Il,  tig.  12)  qui  avait  une  coquille  double, 
une  forme  très-allongée  avec  la  pointe  recourbée,  un  jaune  ordinaire 
mais  pas  de  blanc,  fut  montré  par  M.  Liégeois  à  la  Société  de  biologie  (1) . 

C.  —  Absence  de  coque. 

Les  œufs  sans  coquilles,  appelés  œufs  liardés,  sont  très-communs 
chez  la  poule.  Ils  sont  souvent  petits  et  souvent  ils  ont  une  forme  qui 
n'est  pas  normale.  Le  docteur  Paris  dit  qu'on  les  observe  surtout  chez 
les  poules  vigoureuses,  à  l'époque  de  la  moisson,  lorsque  leur  nour- 
riture est  abondante  et  forte  (2).  En  Amérique,  dans  la  Colombie  «  les 
poules  qui  mangent  du  maïs  ergoté,  dit  M.  Roulin,  pondent  assez 
fréquemment  des  œufs  sans  coquille.  On  ne  comprend  pas  trop  d'a- 
bord comment  ce  genre  de  nourriture  peut  inlluer  sur  la  formation  du 
carbonate  de  chaux  dont  l'œuf  est  habituellement  revêtu;  cependant 
il  me  semble  que  le  fait  s'explique  assez  bien  en  concevant  que  l'er- 
got produit  dans  ce  cas  un  véritable  avortemeut....  d  (3). 


(1)  Liégeois,  Compt.  rendus  Soc.  biolog.,  IS59,  p.  254. 

(2)  Docteur  Paris,  Remarks  on  the  physiology  of  the  egg,  in  Transact.  of 

LiN.NEAN'  Soc.  OF  LO.NDON,  VOl.  X,  p.  310,  1811. 

(3)  Roulin,  De  Y  ergot  du  maïs  et  de  ses  effets  sxir  l'homme  et  les  animaux , 
Ann.  des  se.  NAT.,  t.  XIX,  p.  283.  Paris.  1830. 

M KM.  17 


258 

Fordyce  a  supposé  que  l'insuffisance  du  carbonate  de  chaux  dans  la 
nourriture  des  oiseaux  devait  déterminer  la  ponte  d'œufs  sans  co- 
quille; j'ai  vainement  cherché  à  obtenir  ce  résultat  chez  des  poules 
que  j'ai  soumises  dans  ce  but  à  un  régime  particulier. 

Le  docteur  Paris  rapporte  qu'une  poule  qu'il  avait  enfermée  pour 
quelques  expériences  et  qui  s'était  cassé  la  jambe,  se  mit  à  pondre, 
trois  jours  après,  des  œufs  sans  coquille.  Il  suppose  que,  dans  ce  cas, 
le  carbonate  de  chaux  destiné  à  consolider  la  coque  de  l'œuf,  a  été 
employé  à  la  réparation  de  l'os  (1). 

Les  causes  de  l'absence  de  coquille  sont  sans  doute  très-variées,  et 
probablement  la  plus  fréquente  est  un  séjour  insuffisant  dans  la  der- 
nière partie  de  l'oviducte. 

D.  —  Absence  de  vitellus  et  d'albumen. 

Des  amas  de  substance  calcaire,  des  fragments  de  coquille  sont 
quelquefois  rejetés,  ou  s'amassent  dans  l'oviducte,  surtout  à  l'époque 
de  la  cessation  de  la  ponte  chez  les  oiseaux,  ou  bien  lorsqu'il  existe 
une  oblitération  d'une  partie  du  tube  génital;  ce  fait  a  été  observé 
aussi  chez  des  invertébrés.  Dans  le  distome  lancéolé,  «  on  trouve  assez 
souvent,  dit  M.  Moulinié,  une  anomalie  qui  consiste  en  une  produc- 
tion surabondante  de  la  substance  de  la  coque...  Cette  surabondance 
qui  paraît  provenir  d'un  manque  d'équilibre  dans  la  prodjction  des 
différents  éléments  de  l'œuf,  atteint  quelquefois  des  proportions  con- 
sidérables, au  point  qu'on  rencontre  des  individus  rhcz  lesquels  l'ovi- 
ducte est  rempli  dans  toute  sa  longueur  de  ces  amas  de  substance  de 
la  coque,  dont  l'excès  ne  trouvant  pas  assez  de  substance  viteiiine 
pour  former  des  œufs,  enveloppe  tous  les  fragments  ou  corpuscules 
qui  se  trouvent  sur  son  passage,  ou,  à  défaut,  prend  la  forme  sphé 
rique,  comme  toute  substance  liquide  qui  est  suspendue  dans  un  autre 
liquide...  »  (2). 

E.  —  Absence  de  parties  indéterminées. 

La  petitesse  excessive  des  œufs  est  particulièrement  remarquable 
chez  les  oiseaux  dont  l'œuf  est  naturellement  très-volumineux;  dans  i 

(1)  Ooctciu-  Paris,  mém.  cité,  p.  311 

(2)  J.  ,1.  Moulinié,  De  la  repwoduction  cbkz  les  ïuématodes  endo-para- 
siTES.  Uenéve,  1850,  p.  41. 


259 
le  musée  de  Gresham,  on  conservait  un  œuf  d'autruche  qui  avait  à 
peine  le  volume  de  celui  d'une  poule,  sa  coque  était  néanmoins  très- 
épaisse.  Un  autre  œuf  du  môme  oiseau  avait  la  grosseur  d'une  noix 
de  muscade. 

Trois  œufs  de  casoar  étaient  aussi  remarquables  par  leur  petitesse  : 
l'un  avait  le  volume  d'un  œuf  de  pigeon,  un  autre  était  encore  plus 
petit,  et  le  troisième  était  gros  comme  une  noix  de  muscade  (1). 

Il  est  probable  que  ces  œufs  manquaient  de  vitellus,  et  quelques- 
uns  même  de  blanc. 

Section  VI.  —  Anomalies  de  forme. 

L'œuf  offre  rarement  dans  sa  forme  quelque  déviation  au  type  par- 
ticulier à  l'espèce  d'animal  qui  le  produit  ;  c'est  chez  les  oiseaux  pres- 
que exclusivement  que  ces  déviations  ont  été  notées. 

Tantôt  l'anomalie  porte  sur  la  forme  générale  de  l'œuf,  tantôt  sur 
une  portion  seulement  de  la  coque. 

§  1.  —  La  forme  générale  peut  subir  de  nombreuses  modihcations  : 
l'œuf  est  parfois  très-allongé,  fusiforme  ;  il  se  termine  par  un  bout 
ou  par  les  deux  en  un  long  appendice  caudiforme,  plus  ou  moms  con- 
tourné ou  comme  articulé  (2);  parfois  il  est  aplati,  comprimé,  tor- 
du, etc.  (3);  d'autres  fois,  il  a  l'apparence  d'une  gourde  ou  d'un  sa- 


(1)  Nehemjah  Grew,  catalogue  cité,  p.  76. 

(2)  Cleyer  possédait  trois  œufs  de  poule  dont  l'un  avait  la  coquille  plissée, 
l'autre  était  presque  piriforme  et  avait  une  sorte  d'opercule  au  petit  bout;  le 
troisième  avait  uue  queue.  Mise.  nat.  cur.,  dec.  ii,  ann.  I,  obs.  XVI,  p.  36, 
1682. 

Ruysch,  Ovum  gall.  candatum,  Tuesaur.  anat.,  III,  p.  35.  —  Id.,  Thesaur. 
ANAT.,  X,  p.  25. 

D'autres  cas  cités  par  Haller  (op.  cit.)  se  trouvent  dans  les  recueils  sui- 
vants :  Breslaw  Samlung,  1726,  p.  352;  ann.  1719,  p.  587;  1723,  m.  mai, 
vers.  XXIV,  p.  524. —  Nov.  litt.  maris  Baltici,  1702,  p.  152.  —  Comm.  lit. 
NoR.,  1742,  hebd.  28. 

(3)  Balbi,  lœuf  monstrueux  consistant  dans  une  coquille  contournée  en 
spirale  (Collect.  acad.,  part,  étraug.,  t.  X,  p.  334,  extrait  de  l'Âcad.  des  se. 
de  Bologne). 

;   D'autres  cas  sont  cités  par  Haller  (op.  cit.),  Fjc'':<a  serpentina.  j  jhmuk, 


%0 
blier  (1)  ;  cette  dernière  forme  poDl  être  le  résultat  de  l'union  bout  à 
bout  de  deux  œufs  complets,  comme  j'en  ai  tu  un  exemple  chez  la  poule 
(pi.  II,  lig.  10).  Plusieurs  autres  sont  rapportés  dans  divers  recueils  (2). 

Les  œufs  qui  offrent  ces  anomalies  sont  assez  fréquemment  dépour- 
vus de  coquille  et,  dans  ce  dernier  cas,  leur  blanc  est  souvent  sura- 
bondant. 

J'ai  observé  un  œuf  de  cette  sorte,  c'était  un  œuf  de  poule  d'un 
volume  extraordinaire  ;  il  couvrait  toute  la  longueur  du  diamètre  d'une 
assiette  ;  il  avait  un  seul  jaune  normal. 

Dans  le  laboratoire  de  M.  Rayer,  j'ai  vu  deux  œufs  liardés,  très-vo- 
lumineux aussi  et  terminés  par  deux  appendices  en  forme  de  queue 
(Voy.  pi.  11,  fig.  13, 14).  On  trouve  dans  les  recueils  scientifiques  d'au- 
tres exemples  semblables  (3). 

§  II.  —  Lorsque  l'anomalie  ne  porte  que  sur  une  portion  de  la  co- 


tabl.  ultim.,  Brest.,  Versuch.  xxiv. — Gurva et  adstbicta,  Laclimoad,  divin., 
p.  15.— LoNGA  coM  ALTERNis  iNTERSECTiONiBUs,  Giom.  di  Parma,  1689,  p.  49. 

(1)  M.  Lié{îeois  a  montré  à  'a  Soc.  de  biologie  (obs.  cit.)  un  oeuf  de  poule  en 
forme  de  gourde  ;  la  partie  rétrécie  était  courbée  sur  elle-même  comme  une 
anse;  Il  n'y  avait  qu'un  seul  jaune  (Voy.  pi.  Il,  'ig.  11). 

Catalogue  du  musée  de  Boston,  a"  877.  —  i  hen's  egg,  quite  small,  and 
contracted  at  one  extremity,  so  as  to  resemble  in  form  a  certain  kind  of 
gourd.  J.  B.  Jackson,  Descriptive  catalogue  of  the  anatomical  muséum 
OF  THE  Boston  Society,  1847. 

(2)  Deux  œufs  non  renfermés  dans  la  même  coque,  mais  adhérents  bout  à 
bout  par  leur  coquille.  (G.  Delhardiugius,  Acad.  caesar.  Leopold.,  Nat.  cur. 
EPHEM.,  cent.  1  et  II,  append.,  p.  198.) 

Cas  semblable  observé  par  Montgomery,  CYCLOPiEDiA  of  ânat.,  etc.,  t.  II, 
p.  317. 

Deu.v  œuls  de  poule  ayant  chacun  leur  blanc  et  leur  jaune,  mais  sans  co- 
quille, étaient  réunis  en  sablier.  (Georgii  Hannaei,  De  ovo  gemello,  Ephem. 
NAT.  CUR.,  dec.  II,  ann.  IV,  obs.  CXV,  p.  223.) 

Two  hen's  eggs,  united  by  a  short  thick  baud;  they  are  tolerably  deve- 
loped  in  regard  to  size,  though  there  is  ont  y  a  trace  of  shell.  (Catalogue  de 
Boston  cité,  n"  871.) 

(3)  Polisius  parle  d'un  œuf  pourvu  d'un  blanc  et  d'un  jaune  ordinaire, 
mais  sans  coquille,  qui  se  terminait  par  un  long  appendice  Irès-irrégulier 
(Goliiol.  Sam.  Polisii,  De  ovo  monstroso,  Kpuem.  nat.  cur.,  dec.  ii,  ann.  IV, 
obs.  XLIV,  p.  lOô).  Voyez  ci-dessus  l'observation  (de  Hanntcus)  de  deux  œufà 


2b  1 
que,  elle  consiste  daus  des  plis,  des  reliefs,  des  empreintes  superli- 
cielles  ou  dans  un  dépôt  calcaire  formant  des  rugosités  ou  des  concré- 
tions plus  ou  moins  volumineuses  (1).  Reisel  a  donné  la  description 
et  la  figure  d'un  œuf  de  poule  dont  la  grosse  extrémité  était  chargée 
d'un  amas  calcaire  d'une  forme  qui  rappelait  celle  d'un  turban  (2). 
Réaumur  en  a  vu  un  dont  la  coquille  était  couverte  de  petits  corps 
blancs  remplis  d'un  liquide  albumineux  (3). 

§  III.  —  Ces  déviations  au  type  normal,  les  changements  de  forme, 
les  empreintes  de  la  coquille  peuvent  dépendre  de  quelque  lésion  per- 
manente de  l'oviducte  ou  de  contractions  spasmodiqiies  de  cet  or 
gane.  Dans  le  premier  cas,  les  œufs  pondus  successivement  offrent 
tous  des  déformations  analogues;  dans  le  second  cas,  les  déformations 
ne  sont  pas  constantes;  tel  était  celui  d'une  poule  que  j'enfermai  dans 
une  cage  et  qui  pondit  d'abord  un  œuf  à  coquille  fortement  plissé; 
les  suivants  n'offrirent  rien  de  semblable. 

§  IV.  —  Au  temps  où  l'esprit  d'observation  était  le  privilège  de 
quelques  rares  génies,  où  les  scrutateurs  de  la  nature,  dominés  par 
une  profonde  crédulité,  par  l'amour  du  merveilleux,  n'envisageaient 
point  d'un  autre  œil  que  le  vulgaire,  les  déviations  au  type  normal 
dans  les  corps  organisés,  les  anomalies  graves  observées  chez  les 
animaux,  étaient  considérées  comme  l'effet  d'une  cause  surnaturelle, 
comme  un  signe  de  la  colère  divine,  comme  un  présage  funeste,  etc. 
On  ne  cherchait  nullement  dans  ces  anomalies,  dans  une  monstruo- 
sité, leurs  rapports  avec  le  type  normal  altéré,  on  y  cherchait,  au 
contraire,  ceux  qu'une  apparence  superficielle  donnait  avec  des  êtres 
d'un  tout  autre  type.  L"anomalie  se  caractérisait  par  une  comparai- 
son absurde  ou  gro;sièrc  :  un  monstre  humain  devenait  un  animal 
quelconque,  un  porc,  un  chien,  un  poisson,  suivant  le  caprice  ou  la 


réunis  en  sablier,  et  les  cas  cités  par  Haller  (op.  cit.),  qui  se  trouvent  dans 
CoMM.  LiTT.  NOR.,  1733,  iicbd.  39.  —  Yallisneri,  Rilag.,  n°  13. 

(1)  Dans  le  musée  de  Gresliam,  ou  conservait  un  œuf  de  poule  qui  avait 
au  gros  bout  une  excroissance  voUuïiiueuse.  Voy.  IVeliejamli  Grew,  ouv. 
cit.,  p.  78. 

(2)  Salomonis  Reiselii,  De  ovo  monstroso,  1682.  iMisc.  nat.  cur.,  dec.  u, 
ann.  II,  obs.  119,  p.  278. 

(3)  Réaumur,  HisT.  de  i.'Acad.  royale  dîîs  sçtENÇKS,  h.  J06, 1749. 


262 
sottise  des  assistants;  par  contre,  un  animal  monstrueux  devenait 
une  bête  à  face  humaine,  etc.  Les  œufs  anormaux  ne  devaient  point 
être  envisageas  d'un  autre  esprit  (1);  une  empreinte,  un  sillon,  un  re- 
lief plus  ou  moins  contourné,  devenaient  l'image  d'un  reptile  (2), 
d'une  partie  du  corps  humain  (3),  d'un  astre,  etc.  (4)  dont  l'origine  se 
rapportait  à  rpielque  événement  naturel  ou  surnaturel  ;  et,  par  exemple, 
à  propos  d'une  comète  ou  d'une  éclipse,  on  voyait  des  poules  pondre 
des  œufs  qui  portaient  l'empreinte  d'une  étoile  ou  d'un  soleil  (5). 
On  pourrait  croire  qu'un  tel  phénomène  ne  se  reproduit  plus  de  nos 
jours,  si  l'on  ne  savait  qu'à  l'égard  des  sciences,  en  dehors  du  cercle 
restreint  de  leurs  adeptes,  l'ignorance  et  la  crédulité  sont  de  tous  les 
temps.  N'a-t-on  pas  écrit  cette  année  même,  à  Paris  :  «Une  poule  co- 
«  chinchinoise,  noire,  âgée  d'un  an,  vivant  isolée,  et  paraissant  très- 
«  sensible  aux  influences  atmosphériques,  aux  influences  électriques 
«  surtout,  a  pondu  le  18  juillet,  pendant  l'éclipsé,  à  quatre  heures 


(1)  Voyez  dans  Aldrovande  le  cas  suivant  :  «  Monstrnm  figura  génital i s  viri 
est  exclusum  (ex  ovo)  une  testiculo  et  capite  quasi  canino  et  cristato  insigni- 
tum.  (Ulyssis  Aldrovandi,  Monstr.  hist.,  p.  389.  Bononiîe,  164'2.) 

(2)  Aadie  Gleyeri,  de  ovo  gallinaceo  cum  serpenlis  imagine  ïn  testa  (méûi. 
cit.). 

Ovum  gallinic  serpenlis  imagine  efTigiatum.  (AIdrovandij  Op.  cit.,  p.  387.) 

(3)  Humana  effigies  monstrosa  in  ovo  anserino.  (Aldrovandi,  Op.  cit.,  p. 
390.)  —  Humana  eingics  in  ovo  cum  serpentibus  ex  calvaria  et  mento  ger- 
minantibus.  (Jbid.) 

Ovum  cum  figura  humana.  (Zoo.  med.  gall.,  t.  lU,  p.  108.)  \Haller.) 
Fig.  4.  Exhibet  ovum  gallinaceum...  respraîsentans  intestinum  cœcum  cum 
processu  vermiformi.  —  Fig.  6.  Adumbratur  ovum  gallinaceum  pueri  penem 
cum  scroto  reprajsentans,  ne prœputioquidem  excepte.  (Ruyscli,  Tues,  anat., 
m,  p.  35,  lab.  3.) 

(4)  Ovum  Iructum  dactyli  referens.  (Ruysch,  Tues,  anat.,  IV,  n"  32.) 
Cum  figura  patibuli.  (Alberti,  Anim.  admir.  ofkic,  p.  12.)  (Haller.) 

(5)  Séb.  Scheffer,  œuf  avec  l'image  d'une  éclipse.  (Collection  académ.. 
t.  IH,  p.  459.) 

Œuf  de  poule  trouvé  à  Rome  et  portant  l'image  d'une  comète.  (Cleycr,  mé- 
moire cité.) 

Everard  Gockc!.  ohs.  sur  des  (Tuf.s  qui  portaient  comme  l'empreinte  d'un 
soleil.  (Coll.  acad.,  t.  IV,  p.  174.) 

•  iliur  avec  riniagc  d'une  comète.  (Zod.  méd.  gall.,  1. 111,  p.  50.)  (Haller.) 


2(i3 
«  moins  un  quart,  un  œuf  de  volume  ordinaire,  qui  portait  l'era- 
«  preinte  d'un  soleil  entouré  de  douze  rayons!!  »  (1). 

CONCLUSIONS. 

Il  résulte  des  faits  rapportés  dans  ce  mémoire  que  certaines  ano- 
malies de  l'œuf  ont  leur  origine  à  l'ovaire  et  d'autres  à  l'oviducte. 

Les  premières  sont  rares,  les  secondes  sont  fréquentes  et  très-va- 
riées. 

Une  seule  anomalie  de  l'œuf  ovarien  est  aujourd'hui  bien  connue  ; 
sa  cause  paraît  se  trouver  dans  la  constitution  même  de  la  vésicule 
ovarienne. 

Le  développement  de  l'œuf  atteint  de  cette  anomalie  détermine  la 
formation  d'un  monstre  double. 

Les  anomalies  qui  se  forment  dans  l'oviducte  doivent  leur  origine 
tantôt  à  la  présence  d'un  corps  étranger  dans  ce  conduit,  tantôt  à  une 
lésion  pathologique,  tantôt  à  un  désordre  fonctionnel  des  organes- 
Plusieurs  de  ces  anomalies  sont  incompatibles  avec  le  développe- 
ment de  l'embryon;  d'autres  le  font  périr  prématurément;  aucune  ne 
parait  devoir  entraîner  nécessairement  la  production  d'une  anomalie 
ou  d'une  monstruosité  du  fœtus. 

L'étude  des  anomalies  qui  atteignent  l'œuf  avant  le  développement 
embryonnaire,  nous  conduit  donc  à  ce  résultat  que  la  monstruosité 
composée  est  la  conséquence  de  la  constitution  primitivement  anor- 
male de  l'ovule  ;  que  la  monstruosité  simple  doit  provenir  non  d'une 
anomalie  de  l'œuf,  mais  d'un  trouble  dans  le  développement  de  l'em- 
bryon. 

(1)  Voir  le  journal  la  Patrie,  4  août  IS60. 


FIN  DES  MEMOIRES. 


EXPLICATION  DES  PLANCHES. 


PLANCHE  L 

MEMOIRE  SUR  LES   ANOMALIES  DE  L'ŒW. 

(Mémoires,  page  185.) 

Les  ftg.  1  «  Xï  sont  destinées  à  faciliter  l'intelligence  de  plusieurs  points  de  notre  texte;  — 

de  l  à  VI,  elles  représentent  les  organes  génitaux  ou  l'œuf  à  l'état  normal  ;  —  de  VII  à  XI, 

elles  sont  schématiques  et  concernent  la  manière  dont  se  constituent,  suivant  nous,  certains 

monstres  doubles.  —  Les  fig.  XII  à  XVIII  représentent  des  cas  d'anomalie  primitive  de  l'œuf 

d'après  divers  observateurs. 

Fio.  I.  —  Orgaues  génitaux  dp  la  poule.  —  a  l>,  ovaire  ;  —  a  a,  vésicules  ovariennes  ou  calices 
à  divers  degrés  de  développement  et  renfermant  un  vitellus  (ovule)  ;  b  b,  vésicules  ova- 
riennes après  l'expulsion  du  vitellus. —  c  d  e  f,  oviducte;  c,  le  pavillon  de  l'oviducte 
qui  s'applique  à  la  vésicule  ovarienne  pour  recevoir  le  vitellus  lors  de  sa  maturité,  de  c 
en  d,  partie  de  l'oviducte  qui  fournit  les  chalazes  et  leur  membrane;  de  d  en  d',  partie 
qui  fournit  le  blanc  (albumen);  de  d'  en  f,  partie  qui  fournit  la  membrane  coquillière  et 
la  coque;  e,  oviducte  ouvert  pour  montrer  un  œuf  dont  la  coque  est  envoie  de  forma- 
tion; g,  intestin;  h,  cloaque  qui  reçoit  l'oviducte,  l'intestin  et  la  bourse  de  Fabricius, 
non  représentée  ici. 

Fig.  II. — CËuf  ovarien  ou  ovule  de  mammifère  fortement  grossi;  a,  la  vésicule  et  la  tache 
germinatives  ;  b,  le  vitellus  ;  c,  membrane  vitelline, 

Fig.  III.  —  (Enf  de  poule  complet;  a,  le  vitellus  ou  jaune;  b,  la  menibrane  vitelline  ;  c,  la 
cicatricule  ou  germe;  drf,  les  chalazes;  e,  leur  membrane;/',  la  chambre  à  air;  jr,  la 
membrane  coquillière;  h,  la  coque. 

Fig.  IV.  —  Vitellus  d'un  œuf  de  poule  vers  la  vingtième  heure  de  l'incubation  (grandeur  na- 
turelle); a,  vitellus;  b,  aire  vasculaire;  c,  aire  transparente;  d,  ligne  primitive;  e,  bord 
de  l'aire  vasculaire  qui  sera  limité  par  la  veine  ou  sinus  terminal. 

Fig.  V.  —  Coupe  du  blastoderme  suivant  l'axe,  vingtième  heure  de  l'incubation  (fortement 
grossie);  aa,  la  membrane  vitelline;  bb,  feuillet  superficiel;  c,  premier  rudiment  de 
l'embryon;  d  d,  feuillet  moyen  ou  vasculaire;  ee,  veine  ou  sinus  terminal;  f  f,  feuillet 
profond,  appliqué  sur  le  vitellus  non  représenté  ici. 

Fig.  VI.  — Coupes  du  blastoderme  en  travers -(fortement  grossie). — A,  vingt-quatrième  heure 
de  l'incubation  ;  il  n'existe  encore  que  les  rudiments  des  lames  dorsales,  e;  B,  quarante- 
huitième  heure  de  l'incubation;  les  lames  abdominales  f  existent  et  le  blastoderme  com- 
mence à  se  soulever  sur  son  axe;  G,  soixantième  heure  de  l'incubation;  les  lames  ab- 
dominales sont  très-développées  et  se  rapprochent  par  leur  marge  pour  enfermer  la 
partie  sous-jacente  du  blastoderme  :  dans  les  trois  figures,  aa  membrane  vitelline,  b 
feuillet  superficiel,  c  feuillet  moyen,  d  feuillet  profond,  appliqué  sur  le  vitellus  non  re- 
.  présenté,  e  lame  dorsale,  /"lame  abdominale,  les  ilèches  indiquent  le  sens  suivant  lequel 
ces  lames  se  rapprocheront  pour  constituer  les  parois  du  tronc. 

Fig.  VII.  —  abcdefg,  figures  données  par  M.  Allen  Thomson  (mém.  cit.,  p.  573),  pour 
montrer  de  quelle  manière  il  conçoit  la  formation  des  diverses  espèces  de  monstres  dou- 
bles, d'après  la  situation  respective  des  deux  lignes  primitives  sur  un  blastoderme 
unique. 

Fig.  VIII.  — Figure  schématique,  formée  avec  la  fig.  VI  B,  pour  expliquer  la  formation  d'un 
monstre  double  uni,  dans  une  étendue  plus  ou  moins  considérable,  par  les  colonnes  ver- 
tébrales. —  Les  deux  blastodermes  sont  supposés  tellement  rapprochés  que  les  lames  ab- 
domioalcs  internes  n'ont  pu  se  former. 

FiG.  IX.—  Autre  figure  schématique  formée  avec  la  Qg.  VI  R.  pour  expliquer  la  formation 


266 

d'un  raoDstre  double  ;  Janiceps,  les  blastodermes  plus  écartés  out  permis  la  formation  des 
lames  abdominales  internes. 

FiG.  X.  —Figure  .schématique  (œuf  de  poule,  quarante-quatrième  heure  de  l'incubation),  pour 
expliquer  comment,  par  le  croisement  des  aies  des  blastodermes,  il  doit  se  former  une 

tète  unique  et  incomplète. 

FiG.  XI.  —  Figure  schémuWjue  {œuf  de  poule,  cinquantième  heure  de  l'incubation),  pour  ex- 
pliquer la  formation  d'un  monstre  parasitaire  Les  a.tes  étant  perpendiculaires  l'un  à 
l'autre  et  ti'ès-rapprochés,  l'eitrémité  céphalique  avec  le  cœur  de  l'un  des  embryons  ne 
trouve  point  d'espace  suffisant  pour  se  développer. 

FiG.  XII. — A  B  G,  anomalie  de  la  vésicule  germinative  observée  par  M.  Coste,  «  pi,  V,  fig.  3 
«  (A  ),  œuf  de  lapin  soumis  au  compresseur  ;  il  renferme  deui  vésicules  germinatives. 
«  Par  l'effet  de  la  compression,  le  cumulus  a  subi  des  modifications  qui  ne  permettent 
«plus  de  le  distinguer;  3'  (B),  même  œuf  un  peu  plus  comprimé;  3''  (G),  même  œuf 
«beaucoup  plus  comprimé,  dont  les  membranes  déchirées  laissent  échapper  les  vésicules 
«  germinatives  et  le  vitellus.  » 

FiG.  XIII.  —  Ovules  de  mammifères  dont  le  vitellus  offre  une  forme  anormale,  observés  par 
BisCHOFF  (ouv.  oit ,  pi.  I,  fig.  6,  8,  9).  —  A,  œuf  ovarique  d'une  jeune  fille;  outre  la 
sphère  principale,  il  y  en  a  encore  cinq  autres  petites. — B  G,  œufs  ovariqucs d'une  truie, 
dans  lesquels  le  vitellus  formait  un  disque  biconcave  ou  biconvexe. 

Fig.  XIV.  —  Œuf  anormal  de  lapin,  observé  par  Barry  (mém.  cit.,  pi.  VllI,  fig.  144).  —  a, 
membrane  vitelline  {zona  pellucida,  Barry);  b,  membrane  intérieure  piriforme,  conte- 
nant deiu  vésicules,  dans  chacune  desquelles  existe  une  substance  d'apparenca  granu- 
leuse. 

Fig.  XV. — (Enf  de  poule  à  la  sixième  ou  huitième  heure  d'incubation,  observé  par  Allen 
Thomson  (mém.  cit ,  fig.  I,  II).  —  A,  le  vitellus  (grandeur  naturelle),  a  blastoderme, 
b  aire  transparente  sur  laquelle  on  voit  les  lignes  primitives  de  deux  embryons. — B,  l'aire 
transparente  isolée  et  grossie.  Ces  deox  embryons  ne  sont  encore  représentés  que  par  ks 
lames  dorsales. 

Fig.  XVI.  — (Enî  de  poule  à  la  cinquante -deuxième  heure  d'incubation,  observé  par  Baer; 
aa,  les  deux  embryons  unis  par  la  tête;  b,  le  cœur. 

Fig.  XVII.  —  CEuf  d'oie  au  cinquième  jour  d'incubation,  observé  par  Allen  Thomson.  (Nous 
avons  omis  la  coque  et  le  vitellus.)  A,  le  blastoderme  i.solé;  a  a  aire  vasculaire,  b  sinus 
terminal,  c  aire  transparente  de  forme  cruciale,  d  vaisseaux  omphalo-mésentériques,  e  les 
embryons.  —  B,  les  embryons  isolés  et  grossis  de  quatre  diamètres;  y  le  cœur  commun, 
h  b  les  premiers  vostigea  des  extrémités  supérieures,  i  i  ceux  des  extrémités  inférieures, 
k  capuchon  céphalique  de  l'amnios,  / 1  capuchon  caudal. 

Fig.  XVIII. — C»Euf  de  poule  au  sixième  jour  d'incubation,  observé  par  Wolfï  (mém.  cit., 
pi.  XI,  fig.  i);  a  «  albumen,  bh  h  vitellus,  c  ce  portion  de  la  veine  U^rmin.ile,  d  r/ partie 
du  \itellus  en  dehors  de  l'aire  vasculaire,  e  aire  vasculaire,  /"embryon  supérieur,  g  em- 
bryon inférieur,  h  portion  de  l'alhmtoîde  de  l'embrvon  supérieur,  k  allantoîde  de  fem- 
bryon  inférieur,  l  ombilic  de  l'embryon  inférieur,  m  ombilic  de  l'embryon  s»ipérieur, 
n  0  plis  de  la  membrane  vitelline  provenant  de  sa  laxité,  ^  tronc  vasculaue  latéral  gauche 
de  rombryon  supérieur,  q  rameau  supérieur  de  ce  tronc,  r  rameau  supérieur  du  tronc 
vasculaire  latéral  droit,  s  rameau  inférieur  du  côté  gauche,  l  tronc  latéral  gaiiohe  de 
l'embryon  inférieur,  u  tronc  latéral  droit,  v  veine  descendante. 


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PLANCHE  II. 

ANOMALIES  SECONDAIUES  DE  L'OEUF,  C'EST-A-DIRE  QUI  SE  FOUMENT 
A  L'OYIDUCTE. 

(Mémoires,  page  183.) 

FiG.  I.  — ABC,  œufs  doubles  et  triples  d'un  distomide  de  l'aigle-bar,  observé  par  C. 
Davaine. 

FiG.  II.  —  CKuf  de  planorhe  à  vitelhis  double,  observé  par  C.  Davaine. 

FiG.  III. — Autre  œuf  de  planorbe  à  vitellus  double;  les  deui  vitellus  étiiient  séparés  par  une 
cloison;  ils  ont  donné  l'un  et  l'autre  un  embryon;  observé  parC.  Davaine. 

FiG.  IV.  —  A,  œuf  de  paludine  vivipare  contenanl  deux  embryons  distincts,  observé  par  C. 
Davaine;  B,  le  même  œuf  plus  grossi;  les  deux  embryons  n'ont  plus  ici  la  même  situa- 
tion respective. 

FiG.  V.  —  QEuf  d'oie  inclus  dans  un  autre,  observé  par  M.  Rater;  a  a  coquille  extérieure, 
è  *  jaune  de  l'œuf  extérieur,  ce  coquille  de  l'œuf  intérieur,  d  jaune  intérieur  (demi- 
nature.) 

FiG.  VI.  —  Corps  étranger  provenant  d'un  œuf  de  poule,  observé  par  C.  Davaine;  A,  vu  de 
face;  B,  vu  de  profil. 

FiG.  VII.  —  A  B  C  D,  corps  étranger  renfermé  dans  un  œuf  de  poule  et  pris  pour  un  cœur 
développé  isolément  de  tout  autre  organe,  observé  par  Ledlond.  Dans  la  figure  A  le  corps 
étranger  b  est  vu  en  place  sur  le  vitellus  a,-  c  chalaze.  B,  face  concave  du  corps  étranger; 
C  et  D  le  même  corps  ouvert  et  laissant  voir  les  cavités  renlriculuires  et  les  colonnes 
charnues. 

FiG.  VIII.  —  (Euf  de  poule  à  deux  vitellus,  dont  l'un  est  enveloppé  par  la  vésicule  ovarienne, 
observé  par  le  docteur  Laboulbène. — A  (figure  demi-nature);  a  vitellus  normal,  h  vi- 
tellus enveloppé  de  la  vésicule  ovarienne  et  d'une  fausse  membrane,  b  pédicule  de  la 
vésicule  ovarienne,  d  gros  bout  de  l'œuf  qui  était  privé  de  carbonate  calcaire. — B,  vitellus 
enveloppé  de  la  vésicule  ovarienne  (grandeur  naturelle),  b  la  vésicule  ovarienne  sur  la- 
quelle se  dessinent  les  vaisseaux,  c  pédicule,  e  fausse  menilirane  soulevée  et  rejete'e  sur 
le  coté. 

FiG.  IX.  —  Œuf  de  poule  à  deux  vitellus  analogue  aux  deux  précédents,  observé  par  Cleyer 
(mém.  cit.,  tali.  XIII,  fig.  :<)  ;  il  ri'nfermait  un  appendice  semblable  au  fruit  de  l'arbou- 
sier, dit  Clryer.  En  rapprocliant  la  figure  de  cet  œuf  de  la  précédente,  il  est  facile  de 
d(':termiuer  la  nature  des  deux  corps  qu'il  contenait. 

FiG.  X.  —  Œuf  de  poule  observé  parC.  Davaine;  il  était  composé  de  deux  œufs  complets  réunis 
par  la  coque  (demi-nature). 

Fie.  XI. —  Œuf  observé  par  M.  Liégeois  (demi-nature). 

Fig.  XII.  —  Œuf  contenant  un  jaune  et  pas  de  blanc;  la  coquille  était  double;  observé  par 
M.  Liégeois. 

Fig.  XIII.  —  Œuf  bardé,  ayant  un  a\ipendice  caudiforme  à  cbaque  pôle  ;  observé  par  M.  Rater 
(dpnii-nature). 

FiG.  XIV. — Autre  œuf  liardé.  n'ayant  qu'un  seul  jaune  malgré  son  grand  volume;  observé 
par  M.  lUyKU  (denii-nature). 


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PLANCHE  m. 


RAPPORT  SUR  LA  REVIVISCENCE  DES  ANIMAUX  DESSÉCHÉS. 


(Mémoires,  page  1.) 


Les  appareils  sont  réduits  à  un  dixième  de  leurs  dimensions. 


Fig,    I.  Tube  à  dessiccation  employé  dans  les  expériences  XVI  et  XIX.  (Voy. 

p.  70  et  81.) 

Fig.  II.  Tube  en  U  employé  dans  les  mêmes  expériences  pour  le  chauffage 
au  bain-niarie. 

F  ig.  III.  Appareil  employé  parla  commission  dans  les  expériences  XX  et  XXI 

(Voy.  p.  86.) 


A.  Prise  d'air. 

B.  Premier  vase  à  dessiccation,  renfermant 

dem  litres  de  cliaux  vive. 

G.  Second  vase  à  dessiccation,  renfermant 
deux  litres  de  chaux  vive. 

D.  Troisième  vase  à  dessiccation,  renfer- 
mant deux  litres  de  chaux  vive. 

a,  ijC.Trois  tubes  émergeant  de  ce  dernier 
vase  et  communiquant  avec  les  trois 
tubes  en  U. 

1,2, 3.  Les  trois  tubes  en  U,  contenant  la 
mousse  à  leur  partie  inférieure  et  plon- 
geant dans  le  bain  d'huile.  L'un 
d'eux,  no  3,  renferme  un  thermomètre 
qui  pénètre  jusque  sur  la  mousse. 

a',b',d.  Les  trois  tubes  qui  émergent  des 
trois  tubes  en  U,  et  qui  vont  s'ouvrir 
isolément  dans  le  vase  H,  à  1  centi- 
mètre 1/2  au-dessous  du  niveau  de 
l'acide  sulfurique. 

I.  Tube  unique  émergeant  du  vase  H  et 
allant  plonger  profondément  dans  le 
Tase  ïspirateui'. 


K.  Le  vase  aspirateur,  gradué  de  litre  en 
litre,  contenant  huit  litres  d'eau, 
mais  ne  pouvant  aspirer  que  cinq 
litres  d'air,  à  cause  de  la  résistance 
que  l'air  rencontre  dans  le  vase  F. 

L.        Robinet  du  vase  aspirateur. 

M.  Second  vase  recevant,  au  moyen  d'un 
entormoir,  l'eau  qui  s'écliappe  du  vase 
aspirateur,  et  destiné  à  remplacer  ce 
dernier  après  l'écoulement  des  cinq 
litres  d'eau. 

E,  E.  Le  bain  d'huile  renfermant  quatre  li- 

tres d'huile. 

F.  Fourneau  à  gaz ,  dont  le  tube  est  muni 

d'un  robinet  pour  diriger  le  chauf- 
fage. 

S.        Le  thermomètre  du  bain. 

T.  Thermomètre  plongeant  dans  le  tube 
en  U,  n»  3,  et  donnant  la  température 
des  mousses. 
Support  muni  d'un  grand  anneau,  au- 
quel sont  suspendus  les  trois  tubes  en 
U  et  les  deux  thermomètret. 


V. 


PL.  m. 


TABLE  DES  MEMOIRES 

DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  BIOLOGIE. 


Rapport  sur  la  question  soumise  à  la  Société  de  Biologie  par  MM.  Poacbet, 
Pennetier,  Tinel  et  Doyére,  au  sujet  de  la  reviviscence  des  animaux  dessé- 
chés; par  M.  Paul  Broca,  au  nom  d'une  commission  composée  de  MM.  Bal- 
biani,  Berthelot,  Brown-Séquard,  Daresle,  Guillemin,  Ch.  Robin,  et  Broca, 
rapporteur.  (Avec  flgures.) • 

Étude  sur  l'ictère  déterminé  par  l'abus  des  boissons  alcooliques  ;  par  M.  E.  Leu- 
det i^i 

Rapport  sur  une  larve  d'OEstride,  extraite  de  la  peau  d'une  homme  à  Cayenne; 
par  M.  A.  Laboulbéne ■; '6ii 

Remarques  sur  les  paralysies  essentielles  consécutives  à  la  fièvre  typhoïde,  à 
propos  d'un  fait  de  paralysie  ascendante  aiguë  rapidement  mortelle,  survenue 
dans  la  convalescence  de  cette  pyrexie;  par  M.  E.  Leudet J67 

Mémoire  sur  les  anomalies  de  l'œuf;  par  M.  C.  Davaine.  (Avec  figures.).    .    .  J8S 


WN  DE  LA  TABLE  DES  MEMOIRES. 


TÂfiLE  ÂNÂLHIQUE  DES  MATIÈRES 


CONTENUES 


DANS  LES  COMPTES  RENDUS  ET  LES  MÉMOmES 


DE   LA  SOCIETE  OE   BIOLOGIE 


POUR  l'année  1860  (1). 


A 

C.   K. 

Abcès  (Note  sur  un)  du  rein  chez  la  grenouille;  par  M.  Karr 154 

—  du  rein  droit  ;  pyélite  ;  phlébite  de  la  veine  rénale  ;  infection  purulente  ; 

par  M.  Lancereaux j7 

Absence  de  dents  chez  un  enfant  de  16  mois;  par  M.  Giraldés.     ...         9 

—  de  lésion  des  valvules;  double  bruit  de  souffle  au  cœur;  par  M.  Four- 

nier 15 

Accès  fébriles  périodiques  ;  végétations  fibrineuses  sur  deux  valvules 
aortiques;  collection  sanguine  et  purulente  au  point  de  contact  et  au- 
dessous  de  ces  valvules;  par  M.  Lancereaux 50 

Alha^  maurorum  (Note  sur  la  manne  de);  par  M.  J.L.  Soubeiran.    .      158 
Alpacas  (Note  sur  l'épizootie  qui  a  frappé  le  troupeau  des)  du  Jardin 
zoologique  d'acclimatation  et  sur  quelques  faits  relatifs  à  l'anatomie  de 

ces  animaux;  par  M.  C.  Sappey 175 

Anévrismes  (De  l'emploi  du  sphygmographe  dans  le  diagnostic  des)  ;  par 
M.  Marey j^U 

Anomalies  de  l'œuf  (Mémoire  sur  les)  ;  par  M.  Davaine > 

Artère  pulmonaire  (Deux  observations  d'obstruction  de  1')  par  des 
caillots  fibrineux;  dégénérescence  graisseuse  du  cœur;  par  M.  Lance- 
reaux   g,^ 

—  (Nouveau  fait  d'obstruction  de  1')  avec  affection  du  cœur  droit  et  de 
l'artère  pulmonaire  (dilatation);  emphysème;  catarrhe  bronchique;  par 

M.  Lancereaux ,gg 


(1)  .abréviations  :  C.  R.,  Comptes  rendus;  M.,  Mémoires. 
3IÉM. 


18 


9Q9 

f^  tj  ,-«■ 


■274 

C.    R.  U. 

Atrophie  musculaire  progressive  ;  lésions  de  la  substance  grise  de  la 
moelle  épinière;  par  J.Luys 80         a 

B 

Baudroie  (Note  sur  l'appareil  porle-rénal  hépatique  de  la);  par  M.  Jour- 
dain  149  » 

Bulbe  dentaire  (Note  sur  le  tissu  propre  du)  ;  par  MU.  Ch.  Robin  et 
Magitot ifii 

C 

Caillots  fibrineux  (Deux  observations  d'obstruction  de  l'artère  pulmo- 
naire par  des)  ;  dégénérescence  graisseuse  du  cœur;  parM.  Lancereaux.       92         » 

Caillot  sanguin  (Sur  la  production  du)  dans  les  artères  ombilicales 
après  la  chute  du  cordon;  par  M.  Ch.  Kobin 37  » 

Caillot  (Études  hislologiques  sur  la  constitution  du)  dans  les  cas  d'hé- 
morrhagies  méningées  intra-arachnoïdieiines;  par  M.  Laborde.    .    .     .      iio         » 

Cancer  dans  l'intérieur  des  veines;  par  M.  Lancereaux 3o         »» 

Cartilage  de  Meckel  (Noie  sur  le);  par  MM.  Ch.  Robin  et  Magitot    .    .         2  « 

Champig-nons  (Empoisonnement  par  les);  deux  observations;  par 
M.  Lancereaux 144  * 

Clavicule.  Fracture  de  l'extrémité  interne  et  fracture  du  crâne  ;  par 
M.  Morel-Lavallée 10  « 

Cœur  (Maladie  du);  rétrécissement  et  insuffisance  de  l'orifice  miiral; 
œdème  pulmonaire,  apoplexie,  inflammation  du  poumon;  obstruc- 
tion de  l'artère  du  poumon;  par  M.  Dumont-Pallier 169  » 

—  (Absence  de  lésions  des  valvules  du);  double  bruit  de  souEQe ;  par 

M.   Fournier IS  • 

—  (De  l'emploi  du  sphygmograpbe  dans  le  diagnostic  des  maladies  du)  ; 

par  M.  Marey «73         » 

Conclusions  du  rapport  sur  la  reviviscence  des  animaux  desséchés    .    .        26         » 

—  d'un  rapport  fait  par  une  commission  de  la  Faculté  de  médecine  de 
Naples,  sur  les  effets  toxiques  et  physiologiques  du  cyclamen;  suivies 

de  remarques  de  M.  Vulpian  sur  la  cyclamine 57 

Conformation  (Vice  de)  du  thorax;  par  M.  Sappey 12 

Cordon  ombilical,  sa  structure  et  phénomènes  dont  il  est  le  siège  après 

la  naissance;  par  M.  Ch.  Robin 40 

Crâne  (Fracture  du),  avec  écoulement  sanguin  par  l'oreille;  par  M.  Ed. 

Simon «4» 

—  (Fracture  du)  et  de  l'extrémité  interne  de  la  clavicule;  par  M.  Morel- 
Lavallée  10 

Cryptorchidie  (Observations  de);  absence  d'animalcules  dans  le  sperme 

du  sujet  ;  par  M.  E.  Rerchon 206 

•Curare  (Action  du)  sur  la  torpille  électrique;  par  M.  A.  Moreau    ...      137 
Cyclamen  et  de  la  cyclamine  (Conclusions  d'un  rapport  fait  par  une 
commission  de  la  Faculté  de  médecine  de  Naples  dans    les  effets  du). 
Remarques  de  M.  Vulpian  à  l'occasion  de  ce  rapport  sur  l'action  de  la 
cyclamine 67 


275 
D 

C.    R. 

Dentaire  (Noie  sur  le  tissu  propre  du  bulbe)  ;  par  MM.  Ch.  Robin  et 

£.  Magitol 161 

—  (Éruption)  chez  une  personne  de  85  ans  ;  par  M.  Carre 85 

Dents  (Absence  de)  chez  un  enfant  de  16  mois  ;  par  M.  Giraldés.    ...  9 

Délire  (Note  sur  le)  chez  les  Néo-Caledoniens  ;  par  M.  de  Rochas     ...  90 
Développement   des  ligaments  qui  relient  entre  eux  l'ombilic  et  ses 

vaisseaux;  par  M.  Ch.  Robin 103 

—  (Quelques  faits  relatif  au)  du  poulet;  par  M.  Dareste 31 

Diabète  spontané;  lésions  du  quatrième  ventricule;  par  M.  J.  Luys.  29 

Dure-mère;  tumeur  fibro-calcaire;  par  M. iBonnejoy 79 

E 

Effort  (Influence  de  1')  sur  le  pouls  ;  par  M.  Marey 187 

Électricité  (Transmission  de  1')  à  travers  les  conducteurs  métalliques; 

par  M.  Guillemin 22 

électrique  (Note  expliquant  le  phénomène)  de  la  torpille;  par  M.  A. 

Moreau 156 

Empoisonnement   par    les    champignons;    deux    observations;    par 

M.  Lancereaux 144 

Estomac  (Note  sur  la  conformation  extérieure  de  1')  du  kanguroo  (de 

Benetl);  par  M.  C.  Sappey 167 

Exostose  du  péroné;  par  M.  E.  Fournier tt 

F 

Felis  (Sur  le  mécanisme  de  la  rétraction  des  ongles  des)  et  des  crochets 
des  linguatules  trouvés  dans  les  poumons  des  serpents;  par  M.  Henri 

Jacquart 53 

Flamant  (Note  sur  la  langue  du);  par  M.  Dareste 168 

Foie  et  intestins;  tubercules  chez  une  poule;  par  M.  Joseph  Michon.    .        21 
Fracture  du  crâne  avec  écoulement  sanguin  par  l'oreille;  par  M.  Ed. 
Simon I4i 

—  du  sternum;  par  M.  Morel-Lavallée 9 

—  Du  crâne  et  de  l'extrémité  interne  de  la  clavicule;  par  M.  Morel- 
Lavallée 10 

G 

Gang;rènes  spontanées  (Contribution  à  l'histoire  des);  observation 
avec  nécropsie,  dans  laquelle  la  gangrène  paraît  devoir  être  rap- 
portée à  une  lésion  primitive  du  système  vascuiaire  à  sang  noir  ou 
tout  au  moins  à  une  lésion  simultanée  des  veines  et  des  artères  (arté- 

rio-phlébite  de  Victor  François;;  par  M.  J.  V.  Laborde 129 

Ganglions  atteints  de  mélanose;    tumeurs  pigmentaires  de  la  région 

molaire;  par  M.  Lancereaux 19 

Glandes  ^Rôies  des  nerfs  des);  par  M.  Cl.  Bernard 23 

Glauxinia  (Note  sur  le  pollen  et  la  fécondation  des]  ;  par  M.  E.  Faivre.      loi 
Grenouilles  (Note  sur  la  rotation  spontanée  des);  par  M.  Moilin    ...         i 


•27G 


U 


Hématocèle  péri-utérine  communiquant  avec  l'intestin  et  la  vessie; 

par  MM.  Martin  Magron  et  Soulié 202         • 

Hémorrhagie  de   la  protubérance,  paralysie    alterne;   par  M.   J.  B. 

Ilillairet H6  • 

Hémorrhagies  méning-ées    intra-araciinoïdiennes;  éludes   bistologi- 

ques  sur  la  constitution  du  caillot;  par  M.  Laborde UO         > 

Bydatique  (l^oche)  expulsée  de  l'utérus  d'une  femme  de  34  ans  ;  par 

M.  H.  Jacquart 205         » 

I 

Ictère  (Études  sur  V)  déterminé  par  l'abus  des  boissons  alcooliques;  par 
M.  E.  Leudet >      i4t 

Infection  purulente;  abcès  du  rein  droit;  pyélite  phlébite  de  la  veine 
rénale;  par  M.  Lancereaux 17         • 

K 

Sanguroo  de  Benelt  (Note  sur  la  configuration  de  l'estomac  du);  par 
M.  C.  Sappey 167         » 

Kystes  (Note  sur  les)  congénitaux  des  organes  de  la  génération  ;  par 
II.  Giraldés tso         » 


Xian§:ue  (Note  sur  la)  du  flamant  ;  par  M.  Dareste ,    •    ■      16S 

Iiarve  (Rapport  sur  une)  d'OEstride  extraite  de  la  peau  d'un  homme,  à 
Cayenne;   par  M.  Â.  Laboulbène ■ 

—  (Note  sur  la)  du  Straliomys  cbamaeleon;  par  M.  J.  L.  Soubeiran  .  .  185 
Iiigaments  (Note  sur  les)  qui  succèdent  à  l'ouraque  ;  par  M.  Ch.  Robin.  85 
Iiinguatules  (Note  sur  le  mécanisme  de  la  rétraction  des  ongles  des 

felis  et  des  crochets  des)  trouvés  dans  les  poumons  des  serpents;  par 

M.  H.  Jacquart 53 

M 

Manne  (Note  sur  la)  d'alhagi  maurorum;  par  M.  J.  L.  Soubeiran  ...  I58 

Meckel  (Note  sur  le  cartilage  de);  par  MM  Cb.  Robin  et  .Magitot.  .  .  2 
Mélanose  (Tumeur  pigmentaire  de  la  région  molaire;  ganglions  atteints 

de);  par  M.  Lancereaux 19 

—  (Tumeurs  multiples  de);  par  MM.  Lancereaux  et  Dubreuil Ml 

Modifications  (lu'éprouvent  après  la  mort  les  propriétés  des  nerfs  et  des 

muscles  chez  les  grenouilles;  par  M.  E,  Faivre 26 

Moelle  (Lésions  de  la  substance  grise  de  la)  dans  l'atrophie  musculaire 
progressive;   par  M.  J.  Luys 80 

—  Ramollissement  de  la  région  supérieure;  paralysie  des  membres  infé- 
rieurs seuls;  intégrité   des   fonctions  des  membres   supérieurs;  par 

M.  Ilillairet 7:t 


277 

N 

C.    K. 

Méo-Calédoniens  (Note  sur  le  délire  des)  ;  par  M.  de  Rocbas.  ...  90 
Nerfs  (Rôle  des)  des  glandes;  par  M.  Cl.  Bernard 23 

—  Action  de  l'acide  tartrique  pour  la  préparation  des  troncs  nerveux; 

par  M.  Liégeois 15 

Itferf  (Oculo-moleur  commun  chez  les  mammifères;  expériences  sur  la 

galvanisation  du);  par  M.  Vulpian 160 

Nerf  optique  (Sur  les  excavations  et  les  saillies  du);  par  M.  de  Graefe.  151 
Nerfs  de  sentiment  et  de  mouvement  (Distinction  anatomique  des) 

chez  les  poissons;  par  M.  A.  Moreau 159 

o 

Oculo-moteur  (Note  sur  la  galvanisation  du  nerf)  commun  chez  les 

mammifères;  par  M.  Vulpian 160 

Oiseaux  (Note  sur  quelques  altérations  pathologiques  observées  sur  les) 

du  Jardin  zoologique  du  bois  de  Boulogne  ;  par  M.  C.  Dareste.  ...  182 
Œstride  (Rapport  sur  une  larve  d'),  extraite  de  la  peau  d'un  homme  à 

Cayenne,-  par  M.  A.  Laboulbène » 

Œufs  des   serpents.  Le  poumon  jouant  le  rôle  d'appareil  incubateur 

sur  les  œufs  contenus  dans  l'oviducte;  par  M.  H.  Jacquart 139 

Œuf  (Mémoire  sur  les  anomalies  de  1');  par  M.  Davaine » 

Ombilic  (Cause  de  la  dépression  cutanée  de  I');  par  M.  Ch.  Robin.    .    .      193 

—  (Note  sur  le  développement  des  ligaments  qui  relient  entre  eux  l'j  et 

ses  vaisseaux  ;  par  M.  Ch.  Robin 103 

Ombilicales  .Sur  le  caillot  sanguin  qui  se  produit  au  bout  des  artères) 

après  la  chute  du  cordon;  par  M.  Ch.  Robin 37 

Optique  (Sur  les  saillies  et  les  excavations  de  la  pupille  du  nerf);  par 

M.  de  Graefe I5i 

Oreille  externe  (Concrétions  tophacées  de  I')  chez  les  goutteux);  par 

M.  Cbarcot 47 

Ouraque  (Note  sur  les  ligaments  qui  succèdent  à  1');  par  M.  Ch.  Robin.  85 

Ovaire  droit  (Tumeur  de  1');  par  M.  Morel-Lavallée lO 

P 

Paralysie  alterne  par  suite  d'hémorrhagie  de  la  protubérance;    par 

M.  J.-B.  Hillairet 116 

Paralysies  (Remarques  sur  lesT  essentielles  consécutives  à  la  fièvre  ty- 
phoïde, à  propos  d'un  fait  de  paralysie  ascendante  aiguë,  rapidement 
mortelle,  .survenue  dans  la  convalescence  d&  cette  pyrexie;  par  M.  E. 

Leudei » 

Pellagre  sporadique  (Observation  de)  ;  par  M.  Lancereaux 126 

Péroné    Exostose  du);  par  M.  Eug.  Fournier 11 

Poissons  (Distinction  anatomique  des  nerfs  de  sensibilité  et  de  mouve- 
ment chez  les);  par  M.  A.  Moreau 159 

Poule;  tubercules  du  foie  et  de  l'intestin  ;  par  M.  Joseph  Michon.  ...  21 
Poulet  (Faits  relatifs  au  développement  du);  par  M.  C.  Dareste.  ...  31 
Pouls  (Variations  physiologiques  du)  étudiées  à  l'aide  du  sphygmogra- 

phe);  par  M.  Marey 187 

Porte  (Note  sur  l'appareil)  rénal -hépatique  de  la  baudroie  (Lophius 
pijcatorius,  L.);  par  RI,  Jourdain    .    ,    .    .         .  i49 


278 

G.    K. 

Poumon  des  serpents  jouant  le  rdle  d'organes  incubateurs  sur  les  œufs 
contenus  dans  les  oviductes;  par  Al.  H.  Jacquart 139 

Propriétés  des  nerfs  et  des  muscles;  modilicalions  qu'elles  éprouvent 
aprt's  la  mort  chez  les  grenouilles;  par  M.  Faivre 26 

Protubérance  (  Hcmorrhagie  de  la);  paralysie  alterne,  etc.;  par 
M.  J.-B.  Hillairet ne 

—  Annulaire  (ramollissement  delà);  hémiplégie;  par  M.  J.  B.  Hillairet.         6 
Pulmonaire  (Obstruction  de  l'artère)  avec  affection  du  coeur  droit  et  de 

l'artère  pulmonaire  (dilatation),  emphysème,  catarrhe  bronchique;  par 

M.  Lancereaux 198 

—  (Deux  observations  d'obstruction  de  l'artère)  par  des  caillots  fibrineux  ; 
dégénérescence  graisseuse  du  cœur;  par  M.  Lancereaux 92 

R 

Ramollissement  de  la  protubérance;  hémiplégie  croisée;  par  M.  J.  B. 
Hillairet S 

Rapport  sur  la  question  soumise  à  la  Société  de  biologie,  par  MM.  Pou- 
chet,  Pennetier,  Tinel  et  Doyére,  au  sujet  de  la  reviviscence  des  ani- 
maux desséchés;  par  M.  P.  Broca » 

Rapport  sur  une  larve  d'OEstride  extraite  de  la  peau  d'un  homme,  à 
Cayenne;  par  M.  A.  Laboulbène 

Rein  droit;  abcès,  pyèlile,  phlébite  de  la  veine  rénale;  infection  puru- 
lente; par  M.  Lancereaux n 

Rein  (Note  sur  un  abcès  du)  chez  la  grenouille;  par  M.  Karr I54 

Reviviscence  (Conclusions  du  rapport  de  la  commission  sur  la).     .    .        26 

—  des  animaux  desséchés.  Rapport  sur  la  question  soumise  à  la  Société 
de  biologie  par  MM.  Pouchet,  Pennetier,  Tinel  et  Doyére;  M.  P.  Broca, 
rapporteur ■ 

Rotation  spontanée  des  grenouilles;  par  M- Moilin i 

S 

Serpents  (Poumons  des)  jouant  le  rôle  d'appareil  incubateur  sur  les  œufs 

contenus  dans  l'oviducte;  par  M.  H.  Jacquart 139 

Souffle  (Double  bruit  de)  au  cœur  sans  lésions  des  valvules;  par  M.  Eug. 

Fournier 16 

Sperme  (Absence  d'animalcules  dans  le);  observation  de  cryptorchidie  ; 

par  M.  Berchon 206 

Sphygmographe  (De  l'emploi  du)  dans  le  diagnostic  des  affections  val- 

vulaires  du  cœur  et  des  anévrismes  des  artères;  par  M.  Marey    ...      i73 

—  Variations  physiologiques   du  pouls,   observées  à   l'aide    du);    par 

M.  Marey 187 

Sternum  (Fracture  du);  par  M.  Morel-Lavallée 9 

StratiomysChameeleon(Note  sur  la  larve  du);  par  M.  J.  L.  Soubeiran.       I3S 


Tartrique  (  Acide  j    pour   la   préparation    des   troncs  nerveux  ;    par 

M.  Liégeois IS 

Température  animale  (Causes  de  variations  de  la);  par  M.  Marey.     .  2* 

Thorax  (Vice  de  conformation  du);  par  M.  G.  Sappey 12 


279 

C.   R. 

Tophacées   (Concrétions)  de  l'oreille  externe  chez  les  goutteux;  par 

M.  Charcot 47 

Torpille  électrique  (Action  du  curare  sur  la);  par  M.  A.  Moreau.  .  .  137 
Torpille  (Expériences  expliquant  le  phénomène  de  l'électrieité  de  la); 

par  M.  A.  Moreau 1S6 

Transmission  de  l'électricité  à   travers  les    conducteurs  métalliques  ; 

par  M.  A.  Guillemin 22 

Tubercules  du  foie   et  de  l'intestin  chez  une   poule;   par   M.  Joseph 

Michon 2i 

Tumeur  fibro-calcaire  de  la  dure-mère;  par  M.  Bonnejoy 79 

Tumeurs  mélaniques  multiples;  par  MM.  Lancereaux  et  Dubreuil.     .  m 

Tumeur  de  l'ovaire  droit;  par  M.  Morel-Lavallée lo 

u 

Uredo  candida  (Note  sur  le  développement  de  1')  ;  par  M.  Fournier    .    .        33 
Utérus  (Poche  hydatique  expulsée  de  I')  d'une  femme  de  35  ans;  par 
M.  H.  Jacquart 205 

V 

Valvules  aortiques;  végétations  fibrineuses  ;  collection  sanguine  et 
purulente  au  point  de  contact  et  au-dessous  de  ces  valvules;  accès  fé- 
briles périodiques;  par  M.  Lancereaux    50 

Veines;  productions  cancéreuses  dans  leur  intérieur;  par  M.  Lan- 
cereaux           30 

Ventricule  (Lésions  chroniques  du  quatrième)  dans  le  diabète  spon- 
tané; par  M.  J.  Luys 29 


FIN  DE  LA  TABLE  ANALYTIQUE. 


TABLE  DES  MATIÈRES 

PAR  NOMS  FAUTEURS. 


B 

G.    R. 

Berchon Observation  de  cryplorchidie;  absence  d'animal- 
cules dans  le  sperme  du  sujet 206 

Bersard  (Cl.)- •  •  •  Sur  le  rôle  des  nerfs  des  glandes 23 

BoNNEjOY Tumeur  fibro-calcaire  de  la  dure-mère 79 

Broca Rapport  sur  la  question  soumise  à  la  Société  de  bio- 
logie par  MM.  Pouchet,  Pennelier,  Tinel  et  Doyère 
au  sujet  de  la  reviviscence  des  animaux  desséchés.         » 


Carre Éruption  dentaire  chez  une  personne  de  85  ans.    .        83 

Charcot Concrétions  lophacées  de  l'oreille  externe  chez  les 

goutteux 47 

D 

Dareste Quelques  faits  relatifs  au  développement  du  poulet.        31 

—  Note  sur  la  langue  du  flamant 168 

—  Note  sur  quelques  altérations  pathologiques  obser- 

vées chez  des  oiseaux  du  Jardin  zoologique  d'accli- 
matation du  bois  de  Boulogne 182 

Davaine  (C.)  ....  Mémoire  sur  les  anomalies  de  l'œuf » 

Dimont-Pallier.  .  Maladie  du  cœur;  rétrécissement  et  insuffisance  de 
l'orifice  mitral;  œdème  pulmonaire,  apoplexie,  in- 
flammation du  poumon;  obstruction  de  l'artère 
pulmonaire 169 


AivRE  (^Ernest).  .  Note  sur  le  pollen  et  la  fécondation  des  glauxinia.    .      lOi 
—  Modiflcations  qu'éprouvent  après  la  mort  chez  les 

grenouilles  les  propriéics  des  nerfs  et  des  muscles.       2'i 


282 


Fourniër  (Eugène).  Double  bruit  de  souffle  du  cœur  sans  lésion  des  val- 
vules   is 

—  Exostose  du  péroné il 

—  Note  sur  le  développement  de  rf/redocondida.    .    .  33 


GiRALDÉS.  . 

Gr£fb  (de) 
gcillemin.  . 

HiLLAIRET.    . 


G 

Absence  de  dents  chez  un  enfant  de  i6  mois.    ...         9 

Note  sur  les  kystes  congénitaux  des  organes  de  la 
génération i50 

Sur  les  excavations  et  les  saillies  de  la  papille  du 
nerf  optique isi 

Transmission  de  l'électricité  à  travers  les  conduc- 
teurs métalliques 22 


H 


Ramollissement  de  la  moelle  dans  ses  régions  supé 
rieures;  paralysie  des  membres  inférieurs  seuls 
conservation  de  la  sensibilité  et  de  la  myotilité 
dans  les  membres  supérieurs 

Ramollissement  de  la  protubérance;  hémiplégie  croi 
sée 

Hémorrhagie  de  la  protubérance;  paralysie  alterne 
(hémiplégie  gauche,  paralysie  faciale  droite);  hy- 
pertrophie ancienne  du  cœur;  maladie  de  Bright; 
péricardite;  œdème  pulmonaire;  pleurésie  double; 
mort 


73 


116 


J 

Jacquart  (Henri).  .  Note  sur  le  mécanisme  delà  rétraction  des  ongles  des 
felis  et  des  crochets  des  linguatules  trouvés  dans 
les  poumons  des  serpents 53 

—  Les  poumons  des  serpents  jouent  le  rôle  d'organes 

incubateurs  sur  les  œufs  contenus  dans  les  ovi- 
ducles;  ceux-ci  viennent,  en  effet,  se  mettre  en 
contact,  par  suite  de  leur  accroissement  dans  tontes 
leurs  dimensions,  avec  les  extrérailés  de  ces  réser- 
voirs aériens;  c'est  ce  que  prouve  l'état  de  déve- 
loppement irés-avancé  des  œufs  trouvés  dans  les 
oviduetes  d'une  femelle  de  python  de  Séba,  de 
grande  taille  (3  mètres  passés),  morte  au  Muséum 
d'histoire  naturelle  de  Paris 139 

—  Poche  hydatique  expulsée  de  l'utérus  d'une  femme 

de  35  ans 205 

Jourdain Note  sur  l'appareil  porte-rénal  hépatique  de  la  bau- 
droie (Lophius  piscatorius,  L.) 149 

K 


Karr Note  sur  un  abcès  du  rein  chez  la  grenouille. 


283 
L 

C.   H. 

Laborde Examen  de  plusieurs  cas  d'hémorrhagies  méningées 

intra-arachnoïdiennes;  études  histologiques  sur  la 
conslitulion  du  caillot  et  de  son  enveloppe.    .    .    .      110 

—  Contribution  à  l'histoire  des  gangrènes  spontanées; 

observation  avec  nécroscopie,dans  laquelle  la  gan- 
grène paraît  devoir  être  rapportée  à  une  lésion  pri- 
mitive du  système  veineux,  etc 129 

Laboulbëne  (A.).  .  Rapport  sur  une  larve  d'OEstride,  extraite  de  la  peau 

d'un  homme  à  Cayenne » 

Lancbreaiix Végétations  fibrineuses  sur  deux  valvules  aortiques; 

collection  sanguine  et  purulente  au  point  de  con- 
tact et  au-dessous  de  ces  valvules;  accès  fébriles  pé- 
riodiques        50 

—  Deux  observations  d'obstructions  de  l'artère  pulmo- 

naire par  des  caillots  fibrineux;  dégénérescence 

graiseuse  du  cœur 92 

—  Productions  cancéreuses  dans  l'intérieur  des  veines.  30 

—  Tumeur  pigmentaire  de  la  région  malaire 19 

—  Observation  de  pellagre  sporadique 12S 

—  Empoisonnement  par  les  champignons.  (Deux  obser- 

vations)   U< 

—  Pyélite;  phlébite  de  la  veine  rénale;  abcès  du  rein 

droit;  infection  purulente;  albumine  dans  l'urine.       17 

—  Nouveau  fait  d'obstruction  de  l'artère  pulmonaire 

avec  affection  du  cœur  droit  et  de  l'artère  pulmo- 
naire (dilatation);  emphysème;  catarrhe  bron- 
chique  198 

—  et  DcBREUiL.  .  .  Tumeurs  mélaniques  multiples;  mélanose  ayant  en- 
vahi la  plupart  des  systèmes  organiques 111 

Leddet Élude  sur  l'ictère  déterminé  par  l'abus  des  boissons 

alcooliques ■ 

—  Remarques  sur  les  paralysies  essentielles  consécu- 

tives à  la  fièvre  typhoïde,  à  propos  d'un  fait  de  pa- 
ralysie ascendante  aiguë ,  rapidement  mortelle, 
survenue  dans  la  convalescence  de  cette  pyrexie.  .         » 

Liégeois Action  de  l'acide  tartrique  pour  la  préparation  des 

troncs  nerveux 15 

LuYS  (Jules) Atrophie  musculaire  progressive;  lésions  de  la  sub- 
stance grise  de  la  moelle  épiniére SO 

—  Diabète  spontané  ;  lésions  du  quatrième  ventricule.       29 

M 

Magitot.  (Foy.  Ch.  Robin). 

Marby De  quelques  causes  de  variations  dans  la  température 

animale 27 

—  De  l'emploi  du  sphygmographe  dans  le  diagnostic 

des  affections  valvulaires  du  cœur  et  dos  artères.      173 

—  Variations  physiologiques  du  pouls,  étudiées  à  l'aide 

du  sphygmographe.    . 187 


284 

C.    K 

M àrtin-Magron  et  Soulié.  Hématocèle  péri-utérine  communiquant  avec 

l'intestin  et  la  vessie 202 

MiCHON  (Joseph).  .  Tubercules  du  foie  et  de  l'intestin  chez  une  poule.    .  21 

MoiLiN De  la  rotation  spontanée  des  grenouilles 1 

MOREAU  (A.)  ....  Action  du  curare  sur  la  torpille  électrique.  ....  137 

—  Distinction  anatomique  des  nerfs  du  sentiment  et  du 

mouvement  chez  les  poissons J59 

—  Expériences  expliquant  le  phénomène  électrique  de  la 

torpille 156 

Morbl-La VALLÉE.  .  Tumeur  de  l'ovaire  droit 10 

—  Fracture  du  crâne  et  de  l'extrémité  interne  de  la  cla- 

vicule         10 

—  Fracture  du  sternum 9 

R 

Robin  (Ch.)  .....  Note  sur  les  ligaments  qui  succèdent  à  l'ouraque.    .        85 

—  Note  sur  le  caillot  sanguin  qui  se  produit  au  bout  des 

artères  ombilicales  après  la  chute  du  cordon.    .    .        S7 

—  Sur  quelques  particularités  de  la  structure  du  cordon 

et  des  phénomènes  dont  il  est  le  siège  à  la  nais- 
sance         40 

—  Note  sur  le  développement  des  ligaments  qui  relient 

entre  eux  l'ombilic  et  ses  vaisseaux i03 

—  Sur  la  cause  de  la  dépression  cutanée  de  l'ombilic.    .  193 
—  etMAGiTOT.  .  .  .  Note  sur  le  tissu  propre  du  bulbe  dentaire.    ...  i6i 

—  Note  sur  le  cartilage  de  Meckel 2 

Rochas  (de) Note  sur  le  délire  des  Néo-Calédoniens 90 

S 

Sappey  (C.) Vice  de  conformation  du  thorax 12 

—  Note  sur  la  conformation  extérieure  de  l'estomac  du 

Kanguroo  de  Bennet 167 

—  Note  sur  l'èpizooliequi  a  frappé  le  troupeau  ri'alpacas 

du  Jardin  zoologique  d'acclimatation  et  sur  quel- 
ques faits  relatifs  à  l'anatomie  de  ces  animaux.    .  176 

Simon  (Ed.) Fracture  du  crâne  avec  écoulement  sanguin  par  l'o- 

l'oreille I4l 

SouBKiRAN  (J.  L.).  .  Note  sur  la  manne  d'J//iofff  .^/aurorum  D.  C.    .     .    .  1.S8 

—  Note  sur  la  larve  du  Slratiomys  ("hanueleon    ...  135 


VuLPUN P.emar([ues  sur  l'action  de  la  cyclainine 59 

—  Expériences  sur  les  effets  de  la  galvanisation  du  nerf 

ociiio-moieur  commun  clioz   les  inainiiiifores     .    .      I6O 


FIN  DES  TADLES. 


LISTE  DES  OUVRAGES 

OFFERTS  A  liA  SOCIETE  DE   BIOIiOCîIE. 


A 

Annales  de  médecine  de  Wûrtzbourg.  1  toL,  1860. 

Annuaire  de  l'Académie  royale  des  sciences  et  des  lettres  de  Belgique. 

B 

Berchon Recherches  sur  le  tatouage. 

BoNNEFiN Sur  l'atrophie  musculaire  consccutiTe  aux  né- 
vralgies. (Thèse  inaugurale.) 
Broca Ethnologie  de  la  France. 

—  Sur  le  cancroïde  épithélial  et  les  tumeurs  épi- 

théliales. 

—  Mémoire  sur  l'hybridité  chez  l'homme  et  les  ani- 

maux. 

—  Mémoire  sur  les  animaux  ressuscitants.  (Rapport 

fait  à  la  Société  de  Biologie.) 
Bulletin  de  l'Académie  royale  de  médecine  de  Belgique  (1858-1859). 
Bulletins  delà  Société  anatomique  (1859). 
Bulletins  de  la  Société  d'anthropologie. 
Bulletin  de  la  Société  botanique  de  France. 

Bulletin  de  la  Société  médicale  des  hôpitaux  de  Paris.  (Nouv.  série.) 
Bulletin  de  la  Société  philomatique,  t.  VI. 
Bulletins  de  la  Société  impériale  des  naturalistes  de  Moscou. 
Bulletin  de  la  Société  de  médecine  et  de  physique  de  Wiirtzbourg  (1859). 
Bulletin  des  sciences  naturelles  de  Wiirtzbourg.  1  vol.  1860. 

C 

Carlo-Ambrolou Mémoire  sur  le  grand  sympathique. 

Chossinat Mémoire  sur  la  raétrorihée  séreuse. 

CuARCOT De  la  pneuoionie  chronique.  (Thèse  de  concours 

pour  l'agrégation.) 


286 

CnAuvKAu Théorie  des  effets' physiologiques  produits  par 

l'électricité. 

—  Des  effets  physiologiques  de  l'électricité. 
Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences  de  Philadelphie  (1859). 
Comptes  rendus  de  la  Société  impériale  de  médecine  de  Marseille. 
Comptes  rendus  de  l'Assemblée  des  régents  de  l'institution  Smithsonienne 

(1859). 
Compte  rendu  de  la  reconnaissance  géologique  des  régions  septentrionales 

des  Arkansas  (1857-1858), 
CosTALLAT De  l'étiologie  et  delà  prophylaxie  de  la  pellagre. 

D 

Delore Mémoire  sur  la  suppuration  bleue. 

Depaul Oblitération  complète  du  col  de  l'utérus  chez  la 

femme  enceinte  et  de  l'opération  qu'elle  ré- 
clame. 

—  Rapport  sur  les  Taccinations. 

—  De  lu  rétention  d'urine  chez  l'enfant  pendant  la 

vie  fœtale. 
Durand-Fardel  et  Lebret.  Dictionnaire  général  des  eaux  minérales. 

G 

GiORDANO  (SciPiONE).  .  .  .  Dclla  fcbrc  puerpérale. 

Godard Mémoire  sur  la  substitution  graisseuse  du  rein. 

--  Recherches  tératologiques  sur  les  difformités  de 

l'appareil  génital. 
Goubaux Torsion  du  vagin  et  de  la  matrice  dans  l'espèce 

bovine. 
GuBLER Sur  le  chirurgien  Louis  (Antoine).  (Extrait  de  la 

BlOGRAl'IUE  UNIVERSELLE  DE  iMlCMAUX.) 

GuiLLEMlN Note  sur  la  direction  dos  courants  induits,  lors- 
que le  fd  inducteur  l'ait  partie  du  fil  télégra- 
phique. 

—  Mémoire  sur  la  propagation  des  courants  dans  les 

fils  télégraphiques. 

H 

HotiEL Des  tumeurs  du  corps  thyro'ide.  (Thèse  de  con- 
cours pour  l'agrégation.) 

J 

Jordan  (de  Manchester).  .  .  Du  traitement  des  pseudartliroses  par  l'autoplas- 

tie  périnsîiqiie. 
Journal  de  Charleston. 


287 
L 

Laboulbène Des  névralgies  viscérales.  (Thèse  de  concours 

pour  l'agrégation.) 

Lacombe.  ..........  Compte  rendu  des  travaux   de  la  Société  des 

sciences  médicales  de  l'arrondissement  de  Gan- 
iiat  (Allier),  année  1858-1859. 

Larotennk Etudes  sur  la  circulation  dans  certains  états  phy- 
siologiques et  pathologiques.  (Thèse  inaugu- 
rale.) 

Lenhosseck  (Joseph).  .  .  .  Mémoire  sur  les  affections  de  la  moelle  épinière. 

—  Nouvelles  recherches  sur  la  structure  du  système 

nerveux  central. 

M 

Magitot Mémoire  sur  les  tumeurs  du  périoste  dentaire. 

MiDDELDORPF De  fistulis  ventriculi  interni. 

MiCHON  (Joseph) Sur  les  céix'aies  eu  Halle  sous  les  Romains. 

—  Des  connaissances  géographiques  des  Romains 

en  Afrique  d'après  Pline.  (Dissertation  latine 
inaugurale,  1859.) 

—  Rapport  sur  les  études  et  recherches  à  faire  en 

Chine  et  au  Japon  dans  l'ordre  des  travaux  de 
la  Société  zoologique  d'acclimatation. 
Milne-Edwauds  fils Études  chimiques  sur  les  os. 

—  Influence  la  proportion  de  sulfate  de  chaux  sur  la 

formation  du  cal. 
S 

Société  royale  de  Londres.  Procès-verbaux  n^  36,  37  et  40. 
Société  Smithsonienne  de  Philadelphie.  Rai)port  annuel. 

V 

Viennois Recherches  sur  le  chancre  primitif  et  les  acci- 
dents consécutifs  produits  par  la  contagion  de 
la  syphilis  secondaire.  (Thèse  inaugurale.) 

Vrolik  (d'Amsterdam).  .  .  Catalogue  de  la  bibliothèque  de  médecine  et 
d'histoire  naturelle. 

YuLPiAN Des  pneumonies  secondaires.  (Thèse  de  concours 

pour  l'agrégation.) 

FIN. 


Païis.—  Imprimé  par  E.  Thumot  bt  C*,  26,  •!*€  Racine. 


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