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COMPTES RENDUS DES SÉANCES
MEMOIRES
LUS
A LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
PENDANT L'ANNEE 1860.
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U.rU. — Imprimé i)»r E. Thi'Not et C», S«, rue Rarine.
COMPTES MMU IM SÉANCES
ET
MÉMOIRES
DE LA
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
TOME DEUXIÈME DE LA TROISIÈME SÉRIE.
ANNEE 1860.
" "■ii*t%/Qy*i*^ -
PARIS,
CHEZ J.-B. BAILLIÈRE et FILS, ^ ' .«,• S>,
I.IBRAIBES DE L'ACADÉMIE IMPÉRIALE DE MEDECINE. V y. ^ '^O
19, nie Hautefeuille. ^"^«C^^^L"^
LONDRES, j NEW-YORK,
Hippolyte Baillière, 219, Regent-Stieet. i Baillièhe Brothers, 440, Broadway,
Madrid, C. Raill}--Raillir'r« , plaza del Prineipr Alfanva, «S.
1861
LISTE
DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE,
COMPOSITION DU BUREAU
EN 1860.
Président perpétuel. . . M. Rayer.
' t^ * (M. Charcot.
TIee-presIdents {
( M. Vulpian.
/ M. Balbiani.
^ rj. , \ M. Dareste.
Seerétaires <
i M. Le Gendre.
\ M. Marey.
Trésorier M. Davaine.
ArebiYiste M. Houel.
MEMBRES HONORAIRES.
MM. Andral.
Bernard (Charles).
Bernard (Claude).
Bouchut.
Bouillaud.
Cazeaux.
Depaul.
Dumas.
Flourens.
Follin.
Geoffi-oy-Saint-Hilaire (Isidore).
Germain (de Saint-Pierre).
MM. Laboulbène.
Littré,
Milne-Edwards.
Montagne.
Moquin-Tandon.
Morel-Lavallée.
Quatrefages (A. de).
Serres.
Valenciennes.
Velpeau.
Verneuil.
V[
MEMBRES ASSOCIÉS.
MM. Agassiz.
Baër (deV
Bennett (Hughes).
Dufour (Léon).
Gurlt (Ernst-Friedrich).
Lebert (H.).
Liebig (Justus).
Molli (Hugo).
Owen (Richard).
M. Paget (James).
Panizza (Bartolomeo.
Pouchet.
Rathke.
Retzius.
Sédillot.
Valentin.
Wagner (Rudolphi.
MEMBRES TITULAIRES.
MM. Balbiani.
Bastiei).
Bcraud.
Berthelot.
Blot.
Boulcy.
Bourguignon.
Broca.
Brown-Scquard.
Charcot.
Dareste.
Davaine.
Faivro.
Giraldèp.
Godard (Ernest).
Goubaux.
Gubler.
Guilleniiii.
HifTclshcim.
HillainM.
MM. Houel.
Jacquart (Henri).
Leblanc (G.I.
Le Bret.
Leconte.
Le Gendi'f.
Lorain (Paul).
Luys.
Marey.
Martin-Magron.
Michon.
Moreau (Armand).
Rayer.
Regnault.
Robin (Charles).
Sappey.
Soubeiran (J.-L.).
Vcrdeil.
Viiliiian.
VII
MEMBRES CORRESPONDANTS NATIONAUX.
MM. Beyiard à Paris.
Blondlot à Nancy.
Chaussât à Aubusson.
Coquerel (Charles) à Toulon.
Courty à Montpellier.
Desgranges à Lyon.
Deslongchamps à Caen.
Dufour (Gustave) à Shang-Hai.
Dugès à Guatemala.
Duplay à Paris.
Ebrard à Bourg.
Gosselin à Paris.
Guérin (Jules) à Paris.
Ehrmann à Strasbourg.
Huette à Montargis^
Jobert (de Lamballe). ..... à Paris.
Lecadre au Havre.
Leudet (Emile) à Rouen.
Martins à Montpellier.
Méricourt (De) à Brest.
MEMBRES CORRESPONDANTS ÉTRANGERS.
Grandeallretagine.
MM. Berkeley (M.-J.) à Kings-Cliflf.
Bowman (W.) à Londres.
Carpenter (W.-B.) •• . . à Londres.
Goodsir (John) à Edimbourg.
Grant (R.-E.) à Londres.
Jacob (A.) à Dublin.
Jones (Bence) à Londres.
Jones (Wharton) à Londres.
Maclise à Londres.
Marcet à Londres.
Nunneley à Leeds.
Oueckett à Londres.
VIII
MM. Redferii à Aberdeen.
Sharpey à Londres.
Simon (John) à Londres.
Simpson à Edimbourg.
Tliomson (Allen) à Glasgow.
Toynbee. . .......... à Londres.
>Valler. ............ .à Londres.
Williamson à t-ondres.
Allemagne.
MM. BischofF à Munich.
Briicke (Ernst) à Vienne.
Carus (V.) à Dresde.
Dubois-Reymond à Berlin.
Henle à Gœttingue.
Hering à Stuttgardt.
Hirschfeld (Ludovic) à Varsovie.
Hofmeister à Leipsick.
Hyrtl à Vienne.
Kœlliker à Wiirzboui'g.
Lehmann 4 lena.
Ludwig , à Vienne.
Mayer à Bonn.
Mockel (Albert) à Halle.
Rokitansky à Vienne.
Siebold (G. f]i. de) à Munich.
Stannius à Rostock.
Stilling à Cassel.
Virchow à Berlin.
^ypber (Wilhclm-Eduard).. . . i^ Leipsick.
]yç^er (Ernsl-Henrich) ù iiCipïick.
Portugal.
M. De Mello à Lisbonne.
Belgique.
MM. Gluge à Bruxelles.
Schwann à Liège.
S^pring à Liège.
Thicrnesse à Bruxelles.
IX
Danemark .
M. Hannover. à Copenhague.
Suède.
M. Santesson à Stockholm.
Hollande.
MM. Donders à Utrecht.
Harting à Utrecht.
Schrœder van der Kolk à Dtrecht.
Van der Hœven à Leyde.
Vrolik à Amsterdam.
Suisse.
MM. Duby à Genèye.
Miescher à Bâle,
Italie.
MM. Martini à Naples.
Vella à Turin.
Etats-Unis.
MM. Bigelow (Henry J.) à Boston.
Draper à New-York.
Leidy (Joseph) .à Philadelphie.
Brésil.
M. Abbott à Bahia.
COMPTES RENDUS
DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
PENDANT L'ANNÉE 1860.
COMPTE RENDU DES SÉANCES
DE
r r
LA SOCIETE DE BIOLOGIE
PENDANT LE MOIS DE JANVIER 1860;
Par m. le Docteur A. MORE AU, secrétaire.
PRÉSIDENCE DE M. RAYER.
I. — Physiologie expérimentale.
DE LA rotation SPONTANÉE DES GRENOUILLES; par M. MOILIN.
Lorsque l'on imprime un mouvement de rotation à une grenouille, celle-ci
cherche à repreadre son équilibre et tend à tourner sur ellf-môme en sens
inverse du mouvement qu"on lui communique. L'intensité de cetle rotation
varie avec la vivaciléde l'animal et la rapidité du mouvement imprimé; dans
les cas les moins favorables, la grenouille reste immobile et se contente
d'incliner la tète du côté où elle tend à tourner. Ces phéuomènes de rotation
dépendent évidemment du sens musculaire, et c'est pour cette raison que
leur étu :e ne ma pas semblé dépourvue d'intérêt.
!»• Proposition. Ces mouvemeuts dépendent de l'encéphale, car on les fait
cesser par la section du bulbe.
C. R. 1
5
i' Proposition. Ces mouvements sont involontaires et instinctifs. En effet,
cette rotation spontanée, très-marquée chez les grenouilles engourdies par
le froid, est faible ou nulle chez les grenouilles vives.ou clierchant a s'échap-
per du vase qui les contient.
D'un autre côté, les animaux supérieurs, le lapin notamment, doués d'une
somme de volonté plus considérable que celle des batraciens, présentent
plus dilTicilement cette rotation spontanée, et cessent même de l'offrir lors-
qu'ils sont occupés à manger ou cherchent à s'échapper.
3' Proposition. Ces mouvements sont indépendants de la vision, car l'a-
bolition de la vue, loin de les faire disparaître, semble plutùt les exagérer.
4" Proposition. Ces mouvements dépendent des nerfs renfermés dans le
rocher de la grenouille. En effet, en enlevant un des rocliers, l'animal ne
tourne plus que d'uu côté (celui qui est opéré). Si l'on enlève les deux ro-
chers, la grenouille reste immobile et n'est plus sensihle aux mouvements
qu'on lui imprime.
5' Proposition. Si au lieu d'enlever le rocher on coupe les parties laté-
rales du bulbe, on produit le plus souvent les mêmes phénomènes que ci-
dessus, l'animal ne présentant plus la rotation spontanée. Nous ne parlons
que dans un seul sens.
6« Proposition. Lorsque la piqûre du bulbe donne naissance à un mouve-
ment de manège, celui-ci est arrêté ou exagéré par la rotation qu'on imprime
à l'animal, suivant que cette dernière est favorable ou non à la production du
mouvement de manège.
II. — Anatomie.
NOTE SDR LE CARTILAGE DE MECKEL; par MM. les docteurs Robin et E. Magitot.
Le cartilaye de Meckel est un organe qui existe chez tous les vertébrés,
mais offre une existence transitoire chez la plupart d'entre eux. On peut,
chez l'homme le trouver et le disséquer facilement depuis le quinzième ouïe
vingtième jour environ de la vie embryonnaire jusqu'au sixième ou au sep-
tième mois de la grossesse. Il s'étend de l'oreille moyenne, danç laquelle; il
adhère au marteau jusqu'à.la symphyse maxillaire inférieure (ju'il concourt à
former.
Cet organe est aussi appelé •prolongement de Meckel, du nom de l'auteur
qui, le premier, en a fait connaiire l'existence. (Meckel, Manuel d'anato.mik,
trad. fr. Paris, 1825, in-8", t. 111, p. 199.) Mc( kel a reconnu que les oiseaux,
les reptiles et les poissons offrent un cartilage tout semblable qui s'étend de
la pièce postérieure de la mâchoire à l'antérieure. Ce cartilage, naissant
avant le maxillnire inférieur, forme essentiellement dans le principe les(^ue-
lette du premier arc viscéral. Richard Owen,daus ses remarquables Pni.NciPES
3
d'ûstéologie comparée, Paris, 1855, in-8<>, p. 14, a déterminé nettement que
« le marteau est un élément moJifié de l'arc tympano-mandibuiaire dans les
« batraciens et les poissons; » qu'il en représente l'os appelé par lui méso-
tympanique, ou sytnplectique par d'autres anatomisles. Il considère le carti-
lage de Meckel cbez les mammifères comme une extension de l'apophyse
du marteau; mois nous verrons que ce n'est pas avec cette portion du mar-
teau qu'il est en continuité de substance.
C'est dans le premier arc viscéral ou branchial que le cartilage de Meckel
se développe, comme nous l'avons dit, et avant le maxillaire inférieur. Celui-ci
naît sur le côté exierne du premier, vers sa partie moyenne, appliqué contre
lui par sira[)le contiguïté. Ce cartilage est plus long, mais plus mince que le
maxillaire; il s'étend de la ligne médiane où il est en continuité de substance
avec celui du côté opposé jusqu'à la base du crâne au niveau de la cellule
cérébrale moyenne, à la place que doit occuper l'oreille moyenne. Il passe
là entre la portion pélrée du temporal et l'anneau ou cadre tympanique, au-
dessus duquel il est d'abord situé, à une distance qui est de plusieurs milli-
mètres dans le principe. Dans la plus grande partie de sa longueur il est
cylindroïJe, et n'a guère qu'un l/i millimètre ou environ de hauteur, sur
une épaisseur un peu moindre. Il est néamoins assez résistant et facile à dis-
séquer (l).
Avant de passer sous le cadre tympanique il se bifurque, et le marteau se
développe aux dépens de la branche supérieure, qui pendant longtemps
demeure en continuité de substance avec la tète de ce dernier ; quant à la
branche inférieure elle s'insère au col du marteau par un petit ligament fai-
sant suite à son extrémité cartilagineuse, et devenant plus tard par ossifica-
tion l'apophyse grêle antérieure de Raw, ou processus de Folius. Cette bifur-
cation n'existe que chez l'homme et ne se développe qu a partir du troisième
mois environ.
Une fois le cartilage du marteau développé et les connexions précédentes
établies, le cartilage de Meckel présente dans son ensemble les caractères
suivauts (2).
(1) Meckel n'a vu qu'une des branches du cartilage, celle qui s'insère à la
tète du marteau, et il l'indique comme placée au-dessus de l'apophyse grêle
antérieure. « On pourrait donc tout au plus admettre, dit-il, que celte der-
« nière en fait d'abord partie et qu'elle s'en sépare de fort bonne heure. »
(2) Ce qui précède comme ce qui suit est exposé d'après les pièces résultant
de nos dissections de fœtus humains et autres mammifères et diffère sous
quelques rapports de ce qu'ont décrit les nombreux auteurs qui ont vérifié
la découverte de Meckel. Reichert entre autres, qui a le plus étudié l'évolu-
tion du cartilage de Meckel, fait naître l'enclume an\ dépens d'une des bran-
4
C'est un organe impair, symétrique, qui de la ligne médiane de la mâ-
choire s'étend contre sa face interne et au delà jusqu'à la caisse du tympan.
Sa forme générale est à peu près celle de la mâclinire inférieure osseuse
adulte, c'est-à-dire d'une ogive à sommet antérieur et plus ou moins effilé.
Son volume varie suivant les espèces animales et suivant les âges.
Son extrémité antérieure est placée entre les bouts correspondants des
deux moitiés du maxillaire inférieur; elle est mince et élargie verticalement.
II n'y a pas de discontinuité ou division sur la ligne médiane de la substance
de celte partie en deux moitiés contiguës, mais elle se sépare par bifurca-
tion en deux bandelettes cartilagineuses immédiatement appliquées a la face
interne de chacune des portions horizontales des maxillaires correspondants.
Chaque branche est d'abord aplatie, un peu élargie en forme de spatule et
appliquée contre la partie de lame interne du maxillaire limitant la gouttière
des incisives. Elle prend une forme arrondie au niveau de la canine environ
et se trouve là un peu au dessous du fond de la gouttière des vaisseaux et
follicules dentaires, plus rapprochée du bord inférieur de l'os que de son
bord supérieur inlerne- Chaque branche est partiellement logée dans un
petit sillon régulier du maxillaire, au-dessous de la saillie de la lame interne
de la gouttière des follicules et vaisseaux. Le cartilage n'alTecte aucun rap-
port de contiguïté avec ces derniers organes contenus au fond de la gouttière
et en est séparée par la lame interne de celle-ci; pjis au delà, contre la
branche montante du maxillaire il rampe au-dessous des vaisseaux et nerfs
dentaires en se courbant un peu vers le haut. Il dépasse le bord postérieur
de la branche montante vers le milieu de sa hauteur environ. A un ou deux
millimètres derrière celte branche, chaque moitié congénère du cartilage se
partage à son tour, chez l'homme, en deux subdivisions, dont l'une supé-
rieure, un peu flexueiise gagne la tète du marteau et s'unit avec elle. L'au-
tre, plus courte de moitié, cesse d'être cartilagineuse avant d'arriver au ni-
veau du cadre tympanique et se continue par un ligament grisâtre et libreux,
plus grêle qu'elle qui va s'insérer au col du marteau à la place qui, plus tard,
sera occupée par l'apophyse dellaw.
La crête ou ligne myloïdienne, ou ligne oblique interne du maxillaire in-
férieur, est déjà développée et même très-saillante vers le quatrième mois,
alors que le cartilage de Meckel est encore facile à disséquer et à isoler an-
ches du cartilage de Meckel. (Reichert, Ueber die 'Visceralbogen der wirbel-
thiere im allgmcinem und deren Metamorphosen beiden Vœgeln und
Saeugethiercn. Ancniv fueh Anat. und I'iiysiol. von Mucller. Berlin, 1837,
in-8», p. 120.) Nous n'avons pu voir cette provenance sur des embryons di-Jà
assez avancés que nous avons disséqués, mais nous l'avons constatée sur de
très-jeunes embryons humains et de ruminants.
5
dessous d'elle. Le sillon du nert mylo-hyoïdien correspond à peu près au
bord supérieur du cartilage de Meckel, près l'oriflce postérieur du canal
denlaire.
Le cartilage de Meckel s'alropliie graduellement avant le huilième mois,
à partir du milieu de la mâchoire vers l'oreille, d'une part, vers la sym-
physe de l'autre, sans s'ossifier ni former de point d'ossification spécial
pour le maxillaire inférieur. Nous ne l'avons plus retrouvé à compter du
septième mois de la grossesse. Cependant sa partie médiane impaire semble
persister un peu plus pour concourir à la formation de la symphyse maxil-
laire inférieure avant sa soudure.
Spix a décrit et figuré en 1815, comme point d'ossification particulier du
maxillaire inférieur, la lame qui forme le rebord alvéolaire interne. Selon lui,
elle demeurerait distincte et séparée jusqu'au quatrième mois de la vie iutra-
utérine; une ligne de démarcation existerait entre celte lame et le reste du
maxillaire inférieur (Spix, Cepiialogenesis, sive capitis ossei structura,
FORMATIO ET SIG.MFICATIO PER OMNES ANIMALIUM CLASSES, FAMILIAS, GENERA
AC .ETATES DIGESTA ATQUE TABULIS ILLUSTRATA, LEGESQUE SIMUL PSYCHOLO-
GIE, CRANIOSCOPLE Ac PHYSiOGNOMiiE INDE DERivAT^E. Monachii, 1815 et nou
1825, comme l'in.iiqueiit divers auteurs allemands. In-folio, p. 20). Meckel
remarque avec raison que le bord alvéolaire interne de la mâchoire infé-
rieure se développe sous forme d'apophyse saillante en arrière par rapport
au reste de l'os, avec lequel elle fait corps eu avant; elle en est d'abord sé-
parée par une fissure en arrière, sans cartilage pour clore celle-ci ; lorsque,
en se développant, cette sorte d'apophyse a gagné la branche montante, elle
s'unit par un pont à la face interne de celle-ci, ce qui donne naissance au
trou maxillaire, mais il n'y a pas de point osseux spécial pour ce bord du
maxillaire. Meckel ajoute que, dans l'origine, le canal maxillaire n'est pas en
core fermé à sa partie supérieure, et ne tait qu'un avec l'espace limité par
les deux bords des gouttières dentaires. (Meckel, Manuel d'anatomie. Paris,
1825. In-8°, trad. française, t. I, p. 661.) On voit par ce qui précède que ce
n'est point du cartilage de Meckel que parle Spix, et qu'il ne l'a point vu, car
ce dernier organe n'a pas de rapport avec le rebord alvrolaire.
M. Cruveilhier a décrit « sur un fœtus de 50 à 60 jours une espèce d'ai-
guille osseuse qui longeait la face interne du corps et de la branche de l'os,
cette aiguille était complètement libre sur l'une des moitiés de l'os maxil-
laire; elle adhérait sur l'autre moitié dans le tiers interne de sa longueur. »
M. Cruveilhier ajoute que l'épine qui couronne le canal dentaire n'est autre
chose que l'extrémité interne de cette aiguille osseuse, laquelle formerait le
bord interne du canal dentaire plutôt que le rebord alvéolaire interne, comme
le dit Spix. M. Cruveilhier appelle cette lame osseuse aiguille de Spix, point
d'ossification de Spix et poi7it osseux du canal dentaire. (Anatomie descrip-
tive. Paris, 1843; deuxième édit. ln-8", t. II, p. 184 et 185.) 11 est facile de
6
voir, d'après ce qui précède, qu'il ne s'agit pas là du cartilage de Meekel. Ce
n'est autre cljose que la lame inlerno de la gouttière des vaisseaux et des
t'ollicules ; mais, comme l'a vu Meekel, elle ne commence point par être car-
tilagineuse et n'a pas un point d'ossification spécial.
Cliez les ruminants, le cartilage de Meekel offre les mômes légères in-
flexions que chez l'homme et que chez le porc, il est un peu moins élargi en
avant et se trouve placé un peu pl-js près du bord inférieur delà mâchoire.
lï est, du reste, constitué de la même manière. Toutefois il ne se divise pas en
deux branches en arrière de la portion ascendante du maxillaire; mais du
niveau de l'endroit où ce cartilage se bifurque chez l'homme, on voit chez les
ruminants se détacher un ligament qui est dispusé et inséré comme la por-
tion qui, chez le premier, est partie cartilagineuse, partie fibreuse. Le déve-
loppement de ce ligament a lieu assez lard pendant la vie foetale. C'est à la
tête du marteau que se rend directement ce cartilage; aussi lorsque sur ces
fœtus on enlève la mâchoire inférieure par arrachement sans brisure, le
cartilage de Meekel, entraîné intact, amène avec lui le marteau qui reste fixé
;'i son extrémité.
111. — PATHOLOGfE.
1° HA.\I0LL1SSEMENÏ HÉMORRHAGJQnE HE LA MOITIÉ POSTERO-INFÉRIErBE DE LA
FACE SUPKRIEUKE (OU POSTÉIUEURE) DE LA PROTUBÉRANCE AN.VULAIRE ; PA-
RALYSIE FACIALE directe; HÉMIPLÉGIE CROISÉE; par M. J. HiLLAiRET, méde-
cin de Ihôpilal Saint-Louis, etc.
Je viens présenter à la Société une observation qui confirme les recher-
ches publiées en 1856 par M. Gubler dans la Gazette hebdomadaire, ainsi
que celles de M. M'iUard, qui ont été publiées igalement pcuilant la même
année dans les Bi lleti.ns de la Société anatomique (I). Ou sait que M. Gu-
bler a émis cette opinion, appuyée par de uonibreux faits, (lu'une lésion
d'un côté de la portion postéro-inférieure de la subulaire de la protubé-
rance annulaire donnait lieu à une paralysie faciale directe en même temps
qu'à une hémiplégie croist'e, et qu'il a donné le nom de ))aralyxie dimidiée
alterne à celle double afl'ocliou. Peu de temps après, MM. Vulpian et Philip-
peau sont venus, par des rorlierches aiiatomi(iucs sur l'origine, la direc-
tion et la décussation des nerfs faciaux dans l'épaisseur de la protubérance,
ajouter plus de force et plus de certitude aux idées de M. Gubler.
1) M. Millard, dans les réflexions qui accompagnent les faits qu'il a pu-
pliés dans les Bulletins de la Société anatomique quelque temps avant
les deux mémoires trôs-inléressants de M. Gubler, était loin d'avoir été
aussi afïlrmatif que ce dernier auteur.
7
L'observation suivaute est une preuve de plus en faveur des recherches
des auteurs précédents, en même temps qu'elle peut servir à réfuter quel-
ques-unes des objections qui y ont été faites avec plus ou moins de jus-
tesse.
Obs.— Le nommé Deurde, âgé de 79 ans, ancien tailleur, d'une constitution
peu forte, maigre et de haute taille, habite depuis plusieurs années l'hospice
des Incurables (hommes), où il s'est toujours bien porté. A son entrée à l'in-
firmerie, il est dans un tel état qu'il nous est impossible d'obtenir aucun
renseignement.
A une heure du matin, dans la nuit du 20 au 21 décembre 1859, cet homme
fut pris d'une attaque subite pendant son sommeil; l'interne de service,
M. Métivier, immédiatement appelé, le fit sur-le-champ transporter au n" 25
de l'infirmerie et il put, peu d'instants après, constater les symptômes sui-
vants :
Décubitus dorsal, agitation considérable; le malade se dresse de temps à
autre sur son séant ; il pousse des sons inarticulés et de sa main droite, qu'il
porte à sa bouclie, il indique qu'il ne peut parler.
L'intelligence paraît très-bien conservée, car il répond par des signes aux
questions qui lui sont adressées. Il n'éprouve aucune souffrance ; la tête ne
lui fait aucun mal, du moins à ce qu'il semble exprimer par les signes qu'il
fait lorsqu'on l'interroge. 11 ne semble préoccupé que de l'impossibilité dans
laquelle il se trouve de ne pouvoir parler.
La face est manifestement déviée à gauche.
Les muscles du côté droit sont complètement paralysés, en même temps
que la partie gauche du tronc ; les membres supérieur et inférieur du même
côté sont complètement paralysés du mouvement.
La sensibilité, quoique obtuse dans les parties indiquées, est conservée, La
pupille, du côté où siège la paralysie gauche, est contractée.
Pas de paralysie de la paupière supérieure, dont les mouvements sont
restés libres.
Le pouls est modérément fort, peu développé et peu fréquent, à 76. La res-
piration est norinale.
Saignée, sinapismes.
Le lendemain matin, à la visite, je constate que l'état du malade s'est con-
sidérablement aggravé.
L'agitation a disparu pour faire place, non à une résolution complète, mais
à un affaissement très-grand.
L'intelligence semble encore un peu conservée; la sensibilité n'est pas
plus abolie que la veille, car une piqûre d'épingle sur la joue paralysée, et
sur les membres du côté opposé qui sont également paralysés, dévoile des
signes de douleur et donne lieu à quelques mouvements généraux.
8
La déviation de la face est augmentée. L'aile droite du nez est conipléle-
ment afTaissce. Les membres du côté gauclie sont en rrsoliilion absolue.
Une heure avant la visite le malade a eu des nausées et des vomisse-
ments.
Vers le milieu du jour, le coma devient de plus en plus profond et la réso-
lution complète. L'intelligence est complètement abolie; il y a émission in-
volontaire des urines et des fèces.
La mort arrive à huit heures du soir.
Autopsie trente-six heures après la mort.
Rigidité cadavérique marquée, quelques traces de décomposition.
Le crâne étant ouvert, on constate ce qui suit :
Les méninges sont modérément injectées. Il existe très-peu de liquide
dans la grande cavité de l'arachnoïde.
La surface du cerveau ne présente rien qui soit digne de remarque-
En procédant p;ir coupes horizonla'es, à partir de la fa^e supérieure, sur
l'un et l'autre hémisphère on trouve la substance cérébrale de consistance
et de coloration normales. Pas d'injection piquetée.
Une très-petite quantité de sérosité rosée sur les ventricules latéraux.
Le cerveau étant placé sur sa face convexe, la base parait saine, mais on
aperçoit immédiatement les deux faces et les bords du cervelet recouverts
d'une légère couche de sang infiltré dans les mailles de la pie-mère. On dé-
tache cet organe du cerveau en même temps que la protubérance. Une inci-
sion verticale d'avant en arrière et de la face supérieure vers la face infé-
rieure est pratiquée; elle ouvre le quatrième ventricule qui est considéra-
blement distendu par une très-grande quantitc- de sang en partie coagulé. Ce
liquide étant évacué et les surfaces abslergées et lavées à un très-mince
filet d'eau, on constate que la paroi de ce ventricule est érodée etereusée
de manière à former un foyer de la capacité d'une noisette.
Ce foyer est situé à droite de la ligne médiane, et le pédoncule cérébelleux
inférieur dans sa moitié interne est compris dans la perte de substance.
La pulpe nerveuse au pourtour de ce foyer, est ramollie et iiifiltrée de
sang.
Le ramollissement atteint 1 millimètres d'épaisseur des parois et est de
moins en moins coloré à mesure que l'on se rapproche des portions saines.
On n'y distingue plus cà et là qu'un pointillé très-fort et très-disséminé.
L'artère basilaire est complètement athéromateuse, ainsi que les artères
cérébelleuses, cérébrales, postérieures et antérieures qui pourtant le sont à
un moindre degré.
Rien de notable pour les autres organes.
11 me paraît inutile de revenir sur cette observation au point de vue de la
paralysie alterne, .le veux faire remarquer seulement que lorsque l'épanché-
9
ment a été assez considérable pour distendre le quatrième ventricule, et par-
tant augmenter le volume du cervelet, il est survenu des nausées et des
vomissements, ce qui conlirmc une partie des assertions que j'ai émises dans
mon mémoire sur l'hémorrhagie cérébelleuse.
2» ABSENCE DE DENTS CHEZ UN ENFANT ÂGÉ DE 16 MOIS;
par M. GiRALDÈs.
Les exemples de première dentition tardive s'observent parfois chez des
enfants bien conslilués, presque toujours cependant elle concorde avec un
état maladif, notamment avec le rachitisme. Dans un travail publié en 1859,
Third REPORT OF CLiMCAL HospiTAL, le doclcur Whitehuad, médecin de l'hô-
pital des Enfants de Manchester, dit que sur 72 enfants mal constitués, de
l'âge de 12 à 13 mois, il a compté 24 chez lesquels la dentition ne s'était pas
développée. Je présente à la Société de biologie le crâne d'un enfant âgé de
16 mois, mort dans mon service, chez lequel la dentition n'avait pas com-
mencé. D'après l'examen de cette pièce, on peut voir que cette tardiveté de
la dentition est accompagnée d'un état rachitique des os de la face et du
crâne. C'est le second exemple d'absence des dents à l'âge de IG mois, que
j'ai eu occasion d'observer depuis 3 mois. J'ajouterai, à cette occasion, que
l'année dernière 1859, j'ai reçu dans mon service un enfant âgé de 8 jours,
venu au monde avec deux dents incisives inférieures; des faits analogues
ont été observés par MM. Gherchill et Whitehead et par d'autres, c'est donc
sans aucune preuve que, dans une note sur un cas de dentition précoce, in-
sérée dans les comptes rendus de la Société, on a avancé qu'il n'y avait pas
daus les annales de la science des faits avérés de dentition congénitale.
IV. — Anatomie pathologique.
1° FRACTURE DU STERNUM, par M. MoREL Lavallée, Chirurgien de l'hôpital
Cochin.
Obs. — Clavure (Michel), 62 ans, chaudronnier, entre le 7 janvier 1860 à
l'hôdital Cochin. Il était assis sur une échelle, à 12 pieds de hauteur,
lorsque l'échelle glissa et il tomba. La tête porta sur un mur, son dos sur le
pavé. Vu le lendemain 7 janvier, à midi. Sur l'occiput à la partie médiane,
plaie du cuir chevelu, pansée depuis l'accident avec un morceau de diachy-
lon. Sur le trajet du sternum, à 5 centimètres environ de l'extrémité supé-
rieure, saillie transversale tiès-prononcée, donnant au doigt qui la presse la
sensation d'une crépitation flne. Au-dessus de la saillie dépression très-pro-
noncée ; sur la partie latérale droite, au niveau de la solution de continuité,
petite élevure violacée avec la fluctuation. Le fragment inférieur du sternum
10
est mobile et vient clievaucher sur le supérieur à chaque mouvement respi-
ratoire. Dyspnée très-grande, râles confus dans la poitrine, pas d'exagéra-
tion de sonorité, mouvement fébrile, langue sèclie.
Dans la nuit du 8 au 9 janvier, exagération des pbénomôties généraux, dé-
lire, mort le 9, à sept iieures du matin.
Autopsie. — Notable (iiianlitc de sang dans la plèvre gauche; le poumou
présente de nombreuses adhérences pleurétiques anciennes. Médiastin em-
physémateux avec caillots sanguins. Fracture du slcrnum, dont les fragments
ont péuétré à droite dans le médiastin. Pas de lésion des veines et des ar-
tères mammaires internes. Au cerveau, sur la convexité, épaississement des
méninges et inJîUraliou sous-arachnoïdieune.
2» TUMEUR DE l'ovaire DROIT, par le même.
Obs. — Lefort, Marie-Jeanne, 53 ans, entrée le 14 janvier 1860. Depuis deux
ans s'est aperçue d'une tumeur sur la partie médiane et inférieure de l'ab-
domeu. Alors elle était encore réglée, ses règles n'ont cessé que depuis un
an, mais nombreuses liémorrhagies utérines. Depuis un an environ elle
tousse et crache du sang.
À son arrivée, tumeur volumineuse, très-mate, occupant les fosses ilia-
ques, remoulant jusqu'à rombilic. Relief du ventre ne changeaut pas avec
la position. Teint cachectique. A l'auscultatiou, gargouillements à droite,
craquements humides à gauche. Au toucher vaginal, col gros, abcès et tu-
meur venant proémincr au devant et en arrière, semblant indépendante de
l'utérus auiiuei ou peut inipnmer certains mouvements. Au toucher rectal,
saillie volumineuse dans le cul-de-sac utéro-reclal.
Les jours qui ont suivi l'entrée à l'hôpital, dypnée tiès-grande, vive dou-
leur de la région épigaslrique, léger oedème des membres supérieurs et in-
férieurs.
Morte le 21 janvier.
Autopsie. — Cavernes à droite, tubercules en voie de ramollissement à
gauche; estomac petit très-rouge; tumeur de l'ovaire droit renfermant un
petit kyste à sérosité verdâlre. L'analyse a dû être faite par M. Robin.
3° FRACTURE DU CRÂNE, FRACTURE DE l'eXTRÉMITÉ INTERNE DE LA
CLAVICULE, ETC. ; par le même.
Obs. — Dugué (Claude), 68 ans, menuisier, ayant bu un peu plus que d'ha-
bitude et monté sur une échelle à 6 mètres de hauteur, tomba sur le côté
gauche; il était à peu près sans connaissance, on le soigna, et il fut trans-
porté à l'hôpital plusieurs heures après l'accident, le 22 janvier, à (luatrc
Jieures du soir.
il
Alors difficulté de répondre aux questions, délire.
Etat comateux, soubresauts ayant commencé à neuf heures du soir. Vu le
lendemain. État général grave; coma, diffi -ulté des mouvements, insensibi-
lité presque complète des membres supérieurs et inférieurs, réveillée pour-
tant après avoir pincé le malade très-fort et très-longtemps ; perte de connais-
sance et de la parole; pouls petit et Iréquenl; nausées; lésions multiples;
plaies de tète à l'union de l'occipital et du pariétal gauche; sang coagulé dans
l'oreille; pas d'écoulement de s;ing ni de sérosité; mais en introduisant un
stylet, on le retire teint de sang liquide; fracture de l'extrémité inicrne delà
clavicule; crépitation enlcndue; mobilité de tout l'os dans les mouvements
du membre supérieur; voussure peu étendue à la région précordiale; bruit
singulier enlendti à distance, comparé par les uns à des surfaces cartilagi-
neuses qu'on frotterait, par d'autres à des blancs d'oeufs battus. Ce bruit, bien
manifeste à rauscultation_, coïncide avec la projection du cœur en avant; les
battements sont sourds. A la percussion de la poitrine sonorité assez grande,
mais égale" des deux côtés; dyspnée prononcée, mouvements respiratoires
fréquents.
Le soir ce bruit voilé par de nombreux râles pectoraux ne s'entend plus.
Mort le 24 à dix heures du matin.
Autopsie. — Fracture de la clavicule; ecchymose considérable sous-cuta-
née occupant tout le grand pectoral, une partie du grand dentelé et beaucoup
de muscles intercostaux; fracture du quatrième cartilage costal; sang en
grande quantité dans la plèvre, idem dans le péricarde; lésion du péricarde
coïncidant avec celle du cœur ; fracture du crâne de la base et de la voûte ;
celle de la voûte partant du temporal ; oblique de bas en haut, d'avant en ar-
rière, attaquant le pariétal et une partie de l'occipital.
4" EXOSTOSE DU PÉRONÉ; par M. EUG. FOURNIER.
M. Eug. Fournier met sous les yeux de la Société une pièce anatomique
provenant d'un jeune homme de 21 ans, mort d'une fièvre typhoïde dans le
s;ervice de M. Gubler. C'est une exostose de la partie supérieure du péroné.
La tète de cet os offre plus du double de sou épaisseur ordinaire ; au-dessous
d'elle le corps de l'os est développa, sur une hauteur de 4 centimètres envi-
ron, en une tumeur irrégulièrement globuleuse, couverte de bosselures qui
offrent l'aspect du cartilage. Une coupe médiane antéro-postérieure montre
que la tumeur est celluleuse, formée par une hypertrophie du tissu aréolaire,
et revêtue par une mince couche de tissu compacte; celui-ci a été manifes-
tement écarté et rejeté en dehors par le développement des parties centrales.
Les bosselures mentionnées plus haut forment en dehors de la lame de tissu
compacte autant de petites exostosespartielles placées entre elle et le périoste.
Cette exostose s'était développée lentement, dès l'enfance du malade, qui
n'en avait jamais souffert.
12
V. — TÉRATOLOGIE.
VICE DE CONFORMATION DU THORAX ; par M. SAPPET.
Jean-Henri Wajaczet, âgé de 23 ans, (roriginc morave, d'une santé bonne
mais délicate, est affecté depuis sa naissance d'un vice de conformaiion ca-
ractérisée par une dépression circulaire médiane et profonde de la paroi an-
térieure de la poitrine. Cette dépression dont le sommet répond à l'appendice
xyplioïde, a pour effet de diminuer très-notablement le diamètre antéro-
postérieur du thorax. Sur un moule qui reproduit fidèlement la conformation
du tronc de Wajaczet, le diamètre antéro-p')st(''rieur mesuré à l'aide d'un
compas d'épaisseur est de 13 centimètres; mais sur le vivant il est un peu
moins considérable et ne dépasse pas 11 centimètres l/L Or l'intervalle
compris entre la partie antérieure de la colonne vertébrale et les téguments
du dos s'élève en moyenne à 10 ou 11 centimètres; celui qui sépare cette
colonne du sommet de la dépression serait donc de 1 à 2 centimètres seule-
ment; il sutTit à peine au passage de l'aorte qui le remplit et soulève très-
manifestement les téguments àcliaque pulsation. En arrière, au niveau de la
dixième vertèbre dorsale, on perçoit un bruit de souffle qui parait dû à la
compression légère que le tronc artériel éprouve à son passage sous le
sommet de l'appendice xyphoïde.
Le diamètre antéro-postérieur de la poitrine qui est en moyenne de 20 cen-
timètres se trouve donc considérablement diminué. Mats en général, lors-
qu'une cavité se rétrécit dans un sens on la voit s'élargir dans le sens
opposé ; en sorte qne sa capacité reste la même ou se modifie peu.
Pour m'assurer s'il en était ainsi chez ce jeune homme, j'ai mesuré les
diamètres transverse et vertical. Le transverse qui s'élève en moyenne à
28 centimètres, ne s'élevait chez lui qu'a 27, et se trouvait par conséquent
plutôt diminué qu'allongé. Le vertical qui atteint chez la plupart des indi-
vidus 31 centimètres, atteignait chez Wajaczet 35 centimètres, longueur très-
exceptionnelle. La diminution que la cavité du thorax avait éprouvée dans le
sens antéro-posiérieur et dans le sens tiausvcrsal était donc compensée par
l'allongement du diamètre vertical, au moins en partie; et cette cavité (jui,
au premier aspect, semble avoir subi une réduction trè6-nolable,ne s'éloigne
pas beaucoup en définitive de sa capacité normale, le rétrécissement qu'elle
présente portant surtout sur une partie qui n'est pas uffeûtéeà la respiration.
Il était intéressant aussi de cormaitre le mode respiratoire de Wajaczet.
Depuis les recherches de MM, Beau et Maissiat, on sait qu'il existe trois modes
ou trois types principaux de respiration : le type abdominal, le type costo-
inférieur et le type costo-supérieur. Dans les plus grandes inspirations l'ab-
domen, chez lui, se soulève à peine; sa respiration est essentiellement
13
costate ; toutes ses cotes s'élèvent à la fois et à peu près également; le type
abdominal n'est donc i)as celui qui lui est propre; les types costo-inférieur
et costo-supérieur se trouvent ici associés.
La dépression de la paroi antérieure du thorax a eu pour effet de déplacer
la pointe du cœur qui s'est portée en haut et à gauche, de telle sorte que cet
organe se dirige transversaienient en dehors. Les oreillettes correspondent
à la partie interne des deuxième et troisième espace intercostaux qu'elles
soulèvent très-manifestement à chaque pulsation. Les fondions du cœur du
reste, ne sont pas modiflées; le rhylhme de ses battements est normal; ses
deux bruits ont conservé aussi leur caractère ordinaire.
Sur toute l'étendue des poumons on perçoit le murmure respiratoire, eti'oa
constate que le poumon gauche entoure presque entièrement le cœur, qui
s'est creusé une sorte de loge à ses dépens.
Le foie est notablement abaissé, son bord tranchant ou antérieur descend
jusqu'au voisinage de l'ombilic
En résumé, le vice de conformation qu'on observe chez Wajaczet, bien
qu'il soit très -prononcé, n'a pas réduit beaucoup la place qu'occupent les
poumons. 11 a eu surtout pour eiret de dévier la pointe du cœur en la por-
tant en haut et à gauche, d'abaisser le foie et de neutraliser en grande partie
l'action du diaphragme ; d'où la respiration essentiellement costale qu'on
emarque chez ce jeune homme.
COMPTE RENDU DES SÉANCES
DE
LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
PENDANT LE MOIS DE FÉVRIER 1860;
Par m. le Docteur A. MORE AU, secrétaire.
PRÉSIDEKË DE M MÏER.
I, — Anatomie.
DE LA JIACÉRATION DES NERFS DANS l'ACIDE TARTRTQUE POUR FACaiTBR
l'Étude des filets qui les constituent; par M. Liégeois.
Les anatomistes ont déjà employé la macération dans l'acide tartrique
pour étudier la structure des glandes et la disposition de leurs conduits.
Pans les cas où une glande ainsi que les tissus qui l'enveloppent ont pendant
quelque temps été soumis à cette préparation, le tissu cellulaire qui enve-
loppe la glande est devenu transparent et gonflé; son apparence est celle de
la gélatine. Les éléments de la glande ont au contraire acquis une opacité et
une blancheur mate qui permet de les distinguer facilement. La même prépa-
ration, appliquée à l'étude des nerfs, semble appelée à rendre de grands ser-
16
vices. En effet, chacun des filets dont la réunion forme un cordon nerveux
apparaît pari'aitenient distinct au milieu du tissu cellulaire devenu trans-
parent. Sur une pièce ainsi préparée;, M. Liégeois fuit voir que le nerf
pneumogastrique semble au premier abord fournir la branche descendante de
l'hypoglosse; mais après la macération, si l'on place le nerf entre deux pla-
ques de verre et qu'on l'examine par transparence, on voit que l'anomalie
n'est qu'apparente; le neif hypoglosse envoie au pneumogastrique une
branche qui ne fait que s'accoler à lui pour s'en détaciier plus tard sous
forme de branche descendante. On peut suivre à travers le tronc du pneumo-
gastrique le filet de l'hypoglosse qui est parfaitement distinct.
II. — Séméiologie.
DOUBLE BRUIT DE SOUFFLE AU COEUR SANS ALTÉRATION DE VALVULES;
par M. EuG. Fournier, interne des hôpitaux.— Discussion.
Sur un sujet mort à l'hôpital Beaujon dans le service de M. Gubler, on
trouva, à l'autopsie, uneossificaiion de l'aorte sur laquelle des plaques athé-
romateuses s'étaient développées, le cœur était hypertrophié. Les valvules
étaient saines, sauf une l'gère induration de celles de l'aorte, qui cependant
n'étaient pas insuftisantes, ou du moins retenaient l'eau qu'on versait dans
l'aorte.
Pendant la vie du malade on avait pu constater que le pouls était intermit-
tent; l'auscultation du cœur faisait entendre deux bruits de souffle dont le
second, très-intense, avait la résonnance des instruments à anche métal-
lique; aussi fut-il comparé par M. Gubler à un bruit de guimbarde. On l'en-
tendait à une petite distance de la paroi tlioracique. Ce bruit fit diagnostiquer
une insuffisance aortiqite, mais à l'autopsie on s'aperçut que les valvules
sygmoïdes de l'aorte étaient saines. En examinant la surface intérieure de
l'aorte, on trouva une plaque crétacée qui faisait saillie dans le vaisseau,
pouvait s'accoler aux parois aortiques pendant le passage du sang poussé
par le ventricule, et se relever si le courant avait lieu en sens contraire. Le
bruit desoufllc du second icmps a été attribué, par M. Gubler, à la vibration
de cette plaque au moment où le sang retombe sur les valvules sygmoïdes.
M. Mauev fait remarquer d'abord que la pièce présentée par M. Fournier est
un exemple de l'hypertrophie du cœur par l'effet de l'induration de l'aorte
toute seule, la perle de l'élasticité de ce vaisseau produisant des résistances
comme il l'a démontré par des expériences. Quant à la cause du bruit de
souffle au second temps, il ne pense pas q\i'on puisse admettre la vibration
de la plaque calcaire sous Finllucncc d'un courant rétrograde; eu effet, au
point où siège cette plaque, point qui est très rapproché de l'orifice aorlique
il ne saurait y avoir mouvement rétrograde du sangsans insuffisance des val-
17
vules, et s'il y avait insulTisance, il est inutile de cbercher pour expliquer la
production du bruit une autre cause que l'insufTlsance elle-même. M. Guhler
a déjà observé des cas de ce genre dans lesquels l'aorte étant ossifiée et pré-
sentant des plaques crétacées, on avait observé pendant la vie des bruits
analogues, quoique moins forts. L'autopsie avait démontré l'intégrité des
valvules.
M. VuLPiAN a vu des faits du même genre. Il en est quelques autres que
M. Cruveilhier a publiés; dans ces cas, toutefois, on n'a pas tronvé de plaques
calcaires faisant saillie à l'intérieur du vaisseau, mais une simple ossifica-
tion de l'aorle qui avait donné naissance au bruit de souffle. Les valvules
étaient saines et le cœur hypertrophié. La cause de ces bruits reste donc à
chercher, car ils ne s'expliquent pas par le mécanisme ordinaire.
m. — Pathologie.
io PYKLITE, PHLÉBITE DE LA VELNE RÉ.NALE, ABCÈS DU REIN DROIT, INFECTION
PURILENTE. ALBUMINE DANS l'urine; par M. Lancereaux , interne des
hôpitaux.
Obs. — Le nommé Berjonneau, âgé de 25 ans, limonadier, entré à l'hôpital
de la Pitié le 24 janvier 1860, salle Saint-Paul, service de JI. Marrotte.
Ce jeune homme blond, mais robuste, a toujours joui d'une bonne santé.
Quinze jours environ avant son entrée, il a eu, nous a-t-on dit, une blçnnor-
rhagie pour laquelle il aurait pris des injections assez fortes. Puis seraient
survenues dans la région des reins des douleurs vives et momentanées, se
prolongeant sur le trajet du cordon et donnant lieu à la rétraction du testi-
cule.
Le 25 janvier, il existe un état fébrile très-modéré, le malade rend compte
des douleurs qu'il a éprouvées ; il soulTre peu pour le moment, la pression
toutefois excite de la douleur au niveau du rein droit, les urines traitées par
l'acide nitrite et la chaleur donnent un précipité floconneux assez peu abon-
dant; il y a un malaise général, un peu de dyspnée dont ne rend pas compte
l'examen de la poitrine. Ces symptômes, malgré leur obscurité, font diag-
nostiquer une néphrite. Ch. sp., deux pots; dix ventouses scarifiées à la ré-
gion des reins.
Paroxysme fébrile le soir sans frisson bien intense ; malaise ; dyspnée ;
les douleurs sont supportables.
Le 26, même état que la veille, il n'y a pas de paroxysme ; l'urine renferme
toujours de Palbumine. Cataplasme laudanisé ; eau de Sedlitz.
Le 27, les narines sont pulvérulentes, le malade est couché sur le dos, ses
traits sont altérés, les lèvres tremblotantes; prostration; adynamie; les
urines sont examinées au microscope, on n'y trouve pas de globules de pus.
La langue est sale, il y a des nausées. Tartre stibié, 10 centigr.
C. R. 2
IX
l'aïuxysme dans lu iiuit.
Le 28, mouvement fébrile plus prononcé, le pouls a plus de fréquence, la
dyspnée est plus forte, l'adynamie plus grande.
L'examen de la poitrine ne révèle aucune lésion sérieuse des poumons. La
respiration, en elTet, s'entend dans toute l'étendue; oà et là on perçoit qnel-
iiues râles humides. Le malade accuse toujours les douleurs de la région des
reins, leur prolongation sur le trajet du cordon avec rétraction du testicule,
mais de plus des douleurs vagues dans les membres. Douze ventouses scari-
fiées; bain.
Le 29, la dyspnée est excessive, le diaphragme s'abaisse à peine, tant la
contraction est douloureuse. Les battements du cœur sont intenses, lesbruils
métalliques; le pouls petit et fréquent bat de 120 à 130 fois par minute. Les
muscles de la poitrine et des membres sont douloureux. Aux membres infé-
rieurs et à droite surtout, la pression vers la partie inférieure de la cuisse
est insupportable, et arrache des cris au malade. L'articulation du genou du
même côté est également fort douloureuse. Tilleul orangé ; poudre de Dower,
1 gr. ; vésicatoire; sinapismes.
Ces accidents vont en augmentant ; l'adynamie se prononce de plus eu plus ;
survient du délire et des vomissements, puis la mort dans la soirée.
Autopsie. — L'as[)ect extérieur du cadavre n'offre rien de particulier, ni
plaie ni traumatisme nulle part. A l'extrémité de la verge, il existe toutefois
un liquide épais et blanchâtre.
Tous les organes sont examinés, les reins, considérés comme le siège prin-
cipal de la lésion durant la vie attirent tout d'abord l'attention. Sur la face
antéro-externe du rein droit existe une tumeur du volume d'une petite noix.
Cette tumeur lluctuante renferme un pus verdàtre, épais, logé à l'intérieur
de la tunique fibreuse. A la surface interue et correspondante de cette même
tunique se trouve une seconde collection moins abondante. Le parenchyme
rénal, d'ailleurs, ne parait pas sensiblement altéré à l'œil nu.
L'urelére forme dans ses deux tiers supérieurs un cordon dur, injecté; ses
parois sont Irès-épaissies; sa muuucuse est parsemée de taches rouges
brunâtres, proéminentes, plus ou moins larges, et étendues sur un fond
grisâtre.
Le bassinet dont les parois suul cgalcment épaissies préseule une colora-
tion à peu près semblable.
Le tiers inférieur de l'uretère, la vessie et l'urètre ne paraissent pas sensi-
blement altérés, la muqueuse de l'urètre et de la vessie a une coloration
rosée; de telle sorte que s'il y avait eu bleunorrbagie avant l'entrée du
malade à l'hùpital , celle-ci avait en grande partie, sinon totalement disparu.
Le tronc de la veine rénale renferme un caillot noirâtre adhérent aux pa-
rois; mais à mesure qu'on examine des branches plus petites et plus pro-
fondes, la coloration change et le caillot sanguin se trouve remplacé par un
liquide blanc jaunâtre coulenanl des globules purulents très-uets et fort bien
caractérisés. La pression exercée sur l'organe après une coupe, fait sourdre
ce niêrae liquide des vaisseaux veineux.
La plupart des branches de la veine rénale droite, sinon toutes, renfer-
ment ainsi un liquide parfaitement purulent.
Le rein du côté opposé parait complètement sain.
Le parenchyme hépatique est un peu mou.
La rate plus volumineuse a son tissu également ramolli.
Le tube digestif est sans altération.
Poitrine. — Productions pseudomembraneuses récentes sur la face externe
et à la base des poumons, sur les parois costales et le diaphragme. Nombreux
abcès métastatiques disséminés à la périphérie des poumons, remarquables
par leur petit volume de 1 centimètre à 1 centimètre et demi de diamètre et
le liséré jaunâtre qui limite leur circonférence?
Les orifices et le tissu du cœur sont sans altération, mais il existe daus l'o-
reille droite un caillot fibrineux qui se prolonge dans le ventricule et obstrue
l'oriflce auriculo-ventriculaire.
Rien à noter du côté de l'encéphale.
Ce fait vient s'ajouter à quelques auties pour démontrer que l'albuminurie
peut être la conséquence de l'oblitération des veines rénales, je pourrais
ajouter d'une seule veine rénale.
Il doit attirer l'attention sur le diagnostic de l'infection purulente si sou-
vent méconnue en dehors du traumatisme ou d'une phlébite des veines su-
perficielles.
Quant à la cause de l'inflammation et de la suppuration de l'organe uri-
iiaire, j'avoue qu'elle m'est inconnue. Toutefois, si les renseignements qui
m'ont été donnés, se trouvaient exacts, ne pourrait-on le rattacher aux in-
jections irritantes qu'aurait prises le malade. Je dois dire toutefois que l'état
d'intégrité presque parfait de la muqueuse de l'urètre et de la vessie ne plaide
pas en faveur de cette hypothèse.
1° TUMEUR PIGMENTAIRE Eï ÉPITHÉLIALE DE LA RÉGION MALAIHE ; DEUX GAN-
GLiOiNS CORRESPONDANTS ATTEINTS DE MÉLANOSE ; par M. Lancereaux, in-
terne des hôpitaux.
Le nommé Lavigne, âgé de 80 ans, entre à l'hôpital de la Piiié le '-.'9 jan-
vier 1860. Il vient réclamer des soins pour une diarrhée dont il est atteint
depuis plusieurs jours.
C'est un homme d'une constitution robuste, dont la santé a toujours été
bonne, à part quelques malaises insignifiants. Il a pour toute inflrmité d'ê-
tre sourd depuis plusieurs années.
Vers l'âge de 25 à 30 ans, il s'est aperçu de l'existence d'un petit bouton
20
ayant pour siège la portion proéminente iJe la région uialaire du coté gauche.
Depuis environ six ans, ce bouton a augmenté de volume et s'est accru de
façon à prendre les dimensions d'une pièce de deux francs. Puis, il s'est
ulcéré; mais malheureusement le muladc ne peut donner de renseignements
positifs sur le début de l'ulcération.
Aujourd'hui cette petite tumeur qui fait à peine saillie se trouve recouverte
d'une croûte noirâtre due à la coagulation du sang exsudé à sa surface. Lors-
(ju'on vient à soulever ou à détacher celle croûte, on trouve au-dessous une
matière noire, molle, gluiinfe, tachant les doigts, limitée par un rebord fes-
tonné et arrondi, et dans quelques points vers la circonférence une substance
plus ferme et grisâtre.
En avant de l'antitragus, dans la région parotidienne correspondante, il
existe deux tumeurs ganglionnaires très-voisines et du volume d'une petite
noisette. La légère saillie que fait chacune d'elles détermine un amincisse-
ment de la peau, qui permet de voir par transparence leur coloration
noire.
Malgré l'intégrité des principaux organes et des plus importantes fonc-
tions, ce malade offre néanmoins un état de débilité et de faiblesse générales,
tenant sans doute à son grand âge et à la diarrhée dont il est atteint.
Le diascordiura ayant fait disparaître assez rapidement ce dernier acci-
dent, il survint quelques jours plus tard un érysipèle qui eut la tumeur pour
point de départ. Le cuir chevelu fut bientôt envahi, et le malade ne tarda pas
a succomber.
Durant le peu de temps qu'il passa à l'hôpital, nous avons pu remarquer
qu'il se faisait parfois uu léger suintement sanguin au pourtour de la tumeur
malaire.
Autopsie. — L'aspect extérieur du cadavre n'offre rien de particulier. 11
n'existe sur la peau aucune autre tumeur que celle de la face. Cette tumeur
est circonscrite par une incision circulaire et enlevée sans aucune difliculté.
Elle ne se prolonge pas, en effet, au delà de la couche aréolaire du tissu cel-
lulaire sous-dermique qu'elle parait refouler sur ses côtés.
Quant au derme, il a à peu près complètement disparu à ce niveau, et se
trouve comme remplacé par les cléments de la tumeur.
Les deux ganglions correspondants sont également très-superficiels, la
peau qui les recouvre est amincie; leur consistance est molle, presque fluc-
tuante; aussi leur section laisse-t-elle échapper un liquide noir, épais, qui
imbibe et colore fortement le linge.
L'un des ganglions dont la tunique se trouva déchirée par l'ablation, se
vida presque complètement de son contenu.
L'examen microscopique rend compte de ce phénomène, car il neutre dans
la structure de ces petites tumeurs que des granulations pigmenlaircs et des
cellules épithéliales.
21
Dans la tumeur principale, en effet, la portion noire et centrale est formée
de granulations pigmentaircs, isolées ou réunies et groupées assez irrégu-
lièrement, sans trace de membrane enveloppante ou de noyaux, sans trame
bien manifeste, puisqu'on y trouve à peine quelques éléments celluleux. La
portion grisâtre et périphérique se trouve constituée par des cellules épi-
théliales polyédriques, plus ou moins granuleuses, mais parfaitement carac-
térisées.
Dans les ganglions, il n'y a que des granulations pigraentaires, isolées ou
en amas et complètement identiques aux précédentes.
La surface des poumons est parsemée de petites plaques noires sous-pleu-
rales dans lesquelles on trouve des granulations pigmentaires que l'on ren-
contre encore dans quelques-uns des ganglions bronchiques.
Le cœur, malgré le grand âge du malade, conserve son volume normal et
ne présente aucune trace d'ossification valvulaire.
Le foie, la rate et les reins ne sont pas sensiblement altérés.
Les centres nerveux n'ont rien.
La marche lente de cette affection et l'altération similaire des ganglions,
est, ce me semble, l'intérêt de cette observation.
3° TUBERCULES DU FOIE ET DE L'INTESTIN CHEZ VNE POULE; par M. JOSEPH
MicnoN, docteur ès lettres, licencié es sciences naturelles.
Cette poule, à laquelle on donnait une nourriture abondante, présente un
état de maigreur extrême, un véritable état cachectique; les muscles sont
atrophiés.
Malgré la généralisation assez grande de l'affection, la mort n'a pas été le
résultat de la compression ou de l'occlusion de quelque viscère, mais la suite
de l'altération et la perturbation progressive des fonctions nutritives.
A l'autopsie, le foie est beaucoup plus volumineux qu'à l'état normal; il
remplit presque toute la cavité abdominale et il comprime les intestins re-
foulés en bas et en arrière.
Ce viscère présente à l'extérieur un nombre très-considérable de bosse-
lures, dont les plus grosses sont du volume d'une noisette ; elles semblent
formées d'une agglomération de petites granulations blanches ou grisâtres,
et criant sous le scalpel. Autour de ces amas de matière morbide, la sub-
stance du foie paraît saine. De semblables granulations se trouvent dans
toute l'épaisseur de l'organe.
L'intestin présente plusieurs granulations analogues de la grosseur d'une
tète d'épingle, une seule atteint le même volume que celles du foie, et sem-
ble oblitérer l'intestin qu'elle comprime.
Le poumon, les muscles, le cerveau, le tissu osseux ne nous ont présenté
aucune altération morbide.
Examinées au microscope, ces productions présentent les caractères du
22.
tubercule. La résistance et la crépitation sous le scalpel nous avaient fait pen-
ser à un état crétacé. Mais notre savant maître M. Robin, qui a bien voulu
examiner ces productions, a reconnu au centre de chaque granulation un
noyau de cholestérine.
L'affection semble avoir débuté par le foie, et là il serait possible d'ad-
mettre que cet état particulier du noyau tuberculeux n'est pas une dégéné-
rescence de ce produit morbide, mais bien, au contraire, parait en avoir été
le point de départ. Cependant la présence d'une matière identique dans les
tubercules de l'intestin rend cette explication dilTicile.
Le développement des tubercules chez les gallinacés est un fait dont on a
d'assez nombreux exemples ; mais ce que ce cas présente de particulier c'est
le lieu d'élection dans le foie, à l'exclusion des poumons. Ce siège de l'af-
fection nous avait fait croire, avant l'examen microscopique, à une affection
cancéreuse.
Cette poule avait été élevée à la campagne, où, par conséquent, elle vivait
en plein air et en complète liberté. Depuis six mois, elle était enfermée dans
une volière où le peu de place, le défaut d'aération et l'humidité ont pu con-
tribuer au développement de la maladie.
IV. — Physique.
trVVR SUR LA TRANSMISSION DE L'ÉLECTRICITÉ A TRAVERS LES CONDUCTEURS
Métalliques; par M. Guillemin, agrégé de la Faculté.
M. Guillemin présente un appareil de son invention, à l'aide duquel il me-
sure l'intensité d'un courant électrique dans un point déterminé d'un (il
conducteur aux différents moments de sa propagation.
Une première série d'expériences a montré que le courant ne se propage
pas par un mouvement vibratoire, comme on l'a admis, et à la manière des
ondes lumineuses et sonores, mais qu'il suit au contraire des lois analogues
ù celles qui régissent la propagation de la chaleur dans une barre.
L'idée première du physicien allemand Ohm se trouve ainsi confirmée, et
les données expérimentales que M. Guillemin a obtenues peuvent se résu-
mer ainsi :
1° Dans chaque point du fil conducteur le courant suit une période d'in-
tensité variable avant de présenter une i7ilensité définitive. La période diu-
tensité variable est décroissante à l'extrémité du fil en contact avec la pile;
elle est croissante ù l'extrémité opposée.
"2" L'état définitif du courant, ou aulroment dit Vétat permanent, s'établit
en même temps sur tous les points.
Toutes les observations que M. Guillemin se propose de faire se rappor-
tent au temps qui est nécessaire à l'établissement de l'état permanent.
COMPTE RENDU DES SÉANCES
r r
LA SOCIETE DE BIOLOGIE
PENDANT LE MOIS DE MARS 1860;
Par m. le Docteur A. MORE AU, secrétaire.
mi m M. RAYER.
I. — Physiologie.
r SUR LE RÔLE DES NERFS DES GLANDES;
par M. Cl. Bernard.
Les nerfs qui agissent sur les glandes, agissent en même temps sur la cir-
culation sanguine et sur la sécrétion glandulaire
Déjà M. Bernard a pratiqué, devant la Société, l'expérience de la galvani-
sation de la corde du tympan. Ce nerf, que l'on isole entre la glande sous-
maxillaire et le nerf lingual duquel il se détache, produit, quand il est galva-
nisé, l'écoulement de la salive par le canal de Warthon, et en même temps
une activité remarquable de la circulation sanguine dans la glande; activité
qui se manifeste par la dilatation des vaisseaux et par l'apparition de pul-
sations dans les veines, pulsations tout à fait semblables à celles des artères,
et qui se traduisent par un jet saccadé de sang, si l'on ouvre la veine prin-
cipale qui sort delà glande.
Quel est le nerf actif pour la glande parotide ? M. Bernard a fait, pour le
24
déterminer, Je longues recherches; déjà, il y a deux ans, il était arrivé, par
voie d'exclusion, à admettre que ce nerf devait être un filet, né du facial, et
s'accolant à une branche du trijumeau.
En elTet, s'il coupait le nerf facial à sa sortie du trou stylo-ninsloïdien, la
sécrétion parotidicnne continuait à se produire sous l'influence du vinaigre
versé dans la bouche. Au contraire, cette sécrétion cessait de se produire
sij au lieu de couper le nerf facial, on le rompait dans l'intérieur du crâne,
en l'arrachant, ou en le détruisant à l'aide d'une pointe aiguisée convena-
blement.
Le petit nerf pétreux superficiel qui naît du premier coude du facial et va
directement au ganglion otique est détruit dans cette circonstance, et c'est
par lui que peut venir l'excitation jusqu'à la parotide.
Le grand nerf pétreux superficiel est aussi rompu. On sait qu'il va au gan-
glion de Meckel qui est accolé au nerf maxillaire supérieur. Ce ganglion et
les filets qui en partent furent enlevés sur un chien qui continua à donner de
la salive parotidienne quand on lui mettait du vinaigre dans la bouche. On
ne saurait donc admettre qu'il préside à la sécrétion de la parotide.
Les anatomistes ont signalé comme nerfs de la parotide des rameaux
venant directement du facial, et d'autres venant du nerf auriculo-temporai.
Les premiers n'ont point d'action sur la sécrétion; comme le prouve l'ineffi-
cacité de la section du nerf facial à sa sortie du trou stylo-mastoïdien.
Les rameaux qui viennent du nerf auriculo-temporai accompagnent l'artère
maxillaire interne, et se dirigent sur cette artère, en sens inverse du cours
du sang. Ce sont les filets actifs de la glande parotide, filets analogues à la
corde du tympan qui anime la glande sous-maxillaire ; filets nés comme elle
du facial, et comme elle, s'accolant à une branche du trijumeau.
En comparant l'excitabilité de ces nerfs, à l'aide d'un courant électrique
dont l'intensité est graduée dans l'appareil de Dubois Reymond, on recon-
naît qu'il faut une quantité d'électricité moindre pour faire sécréter la glande
sous-maxillaire que pour faire sécréter la parotide.
Déjà, avec le vinaigre, on pouvait voir que l'excitation devait être plus
forte pour produire sur la parotide le même etTct que sur la glande sous-
maxillaire. La corde du tympan se distribue à la glande sous-maxillaire et à
la glande sublinguale chez le chien. On voit de môme que l'excitation qui
suffit pour faire sécréter la première doit être augmentée considérablement
pour arriver à faire sécréter la seconde. Ce qui send)le iudiquer ([ue ces dif-
férences d'action dépendent de la sensibilité des glandes elles-mêmes plutùt
que d'une excitabilité difTérente des nerfs qui s'y rendent. De plus, si avant
d'exciter le nerf, on coupe le filet sympathique qui va à la glande, la dose
d'électricité ou de vinaigre nécessaire pour produire la sécrétion de la glande
est plus petite que celle qui était nécessaire quand le sympathique était intact.
Ce résultat intéressant peut être expliqué quand on se rappelle que l'acti-
'■Zb
vite du grand sympathique produit le resserrement des vaisseaux, condition
qui s'oppose à la sécrétion, et que ce resserrement doit être surmonté par
l'action du nerf antagoniste pour que la sécrétion se fasse. Si donc le sym-
pathique est coupé, le nerf antagoniste a besoin d'une excitation moindre
pour produire l'efTet qu'il produisait avant celte section.
M. Bernard présente à la Société un chien sur lequel il a pratiqué l'opéra-
tion nécessaire pour mettre à découvert les nerfs émanés de l'auriculo-tem-
poral, et allant à la parotide Cette opération consiste à disséquer le bord
postérieur du masséter, à couper les attaches de ce muscle sur l'angle de la
mâchoire, à enlever cet angle par un trait de cisailles. On cherche le tronc
de l'auriculo-temporal derrière le bord postérieur de l'os maxillaire, et on le
coupe au-dessus du point d'où partent les filets qui vont, en s'accolant à l'ar-
tère sous-maxillaire, se jeter dans la glande parotide.
On peut, en prolongeant un peu plus bas la dissection, agir sur la glande
sous-maxillaire, par l'intermédiaire de la corde du tympan, que l'on rend
libre en coupant le nerf lingual au-dessus du point où elle s'en détache.
Enfin, l'ablation du muscle digastrique rendra très-facile la recherche du
nerf sympathique, et permettra d'étudier l'antagonisme des nerfs : corde du
tympan et sympathique pour la glande sous-maxillaire, filets de l'auriculo-
leraporal, et sympathique pour la parotide.
M. Bernard, après avoir énuméré les principaux temps de l'opération préa-
lable, porte sur les filets de l'auriculo-temporal, l'action du galvanisme, et
montre la salive qui s'écoule aussitôt par le canal de Sténon.
La petite taille du chien ne permet pas de tenter sur lui la recherche de
l'action du galvanisme par rapport à la circulation veineuse, action qui est,
d'ailleurs, absolument la môme que celle que M. Bernarda montrée à propos
de la glande sous-maxillaire.
Les (ilets nés de l'auriculo-temporal sont, comme l'expérience le montre ,
des filets agissant d'une manière etficace sur la sécrétion de la glande paro-
tide. Sont-ils les seuls filets parlesquelsFaction réflexe queproduitlevinaigre
placé dans la bouche revient à la parotide? Oui, et on le prouve en excitant
vainement la gustation après la section de l'auriculo-temporal. La salive ne
coule plus du canal de Sténon. Cette épreuve oITre une cause d'erreur qu'il
faut signaler. Les mouvements de mastication que fait l'animal qui a reçu le
vinaigre dans la gueule déterminent dans la parotide une certaine compres-
sion qui amène la sortie d"une goutte de salive. Lorsque cette cause d'erreur
est écaitée, on voit que récoulement de la salive est tout à fait nul, quelle
que soit l'excitation produite sur la langue.
Il faut donc admettre que les filets de l'auriculo-temporal sont l'unique
chemin du retour de l'action réflexe qui fait sécréter la parotide à la suite
de l'introduction dans la bouche de substances sapides.
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2» RECHERCHES SUR LES MODIFfCATlONS QU'ÉPROIÎVENT APRÈS LA MORT, CHEZ
LES GRENOUILLES, LES PROPRIÉTKS DES NERFS ET DES MUSCLES; par
M. E. Faivre.
(Ce travail a été publié dans les Comptes rendus de l'Académie df„^
SCIENCES, séance du 2 avril 1860.
Les conclasions principales sont les suivantes :
Après la mort, la contractilité musculaire, nu lieu de s'éteindre graduelle-
ment, passe par des périodes d'exaltation croissante qui se terminent par la
rigidité cadavérique.
Une basse température prolonge la durée de cette période d'irritabilité
croissante. Dans les cas où elle manque, la rigidité cadavérique manque
également.
L'excitabilité nerveuse suit une marche tout à fait inverse; elle décroit à
partir de la mort de l'animal.
Une stimulation légère du nerf, sa division transversale, augmentent pour
(luelque temps cette excitabilité; elle est épuisée au contraire par les sti-
mulations fortes ou longtemps prolongées, elle l'est également par les cou-
rants électriques continus.
On peut, en combinant les excitations mécaniques et chimiques, amener
un nerf à un degré d'excitabilité extrême, et produire dans le muscle des
convulsions tétaniques. A ce moment, l'irritabilité du muscle est bien faible.
Ce rapport inverse fait bien ressortir la distinction posée par Haller entre
la contractilité musculaire et l'action nerveuse.
> RAPPORT SUR LA REVIVISCENCE DES ANIMAUX DESSÉCHÉS, fait aU UOm d'une
commission composée de M.M. Balbiani, Berthelot, Brown-Séquari»,
Dareste, Guillemin, Ch. Robin, et Broca, rapporteur.
La conclusion suivante a été rédigée en séance et adoptée à l'unauimité
par la commission, qui prend d'ailleurs sous sa responsabilité l'exactitude
des expériences consignées dans le rapport :
« La résistance des tardigrades et des rotifères aux températures élevées
« parait s'accroître d'autant plus qu'ils ont été plus complètement desséchés
« d'avance. Les rotifères peuvent se ranimer après avoir séjourné quatre-
« vingt-deux jours dans le vide sec et subi immédiatement après une tem-
« pérature de 100' pendant trente minutes. Par conséquent, des animaux
« desséchés successivement à froid dans le vide sec à 100", sous la pression
« atmosphérique, c'est-à-dire amenés au degré de dessiccation le plus com-
<i plet qu'on puisse réaliser dans ces conditions et dans l'état actuel de la
« science, peuvent conserver encore la propriété de se ranimer au contact
« de l'eau. »
COMPTE RENDU DES SÉANCES
r ^
LA SOCIETE DE BiOLOGIE
PENDANT LE MOIS D' AVRIL 1860;
Par m. le Docteur J. MAREY, secrétaire.
PRESIDENCE DE M. RAYER.
I. — Physiologie.
DE QUELQUES CAUSES DE VARIATIONS DANS LA TEMPERATURE ANIMALE ;
par M. Marev.
Dans les expériences thermométriques instituées sur les animaux, cer-
tains faits étaient restés inexplicables, d'autres avaient été interprétés d'une
manière qui nous semble peu satisfaisante. Parmi ceux-ci, il en est deux qui
nous semblent susceptibles d'une inteprétation très-simple.
Lorsqu'on prend la température du sang dans les cavités splanchniques
chez un animai, si l'on fait la ligature de l'aorte abdominale, on voit s'élever
la température du sang dans les parties situées au-dessus de cette ligature.
Pour M. Bernard, cet effet pourrait être dti à l'augmentation delà pression
po
28
sanguine par l'offel de la ligature. M. Marey n'admet pas la possibilité d'une
semblable action de la pression plus forte, il pense que l'on doit voir la
cause de ce phénomène dans une influence que M. Bernard lui-même a si-
gnalée. Le savant expérimentateur du collège de France a vu, dans les expé-
riences qu'il a faites avec M. Walferdiu, que cerlaines parties du corps ra-
mènent par leurs veines un sang plus froid que celui qu'elles ont reçu par
leurs artères ; les membres sont dans ce cas. La circulation à travers les mem-
bres abdominaux est donc une cause de refroidissement continuel pour la
masse du sang qui les traverse.— Il n'est donc pas étonnant qu'en supprimant
la circulation dans les membres pelviens, c'est-à-dire eu supprimant une
cause de refroidissement de la masse sanguine, on augmente sa température
dans les parties du corps où elle continue à circuler.
Un second fait, signalé par M. Bernard comme un desideratum des théories
relatives à l'influence nerveuse sur la chaleuranimale, est la variation inverse
qui se produit dans la température des deux oreilles du lapin, soit qu'on
coupe, soit qu'on galvanise le grand sympathique. Dans ces expériences, si
à l'aide d'une section simple du nerf on échauffe l'oreille correspondante,
l'oreille du côté sain se refroidit légèrement. Si la galvanisation du bout
supérieur du nerf refroidit l'oreille du côté opéré, l'oreille saine s'échaufl^era
un peu.— Pour M. iMarey, la production de ce phénomène dépendrait d'une
disposition anatomique du système artériel du lapin. Chez cet animal, comme
chez tous les rongeurs et uu grand nombre d'autres animaux, les carotides
droite et gauche sont fournies par un tronc commun qui naît de l'aorte. Il
résulte de cette disposition que la circulation dans l'une des moitiés de la
tête est en relation inverse avec celle de l'autre moitié. Si la section du grand
sympathique rend le cours du sang plus facile dans la branche correspon-
dante du tronc bicarotidien , la dérivation du sang qui se fera par cette
branche fera diminuer dans l'autre la tension sanguine et la rapidité du cou-
rant artériel.— Dès lors, la température diminuera du côté sain par suite du
ralentissement circulatoire. L'inverse se produit lorsqu'on galvanise le bout
périphérique du grand sympathique. L'obstacle créé dans la carotide cor-
respondante dont les branches se contractent élève la tension dans le tronc
bicarotidien, et la branche restée perméable devient le siège d'un passage
de sang plus rapide et qui produit de ce côté une élévation de température.
La démonstration de cette théorie peut être donnée expcrinicnlalenient de
la manière suivante : si la circulation dans les deux carotides du lapin varie
dans un rapport inverse sous les influences nerveuses et produit dans les
oreilles des variations de température, on doit retrouver les mômes varia-
tions si l'on agit mécaniquement pour favoriser ou pour entraver la circula-
tion dans une des branches.— Si donc on place une ligature sur l'une des ca-
rotides, on devra, non-seulement refroidir l'oreille correspondante, mais
réchauffer l'oreille opposée. Dès qu'on lâchera la ligature, on devra échaufl"er
29
l'oreille du côté de l'opératioi), et refroidir ou luèiiie temps roreille saine.
— C'est précisément ce qu'on observe eu faisant l'expérience par uu temps
froid avec uu thermomètre bien sensible.
II. —Physiologie pathologique.
1° DIABÈTE SPONTANÉ; LÉSION DU QUATRIÈME VENTRICULE, par JuLES LUYS.
Il s'agit d'un homme d'une cinquantaine d'années qui, diabétique depuis
deux ans, fut pris dans les derniers temps de son existence de tous les
symptômes d'une phlhisie pulmonaire à laquelle il succomba.
On s'était assuré que le sucre, en quantité variable, il est vrai, passait
néanmoins d'une manière continue dans les urines.
Ce malade portait en même temps une double cataracte.
Les lésions constatée à l'autopsie furent les suivantes :
Le foie était très-volumineux, il était gorgé de sang noir en très-forte
proportion.
Les reins étaient pareillement augmentés de volume.
Mais la lésion la plus curieuse fut celle que nous constalâmes sur la paroi
antérieure du quatrième ventricule.
Cette paroi, d'une manière générale, était colorée d'une nuance brunâtre,
et, de plus, elle était fortement vascularisée : à l'état normal elle est ordi-
uairement blanchâtre et c'est à peine si l'on y distingue quelques stries san-
guines. En outre, sa consistance était très-notablement diminuée. Elle s'en-
levait sous l'action d'un raclage très-léger comme une bouillie gélatiniforme.
Cette teinte jaune brunâtre était beaucoup plus foncée en quatre endroits
symétriquement placés sur les côtés de la ligne médiane à des hauteurs dif-
férentes; cette accumulation de substance brunâtre formait en ces endroits
comme de véritables taches noirâtres.
Les deux taches supérieures, à bords diffus, à centre plus foncé, étaient
situées à 1 centimètre environ au-dessous des pédoncules supérieurs du
cervelet, des deux côtés de la ligne médiane.
Les deux inférieures, situées à environ 1 centimètre au-dessus des pyrami-
des postérieures, correspondaient au point où lespédoncules inférieurs plon-
gent dans le cervelet; elles étaient distantes d'environ l centimètre pareille-
ment de la ligne médiane.
La tache inférieure gauche était la moins accentuée; la droite, au con-
traire, du même côté, était la plus prononcée, c'est elle surtout qui était le
siège de la vascularisation la plus intense.
L'examen histologique nous fit constater, outre une turgescence remar-
quable des capillaires du plus fin calibre, que la présence de ces taches
jaune, fauve et brunâtre par place, n'était due qu'à une dégénérescence
30
particulière de loules les cellules uerveuses des régions su&uicutioanee&.
Toutes ces cellules étaient eu voie d'évolution rétrograde, elles étaient
toutes remplies de granulations jaunâtres; elles étaient déchiquetées sur
leurs bords, la plupart étaient à moitié détruites et ne présentaient plus que
quelques fragments à peine reconnaissables. Il va sans dire que toutes les
connexions des cellules entre elles avaient complètement disparu, nous
ne pûmes reconnaître, même après macération de la pièce dans une solution
d'acide cliromique, l'existence des anastomoses des prolongements des cel-
lules qui sont si multipliés en cette région.
Il ressort donc de ceci : 1° qu'il existait une lésion non traumatique bien
réelle et profonde des parois du quatrième ventricule ;
2° Que celle lésion consistait dans une destruction moléculaire des éléments
liistologiques, et que leurs débris, chargés de granulations jaunâtres, don-
naient à la paroi du quatrième ventricule la coloration spéciale quenous avons
signalée;
3° Que celte lésion, dont l'organisme seul avait fait les frais, correspondait
précisément aux points que la physiologie expérimentale et l'étude des lé-
sions traumatiques de la région cervicale postérieure ont signalés comme
doués de la propriété d'amener l'exagération de la fonction glycogénique du
l'oie, et par suite le passage du sucre dans les urines.
'^° PRODUCTIONS CANCÉREUSES A L'INTÉRIEUR DES VEINES; par M. LANCEREAUX,
interne des hôpitaux.
M. Velpeau a cilé des exemples des veines à l'intérieur desquelles s'était
accumulée de la matière cancéreuse. Ces faits avaient été observés chez
des sujets atteints de cancers dans d'autres parties du corps ; il restait un
doute sur la provenance de la matière trouvée dans les vaisseaux, peut-être
uvait-elle pénétré par quelque déchirure de veines, et ne s'élait-elle pas
primitivement développée à leur intérieur.
M. Robin eut occasion d'examiner des cas de ce genre et les considéra
comme des exemples de production de cancer à l'intérieur des veines.
Dans une pièce qu'il met sous les yeux de la Société. M. Lancereaux fait
remarquer que le cancer ne semble pas être venu du dehors, et que les veines
n'offrent pas d'apparence de perforation , leurs tuniques sont, au contraire,
hypertrophiées et plus résistantes que de coutume. La veine cave étant fen-
due longitudinalcment, on la trouva remplie de matière cancéreuse ainsi que
les veines sus-hépatiques. Le foie était lui-même le siège de productions
de môme nature. En explorant les viscères abdominaux, on trouve des tu-
meurs multiples de la même ni^ture, l'une occupe la partie inférieure du relu
gauche auquel elle adhère, d'autres sont disséminées au milieu des intes-
tins et formées par la dégénérescence des ganglions mésenlériques. Le testi-
cule gauche et bou cordon spciiualiiiue sont éyaleuieul cancéreux. Toutes
ces tumeurs sont indépendantes de la production carcinoniateuse trouvée a
l'intérieur des veines, et autant qu'on puisse en juger d'après cette pièce
dont la dissection est encore incomplète, le cancer n'a pas pénétré dans la
veine cave par une déchirure vasculaire^ mais s'y est développé isolément.
M. Broca s'élève contre l'opinion des auteurs qui ont admis le développe-
ment primitif du cancer dans les veines, et pense que la pièce de M. Lance-
reaux ne saurait donner raison à une théorie qui n'a rien d'impossible à
priori, mais qui n'a jamais été appuyée sur des preuves suffisantes.
La production du cancer dans les veines semble impliquer que c'est le
sang qui subit la transformation cancéreuse. Dans cette hypothèse, pour-
quoi les artères ne renfermeraient-elles pas, aussi bien que les veines, des
dépôts de pareille matière? Or, on n'en trouve jamais que dans les veines.
( Il faut excepter l'artère pulmonaire, celle-ci taisant partie de la carrière du
sang veineux ou noir.)— La loi qui préside au développement du cancer dans
le système vasculaire est celle-ci : on ne trouve jamais celte substance que
dans les vaisseaux qui sont sur le trajet du sang revenant d'un point où existe
un cancer, et entre ce cancer et le poumon au delà duquel il ne s'en rencon-
tre jamais. Les choses se passent donc absolument comme si le cancer s'in-
troduisait du dehors dans les veines par une rupture de ces vaisseaux. On a
maintes fois trouvé la perforation qui l'avait laissé pénétrer, et dans les cas
où elle a manqué, ou peut supposer qu"une circonstance pathologique l'a fait
disparaître. On sait que, dans les tumeurs cancéreuses, les veines sont quel-
quefois détruites par la compression qu'exerce sur elle la tumeur dans son
développement. Qu'y aurait-il d'étonnant que, dans les cas où il a été impos-
sible de trouver une porte d'entrée à la matière cancéreuse, la solution de
continuité et le vaisseau lui-même aient été détruits par les progrès du can-
cer? En présence de ces causes d'erreur, on est en droit d'exiger, comme
preuve de la production intra vasculaire, l'exemple d'un seul cas où des
veines renfermeraient du cancer sans être sur le trajet du sang qui revient
d'une tumeur carcinomateuse. — Jusqu'ici ou n'a pas rencontré un seul cas
qui satisfit à ces conditions.
111. —Embryogénie*
NOTE suit QUELQUES FAITS RELATIFS AU DÉVELOPPEi\IE.\T DU POULET;
par M. Camille Dareste.
Eu recommençant cette année les expériences embryogéniques dont j'ai
déjà à plusieurs reprises entretenu la Société, j'ai eu occasion de constater
quelques faits intéressants.
J'avais placé dans la couveuse artificielle une trentaine d'oeufs, les uns
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dans les conditions normales, d'autres dans des conditions différentes et que
je considérais comme étant de nature à exercer uueiniluencc sur le dévelop-
pement de l'embryon.
Par suite des froids insolites du mois de mars, la couveuse ne donna, pen-
dant tout le temps de l'expérience, qu'mie température de 30 à 35°; c'est-à-
dire une température notablement inférieure à celle de l'incubation normale.
Ayant remarqué, presque au début de l'incubation, que le développement
de l'embryon commençait à s'effectuer dans ces conditions insolites, je pen-
sai qu'il n'était pas nécessaire de modifler le chauffage pour obleuir une
température supérieure.
Presque tous mes embryons se développèrent; mais ils le firent avec une
très-grande lenteur; de telle sorte, qu'au début, les phénomènes embryogé-
niques n'étaient nullement interrompus, mais qu'ils étaient considérable-
ment ralentis. Puis, à une certaine époque, qui ne fut pas exactement la même
pour tous, mais qui peut cependant être définie par des limites très-exactes,
celle de la première apparition de Pallantoïde, et celle où l'allantoïde, eu
s'appliquaut contre la chambre à air est devenue un organe de respiration,
tous les embryons périrent.
Cette observation, qui me contraria beaucoup, puisqu'elle vint interrompre
et forcément terminer une série d'expériences entreprises daus un tout autre
but, me parait cependant fort digne d'intérêt, puisqu'elle semble indiquer
que la température nécessaire au développement de l'embryon d'oiseau n'est
point la même aux diverses époques de l'incubation, et que les poulets peu-
vent vivre de 30 à 35% avant le développement de l'allantoïde; tandis qu'une
fois que cet organe a commencé d'exercer les fonctions, la vie de l'embryon
exige impérieusement une température plus élevée (de 35 à 40°).
C'est un fait aualogue à celui que j'avais constaté déjà, il y a deux ans,
lorsque je voyais les embryons se développer dans des œufs vernis en tota-
lité, et dont, comme je l'ai constaté alors, la coquille, bien que perméable
encore à l'air, n'en laisse pénétrer qu'une quantité beaucoup moindre. Dans
ces conditions insolites, l'embryon périt toujours au niomeut où se développe
l'allantoïde.
Plusieurs des œufs qui avaient été soumis à l'incubation dans ces condi-
tions m'ont présenté certaines particularités qui doivent élre notées.
Un de ces embryons était double. 11 s'était formé sur une cicatriculc uni-
que appartenant à un vitellus unique.
11 ne présentait qu'une seule tète et qu'un seul cœur; mais les troncs
étaient doubles et s'écartaient l'un de l'autre sur une ligne droite. Ces obser-
vations sont très-rares; toutefois j'en connais six exemples dans les annales
de la science.
Le plus ancien a été décrit parWolf, au siècle dernier; les autres apparlien-
ueut à MM. Rcichert, de Bacr et Allen Thomson.
33
Trois œul's, d'un volume beaucoup plus considérable que les œuis ordinai-
res, m'avaient été remis, comme œufs à deux jaunes, par M. le docteur Mor-
pain. Tous ces œufs, ainsi qu'un quatrième dont je n'avais pu disposer,
avaient été pondus par la môme poule, qui appartient à la race Bramah-
poutra, et qui, d'après les documents qui m'ont été remis, en produit un cer-
tain nombre de semblables à la fin de chaque ponte.
Le premier de ces œufs contenait deux vitellus ; chaque vitellus présentait
un embryon.
Celui qui s'était développe sur le vitellus placé du côté du petit bout de
l'œuf, et par conséquent le plus éloigné de la chambre à air, était beaucoup
plus petit non-seulement que son frère jumeau, mais encore que tous les
embryons de poulet, à quelque âge qu'on les observe. Il n'avait guère en
diamètre que le tiers de ce qu'il présente dans l'état normal au début des dé-
veloppements.
Comme ces deux embryons avaient péri et qu'ils étaient déjà en partie al-
térés, je n'ai pu savoir s'ils étaient bien ou mal conformés, ni, par consé-
quent, prévoir ce qu'ils seraient devenus si le développement avait pu èlre
poussé plus loin.
Les deux autres présentaient chacun deux vitellus, soudés entre eux ; de
telle sorte que la matière vitelline pouvait seulement passer de l'un à
l'autre.
Chacun de ces deux vitellus portait un embryon vivant et parfaitement sé-
paré de son frère jumeau. Celui qui était le plus voisin de la chambre à air
présentait un volume un peu plus considérable que l'autre, mais toutefois
sans grande différence.
Je regrette vivement que l'abaissement de la température arrivé à ma cou-
veuse ne m'ait point permis de prolonger cette expérience, qui m'aurait pro-
bablement appris si, dans ces conditions, un monstre double pouvait, comme
on l'a dit quelquefois, résulter de la soudure de deux embryons primitive-
ment distincts et appartenant à des vitellus différents.
IV. — Pathologie végétale.
NOTE SUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'UrEDO CANDIDA; par M. EUG. FoURNrER,
interne des hôpitaux.
Je mets sous les yeux de la Société des échantillons de Diplotaxis tenui-
folia, D. C, attaqués par l'Uredo candida, Pers. (Gystopus candidus, Lév.).
Cette monstruosité a été souvent rencontrée; M. Berkeley a décrit et figuré
dans le journal de la Société d'horticulture de Londres, pour 1848 (On tue
WHiLE RusT OF CABBAGE, ctc), l'hypertrophie des liges et des fleurs du chou
envahi par le même parasite. Aussi je ne viens point décrire devant la So-
c. n. ■>
3i
ciété la chloranlhie offerte par notre plante, mais lui soumettre quelques
observations sur l'anatoniie pathologique de cette monstruosité.
Il y a trois éléments à étudier dans la maladie qui fait le sujet de cette
note : l'UreJo^ l'iiypertrophie du tissu et une sorte de gangrène presque
microscopique sur laquelle je reviendrai tout à l'heure.
L'Uredo a été figuré par beaucoup d'auteurs : M. Berkeley {loe. cit.), M. de
Bary (Untersuciiungen ijber die Brandpilze, pi. II, taf. 3-7), et M. Unger
(ExANTu. DER Pflanze.x, pi. VI, f. 32). Ccs autcurs se sont surtout appliqués
à décrire l'appareil de fructification (stérigmates et spores), sur lequel je
n'aurai que peu de chose à ajouter. J'ai trouvé dans les pulvinules du cysto-
pus des fruits pluriloculaires de Phragmidium, fait que je n'ai pas vu noté,
et qui aune certaine importance; on sait, en effet, que M. Tulasne est porté
à considérer les Phragmidium comme le terme le plus élevé d'une série de
métamorphoses organiques dans laquelle l'Uredo occupe un rang inférieur
(Anx. se. NAT., 4° série, t. II). Mais le mycélium du Cystopus candidus n'a
pas été aussi bien figuré que l'appareil reproducteur par les auteurs que je
viens de citer. M. Léveillé, en décrivant son genre Cystopus (A.nn. se. nat.,
3* série, t. VIII), dit seulement : « Sterigmatibus e mycelii copiosi ramis,
crassis et dense implicatis, nalix. » — Les filaments de ce mycélium sont
d'un blanc jaunâtre, mesurant depuis 0""",00i5 jusqu'à OO^-^jOOG, et varient
de diamètre à chaque instant; ils circonscrivent par leurs anastomoses, qui
ont lieu à angles presque droits, des espaces excessivement étroits, et émet-
tent très-fréquemment des expansions latérales claviformes, obtuses, longues
de0'"'",0l2à0""",018, souvent opposées ou verticillées. Ces organes se rencon-
traient dt'jà vers l'exlrémité supérieure d'un filament très-ténu de 0"'"',3 de
longueur, qui, à l'autre extrémité, paraissait sortir d'inie spore. Ils appa-
raissent donc de très-bonne heure. On doit voir en eux le rudiment de gros-
ses cellules cylindriques qui forment la base des chapelets de spores; par-
tout, en effet, où se trouve l'espace nécessaire à leur développement, ce
sont ces cellules qui apparaissent sur le mycélium, à la place des expan-
sions rudimentaires que j'ai indiquées. Les cellules cylindriques du champi-
gnon ne se développent pas seulement sous l'épiderme du végétal, comme
cela est écrit partout, mais dans tous les endroits où il s'est formé une la-
cune, une rupture dans le parenchyme malade. En examinant avec soin et
multipliant les préparations, on aperçoit tous les états indermédiaires entre
les expansions latérales qui naissent en tout poiut sur le mycélium et les cel-
lules cylindriques parfaites; souvent, à côté d'une de ces dernières, on voit
naître plusieurs de ces petites expansions; ailleurs ce sont des cellules cy-
lindriques pareilles entre elles, divergeant d'un centre commun, au niveau
duquel elles s'insèrent sur un filament du mycélium.
L'hypertrophie ^chloranlhie) se développe sur les axes Uoraux et leurs
(livisious, ainsi que sur tous les élciucuts de la Heur; mais eu gOucral elle est
35
beaucoup moins prononcée sur l'androcée. Elle amène quehiuefois un dé-
doublement de l'ovaire en deux carpelles hypertrophiés. Le plus souvent
elle apparaît sur les sommités de la plante malade; quelquefois elle n'affecte
qu'une fleur et le faisceau fibro-vasculaire qui lui correspond dans la tige (l).
Etudiée anatomiquement^ l'hypertrophie m'a paru présenter un fait intéres-
sant : la multiplication et le développement de certains éléments anatomiques
du tissu. Ainsi les nervures, à peine visibles dans le sépale sain, deviennent
fortes dans l'organe dégénéré qui le représente, et les trachées qui entrent
dans la constitution de cette nervure sont plus nombreuses et d'un diamètre
plus large. On sait que dans un même vaisseau vasculaire il se présente tou-
jours des trachées de difl'érents diamètres ; par conséquent, les petites tra-
chées du sépale hypertrophié peuvent égaler en diamètre les grosses tra-
chées du sépale sain; mais en moyenne le diamètre de ces vaisseaux dans
le tissu malade est de 0""",009 à 0""",015, et quelquefois 0""",0I8; dans le
tissu sain, de O'^"°,O0G à O^^jOOg; une seule trachée, dans le sépale sain, m'a
oflfert 0""",015; beaucoup n'avaient pas plus de 0°"",003. Je ne sache pas que
cette augmentation de diamètre des organes élémentaires ait été notée dans
le cas d'hypertrophie végétale. Je rappellerai ici que dans beaucoup de tissus
hypertrophiés chez les animaux on a observé l'hypertrophie des éléments
anatomiques eux-mêmes; celle des vaisseaux est presque un fait vulgaire.
Quant aux cellules de l'épiderme et aux stomates de la plante, le diamètre
en était le même dans les parties saines et dans les parties malades.
J'arrive enfin à ce que j'ai nommé plus haut de la gangrène. Ce terme a et
employé dans le même sens par MM. Montagne, Gubler et Germain (de Saint-
Pierre), dans un rapport fait à la Société en I85I, sur la maladie du blé.
Ces éminents observateurs ont décrit des taches noirâtres à la surface du
chaume malade, taches au niveau desquelles les cellules végétales avaient
pris, ainsi que les granulations qu'elles renferment à l'état sain, une teinte
d'un jaune de succin. J'ai vu de pareilles taches, très-nombreuses, sur la
tige et les pièces du Diplotasis que j'ai étudié. On les trouve sur la partie de
la tige qui est saine en apparence, et qui n'est ni hypertrophiée ni envahie
parle cryptogame; mais elles sont plus abondantes encore sur les parties
malades. L'étude anatomique que j'en ai faite m'a montré qu'il n'existe au
niveau de ces taches aucune végétation cryptogamique. Le tissu, examiné
au point de contact du tissu noirâtre et du parenchyme vert, change brus-
quement de teinte. Les cellules, de blanches et transparentes qu'elles sont
sur la plante sèche, deviennent tout à coup fauves sans perdre leur trans-
lucidité; puis, par des transitions successives, revêtent une teinte brune,
et enlin noire; on dirait qu'on a fait agir l'iode sur des tissus très-azotés. Au
(1) Cela fait bien ressortir l'indépendance des différents individus élémen-
taires dont la réunion constitue le polypier végétal.
KV
36
centre de la tache, le tissu est compl(5lement noir, et quand l'altération est
profonde, tons les organes, épidermes, cellules et vaisseaux du paren-
chyme sont également noircis. A la périphérie de la tache on voit des cel-
lules dont les parois sont légèrement brunies, mais dont le contenu est en-
core vert, ce qui prouve que l'altération envahit d'abord les parois.
On doit voir là réellement une sorte de nécrose partielle du tissu. 11 est
fort probable qu'elle a été, sinon étudiée avec détail, du moins aperçue par
Pleuck, qui, dans son Tkaité de physiologie et pathologie végétale
(p. 172 de la traduction française), s'exprime ainsi en étudiant les taches des
végétaux :
« Les taches par le soleil se forment ordinairement après une petite pluie,
« à laquelle succède tout à coup un coup de soleil très-ardent. Les rayons du
« soleil concentrés dans les gouttes d'eau, comme dans la lentille d'un verre
« ou d'un miroir ardent, brûlent quelquefois l'épiderme des feuilles ou des
■ fruits. »
Cette explication est très-plausible. Eu l'admettant, on conçoit très-bien
pourquoi le tissu est brûlé plus profondément au centre de la tache, pour-
quoi les taches sont plus ou moins profondes, pourquoi tous les tissus sont
indistinctement affectés et les parois des cellules périphériques sont seules
atteintes avant que le contenu en soit brûlé.
COMPTE RENDU DES SÉANCES
r r
LA SOCIETE DE BiaLOGIE
pendant le mois de mai 1860;
Par m. le Docteur J. MAREY, secrétaire.
PKËSIDËEE DE M. RAYER.
I. — Physiologie.
1» NOTE SUR LE CAILLOT SANGUIN QUI SE PRODUIT AU BOUT DES ARTÈRES OMBI-
LICALES APRÈS LA CHUTE DU CORDON ; par M. le docteur Charles Robin.
Après que les vaisseaux ombilicaux se sont divisés en partie extra-abdomi-
nale qui tombe, et partie intra-abdominale qui continue à vivre, rcxtvémilé de
ceux-ci ne reste pas en place, fixée à l'ombilic. En vertu de leur élasticité propre
ils se rétractent dans le sens de leur longueur, bien qu'ils aient déjà diminué
de calibre depuis qu'ils ne sont plus parcourus par du sang. En diminuant
de longueur les parois vasculaires, celles des artères surtout augmentent
d'épaisseur, d'où résulte que le bout de l'artère en voie de rétraction est
parfois un peu plus gros qu'avant l'accomplissement de ce phénomène, sur-
tout quand un caillot d'un certain volume se trouve à ce niveau dans l'arlère.
(Voyez Ch. Robin, Mémoire sur la rétraction des vaisseaux ombilicaux et sur
0«
le système ligamenteux qui leur succède, Gazette médicale, 1858, cl Comptes
RENDUS ET MÉMOiuES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE, Paris, 1858, in-8, p. 107.)
Celte rétraction commence dans les artères avant d'avoir lieu sur la veine,
elle commence parfois dans les artères aussitôt qu'elles se sont divisées, avant
même la chute du cordon, c'est-à-dire avant que son épidémie et son tissu
gi'latinil'onnes desséches se soient sépares des tissus vascuiaires cutanés;
et enfin avant que l'on puisse invoquer l'accroissement des parois abdomi-
nales comme cause de l'écartement qui se produit entre le bout des artères
et l'anneau ombilical. C'est ainsi que sur un enfant mort six jours après sa
naissance, j'ai trouvé les deux artères à 1 centimètre de l'anneau, bien que le
cordon noir et desséché ne fût pas tombé. 11 était à 1 centimètre et demi
chez un autre enfant mort sept jours après sa naissance dont le cordon n'était
pas tombé, mais put être détaché facilement avec la main. Sur ces deux su-
jets la veine était encore adhérente à l'ombilic.
La portion intra-abdominale des artères ombilicales montre, après la chute
du cordon, une extrémité mousse quelquefois légèrement froncée par rap-
prochement du bord circulaire récemment coupé de leur paroi élastique et
contractile ou tunique moyenne. Cet accolement des bords de la section na-
turelle de l'artère ne suffit pas habituellement chez l'homme pour empocher
l'épanchement ou le suintement d'une certaine quantité de sang. Pendant les
premiers jours de la rétraction artérielle, ce liquide suinte ou s'écoule au fur
et à mesure que celle-ci progresse. Dans le premier cas, il ne fait que colo-
rer et teindre de sang en quelque sorte la face interne de la tunique adven-
tice dans l'étendue abandonnée par le bout artériel. Dans le second il rem-
plit plus ou moins la cavité de cette tunique externe pendant qu'elle se forme
par le glissement du reste de l'artère à son intérieur. La tunique moyenne
ou élastique se rétracte seule en entraînant la tunique interne, tandis que la
paroi externe devenue adhérente à la peau et au tissu des côtés de l'anneau
demeure fixée à celui-ci, permet au reste du vaisseau de glisser à son inté-
rieur et de laisser à sa place une cavité que peut remplir le sang; si ce der-
nier ne s'écoule pas, la face interne de la tunique adventice devenue libre
s'accole à elle-même, mais ce fait est moins commun que le précédent; il
y a presque toujours, malgré la présence d'un caillot au bout de l'artère
coupée, au moins un peu de suintement sanguin qui colore la précédente.
Un stylet introduit dans l'artère la distend, chasse le caillot placé à son
extrémité quand il existe, cl passe sans dilliculté dans le canal du cordon ca-
naliculé formé par l'adventice dont la tunique élastique s'est retirée. La paroi
de ce canal est mince, plissée, facile à dilater et plus large (\\ic le conduit de
l'artère qu'elle entourait. En fendant l'artère on dislingue aisément la tunique
élastique d'un blanc jaunâtre ou légèrement rose, dont le bord terminal cir-
culaire est légèrement aminci; sa structure montre aussi quelle est sa nature
réelle. Au delà d'elle se continue l'adventice dont la paroi mince, est rendue
39
noirâtre par l'héniatosine si le sang épanché s'est rOsorbé, ou qui l'cnlcrme
parfois encore du sang coagulé.
Le sang épanché occupe la place primitivement occupée par le bout de
l'artère, et si l'ombilic n'est pas encore cicatrisé, ce sang s'écoule au de-
hors. Telle est l'origine des hdmorrhagies ombilicales qui ne sont pas tar-
dives, c'est-à-dire qui ont lieu lors de la chute du cordon, car nous verrons
qu'elles peuvent avoir d'autres causes encore. Le plus souvent, lorsque le
cordon desséché se détache, il existe déjà une mince couche de tissu cica-
triciel rougeâtre que montre la dissection et qui bouche au niveau de la
peau les courtes cavités cylindriques pleines de sang laissées dans l'adven-
tice par les artères rétractées. Bien que n'étant pas encore recouvert d'épi-
derme, ce tissu cicatriciel suffit ordinairement pour empêcher l'écoulement
sanguin à la surface de la peau, c'est-à-dire l'hémorrhagie ombilicale, d'au-
tant plus que la coagulation a lieu rapidement dans un espace qui offre les
dispositions anatomiques d'une cavité accidentelle. Ce sont là les particula-
rités auxquelles sont dues les cordons, en forme de petit boudin d'un rouge
plus ou moins foncé, qu'on trouve derrière l'ombilic chez les enfants morts
vers l'époque de la chute du cordon, ou quelques jours après. Elles méritent,
comme on le voit, d'être tirées de l'oubli où elles sont restées, car je n'ai
trouvé aucun auteur qui les ait décrites, même parmi ceux qui ont traité des
hémorrhagies ombilicales ex professo.
La quantité de sang épanché est quelquefois assez grande pour gonfler la
tunique adventice et la rendre plus grosse du double ou même au delà que
l'artère rétractée, tant que la rétraction n'a eu lieu que sur une longueur de
1 à 2 centimètres environ. Elle est alors renflée en ampoule ou en forme de
fuseau derrière l'ombilic. Mais, en général, le sang n'a fait que remplir exac-
tement la cavité que laisse libre l'artère rétractée, en sorte que le canal
plein de sang coagulé conserve le volume de cette dernière. Plus la rétraction
augmente d'étendue, moins est considérable le volume de la tunique adven-
tice pleine de sang; elle est généralement plus petite que l'artère lorsque le
bout de celle-ci est à 3 centimètres ou environ de l'anneau ombilical. Ce
rétrécissement de la tunique adventice au-dessus des bouts artériels est dû
à ce qu'elle est d'autant plus tirée dans le sens de sa longueur que l'agran-
dissement des parois est plus considérable et la rétraction plus avancée.
Plus le caillot est mou, plus sa couleur et l'état de ses globules se rap-
prochent de ce qu'ils sont dans les caillots récents, noirâtres ou gelée de gro-
seille. Mais il se résorbe rapidement ; on trouve les globules rouges aux
divers degrés de coloration et de résorption que j'ai fait connaître ailleurs (1);
(1) Ch. Robin, Note sur les hémorrhagies des vésicales ovariennes, Gaz. Méd.,
1857, et Comptes rendus et mém. de la Soc. de biol , 1856, in-8, p. 144-145.
40
la fibrine offre également, selon l'ancienneté de l'écoulement sanguin, les
modifications qu'elle présente dans diverses espèces d'épanchements san-
guins.
Modifications de l'adventice par le sang épanché. — La gaîne dont les parois
se rapproclient prend alors l'aspect d'une traînée filamenteuse noiiâtre. On
la trouve souvent encore canaliculéc lorsque les artères se sont retirées déjà
de 4 centimètres ou environ au-dessous de l'ombilic ; mais leurs parois sont
appliquées l'une contre l'autre ; la coloration de celles-ci est due à des grains
arrondis ou irréguliers d'hématosine interposés à leurs fibres, et non à un
caillot vu par transparence ; ce dernier a eu effet complètement disparu à
cette époque, c'est-à-dire vers la fin du premier mois, dans la plupart des
cas du moins.
Il importe de noter que le sang coagulé dans la cavité de la tunique ad-
ventice que le sang vient d'abandonner, cavité accidentelle en quelque sorte
comme foyer apoplectique, est déjà résorbé lorsque le caillot formé vers
l'extrémité du conduit artériel existe encore ; ce caillot disparait bien plus
lentement dans cette cavité naturelle, où on le trouve longtemps encore
après le premier mois.
L'adventice de l'artère ombilicale se laisse facilement allonger, parce qu'elle
renferme moins de fibres élastiques que celle des autres artères, et davan -
tage, au contraire, des fibres lamineuses fines disposées en nappes. Outre
les granulations d'iiéraatosine qui la colorent encore longtemps après la
disparition du caillot qu'elle contenait, on dé'couvre entre ces fibres de nom-
breuses granulations graisseuses jaunes, uniformément distribuées, larges
de 1 à 3 millièmes de millimètre. Elles se rencontrent jusqu'à la face interne
de ce filament canaliculé noirâtre, à laquelle elles donnent une teinte d'un
noir verdâtre par suite de leur association aux granules d'hématosine. Sur
les enfants de plusieurs mois à un an, les parois de l'adventice sont soudées
avec elles-mêmes par leur face interne, et celle-ci ne forme plus qu'un fila-
ment ligamenteux plein. Il n'est pas rare de voir au centre d'un seul ou des
deux filaments, une traînée noirâtre formée par de l'hématosine qui n'est pas
encore totalement disparue. Il en reste quelquefois jusqu'à l'âge de deux ans,
surtout près du bout des artères rétractées, et en particulier dans les cas
rares, du reste, où l'adventice présente là un épaississement fibreux en forme
de petite tumeur irrégulièrement ovoïde.
2" NOTK SUR QUELQUES PARTICULARITÉS DE LA STRUCTURE DU CORDON VERS
LO.MRILIC ET DES PUÉXOMÎiNES DONT IL EST LE SIÈGE A LA NAISSANCE;
par M. le docteur Charles Robin.
Dans leur portion intra-abdominale, les rlères ombilicales n'ont pas une
structure différente de celle des autres artères, c'est-à-dire (|uc leur tunique
adventice seule est vasculaire. Leur paroi moyenne, bien que très-riche en
libres musculaires de la vie organique, est dépourvue de vaisseaux, ainsi
que leur tunique interne. On constate aussi que, dans leur portion extra-
abdominale, ces artères manquent complètement de capillaires ; leur tunique
adventice n'y est plus représentée que par la gélatine de Wharton, qui n'a
pas de vaisseaux propres, comme on le sait. La veine ombilicale cesse éga-
lement de présenter des vasa-vasorum dès sa sortie de la peau au niveau
de sa pénétration dans le cordon. En un mot, ce dernier ne renferme pas de
capillaires et n'est parcouru que par les trois troncs vasculaires ombili-
caux ; tous les anatomistes savent avec quelle netteté la peau cesse au niveau
de sa continuation avec le tissu du cordon; tous connaissent l'élégance du
cercle veineux et artériel qui entoure la base de cet organe sur la plupart des
sujets, à quelques millimètres de la continuité du tissu du derme et de la
substance du cordon.
Ce cercle vasculaire est en connexion avec l'artère et la veine tégumen-
teuses abdominales de chaque côté de la ligne médiane du corps. Ces vais-
seaux sont relativement très-développés pendant la vie intra-utérine. Lors-
qu'on vient à tendre la peau et le tissu du cordon, il est facile de voir que
l'épiderme de l'une se continue sans interruption ni diCférence sensible sur
l'autre. Mais la couleur rosée de la peau cesse d'une manière nette et circu-
lairement pour être remplacée par la teinte grisâtre gélatiniforrae du tissu
du cordon. La cause de cette dissemblance d'aspect et autres caractères se
trouve dans la ditTérence de texture du derme et du tissu sous-cutané, d'une
part, comparée à celle du cordon, d'autre part ; elle tient en particulier beau"
coup à la vascularité des uns et à lanon-vascularité de l'autre. Du cercle vas-
culaire indiqué plus haut partent des vaisseaux très-fins qui se dirigent vers
le cordon.
Sur des injections artificielles ou parfois sur des foetus dont la peau est
très-congestionnée, on les suit à la loupe jusqu'à la limite même où a lieu
le changement de couleur indiqué ci-dessus au niveau du point de continuité
des deux tissus.
Là on voit les capillaires artériels très-flns se recourber en anse, à 5 ou
6 millimètres environ du cercle vasculaire dont ils partent, pour revenir pa-
rallèlement comme veinule et se réunir à d'autres qui se jettent dans la
veine de ce cercle vasculaire. La vascularité et le tissu du derme cessent
ainsi nettement sur une même ligne circulaire et on ne voit pas d'autre
capillaire terminal dépasser d'une manière appréciable ceux qui l'avoisi-
nent. Cette disposition des petits vaisseaux est d'une grande élégance ; plus
profondément, le tissu lamineux sous-cutané, interposé aux vaisseaux à la
base du cordon offre des capillaires qui se terminent en anses de la même
manière, mais qui s'avancent à 1 ou 2 millimètres plus avant dans le cordon
que le niveau des anses capillaires du derme.
42
On sait que celui-ci s'arrête parfois circulairement au niveau même de la
surface des parois abdominales et que d'autres fois il se prolonge sur la base
du cordon en une sorte de gatno cutanée qui peut avoir jusqu'à 2 centimètres
de longneur environ, avant de se terminer comme il vient d'être dit.
Quant au tissu du cordon, il est composé de fibres laraineuses isolées ou
en nappes plutôt que fasciculées, entrecroisées les unes avec les autres, et
auxquelles est interposée une substance amorphe transparente, gélatini-
forme, non granuleuse, en quantité plus ou moins considérable, suivant les
sujets.
Beaucoup de ces éléments sont, surtout pendant la première moitié de la
grossese, à l'état de corps flbro-plastique soit fusiformes, soit étoiles. Ces der-
niers sont les plus nombreux ; leur masse commune entourant le noyau est
souvent large de près de 2 centièmes de millimètre et Unement granuleuse.
Il y a aussi dans ce tissu des noyaux embryo-plastiques libres, mais en pe-
tite quantité.
Lors donc que le sang fœtal cesse de parcourir les artères et la veine du
cordon, il cesse de recevoir les matériaux nécessaires à la nutrition de son
tissu; d'autre part, ne plongeant plus dans le liquide amniotique, il ne se
trouve plus dans les conditions qui lui permettent de se nourrir. Dès lors il
se dessèche.
La portion seule qui se trouve plongée dans les tissus vasculaires continue
à vivre; l'autre se mortilie et se détache de la première avec laquelle elle est
en continuité de substance au point même où s'arrêtent les vaisseaux ; au
niveau du plan de continuité de la portion vasculaire avec la portion non
vasculairc du cordon, la partie dont la substance a cessé de se nourrir et
s'est détachée se sépare moléculairemeut de celle dans laquelle la rénova-
tion nutritive persistant, les élémeiits anatomiqucs sont restés intacts, avec
leur consistance, leur llexibilité et leurs autres propriétés.
Les tissus des divers organes qui entrent dans la composition du cordon
ombilical, jouissant de propriétés ditTérentes, ne se divisent pas tous le même
jour au niveau de leur partie antérieure mortifiée et de leur portion restée
vivante au sein des parois ventrales vasculaires.
La partie intra-abdominale des artères ombilicales se sépare en général
de leur portion extra-abdominale avant que la veine se soit séparée d'une
manière analogue. Cette séparation s'opère sur les artères du troisième au
cinquième jour environ, et toujours avant que le tissu lamineux ambiant et
l'épiderme se soient détachés, avant, en un mot, la chute du cordon, qui a lieu
comme on sait du cinquième au septième jour, quelquefois au quatrième
ou au huitième jour. Avant la séparation des portions intra et extra-abdomi-
nale des artères, lorsqu'elles sont encore continues, on voit au niveau de
l'aïuieau fibreux ombilical, deux ou trois jours après la section du cordon,
les artères olTrir une dépression circulaire plus mince que leur portion in-
43
tra-abdominale, et analogue à celle (lu'aniait produite l'action momentanée
d'une ligature peu serrée.
M. Richet, qiii a vu cette dépression ou rainure circulaire sur les vais-
seaux de romi)ilic (Richet, Du trajet et de l'anneau ombilical, etc., AncmvES
GÉN. DE MÉD., Paris, 1857, t. IX, p. G3), ne l'explique pas d'une manière
exacte. Il commence par décrire l'anneau fibreux ombilical comme « formé
de fibres pâles, ayant l'apparence des fibres musculaires de la vie organique,
de l'intestin, par exemple, ou bien encore de la tunique moyenne des artères
ou du dartos. » (P. G'2.) « L'examen au microscope, à un grossissement de
500, démontre que ce tissu est composé de fibres élastiques aplaties, si-
nueuses, lisses, non striées en travers , ayant beaucoup d'analogies enfin
avec celles de la tunique moyenne des artères. » (P. 62-63.) Il ajoute : « Cha-
cun, sans doute, aura tiré déjà la conclusion des faits qui précèdent. Ces
fibres élastiques ou, pour parier plus clairement, contractiles, qui circon-
scrivent l'ouverture ombilicale, constituent un véritable sp/iincfer ombilical,
se resserrant insensiblement sur les vaisseaux, dès qu'ils ne sont plus tra-
versés par le courant sanguin et, par suite de cette striction, s'opère *pro-
gressivement leur section comme par le fait d'une ligature.» (P. 64.) M. Richet
part de là pour expliquer en outre Pabsence d'faémorrhagie et dire que sans
cet appareil on s'expliquerait difficilement comment tous les enfants ne seraient
point affectés de hernies.
L'anneau existe tel que M. Richet le décrit, mais il n'est point contractile et
n'a aucun des caractères des sphincters. La dépression circulaire des vais-
seaux contigus les uns aux autres est circulaire quand elle existe , ce qui
n'est pas constant; or la contiguïté des vaisseaux empêcherait cette con-
striction d'être aussi exactement circulaire q\i'elle l'est réellement et d'une
profondeur aussi égale sur toute la circonférence du vaisseau si elle était
due à une contraction de l'anneau. Elle est due à un resserrement des parois
vasculaires dépendant des propriétés mêmes de leur tissu et non d'une ac-
tion étrangère à eux, elle est seulement plus profonde qu'ailleurs dans le
point de la circonférence des vaisseaux qui touche le bord de l'anneau.
Mais surtout il importe de savoir que l'anneau fibreux ombilical re ren-
ferme pas plus de fibres élastiques que les aponévroses voisines; il en ren-
fermerait davantage que le fait resterait le même, attendu que les éléments
élastiques ne sont pas contractiles, mais reviennent simplement sur eux-
mêmes après avoir été distendus, et proportionnellement à cette distension
et non davantage. Il ne renferme aucune trace de fibres musculaires de la
vie organique ; c'est une erreur anatomique et physiologique que de com-
parer entre eux et à l'ombilic des tissus aussi différents que ceux de l'in-
testin, des artères et du dartos, que d'attribuer à un anneau de structure
fibreuse ordinaire et nullement musculaire le rôle et le nom d'un sphincter.
En comparant les ombilics de sujets d'âge différent à partir de la naissance,
44
il est facile de voir que l'anneau revient un peu sur lui-même après la ré-
traction des vaisseaux, mais il ne s'oblitère pas complètement, comme les
sphincters le font pour les orifices qu'ils circonscrivent. Il se rétrécit d'une
manière très-différente d'un sujet à l'autre; quelquefois il grandit en même
temps que les parois abdominales, quoique dans des proportions moindres,
mais devient plus large que chez le fœtus, ainsi qu'on le voit lorsqu'on a
enlevé le tissu des ligaments qui s'insèrent sur les côtés et au-dessous de
lui. Souvent il devient plus large, mais moins élevé et forme ordinairement
une fente ovalaire transversale. Jamais il ne prend la forme des orifices
dont les bords sont amenés au contact par contraction d'un sphincter. 11 n'y
a dans l'ombilic qu'un simple retrait, comme dans les tissus qui ne sont pas
doués de propriétés de la vie animale et d'une manière variable, selon un
grand nombre de circonstances individuelles; dans tous les cas, il est facile
de constater qu'il n'y a jamais une striction poussée jusqu'à la possibilité
d'une section comparable à celle de la ligature. M. Malgaigne a déjà combattu
l'idée de M. Richet, d'après laquelle un tissu particulier formerait l'anneau
ombilical (Anat. cnmuRGicALE, Paris, 1859. 2' édit. p. 240, 245 et 378).
Ainsi deux artères, une veine et l'ouraque ou le cordon qui lui succède
se rendent à l'anneau ombilical et le traversent, pendant toute la durée de
la vie intra-utérine, et même pendant quelques jours encore après la nais-
sance. Ces artères, qui sont des plus volumineuses de chaque côté de la li-
gne blanche convergent vers l'ombilic où elles s'accolent en formant les
deux côtés d'un angle aigu.
Le sommet de cet angle est surmonté en ligne droite par la veine ombi-
licale, volumineuse aussi, qui se rend au sillon antéro-postéricur du foie dans
le plan médian du tronc. L'angle lui-même est exactement divisé en deux
moitiés égales par le cordon ouracal qui surmonte le sommet de la vessie,
suit le milieu de la ligne blanche depuis la vessie jusqu'à l'anneau ombilical.
Vue par sa face péritonéalc, la paroi antérieure de l'abdomen montre donc
pendant la vie intra-utérine quatre organes importants qui convergent vers
l'ombilic dans lequel ils s'accolent ; ou réciproquement ils s'écartent en di-
vergeant autour de cet anneau comme centre. Ils se dirigent, deux sur la li-
gne médiane, l'un en haut qui est la veine, l'autre eu bas (l'ouraque) et deux
artères sur les côtés vers le fond du bassin.
Cette disposition anatomique est des plus frappantes sur tous les fœtus de
mammifères. Elle est directement ou implicitement considérée comme per-
sistante, c'est-à-dire comme se retrouvant chez l'adulte, sauf les modifica-
tions dues à l'oblitération et à la diminution de volume des vaisseaux. Mais
cependant ces derniers ne conservent aucune connexion directe avec l'om-
bilic.
Les uns ne conservent aucime trace de relation avec l'anneau ombilical et
se retirent complètement vers le tionc vasculaire avec lequel ils sont en
45
continuité de tissu ; c'est ce qu'on observe pour les artères sur la plupart
des mammifères, tels que les carnassiers, les rongeurs, les ruminants, les
solipèdes. D'autres fois, comme chez l'homme, ils restent tous en relation
avec l'ombilic; mais ces rapports sont indirects et des plus remarquables,
c'est-à-dire représentés par des faisceaux ligamenteux, développés au fur
et à mesure que le bout des vaisseaux s'écarte de l'anneau. Chez quelques-
uns des animaux cités ci-dessus, tels que les ruminants et les solipèdes, la
veine ombilicale et parfois le sommet de l'ouraque conservent avec l'ombilic
des rapports analogues; mais ils sont réduits à de minces filaments liga-
menteux; chez d'autres, tels que les carnassiers et les rongeurs, ces rap-
ports n'existent pour aucun de ces conduits. Pendant la durée du dévelop-
pement extra-utérin, il se passe par conséquent entre l'anneau ombilical et
le bout des vaisseaux, ainsi que sur ceux-ci, une série de phénomènes qui
ont pour conséquence l'apparition chez l'adulte de dispositions anatomiques
essentiellement distinctes de celles qui existent chez le fœtus. Elles ne le
sont pas moins en fait des descriptions qu'on en donne.
Le phénomène primitif consiste en une rétraction des artères et des veines
ombilicales dont les extrémités s'éloignent ainsi de l'anneau ; mais cet éloi-
gnement est dû bien davantage encore à ce que ces vaisseaux et l'ouraque,
sans cesser de s'accroître, grandissent moins que les parois abdominales, et
se trouvent ainsi bientôt placés loin du centre commun auquel ils aboutis-
saient, mais auquel ils ont cessé d'être directement adhérents.
Il importe de remarquer que le mot rétraction, appliqué aux artères et
aux veines ombilicales, est employé ici pour désigner leur raccourcisement
graduel dans le sens de leur longueur, qui s'opère peu à peu après leur sec-
tion. Ce mot a été usité par beaucoup d'auteurs pour désigner la diminution
de calibre de leur cavité qui précède cette rétraction ; mais ce rétrécisse-
ment reçoit communément en physiologie et en pathologie le nom de retrait
des vaisseaux lorsqu'on parle de celui qui a lieu pendant la vie comme après
la mort, et l'expression de retrait des artères est synonyme de systole arté-
rielle.
Hétraction chea les mammifères. — Ces faits ne s'observent pas seulement
chez l'homme, mais encore sur tous les mammifères. Chez les carnassiers,
les ruminants, les rongeurs, etc., les bouts des artères descendent sur les
côtés du bassin plus bas que le fond de la vessie. Chez le cheval, ils descen-
dent avec le fond de ce réservoir vers le sommet duquel ils restent généra-
lement adhérents. Ils sont durs comme le reste de l'artère oblitérée, qui
forme un cordon blanc jaunâtre, à extrémité libre, mousse, non renflée ou
même légèrement conique. Ces artères sont contenues dans les deux replis
ou ligaments péritonéaux des côtés de la vessie.
Ainsi chez tous les mammifères les artères et la veine ombilicales dont le bout
intra-abdominal se voit à l'ombiliG chez le nouveau-né, ne se retrouve plus
46
là chez l'enfant de quelques semaines; dès l'âge de 1 an ou 2 au plus, c'est
dans le bassin, sur les côtés de la vessie, qu'il faut chercher les bouts arté-
riels et plus ou moins près du bord antérieur du foie qu on retrouve celui de
la veine.
Chez les chats nouveau-nés, les deux artères ombilicales se rendent à l'om-
bilic sur les côtés de la vessie, dont le sommet n'est écarté de l'anneau que
par un court pédicule ouracal solide, épais de 1 millimètre environ sur 3 à
4 de longueur. La veine remonte contre la ligne blanche, puis passe sous le
diaphragme pour joindre la veine porte, et un court canal veineux à l'ex-
trémité supérieure la plus reculée du sillon médian du foie. Il y a en outre,
aboutissant à l'ombilic, deux minces filaments entièrement libres formés
par les deux paires d'artères et de veines omphalo-mésentérique ou de la
vessie ombilicale, qui sont encore pleins de sang, comme les vaisseaux om-
bilicaux, plus de quarante-huit heures après la naissance ; à cette époque,
le cordon ombilical desséché n'est pas encore tombé. Un de ces filaments
vasculaires se détache de la mcsentérique supérieure et en particulier des
artère et veine duodénales à 2 ou 3 centimètres au-dessous du pylore, et
l'autre vient de bas en haut derrière la vessie; il part des arlère et veine de
l'iléum à 2 centimètres au-dessus de l'abouchement de celui-ci dans le cœ-
cum. Sur quelques sujets on trouve un troisième filament vasculaire, sem-
blable aux précédents, qui se détache du mésentère près de son adhérence
an j(''junum, vers le milieu de cette portion de l'intestin grcle. Ces trois fila-
ments vasculaires aboutissent à l'anneau, et le traversent comme les artères
et la veine ombilicale.
Chez ces animaux la rétraction des artères et du court pédicule de l'ou-
raque commence du douzième au quinzième jour qui suit la naissance, trois
à cinq jours après la chute du bout du cordon resté adhérent à l'ombilic.
Celle de la veine commence seulement plusieurs jours après, et les vaisseaux
(le la vésicule ombilicale se détachent de l'anneau vers la fin du premier
mois environ. Comme chez le cheval, les bouts artériels blancs, mousses,
restent adhérents au sommet du court pédicule solide de l'ouraquc qui sur-
monte le sommet de la vessie; ils s'écartent simultanément de l'anneau. Du
vingtième au vingt-cinquième jour, ils en sont déjà éloignés de 10 à 15 mil-
limètres; un filament ligamenteux aplati, gris, demi-transparent, fibreux,
s'étend de l'ombilic à leur sommet commuu. Il occupe le bord libre d'un
petit repli péritonéal qui maintient la vessie appliquée contre les parois de
l'abdomen et qui s'avance jusqu'à l'ombilic. Ce filament ligamenteux adhère
au bout déjà cicatrisé de la veine, et le tire chez quelques sujets pins bas
que l'aimeau. Les artères cicatrisées aussi dans une longueur de 1 à 2 milli-
mètres lorsque la rétraction commence, ne laissent pas écouler de sang,
comme chez l'homme, mais les autres phénomènes de la rétraction sont
le.s mêmes que ceux (lui ont été indiqués plus haut.
47
I. — Pathologie.
SUR LES CONCRÉTIONS TOPHACÉES DE l'OREILLE EXTERNE CHEZ LES GOUTTEUX;
par M. Charcot.
J'ai recueilli pendant ces dernières années un certain nombre d'observa-
tions qui me paraissent propres à éclairer plusieurs points de l'histoire cli-
nique et nécroscopique de la goutte proprement dite; j'espère pouvoir pro-
chainement faire part à la Société de l'ensemble des résultats auxquels j'ai
été conduit parla comparaison de ces observations; mais, pour le moment,
je me bornerai à présenter quelques remarques concernant les concrétions
tophacées qu'on rencontre assez fréquemment chez les goutteux, sur diverses
parties du pavillon de l'oreille.
Ces concrétions ont déjà été remarquées par plusieurs médecins : MM. Fau-
conneau-Dufresne [in Cruveilhier : Atlas d'anat. path., 4' liv.), Todd (Cli-
Nic. lectur. on urinary organs., p. 419, London, 1859), Garrod, entre au-
tres, les ont particulièrement mentionnées ou décrites. Ce dernier auteur
surtout, en a fait une étude attentive dont les résultats ont été consignés
d'abord dans un mémoire qui fait partie des Transactions médico-chirur-
gicales pour l'année 1854 (vol. XXXYII), puis dans un important traité de la
goutte publié récemment (The nature and treatment of gout, London,
1859). C'est plus spécialement sur les observations de M. Garrod et sur celles
qui nous sont propres que sont fondées les considérations qui suivent.
Le nombre des concrétions dont il s'agit est variable ; on en rencontre
tantôt une ou deux seulement, tantôt jusqu'à huit ou dix sur une même
oreille. Elles peuvent n'exister que sur une seule oreille ou occuper, au con-
traire, les deux oreilles d'un même sujet. Ce dernier cas semble être le plus
rare. Leur siège de prédilection est la partie supérieure de la rainure de
l'hélix ; mais on les observe assez fréquemment sur l'hélix lui-môme ou sur
son bord tranchant, et enfln sur l'anthélix. Ainsi qu'on le voit sur la planche
que nous présentons à la Société, elles constituent, chez un de nos malades,
trois petites tumeurs arrondies, ayant environ le volume d'un pois; deux de
ces tumeurs occupent l'extrémité inférieure de l'anthélix ; la troisième, un
peu plus volumineuse que les autres, est située sur le rebord obtus qui limite
en arrière la cavité de la conque et fait légèrement saillie dans cette cavité.
Nous croyons que ces concrétions n'ont pas encore été rencontrées sur les
parties qui composent le tiers inférieur du pavillon, sur le lobule, par
exemple. Graves (A system of climcal medicixe, Dublin, 1843, p. 581),quidé-
crit une congestion du lobule de l'oreille, survenant par accès, chez quel-
ques goutteux, ne dit point que cette congestion ait produit quelquefois dans
les parties où elle se porte, un dépôt de matière topliacée.
Dans certains cas, les concrétions de l'oreille peuvent acquérir, comme
48
on l'a dit plus haut, le volume d'un pois. Mais, le plus souvent, elles sont à
peine grosses comme une lêlc d'épingle ou un grain de millet. Elles se pré-
sentent, d'ailleurs, sous deux formes principales. Dans une première forme,
elles constituent de petites tumeurs sous-cutanées, hémisphériques, plus ou
moins régulières et plus ou moins saillantes ; mobiles avec la peau ou adhé-
rentes au cartilage sous-jacent. Parfois obscurément fluctuantes , elles ont
d'autres fois une consistance comme pierreuse; la peau qui les recouvre peut
avoir conservé sa coloration naturelle ou laisser voir, au contraire, par trans-
parence, la substance d'un blanc mat qui les compose. Dans la seconde
forme, ce sont de petites plaques arrondies qui, semblent faire corps avec le
tégument externe et au niveau desquelles la matière d'aspect crayeux est à
nu ou recouverte seulement par une mince couche épidermique.
Extraite à l'aide d'une légère incision lorsque les concrétions sont pro-
fondément situ(;es, ou détachée par le grattage, lorsqu'elles sont tout à fait
superficielles, la matière tophacée peut être demi-liquide, de consistance ca-
séuse, ou offrir enfin la dureté de la craie. Si l'on en porte un fragment sous
le microscope, elle paraît quelquefois composée d'une infinité d'aiguilles
cristallines, principalement lorsque le dépôt est mou ou de formation ré-
cente (Garrod); mais, le plus souvent, elle se présente sous f aspect d'une
poudre amorphe. Si l'on soumet la préparation à l'action de l'acide acétique
concentré, les aiguilles cristallines ou la poudre amorphe se dissolvent bien-
tôtj quelquefois avec effervescence, et Ton voit, au bout d'un certain temps,
se former en leur place, de nombreux cristaux affectant, pour la plupart, la
forme rhomboïdale caractéristique de l'acide urique. Enfin, traitée par l'acide
nitrique bouillant, la matière tophacée se dissout, et donne rapidement lieu,
lorsqu'on fait intervenir l'ammoniaque, à une belle coloration pourpre de
murexide. Comme on le voit, la substance des concrétions de roreille ne
diffère par aucun caractère essentiel de celle qui constitue les tophus gout-
teux articulaires ou abarticulaires.
C'est, le plus souvent, à la suite d'un accès de goutte articulaire, intense
ou de longue durée, que se produisent les concrétions de l'oreille. Leur for-
mation n'est, en général, accompagnée d'aucun symptôme particulier, et les
malades les portent quelquefois depuis longtemps sans les avoir remarquées.
Cependant, parfois, elles donnent lieu de temps à autre, principalement au
moment où les accès articulaires se déclarent, à un sentiment de gène et de
picotement ou même a une douleur plus ou moins vive ; il n'est point rare,
en pareil cas, que les vaisseaux cutanés ou sous-cutanés qui les avoisineut
soient dilatés et paraissent plus nombreux que de coutume. Aprèsavoir persisté
pendant plusieurs mois ou même plusieurs années sans éprouver de modifica-
tion appréciable, les dépôts tophacés de l'oreille peuvent diminuer de vo-
lume ou s'etfacer à peu près complètement, ainsi que cela arrive quelquefois
aux tophus articulaires. A mesure que certains dépôts disparaissent sur un
49
point (lo l'oreille, on peut en voir do nouveaux se former sur un autre point.
11 n'est point rare (ine les concrétions soient rejetées en masse, le plus com-
munément à la suite d'une inflammation plus ou moins vive qui s'empare
des parties avoisinantes. L'intervention d'un travail inflammatoire n'est ce-
pendant ici nullement nécessaire. .4insi chez un goutteux depuis longtemps
soumis à notre observation, une concrétion superficielle, plate, arrondie,
ayant 2 millimètres de diamètre environ, d'un blanc mat, paraissant faire
corps avec la peau, et recouverte seulement par une mince couche d'épi-
derme, siégeait depuis plusieurs mois sur l'hélice de l'oreille droite. D'abord
très-adhérente lorsque nous l'aperçûmes pour la première fois, cette con-
crétion se détacha peu à peu, d'abord par un point de la circonférence, puis
par les parties profondes, et devint tout à fait mobile. Un jour enfin elle
tomba sans que le malade s'en aperçût. Or ce travail d'élimination sponta-
née s'est effectué sans que la peau ait jamais présenté aucun indice d'in-
flammation. Une petite perte de substance en forme de fossette et représen-
tant en quelque sorte le moule externe de la concrétion, marqua pendant
longtemps le lieu où celle-ci avait existé.
Il ne faudrait pas considérer les concrétions tophacées de l'oreille externe
comme un objet de vaine curiosité; elles paraissent, au contraire, devoir
tenir une place importante dans l'histoire clinique de la goutte. En effet, d'a-
près les recherches de M. Garrod, ce seraient de tous les dépôts goutteux
situés superficiellement, et dont l'existence peut être directement reconnue
pendant la vie, ceux qu'on observe le plus fréquemment. Lorsque sur un
point du corps, au voisinage des jointures par exemple, il existe de sem-
blables dépôts, on en rencontre en môme temps, du moins le plus commu-
nément, quelqu'un sur l'oreille, et, de plus, l'oreille peut en présenter un ou
plusieurs, alors qu'il n'en existe pas ailleurs. Voici, du reste, les résultats
statistiques sur lesquels se fonde l'opinion de M. Garrod. On rechercha atten-
tivement chez 37 goutteux s'il existait des concrétions d'urate de soude soit
à la surface du corps, soit au moins dans des points ou leur constatation est
chose facile; ces concrétions furent rencontrées dans 17 de ces cas; elles
faisaient défaut dans les 20 autres cas. Sur les 17 cas où les concrétions
existaient, sept fois elles siégeaient sur l'oreille seulement, neuf fois on les
rencontrait à la fois sur l'oreille et au voisinage des jointures ; enfin, dans un
seul cas il en existait au voismage des jointures, bien que l'oreille n'en pré-
sentât pas de traces. Les sujets chez lesquels on rencontra des dépôts to-
phacés sur l'oreille externe sans qu'il en existât au voisinage des jointures,
avaient tous éprouvé ou éprouvèrent par la suite, un ou plusieurs accès ar-
thritiques bien caractérisés. Chez plusieurs d'entre eux, le sang et l'urine
furent soumis à l'examen chimique, et l'on s'assura que ces liquides renfer-
maient de l'acide urique en excès ; enfin chez deux de ces individus qui suc-
combèrent, bien que pendant la vie les jointures ne fussent point déformées ,
c. R. 4
50
on trouva les cartilages d'encroûtement de plusieurs articulations chargt's
de dépôts d'urate de soude.
On prévoit aisément, d'après ce qui précède, que la constatation des dépôts
tophacés de l'orclUe externe, pourra, dans certaines circonstances, être une
précieuse ressource pour le diagnostic ; les pertes de substance ou les cica-
trices que les concrétions laissent après elles, lorsqu'elles se sont détachées
spontanément, devraient également être recherchées avec soin.
Des dépôts tophacés analogues à ceux que nous venons de décrire, se ren-
contrent quelquefois, au dire de M. Todd {loc. cit., lect. XVI), sous la peau
qui recouvre les cartilages des ailes du nez. Jusqu'à présent, nous n'avons
pas été assez heureux pour rencontrer des exemples de ce genre.
2° ACCÈS FÉBRILES PÉRIODIQUES*, VÉGÉTATIONS FIBRINEUSES SUR DEUX VALVULES
AORTIQUES ; COLLECTION SANGUINE ET PURULENTE AU POINT DE CONTACT ET
AU-DESSOUS DE CES VALVULES ; observalious par M. Lancereaux, interne des
hôpitaux de Paris.
Le nommé Thévenot, âgé de 25 ans, potier, entre à l'hôpital de la Pité le
54 janvier 1860 (salle Saint-Paul, service de M. le docteur Marrolte). D'une
taille ordinaire, d'un embonpoint modéré, d'une constitution moyenne, ce
jeune homme jouit généralement d'une bonne santé. Il y a sept ans, il con-
tracta en Afrique une fièvre intermittente qui dura trois mois; depuis cette
époque il a toujours été bien portant. Douze jours environ avant son entrée
à l'hôpital, il fut pris d'un frisson suivi de chaleur et d'une sueur abondante
qui siu'vint environ une heure plus tard. Puis chaque jour, vers deux heures
de l'après-midi, il éprouva le même accès.
Le 25 janvier, ce malade se fait remarquer par la pâleur de son teint. H
n'indique aucun siège à son mal, mais il est facile de voir que la respiration
et la circulation ont une fréquence anormale. Cependant, les poumons exa-
minés avec soin ne présentent aucun phénomène qui puisse en rendre
compte; au cœur s'entend un léger souffle qui se prolonge dans les veines
du cou. La langue est étalée, couverte d'un enduit jaunâtre, nausées. (Ipéca-
stibié.)
20 janvier. L'accès de lièvre n'est pas survenu la veille, ou tout au moins il
est passé inaperçu. Le 26, il a lieu vers l'heure accoutumée; mais à partir
du 28, la lièvre est continue, avec paroxysmes plus ou moins réguliers.
Bains.
Le 29, le 30 et le 31, l'état du malade varie peu, la lièvre continue, les pa-
roxysmes sont |)eu réguliers et parfois suivis d'une sueur abondante. Malgré
un examen attentif, aucun phénomène ne vient révéler l'existence d'une lé-
sion capable de rendre compte de l'état fébrile. La rate elle-même est à peine
plus volumineuse. L'expression de la physionomie indique un état de gène
51
et de malaise excessifs. Tenant compte des antécédents du malade, on lui
donne de liuit à douze gouttes de liqueur de Fowler. Du 1" au G février, on
cesse la liqueur de Fowler, et le malade reçoit de l à 2 grammes de sul-
fate de quinine sans qu'il paraisse en résulter un changement notable. Il
y eut néanmoins une légère amélioration, mais trop peu prononcée pour
qu'il fût possible de conserver l'idée d'une fièvre intermittente.
Les principaux organes furent de nouveau examinés avec soin, et le foie
ayant paru douloureux et augmenté de volume, on ordonna des ventouses
scarifiées et les bains furent repris.
7, 8 et 9. Les paroxysmes continuent, mais sans régularité; ils sont toujours
suivis d'une abondante transpiration. Pendant la durée du frisson, le malade
éprouve de violentes douleurs qui le font crier, se tordre et se pelotonner
dans son lit; le pouls, excessivement petit et fréquent, se sent à peine, la
peau est peu chaude et d'une pâleur excessive. Dans l'intervalle, la fréquence
persiste; on pewt compter de 110 à 120; les bruits du cœur sont précipités et
métalliques. Il existe à la base et dans les vaisseaux qui en partent un double
bruit de souffle assez doux pour être rattaché à un état anémique et à la ra-
I)idité de la circulation. (Les bains sont continués.)
10 et 11. Peu de changement; l'état de gêne et de malaise paraît jilus
grand. Malgré sa fréquence, le pouls en dehors des accès offre encore un
développement assez considérable.
Le 12 au matin, dyspnée et même orli;opnée, anxiété excessive, toux,
crachais aérés, spiiracux, sanguinolents, pouls très-fréquent; même état le
soir et le lendemain malin; puis enfin la mort survient après un dernier
frisson.
Nécropsie. — L'examen de l'habituJe exlérieme du cadavre n'offre l'ien à
noter, si ce n'esl la décoloration do la peau cl do légères traces d'œdème aux
membres inférieurs.
11 existe dans la cavité abdominale un demi litre environ d'un liquide
jaune-citron et transparent.
Les reins sont sains.
Le foie, un peu augmenté de volume, a sa consistance ordinaire; des faus-
ses membranes font adhérer la paroi costale dans u!ie partie de sa face anté-
rieure.
La rate a 15 centimètres de long, sa tunique fibreuse, épaissie et noirâtre,
adhère au iliaphragme; sou tissu est ramolli; la moindre pression le réduit
en bouillie.
Il y a un œdème général des poumons et de la congestion dans quelques
points. Une sérosité spumeuse sanguinolente se trouve remplir les bronches
dont la muqueuse est fortement colorée en rouge.
Chargé de graisse à sa face antérieure, le cœur est plus volumineux, toute
proportion gardée, qu'à Pétat normal. C'est principalement sur le ventricule
/■-■
%■.■>■•'
52
gauche que porte l'augmentation de volume. A part une légère dilatation de
ses cavités et de ses oriflces, le cœur droit est sans K'sion. La dilatation des
cavités est plus considérable à gauche; mais, en outre, les valvules auriculo-
ventriculaires, d'une teinte jaunâtre, sont légèrement épaissies, et à l'orifice
aortique existe une altération rare et curieuse,
Valvules sygmoïdes. — L'une de ces valvules est intacte, ainsi que les
moitiés correspondantes des deux aulres, tandis que les secondes moitiés de
ces dernières sont couvertes de végétations fibrineuses qui donnent à leur
bord libre une épaisseur considérable. Situées tant à la surface de l'endo-
carde que dans le tissu conjonctif et élastique compris entre le repli du
feuillet endocardique, ces végétations sont composées en grande partie de
granulations élémentaires jaunâlrcs.
Le dépôt fibrineux est surtout abondant au point de contact des deux val-
vules, et le point est précisément celui (pii se trouve situé entre les origines
des deux artères cardiaques.
Cette lésion valvulaire qui, en même temps qu'elle rétrécit l'orifice, l'em-
pécbe de se fermer complètement, cache au-dessous d'elle une altération
d'une nature en apparence dilTérente, mais qui très-probablement reconnaît
la même origine. En efi'ef, une incision pratiquée au point de contact des
valvules altérées et prolongée au-dessous d'elles, donne lieu à l'écoulement
d'un liquide épais jaune brunâtre formé de pus et de sang. Ce liquide, dont
la quantité peut être évaluée à ce que contiendraient deux à trois dés à cou-
dre, se trouve collecté dans une cavité dont les parois irréguliôres et anfrac-
tueuses de 5 à 6 centimètres de diamètre , sont formées en avant par
les valvules épaissies et altérées, et en arrière par le tissu musculaire lui-
même. Des granulations élémentaires, des globules pyoïdes très-nombreux,
très-volumineux et parfaitement caractérisés, des globules sanguins et des
débris de faisceaux musculaires, tels sont les éléments qui entrent dans sa
composition.
Voilà le fait tel que je l'ai observé ; si maintenant on me demande à quoi
peut se rattacher cette singulière altération, j'avoue que je l'ignore, le ma-
lade ne paraissant pasavoir jamais présenté aucune atteinte de rhumatisme
ou de syphilis.
Les accès fébriles intermittents me paraissent, toutefois, tenir de la fièvre
paludéenne contractée en Afrique, et à l'altération du cœur qui aurait agi en
grande partie comme cause occasionnelle.
COMPTE RENDU DES SÉANCES
DE
r r
LA SOCIETE DE BIOLOGIE
PENDANT LE MOIS DE JUIN 1860;
Par m. le Docteur J. MARE Y, secrétaire.
PRESIDENCE DE M. RAYER.
I, — Physiologie.
NOTE SUR LE MECANISME DE LA RETRACTION DES ONGLES DES FELIS, ET DES
CROCHETS DES LINGUATULES TROUVÉS DANS LES POUMONS DES SERPENTS;
communiquée, en décembre 1859, par le docteur Henri Jacquart, aide-
naturaliste au jardin des plantes de Paris.
Que la puissance créatrice se manifeste, soit dans l'arrangement des ap-
pareils organiques des animaux les plus petits ouïes plus abaissés dans l'é-
chelle des êtres, soit dans la disposition des armes formidables dont elle a
pourvu certains vertébrés les plus élevés, la simplicité des moyens qu'elle
met en usage n'est pas moins admirable. On ne saurait méconnaître l'unité
ou l'uniformité des procédés employés pour obtenir des résultats sem
blables.
C'est ainsi . par exemple, qu'on voit s'opérer par le même mécanisme, dans
54
l'état de repos, la rétraction des ongles du lion et de tous les félis, et celle
des crochets des lingualules qui liai)itent les poumons des opiiidiens, et
qui, après avoir élé regardt-s pendant longtemps comme des vers, sont ran-
gés maintenant parmi les crustacés parasites.
Toutefois on ne saurait se défendre d'un certain étonnement à la vue de
cette analogie entre deux types si éloignés l'un de l'autre par le rang qu'ils
occupent dans la série animale.
Chez les félis l'agencement des ongles avec les dernières phalanges et de
celles-ci avec les secondes est généralement connu et décrit dans tous les
ouvrages d'anatomie comparée. 11 nous semblerait donc inutile de le rappe-
ler, si une description succincte ne devait faire mieux ressortir la similitude
de leur disposition avec celle des crochets de nos linguatulcs.
Nous avons sous les yeux deux pièces appartenant à la collection d'ana-
tomie comparée du Muséum : c'est le membre antérieur droit d'un jeune
tigre revêtu de ses ligaments, et de ses muscles et le squelette du membre
thoracique d'un autre, et c'est sur elles que nous faisons notre description.
La configuration de la dernière phalange, ou phalange unguéale des doigts
et des orteils, est tellement particulière chez les félis que, lorsiiuc cette
phalange est dépourvue d'ongle, elle est à peine reconnaissablc. En eCTet,
qu'on se figure un énorme capuchon osseux du fond duquel s'avance une
première crête ou cloison très-épaisse en avant, plus mince en haut et eu
arrière, terminée dans le premier sens par un bord tranchant et arrondi et
laissant entre lui et le sommet du capuchon un espace égala peu près au
tiers de l'étendue de la cavité de celui-ci, puis au-dessus une espèce de pe-
tit crochet osseux recourbé et comme placé là pour ajouter encore à la so-
lidité de l'emboîtement de l'ongle par la phalange. Ces deux crêtes s'en-
gagent profondement dans la substance cornée de l'ongle, et celui-ci leur
est soudé étroitement par l'iiitermédiairo de sa matrice et des parties molles.
Nous supposons ici (pie la i)]ialangc unguéale est relevée, car si elle est
abaissée, l'excavation du capuchou osseux que nous décrivuns comme an-
térieure devient inférieure.
La loge creusée dans la face palmaire de la phalange pour recevoir l'ongle
n'en occupe que les deux tiers de la longueur; le reste de cet os est ar-
rondi. Mais au lieu de s'articuler avec la seconde phalange par l'extré-
mité opposée au capuchon, c'est par une facette située au-dessous de la
convexité de celui-ci, et par conséquent à la face dorsale de la phalange
que celle-ci s'articule avec la tête de la seconde. Un ligament fibreux jarme
élastique s'attache sur le côté externe de cette tète, et de là s'insère en haut
et en dehors à la convcxiff'- du capuchou qu'elle relève.
De plus la seconde phalange sur sa face externe est excavéc de manière
à permettre à la phalange unguéale, complètement relevée, de venir s'y lo-
ger et se coucher en quelque sorte contre elle.
55
Le ligament toujours tendu par son élasticité, l'est fortement quand la pha-
lange est abaissée, et beaucoup moins quand elle est relevée. C'est par l'ac-
tion de ce ligament que la nature a remplacé, dans l'état de repos, la con-
traction des muscles extenseurs. C'est ainsi que les ongles des félis ne sont
pas exposés à être à chaque instant usés par les frottements contre le sol,
et qu'il n'y a aucune dépense de force musculaire pour obtenir l'intégrité
de ces armes puissantes dont ils sont pourvus. Voilà ce qui se passe dans
l'état de repos des muscles qui relèvent les phalanges unguéales. Mais on
comprend que hors cet état l'animal peut contracter les nombreux muscles
extenseurs de ces phalanges.
Ainsi la rétraction en haut des phalanges unguéales des doigts se fait pas-
sivement par le jeu du ligament élastique, mais elle peut encore avoir lieu
activement par la contraction des muscles extenseurs.
Dans ces derniers temps (avril 1859), ayant obtenu de M. le professeur
Auguste Duméril la faveur de faire l'autopsie de deux pythons de Zéba, dont
l'un, le plus gros serpent qu'on ait pu admirer dans la ménagerie des reptiles,
était long de 4 mètres 30, et l'autre de 3 mètres, nous fûmes assez heureux
pour trouver dans leurs poumons des linguatules en assez grand nombre
dont les mâles avaient environ 5 centimètres de longueur, et les femelles
13 à 14. Nous avons constaté que ces linguatules appartenaient à l'espèce
désignée par M. Van Beneden sous les nom de linguatula Diesingi. Seulement les
siens étaient des nains, et les nôtres sont des géants. Nous avons pu confirmer
toutes ses belles observations sur l'anatomie des linguatules. Ce n'a pas été
sans une profonde admiration pour l'habilité qui lui a permis de voir sur
des objets microscopiques, ce que nous n'avons constaté qu'avec labeur sur
des individus presque faciles à disséquer à l'œil nu. Mais, aussi favorisé
que nous étions par les grandes proportions de nos linguatules, nous avons
redressé ou complété quelques particularités qui avaient été omises ou in-
complètement observées par l'illustre micrographe que nous venons de
nommer. Ainsi, par exemple, nous avons étudié d'une manière plus com-
plète leurs crochets, les différentes pièces qui en dépendent. Nous avons
disséqué les muscles qui les meuvent, et les nombreux nerfs qui se rendent
à ces muscles.
Mais pour le moment nous nous bornerons à exposer ce qui fait le sujet
de cette communication, c'est-à-dire que nous décrirons d'abord les cro-
chets des linguatules, et les différentes pièces qui forment en quelque sorte
le squelette du levier sur lequel s'insèrent leurs muscles moteurs, puis le
ligament élastique qui les fait rétracter en arrière et qui répond à celui
des phalanges unguéales des félis.
Ce qui constitue le crochet proprement dit des linguatules correspond
exactement à la partie cornée de l'ongle des félis ; il en a toute la forme.
C'est ce que nous est facile d'établir eu comparant les dessins que nous
56
avons faits des deux et d'après lesquels on serait tenté de les confondre. Une
seconde pièce beaucoup plus petite se soude à ce crochet, mais peut en être
séparée; elle a la forme d'un petit triangle dont un bord s'unit à la base du
crochet, et les deux autres concaves et latéraux sont joints par une mem-
brane à la troisième pièce dont nous parlerons plus loin. L'une des faces
de cette plaque triangulaire est convexe et regarde vers la tête; l'autre, con-
cave, est tournée vers la queue de l'animal.
La disposition de la troisième pièce, la plus volumineuse des trois, rap-
pelle assez bien celle du cartilage thyroïde du larynx de l'homme, si ce n'est
qu'elle n'a que deux grandes cornes et pas de petites. Celles-là sont tour-
nées en avant, et viennent de chaque côté s'unir sur le milieu de la circon-
férence de la base du crochet qui est ainsi fixé à la fois en avant à la
deuxième pièce triangulaire déjà décrite, et en arrière aux deux grandes
cornes que nous venons d'indiquer. De nombreux muscles très-puissants
s'attachent aux différentes pièces formées de kytine qui constituent le sque-
lette des annexes du crochet et le crochet lui-même et peuvent le mouvoir,
soit pour le relever, soit pour l'enfoncer dans les tissus, et ils représentent les
muscles fléchisseurs et extenseurs qui meuvent les troisièmes phalanges des
félis. Mais nous renvoyons à un autre mémoire leur description, et nous nous
contenterons d'indiquer le ligament qui, dans l'état de repos, c'est-à-dire
lorsque le linguatule ne fait pas jouer les muscles moteurs de ses crochets,
par sa seule élasticité, les maintient enfoncés dans les tissus. C'est un petit
ligament qui s'insère d'une part à la partie postérieure et inférieure de la
base de l'ongle, et de l'autre à la face interne de l'enveloppe de l'animal
Comme on le voit, pour être semblable au ligament élastique qui rétracte
les phalanges unguéales de félis, il devrait s'insérer en avant et en haut à la
base du crochet, à l'union de cette base avec la convexité de ce crochet, et
le relever ainsi en avant. Mais cela tient à ce que l'état de repos pour les
ongles des félis est en sens inverse.
Les ongles du tigre se rétractent en haut dans l'état de repos ; les crochets
des linguatules se portent, au contraire, en bas, pour les fixer dans les tissus,
de manière à leur éviter l'effort continuel de contraction musculaire, qu'il
leur aurait fallu sans cela pour rester immobiles. Ils ne contractent les
muscles redresseurs des crochets que lorsqu'ils veulent, afin de changer de
place, les sortir des organes où ils les avaient implantés pour les enfoncer
dans d'autres points. Nos recherches sur le système nuisculairc des lingua-
tules n'étant pas encore achevées, nous ne saurions l'affirmer, mais il est
probable, si l'on en juge par l'analogie, qu'il y a, comme nous l'avons dit, des
muscles qui sont destinés à faire pénétrer plus éncrgiquement, que par le
jeu du ligament rctracteur, les crochets des linguatules dans l'action de pro-
gresser, ou de fouir en quelque" sorte dans les tissus, à la manière des
taupes. j.
S'il est permis, comme Ta dit Virgile, minima parvis componere, on voudra
bien nous pardonner d'avoir ainsi comparé le mécanisme qui rétracte dans
l'état de repos les phalanges unguéales du lion, et les crocliets des lingua-
tules trouvés dans les poumons des serpents. Tout en sentant la disparité
des termes de cette comparaison, telle est notre admiration pour les sa-
vantes doctrines de GeolTroy-Saint-Hilaire, que nous n'avons pu nous em-
pêclier d'esquisser ici les principaux traits de l'analogie des moyens em-
ployés en sens inverse, pour arriver au même résultat : remplacer la
contraction des muscles par l'élasticité d'un ligament.
II. — Toxicologie physiologique.
CONCLUSIONS d'un RAPPORT FAIT PAR UNE COMMISSION DE LA FACULTÉ DE
MÉDECINE DE NAPLES, SUR LES EFFETS TOXIQUES ET PHYSIOLOGIQUES DU
CYCLAMEN ET DE LA CYCLAMINE ; SUIVIES DE REMARQUES DE M. VULPIAN SUR
l'action de la CYCLAMINE
Une commission delà Faculté de médecine de l'Université royale de Naples
a été instituée pour examiner si l'usage de la pêche à l'aide du cyclamen
offre des dangers au point de vue de l'alimentation publique. Un rapport
très-étendu, contenant de nombreuses recherches toxicologiques et physio-
logiques a été publié Tannée dernière, et un exemplaire de ce rapport a été
offert à la Société de biologie.
La commission était composée des professeurs Stefano délie Chiaje, Fr.-S.
Scarpati, Pasqualedurli, G. Trinchera et Salvi de Renzi, rapporteur. Les ex-
périences ont été faites par M. E: rico de Uenzi, et répétées, pour la plupart,
par la commission.
Le sujet de ce rapport étant intéressant à plusieurs points de vue, il n'est
pas inopportun de donner connaissance à la Société des principales conclu-
sions déduites des expériences soit par M. Errico de Renzi, soit par la com-
mission. Le travail se divise en deux parties : l'une d'elles est consacrée à
l'étude toxicologique du cyclamen, l'autre aux recherches physiologi-
ques.
PREMIÈRE PARTIE. — CONCLnSIOÎIS.
1" Le cyclamen est un poison très-actif pour les grenouilles et les pois-
sons, et son action toxique n'est pas due uniquement à la cyclamine.
2« De quelque manière que le cyclamen soit introduit dans l'économie chez
les oiseaux, il produit toujouis la mort ; seulement sou action est plus faible
que celle qu'il a sur les grenouilles.
3° Le cyclamen est une substance à peu près inoffensivc, s'il est introduit
dans l'estomac des mammifères : injecté dans la trachée ou le tissu cellu-
laire, il est toxique, mais lentement, et seulement à fortes doses.
58
4» L'action vénéneuse du cyclamen sur l'horame n'est pas sensible : il n'a.
qu'une action irritante.
50 Les poissons empoisonnés par le cyclamen ne sont pas vénéneux pour
l'homme qui les mange.
DErXlÈSIE PARTIE. — COSCLtSIOSS.
Chap. ï. — Action sur le système nerveux. — 1° L'action de la cyclamine se
produit d'abord sur le cerveau, puis sur la moelle épinière, ensuite sur les
nerfs, et, en dernier lieu, sur les muscles.
2o Outre l'action générale, la cyclamine exerce une action locale sur les
nerfs, détruisant dans le lieu d'application l'irritabilité nerveuse.
3» L'action de la cyclamine porte sur les nerfs moteurs, en respectant le
pouvoir sensilif des mêmes nerfs.
CiiAP. II. — Action sur le système musculaire. — 1" Le cyclamen, après
avoir détruit le pouvoir moteur des nerfs, détruit encore l'irritabilité mus-
culaire.
2° En plaçant directement au contact d'une solution de cyclamen les mus-
cles d'une grenouille, ceux-ci perdent bientôt leur excitabilité.
3" Le cyclamen, par l'action qu'il exerce sur le pouvoir moteur des nerfs
et sur les muscles, diffère beaucoup du curare.
Chap. III. — Action sur le sang.— l" La cyclamine et le cyclamen facilitent
beaucoup la putréfaction du sang.
2» Les carbonates de soude et de potasse enlèvent en bonne partie à la cy-
clamine la propriété septique susdite.
Chap. IV. — Action du cyclamen introduit dans le tissu cellulaire ou dans
l'estomac. — i" La cyclamine et le cyclamen déterminent une gangrène, par
injection dans le tissu cellulaire sous-cutané; et introduits dans un orga-
nisme vivant ou mort, ils facilitent toujours la putréfaction.
2° Le cyclamen introduit dans l'estomac des mammifères ne produit pas la
mort, à cause de ral)sorption peu active qui s'en fait par cet orgaue, de la
lenteur et de la nature de son action.
CiiAP. V. — Mécanisme de la mort chez les animaux empoisonnés par le cy-
clamen. — Chez les mammifères, la mort survient en partie par l'action géné-
rale, mais spécialement par la gangrène, qui a lieu au point où a été faite
l'injection; chez les grenouilles et les poissons, la mort advient par l'action
vénéneuse que la cyclamine produit sur le système nerveux.
Chap. VI. — Classification du, cyclamen parmi les autres poisons. — Le cy-
clamen doit être placé parmi les poisons uarcotico-âcres.
59
Conclusions générales énoncées par la commission qui a répété les expériences
de M. E. de Renzi.
1° Les poissons ressentent d'autant plus facilement l'action du cyclamen
qu'ils sont plus petits et plus délicats.
2» L'effel immédiat et le plus sensible de l'empoisonnement par la cycla-
mine est l'abolition de toute faculté des nerfs moteurs, suivie de l'altératiOD
du sang, de l'aspbyxie et delà mort.
3' Les poissons récoltés par ce moyen ne sont pas vénéneux pour l'homme
qui les mange; mais ils peuvent devenir insalubres quand ils ne sont pas
mangés aussitôt après avoir été récoltés, à cause de leur corruption facile et
rapide.
4° L'eau de la mer et des fleuves qui tient en solution une petite quantité
de suc de cyclamen ou de cyclamine, devient vénéneuse pour des généra-
tions entières de poissons, fait mourir plus facilement les petits i)oissons
éclos depuis peu, et rend ainsi plus rare et plus coiîteuse une nourriiure si
utile à l'économie animale et si importante pour l'industrie.
5° On doit donc éviter la pèche à l'aide du cyclamen, parce que c'est un
moyen qui empoisonne les poissons et qui livre au commerce un aliment
peu salubre, et parce qu'il faut ménager un aliment précieux et sain. (Août
1859.)
REMARQUES DE M. VULPIAN, A L'OCCÂSION DE CE RAPPORT,
SUR L'ACTION DE LA CYCLAMINE.
Les observations que je désire présenter à la Société, au sujet du rapport
de la commission de Kaples sur la cyclamine, sont principalement relatives
à la partie physiologique de ce rapport. La commission a été conduite par
ses expériences à admettre que « l'effet immédiat et le plus sensible de l'em-
* poisonnement par la cyclamine est rabolition de toute faculté des nerfs
« moteurs, suivie de l'altération du sang, de l'asphyxie et de la mort. » Or, il
y a un autre effet qui n'a point frappe la commission et qui est cependant
très-saillant, très-important, peut-être le plus important de tous. Cet effet, je
l'avais déjà signalé en 1858 (COiMPTES rendus de la Soc. de biol., p. 78 et 79j.
Je n'avais pas alors pu essayer la cyclamine sur des poissons, et j'avais dû
borner mes expériences aux embryons de grenouille et de triton et aux gre-
nouilles elles-mêmes.
J'avais vu alors que la cyclamine a une action toute spéciale sur le tégu-
ment externe : c'est, disais-je, une sorte d'action vésicante. J'ai, depuis, ré-
pété ces expériences, j'ai pu les faire sur des poissons, et le résultat a été
d'accord avec celui que j'avais consigné, en 1858, dans les Comptes rendus
DE LA Société.
Voici, en résuméi ce qu'on observe lorsqu'on met une grenouille dans une
Bolution aqueuse et assez faible de cyclamine. Souvent, dès le début, il y a
de l'agitalion, des efforts pour fuir; il semble y avoir une assez vive excita-
tion : dans d'autres cas, l'animal reste calme. Peu de temps après et avec d'au-
tant plus de rapidité que la solution est plus forte, on reconnaît déjà quel-
ques signes indiquant l'action de la cyclamine. La peau, sur diverses parties
du corps, particulièrement sur les avant-bras et sur les jambes, prend d'or-
dinaire une teinte légèrement Mancbâtre, visible surtout dans une direction
oblique du regard. Les paupières acquièrent également une teinte analogue,
et il devient de pins en plus manifeste qu'elles perdent leur transparence.
En même temps on constate une assez riche injection de la membrane inter-
digitale ; on peut même quelquefois découvrir une vascularisation anormale
des yeux. Ce sont là les effets que détermine le plus souvent la cyclamine
pendant les premières heures de l'immersion. Lorsque, par les progrès de
son influence délétère, la substance a déterminé la mort, on trouve, en gé-
néral, la grenouille dans son attitude normale, sans que rien puisse dénoter
qu'elle ait eu des convulsions dans les derniers temps de sa vie. Dans une
solution contenant une dose suffisante de cyclamine pour déterminer la mort,
celle-ci a lieu en moins de vingt heures. Au bout de vingt heures même, il y
a souvent déjà une légère odeur de putréfaction. Mais lorsque la solution est
assez forte, la mort peut être beaucoup plus prompte. Ainsi dans une solu-
tion de 5 centigrammes de cyclamine dans 150 grammes d'eau, une grenouille
est morte en une heure (H. Dans ce cas, les phénomènes ont marché avec
une rapidité exceptionnelle, et l'on a pu les observer d'une façon continue
et très-complète : il n'y a pas eu la moindre convulsion, tout s'est borné à de
l'agitation au début. Lorsque les mouvements respiratoires ont déjà cessé et
que la mort peut être considérée comme définitive, on peut s'assurer facile-
ment que les mouvements du cœur persistent encore quoique bien modifiés;
de plus, on peut retrouver quelques traces d'excitabilité nerveuse et de con-
iractilité musculaire dans les muscles des memhres, de l'appareil hyoïdien,
de l'estomac, etc. Souvent les membranes interdigitales sont gonflées et in-
filtrées d'une sérosité sanguinolente ; dans d'autres cas, c'est l'épiderme qui
est soulevé par cette sérosité sous l'orme de phlyctènes. Les membres eux-
mêmes paraissent quelquefois tuméfiés et infiltrés. Ces diverses altérations
se produisent dans certains cas après que les mouvements ont cessé, et sont
dues à l'action persistante et progressive de la cyclamine, même après la
mort. 11 n'est pas rare de trouver le liquide dans lequel la grenouille a péri,
(I) Les grenouilles ont toujours été placées dans la solution de cyclamine,
de telle sorte q\i'elles eussent une partie de la tête hors de l'eau, tout eu cou-
Fcrvant leur attitude normale.
61
teint en jaune par l'issue exosmotique du sang-, et on y constate aisément la
présence de l'albumine par la chaleur ou par l'acide azotique.
La peau, chez les grenouilles soumises à rinlliicnce de la cyclamine, et
longtemps avant la mort, présente une injection sanguine considérable, d'une
teinte noirâtre, injection dont nous avons déjà noté l'indice dans la vascularisa-
tion des membranes intcrdigitalcs. Celle injection s'explique et par l'excita-
tion des nerfs cutanés et peul-élrc aussi par les modifications nutritives dé-
terminées dans les éléments de la peau par la cyclamine. Dans quelques cas
de mort assez rapide, on voit les grenouilles, peu de temps avant l'abolition
des mouvements, être prises d'efTorts de vomissements. On remarque facile-
ment alors que la membrane muqueuse buccale est injectée, et des mucosités
visqueuses et assez abondantes peuvent être amenées dans la cavité buc-
cale, s'y accumuler, s'opposer à la respiration en couvrant complètement l'o-
rifice glottique, et contribuer ainsi à la mort par l'asphyxie.
Quant à la dose de cyclamine nécessaire pour donner à l'eau une action
léthifère sur les grenouilles, il n'est pas possible de la préciser, les propor-
tions variant nécessairement suivant de nombreuses circonstances. Dans mes
expériences, des grenouilles sont mortes dans une solution contenant une
quantité de cyclamine égale à la six-millième partie de son poids; elles sont
restées vivantes dans une solution au quarante-millième.
Les tritons meurent aussi dans la solution de cyclamine, et le phénomène
le plus manifeste après la mort, c'est le soulèvement de l'épiderme.
J'ai cherché à tuer des grenouilles en introduisant la cyclamine solide, soit
sous la peau, soit dans l'estomac, soit dans le rectum. Dans ces conditions, la
mort a presque toujours eu lieu ; mais les eCfets ont été assez lents, surtout lors-
que la quantité de cyclamine n'était pas considérable. Généralement la mort
n'était pas encore survenue au bout de vingt-quatre heures. Les grenouilles qui
ont survécu sont celles chez lesquelles la substance avait été portée dans l'es-
tomac ; mais il a été facile de constater qu'elles n'avaient échappé aux elTets
ordinaires que par suite même de l'action irritante de la cyclamine : il y avait
eu une abondante sécrétion de mucus épais et tenace, lequel avait enveloppé
le fragment de matière étrangère, et le tout avait été rejeté par des efforts de
Yomisseraent. Lorsque les grenouilles ont, au contraire, conservé dans l'es-
tomac la cyclamine introduite, elles sont mortes, et l'on a remarqué une
teinte rouge sombre des voies digestives supérieures et une sécrétion consi-
dérable de mucosités.
Les embryons de grenouille sont extrêmement sensibles à l'action de la
cyclamine. Dès qu'on les a fait passer dans une solution de cette substance,
ils s'agitent avec rapidité; et il est bien évident, parla nature de leurs mou-
vements, qu'ils éprouvent une impression douloureuse trè.s-violente. J'ai déjà
indiqué en 1S58 ce qui se passe dans cette expérience, les embryons sont
bientôt épuisés, puis ils tombent au fond du va?e et font do vains eCTorts pour
62
remonter jusqu'à la surface du liquklc. Leurs mouvemenis deviennent irré-
guliors, et, à un certain moment, qui ne tarde pas à arriver, ils se débattent
sur place ou en s'élevant un peu dans le liquide ; ils se courbent brusquement
en denii-cerclc, altcrnativenient sur les deux côtés du corps. Enfin, ils ne
quittent plus le fond, et ne font plus que remuer légèrement la nageoire cau-
dale.
Ce qui est le plus remarquable dans rinflucncc exercée sur les larves de
grenouille par la cyclamine, c'est la rapidité avec laquelle leurs tissus se
désagrègent. Dès les premiers moments de l'action de la substance, la peau
se revêt comme d'un léger voile blanchâtre, puis une sécrétion muqueuse s'y
produit; la larve couverte ainsi d'une matière visqueuse qui se soulève en
certains points sous forme filamenteuse, retient tous les corpuscules avec
lesquels elle se trouve en contact. Avant même que les mouvements aient
complètement disparu, on aperçoit que la peau se détacbe du corps, princi-
palement sur la nageoire caudale : celle-ci parait tomber en détritus. C'est
quelques minutes après que la larve a été mise dans la solution que Ton voit
se produire ce phénomène. Si Ion examine alors l'animal au microscope, on
voit les fragments d'épiderme séparés du corps, et déjà les tissus sous-ja-
cents s'altèrent ; les cellules sont plus transparentes, leur noyau plus accusé,
oà et là des cellules se disjoignent; d'autres sont même isolées et se dissé-
minent dans ic liquide sous rinlluence de la préparation. Si l'on tarde trop à
faire l'examen microscopique et si la solution n'est pas trop diluée, la larve
n'ofTre plus, un quart d'heure ou une demi-heure après la mort, qu'une petite
masse grisâtre produite par le déliquium presque complet des tissus dont on
reconnaît encore cependant au microscope les parties les plus centrales.
Lorsque les embryons de grenouille sont plus âgés, on obseï ve encore les
mêmes phénomènes; mais ils sont nuiins rapides et les efTetssont moins pro-
fonds. Chez les têtards déjà bien développés, comme chez les larves, on voit
se manifester une teinte blanchâtre sur toute la surface du corps. Une sécré-
tion muqueuse se montre pareillement, emprisonnant des bulles d'air ou les
corpuscules flottants du liquide. La teinte blanchâlro est due à l'altération de
la couche suiierficielle de l'épidcrme. Lorsque la solution est assez concen-
trée, qu'elle contient pur exemple un deux-millième de son poids de cycla-
mine, on reconnaît très-bien, par l'agitation extrême du têtard, combien l'ac-
tion de la substance est irritante. Quand l'influence est déjà bien prononcée,
l'épiderme se détache avec la plus grande facilité. Ce soulèvement do l'épi-
derme chez les têtards et la désagrégation des parties plus profondes chez
les larves se déclarent dès avant la mort couiplète; et c'est là un fait dont il
faut tenir grand compte dans l'appréciation des causes de ces phénomènes.
\][\ autre fait qui doit aussi être pris en considération, c'est que ces altéra-
tiuns se produisent par action directe sur les tissus et qu'il n'est besoin ni
de l'intermédiaire du sang ni du concours du système nerveux pour qu'elles
63
s'o[jèrent. Des larves de grenouilles retirées de leur sphère enveloppante,
n'ayant point encore de circulation, subissent les mêmes effets que les larves
plus développées. Une queue, détachée du corps d'une larve et plongée dans
une solution de cyclamine, offre exactement les phases d'altération précé-
demment indiquées, et ces phases sont aussi rapides.
La solution aqueuse de cyclamine estléthifère pour les têtards elles larves
de grenouille, alors même qu'elle est à un haut degré de dilution. De gros
têtards meurent dans une solution contenant moins de un cent-millième de
son poids de cyclamine. Des larves à branchies extérieures succombent dans
une solution au deux cent-millième ; mais dans des solutions aussi diluées,
la mort n'arrive qu'au bout de plusieurs heures. Dans une solution contenant
un millionième de son poids de cyclamine, les têtards et les embryons ne
meurent pas, et ils s'y développent très-bien.
L'action de la cyclamine sur les poissons ne parait pas différente de ce
qu'elle est chez les têtards. Dans une solution aqueuse contenant un vingt-
millième de son poids de cyclamine, des petites carpes ayant les unes 8, les
autres 10 centimètres de longueur sont mortes en moins d'une heure et de-
mie. Dix minutes après son immersion dans la solution toxique, le poisson
offrait déjà une teinte opaline très-marquée sur la surface du corps, et cette
teinte envahissait bientôt la surface des yeux. Au bout de vingt mimites, l'a-
nimal paraissait souffrant : une demi-heure après le début de l'expérience,
ses mouvements respiratoires avaient diminué d'amplitude; il se renversait
sur un des côtés du corps et ne se relevait plus que de temps eu temps, ou
bien sous Tinfluence des excitations. Bientôt le poisson n'effectuait plus au-
cun mouvement spontané; les excitations répétées et vives déterminaient
cependant encore de très-légers mouvements de la nageoire caudale et des
autres nageoires. Enfin l'immobilité devenait absolue, le poisson était mort.
L'examen de la couche blanchâtre développée sur le corps et sur les yeux a
été fait au moyen du microscope ; c'était partout de l'épideime soulevé. En
écartant les opercules, ou voyait les branchies pins ou moins décolorées,
gonflées et recouvertes aussi d'une couche blanchâti e qu'on détachait facile-
ment. Cette couche était constituée par de l'épithélium des branchies; elle
augmentait beaucoup d'épaisseur après la mort lorsqu'on laissait le poisson
dans l'eau.
Ce sont là les phénomènes les plus constants déterminés sur les poissons
par la solution aqueuse de cyclamine. Toutes les fois que la mort a eu lieu, on
a vu très-nettement la couche blanchâtre formie par le soulèvement de l'é-
piderme. La marche des phénomènes est d'autant plus rapide que la quantité
de cyclamine est plus considérable. Dans une solution contenant un deux
cent-millième de son poids de cyclamine, une petite carpe de 10 centimètres
de longueur ne meurt qu'au bout de plusieurs heures, bien que dans ces con-
ditions, oo constate déjà la présence de la couche blanchâtre d'épiderme
G 4
soulevé au bout il'nn quart d'iieure, otque l'équilibre soit perdu deux ou trois
lieures après le début de l'expérience. Dans une solution au millionième, des
carpes d'une dimension analogue ne meurent pas (Ij.
Lorsque la mort se produit lentement, la putréfaction ne semble pas s'em-
parer aussi vile des poissons que lorsque l'intoxication est plus prompte.
La cyclamine fait périr non-seulement les poissons, mais encore certains
animaux aquatiques ; et, ce qui est assez remarquable, elle est sans influence
manifeste sur d'autres animaux vivant également dans l'eau. Les naïdes suc-
combent eu dix minutes dans une solution contenant un quarante-millième de
son poids de cyclamine. Elles s'agitent d'abord violemment, jmis perdent peu
à peu leur vivacité et se couvrent d'une exsudation visqueuse à laquelle ad-
hèrent toutes les particules flottantes du liquide. Elles deviennent enfio
presque opaques, et leur sang se répartit irrégulièrement dans les difl"érents
points du corps. Lorsqu'on veut examiner les naïdes mortes au microscope,
(1) La nicotine a sur les poissons une action au moins aussi énergique que
la cyclamine. On avait préparé un liquide composé de 450 grammes d'eau
dans lequel on avait agité une baguette de verre dont une extrémité avait été
plongée dans un tube contenant une ou deux gouttes de nicotine pure. Il n'y
avait donc en solution que la petite quantité de nicotine qui avait adhéré à
l'extrémité de la baguette. Une carpe de 10 centimètres de longueur mise
dans ce liquide, se mit presque aussitôt à s'agiter dans tous les sens, après
quelques minutes, l'animal devint plus tranquille, mais il présentait de temps
à autre de petites secousses dans les nageoires abdominales et pectorales;
puis il se coucha sur le flanc. Une demi-heure après l'immersion du poisson
dans la solution, il était en état do mort apparente, mais exécutait encore
quelques mouvements brusques quand on l'excitait vivement. Au bout d'une
heure on le met dans l'eau pure, mais il ne revient pas à la vie; le lende-
main, on trouve les branchies gonflées, laissant sortir du sang dans l'eau,
et recouvertes d'un abondant épidcrme.
Dans cette même solution l'on avait mis une petite ablette qui avait aussi
été prise aussitôt d'agitation, puis de secousses convulsives dans les na-
geoires, et après cinq minutes était déjà renversée sur le flanc, en état de
mort apparente. On la transvasa alors dans l'eau pure; elle revient peu à
peu à peu à la vie, et est tout à fait rétablie au bout d'une demi -heure.
Cette même ablette, qui avait G centimèlrcs de longueur, et une petite carpe
de 10 centimètres de longueur, sont mortes dans une solution de la quantité
de nicotine précédemment indiquée, dans trois litres d'eau. La mort n'a eu
lieu qu'après plusieurs heures. L'ablette avait présenté de l'agitation au dé-
but; puis était survenu un calme interrompu de temps à autre par un fré-
niissoment des nageoires pectorales.
or)
on constate quelles ?ont fortement ramollies ; elles se brisent sous l'influence
sente de leur poids.
Parmi les infusoires, les vorticelles sont ceux qui sont le plus sensibles
aux propriétés de la cyclamide; leur mort a lieu en quelques minutes dans
une solution étendue de cyclamine. Leurs mouvements cessent; les animaux
se ramassent sous forme de boule, et, de leur orifice resserré, sortent immo-
J5iles leurs cils Yibratiles réunis en pinceau. Leur structure intérieure ne
tarde pas à se modifier; ils ont alors perdu toute faculté de revenir à la vie
dans de l'eau pure. Souvent leurs filaments pédiculaires se contractent jus-
qu'à amener au contact tous leurs tours de spirale, et demeurent ainsi rac-
courcis après la mort (1).
Comme contraste de ces faits, on doit mentionner l'immunité dont jouis-
sent d'autres animaux. Les cyclops résistent complètement à l'action des so-
lutions étendues de cyclamine ; j'ai vu de même un argule et des larves de
chironomus plumosus n'éprouver aucune atteinte. Ainsi la cyclamine n'agit
pas avec la même énergie sur tous les animaux aquatiques. Quoi qu'il en
soH, ces expériences montrent aussi combien la destruction produite par
cette substance dans les eaux est étendue, puisque des populations entières
d'infusoires et d'autres animaux aquatiques sont atteintes en même temps
que les poissons.
Enfin, et pour terminer la partie expérimentale de ces observations, nous
dirons que nous ne sommes pas tout à fait convaincu par les expériences de
la commission, relativement à Taction de la cyclamine sur les oiseaux. Au-
cun des faits relatés n'est complètement démonstratif. On commence par
établir, et avec beaucoup de raison, que l'on doit être très-scrupuleux dans
les conclusions à tirer des expériences sur les oiseaux, parce que l'asphyxie
se produit très-rapidement chez eux, et que la cyclamine peut, dans cer-
taines circonstances, la déterminer facilement et très-rapidement ; puis, trois
expériences détaillées servent à établir que la cyclamine a une action toxi-
que sur les oiseaux. Or, dans les deux cas où la cyclamine a été injectée
dans le bec, on voit qu'il y a eu asphyxie évidente; et, dans le troisième, la
cyclamine ayant été introduite par l'anus, la mort a été assez lente à sur-
venir pour qu'on puisse douter qu'il y ait eu une véritable intoxication, telle
du moins que paraît l'entendre l'auteur. iN'ous avons cherché à empoisonner
trois moineaux, en leur faisant avaler à plusieurs reprises immédiates, une
assez forte quantité de cyclamine (environ 5 centigrammes de substance
(1) Les conferves elles-mêmes sur lesquelles vivent les vorticelles sem-
blent soumises aux effets de la cyclamine; elles s'altèrent assez rapidement
en moins de vingt-quatre heures; mais il faut ici tenir compte de la putré-
faction qui se développe dans la solution après que les vorticelles et d'autres
infusoires ont été tués
c. R, 5
65
solide). L'un d'eux est raoït au bout d'un quart d'iicurc, et l'on a trouvé la
partie supérieure de la trachée pleine d'un mucus grisâtre, tenace et hui-
leux : il y avait eu certainement aspliyxie. Les autres ont survécu, bien
qu'ils eussent avalé une plus grande quantité do la même substance, mais
l'ingestion avait été faite plus lentement : les seuls phénomènes qu'ils aient
présentés pendant un quart d'heure, et qui ont aussi été notés par la com-
mission, ont consisté dans une anhélation assez grande, pendant laquelle
les oiseaux tenaient le bec ouvert et laissaient ainsi voir la cavité buccale,
dont la membrane muqueuse était vivement injectée.
Après avoir rapporté les diverses expériences que nous avons faites, nous
devons chercher à les interpréter et à découvrir, s'il se peut, le mécanisme
de l'action de la cyclaminc.
S'il est un eCfet constant parmi ceux que produit la solution aqueuse de
cyclamine sur les animaux qui y sont plongés, c'est assurément l'excitation
déterminée sur les tissus cutanés. Cette excitation se traduit par plusieurs
phénomènes.
Les animaux, aussitôt après leur immersion, exécutent en général de ra-
pides mouvements, en cherchant à fuir le milieu délétère. L'agitation est
surtout très-grande lorsque la solution n'est pas très-diluée, et elle s'observe
presque constamment chez les têtards de grenouille, et souvent chez les
grenouilles elles-mêmes; on reconnaît ainsi qu'il y a une irritation plus ou
moins vive du tégument externe. Un autre phénomène vient s'ajouter ou
succéder bientôt au précédent. Une teinte louche, blanchâtre se répand sur
toute la surface du corps, surtout sur les têtards et les poissons, et, comme
je l'ai dit, cette teinte est due à l'altération de la couche superficielle de l'épi-
derme. En même temps, il y a sécrétion d'une matière muqueuse et vis-
queuse qui retient tous les corpuscules avec lesquels le corps de l'animal se
met en contact : cette sécrétion est très-visible sur les larves et têtards de
grenouilles et sur les poissons.
Nous pouvons rappeler aussi que la solution de cyclamine arrête très-ra-
pidement le mouvement des cils de l'épithélium viratile des grenouilles,
ainsi que nous l'avons montré en 1858 ; et ce fait prouve, comme les précé-
dents, l'action énergique de la cyclamine sur les cellules épithéliales et épi-
dermiques.
L'excitation cutanée se manifeste encore par l'injection vive de la peau
chez les grenouilles. La cyclamine irrite donc la surface du tégument ; l'épi-
derme est altéré et ne tarde pas à se soulever si on laisse l'animal dans la
solution. Ce soulèvement de l'épiderme est d'autant plus rapide que l'animal
est plus jeune; aussi se produit-il en quelques minutes chez les embryons
de grenouilles et sur les têtards.
Certains animaux paraissent aussi avoir l'épiderme plus disposé ù se laisser
attaquer par la cyclamine : les poissons sont très-promptement revêtus d'uue
couche blancliâtre qui n'est autre que l'épiderme modifié. Chez les gre-
nouilles, qui résistent plus longtemps à cette inlluence, nous avons vu ce-
pendant des phlyctènes se former sur différeuts points du corps et principa-
lement sur les membres postérieurs et sur les membranes digitales : il y a
donc une sorte de vésicalion. Nous insistons sur ce point, c'est-à-dire sur
l'altération de l'épiderme, parce que nous pensons que c'est là le fait qui
doit nous donner l'explication des phénomènes ultérieurs.
Dans cette action de la cyclamine sur la peau, que voyons-nous? Deux
choses : une irritation évidente de cette membrane si sensible, et une lésion
de l'épiderme. Les mouvements violents que font les animaux pour s'échap-
per, l'injection de la peau, voilà les phénomènes qui se rapportent à l'irri-
tation. Nous voyons un autre phénomène qui en dépend aussi, la sécrétion
d'une matière muqueuse sur toute la surface de la peau. Enfin, la lésion de
l'épiderme se traduit parl'opacité qui s'y développe et par le soulèvement des
couches superficielles. 11 y a là une modification chimique des cellules épider-
miques qui meurent et tendent à se détacher, sous l'influence probable d'une
légère exsudation déterminée entrela couche morte et la couche encore intacte.
On peut voir la modification de l'épiderme s'opérer sous les yeux, en plaçant
sous le microscope une larve de grenouille dans la solution de cyclamine.
Les cils vibraliies de la surface cutanée cessent presque aussitôt de se mou-
voir; puis les cellules épidermiques se détachent par groupes des tissus
sous-jacents et elles subissent en même temps dans leur aspect des chan-
gements réels, mais difficiles à définir. On peut aisément aussi se convaincre
qu'il se fait une exsudation à la surface du corps des animaux mourant dans
la solution de cyclamine : si l'on retire de la solution des têtards de gre-
nouille aussitôt qu'ils sont morts, et si on la filtre, on voit, en vingt-quatre
heures, s'y développer de très-nombreux vibrions dont la formation et la
multiplication ont été favorisées par la présence de la matière azotée que
l'exsudation a fait passer dans la solution. Une partie de la même solution
qui n'a point servi à faire mourir des têtards est conservée comme témoin
et ne contient pas de vibrions. L'exsudation est bien plus prononcée lors-
qu'on laisse les animaux morts dans la solution, car alors elle continue à se
faire et c'est elle qui détermine l'issue de la sérosité sanguinolente que
nous avons rencontrée plusieurs fois mêlée au liquide délétère, dans des cas
où l'expérience était instituée sur des grenouilles.
A ce moment où l'épiderme est altéré dans une partie de son épaisseur,
les efi"ets de la substance ne sont pas encore assez profonds pour que le re-
tour à la vie soit impossible. Des poissons retirés de la solution et mis dans
l'eau courante se sont dépouillés de l'épiderme mortifié, et ils ont recouvré
toute l'intégrité de leurs fonctions, quoiqu'ils fussent déjà très-afTaiblis et
qu'ils eussent perdu leur faculté d'équilibration.
'\/ -ù
m
tlhez les larves de grenouille, lo mécanisme par lequel In mort survient
paraît assez simple. Il y a bien cortaincment une pénétration de plus en plus
profonde de la substance délétère. Sous le microscope, on voit les couches
sous-épiderraiques s'altérer, alors que la larve a encore quelques mouve-
ments; les cellules et les autres éléments deviennent plus transparents, et
leurs noyaux se dessinent plus ncltemcnt. Peu à peu tout mouvement cesse;
les muscles sont alors eux-mêmes atteints et modifiés. C'est une lésion par-
tielle et successive de tous les éléments amenant la mort de l'individu.
En est-il de même chez les poissons et chez les grenouilles? Pour les gre-
nouilles, je n'hésiterais guère à répondre par l'affirmative. La mort est tou-
jours lente, et nous ne voyons rien qui soit comparable à l'action des véri-
tables substances to.xiques. La mort n'arrive point phis rapidement lorsque
la cyclaminc est introduite sous la peau que lorsque l'animal intact est placé
dans une solution suffisamment concentrée de cyclamine. Il n'y a aucun
phénomène qui révèle une influence spéciale de la substance sur le système
nerveux central, ou sur le système musculaire, ou sur le cœur. Lorsque la
mort se produit, c'est graduellement que l'animal s'affaiblit jusqu'au moment
où les derniers mouvements respiratoires cessent, et alors le cœur bat en-
core pendant quelque temps. Il me semble donc que si l'on fait une part à
l'excitation cutanée, laquelle peut déterminer un certain épuisement des
propriétés du système nerveux, ce qui est d'ailleurs très-problématique, tous
les autres phénomènes de l'empoisonnement des grenouilles par la cycla-
mine se bornent à des modifications chimico-physiques qui envahissent de
proche en proche toutes les parties élémentaires des tissus, et y détruisent
les conditions nécessaires aux manifestations vitales.
La circulation qui sert de moyen rapide de transport pour toutes les sub-
tances toxiques ne paraît jouer ici qu'un rôle bien secondaire. Nous avons vu
l'influence de la cyclamine être aussi rapide sur les embryons de grenouille
encore dépourvus de branchies et de circulation que sur les larves plus dé-
veloppées. Chez les grenouilles elles-mêmes, il est certain que le sang n'est
pas le véhicule obligé delà cyclamine. Nous en trouvons d'abord une preuve
dans la lenteur avec laquelle cette substance agit ; mais nous possédons une
autre preuve qui, d'ailleurs, pour être bien appréciée, demande à être pré-
dédée de quelques mots relatifs à l'action de la cyclamine sur le sang. Si
l'on examine au microscope du sang de grenouille bien saine, on voit que
les noyaux des globules rouges sont à peine visibles. Sous l'influence de
l'addition d'eau, ces noyaux deviennent au contraire bien apparents; et si la
quantité d'eau est assez considérable, la substance périphéricpie perd sa co-
loration et devient à peu près imperceptible; do sorte que les noyaux des
globules demeurent très-distincts. Mais supposons que la quantité d'eau
soit faible, et qu'on ait ajouté, par exemple, une petite goutte d'eau à une
forte goutte de sang; l'action de l'eau sera très-peu marquée, et se bor-
69
nera même à rendre uu peu plus manifestes les noyaux des globules. Si cette
même épreuve est faite avec une gouttelette de solution aqueuse et étendue
de cyclamine, mêlée à une forte goutte de sang, on verra immédiatement
tous les globules perdre leur aspect normal, et l'on n'apercevra plus que leur
noyau environné à une certaine distance, au moins dans un assez grand
nombre, par un contour plus ou moins difTicile à reconnaître. La matière co-
lorante aura abandonné le globule pour passer dans le liquide ambiant. C'est
là un effet qui ne manque jamais.
Il est probable que, si la cyclamine pénétrait dans le système circulatoire
des grenouilles, le sang conserverait des traces profondes d'un contact si of-
fensif. Or le sang des grenouilles tuées par la cyclamine ne présente aucun
caractère constant qui le distingue du sang des grenouilles mortes dans
d'autres conditions, La seule modification qu'on y constate dans certains cas,
quelque temps même avant la mort, est sous la dépendance d'une putréfac-
tion anticipée, sur laquelle je reviendrai tout à l'heure. Je me crois donc au-
torisé à établir que la cyclamine ne doit pénétrer dans le sang qu'à des doses
infiniment petites. Mais ne pourrait-on pas admettre que la cyclamine recèle
un principe non isolé, véritable agent d'intoxication, doué d'autres propriétés
chimiques que la cyclamine, et qui seul pénétrerait dans le sang? Rien ne
parle en faveur de cette hypothèse. Au contraire, elle nous semble enversée
par les faits que nous avons déjà indiqués : chez les grenouilles soumises à
l'action de la cyclamine , on ne voit se manifester aucun phénomène qui in-
dique un transport de cette substance; introduite sous la peau, et mise par
conséquent dans les meilleures conditions de l'absorption, elle n'amène pas
la mort plus rapidement que lorsqu'on fait l'expérience en plaçant les ani-
maux dans une solutiou de cyclamine , ce qui est en complète opposition
avec ce qu'on remarque pour les poisons qui passent réellement dans la cir-
culation.
Je résume ce qui précède en répétant que c'est directement que la cycla-
mine agit sur les tissus, et qu'elle les altère progressivement des parties où
a lieu le contact vers les parties les plus éloignées. Rien ne s'oppose d'ail-
leurs à ce qu'on admette cotte pénétration directe et, jusqu'à un certain point,
indépendante de la circulation. Chez les grenouilles , qui sont seules en
cause ici, l'étude des substances toxiques démontre la réalité de ce fait dans
un grand nombre de circonstances , et ce fait a été signalé par plusieurs
physiologistes, entre autres par M. A. Moreau (Mém. delà Soc. de biologie,
1855, p. 173 et suiv.).
En adoptant notre manière de voir, il est facile de comprendre les diverses
particularités observées par la commission de Naples dans ses expériences.
La mort des muscles , celle des nerfs , lorsque ces organes sont plongés
dans la solution de la cyclamine, nont rien qui puisse nous étonner. La con-
servation de la sensibilité dans les nerfs , alors que la motricité y semble
70
perdue, s'explique encore lacilement. Ce n'est là qu'une apparence : la cy-
clamine n'a aucune action élective sur les nerfs moteurs ; mais avant d'avoir
détruit l'irritabilité musculaire, elle a déjà agi assez puissamment, soit sur
les muscles eux-mêmes, soit sur les points intermédiaires aux extrémités
nerveuses et aux muscles, pour que les excitations artilicielles des nerfs ne
puissent plus déterminer des contractions. La sensibilité, au contraire, a en-
core ses organes de manifestation intacts, et, dans les expériences appropriées
à cette démonstration, l'excitation des nerfs des membres atteints par la cy-
clamine se traduit par des mouvements dans les membres préservés. C'est là
ce qui se passe également chez les grenouilles empoisonnées par le curare, la
strychnine, la nicotine : c'est là probablement un fait assez commun dans les
expériences toxîco-physiologiques pratitiui'es sur les grenouilles. Au lieu donc
de conclure, comme la commission, que la cyclamine agit primitivement sur
les nerfs moteurs et consécutivement sur les muscles , je crois qu'on serait
tout à fait en droit d'admettre que la cyclamine agit d'abord sur les muscles
ou sur certains de leurs éléments , et n'exerce que plus tard son influence
délétère sur les nerfs moteurs et sensibles. Cette proposition , d'accord avec
les faits, serait aussi en conformité parfaite avec une notion bien établie au-
jourd'hui , à savoir que les nerfs opposent aux agents chimiques une résis-
tance plus grande que les muscles.
Nous abordons actuellement un point plus difficile : le mécanisme de l'ac-
tion de la cyclamine sur les poissons. Chez ces animaux, comme chez les
grenouilles , il y a une vive Irritation de la peau : aussi voyons-nous des
mouvements répétés par lesquels ils s'etTorcent de fuir et de se soustraire à
la souffrance qu'ils éprouvent. Puis i'<''piderme se modifie et se soulève ; il y
a une sécrétion muqueuse sur toute la surface tégumentaire. Ces phéno-
mènes se manifestent aussi sur l'appareil branchial, de telle sorte que la peau
et les branchies se trouvent bientôt hors d'état de remplir convenablement
leurs fonctions ; l'hématose est nécessairement imparfaite. C'est à cette
asphyxie incomplète qu'il faut rapporter, en grande partie du moins, les trou-
bles que l'on voit rapidement survenir dans la première période. .Mais l'as-
phyxie est-elle la seule cause de la mort? La cyclamine ne pénètre-t-elle pas
dans les tissus profonds comme chez les grenouilles? Il est clair qu'il y a
ici une objection à adresser à l'hypothèse de la pénétration de proche en
proche. La peau des poissons n'est pas comme celle des batraciens ; elle est
revêtue d'une couche d'écaillés qui doit s'opposer à l'absorption cutanée.
Nous ne méconnaissons pas la valeur de cette objection; toutefois, nous
croyons que l'obstacle opposé par la couche d'écaillés n'est pas insurmon-
table, cette couche n'étant pas formée d'une pièce continue ; et d'ailleurs les
branchies oflrent une voie aisée d'absorption. Lors donc que les poissons
sont laisses dans la solution de cyclamine, il nous semble que celle-ci doit
s'introduire dans les tissus profonds, les envahir et les altérer de proche
71
eu proche. Mais ce n'est pas là ce qui arrive dans les pèches faites à l'aide
de la cyclamine : c'est alors l'asphyxie qui joue le principal rôle; les tissus
profonds ne sont pas encore atteints lors{]uc les poissons sont déjà en-
gourdis, puisque nous avons pu alors les faire revenir à la vie.
Nous répéterons ici, à propos des poissons, ce que nous avons dit plus
haut : la cyclamine ne détermine jamais des troubles morbides qui puissent
ètrerindice d'une action élective sur le système nerveux central ou sur les
nerfs moteurs.
La commission de Kaples a insisté sur la rapidité avec laquelle la putréfac-
tion s'empare des animaux tués par la cyclamine. Rien n'est plus exact. Cette
putréfaction rapide est due à la mort que la cyclamine amène très-prompte-
ment dans tous les éléments avec lesquels elle a été en contact. Lorsqu'un
animal meurt dans d'autres conditions, la vie générale est abolie longtemps
avant que les différents éléments et les tissus qu'ils composent aient cessé
de vivre de leur vie partielle. Cette vie partielle s'éteint progressivement,
et ce n'est qu'après qu'elle est abolie. complètement que la putréfaction s'éta-
blit. 11 n'en est pas de même chez les animaux tués par la cyclamine : cette
substance altère les liquides auxquels elle se mêle, et dès lors ces liquides
subissent les modilications qui, ainsi qu'on le sait, se développent dans
les matières organiques dépouillées de la vie. On y voit naître des gra-
nulations animées de mouvement brownien , puis des vibrions. Ces liquides
font bientôt participer les tissus qu'ils baignent au mouvement de décompo-
sition qui les travaille : la putréfaction, née dans les parties les plus superfi-
cielles du corps pénètre peu à peu dans les parties plus profondes. C'est là,
suivant nous , la raison pour laquelle les animaux tués par la cyclamine se
putréfient rapidement. Nous ajouterons que la cyclamine est une substance
très-altérable, et qu'elle précipite peut-être la marche de ces phénomènes.
Nous avons vu dans nos expériences les modifications dont nous venons
de parler se manifester avant même que les animaux fussent morts. Ainsi
plusieurs fois, chez des grenouilles sous la peau desquelles nous avions in-
troduit de la cyclamine solide, la mort n'était pas encore survenue au bout
de vingt-quatre heures : les animaux étaient seulement très-affaiblis, et
nous trouvions alors que, dans toutes les parties du corps, bien que la cy-
clamine eût été introduite dans un point limité, dans une cuisse par exemple,
le liquide sous-cutané était très-granuleux et contenait de très-nombreux
vibrions. Dans ce moment, le sang pris dans le cœur offrait en général aussi
des granulatiims assez nombreuses, mais les vibrions y étaient très-rares,
et les globules n'étaient pas altérés, au moins en apparence. Ces faits mon-
trent encore que la mort des grenouilles n'arrive pas dans ces cas, au moyen
d'un transport de la substance par la circulation, car les modifications que
détermine la cyclamine auraient du être surtout remarquables dans le sang.
Quoi qu'il en soit, nous appelons l'attention sur ces faits. N'est-il pas inté-
72
ressant de voir des grenouilles respirer, sentir et se mouvoir, alors que
tous leurs organes sont en contact avec des liquides en voie de décompo-
sition?
Je termine ici ces remarques, que la difficulté du sujet ne m'a pas permis
d'abréger. Il est en effet peu de parties qui soient plus difficiles à élucider
en physiologie que celles qui sont relatives à l'action des poisons, et
malheureusement on s'imagine trop aisément le contraire. On suit une route
tracée d'avance, on fait sur les grenouilles quelques expériences classiques,
telles que la ligature de l'aorte, ou bien la section des nerfs, avant l'intro-
duction de la substance toxique; on inscrit le résultat de ces expériences, et
l'on croit connaître alors le mécanisme de l'action de la substance essayée,
Nous devons nous inscrire contre l'emploi exclusif d'un pareil mode de re-
cherche : les faits, même les plus généralement admis, que la science parait
avoir acquis en procédant ainsi, ne sont rien moins que certains, ou pour
mieux dire leur interprétation est probablement inexacte. Quand même les
observations que nous venons de présenter sur l'action de lacyclamine n'au-
raient d'autre intérêt que celui de montrer combien tout ce qui se rattache
aux questions toxico-physiologiques est obscur, nous croirions avoir ac-
compli une œuvre utile : il est bon, il est profitable de déclarer, en s'ap-
puyant sur des faits, que la science est loin d'avoir dit son dernier mot sur
les points les plus fondamentaux de ces questions, et qu'elle réserve par
conséquent d'importantes découvertes à ceux qui tenteront de nouveaux
efforts.
Nous résumerons ces renianiues ainsi qu'il suit :
lo II n'est pas prouvé que la cyclaraine introduite avec précaution, et par
l'orifice buccal, dans le tube digestif des oiseaux, détermine la mort.
2° La cyclamine en solution aqueuse assez étendue amène la mort des
grenouilles, des têtards de batraciens, des poissons et d'autres animaux qui
y sont plongés ; mais ce n'est pas par suite d'une véritable intoxication.
3« La mort des larves de batraciens est déterminée par l'action énergique
que la cyclamine exerce sur elles, action par suite de laquelle les tissus sont
rapidement altérés des parties superficielles aux parties profondes.
4o La mort des grenouilles semble due aussi à une pénétration plus ou
moins lente et progressive de la cyclamine dans les liquides et les tissus,
et à l'altération directe qu'elle y produit. La circulation ne joue probablement
qu'un rôle secondaire dans le transport de la cyclamine.
5° Chez les poissons, la mort ou les phénomènes morbides sont liés en
grande partie, selon toute probabilité, aux troubles des fonctions respira-
toires et cutanées par suite de l'altération de l'épiderme du tégument et de
l'épilliéliiim des branchies.
6° Aucun fait ne démontre que la cyclamine ait une action primitive ou
spéciale, soit sur le système nerveux central, soit sur les nerfs moteurs.
73
7* La putréfaction rapide qui s'empare des animaux morts sons l'influence
de la cyclïmine, tient à l'action altérante directe que cette substance exerce
sur les liquides et les éléments de tissu avec lesquels elle entre en contact. ,
m, — Physiologie pathologique.
MYÉLITE AIGUË ENVAHISSANT LA PLUS GRANDE PARTIE DU RENFLEMENT CER-
VICAL; RAMOLLISSEMENT PRESQUE DIFFLUENT ET ROSÉ DE CETTE PORTION
DE LA MOELLE; PARALYSIE SEULEMENT DES MEMBRES INFÉRIEURS; CONSER-
VATION COMPLÈTE DES MOUVEMENTS ET DE LA SENSIBILITÉ DANS LES MEM-
BRES SUPÉRIEURS ET LES MUSCLES DU THORAX ; par iM. B. HiLLAïUET, médecin
des hôpitaux.
Je vieus présenter à la Société une observation qui me parait intéressante
SOUS tous les 1 apports, et qui, indépendamment de la marche rapide de la
maladie et de l'absence de quelques-uns des symptômes précurseurs des in-
flammations aiguës de la moelle épinière, soulève un problème de physio-
logie sur lequel je désire attirer l'attention de ceux de mes collègues qui
s'occupent tout spécialement et avec tant de succès de cette branche si im-
portante des sciences médicales.
Voici le fait :
Obs. — La nommée Delannoy, âgée de 64 ans, ouvrière, entra, le 10 avril
1860, à l'hôpital Saint-Louis, pavillon Sainte-Marie, chambre n" 1.
Cette femme, d'une santé habituelle très-bonne, d'une forte constitution,
tempérament sanguin, a été réglée dès l'âge de 13 ans, et l'a toujours été
régulièrement depuis jusqu'à l'âge de 46 ans. Mariée, elle a eu quatre en-
fants, dont une fille seule a survécu, et elle est d'une solide constitution.
Ses parents étaient d'une bonne santé habituelle; elle ne peut dire de
quelle maladie ils sont morts.
Il y a deux mois et demi, elle fut appelée à remplacer une cuisinière pen-
dant dix jours; elle en fut très-fatiguée. Malgré cela, elle alla rester une
douzaine de jours chez une dame malade, auprès de laquelle elle passa plu-
sieurs nuits. Elle éprouva alors beaucoup de fatigue, rentra chez elle le
jour du mardi gras, et le lendemain, se plaignit d'éprouver une grande
courbature dans les membres et dans les reins; elle fut obligée de garder le
lit. Un médecin lui fit appliquer douze sangsues sur le côté droit de la poi-
trine, au niveau du huitième espace intercostal, où elle éprouvait particuliè-
rement, à ce qu'il paraît, une violente douleur qui augmentait pendant les
mouvements respiratoires, et la gênait beaucoup dans l'acconiplissoinent de
cette fonction.
Le lendemain, la douleur [)ersistant, on lui appliqua un large vésicatoire
74
sur ce point; la douleur augmenta et se manifesta du côté gauche, de telle
sorte qu'elle formait une ceinture douloureuse à peu près au niveau de la
base du thorax; ou mi'me temps aussi elle apparut dans les deux épaules.
On posa un nouveau vésicatoire volant sur cette région en môme temps que
l'on prescrivit une douzaine de sangsues à apiiliquer au niveau du bord an-
térieur des fausses côtes droites.
Elle n'éprouva, pendant les premières soufFranccs, ni frissons ni lièvre, à
ce qu'elle dil, mais elle commença bicnlùt à tousser. La toux était fré-
quente et exaspérait les douleurs du tliorax et de la partie moyenne du dos.
L'expecloralion n'ollVait d'ailleurs rien de bien remarquable; la malade ne
peut d'ailleurs donner aucun renseignement là-dessus. Seulement elle dit
que les crachats n'ont jamais été sanguinolents. Son médecin, croyant avoir
afTaire à une grippe, lui prescrivit des boissons mucilagineuses, et la laissa
tranquille du reste. Cet état dura ainsi cinq semaines; la toux persista, mais
la malade put se lever, marcher dans sa chambre et s'occuper de son mé-
nage.
Dans les premiers jours d'avril, se trouvant assise dans un fauteuil, elle
voulut se lever pour recevoir son médecin qui arrivait, lorsqu'elle s'aperçut
qu'elle y parvenait avec beaucoup de peine. Elle ne put marcher, sa jambe
droite ne pouvant avancer; elle éprouva d'ailleurs une très-grande difTicultéà
se mettre sur ses jambes; on fut obligé de la coucher, et deux jours après
la jambe gauche avait perdu les mouvements act'ifs. Le lendemain, cette ma-
lade se trouva complètement paralysée des membres inférieurs. En même
temps elle fut prise de rétention d'urine; on la sondait deux fois pur jour, et
alors elle commença à ne plus pouvoir retenir ses matières fécales, au point
qu'elle n'avait plus conscience de leur émission. Celte paralysie est survenue,
au dire de la malade, sans être accompagnée ni précédée de crampes, de
fourmillements et de soubresauts.
Les douleurs persistèrent sans se localiser dans un point limité du rachis.
Les jours suivants, l'état de la malade empira. Ses eufauts la tirent entrer
alors à l'hôpital Saint-Louis.
Etat actuel à l'entrée de la malade. — Décubitus dorsal ; faciès développé,
non amaigri; tristesse marquée; paralysie complète des membres inférieurs,
tant du mouvement que du sentiment; la malade reste insensible à tous les
excitants; elle a de même perdu la notion du froid et du chaud sur les mem-
bres pelviens; pourtant l'action réllexe est conservée, surtout dans le pied
gauche ; ainsi en chatouillant avec la pulpe du doigt la face plantaire, les
muscles de la jambe correspondante se contractent, mais la malade ne peut
la retirer. De môme, sous l'inllueuce de courants électriques à faible et forte
tension, on voit que la contractilité persiste.
La température des membres paralysés est à 33 et 34''; incontinence des
matières fécales ; rétention d'urines qui ne coulent que par regorgement. Les
75
urines sont un peu troubles, mais ne contiennent aucun principe animal.
La malade éprouve à la base de la poitrine une douleur en ceinture qui la
fait souffrir, et occasionne un pcMi de gêne de la respiration. Cette doulenr
se prolonge tout le long de la colonne vertébrale, et ne paraît pas exaspérée
par la pression, la percussion ou l'application d'une éponge imprégnée d'eau
très-chaude; elle n'est pas plus vive en un point quelconque du rachis, et
présente partout la même intensité.
Les membres supérieurs sont intacts, ainsi que les organes de la respira-
tion et le cœur.
Peu de chaleur normale; pouls plein, fort, un peu fréquent, ù 84 pulsations;
intelligence parfaitement intacte, ainsi que la vue, l'ouïe et l'odorat.
Pour traitement, dix ventouses scarifiées le long de la colonne vertébrale
(200 grammes de sang); boisson acidulée; une portion.
Le 11, même état; escarre longue comme la main à la région sacrée;
pansement avec vin aromatique et poudre de quinquina; même régime.
Cet état dure ainsi jusqu'au 25; tcufcfois les douleurs indiquées précé-
demment ont notablement diminué; peut-être sont-elles moins bien per-
çues. L'escarre s'agrandit de jour en jour et répand une odeur gangreneuse
fétide. Le pouls conserve sa force et sa fréquence.
Le 26, le pouls est plus fréquent, plus fort; 110 pulsations. La peau est
sèche, brûlante; la langue est sèche, presque fuligineuse; les pommettes
sont rouges. A l'auscultation de la poitrine, je constate du râle crépitant fin,
sec et un peu de souffle dans la moitié inférieure du poumon droit; matité à
ce niveau; rien dans le poumon gauche.
Julep; kermès avec addition de 45; sirop de thridace; 2 grammes extrait
de quinquina; diète.
Le 27, même état du côté de la peau et du pouls ; difficulté extrême de la
respiration; dyspnée intense.
Le 28, coma-, orthopnée; râle trachéul; mort à quatre heures du soir.
Autopsie trente-six heures apriiS la mort. — Temps froid et humide;
quelques traces de décomposition vers les parois abdominales et les
membres.
Cavité crânienne. — Adhérences très-fortes et anciennes de la dure-mère
et de la face interne des os du crâne, surtout au niveau de la partie anté-
rieure. Ou est obligé de les détruire à l'aide du bistouri; sans cette précau-
tion, on enlèverait la dure-mère avec les os du crâne, et l'on déchirerait la
substance cérébrale.
A l'incision de la diu-e-mère et de l'arachnoïde, il s'écoule de la sérosité
en plus grande quantité qu'à l'état normal chez les vieillards.
La pie-mère est épaissie; elle s'enlève facilement sans se déchirer, et
n'adhère nullement aux circonvolutions; ses vaisseaux, un peu épaissis,
contiennent peu de sang.
76
Les cai'OtitJes sont Irès-nianifcslement aHiéroraateuses;lc cerveau est de
bonne consistance et iinenient injecte. La membrane qui tapisse les ventri-
cules latéraux trc-s-épaissie, à ce point qu'il m'est possible, avec la plus soi-
gneuse dissection, de l'isoler de la substance cérébrale sans la déchirer. Les
ventricules sont un peu dilatés et contiennent une sérosité claire, limpide.
Les autres parties du cerveau sont intactes et normales ; il en est de même
du cervelet.
Canal rachidien. — Ce canal osseux ne présente lui-même rien de parti-
culier; aucun développement osseux anormal.
La dure-mère est également intacte; très-peu de liquide dans le tissu
cellulaire sous-araclinoïJien.
La consistance de la moelle est normale dans presque toute sa longueur, si
ce n'est au niveau du renflement cervical, où elle présente, dans l'étendue
de 5 à 6 centimètres, les altérations suivantes :
La consistance parait considérablement diminuée; car au toucher, à tra-
vers les membranes, on peiçoit une sensation de fausse fluctuation, et
mieux d'une bouillie épaisse; on constata en eftet, plus tard, sa diflluence
sons un mince filet d'eau.
En incisant la pie-mère à ce niveau, on la trouve épaissie, aJhérente à la
substance nerveuse, et quand on voulait l'en isoler, on entraînait avec elle
des lambeaux de cette substance. La moelle était, en effet, réduite, dans
toute l'étendue indiquée plus baul, en une bouillie presque liquide; à la sur-
face de ces parties altérées existaient de nombreux vaisseaux capillaires
très-apparents et gorgés de sang qui lui donnaient une coloration un peu
rougeàtre; la surface de section de celle partie, divisée transversalement
en plusieurs endroits, présentait une coloration d'un blanc grisâtre très-
prononcé, légèrement teintée de rose hortensia. En outre on constatait que
la substance grise était presque complètement résorbée ; on n'en trouvait
plus de traces dans toute la partie ramollie.
La consistance de la moelle dans le reste de l'élendiie est normale, comme
cela a été dit plus haut. La pie-mère est un peu plus injectée peut-être que
dans l'état normal.
Thorax. — Cœur normal; quelques plaques athéromateuses jaunâtres à la
base des valvules sygmoïdes de l'aorte, ainsi que dans l'épaisseur des parois
de l'aorte; quelques-unes sont devenues osseuses.
Le poumon droit, dans tout son lobe inférieur, est le siège d'une violente
congestion; tout le parenchyme est infiltré de sang, mais sans hépatisation;
rien dans le poumon gauche. Les deux poumons s'enlèvent du reste facile-
ment; rien dans la cavité pleurale.
Abdomen. — Foie assez volumineux, na peu jaunâtre; bonne consistance.
A la loupe il |)réseutc un aspect granuleux assez prononcé; dans quelques
points les granulations sont assez volumineuses pour être énucléces.
Bien du côté de l'eslomai!, dfs inle?lins ni île? aiilros organes rontiMins
dans celte cavité.
Eo somme, celte observation inléiessanie nous monlre nne femme de
64 ans, d'une bonne constitution, d'une très-bonne santé habiluelic, qui,
après des fatigues excessives pour son âge, des nuits passées sans sommeil,
fut prise tout à coup de phénomènes généraux : fièvre, courbature, etc., qui
caractérisent un état inflammatoire, et en même temps de pliénoraènes lo-
caux, tels que la douleur sur un ou [)lusieurs points du racbis avec irradia-
tion vers la partie supérieure de la loge tlioraciqiie, suivant le trajet de nerfs
intercostaux. Ces accidents furent assez marqués pour faire penser au pre-
mier médecin de la malade qu'elle pouvait être au début d'une pleurésie d'une
certaine intensité, bien qu'il n'ait constaté aucun signe physique de celle af-
fection. Ce qu'il y a de remarquable dans ce fait, c'est : 1" que les accidents
suivirent une marche franchement aiguë et rapide; 2" que la douleur ne ré-
pondait pas au siège qu'alFectait la lésion anatoniique révélée plus tard par
l'autopsie (le siège même de la douleur du début, plus l'absence de la para-
lysie des membres supérieurs, nous avait amené, pendant l'existence delà
maladie, à localiser la lésion vers la partie moyenne de la portion dorsale de
la moelle) ; 3' enfin l'absence absolue de crampes, de fourmillements, de sou-
bresauts dans les membres inférieurs et supérieurs, et la paralysie presque
rapide et sans secousse des membres inférieurs, quinze jours au moins après
le début des premiers accidents, alors qu'il ne s'y était encore manifesté au-
cun affaiblissement graduel.
La gêne progressive de la respiration, l'engouement pulmonaire, la forma-
tion d'escarre au sacrum, les troubles de la miction et l'évacuation involon-
taire des fèces se sont trouvés ici, comme dans la plupart des altérations de
la moelle à leur période ultime.
Mais il est un fait d'une très-grande importance au point de vue physiolo-
gique, qui m'a déterminé à présenter cette observation à la Société : je veux
parler du défaut de relation qui existait entre la conservation des mouve-
ments volontaires et de la sensibilité des membres supérieurs, et le siège de
la lésion anatomique. En effet, tout le renflement cervical ou brachial (puis-
que les nerfs des membres thoraciques en émergent) était complètement
ramolli, presque diffluent, et les membres thoraciques avaient conservé leur
liberté d'action, leur sensibilité; les mouvements volontaires y étaient in-
tacts. Dira-t-on pour ce fait ce que l'on a dit à propos de plusieurs autres,
que l'autopsie a été mal faite, que le temps écoulé entre l'autopsie et le mo-
ment de la mort était trop considérable, que la température atmosphérique
était trop élevée et que ces diverses circonstances ont pu nous induire eu
erreur, comme ou l'a dit à l'occasion du fait de Rullitr et de quelques au-
tres? ou bien invoquera-t-on le même argument déjà mis en avant : savoir
que la portion médullaire n'était pas complètement altérée, et que quelques
78
libres suffisaient pour servir de conducfetirs et transmottro les mouvement?
volontaires aux membres thoraciqucs? A cela je répondrai eu renvoyant a
laulopsic qui a été faite avec le plus grand soin, et je montrerai, bien que
je n'aie pas fait de recherches microscopiques sur les portions altérées, la
moelle dans un parfait état de ramollissement dans tous les points qui con-
stituent le bulbe ou renflement cervical.
Je suis loin de vouloir admettre, à l'exemple de quelques physiologistes,
que les nerfs siégeant au-dessns de la lésion aient été sulTisants, au moyen
de leurs anastomoses avec les nerfs qui émanent de la région médullaire ra-
mollie, pour transmettre et concourir à l'intégrité des mouvements volon-
taires, pas plus que je ne tiens ù soutenir cf;tte vieille opinion erronée que
les méninges peuvent, dans des cas semblables, transmettre le mouvement
ou la sensibilité; je dis seulement que l'opinion la plus accréditée parmi les
physiologistes, et qui me semble également la plus rationnelle, me parait
avoir reçu dans cette circonstance une atteinte sérieuse, et que la question
mérite bien encore d'attirer l'atlention des expérimentateurs.
Je n'ai pas trouvé dans les auteurs de faits parfaitement semblables. Tou-
tefois, je crois devoir en indiquer qui, bien que dilTérents par le siège de la
lésion médulaire, présentent une certaine analogie avec l'observation qui
fait le sujet de cette note.
Le fait de RuUier (Journ. de physiologie expér., t. III, 1828) a trait à un
homme de 40 ans, affecté depuis son enfance d'une déviation de la colonne
vertébrale, et qui fut, tout à la fois, privé du mouvement des membres thora-
ciques avec intégrité de la sensibilité et conservation des mouvements des
membres pelviens. A l'autopsie, on ne trouva aucune compression de la
moelle; mais, dans une étendue de 6 à 7 pouces environ (partie postérieure),
comprise entre les deux tiers inférieurs de la région cervicale et le tiers su-
périeur de la région dorsale inclusivement, et correspondant à huit ou neuf
paires de nerfs, la moelle était ramollie et diiniiente. On voyait à peine sur la
partie antérieure de cette portion de la moelle altérée les cordons médul-
laires on rapport avec les racines conespoiulantes ou antérieures, A gauche,
le faisceau antérieur n'était plus marqué, dans l'étendue de 1 pouce envi-
ron, que par des portions lenticulaires de matière médullaire placées à la
suite les unes des autres dans la ligne de sa direction, etc. (cité par M. Lon-
get, obs. I, Anatomie du système nerveux, 1. 1, p. 328).
Dans le t. II du Traité des maladies de la moelle épinière, d'OUivier
(d'Angers), on trouve encore des faits analogues et d'un grand intérêt. L'ob-
servation 01 , p. 529, contient l'histoire d'un homme de 61 ans qui, après avoir
éprouvé des douleurs dorsales depuis six mois environ, un sentiment de
pesanteur et d'engourdissement, suivi plus tard de paralysie des membres
inférieurs seulement, mourut subilemcnt; à l'autopsie il fut trouvé atteint
d'une intUtraliou sanguine avec ramollissement pultacé de la moelle depuis
79
la septième veritibre cervicale jusqu'au sacrum. Rien du côté des membres su-
périeurs.
Les observations 81, 83, 85 et 87 du même auteur, présentent aussi une
grande analogie avec celle que nous publions, mais n'oflTrent pas, il s'en faut,
un aussi grand intérêt.
Dans un mémoire trôs-remarquable de M. le professeur Velpeau (Archives
GÉN. DE MÉD., t. VII, 1825), on lira avec intérêt quelques observations égale-
ment analogues cl d'un haut intérêt.
En terminant, je veux arrêter l'attention de la Société sur deux points im-
portants : l'action réflexe, quoique atTaiblie, était conservée, malgré la pa-
ralysie la plus absolue des membres inférieurs; enfin, l'excitation galvani-
que transmettait encore la contractilité des membres paralysés, à une époque
très-rapprochée de la mort; ce qui ne concordait pas parfaitement avec les
observations de M. le docteur Duehesne (de Boulogne), ni avec les induc-
tions qu'il avait cru, à l'occasion d'un fait d'Iiématomyélie, devoir en tirer,
touchant le pronostic des affections de la moelle.
On sait, en effet, que M. Duehesne (de Boulogne) avait trouvé que dans les
affections graves de la moelle cpinière, qui doivent entraîner la mort dans un
terme très-rapproché, la sensibilité électro-musculaire est complètement
éteinte. C'est du moins ce qui résulte des faits énoncés dans l'observation
à laquelle je viens de faire allusion, et dans un; grand nombre d'autres
encore.
IV. — Anatomie pathologique.
1" TUMEDR FIBRO CALCAIRE DE LA DURE-MÎÎRE ; présentée par M. BONNEJOY.
Cette tumeur a été trouvée chez une femme de 55 ans, morte à l'hôpital
Lariboisière d'un épanchement dans le lobe cérébral droit.
Elle proéminait à la partie droite de l'encéphale, dans l'intérieur du crâne,
et était située à environ 3 ceidimètres de la ligne médiane, et 3 centimètres
et demi de la ligne périphérique de la tente du cervelet.
Elle avait, en déprimant les circonvolutions cérébrales recouvertes par
l'arachnoïde et la pie-mère, formé une espèce de cupule qui la recevait, mais
sans contracter aucune adhérence avec elle.
A l'autopsie, on tiouvaitune injection considérable des méninges, plus
vive aux environs du foyer hémorrhagique, mais elle n'augmentait ni ne
diminuait dans la cupule précitée. Enfin, de nombreuses coupes faites en
tous sens dans cette cupule, n'ont pas fait voir de communications avec le
foyer hémorrhagique qui s'en trouvait séparé par une distance minimum de
3 centimètres.
Il est facile de conclure de ces remarques que cette tumeur, à laquelle le
80
cerveau s'était liabilini n'a ou aucune intlucnoe sur la marche lïc la maladie
à laquelle asuccoiul)('' la malade.
Celte tumeur, examinée d'abord par M. Bioca, puis par M. Cli. Robin, a
présenté une structure composée de faisceaux fibreux purs entremêlés d'uu
autre tissu dont on trouve l'analogue dans les corps de Pacchioni hypertro-
phiés.
Ce tissu se présente sous l'aspect de fibres bien plus grosses que le tissu
fibreux ordinaire, présentant une partie ceuliale amorphe, cassante, de
nature calcaire, entourée J'une enveloppe conservant les caractères du tissu
fibreux et qui, dans les cassures, se décolle sans se déchirer.
Ce tissu n'est autre que du tissu fibreux ayant subi une dégénérescence
calcaire, le dépôt commence par la partie centrale des faisceaux, les écarte,
les hypertrophie, et s'accompagne d'autres dépôts, amorphes ou granulés,
dans l'intervalle de ces mêmes faisceaux.
En somme, dans celte tumeur qui semble développée dans l'épaisseur de la
dure-mère, on reconnaît du tissu fibreux ordinaire, du tissu ayant subi la
dégénérescence calcaire, et des dépôts intermédiaires aux deux ordres de
fibres, et dont la nature calcaire est démontrée par ce fait qu'à l'aide de l'a-
cide chlorhydrique, il donne lieu à de nombreuses bulles de gaz.
2° ATROPHIE MUSCULAIRE PROGRESSIVE ; LÉSIONS HISTOLOGIQUES DE LA SUBSTANCE
GRISE DE LA MOEILE ÉPlNIKRE; par M. JULES LUYS.
Il s'agit d'un homme âgé de 57 ans, entré à l'hôpital Lariboisière dans le
service de M. Hérard, et qui présentait une atrophie prononcée des muscles
des régions thénar et hypothénar de la main gauche. Les masses musculaires
de l'avant-bras étaient pareillement diminuées de volume. La faiblesse était
proportionnelle à la diminution apparente de l'élément musculaire. C'est à
peine si la main et l'avant-bras du côté opposé présentaient en même temps
une faiblesse croissante et un certain degré d'atrophie. Il n'y avait rien à si-
gnaler du côté des membres inférieurs. L'intelligence était saine. Le malade
succombe à une pneumonie inicrcurrente.
On ne trouva à l'autopsie rien d'anormal dans l'encéphale. La moelle épi-
nière au niveau et au-dessus du renflement brachial présente une atrophie
très-manifeste des racines antérieures du côté gauche. Ces racines, en efTot,
étaient grisâtres, diminuées considérablement de volume; ce n'était plus
qu'une sorte de ccilulosité lâche, sans consistance, que la plus légère traction
suffisait pour dissocier. Il n'y avait environ que les filets radiculaircs corre.s-
pondant à cinq racines antérieures du côté gauche, d'envahis. Au-dessous
et au-dessus de ces endroits, les filets nerveux émergonts de la moelle avaient
repris leur volume et leur aspect normaux.
Les filets nerveux d'origine des racines correspondantes du côté droit pré-
sentent aussi un certain degré d'atrophie,
81
Eu examinant lu texture de la moelle, nous constatâmes les particularité?
suivantes :
1" L'énorme développement du système capillaire dans tonte la portion de
substance grise correspondante au point où les racines étaient atrophiées.
Les vaisseaux, en effet, étaient litt(;ralement turgides, et les globules empilés
les uns sur les autres dans leur cavité. Les canaux vasculaires venant de la
périphérie de la moelle et ceux venant des portions centrales formaient tous
un lacis anastomotique excessivement remarquable. En quelques endroits,
le tissu de la substance grise avait été éraillé par suite de la dilatation des
parois vasculaires. Presque partout les parois des vaisseaux étaient épaissies
et entourées d'un dépôt granuleux, véritable exsudât qui n'avait pas été
au delà de leur tunique externe, dans d'autres points, l'exsudat avait franchi
cette limite et se trouvait à l'état dilTus dans la trame de la substance grise
principalement. Cette vascularisation exubérante était plus développée du
côté gauche ; elle avait complètement disparu au niveau de la région dorsale et
de la région lombaire. Une grande quantité de corpuscules amyloïdes se fai-
sait remarquer dans le tissu cellulaire qui entourait les capillaires et dans les
portions centrales de la substance grise.
2° Les éléments nerveux otTraient ceci de remarquable : dans les racines
antérieures atrophiées, nous constatâmes la disposition des tubes nerveux
par résorption de leur contenu , les parois seules étant çà et là encore recon-
naissables. Dans les cornes antérieures de la substance grise, au point cor-
respondant aux lieux d'émergence des racines antérieures, nous ne pûmes
constater, en les recherchant avec soin, la présence des cellules nerveuses;
elles avaient toutes disparu et nous ne trouvâmes à leur place que cette sub-
stance granuleuse plus ou moins abondante et que nous sommes porté à con-
sidérer comme un exsudât des capillaires énormément dilatées de ces ré-
gions.
A côté des points où nous nous constatâmes l'absence des cellules anté-
rieures, nous pûmes en trouver quelques-unes en voie d'évolution rétrograde,
elles étaient de coloration brunâtre, remplies de granulations foncées; toutes
leurs anastomoses étaient rompues.
C'est principalement dans le côté gauche de la substance grise que nous
trouvâmes ces lésions variées, elles étaient bien moins prononcées dans tout
le côté droit.
Les cellules nerveuses des régions postérieures correspondantes de la
moelle étaient pareillement méconnaissables.
La texture et les éléments anatomiques de la moelle aux régions dorsale et
lombaire étaient dans leurs rapports normaux.
C. R.
COMPTE RENDU DES SÉANCES
DE
LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
PENDANT LE MOIS DE JUILLET 1860;
Par m. le Docteur J. M ARE Y, secrétaire.
PRÉSIDENCE DE M. RAYER.
I. — Physiologie.
NOTE SUR UN CAS D'ÉRUPTION DENTAIRE CHEZ UNE PERSONNE DE 85 ANS;
par M. Carre, interne des hôpitaux de Paris.
Quoique soumises à des lois dans leur évolution, les dents peuvent, comme
beaucoup d'organes, présenter de curieuses anomalies. Ici, plus encore
peut-être que dans aucun système de l'économie, ces anomalies sont fré-
quentes. Tantôt, en effet, les dents font leur apparition avec une rapidité ex-
traordinaire (tout le monde connaît l'exemple de Louis XIV) ; tantôt, au con-
traire, elles se montrent bien après l'époque voulue. Ainsi, Charles Rayer
fait mention d'une femme qui n'eut ses canines qu'à l'âge de 13 ans -, Baumes
eite le eas curieux d'un homme qui ne fit pas une seule dent pendant tout*
84
sa vie. Les exemples de troisième dentition ne sont pas raves '1); enfin, on a
cité des cas de quatrième dentition [1], mais ces cas paraissent tellement en
deliors des lois natnrelles, qu'on peut rester sceptique à leur éi^ard. Il n'en
est pas de même de ces apparitions tardives, dont les exemples nombreux,
fournis par les auteurs, constatent l'autlienticité. On pourrait multiplier les
citations à cet égard; Je me contente de donner quelques faits.
Ysabeau a vu des dents faire leur apparition chez des sujets de 80, 92 et
même l'20 ans (3) ; Fauchart a observé des dents de sagesse à 40 et 56 ans ;
Bohmer à 76 ; Hoffmann à 80 et 81 ; Bartholln à 83. Malgré tous ces exemples,
j'ai pensé que l'observation suivante présentait assez d'intérêt pour être re-
latée :
Obs. — Madame X a 85 ans; elle jouit dune excellente santé et d'une
activité surprenante pour son âge. Un phénomène curieux s'est manifesté
chez elle vers le mois de janvier 1859. A cette époiiue, elle ressentit ime
douleur à la mâchoire supérieure? elle crut s'être brûlée en prenant un po-
tage trop chaud. Cette sensation de brûlure et de chaleur persista, avec un
peu de gonflement, pendant une huitaine de jours, et c'est alors qu'elle s'a-
perçut, à son grand étonnement, qu'une dent lui poussait. C'était la canine
supérieure gauche. Celle-ci s'accrut avec rapidité, et actuellement elle a ses
dimensions et ses caractères naturels, qui permettent facilement de la recon-
naître; elle est solidement implantée dans son alvéole.
Deux mois environ après cette première apparition, les mômes symptômes
d'évolution dentaire se montrèrent dans le voisinage et se terminèrent par
l'éruption de la deuxième incisive gauche. Cette dent est petite, solide et
présentant des aspérités.
A quelques mois d'intervalle (la date n'est pas précise), madame X vit
apparaître la première petite molaire inférieure du côté droit; enOn, au mois
de janvier dernier, la première petite molaire supérieure du môme côté. La
première de ses deux dents n'a acquis qu'un développement très-limité ; elle
déborde à peine le rebord de la gencive, elle est irrégulière à sa surface
libre. La deuxième a des dimensions presque normales.
La première fois que je vis madame X , elle éprouvait un peu de dou-
leur au niveau de l'alvéole correspondante à la première incisive supérieure
droite; elle croyait à l'évolution d'une dent nouvelle; aujourd'hui, c'est-à-
dire un mois après, les signes congestionnels dont je viens de parler ont
disparu.
(1) Gelilor, De dentiticwe tertia, Lclpsiat), 1766; Huiler, Elemknta puysio-
Lom,£, t. VIII, p. T..
(2) Voir Encyclopédie anatomiqle, article Denu.
(••) JOLRNAL »E MÉDECINE, I7(i6, t, .KXV.
85
Ainsi, dans l'intervalle d'un an et demi, la personne qui fait le sujet de
cette observation, a fait quatre dents, savoir, dans l'ordre d'évolution :
1° La canine supérieure gauche;
2» La deuxième incisive supérieure gauche;
3° La première petite molaire inférieure droite;
4» La première petite molaire supérieure droite.
De ces quatre dents une (la première) a acquis ses dimensions normales
avec rapidité ; une autre (la dernière) a presque sa longueur ordinaire ; les
deux autres sont restées rudimentaires et inégales. Les gencives fermes,
comme chez les vieillards édentés, sont totalement dégarnies dans les au-
tres points de leur étendue.
J'ai questionné madame X sur sa première et sur sa dernière dentition ;
mais on comprend que ses souvenirs soient assez confus pour ne pouvoir
fournir que de vagues données sur une époque de sa vie déjà si éloignée.
Cependant elle ne se rappelle pas avoir entendu dire qu'il y ait eu quelque
chose d'anormal dans le développement de ses dents.
Elle n'a été réglée qu'à plus de 18 ans. Le flux menstruel s'est tari vers
l'âge de 44 ans. Mariée à 21, elle a eu quinze couches ; tous ses enfants ont
eu d'excellentes dents.
Pendant ses nombreuses couches, ou à leur suite, elle a eu plusieurs fois
des douleurs dentaires. Ce n'est qu'à partir de 50 ans que les dents sont suc-
cessivement tombées, sans causer de soufl'rances.
Les cheveux ont blanchi à 67 ans, à l'époque de la mort de son mari. Mais
ce changement de coloration a été très-limité , car, à présent encore, la che-
velure de madame X est légèrement blanche à la région frontale. En ar-
rière et sur les côtés, les cheveux, fins et abondants, sont d'un blond châtain
et assez longs pour descendre jusqu'au niveau de la taille.
La vue et l'ouïe ont conservé leur intégrité, les ongles poussent avec une
rapidité qui oblige madame X à remédier souvent à leur exubérante lon-
gueur.
II. — Anatomie.
NOTE SUR LES LIGAMENTS QUI SUCCÈDENT A LOUUAQUE (1);
par M. le docteur Charles Robin.
«
Le passage suivant deHuschke (Splanchnologie, Paris, 1845, trad. franc.,
in-8, p. 309) résume assez bien les diverses descriptions qui ont été données
des artères ombilicales et de l'ouraque chez l'adulte, descriptions dont ce
travail démontre l'inexactitude, u Le sommet (de la vessie) est retenu en
(1) Voyez, pour la première partie de ces recherches, Ch. Robin, Mémoim
sur la rétraction des vaisseaux ombilicaux, Gazette Médicale, 1858.
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place sur la ligne médiane par le ligament suspenseur {Ugamentum suspenso-
rium seu vésicule médium), qui est l'ouraque oblitéré et réduit à un cordon
ligamenteux. La vessie n'est donc pas sujette à abandonner la ligne médiane,
comme il arrive si souvent à la matrice qui n'a point de ligament suspenseur.
De la portion de ses faces latérales couvertes par le péritoine, s'élèvent à
droite et à gauche, les ligaments latéraux {ligamenta lateralia, dexlrum et
sinistrum), deux cordons arrondis, dont chacun naît du tronc de l'artère vé-
sicale supérieure, se porte de là eu dedans et en avant, le long des parois
vésicales, monte contre les parois du bas-ventre derrière le muscle droit,
se rapproche là peu à peu de la ligne médiane, et parvenu à l'ombilic, ren^
contre celui du côté opposé et l'ouraque, puis se confond avec le tissu fibreux
de la portion ombilicale de la ligne blanche. Ces cordons sont les artères om-
bilicales du fœtus, oblitérées à partir des artères vésicales supérieures et con-
verties en ligaments ; aussi les appelle-t-on chordse arteriarum ombilicalium.
Comme, ainsi que l'ouraque, ils font saillie au-dessous du péritoine, ils lais-
sent entre eux et l'ouraque deux fosses triangulaires étendues depuis le sommet
de la vessie jusqu'à l'ombilic, qu'on nomme fosses ingninales internes {fossa
inguinalis dextra et sinistra.) Ces ligaments latéraux contribuent aussi à rete-
nir la vessie dans sa situation verticale, en même temps qu'ils la dirigent en
avant. i> Ce rôle, ainsi que celui attribué plus haut à l'ouraque ne peut être
accepté comme exactement interprété ; les fossettes inguinales n'ont pas l'é-
tendue que leur donne cette description.
Le ligament fibreux (pii fait suite à l'ouraque se perd quelquefois en s'efll-
lant sur la surface postérieure de la ligne blanche, sans avoir de relation avec
les autres Claments. D'autres fois, il monte en entier, subdivisé ou non, sur
la ligne médiane, et se joint aux deux ligaments artériels à leur angle de
réunion, plus bas que l'ombilic. Parfois, il se jette latéralement sur l'un des
deux ligaments artériels avant leur réunion sur la ligne médiane, mais alors
une ou plusieurs de ses branches vont joindre le ligament (lui fait suite à la
veine ombilicale. Le plus souvent, il ne fait que communiquer par un ou
deux minces filaments avec les ligaments des artères, et se continue, en
cordon simple ou subdivisé, avec un ou deux faisceaux principaux du li-
gament de la veine ombilicale, sans avoir de connexion avec l'anneau. Ja-
mais il ne s'y insère immédiatement, et, lors mémo que les deux ligaments
faisant suite aux moignons artériels vont directement à l'anneau, c'est à eux
qu'il s'unit quand il approche beaucoup de ce dernier. Enfin, quelquefois,
. il passe derrière l'ombilic sans entrer en connexion avec lui, et se continue
comme il vient d'être dit avec le ligament de la veine entier ou avec une de
ses branches.
Par cette continuation des ligaments faisant suite à l'ouraque et à la veine
ombilicale, la vessie se trouve reliée mécaniquement au foie, le bas-ventre
iivoc la région sotis-diaphragmalique de l'abdamen pav l'intermédiaire de
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toute la hauteur de la portion molle des parois abdominales. Par là aussi se
trouve augmentée la résistance de celle-ci, celle du moins de la ligne blanche
dans le sens longitudinal.
Les citations suivantes montrent que quelques-uns des faits précédents
ont déjà été vus sans que leur signification ait été saisie : •< L'ouraque chez
le fœtus arrive jusqu'à l'ombilic, et bientôt il adhère à l'une des artères om-
bilicales ; son adhérence à un de ces vaisseaux fait que chez l'adulte on le
rencontre très-bas et très-rapproché de la vessie, disposition qui est due à
ce que ces vaisseaux se sont rétractés dans la cavité abdominale. » On croi-
rait, d'après ces mots, que la rétraction des artères est réellement indiquée
dans cette phrase, si l'on ne lisait quelques lignes plus bas : « Tous ces cor-
dons solides et pleins, artères, veines et ouraque, par leur mode de termi-
son et d'origine, représentent donc un triangle dont le sommet est à la peau
et à l'anneau ombilical. « (Jobert (de Lamballe), Maladies chirurgicales du
CANAL INTESTINAL, Paris, 1829, in-8, t. II, p. 213-214.)
«Il est très-fréquent de voir l'ouraque, volumineux à son origine, se ré-
trécir après 2 ou 3 pouces de trajet, et aller se confondre avec le cordon qui
remplace l'artère ombilicale gauche; d'autres fois il s'éparpille dans le tissu
cellulaire, et les filaments qui résultent de sa division sont les uns à l'ombi-
lic, les autres aux cordons qui représentent les artères ombilicales. » (Cru-
veilhier, Anatomie descriptive, Paris, 1843, in-8, t. Ill, p. 549.) Ce n'est point
l'ouraque qui est éparpillé, mais son adhérence cicatricielle à l'ombilic qui
est tiraillée et détachée de l'anneau.
Chez les solipèdes et les ruminants, lorsque la vessie descend, elle soulève
le péritoine sous forme de pli, et un filament fibreux qui occupe le bord libre
de ce dernier, existe dès l'origine de ce déplacement entre le sommet de la
vessie et l'ombilic. Chez l'adulte, on trouve donc un ligament analogue à
ceux que je viens de décrire, étendu entre le sommet de ce réservoir et
l'anneau sur le bord inférieur et un peu au fond duquel il s'insère. Il est blanc
nacré ou un peu jaunâtre, aplati, large de 1 à 2 millimètres. Il est formé de
fibres élastiques analogues à celles signalées plus haut dans les ligaments de
l'homme, et de fibres lamineuses. Il est à peine vasculaire et ne contient que
quelques capillaires.
Chez les carnassiers et les rongeurs, le sommet de la vessie est arrondi,
flottant, tout à fait libre, et n'est point surmonté d'un ligament filamenteux
allant à l'ombilic comme chez les animaux précédents.
« L'une de ces lames (péritonéales, dites Ugameiits de la vessie), impaire et
verticale, se fixe sur la partie inférieure du cul-de-sac de la vessie ou mieux
son fond ; il n'est pas rare de la voir se prolonger en avant sur la paroi in-
férieure de l'abdomen jusqu'à l'ombilic ; elle porte, dit-on, à son bord libre
un mince ourlet, dernier vestige du canal ouraque; si cet ourlet existe, ce
qui nous semble douteux, il ne peut avoir la signiOcaliQQ qu'on veut bieu
lui attribuer, car l'ouraque n'a point, comme les artères ombilicale?, une
portion abdominale; il commence seulement au niveau de l'ombilic, pour se
])rolong(;r dans le cordon jusqu'à rallanloïae. » (Cbauvcau, Anatomie com-
PAKÉE DES ANIMAUX DOMESTIQUES, Paris, 1855, in-8, page 450.) Il n'est pas
douteux que l'ourlet ci-dessus existe, mais il n'appartient pas au repli du
péritoine; c'est lui qui soulève le péritoine en nn double feuillet. Son déve-
loppement est dû à la traction graduelle qu'éprouve l'adhérence cicatricielle
du sommet de l'ouraque ou de la vessie à l'anneau après la chule du cordon.
Cette traction dépend elle-même de l'écartement amené entre ces deux or-
ganes par l'accroissement du corps.
Sur l'extrémité de la veine oblitérée et rétractée, sont insérés des lilaments
aplatis d'un blanc jaunâtre qui tranche sur la teinte grise de celle-ci. Us
rampent à la surface à laquelle ils adhèrent fortement dans une étendue de
3 à 5 centimètres, avant d'abandonner son extrémité qu'ils enchâssent en
quelque sorte. Au delà de celle-ci, ils se réunissent ordinairement en un liga-
ment uniijue long de 1 ou plusieurs centimètres, qui se divise bienl(M en deux
ou trois filaments accolés l'un à l'autre. Parfois un ou plusieurs de ceux-ci
se bifurquent de nouveau dans le voisinage de l'ombilic. Ils sont générale-
ment grêles, leur volume n'est pas nécessairement en rapport avec cehii des
ligaments sous-ombilicaux, et leur disposition n'offre pas les variétés qu'on
observe sur ces derniers.
Ordinairement un de ces filaments, qui est presque toujours le plus gros,
se continue derrière l'anneau avec le ligament qui fait suite au cordon
fibreux de l'ouraque. Mais en même temps des divisions de ce faisceau on
les branches du ligament de la veine, se continuent derrière ou sur les côtés
de l'ombilic avec des branches des ligaments artériels.
Us passent ainsi derrière l'anneau sans lui adhérer, et appliqués contre lui
par le péritoine, le tissu lamineux et le fascia umbilicalis. Quelquefois ils
concourent à empêcher les viscères de traverser Pombilic. En même temps
que les dispositions précédentes, il n'est pas rare de voir les particularités
que voici, bleu qu'elles ne soient pas constantes. De chaque côté de l'anneau,
ù son niveau ou uu peu plus bas s'intriquent avec les fibres d'insertion des
ligaments artériels, celles de deux des subdivisions du ligament faisant suite
à la veine ; il peut aussi en venir un s'unir avec les fibres de ces ligaments
artériels au bord inférieur de l'anneau.
Lorsque le curdun fibreux de l'ouraque s'est rétracté sans conserver de
relations avec les ligaments des vaisseaux, ce qui est rare, on ne trouve (\ue
les unes ou les autres des dispositions précédentes, et surtout la continuation
des ligaments faisant suite à la veine avec ceux des artères seulement.
L'orifice ombilical se trouve placé au centre d'une portion de la ligue
blanche qui est ovalairc, allongée dans le sens vertical, et plus épaisse que
le reste de cette bjuide aponévrolique. La ioruie ovalairc de celle portion de
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la ligne blanche est due à ce que, au niveau de cet oriflce, les muscles droits
de l'abdomen et leur '^lûno sont un peu rétrécis, et leur bord interne est par
suite légèrement concave. Lorsqu'on a ouvert leur gaine aponévrotique, on
voit même que le muscle est pourvu au niveau de cette concavité et dans
toute sa longueur d'un petit faisceau tendineux longitudinal, brillant, plus ou
moins long et plus ou moins épais suivant les sujets. L'anneau ombilical lui-
même est bordé de fibres qui s'irradient autour de lui comme centre, qui
s'épaisissent et vont se perdre entre les fibres transversales ou légèrement
obliques de la ligne blanche qui de droite et de gauche viennent s'entre-
croiser sur la ligne médiane.
C'est à ces faisceaux radiés au pourtour du trou aponévrotique ombilical,
sur ses deux côtés, que s'insèrent par enchevêtrement de fibres les deux
moitiés du ligament faisant suite à la veine ombilicale, quand il n'est pas eu
continuité avec le ligament faisant suite à l'ouraque, qui manque parfois,
ainsi que nous Tavoiis vu.
Dès que les filaments ligamenteux aplatis, décrits précédemment, sont de-
venus volumineux, leur teinte d'un gris jaunâtre, analogue à celle du tissu
élastique, tranche sur l'aspect gris demi-transparent et cylindrique des longs
vaisseaux qui les accompagnent. Ces vaisseaux leur adhèrent quelquefois
même assez fortement, et avant la dissection donnent à l'ensemble du sys-
tèmeligamentcux un aspect plus riclieet plus éparpillé (luil ne l'est réellement.
Ceci est surtout marqué pour les vaisseaux qui, de la face antérieure de la
vessie montent sur les côtés du cordon de l'ouraque et des ligaments qui
lui font suite. Sous le microscope, les petites veines se distinguent parce
qu'elles sont assez riches en fibres élastiques longitudinales, tandis que celles
des artérioles sont surtout circulaires. Les vaisseaux qui accompagnent le
ligament faisant suite à la veine, peuvent être suivis derrière l'ombilic et la
ligne blanche jusqu'à 2 ou 3 centimètres au-dessous de lui, où ils s'inoculent
transversalement avec des branches des artères et veine épigaslriques. Dans
leur trajet sus-ombilical, ils donnent des branches transversales qui s'ana-
stomosent avec des rameaux des mêmes conduits au travers d'orifices arron-
dis ou ovalaires à contours bien dessinés, quelquefois assez épais, que pré-
sente la gaine aponévrotique sterno-pubienne.
Chez le cheval, on trouve le bout de la veine ombilicale à 8 ou 10 centi-
mètres au-dessus de l'ombilic, appliqué par le péritoine contre la ligne
blanche; mais il ne reste nullement adhérent à l'anneau. Il est légèrement
conique, blanchâtre et le cordon fibreux résultant de l'oblitération de la veine
offre également cette couleur. Ce cordon offre la même structure que chez
l'homme; il est large de 3 à 5 millimètres, reste appliqué et adhérent contre
la ligne blanche, puis contre l'appendice syphoïde jusqu'au niveau des at-
taches du diaphragme à ce cartilage. A partir de là, il occupe le bord libre
du repli péritonéal falciforme, gagne l'échancrure du lobe moyen dans la-
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quelle, après un trajet de quelques centimètres, il rencontre une grosse
branche hèputique de la veine porte sur laquelle il s'insère. Il no conserve
de cavité à son point d'insertion que dans une longueur de 3 à 4 milli-
mètres. Le ligament qui lui fait suite ne conserve pas, comme chez l'homme,
de connections avec celui de l'ouraque chez l'adulte.
III. — Pathologie.
1° NOTE SUR LE DÉLIRE AIGU CHEZ LES NÉO-CALÉDONIENS; par M. DE RoCHAS ,
chirurgien de marine.
Ou sait que plusieurs voyageurs en Amérique, en particulier de Humboldt,
ont constaté l'absence ou l'extrême rareté de l'aliénation mentale dans les
tribus indiennes du Nouveau-Monde. On a dit et avec juste raison, je trouve,
que les causes morales si nombreuses qui provoquent dans les sociétés po-
licées le développement de cette aflection n'existent point pour la plupart
dans les hordes barbares. Quiconque a vécu quelque temps côte à cûte avec
les sauvages, et à plus forte raison parmi eux, sait qu'il n'est aucun événe-
ment susceptible de les impressionner longtemps et vivement ; l'insouciance
est l'essence même de leur caractère et leur procure, à bien des égards, les
mêmes avantages que la philosophie. Mais il est un ordre d'impressions men-
tales dont les sociétés barbares sont le domaine de prédilection : je veux par-
ler des idées superstitieuses, des terreurs paniques, de toutes les misères
morales entretenues par l'ignorance, et trop souvent exploitées par le charla-
tanisme d'une caste. Rien d'étonnant alors que. ces impressions, d'autant plus
puissantes qu'elles ont pour sujet des cerveaux plus faibles et accessibles
pour ainsi dire à elles seules, ne produisent des effets en rapport avec leurs
causes, je veux dire des dérangements psychiques et sensoriaux liés à la
théomanie ou à la démonomanie. Voilà ce que j'ai cru observer chez les Néo-
Calédoniens, et c'est là que je voulais en venir. Ces sauvages sont éminem-
ment superstitieux : la croyance à des esprits dont il serait trop long de faire
la nomenclature et de caractériser l'espèce et les propriétés, la foi dans les
prodiges, la confiance dans les sorciers sont vivaces parmi eux. Qu'il me
suffise de dire que le dogme de l'immortalité de l'âme et la croyance dans
un autre monde peuple les bois, les cimetières, une foule de lieux, d'êtres
extraordinaires, âmes des ancêtres ou esprits incréés. Parmi ces esprits, les
uns sont bons, les autres mauvais, et les espiègleries de ceux-ci sont aussi
fréquentes que désagréables, voire même fatales, à condition qu'un sorcier
glisse adroitement dans la marmite une petite dose de poisou dont il connaît
si bien le maniement.
Les apparitions sont fréqiicnles, les nialiulios réi)utées tenir à possession
le .sont davantage encore, mais la plus biiîarre de foutes, et c'est d'elle sculç
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dont je veux m'occcuper ici, est celle qui tient à l'enlèvement du cœur, c'est-
à-dire de riutelligeiicc, car les Néo-Calédonieus ont placé le souffle de la vie
et le centre de ses manifestations dans cet organe qu'ils voient palpiter sous
l'elTort d'un agent inconnu dans le corps de l'ennemi qu'ils éventrent.
Voici donc la singulière maladie qui me parait ôlre, sauf opinion plus éclai-
rée, une forme de délire aigu accompagné d'hallucinations liées à la théo-
manie ou démonomanie.
Un individu mâle ou femelle, bien portant et sensé, est pris tout à coup
d'un délire ou furieux ou ébriéliforme. Son œil devient hagard, sa physio-
nomie revêt un aspect étrange ; il s'agite et parle d'une façon déréglée. Il
montre du doigt les êtres fantastiques qu'il voit et qu'il entretient; il les
poursuit ou cherche à leur échapper, et pour cela escalade les montagnes
avec la vélocité d'un chevreuil, et court en quelque sorte sur les troncs per-
pendiculaires des cocotiers comme sur un plan horizontal. Il lance des pierres
ou des sagaies à tort et à travers, frappe les personnes qu'il rencontre et qu'il
prend sans doute pour ce qu'elles ne sont pas. Dans une autre forme de dé-
lire plus calme, l'individu rit et déraisonne à la manière des gens ivres, fait
des actes sans conséquence, mais reste doux et calme. Cette forme parait être
beaucoup plus rare que la précédente. Je me hâte d'ajouter que les Calédo-
niens n'usent d'aucune boisson, d'aucune substance enivrante.
Dans l'un et l'autre cas, l'accès délirant n'est jamais de longue durée, une
heure ou une heure et demie ; après quoi les sujets tombent prostrés, et re-
venant complètement à la raison, racontent d'ordinaire les choses étranges
qu'ils ont vues à peu près comme on rendrait compte d'un rêve. »Mon cœur
Hait parti, » disent-ils, j'ai vu le père, le frère d'un tel (morts depuis tant
d'années) ; j'ai vu tels et tels esprits ; j'ai assisté à une grande fête chez nos
ancêtres, etc., etc.
Un chrétien du nom de Bonifacio avait vu l'enfer. Durant un sermon sur
l'enfer, deux femmes furent prises spontanément du délire dont il est ques-
tion. Ce délire est, du reste, susceptible de se propager par la contagion de
l'exemple, comme chez nous au temps du diacre Paris. Un jour sept femmes
furent prises coup sur coup et parcoururent en bacchantes les bois et les
montagnes. Ici le délire était probablement lié à l'érotomanie; mais comme
les faunes, les démons de luxure sont très-nombreux dans les lieux écartés,
on voit que c'est toujours le même ordre de causes et de phénomènes.
En aucun cas le délire n'a de suite funeste, il ne laisse après lui qu'une
prostration plus ou moins prolongée que pourraient expliquer à eux seuls
les prodiges de gymnastique qui l'ont accompagné. Un premier accès est
généralement suivi d'un ou plusieurs autres rapprochés ; c'est ainsi qu'il en
survient trois, quatre, cinq, pendant deux ou trois jours consécutifs, puis les
sujets guérissent pour toujours ou provisoirement. Eu ce dernier cas, après
un intervalle de plusieurs mois, d'une ou de plusieurs années, une récidive
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a lieu ; c'est alors une sorle de folie intermittente. Les causes physiques ex-
térieures (surcroît de chaleur, soleil, etc., etc.) ne paraissent avoir aucune
part à sa ])roduction. 11 se développe en toutes saisons et en tous lieux. Cer-
taines organisations y paraissent prédisposées, car ce sont généralement les
mêmes sujets qui, dans une même année ou à plusieurs années d'intervalle,
en sont repris.
Leur santé est, du reste, parfaite en temps ordinaire, et ils ne se distin-
guent nullement des autres personnes par l'état de leur intelligence, le fonc-
tionnement de leur cerveau.
Le délire est-il apyrétique ou, au contraire, accompagné de fièvre? C'est ce
que je n'ai pu savoir. Il a, en somme, des rapports très-frappants avec ['ob-
session des temps anciens, et est considéré comme tel par certaines per
sonnes qui croient plus que moi à l'intervention du diable dans notre pauvre
monde.
Dans l'opinion des Néo-Calédoniens, c'est bien une obsession, le fait d'un
être surnaturel, aussi le sorcier a-t-il la spécialité de sa cure. On en va quérir
un qui a la spécialité des traitements psychiques, un familier des esprits qui
ne craint point de contrarier un lutin. Le sorcier admoneste vivement le ma-
lade et arrête ainsi son attention sur un visage sévère et qu'on est habitué à
respecter ou au moins à craindre, et il parvient quelquefois à achever sa cure
par la surprise en crachant brusquement dans l'oreille ou dans l'œil du ma-
lade des herbes mâchées qu'il tenait eu réserve dans la bouche. Ce genre de
guérison, dont il est impossible de contester l'authenticité, ne peut s'expli-
quer que par le brusque changement d'idée apporté dans l'esprit du malade.
Bien entendu que le sorcier dit et que les indigènes croient que les herbes
en question jouissent d'une vertu spécifique.
La sorte de folie dont je viens d'essayer de donner une idée est la seule
qui existe chez les Néo-Calédoniens, et elle n'est pas très-rare. Mais l'idiotie
existe aussi, bien qu'elle m'ait paru rare. J'en ai vu un cas chez un sujet
rabougri, elle était probablemcut liée à uu vice de conformation cérébrale.
2° DEUX OBSERVATIONS DOBSTBUCTIONS DE L' ARTÈRE PULMONAIRE; par M. LAN-
cEREAux, interne des hôpitaux de Paris, lauréat de la Faculté et de l'Aca-
démie de médecine.
DILATATION DU COEUU DROIT, OBSTRUCTION PAR DES CAILLOTS FIBRINEUX
DE LA PLUPART DES DIVISIONS DE L'ARTÈRE PULJIONAIRE ET EN PARTI-
CULIER DE LA BRANCHE DROITE, LÉGÈRE ALTÉRATION GRAISSEUSE DE LA PAROI
DE CE VAISSEAU.
Obs. 1.— Le26 avril 1860 est entrée à l'hôpital de.la Pitié la nommée X,
Agée do 70 aus, llngère.
93
Forlcmeiit cmis'.itiii-c et chargée d'embonpoint, celle lemme se présenk
dans les con'Jilions suivantes :
La face est pâle, légèrement bouffie; la langue, les lèvres et les extrémités
sont froides et violacées; les membres sont œdémateux, mais principale-
ment les membres inférieurs.
L'abdomen est développé et renferme du liquide, le foie ne parait pas aii;;-
menté de volume ; la sonorité de la poitrine est légèrement diminuée et quel -
ques rùles disséminés s'y font entendre ; la respiration fréquente, pcnibic,
oblige parfois la malade à rester assise sur son lit, malgré une sensation de
dyspnée excessive; les mouvements d'inspiration sont peu prononcés.
L'impulsion du cœur est assez faible, l'abondance du tissu cellulo-adipeux
empêche de limiter cet organe par la percussion; les battements sont lourds,
les bruits difficiles à percevoir à cause de la fréquence de la respiration ;
toutefois, il semble bien qu'il existe du souffle, sans qu'on puisse préciser
exactement à quel temps il appartient.
Le pouls est accéléré, petit, à peine sensible.
Les fonctions digestives et génito-urinaires n'offrent pas de trouble ap-
parent.
Ce même état persiste durant quelques jours; l'asphyxie toutefois fait des
progrès, et la malade succombe le 1" mai.
Nécropsie. Les membres inférieurs sont fortement œdémateux ; les supé-
rieurs conservent à peine l'impression du doigt. La face et les extrémités
ont une teinte livide et violacée. Le tissu cellulo-adipeux est très-dévc-
loppé; l'ouverture de la cavité abdominale donne lieu à l'écoulement d'une
grande quantité de liquide.
Le foie est granuleux à sa surface, son tissu est ferme, induré, comme cela
se rencontre ordinairement dans les afl"ectiofls cardiaques.
La rate, un peu volumineuse, adhère au diaphragme ; son parenchyme a
plus de fermeté qu'à l'état normal.
A part quelques irrégularité de leur surface, les reins ne sont pas sensi-
blement altérés.
Les artères de la base du cerveau offrent quelques plaques jaunâtres ou
laiteuses.
La quantité du liquide céphalo-rachidien est augmentée; la substance cé-
rébrale ne parait pas altérée.
Le cœur est chargé d'une couche de graisse très-épaisse; il est volumi-
neux. Les ventricules ont 13 centimètres de hauteur et 25 de circonférence à
leur base; on remarque quelques plaques laiteuses sur leur partie anté-
rieure. L'oreillette droite est dilatée, sa surface intérieure a une coloration
normale; l'oriflce auriculo-ventriculaire correspondant, également atteint de
dilatation, se trouve insuffisant malgré l'intégrité presque complète de la
valvule, qui n'est que légèrement épaissie.
Le ventricule droit, dont la cavité est agrandie, a une paroi de 13 milli-
Çi't
mètres d'épaisseur. L'oriilce pulmonaire a 7 à 8 ceatimèlres de circoiifè-
rence; ses valrules sont intactes. Le tronc de l'artère pulmonaire est par-
semé de quelques points jaunâtres. La branche droite renferme un caillot
fibrineux qui obstruerait complètement son calibre si à l'union du tiers an-
térieur avec le tiers postérieur il n'existait une petite rigole semblant per-
mettre encore la projection d'une faible quantité de sang.
D'un rouge brun ou jaunâtre, ce caillot est constitué par des lamelles plus
adhérentes à la paroi en arrière qu'en avant. Dans la portion postérieure, en
effet, comme dans les anévrismes, les lamelles sont concentriques et d'au-
tant plus décolorées qu'elles sont plus rapprochées de la paroi du vaisseau.
A ce niveau, du reste, la paroi est altérée, on y trouve des plaques d'indu-
ration, quelques points ramollis dans lesquels l'examen microscopique ré-
vèle l'existence de nombreuses granulations moléculaires et de quelques
cristaux de cholestérine. Le coagulum fibrineux s'arrête au niveau des bran-
ches artérielles qui pénètrent le parenchyme pulmonaire. Mais dans ces der-
nières se rencontrent, sans continuité avec le précédent, plusieurs autres
caillots qui oblitèrent complètement le calibre du vaisseau qui les renferme
et présentent avec sa paroi des adhérences très-intenses.
La branche de l'artère pulmonaire qui se rend au poumon gauche est in-
tacte. L'une des divisions de premier ordre et un grand nombre d'autres de
deuxième et de troisième ordre se trouvent, comme à droite, oblitérés par
des caillots adhérents et fusiformes.
Partout ces caillots brunâtres sont plus colorés et moins consistants à leur
centre qu'à leur circonférence qui parait bien évidemment de formation
plus ancienne.
Les parois des branches parenchymateuses de l'artère pulmonaire ont leur
surface interne partout égale et lisse; elles offrent seulement quelques pla-
ques laiteuses disséminée?. Au niveau de chaque caillot, le calibre du vais-
seau se trouve dilaté; il est rétréci au delà où existe un coagulum J)lan-
châtre, filamenteux, adhérent à la paroi et se continuant par un pédicule
cylindrique avec le caillot placé à 1 centimètre en amont.
Cette disposition, à peu près générale, me parut tout d'abord avoir contri-
bué à la formation des caillots, mais l'examen attentif de ces derniers, dont
la partie centrale, plus molle et plus noire, annonce évidemment une forma-
tion plus récente, me fit abandonner ma première opinion. Un seul petit coa-
gulum me parut faire exception, en ce sens, qu'il était moins coloré au centre
où existaient quelques globules blancs.
De la fibrine à l'état concret, des granulations moléculaires, des globules
blancs et un grand nombre de globules rouges composent ces diverses coa-
gulations ; il va sans dire que les globules rouges sont plus abondants au
centre.
L'oreillette et le ventricule gauche sont aussi le siège d'une dilatatiou,
95
mais celle-ci est, proportionaellement, moins considérable ique celle des
cavités droites.
Les parois du Tentricule gauche ont à peu près l'épaisseur des parois du
ventricule droit; on constate une légère induration uu bord d'insertion des
valvules aortiques.
Partout les veines sont intactes; un examen attentif ne parvient pas à
faire découvrir la moindre trace d'une coagulation récente ou antérieure.
Le parenchyme pulmonaire, à part un léger œdème, n'est nullement
altéré.
DÉGÉNÉRESCENCE GRAISSEUSE DU CœUR ; OBLITÉRATION PAR DES CONCRÉTIONS
FIBRINEUSES DE LA PLUPART DES DIVISIONS DE L'ARTÈRE PULMONAIRE.
Obs. il —La nommée Lévêque, âgée de 60 ans, journalière, entre à l'hô-
pital de la Pitié, le 15 mai 1860, dans le service de M. le docteur Marrottc.
Cette malade, fortement constituée, a la taille élevée et un embonpoint
remarquable; elle accuse une diarrhée datant de plusieurs mois, de l'oppres-
sion et de l'essoufflement, surtout prononcés durant la marche; de la douleur
et une gêne considérable à la région épigastrique.
La langue est sale, il y a perte de l'appétit, deux à trois selles par jour.
Le pouls est faible, petit, mais sans fréquence.
Les bruits du cœur sont sourds et accompagnés d'un léger bruit de souf-
flet. Ils ne déterminent qu'une faible impulsion à la région précordiale où la
matité parait avoir une étendue exagérée.
Dans le lit, la malade se trouve assez bien ; mais si elle essaye de se mou-
voir ou de moucher, elle est bientôt prise d'une dyspnée intense et obligée
de s'arrêter. Les extrémités inférieures sont froides, violacées et légèrement
œdématiées.
On diagnostique une dilatation des cavités et des oriflces du cœur. La
diarrhée est d'abord combattue.
L'état précédent persiste durant quelques jours, puis, la diarrhée dispa-
rait; les battements du cœur deviennent moins perceptibles, ils offrent par-
fois des intermittences; le souffle toujours doux, se prolonge vers la pointe;
le pouls est de plus en plus petit, la température plus élevée, les extrémités
sont toujours froides.
La dyspnée s'accroît et s'accompagne d'un malaise indéfinissable.
La malade vient-elle à s'asseoir, aussitôt elle se trouve prise d'éblouis-
sements et de vertiges.
L'examen de la poitrine permet de constater l'existence de quelques râles
disséminés et d'un peu de faiblesse du murmure vésiculaire.
Un point important à noter, c'est que, malgré l'intensité de la dyspnée, les
efforts d'inspiration sont à peine augmentés et ne rendent pas compte de la
9G
gèiic excessive accusée par la malade. La nuit, il y a babilueiiemeul du cau-
chemar.
Dans la nuit du 21 mai, la malade éprouve un malaise plus grand, une op-
pression excessive; elle jette tout à coup un cri des plus aigus et perd con-
naissance. La respiration s'arrête, le pouls se suspend, le nez s'efTile, et
l'infirmier, qui la croit morte ou sur le point de mourir, lui jette de l'eau a
la tête ; puis, les 3'eux s'ouvrent, le pouls revient et la malade retombe dans
le même état. Ce n'est guère que dix minutes plus tard qu'elle agite forte-
ment ses membres, pousse un second cri, s'asseoit sur son lit et dit qu'elle
se trouve mieux.
Le 54 mai, elle meurt tout à coup, tandis que l'infirmier lui imprime un
léger mouvement, en essayant de la soulever, pour la replacer sur ses
oreillers.
Autopsie. OEdème peu prononcé des extr 'mités inférieures; coloration vio-
lacée des supérieures; développement exagéré du tissu adipeux sous-cutan(\
Augmentation de quantité des liquides sous-arachnoïdien et ventriculaire ;
pas d'altération sensilde de la substance de l'encépbale.
Le foie est un peu gros, les reins ne paraissent pas altérés, la rate est vo-
lumineuse et adhérente aux parties voisines. Elle se convertit en bouillie
noirâtre sous les doigts qui cliercbeut à l'extraire ; la muqueuse digestive est
violacée.
Système vasculaire. Le cœur est flasque, mou, chargé de graisse et plus
volumineux qu'à l'état normal. Cette augmentation de volume tient en grande
partie à la dilatation des cavités et à l'accumulation de la graisse sur les faces
antérieure et postérieure.
Les parois ventriculaires ont environ t centimètre et demi d'épaisseur à
droite et à gauche; mais à droite principalement la couche graisseuse forme
environ la moitié de l'épaisseur.
Les orifices sont dilatés proportionnellement aux cavités, les valvules of-
frent (juclques plaques légèrement opaques mais sans épaisseur notable.
Le tissu musculaire des ventricules est jaunâtre, comme injecté de graisse
dans certains points, principalement à droite; l'examen microscopique des
faisceaux striés permet de reconnaître dans quelques-uns une accumulation
plus grande des granulations grises et jaunâtres et, dans d'autres, de vérita-
bles granulations graisseuses. Quelques préparations donnent en abondance
des cellules adipeuses, excessivement larges, renfermant la plupart des cris-
taux de margarine. Ces grosses cellules adipeuses ne se rencontrent pas dans
les colonnes charnues, mais on y voit des faisceaux cbai'gés de granulations
jaunes et de gouttelettes huileuses.
Les arléies coronaires sont altérées et celte altération consiste dans un
épaiséisscnicnt par plaques jaunàUcà diâaéminées (dégénércircncc grais-
97
seuse et crétacée), qui détermine le rétrécissement du calibre du vaisseau.
L'aorte n'est pas altérée; le tronc de l'artère pulmonaire est sain.
Quelques plaques blanches, laiteuses, se rencontrent à la surface interne
des branches de cette artère.
Dans la plupart des divisions de second ordre, existent des concrétions li-
brineuses qui les obstruent complètement et se prolongent dans les divisions
subséquentes pour s'y terminer; les plus petites ramifications renferment un
sang noir et épais. Brunâtres et blanchâtres à leur surface, ces concrétions
adhèrent à la membrane interne du vaisseau, dont il est permis toutefois de
les détacher. Elles sont cylindriques, d'une consistance variable, mais géné-
ralement plus colorées et plus molles au centre qu'à la périphérie; elles oc-
cupent une grande partie des divisions de l'artère pulmonaire et partout
elles présentent des caractères à peu près semblables, de telle sorte qu'il
est impossible de leur assigner un point de départ et qu'il faut bien recon-
naître qu'elles sont d'un âge fort différent. Aucune d'elles ne se termine au
niveau d'un éperon.
Dans le cœur se rencontre un caillot librineux avec prolongement dans le
tronc de l'artère pulmonaire; mais il est mou, de formation récente, et ne
peut être considéré comme l'origine des concrétions dont nous venons de
parler.
Quant à ces dernières , l'examen microscopique démontre qu'il entre dans
leur composition :
1° De la fibrine à l'état fibrillaire ou granuleux;
2° De la matière amorphe et des granulations moléculaires ;
3° Des globules blancs du sang et des globules rouges déformés.
Tous les autres vaisseaux, et plus particulièrement les veines des mem-
bres, ont été examinés avec grand soin sans qu'on y pût trouver nulle part
la trace d'une coagulation fibrineuse.
Le parenchyme des poumons présentait pour toute lésion une légère infil-
tration de sérosité.
Dans les deux observations précédentes, nous constatons :
!• L'existence de concrétions fibrineuses oblitérant la plupart des branches
de l'artère pulmonaire et l'absence de ces mêmes concrétions dans toute autre
partie du système vasculaire;
2» L'adhérence de ces concrétions aux parois artérielles, leur consistance
plus molle et leur coloration plus prononcée vers le centre ;
3° L'altération du système vasculaire de la petite circulation.
Dans le premier cas, dilatation de l'oreillette et du ventricule droit avec
altération de l'artère pulmonaire ; dans le second, dilatation des cavités du
cœur droit avec dégénérescence graisseuse du ventricule et plaques laiteuses
de l'artère pulmonaire.
C'est, comme on le s-ait, dans ces derniers temps que l'attention des ana-
n. R.
98
tomo-patliologistes s'est dirigée vers l'étude des caillots sanguin.-^ dont l'exis-
tence au sein des vaisseaux n'est rieu moins que rare dans certaines ma-
ladies, lorsqu'on veut se donner la peine de les y chercher. L'opinion est
partagée quant à l'origine de ceux que l'on rencontre dans l'artère pulmo-
naire: tandis que les uns pn'tendent qu'ils y sont généralement transportés
par le courant circulatoire, d'autres pensent qu'ils s'y forment le plus sou-
vent sur place {in situ). Qu'y a-t-il d'impossible, en effet, que la même cause
qui détermine la coagulation du sang dans l'un des vaisseaux des membres
ou du tronc ne la produise en même temps dans l'artère pulmonaire ? Ne
sait-on que cette artère est susceptible de s'enflammer? Et pour mon compte
je puis dire que j'ai eu l'avantage d'observer récemment un magnilique
exemple de cette inflammation avec suppuration à l'intérieur du vaisseau.
Mais, en outre, le sang altéré de certains cachectiques ne rencontre-t-il pas
autant de difTicultés à circuler dans les nombreuses divisions de cette artère
dont le calibre est de plus en plus petit, que dans les veines où le contraire
se remarque? Je sais qu'on peut invoquer le voisinage du cœur, la force
d'impulsion dans un cas, le défaut presque absolu dans l'autre.
Mais cette objection, qui peut avoir de la valeur lorsque le cœur droit est
sain, doit nécessairement tomber quand il est malade.
Dans nos deux faits, tout indique que la coagulation sera faite sur place;
les caractères des concrétions, leur absence dans tout le reste du système
circulatoire, suffisent pour lever tous les doutes. JN'ous devons donc repous-
ser l'idée d'embolie, et chercher la cause de la coagulation qui s'est faite
dans le vaisseau lui-même.
Cette cause ne pouvant être une altération des reins, pas plus qu'une lésion
des poumons ou de tout autre organe puisqu'ils étaient tous sains, doit donc
se trouver dans le sang ou dans le système circulatoire. Mais l'absence de
l'une de ces maladies cachectiques dont le terme ultime est la coagulation
spontanée du sang au sein des vaisseaux, nous reporte immédiatement à
l'examen du système circulatoire. Or dans un cas, l'artère pulmonaire est
altérée et le cœur droit dilaté dans l'autre; le cœur droit dilaté a, en oulre,
subi en partie la dégénéresce graisseuse. Les plaques laiteuses de l'artère
pulmonaire, dans ce dernier cas, faisant à peine saillie à l'intérieur du vais-
seau, nous les croyons sans grande influence, et nous pensons devoir rap-
porter ici avec assez de raison, principalement à la dilatation et ù l'état
graisseux du cœur la coagulation du sang dans l'artère pulmonaire, et si
dans la première observation la lésion de cette dernière a pu contribuer à
son oblitération, il i'aut bien reconnaître que l'état du ventricule droit n'y a
pas été complètement indifférent, si l'on se rappelle combien peu cette artère
se trouvait altérée.
Si ce rapprochement n'a pas encore été signale, si Jusqu'à présent on s'est
peu préoccupé de l'importance de l'altération du vcntrii.'ulc droit dans les
00
iaiis du geaie de ceux que nous rapportons, il ne faut pas eu conclure qu ils
soient très-rares. Nous avons vu, en effet, que cette altération se trouvait
notée dans un grand nombre d'observations.
Nous nous contenterons d'indiquer seulement les observations II et III du
mémoire de Pagct (Transactions iMédicales, 18 i4) et de rapporter la note
suivante extraite des Bulletins de la Société anatomique, tome III, p. 109.
M. Monod fait voir un caillot fibrineux occupant toute la cavité de l'oreillette
gauche entièi ement moulée sur lui. La portion contenue dans l'appendice
auriculaire beaucoup pins consistante et plus blanche que le reste, contient
du pus de bonne nature (1). Les ramiflcations de l'artère pulmonaire sont en
grande partie remplies de productions fîbrineuses moulées sur la cavité des
vaisseaux. Les unes sont percées à leur centre d'un canal qui permettait le
passage du sang, les autres ne sont pas canaliculées. Partout où existent ces
productions fibrineuses, le lobule pulmonaire correspondant est le siège
d'une infiltration sanguine. La femme qui a fourni ces pièces pathologiques
était alTectée d'une dilatation passive très-considérable des cavités droites du
cœur.
J'entrevois l'objection de tous ceux qui, avec M. Virchow, pourraient ici
rattacher à un caillot migrateur l'obstruction de l'artère pulmonaire, et je
leur demande de me prouver cette migration ou bien de ra'expliquer l'état
canaliculé des concrétions fibrineuses.
S'il est évident que chez nos malades la mort a été le résultat de l'asphyxie,
comment s'expliquer la persistance de la vie avec un obstacle aussi considé-
rable au cours du sang dans l'artère pulmonaire lorsqu'il est établi par des
faits qui paraissent bien observés qu'uu seul caillot migrateur arrêté dans
une division de second ordre peut amener rapidement la mort? C'est là très-
probablement un phénomène du genre de ceux que fournissent les épanche-
ments pleurétiques dont la rapidité de formation peut parfois donner lieu à la
mort subite. Ce serait encore l'histoire de ce moineau qui meurt subitement
dans l'air vicié par un animal de même espèce qui continue d'y vivre. Le
trouble subit d'une fonction telle que la respiration est donc toujours dange-
reux ; il doit être pris en sérieuse considération pour le diagnostic des ob-
structions de l'artère pulmonaire par des caillots migrateurs.
L'afTection du cœur avait été diagnostiquée chez nos deux malades, mais
on n'avait pas soupçonné l'obstruction de l'artère pulmonaire. Il faut donc
savoir que le diagnostic est difficile dans les cas de ce genre où les symp-
tômes sont peu différents de ceux qui se rencontrent dans les maladies du
cœur, et que ce qui en fait la principale difficulté c'est l'affection cardiaque
(t) On sait aujourd'hui que les caillots du cœur renferment non paa du pus,
mais des globules blancs et de la fibrine.
100
concomitante à l'aide de laquelle ou paivient toujours a se icndre coiiii»te
des phénomènes observés.
On peut dire cependant qu'il n'est pas impossible, si l'on se rappelle la pâ-
leur générale, le froid des extrémités, l'anxiété extrême, la sensation exces-
sivement pénible de dyspnée accusée par nos malades.
Ces phénomènes, en effet, ne paraissaient pas suffisamment expliipiés par
les signes physiques constatés à l'examen du cœur et des poumons, ils n'é-
taient pas en rapport avec les efîorts musculaires de la respirât ionjà peine
plus marquée, avec la possibilité où se trouvaient les malades de changer de
place et d'occuper presque indifféremment la position assise ou horizon-
tale.
Je crois devoir insister plus particulièrement sur la dyspnée qui, sans les
plaintes réitérées des malades, nous aurait à peine frappé, et qui cependant
était tellement pénible et douloureuse, que l'une d'elles croyait à sa lin pro-
chaine d'après cette seule sensation, et qu'elle accusait d'ignorer sa mala-
die si l'on n'y prêtait une sérieuse attention.
Nous espérons donc que ces considérations ne seront pas complètement
inutiles, et qu'elles serviront à éclaircir l'histoire encore si obscure des ob-
structions de l'artère pulmonaire. Nous les résumons comme il suit :
1° La dilatation et l'altération graisseuse du cœur droit peuvent contribuer
à la formation de concrétions flbrineuses au sein de l'artère pulmonaire, si
elles n'en sont parfois la cause unique. Le plus souvent, suivant nous, cette
cause agirait de concert avec l'altération de l'artère pulmonaire.
2* La vie est compatible pendant un certain temps avec l'oblitération de la
plupart des divisions de l'artère pulmonaire, lorsque cette oblitération sur-
vient lentement, et qu'elle est due conséquemment à des caillots qui se for-
ment sur place.
30 Les caillots migrateurs donnant lieu à des troubles subits, excessil's et
souvent rapidement mortels, peuvent être cliniquement distingués des pré-
cédents ;
4° L'oblitération d'une ou de plusieurs des divisions de l'artère pulmonaire
n'entraîne pas nécessairement l'altération du parenchyme du poumon cor-
respondant. C'est là une preuve que l'artère pulmonaire est simplement un
organe d'iiématosc, et que les artères bronchiques sont [)lns spécialement
destinées à la nutrition des poumons.
5» La coincidence fréquente d'une affection cardiaque avec dilalalinn, et de
l'oblitération de plusieurs des divisions de l'artère pulmonaire, rend plus
difficile le diagnostic de celte dernière. Une dyspnée excessivemcut pénible
t surtout le peu de rapport entre cette sensation et les efforts musculaires de
la respiration, les plaintes du malade, la pâleur et le froid des extrémités, et
peut être aussi la moindre fréquence du pouls, sont autant de phénomène."
toi
(jiii doivent mettre sur la voie du diagnostic de l'obstruction artt'riel le, et
qui peuvent suffire pour la reconnaître.
V.— Botanique.
NOTE SUR LE POLLEN ET LA FÉCONDATION DES GLAUXINIA ;
par M. Ernest Faivre.
Le glauxiniaestune plante de la famille des gesneréacées; elle fleurit dans
nos serres chaudes pendant les mois de juin et de juillet. Nous rappellerons,
pour faire comprendre les détails qui suivent, que dans ces plantes il y a
quatre étamines réunies par les anthères et dont les filets sont écartés; l'o-
vaire est surmonté par un style simple et un stigmate légèrement lobé.
Si on examine le bouton avant l'épanouissement de la fleur, on constate
que le style très-court est bien loin d'atteindre les anthères ; dès que l'épa-
nouissement a eu lieu, le style s'allonge avec rapidité, passe sous l'arceau
des étamines, se recourbe par en haut, de manière que le stigmate tou-
che les anthères ; alors seulement la fécondation peut avoir lieu, et immédia-
tement les anthères se flétrissent.
Voici des observations qui montrent l'énergie de la nutrition co'incidant
avec l'acte fécondateur :
Le 27 juin, à sept heures du matin, quatre boutons de glauxlnia erecta
commencent ù s'épanouir; le style a seulement 0,10 millimètres de lon-
gueur.
Le même jour, à sept heures du soir, dix heures après, il a acquis
0,16 millimètres.
Le 28, à sept heures du matin, le style mesure 22 millimètres, et le même
jour, il se recourbe et atteint vers trois heures la face supérieure des an-
thères; la fécondation commence alors, et pendant trois jours le style reste
appliqué sur les étamines. Après ce laps de temps, il se relève, s'allonge
de nouveau pendant vingt-quatre heures, et atteint 33 millimètres.
Ainsi, pendant l'espace de cinq jours qui s'est écoulé depuis l'épanouisse-
ment du bouton, le style a acquis 23 millimètres de longueur; il a accompli
en même temps une sorte d'évolution complexe pour aller chercher le pollen
sur la face supérieure des étamines.
Il arrive dans quelques circonstrances que le style, au lieu de se courber
au-dessus des étamines, s'élève directement de bas en haut et force les an-
thères à se dissocier. Dans les cas analogues qui ont été observés, la fécon-
dation n'a pas eu lieu.
Les faits qui précèdent et qui s'observent dans plusieurs genres de la fa-
mille des gesneréacées, démontrent le rôle actif de la nutrition au moment
même de la reproduction sexuelle; il se fait alors dans toutes les parties flo
raies un afflux de suc considérable.
1U2
Le pollen des glauxinia se présente sous forme de grains arrondis, Joiii
la structure ne diffère pas de la structure ordinaire des grains de pollen. La
teinture d'iode les colore en jaune rouge et il ne se manileste aucune colo-
ration bleue, lors même qu'on a eu soin d'ajouter une goutte d'acide snlfu-
rique.
Le liquide cupro-ammoniacal ne dissout pas le grain ; en un mot, le pollen
n'offre aucune réaction analogue à celle de la cellulose; il se comporte, au
contraire, par rapport aux acides, comme une matière azotée. La fovella, con-
tenue dans le grain de pollen, est douée de mouvements très-actifs, qui uiit
été bien des fois décrits.
Nous avons voulu examiner dans quelles limites ce pollen peut être con-
servé sans cesser de perdre ses propriétés fécondantes. Après avoir recueilli,
le 15 juillet 1859, du pollen de glauxinia, nous l'avons examiné au micro-
scope pendant les mois d'octobre, de janvier et de mars 1860. Ce pollen
avait été simplement enveloppé dans du papier et placé dans un lieu tres-
sée,
A toutes les époques, le pollen a présenté les mêmes caractères.
Le 1*' juillet 1860, nous avons enlevé les étamines d'une très-jeune fleur
de glauxinia, et nous l'avons fécondée artificielloment avec le pollen con-
servé depuis une année; la fécondation a parfaitement réussi. C'est un fait
de plus à ajouter à ceux que les botanistes ont déjà recueillis; jamais, à
notre connaissance, ce résultat n'avait été constaté sur des plantes ornemen-
tales de serre chaude comme les gesnercacées ; nous nous proposons de re-
nouveler l'expérience.
COMPTE RENDU DES SÉANCES
LA SOCIÉTÉ m BiOLOGIl
PENDANT LE MOIS d'AOUT 1860;
Par m. le Docteur J. MAREY, secrétaire.
PRESIDENCE DE M. RAYER.
I. — Anatomie.
SUR LE MODE DE DÉVELOPPEMENT DES LIGAMENTS QUI RELIENT ENTRE EUX
l'ombilic ET SES VAISSEAUX; par M. le docteur Charles Robin.
Lorsqu'après avoir détaché la paroi abdominalecie haut eabas, avec la portion
du foie à laquelle adhère la veine ombilicale oblitérée, on enlève le péritoine,
on voit l'ombilic relié aux extrémités des vaisseaux rétractés par un ensemble
de filaments ligamenteux, d'épaisseur et do dispositions très-variées d'un
sujet à l'autre. Il faut, sur quelques cadavres, procéder avec soin à l'ablation
du péritoine pour ne pas les enlever ou les rompre. Quelquefois, on peut les
suivre très-nettement par transparence, lorsque de la graisse ne les masque
pas trop.
104
Dans les premiers jours de la rétraction des artères et de la Teine, on voit
la tunique externe des uns et des autres établir une connexion entre leurs
bouts et l'ombilic. Elle forme une sorte de ligament aplati, mou, creux dans
le principe, bientôt plein par soudure de ses deux faces, et cela bien plus
vite lorsqu'il ne s'est pas épanché de sang dans sa cavité que dans le cas
contraire. C'est ce qu'on observe, pour la veine en particulier, lorsque sa
rétraction est tardive, parce qu'alors son extrémité étant cicatrisée ne laisse
pas écouler de sang ; en outre, en raison de la lenteur de sa rétraction, il y a
soudure l'une avec l'autre des deux faces de la tunique, en même temps que
s'accomplit le phénomène précédent. 11 en résulte que quelquefois, lors
même qu'elle ne s'est encore réfractée que de 6 à 8 millimètres. C'est déjà
un ligament plein, aplati, grisâtre, mou, qui relie son extrémité à l'ombilic.
Pendant que le cordon cylindrique succédant à l'ouraque descend, il se dé-
veloppe dès le commencement de leur écartement, entre son extrémité et
l'ombilic, un filament ligamenteux grisâtre ou gris rougeâtre, aplati ou cy-
lindrique très-étroit. Or dès l'époque où le bout de la veine est à quelques
millimètres de l'anneau, on peut reconnaître que le ligament qui lui fait
suite adhère aux côtés de l'anneau par ses bords et se continue avec celui
de l'ouraque par sa partie médiane. En même temps les bouts tiraillés de la
tunique adventice passent, comme nous l'avons vu, à l'état de filaments
pleins, minces, aplatis, larges d'abord de 1 à 2 millimètres; mais parfois, à
l'âge d'un an, lorsque les moignons artériels se voient au niveau du pubis,
sur les côtés du sommet de la vessie vide, ils sont passés à l'état de fins fila-
ments fibreux, à peine perceptibles à cause de leur transparence, plus
tard ils grossiront et prendront une coloration plus tranchée. Us adhè-
rent avec les précédents aux côtés de l'ombilic; les uns et les autres se
partagent à leur extrémité en plus petits filaments; chacun de ceux-ci s'al-
longe et grossit au fur et à mesure que lo bout des organes qu'ils relient à
l'anneau et entre eux s'écarte de celui-ci et que le sujet avance en âge. Do
là résulte qu'en outre des ligaments faisant suite au bout de la veine, à celui
de l'ouraciue et à celui de chacune des artères, il s'en développe d'autres plus
petits qui s'éteudent de quelque point de leur longueur jusqu'à l'ombilic
ou aux ligaments analogues qui les avoisinent.
Toutefois, lorsque les artères restent adhérentes avec le sommet du cordon
de l'ouraque chez l'homme ou celui de la vessie chez les solipèdes et chez
les ruminants, il ne se développe qu'un seul ligament à partir du haut de
ces trois organes réunis jusqu'à l'ombilic. Ce fuit est assez rare. Chez quel-
ques sujets les artères et l'ouraque commenceut par se rétracter chacun sé-
parément d'une manière égale ou non, et le ligament qui leur fait suite abou-
tit directement à l'anneau ; mais lorsque la rétraction coutinue, l'extrémité
ombilicale de chacun de ces filaments se détache simultanément pour tous
les trois on un ligament commun qui s'allonge avec l'âge derrière la ligne
105
blanche, et reçoit à ?on bout inférieur ceux qui auparavant allaient à l'anneau.
Parfois, avec les progrès du développement, le ligament de l'ouraque se dé-
tache de cette exln-mité inférieure, et cesse d'élre en connexion, môme in-
directe, avec l'ombilic et avec les ligaments artériels et veineux, ce qui est
rare.
Sur quelques individus, les ligaments du bout des artères continuent, cha-
cun de son côté, à rester en connexion avec l'anneau, mais celui de l'ou-
raque se détache de l'ombilic en restant adhérent à l'un des deux ligaments
artériels seulement ; il en résulte que la rétraction continuant, il est entraîné
de côté par le ligament de l'artère auquel il adhère, puis s'incline peu à peu
et cesse d'être placé sur la ligne médiane, et tire parfois obliquement le
sommet de la vessie.
Quelquefois, l'un des ligaments artériels se comporte, par rapport à l'autre,
comme celui de l'ouraque dont il vient d'être question; c'est-à-dire qu'il se
détache de l'anneau et reste adhérent à l'autre ligament artériel qui l'entraîne
en même temps que celui de l'ouraque; ce dernier est inséré un peu plus
bas ou cesse d'avoir aucune annexion avec eux et devient libre.
De ce mode de développement résulte qu'il se produit, comme on le com-
prend facilement, de nombreuses variétés dans le nombre et le volume des
filaments faisant suite aux extrémités de chaque vaisseau et de l'ouraque;
quelquefois même celui-ci se détache tout à fait de l'anneau sans conserver
aucune connexion avec lui. Ce fait est normal chez les carnassiers et les
rongeurs.
On voit déjà, par ce qui précède, qu'il n'est pas exact de dire avec M. Ri-
chet (Du trajet et de l'anneau ombilical, etc., Archives gén. de med., Paris,
1856, in-8,t. VllI, p. 644) : «Daus ce cordon (fibreux qui traverse l'anneau) il est
jusqu'à un certain âge possible de retrouver, à l'aide d'une dissection minu-
tieuse, les éléments qui pendant la vie intra-utérine établissent entre le fœtus
et la mère des rapports vasculaires ; ces éléments sont les deux artères om-
bilicales, la veine de ce nom, et enfin l'ouraque » Après la naissance,
ces organes, devenus inutilesà la vie nouvelle, se soduent entre eux et avec
le derme, au moyen d'une cicatrice qui, de jour en jour, devient plus fi-
breuse, plus résistante, et qui, comme tous les tissus inodulaires, a une
certaine tendance à se rétracter et à attirer à elle les parties environ-
nantes. »
Ces interprétations, comme on le voit facilement (1) et comme il ressor-
tira encore de ce qui suit, ne sont pas plus exactes que celles des autres
(1) M. Malgaigne ne croit pas que ce soit là le mode d'oblitération de l'an-
neau ombilical (Traité d'anatomie chirurgicale, Paris, 1859, 2» édit., t. II,
p. 240 et 378),
106
auteurs qui ont traité ce sujet, parce qu'on n'a pas signalé la rétraction de-
artères et du cordon de l'ouraque en bas, vers le bassin, ni celle de la veine
en liant, ni le tiraillement de leur attache cicatricielle primitive à l'ombilic,
ni par suite le mode de développement des ligaments, qui rend compte de
leur nature et de leurs variétés. Par suite, on n'avait vu qu'un petit nombre
des dispositions anatomiques qui existent, mais en les interprétant mal et
les décrivant mal au fond, puisqu'on décrivait comme aboutissant à l'anneau
ombilical et y adhérant des vaisseaux qui en sont distincts : la veine de 3 à
10 centimètres, chez l'adulte et les artères de 10 à 14 centimètres ; puisqu'on
donnait comme étant les vaisseaux modifiés ce qui est ici une portion de la
tunique adventice modifiée considérablement pendant l'accroissement après
la rétraction, ailleurs l'adhérence cicatricielle tiraillée.
On voit, d'après ce qui précède, que l'état des vaisseaux ombilicaux après
la naissance et chez l'adulte n'a en réalité pas été décrit, ou du moins ne l'a
pas été exactement. En effet, ce ne sont ni les uns ni les autres qui se ren-
dent à l'ombilic ; leurs extrémités ne restent nullement adhérentes à l'an-
neau, contrairement à ce que disent tous les auteurs, sauf rares exceptions,
et encore pour les artères seulement. C'est à plusieurs centimètres de celui-là
qu'il faut les chercher.
En outre, dans le passage du reste des artères à l'état de cordon fibreux ce
ne sont point toutes les parties de l'artère qui y prennent part en quelque
sorte, car il n'y a que la tunique externe ou vasculaire qui s'épaissit, tandis
que la tunique élastique et musculaire se réduit peu à peu à l'état de mince
filament au centre de la précédente.
Sur 43 cordons fibreux succédant à la veine ombilicale, que j'ai disséqués,
j'ai noté 38 fois la longueur de 1 à 2 centimètres pour la portion restée
perméable, et 5 fois l'étendue de 3 à 4 centimètres. Tout le reste du cordon
est plein ; examinés à l'intérieur, ces cordons pleins mesurent en général 4
à 6 centimètres, depuis leur point d'attache sur le sinus porte jusqu'au bord
antérieur de la scissure du foie, et C à 8 centimètres hors du foie dans le
bord libre du ligament suspenseur. Enfin, de l'extrémité du moignon yei-
neux jusqu'à l'anneau ombilical se trouve un intervalle de 3 à 10 centimètres
selon les sujets.
Le tronc commun ou sinus de la veine porte est placé à peu près trans-
versalement sous le foie, perpendiculairement au sillon longitudinal. En
avant, tout à fait sur la ligne médiane, le cordon fibreux qui succède à la
veine ombilicale s'insère presque à angle droit sur le sinus porte. 11 est gri-
sâtre, formé de faisceaux de fibres longitudinales lâchement unies, se disso-
ciant aisément par dilacéralion, et il se déchire facilement en long. La face
interne de la courte portion restée tubuleuse à son point d'insertion est
blanchâtre, lisse, et laisse voir la disposition longitudinale des faisceaux
fibreux.
107
Celte cavité, as^ez large à rendrcit môme fie sa communication avec celle
dn sinus, se termine en pointe dans l'axe dn cordon fibreux. La disposition
des fitres dans celui-ci fait que l'extrc'mité des ciseaux pénètre facilement
dans son tissu si l'on fend sans précaution la cavité de la base; il importe
d'éviter cet accident quand on veut mesurer la longueur de cette cavité. Cette
texture lâche est aussi la cause qui fait que, si l'on pique le centre de ce cor-
don avec un tube à injection mercurielle, le métal file en écartant ses fibres
jusqu'au bout du moignon, et c'est là seulement qu'il s'épanche, tant chez
fadulte que chez les jeunes sujets, ainsi que l'a vu M. Sappey(l). Le liga-
ment fibreux qui succède au canal veineux est aplati, grisâtre, sans cavité
aucune, résistant quand on cherche à le rompre, est formé, comme le pré-
cédent, de fibres lamineuses principalement, flexueuses et faciles à disso-
cier aussi dans le sens de leur longueur. Il se détache à angle droit du bord
postérieur du sinus porte, et va directement d'avant en arrière au bord anté-
rieur de la veine cave ou de la grosse veine sus-hépatique gauche, près de
la veine cave. Il est inséré au sinus porte, à 1 ou même 2 centimètres plus
à droite que le cordon fibreux de la veine ommbilicale et non vis-à-vis
de lui.
On ne connaît pas encore d'exceplion à cet écartement qui existe entre
l'ombilic et le bout du moignon veineux qui s'en détache et qui remonte
après la chute du cordon ombilical.
Ces faits ont une grande importance anatomo-pathologique et pour avoir
été ignorés ils ont conduit à émettre des hypothèses erronées dont ils
eussent préservé certainement s'ils avaient été connus. C'est ainsi que :
1° l'indépendance de la veine ombilicale par rapport aux veines des parois
du ventre; T la courte étendue de la portion de ce vaisseau qui reste tubu-
leuse et la grande longueur de celle qui est pleine chez l'adulte ; 3" enfin,
la distance qui sépare le bout de rombilic du moignon veineux auraient dû
démontrer l'impossibilité :
l» D'un retour pathologique de ce cordon fibreux à l'état de veine pendant
certaines cirrhoses ;
2" De la formation chez l'adulte d'une communication vasculaire qui n'a
jamais existé entre lui et les veines épigastriques ou les tégumenteuses
abdominales.
Dans le travail cité plus haut, M. Sappey, en faisant mieux connaître l'ana-
tomie du système de la veine porte, a démontré que d'autres veines né-
gligées jusqu'alors établissaient cette communication accidentelle entre la
(1) Sappey, Recherches sur un point d'anatomie pathologique relatif à
l'histoire de la cirrhose (Rapport de MM. Barth, Robert et Ch. Robin, Bul-
letin DE l'acad. impér. de MÉDECINE. Pari?, 1859, in-8, t. XXIV, p. 953j.
108
Tcine porte et les veines générales sans que la veine ombilicale oblitérée
prit aucune pari ù ce phénomène.
A la page G45 de sou mémoire cité plus haut, M. Ricliet dit que les adhé-
rences de la veine ombilicale à la partie supérieure de l'anneau sont trés-
faibles ; qu'un petit peloton adipeux occupe entre la circonférence supérieure
de l'anneau et la veine l'espace dépourvu d'adhérence. « Quant à la demi-cir-
conférence inférieure de l'anneau, dit-il, elle est, au contraire, solidement
fermée par les adhérences que contractent avec elle les artères ombilicales
et aussi les vestiges cellulcux de la veine. »
Ceci est exact pour les ligaments des artères, mais non pour celui de la
veine. Il est vrai que le ligament faisant suite à la veine n'adhère pas au
bord supérieur de l'anneau, mais il n'adhère pas non plus à son bord in-
férieur, c'est aux insertions des ligaments artériels sur les côtés et au-des-
sous de l'ombilic ; c'est aussi avec le ligament faisant suite au cordon de
l'ouraque qu'il se continue en partie, en passant derrière l'ombilic sans s'y
insérer à proprement parler, fait qui n'avait pas été noté. 11 n'est pas non
plus exact, comme on le voit, de dire que la veine « n'étant que faiblement
sollicitée vers le foie, dont le développement reste longtemps stationnaire
après la naissance et, d'autre part, adhérent intimement au cordon ligamen-
teux des artères et de l'ouraque (devenus fibreux, peu extensibles et ne par-
ticipant plus d'ailleurs à l'accroissement général), se laisse entraîner en has,
en sorte que détachée et maintenue à distance du bord supérieur de l'anneau
elle ne peut contracter avec lui qu'une union très-précaire.» {Richet, îoc. cit.,
Î856, in-8, t. VllI, p. 646.)
Les faits précédents nous rendent compte de la manière dont on doit inter-
préter la citation suivante :
« Je l'ai vue (la veine ombilicale) dans plusieurs cas se porter à gauche du
môme bouton (ombilical), et plusieurs fois se bifurquer comme pour embras-
ser les autres vaisseaux et venir se terminer à la peau par ses deux divisions.
Enfin il m'est pourtant arrivé, mais rarement, île la rencontrer se divisant en
une multitude de cordons qui venaient se fixer sur la peau, n (Jobert (de
Laraballe), Maladies chirurgicales du canal intestinal. Paris, 1829, in-S°,
t.II, p. 412.)
Nous venons de voir que ce n'est pas à la peau que se fixent ces cordons,
et que ce n'est pas la veine qui se divise ainsi, mais le ligament qui lui fait
suite.
M. lUchet donne le nom de gouttière ou de trajet ombilical à l'espace com-
pris entre la face postérieure de la ligne blanche, le bord interne des mus-
cles droits et le fascia umbilicalis. Il le fait terminer inférieurement comme
ce fascia à la partie supérieure tic l'anneau oniliilical, dépourvue d'adhérence
avec les restes des vaisseaux, et le cousidôre comme l'analogue à l'om-
bilic du trajet inguinal; mais le fascia umbiliralis ne descend pas toujours
109
aussi bas; il n'est pas rare uou plus de le voir passer derrière l'ombilic
même et s'étendre à quelques centimètres au-dessous de lui ; par conséquent
le trajet qu'illimité en arrière est loin d'aboutir toujours à l'anneau; cela
n'a lieu qu'autant que le fascia s'arrêle an niveau ou un peu au-dessous de
ce dernier. Ces faits, joints à l'absence du fascia, presque aussi fréquente
que sa présence, à ce que ce trajet ne contient que de la graisse et des liga-
ments succédant à la veine sans être jamais traversé par aucun organe fœtal,
car la rétraction est achevée avant l'apparition àa fascia. Ces fails, dis-je,
montrent assez que les analogies de ce trajet avec le canal inguinal ne sau-
raient être soutenues ni sous le point de vue de leur constitution ni sous
celui de leurs usages.
On voit quelquefois toute espèce de feuillet de ce genre manquer chez des
sujets fortement musclés, et dont les aponévroses abdominales sont épaisses
et brillantes.
Quand le fascia est bien développé, il commence un peu au-dessous du
moignon de la veine, où il est formé de puissants faisceaux fibreux nacrés
transverses, allant d'une gaîne sterno-pubienne à l'autre. 11 s'élargit au ni-
veau de l'ombilic, derrière lequel il passe, et là s'amincit. Il descend ensuite
plus ou moins bas au-dessous de l'anneau, c'est-à-dire de l à 5 centimètres
environ, en s'élargissant toujours; là ses faisceaux sont entre-croisés en di-
verses directions. Il se termine au niveau de la ligne demi-circulaire de
Douglas, ou même plus bas, et quelquefois de son bord inférieur se détachent
les faisceaux signalés ci-dessus. Obliquement dirigés en bas sur les gaines
musculaires, il offre chez certains sujets des interruptions ou lacunes vers
sa partie inférieure. II s'élargit en approchant de son bord inférieur. Il tient
ainsi appliqués contre la ligne blanche et les muscles droits de l'abdomen les
ligaments faisant suite à l'ouraque et aux vaisseaux; il les masque, et fait
qu'on ne les voit qu'après dissection, ou du moins on ne fait que les aperce-
voir par transparence au niveau des portions les plus minces de l'aponé-
yrose.
On Toit par ce qui précède que le fascia umhilicalis est un feuillet aponé-
vrotique qui se rapporte à l'existence de l'appareil ligamenteux succédant
aux vaisseaux ombilicaux qui, ainsi que beaucoup d'autres groupes d'or-
ganes, s'en trouve pourvu lorsqu'il offre un certain degré de développement.
On voit d'autre part que ces ligaments jouent un rôle dans la résistance des
parois abdominales et de la ligne blanche en particulier dans le sens longi-
tudinal. Ils concourent par suite, lorsqu'ils sont bien développés, à maintenir
la configuration et la bonne conformation de ces parois.
nu
II. — Anaïomie pathologioue.
1* EXAMEN ANAÏOMIQUE DE PLUSIEURS CAS D'HÉMORRIIAGIE MÉNINGIENNE INTRA-
ARACIlNOÏDrENNE ; ÉTUDES HI6Ï0L0GIQUES SUR LA CO.NSTITUTION DU CAILLOT
ET SON ENVELOPPE; [)ar M. J.-V. Laborde, interne des hôpitaux.
L'étude anatomo-patliologique de l'hémorrhagie méningienne, quoique
ayant suscité des travaux remarquables, reste encore fort incomplète. Ayant
en l'occasion, sur un terrain oii l'autopsie est fertile (Bicètre), d'en observer
plusieurs cas, je les ai examinés le plus attentivement posiible, dans le but
surtout d'élucider quelques-unes des questions encore obscures qui se rat-
tachent à ce sujet : c'est le résultat général et sommaire de cet examen que
j'ai l'bonneur de soumettre aujourd'iiui à la Société.
Devant reprendre ce travail a un autre point de vue, je m'occuperai exclu-
sivement, en ce moment, de la partie auatomique et histologiqnc.
Un caillot sanguin, pins ou moins volumineux, tantôt recouvrant tout un
lobe cérébral, tantôt une partie seulement de ce lobe, situé entre la dure-
mère et la surface convexe des circonvolutions, voilà ce qui constitue gros-
sièrement, en quelque sorte, l'hémorrhagie méningienne, celle surtout que
l'on rencontre plus particulièrement chez les vieillards et les aliénés. Mais
cette disposition générale est assez bien décrite dans la plupart des auteurs;
c'est sur des détails plus intimes que nous proposons d'insister.
Dans les cas qu'il nous a été donné d'examiner, et plus particulièrement
dans deux qui peuvent servir de type, et que nous avons essayé de repro-
duire par le dessin que voici, l'épanchement sanguin s'est toujours montré à
nous complètement isolé des parties voisines, emprisonné dans une cme-
loppe partout continue à elle-même, coostiluant en un mot un véritable
kyste.
Ce kyste, assez adhérent par sa portion ou face supérieure à la dure-mère
pour suivre l'enlèvement de celle-ci, n'a qu'un rapiwrt de simple contact avec
la surface du lobe cérébral sur lequel il est couché et qu'il comprime. Tou-
tefois l'adhérence à la face interne de la dure-mère est facilement vaincue
par une traction modérée, et l'on peut alors contempler à l'aise l'enveloppe
dont nous parlions tout à l'heure. Elle est, nous le répétons à dessein,
partout continue à elle-même; i)arfaitement lisse du côté qui répond à lu face
interne de la dure-mère, elle présenlc, au contraire, du côté crrèbral où
elle est du reste complètement libre, quelques inégalités par plaiiucs et d'as-
pect gaufré, que nous verrons bientôt ne pas être autre chose que des pseu-
do-organisations commençantes.
SufTisammcnt épaisse et résistante pour ne pas se déchirer sous d assez
fortes tractions, celte emeloppe eu impose teliemcut pur tes apparence^
111
pour une production membraneuse normale, et, par exemple, pourlaraL-h-
noïde ellc-raôme, qu'un anatomiste distingué auquel nous avous montré une
de nos pièces disséquées, s'est cru autorisé à affirmer, de visu, qu'il ne s'a-
gissait point ici d'une néo-formation, mais bien de l'arachnoïde elle-même.
Mais cette illusion s'est immédiatement dissipée à la faveur de l'examen liis-
tologique.
Lorsqu'en effet ayant complètement détaché du caillot qu'elle emprisonne,
mais dont elle ne fait point partie intégrante, cette enveloppe partout conti-
nue à elle-même, et qui peut être étalée sur un plan horizontal, à lu façon
d'une feuille de papier; lorsque, dis-je, on vient à soumettre un de ses lam-
beaux à l'examen microscopique, on ne tarde pas à se convaincre qu'elle est
essentiellement constituée :
Par des fibres tassées, caractéristiques de la fibrine en voie d'organisation
ou à l'état fibrillaire, mais donnant lieu à un tissu membraniforme, quelle
qu'en soit d'ailleurs l'imperfection, car toute espèce de vascularisation y est
absente; c'est, en un mot, la pseudomembrane à son premier terme.
Quant au contenu du kyste, il est constitué par un magma noirâtre, partie
liquide, partie coagulé, et dont les éléments sont : des globules sanguins
déformés, globules pyoïdes, granules moléculaires et transparents, fais-
ceaux fibrineux.
Nous avons vainement recherché les éléments de l'arachnoïde dans tout
le rayon occupé par le kyste sanguin; c'est à peine si l'examen le plus tenace
a pu nous révéler, dans un seul cas, deux ou trois cellules d'épithélium at-
tribuables à cette membrane. Il semblerait donc résulter de là que le travail
pathologique suscité par l'hémorrhagie amènerait la destruction des éléments
de la membrane arachnoïde, principalement à la face interne de la dure-
mère.
Peut-être pourrait-on expliquer par là l'erreur de quelques auteurs qui ont
prétendu que , dans des cas semblables , l'hémorrhagie se faisait entre la
dure-mère elle-même et l'arachnoïde, qu'elle n'était pas, en un mot, intra-
arachnoïdienne.
2» TUMEURS MÉLANIQUES MULTIPLES ; MÉLANOSE AYANT ENVAHI LA PLUPART DU
SYSTÈME ORGANIQUE ; par MM, Lancereaux et DuBREUiL, internes des hô-
pitaux.
Obs. — Perréal (Jean-Baptiste), cordier, âgé de 51 ans, né à Paris, entré à
la Pitié, service de 31. Maisonneuve, salle Saint-Louis, n» 19.
Ce malade portait à la partie interne du talon gauche une tumeur noire,
peu saillante au-dessus du niveau des téguments, et survenue dans les cir-
constances suivantes :
Un clou de sa chaussure l'avait blessé. La cicatrisation avait d'abord paru
se faire, mais un peu plus tard une petite tumeur noire s'était manifestée au
li-2
môme cudroil. Elle avail pcrtilntc et, vers le nio a ûe janvier IbGO, elle avait
atteint la grosseur d'une noisette.
A la fin de février, le malade s'adressa à M. LafTore, médecin des Quinze-
Vingts, qui vit qu'il avait affaire à une petite tumeur mélaniquc. Il la toucha
successivement avec la pierre infernale, avec le pcrchlorure de fer. Les dou-
leurs étaient modérées et Perréal put continuer son travail jusqu'au milieu
du mois de mars.
A cette époque, un engorgement ganglionnaire se manifesta dans la région
inguinale, au niveau de l'embouchure de la saphène. 11 a persisté et s'est
accru depuis.
Plusieurs fois de petites hémorrhagies avaient eu lieu à la surface de
l'ulcère.
Rien de relatif à la diathèse cancéreuse dans les antécédents.
A l'entrée du malade à l'hôpital, nous avons constaté à la partie interne du
talon gauche la présence d'une tumeur ayant à peu près les dimensions d'une
noix; la circonférence était indurée; la tumeur présentait à sa surface une
coloration noirâtre que nous crûmes être l'effet de quelque cautérisation.
Dans la région inguinale du même côté existait l'engorgement ganglion-
naire déjà sigalé; en déprimant les parties molles au niveau de l'arcade de
Fallope, on sentait plusieurs autres ganglions également engorges. M. Mai-
sonneuve diagnostiqua une affection cancéreuse et circonscrivit la tumeur
avec des flèches caustiques.
Au bout de huit jours, l'escarre se détacha ; la plaie marchait vers la cica-
trisation, lorsque survinrent les phénomène suivants :
Vers le 30 mai, on remarqua qu'il existait autour de la plaie des dépôts
mélaniques du volume d'une tète d'épingle. Ils étaient arrondis, saillants au-
dessous de la peau et ne s'élcudaienl alors qu'à une petite distance du siège
primitif du mal.
Depuis cette époque, le dépôt de mélanose a continué à se faire avec une
remarquable intensité. Le nombre des tumeurs s'est accru en même temps
que leur volume et, le 21 juin, le malade était dans l'état suivant : la liuueur
du talon avait acquis le volume d'une petite pomme : elle était ulcérée, pro-
sentait une coloration noirâtre et laissait suinter un ichor sanieux, fclide.
(Dans cet ichor nous avons trouvé, par l'examen microscopique, des cellules
épithéliales remplies de granulations pigmenteuses.) Cette surface fongueuse
saignait facilement; le sang exhalé contenait une assez notable quantité de
matière mélanique.
Inférieurement, l'ulcère s'étendait jusqu'à la plante du pied; supérieure-
ment, il était surmonté d'une foule de tumeurs mélaniques du volume d'une
noisette, assez rapprochées pour se confondre par leur circouférence.
Ces tumeurs, en très-grand nombre, ont envahi la face interne de la
jambe correspondante. Les plus élevées remontaient jusque vers le milieu
113
de la hauteur du mollet. D'autres se voyaient à la face plantaire du pied jus-
qu'à sou tiers antérieur; d'autres, enlin, occupaient la face interne du talon.
Toutes sout parfaitement noires, situés supei-ficieliement dans l'épaisseur de
la peau; leur volume est d'autant moindre qu'elles s'éloignent davantage du
siège primitif de l'affection.
Les ganglions de la région inguinale, aussi bien ceux de l'embouchure de
la saphène que les ganglions inguinaux profonds, continuent à s'accroître.
Ceux de l'embouchure de la saphène fout une saillie Irès-marquée au-des-
sous des téguments. Leur teinte est noirâlre par places; dans les mêmes
points ils sont ramollis. Leurs lymphatiques afférents forment un cordon
noueux du volume d'une plume d'oie qui se perd vers le milieu de la face
interne de la cuisse.
Le malade avait maigri et présentait une teinte jaune paille.
Le 15 juin, il s'est aperçu qu'il portait à la face dorsale de la phalangine
de l'annulaire gauche une granulation mélauique du volume d'une tète d'é-
pingle. Quelques jours plus tard, il remarqua une granulation semblable au
côté externe de l'avant -bras droit; toutes deux étaient situées dans l'épais-
seur de la peau.
A la date du 21 juin, le faciès est encore bon, le teint coloré, l'appétit con-
servé; le malade mange deux portions, les digestions se font bien; depuis
trois ou quatre jours seulement, le malade ne peut dormir.
11 juillet. L'affection mélauique a fait des progrès rapides. Les tumeurs
voisines de l'ulcère ont acquis le volume d'une noix et se sont confondues
en une masse unique, vu leur nombre et leur rapprochement. Elles forment
~à la face interne du talon une masse noire, épaisse, bosselée ; la matière
mélauique est située immédiatement au-dessous de l'épiderme. Elle est à
nu sur certains points, là où la pellicule épidermique à disparu.
Exsudations sanguines assez abondantes entraînant une notable quantité
de mélanose.
Les digestions sont encore assez bonnes ; le malade ne peut dormir.
17 juillet. Le talon a pris à un haut degré l'aspect' fongueux et saignant. La
tumeur mélauique surajoutée présente à peu près le volume du poing; les
autres dépôts mélaniques à distance se sont accrus en nombre et en vo-
lume.
On peut suivre a la face imerne de la jambe et de la cuisse un cordon
noueux qui va se perdre dans les ganglions de l'embouchure de la saphène.
De place en place on aperçoit de petites tumeurs mélaniques sur le trajet de
ce cordon. L'appétit est presque nul.
20 juillet. Le malade a eu des vomissements pendant la nuit dernière; les
matières vomies ne présentaient pas la coloration noirâtre. Des plaques
rouges d'angioleucite sont disséminées à la face interne de la cuisse et de la
jambe.
C, R. ' g
114
Le 23 juillet, le malade sort pour aller aux Quinze-Vingts.
Le 20 août, M. Laffore, médecin des Quinze-Vingts, a l'obligeance de nous
avertir que le malaJe est mort le matin même, conservant jusqu'à la fin l'in-
tégrité de ses facultés intellectuelles, et nous invite à venir pratiquer Tau-
topsie.
Autopsie. — Nous constatons d'abord les faits suivants :
Sur la peau de la poitrine, sur celle du front, des avant-bras, de l'abdomen,
nous trouvons de petites tumeurs mélaniqucs. Au niveau de la partie interne
et postérieure du calcanéum gaucbe existe une tumeur volumineuse formée
par une série de mamelons noirs. En pressant avec les doigts, on constate
qu'elle est très-molle ; en l'incisant, il s'en écoule un liquide noirâtre.
Sur toute la partie interne du membre inférieur gaucbe, depuis le talon
jusqu'à l'aine, au niveau du trajet parcouru par les lymphatiques, ou voit sur
la peau de petites taches d'un brun noirâtre.
Au niveau de l'aine gauche existe une large perte de substance condui-
sant dans une poche, remplie d'un liquide granuleux, noir et dont les parois
sont noires aussi.
Cette poche remonte jusqu'au-dessus de l'arcade cruciale en passant eo
arrière.
La partie inférieure du scrotum a disparu; ou voit les tuniques sous-ja-
centes ; elles ont leur coloration normale. Le médecin des Quinze- Vingts nous
dit que celle portiuu du scrotum s'est gangrenée et détachée quelques jours
avant la mort.
Nous disséquons le membre inférieur et nous trouvons que la tumeur mé-
lanique s'étend jusqu'au calcanéum qui eu est cependant scpuré par les tissus
libreux qui le recouvrent. Je dissèque les vaisseaux qui l'avoisineut, et je
constate que l'artère et les veines, tant superiicieilcs que proiondes, sont
saines. Le nerf tibial postérieur est sain aussi, mais les vaisseaux lympha-
tiques qui remontent le long de la partie interne du membre, ont augmenté
de volume; leur lumière dilatée est remplie de matière noirâtre.
Les ganglions inguinaux sont détruits et à leur place on trouve l'ulcération
et l'excavation q)ie nous avons signalées.
Les lymphatiques du bassin ne présentent rien d'anormal, non plus que le
canal thoracique. ,
Passant aux organes internes, nous constatons ce qui suit :
Le foie présente de très-nombreuses taches noires, assez étendues, tant à
sa surface que dans son parenchyme.
Nous ne notons riendauormal dans les vaisseaux du foie; nous retrouvons
les taches mélaniques, mais moins nombreuses et moins étendues dans les
reins, les capsules surrénales, la rate, le pancréas.
Il n'y a rien dans le péritoine, le grand cpiploon ni dans le mésentère. Les
115
ganglions niésentériques, qui ont conservé leur volume, présentent quelques
taches noirâtres.
Sous la muqueuse intestinale, nous rencontrons de petites taches mélani-
ques assez abunnaiiles.
Rien à noier dans les vaisseaux de l'abilomen.
En entamant les vertèbres lombaires par un trait de scie qui détache une
partie de leur corps, nous voyons que le tissu spongieux qui les constitue
présente une couleur noire uniforme.
Nous détachons un segment du calcanéum, et nous trouvons qu'il ne pré-
sente que de rares points mélaniques.
Thorax. — Le sternum, les côtes présentent par places une coloration noi-
râtre. Sous la plèvre pariétale on aperçoit de nombreuses taches mélaniques.
Les poumons offrent à leur face externe des taches noires bien plus étendues
qu'a l'état Hormal ; à l'intérieur, ils présentent de petites tumeurs olTrant la
même coloration.
Sous le feuillet viscéral du péricarde nous voyons des taches noires; nous
en voyons encore sous l'endocarde. Elles sont peu nombreuses, tant les pre-
mières que les secondes. EnUn, dans l'épaisseur des parois du cœur, il existe
quelques points mélaniques.
En détachant la voûte cnînienne, nous constatons qu'il y a dans le diploé
des os qui la composent des plaques noires, assez larges, visibles à travers
le tissu compacte.
A la surface du cerveau, il n'y a qu'une pelUe tache noire assez super-
flcielle.
Des caillots recueillis dans la veine cave et dans le cœur ne présentent rien
de particulier à l'examen à l'œil un.
Examen microscopique. —La matière recueillie dans les vaisseaux lym-
phatiques se présente sous l'aspect de granulations noiiâires; nous n'y trou-
vons pas de cellule.
Dans le foie, nous trouvons les grauulations infiltrées dans les cellules du
foie qui, à part cela, sont normales.
Le rein nous offre des granulations dc.ît les unes sont libres, les autres
contenues dans des cellules qui pn veulent la forme de celle de l'épithélium
prismatique.
Dans le cœur, les granulations paraissent infiltrées dans la fibre primitive.
Dans les poumons, elles sont en partie libres, en partie contenues dans des
cellules épithéliales pavimenteuses.
La matière noire que nous avons signalée dans un coin du cerveau et qui
correspondait à de la substance grise, nous a paru contenue dans des myé-
locytes. Nous avons trouvé, au-dessus de ce point noir, un capillaire renfer-
mant des granulations pigmeotaires, mais nous n'avons pu déterminer si
elles étaient dans les parois ou dans la cavité du vaisseau.
116
Dans les caillots recueillis dans le cœur et dans la veine cave inférieure,
nous n'avons pas constaté de granulatious pigmentaires bien évidentes. 11
nous a paru cependant y en avoir quelqucs-uues dans un leucocyte.
III. — Pathologie.
ÏIÉMORRIIAGIE DE LAl PROTUBÉRANCE; PARALYSIE ALTERNE (HÉMIPLÉGIE GAUCHE;
PARALYSIE FACIALE DROITE); HYPERTROPHIE ANCIENNE DU COEUR; MALADIE
DE BRIGHT; PÉRICARDITE; (HiDÈME pulmonaire; PLEURÉSIE DOUBLE; MORT;
par J.-B. HiLLAiRET, médecin de riiùpilal Suiut-Louis, etc.
il y a quelques mois je présentai à la Société un cas de ramollissement hé-
morrhagique siégeant dans l'étage moyen et intérieur droit de la protubé-
rance annulaire, qui confirmait les idées émises par AIM- MiUard et Gu-
bler, etc., sur la cause auatomique de la paralysie alterne.
Je viens aujourd'liui montrer les pièces d'uu nouveau cas observé dans
mon service. Plus intéressant eucore que le précédent, il ajoute uue nouvelle
preuve à l'appui des opinions des auteurs précités, et si l'on n'examinait pas
avec une certaine atteution le mode de développement progressif du loyer
bémorrhagique, il pourrait être une source de discussions et fournir des ar-
guments coutre des affirmations qui nous paraissent les plus vraies et les
plus anatomiques.
Voici le fait :
Obs. — Le nommé Larchevêque (Louis), âgé de 39 ans, borloger, est entré
le 25 juiu ISOO àl'bùpital Saint-Louis, pavillon Gabrielle. Ce malade dit qu'il
a toujours joui d'une très-bouue sauté peudaut son enfance, sa première jeu-
nesse, et n'a jamais l'ait de maladie grave. Toutefois, il prétcud avoir eu de
tout temps quelques palpitations qui le géuaieul lorsqu'il voulait se livrer à
de trop rudes travaux ou à des exercices violents. 11 n'a jamais eu de mala-
dies vénériennes, ne s'est jamais livré à la débauche et a constamment mené
une vie régulière.
Marié à l'âge de 22 ans, il a eu neuf enfants ; cinq sont morts, les uns en
venant avant terme, les autres au momeut de la naissance ou quelques jours
après; il ajoute que chez aucun de ces enfants décédés on n'a trouvé sur
leur corps de taches ni autres aifectious qui aient pu faire penser à la sy-
philis.
La mère de ces enfants est d'ailleurs aussi très-bien portante, et n'a jamais
lait de maladie grave ; les quatre eufanls vivants se portent parfaileuieut bien ;
l'un d'eux est jumeau.
Un an ou deux après sou mariage (il y a seize ou dix-sept ans) les palpita-
tions de cœur sont devenues plus fortes. Le malade s'en plaignait assez sou-
vent à sa femme, et il y a environ dix ans, sans cause connue, sans avoir ou
117
de rhume préalable, il fut pris d'un crachement de sang rouge, vermeil, mous-
seux, qui dura huit jours. Toutefois cette hémoptysie avait été annoncée par
une petite toux sèche. A chaque expectoration il rendait à peu près un demi-
verre de sang. Depuis cette époque, les hémoptysies se sont renouvelées
assez souvent; elles venaient d'abord tous les deux ans, puis tous les ans, et
enfin tous les six mois. Leur durée a semblé augmenter à mesure qu'elles
devenaient plus fréquentes. Malgré ces hémoptysies, il s'est conservé assez
longtemps dans un assez bon état. L'appétit était bon, les forces assez satis-
faisantes, et dans l'intervalle des hémorrhagies il ne toussait point. Ce n'est
guère que depuis trois années, époque à laquelle les hémoptysies sont deve-
nues plus fréquentes, qu'il a commencé à perdre ses forces, et en même
temps il fut atteint de migraines insupportables qui duraient parfois plusieurs
jours et s'accompagnaient presque toujours de vomissements. Ainsi, il y a
deux ans, pendant une atteinte semblable, il a vomi vingt-quatre fois durant
une nuit ; les matières vomies étaient composées de matières alimentaires
et de bile. Depuis lors il survint de la constipation qui ne céda qu'à des pur-
gatifs réitérés et à des lavements adoucissants.
C'est à partir de cette époque que Larchevêque a été réellement et toujours
souffrant, et qu'il n'a pu qu'à de rares intervalles se livrer à ses occupations
habituelles. Les palpitations devinrent plus fortes et fréquentes, il se plai-
gnit d'éprouver une vive douleur dans la région du cœur et fut souvent en
proie à une anxiété précordiale très-vive. Enfin, pour la première fois, il y a
un an les extrémités devinrent œdémateuses; l'œdème a continué depuis cette
époque à se montrer chaque fois qu'il marchait un peu, le soir principalement,
pour disparaître pendant la nuit et dans le repos horizontal^ mais reparais-
sant lorsqu'il se levait et se livrait à quelque exercice ou restait debout.
Il y a six mois, dans l'intervalle de deux hémoptysies, le malade urina du
sang pendant une quinzaine de jours ; les urines étaient, au dire du malade,
d'un brun foncé, et laissaient au fond du vase du sang coagulé.
Enfin, il y a deux mois, il fut pris de difficulté extrême de respirer, de
dyspnée intense ; les palpitations de cœur étaient très-fortes, douloureuses.
Il y eut des instants où l'on crut la mort prochaine, mais au bout de quel-
ques instants ces accidents disparaissaient pour revenir bientôt. Leur retour
n'avait rien de fixe, et ils arrivaient avec une violence telle qu'ils effrayaient
les personnes présentes. Dans l'intervalle de ces attaques de suffocation, la
santé, sauf les palpitations et l'œdème des membres inférieurs, était assez
bonne; l'appétit était bien conservé.
Pour tous ces accidents, les différents médecins qu'il a consultés lui ont
prescrit des loochs, des potions gommeuses, des saignées, des sangsues à
l'anus ; mais voyant son état s'aggraver malgré tout, il se décida à entrer dans
mon service au pavillon Gabrielle, où il fut couché dans la chambre n" 19
Etat actuel, 25 juin à l'entrée du malade :
118
Tempérament lymphatico-nerveux; consfitntioii moyenne, mais détériorée;
faciès pale, amaigri; membre grêles; peau flasque. L'économie tout entière
offre les traces d'une longue souffrance.
Le malade est assis dans sou lit, il se plaint d'éprouver une gône considé-
rable de la respiration.
Aucune douleur sur aucun autre point.
La percussion de la poitrine ne révèle aucune modiQcation de la résonnance
normale. A l'auscultation, on constate que la respiration est légèrement rude,
soufflante, et mélangée de bulles de râles muqueux à petites bulles dissé-
minées çà et là dans toute l'étendue du poumon droit principalement.
La main appliquée sur la région précordiale ne perçoit aui'un frottement
anormal, mais des battements forts et fréquents dans une très-grande éten-
due du cœur. La pointe du cœur bat au niveau du septième espace intercostal,
et la percussion accuse une augmentation de la matité précordiale dans une
étendue considérable.
A l'auscultation, on ne perçoit aucun bruit anormal, ni souffle, ni frotte-
ment, ni bruit de cuir neuf. Seulement les bruits du cœur sont sourds, en-
roués.
L'impulsion du cœur est forte et soulève la tète pendant l'auscultation.
Le pouls est petit, déprossible.à 84.
Le malade dit avoir de l'appétit ; les digestions sont bonnes.
Le foie semble de volume normal. Aucune souffrance ni du côté des autres
organes de la cavité abdominale ni des centres nerveux.
Prescription : E;iu gommée; extrait de quinquma; pilules opiacées.
Sous l'influence de la prescrii)tion et du régime, le malade se trouve mieux,
les forces reviennent un peu. Le malade peut rester levé une partie de la
journée et se promener. Les palpitations sont moindres et la respiration plus
facile. Cet état persiste ainsi jusqu'au 7 juillet.
Ce jour même (7 juillet), le malade pendant une promenade au jardin, est
pris d'une forte céphalalgie, avec fourmillements dans la moitié gauche du
corps, en même temps les mouvements y deviennent gênés. La marche est
difficile, impossible mêiuc, à ce point qu'on est obligé de le monter dans sa
chambre. 11 est à peine coucliéquedcs vomissements surviennent, composés
de matières alimentaires et de bile (le malade venait de prendre son repas).
La céphalalgie persiste, les fourmillements disparaissent, et les mouvements
deviennent tout à fait impossibles dans la moitié gauche du corps. Mais, par
contre, la moitié droite de la face est paralysée. Ainsi ce côté du visage est
abaissé, affaissci, et se trouve sur un plan iidorieurà la moitié gauche; la
commissure labiale gauche est portée en haut et en dehors. Cette déviation de
la face se remarque surtout quand le malade veut parler. La paralysie ne parait
pas absolue dans ce point; la paupière supérieure droite n'est pas paralysée,
m
et le malade ne fume pas la pipe. En même temps la parole est embarrassée,
pâteuse, le malade a de la peine à se faire comprendre.
La sensibilité est partout conservée dans les parties paralysées.
Le pouls est mou, dc'-pressible, fréquent. Les battements du coeur sont
très-accélérés, tumultueux; même état des antres orcjanes.
L'interne de frarde appelé prescrit nne potion calmante.
Le 8 juillet h la visite, le malade se trouve à peu près dans le même état.
La paralysie persiste du cAté ffancbe du corps et des membres, mais à un
moindre des'ré. Ainsi, il peut assez fléchir les doi^-ts et contracter les mains
pour exercer unelé2:ère pression. La paralysie du côté droit de la face est la
même. La sensibil'té est toujours conservée et même exagérée sur certains
points isolés du membre inférieur. Intelligence intacte; constipation; même
état du cœur; respiration assez calme relativement.
Une bouteille eau de Sedlitz; sinapisraes; frictions au Uniment chloro-
formé, etc.
Le 9, même état des membres paralysés et du cfité droit delà face. La res-
piration est un peu gênée; le malade se sent étouffer à cinq ou six reprises
difTérentes; dans la matinée la face a pâli et il est presque tombé en syn-
cope. Cet état syncopal a, chaque fois, duré très-peu de temps; même état
du cœur.
L'examen de la poitrine donne à la nercussion une légère matité à droite et
en arrière, dans l'étendue du tiers inférieur ou à l'auscultation on y constate
un léger bruit de frottement, en même temps que des bulles de gros râles
muqueux disséminées càetlà.
Rien de notable du côté gauche.
Œdème des membre inférieurs remontant des pieds à la moitié inférieure
de chaque jambe. Pas de bouffissure de la face ni d'infiltration des membres
supérieurs, ni des bourses.
Les urines étant examinées, on y constate une très-notable quantité d'al-
bumine coagulable à l'aide de l'acisle nitrique ou de la chaleur.
Même prescription. Un large vésicatoire volant à la partie postérieure de
la poitrine, du côté droit du thorax.
Le 10, l'état du malade s'est notablement aggravé; les forces sont amoin-
dries. La matité du côté droit de la poitrine et en arrière s'est notablement
accrue, et le frottement pleural type se fait entendre dans nne plus grande
étendue, presque jusqu'au niveau de l'épine de l'omoplate, il offre aussi
une rudesse plus grande que la veille; on perçoit aussi les mêmes râles mu-
queux. La respiration est anxieuse, la face pâle; état syncopal. Même élat de
l'hémiplégie gauche et de la paralysie faciale droite. Persistance et augmen-
tation de l'œdème des membres inférieurs. Pouls toujours petit, faible, dé-
pressible et fréquent. De temps à autre, état sudoral de la peau du front et du
visage, existant avec une pâleur extrême ; lèvres livides.
120
Môme prescription.
Le 11, même état de la respiration et de la circulation ainsi que des par-
ties paralysées. Intelligence toujours conservée; afTaiblissement ; anxiété;
état syncopal; pas de garde-robes depuis quatre jours.
Le 12 et le 13, affaiblissement progressif. La pleurésie droite augmente
notablement. Tout le côté présente une matité absolue, et l'on constate un
souflle très-fort dans toute la fosse sous-épineuse et à l'angle de l'omo-
plate.
Le 14, l'oppression est plus grande encore; orthopnée intense; douleur
précordiale trôs-forte. La matité de cette région semble notablement accrue,
et l'on y constate un bruit de frottement péricarditique, isochrone aux bat-
tements du cœur, d'une très-grande rudesse et vraiment modèle. Les bruits
du cœur sont sourds, enroués, éloignés de l'oreille, mais sans souffle. Les
battements sont précipités, tumultueux.
La matité du côté droit du thorax est toujours la même, ainsi que le souflle
constaté les jours précédents. En outre, on perçoit du côté gauche et en ar-
rière un bruit de frottement très-manifeste qui n'existait pas la veille, dans
le tiers inférieur, avec matité, dans retendue de quatre à cinq travers de
doigt. Une pleurésie nouvelle s'était déclarée dans ce point depuis le précé-
dent examen. Même état des parties paralysées. L'inUltration des membres
inférieurs augmente e\ remonte vers les cuisses et les bourses. Même état du
pouls.
Douze ventouses sèches au niveau de la région précordiale, et en dehors
de la poitrine du côté gauche, etc.
Le 15, après les ventouses, le malade s'est senti un peu mieux. L'oppression
est devenue moins forte, mais ce matin elle est toujours très-grande. Le pouls
est fréquent, petit et faible, facilement dépressible, à 100. Le frottement pé-
ricarditique persiste avec plus d'intensité encore et s'entend dans toute la
région du cœur ; frémissement perçu à la main. Même état des bruits pleu-
raux. L'œdème est le même, ainsi que l'état des parties paralysées.
Vésicatoire volant sur la région précordiale, lavement laxatif, bouil-
lon, etc.
Le 16, le malade n'a i)as voulu se laisser poser le vésicatoire. Daus la jour-
née d'hier, expectoration abondante d'un liquide muco-purulent mêlé de
stries de sang. Le malade est assis sur sou lit, les jambes pendantes et très-in-
liltrées. Le faciès est pâle, les lèvres livides. L'oppression est extrême. Jac-
titation artérielle.
Peu après la visite, râle trachéal, pouls d'une faiblesse extrême. Même
état dos bruits respiratoires et des parties paralysées. La sensibilité persiste
jusqu'à la lin.
Le malade reste dans cet état jusqu'au lendemain 17, et meurt dans la
matinée.
121
Autopsie le 18, vingt-quatre heures après la mort; température assez éle«
vée, atmosphère humide.
Absence de rigidité cadavérique. Traces nombreuses de putréfaction déjà
avancée sur l'abdomen, les membres inférieurs et les parois du thorax. Dans
tous ces points, les muscles sont verdùtres et putrilagineux.
Cavité crânienne. Les os du crâne, d'épaisseur normale, ne présentent rien
de particulier.
Les membranes du cerveau sont intactes et s'enlèvent facilement ; il s'é-
coule très-peu de sérosité à l'incision de la dure-mère. Le pie-mère est peu
colorée. Les vaisseaux contiennent peu de sang.
L'encéphale a son volume normal, il est de bonne consistance, assez
ferme, sans aucune injection ; la substance à la surface des coupes est même
assez pâle ; la substance grise est décolorée. Toutefois les vaisseaux de l'hé-
misphère droit contiennent un peu plus de sang que ceux de l'hémisphère
gauche.
Après avoir coupé minutieusement tranche par tranche la masse des» hémi-
sphères, on n'y découvre aucune trace de ramollissement ni de foyer hémor-
rhagique.
La protubérance annulaire vue à l'extérieur paraît être de volume normal ;
sa conformation est régulière. Lorsqu'on la divise par tranches minces, dans
le sens vertical et d'avant en arrière, on constate que toute la partie anté-
rieure est indemne et parfaitement saine, mais en faisant une coupe verti-
cale et transversale qui passe immédiatement en arrière des tissus, on tombe
sur un foyer hémorrhagique qui semble de prime abord n'occuper que le
centre de la partie postérieure de la protubérance, à partir de l'étage moyen
jusqu'à l'étage inférieur et qui est de récente formation, car le caillot sanguin
qu'il contient, assez bien coagulé, est d'un rouge foncé, non enkysté et non
encore organisé. 11 est cependant d'une assez bonne consistance et ne se
désagrège pas sous l'action d'un mince filet d'eau. Comme il vieut d'être dit,
le caillot occupe le centre de la protubérance, envahit l'étage moyen, l'étage
inférieur, et s'arrête à 2 millimètres et demi à 3 millimètres environ de la
face antéro-inférieure. Si l'on fait une coupe de la protubérance dans le sens
transversal qui aille rejoindre le milieu de l'épaisseur des pédoncules céré-
belleux moyens, on voit que cet épanchement pénètre profondément dans la
substance du pédoncule cérébelleux moyen droit, et se prolonge jusque vers
le point de pénétration de ce pédoni;ule dans la masse cérébelleuse corres-
pondante, à 1/2 centimètre près. Ducôtégaucl'.e, répanchementselimilc assez
bien et s'arrête au niveau du pédoncule cérébelleux moyen correspondant.
En somme, le foyer hémorrhagique présente une étendue de plu3 de
2 centimètres à 2 centimètres 1/2 dans tous ses diamètres, et offie ceci de
remarquable que les différentes couches qui le composent sont de nuances
difl'éreutes; de telle sorte qu'il y aurait quchpie probabilité Cju'il se serait
\n
formi" successivement de !a partie droite et centrale de l'étage moyen en
s'irradiant vers le pédoncule cérébelleux moyen et vers les autres parties,
et non d'une manière subite et instantanée pour toute l'étendue qu'il occupe.
C'est ainsi que la portion que nous indiquons comme étant le point où l'in-
terstice liémorrliagique s'est fait en premier lieu est plus pâle, plus dense
et mieux organisé que les autres parties qui constituent la périphérie du
foyer.
Le bulbe rachidieu ainsi que le cervelet sont intacts. Le nerf facial droit
est complètement indemne. M. Vulpian, qui a bien voulu le disséquer et le
suivre avec le plus grand soin jusqu'au niveau du planclier du quatrième
ventricule, a constaté et nous a fait constater qu'il était exempt de toute alté-
ration. Cette circonstance est des plus importantes à noter, eu égard à la
théorie que nous soutenons avec les auteurs précédemment cités.
Cavité thoraciquR. — A l'ouverture de la poitrine du côté gauche, il s'en
écoule une assez grande quantité de sérosité citrine transparente et lim-
pide. La plèvre pariétale est très épaissie et doublée d'une fausse membrane
récente et molle qui la recouvre dans toutes ses parties. Elle est en outre
excessivement colorée. Le feuillet viscéral est un peu dépoli, injecté, mais
moins épaissi. Le poumon gauche, dans sa partie inférieure, est vivement
congestionné. Son tissu est noirâtre, assez friable, se déchire assez faci-
ment, et n'est point granuleux à la surface des loupes. Lorsqu'on l'incise, il
s'en écoule un liquide rougeâtre en assez bonne quantité ; quelques par-
celles de ce tissu gagnent le fond du vase.
La cavité pleurale droite contient une minime qualité de liquide citrtn,
limpide et transparent. La plèvre nariétale et viscérale est fortement épais-
sie, doublée dans toutes ses parties p;ir wne vaste fausse membrane épaisse,
encore un peu molle, partout continue à elle-même, et que l'on peut facile-
ment soulever. Les deux feuillets pleuraux, viscéral et pariétal, sont reliés
entre eux par des brides cellulo-membraneuses assez épaisses et résistantes
pour rendre l'extraction du poumon assez difTicile, et adhèrent surtout for-
tement en arrière au niveau de l'angle des côles. Le poumon droit remplit
toute la cavité thoraciquc droite; il est très-volumineux, et se trouve infiltré
dans toute son étendue de liquide séro-spumeux et rougeâtre qui s'écoule
abondamment à travers les incisions pratiquées. Dans le centre de ce pou-
mon, on trouve çà et là quelques foyers sanguins dont les uns sont plus ou
moins anciens et presque organisés, tandis que les autres sont récents.
Nulle part il n'y existe de traces de tubercules. Les canaux bronchiques
sont obstrués par une assez bonne quantité d'écume bronchique.
Les ganglions bronchiques sont volumineux; quelques-uns ont acquis le
volume d'une noix et sont ramollis au centre.
Cœur. — Le cœur, recouvert du péricarde, forme une masse considéra-
ble; il s'écoule de la cavité du péricarde un peu de liquide séreux. La se-
m
reuse est fortement épaissio, sillonnée par un granl nombre de vaisseaux
sanguins très-visibles à l'œil nu. Le feuillet pariétal est doublé dans toute
son étendue, aussi bien au niveau du cœur qu'au niveau des prolongements
sur les vaisseaux, d'une fausse membrane molle, épaisse, semi-organisée,
cellulo-vasculaire qni se prolonge sans discontinuité sur l'origine des gros
vaisseaux et sur toute la surface du feuillet viscéral. Cette fausse membrane,
qui a exactement la forme do la séreuse du péricar Je» adhère à elle-même
du feuillet pariétal an feuillet viscéral, au moyen de brides celiulo-vascu-
laires assez fortes et résistantes formant en quelques points un feutrage
assez consistant entre les deux feuillets pseudo-membraneux.
Presque partout on périt détacher avec facilité la fausse membrane du
feuillet viscéral et du feuillet pariétal de la séreuse.
Le cœur, assez volumineux, présente les dimensions suivantes :
Circonférence à la base des ventricules, 31 centimètres 25 millimètres.
Diamètre transversal à la base des ventricules, 16 centimètres.
Hauteur totale, oreillettes comprises, diamètre vertical de la base des
oreillettes à la pointe du cœur, 21 centimèlres 25 millimètres.
Diamètre vertical des oreillettes seules, 7 centimètres.
Et ses ventricules, 14 centimètres 25 millimètres.
L'augmentation du volume du cœur porte principalement sur le ventricule
gauche. Les parois ventriculaires droites peu épaisses, un peu plus cepen-
dant qu'à l'état normal. La cavité venlriculaire de dimension normale. Sur
toute la surface interne de ce ventricule on remarque une légère rougeur et
un léger boursouflement de l'endocarde, au niveau surtout de la valvrile
tricnspide. Un caillot dur, résistant, complètement décoloré, fibrineux, ad-
hérent et enchevêtré dans les tendons de la tricnspide, remplit la cavité ven-
triculaire. Le degré d'organisation qu'il présente indique qu'il remonte à
une époque antérieure à la mort.
Le ventricule gauche fait une saillie en masse considérable. Ses parois à
la base mesurent 3 centimètres d'épaisseur, et à la partie moyenne 1 .f enti-
rnètre 1/2. Les colonnes charnues sont également hypertrophiées. L'endo-
carde au niveau des valvules sygmoïJesde l'aorte et de la tricnspide, est nota-
blement épaissi, boursouflé et très-rouge, et l'on trouve en outre de petits
produits plastiques de la forme, mais beaucoup plus petits qu'une lentille
déposés à leur surface.
Les orifices ne présentent rien de particulier.
Dans l'aorte, la membrane interne est également injectée, rosée, notable-
ment boursouflée et molle par place, et recouverte dans certains points de
produits [ilastiques superiiciels. On aperçoit du côté de la courbure de la
crosse deux cicatrices fibreuses résistantes, allongées dans le sens du vais-
seau, qui attestent d'une ancienne inflammation du vaisseau.
124
Cavité abdominale. — L'estomac et les intestins ne présentent rien de parti-
culier.
Le foie est seulement un peu volumineux et congestionné, sans trace
d'aucune altération de texture.
Les reins, d'un volume moindre qu'à l'état normal, sont enveloppés d'une
capsule fibreuse notablement épaissie et qui se détache avec assez de facilité.
Leur surface extérieure i)réseute une coloration brunâtre prononci'e, rendue
surtout très-évidente par la présence d'une quantité de petits points blancs,
jaunâtres, granuleux, assez durs et répandus sur toute leur surface, qui est
irrégulière en certains points et comme segmentée en d'autres points. Çà et
là se rencontrent quelques petits kystes séreux du volume de lentilles.
Fendue longitudinalemcnt^ la substance des reins est moins colorée que
la surface; la substance médullaire a disparu en partie dans quelques points;
ce qui en reste est très-vivement injecté. Substance corticale blanchâtre,
dure, comme fibreuse.
Rien de notable pour les uretères, la vessie ni les autres organes.
S'il restait quelques doutes dans l'esprit des médecins touchant l'influence
qu'exerce l'hypertrophie ancienne du cœur sur le développement des hé-
morrhagies cérébrales ou autres, de même que sur la pathologie de l'hy-
pertrophie du foie, et surtout de la maladie de Bright, des atTections pulmo-
naires, etc., etc., les détails cliniques et anatomo-pathologiqucs seraient
certes de nature à les lever.
Mais ce n'est point de cela qu'il s'agit actuellement; nous voulons insister
sur le fait de la paralysie alterne et la relation qui existe entre cette para-
lysie et la lésion de la protubérance annulaire chez ce malade.
Lorsqu'il entra dans notre service, il n'était atteint d'aucune paralysie,
les mouvements et la sensibilité de toutes les parties du corps étaient par-
faitement intacts ; seulement il souffrait depuis longtemps de gène très-
grande de la respiration et de palpitations de cœur. Or un jour, étant à se
promener dans le jardin, il est pris, sans avoir fait plus de mouvements que
d'habitude, sans autre exercice que les jours précédents, de céphalalgie,
d'éblouisscments, de tournoiements de tète, de vertige enfin, et en même
temps de fourmillemenls, d'engourdissements dans les membres supérieur
et inférieur gauches. Puis, quelques instants après, le mouvement s'affaiblit
dans les membres à ce point que le malade ne peut plus marcher ni exercer
la préhension à l'aide du membre thoracique gauche. Alors on s'aperçoit
aussi que le côté gauche de la face est intact, que les muscles se contractent
bien, et même qu'ils sont si bien contractés (pie les traits sont tirc's en haut
et en dehors, taudis que le côté droit du visage est compli'temeut paralysé,
puisque la joue est pendante, les" traits abaissés et ramenés en dehors, en-
traînés qu'ils sont par la contraction non équilibrée des membres du côté
■_Mi!'',lic. Kn oMlrr, dans ra<;!iuM de ^lUidln-, la jonc droite et les lèvres du '
125
même côté sont soulevées comme des voiles inertes alors que la partie gau-
che des lèvres et la joue gauche se contractent parfaitement. Il ne peut donc
rester aucun doute à cet égard. La paralysie alterne est bien conllrmée.
Maintenant, que trouve-t-oa du côté de l'encéphale? Les hémisphères cé-
rébraux sont parfaitement hitacts dans toutes leurs parties ; il n'existe au-
cune trace de lésion du côté des ventricules ni des pédoncules cérébraux.
Si l'on coupe par tranches verticales et d'avant en arrière la protubérance
annulaire, on arrivera successivement jusqu'en arrière des cotés sans ren-
contrer aucune lésion. Mais, à partir de ce point, on aperçoit au niveau de
l'étage moyen et se prolongeant jusqu'à l'étage inférieur, vers le centre
même de la largeur de la protubérance, un foyer hémorrhagique de récente
formation, qui présente une étendue de 1 centimètre et demi dans tous les
sens; et si on incise transversalement l'organe de droite et de gauche, en
faisant aboutir l'incision vers le milieu de l'épaisseur des pédoncules céré-
belleux moyens, dans une étendue de 2 centimètres à peu près, on voit ce
foyer hémorrhagique prendre de plus vastes proportions et se prolonger
d'une part jusqu'à 1 centimètre dans l'épaisseur du pédoncule cérébelleux
moyen droit, d'une autre part, jusque vers l'origine du pédoncule céré-
belleux moyen gauche et envahir la presque totalité de l'épaisseur de la pro-
tubérance dans sa moitié postérieure.
A ce simple examen, en présence d'une aussi vaste collection sanguine,
on se demande comment le malade a pu vivre encore une douzaine de
jours et plus , avec une telle lésion de la protubérance , lorsqu'on sait
que des foyers moins vastes qui s'y forment entrainent la mort avec une
rapidité extrême. En second lieu, on ne comprend pas bien comment une
lésion de cette étendue n'a pu entraîner qu'une hémiplégie d'un côté et pas
de l'autre, et une paralysie faciale plutôt à droite qu'à gauche, et alors on
peut être porté à interpréter ces faits contre la théorie de la paralysie al-
terne, car, en définitive, toute la substance médullaire, ou au moins la plus
grande partie parait altérée dans la moitié postérieure de cette protubérance.
Ces doutes sont loin d'être fondés si l'on examine plus attentivement la pièce
pathologique et si cherchant à s'enquérir du mode de formation du foyer
hémorrhagique, on étudie avec soin les dilTéreutes couches du dépôt san-
guin, le point où s'est fait en premier lieu le raptus hémorrhagique et
qu'on compare ces données anatomiques avec le développement successif
des phénomènes morbides observés pendant la vie.
Ainsi, en examinant bien, on voit que la collection sanguine s'est faite en
plusieurs temps et successivement; que le point où le sang s'est infiltré
dans la substance médullaire en premier lieu et qui est plus décoloré que
dans les parties environnantes, moins lluide et mieux organisé, siège à
droite de la protubérance, au niveau de l'étage moyen et que de là le sang
s'est infiltré successivement et lentement, d'une part, vers le pédoncule ce-
126
rébelleux moyen droit et vers la face inférieure de la protubérance; que,
d'une autre part et en second lieu, riK'morrliagie s'est étendue lentement ou
progressivement, et, dans un second temps, vers la partie ganclie et tout à
fait en arrière de la protubérance; car, dans ces points, le sang est plus
noir, cailiebotté, moins organisé et serai-diffluent, ce qui" ne s'observe pas
dans les parties que nous avons désignées en prenfiier lieu. Ain4 s'explique
donc pour nous comment s'est produite la paralysie alterne, comment la
mort n'est pas survenue rapidement par le fait d'un foyer bémorrliagique si
considérable et surtout comment il ne s'est pas produit sous son influence
une paralysie générale ainsi que cela a été signalé dans divers faits de lé-
sions de la protubérance. Il est vrai que toute la moitié antérieure de la pro-
tubérance était intacte.
Nous bornons ici ces réflexions, et nous ajoutons en terminant que, bien
que ce fait semble douteux, au premier abord, et même fournir des arguments
contre la théorie toute physiologique de la paralysie alterne, il en est peu
d'aussi intéressants et qui puissent mieux servir à la consacrer.
2<> OBSERVATION DE PELLAGRE SPORADIQUE ; par M. LANCEREAUX,
Femme de 47 ans, entrée à la Pitié le 29 août.
Antécédents : hygiène ordinaire, n'a jamais mangé de maïs, malade de-
puis six ans sans cause connue. D'abord troubles du côté des fonctions di-
gestives, anorexie, diarrhée, puis érylhème avec gonilement du dos des
mains, survenant à chaque printemps, se terminant à l'aulomne par des
squammes qui persistaient durant tout l'hiver pour être remplacées par l'é-
rythème au printemps suivant. Tristesse habituelle depuis le début de la
maladie, délire eu 1856, à l'occasion d'une frayeur déterminée par une ex-
plosion de gaz dans la maison qu'elie-habitait. Quinze jours plus tard, la ma-
lade entre à la Salpèlriire où l'on diiignosliqne une mélancolie. Eile en sort
après un séjour de sept mois, et depuis cette époque le délire n'a reparu que
très-rarement. HOmoptysies durant son séjour à la Salpùtrière, depuis un au
toux légère sans expectoration, faiblesse générale, tristesse excessive; perte
complète de l'appétit, et piinci|)alemeut depuis six mois.
Ces symptômes existent encore à son enlréeà la Pitié, la malade a en outre
des vomissements à plusieurs reprises, de la constipation dans les quinze
premiers jours, de la diarrhée dans les quinze derniers.
A part la tristesse et la lenteur des réponses, il n'existe aucun trouble cé-
rébral, les idées sont nettes, la mémoire assez bien conservée ; pas de para-
lysie.
Squammes assez épaisses sur le dos des mains et sur le front, coloration
grisâtre sur quelques poins.
Dans les derniers jours râles dans la poitrine, épuisement.
127
Mort le 22 septembre.
NÉcROPSiE. —Les os du crâne épaissis et plus vasculaires, comme injectés
eu quelques points, se brisent très-facilement ; la dure-mère reste adhérente
aux os. Le sommet du crâne enlevé avec la dure-mère, il existe une membrane
mince, transpai ente, rougeàtre et injectée sur qnehiucs points, principale-
ment dans les portions qui se rappvochent de la base. Elle est séparée de
l'arachnoïde viscérale à laquelle la relient quelques piolongcments cellu-
leux par une couche de liquide séreux qu'on peut évaluer à environ 80 à 100
grammes pour chaque hémisphère.
Ce feuillet transparent qui se perd insensiblement sur l'arachnoïde parié"
taie vers la base du cerveau, se rencontre encore dans les fosses cérébel-
leuses, où il est moins épais et purait plus récent. On ne le trouve pas à la
face inférieure pas plus qu'à la lace supérieure de la tente du cervelet. Sa
structure et sa consistance sont celles des néomembranes de la cavité de
l'arachnoïde, trame fibrillaire parsemée de noyaux embryoplastiques sur les
points plus récemment formés ; fibres de tissu lumineux ; capillaires parfois
très-volumineux avec parois dont la structure se rapproche de celle des
capillaires beaucoup plus petits , quelques rares granulations graisseuses et
quelques granules d'hématosine. Intégrité de l'arachnoïde et de la pie mère,
et de la substance cérébrale. Ecoulement abondant de sérosité du canal ra-
chidien, intégrité de la moelle.
Infiltration de granulations tuberculeuses et de matières noires dans les
lobes supéiieurs des deux poumons et aussi dans le lobe moyen du poumon
droit ; quelques cicatrices à la surface des lobes supérieurs. Absence d'exca-
vations et de ramollissement de la matière tuberculeuse; tissu du cœur mou,
un peu jaunâire el friable.
Foie gras, moyennement développé; absence de bile dans la vésicule;
calcul oblitérant le canal cystique; cicatrice du fond de la vésicule.
Estomac normal; ulcérations très-nombreuses dans l'intestin grêle à partir
du point où disparaissent les valvules conniventes.
Toutes ces ulcérations ont une direction transversale, formant les unes de
simples plaques, occupant, les autres^ toute la circonférence de l'intestin.
On peut encore apercevoir sur quelques-unes des granulations tuberculeuses
jaunâtres, non encore ramollies.
À la sortie du gros intestin il existe encore quelques ulcérations ayant à
peu près les dimensions d'une pièce de 1 franc. Tout en dehors des ulcéra-
tions, la muqueuse est intacte.
Les capsules surrénales ne paraissent pas altérées ; les reins sont mous et
décolorés à leur surface.
Quelques ganglions mésentériques sont tuberculeux.
Cette observation, comme celles rapportées par M. Landouzy et beaucoup
128
d'autres observateurs, tend à prouver que la pellagre peut exister à IVtat
sporadique, et que la cause est encore à chercher.
Ici je désire attirer plus particulièrement ratteution de la Société sur deux
points d'anatomie pathologique :
Eu premier lieu, l'existence chez notre malade de granulations tubercu-
leuses dans le parenchyme pulmonaire et d'ulcérations tuberculeuses de l'in-
testin. Ces altérations qui, pour un instant, avaient pu nous inspirer quel-
ques doutes sur la véracité de notre diagnostic, nous ont paru conformes à
la règle après la lecture des observations rapportées dans le mémoire que
publie en ce moment M. Landouzy. Nous y trouvons en effet que la plupart
des malades dont on a pu faire l'autopsie offraient des tubercules non ra-
mollis dans le poumon et parfois des ulcérations de l'intestin. Cette coïnci-
dence, sur laquelle le savant médecin de Reims ne paraît pas insister, nous
parait mériter d'être signalée. Il semblerait en effet qu'il y eût une certaine
relation entre la pellagre ei la tuberculisation. Serait-ce une influence du
genre de celle qui existe entre le diabète et la production tuberculeuse pul-
monaire? Les tubercules seraient-ils dans ces cas une lésion ultime, consé-
quence du dépérissement de l'organisme? Celle question mérite d'être étu-
diée, et pour le moment nous ne sommes pas éloigne d'admettre la dernière
hypothèse
Le second point que nous voulons signaler est relatif à la cause qui a pu
produire la néomembrane trouvée à la surface interne de la dure-mère.
Kous nous sommes informé auprès des parents de notre malade, dans le
but de savoir s'il n'y avait point eu d'excès alcooliques. C'est qu'en ell'et
nous avons eu l'occasion d'observer plusieurs cas de péritonite dirouique
avec productions pseudo-membraneuses et épanchement de sérosité citrine
transparente, sans pus, qui nous ont paru n'avoir d'autre origine que les ex-
cès alcooliques auxquels s'étaient adonnes les malades qui en étaient at-
teints. Les deux malades dont MM. Charcot et Vulpiau ont eulretenu la Société
dans la dernière séance à l'occasion de Ihémorrhagie méningée, résultat du
développement de néomembranes dans la cavité arachnoïdienne, faisaient
des excès du même genre.
Chez un grand nombre d'individus atteints d'hémorrhagies méningées,
.suite de productions membraneuses, on signale comme antécédents des ex-
cès alcooliques du délirium tremens.
Il me semble donc qu'il peut y avoir une relation de cause à effet entre l'a-
bus des boissons alcooliques et les productions pseudo-membraneuses à la
surface des séreuses.
Bien que celte relation n'existât pas chez le nialîide dont j'entrolicns la So-
ciété, j'espère néanmoins pouvoir, avant peu, donner des preuw s de l'opi-
nion que je tends à soutenir aujourd'hui.
129
2*' CONTRIBUTION A L'HISTOIRE DES GANGRÈNES SPONTANÉES. OBSERVATION AVEC
NÉCROPSIE DANS LAQUELLE LA GANGRÈNE PARAIT DEVOIR ÊTRE RAPPORTÉE A
UNE LÉSION PRIMITIVE DU SYSTÈME VASCULAIRE A SANG NOIR, OU TOUT AU
MOINS A UNE LÉSION SIMULTANÉE DES VEINES ET DES ARTÈRES (ARTÉRO-PHLÉ-
BiTE DE VICTOR FRANÇOIS) ; par M. J.-V. Laborde, interne en médecine des
hôpitaux.
La pièce patliologique que j'ai l'honnenr de présenter à la Société provient
d'un liomme âgé de 75 ans, le nommé Cliéron (François), menuisier, entré à
l'infirmerie générale de Bicétre (service de M. Léger) le 21 juillet 1860. lise
plaint d'un peu d'étoufTement et d'une légère recrudescence survenue dans
sa toux habituelle.
On constate l'existence d'un catarrhe pulmonaire avec quelques manifesta-
tions aiguës. Il est soumis à un traitement approprié, et six jours s'écoulent
sans qu'aucun phénomène nouveau attire l'attention sur l'état de ce ma-
lade.
Tout à coup et sans être annoncé par aucun symptôme notable, un gonfle-
ment œdémateux apparaît au pied et à la jambe du côté gauche, lesquels pré-
sentent en même temps une teinte légèrement bleuâtre^ ou plutôt violacée.
Cette teinte n'est point partielle, et bornée seulement soit à un, soit à deux
orteils du pied; elle s'est répandue comme d'emblée sur le pied et la jambe,
sans toutefois dépasser le tiers supérieur de celle-ci.
Un examen attentif de tout le membre inférieur gauche, dirigé particuliè-
rement vers son système circulatoire fait découvrir au niveau du pli de
l'aine et immédiatement au-dessus du sortir du ligament de Fallope, une tu-
meur ovoïde de la grosseur d'une noix environ, pulsatile, et occupant, sans
nul doute, un point du trajet de la fémorale à sa naissance. Les battements à
cet endroit sont assez énergiques pour soulever la main qui s'y applique, et
pour se révéler à l'œil à une assez grande distance du lit du malade. Toute-
fois cette tumeur qui a toutes les apparences d'une dilatation anévrismale,
n'est le siège d'aucun bruit de souffle ou de tout autre phénomène stétho-
scopique saisissable.
Au-dessous d'elle, l'artère fémorale présente dans tout son trajet une pul-
sation très-faible, quoique perceptible encore.
Point de douleur précordiale.
Battements du cœur irréguliers, tumultueux, sans bruit anormal ; pouls
fréquent, irrégulier; langue tendant à la sécheresse; dyspnée légère, tels
sont les phénomènes initiaux dont l'analyse m'a été transmise, car je n'ai pu
observer moi-même le malade qu'à partir du 2 août.
A cette époque (du 2 au 5 août) les choses sont dans l'état suivant :
Coloration bleuâtre, cyanique, de la jambe gauche, s'étendant jusqu'à une
ligne qui embrasserait circulairement la tubérosité antérieure du tibia eu
c. R. 9
130
avant, la limite supérieure du creux poplité en arrière. Cette coloration est
d'autant plus foncée qu'on se rapproche davantage de la i»artie supérieure de
la jambe; au pied, elle est plutôt violacée que bleue, et ronge brique par
plaques. Elle perd, eu un mot, de son intensité, à mesure qu'elle s'étend de
bas en liaut. Quoique moindre que les premiers jours, la tuméfaction de la
jambe est encore très-nolable. On voit ramper à la surface de celle-ci de nom-
breuses veinosiiés gorgés d'un sang que l'on voit, en quelque sorte, circuler
avec une extrême diincultc, et dont la itas« devient plus manifeste lorsque
l'on promène le doigt sur les vaisseaux veineux distendus et variqueux ; car
on déplace alors, à volonté, et dans nu sens quelconque, la colonne san-
guine.
Au pied la tuméfaction œdémateuse qui, comme à la jambe, avait été ob-
servée les premiers jours, commence à disparaître, et déjà il est facile de
constater même une diminution de son volume normal. Les orteils surtout,
et particulièrement le gros, sont durs à leur extrémité, flétris, ratatinés, et
présentent, en un mot, comme un commencement de momilicalion. Chose
remarquable, le malade n'éprouve dans les parties aucune espèce de douleur
spontanée, et il n'en a pas davantage éprouvé, au début de l'affection. Mais
nous allons voir qu'il est facile de provoquer chez lui de vives souffrances.
La dilaiation artérielle formant nue tumeur pulsatile au niveau du i)li de
l'aine, présente absolument les mêmes caractères que ceux qui lui ont été
assignés plus haut. Les battemenis artériels perdent subitement de leur in-
tensité au-dessous de la tumeur, à une dislance de 2 à 2 centimèlres et demi
environ de celle-ci. Leur force est bien au-dessous de la normale dans le
reste du trajet de l'artère fémorale, et c'est à peine si on les retrouve à son
émergence de l'anneau du troisième adducteur. Au creux poplité, ils ne sont
plus constatables, au moins d'une façon irréfragable, et ils font absolument
défaut dans les vaisseaux artériels perceptibles de la jambe et du pied. Du
reste les parties sont absolument privées de chaleur.
Rien de semblable n'existe dans le membre opposé qui reste sain.
Le malade, avons-nous dit, ne souffre pas spontanément; mais la plus lé-
gère pression exercée au creux poplilé lui arrache des cris de douleur, et
on sent manifestement à cet endroit comme un endurcinsement des parties
situées autour du faisceau vasculo-nerveux. Les douleurs provoquées sont
moins vives sur le trajet des vaisseaux fémoraux, et on n'y sent i)as, comme
à la région poplitée, de cordon dur et noueux, si ce n'est pourtant immédia-
tement au-dessous de la petite tumeur signalée au pli de l'aine. Là, en effet,
et en pressant un peu, les doigts rencontrent, dans la direction des vaisseaux,
une tuméfaction oblongue, résistante, située plutôt vers la région interne et
plus profondément que l'artère. Cette particularité, jointe à la persistance des
battements artériels, nuus a fourni la présomption, sinon la certitude, que
cette dureté, résultat probable d'une oblitération fibrineuse, pourrait avoir
131
son siège dans la veine fémorale, et amener, par la compression qu'elle exer-
çait la dilatation en ampoule que nous avons décrite dans l'artère.
Le cœur, de moyen volume, ne présente pas de bruit anormal; mais le
rhylhmc de ses battements n'exisie plus: ceux-ci sont irrégnliers, tumul-
tueux, et ses irrégularités se traduisent par le pouls radial, lequel est en
même temps faible et tremblotant.
Langue sèche, soif vive, anorexie.
Un peu de dyspnée, mais point de douleurs précordiales ou d'angoisses.
Malgré ces phénomènes, la gravité de l'état général n'est pas en rapport
avec celle des accidents locaux : le malade est calme, ne se plaint pas. Quoi-
que trèsàgé et fort amaigri, il offre une grande force de résistance.
L'histoire de ses antécédents jette peu de lumière sur l'étiologie de l'af-
fection dont il est porteur. 11 est depuis dix années à Bicètre,où il a été ad-
mis pour sa mauvaise vue et des douleurs gagnées pendant un long séjour
dans les camps. 11 a reçu trois blessures q:ii ne laissent pas de traces. 11 tra-
vaillait de sa profession de menuisier dans les ateliers de la maison, mais il
a dû cesser depuis deux ans, parce qu'il aurait eu, dit-il, une attaque de
paralysie. Or des renseignements exacts mancjuent sur la réalité de celle-ci,
qui, si elle a existé, n'a pas laissé de manifestations persistantes et actuelle-
ment saisissables.
Eutin, sans èlre d'une sobriété exemplaire, il faisait de rares excès, ne
buvait que du vin, et a eu toujours horreur des alcooliques.
A part les troubles de la circulation cardiaque, nous n'avons rien constaté
de pathologique ou d'anormal dans les organes thoraciques et abdomi-
naux.
Essayées avec soin et par les réactifs appropriés, les urines n'ont présenté
ni sucre ni albumine.
Traitement :
1° Local : onctions mercurielles, et enveloppement du membre avec du
diachylon gommé pour faciliter l'absorption;
2" Général : tonique, vins de quiuquiua et de Bordeaux, côtelette, bouil-
lons, etc.
6 août. Les choses qui étaient restées à peu près stationnaires les trois ou
quatre jours précédents, prennent tout à coup un essor progressif vers un
dénoûment fatal.
Aujourd'hui une première phlyctène peu étendue s'est ouverte à la partie
postéro-interne et supérieure de la jambe. La gangrène se dessine avec les
caractères d'IumÙLlilé à la jambe, tandis que le pied et surtout ses orteils
continuent à se flétrir et s'atrophier. Ainsi il y a contraste entre les deux
parties.
On cesse les frictions mercurielles et ou entoure la jambe de ouate. Le
reste idem.
132
Le 8. Phlyctènes multiples et plus considérables à la jambe, dont le volume
est encore augmenté. Le mal ne dépasse pas la limite supérieure de celle-
ci; elle commence à exhaler l'odeur caractéristique de la gangrène. L'empâ-
tement poplité augmente et le moindre toucher y provoque des douleurs in-
tolérables. Impossible de percevoir les pulsations de l'artère.
Un peu de délire loquace la nuit.
Le 10. Décortication presque complète de la jambe, non du pied; écoule-
ment de sanie fétide. Absence complète des pulsations artérielles jusqu'à
2 centimètres environ au-dessous de la dilatation artérielle inguinale. Chose
remarquable, celle-ci s'est sensiblement affaissée et tend à disparaître. Ses
battements ont perdu au moins la moitié de leur intensité.
Aggravation de l'état général. Le malade est inquiet et ses mains sont
tremblantes ; la langue est sèche et rude à la surface ; quelques fuliginosités
apparaissent aux lèvres et sur les dents ; pouls précipité et irrégulier ; cha-
leur mordicante à la peau ; battements cardiaques de plus en plus tumul-
tueux.
Veinosités nombreuses à la région abdominale inférieure, effet d'une riche
circulation supplémentaire.
Le 12. La jambe est transformée en un sphacèle putrilagineux et noir, à
odeur infecte, saus autre élimination que celle d'un liquide sanieux. La tu-
meur de l'aine est presque complètement affaissée ; c'est à peine si l'on per-
çoit encore un peu ses battements.
Empâtement toujours excessivement douloureux à la pression, au creux
poplité.
Langue effilée, tremblante, sèche; respiration dypsnéique; signes d'en-
gouement pulmonaire hypostatique.
AiToser la jambe gangrenée avec du chlorure de chaux.
Le reste idem.
Le 14. Faiblesse extrême; le malade peut à peine parler-, soubresauts des
tendons ; fuliginosités ; respiration très-embarrassée ; désordre extrême dans
les battcmeuts du cœur et dans le pouls que l'on sent à peine. Affaissement
complet de la dilatation artérielle, dont les pulsations sont cependant encore
saisissables.
Le 15. Agonie très-longue-
Mort à dix heures du soir.
Autopsie pratiquée vingt-quatre heures après la mort.
Après avoir mis à nu et disséqué avec soin tout l'arbre circulatoire depuis
le cœur jusqu'à l'extrémité du membre affecté, voici ce que nous avons con-
staté :
1» Au cœur, traces de péricardile ancienne, pla([ucs laiteuses disséminées.
Dans son intérieur, présence de caillots librineux, récemment organisés
dans les cavités gauche et droite : à gauche, uu caillot assez volumineux
133
pour remplir prescpie complètement la cavité ventriculaire, se prolonge, en
s'effilant dans l'aorte, jusqu'au niveau des premières grosses collatérales ; à
droite, autre caillot non moins volumineux, polypiforme, enveloppant dans
ses nombreuses ramiflcations les cordons tendineux de la valvule triscupide
et envoyant dans l'artère pulmonaire un prolongement qui se bifurque à son
tour dans les divisions de celles-ci; à part celle-ci, intégrité à peu près com-
plète des orifices cardiaques.
20 L'aorte paraît saine dans tout son parcours non moins que la veine cave
supérieure et leurs ramifications.
Un premier caillot semi-organisé se rencontre dans la veine cave inférieure
immédiatement avant sa bifurcation, dans un parcours de 5 centimètres en-
viron. Ce caillot, ainsi qu'on peut le voir sur la pièce qui est sous les yeux
de la Société, remplit presque complètement la lumière du vaisseau et en-
voie un prolongement dans chacune des veines iliaques. Mais l'oblitération
de celles-ci est loin d'être complète et elles ne contiennent dans le reste de
leur parcours inférieur que du sang liquide, plus ou moins poisseux par en-
droits. Il en est de même des artères iliaques dont la lumière n'est occupée
que par du sang épais mais non coagulé.
3° Avec la veine fémorale commence la véritable lésion. Dégagée de la
gaine commune, la veine paraît d'abord manifestement augmentée dans son
calibre et cela surtout dans les 2 premiers centimètres de son origine. A
partir de ce point, et durant un trajet de 8 à 10 centimètres au moins, elle
offre l'aspect d'un gros cordon dur et rempli par un corps solide. Si on l'in-
cise, en effet, outre qu'on s'aperçoit alors que les parois sont épaissies,
comme indurées et fortement injectées, on découvre dans son intérieur une
concrétion flbrineuse parfaitement organisée, vermiculaire, remplissant non-
seulement toute sa lumière, mais ayant amené une distension assez consi-
dérable du vaisseau, surtout à son origine.
C'est là, sans nul doute, que l'on sentait la tumeur oblongue que nous
avons notée plus haut parmi les signes de l'affection et on voit qu'elle était
constituée par la veine oblitérée et épaissie. Immédiatement au-dessus de ce
point oblitéré siégeait la dilatation artérielle signalée. Peut-être celle-ci
trouve-t-elle son explication dans la compression que la veine, modifiée
comme nous venons de voir, a dû exercer sur l'artère, au-dessus du point
dilaté.
Du reste, l'ouverture de l'artère à cet endroit laisse à peine apercevoir des
traces de la distension, pourtant considérable, que nous avons observée.
Elle n'y offre pas non plus d'altération appréciable de sa paroi interne; mais,
à partir de ce point, et au milieu d'une petite quantité de sang liquide, on
rencontre un long caillot blanchâtre, aplati, rubané et presque filiforme, s'é-
tendant dans un tuyau qui correspond presque exactement à celui qu'oc-
cupe dans la veine l'énorme caillot susmentionné. Au-dessous de celui-ci
m
ce ne sont plus de véritables coagulnras ou des concrétions flbrinenses que
l'on rencontre dans la veine qui cependant est partout oblitérée, mais une
matière poisseuse, à consistance de gelée, couleur lie de vin, et q'ii sert
comme ùag glutinaiif ay\x parois veineuses. De plus, la veine présente par
places des dilatations ampiilliformes, une surtout tn'vs-remyrri'iatjle vers la
limite inférieure de la l'éinorale, à son émergence de l'anneau du troi.-ième
adducteur, dilatation qui pourrait contenir une noix, et que remplit l'espèce
de putrilage sanguin dont nous venons de parler. Celui-ci, examiné au mi-
croscope, se compose de globules sanguins déformés, de granulations molé-
culaires transparentes et d'un très-grand nombre de corpuscules arrondis,
framboises ou déchiquetés à leur contour, renfermant un ou plusieurs
noyaux, très-semblables en un mot aux corpuscules du pus, mais n'étant
autres, sans doute, que des globules blancs.
Au niveau de l'ampoule veineuse que nous venons de décrire , l'artère est
complètement oblitérée par un caillot (ibrineux bien organisé, mais qui n'a
pas plus de 2 centimètres 1/2 à 3 centimètres de longueur.
4° Au creux poplité, le faisceau vasculo-nerveux se trouve comme empri-
sonné au milieu d'un tissu très-dense, lardacé, criant sous le scalpel, et que
l'on rencontre seulement sur le trajet et tout autour de l'artère et de la
veine.
Celle-ci, très-dilatée par places, moniliforme, est remplie dans tout son
trajet poplité par la même matière sanieuse lie de vin, tenant en suspension
quelques coaguluras incomple's. Cette matière est fortement collée à la pa-
roi interne de la veine, d'où clic ne peut être bien complètement arrachée
que par le raclage. Alors la membrane interne du vaisseau apparaît lisse et
colorée eu violet; coloration qu'elle doit sans doute au contact du sang mo-
difié par la stase, à moins que l'altération dont elle est en réalité le siège
ne ?,oH primiiive et antérieure à celle du liquide en stagnation. Quoi qu'il en
soit, la veine redevient perméable dans toute la portion sphacélèe du mem-
bre : c'est ce qui a ordinairement lieu en pareil cas;.
Qjant à l'artère poplitèc, elle est loin de présenter les mêmes altérations
que sa satellite; on n'y rencontre pas trace de concrétion librinpu.sc, mais
seulement du sang plus ou moins litiuide, sans plaques crétacées ou atliéro-
maleuscs sur sa paroi.
Ainsi que la veine, elle est complètement vide à la jambe au milieu du pu-
trilage gangreneux , et il en est de même des vaisseaux artériels et veineux
de toute la partie mortifiée.
Toutes les branches collatérales de premier et de deuxième ordre de l'artère
et de la veine fémorale et poplilée sont complètement oblîte'ri'es par des bou-
chons fihrineux. La veine saphène inlorneelle-môme est obstruée dans une
longue portion de son trajet supérieur.
135
Poumons. — Engouement hypostatique aux bases"; point de caillots orga-
nises dans les ramifications des vaisseaux pulmonaires.
Les existences de la famille du malade ne nous ont point permis d'exami-
ner le cerveau.
Les autres organes ont été trouvés sains.
En lisant l'observation qui précède, tout le monde sera sans doute frappé
comme nous de la marche insolite de la maladie et trouvera sulTisamment
justifiée l'interprétation que nous avons cru devoir lui donner. Tout, en efTet,
dans la série des phénomènes ofTerts par notre malade, concourt à démon-
trer que le mal a eu pour point de départ le système veineux; ainsi, tout
d'abord gonflement œdémateux du membre et en même temps cyanose pres-
que immédiatement généralisée de celui-ci. Point de douleurs spontanées,
point de début localisé comme d'habitude dans l'un des orteils, ordinaire-
ment le gros-
Ce n'est que plus tard, consécutivement, que la forme sèche et atrophique se
dessine dans ces derniers et dans le pied, tandis que la forme essentielle-
ment humide persiste à la jambe : le contraste reste frappant jusqu'à la
mort.
Les phénomènes qui se passent consécutivement dans le pied ne témoi-
gnent-ils pas de l'implication consécutive du système artériel? Absence com-
plète, avons-nous dit, de douleurs spontanées, mais douleurs intolérables
provoquées par la plus légère pression, surtout quand elle s'exerce sur le
trajet des vaisseaux. Ne dirait-on pas d'une phlegmatia alba dolens?
Enfin, le résultat de l'autopsie est parfaitement confirmatif de cette inter-
prétation, en faisant voir que les principales et les plus étendues altérations
siègent dans la veine.
Ce fait est donc de ceux très-rares, il est vrai, et pour cela très-intéres-
sants, qui peuvent donner créance à l'idée émise par Quesnay, à savoir, que
l'oblitération d'une grosse veine peut faire enHer la partie et la disposer à la
gangrène humide.
COMPTE RENDU DES SÉANCES
DE
r r
LA SOCIETE DE BIOLOGIE
PENDANT LE MOIS DE SEPTEMBRE 1860;
Par m. le Docteur J. M ARE Y, secrétaire.
prësidë^ce de m. rayer.
I. — Physiologie.
ACTION DU CURARE SUR LA TORPILLE ÉLECTRIQUE ; par M. A. MOREAU.
J'ai pratiqué dans la veine dorsale de la torpille l'injection d'une solution
de curare. Le poisson remis dans l'eau a continué à respirer et à nager pen-
dant quelques instants, puis a cessé de nager et bientôt après de respirer.
Plaçant alors sur le dos de ce poisson plat une grenouille, dont j'avais coupé
le bulbe racbidien pour supprimer tout mouvement volontaire, j"ai pincé la
torpille sur les parties latérale et postérieure du corps. Aucun mouvement
ne s'est manifesté dans le poisson; mais au même instant la grenouille a fait
un bond vertical énergique.
Ainsi, l'impression produite par le pincement a été transmise aux cen.
138
très nerveux, et est revenue, par les nerfs qui animent l'organe électrique,
déterminer une décharge, sans produire en aucun point du corps de mouve-
ment réflexe.
Celte expérience a été répétée un grand nombre de fois, et toujours avec
le même résultat. Elle n'exige d'autre précaution que celle de renouveler,
environ toutes les cinq minutes, la grenouille dont les tissus perdent vite
dans Teau de mer leurs propriétés pliysiologiques.
Après ces essais, la torpille est retirée de l'eau. L'abdomen étant ouvert,
je soulève les nerfs volumineux situés à la face inférieure du cartilage qui
limite en haut la cavité abdominale. J'excitai avec un courant électrique ces
nerfs composés de filets de sentiment et de filets moteurs : aucun mouvement
ne se manifeste; mais l'organe électrique produit une décharge accusée par
la grenouille placée sur le poisson, et par le galvanomètre mis, au moyen
de fils de cuivre isolés, en communication avec deux plaques de platine re-
posant sur la face supérieure et la face inférieure de l'organe électrique.
Ainsi cette excitation ne détermine aucun mouvement réflexe, ni même
direct, c'est-à-dire dû à la contraction des muscles animés par le nerf que
l'on a e.xcité; mais l'imrression produite sur les nerfs de sentiment a été
transmise par eux aux centres nerveux, et ceux-ci ont réagi sur les nerfs de
l'organe électrique et produit la décharge par leur intermédiaire.
Enfin, je porte l'excitation sur une des branches du pneumo-gastrique
qui vont animer l'organe électrique après avoir traversé les branchies; j'ex-
cite le nerf avant son entrée dans les branchies; j'obtiens à chaque excita-
tion une décharge sans aucune contraction des muscles des branchies, tandis
que sur une torpille non curarée l'excitation portée sur le même point du
nerf détermine la contraction des muscles en même temps que la décharge.
11 est presque inutile de dire que les muscles excités directement, c'est-
à-dire sans l'intermédiaire des nerfs, se contractent vivement. On sait en
effet que M. Claude Bernard s'est servi du curare pour montrer que la con-
traction du muscle peut être obtenue indépendamment de l'action du nerf.
Les expériences que je viens de citer, et que j'ai faites à Naples en 1858 et
à Palavas près Montpellier en 1860, montrent que l'action du curare s'exerce
d'abord sur les nerfs moteurs, et que les nerfs électriques conservent
leurs propriétés physiologiques comme les nerfs de sentiment et les cen-
tres nerveux.
La période, très-longue, de l'empoisonnement pendant laquelle les nerfs
électriques survivent aux nerfs moteurs (quant aux propriétés physiolo-
giques), apparaît d'autant plus tôt que la vitalité du poisson est plus grande.
Les doses employées étaient de 3 à 4 centimètres cubes d'une solution con-
tenant 2 grammes de curare pour 100 grammes d'eau, pour des torpilles de
taille moyeQDe.
139
11. — Physiologie comparée
LES POUMONS DES SERPENTS JOUENT LE RÔLE DORGANES INCUBATEURS SUR LES
OEUFS CONTENUS DANS LES OVIDUCTES. CEUX-CI VIENNENT EN EFFET SE
METTRE EN CONTACT, PAR SUITE DE LEUR ACCROISSEMENT DANS TOUTES
LEURS DIMENSIONS, AVEC LES EXTRÉMITÉS DE CES RÉSERVOIRS AÉRIENS.
c'est CE QUE PROUVE L'ÉTAT DE DÉVELOPPEMENT TRÈS-AVANCÉ DES œUFS
TROUVÉS DANS LES OVIDUCTES D'UNE FEMELLE DE PYTHON DE SÉBA , DE
GRANDE TAILLE (3 MÈTRES PASSÉS), 5I0RTE AU MUSÉUM D'HISTOIRE NATU-
RELLE DE PARIS; par M. le docteur Henri Jacquart, aide-naturaliste d'an-
thropologie au Muséum, clievalier de la Légion d'houneur.
Une femelle de python de Séba, déposée au Muséum d'histoire naturelle de
Paris, meurt le 6 septembre 1860.
Elle est longue de 3in, 13.
Le plus grand diamètre transversal de son corps est de O^-.IO.
La longueur de sa tète est de 0'°,10 et sa largeur de O^.oe.
J'insiste sur ces dimensions parce qu'elles sont en rapport avec celles des
œufs que j'ai trouvés, et dont je parlerai tout à l'heure.
Cette femelle, venant du Sénégal, avait pondu plusieurs œufs pendant la
traversée. Elle mourut quinze jours environ après son arrivée au Jardin des
plantes.
Je procédai à l'autopsie dans l'espérance de trouver des linguatules, pour
coraoléler le mémoire dont j'ai déjà lu plusieurs fragments a la Société, sur
les crochets de ces animaux, leurs muscles, le système nerveux de la tête,
et leur état embryonnaire qui les rapproche des crustacés parasites.
Si cet espoir ne s'est pas réalisé, si je n'ai pas trouvé les linguatules que
je cherchais, j'ai trouvé des filaires que je ne cherchais pas, et en grand
nombre, et un autre petit ver enroulé en spirales à une de ses extrémités.
Mais ce n'est point là le sujet de ma commuuication ; ce sont des matériaux
rais en réserve pour plus tard.
Je constate d'abord dans les oviductes la présence de treize œufs.
Ces conduits ont le diamètre de l'intestin grêle de l'homme adulte.
Leurs vaisseaux sont très-développés , surtout les veines; elles sont,
comme on sait, au nombre des principales racines des veines de Jacobson,
tandis que celles de chaque ovaire vont se jeter dans une branche qui aboutit
à la veine cave postérieure.
Quatre œufs sont contenus dans l'oviducte gauche et neuf dans le droit.
Ils sont d'autant plus gros qu'ils sont situés plus près de l'insertion de l'ovi-
ducte au cloaque.
Leur grand diamètre varie de 9 à 10 centimètres, et leur petit de 4 à 5.
Ces œufs sont placés dans les oviductes d'une manière alternante, c'est-
à-dire que, dans ces conduits rapprochés, ils sont interposés par un ou par
140
deux, de sorte qu'on rencontre successivement un ou deux œufs d'un ovi-
ducte, puis au-dessus et au-dessous un ou deux de l'autre.
Cette disposition, du reste, est facile à concevoir parce que l'espace est
limité.
Je prends, pour l'examiner, le troisiôme œuf à partir du cloaque, après
l'avoir extrait à l'aide d'une incision aux parois du conduit. J'ouvre les dif-
férentes membranes, et j'arrive à un embryon qui n'a pas moins d'un
centimètre et demi de longueur, et qui est très-avancé dans son développe-
ment, car le cœur est déjà complet et l'abdomen fermé.
La queue, roulée en plusieurs spirales, est fixée par un repli de la séreuse
comparable au mésentère.
Le disque embryogène très-étendu dépasse les limites de la circonférence
d'une section faite par un plan, qui partagerait le vitellus en deux moitiés
égales.
On voit donc que si la femelle du python ne fait pas comme la vipère des
petits vivants, les embryons contenus dans ces œufs sont au moins très-
avancés dans leur développement avant et surtout au moment de la ponte
des œufs. Ainsi ils ont déjà depuis longtemps subi dans le corps de la mère
une incubation, que celle-ci continue ensuite après la ponte avec beaucoup
de sollicitude.
Il y a donc ici dans les lois physiologiques du développement simplement
variété dans l'unité. C'est un point de l'histoire de l'évolution embryonnaire
qui nous paraît très-intéressant. En effet, dès que les œufs sont arrivés dans
les oviductes, ils sont en contact médiat avec les gaz contenus dans les ex-
trémités des poumons, avec lesquels les oviductes, par suite de leur énorme
accroissement, viennent se mettre en rapport : la longueur du poumon gau-
che, plus grande que celle du droit, correspond à la disposition inverse des
ovaires.
D'où il suit que chez les ophidiens les extrémités des poumons ne servent
pas seulement aux fonctions respiratrices comme réservoirs aériens, mais
qu'elles remplissent le rôle de chambres incubatrices, par rapport aux œufs
contenus dans les oviductes. Ceci n'a rien de choquant, lorsqu'on réfléchit
que chez les vertébrés l'hématose ne s'efTectue pas par le contact immédiat
de l'air avec le sang, mais à travers la membrane qui tapisse les cellules
aériennes et à travers les parois des vaisseaux.
On peut donc concevoir que les gaz contenus dans les poumons agissent
par endosmose, en traversant les parois si poreuses de ceux-ci, et les parois
également trôs-amincics des oviductes distendus par les œufs. C'est du
reste ce que j'avais pressenti dans vm mémoire que j'ai publié dans les An-
nales DES SCIENCES NATURELLES sur la Circulation du python (I).
(1) 4' série, ZooL., t. IV, rallier n» fi.
141
'' III. — Pathologie.
FRACTURE DU CRANE AVEC ÉCOULEMENT SANGUI.N PAR L'OREILLE; par M. EDMOND
Simon, interne à la Charité.
J'ai riionneur de présenter à la Sociélé de biologie un exemple de fracture
du crâne qui me paraît être très-confirmatif de l'opinion la plus répandue
actuellement sur l'origine du liquide séreux qui s'écoule par l'oreille. Tout
le monde sait que grâce à la chimie, on reconnaît généralement Jans le li-
quide séreux qui s'écoule par l'oreille la composition du liquide encéphalo-
rachidien. Voici une pièce qui me paraît devoir en apporter la preuve anato-
mo-physiologique.
Séraphin Baccocchi, peintre en bâtiment, âgé de 22 ans, est tombé d'une
échelle, à la hauteur d'un deuxième étage le 27 août 1860.
Dans sa chute sa tête a porté par sa partie latérale droite, contre la balus-
trade d'un balcon à l'entresol ; il arriva sur le sol en présentant également le
côté latéral droit. Il y eut perte de connaissance pendant une demi-heure en-
viron. On l'apporta aussitôt à l'hôpital.
A son entrée il offre une intelligence un peu obtuse, des contusions légères
à la fesse droite et au bras correspondant, un écoulement de sang par l'oreille
droite. Le cuir chevelu est contusionné immédiatement au-dessus de l'o-
reille.
Le lendemain de son entrée il présente une intelligence un peu plus nette,
plus active ; il raconte lui-même son accident. Il a dormi une partie de la nuit,
mais il a vomi deux fois.
Absence de fièvre, 68 pulsations, peau normale, douleurs de tête assez vi-
ves, peu d'appétit, soif modérée.
Pendant les trois jours qui ont suivi son entrée, il n'a présenté d'autre par-
ticularité que d'être un peu sourd du côté droit et de n'aller point à la garde-
robe ; pas de vomissements.
Le 31 août, vers cinq heures, il est pris tout à coup de délire loquace, ma-
niaque; il veut se lever, rentrer chez lui; il insulte tout le monde et pousse
par moments des cris aigus.
Cependant le pouls et la peau ne présentent rien de particulier, les pupil-
les sont normalement dilatées, il n'y a pas eu de vomissements nouveaux, la
constipation persiste, l'écoulement sanguin par l'oreille continue, mais est
faible. Ce délire se dissipe vers la fin de la nuit, et le lendemain matin nous
retrouvons le malade parfaitement calme.
Deux jours de suite ce délire se reproduit à la même heure. M. le profes-
seur Velpeau, après avoir fait appliquer douze sangsues derrière l'oreille
droite, ordonne l'administration du sulfate de quinine, malgré l'absence de
frisson initial et de sueurs à la fin de ces accès.
142
Le délire ne s'en reproduit pas moins, il devient même continu à partir div
4 septembre.
Réapplicalion de sangsues derrière les oreilles, potion antispasmodique,
puis calomel à doses fractionnées.
L'état général ne s'est pas modifié et n'explique pas du tout l'existence
d'une méningite, si ce n'est par une constipation opiniâtre. L'écoulement de
sang par l'oreille persiste; il n'y a pas eu de convulsions.
Enfin le 6, dans le cours de la journée, le délire diminue graduellement et
cesse vers le soir.
Le lendemain matin on trouve le malade calme, raisonnant assez bien et
demandant à s'en aller. L'écoulement de sang est arrêté. M. Velpeau refuse
de signer la pancarte, il n'autorise à le laisser partir que si l'on vient le cher-
cher.
Le 8, le délire reparait avec violence, puis le malade tombe dans un état
senii-comateus avec grande dilTicnlté de respirer. L'écoulement de sang par
l'oreille se reproduit, mais il est toujours très-faible. Le pouls reste rare, dé-
pressible, la peau est halitueiise.
Le 9, l'état comateux s'aggrave, turgescence de la face, cyanose légère des
lèvres et des extrémités.
Application de sangsues derrière les oreilles, calomel à doses fraction-
nées.
Le 10, l'asphyxie est imminente; application d'un large vésicatoire sur le
cuir chevelu.
Mort vers deux heures de l'après-midi.
Autopsie. — Le cadavre n'oflVait aucune plaie, mais seulement les traces
d'une contusion de moyenne intensité au dessus de l'oreille droite, des ecchy-
moses en voie de résolution au niveau de l'épaule et de la cuisse correspon-
dantes, et enfla une teinte bleuâtre des téguments sous la clavicule droite.
En disséquant les parties molles du crâne pour scier ce dernier, on s'aper-
çut aussitôt, à la présence d'une petite esquille, qu'il restait une fracture de
celte boite osseuse au niveau du temporal droit.
Le crâne et le cerveau sinuillanémeut fuient sciés horizontalement. Un
observa alors un épanchement sanguin entre la dure-mère et le crâne répon-
dant an foyer delà fracture. La moitié inférieure du cerveau fut enlevée owc
précaution, vu le siège de l'iiémorrhagic et la nature conslanuneut la mémo
de l'épanchcment par l'oreille. Du jtus crémeux en petite quantité était étalé
sur les surfaces libres de l'arachnoïde; de l'un et de l'autre côté, une couche
mince de sang iioisseux colorait l'aracunuïde répondant à la moi lié postérieure
du lobe occiputal droit.
Le décollement de la moitié supérieure du cerveau répondant à la calotte
du crâne lit voir par la présence du pus (juc la méningite s'était généralisée.
Lu filet d'eau ayant débarrassé les suiiaces libres de l'ai-achnoïde du sanç
143
et (lu pus quil'olisnurcissaient, on trouva cette membrane épaissie, opaline,
mais intacte dans toute son étendue dans sa portion viscérale.
La dure-mère, détergée de la même façon, ne montra d'autre solution de
continuité qu'une ouverture réticulée des dimensions d'une lentille, située à
la partie postérieure de l'épanchement sanguin. C'est cette ouverture qui cer-
tainement a donné issue au sang qui s'est insinué dans la cavité de l'arach-
noïde.
Il a été parfaitement constaté qu'au niveau du conduit auditif externe, le
prolongement de l'arachnoïde qui accompagne les nerfs auditif et facial était
complètement intact.
L'épanchement sanguin situé entre la dure-mère et les parois osseuses est,
comme on le voit sur cette pièce, circulairement situé, et comme à cheval au-
dessus du rocher; il a à peu près 0,09 centimètres de diamètre avec un relief
de 0,023 millimètres. Ses limites précises sont eu avant, l'union de la grande
aile du sphénoïde avec le temporal, en arrière le tiers antérieur de la portion
horizontale du sinus transverse, en haut 5 centimètres au-dessus de la su-
ture temporo-pariétale, en bas la saillie du temporal qui répond au canal
demi-circulaire externe.
Le caillot qui persiste peut être évalué du poids de 70 à 80 grammes. Par
la disposition de la fracture que nous allons examiner, on peut concevoir que
ce sang aurait pu être renouvelé pendant longtemps, car il venait des deux
branches principales de la méningée moyenne, branches divisées en même
temps que les os.
Le décollement de la dure-mère jusqu'à quelques millimètres du pourtour
du foyer sanguin, et d'autre part le raclage de l'os extérieurement permet de
constater que la fracture se comporte de la façon suivante :
Elle commence sur le pariétal droit vers son tiers postérieur à 5 centimètres
]j2 au-dessus de son union avec le temporal, descend sur ce dernier, et là
se bifurque aussitôt.
L'une des branches de bifurcation, l'antérieure, se dirige au devant de la
racine transverse de l'apophyse zygomatique et s'arrête à la suture temporo-
sphénuïdale; l'autre branche, la postérieure, tombe sur la paitie antérieure
du conduit auditif externe, l'ouvre longitudinalement à 0,001 millimètre en
arrière de la scissure de Glazer, décolle supérieurement les téguments qui
tapissent ce conduit, et en même temps produit une fissure sur ceux-ci béante
de 0,001 millimètre de largeur, laquelle fait communiquer le foyer sanguin
avec l'extérieur.
L'ablation de la paroi inférieure du conduit auditif externe permet de con-
stater que la membrane du tympan intacte, est rasée à sa partie antérieure
par la fracture.
Celle-ci se prolonge sur le rocher presque parallèlement à son axe, ouvre
la caisse du tympan ; le marteau en effet présente sa tète immédiatement au-
144
dessous de la division. Cette particularité explique peut-être pourquoi le ma-
lade a craché pendant deux jours un peu de sang qui a pu s'écouler dans la
bouche par la trompe d'Eustache.
La fracture interrompue par la fente pélro-sphcnoidale et le trou déchiré
antérieur, se prolonge cependant sur le corps du sphénoïde jusqu'au-dessous
du sinus caverneux gauche.
On remarque de plus deux fissures à droite et à gauche du trou occipital,
l'une, la droite, allant de cette ouverture au trou déchiré postérieur ; l'autre,
la gauche, s'arrélant à peu de distance dans la fosse occipitale inférieure.
La disposition de cette fracture, la nature et la petite quantité de sang (en-
viron 5 à 6 grammes par jour) que perdait le malade par l'oreille, me parais-
sent, comme je le disais en commençant l'observation, donner presque im
démenti à la théorie qui fait venir la sérosité qui s'écoule par l'oreille du
sérum d'un foyer hémorrhagique voisin.
Si en effet un épanchement sanguin extracranien est capable de donner
lieu à un écoulement de sérosité, ce doit bien être certainement dans le cas
auquel nous avons afTaire, car la fracture traversant le foyer, la sérosité aurait
donc pu facilement filtrer à travers la fissure des os et des téguments de
l'oreille externe, et cependant cela n'a pas eu lieu. Pendant douze jours il
ne s'est écoulé que du sang qui est devenu plus pâle, il est vrai, vers la fin,
mais encore assez coloré pour mériter le uom de sang.
Nous avons constaté et fait constater la parfaite intégrité de l'arachnoïde
viscérale, celle du prolongement que cette membrane donne aux nerfs facial
et auditif, l'intégrité complète aussi du rocher dans toute la portion qui ré-
pond au couduit auditif iulerne et même au delà, comme cette pièce le mon-
tre. Il n'y avait donc point, dans ce cas, de communication directe ou indi-
recte de la cavité sous-arachnoïdienne avec l'extérieur. D'autre part il y a eu
absence complète d'écoulement séreux.
Du rapprochement de ces deux i'alls ne peut-il pas en résulter la forte pré-
somption anatomo-physiologique que le liquide séreux qui s'écoule par
l'oreilleest bien comme l'a démontré l'analyse chimique du liquide encéphalo-
rachidien. Il me semble au moins que cette présomption est rendue patente
par cette pièce.
Pour terminer l'observation, je dirai que le reste des organes étaient parfai-
tement sains. Ou a trouvé seulement uu peu d'épanchement sanguin dans le
tissu cellulaire répondant au grand pectoral et dans l'épaisseur de ce muscle.
IV. — Toxicologie.
EMPOISONNEMENT PAU LES CHAMPIGNONS; dcux obscrvatious par M. Lance-
REA»)x, interne des hôpitaux de Paris.
Uns. 1. — P. P., âgé de 28 ans, employé au bois de Boulogne, y faisait son
145
service comme de coutume le 18 août 1860, lorsqu'il recueillit au-dessus de
la cascade, sur les côtés de la route dite de la Vierge-au-Berceau, des cham-
pignons que, nous dit-il, ses confrères ramassaient et mangeaient impuné-
ment. Il revint à Paris avec dix-huit à vingt de ces champignons, pesant en-
viron une livre et demie, ayant les uns la forme d'un œuf, les autres celle
d'une ombrelle, et qui, d'après les renseignements pris auprès du malade
par M. Personne, pharmacien de la Pitié, appartenaient à l'espèce fausse
oronge, Amanita muscaria, Fers. (Âgaricns pseudo-amantiacus, Bull.)
Après les avoir épluchés largement, il les mangea à onze heures du matin
en compagnie de la nommée L..., jeune fille de 16 ans, dont l'observation
se trouve plus loin. Cbacun d'eux en mangea une portion à peu près égale, il
en resta une petite quantité que la jeune femme mangea peut-être dans le
courant de la journée. Laissons de côté l'observation de cette dernière, et
voyons ce qui advient chez P.
P... retourna au bois de Boulogne pour y faire son service; vers quatre
heures il éprouva du malaise, de la pesanteur à l'eslomac, des douleurs et de
la lourdeur dans les reins (le malade ressent ordinairement des douleurs dans
cette région).
A sept heures il dine, mais il a peu d'appétit. A huit heures, il éprouve des
nausées, prend une tasse de café, ce qui, dit-il, retarde les vomissements
jusqu'à minuit.
A onze heures, malaise, nausées, gonflement de l'estomac, bourdonnements,
sifflements dans les oreilles, surdité légère; absence de phénomènes du côté
de la vue,
A minuit, vomissements abondants et fréquents, composés d'abord de ma-
tières alimentaires, puis de matières liquides un peu brunâtres. Diarrhée
vers une heure du matin ; une demi-heure plus tard il prend 10 centigrammes
d'émétique.
Les matières vomies ne renferment pas de champignons, les vomissements
continuent d'être fréquents, ils alternent avec la diarrhée qui revient toutes
les demi-heures. Le malade prétend qu'il a reçu un peu de soulagement
de l'émétique. Dans la matinée, malaise général, abattement, crampes,
principalement dans les membres inférieurs et les mollets, faiblesse géné-
rale, station verticale impossible. L'intelligence est intacte; la diarrhée con-
tinue. Les vomissements sont moins fréquents à partir de midi. La voix est
affaiblie, les extrémités sont froides, les urines ne sont plus sécrétées.
A huit heures du soir, je le reçois à l'hôpital de la Pitié, il éprouve toujours
les même malaise, des bourdonnements, des étourdissements, quelques ver-
tiges, des crampes, une faiblesse générale; les vomissements et la diarrhée
persistent. La peau a une teinte cuivrée, les extrémités sont froides, les traits
décomposés, la physionomie triste et fatiguée. Le pouls petit, fréquent, à
peine perceptible.
C. R. 10
146
Je fis appliquer des sinapismes et couvrii' le malade, dans le but d'amener
Ja réaction, ce qui déjà avait été tenté par les médecins de la Tille qui avaient
ordonné du rhum. Les vomissements et la diarrhée continuent encore toute
la nuit.
Le mardi 20 août, le pouls moins serré et moins fréquent a repris un peu
de sa force, les extrémités sont chaudes, les traits moins altérés, il y a un
mieux sensible, les vomissements ont cessé, la diarrhée persiste jusqu'au
lendemain.
Le 22 et le 23 le mieux contiuue, le pouls reprend son état normal, le ma-
lade accuse à peine du malaise du côté des voies digestives.
Le 24, il a une portion d'aliments, puis bientôt deux et trois.
II est envoyé à Vincennes le 4 septembre la guérison est alors complète.
Obs. II. — L..., jeune fille de 16 ans, fleuriste, eut le malheur de partager
le repas de P... qui fait le sujet de l'observation précédente. Forte et bien
portante, elle se trouvait à l'époque de ses règles, le 19 août, c'est elle-même
qui prépara les champignons.
Dans le courant de la journée, elle éprouve quelques coliques, un malaise
général, qu'elle rapporte à son état menstruel ; elle est fatiguée, dans l'im-
possibilité de travailler, et c'est vers huit heures du soir que surviennent des
coliques plus intenses, des nausées et des vomissements. Il existe en même
temps de la céphalalgie, des sifflements, des bourdonnements dans les oreilles
et de la surdité plus prononcée dans certains moments. La diarrhée accom-
pagne bientôt ces phénomènes, les déjections sont fréquentes et abondantes,
les traits s'altèrent, la voix s'aiTaiblit, les extrémités deviennent froides. La
physionomie se décompose de plus en plus, la faiblesse est extrême et la
mort imminente vers quatre heures du matin.
Il n'y eut pas chez elle, comme chez P..., de vomitif administré, la men-
struation retint les médecins. Dans le courant de la journée, les crampes qui
étaient survenues vers une heure du matin tourmentèrent beaucoup la ma-
lade, les vomissements et la diarrhée continuaient toujours.
Apportée à l'hôpital le 20 août vers huit heures du soir, je la trouve dans
l'état suivant : les extrémités sont froides, glaciales, légèrement violacées ;
les traits décomposés, les yeux excavés, la voix éteinte, la faiblesse exces-
sive; les pupilles un peu dilatées; l'intelligence assez nette, les réponses
lentes, la sensibilité un peu obtuse, léger état de sonmolencc. La langue est
sèche, brunâtre, froide; la soif inextinguible et tellement insupportable que
la malade réclame avant tout des boissons, et n'accuse guère que ce seul
phénomène. Les vomissements et la diarrhée continuent néanmoins, les ma-
tières rendues sont abondantes, très-liquides et grisâtres.
Le ventre est peu développé, la pression y détermine des gargouillements,
et peu de douleur. Le pouls est petit, serré, fréquent, donne environ 1^0 pnl-
1
lîT
salions par minute Les ballcmcnts du cœur sont faibles. La respiration est
anxieuse, difTicile. (Boissons à la glace, sinapisme, potion éthérée.)
Le lendemain matin, la malade se trouve à peu prôs dans le même état, la
réaction ne s'est pas faite. M. Marrotte ordonne, à la visite du matin, du rhum
et du laudanum.
La malade s'affaiblit de plus en plus, les traits sont encore pins décompo-
ses, la figure est terreuse, le pouls n'est plus perceptible vers midi. La mort
arrive le même jour, 21 août, à deux heures, dans un effort de bâille-
ment.
Nécropsie. — L'habitude extérieure du cadavre n'offre rien à noter.
Dans l'abdomen il existe une injection avec coloration violacée de la der-
nière moitié de l'intestin grêle, plusieurs petites taches ecchymotiques se
trouvent disséminées sous la séreuse. Les ganglions mésentériques sont vo-
lumineux, les uns ont conservé leur coloration habituelle , les autres ont re-
vêtu une teinte légèrement jaunâtre.
L'estomac, très-dilaté, renferme en petite quantité un liquide grisâtre, on
n'y trouve aucune parcelle des champignons. La muqueuse, d'un gris blan-
châtre, nullement injectée, est un peu ramollie ; elle se décolle par fragments,
même sous l'influence d'un simple filet d'eau. Les glandes font saillie dans
la portion pylorique de l'estomac et du duodénum. Les deux dernières por-
tions de cet intestin et le tiers supérieur du jéjuno-iléon ne paraissent pas
altérés, la muqueuse offre seulement un peu plus de mollesse. L'injection
commence plus bas; elle est de plus en plus marquée à mesure qu'on ap-
proche du cœcum; elle est très-prononcée dans le dernier mètre de l'intestin
grêle, où se rencontrent quelques petites taches ecchymotiques sous-mu-
queuses. Hypertrophie de tous les follicules isolés formant à la surface in-
terne de l'intestin de nombreuses saillies miliaires ou lenticulaires (psoren-
terie) blanchâtres à leur sommet, vasculaires à leur base, où viennent aboutir
de nombreux vaisseaux fortement injectés. Les plaques de Peyer sont tu-
méfiées, rouges, et très-vasculaires. La muqueuse à leur niveau est dépour-
vue d'épithélium et dépolie. De nombreuses cellules épithéliales^ la plupart
granuleuses, des granulations moléculaires et de la matière amorphe, tels
sont les éléments des glandes altérées.
Dans le gros intestin, la vascularisation est encore exagérée, mais moins
que dans le dernier tiers de l'intestin grêle.
Les follicules isolés offrent la même altération. Matières liquides gri-
sâtres, avec quelques grumeaux blanchâtres dans tout l'intestin.
Le foie est gros, il offre sur quelques points un léger pointillé brunâtre,
tranchant sur la coloration jaune de son parenchyme.
La rate est petite et ne parait pas altérée.
Les reins sont sains.
148
Les poumons ont leurs lobes inférieur» un peu congestionnes et œdéma-
teux, mous et couverts de graisse.
Le cœur renferme un sang noir gelée de groseille, à peine coagulé.
Partout le sang a présenté le même aspect.
Injection marquée des méninges, légères ecchymoses sous-méningées,
piqueté de la substance grise dont la surface parait en quelques endroits un
peu dépolie. Absence d'adhérence entre les méninges et la substance céré-
brale, opacité ancienne de ces membranes. Mollesse de la substance ctré-
brale.
La grande ressemblance dans les lésions cadavériques, la marche et les
symptômes observés chez nos malades, et dans les mêmes manifestations
chez les individus atteints de choléra-morbus, ne pourrait-elle être pour
quelque chose à l'appui de l'opinion qui range cette dernière maladie au
nombre des intoxications. Le poison n'étant pas évidemment identique dans
les deux cas, n'offrirait-il pas néanmoins quelque analogie ?
COMPTE RENDU DES SÉANCES
LA SOCIÉTÉ DE mum
PENDANT LE MOIS D'OCTOBRE 1860;
Pab m. le Docteur Jules LUYS, secrétaire.
PRËSIDËEG DE M. RilïËR.
I. — Anatomie.
NOTE SUR l'appareil PORTE RÉNAL-HÉPATIQUE DE LA BAUDROIE (LOPHIUS
piscATORius L.) ; par M. Jourdain.
L'auteur de cette communicatioi), après avoir fait remarquer le peu de
volume de l'organe urinaire qui est réduit à la partie cervicale, décrit l'ap-
pareil porte rénal dont la circonscription très-étendue embrasse quatre
veines principales : la veine swpérieure de l'appareil branchial, la veine rec-
tale postérieure, la veine axillaire et la veine latérale. Ce dernier vaisseau,
le plus volumineuï des afférents du rein, parait remplacer la veine caudale
extraordinairement réduite chez la baudroie.
L'arc rénal -hépatique, dont il indique avec détaille trajet elles affluents,
résulte de deux fortes brandies qui se détaciieat, l'une de la veine latérale
droite, l'autre de la veine latérale gauche; il s'ouvre à plein canal dans le
tronc même de la veine porte, à peu de distance du l'oie.
L'auteur fait remarquer qu'une semblable disposition n'avait point encore
été rencontrée dans les poissons, où un arc rcnal-liépatique a été men-
tionné {carpe tanche, saluth, anguille, congre). (V. ses Recherches sur la
VEINE PORTE RÉNALE.) Il entre dans quelques considérations théoriques sur
la constitution de cet arc et sur les raisons anatomiqucs qui lui semblent
en déterminer les diverses formes jusqu'ici connues.
Il termine en décrivant brièvement Tensemble de la veine porte hépati-
que et la cardinale postérieure.
II. — Anatomie pathologique.
NOTE SUR LES KYSTES CONGÉNITAUX DES ORGANES DE LA GÉNÉRATION ;
par M. GiRALDÈs.
Des recherches, suivies depuis longtemps, m'ont permis de constater
l'existence fréquente de kystes dans les organes génitaux des enfants nou-
veau-nés. La présence de tumeurs de ce genre au moment de la naissance
paraît présenter un certain intérêt au point de vue pathologique; désormais,
en effet, lorsqu'il s'agira de rechercher l'étiologie des kystes de l'ovaire
chez la femme adulte, on sera bien obligé de faire intervenir la supposition
de l'existence de kystes congénitaux. Beaucoup de ces cas qu'on regarde,
sans raison, comme étant produits par des troubles de la menstruation, par
une perturbation dans le phénomène de l'ovulation, ne sont peut-être que la
suite d'un état congénital. On rencontre fréquemment dans les ovaires des
enfants nouveau-nés deux sortes de kystes : les uns développés dans le
stroma de l'ovaire, les autres formés par une dilatation des canaux du corps
de RosenmuUer. Les premiers sont simples ou multiloculaires, ils contiennent
un liquide simplement séreux ou sanguin. J'ai rencontré chez des enfants au
moment de la naissance des kystes du stroma de l'ovaire ayant le volume
d'une grosse amande, mesurant de 0,017 à 0,020 dans leur grand diamètre.
Ces tumeurs contenaient quelquefois un liquide épais, sirupeux, même san-
guinolent. Les organes mâles comme les organes femelles sont également
le siège de kystes congénitaux. Je viens montrer à la Société un exemple de
ce genre, un kyste volumineux du cordon chez un enfant de 15 jours. Cette
tumeur mesure 0,017 dans son grand diamètre, el 0,011 dans son petit dia-
mètre. Sa position au-dessous de l'épididynic fait croire à première vue qu'il
appartient à cet organe; un examen minutieux démontre qu'il s'est déve-
loppé au contraire dans la partie inférieure du cordon, que par son évolu-
lution successive il a refoulé l'épidydime en s'en enveloppant. Cette tumeur,
dont les parois sont sillonnées par im lacis vasculairc assez riche, est rem-
.I5i
plie par un liquide transparent comme de l'eau distillée, ne se coagulant pas
par l'action de l'acide azotique, et contenant quelques lamelles épithéliales
très-transparentes. La partie interne est lisse et tapissée par de l'épitlié-
lium, sans aucune communication avec les tubes de l'épidydime ou des
vasa aberrantia, La position et les rapports de celte tumeur, surtout avec
l'organe que j'ai désigné sous le nom de corps innominé, le fait considérer
comme étant développé aux dépens de ce corps. Il n'est pas rare de rencon-
trer dans cette région du cordon, chez les enfants nouveau-nés, des kystes
du volume de 0,002 à 0,003; mais les tumeurs du volume de celle que je
présente sont rares; c'est le troisième exemple que j'ai rencontré sur plu-
sieurs centaines d'enfants.
III. — Pathologie.
SUR LES EXCAVATIONS ET LES SAILLIES DE LA PAPILLE DU NERF OPTIQUE;
par M. DE Graefe (1).
Les excavations qui se forment au niveau de la papille du nerf optique
ne reconnaissent pas toutes une même origine. Tantôt elles dépendent,
comme cela a lieu dans le glaucome, de l'excès de la pression intra-ocu-
laire, tantôt elles résultent directement d'une atrophie des fibres nerveuses
de la papille. Il est important de distinguer par la forme de la papille même
l'une de l'autre ces deux espèces d'excavations, puisque dans les cas très-
chroniques de glaucome les autres symptômes, qui prouvent un excès de
pression intra-oculaire, peuvent être réduits à un minimum, et que c'est
exclusivement cette espèce à laquelle se rapporte l'efficacité des procédés
opératoires. On peut constater en effet entre les deux espèces une différence
de forme. La pression intra-oculaire agit non-seulement perpendiculaire-
ment à la surface de la papille, mais celle-ci est aussi refoulée dans le
sens latéral, d'où résulte qu'en pareil cas l'excavation prend la forme d'une
cupule, et présente des bords comme taillés à pic (quelquefois même creusés
à la base), alors même que la profondeur n'en est pas très-considérable. Les
excavations de la deuxième espèce ont des bords moins tranchés, une pente
plus douce, et se confondent par conséquent, sans transition marquée, avec
le niveau général de la rétine. A cette différence dans la forme des deux
ordres d'excavations qui a été démontrée par les recherches de Henri Miiller,
correspondent des caractères ophthalmoscopiques bien nettement tranchés.
Ainsi, lorsqu'on promène devant l'œil un verre convexe de manière à lui
donner un effet prismatique de plus en plus fort, on observe que le mode
(1) Cette note, remise par l'auteur, est la reproduction d'une communica-
tion orale qu'il a faite à la Société le 27 octobre 18C0.
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15?
de d(3placen]cnt du fond de rexcavation de la papille n'est pas le môme dans
les deux cas. Dans les excavations glaucomateuses tout le ioud de la papille
se déplace contre le plan de la rétine adjacente. Dans les cas d'excavations
atrophiques, le déplacement est beaucoup moins brusque et presque nul
pour les parties périphériques de la papille. De plus, les vaisseaux subissent
aux bords de l'excavation glaucomafeuse une déviation soudaine qui ne s'ob-
serve pas dans l'excavation par atrophie. On rencontre dans les cas de la
première espèce toujours une liyperémie circonscrite dans les veines réti-
niennes immédiatement au delà du bord de l'excavation. Enfin on observe
ordinairement dans l'excavation glaucomafeuse le pouls de l'artère soit spon-
tané, soit provoqué par une pression très-douce du globe, ce qui n'existe ja-
mais dans les excavations atrophiques.
On avait longtemps, par une singulière erreur optique, regardé les exca-
vations comme des saillies. Depuis que M. de Graefe a signalé cette erreur,
les méthodes se sont beaucoup perfectionnées, de manière qu'aujourd'hui
l'on n'est pas seulement sûr du sens dans lequel la papille a changé de ni-
veau, mais qu'on peut aussi déterminer approximativement le degré d'une
excavation et d'une saillie. 11 existe en efîet des saillies de la papille qui
cependant ont été beaucoup moins étudiées jusqu'à ce temps, et dont la pré-
sence a une relation très-importante avec des maladies siégeaut hors de
l'œil. Il y a plus de trois années M. de Graefe vit chez lui un malade qui était
hémiplégique du côté droit et atteint d'une paralysie de la septième paire
droite, dément en grande partie, sujet à des convulsions épilcptiformes et
affecté en outre de cécité complète avec dilatation prononcée des pupilles.
L'ophlhalmoscope montrait la papille du nerf optique bombée, formant une
saillie irrégulièrement hémisphérique. La substance paraissait opaque, très-
rouge et parsemée cà et là de foyers apoplectiques. Les veines étaient forte-
ment remplies, tortueuses, se cachant en partie dans le tissu opaque, lu
pourtour de la papille la rétine était de même opaq\ie et rouge, mais seule-
ment dans une étendue de quelques millimètres. Cette opacité devait naturel-
lement cacher l'anneau choroïdion, de manière que la papille avait perdu ses
limites ordinaires. Le malade ayant succombé immédiatement après un accès
épilepliforme, on trouva ce qu'on avait soupçonné, savoir :une tumeur dans
l'hémisphère gauche. Les troncs desnerfs optiques étaient sains, maisles deux
papilles et surtout celle du côté de la tumeur étaient affectées d'une infiltra-
tion gélatineuse avec gonflement des éléments du tissu cellulaire interstitiel.
Les mêmes pfiénomèncs ophthalnioscopiques de la papille ont été rencon-
trés dans trois autres cas où, comme dans le précédent, une tumeur intra-
cérébrale avait comprimé et aplati le cerveau. Les analyses, faites en partie
par M. Virchow, en partie par W. Schweigger, ont fourni des résultats ana-
logues pour les changements de l;i pai>ille. Dans deux de ces cas la maladie
était assez ancienne, la saillie le la papille et l'cngorgemcut des vaisseaux
m
avaient en conséquence diminué, mais l'hypertrophie et la condensation du
tissu cellulaire étaient plus prononcées, ainsi que l'atrophie des éléments
nerveux.
Les caractères ophthalmoscopiques de l'affection en question se distin-
guent des rétinites par la concentration des phénomènes sur la papille elle-
même par la coloration de celle-ci en rouge très-prononcé et par la restric-
tion de l'opacité au pourtour de la papille et à la cavité des fibres.
La coïncidence de cette affection avec les tumeurs du cerveau étant con-
statée quatre fois, il s'agissait de trouver le lien entre les deux altérations.
Comme l'examen microscopique n'avait démontré dans les papilles elles-
mêmes aucun élément analogue à ceux de la substance des tumeurs, mais
simplement de l'hyperémie, de l'infiltration séreuse avec gonflement du
tissu cellulaire, et comme d'un autre côté il y avait toujours dans le crâne les
signes d'une pression très-exagérée, M. de Graefe pense que c'est un lieu
très-indirect qui explique la causalité, savoir l'hyperémie mécanique qui
provient de la compression des sinus caverneux, et qui produit la dilatation
des vaisseaux veineux et une infiltration œdémateuse. Il paraît d'abord
étrange que ces phénomènes se limitent si nettement à la papille elle-même,
et que hors de l'œil le nerf optique ne montre pas d'altérations appréciables.
Ceci pourrait cependant s'expliquer par les conditions anatomiques dans
lesquelles la papille se trouve resserrée par l'anneau sclérotidien peu dila-
table; elle peut cire sujette à une espèce d'incarcération, dès qu'une fois
l'accumulation de sang et la transsudation de sérum ont atteint un certain
degré. Déjà l'expérience a démontré à M. de Graefe que la même affection de
la papille optique se rencontre dans un degré moins prononcé, et avec cer-
taines modifications dans les cas où le siège de la pression n'est pas dans le
cerveau, mais à la base du crâne ou dans l'orbite.
Ces résultats, tout en plaidant pour l'explication donnée, imposent des ré-
serves pour les conclusions du diagnostic. La saillie de la papille mentionnée
ne peut pas être prise pour un signe pathognomonique d'une tumeur du
cerveau, elle peut cependant très-bien contribuer à poser le diagnostic, si
les autres symptômes le rendent vraisemblable sans le trancher.
En ellét ce sont, dans la série des maladies intracraniennes, surtout les
tumeurs qui donnent le plus grand excès de pression, et qui, par conséquent,
seront le plus aptes à produire l'hyperémie mécanique dont il s'agit.
Il y a d'autres altérations de la rétine et du nerf optique qu'il faut bien dis-
tinguer des précédentes, quoiqu'elles aussi se combinent avec des maladies
iuliacranieunes. Ici la papille n'est pas seule altérée, mais le tronc du nerf
lui-même est malade. Il parait qu'il s'agit d'une névrite descendante. L'oph-
thalmoscope montre la papille gonflée, il est vrai, mais pas si saillante, sur-
tout pas si rouge, plutôt grise dès le début. L'opacité s'étend beaucoup plus
dans la rétine, dont les couches moyennes et externes sont de même envu-
154
hies, présentant des groupes de points blancs, des plaques blanches, de
nombreux loyers apoplectiques, en un mot des altérations très-semblables à
celles que l'on rencontre dans la maladie de Brigbt. C'est cette forme (jui
complique les encéphalites, et qui souvent explique la cécité double ou uni-
latérale qui les accompagne. Son existence est importante à reconnaître,
parce que sans cela ou peut attribuer à la paralysie du nerf optique elle-
même des conséquences dues à la maladie périphérique. Ainsi, selon M. de
Graefe, un foyer apoplectique ou inflammatoire dans un hémisphère du
cerveau n'explique jamais par lui-même une cécité double. 11 ne peut expli-
quer, par les symptômes paralytiques qu'il provoque, qu'une hémiopiemono
ou bilatérale.
S'il y a amaurose complète, soit d'un œil ou des deux, il faut ou bien
que le foyer central soit bilatéral ou qu'il y ait quelque complication à la base
du crâne, ou enfin que l'affection périphérique mentionnée soit venue se
compliquer avec la maladie primitive. Les faits de pathologie bien analysés
paraissent, selon M. de Graefe, argumenter strictement en faveur de l'ancienne
théorie de Wollaston concernant la semi-décussation des uerfs optiques.
IV. — Pathologie comparée.
NOTE Sna UN ABCÈS DU REIN CHEZ LA GRENOUILLE; par M. KARR,
interne des hôpitaux de Lyon.
Les maladies de la grenouille sont peu connues. Le hasard nous ayant mis
dernièrement à même d'observer un abcès du rein chez ce batracien, nous
avons cru ce cas assez curieux et intéressant pour le relater ici. Depuis, nous
avons pu voir un abcès du foie et de la rate réunis chez un de ces animaux.
Si nous joignons à ces diverses lésions d'organes la présence de distomes
que nous avons constaté plusieurs fois dans le poumon de la grenouille, nous
sommes fondés à croire que les maladies de ces animaux sont nombreuses
et variées, et que leur description peut présenter quelque intérêt au savant
comme au pathologislc.
En sacrifiant une grenouille pour des expériences physiologiques, nous
fûmes fort surpris de trouver une tumeur anormale à la partie anléro-infé-
férieure de la colonne vertébrale. Voici sa description :
Situation. — Elle est située au devant de la dernière pièce du rachis, au-
quel elle est adhérente. Son bord supérieur correspond un peu au-dessus de
l'origine dos nerfs sciatiqucs qui longent ses côtés; celui de droite est dé-
bordé en partie par la tumeur. Sou bord inférieur repose sur les parties
molles du bassin. Par sa face postérieure, elle correspond aux parties mus-
culaires de cette région. Sa face antérieure est en contactavec le paquet intes-
tinal et la plupart des organes contenus dans l'abdomen.
Forme. — Elle se présente sous uu aspect irrégulièrement arrondi; elle a
155
la forme d'un ovoïde à grosse extrémité supérieure. Sou diamètre transverse
moyeu mesure 6 millimètres. Sa couleur jaunâtre, plus foncée suivant les
poiuts, paraît due à une certaine quantité de graisse inégalement disposée
à l'intérieur. La veiue cave intérieure du côté droit passe au-dessus de la
tumeur, et la divise en deux parties en laissant sur elle un petit sillon. Celle
du côté gauche accompagne les nerfs et conserve sa position normale.
Consistance. — Au premier aspect, la tumeur parait solide et composée de
matériaux graisseux. Quand on la touche on conserve cette conviction, mais
quand on presse sur elle avec l'extrémité d'une pince, les parois se dépri-
ment avec facilité, comme si l'on avait affaire à une collection liquide.
Anatomie pathologique. — L'examen de la tumeur nous a permis de con-
stater qu'elle était formée de plusieurs couches superposées dans l'ordre sui-
vant :
1° A l'extérieur une couche mince résistante recouverte cà et là par des
pelotons adipeux, et présentant tous les caractères du tissu flbreux;
1° Une couche épaisse à demi solide, jaunâtre, offrant l'aspect de pus à
demi concret, nous a présenté au microscope un grand nombre de globules
de pus et de gouttelettes graisseuses;
3° Au centre de ces deux couches se trouvait une cavité du volume d'un
pois remplie de pus. Ici même le microscope nous a permis de constater les
éléments histologiques de ce produit.
Les os situés sous la tumeur étaient parfaitement sains. On pouvait croire
d'abord que la tumeur avait eu pour point de départ une lésion osseuse de la
colonne vertébrale. Mais on ne trouvait trace de lésion ni dans les os ni dans
les muscles, qui avaient conservé leur aspect normal.
Ayant éliminé cette double origine, le point de départ de la tumeur deve-
nait difficile à conjecturer. On pouvait se reposer à l'idée qu'elle avait pris
naissance dans le tissu cellulaire du bassin, et que nous avions affaire à un
abcès chaud développé spontanément ou sous une cause traumatique.
Mais en examinant attentivement l'extérieur de la tumeur, nous avions re-
marqué à la partie inférieure deux prolongements flottant par leur extré-
mité libre et amincie, se réunissant supérieurement et se confondant avec le
reste de la tumeur. Ce corps bidenté était rougeâtre, de la couleur d'un
ganglion lymphatique. Lorsque par la dissection nous cherchâmes à isoler
les diverses enveloppes de la tumeur, nous aperçûmes distinctement que la
cavité centrale se continuait par deux culs-de-sac dans chacun de ces pro-
longements, à une faible dislance. 11 devint évident pour nous que ce corps
avait été le point de départ de la collection purulente qui avait détruit une
partie de sa substance, avait repoussé ses éléments et s'était coiffé de sa
membrane fibreuse d'enveloppe. Or ce corps pouvait se reconnaître, grâce
aux deux prolongements restés sains : c'était le rein. Pour lever tous nos
doutes à cet égard, nous avons examiné comparativement les corps rou-
156
geâlres avec des reins normaux pris sur une autre grenouille, et le micro-
scope nous a donné la certitude que les éléments histologiques étaient les
mêmes.
V. — Électuicité animale.
EXPÉRIENCES EXPLIQUANT LE PHÉNOMÈNE ÉLECTHIQUE DE LA TOBPILLE;
par M. Armand Moreau.
L'auteur a lu dans cette séance la note suivante :
J'ai l'honneur de présenter à la Société le récit d'expériences faites en vue
d'expliquer le phénomène de la décharge électrique de la torpille. Chaque
expérience a été instituée d'après une idée préconçue en rapport avec les
idées théoriques que l'on se fait actuellement sur cette question difïïcile.
La théorie la plus généralement proposée considère l'organe comme agis-
sant à la manière d'une pile, et par conséquent la décharge électrique comme
un phénomène lié à une réaction chimique. On suppose une sécrétion se
faisant sous l'influence nerveuse; j'ai d'abord cherché à voir le rôle de la
circulation dans cette fonction.
Dans une première expérience j'ai lié toutes les artères qui vont à un des
deux organes électriques. Il faut pour cela placer la ligature sur les artères
qui vont du cœur à la branchie du même côté ; on supprime forcément un
des organes respiratoires, mais il serait presque impossible d'atteindre sur
l'animal vivant, dans l'épaisseur même des branchies, les origines des ar-
tères qui vont à l'organe électrique. Après avoir ainsi supprimé la circulation
sanguine dans un des organes, j'ai excité les nerfs de cet organe et j'ai con-
staté que les décharges électriques étaient encore aussi manifestes qu'avant
la ligature.
L'expérience suivante, faite aussi dans le but de voir le rôle de la circula-
tion dans le phénomène de la décharge, est plus concluante. Sur une tor-
pille vivante j'ai cherché, en arrière de l'estomac, le vaisseau dorsal : c'est,
comme on le sait, l'analogue de l'aorte des vertébrés supérieurs; mais au
lieu de naître d'un cœur gauche, il résulte de la réunion des vaisseaux qui,
sortant des branchies, portent le sang artérialisé. J'ai injecté dans le vaisseau
dorsal et du côté des branchies du suif maintenu liquide à la faveur d'unt»
température convenable et d'une petite quantité d'essence dejérébenthine.
La torpille a péri aussitôt, et {luelques iniiiules après, le suif, solidifié par le
refroidissemenl, remplissait toutes les artères de l'organe électrique. J'ai en-
suite excité les nerfs de l'organe et obtenu des décharges manifestes.
On ne peut, dans cette expérience, objecter, comme dans la précédenle,
que le cours du sang peut se rétablir par les anastomoses Irès-petites qui
oxistrnt entre les vaisseaux du côté droit et ceux du côté gauche de l'animai,
lui outre, dans des vaisseaux remplis de suif, les phénomènes d'exosmose
ue sont pas possibles coram(î on peut penser qu'ils le sont encore dans l'ex-
157
perience, Lien connue, qui consiste à obtenir la décliargc eu excitant le nerf
d'un morceau de l'organe électrique détaché de l'animal.
Il est donc établi que le sang qui circule dans les artères n'est pas immé-
diatement nécessaire au phénomène de la décharge électrique.
Je supposai ensuite qu'une sécrétion pouvait encore se faire sous l'influence
nerveuse aux dépens des éléments liquides renfermés dans le tissu lui-même,
de même que l'on voit dans des instants, très-courts il est vrai, la sécrétion
de la glande sous-maxillaire se produire encore quand on galvanise le filet
nerveux qui part du lingual, après la ligature de l'artère de la glande; et,
pensant que les réactions chimiques devaient se faire dans des milieux
acides ou alcalins, j'espérai que l'expérience suivante me fournirait une in-
dication importante relativement à la nature des liquides mis en présence.
Je choisis des torpilles de grande taille et les sacrifie en enlevant rapiiic-
ment les centres nerveux situés au-dessus de la moelle épinière. J'évite ainsi
les décharges volontaires et répétées, qui épuisent l'organe. Je dissèque en-
suite la peau de la face dorsale, afin de rendre bien apparente la surface su-
périeure des prismes. Ils sont alors très-visibles et offrent des dimensions au
moins égales à celles des alvéoles d'un gâteau de miel. Je transperce succes-
sivement et sans en passer un seul chacun des 50 prismes les plus voisins
de l'abdomen; ce senties plus gros de l'organe. Le poinçon pénètre à tra-
vers le diaphragme supérieur et ressort en perçant la peau qui adhère au
diaphragme le plus inférieur du prisme. Quand ils sont ainsi tous transpercés
suivant leur axe, je fais passer successivement dans chacun d'eux un cou-
rant d'eau fortement acidifiée par l'acide sulfurique. Puis je coupe l'organe
de façon à ne conserver que le département composé des prismes ainsi tra-
versés par l'acide. La branchie voisine est laissée adhérente à l'organe et le
nerf respecté, puis le tout est disposé comme il convient pour constater la
manifestation ou l'absence de la décharge électrique. J'excite alors le nerf et
trouve que la décharge se produit toujours.
Cette expérience fut répétée sur une autre torpille en substituant à l'acide
sulfurique une solution de potasse. La décharge fut obtenue comme dans
l'expérience précédente. Je m'assurai en faisant, aussitôt après la décharge
obtenue, différentes sections dans l'organe, qu'en tous les points le papier
tournesol était fortement rougi ou bleui suivant que j'avais agi avec l'acide
sulfurique ou la potasse.
Il est nécessaire de prendre l'acide et l'alcali à un degré de concentration
capable de réagir fortement sur le papier de tournesol, mais cependant bien
loin encore du maximum de concentration ; en effet, j'ai obtenu avec des
solutions concentrées l'arrêt définitif de la fonction électrique.
En substituant à l'acide sulfurique l'acide nitrique, même très-étendu, jai
cessé immédiatement d'obtenir la décharge. L'aspect opalin que prend alors
l'appareil m'a fait penser que la coagulation de l'albumine était la cause de
158
cet e/Tet, et non la nature acide du liquide. L'alcool et le tannin, qui tous
deux coagulent l'albumine, ont donné le même résultat.
L'état physique du milieu parait donc plus important pour la fonction que
la réaction chimique acide ou alcaline.
Avant de tirer des conclusions, je désire multiplier et varier encore ces
expériences, qui ont été subitement interrompues par des circonstances re-
latives à la pêche en mer, et que je ne puis pour cela otTrir aussi précises
qu'il convient.
Dans un prochain travail, je donnerai le degré de concentration des li-
queurs employée;^.
VI. — Matière médicale.
NOTE SLR LA MANNE D'ALHAGI MAURORUM, D. C; par J. LÉON SOUUEIRAN.
Nous devons à l'obligeance de M. le docteur Gaillardot qui réside à Damas
Syrie), un très-bel échantillon de cette manne, très-rare dans les collections
de matière médicale, et que dans l'Orient on emploie fréquemment comme
nourriture et comme purgatif en la mélangeant d'infusion de séné.
L'alhagi Maurorum, D. C, est un arbrisseau épineux, appartenant à ia fa-
mille des légumineuses, qui laisse exsuder sur ses feuilles et ses branches
des gouttelettes à demi liquides, qui se concrètent au contact de l'air. Les
habitants recueillent ces exsudations et en forment des pains de couleur
jaune verdâtre, devenant noirs au bout de quelque temps, quand la surface
commence à fermenter sous l'influence de l'air et de l'humidité. Le peu de
soins avec lequel cette récolle se fait, est cause que la matière sucrée est
toujours remplie d'une notable proportion de débris de feuilles et de rameaux,
ce qui doit diminuer la valeur du produit.
L'odeur que présente la manne â'alhagi en pains rappelle tout à fait celle
du séné; la saveur est aussi celle de cette plante purgative, en même temps
que sucrée. Ces deux caractères nous font supposer que cette manne doit
jouir plutôt de propriétés purgatives que de la faculté de servir d'aliments.
La récolte de la manne doit se faire, au rapport des voyageurs, le matin,
car les rayons du soleil déterminent sa liquéfaction. Elle ne se fait pas indif-
féremment dans toutes les localités, car il faut, pour que Valhagi produise
ses exsudations, certaines conditions de végétation, qu'on ne rencontre que
dans des localités quelquefois assez limitées.
Quelques auteurs, Ilallé, Cuillemin, ont pensé que c'était la manne d'alliagi
qui constituait la manne des Hébreux ; mais aujourd'hui plus génératemeut
on s'accorde à reconnaître comme représentant celte nourriture des Israé-
lites dans le désert, le lecanore affinis, Everem.
COMPTE RENDU DES SÉANCES
SE
LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
pendant le mois de novembre 1860;
Par m. le Docteur Jules LUYS, secrétaire.
PRESIDENCE DE M RAYER.
I. —Physiologie.
1» DISTIN'CTION ANATOMIQUE ET PHYSIOLOGIQUE DES NERFS DE SENTIMENT
ET DE MOUVEMENT CHEZ LES POISSONS.
M. Armand Moreau communique à la société la note suivante :
J'ai déjà eu l'occasion de décrire devant la Société la disposition anato-
mique que j'ai rencontrée dans les nerfs des poissons cartilagineux, disposi-
tion qui est telle que la racine ganglionnaire et la racine non ganglionnaire
s'accolent sans s'intriquer, et qu'ainsi le nerf mixte qui résulte de cet acco-
lement peut être très-facilement divisé en ses deux éléments primitifs. 11
suffit en effet d'engager une aiguille dans l'interstice visible qui sépare les
deux racines déjà réunies et d'inciser le névrilemne. On écarte alors les
deux moitiés et on voit que cette séparation se continue pour ainsi dire
160
d'elle-même, et permet de reconnaître jusque dans les nerfs les plus fins
que l'œil puisse apercevoir la présence des deux racines racliidiennes pro-
longées.
J'ai mis à profit cette disposition anatomique pour faire la recherche
expérimentale des propriétés physiologiques des racines ganglionnaires et
non ganglionnaires.
Aujourd'hui je viens indiquer- comment on peut rendre complète cette
preuve expérimentale qui ofl'rait une lacune dans mes premières expé-
riences.
J'avais pu constater le pincement de ce que la racine non ganglionnaire
donnait lieu à des mouvements limités aux muscles dans lesquelles le nerf
se distribue, et de plus que le pincement de la racine ganglionnaire ne dé-
terminait point ces mouvements.
Ce caractère négatif sulTisait déjà pour montrer que la racine ganglion-
naire n'est pas une racine de mouvement ; mais cette racine n'avait pas
offert le caractère positif qui lui appartient, c'est-à-dire la propriété de
déterminer des mouvements généraux réflexes quand on l'excite.
L'artifice opératoire suivant qui exagère singulièrement les actions réflexes
des nerfs rachidiens m'a permis de voir de la façon la plus nette ces mou-
vements réflexes.
J'ai coupé la moelle épinière à son origine et divisé une partie raclii-
dienne en ses deux éléments qui sont ses deux racines prolongées, comme
il a été établi dans le récit de mes dissections.
Puis coupant chacune de ces racines prises en dehors du canal vertébral ,
j'en ai pincé successivement les quatre bouts. Lorsque le pincement a port'^.
sur le bout central de la racine ganglionnaire, les mouvements réflexes
les plus violents ont aussitôt apparu.
Le pincement du bout central de la racine non ganglionnaire n'a donné
lieu à aucun mouvement, non plus que celui du bout périphérique de la
racine ganglionnaire.
Ces expériences montrent que tous les caractères des racines rachidienncs
observés sur les animaux supérieurs peuvent être, de la manière la plus
facile, constatés dans la classe des poissons. Nous exceptons toutefois la sen
sibilité récurrente, laquelle n'a encore été constatée que sur des mammi-
fères.
2» EXPÉRIENCES SUR LES EFFETS DE LA GALVANISATION DU NERF OCULO-MOTEUa
COMMUN CHEZ LES MAMMIFÈRES; par M. YULPIAN.
M. VoLPiAN rappelle que les physiologistes ne sont pas encore tous d'ac-
cord sur les efifets que produit chez les mammifères l'excitation de la partie
centrale du nerf moteur-oculaire commun : les uns admettent que l'excita-
161
lion de cette partie déteriuiue, cûiimie chez loiseau, des contractions très-
manifestes de l'iris, traduites par un resserrement de la pupille; d'autres
professent que cet effet n'est produit que lorsqu'on irrite le nerf au delà du
ganglion ophtlialmique, c'est-à-dire lorsque les agents excitateurs sont mis
en contact avec les nerfs ciliaires. M. Vulpian a fait sur le chien plusieurs
expériences relatives à cette question. Ayant très-rapidement mis à décou-
vert sur un chien la base du cerveau et les nerfs qui en partent, il a pu por-
ter les électrodes d'un appareil volta-faradique sur les nerfs oculo-moteurs
communs près de leur origine. Il a vu constamment, lorsque l'opération était
faite avec célérité, la pupille se rétrécir sous l'influence de l'excitation gal-
vanique faite sur la partie du nerf comprise entre son origine et son entrée
dans le sinus caverneux. Mais l'excitabilité de cette partie du nerf disparaît
très-promptemcnt : dès que la galvanisation n'y produit plus d'effet, si l'on
porte les électrodes sur la partie du nerf qui est comprise dans la paroi ex-
terne du sinus caverneux, on obtient encore des contractions de l'iris pen-
dant un certain temps.
Le nerf oculo-moteur commun a donc, dès son origine, une excitabilité
motrice très-évidente : ce qui a pu la faire mettre en doute, c'est probable-
ment sa rapide disparition après la mort des animaux. Mais on se convain-
cra toujours facilement que l'excitation de ce nerf, en deçà du ganglion
ophthalmique, est suivie de contractions de l'iris en galvanisant la partie de
ce nerf qui est dans la paroi du sinus caverneux, car le nerf conserve le
plus longtemps sa motricité.
II, — Anatomie.
NOTE SDR LE TISSU PUOPRE DU BULBE DENTAIRE ; pat MM. leS dOCtCUrS
Charles Robin et Emile Magitot.
Le tissu de la masse du bulbe dentaire est composé de noyaux ovoïdes,
parsemés en grand nombre dans une substance homogène transparente, peu
granuleuse, et plus tard ils sont accompagnés de fibres lamineuses peu abon-
dantes à la périphérie, mais davantage vers le centre. On y trouve en outre
des vaisseaux et des nerfs.
Tissu du bulbe chez le foetus. Les noyaux du bulbe sont analogues aux
éléments embr y o-plastiques, mais ils sont grisâtres, plus foncés qu'eux, moins
clairs au centre parce qu'ils sont plus granuleux; leurs granulations sont
grisâtres, assez foncées, à centre peu brillant; ils n'ont pas de nucléole, tan-
disque les noyaux embryo-plastlques qui leur sont mélangés vers le point
de jonction du bulbe avec la paroi folliculaire en présentent un pour la plu-
part. Ils sont plus petits, d'une forme ovoïde moins allongée que celle de ces
derniers, car ils n'ont que 7 à 8 millièmes de millimètre de long, rarement
9 millièmes; enûn leur contour est plus foncé. Ils sont, dureste, insolubles
C. R. 11
l'32
dans l'acide acoUque et i)ar leur aspect pénùnU se laii piochent beaucoup de
ceux qu'on trouve dans la substance des bulbes des poils et des plumes.
Sans être contigus, ils sont rapprochés les uns des autres et l'intervalle qlii
les sépare, occupé par la matière amorphe égale de 1 à 4 fois leur diamètre,
selon les âges et selon les régions du bulbe ; c'est ainsi qu'ils sont un peu
plus écartes chez les sujets âgés que chez les autres et davantage aussi
vers le bord que vers le centre du bulbe ou de ses saillies. Ces noyaux sont
assez généralement dispOëés parallèlement les uns aux autres, et même leur
grand diamètre est assez communément aussi parallèle à l'aie vertical du
bulbe. Cette disposition est très-manifeste et très-élégante dans les longs et
minces prolongements qui de la base du bulbe s'enfoncent dans les divisions
de la couronne chez les ruminantSj les pachydermes, etc.
La matière amorphe interposée aux noyaux est tenace, élastique, assez
résistante sous les aiguilles qui cherchent à la dilacérer. Elle est remar-
quablement transparente vers la surface du bulbe et dans les prolongements
dont il vient d'être question ci-dessus. Elle est parsemée de fines granula-
tions moléculaires qui sont plus abondantes vers le centre qil'à la surface du
bulbe. Cette matière amorphe est plus claire, plus transparente chez les ani-
maux qu'on vient de tuer que chez ceux qui ont atteint ou dépassé la période
de rigidité cadavérique. Comme diverses espèces d'éléments anatomiques et
de substances amorphes solides ou demi-solides, celle-ci subit après la mort
une sorte de coagulation qui la rend finement granuleuse dans des points où
elle ne l'était pas auparavant.
Il entre dans la constitution du bulbe de véritables noyaux embryo-plas-
tiques, mais ils se trouvent surtout, comme nous l'avons dit, vers sa base et
à l'endroit de sa continuité avec la paroi folliculaire.
Postérieurement à l'apparition des vaisseaux dont il sera question plus
loin, on voit un certain nombre de ces noyaux devenir le centre autour du-
quel naissent les corps flbro-plastiques qu'on trouve avec les éléments pré-
cédents, au sein du tissu bulbaire à partir du cinqiiième mois environ de la
vie intra-utérine chez l'homme, et qui plus tard arrivent à l'état de fibres la-
raineuses proprement dites.
Ce sont les corps fibro-plastiqucs fusiformes et étoiles que Purkinge et
Raschkou appellent (1835) « granules anguleux réunis par des fils très-déliés
de tissu cellulaire. « C'est la même disposition dont parlent Koelliker, Lent
et Hannover sous le nom de cellules étoilées de la pulpe dentaire.
Ces corps fibro-plasliques, fusiformes ou étoiles, sont assez rares : où lés
rencontre particulièrement vers la base adiiérento du bulbe à l'endroit de
sa coutinuité avec la paroi folliculaire. La généraliou de ce corps fibro-plas-
tique s'effectue par suite d'une série do [ihénomènes d'évolution qui ont
pour centre le noyau embryo-plastique.
Sur deux points opposés da noyau, on voit naître un prolongement à ron-
leur L1SSC2 net, niais jiùie et deili^; sa forme est colle d'un cOne dont la base
correspond au noyau qu'elle entoure et dont l'extrémité effilée suit une direc-
tion rectiligne si la matière amorphe qui l'environne est abondante et les
noyaux rares; elle suit au contraire une direction sinueuse et irrégulière si
les noyaux sont pressés l'un contre l'autre. Le noyau compris de cette ma-
nière entre deux prolongements coniques devient lusiforme (corps fibro-
piastiques fusiformes). Seulement, il faut remarquer que ce n'est pas aux dé-
pens de sa substance que se forment les prolougemeats, car ce\ix-ci se
produisent autour du noyau comme centre de génération. Tour (juelques
éléments il en nait sur les différents points de la circonférence du noyau,
et celui-ci se trouve bientôt entouré de rayons plus ou moins nombreux
(corps fibro-plastiques étoiles) qui se ramiflent et s'anastomosent réciproque-
ment. Ils forment ainsi dans les points où ils existent et lorsque leur évolu-
tion en fibres est achevée, le réseau ou la trame de libres lamineuses de la
pulpe dans les mailles de laquelle sont mêlés les autres éléments de l'oiigune.
Lorsque les corps fibro-plastiques sont arrivés à l'état de fibres lamineuses
leur noyau s'atrophie et disparaît tandis que de nouveaux noyaux subissent
au sein de l'organe la même évolution.
Un fait très-digne de remarque dans l'étude de la texture du bulbe chez
des sujets d'espèces différenteo, mais à des âges corespondaûts, c'est, comme
nous l'avons déjà dit, la complète identité de composition auatomique de cet
organe dans la série des vertébrés et par suite l'analogie d'aspect de son tissu
sous le microscope, quelles que soient d'ailleurs les diversités de forme et
de volume. Partout on observe le môme mode de distribution des noyaux
dans la matière amorphe, le même mode de disposition et de configuration
des corps fibro-plastiques situés au voisinage de la base du bulbe vers le
point de continuité de substance avec la paroi folliculaire. Dans cet endroit,
on constate que le tissu est toujours plus transparent que dans le reste de
l'étendue de l'organe et l'on y rencontre plus facilement les corps fibro-plas-
tiques étoiles plongés dans une matière amorphe transparentes moins gra-
nuleuse que dans le reste du bulbe. Enfin on remarque que sur le bord libre
du bulbe le tissu de l'organe offre une transparence plus grande qu'ailleurs
parce que la matière amorphe y prédomine sur les noyaux. Les seules par-
ticularités qui d'un groupe de mammifères à l'autre méritent d'être notées,
c'est que tantôt le tissu offre une grande transparence et les noyaux ainsi
que la matière amorphe sont très-pâles (ruminants); d'autres fois, la matière
amorphe est plus granuleuse, les noyaux et corps fusiformes plus foncés
(pachydermes); ou bien les corps fibro-plastiques fusiformes ou étoiles sont,
vers la base adhérente du bulbe, plus nombreux que les noyaux (homme,
carnassiers). Mais les caractères généraux de texture sont si analogues qu'il
est toujours possible, dans une préparation réunissant toutes les parties com-
posaales d'un follicule, de rccoauaiire le bulLe ù sa coustitution spéciale.
Matièrk A.Moiii'HE KT SI HKACK DU BULBK CHEZ LE roKTUs— l>a iiuilifie amor-
plie trauspaiente inlerposée aux noyaux les dépasse sur toute la surface du
bulbe dans une épaisseur de 1 à 2 centièmes de millimètres jusqu'auprès de
son adhérence à la paroi. Elle s'avance ainsi, comme un vernis relativement
épais, au delà de toute la portion du bulbe essentiellement formée de noyaux
et de substance amorphe finement granuleuse. Elle est pâle, très-transpa-
rente, dépourvue de noyaux et de granulations moléculaires dans toute
cette portion qui dépasse ainsi le tissu fondamental du bulbe. C'est dans l'é-
paisseur de cette couche que naissent les cellules de la dentine, un peu avant
la vascularisation du bulbe pour les follicules de la première dentition, et uu
peu après cette vascularisation, au contraire, pour les dents permanentes
ou de la deuxième dentition ; eu sorte qu'elle n'est disposée, comme nous
venons de le dire, qu'autant que ces cellules ne sont pas encore apparues,
ou dans les parties seulement où elles ne sont pas encore nées.
La surface de cette portion de matière amorphe est plus dense que la por-
tion sous-jacente, et se ride facilement par les manœuvres de la préparation
en formant des plis très-fins et élégants qui s'étendent des bords ou du som-
met du bulbe vers le milieu de sa surface. C'est cette couche qui depuis
Raschkow a reçu le nom de membrana precformativa d'après l'idée adoptée
par beaucoup d'auteurs, mais reconnue fausse depuis que c'est d'elle que
procéderait l'ivoire (Raschkow, Meletemata circa mammalium dentium evo-
lulionem. \Vatislavi;e, 1835, iu-4», p. 5). Todd et Bowmann l'ont appelée
transparent homogeneous membrane forming the surface of the dentinal pulp
(Physiological anatomy. London, 1847 in-S», p. ISGj. Ils la considèrent à tort
comme un reste de la réflexion de l'épithélium du sac ou follicule modifié
dans sa structure. Marcuseu a admis à tort aussi que la membrana prafor-
mativa n'était rien autre que la partie du bulbe changé en os la première
(Sur le développement des dents des mammifères, Bulletin de l'Académie
iMPÏiRiALE DE SAINT PiiTERSBOunG, 1850, in-S», t. YllI, p. 314). Elle n'est point
non plus la couche la plus extérieure des cellules de la dentine, comme l'ad-
met Hannover [Ueber die Entwichelung xmd den Bau des Saegethier^ahns.
Veiiha>dlungen der Kaiserliciien, Leopold-Carolinischen Académie der
NATURFORSCHER. Brcslau, 1857, in-4°, t. XXV, p. 12).
Cette couche superficielle est en continuité de substance avec la matière
amorphe sous-jacente. La macération dans l'eau sépare ces deux parties, et
il est alors possible de la voir sous le microscope détaché du reste de l'or-
gane et flottant dans le liquide de la préparation en lambeaux membrani-
formes très-délicats.
Lorsqu'on dilacère le tissu du bulbe, cette couche superficielle se détache
de la portion sous-jacente plus molle en lambeaux d'une transparence ex-
trême, sans granulations, ni stries et trop minces pour qu'on puisse voir
deux lignes peruieliaiit d'en mesurer l'épaisseur. Elle cosse d'exister où
I(i5
s'arrête l;i couche amorplie transparente si??naléo ci-cle?Hiis, c'est-à-ilire vers
la jouction de la base du bulbe à la paroi. Lorsque les cellules de la dentine
sont nées et forment une rangée à la surface du bulbe dans la couche de ma-
tière amorphe dont elles prennent la place, on peut voir encore passant
au-dessus d'elles cette portion superficielle plus dense qui peut en être dé-
tachée en lambeaux membraniformes, et qui persiste longtemps après l'é-
poque de l'apparition de l'ivoire et de l'émail même, à la surface duquel on
peut la suivre et la retrouver.
Changements OUI SURVIENNENT AVEC l'âge DANS la texture durulbe.—
C'est quelques jours après l'apparition des cellules de la dentine au sommet
des bulbes de la première dentition que se développent les vaisseaux dans
l'épaisseur de ceux-ci, et quelque temps avant, au contraire, dans les bulbes
de la deuxième dentition. C'est un peu après cette vascularisation que se
montrent les nerfs dans le bulbe.
En même temps que s'effectuent les phénomènes qui précèdent, on con-
state au sein du bulbe la production d'un grand nombre de fibres lamineuses,
résultat de l'évolution ultérieure des corps flbro-plastiques fusiformes et
étoiles. Nous allons faire connaître les changements pour ne pas interrom-
pre la description de la texture générale du bulbe, et nous décrirons ensuite
la disposition des vaisseaux et des nerfs.
Par suite du passage à l'étit de libres lamineuses des corps fibro-plasti-
ques et de la production incessante de ceux-ci, la consistance du bulbe
augmente graduellement.
La multiplication des faisceaux de fibres lamineuses a pour effet, non-
seulement d'augmenter sa résistance, mais encore de diminuer la transpa-
rence ce qui le rend plus difficile à étudier. Dans l'intervalle de ces faisceaux
et dans leur épaisseur, on retrouve un certain nombre de noyaux embryo-
plastiques que l'addition d'une goutte d'acide acétique dans la préparation
rend plus évidents. La matière amorphe au sein de laquelle ces éléments se
trouvent inclus est grisâtre, finement granuleuse et d'une consistance bien
plus considérable éhez les sujets âgés que chez les jeunes, circonstance qui
concourt à donner au bulbe une résistance qui augmente avec l'âge.
Pendant que s'opèrent ces modifications du bulbe, il diminue graduelle-
ment de largeur et d'épaisseur, d'une manière à la fois absolue et relative,
mais il s'allonge considérablement à mesure que se développent les racines
au-dessous de la couronne dentaire. Cette portion radiculaire du bulbe est
grêle et le devient de plus en plus avec l'âge, mais cependant elle est diffi-
cile à rompre, plus tenace et plus résistante que la portion qui remplit la
cavité de la couronne ; car la texture de cet organe offre plusieurs particu-
larités en rapport avec sa forme. Il résulte de ces changements que sur les
dents uniradiculaires le bulbe est en forme de massue, à partie rétréoie
plus ou moins loncrue et d'an'ant plu? grêle nue le sujpf est plus âgé. Sur
les dents muUicnspidt'cs, la ijarlio cùi'onaire du buU)e se prûlonge à sa
base en autant de portions rétrécies qu'il y a de racines.
Ces prolongements grêles dpivent leur résistance à ce qu'ils sont entière-
ment fprmés de libres lamineuses, disposées en faisceaux ou nappes paral-
lèles, entourant les vaisseaux et les tubes pervcux qui s'y voient encore
disposés en faisceaux serrés. L'acide acétique fait découvrir quelques
noyaux embryo-plastiques dans pes faisceaqx ou nappes de fibres lami-
neuses. Celles-ci sont accompagnées d'un peu de substance amorphe, trans-
parente, finement granuleuse qui |cs empâtent en quelque sorte. Mais dans
cette matière amorphe à ce niveau, il n'y a pas de noyaux ovoïdes propres
au tissu bulbaire. Les fibres lamineuses sont fines, disposées parallèlement
les unes autres, rectilignes, un peu onduleuses ; aussi le tissu du bulbe
se déchire facilement dans le sens de sa longueur et plus dilpcilement en
travers.
En suivant ces fibres dans la partie rpnflée ou coronnaire du bulbe, on
es voit s'écarter davantage les uns des autres, sous forme de faisceaux
tâches ou de nappes, qui s'entrecroisent parfois. En mêine temps on trouve
une plus grande quantité (le matière amorphe que dans la partie radiculaire
du bulbe, fait qui coïncide avec la plus gran4e mollesse de celte portion
coronnaire.
Cette matière amorphe est un peu plus ferme que chez le fœtus ; elle est
un peu plus granuleuse et moins transparente, comme nous l'avons dit. Elle
dépasse de quelques centièmes de millimètre la portion peutrale occupée
par les fibres et forme la partie superficielle du bulbe; mais les ansps des
vaisseaux papillaires s'avancent jusqu'à sa surface même une fois que l'évo-
lution de chaque dent est achevée. A cette époque aussi celte substance se
trouve directement en contact avec la face interne de l'ivoire, tandis que tant
que la racine n'a pas atteint toute sa longueur, on trouve, vers le bord mince
de la dent qui croît, entre la substance du bulbe et celle de l'ivoire, une
rangée de cellules de la dentine. Du reste, sur les dents complètement déve-
loppées de l'enfant comme de l'adulte, la portion superficielle de cette ma-
tière amorphe est devenue plus dense que la portion sous-jacente; elle se
détache eu lambeaux membranifornics minces, transparents, analogues à
ceux qu'on sépare de la surface du bulbe avant l'apparition des cellules
dcntinaires pt qu'oP 3 appelés membrana •prcrformativa. Seulement sur les
bulbes des dents développées ces lambeaux se détachent moins facilement et
sur une moindre étendue parce que la matière sous-jacentc est plus ferme;
en outre, leur substance est llncment granuleuse, enfin par places, elle en-
traîne des noyaux propres de la substance du bulbe, ce qui n'a pas lieu pour
la précédente.
La matière amorphe dont nous venons de parler est, en effet, parsemée
de ces noyaux comme pendant l'état fœtal du bulbe, et il y en a jusqu'à
107
•2 OU 3 millièines de iriilliinùlre de laisurfaco nK^^me de la portion coronaire
du bulbe, c'est-à-dire presque jusqu'au contact de l'ivoire. Ces noyaux sorit
plus rares, plus écartés les uns des autres que pendant l'état fœtal ; ils sont
plus nombreux prés de la surface du bulbe que vers la profondeur, où on les
voit devenir de plus en plus rares, tandis que ce sont les fibres qui sont
plus abondâtes. Ces noyaux sont, du reste, semblables à ceux du fœtus, si ce
n'est qu'ils sont un peu plus allongés, bien qu'à un faible degré. On remarque
enfin que le tissu de la portion coronaire dn bulbe est plus mou à la surface
où ils abondent que vers la profondeur où les fibres prédominent.
III. — Anatomie comparée.
1' NOTE SUR LA CONFCBMATION EXTÉRIEURE DE L'ESTOMAC DU KANGnROO
(de Benett) ; par C. Sappey.
L'estomac du kanguroo est remarquable par sa capacité, par son enroule-
ment circulaire, et surtout par sa conformation extérieure qui le distingue
essentiellement de celui de tous les autres mammii'èrGS.
Le volume considérable de ce viscère sulTirait à lui seul pour accuser la
nature des aliments la plus habituellement soumise à son action : le kan-
guroo est herbivore; et nous ne saurions nous étonner par conséquent des
grandes dimensions que présente son estomac; aussi je ne les aurais pas
mentionnées si cet organe par sa capacité ne méritait d'être remarqué même
parmi ceux des animaux qui se nourrissent exclusivement de végétaux.
Sous ce point de vue la kanguroo se rapproche des rongeurs qui ont tous
l'estomac plus ou moins volumineux et parmi lesquels G. Cuvier l'avait en
effet classé.
L'enroulement que présente le grand axe de l'estomac cbez cet animal est
presque circulaire dans l'état de vacuité ; lorsqu'il est distendu par les ali-
ments, ou artificiellement à l'aide de rinsufilation.la courbe qu'il décrit
devient spiroïde, ses deux extrémités se croisant pour se porter l'une en
avant l'autre en arrière. La concavité que nous offre le bord supérieur de ce
viscère cbez l'bommeet tous les mammifères se trouve donc ici si pronon-
cée qu'à l'arc ou à la simple courbure la nature a substitué une véritable
spirale.
Mais c'est surtout par sa conformation extérieure que l'estomac du kan-
guroo diffère de celui de tous les autres vertébrés. Cette conformation est
tout à fait semblable et même identique à celle que nous off're le gros intes-
tin cbez l'homme et la plupart des mammifères herbivores. Comme celui-ci,
il est parcouru par trois bandes musculaires parallèles à son grand axe^ éga-
lement espacées et ofl'rant une largeur de 12 à 15 millimètres. Chacune de
ces bandes est lisse aussi. Dans leurs intervalles on remarque une triple
série de bosselures très-prononcées, et dans chaque série également les bos-
1G8
«dures sont S('paroes les unes des autres par autant de dépressions angu-
leuses qui font saillie dans la cavité de l'estomac. Ainsi par sa forme très-
allongée, dans l'enroulement plus que circulaire de son grand axe, par ses
trois bandes longltudinalement dirigées, par ses trois séries de bosselures
et d'étranglements, cet organe reproduit très-lidèlement le mode de confor-
mation du gros intestin des mammifères herbivores, et comme la tunique
musculaire est semblablement disposée dans ces deux viscères, comme la
tunique muqueuse elle-même offre la plus remarquable analogie dans l'un et
l'autre, on peut dire sans aucune exagération qu'il serait difficile et impos-
sible peut-être de trouver dans la série animale deux organes qui présentent
autant de similitude au point de vue anatomiquo et autant de différence au
point de vue physiologique.
2° NOTE SUR LA LANGUE DU FLAMANT; par M. DARESTE.
•
Le flamant ordinaire [Phœnicopterus riiher), diffère de tous les oiseaux
connus par la conformation de la langue. Cet organe qui, chez la plupart des
oiseaux est à peu près entièrement cartilagineux, a chez le flamant un vo-
lume très-considérable, et une apparence charnue. En disséquant avec soin
la langue d'un de ces oiseaux, j'ai reconnu que cette apparence est due à
l'existence, au-dessous delà muqueuse buccale, d'un tissu adipeux extrême-
ment abondant, et dont les cellules sont remplies par une graisse liquide de
couleur rouge ; semblable d'ailleurs à celle que l'on retrouve dans le tissu
adipeux des autres régions du corps. Le cartilage lingual qui occupe la partie
inférieure de la langue ne diffère pas d'ailleurs sensiblement, quant à la dis-
position, et aux muscles qui le font mouvoir, de la même partie chez les au-
tres oiseaux. C'est évidemment à celle accumulation de la graisse que les
langues des flamants devaient chez les Romains leur réputation commealiraeut
de luxe.
Cette langue m'a d'ailleurs présenté une particularité assez intéressante.
Aristote, dont les connaissances exactes on anatomic comparée excitent de
plus en plus notre admiration, avait signalé comme un caradlère général de
la classe des oiseaux, l'absence de l'épiglotte. C6 fait a été vérilié par tous les
anatomistes modernes. Or il est très-curieux que la langue du flamant pos-
sède une épiglotte, assez petite il est vrai, mais cependant tout à fait compa-
rable, par la forme et la disposition, à l'épiglotte des mammifères. Je nie
suis assuré, que malgré sa petitesse, cette épiglotte peut cependant, comme
chez les mammifères, fermer l'orilice supérieur de la trachée i)cndant la dé-
glutition.
Je regrette que mes occupations ne m'aient point permis de décrire en dé-
tail ces diverses parties : mais j'ai conservi; la pièce, et j'espère (juelque jour
[luuvoii repiuudrc complètement ce travail.
Ifi9
IV, — Anatomie pathologique.
MALADIE DU CœUR ; RÉTRÉCISSEMENT ET INSUFFISANCE DE L'ORIFICE MITRAL ;
OEDÈME PULMONAIRE, APOPLEXIE, INFLAMMATION DU POUMON; OBSTRUCTION
DE l'artère PULMONAIRE ; par M. DUMONTPALLIER.
Obs! — Deffigier (Marie), 31 ans. Maladie du cœur datant de plusieurs an-
nées : œdème général ayant commencé par les extrémités inférieures, u.>
cite. Dyspnée, matité étendue et douloureuse de la région cardiaque, palpita-
tions violentes, choc de la pointe dans le cinquième espace intercostal.
Bruit de souffle au premier temps ayant son maximum d'intensité à la pointe,
ne se prolongeant point dans les vaisseaux du cou. Point d'éloignement des
bruits du cœur.
Double épanchement thoracique ; résorption, puis râles sous-crépitants
dans la portion déclive des deux poumons. Plus tard, crachats apoplecti-
ques, bientôt visqueux, adhérant au vase, râles crépitants dans le lobe in-
férieur du poumon gauche, souffle et matité dans la même région.
Douleur dans la poitrine, an.Kiété extrême, dyspnée progressive, teinte,
bleuâtre de la face. Mort par obstacle à la circulation cardiaco-pulmonaire.
Autopsie. — Cavité thoracique : cœur très-hypertrophié, augmentation de
volume portant surtout sur les deux oreillettes. L'oreillette droite est dis-
tendue par du sang. L'oreillette gauche est dure, résistante à la pression.
Sillon auriculo-ventriculaire très-accusé, dilatation considérable de la veine
coronaire antérieure. Cœur enlevé avec précaution : l'oreillette droite se
vide par les veines caves dont il sort du sang liquide noirâtre et à demi
coagulé. L'oreillette a au moins doublé de capacité. L'orifice tricuspide est
peut-être un peu dilaté, mais la valvule est sufTisante. L'oriflce et les val-
vules de l'artère pulmonaire sont dans des conditions normales.
L'oreillette gauche est distendue par un caillot fibrineux,de date ancienne,
adhérent aux parois, à couches concentriques, ramolli en plusieurs points.
Au niveau de l'orifice mitral on remarque un caillot cruorique. Cet orifice a
la forme d'un entonnoir dont l'extrémité inférieure est tellement rétrécie,
résistante, qu'elle ne peut admettre l'extrémité du petit doigt. La valvule
mitrale est épaissie, dure, semi-cartilagineuse, fixe et n'a conservé aucune
mobilité de ses valves, les tendons qui bordent la valvule sont eux-mêmes
épaissis. Les parois de l'oreillette et des ventricules ne sont point hypertro-
phiés. Substance musculaire de coloration et de consistance normales.
Ce qu'il y a de plus remarquable dans l'état du cœur, c'est, d'une part, le
rétrécissement et l'insuffisance de l'oriiice mitral, et d'autre part la présence
du caillot fibrineux de l'oreillette gauche qui faisait ressembler cette cavité
à un sac anévrisraal.
170
L'observation clinique avait établi qu'il existait un bruit de souffle très-
fort, ressemblant aux vibrations d'une corde de viole, au premier temps, et
couvrant en partie le petit silence. Ce bruit de souffle ne pouvait être attri-
bué au rétrécissement mitral, parce que l'oreillette gauche, remplie d'uu
énorme caillot fibrineux, ne ppuvait plus chasser le sang à travers l'orifice
rétréci avec une force suffisante poiu- produire un bruit de souffle.
Si nous remarquons d'autre part que les orifices tricuspides, pulmonaire
et aortique étaient normaux, on ne pouvait les accuser de produire un bruit
de souffle; donc nous sommes conduits à recoi]naître que, dans ce cas, le
bruit de souffle au premier temps était dû à l'insufflsance mitrale. Cette ob-
servation clinique et anatomopathologique vient à l'appui de la théorie de
Rouanet, si remarquablement soutenue dans ces derniers temps par les belles
expériences de M. Chauveau.
Poumons.— L'examen clinique avait permis de reconnaître qu'il existait de
l'apoplexie pulmonaire, de l'œdème et de l'inflammation du poumon. Voici
ce que démontra la npcropsie.
A. Poumon droit. — Plusieurs lobules du lobe inférieur sont le siège
d'une apoplexie. Autour du noyau apoplectique le tissu pulmonaire est saiu,
si ce n'est dans la portion la plus déclive et en arrière où il y avait de l'œ-
dème, ï^çf branche et les rameaux de l'artère pulmonaire qui se rendaient à
ce noyau apoplectique étaient complètement oblitérés par des caillots fibri-
neux, de date ancienne et adhérant aux parois.
B. Poumon gauche. — Coloration brune, foncée du lobe inférieur et plus
particulièrement dans la portion costo-vertébrale où l'on observe aussi une
dureté inégale du tissu pulmonaire. A la coupe on aperçoit des noyaux mul-
tiples d'apoplexie, de volume variable, réunis enire eux par des portions
de tissu enflammé, ramolli, gangrené. Au milieu des noyaux hèmorrhagiques
se dessinent des traînées de fibrine, disposées sans ordre apparent, et rappe-
lant assez bien l'aspect d'une truffe coupée en son milieu. Sur les limites
des parties malades, le poumon était sain et ne présentait que peu d'œdème.
Dans le lobe supérieur, on observait un noyau apoplectique, de forme losan-
gique, dont la base correspondait à la surface du poumon ; ce noyau était
isolé au milieu d'un tissu normal. A toutes les parties an'octées d'hémorrha-
gic correspondaient des branches et des rameaux de l'artère pulmonaire,
remplis de caillots flbi'ineux. La coloration des caillots était plus rouge,
et Icijr consistance moins grande dans les parties les plus voisines des
foyers hèmorrhagiques.
Le tronc de l'artère pulmonaire renfermait un caillot fibrineux, lamellaire,
adhérent à la partie postérieure du vaisseau. Ce caillot se bilurquait pour
se prolonger à gauche dans plusieurs branches et rameaux qui se rendaient
aux foyers hèmorrhagiques. Les divisions de l'artère étaient complétemopt
oblitérées, les parois artérielles épaissies, et leur dissection devenait trfljs-
171
facile au milieu du tissu pulmonaire. Les veines pulmonaires ne pv^^sen-
taient aucune altération.
Dans presque toute son étendue, là mémo oii il n'y avait point de caiUql?,
l'artère pulmonaire présentait une teinte jaune de sa tunique interne, an-
dessous de laquelle on distinguait de nombreux dépôts atliéromateux dq
forme et de grandeur variables.
Les caillots du poumon, observés au microscope, étaient composés de
fibrine granuleuse, présentant quelques stries éparses, des globules rouges
encore rcconnaissables, point de globules blancs ni de globules graisseux.
Les fragments du caillot trouvé dans l'oreillette gauche présentaient les
traqsfornjations de la librine ramollie : aspect granulei]x, globules graj.--
seux en grand nombre et quelques globules blancs.
Comment se rendre compte des diverses lésions pulmonaires? Il n'est point
rare de rencontrer l'œdème, l'inflammation et l'apoplexie pulmonaires dans
les maladies organiques du cœur; mais quel est l'enchaînemeut de ces lé-
sions multiples simultanées, et dans leur étiologie quelle part faut-il accorder
à la présence des caillots de l'artère pulmonaire?
L'obstruction pulmonaire est-elle, dans ce cas particulier, le résultat d'mie
embolie, c'est-à-dire d'un caillot veineux périphérique qui serait venu s'ar-
rêter dans l'artère pulmonaire, et qui aurait secondairement amené la forma-
tiop des caillots multiples, puis déterminé l'œdème, l'inflammation et l'apo-
plexie du poumon? Telle serait la physiologie pathologique qui serait ac-
ceptée par les partisans de la théorie de Virchow sur Terabolie du poumon.
Pour être en droit de nier d'une manière absolue que les phénomènes patho-
logiques aient pu suivre cet enchaînement pathologique, il nous eiit fa|lu
examiner la plus grande partie du système veineux cave supérieur et infé-
rieur. Nous ne l'avons point fait, c'est là une lacune; mais remarquons que
l'autopsie n'a dévoilé aucune lésion du cœur droit, et que nous n'avons
trouvé dans les cavités droites de cet organe aucun caillot de formation an-
cienne. Ajoutons que l'observation clinique ne nous avait révélé aucun des
symptômes qui permettent de penser qu'il pouvait exister une obstruclion
veineuse périphérique; ajoutons encore que la gêne respiratoire avait été
progressive, trouvant sa raison dans la maladie du cœur, les complications
pulmonaires, et que la dyspnée n'avait point présenté dans son apparition la
soudaineté ordinairement observée dans les cas d'embolie pulmonaire.
Enfin, si nous rapprochons cette observation de celles qui ont été dernière-
rement publiées par M. Lancereaux (Soc. de biologie, 1860), avec lesquelles
elles présentent de grandes analogies, et où, après recherches convenables,
il a été impossible de constater d'obstruction périphérique, nous regrette-
rons moins la lacune que nous notons dans notre observation, et nous serons
conduits à penser que l'obstruction pulmonaire, dans ce cas particulier,
n'est peut-être point la conséquence d'une embolie.
172
Recherchons donc, dans le poumon lui-même et dmis les li'sloiis cardia-
ques, l'étiologie de l'obstruction pulmonaire. Et pour interpréter les phéno-
mènes anatomiques, aidons-nous de l'observation clinique. La malade était
affectée d'une altération considérable de l'orifice mitral, puis dans l'oreil-
lette du côté gauche l'autopsie a permis de constater un caillot fibrineux de
date ancienne, adhérent aux parois, et assez volumineux pour mettre un
obstacle très-grand à la circulation. La conséquence de cet obstacle à la
circulation du retour du poumon vers le cœur détermina de l'œdème des
poumons; il y avait, qu'on me permette cette comparaison, un phlegmatia
de l'oreillette gauche qui devait avoir toutes les conséquences des coagu-
lations veineuses. L'œdème durait depuis longtemps; il était persistant; n'a-
t-il pas pu devenir une cause prédisposante de l'hémorrhagie pulmonaire,
surtout si l'on accepte que la circulation veineuse était gênée, tandis que le
sang continuait à être chassé avec violence du cœur droit vers le poumon?
L'hémorrhagie une fois produite, la circulation est devenue complètement
impossible dans les capillaires, ramuscuies et rameaux de l'artère compris,
enclavés dans les noyaux hémorrhagiques ; alors stase sanguine dans les
vaisseaux, et consécutivement dépôt des capillaires vers les troncs princi-
paux de l'artère pulmonaire, de caillots cruoriqiies, puis fibrineux.
Ce mode d'interpréter les lésions anatomiques me parait en rapport avec
les faits cliniques dont l'ordre d'évolution a été le suivant : maladie orga-
nique du cœur de date ancienne, œdème, apoplexie pulmonaire, surtout
dans les parties déclives, et consécutivement à l'apoplexie, inllammatiou et
ramollissement du parenchyme pulmonaire.
Nous réservons à la cachexie cardiaque la part qui appartient à toute ca-
chexie dans les coagulations veineuses en général, faisant jouer à l'obstacle
de la circulation cardiaco-pulmonaire le rôle de cause locale, déterminante
de l'obstruction dans l'artère pulmonaire.
Si l'on objecte à cette interprétation que les caillots des gros troncs
étaient fibrineux, incomplets et paraissaient de date plus ancienne que les
caillots cruoriques qui se trouvaient dans les rameaux de l'artère pulmo-
naire, nous répondrons que ces caillots étaient incomplets, parce que les
troncs vasculaires où ils se trouvaient, desservaient d'autres branches q'ii
se rendaient à des portions saines du poumon, et que le sang ne dépose que
sa fibrine là où la circulation est encore possible. Quant aux caillots de troi-
sième et quatrième ordre, ils étaient fibrineux et cruoriques, parce que
l'obstacle à la circulation était complet dans les portions du poumon où ou
les rencontrait.
Notre interprétation n'est du reste qu'une hypothèse que d'autres faits
viendront infirmer ou confirmer.
173
V. — SÉMEIOTIQUE.
DE l'emploi on SPHYGMOGRAPIIE DANS LE DIAGNOSTIC DES AFFECTIONS VALVO-
LAiRES DU cœuR ET DES ANÉVRisMES DES ARTÈRES. Extrait d'une note de
M. Marey,
En commençant des recherches cliniques au moyen de notre instrument,
nous l'avons applique tout d'abord au diagnostic des maladies du cœur et des
vaisseaux, pensant que ces affections devaient au premier chef influer sur
la forme du pouls. Les résultats que nous avons déjà obtenus nous semblent
assez importants pour mériter d'être présentés à l'Académie.
!• DE LA FORME DU POULS DANS LES ANÉVKISMES.
Dans un mémoire présenté en 1858 et inséré aux Comptes rendus de l'a-
cadémie DES sciences, nous avons été amené à expliquer par l'élasticité de
la poche anévrismale l'affaiblissement du pouls qui s'observe sur le vaisseau.
Nous avions reproduit artiOciellement le phénomène dont le résultat nous
avait fait prédire quelle serait la forme du pouls pris sur une artère au-
dessous d'une poche anévrismale.
Le tracé représenté (fig. 1) conflrme nos prévisions (1).
Fig. ».
Côte sain.
Côté de l'anévrisme.
Le malade qui l'a fourni avait un anévrisme de l'artère humérale du côte
gauche. Deux tracés ont été pris, un sur chacune des artères radiales. Le
tracé supérieur a été obtenu du côté sain, l'inférieur a été pris du côté de
l'anévrisme.
Cette forme de la pulsation étant pathognomon ique, pourra, dans les cas
où l'application de l'instrument sera possible, trancher la question parfois
litigieuse de savoir si une douleur est auévrismale ou simplement soulevée
par les battements d'une artère.
(1) Chacune des flgures représente la pulsation artérielle pendant un espace
de six secondes.
[1\
2° DU rOLLS UA^a LÏ^S AlliiCnoNS VALVULAIKib 1>II CŒUR.
Ces affections sont rarement simples, c'est-à-dire bornées au rélrccisse-
ment ou à l'inocclusioû d'un seul orifice du cœur. Nous choisirons cepen-
dant les types qui correspondent à ces états simples et qui, dans le cas de
lésion complexe, se combinent entre eux d'une manière facile.
Affections de l'orifice aortique.
IlETRÉCISSEMENT.
Fipr. 2.
iHi'.ls telle liguie, la dur>'0 de l'expansion du vaisseau est considérable,
comme l'indique l'obliquité de la ligne d'ascension du levier. Cet effet tient
à la difficulté que le sang éprouve à passer dans l'aorte. Le dicrotisme du
pouls, dont il existe des vestiges même dans les pulsations normales, man-
que en général dans cette affection : cela se comprend d'après ce que nous
avons dit antérieurement delà nature de ce phénomène.
INSUFFISANCE.
Fis. 3.
La seusaiiou de choc violent qu'éprouve le doigt lorsqu'on explore le
pouls, et qui a été donnée par Corrigan comme caractéristique de l'insuffi-
sance des valvules de l'aorte^ se traduit par l'amplitude très-grande et la
verticalité presque parfaite de l'ascension du levier. Cette ligne d'ascension
se termine en général par un angle ou par une pointe aiguë, dont rexistencc
permet de diagnostiquer presque à coup sur l'insuffisance aoilique.
S'il existe à la fois rétrécissement et insuffisance aorliqucs, les deux for-
mes précédentes se combinent, et l'on trouve, après le début brusque et le
petit crochet de l'insuffisance, la systole longue et l'absence de dicrotisme
du rétrécissement {fig. 4).
Fi.'. 4.
175
Affections de l'orifice milral.
Tandis que les lésions des valvules aorliques s'accompagnent ordinai-
rement de régularité du pouls, les affections de la valvule mitrale ont pour
caractère dominant l'irrégularité des battements du coeur et leur intensité
inégale-
Fier. 5.
Le pouls est petit, assez dicrote, la pulsation est comme avortée, et cela
est facile à comprendre dans toute la lésion de l'onfice mitral. En effet, si
la valvule est insuffisante, elle laisse refluer dans l'oreillette une grande par-
tie de l'ondée ventriculaire. Il n'en arrive donc dans l'aorte qu'une fraction
plus ou moins faible. Si l'oriflce mitral est rétréci, le ventricule n'a pais le
temps de s'emplir entre deux systoles, il ne peut donc envoyer dans l'aorte
que des ondées très-petites.
La simplicité étant l'exception dans les affections mitrales, les deux
causes ci-dessus indiquées doivent en général se combiner pour altérer la
forme de la pulsation. Nous ne saurions encore indiquer les caractères qui
correspondent à la prédominance de l'une d'elles.
Nous ne discuterons pas la valeur comparative de la méthode que nous
proposons et de l'auscultation dans le diagnostic des maladies du cœur, car
nous pensons que toutes deux gagnent à être employées simultanément et
contrôlées Tune par l'autre. Cependant, pour n'être pas accusé de compli-
quer inutilement l'examen des malades et employer un instrument quaûd
l'oreille et le doigt suffiraient, nous appellerons, en terminant, l'attention
sur les considérations suivantes :
1" Personne n'aie tact assez lin pour sentir avec le doigt les détails minu-
tieux que révèle le sphygmographe dans une seule pulsation, détails dont
chacun a certainement sa valeur et pourra servir un jour à préciser le
diagnostic.
2° Les indications du sphygmographe semblent avoir plus de constance
que les signes d'auscultation, et chez les vieillards, par exemple, la forme
du pouls est à certains moments le seul indice qui révèle une lésion des ori-
fices du cœur.
3° Dans un grand nombre de cas, les bruits pulmonaires, les épnnche-
ments de la plèvre ou du péricarde rendent l'auscultation du cœur difficile
et quelquefois impossible; ils ne changent rien à la forme graphique du
pouls.
4» Toutes les fois que les battements du cœur sont fréquents et tumul-
176
lueux, on a peine à distinguer, à l'auscultation, le premier et le second
bruit, on est souvent forcé d'ajourner le diagnostic. Le spliygmographe sai-
sit pour ainsi dire au passage les pulsations qui ont quelque chose de carac-
téristique, et l'on peut discuter la signification du tracé.
5* Enfin un tracé du pouls se conserve indéfiniment, et fixe un souvenir
que la mémoire ne saurait garder; mis sous les yeux d'un élève, il constitue
la meilleure définition des caractères du pouls et les fait comprendre avec
une lucidité que le langage ne saurait atteindre.
VI. — Pathologie comparée.
1° NOTE SUR L'ÉPIZOOTIE QUI A FRAPPÉ LE TROUPEAU d' ALPAGAS DU JARDIN
ZOOLOGIQUE d'acclimatation ET SUR QUELQUES FAITS RELATIFS A L'ANA-
TOMiE DE CES ANIMAUX ; par M. G. Sappey.
Le troupeau d'alpacas qui habite depuis deux mois le jardin zoologique
d'acclimatation est originaire du Pérou. M. Roehn, qui s'est chargé d'en
faire l'acquisition et de l'amener en France, n'est arrivé à ce résultat qu'a-
près s'être exposé à des tribulations de toutes espèces et môme à d'assez
grands dangers. D'une part, en effet, les Péruviens désirent conserver le
commerce exclusif des laines provenant de l'alpaca et se refusent à l'expor-
tation de cet animal; en sorte que les acquisitions de ce genre, et surtout
celles d'un troupeau tout entier, rencontrent chez eux de tiès-grandes difli-
cultés. D'une autre part, au moment de l'arrivée de M. Roehn, c'est-à-dire au
mois de juin 1860, le Pérou se trouvant en guerre avec la Bolivie, tout étran-
ger était considéré comme suspect. Loin de rencontrer aide et protection, il
eut donc à lulter contre dos obstacles sans cesse renaissants; et pour les
éviter, il dut souvent abandonner les routes connues et conduire pénible-
ment son troupeau à travers des voies non fréquentées sur lesquelles on ne
trouvait ni un brin d'herbe ni une source d'eau vive. C'est ainsi qu'il voya-
gea à marches forcées pendant quatre jours dans des plaines sablonneuses
durant lesquels le troupeau déjà fatigué ne put ni se désaltérer, ni prendre
aucune nourriture. Précédemment déjà celui-ci avait eu beaucoup à souffrir
en passant sur la crête neigeuse des Cordillières. Les animaux qui le com-
posaient arrivaient donc sur les bords de l'océan Pacifique, où ils devaient
être embarqués, dans des conditions de santé très- mauvaises.
A peine arrivés au bord de la mer, ils furent immédiatement transportés
dans le navire destiné à les recevoir, sans iiue M. Roehn put leur laisser
prendre aucun repos, dont ils avaient grand besoin, et sans qu'il lui fiit même
possible de faire admettre dans ce navire huit quintaux d'orge achetés pour
les nourrir pendant la traversée.
Après trente et un jour de navigation aui le grand Océan, le troupeau al-
177
teignit listhme de Panama où il quitta momentanément la mer pour prendre le
chemin de fer qui devait le conduire dans l'océan Atlantique, et de là aux
rives occidentales de France. Mais dans ce trajet les animaux avaient souf-
fert, surtout de la soif. La nécessité de se procurer de l'eau avait forcé le
commandant du bâtiment de s'arrêter cinq jours au Choco, où les ardeurs
d'un soleil de plomb alternaient avec des pluies torrentielles. Ces conditions
étaient si défavorables pour les animaux que conduisait M. Roehn, qu'il en
perdit neuf dans un seul jour.
Embarqués sur l'océan Atlantique, ils eurent encore beaucoup à souffrir
pendant la traversée, et un grand nombre succomba à l'épuisement déter-
miné par ces fatigues et par ces souffrances successives. Aussi lorsque le
6 septembre 1860 ils entrèrent dans le port de Bordeaux, leur nombre qui
s'élevait d'abord à 108 se trouvait-il réduit à 45. Les deux tiers environ
avaient péri pendant la durée du long trajet qu'ils venaient de parcoiirir ,
c'est-à-dire pendant un laps de trois mois.
De Bordeaux les survivants sont conduits par le chemin de fer à l'aria, et,
le 10 septembre, ils sont installés au jardin zoologique d'acclimatation dans
leur demeure définitive. Mais pendant «ette dernière partie de leur voyage
l'un d'eux avait aussi succombé, en sorte que 34 seulement arrivèrent à leur
destination.
A leur entrée dans le port de Bordeaux , 6 d'entre eux étaient aifectés
d'une maladie de la peau sur laquelle M. Leblanc, à leur arrivée au jardin
zoologique, fut appelé à émettre son avis. Ce vétérinaire constate l'existence
de la gale et prescrit des frictions avec la pommade d'Helmerick. Mais ces
frictions portaient sur leur toison et non sur la peau proprement dite; aussi
restèrent-elles sans résultat durant six semaines. Dans ce laps de temps
non-seulement la gale ne guérit pas chez les animaux qui en étaient atteints^
mais elle se propagea de ceux-ci à d'autres et se manifesta ainsi successive-
ment sur la plupart d'entre eux.
Le traitement auquel ils étaient soumis restant infructueux, on pnt le
parti de les tondre, dans la pensée que la pommade immédiatement appli-
quée sur la peau ne tarderait pas à détruire les acarus qui l'infectaient. On
était alors à la fin d'octobre; la température -était douce et même ciiaude.
Mais dans les jours qui suivent elle change brusquement; un froid très-vif
lui succède ; et ces pauvres animaux privés de leur toison et malades, res-
tent exposés aux rigueurs de notre climat, bien différent du leur, puisque le
Pérou s'étend du 10" au ?0' degré de latitude sud, tandis que Paris se trouve
sous le 48« nord. M. le directeur du jardin zoologique redoubla de précau-
tions vainement pour les soustraire à l'impression fâcheuse du froid; ils ne
tardèrent pas à en subir les effets. Dès les premiers jours plusieurs succom-
bèrent, et la mort continua à ravager si rapidement ce troupeau, que vers
le 15 noYembre, sur les 34 alpacas qui étaient arrivés au jardin zoolo-
c. R. 12
178
gique '20 avaient cessé d'exister. Leur numlre est doue igduU aujour-
d'hui à 8.
M. le docteur Rufz, profondément peiné de celte mortalité, a cherché à
en connaître la cause; il a ouvert dans ce but plusieurs des animaux qui
venaient de périr sous ses yeux. Notre collègue M. Darestc en ai^ussi exa-
miné quelques-uns. J'ai été invité également à rechercher les lésions aux-
quelles ils avaient succombé ; et pour favoriser ces recherches, M. le direc-
teur du jardin d'acclimatation m'en adressa six dans une seule journée.
Une autopsie consciencieusement faite, exigeant un temps assez long, je
priai M. Dareste de vouloir bien s'adjoindre à moi pour procéder à cette
étude, ce qu'il a fait avec le zèle le plus empressé. Le lendemain, notre
collègue se trouvant empêché par une cause imprévue, M.Moreau, sur l'ap-
pel que je lui ai fait, a bien voulu venir le suppléer. C'est donc au nom de
ces deux collègues et au mien que je ym communiquer à la Société les ré-
sultats qui suivent :
Sur le premier alpaca soumis à notre examen, nous avons remarqué de
très-nombreux cysticerques logés dans l'épaisseur des muscles. Ces para-
sites se présentaient le plus souvent à l'état solitaire; sur quelques points
cependant ils étaient si rapprochés qu'ils formaient de véritables groupes de
quatre, cinq ou six individus. On les rencontrait non-seulement sur les mus-
cles du tronc, mais dans tous ceux des membres, du cou et de la tète. Dési-
rant nous assurer s'il n'en existerait pas aussi dans le centre nerveux, où
leur présence, on le sait, est beaucoup plus funeste, nous avons enlevé par
un trait la voûte du crâne, ainsi que la partie correspondante de l'encéphale;
mais le cerveau, le cervelet, la protubérance aunulaire et le bulbe rachi-
dien n'en offraient aucune trace; ils avaient pour siège exclusif le système
musculaire, à l'action duquel ils ne portent en général aucune atteinte, et ne
pouvaient être considérés par conséquent comme la cause ou l'une des cau-
ses de la mort de l'animal sur lequel ils avaient pris naissance.
Les deux poumons sont fortement congestionnés. Sur le gauche nous re-
marquons l'hépatisatiou d'un petit nombre de lobules annonrant l'existence
d'une pneumonie circonscrite. Mais le phénomène capital qui se présente à
notre observation est la présence d'une écume fine et blanche dans la partie
inférieure de la trachée et la plus grande partie de l'étendue des bronches..
Sur plusieurs points du sang se mêle à cette écume; sur d'autres on voit
des lllets sanguins et môme de véritables caillots dont le volume varie de la
grosseur d'une lentille à celle d'une amande. A la vue de cette écume séro-
sanguinolente, remplissant la plus grande partie des bronches et de leurs
divisions, il était de la dernière évidence que l'air, depuis le moment de sa
formation, ne pouvait parvenir que très-incomplélement jusqu'aux cellules
pulmonaires, et que, après y être parvenu, il ne devait en être expulsé que
très-diiïicilement. 11 était démontré eu U'aulrcii teimcâ que l'iiémalose avait
170
cessé peu à peu de s'acconiplii- dans les divers temps delà vie, et que l'ani-
mal avait succombe à l'asphyxie.
Le cœur droit, toutes les veines aflluentes, à une assez grande distance
étaient remplies de sang et dilatées. jJe foie était fortement congestionné.
Du côté de l'abdomen, il existe une rougeur assez prononcée sur toute la
partie supérieure de l'intestin grêle. Les autres viscères abdominaux sont
sains. Rien du côté de la tète et du cou.
Conclusion : Mort par asphyxie.
Chez le second alpaca, aucune trace de cysticerques. Poumons très-con-
gcstionnés, écume bronchique considérable. Réplétion et dilatation de toutes
les grosses veines qui convergent vers les veines caves. Congestion du foie.
Rien dans les viscères abdominaux. Conclusion : mort par asphyxie non
moins évidente que dans le cas précédent.
Troisième aîpaca.— Cysticerques très-nombreux dans les muscles. Conges-
tion un peu prononcée des poumons. Quelques traces de pneumonie lobulaire.
Viscères de l'abdomen sains. Gale caractérisée par des croûtes plus étendues
et plus épaisses que dans les autres alpacas. Conclusion : Cause de la mort
douteuse.
Quatrième alpaca. — Tas de cysticerques, pneumonie double intéressant
les deux tiers du poumon droit et la moitié postérieure du poumon gauche.
— Aucun vestige d'écume bronchique. — Viscères abdominaux à l'état nor-
mal. — Conclusion : mort par pneumonie.
Cinquième alpaca. — Cysticerques peu nombreux et Inégaux en volume ;
les uns ont atteint tout leur développement et leurs dimensions ordinaires,
d'antres sont en voie de développement et moitié plus petits, d'autres plus
petits encore et presque naissants; en sorte qu'ils se présentent à tous les
degrés par lesquels ils passent pour arriver à leur évolution complète. —
Poumon gauche congestionné. — Poumon droit affecté de pneumonie dans
son tissu postérieur. — Bronches remplies d'une écume sanguinolente.
— Tissu cellulaire du médiastin supérieur infiltré d'une grande quantité
d'air. — Conclusion : mort par pneumonie et surtout par asphyxie.
Sixième alpaca.— Cysticerques très-abondants et inégalement développés.
— Pneumonies labulaires. — Point d'écume bronchique.— Conclusion : mort
par pneumonie.
Ainsi sur les six alpacas dont nous avons fait l'autopsie, trois ont suc-
combé à l'asphyxie, un aune pneumonie double, un à une pneumonie lobu-
laire; chez un seul les lésions observées étaient insutïisantes pour expliquer
la mort ; comme chez ce dernier la gale était plus intense que chez les au-
tres, peut-être pourrait-on l'attribuer, en partie au moins, à cette affection
qui avait exercé probablement une influence plus vive et plus fâcheuse sur
les principales fonctions de l'éoouonue. En se plaçant à un point de vuepln.^
180
général cinq sur six sont morts d'une maladie qui avait intéressé les orga-
nes essentiels de la respiration.
Dans le cours des recherches que nous avons faites pour reconnaître les
lésions qui avaient déterminé la mort chez nos six alpacas, M. Dareste et moi
nous avons été conduits à fixer aussi notre attention sur quelques faits in-
hérents àl'anatomie de ces animaux. Ces faits sont relatifs :
1" A l'existence des valvules dans les veines du cou et delà tète;
1° A une disposition toulc spéciale et très-remarquable de la partie termi-
nale du colon ;
3» Aux replis et aux glandes de la muqueuse utérine.
Valvules des veines jugulaires. — Chez l'homme les veines de la tète
et du cou sont peu valvuleuses. En est-il de même chez les mammifères et
les oiseaux? Les auteurs gardent le silence sur ce point; et ils semblent
ainsi admettre pour les deux premières classes de vertébrés ce qui est uni-
versellement admis pour l'homme.
Le cou et par conséquent aussi les veines jugulaires étant très-longs chez
l'alpaca, nous avons cru devoir examiner celles-ci pour constater si elles
étaient pourvues ou dépourvues de valvules. A la première inspection nous
avons pu reconnaître qu'elles en étaient pourvues sur toute leur longueur.
Ces valviiles sont disposées par paires ; et toutes ces paires ressemblent
parfaitement à celles qu'on observe chez l'homme sur les veines jugulaires
internes au niveau de leur union avec les veines sous-clavières. Comme ces
dernières, elles sont très-développées, et obturent complètement le calibre
du vaisseau au moment où elles s'abaissent sous l'inHuence du reflux du
sang. On en compte de sept à dix. Leur nombre varie soit d'individu à indi-
vidu, soit de l'un à l'autre côté.
L'existence de ces replis valvulaires est du reste parfaitement conforme
aux lois de la physiologie. L'observation a démontré en effet qu'ils occupent
les parties du système veineux dans lesquelles le sang circule contrairement
à l'action de la pesanteur et qui sont exposées à être comprimées. Or, pendant
la préhension des aliments qui se prolonge chez l'alpaca, comme chez un
grand nombre de mammifères herbivores pendant une grande partie de la
journée, la tète et le cou prennent une direction presque verticale et très-
analogue par conséquent à celle des membres. Dès lors, il était naturel que
les veines qui rumèncnt le sang de ces i)arlies antérieures du corps présen-
tassent le même mode de conformation que celles qui émanent des parties
déclives postérieures.
Le grand développement des valvules des veines jugulaires de l'alpaca
m'avait porté à conjecturer que ces veines devait être valvuleuses aussi chez
tous les mammifères et tous les oiseaux dont le cou plus ou moins allonge
était ramené fréquemment ù la direction oblique ou verticale parla préiicn-
fcion des aliments.
ISl
Ne trouvant dans les auteurs aucun renseignement sur co sujet, j'eus l'heu-
reuse pensée de m'adresser à notre collègue M. Goubcaux. 11 m'apprit qu'il
existait de très-belles valvules dans les veines jugulaires du cheval, dans
celles du bœuf et dans celles du dromadaire. Mes conjectures étaient ainsi
en partie confirmées. Plus récemment j'ai eu l'occasion d'observer ces
mêmes veines chez une pénélope que m'avait fait remettre M. le directeur
du jardin zoologique d'acclimatation, et j'ai pu constater sur ce gallinacé
deux valvules. Le lendemain, sur un goéland venu de la même source, je
trouvais une valvule sur chacune des veines jugulaires.
De l'ensemble des recherches qui précèdent, il est permis de conclure
qu'en les poursuivant sur un plus grand nombre d'animaux, on arrivera à
des résultats confirmatifs des précédents ; et il sera alors démontré que dans
tous les mammifères et les oiseaux chez lesquels la tète et le cou se trouvent
ramenés fréquemment à une situation déclive, verticale ou oblique, par la
nécessité de saisir sur la surface du sol les aliments dont ils se nourrissent,
les veines jugulaires et les veines afférentes ne sont pas moins valvuleuses
que celles des membres.
Enroulement spiroïde de la partie terminale du colon. — Le cœur,
les parties ascendante, transversale et descendante du colon, présentent chez
l'alpaca la disposition et la direction qui leur sont propres dans les autres
mammifères. Mais l'S iliaque affecte un mode d'enroulement dont on
chercherait vainement un second exemple dans cette classe de vertébrés.
Parvenu à sa partie terminale, le colon en effet s'enroule à la manière
d'une spirale dont les spires se superposeraient en diminuant graduellement
de diamètre de manière à former un véritable cône. Sur le sommet de celui-
ci, l'intestin se contourne en huit de chiffre et décrit à l'intérieur du cône
précédent une nouvelle série de spires, superposées aussi et à diamètre
croissant qui forment un second cône de la base duquel part le rectum. La
partie terminale du colon de l'alpaca ou l'esse iliaque proprement dite, au
lieu de décrire une double sinuosité comme chez l'homme, s'enroule donc
autour d'un axe fictif et forme ainsi deux cônes, un cône à spires ascen-
dantes de la base au sommet, et un cône interne à spires descendantes du
sommet à la base. Ces deux cônes emboîtés l'un dans l'autre sont unis par de
petits replis du péritoine, et les spires superposées de chaque cône sont
reliées entre elles par des replis analogues.
Sur le premier alpaca que nous avons ouvert, cette disposition de l'extré-
mité terminale du colon nous a paru si étrange que nous l'avons considérée
d'abord comme le résultat d'adhérences consécutives à une péritonite circon-
scrite. La voyant se reproduire sur notre deuxième alpaca dans des condi -
tiens tout à fait semblables, je commençais à douter de son origine morbide
et à conjecturer qu'elle représentait peut-être un état normal. M.Dareste, sans
yepousser cette hypothèse inclinait phitôt vers notre première opinion, Pouy
IS2
éclaircir nos doutes il sulïisait d'examiner les autres alpacas dont nous allions
faire l'autopsie, ce que nous fîmes en effet. Or, sur le troisième, puis sur le
quatrième et sur tous en un mot, nous pûmes constater une disposition en-
tièrement identique, et il resta ainsi parfaitement démontré qu'elle était bien
réellement normale.
Si cet enroulement si remarquable de la tin du colon n'a pas été signalé
par les auteurs, c'est sans doute parce qu'il a été donné bien rarement aux
anatomistes d'ouvrir des alpacas et parce que ceux auxquels ce privilège a
été accordé, l'auront considéré, ainsi que nous l'avions fait d'abord, comme
un état maladif et non comme une disposition normale. Nous tombions dan.=5
la même erreur que nos prédécesseurs, si nous n'avions eu pour l'éviter,
toute une série d'animaux sur lesquels nous pouvions multiplier nos obser-
vations, faveur dont aucun d'eux n'avait joui très-probablement.
Pus ET GLANDES DE LA MUQUEUSE UTÉRINE. — Au nombro de nos ani-
maux se trouvait un alpaca femelle en état de gestation, mais dont la cavité
utérine était vide. M. Darcste l'ayant enlevée et incisée sur sa face anté-
rieure, la muqueuse qui tapisse ses parois s'olTrit à nous dans toute son
étendue. Cette membrane présentait d'innombrables plis qui surmontaient
sa surface libre, n'offrant du reste aucune direction déterminée, se croisant
dans tous les sens, et en conservant de petites dépressions très-irrégulières
et inégales en étendue et en profondeur.
Ainsi disposée, la muqueuse utérine de cet alpaca rappelait très-bien la
muqueuse gastrique de l'homme. Seulement les replis qu'elle formait étaient
beaucoup moins inégaux et sans direction prédominante.
En pratiquant une incision perpendiculaire sur l'épaisseur de cette mu-
queuse et en écartant ensuite les deux bords de celle-ci, il devenait facile de
distinguer sur l'un et sur l'autre les glandes utérines très-apparentes à l'œil
nu. Mais on les voyait beaucoup mieux sur une tranche verticale compri-
mée entre deux lames de verre et examinée par transparence.
Vues à un faible grossissement, on remarquait que ces glandes offraient
de très-grandes sinuosités et s'enroulaient sur certains points de leur trajet
en spirale. En les déroulant par voie de compression on augmentait très-
considérablcmcnt leur longueur qui devenait triple ou quadruple de leur
étendue normale égale à l'épaisseur de la muqueuse utérine.
Les plis si multiples de cette dernière membrane et les sinuosités si pro-
noncées que décrivent les glandes sont deux faits qui nous ont paru assez
intéressants pour fixer un instant l'atlcntion de la Société et pour être men-
tionnés dans ses comptes rendus.
183
1" NOTE SUR QUELQUES ALTÉRATIONS PATHOLOGIQUES OBSERVEES CHEZ DES OI-
SEAUX DU JARDIN ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION DU BOIS DE BOULOGNE} par
M. Dareste.
La fondation du jardin zoologique d'acclimatation du bois de Boulogne
m'a fourni l'occasion d'étudier, le mois dernier, sur plusieurs oiseaux de
cet établissement, diverses lésions pathologiques qui présentent, à plusieurs
égards, un certain intérêt pour la pathologie comparée.
Tadorne. — Inflammation aiguë du péricarde. Les deux feuillets de cet or-
gane présentent des traces nombreuses d'inflammation; congestions sangui-
nes, et fausses membranes, sans qu'il y ait eu cependant d'adhérences pro-
duites entre les deux feuillets. Hémorrhagies abondantes dans toute la partie
supérieure de la poitrine, au-dessus du sternum.
Tadorne. — Congestions sanguines très-intenses dans toutes les méninges
rachidiennes, depuis l'occiput jusqu'à la région lombaire. Déchirure de la
dure-mère à la région cervicale, et existence d'un épanchement sanguin
considérable qui a pénétré dans le canal rachidien immédiatement au-des-
sous des vertèbres. Très-faible congestion des méninges encéphaliques.
Canard siffleur. — Hypertrophie considérable du ventricule droit, dont le
volume est très-augmenté. Elle porte surtout sur les colonnes charnues qui
forment le revêtement de la paroi inter-ventriculaire gauche, lequel pré-
sente sa conformation normale. Cette hypertrophie portait également sur la
valvule auriculo-ventriculaire du cœur droit, valvule qui chez les oiseaux
est musculaire, au lieu d'être simplement fibreuse comme chez les mammi-
fères, à l'exception toutefois de l'ornithorhynque. C'est là un fait curieux de
pathologie ornithologique, car il est évident qu'il ne peut exister que dans
les oiseaux. Epanchements sanguins très-considérables dans toute la partie
supérieure de l'abdomen : ils présentent les divers degrés de transformation
que l'on observe dans les caillots sanguins, ce qui semble indiquer l'exis-
tence d'hémorrhagies successives et non simultanées. Je constate un dépôt
de sang en nature, à la partie supérieure du lobe droit du foie, au-dessous
de sa membrane d'enveloppe. Dans le péritoine, un énorme caillot sanguin,
seulement à moitié décoloré, flotte au milieu d'une sérosité roussâtre. Ail-
leurs, dans le péritoine lui-même et dans trois vésicules aériennes, on re-
trouve d'autres caillots très-considérables également, mais entièrement dé-
colorés, et ayant la consistance et l'aspect d'une gelée. Le lobe gauche du
foie et le gésier sont recouverts d'une masse de filaments de fibrine entière-
ment décolorés. Péritonite intense. Les intestins sont congestionnés en bien
des points de leur surface, et adhèrent entre eux par des fausses mem-
branes. Hypertrophie des parois des vésicules aériennes qui se sont en plu-
sieurs points transformés en membranes opaques et d'une assez grande
184
épaisseur, et qui se sont soudées aux organes environnants. Tel est en par-
ticulier l'état de la vésicule aérienne qui revêt le lobe droit du foie, et qui a
contracté avec ces organes des adhérences difficiles à décrire.
Poule nègre. — Hémorrhagie considérable dans le poumon gauche. L'é-
panchement sanguin s'est prolongé jusque dans une vésicule aérienne qui
était remplie d'un caillot flbrineux.
Flamant. — Hémorrhagie considérable dans la partie supérieure de la
poitrine, qui est remplie de caillots récents et non encore décolorés ; plu-
sieurs caillots ont pénétré dans la partie antérieure de la poitrine, en avant
du sternum, et ont disséqué les muscles pectoraux. Congestion légère dans
les méninges rachidiennes.
Perdrix garnira. — Hémorrhagies intestinales occupant principalement le
cœcura gauche. Ce cœcum et le rectum sont remplis de concrétions llbri-
neuses. Plusieurs de ces concrétions adhèrent aux parois de l'intestin : les
autres sont détachées et flottent librement dans l'intestin. L'une d'elles est
de la grosseur d'une noisette, très-dure et formée de cercles excentriques.
Perdrix garnira. — Concrétions flbrineuses en très-grand nombre dans le
foie. Péritonite générale : les intestins sont congestionnés et les anses in-
testinales adhèrent par des fausses membranes. La naissance des cœcums
sur l'intestin est occupée par une masse librineuse énorme, et l'un des cœ-
cums est complètement infiltré par cette matière.
Faisan ordinaire. — Congestion intense des méninges rachidiennes et du
diploé de la moelle cervicale.
Héron. — Hémorrhagies très-abondantes dans les fosses nasales, qui sont
entièrement remplies de caillots sanguins à tous les degrés, depuis les cail-
lots mous et colorés jusqu'aux concrétions iibrineuses.
N'ayant eu aucun renseignement sur les symptômes éprouves pendant la
vie, il ne m'est pas possible de tirer de ces faits toutes les conséquence.^^
qu'ils renferment. Je ferai remarquer seulement que chez tous ces oiseaux
soumis à mon étude il y a toujours eu des congestions et des hémorrhagies,
et (pie par conséquent ces aflections paraissent jouer un grand rôle dans la
pathologie des oiseaux. Je rappellerai à ce sujet (jue, d'après divers rensei-
gnements que j'ai recueillis de côté et d'autre, ces sortes d'afl'ections pa-
raissent avoir été communes en France pendant le cours de cette année. Pen-
dant un séjour de quelques jours que j'ai fait au mois d'août, à Bry-sur-
Marne près Paris, j'ai vu mourir un grand nombre de canards domestiques
sous l'inlluencc de ces congestions rachidiennes dont j'ai rapporté quelques
exemples. Ces animaux mouraient d'une manière subite, sans que rien ait
aunoncé leur état de maladie aux personnes qui en prenaient soin.
185
VU. — Histoire naturelle.
NOTE SUR LA LAVE DU STRATOMYS CUAMiELEON; par J. LÉON SOUBEIRAN.
Il est très-curieux d'observer les divers insectes dans les milieux dififé-
rents dans lesquels ils se développent ; car oa rencontre assez souvent des
individus qui vivent d'une façon identique à ce qui se passe ordinairement,
bien que se trouvant exceptionnellement dans des circonstances anormales.
C'est ainsi qu'en 1857 nous avons trouvé dans la source de la grande cas-
cade à Oletle (Pyrénées-Orientales), la Cypris fusca L. que l'on trouve fré-
quemment dans nos eaux des environs de Paris, et qui paraissent supporter
sans le moindre inconvénient une température de + 78o, et l'action de l'eau
sulfureuse de cette source est différente des eaux du bassin parisien.
En faisant opérer, il y a quelque temps, des travaux dans la source de
Saint-Jorre, près Vichy (Allier), dont il est propriétaire, M. N. Larbaud a
trouvé dans un ancien tube d'ascension un certain nombre de larves très-
vives. Ces animaux étaient baignés de toutes parts par une eau très-alcaline
et très-chargée d'acide carbonique (puisque l'analyse a donné à M. Bouquet
1,233 grammes d'acide carbonique et 6,188 grammes de bicarbonates alca-
lins). Examinées avec soin, ces larves ont le corps long , aplati, revêtu d'une
peau coriace, divisée en anneaux, dont les trois derniers, plus longs et
moins gros , forment une queue terminée par un bouquet de poils qui
rayonnent en quelque sorte de l'extrémité du dernier anneau. La tête est
écailleuse, petite, oblongue, et munie d'un grand nombre de petits appen-
dices et crochets qui servent à l'animal à agiter l'eau. La reproduction se
fait par la partie inférieure du corps, et l'eau pénètre entre les poils de la
queue qui est généralement tournée vers la surface de l'eau. Tous ces ca-
ractères se rapportent parfaitement au Stratomys chamxleon Fabr., in-
secte diptère tros-commun dans toutes les contrées de la France, mais dont
on n'avait pas encore indiqué le séjour (pour la larve) dans une eau émi-
nemment minérale.
COMPTE RENDU DES SÉANCES
DE
r ^
LA SOCIETE DE BîOLOmi
pendant le mois de décembre 1860;
Par m. le Docteur Jules LUYS, secrétaire.
presidëme de m. rmër.
I. — Physiologie.
VARIATIONS PHYSIOLOGIQUES DU POULS, ÉTUDIÉES A L'AIDE DU SPHYGMOGRAPHE ;
par M. le docteur Marey.
Influence de l^effort sur la fréquence et la forme du pouls.
Dans un mémoire publié en 1860 (1), nous avons cherché à démontrer que
la fréquence des battements du cœur est réglée par les résistances que le
ventricule éprouve au moment de sa systole. C'était assimiler le cœur à tous
les moteurs mécaniques dont le jeu est intermittent et qui, pour un même
travail, exécutent d'autant plus de mouvements en un temps donné que la
résistance qu'ils éprouvent est moindre.
(11 Gazette médicale, année 18G0, p. 225, 23G, 298.
1S8
Nous ne voulions pas cependant affirmer d'une manière prémalurée que
toutes les variations qui surviennent dans la fréquence des battements tien-
nent à un changement dans les résistances contre lesiiuelles lutte le ventri-
cule : en un mot, à des variations dans la facilité de l'écoulement du sang
artériel. Aussi, faisant nos réserves pour les cas oii quelque iniluence ner-
veuse viendrait directement agir sur le cœur et augmenter sa force d'im-
pulsion, nous formulions ainsi la loi qui préside à la fréquence des batte-
ments ;
Toutes choses égales du côté du cœur, celui-ci exécute en tm temps donne
d'autant plus de contractions qu'il y a moins de résistance au passage du
sang.
La résistance que le sang contenu dans les arlèrcs éprouve à s'écouler du
côté des veines, se traduit par des caractères spéciaux de la circulation ar-
térielle. La tension dans ces vaisseaux s'élève lorsque l'obstacle à la sortie
du sang est considérable; elle s'abaisse lorsque l'écoulement de ce sang est
facile. On peut donc d'une manière générale juger de la résistance que le
cœur éprouve à se vider, d'après l'état de la tension.
Une forte tension artérielle indique la présence d'un obstacle au devant
de la circulation dans les artères; cet obstacle est presque toujours le res-
serremeut des petits vaisseaux.
Nous avons donc pu exprimer en d'autres termes la loi qui préside à la
fréquence des contractions du cœur, et dire :
La fréquence des battements du cœur est en raison inverse de la tension ar-
térielle.
Ce rapprochement entre la fréquence et la tension était d'autant plus im-
portant à signaler que, d'après la forme du pouls, on peut savoir si la tension
artérielle est faible ou forte, de telle sorte qu'en examinant les difTérent s
tracés, il était facile de reconnaître la coïncidence que nous avons si-
gnalée.
Ainsi, dans l'hémorrliagie, dans les cas où l'attitude du corps est favorable
à la circulation artérielle, dans ceux où les vaisseaux sont relâchés par une
température très-élevée, on peut voir les caractères de la faible tension ar-
térielle réunis à la fréquence du pouls.
Dans le resserrement des petits vaisseaux par le froid, dans la compres-
sion d'artère volumineuse, dans les attitudes du corps où la pesanteur n'est
pas favorable au cours du sang artériel, on voit les caractères de la forte
tension en môme temps que le pouls est rare.
En établissant la constance de ce rapport, nous considérions la contracli-
lité des petits vaisseaux comme le régulateur de la circulation tout entière. L'iu-
lluence du changement de calibre decesartérioles ne se bornant pas à une
modification locale du mouvement du sang, mais retentissant, de proche en
proche, Jusque sur le moteur central, le cœur, qui réglait le nombre de ses
189
battements d'après l'état de contraction ou de relùcliemeut des vaisseaux pé-
riplicriques.
Pour ne pas aller trop loin dans les applications de cette loi, nous avons,
avec les autres physiologistes, attribué au cœur une certaine autonomie, et
dans les cas où la loi ci-dessus semblait enfreinte, l'exception nous parais-
sait dépendre d'une influence nerveuse, agissant directement sur le cœur,
pour donner à ses contractions une rapidité plus grande.
La plus frappante de ces exceptions était la suivante : Un violent effort
d'expiration, la glotte étant fermée, augmente considérablement la fréquence
du pouls, et cependant le tracé donné par l'instrument s'élève brusquement
au moment de l'efTort, prouvant que la tension est augmentée dans l'artère
radiale.
Voici le tracé qu'on obtient alors :
Fis. 1.
EH'oi't d'expiration maintenu de h un d.
Lorsque l'effort cesse la pression baisse dans la radiale, comme l'indique
l'abaissement du levier du sphygmographe, et l'on obtient la figure sui-
vante :
VvA- 2.
JWWV^
V\c„ .-
\ ^.
Effort d'expiration maintenu de a en b. Pouls après l'eifort, de h en d.
Analysons ces tracés dans leurs différents détails.
190
On observe : 1" mie variation de la lifjne d'ensemble du trace du pouls ;
2" Un changement dans la forme des pulsations ;
3" Un changement dans leur fréquence.
1° VARIATrONS DE LA LIGNE D'ENSEMBLE DU TUACÉ. — (Fjg. I, dc a CU b.)
Les premières pulsations ne sont point altérées, VefTort n'a pas encore eu
1 ieu. Le niveau de cette pulsation reste sur une ligne horizontale. En b, l'efTort
d'expiration commence, l'aorte lii(n-aciiiue et l'aorte abdominale sont com-
primées par l'interméiJiaire des gaz pulmonaires et intestinaux comprimés
eux-mêmes; ces vaisseaux intérieurs se vident dans les artères périphéri-
ques : dans la radiale eu particulier.
Ne nous occupons que de la radiale; cette artère reçoit uu suiig sous l'in-
fluencc de deux forces combinées :
l» L'impulsion cardiaque, force intermittente;
2° La compression aortique, force continue, graduellement croissante.
La ligne d'ensemble des pulsations va donc s'élever comme le ferait la
moyenne des indications d'un manomètre, elle s'élèvera (de b en c), en vertu
dc deux mouvements, l'un prolongé, dépendant de l'effort, l'autre saccadé
dépendant du cœur.
En c, la contraction des muscles expirateurs qut produisenl l'effort arrive
au terme de sa croissance ; elle reste à un degré fixe où elle fait équilibre
à la force d'expansion des gaz thoraciques et abdominaux. Arrivé à ce point,
la ligne d'ensemble cesse de s'élever, et si l'effort n'augmente pas, elle des-
cend bientôt (de c en d) sous l'influeuce de l'écoulement du sang artériel à
travers le capillaires.
Voici la cause de cette descente. Au début de l'effort, la compression de
l'aorte est secondée parleretrait élastique du vaisseau lui-même qui concourt
avec elle pour expulser vers la périphérie une partie du contenu de ce vais-
seau. Mais comme le sang est poussé plus fortement à travers les vaisseaux
périphériques, il s'écoule avec plus de rapidité que de coutume : alors l'aorte
se désemplit et diniiiuic de volume, ?a tension élastique faiblit donc. Dès lors
l'effort expirateur n'étant plus secondé par le retrait do l'aorte agit tout seul
et, quoique maintenu au mémo degré d'intensité, il a moins de puissance
pour pousser le sang dans les vaisseaux de la périphérie : de là abaissement
graduel de la pression dans la radiale, à mesure que l'aorte se vide.
Fig. 2. Sous l'induence de l'effort, la tension était devenue élevée dans la
radiale (Je o en b). Au point b, l'ellort cesse. Le sang rellue brusquement
des artères périphériinics dans l'aorlc qui, désemplie par lu compression
qu'elle vient d'éprouver, a moins de tension Intérieure que les autres vais-
seaux. Ce reflux produit dans le système arti-ricl une sorte d'équilibre; la
tension est faible dans toute son étcui lue ; la ligne d'ensemble tombe au point c.
Cependant le cœur, envoyant de nouvelles ondées, répare la tension aor-
101
li(]iie; et celle-ci s"élcvaiU peu a icii, le juiig allliie de lujuviaii dai;s les ar-
tères de la périphérie oii la pression s'élève peu à peu et reprend son degré
normal. La ligne d'ensemble s'élève doue peu à peu comme on le voit dans
la ligure (de c en d).
■2° Changements dans la forme de la pulsation. — Nous avons dit qu'a-
vant l'effort, la forme du pouls est normale (fig. 1, de a en 5). Au moment
où l'effort commence (de h en c), en même temps que le niveau général s'é-
lève, chacune des pulsations est modifiée dans sa forme. L'ascension conti-
nue à s'effectuer brusquement, mais la descente n'a plus lieu d'une manière
complète, car l'expulsion produite par l'effort continue à pousser active-
ment le sang dans la radiale pendant le repos du cœur. Aussi voit-on sou-
vent, dans ce moment, la ligne du pouls, après s'être élevée à son maxi-
mum, se porter horizontalement jusqu'à l'ascension suivante.
Arrivé au sommet de l'ascension de la ligne d'ensemble (en c), le caractère
du pouls a complètement changé : il prend la forme dicrote au plus haut de-
gré. Le dicrotisme est alors au moins égal à celui qu'on rencontre dans la
fièvre typhoïde la plus grave, il indique une tension extrêmement faible de
l'aorte. C'est qu'en effet l'aorte s'est vidée en partie, qu'elle a diminué de
volume et que ses parois moins tendues sont devenues beaucoup plus élas-
tiques. Or l'élasticité de l'aorte est la condition nécessaire à la production du
dicrotisme (1).
Tant que l'effort se continue, l'élasticité de l'aorte va en augmentant, puis-
que le vaisseau continue à se vider; aussi voit -on l'intensité du dicrotisme
aller toujours en croissant de c en d (2).
Passons à la figure 2. Au point h, l'effort cesse et le sang, avons-nous dit,
reflue vers l'aorte. Ce reflux est légèrement interrompu par les ondées nou-
velles que lance le coeur, et qui se mauifeslcnl par des pulsations rudimen-
taires. Lorsque ce reflux a eu lieu, le système arlériel tout entier se retrouve
sensiblement en équilibre de tension, et cette tension, d'abord faible en c, va
s'élever peu à peu a chaque afflux nouveau. Aussi la pulsation véritable a-t-elle
(1) Nous avons pu nous assurer directement de ce fait au moyen de tubes
de caoutchouc semblables en largeur et en diamètre, mais d'élasticités diffé-
rentes. Le phénomène du dicrotisme se produisait d'autant plus nettement que
le tube était plus élastique.
(2) On peut remarquer ici, en passant, un fait important à signaler : la fré-
quence du pouls devenant considérable pour une raison que nous donnerons
tout à l'heure. La pulsation complète n'a plus le temps de s'effectuer avant
que la suivante n'arrive. Aussi, après l'ascension du dicrotisme, voit-on
arriver une nouvelle ascension, pour ainsi dire subintrante et qui corres-
pond à une nouvelle contraction du cœur.
192
à chariiJC instant des caractères dillcrcnts, chacune correspondant à un état
de tension plus forte que celui de la pulsation précédente, plus faible que
pour celle qui suit. Le dicrotlsme |va donc aller en diminuant (de c en d),
suivant en cela la variation de la tension de l'aorte et de l'élasticité de ce
vaisseau.
3° CHANGEMENTS DANS LA FRÉQUENCE DU POULS. — NOUS SaVOUS que, dsns
les circonstances ordinaires, la forte pression correspond à un obstacle au
cours du sang et que, par suite, elle s'accompagne de ralentissement des
battements du cœur. Dans l'effort d'expiration, la pression est augmentée
dans la radiale comme l'indique la hauteur du tracé (1). Pourquoi n'y a-t-il
pas diminution de la fréquence du pouls? Pourquoi cette fréquence est-elle,
au contraire, augmentée? Nous allons voir que l'explication est toute natu-
relle, et que cette exception apparente est une confirmation nouvelle de la loi
que nous avons posée.
L'augmentation de pression qui a lieu dans les artères périphériques ne
tient pas à ce que le sang éprouve un obstacle à son écoulement; mais elle
provient d'une force nouvelle qui s'ajoute à la contraction cardiaque par
l'afflux dans les artères. Cette force, c'est la pression que subit l'aorte dans le
thorax et l'abdomen.
Pourquoi cette compression de l'aorte ne fait-elle pas obstacle à l'afflux du
sang poussé par le cœur? C'est que le cœur lui-même est plongé dans le
milieu comprimé, c'est qu'il est aidé dans sa contraction par la pression même
qui agit sur l'aorte, et que ces actions égales et contraires se neutralisent
complètement.
Si nous éliminons l'action de la pression extérieure agissant sur la partie
intra thoracique et intra-abdominalc de l'appareil circulatoire, que nous
reste-t-il? Une plus grande facilité du passage du sang dans les vaisseaux
de la périphérie qui ne sont soumis extérieurement qu'à la pression atmo-
sphérique, et, par suite de cet écoulement plus facile, une fréquence plus
grande des battements du cœur pendant l'effort.
Veut-on voir d'une manière très-frappante l'influence de la tension arté-
rielle sur la fréquence du pouls? Qu'on regarde, figure 2 (de c en d), la durée
comparative de chacune des pulsations (jui se succèdent, et pendant les-
quelles la tension artérielle se répare. On voit que chacune d'elles, apparte-
nant a un degré de tension différent, possède, non-seulement une forme spé-
ciale, mais aussi une durée spéciale et que, dans les premières pulsations
(au moment où la tension est faible), il existe une fréquence très-grande qui
diminue à vue d'œil à mesure que la tension s'élève.
vl) On sait aussi que lu colonne d'un manomètre applique a une artère s'é-
lève considérablement lorsque l'animal fait un effort.
193
La complexité de tous ces phcnomèucs nous avait empèclié pendant long-
temps d'en saisir les relations réciprocpies. Les influences de l'effort sur la
fréquence du pouls nous avaient paru inexplicables par la loi dynamique toute
seule, et suivant la tendance si naturelle en médecine, nous avions attribué
au système nerveux le rôle principal dans leur production...
Voici donc encore une fois le système nerveux dépossédé d'ut^ de ses at-
tributions. La stimulation sympathique ou réflexe des battements du cœur
pendant les contractions de l'effort. Pareille chose est souvent arrivée et devra
sans doute arriver encore bien souvent, car l'action nerveuse est la cause
qu'on invoque pour presque tous les phénomènes qu'on ne peut expliquer.
On ne dit pas d'un phénomène qu'il est inconnu dans sa cause, on dit qu'il
est nerveux.
II. — Anatomie.
SUR LA CAUSE DE LA DÉPRESSION CUTANÉE DE L'OMWLIC; par M. le dOCtCUr
Charles Robin.
La cause de la dépression que présente la peau chez la plupart des sujets,
au niveau de l'anneau flbreux de la ligne blanche et du point de continuité du
cordon avec le derme, n'est pas nettement indiquée par les auteurs qui se sont
occupés de ce sujet. Cette dépression reconnaît pour cause une des particu-
larités du phénomène de la rétraction des vaisseaux ombilicaux après la
chute du cordon. Elle est due à la rétraction des artères d'une manière gé-
nérale, et spécialement à l'adhérence avec le derme de l'un des filaments
ligamenteux, qui, pendant cette rétraction, se développent entre les bouts
artériels et les ombilics cutanés et aponévrotiques. Cette insertion de l'un des
faisceaux ligamenteux à la peau existe toutes les fois que la dépression om-
bilicale est marquée ; elle manque chez les sujets dont l'ombilic est saillant,
en forme de mamelon au lieu d'être enfoncé. Chez les mammifères quadru-
pèdes, dont les artères se rétractent sans jamais conserver avec l'ombilic les
relations ligamenteuses, qui au contraire se développent toujoiars chez
l'homme, la cicatrice cutanée ombilicale est constamment, ou saillante au
dehors ou sur le même plan que le reste de la peau du ventre. Au milieu de
toutes les variétés des ligaments faisant suite aux bouts artériels, on peut
distinguer les suivantes comme étant les plus constantes.
Généralement ces ligaments se réunissent en un tronc commun sur la
ligne médiane ou un peu sur l'un de ses côtés, à un ou plusieurs centimètres
au-dessous de l'ombilic. Ce faisceau commun gagne le bord inférieur de
l'anneau autour duquel il s'insère en s'épanouissant. Ces ligaments et leur
portion médiane sont parfois uniques, cylindriques ou à peu près, épais de
1 à 3 millimètres, très-résistants jusqu'à l'âge le plus avancé. La portion
C. R 13
194
médiane conutiaue est quelquefois plus grêle que os deux ligaujeuls du
bout des ârtèfes qui ee rendent à son extrémité inférieure, soit seuls, soit
arec le ligament de l'ouraque entre eux deux. Tout le système sousombi-
lical peut se borner à ces dispositions anatomiques auxquelles il faut joindre
les vaisseaux décrits ailleurs.
Gliea quelques sujets, ces derniers ligaments ou le faisceau médian sont
formés de plusieurs filaments grêles, rapprochés les uns des autres ; mais
ce fait est rare. Il en est chez lesquels une ou plusieurs branches minces
comme un fil, partant des moignons artériels, continuent en dehors des li-
gaments précédents la direction occupée jadis par les artères, et se rendent
directement à l'ombilic pour s'y insérer avec ceux-là,
Ordinairement un faisceau plus ou moins volumineux, mais parfois très-
fin, du volume d'un gros fil ou environ, se détache des ligaments artériels
insérés au bas ou sur les côtés de l'anneau ombilical aponévrotique, et se
fixe au derme de la cicatrice cutanée, devenue à peine rcconnaissable du
reste^ alors même qu'on a étalé la peau. Cette insertion maintient ainsi cette
portion de la peau, tirée de haut en bas, sous forme de cul-de-sac, dont le
fond est au niveau de l'anneau fibreux de la ligne blanche, c'est-à-dire sui-
te même plan que celui où ont lieu les insertions des autres fibres de ces
ligaments. Par suite, l'ombilic paraît d'autant plus enfoncé ou rétracté, selon
l'expression reçue, que les tissus musculaires et adipeux dépassent davan-
tage en avant de la ligne blanche le niveau de celle-ci.
C'est lorsque la peau est ainsi retenue au niveau m6me de l'anneau
fibreux de la ligne blanche par cette insertion d'une des divisions des liga-
ments artériels sur le derme que la dépression cutanée est profonde. Mais ce
filament ligamenteux traverse souvent de part en (jart l'anneau aponévroti-
que ; alors le fond du cul-de-sac cutané n'atteint pas ce dernier, il feste pias
ou moins en avant de lui, et alors la dépression cutanée est peu profonde;
La dépression cutanée dé l'ombilic constitué une petite gaine irrégulière,
aplatie transversalement. Elle a une profondeur qui varie de 8 ù 15 milli-
mètres d'un sujet a l'autre. Son orifice est transversal on obliquet plissé vers
ses commlHsureSi et ses lèvres sont sinueuses, plissées elles-mêmes chea
quelques sujets. Ses parois sont appliquées l'une contre l'autre et tapissées
d'un minée épiderme. La peau en est fine et s'enflamme quelquefois de ma-
nière à causer de la démangeaison, de la cuisson même cf un suintement
purulent ou séro-puruletit, prenant faCilebietlt de l'odéut et pouvant dlirfef
longtemps chez quelffiés sujets.
A partir de son orifice cette gaine est dirigée de haut en bas ; cette përticu-
larilé est due à la direction du faisceau liganiéniew.K artériel ijui retient lire
rn bas le fond de son cul-de-sac, lequel est appliqué contre la ligne blanche
ou sur ses côtés. Les ligaments, qui du bout des artères se rendent à l'om-
bilic, ne ^'allongeant pas pendant la grossesse et durant l'ascite autant que
r.!.>
s'osrandisscnt les parois dii veiilrc, ils rolicnneiit la peau et rendent ainsi
l'ombilic cutané d'autant plus profond que les parois sont distendues davan-
tage.
Lorsque cette insertion dermique du faisceau ligamenteux manque, la peau
n'est pas enfoncée au niveau de l'ombilic ou est soulevée par du tissu adi-
peux, en forme de mamelon plus ou moins volumineux.
Autour de rinscrtion du ligament mi deïme, c'est-à-dlré à peu près dans
l'anneau fibreux ombilical, le tissu lamineux sous-cutané ou sous-cicatriciel
est dépourvu du tissu adipeux. Il est un peu plus tenace et un peu pins adhé-
rent à la ligne blanche et à l'anneau que dans les autres régions de la peau;
mais il ne mérite pas le nom de noyau fbreux de la cicatriie ombilicale que
lui donnent quelques auteurs, et ce n'est i)as essentiellement lui qui bouche
l'anneau. Derrière ce tissU plus dense, «n trouve entre les lèvres de l'anneaW,
et vers sa demi-circonférencé supérieure surtout, un peu de tissu adipeux
lobule, décrit par tous les auteurs, en arrière duquel passent les ligaments
continus de la veine et de l'ouraque^ ou les branches du ligament veineux
allant à ceux des artères.
Des faisceaux ligamenteux puissants peuvent sercnc'ontrei' aussi bieû dans
les cas où les bouts artériels sont descendus au niveau ou au-dessous du
sommet de la vessie que dans ceux où ils sont restés au milieu de l'inter-
valle qui sépare ce dernier de l'ombilic. Le faisceau médian que forment par
sa réilnion lés deux ligaments attériels intrique ses fibres, soit aVe'C celles
de la partie inférieure seulement, soit avec celles de ses côtés en même
temps. Dans ce derniers cas, elles envoient souvent leurs fibres derrière la
ligne blanche à 1 ou 2 centimètres de sa circonférence.
De cette porlion médiane sous-ombilicale des ligaments se détachent de
haut en bas ou transversalement des faisceaux aplatis qiii vont s'épanouir à
2 ou 3 centimètres de la ligne médiane et s'intriquer avec les flbi'es de l'a-
pOnévrose des gi-ands droits de l'abdomen.
Sur quelques sujets, ces ligaments artériels volumineux, près des artères,
s'épanouissent en filaments fréquemment anastomosés au-dessous de l'an-
âeau et sur la face postérieure de la gaîne des sterno-pubicns, avec les
fibres de laquelle les leurs s'enchevêtrent. Il en résulte que ces ligaments
se tertninent ainsi avant d'arrivet à l'anneau auquel ne parviennent qu'un
seul ou un petit nombre de filaments grêles ^îour s'insérer sur ses côtés on
à la peau, ou anx deux ensemble.
Lorsque les insertions des ligaments artériels sur les côtés et à la partie
inférieure de l'anneau sont puissantes, son pourtour fibreux se trouve
épaissi et sa largeiir diminuée d'autant, Sans jamais être obturée complète-
ment ; il est souvent réduit à nn petit orifice triangulaire de 2 à 3 mil-
limètres de large, ou à une petite fente transversale dont la lèvre supé-
rieure est représentée par le pourtour supévieur de l'anneau fibreux. <in
106
dcconvrecc dernier tout entier en enlevant les insertions ci-dessus par la
dissection, et alors on le trouve aussi large ou presque aussi large que
chez le fœtus, et parfois plus grand. Tantôt il est circulaire, tantôt au con-
traire il est sous forme de fente transversale bilabiée que rétrécit en bas
seulement ou sur les côtés en même temps l'insertion des ligaments arté-
riels.
J'ai déjà dit que ces ligaments n'existent que chez l'homme et manquent
chez les autres mammilèrcs.
« Avant de gagner l'ombilic, ces deux vaisseaux (les artères ombilicales)
chez l'adulte, et cela est bien plus remarquable cliez le vieillard, se divisent
en une multitude de petits cordons dont les uns se rendent au péritoine,
et servent à le fixer contre l'ombilic, et dont le tronc vient se réunir à celui
du côté opposé, dans l'anneau ombilical. » (Jobert de Lamballe, Maladies
CHIRURGICALES' DD CANAL INTESTINAL. PariS, 1829, in-S, t. 11, p. 413.)
« Il est curieux d'étudier la manière variable dont les artères ombilicales
se convertissent en type fibreux après la naissance. Quelquefois ces artères
sont converties en deux cordons réguliers qui se portent en convergeant à
l'ombilic. D'autres fois, chacun de ces cordons est subdivisé en faisceaux
irréguliers qu'il est difficile de rapporter à leur véritable origine. » (Cru-
veilhier, Anat. descriptive. Paris, 1843, in-8% t. II, p. 698, en note.) On a tu
par ce qui précède que ce n'est qu'exceptionnellement et très-rarement que
les artères restent adhérentes à l'ombilic, et surtout que ce ne sont pas elles
qui se subdivisent en faisceaux irréguliers, mais bien les ligaments qui se
sont développés entre elles et l'anneau pendant leur rétraction. C'est en s'en-
chevctranl avec les faisceaux radiés de l'anneau fibreux ombilical que
s'insèreut les ligaments faisant suite aux artères. C'est même sur cette inser-
tion qu'a lieu, quand ils sont puissants, par cutre-croisement réciproque,
celle du ligament de la veine.
Ces fibres d'insertion des ligaments faisant suite aux vaisseaux tranchent
par leur teinte d'un gris mat ou jaunâtre, moins brillante que celle des
faisceaux aponévrotiques sur l'aspect nacré des fibres radiées de l'anneau.
Le mode d'insertion des ligaments faisant suite aux artères a été assez
exactement décrit et figuré par M. Richct ; il a seulement reporté un peu trop
bas l'insertion du ligament de la veine, sans voir ses relations avec celui de
l'ouraquc (llichet. Archives générales de médecine, 185(3, t. VllI, p. 650,
fig. II). Comme les autres auteurs, il considère comme ouraque, veine et
artères devenus fibreux et adhérents à l'ombilic les ligaments qui leur font
suite. « Chez l'adulte, l'ombilic est représenté par une cicatrice froncée et
déprimée, au fond de laquelle vient se rendre un cordon fibreux qui tra-
verse l'amicau. Dans le cordon, il est, jusqu'à un certain âge, possible de
retrouver, à l'aide d'une dissection minutieuse, les éléments qui, pendant
la vie intra-utérine établissaient entre le fœtus et la mère des rapports vas-
197
culaires ; ces éléments sont les deux artères ombilicales, la veine de ce nom
et enfin l'ouraque... Lorsque après la naissance, ces organes, devenus inu-
tiles à la vie nouvelle qui s'établit, sont divisés, au niveau du point où la
peau se réfléchit sur le cordon, ils se fondent entre eux et avec le derme au
moyen d'une cicatrice qui de jour en jour devient plus fibreuse, plus résis-
tante, et qui, comjue tous les tissus inodulaires, a une certaine tendance à se
rétracter et à attirer à elle les parties environnantes. » (Richct, p. G44.) Les
faits précédents et l'étude de !a rétraction montrent sufTisamment ce que
cette interprétation a de vicieux sans qu'il soit nécessaire de la discuter.
On voit aussi par ce qui précède dans cette insertion autour de l'anneau
aponévrotique ombilical, des ligaments qui se sont développés pendant la
rétraction des vaisseaux; il n'y arien qui ressemble aux cicatrices quelcon-
ques et qui puisse leur être assimilé; il n'y a rien non plus dans l'anneau
fibreux lui-même qui leur ressemble.
D'autre part, les bouts cicatrisés et oblitérés des vaisseaux étant rétractés
loin de l'anneau, avant même leur cicatrisation^ il n'y a pas d'autre cicatrice
à l'ombilic que celle tout extérieure de la peau. C'est du reste la seule partie
qui, avec les vaisseaux qui se sont éloignés, ait été ulcérée, ouverte et mise
au contact de l'air à un moment donné. Sa cicatrice seule présente à l'om-
bilic les caractères d'un tissu cicatriciel ou régénéré, et cela sur une éten-
due des plus restreintes. 11 n'y a par suite rien qui autorise à se servir avec
presque tous les auteurs des expressions de cicatrice ombilicale et de tissu
inodulaire en parlant soit des parties profondes de l'ombilic qui s'insèrent à
l'anneau aponévrotique, soit de cet orifice lui-même.
Cbez les ruminants, le bout de la veine ombilicale oblitérée est relié à
l'anneau par un ligament simple, aplati, blanc, presque nacré. Il suit le bord
libre du repli ou ligament falciforme du foie, puis s'applique contre la ligne
blanche et se termine à l'anneau ombilical. Il est formé de fibres élastiques
et de faisceaux de fibres lamineuses, mais ne contient presque pas de vais-
seaux. Chez les carnassiers, on voit sur quelques individus partir de l'ombi-
lic un filament fibreux blanchâtre qui remonte derrière la ligne blanche, jus-
qu'au niveau du sillon médian du foie ; mais il s'éparpille contre l'aponévrose
du sterno-pubien sans gagner le foie dont le bord antérieur est libre et flot-
tant en quelque sorte^ mais repose sur la paroi antérieure du ventre.
Les traités d'anatomie comparée et d'anatomie vétérinaire ne parlent
pas du ligament ci-dessus, et à peine du cordon de la veine ombilicale obli-
térée qu'ils décrivent comme se terminant à l'ombilic
Chez les solipèdes le cordon fibreux provenant de l'oblitération de la veine
ombilicale adhérant fortement dans une grande longueur à la ligne blanche,
n'est relié à l'anneau que par de faibles ligaments fibreux au nombre de deux
ou trois ne dépassant souvent pas le volume d'un gros fil à coudre qui se
4élaclje clu bout rétvauté de la veine. Quelques iUaments partis du J)0«t de
m
ce dernier, au lieu de se rendre à l'ombilic s'écartent dç la lignç blanche et se
perdent sur la face postérieure de la gaîqe des muscles çterno-pubiens.
m. — Pathologie interne.
1» NOUVEAU FAIT d'OBSTRUCTION PB U'ARTÈRE PULMONAIRE AVEQ AFFEGTION PU
CC«UU DROIT ET DE l' ARTÈRE PULMONAIRE (DILATATION); EMPHYSÈME; CA'
TARRUE BRONCHIQUE ; pur M. LANCEREAUX.
Dans le cours du mois de juillet dernier, j'avais l'honneur de présenter à
la Société, à deux reprises différentes, des poumons qui, malgré leur altéra-
tion fort légère, offiaient de nombreuses concrétions fibrineuses dissémi-
nées dans les divisions de l'arlcre pulmonaire, dont elles oblitéraient le ca-
libre. Les concrétions étaient pour moi dos caillots autocbtliones et non mi-
grateurs. J'étais frappé en même temps de la dilatation considérable des
cavités du cœur droit, et j'attirai l'attention de la Société sur cette dilatation
coïncidant avec une altération graisseuse du ventricule et quelques plaques
jaunes à la surface interne du tronc artériel ou de ses branches.
La relation de ces deux faits consignés dans les bulletins de la Société de
biologie (1) me permit de formuler les conclusions suivantes :
1" La dilatation et l'altération graisseuse du cœur droit peuvent contribuer
à la formation de concrétions fibrineuses dans l'artère pulmonaire. Le
plus souvent, suivant nous, cette cause agirait de concert avec l'altération de
l'artère pulmonaire.
2" La vie est compatible pendant un certain temps avec l'oblitération de la
plupart des divisions de l'artère pulmonaire, lorsque cette oblitération sur-
vient lentement et qu'elle est due conséquemment à des caillots qui se for-
ment sur place,
3° Les caillots migrateurs , donnant lieu à des troubles subits , excessifs
et souvent rapidement mortels , peuvent être cliniquement distingués des
précédents.
4" La coïncidence fréquente d'une affection cardiaque avec dilatation et de
l'oblitération de plusieurs des divisions de l'artère pulmonaire rend plus dif-
ficile le diagnostic de cette dernière. Néanmoins, une dyspnée excessive-
ment pénible, et surtout le peu de rapport entre cette sensation et les ellbrts
musculaires de la respiration, les plaintes du malade, la pâleur ou l'état vio-
lacé, le froid des extrémités, peut-être aussi la moindre fréquence et la pe-
titesse du pouls sont autant de phénomènes qui doivent mettre sur la voie
de l'obstruction artérielle et qui parfois suffiront pour la reconnaître.
(1) Voir Gaz. méd., 1860, p. 509.
199
5» L'oblitération d'une ou de plusieurs tle§ divisions «Je l'artèrç pulmo-
naire n'entraîne pas nécessairement l'altération du parenchyiiie du poumon
correspondant. C'est là une preuve que i'artèi'e pulmonaire est un organe
d'hématose et que les artères bronchiques sont plus spécialement destinées
à la nutrition des poumons.
Aujourd'hui, j'apporte un nouveau fait à l'appui des conclusions pré-
cédentes. Je le ferai suivre de quelques remarques qui viendront com-
pléter ce que j'ai déjà dit de cette maladie redoutable qui commence par de
la dyspnée, de l'emphysème, du catharre, des palpitations, et qui se termine
fréquemment par de l'anasarque, des concrétions fîbrineuses au sein, de l'ar-
tère pulmonaire, la dilatation du cœur droit; altérations diverses qui Unis-
sent par amener l'asphyxie et la mort.
Obs. — Lair, 60 ans, vidangeur, entre à l'hôpital de la Pitié }e 20 novem-
bre 1860, salle Saint-Paul, service de M. i^avotte.
C'est un homme robuste et bien constitué. Sa poitrine est large, ses u;em-
bres sont développés, son emboppoint ordipaire, l\ raconte que son père e^t
mort d'une malacjie qui présentait beaucoup de ressemblance ^vec celle qui
l'amène à l'hôpital- Quant à sa mère, elle toussait fréquemipent , mais il ne
peut dire à quelle affection elle a succombé.
Il accuse de l'essoufflement, des palpitations, de la dyspnée, du catarrhe re-
venant à peu près chaque année depuis son enfance, Il a toujours eu, comme
il le dit, riialeine courte, mais il ne peut préciser quel a été le phénomène
initial. Depuis six mois il s'est aperçu de l'œdème des membres, qqi aujour ■
d'hui est considérable, Jaipaisil n'a étg qttgiû': de rhumatisme j ici, ^es ré-
ponses sont très-positives.
Nous constatons : faciès tuméfié, livide, lèvres grosses violacées, infiltra-
tion séreuse générale, plus prononcée aux membres inférieur et supérieur
droit. Froid des extrémités. Ascite légère, épanchement peu abondant de sé-
rosité dans les cavités pleurales, râles humides dans la plus grande étentjue
des deux poumons , crachats épais peu aérés, nmeo-purulents. A la percus-
sion sonorité un peu exagérée dans quelques points, diminuée à la hase.
Dypsnée intense, efforts respiratoires peu énergiques. (Emphysème, çeclème,
catarrhe.)
L'impulsion du cœur est faible, le pouls, d'une fréquence ordinaire, est
mal frappé, mou, dépressible. Léger reflux dans Jes veines du cou un peu
dilatées, foie volumineux. (Diurétiques et purgatifs, vin diurétique, pGani-
monce.)
Durant les jours suivants, on ne constate pas d'amélioration bien sensible,
l'œdème ne diminue pas, la cyanose s'accroit plutôt , la dypsnée augmente;
on constate de la raatité en arrière et à droite ; le murmure vésiculajre y est
absent.
200
A partir du 1" décembre, ae^gravalion des phénomènes précédents. Affais-
sement de plus en plus prononcé. Mort le 5 décembre.
Autopsie. — L'abdomen, le péricarde, les plèvres, renferment un liquide
séreux non inflammatoire. Dans la plèvre droite, où l'épanchenicnt se trouve
un peu plus abondant qu'à gauche, il existe quelques adhérences anciennes
et assez lâches entre la surface extérieure du poumon et la paroi thoracique
correspondante.
Les poumons sont bosselés. Ce phénomène tient à la dilatation par l'air de
quelques-uns de leurs lobules , et au retrait de quelques autres qui sont
comme carnifiés. Ce dernier état paraît reconnaître pour cause l'épanchc-
ment pleural plutôt que l'obstruction artérielle, puisque les lobules carnifiés
ne correspondent pas spécialement aux branches oblitérées de l'artère.
Un peu d'oedème et de congestion , sans extravasation sanguine, achèvent
de constituer l'altération pulmonaire.
Le cœur tout entier a la forme d'une gibecière, il est volumineux ; à droite,
il est chargé de graisse. Les valvules ne sont pas altérées, l'orifice tricuspide
est élargi. Le cœur a ses dimensions et son volume à peu près normaux.
Le cœur droit, convenablement dilaté, a sa cavité plus que doublée. La paroi
est épaissie, son tissu un peu jaunâtre , ses fibres musculaires sont chargées
de quelques granulations grises et graisseuses. 11 renferme un sang noir et
coagulé sans trace de caillots fibrineux. Nulle part dans le système veineux
ne se rencontre la moindre concrétion fibrineuse. L'artère pulmonaire est le
siège d'une dilatation eu quelque sorte proportionnelle à la dilatation vontri-
culaire. La paroi est jaunâtre, mais non épaissie ou ulcérée ; ou voit dans plu-
sieurs de ses divisions de troisième et quatrième ordre, à droite comme à
gauche, au sommet et à la base des poumons, des caillots fibrineux oblité-
rant pour la plupart la cavité du vaisseau, ayant généralement pour siège et
pour point de départ l'angle de division des branches de l'artère à laquelle
un certain nombre sont assez adhérentes pour ne pouvoir en être détachées
sans déchirure de la membrane interne.
Quelques-unes de ces concrétions envoient des prolongements dans les di-
visions subséquentes ; d'autres, du volume d'un pois, sont arrondies et sans
prolongements, toutes sont constituées par de la fibrine, dans laiiuelle les
granulations graisseuses sont encore très -rares. Elles sont lisses à leur grosse
extrémité, où se rencontre parfois du sang noir plus récemment coagulé.
Le foie est volumineux, à surface un peu granuleuse, il est congestionné,
ses vaisseaux renferment du sang très-noir; il ofTre à la coupe un pointillé
aunâtre.
La rate est petite et dure.
Les reins ne paraissent pas altérés,
Léger œdème aTébval,
201
J'ai déjà rappelé les symptômes qui, dans les cas de oe genre, peuvent
mettre sur la voie du diagnostic des concrétions librineuses de l'artère pul-
monaire. J'ajouterai seulement que l'induction pourra encore y aider; car
si je m'en rapporte à mes propres recherches, je dirai qu'il m'est presque
toujours arrivé de rencontrer des caillots flbrineux au sein de l'artère pul-
monaire dans la dilatation, avec altération graisseuse du cœur droit, sans
lésion vulvulaire; rarement, au contraire, dans les autres alTections car-
diaques.
Pour ce qui est de l'origine de ces caillots, il me semble toujours qu'il
faut laisser une certaine part à l'affection du cœur droit. En effet, dans le cas
actuel, l'artère pulmonaire pas plus que le poumon n'étaient primitive-
ment altérés; l'état de cachexie, propre à notre malade, ne paraît pas plus
favorable à la formation de dépôts flbrineux, puisque partout, même dans le
cœur droit, nous avons trouvé le sang noir sans coagulum flbrineux. On
pourrait encore se demander si l'obstacle apporté au cours du sang par
l'état des poumons n'est pas pour quelque chose dans la formation des cail-
lots. Pour éluder cet argument, il sulflt de faire remarquer que ce n'est pas
ordinairement dans les dernières divisions de l'artère que se rencontre la
coagulation, mais plutôt dans les divisions de deuxième, troisième, parfois
de quatrième ordre, et fréquemment au niveau d'un éperon. Ainsi, tout
semble indiquer que ces caillots se forment sur place, et que la force d'im-
pulsion du cœur droit troublée et affaiblie contribue puissamment à leur
formation. Leur forme, leur disposition, leur siège néanmoins, peu diffé-
rents de ce qu'ils sont dans les cas d'embolie, doivent mettre sur la réserve
ceu.x qui ont de la tendance à trouver partout des caillots migrateurs. Entons
cas, si ma manière de voir n'est pas partagée, qu'on veuille bien cependant
reconnaître la coïncidence fréquente de la dilatation du cœur droit et de
l'obstruction de l'artère pulmonaire.
De toutes les affections cardiaques, celle qui m'occupe en ce moment est
certainement l'une des plus graves ; elle est fréquemment, sinon toujours
mortelle, et souvent dans un court espace de temps. J'ai en ce moment sous
les yeux un homme de 32 ans qui en est atteint. Robuste en apparence, il n'a
jamais cependant pu exécuter de travaux rudes et prolongés. Dans le cou-
rant du mois d'aoiit dernier, il vit ses jambes enfler pour la première fois;
les purgatifs et la digitale ne tardèrent pas à faire disparaître l'œdème qui
amenait le malade à l'hôpital. 11 sortit bientôt, et rentra le 15 novembre.
L'œdème qui cette fois, comme chez le précédent malade, occupe les membres
inférieurs et se trouve plus prononcé au membre supérieur droit, se montre
rebelle, malgré l'emploi des purgatifs et des diurétiques; des râles nom-
breux dans les deux poumons se font entendre, les symptômes d'anhéma-
tosie se développent; encore peu de temps, et la mort surviendra. Chez nos
deux roaUdes, nous avons noté l'abseoce d'atteinte rhiimatismîile aotérjeuie ;
202
çbe? l'un comme chez l'autre, la maladie parait héréditaire. Mais alors est-
ce l'affection cardiaque ou l'atTection pulmonaire, ou toutes les deux à la
lois qui se transmettent héréditairement?
Je serais, pour ma part, assez porté à croire que l'affection pulmonaire est
seulement héréditaire, Mais alors il me faut considérer l'affection cardiaque
comme une affection secondaire et consécutive à l'altération primitive du
poumon (emphysème, catarrhe). La dilatation simultanée de l'artère pulmo-
naire et des cavités droites viendrait assez à l'appui de cette opinion ; on
sait en outye que l'altération du système capillaire chez les vieillards donne
souvent lieu à l'hypertrophie et à la dilatation du cœur gauche. Cependant,
sans oublier que le cœur droit, dans l'affection qui nous occupe, n'est généra-
lement que fort peu hypertrophié, et tout en reconnaissant qu'un grand
nombre d'emphysémateux, de catarrheux n'offrent jamais les altérations sur
lesquelles nous cherchons à attirer l'attention des cliniciens et des anatomo-
pathologistes, nous pensons, lorsque nous savons que la dilatation du cœur
droit est, pour ainsi dire, habituelle chez les individus dont la poitrine est
rétrécie et déformée, que la théorie mécanique que nous adoptons est encore
la plus rationnelle. Nous savons du reste que tout obstacle à la respiration
apporte toujours un certain trouble dans la circulation.
Nous résumons ce fait et les réflexions qui l'accompagnent par les propo-
sitions suivantes :
U II est une affection du cœur droit et de l'artère pulmonaire consistant
dans la dilatation de ces organes.
2° Dans cette affection, rarement accompagnée de l'hypertrophie du ven-
tricule droit, il y a fréquemment surcharge graisseuse de ce ventricule et
concrétions flbrineuses dans les divisions de l'artère pulmonaire.
3° Cette affection, fréquente chez les emphysémateux et tous les indivi-
dus qui offrent une déformation prononcée du thorax, diffère cliniquement
de la plupart des maladies cordtaques par l'absence du souffle; elle se re-
connaît en outre à la dyspnée excessive accusée par les malades, à l'œdème
ordinairement très-prononcé et parfois plus considérable à droite qu'à
gauche, à la mollesse du pouls, au froid, et à l'état violacé habituel de la
face et des extrémités.
2' HPMATPCÈLP PÉRI-UTÉRINE COMMUNIQUANT AVEC L'INTESTIN ET LA VESSIE ;
observation par MM. Martin-Mag^on et Soulié,
Obs. — P..., âgée de 18 ans, d'un tempérament lymphatjco-nerveux, d'une
constitution chétive, habite Paris depuis le 24 décembre 1859. Elle a été ré-
glée à 10 ans; à 14 ans ans elle a eu pour la première fois un rapport
sexuel qui a été suivi d'une grossesse. Elle est acccouchéc à huit mois d'un
garçon cpii a vécu neuf jours. La grossesse et l'accouchement n'ont rien pré-
203
sente (Je particulier. Pendant trois années cette jeune fille a vécu daaa la con-
tinence, puis elle s'est livrée au désordre. Dans le raoia de novembre 1859
elle est prise tout à coup, au moment de ses règles, de douleurs dans la ré-
gion hypogastrique. Ces douleurs, légères d'abord, allèrent peu à peu en aug-
mentant. M. Martin-Magron voit la malade le trois'ième jour ; elle est couchée
sur le dog, la figure anxieuse, le pouls fréquent, dur et petit. Nausées, envies
de vomir; le ventre est tendu, très-douloureux à la pression, dans la région
hypogastrique, surtout au niveau de la fosse iliaque gauche, la miction
est dilTicile, constipation, les règles sont arrêtées. Quinze sangsues loco do-
lenti^ cataplasmes, bains purgatifs, Après huit jours les douleurs ont dimi-
nue, l'exploration de l'abdomen est devenue plus facile; on sent comme un
empâtement dans la fosse iliaque gauche et dans le petit bassin ; la malade se
refuse à l'exploration vaginale (Frictions avec l'onguent napolitain, cata-
plasmes, bouillon).
Après quinze jours, les douleurs ont à peu près cessé, la malade se lève,
elle se plaint d'un sentiment de gêne dans le bas-ventre avec difficulté d'uri-
ner et d'aller à la garde-robe. En déprimant la paroi antérieure de l'abdo-
men au-dessus du pubis, on sent dans le petit bassin une tumeur molle,
grosse comme une orange ; le toucher vaginal fait reconnaître en arrière et
sur les côtés du col de l'utérus une saillie arrondie, dépresaible, évidem-
ment en rapport avec la tumeur signalée dans le petit bassin, ha malade se
rétablit peu à peu en conservant cependant une difficulté dans la miction
et la défécation. La tumeur n'a pas changé de volume. Dans le mois de juin
1860, la jeune flUe est prise de douleurs sourdes d'abord, puis très-aiguës,
ayant leur siège principal dans la cavité pelvienne et s'irradiant vers la fosse
iliaque droite. La fièvre est intense. Nouvelle application de sangsues, cata-
plasmes, frictions mercurielles.
Après huit jours les douleurs ont diminué, mais la lièvrg persiste, la santé
générale commence à s'altérer, perte d'appétit, envie presque continuellQ
d'uriner, La tumeur est à peu près la même qu'auparavant. Un jour, à la suite
de douleurs très-vives, les urines sont rendues troubles, noirâtres et exha-
lant une odeur des plus désagréables. Le surlendemain elles sont moins colo-
rées, et laissent déposer une matière qui, par l'agitation, se délaye dans le
vase sous forme de nuage. Une exploration attentive du petit bassin apprend
que la tumeur a disparu, du moins on ne distingue plus comme auparavant
sa forme et ses limites. Quelques jours après ce changement survenu dans les
urines, la malade rend par l'urètre un lambeau de tissu de 2 pouces de long
et d'une ligne et demie de large, puis elle s'aperçoit que des gax s'échappent
par le méat urinaire pendant la miction. Ce fait est bien constaté par les
assistants (1). A partir de ce moment, la jeune fille va de mal en pis, elle ne
(1) L'urine est sale et a l'odeur de matière fécale.
204
mange presque plus, la diarrhée est permanente, la maigreur est efifrayaute.
Le 24 septembre, la malade entre à l'hôpital de la Charité dans le service de
M. Malgaigne, suppléé par M. Depaul. A ce moment le ventre est déprimé,
pas douloureux, si ce n'est au-dessus du pubis où par la pression on déter-
mine ime sorte de gargouillement. La malade rend toujours des gaz en uri-
nant. Le toucher vaginal auquel elle se résigne diiricilement ne laisse sentir
aucune tumeur. On cherche a relever les forces par des toniques, on combat
la diarrhée par des lavements, etc., câlin P... meurt dans le marasme le phis
complet le 15 octobre; depuis quelques jours elle ne rendait plus de gaz en
urinant, et le bruit aérique qu'on entendait au-dessus du pubis avait dis-
paru.
L'autopsie est pratiquée par M. Soulié, interne de service, en présence de
MM. Martin-Magron et Gaéniot.
Au moment où on veut détacher la paroi antérieure de l'abdomen, on s'a-
perçoit qu'au niveau du petit bassin, elle a contracté des adhérences avec
une masse intestinale composée du cœcum, de l'S iliaque et d'une portion
d'intestin grêle. En opérant avec précaution, on trouve dans l'épaisseur
même de la paroi abdominale une cavité pouvant loger une noiselte, à fond
gris noirâtre et dont les connexions seront ultérieurement indiquées. En dé-
truisant avec soin les adhérences qui unissent les dilleienles portions d'intes-
tin signalés plus haut, on pénètre dans une poche qui occupe la plus grande
partie du petit bassin et se prolonge à gauche vers la fosse iliac[ue. Cette ca •
vite, pleine d'un liquide jaunâtre, ayant l'odeur de la matière fécale, est li-
mitée en avant et en haut par la masse intestinale dont il a été question, en
avant et en bas, par une portion de la face postérieure de la vessie, plus bas
encore par l'utérus et les ligaments larges (1) qui ont été refoulés vers le plan
cher du petit bassin, en arrière par le rectum, et sur les côtés par la portion
des parois latérales du pelvis, qui sont en arrière des ligaments larges. La
poche dont nous venons de limiter les contours présente trois ouvertures;
la première communique avec la cavité signalée dans la paroi abdominale, la
seconde débouche dans la vessie, la troisième dans la partie inférieure de
l'intestin grêle, à 2 pouces au-dessous du cœcum. L'ovaire gauche, réduit à
une bandelette de tissu libreux est remplie par un kyste sanguin gros
comme une noix ; la trompe de ce côté est dans l'état normal; l'ovaire droit
est comme réduit en bouillie, la trompe droite a l'épaisseur du petit doigt,
et présente à la face externe une excoriation large comme l'ongle, à bords
déchiquetés, la muqueuse est rouge, boursouflée, granuleuse. Les veines
du plexus ovari([ue ne sont point variqueuses; l'utéi us est sain. La vessie
présente sur sa paroi postérieure une saillie analogue à l'am[)oule de Watcr,
(!' Avec lu truiujjc cl l'uViuio du côté di'oit
205
au sommet de laquelle est un orifice qui conduit dans jhi poclic que nous
avons décrite. Le rectum est couvert dans toute son étendue d'ulcérations
analogues à celles qu'on rencontre dans la dyssenterie chronique. Quelques
brides ligamenteuses brillantes, établissent des adhérences entre le foie et
le diaphragme. Le cœur elles poumons sont sains.
L'époque de l'apparition des douleurs, la marche de la maladie, les faits
constatés à l'autopsie, nous portent à croire que dans le cas que nous venons
de rapporter, il y a eu hématocèle intra-péritonéale résultant d'une hémor-
rhagie ovarienne, puis six mois après, inflammation ulcérative de la poche,
et, par suite, communication de celle-ci avec les organes environnants.
3° POCHE HYDATIQUE EXPULSÉE DE L'UTÉRUS D'UNE FEMME DE 34 ANS ;
par le docteur Henri Jacquart.
Madame L..., âgée de 34 ans, d'un tempérament lymphatique, a eu quatre
enfants, dont le plus âgé a 12 ans. Elle a toujours été bien réglée. Tous ses
accouchements ont été réguliers et faciles, à l'exception du dernier que nous
avons terminé par le forceps. L'enfant qui se présentait par la tète est venu
mort, ce qu'on peut attribuer au retard apporté par la sage-femme à recou-
rir à notre intervention. Les règles sont revenues au bout de six semaines.
Ceci se passait quatre ans environ avant que cette dame n'expulsât le produit
dont nous avons à nous occuper aujourd'hui.
Les règles ont eu lieu huit jours avant, mais d'une manière insuiïisante.
Le 23 août 1860, la veille du jour où nous l'avons vue, elle ressent dans l'a-
prèS'dîner des tranchées utérines ; elle rend quelques portions de membra-
nes épaisses, lisses, transparentes, en un mot semblables à celles qui enve-
loppent les hydatides et des eaux rousses.
Appelé vers dix heures du soir, nous ne pouvons nous rendre auprès d'elle,
et pour calmer ses douleurs nous prescrivons 9 gouttes de laudanum de
Rousseau dans un quart de lavement. Les tranchées deviennent moins péni-
bles sans cesser complètement, et le soir, vers onze heures, est expulsée ia
poche de l'hydatide mère n'ayant pas moins de 5 à 6 centimètres de diamè-
tre, vidée qu'elle était d'une grande partie de son contenu, et ses parois étant
alTaissées. C'est cette poche que le lendemain notre savant collègue M. le
docteur Vulpian a bien voulu soumettre de notre part à votre examen,
n'ayant pu nous-mème assister à la séance. Notre estimable collègue M. le
docteur Davaine, si compétent en pareille matière, s'est chargé de l'exami-
ner, et a constaté que c'était bien une poche qui avait renfermé des hyda-
tides.
La malade nous a appris qu'il y a deux ans, elle a rendu en revenant d'une
course des produits semblables. Le lendemain, 25 août 1860, jour où seule-
ment nous la voyons, les tranchées ou douleurs utérines ont cessé. Le col
206
de l'utérus, eiilr'ouvert, permet l'introiluction du doigt indicateur jusqu'à la
moitié de la longueur de la première phalange. Le corps de la matrice est
un peu plus gros que dans l'état normal. 11 s'écoulait du vagin un liquide
presque transparent et en petite quantité. Quelques jours de repos suffirent
pour ramener la santé. Les règles revinrent à l'époque voulue, et, depuis,
cette dame a contiaué à se bien porter;
IV. — TÉRATOLOGIE.
OBSERVATION DE CRVPTORCHIDIE ; ABSENCE D'AMMALCIîLES DAXS LE SPERME DU
sujet; par M. E. Berchon, chirurgien de première classe île la marine, chef
de travaux anjitomiques de l'École de medeciùe uaValè de Rochefott.
Un voilier des constructions navales du port de Rocheforl entre à l'hôpilal
de la marine en février 1860 pour obtenir un bandage herniaire du côté
droit. M. Beau, deuxième chirurgien en chef, reconnaît l'absence des testi-
cules dans le scrotum, la présence du testicule droit dans le caual inguinal,
et m'invite à visiter le sujet.
D*" (Félix), âgé de 21 ans, né à la Rochelle (Charente-Inférieure), o?t de
petite taille; son embonpoint est médiocre, ses forces moins qu'ordinaires ;
il est blond, ses cheveux sont fins et lisses, il n'a pas de barbe au visage, à
l'exception de petites moustaches à poils rares et roides, qu'il semble soi-
gner d'Une manière particulière; le système pileux est du reste peu déve-
loppé sur le thorax et sur les ûiembres, il n'existe même qu'aux aisselles
et aux jambes j où se remarquent quelques poils claii'-semés et courts.
6a voix est peu toriej tirlarde; Il n'a jamais pU chanter ; sa mine est assez
éveillée, son teint coloré, et son intelligetice pai'âît ordinaire*
D"* est loquace et parait s'être beaucoup occupé de l'anotnalie qu'il pré-
sente dans le développement de ses organes génitaux.
Il dit n'avoir jamais eu de testicules dans le atrotum, et avoir caché so\\
état jusqu'à l'époque de son entrée à l'hôpital; il a eouvent éprouvé des
douleurs dans l'aine droite, principalement à la suite d'une fatigue prolongée,
mais il n'a jamais demandé d'exemption de service pour ce motif.
Il a réclamé pour la première fois les conseils d'un médecin vers le
commencement de février 18G0, et) comme il arriTO presque toujours en
pareille circonstance (M> un bandage herniaire a été conseillé ; mais son ap-
(I) Voyez Recherches sur les monorchides et les cryptorchides chèx
l'homme, par Ernest ttodard. Paris, 1856, ln-8, p. t2> €t Étudbs sCr La
monorchioie et la cRYPTORcniDiB casEZ l'homme, par ie docteur Ernest Godard.
Paris, Victor MassoB» 1857, in-8, p. 3'2.
207
plication a déleruiiiié des douleurs si iiilulérablci qu'il a iallu iiioiujdc-
nient reaoncel- à son emploi.
D*** ajoute qu'il a eu des érections assez fréquentes depuis l'Age de 15 ans,
et qu'il est porté aux relations sexuelles, qu'il dit 1-edlieïcher deux fois en-
viron par semaine. Le coït n'est pas douloureux.
L'examen de la région scrotale permet de reconnaître Ce qui sUit :
La saillie normale du scrotum manqué complètement, mais l'enveloppe
cutanée présente cependant, au niveau du bulbe urétral et vers la racine
de la verge, un état de corrUgation et de plissemefit marqués ; les tégu-
nicnts ont en cet endroit une teinte foncée brunâtre; le raphc médian est
distinct; une assez grande quantité de poils roux longs et roides se remar-
quent au-dessous et sur les côtés de la verge, dont la longueur est de
O^.OS dans l'état de repos.
Cet organe est atteint de phymosis congénial, à orifice très-rétréci ; sa
forme est assez régulièrement conique par suite du peu de développement,
ou plutôt de la configuration du gland.
Rien ne rappelle dans la région scrotale les éléments du cordon ou des
testicules.
Deux tumeurs s'observent, au contraire, dans les régions inguinales
droite et gauche.
Celle de droite, globuleuse, beaucoup plus volumineuse, surtout quand
on l'examine dans la station verticale du sujet et après une marche prolon-
gée, est déterminée par l'existence simultanée d'une hernie et du testicule
droit à l'entrée extérieure du canal inginal, dont l'orifice intérieur, tiès-
large, laisse facilement pénétrer le doigt dans l'abdomen.
Le testicule roule sous les doigts qui le pressent, et offre un volume in-
férieur à celui de l'état normal; l'épididyme est distinct de la glande et l'on
peut reconnaître sans peine les principaux éléments du cordon.
Ce testicule ne peut être enfoncé dans l'abdomen ou attiré vers les bourses,
bien qu'il jouisse cependant d'une assez grande mobilité en haut et en bas.
L'aine gauche est loin de présenter une pareille disposition ; la saillie
qu'on y remarque est peu développée, le canal et l'orifice inguinal ne per-
mettent point l'introduction du doigt, mais on constate par la pression der-
rière les parois abdominales l'existence d'un cori)s rénitent, qui doit être
vraisemblablement le testicule gauche; il n'y a point de hernie réelle de ce
côté.
D*^* nous fournit le 4 mars du sperme en assez notable quantité et
d'aspect peu distinct du sperme ordinaire. L'odeur est très-peu prononcée;
ou peut distinguer dans le verre qui le contient deux parties à peu près
égales, l'une formée par une masse plus opaque et plus dense qui ne tarde
pas à se dissoudre et à se confondre sous une teinte uniforme avec la
deuxième partie plus transparente et plus fluide.
■208
L'cxameu microscopique presque immédiat, prolongé dans de bonnes
conditions de lumière et répété avec comparaison aux préparations remar-
quables de Bourgogne, démontre l'absence complète d'animalcules dans
toutes les parties du liquide.
La masse opaque correspond à des amas de cellules épithéliales.
D*"' nous affirme avoir constaté lui-même, pendant une maladie qui exi-
geait ses soins, que son grand-père avait deux testicules normalement dé-
veloppés et descendus, mais il n'a pu nous fournir aucun renseignement
sur l'état des organes de la génération de son père.
FIN DES COMPTES RENDIS DES SEANCES.
MÉMOIRES
LUS
A LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
PENDANT L'ANNÉE 1860
► ■eiitSi.k; Si ' t
RAPPORT
SUE LA QUESTION SOUMISE A LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
PAR MM. POUCHET, PENNETIER, TINEL et DOYÈRE,
AU SDJET DE LA
REVIVISCENCE DES ANIMAUX DESSÉCHÉS,
lu à la Société de Biologie, le 17 et le 24 mars 1800,
PAR M. PAUL BROC A,
AU NOM d'une commission COMPOSÉE DE
MM. BALBIANl, BERTHELOT, BROWN-SÉQUARD, DARESTE, tiUILLEMIN, CH. ROBIS
et BROCA, rapporteur.
To be or not to be, that is the question.
(Hamlet.)
Une des plus graves et des plus hautes questions dont puissent s'oc-
cuper les biologistes, s'agite depuis plus d'une année dans la presse et
dans les académies. Deux observateurs également consciencieux,
deux expérimentateurs également habiles, MM. les professeurs Doyère
et Pouchet, ont renouvelé un débat qui avait déjà divisé les savants
du dernier siècle; conduits par leurs expériences contradictoires à des
conclusions diamétralement opposées, ils ont résolu d'un commun
accord, avec une bonne foi qui les honore, de soumettre leur diffé-
rend à l'appréciation d'une société savante.
C'est un grand honneur pour la Société de biologie d'avoir été prise
pour arbitre dans une discussion aussi importante. C'est en même
temps une grande responsabilité qu'elle a acceptée devant le monde
scieutifique, et vos commissaires, messieurs, se sont pénétrés des de-
voirs que cette situation leur imposait. Ils ont pensé que des expé-
riences assez délicates pour donner des résultats contradictoires entre
les mains de deux savants qui doivent à leur habileté expérimentale
une partie de leur célébrité, ne pouvaient être répétées avec trop de
circonspection. Avant d'agir par eux-mêmes, ils ont tenu à faire opérer
devant eux les deux adversaires; ils n'ont pas reculé devant les longs
délais qui devaient résulter de cette détermination; enfin, pour pro-
1
céder à leur tour aus^^i rigoureusement que possible, ils n'ont entre-
pris leurs propres expériences qu'après en avoir soumis le plan aux
parties intéressées. Sans négliger aucune des conditions que M. Doyère
juge indispensables, ils. ont accepté avec empressement les modifica-
tions demandées par M. Pouchet. et sûrs alors d'avoir fait tout ce qui
dépendait d'eux pour se tenir à l'abri des causes d'erreur, ils se sont
mis à l'œuvre en s'enlourant de précautions qui paraîtront peut-être
minutieuses, et qui, sans doute, ne sont pas toutes également utiles,
mais qui, du moins, ont eu l'avantage de leur donner plus de sécu-
rité.
Neuf mois se sont écoulés depuis que la commission est instituée,
et ceux qui ne connaissaient pas toutes les difficultés de notre tâche ont
pu, sans malveillance, se plaindre de nos lenteurs. Il était d'ailleurs
permis d'attendre avec quelque impatience la solution d'un problème
de physiologie qui avait donné lieu à des polémiques ardentes, et qui
avait eu le privilège d'exciter à un haut degré l'attention du public
scientifique. Nous tenons beaucoup, messieurs, à vous faire savoir
que nous n'avons rien négligé pour vous présenter notre rapport le
plus tôt possible. La commission ne s'est pas réunie moins de qua-
rante-deux fois en séances régulières, sans compter les travaux par-
tiels confiés fréquemmentà quelques-uns de ses membres. Les expérien-
ces de M. Doyère, commencées le 20 juin 1859, ont duré jusqu'au 4 juil-
let. Celles de M. Pouchet, commencées le 12 août, n'ont été terminées
que le 2 novembre. C'est depuis lors seulement que la commission a
travaillé seule ; l'une de ses expériences a duré plus de quatre-vingt-
dix jours, et en se présentant aujourd'hui devant vous elle est certaine
du moins d'avoir eu, à défaut d'autre mérite, celui du zèle et de l'ac-
tivité.
Nous ne terminerons pas ce préambule, messieurs, sans remercier
vivement M. le professeur Gavarret d'avoir mis libéralement à notre
disposition toutes les ressources du laboratoire de physique de la Fa-
culté de médecine. Ayant déjà par ses propres travaux pris position
dans le débat, il a voulu rester étranger à toutes nos opérations, il
n'y a môme pas assisté ; mais il a bien voulu nous autoriser ù nous
servir des appareils qu'il avait préparés lui-même, et dont la précision
ne laissait rien à désirer.
Notre rapport se composera de trois parties.
Dans la première partie, qui sera presque entièrement historique et
critique, nous décrirons sommairement le phénomène de la revivis-
cence, nous en ferons ressortir l'importance, nous exposerons les
diverses doctrines dont il a été le point de départ, et nous discute-
rons les bases des expériences propres à dissiper les incertitudes de
3
la science sur ce sujet, qui touche aux régions les plus élevées de la
biologie générale.
Dans la seconde partie, qui sera purement expérimentale, nous
vous soumettrons les résultats des expériences exécutées devant nous
par MM. DoyèreetPouchet, et de celles que nous avons ensuite exécu-
tées nous-mêmes.
Enfin, le rapporteur vous demandera la permission de vous pré-
senter dans une troisième partie quelques remarques sur la théorie
du phénomène de la reviviscence.
PREMIERE PARTIE.
§ I. — Exposé du sujet.
Nous ne nous proposons pas, messieurs, de vous présenter ici l'his-
toire complète de la question des reviviscences. Si nous devions
exposer, même en abrégé, les opinions de tous les savants qui s'en
sont occupés, résumer leurs expériences, examiner les conclusions
qu'ils en ont tirées, et peser leurs autorités contradictoires, nous se-
rions entraînés bien au delà des limites que la nature de notre travail
nous impose. La commission n'a pas été instituée pour étudier toutes
les propriétés des animaux dits ressuscitants, mais seulement pour
répondre à une question particulière qui est la suivante : Des animaux
complélemenl desséchés peuvent-ils être ranimés par Cliiimectation ?
Nous laisserons donc de côté tous les détails historiques ou expérimen-
taux qui ne se rattachent pas à cette question spéciale.
Les petits animaux qui possèdent la propriété de se ranimer au con-
tact de l'eau après avoir été privés par la dessiccation de toutes les
apparences de la vie, et qui ont été désignés depuis Spallanzani sous
le nom d"a/uwm«/a;re«u5a7ani5, appartiennent à un assez grand nombre
de genres et à un plus grand nombre d'espèces. Les plus célèbres sont
ceux qui constituent les trois groupes connus vulgairement sous les
noms de rotifùres, de iardigradcs et d'anguillides. Placés sur les con-
fins du monde microscopique, ils peuvent être aperçus à la loupe, et
quelquefois même à l'œil nu; toutefois, pour les étudier convena-
blement il faut recourir à des grossissements de 30 à 100 diamè-
tres. D'autres animaux beaucoup plus petits, appartenant à la caté-
gorie si mal limitée des infusoires, partagent avec les précédents la
propriété de reviviscence. Il est probable enfin que cette propriété
appartient encore à quelques animaux beaucoup plus grands, et par-
4
fiitement visibles à l'œil nu. Mais nous avons dû concentrer presque
exclusivement notre attention sur les rolifèrcs, les tardig rades et les
anguiUules, parce que le débat soumis à la Société roule principale-
ment sur la reviviscence de ces animaux.
Le sable qui se dépose dans les gouttières ou sur les toitures en
tuile, et la matière terreuse sur laquelle croissent les mousses des toits,
des ruines et des rochers, recèlent presque toujours une ou plusieurs
espèces d'animaux réviviscibles. Le nombre, la nature et les propriétés
de ces êtres singuliers, varient beaucoup suivant la situation et l'ex-
position du lieu où ils résident. On trouve même quelquefois de no-
tables différences entre les deux versants d'une même toiture. Les
animaux sont en général plus abondants sur le versant le moins ex-
posé au soleil, mais en revanche ceux qui vivent sur le versant opposé
résistent mieux aux températures élevées et à la dessiccation artifi-
cielle. Leur merveilleuse organisation brave impunément les varia-
lions excessives de chaleur et d'humidité qui se manifestent naturel-
lement dans le milieu où ils vivent; ils peuvent rester longtemps dans
l'eau, s'y nourrir, s'y reproduire. Le séjour dans la terre humide dimmue
leur activité sans la détruire, et ils en conservent assez pour pouvoir
grimper sur la tige des mousses à l'ombre desquelles ils sont nés; de
telle sorte que, suivant la quantité d'eau qui leur est accordée, ils
vivent tantôt comme des infusoires, tantôt comme des vers de terre.
Mais ces aptitudes diverses, déjà si remarquables, ne suflTiraient pas
pour maintenir leurs espèces, s'ils ne jouissaieiitd'une autre propriété
plus remarquable encore, qui leur permet de franchir impunément
les plus longues périodes de sécheresse. Lorsque l'eau vient à leur
manquer, ils se rétractent, s'amincissent, se racornissent, se momifient
en quelque sorte, se confondant avec la poussière voisine, et pouvant,
comme elle, être emportés par le vent; ils peuvent rester plusieurs
mois, plusieurs années, dans cet état semblable à la mort, et qui,
pour les animaux ordinaires, serait une mort définitive. Mais ils n'ont
pas pour cela perdu leur droit à la vie, et lorsqu'on verse de l'eau sur
ces corps depuis si longtemps inertes, on voit, chose à peine croyable,
toutes les manifestations de la vie y apparaître de nouveau. Les or-
ganes se déploient, les formes se rétablissent, des contractions par-
tielles, puis des mouvements d'ensemble ne tardent pas à se montrer;
enfin, au bout d'un temps (jui varie depuis quelques minutes jusqu'à
plusieurs jours, ces êtres qui, placés dans un milieu constamment
favorable, auraient pu de[)uis longtemps périr sans retour, recommen-
cent comme une aulie vie, ou plutôt reprennent leur vie antérieure
au point où la dessiccation l'avait suspendue, jusqu'à ce qu'une uou-
vfîlle période de sécheresse vienne l'interrompre encore une fois.
5
Tels sont, en dehors des conditions artilicielles créées par les expé-
rimentateurs, les phénomènes qui se passent tous les jours dans la
nature. Chaque alternative de pluie et de sécheresse ranime ou des-
sèche sur nos toits des milliards d'animalcules; et de quelque manière
qu'on interprète ces faits étranges, on est bien obligé de reconnaître
qu'ils forment un contraste frappant avec ceux qu'on observe chez les
autres animaux. Partout ailleurs la vie animale se manifeste à nous
comme un acte continu; l'activité de certains tissus et de certains or-
ganes persiste pendant l'hibernation comme pendant la léthargie ou
l'asphyxie. S'uls, les animaux qui survivent à la congélation complète
sont comparables àceux qui peuvent vivre encore après avoir été des-
séchés, car toutes les fonctions de la vie sont bien positivement sus-
pendues chez les uns comme chez les autres. Mais les premiers conser-
vent du moins dans leurs tissus les proportions respectives d'eau et d'é-
léments organiques qui constituent leur structure normale ; toutes leurs
parties ont gardé leur forme, leur volume et leurs rapports. Le dégel
remet donc tout à coup leurs organes dans les conditions matérielles
où ils étaient avant la congélation, et, là où l'état anatomique est in-
altéré, le retour des fonctions ne parait pas un prodige. L'animal des-
séché, au contraire, a perdu, en même temps que les manifestations
de la vie, la forme, la disposition, le volume, et jusqu'à la constitution
moléculaire de ses organes. La plus grande partie de l'eau imbibée
dans ses tissus s'est évaporée, et ceux-ci, avant de retrouver leur sou-
plesse, avant de reprendre leurs fonctions, doivent d'abord recouvrer
leur structure. C'est là ce qui donne un caractère tout exceptionnel à
la reviviscence de l'animal desséché, quel que soit d'ailleurs le degré
plus ou moins avancé de dessiccation auquel il ait été soumis. Ce re-
tour de l'activité vitale dans un corps qui paraissait réduit à l'état de
momie est un phénomène tellement insolite, tellement peu coDforrae
en apparence aux lois ordinaires de la vie animale, que les physio-
logistes, appelés à en chercher l'explication, ont dû éprouver plus
d'embarras encore que de surprise.
§ IL — HISTOIRE DE LA DÉCOUVERTE DES AMMAUX RÉVIVISCENTS.
Les rotifères et leur merveilleuse propriété de reviviscence furent
découverts le 2 septembre 1701 par Leeuweuhoek (1). Comme plu-
(1) Ant. a Leeuwenhoek, Continxiatio arcanobum nature. Lugd. Batav.^
1719, in-4, epist. 144, ad Henr. Bieysvicium, p. 384 et sqs. La lettre est datée
Ju 8 février 1702.
6
sieurs autres découvertes précieuses du même auteur, celle-là fut ac-
cueillie avec indifférence et promptement oubliée, soit qu'on n'en eût
pas compris la portée, soit qu'on l'eût jugée trop extravagante pour
mériter d'être vérifiée, soit enfin que l'imperfection des instruments
d'optique n'eût pas permis aux autres observateurs de retrouver l'ani-
mal singulier décrit et figuré par l'illustre micrographe. Le fait de la
reviviscence put donc paraître nouveau lorsque Needham, en 1743,
découvrit à son tour, dans le blé niellé, des myriades d'anguillules
réviviscibles (1). La même année, Henry Baker rappela l'attention
des observateurs sur les animaux à roues découverts par Leeuwen-
hoek ; mais, quoiqu'il les eût observés lui-même (2), il se borna à
reproduire sans commentaires la description du micrographe hollan-
dais(3). Il prévoyait sans doute qu'il n'était pas sans danger de creuser
un pareil sujet, car l'année suivante, dans sa longue lettre au prési-
dent de la Société royale de Londres, il décrivit dans les plus grands
détails la structure et les mouvements des rotifères, et glissa légère-
ment sur le phénomène de la reviviscence, dont il ne fit pas même
ressortir la singularité (4). Ce fut seulement dix ans plus tard, qu'ayant
enfin trouvé une explication rassurante, il se permit de traiter la ques-
tion avec quelques développements.
Moins prudent que lui, Needham avait annoncé du premier coup
que les petits vers desséchés du blé gâté par la nielle, prenaient vie
(took life) au contact de l'eau. Cette expression peut-être ne rendait
pas exactement sa pensée ; nous ferons bientôt voir qu'il n'était pas
aussi radical que le crurent ses ennemis. Mais il avait froissé les idées
de tout le monde, et il ne tarda pas à s'en apercevoir. Poursuivi par
les analhènies des uns, par les sarcasmes des autres, considéré tantôt
comme un novateur impie, tantôt comme un visionnaire absurde, le
1) Tarbcrvill Needham, a Letter concerning Chalky Tabulons Concrétions ^
with some Micrnscopical Observations on the Farina of the Red Lily, and on
Worms discovered in Smutty Corn. Cette lettre, datée du 11 août 17 i3, fut lue
à la Société roj'ale de Londres, le 22 décembre, et publiée dans riiiLosoPU.
TiiANSACTioNs, vol. XLII, 1743, art. 10, p. 034-611. Le passage relatif aux an-
t^iiilliiles forme le dernier alini'a du volume.
P) H. Baker, Essai sur l'uisï. nat. du polype insecte, trad. franr. Paris,
174i, in-12, p. 35-30. L'édit. anglaise est de Londres, 1743.
(3) II. Baker, Tue Mk.kosc.opk made easy. Lond., 1743, iii-S, p. IVi.
(4) A letter to Martin Folkes, on the Wheeler or Wheel Animal. Cette lettre
est datée du 16 janvier 1744 ; elle a été reproduite textuellemeut dans l'ou-
Traçc de l'auteur, intitulé : EMployment for the Michoscope. Lonl., 17J3,
jn-8. 2' édit., 1764, iu-S, p, 207 a 292.
7
malheureux Needham ne réussit même pas à se réhabiliter en sacri-
fiant plusieurs fois ses idées aux exigences variables de l'époque.
Ceux-là même qui avaient de leurs propres yeux vérifié l'exactitude
de sa découverte, se refusèrt^nt à en accepter les conséquences. L'his-
toire des rôti fores fut de nouveau mise au nombre des fables. Quant
aux anguiilules de la nielle, on prétendit que ce n'étaient pas des
animaux, mais seulement des filaments animés, des fibres mouvantes,
des étuis pleins de globules mobiles, ou même de simples tubes de
nature végétale, mis en oscillation par l'imbibition de l'eau (1). Puis,
lorsque l'animalité de ces êtres eut été démontrée, on soutint qu'ils
ne différaient pas des infusoires ordinaires, qu'ils se formaient pen-
dant l'expérience soit par génération spontanée, soit par l'éclosion
de germes préexistants (2). Pour émettre une pareille assertion, il fal-
lait avant tout n'avoir jamais observé les animalcules de la nielle;
mais tant d'efforts d'imagination, tant d'interprétations étranges, tant
d'objections systématiques empruntées à la théologie, à la philosophie
ou à la science méritaient d'être rappelés ici, comme une preuve
évidente que le fait pur et simple de la reviviscence, de la reviviscence
naturelle, qui se manifeste chez les animaux desséchés spontanément
à l'air libre, bouleversait toutes les idées qu'on avait admises jusqu'a-
lors sur la nature de la vie animale.
Spallanzani, à la suite de ses premières observations (1767), s'était
d'abord rangé parmi ceux qui niaient l'animalité des anguiilules.
« Ce ne sont vraiment, avait-il dit, que des filets allongés mis en mou-
avement par le fluide qui les pénètre (5).» L'autorité de ce savant
(1) Croirait-on que tout récemment M. Diesinga encore mis en cloute l'ani-
malité des anguiilules? (P/i«Mome/!on.rech'us forsan motumoleculari explican-
dum), dans Systema helmuntologi^e, t. Il, p. 132, 1851. Cité par M. Davaine
dans son mémoire sur les anguiilules du blé niellé (Mém. de la Soc. de bio-
logie, 1856, t. m, p. 210,2-= série).
(2) C'est surtout pour les animaux dont l'animalité n'a jamais pu êti e niée
qu'on a imaginé cette fin de non-recevoir. Nous n'entreprendrons pas d'ex-
pliquer comment, jusque dans notre siècle, des hommes de la valeur de
Bory de Saint- YinceiU et d'Ehrenberg ont pu croire que la reviviscence des
rotifères est une pure illusion, et que ceux de ces animaux qui se raniment
sous l'œil de l'observateur sont tout simplement des nouveau-nés éclos pen-
dant l'expérience.
(3) Spallanzani, Saggio di osservazioni microscopiche, concernenti il sis-
TKMA DELLA GENERAZiONE. Modèue, 1767, Ifi-S, 1 vol. Traductiou trançaisc
par l'abbé Hegley, avec d^s notes de Needham, sous le titre de Nouvelles
RECHERCHES SCR LES DÉCOUVERTES MICROSCOPIQUES ET SUR LA GÉNÉRATION
DES CORPS ORGANISÉS. Loiidrcs et Paris, 1769, in-8, t. I ch. 2, p. 25.
8
avait lait faire à Needham un dernier pas en arrière, et celui-ci avait
lini par déclarer humblement que « certains filets ou fibres allongées
« en forme d'anguilles, qui se trouvent dans le blé niellé, sont une
« sorte dôlrc purement vital, qui ne donne aucune marque de spoQ-
« tanéilé dans ses mouvements (1). » Mais pendant que Needham dé-
guisait ainsi sa capitulation sous un jeu de mots aussi infjénieux
qu'obscur, la question entrait tout à coup dans une période nou-
velle. Fontana et Rolfredi étudiaient le mode de reproduction des an-
guillules. Fontana (1771) assistait aux principales phases de l'évolu-
tion de ces animaux, à la formation de la galle où cette évolution
s'opère, où les adultes mâles fécondent leurs femelles, où celles-ci
pondent leurs œufs innombrables, et où les jeunes, incomparahle-
ment plus petits que leurs parents, éclosent presque aussitôt. RofTredi
(177S) arrivait à des résultats plus précis et plus complets, décrivait
Don-seulement le développement des anguillules, mais encore leur
migration dans la terre et leur ascension dans la tige du blé (2). Ces
11) Note 7 du ch. 2 de l'ouvrage cité dans la note précédente, t. I, p. 162.
(2) Fontana avait publié en 1765, dans la première édition italienne de se3
recherches sur le venin de la vipère , quelques observations sur la revivis-
cence des anguillules du blé niellé; mais il ne paraît s'être occupe que six
ans plus tard de l'origine de ces animaux. Le précis de ses expériences sur
la propagation et la sexualité des anguillules parut, en 1771, dans les No-
VELLE LETTERARiE Di FiRENZA, supplemeuto al n°XXX,p. 815 (27 juillet 1771).
Les expériences de Rofl'redi, commencées à la même époque (Jouunal db
PHYSIQUE de Rozier, 1776, t. VII, p. 37S, in-4) ne furent publiées qu'en jan-
vier 1775 (Journal de physique de Rozier, 1775, t. V, p. 1). Fontana crut de-
voir établir ses droits de priorité, et pour cela, sans luire aucune allusion
au mi'moire de Roffredi, il se borna à réimprimer, sous forme de lettre, le
résumé qui avait déjà paru en 1771. Celte lettre parut à Rome, en 1775, dans
I'Antologie, et fut reproduite en janvier 1776, dans le Journal de physique
de Rozier (t. VII, p. 43). Roffredi accueillit fort mal cette réclamation indi-
recte. Il accusa amèrement son rival d'avoir modilié le texte de 1771. C'était
Trai; mais les changements étaient iusigniliants et ne se rapportaient pas à
la question des anguillules. Ou connaissait alors fort peu les maladies du
grain. Ce qui était la nielle pour les uns, s'appelait pour les autres la rouille, la
volpe, Vergot, le faux ergot, leblé charbonné, le blé avorté, le blérachitique, le
blé cor/m, etc., et, la confusion des mots enlniînant la confusion des idées, on
avait cru (jue les grains à anguillides étaient les mêmes (pie ceux qui pro-
duisaient les épidémies d'ergolisnie. Fontana, qui avait d'abord partagé cette
erreur, ne tarda pas à s'en défaire, et, dans la réimpression do 1776, il sup-
prima ou atténua ce qui était relatif aux propriétés vénéneuses des grains à
anguillidcs. DeFavcu mémo de RolTredi (Journ. de piiys., 1776, p. 376-377), les
changements ne portaient que sur ce point, mais il insinua que Fontana, ayant
9
deux savants, sans doute, étaient loin d'avoir épuisé le sujet; ils
avaient commis plusieurs méprises, négligé plus d'un fait important,
et il était réservé à notre collègue, M. Davaine, de corriger et de com-
pléter leur œuvre (1). Mais ils avaient du moins démontré, d'une ma-
pavlû du blé ergoté, qui ne renferme pas d'anguilliiles, avait imaginé tout ce
qu"il avait dit sur ces animaux, et qu'il avait obscurci à dessein les passages
relatifs à la question d'empoisonnement, parce que «des observations qui,
« faites sur un individu devraient être réputées chimériques, peuvent être
« tenues pour réelles si on les rapporte à un autre. » (P. 377.) Fontana dé-
daigna de répondre à cette attaipie déloyale, et il eut tort, car la plupart des
auteurs l'ont dépouillé de ses tlécouvertes pour en faire honneur à RofTredi,
et plusieurs même sont allés jusqu'à l'accuser de plagiat. Si ces auteurs
avaient lu avec attention la lettre de Fontana, ils y auraient vu deu.x. choses
que les travaux de M. Davaine ont récemment confirmées, et qui sont les deux
points capitaux de l'histoire des anguillules. 1° Les grains à anguillules ne
sont pas des grains véritables, mais des galles ou coques, dont la formation
est provoquée par la présence des anguillules (Journ. de phys., t. VII, p. 44-
45). Cette opinion, qui est exacte, est rejetée par HofTredi (p. 370), qui per-
siste à considérer les grains nielles comme des grains avortes (p. 371 et 379).
2" Les anguillules sont des animaux à sexes sépares, et les mâles adultes
difTèrent beaucoup des femelles (p. 46). La découverte de ce fait appartient
à Fontana. RofTredi prétendit, il est vrai, en 1776 (p. 382), qu'il avait annoncé
ce fait dans une note de la page 13 de son mémoire de 1775. Or voilà tout ce
qu'on lit dans celte note : « La lig. 2 exigerait une description détaillée sur la
« structure, l'intérieur, et peut-être le sexe de cette anguille parvenue à son
« dernier terme d'accroissement. Mais n'ayant pas encore étudié à fond l'an-
<( guille dans ce dernier période,... je dois attendre, pour donner ces détails
« qui peuvent être intéressants, que le retour de la saison convenable m'ait
« permis de faire les observations nécessaires. » (Loc. cit., t. V, p. 13.) Telle est
la note où il prétendit, l'année suivante, « avoir fait sentir qu'il avait des ob-
« servations propres à faire juger que les anguilles d'une moindre grosseur
«qu'on rencontre dans le blé avorté, mêlées avec les grosses anguilles
« mères, étaieiit les mâles de l'espèce. » (T. VII, p. 382). Il oubliait que dans
un autie mémoire, publié en mars 1775, deux mois après l'impression de
cette fameuse note de la page 13, il avait déclaré formellement que les an-
guillules de la colle étaient seules pourvues de sexes, et qu'il n'avait pu dis-
tinguer la sexualité sur aucune autre espèce d'anguillules. {Loc. cit, t. V,
p. 215.) C'est donc à Fontana que revient la découverte de la sexualité des
anguillules et de la nature de la galle qui contient le grain niellé, et ce sont
là certainement les deux points les plus importants de leur histoire.
(1) Davaine, Mémoire sur les anguillules du blé niellé, dans Mém. de la soc.
DE BIOLOGIE, 1856, t. III, p. 201 271. C'est la monographie la plus complète
et la plus exacte que la science possède sur ce sujet.
10
nière irréfutable, que les anguillules de la nielle sont de véritables
animaux, et la physiologie dès lors était définitivement mise en de-
meure de se prononcer sur la nature du phénomène de la revi-
viscence.
Spallanzani, qui avait reculé d'abord devant la difficulté, osa cette
fois l'aborder courageusement de front. Il ne s'agissait plus mainte-
nant d'établir que les êtres réviviscents étaient des animaux : c'était
déjà incontestable; mais il s'agissait de savoir jusqu'à quel point le
phénomène de la reviviscence s'écartait des lois ordinaires de la vie,
et, pour résoudre cette grave question, il fallait recourir à des expé-
riences variées. Spallanzani ne se borna donc pas, comme on l'avait
fait jusqu'alors, à placer les animaux dans les conditions où ils se
raniment naturellement. Il créa pour eu^des conditions artificielles,
il les soumit à l'action du vide, à celle des températures élevées et des
mélanges réfrigérants; il les exposa au contact de diverses vapeurs
et de divers liquides. Ce ne furent pas seulement les anguilnUes de la
nielle qui furent l'objet de ces remarquables expériences. Spallanzani
avait retrouvé dans le sable des gouttières les rotifères décrits par
Leeuwenhoek et presque entièrement oubliés depuis trois quarts de
siècle (1); en outre, il avait découvert dans ce même sable deux au-
tres espèces inconnues avant lui, les tardigrades et les anguillules des
(1) Nous avons déjà dit que Baker, en 1743 et 1744, avait constaté la revi-
viscence des rotitères des toits. Après lui, plusieurs naturalistes microgra-
phes étudièrent et décrivirent plusieurs espèces d'animaux à roues, mais
aucun d'eux pendant longtemps ne put réussir à ranimer ces animaux après
les avoir desséchf's. 11 est permis d'en conclure qu'ils avaient observé des
espèces diti'érentes de celles que Lecuwenhoek avait étudiées. UofTredi, en
1775, réussit à ranimer quelques rotifères desséchés (Voy. Journ. de phys.,
de l'abbé Hozier, mars 1775, t. V, p. 220. Paris, 1775, in-4). Mais il ne prit
probablement (jue les rotifères des eaux bourbeuses, car il parle de la boue
dans laiiuelle ils s'étaient desséchés. On comprend ainsi qu'il n'en ait pu ra-
nimer que 5 sur 109. 11 ajoute d'ailleurs, p. 122, que les anguillules du blé
niellé constituent un exemple jusqu'à présent unique dans son genre, en ce
sens que leur reviviscence n'est pas seulement un événement possible,
comme celle des rotifères, mais que cet événement est dans l'ordre même
de la nature. 11 n'avait donc pas étudié les rotifères des toits dont la revivis-
cence est tout aussi bien dans l'ordre de la nature que celle des anguillules,
imiscpie leurs habitudes les exposent naturellemeiU a subir toutes les alter-
natives d'humidité et de sécheresse, et ipi'ils ne pourraient s'y mainteiiir
sans leur propriété de reviviscence. Spallanzani est donc le premier qui, de-
puis Baker, ait retrouvé les rotifères des toits.
11
tuiles, qui partagent avec les rotifères la propriété de se ranimer
au contact de l'eau. Il avait donc étudié le phénomène de la revi-
viscence sur quatre espèces différentes, et la question avait ainsi ac-
quis un caractère do généralité qui en n'haussait singulièrement l'im-
portance. Son mémoire sur les animaux que l'observateur peut à son
gré faire passer de la mort à la vie, publié à Modène en 1776 (I), et
presque aussitôt traduit en français, mit décidément la physiologie
aux prises avec tout un ordre de faits jusque-là dédaignés par elle ou
écartés comme des exceptions trop rares ou trop étranges pour mé-
riter d'être prises en considération. Bientôt le cercle des reviviscences
s'agrandit davantage encore. Dans la préface de sa traduction de
Spallanzani, Sennebier ajoutalesî;o/uo.ïàlaliste des animaux révivis-
cibles (2). PuisFontana, après avoir parlé des rotifères, annonça qu'il
avait trouvé soit sur les toits, soit dans la terre, soit dans l'eau, qxian-
tité (Caiitres petits animaux susceptibles d'être ranimés par l'humec-
tation après avoir été desséchés (5). Il décrivit même, sous le nom de
seta equina, un grand animal filiforme (gordius), long de plusieurs
centimètres qui, par la dessiccation, devient semblable « à une paille
éciasée et aride, » et qui, plongé dans l'eau, reprend en moins d'une
demi-heure sa forme, son volume, son poids et son activité (i).
Enfin, les observateurs plus modernes ont reconnu que les rotifères
ne forment pas une seule espèce, mais une famille composée d'un
assez grand nombre d'espèces, dont plusieurs sont réviviscentes,
et, en examinant de plus près les animaux désignés depuis Spallan-
zani, sous le nom de tardigrades, ils ont reconnu encore que c'était
un groupe assez nombreux comprenant plusieurs genres très-distincts,
entre autres les macrobiotes, qui coriespondent aux tardigrades de
Spallanzani, et les émydiums, dont la forme rappelle assez bien celle
d'une tortue microscopique.
(1) Spallanzani, Opuscoli di fisioa animale e vegetabile. Modena, 1776,
in-8. Opnscolo iv : Osseriazioni e sperienzc intorno ad alcuni prodigiosi ani-
mali, ch' è in balia delV osservatore ilfarli tornare da morte a vita, vol. II,
p. 181-'253.
(2) Sennebier, trad. fr. des Opuscules de physique de Spallanzani. Genève,
1777, iu-b. Introd., p. xxxviii.
(3) Fontana, Tuaité sur le veni.n de la vipère, etc., Florence, 1781, in-4,
t. I,p.92.
(4) Loc. cit., p. 91.
12
^ III. — IMPORTANCE DE LA QUESTION DES REVIVISCENCES.
La propriété de reviviscence n'est donc plus, comme on avait pu
le croire dans l'origine, l'apanage exclusif d'un animal merveilleux;
elle esl le partage d'un grand nombre d'espèces douéi'S pour la plu-
part d'une organisation ttès-complexe; et comme ces espèces diffè-
rent énormément les unes des autres, comme en outre plusieurs
d'entre elles sont extrêmement semblables à d'autres espèces non révi-
viscibles, comme enfin les animaux réviviscents examinés en état
d'activité ne se distinguent des animaux ordinaires par aucun carac-
tère anatomique, physiologique ou zoologique, on est forcé de recon-
naître que leur singulière propiiété échappe à toute explication par-
tielle, qu'elle sort du domaine de l'histoire naturelle pour entrer dans
celui de la biologie la plus générale et la plus élevée, et qu'elle sou-
lève le plus ardu des problèmes relatifs à l'éternelle question des rap-
ports de la vie avec la matière.
Ainsi s'expliquent, messieurs, les longues hésitations de la science,
la vivacité des controverses qui se sont élevées parmi les observa-
teurs, et l'agitation toute récente provoquée par le débat qui vous a
été soumis. Depuis l'antiquité jusqu'à l'époque actuelle deux doctrines
rivales, qui portent aujourd'hui les noms de vitalisme ci d'oi^gcmicisine,
se sont inégalement partagé les suffrages des savants. Les uns, cl ce sont
les plus nombreux, ont considéré la vie comme un principe d'action
qui anime la matière et met en jeu les oiganes. Pour les autres, la vie
n'est que le résultat de l'organisation, que la manifestation des pro-
priétés de la matière organisée. S'il était vrai qu'un corps complè-
tement desséché, qu'un cadavre entièrement privé de vie put acquérir
en s'hydratant la propriété de fonctionner, de se mouvoir, de res-
pirer, de se nourrir, de se reproduire, pour la perdi'e de nouveau,
et la reprendre encore plusieurs fois au gré de l'expérimentateur;— s'il
était prouvé que la reviviscence fût une véritable résurrection, que
l'eau, agent inerte, et l'imbibition, phénomène purement physique,
eussent le pouvoir de ranimer une momie; — s'il suffisait en un mot
de rétablir l'intégrité de l'organisation pour rendre à la matière une
activité et une spontanéité naguère anéanties, alors, il faut bien
l'avouer, c'en serait fait du principe viial, et on pourrait adopter cette
définition célèbre : la vie, c'est l'organisation en action, felle est,
pour l'œil le moins attentif, la conséquence qui se dresse inévilable-
ment derrière la question des reviviscences. Si un animal tout à fait
mort peut revivre encore, le vilalisme est vaincu; si, au contraire, il
est démontré, s'il est seulement rendu probable ou possible que cel
13
animal, au milieu des apparences de la mort, conserve pourtant un
état organique compatible avec la continuation d'une vie amoindrie,
les organicistes sont privés de leur argument le plus fort, le plus direct
et le plus saisissant.
Vos commissaires, chargés par vous de constater des faits et non
de juger les doctrines, éviteront, messieurs, de se prononcer sur ces
questions générales. Ils n'ont pas dû vous dissimuler la gravité d'un
débat qui touche à de pareils sujets, mais ils vous prieront de remar-
quer en même temps qu'on en a singulièrement exagéré la portée. A
la faveur d'une confusion de langage qui a déjà bien des fois entravé
la marche de la philosophie et de la physiologie, on a pu croire que
les destinées du vitalisme étaient inséparables de celles du spiritua-
lisme, et que la négation du principe vital conduisait inévitablement à
la négation de l'àme. C'était une conclusion logique pour ceux qui,
professant la doctrine de l'animisme, accordaient une âme à tous les
êtres vivants, et faisaient jouer à cette âme le rôle que les vitalistes
assignent au principe vital. Aujourd'hui laquestion a changé de face:
le spiritualisme moderne n'admet l'âme que dans le genre humain,
et repousse toute similitude entre ce principe immatériel et la cause
quelconque, dynamique ou physique, qui régit la vie de tous les êtres.
On peut donc nier le principe vital sans nier l'àme, comme on peut
nier celle-ci sans rejeter celui-là, et nous ne saurions trop regretter
qu'au dernier siècle comme de nos jours laquestion des reviviscences,
déjà si grave en elle-même, ait été aggravée encore par l'ombrageuse
susceptibilité d'une certaine fiactiondel'écolespiritualiste, malentendu
déploiable qui, en effrayant les uns, en ôlant aux autres la liberté de
leur jugement, a créé à la science des obstacles toujours renaissants.
Needham, accusé d'impiété, put se croire obligé de modifier plusieurs
fois ses idées sur la reviviscence, et de concession en concession, finit
par dénaturer entièrement le fait qu'il avait découvert. Fontana, plus
ferme en ses opinions, ne les rétracta jamais, mais la prudence l'em-
pêcha de publier son traité de la vie et de la mort apparente des
AMMAUxi^l). a II craint d'être excommunié, dit Dupaty : tout le pou-
(t) Fontana a exprimé très-nettement sa pensée dans plusieurs passages
de son Traité sur le venin de la vipère, etc. Florence, in-4, tome 1,
p. 90 94 et 325. G"est à la page 92 de ce volume qu'il a annoncé la publication
prochaine de son traité de la vie et de la mort des animaux, mais il n'a
jamais publié cet ouvrage. « Il se proposait encore, dit Desgeneltes, de donner
« un traité sur la résurrection des animaux, et il en parlait avec complai-
« sance. Ce titre avait singulièrement alarmé beaucoup d'esprits quoiqu'il
« ne fût question que de la résurrection du rotifère et de quelques anguillules
14
voir du graiul-duc ne le sauverait pas (1). » Baker ne se permit de
disserter sur la reviviscence qu'après avoir mis ses idées en harmonie
avec celles de l'évêque de Durliaiii (2) et IlofTredi, au moment de con-
clure, se réfugia dans une léticence (3). Tout récemment enlin, quel-
ques hommes sincères croyant leur dogme menacé, ont crié au
matérialisme comme si l'homme était au nombre des animaux dits
ressuscitants. Disons donc bien haut que la grande controverse du spi-
ritualisme et du matérialismeestentièrement étrangère au débat actuel,
et, sûrs désormais d'être à l'abri de toute pression extérieure, exposons
sans craindre de scandaliser personne, les diverses théories qui ont été
invoquées pour expliquer le phénomène de la reviviscence naturelle.
§ IV. — EXPOSÉ DES THÉORIES. THÉORIE DE LA VIE LATENTE.
Citons d'abord, pour mémoire, l'opinion de ceux qui, faute d'avoir
su ou voulu observer par eux-mêmes, ont simplement nié le phé-
nomène qui nous occupe. Les uns ayant examiné le blé ergoté au lieu
du blé n/e//e, ont déclaré que l'existence même des anguillules était
fabuleuse. Les autres, ayant cru que les anguillules de la nielle
étaient la même chose que les anguillules de la colle, et ayant vu que
la dessiccation tuait à jamais ces dernières, ont été conduits à nier la
reviviscence de toutes les anguillules. D'autres, supposant qu'il n'y
avait qu'une seule espèce de rotifères (-4), ont étudié les rotifères des
« microscopiqnes qu'il croyail avoir observée dans lesei;rlc ergoté- Le rigo-
« risme de Fontana, au temps du concile toscan, u'avuit point assez rassuré
« les fidèles contre les conclusions qu'il avait parrojs tirées del'obseivatiop
« de la nature. Il est fâcheux pour les sciences d'avoir été privées de
« cet ouvrage, mais il a été probablement liem-eux pour Fontana qu'il ne
« l'ait point publié, car les hommes qui veulent éclairer les antres sont trop
« souvent condamnés au sacrKice de leur repos. » Biogbaphie du dict. de
se. MÉD., art. Fontana, in-8, tome IV, p. ISG. Paris, I6'2I.
(1) 13upaty, Lettres sur l'Italie, 179G, in-lî2, t. I,p. 112. M. Poufliet a égale-
ment reproduit ce passage de Dnpaty.
(1) Emplovment for THE Micuoscopiî, etc. 2' édit. Londres, 176'i, in-8, part. I,
cliap. IV, p. '256, 257. (La 1" édition est de 1753.)
(3) 0 Je ne m'arrêterai pas ici à faire dos comparaisons, à proposer des ré-
« flexions, car tout homme qui pense aime mieux tirer ces réllt>xi()ns de son
« propre fonds. » Uoffredi, dans le journal ve piiysiquk de l'abbé Hozier,
t. V, p. 222.
(4) Il y a réellement plusieurs espèces de rotifères, mais les recherches
récentes de M. Balbiani tendent à établir un fait déjà soupçonné par Spal-
eaux, qui ne peuvent se dessécher sans mourir définitivement (I), et
ont dès lors rejeté les observations faites par Leeuwenhoek sur les
rotifères des toits. D'autres enfin ont soutenu jusque dans notre siècle
que les œufs seuls pouvaient résister à la dessiccation, et que par con-
séquent la prétendue reviviscence n'était autre chose que l'éclosion des
œufs contenus dans le sable.
Ces diverses assertions, émises par des hommes qui n'avaient évi-
demment pas observé le phénomène, peuvent être écartées sans dis-
cussion. Après cette élimination sommaire, nous nous trouvons en
présence de deux opinions opposées, de deux doctrines rivales aux-
quelles se rattachent les noms également illustres de Leeuwenhoek et
de Spallanzani.
Ce sont ces deux doctrines qui viennent de se donner rendez-vous
devant la Société de biologie. Celle de Leeuwenhoek, représentée au-
jourd'hui par M. Pouchet, proclame que la vie est un acte continu
et que les animaux réviviscibles continuent à vivre au milieu des appa-
rences de la mort. Celle de Spallanzani, dont M. Doyère a été dans
notre siècle le principal promoteur, nous présente ces apparences
comme une réalité et nous annonce que la reviviscence est une véri-
table résurrection. Nous aurons à vous les exposer Tune et l'autre, mais
auparavant, pour simplifier le débat, nous devons vous parler d'une
lazani, savoir que les rotifères des fossés sont de la même espèce que ceux
des toits. Ces derniers sont cependant les seuls qui possèdent d'une manière
bien manifeste la propriété de reviviscence; lorsqu'ils séjournent continuel-
lement dans l'eau ils la perdent en grande partie. Il parait que le séjour dans
un endroit constamment humide leur fait subir, sans clianger sensiblement
leur forme et leur volume, des modiflcations qui ne leur permettent plus de
résistera la sécheresse. (Voy. Spallanzani, Opuscules de physique animale
ET VÉGÉTALE, trad. fr. Paris, 1767, in-8, 1. 1, p. 341.)
(1) Il n'est pas certain que les rotifères des eaux ne puissent jamais se ra-
nimer après avoir été desséchés. On voit, dans une expérience de Roffredi,
que sur 109 rotifères, cinq furent rappelés à la vie par l'humectation ; ils
avaient été pris dans de la houe desséchée. Or il est difTicile de croire que
sous le nom de loue l'auteur ait voulu désigner le sable des tuiles et des gout-
tières. Il est probable d'ailleurs que le nombre des animaux ranimés eiit été
infiniment plus considérable si Roffredi les eiit pris sur les toits. Enfin, il
ajoute que toutes les fois qu'il a mis les animaux à nu sur le verre, la des-
siccation les a irrévocablement tués. Tout cela s'applique bien aux rotifères
des eaux. (Voy. le deuxième mémoire de Roffredi dans le Journal de phy-
sique de l'abbé Rozier, t. V, p, 219, 220. Paris, 1775, in-4.)
16
opinion mixte, soutenue à une certaine époque par Needham, et de-
venue le point de départ de tout ce qu'on a dit depuis sur la vie latente.
Loisque Needham publia pour la première fois sa découverte (1743),
il donna aux animalcules de la nielle le nom d'anguilles et ne se pro-
nonça pas formellementsur la nature du phénomène de la reviviscence.
Ce qu'il en disait, toutefois, permettait de penser qu'il s'agissait pour lui
d'une résurrection véritable, du retour de la vie dans un corps tout à fait
inerte (1). Mais bientôt, effrayé sans doute de cette conclusion, il
s'efforça d'en atténuer la gravité au moyen d'une singulière hypothèse.
Il supposa que les angulllules n'étaient pas des animaux, mais des zoo-
phytes, ou animaux-plantes. La classe des zoophytes, bien différente
alors de ce qu'elle est devenue depuis, dans la classification de Cuvier,
avait été imaginée pour roustraii'e la théorie de Ydine sensitive aux
conséquences des expériences de Trembley sur les polypes d'eau douce
(hydres). « Si l'àme des animaux ou cette substance qui leur donne la
«vie, disait-on, est une essence indivisible, toute dans le tout, ei
« toute dans chaque partie, comment se peut-il donc que, dans le po-
te lype, elle puisse être divisée en quarante ou cinquante parties sans
0 cesser cependant d'exister et de donner la vie (2)?» C'était pour
tourner la difficulté sans abandonner l'àme sensitive qu'on avait admis
une classe d'êtres doués de mouvements comme les animaux, et privés
d'âme sensitive comme les végétaux. Needham imita cet exemple, et
ne tarda pas à ranger ses anguilles parmi les zoophytes; n'étant plus
dès lors ni des animaux ni des végétaux, elles n'étaient plus tenues de
se conformer aux lois qui régissaient les deux règnes. Il supposa donc
que les anguilles de la nielle, nées par une espèce particulière de vé-
gétation qui disposait en filaments la substance encore tendre des grains
(1) Tubcrvill Needliaiu, Nouvelles observations microscopiques, traduites
de l'anglais par un anonyme. Cet anonyme est le professeur Alleman, deLeyde).
Lcyde, 1747, in-12, chap. viii. p. 104. « Si l'on suppose, dit Needham, que ces
« animaux trouvent dans la terre une humidité sufTisante pour leur donner
« la vies si je puis m'exprimer ainsi, eux ou leurs œufs, ils peuvent aisément
u s'insinuer dans le jeune blé, etc. » Le correctif si je puis m'exprimer ainsi,
n'atténue que faiblcnipiit réncrgie de l'expression qui précède, et aucun
passage du mémo cluipilre ne permet de ranger l'auteur au nombre de ceux
qui repoussent l'idée d'une parfaite résurrection. Cet ouvrage avait déjà paru
en anglais sous le litre de an account ok some microcospical discove-
lUES, etc. London, 1745, in-12.
(2) Baker, Essai sur l'histoire naturelle du polype insecte, trad. fr.
Paris, 1744, in-12, p. 332. Baker dans ce passage expose une opinion qu'il iv-
hito plus loin.
17
de froment (1), possédaient une espèce particulière de vie. a Leur
« vie, dit-il, n'est qu'un degré de vitalité au-dessus de la végétation
et ordinaire des plantes. C'est pour cela.... que leur principe de vie
a reste longtemps parfaitement inactif, tandis que les corps organisés
a sont desséchés et qu'il entre en action dès qu'une humidité suffi-
« saute met en liberté leur substance qui s'était lesserrée. Ainsi, quoi-
a qu'il s'élève à quelques égards au-dessus de la végétation et qu'il
a devienne le premier degré de la vitalité animale, il a toujours une
« grande analogie avec sa source immédiate, avec cette végétation
« commune qui fait croître les plantes où il s'abrite en son entier dans
a les graines desséchées pendant des années sans se manifester (2). »
Cette théorie n'eut aucun succès. Needham l'abandonna bientôt, ou
plutôt la transforma sans en abroger le principe fondamental. Assailli
par une foule d'objections, il accorda que les anguillules n'étaient
ni des animaux, ni des plantes, ni des zoophytes, mais seulement
une sorte d'être purement vital privé de spontanéité; seulement il
ajouta : tt Le défaut de spontanéité n'exclut pas, selon moi, un vrai
« principe organique intérieur de mouvement purement matériel ({mq
j'appelle vitalité (5). »
L'embarras de l'auteur devenait visible dans la suite du passage;
aussi accueillit-il avec empressement la démonstration de l'animalité
des anguillules, donnée par RofTredi, en 1775, dans le travail que nous
avons déjà cité. « Il était très-naturel, dit il dans sa lettre à l'abbé
« Rozier, de se tromper sur le nature et l'origine d'un être si singulier,
« dont la vie, renouvelée à plaisir après un très-long et très-parfait
« dessèchement, était un phénomène qui n'entrait pas du tout dans
(1) Needliam, Nouvelles observations microscopiques avec des décou-
vertes INTÉRESS.\.NTES SUR LA COMPOSITION ET LA DÉCOMPOSITION DES CORPS
ORGANISÉS. Paris, 1750, iQ-12, p. 225. Les 144 premières pages de cet ou-
vrage ne sont que la réimpression de la traduction publié à Leyde eu 1747,
par AUeman. Les 400 pages suivantes ont été écrites en français pour cette
édition.
(2) Loc. cit., p. 227 en note.
(3) Nouvelles recherches sur les découvertes microscopiques et la gé-
nération DES CORPS ORGANISÉS, par Spallanzani, traduit de l'italien par l'abbé
Regley, avec des Notes et des recherches physiques et métaphysiques
SUR LA NATURE ET LA RELIGION, par M. de Needham. Londres et Paris, 1769,
2 vol in-8°. Le passage cité se trouve à la page 162 du premier volume, dans
la septième note de Needham sur le chap. II de Spallanzani. C'est dans cet ou-
vrage que Needham a soutenu que la force végétatrice avait fait sortir Eve du
corps d'Adam, comme un jeune polvpe se dt^tache du polvpe-mère.
2
18
M l'idée que les philosophes de ce temps s'étaient faite de la vitalité
a aûiraale.... L'espèce do vie dont ces vers sont doués et qui se con-
« serve pendant des années dans un état parfait deximuation et de
« dessèchement, est très-singulière. Cette vitalité, si ferme et si dura-
« ble, est une propriété qui me paraît d'une nature fort différente de la
« vitalité ordinaire (1). » Needham se trouvait ainsi, après plus de
trente ans, revenu à son point de départ, et dès lors il ne changea plus;
mais, au milieu des oscillations continuelles de sa pensée indécise,
au milieu de ses théories successives sur la nature des êtres qu'il avait
découverts, il y avait deux points sur lesquels il ne s'était jamais con-
tredit : c'étaient, d'une part, la cessation complète delà vie chez ces êtres
suivant lui parfaitement desséchés; d'une autre part, l'existence d une
vitalité particulière, différente delà vitalité ordinaire, rendue inactive
par la dessiccation, mais persistant toujours dans la matière, e( n'at-
tendant pour entrer en action, c'est-à-dire pour rétablir la vie, que le
concours de l'humidité. Sur ces deux points fondamentaux, la plupart
de ses contemporains furent d'accord avec lui (2). La plupart de ses
successeurs adoptèrent la même doctrine, qui ne s'est pas sensiblement
transformée en changeant d'étiquette, et qui règne aujourd'hui dans un
très-grand nombre d'esprits. Celte vitalité différente de la vie, qui lui
survit, qui la rappelle, qui n'a pas de durée limitée, qui se maintienlsans
eau, sans oxygène, qui résiste à l'action du vide, et à celle d'une tem-
pérature capable d'anéantir toutes les existences connues, —cette vita-
lité, disons-nous, a maintenant changé de nom; elle s'appelle la vie
latente, et sous ce titre illusoire les physiologistes ont déguisé leur em-
barras. Ce n'est pas la première fois que la science s'est ainsi payée de
(1; JouRi\ALDEPiiYsiQfciideI{ozier. Paris, mars 1775, in-4°,t. V, p. 226, 227.
(2) Nous citerons en parlieulicr ici l'opinion de Baker. Cet auteur admet
(jue des corps pai failcmcnt secs et durs [perfectlij dry and hard) peuvent con-
server encore leur principe vital (their liiing power), et comme dans cet état
ils ne peuvent être le siège d'aucune altération spontanée, rien n'empf^che
qu'on puisse les ranimer au bout de vingt, quarante, cent ans, ou même au
bout d'un nombre quelconque d'années. (Emplovment for tue michoscope,
2' édll. London, 1764, iu-8°, part. II, chap, IV, p. 254, 255.) « (Jnelle que soit
« l'essence de la vie, dil-il, elle n'est peut-ôtrc ni détruite ni endommagée par
« les accidents quelconques qui peuvent aUcindre les organes où elle agit,
<i ou les corps oii elle habile. » (P. 256.) Et Baker place cette opinion sous le
patronage de Butler, cvèque de Durliam, qui a dit dans son Analogy of keu-
GioN TO TUE coNSTiTUTio.N AM) couHSE OF .xATiiu:, p. 21, q'i'un ètrc doué de
principe vital ne peut pa.s plus le perdre dans la durée de son existence
qii'une pierre uc pourrait l'acquérir
19
niotH. Celui de vie Uitunte a été emprunté au langage des physiciens
qui, pour expliquer certains phénomènes, ont admis vui calorique la-
lent. De même, a-t-on dit, que le calorique plus ou moins masqué
existe eu puissance dans tous les corps, de même la vie plus ou moins
dissimulée existe en puissance dans tous les êtres qui peuvent se ra-
nimer (1). Une théorie qui repose sur un mot a toujours plus de chances
de succès et de longévité que celles qui reposent sur des faits. Les faits
peuvent être discutés, analysés, vérifiés ou contredits. Mais le mot ré-
siste à toutes les attaques; chacun l'interprète à sa guise; beaucoup
même ne l'interprètent pas du tout; il leur plaît par son obscurité
même ; enfin, si ce mot a un double sens, il a l'avantage de servir de
point de ralliement à des sentiments opposés. Le mot de vie latente
possède au plus haut degré cet avantage. C'est pour les uns une vie
en puissance, une vie possible, une propriété purement matérielle que
certains corps organisés conservent lorsqu'ils sont desséchés ; pour les
autres, c'est une vie modifiée mais non suspendue, amoindrie, mais
non détruite, privée de manifestation appréciable, mais bien léelle
cependant. Grâce à celte équivoque, les partisans de deux doctrines
inconciliables ont pu se croire d'accord, et les esprits qui reculent de-
vant les problèmes arJus de la biologie générale ont pu se trouver
à l'aise. Mais ceux qui cherchent la vérité doivent écarter toute amphi-
bologie. Nous laisserons donc de côté la théorie illusoire de la vie la-
tente, pour nous occuper seulement des deux grandes doctrines qui
méritent seules de se partager les suffrages des physiologistes éclairés.
§ V. — LES KÉSDRRECTIONNISTES ET LES ANTIRÉSDRRECTIONNISTES.
Lorsqu'on voit le corps d'un animal desséché se ranimer au contact
de l'eau, on ne peut faire que deux suppositions :
Ou bien l'animal était réellement mort, et l'humidité lui a rendu
la vie;
Ou bien l'animal possédait encore^ malgré les apparences de la
mort, une vie passive sans manifestation extérieure appréciable, et
bien différente sans doute de la vie ordinaire, mais permanente et
continue comme celle-ci, et exigeant d'ailleurs comme elle le concours
simultané de l'eau et de la matière organisée.
(1) Il n'est plus question aujourd'hui du calorique latent, depuis les tra-
Taux des modernes sur l'équivalent mécanique de la chaleur.
20
Dans le premier cas, la reviviscence est une véritable résurrection ;
dans le second cas ce n'est que le passage de la vie passive à la vie
active.
On peut hésiter entre ces deux opinions; on peut contester la ri-
gueur des démonstrations sur lesquelles elles s'appuient; on peut res-
ter dans le doute en attendant des preuves plus décisives; on peut se
demander même si la science possédera jamais sur ce problème une
solution définitive et irrévocable. Mais il ne reste aucune place pour
une troisième opinion; il n'y a pas de transaction possible, il n'y a
pas de doctrine intermédiaire. « Il n'y a qu'une nature, a dit Hippo-
crate; être et n'être pas, ix£a œùciç, dvatxa>. ij.ti eivau (1) »
Quelle que soit l'explication qu'on adopte, le fait de la reviviscence
reste toujours en opposition avec les phénomènes oi'dinaires de la vie;
mais il s'en écarte beaucoup plus si l'on accepte la première opinion
que si l'on accepte la seconde. Il est donc naturel que celle-ci doive se
présenter tout d'abord à l'esprit de Tobservateur. Il est natuiel encore
qu'elle ait régné avant l'autre dans la science, et que ses adhérents
aient usé de leur droit de priorité, en exigeant de leurs adversaires
des démonstrations rigoureuses là où ils ne pouvaient eux-mêmes,
dans l'origine, fournir que des assertions.
Ils ont donc émis la proposition suivante : le corps de l'animal ré-
viviscible sera réputé vivant jusqu'à ce qu'on ait démontré qu'il ne
l'est pas.
En logique absolue, ce n'est pas ainsi sans doute qu'il eût fallu pro-
céder. Il aurait fallu dire, au contraire, le corps d'un animal qui parait
mort, et qui ne manifeste à nos sens aucune action vitale, sera réputé
mort jusqu'à ce qu'on ait démontré qu'il est vivant.
Mais ce n'est pas ainsi que la question a été posée. Les résurrection-
nistesont dû accepter la situation qui leur était faite, et entreprendre
de prouver par l'expérimentation physiologique, non-seulement
1° qu'il n'y a pas de vie appréciable et démontrable dans les corps
inertes des animaux réviviscibles, mais encore 2" que ces corps con-
servent leur propriété de reviviscence dans des conditions absolument
incompaiiblcs aocc toute espèce de vie.
Le premier point était d'autant plus facile à établir qu'il n'était pas
sérieusement contesté. Il est clair, en effet, qu'un rotifère desséché à
l'air libre sur une plaque de verre, depuis quelques heures seulement,
ne présente plus aucun des caractères sensibles de la vie. Il est entiè-
(1) l\VV\ TP0<1>H£, 6'
21
rement immobile, et sa transparence permet même de reconnaître
qu'il ne s'effectue aucun mouvement partiel dans la profondeur de ses
organes. Il ne répond à aucune excitation, il n'exécute aucune fonc-
tion. Il ne respire pas, puisqu'on peut le placer longtemps dans le vide
sans lui ôter sa propriété de reviviscence; il ne se nourrit pas non
plus puisqu'il n'est en contact avec aucune matière organique; enfin
il peut se ranimer après être resté dans cet état d'inertie pendant un
temps indéfini, ou du moins infiniment supérieur à la plus longue
durée possible de la vie effective chez les animaux de son espèce; de
telle sorte que le temps pour ainsi dire n'existe pas pour lui, et qu'il
se trouve en dehors de cette loi générale qui a fixé une durée limitée
à la vie de tous les animaux.
Les antirésurrectionnistes ont admis tous ces faits, mais ils ont
répondu que la vie a ses degrés d'activité; qu'elle peut s'atténuer sans
s'éteindre; qu'au-dessous de la vie parfaite, de la vie supérieure carac-
térisée par la sensibilité, le mouvement, la spontanéité et par l'exer-
cice simultané de toutes les fonctions, il y a des états de vie où cer-
taines fonctions, même les plus importantes, peuvent être ou paraître
entièrement suspendues. La syncope, la léthargie, l'asphyxie, l'hi-
bernation, le sommeil prolongé de la chrysalide, l'état du crapaud
emprisonné dans le plâtre, et enfin celui des animaux congelés, mon-
trent les divers degrés de cette série décroissante où l'on voit toutes
les fonctions de la vie disparaître tour à tour ou plusieurs à la fois sans
que pour cela la vie elle-même soit nécessairement interrompue. L'é-
tat de l'animal desséché et réviviscible occupe le dernier degré de la
série. C'est la vie réduite à son minimum, mais c'est encore la vie. La
dessiccation n'est qu'apparente; il reste toujours dans les corps révi-
viscibles une certaine quantité d'eau qui a échappé à l'évaporation Les
organes, dont l'activité a cessé d'être appréciable, n'ont plus besoin,
pour se maintenir, du jeu incessant de la respiration et de la nutrition;
ne faisantaucune perte, ils n'ont rien à réparer. L'animal dont l'exis-
tence est amoindrie à ce point reste donc en dehors des conditions
qui assignent à la vie ordinaire une durée déterminée, et l'on conçoit
ainsi qu'il puisse, dans cet état d'inertie apparente, dépasser indéfini-
ment les limites de la longévité dévolue par la nature aux êtres de son
espèce.
Telles sont, messieurs, les deux interprétations opposées qu'on a
données du phénomène de la reviviscence naturelle, et si l'on restait
sur ce terrain, on ne serait pas près de s'entendre. Les résurreciionis-
tes ont donc été conduits à chercher dans les conditions artificielles
l'expérimentation des preuves plus catégoriques; pour cela ils se
sont efforcés de démontrer qu'on peut soumettre les animaux révivis-
22
cents à des épreuves incompatibles avec la continuation de la vie, sans
leur ôter pour cela la propriété de se ranimer ensuite au contact de
l'eau.
Il s'agissait avant tout, dans cette nouvelle phase du débat, de
prendre un point de départ accepté par tout le monde, de déterminer
d'avance une ou plusieurs conditions considérées d"un commun ac-
cord comme indispensables au maintien de la vie, et de placer ensuite
les animaux réviviscibles en dehors de ces conditions. Or tous les
physiologistes s'accordent à reconnaître qu'il n'y a pas de vie possible
sans une certaine quantité d'eau, ni au-dessus d'une certaine tempé-
rature. Il iallait donc prouver que la propriété de reviviscence résis-
tait soit à cette température, soit à la dessiccation artificielle. A ce prix
seulement les résurrectionnistes pouvaient espérer de convaincre
leurs adversaires.
De là deux séries d'épreuves : épreuve des températures élevées,
épreuve de la dessiccation artificielle.
Vépreuve des températures élevées paraît au premier coup d'œil la
plus concluante et la plus décisive. Soumettre le corps d'un animal à
un degré de chaleur qui le tuerait infailliblement s'il était vivant, et
constater que malgré cela il peut conserver encore sa propriété de re-
viviscence, n'est-ce pas démontrer que cette propriété purement ma-
térielle est indépendante de la vie?
Mais il reste une difficulté : c'est de déterminer le degré de tempéra-
ture incompatible avec la vie de l'animal que l'on considère, et cette
difficulté est plus grande qu'on ne pourrait le croire tout d'abord.
Tous les animaux, en effet, ne sont pas également- doués sous le
rapport de la résistance aux variations de la chaleur. Telle espèce vit
normalement dans un milieu dont la température tuerait prorapte-
ment la plupart des autres. Certains animaux périssent au-dessous
même de 40' centigrades. Presque tous meurent entre 40" et 45";
quelques-uns, et les rotifères sont du nombre, peuvent, sans mourir,
supporter jusqu'à 50" de chaleur humide. On dit enfin, et la chose est
croyable, quoique trop imparfaitement établie pour être admise sans
réserve, on dit que certaines sources thermales dont la température
est supérieure à 50"» renferment des animaux vivants. Il n'y a donc
aucun terme précis et général qu'on puisse fixer comme la limite d( s
températUH's compatibles avec la vie, puisque cette limite vai'ie con-
sidérablement suivant les espèces.
Pour sortir de cette difficulté, Spallanzani imagina un procédi;
plus simple que rigoureux, il prit des rotifères vivants, les chaull'.i
graduellement dans l'eau où ils nageaient, et reconnut, ou crut recon-
naître, qu'ils mouraient alors sans retour à la température de 45» cen-
23
tigrades. Il se trompait de 5" (1) ; ce n'était qu'une erreur sans impor-
tance. Prenant alors des rotifères desséchés dans le sable, il put les
chauffer jusqu'à 70" avant de leur enlever la propriété de reviviscence ;
ilse trompait encore de 10", car les rôti fères chauffés dans ces condi lions
résistent fort bien jusqu'à 80". Mais cette erreur, pas plus que l'autre,
ne portait atteinte au résultat général de l'expérience. Il était clair qu'il
y avait une différence très-considérable entre la température qui
tuait les rotifères en pleine activité et celle qui ôtait au corps de ces
animaux, préalablement desséchés, la propriété de se ranimer au con-
tact de Teau. Spallanzani crut pouvoir en conclure que la vie des roti-
fères était incompatible avec une température supérieure à 45", et que
ceux qui revivaient après avoir supporté une chaleur beaucoup plus
forte, passaient réellement de la mort à la vie.
Mais ce procédé expérimental donne prise aune objection sérieuse.
Les adversaires de la doctrine des résurrections n'ont jamais prétendu
que la vie des animaux desséchés fût soumise aux mêmes conditions
que la vie active ordinaire. Ce qui détruit l'une peut épargner l'autre,
et de même que les chrysalides supportent des degrés de froid et de
chaud qui tueraient la chenille ou le papillon, de même, le rolifère,
desséché dans le sable, peut acquérir dans cet élat, voisin de
l'inertie, des immunités particulières. Le raisonnement de Spallanzani
n'était donc pas sans réplique, puisque le point de départ de son ex-
périence était sujet à contestation, et si l'on veut donner à l'épreuve
des températures élevées une signification rigoureuse, il faut partir
d'une autre donnée.
La chimie organique, qui était inconnue au temps de Spallanzani,
nous enseigne que tous les animaux dont on a pu analyser les humeurs
renferment de l'albumine dissoute. Celle-ci se coagule vers 65° centigr.,
et il est clair qu'un corps dont les humeurs sont coagulées est irrrévo-
cablement privé de vie. Il parait donc résulter delà qu'une tempéra-
ture de 6S% prolongée assez longtemps pour pénétrer dans tous les
(1) Les rotifères chauffés dans l'eau entre 45 et 50° centigr. paraissent morts ;
ils sont gonflés, allongés et immobiles, mais au bout de quelques heures ou
de quelques jours, uu certain nombre d'entre eux reprennent leur activité.
Spallanzani n'ayant pas aUendu assez longtemps les crut morts. L'erreur était
excusable, et eUe était d'ailleurs sans gravité, car elle n'était que de cinq de-
grés. Au delà de 50°, en effet, les rotifères plongés dans l'eau meurent tous,
sans exception, et définitivement. (Yoy. Gavarret, Expériences sur les roti-
fères, LES TARDIGRADES ET LES ANGUILLULES daUS ANNALES DES SCIENCES
NATURELLES, 4*série, t. XI, cahier n" 5. Paris, 1859, in-8, tirage à part, p. 1 1 .")
24
organes, doit mettre à mort tous les êtres qui renferment de l'albu-
mine en dipsolulion ; il paraît en résulter encore qu'un corps chauffé
au delà de cette température est réellement mort, et que s'il se ranime
ensuite c'est une véritable résurrection.
La limite de 6S" semble donc, au premier abord, propre à servir de
base à l'épreuve des températures élevées.
Mais les antirésurrectionistes ont ici deux objections à faire valoir :
En premier lieu, la température où se coagule l'albumine n'est pas
une température fixe. Diverses conditions dépendant, les unes du de-
gré de concentration de la solution albumineuse, les autres de la na-
ture des substances qui s'y trouvent mêlées, les autres enfin de la nature
même de la substance albumineuse (car il y a plusieurs espèces d'albu-
mine), — diverses conditions, disons-nous, peuvent rendre la coagula-
tion plus tardive ou plus prompte. Celle-ci peut avoir lieu déjà à 60%
ou être retardée jusqu'à 75". Cette objection n'a qu'une valeur relative.
On y échapperait en prenant la température de 75° comme la limite
des températures compatibles avec la vie.
Mais la seconde objection est capitale. Le corps des animaux révi^
viscents échappe par sa petitesse à l'analyse chimique. Personne n'a
donc pu y constater la présence de l'albumine. Qui sait si la propriété
de résistance à la chaleur, dévolue à ces animaux, ne viendrait pas
de ce qu'ils diffèrent des autres précisément par l'absence de toute ma-
tière coagulable? Cette supposition acquiert quelque valeur lorsqu'on
songe que l'albumine desséchée cesse d'être susceptible de se dissou-
dre de nouveau lorsqu'on la soumet à une température bien inférieure
à iOO°.
Nous aurons à examiner plus loin cette dernière assertion, lorsque
nous nous occuperons de la théorie des reviviscences; nous dirons
alors que des précautions très-semblables à celles qu'il faut prendre
pour chauffer impunément les rotifères, permettent de conserver ù
l'albumine sèche sa solubilité, sous des températures égales ou supé-
rieures à 100°. Mais l'objection n'en persiste pas moins tout entière.
La présence de l'albumine dans le corps des animaux réviviscents n'est
qu'une chose très-probable ; ce n'est pas une chose démontrée. La tem-
pérature de 65°, ou si l'on veut celle de 75°, qui doit nécessairement
tuer tous les êtres dont les humeurs sont albumineusesne saurait donc
être considérée irrévocablement comme la limite universelle de la vie
animale, et il ne suffit pas d'avoir chauffé un rotifère au delà de cette
température pour être en droit d'affirmer qu'il est nécessairement
mort.
Quel sera donc le point de départ de l'épreuve des températures
élevées? S'il no suffit ni de chauder le corps d'un animal réviviscible
25
jusqu'à la limite particulière où l'expérience montre qu'il périt sans
retour lorsqu'il est en pleine activité dans l'eau, ni de le chauffer jus-
qu'à la limite générale où l'albumine liquide se coagule, jusqu'à quel
degré de température faudra-t-il donc le porter pour s'assurer qu'il
est bien mort? Faudra-t-il aller jusqu'à 70, jusqu'à 80, jusqu'à 100°.
Il n'y a absolument aucune raison physique, chimique et physiologique
pour choisir l'une de ces limites de préférence aux autres. On a choisi
d'un commun accord le terme de 100°; c'est une réminiscence des ex-
périences de l'hétérogénie.
Lorsqu'on veut tuer tous les germes contenus dans une infusion, on
chauffe le liquide jusqu'à l'ébullition, parce que c'est commode et fa-
cile. Pour le chauffer davantage, il faudrait compliquer l'expérience,
et ce serait tout à fait inutile puisque tout ce qui a vie périt dans l'eau
bien avant 100°. Pour le maintenir, avec quelque précision, à une
température moins élevée, il faudrait prendre des précautions par-
ticulières et ce seraittout aussi inutile, puisqu'on se propose de détruire
les germes et non de les ménager. Voilà pourquoi, dans les expé-
riences relatives à la question des générations spontanées, on fait
bouillir le liquide des infusions. Mais de croire qu'il y ait un rapport
quelconque entre les conditions de la vie et ce fait que, sur notre pla-
nète et au niveau de la mer, l'eau bout à 100°, c'est ce qui ne
peut venir à l'idée de personne. C'est donc faute d'y avoir suffisam-
ment réfléchi qu'on a choisi, dans la question des reviviscences, la
limite de 100" comme celle où la vie doit s'éteindre, et si un animal
reste vivant jusqu'à 80°, il n'y a aucune raison théorique pour qu'il
ne puisse vivre encore à 100", à 110° et même au delà.
Il résulte de cette longue discussion, messieurs, que l'épreuve des
températures élevées considérée en elle-même, abstraction faite des
rapports qu'elle peut avoir avec le dessèchement des animaux, ne sau-
rait, dans l'état actuel de la science, reposer sur une base inattaqua-
ble; mais elle acquiert une importance considérable lorsqu'on la fait
intervenir, comme l'a fait M. Doyère dans l'épreuve décisive de la des-
siccation artificielle dont nous allons maintenant nous occuper.
§ VI. — VALEUR DE L'ÉPREUVE DE LA DESSICCATION ARTIFICIELLE.
S'il était démontré qu'un animal complètement desséché peut se ra-
nimer en s'imbibant d'eau, la question des résurrections serait défini-
tivement et affirmativement résolue. La vie exige nécessairement le
concours simultané de l'eau et de la matière organisée; elle est anéan-
tie aussi complètement par l'évaporation de l'une que par la putréfac-
26
tion de l'autre. « Je ne connais, dit Fontana, que deux états dans l'a-
« nimal qui puissent nous rendre certains qu'il est vraiment mort :
« l'un est la putréfaction totale de ses organes, l'autre est le desséche-
« ment absolu de ses humeurs. Le premier ôle la possibilité de toute
« fonction animale; le second détruit tout principe de mouvement.
« Le dessèchement total des parties fluides et solides non-seulement
« empêche l'usage des organes, mais il amène jusqu'à l'immobilité ab-
« solue dans toutes les parties. Un animal dans cet état de desséche-
« ment total des parties, d'immobilité d'organes, est certainement mort
« selon moi, et il doit l'être pour tout le monde; autrement nous se-
« rions exposés à un pyrrhonisme capricieux et déraisonnable. Un
« poisson, par exemple, séché au soleil ou dans les étuves pendant
« vingt ans de suite et rendu plus dur que du bois, passerait encore
« pour vivant. J'avoue que je ne peux concevoir de vie sans action,
« ni d'action sans mouvement, ni de mouvement organique lorsque
« les organes sont desséchés. Cet état est donc pour moi l'état de
« mort (1). »
Fontana était partisan de la doctrine des résurrections, et lorsqu'il
s'exprimait ainsi, il se croyait bien sûr d'avoir ranimé desrotifères
parvenus à une dessiccation absolue. «J'en ai mis un, dit-il ailleurs,
« sur une lame de verre que j'ai exposée tout un été au grand soleil ;
« il s'y est tellement desséché qu'il est devenu semblable à une goutte
« de colle aride, cependant il n'a tallu que quelques gouttes d'eau pour
« lui rendre le mouvement et la vie (2). » Les adversaires de sa doc-
trine ont mis en doute l'exactitude de cette expérience. Us ont soutenu
que l'animal, malgré les apparences, n'était pas complètement sec ;
mais aucun d'eux n'a élevé la moindre contestation sur la vérité des
principes exposés avec tant de netteté par le physiologiste de Flo-
rence. Tous ont reconnu que l'état de siccité absolue est un état de
mort absolue. « La dessiccation tue infailliblement les rolifères, dit Ru-
« dolphi, et leur résurrection est une pure fable qu'on répète l'un après
«l'autre. La dessiccation détruit toute organisation (5).» « Une dessic-
« cation absolue tue irrévocablement l'animal, » dit Dugès (4). « Si
« quelques observateurs, dit Bory de Saint-Vincent, ont cru faire reve-
a nir des animalcules en les remouillant, c'est parce qu'il était resté
(1) Fontana. Traité sur le vemn de la vipiiRE, sua les poisons améri-
cains, ctc.Florcuce, 1781, ia-4», t.I, p. 325. (Cet ouvrage aété écrit en lïauçais.)
(2) Loc. cit., p. 92.
(3) Kudolphi, GnuNDNiss der physiologie. Berlin, 1821, Bd 1. s. 285, in-S».
(4) Dugès, Pbvsiologie coMPABÉE. Montpellier, 1838, in-S*, t. I, p. 37.
27
« assez d'humidité dans ces animaux ou autour d'eux pour qu'ils ne
« fussent pas morts tout de bon (t). » «Il est nécessaire, dit Ebrenberg,
« que les anguillules soient protégées contre l'évaporation par une
« couche de mucus, et les rotifères par une couche de sable (pour
«qu'ils puissent se ranimer). La dessication véritable produit la
« mort (2). )) Enfm MM. Pouchet, Pennetier et Tinel ont admis égale-
ment, dans les mémoires qu'ils ont soumis à l'appréciation de la
Société de biologie, qn"un animal absolument desséché est irrévoca-
blement mort, et M. Pouchet, dans ses écrits ultérieurs, a plusieurs fois
répété sous diverses formes, que la vie est impossible sans eau (5).
Nous avons cru, messieurs, devoir multiplier les citations pour vous
montrer que tous les physiologistes qui ont écrit pour ou contre les
résurrections se sont trouvés ici parfaitement d'accord, et que tous,
malgré la différence de leurs pointsde vue, ont admis, comme un axiome
biologique incontestable, que la dessiccation complète est l'indice cer-
tain d'une mort complète. Cet axiome pourra donc servir de point de
départ à des expériences dont il y aura lieu sans doute de discuter
l'exactitude, mais dont personne ne contestera la signification, si elles
sont une fois reconnues exactes.
Toutefois, si l'on est d'accord sur le principe, on est loin de s'enten-
dre sur l'application qu'il faut en faire. Lorsqu'un animal arrive à
la siccité absolue, la mort est désormais un fait accompli; mais dans
l'évaporation graduelle qui le conduit à cet état, quel est le moment où
la vie l'abandonne? Est-ce l'instant précis où la dernière molécule
d'eau s'évapore? est-ce celui où les organes, quoique encore très-lé-
gèrement hydratés, sont arrivés à un degré de dureté et de solidité qui
s'oppose à toute espèce de mouvement? En d'autres termes, il faut de
l'eau pour maintenir la vie, mais suffit-il qu'il y en ait une parcelle
quelconque, ou bien y a-t-il une limite au-dessous de laquelle le peu
d'humidilé qui reste ne peut plus empêcher l'animal dépérir? Soit
qu'on réfléchisse sur ce phénomène en particulier, soit qu'on le con-
fronte avec les autres phénomènes physiques, chimiquesou organiques
qui accompagnent les autres genres de mort, à la soustraction de
(1) Art. T'ibnon de rEncyclopédie méthodique. Paris, 1824, ia-4,ZooPHYTES,
t. Il, p. 775.
(2) Chr. Gott. Ehrenbers, Die Infusionsthierchen als vollkommene Or-
GANisME.x. Leipzig, 1838, grand in-fol., p. 495.
(3) Voy. en particulier la cinquième conclusion du mémoire de M. Pouchet
Sur les animaux ressuscitants. Paris, 1850, in-S», p. 87. « La dessiccation
« complète, absolue, c'est la mort absolue. »
28
l'oxygène qui entraîne la mort par asphyxie, à la suppression des ali-
ments qui produit la mort par inanition, on est conduit à penser que
la mort par dessiccation doit arriver avant la dessiccation complète,
comme la mort par asphyxie arrive avant la désoxygénation abso-
lue, comme la mort par inanition arrive avant que les liquides nour-
riciers soient entièrement privés de principes nutritifs. Cette opinion,
qui est celle des résurrectionistes, a été partagée aussi par leurs prin-
cipaux adversaires, et c'est ce que va nous montrer l'exposé des ex-
plications émises par ces derniers pour rendre compte de la conserva-
tion de la vie chez des animaux en apparence desséchés.
Leeuwenhoek assista plus d'une fois aux phénomènes curieux qui ac-
compagnent l'évaporation graduelle de l'eau où nagent les rotifères.
«Hune vero comperi, dit-il, ubi omnis fere exhalaverat aqua, adeo
« ut animalculum sese non amplius aqute immergere, atque in ta cir-
((cumvolvere posset, tune sese componere in fîguram ovalem, atque
« eo in statu remanere; nec animadvertere potui humores ex talis
« animalculi corpore exhalare, figuram enim ovalem atque rotundam
« illsesam servabat (1).»
Ainsi, l'animal, une fois roulé en boule ovalaire, conservait ensuite
sa forme et ses dimensions, y compris son épaisseur. Leeuwenhoek,
en s'exprimant ainsi, avait sous les yeux des rotifères conservés à sec
depuis cinq mois entiers. Il supposa donc que la peau des rotifères de-
venait comparable à l'enveloppe dure et imperméable des œufs de pa-
pillon. «... Pariter horum animalculorum cuticulas ex tam solidà
« conflatas esse materià, ut, ne minimam quidem permiltanl exhala-
it tionem. Quod si sese aliter haberet, asserere non vereor, hœc ani-
« malcula, cœlo admodum arido, omui aquà destituta, ncccssario om-
K nia esse emoriiura {'^).r> On pouvait objecter, contie cette expli-
cation, qu'une enveloppe imperméable de dedans en dehors devait
l'être aussi de dehors en dedans, et que l'animal plongé dans l'eau au
bout de quelques mois, aurait àix rester insensible au contact de ce li-
quide. Leeuwenhoek prévit sans doute l'objection, et parut croire que
l'intervention de l'activité de l'animal n'était pas étrangère à la rentrée
de l'eau.
« Lorsque la terre se dessèche^ dit-il dans une lettre datée du 3 no-
« vembre 1703, ils se contractent en figure ovalaire, et les pores de leur
(1) Ant. a Lccuwenliock, Epistol/E ad societatem regiasi anglicam, seu
coNTiNUATio ARCANonuM NATURE. Lugd. Batav., 1719, in 4°.Epist. 144, p. 388.
La lettre est datée du 8 f(ivrier 1702.
('2) l'ascs 389-390.
29
« peau sont si bien fermés qu'ils ne respirent plus du tout : c'est ainsi
« qu'ilsse conservent jusqu'àce qu'il pleuve; alorsi'/i ouvrent leurs corps
« et jouissent de l'iiumiclité. » The pores of llieir skinarc so welt cLo-
sed tliat tliey do not perspire at ail, whcreby tliey préserve themselves
tilt it vains, upon wliicli tfiey open tlicir bodies and enjoy moisture (1).
Dans une troiisième et dernièie lettre, qui ne figure pas plus que la pré-
cédente dans lacollection de ses œuvres, l'illustre micrographe hollan-
dais revint encore une fois sur la surprenante propriété des rotifères,
qu'il avait vu revivre après plus de vingt et un mois de dessiccation.
« Quand il ne resta plus d'eau, dit-il, ils se fermèrent en ligure glo-
«bulaire, they closed tlicmselves up in a globiUar figure... Au bout de
« deux jours je versai un peu d'eau dans le tube, et après une demi-heure
«environ, ils commencèrent à ouvrir et à étendre leurs corps, tliey
(( began to open and extend their bodies. »
Il est permis de croire, d'après ces citations, que Leeuwenhoek n'at-
tribuait pas l'humectation du rotifère à un phénomène d'imbibition
pure et simple; cet animal, suivant lui, fermait son corps pour échap-
per à la sécheresse extérieure, et le rouvrait pour jouir de l'humidité.
Cela supposait non-seulement qu'il conservait toujours une certaine
quantité d'eau, mais encore qu'il en conservait une quantité très-no-
table, si même il ne la conservait toute; ses muscles ne perdaient
ainsi ni leur souplesse ni leur contractilité volontaire, de telle sorte
qu'on ne pouvait pas même lui appliquer ce vers du poêle latin :
Vivit, et est vitic nescius ipse sux.
M. Ehrenberg a renchéri encore sur l'opinion de Leeuwenhoek.
a Le sable et la mousse, dit-il, garantissent aussi bien les animalcules
« contre la dessiccation qu'un épais manteau de laine garantit l'Arabe
« de la chaleur brûlante du soleil Leur vie n'est pas interrompue;
« ils continuent à remplir leurs fonctions et à se reproduire de telle
« sorte que les rotifères et les tardigrades que faisait admirer M. Schulte
« dans son sable n'étaient que les arrière-petits-enfants de ceux qu'il
a avait recueillis quatre ans auparavant (2). »
(1) Ânt. a Leeuwenhoeck, A Letter concernlng the Worms observedin
Sheeps-Livers and Pasture Ground, dans Puilosophical transactions,
n''289. 1704, TOl. XXIV, p. 1527.
(2) A Letter concerning Animalcula on tue Root of Duck-Weed, dans
Philosophical Transactions, n° 295. 1705, vol, XXIV, p. 1784 et suivantes.
(3) Ehrenberg. Dm iNFusiONSTmERCHEN, p. 495 et 494.
30
Bory de Saint-Vincent admet que Je rotifère en état de mort appa-
rente continue encore à respirer. « On doit deviner, par tout ce que
« nous avons dit de leur co:!ur et de leurs branchies, qu'il n'y a pas plus
« en eux possibilité de résurrection apiès la mort que chez tout autre
« animal où la respiration est une condition indispensable dcxis-
« lencc (1). »
M. Pouchet, muni d'instruments plus puissants que ceux de Leeu-
wenhoek, et meilleur observateur en cela qu'Ehrenberg et Bory de
Saint- 'Vincent, n'a pas pu partager les illusions de ces savants sur la
quantité d'eau que conserveraient dans leurs organes les animaux révi-
viscibles, et sur les fonctions actives qu'ils accompliraient encore dans
leur état de mort apparente. Il admet que chez ces animaux les fonc-
tions vitales sont en grande partie suspendues et qu'il ne reste dans
leur corps qu'une très-petite parcelle d'humidité; mais il ne pense
pas pour cela que la vie doive se maintenir jusqu'à l'évaporation de
la dernière molécule d'eau. « Plus la dessiccation est poussée loin, dit-
« il, plus la prétendue faculté de reviviscence s'anéantit rapidement.
« On peut obtenir ce résultat par plusieurs moyens, car la dessiccation
« absolue ?i^est pas mùne essentielle pour Catteindre (2). »
Ainsi donc, messieurs, tous les savanis qui ont combattu d'une na-
nière sérieuse la doctrine des résurrections ont admis directement ou
indirectement que les animaux réviviscibles meurent avant le degré
de dessiccation qui constitue, pour les physiciens, la siccilé absolue.
Il suffit pour les tuer d'une siccité relative, comparable, par exemple,
à celle du bois mort, qui, desséché naturellement, soit à l'ombre, soit
au soleil, retient pourtant encore une certaine quantité d'eau hygro-
scopique, et ne peut en être entièrement dépouillé que par des moyens
artificiels. Soumis à une évaporation progressive, l'animal périt tout
à fait à une limite indéterminée sans doute, mais qu'on sait située
du moins à une certaine dislance du terme définitif de la dessiccation.
Si l'on procède à l'expérience avec une grande lenteur, il s'écoule
toujours un temps assez long entre le moment de la mort et celui du
dessèchement parfait, et si l'on compare par la pensée l'animal qui
(1) Bory de Saint-Yiiiccnt, art. RoTU'iînE du Dictionnairk (.lassioik d'ius-
TOiRE NATURELLE, t. XIV, p. C83. l'ails, 18'28, in-S*. Lors(iuc Bory écrivait
CCS lignes, il y avait longtemps déjà qu'on savait que le prétendu arur des
rotifères n'est qu'un sac- contractiblo qui l'ait jiartie de l'appareil digestif.
('2) l'onciict, Actes du Muséum dmistoire naturelle de Houen. Nouvelles
EXPERIENCES SUR LES ANIMAUX PiEUDO-RESSUSClTANTS. HOUCU, 18G0, graud
in-8", p. 8.
31
vient d'expirer, par suite de la soustraction graduelle de l'eau, avec
celui qui est absolument sec, on est conduit ù admettre entre ces deux
degrés de dessiccation un grand nombre de degrés intermédiaires. En
d'autres termes, la quantité d'eau qui suffit pour le maintien de la vie,
quelque faible qu'on la suppose, n'est pas indéfiniment voisine de
zéro; elle n'est pas plus petite que toule quantité donnée, elle n'est
pas ce qu'on appelle, dans les sciences exactes, U7i infiniment petit.
Elle constitue une certaine fraction du poids total du corps de l'animal,
et ce rapport pourrait être exprimé en chiffres si l'animal lui-même
n'était pas trop petit pour être pesé dans nos balances. Nous avons dû
insister sur ce point, afin de mettre l'épreuve de ladessiccation artificielle
à l'abri d'une objection spécieuse. Pour dessécher sûrement les matières
organiques sans les décomposer, on ne possède que deux moyens :
l'action prolongée du vide sec et le chauffage dans un courant d'air sec
à une température modérée. On reconnaît que la matière soumise à
l'un ou l'autre de ces procédés est parvenue au terme de la dessicca-
tion possible lorsqu'elle cesse de perdre de son poids. Mais il y a une
limite à la sensibilité des balances les plus délicates, et, quelque consi-
dérable que soit le poids de la substance employée, on peut toujours
concevoir une fraction plus petite que celle qui exprime la dernière
déperdition pondérable; on ne peut donc pas affirmer que la dessicca-
tion possible soit une dessiccation absolue, on peut dire seulement
qu'elle en approche indéfiniment. De là est venue une objection à la-
quelle nous devons répondre à l'avance. On a dit que, puisque la des-
siccation absolue n'était pas chose démontrable, on ne pouvait jamais
être certain d'avoir rendu exactement sec un rotifère soumis à un
procédé quelconque de dessèchement, et que, s'il se ranimait ensuite,
c'était bien la preuve qu'il n'avait pas perdu toute son eau. C'est une
manière commode d'arranger les choses pour que l'expérience de la
dessiccation soit concluante si elle tue l'animal sans retour, et de
nulle valeur si elle ne fempêche pas de se ranimer, bonne à invoquer
contre les résurrectionnistes si elle dépose contre eux, et pourtant in-
capable de leur fournir une preuve si elle répond en leur faveur. Ce
n'est pas ainsi, messieurs, qu'on doit raisonner quand on cherche sin-
cèrement la vérité avec un esprit libre d'idées préconçues. M. Pouchet,
que nous ne confondons pas avec ces adversaires aveugles de la doc-
trine des résurrections, a parfaitement compris que de semblables argu-
ties n'étaient pas faites pour la science sérieuse. Ilaloyalementetspon-
tanément déclaré que l'épreuve de la dessiccation aurait à ses yeux
une valeur décisive, pourvu qu'elle fût faite dans des conditions pro-
pres à en assurer l'exactitude. Cette déclaration, qu'il a de son propre
mouvement déposée entre nos mains, nous l'avons acceptée malgré
32
nous, parce qu'elle nous paraissait inutile de la part d'un savant dont
le caractère et la bonne foi scientifiques sont au-dessus de tout soup-
çon. Ce n'est donc ni à lui ni à ses honorables disciples que peuvent
s'adresser les remarques précédentes. Elles nous ont paru nécessaires
toutefois pour dissiper les doutes que quelques esprits trop difficiles
ont pu concevoir sur la signification et la portée de l'épreuve de la
dessiccation. Nous avons àû vous montrer que, de l'assentiment una-
nime de tous les savants qui ont étudié la questioîi, la proportion
d'eau nécessaire à la vie n'est pas un infiniment petit, qu'elle est no-
tablement supérieure à la proportion impondérable et hypothétique
que les procédés rigoureux de dessiccation laissent peut-être dans la
matière organique, et qu'un animal soumis à ces procédés rigoureux
meurt nécessairement avant même d'être parvenu à ce qu'on appelle,
dans l'état actuel de la science, le dessèchement complet.
C'est ainsi, messieurs, que la grande et complexe question des re-
viviscences se trouve ramenée à des termes aussi simples que précis,
et que le débat se trouve concentré sur un seul point.
Un corps desséché aussi complètement que possible par des moyens
arliticiels esl-il privé de vie? — Oui, répondent d'une commune voix
les biologistes des deux camps.
Mais ce corps, hydraté de nouveau, peut-il reprendre la vie qu'il a
perdue? C'est ici que surgit la controverse.
M. Doyère nous dit : Lorsque l'expérience est faite avec les précau-
tions convenables, lorsqu'on procède d'abord à la dessiccation, puis à
' l'humectation avec assez de lenteur et de circonspection, le corps le
plus desséché peut conserver encore sa propriété de reviviscence.
MM. Pouchet, Pennetier et Tinel nous disent au contraire : Aucune
précaution expérimentale ne peut soustraire un animal aux consé-
quences ordinaires de la dessiccation, et lorsqu'une fois il est bien
desséché, rien désormais ne peut lui rendre la vie.
Le problème se trouve donc dégagé du cortège de raisonnements et
de subtilités qui en avaient jusqu'ici reculé la solution. Il passe du do-
maine de la théorie dans celui de l'expérimentation pure et simple, et
il ne s'agit plus que de savoir si wi animal, soumis d'une manière ri-
goureuse à C épreuve de la dessiccation, est susceptible ou non de se ra-
nimer au contact de l'eau.
Nous aurons maintenant, messieurs, à vous exposer successivement :
1" les expériences de M. Doyère; 2" celles de M. Pouchet; 5° celles de la
commission que vous avez instituée.
Ce sera l'objet de la seconde partie de ce rapport.
33
DEUXIÈME PARTIE.
§ I. — EXPÉRIENCES DE M. DOYÈRE.
C'est à M. Doyère que revient l'honneur d'avoir institué le premier
les expériences relatives à l'épreuve de la dessiccation artificielle. C'est
lui qui, le premier, a employé le vide et la chaleur dans le but de
faire subir aux animaux réviviscents un dessèchement plus complet
que celui qui s'effectue à l'air libre. On a pu méconnaître l'originalité
de celte série d'expériences, parce que Spallanzani avait déjà soumis
les rotifères à l'action du vide et à celle des températures élevées. Mais
le physiologiste italien, en agissant ainsi, ne se proposait pas de des-
sécher les animaux ; il voulait montrer seulement que la propriété de re-
viviscence persistait dans le vide, et dans des étuves chauffées jusqu'à
70°, c'est-à-dire dans des conditions qu'il jugeait incompatibles avec
la vie.
Pour M. Doyère, au contraire, le vide et la chaleur n'ont été que des
moyens de dessiccation, et ses expériences ont acquis ainsi une signi-
fication et une portée toutes nouvelles.
Chacun sait que l'évaporation est nulle dans un air parfaitement sa-
turé d'humidité, et qu'elle s'effectue avec d'autant plus de facilité que
l'air ambiant est plus sec. L'état hygrométrique des substances orga-
niques varie donc suivant l'état hygrométrique de l'atmosphère. Il en
résulte que la dessiccation à l'air libre manque de constance et de pré-
cision, puisque d'un moment à l'autre la proportion de vapeur d'eau
contenue dans l'air peut augmenter ou diminuer. La première condi-
tion nécessaire pour obtenir une dessiccation méthodique est de met-
tre la substance employée à l'abri des variations atmosphériques.
Si l'on se contentait de renfermer la substance sous une cloche
exactement lutée, on n'obtiendrait qu'une dessiccation très-impar-
faite , quand même la cloche serait très-grande, et quand même l'air
qu'on y confinerait serait très-sec. L'évaporation commencerait sans
doute, mais elle ne tarderait pas à s'arrêter, l'air confiné devenant de
plus en plus humide. Pour obvier à cet inconvénient, on place sous
la cloche une substance avide d'eau telle que l'acide sulfurique con-
centré, la chaux vive ou le chlorure de calcium. Cet appareil porte le
nom de cloche sèche. La cloche humide., au contraire, est celle où l'on
a introduit une quantité d'eau supérieure à celle qui est nécessaire
34
pour la saturation de l'air et l'on y place les objets secs qu'on veut hy-
drater doucement, ou les objets humides qu'on veut soustraire à l'éva-
poration.
Les substances organiques déposées sous la cloche sèche ont perdu,
au bout de quelques jours, la plus grande partie de leur eau, mais elles
en conservent encore une certaine quantité. Pour pousser la dessicca-
tion plus loin, il faut diminuer la tension de l'air enfermé sous la
cloche.
Lorsqu'on met une cloche sèche en communication avec la pompe
pneumatique, on obtient ce qu'on appelle le vide sec. Une substance
organique placée dans le vide sec perd de son poids pendant plusieurs
jours, puis il arrive un moment où le poids ne varie plus. C'est cet
état que les chimistes appellent l'état de siccité. La quantité d'eau qui
reste encore, s'il en reste, dans la substance desséchée, n'est plus ap-
préciable à la balance; c'est le terme de la dessiccation à froid.
La dessiccation à chaud s'obtient en chauffant la substance dans un
courant d'air sec. Si l'air était confiné, la dessiccation ne s'effectuerait
que très-imparfaitement, et les matières organiques pourraient s'alté-
rer bien avant 100 degrés. Il faut donc que l'air se renouvelle, c'est-
à-dire que l'étuvesoit traversée par un courant d'air; mais il faut eu
outre que cet air soit sec, c'est-à-dire qu'il ait été tamisé dans un ap-
pareil rempli de substances avides d'eau.
La dessiccation àchaud exige donc, pour être bien faite, un appareil
compliqué, et une surveillance qui devient assez pénible lorsqu'on veut
procéder av(îc lenteur. C'est pourquoi l'on donne souvent la préférence
à la dessiccation à froid, qui a d'ailleurs l'avantage de ne pas exposer,
comme l'autre, à décomposer les matières organiques.
L'action du vide sec paraît déjà suflisante pour la dessiccation des
animaux réviviscibles.Mais le résultat sera bien plus décisif encore si,
apiès avoir porté aussi loin que possible la dessiccation à froid, on sou-
met le corps de l'animal à la dessiccation à chaud, au sortir de la ma-
chine pneumatique.
C'est ce qu'a fait M. Doyère, et il annonce qu'après avoir traversé suc-
cessivement ces deux épreuves, les animaux peuvent encore se rani-
mer. Il ajoute que la dessiccation à chaud est beaucoup plus dange-
reuse, toutes choses égales d'ailleurs, lorsqu'elle est employée seule
que lorsqu'elle est précédée de la dessiccation à froid ; en d'autres ter-
mes, suivant lui, les animaux qui ont subi l'action du vide sec peu-
vent supporter impunément des températures plus élevées que ceux
qui ont été du premier coup placés dans l'éluve. Non-soulement la
dessiccation complète n'est pas un obstacle absolu à reviviscence, mais
encor*^ elle soustrait les tissus aux altérations physiques ou chimiques
35
auxquelles les expose l'épreuve du chauffage, de telle sorte que les ani-
maux réviviscibles peuvent résister à une chaleur d'autant plus forte
qu'ils ont été plus complètement déshydratés avant d'y être soumis.
Ces propositions, exprimées dans le mémoire que M. Doyère nous a
remis, découlaient déjà de ses anciennes expériences, publiées en
4842 dans les Annales des sciences naturelles (1). 11 avait con-
staté en outre, dès cette époque, que la rapidité avec laquelle s'ef-
fectue l'évaporation dans la dessiccation à froid exerce une inlluence
très-notable sur la reviviscence ultérieure. Tandis que les ani-
maux desséchés dans le sable ou dans les mousses revivent pres-
que tous, ceux qu'on enlève au moyen d'une pipette, et qu'on dé-
pose vivants sur une lame de verre, perdent trois ou quatre fois
sur dix, en se desséchant à l'air libre, leur propriété de reviviscence.
Il est donc plus dangereux pour l'animal d'être desséché à nu que
d'être desséché au milieu de grains de sable ou de mousse qui retar-
dent l'évaporation (2). Si maintenant les animaux déposés à nu sur le
verre sont placés dans le vide sec sans avoir été desséchés à Pair
libre, ce qui rend nécessairement l'évaporation beaucoup plus rapide,
on en voit à peine revivre deux ou trois sur aix (3). M. Doyère conclut
de là qu'il est nécessaire, pour assurer le succès des expériences, de
procéder à la dessiccation avec une grande lenteur. Il recommande
donc d'exposer d'abord les animaux à l'air libre pendant quelques
jours, puis de les faire séjourner quelque temps sous la cloche sècfie
avant de les soumettre à l'action du vide sec. En agissant ainsi, il a
pu, dans ses expériences de 1840, ranimer des animaux qui avaient
subi successivemeut les trois épreuves suivantes : 1° dessiccation à l'air
libre pendant huit jours; 2° dessiccation pendant dix-sept jours sous une
(1) Doyère, Mémoire sur les tardigrades, troisième et dernière partie-
dans Ann. des se. naturelles. Zool. 2' série, t. XVIIT, Paris, 1842, in-8°. Re-
produit par l'auteur dans la thèse qu'il soutint la même année à la Faculté
des sciences, p. 128 à 139.
(2) Ce fait était déjà connu de Spallanzani, qui en avait donné l'explication
suivante :
« On pourrait dire que l'action immédiate de l'air, en heurtant et fouettant
a ces petits corpuscules par son choc déchirant, dans un moment où ils sont
« encore humides, et où ils sont en même temps très-tendres et très-délicats,
« les rend ainsi incapables de ressusciter par l'altération qu'ils en reçoi-
« vent. » ( Spallanzani , Opuscules de physique animale et végétale, tr.
fr. Genève, 1767, in-8», t. II, p. 316.)
(3) Doyère, Thèse pour le doctorat es sciences. Paris, 1842, in-S», p. 130-
132.
36
cloche qui recouvrait une capsule pleine d'acide sulfurique; S" dessic-
cation pendant vingt-huit jours dans le vide barométrique où l'on avait
introduit, en même temps que les animaux, un peu de chlorure de
calcium (1). Enfin, et c'est certainement le résultat le plus remarqua-
ble des expériences que nous analysons, tandis que les animaux vi-
vants chautTés dans l'eau périssent sans retour à 5U% et que les ani-
maux simplement desséchés à l'air libre périssent au plus lard à 90%
ceux qui, avant d'être soumis au chauffage, ont été convenablement
desséchés à froid, peuvent revivre encore, suivant M. Doyère, après
avoir supporté une température bien supérieure. Nous croyons devoir
extraire de sa thèse le passage suivant, qui a été le principal point de
départ des polémiques récentes :
« Si Ton prend des mousses desséchées jusqu'à ce que vingt-quatre
« heures d'exposition dans le vide sec ne leur fassent plus perdre de
« leur poids, et qu'on en entoure la boule d'un thermomèire placé
« dans une étuve, on peut élever la température de l'éluve jusqu'à ce
« que le thermomètre marque 120", sans que tous les animalcules que
« les mousses contiennent aient perdu la faculté de revenir à la vie.
« Toutefois, le nombre des ressuscitants diminue à mesure que la
« température approche davantage de ce terme, et en même temps le
« retour à la vie de ceux qui ressuscitent se manifeste par des mouve-
« ments de plus en plus lents, et exige un temps de plus en plus long.
« Dans deux expériences qui ont été faites sous les yeux de MM. de
« Jussieu, Dumas, Milne Edwards et de Quatrefages, en novera-
« bre 18-41, les animalcules ont supporté une température de 122 et de
« 125° centigr. La mousse entourait la boule du thermomètre.
« Dans des expéiiences que j'ai faites au milieu de Tété, et sur des
« mousses qui avaient subi l'action directe du soleil pendant plusieup
« semaines, j'ai vu des animalcules revivre jusqu'à 140 et 145°. J'ai
« môme trouvé un grand rotifère vivant dans un paquet do mousses
« quiavait été porté jusqu'à 135". Maisjedoisajoutcrque le procédé par
« lequel je mesurais la tempéialure était moins rigoureux que dans le
« cas précédent; car je me servais d'une éluve à double enveloppe
« métallique, contenant de l'huile entre ces deux enveloppes, et je pre-
a nais la température du bain d'huile lui-môme, avec la précaution
« seulement de la maintenir constante pendant dix minutes. On ne
« peut donc voir dans ce dernier cas qu'un maxinmm auquel la
« température des mousses elles-mêmes ne devait pas être très-
« inférieure. »
(!) Tlifse cilée, p. l;i:f.
37
Tels étaient les faits annoncés, en 1842, dans la thèse de M. Doyère.
L'auteur ayant reconnu dès cette époqueque les expériences faites àdes
températures supérieures à 123° man(iuaientde précision, cesexpérien-
ces peuvent être considérées comme non avenues. Les autres étaient
plus rigoureuses sans doute, puisqu'on avait pris non pas la température
du bain, mais la température des mousses. Il fautbien reconnaître, tou-
tefois, que l'auteur, pressé par le défaut de temps ou d'espace, avait
usé d'un laconisme qui laissait prise aux objections. La durée de la
dessiccation préalable à froid n'était pas indiquée, l'appareiloù le chauf-
fage avait été pratiqué n'était pas décrit, la durée même du chauffage
n'était pas mentionnée; de telle sorte que le lecteur, désireux de voir
par lui-même, était exposé à de nombreuses déceptions. M. Doyère
n'avait pas dit qu'il lui avait fallu de longs tâtonnements pour arriver
au succès, que les précautions les plus minutieuses ne mettent pas tou-
jours à l'abri d'un échec, qu'on ne réussit pas indifféremment avec
toutes les mousses qui renferment des animaux réviviscibles, et que
son expérience est une des plus délicates, des plus difficiles, des plus
aléatoires qu'on puisse entreprendre. Il semblait, au contraire, résulter
du texte que cette expérience était fort simple, ei il n'est pas étonnant
que ceux qui ont voulu la répéter sans autre indication aient obtenu
des résultats fort différents des siens. Les négations de MM. Pouchet,
Pennetier et Tinel n'auront donc pas été inutiles à la science, puis-
qu'elles ont conduit M. Doyère à exposer ses procédés avec plus de ri-
gueur et de précision, et à mettre ainsi tous les expérimentateurs en
mesure de contrôler ses recherches en pleine connaissance de cause.
Jusque-là il était presque inévitable qu'on obtînt des résultats négatifs,
et il était naturel qu'on se demandât si l'auteur d'une observation qu'on
ne pouvait répéter n'avait pas été induit en erreur par quelque vice
d'expérimentation. Ainsi est né, messieurs,ledébatqui vousa été sou-
mis, et comme, au milieu de divergences multiples, qui roulaient sur
plusieurs questions distincte?, notre attention aurait pu se disséminer
ou s'égarer, les deux adversaires ont cru devoir rendre notre tâche plus
facile en nous signalant tout spécialement l'expérience du chauffage à
100°. Cette expérience est la seule, par conséquent, que nous ayons eu
à exécuter nous-mêmes, car on nous demandait simplement si des ani-
maux desséchés sous une température de 100° pouvaient ou non conser-..
ver la propriété de se ranimer au contact de l'eau. Mais nous ne ré-
pondrions pas à votre attente si nous nous bornions à énoncer devant
vous les résultats que nous avons obtenus. Vous êtes curieux sans doute
de connaître les faits expérimentaux dont MM. Doyère et Pouchet nous
ont rendus témoins. Nous allons donc vous présenter ces faits dans tous
leurs détails.
Les expériences de M. Doyère ont été commencées le 20 juin 1859.
Matériaux des expériences. — M. Doyère a remis entre les mains de la
commission quatre boites renfermant des échantillons de mousses qu'il avait
récoltées lui-même.
Boite n" 1. Mousse recueillie à Toulon, le 10 mai 1859, sur un vieux toit
près des remparts (face ouest).
Boite n" 2. Mousse recueillie à Toulon, le 10 mai 1859, sur le toit de la vieille
boulangerie de la marine (face nord).
Boîte n' 3. Mousse recueillie à Cherbourg, le 15 juin 1859, sur le toit des
sapeurs-pompiers (face est).
Boite n° 4. Mousse recueillie le 12 juin 1859, dans une carrière du Bas-
Meudon (face sud).
Diverses préparations faites ce jour-là et les suivants ont montré que toutes
ces mousses contenaient des animaux réviviscibles, savoir : des rotifères
grands et petits, et des tardigrades macrobiotes dans toutes les boites; des
tardigrades émydiums dans les boîtes n"' 1, 2 et 3, et des anguillules dans
les boîtes n" 3 et n° 4, abondantes seulement dans la boite n° 3.
Le même jour, M. Doyère nous a lemis 19 verres de montre où il avait dis-
posé à l'avance, soit à nu, soit avec du sable, des animaux qu'il avait vus
vivants le jour de la préparation, et qu'il avait ensuite laissé dessécher na-
turellement. Ces préparations avaient été faites le 10, le 17 et le 19 juin 1859.
Expérience I. — Un seul macrobiote desséché a nu, pendant trois jours,
sous LA pression ATMOSPHÉRIQUE. REVIVISCENCE.
Cet animal, enlevé au moyen de la pipette, a été déposé par M. Doyère. le
17 juin 1859, avec une toute petite goutte d'eau, dans le verre de montre n" 2.
Le 20 juin 1859, on nous présente ce verre de montre sur lequel, à l'œil
nu, nous n'apercevons absolument rien. Mais une petite tache d'encre, dé-
posi'e sur la face inférieure du verre, indique le point où nous retrouverons
au microscope le tardigrade desséché.
Après avoir placé le corps de cet animal au foyer du microscope (80 dia-
mètres), M. Doyère l'humecte à trois heures vingt-huit minutes, avec quel-
ques gouttes d'eau.
A trois heures trente-huit minutes, l'animal remue une patte.
A trois heures quarante-cinq minutes, il est tout à fait ranimé et commence
à progresser.
A (juatre heures trente minutes, il ne reste plus dans le verre qu'une
très-petite quantité d'eau. Pour retarder l'évaporation on le recouvre d'un
autre verre de montre, et on le place sous scellés dans une armoire du la-
boratoire de physique.
Le 23 juin, on hrise les scellés. Le verre parait tout à fait sec. Oa retire le
corps du macrobiote et on l'humecte à deux heures vingt-ciuci minutes avec
une seule goutte d'eau.
A trois heures quarante-huit minutes, l'animal remue lentement une patte,
39
puis il s'arrête bientôt et|reste tout à fait immobile pendant plusieurs minutes.
A quatre heures seize ûiinutes il remue plusieurs pattes, mais il n'exécute
encore que des mouvements partiels. On ajoute quelques gouttes d'eau.
A quatre heures trente-cinq minutes, rien de plus. On dépose le verre de
montre sous la cloche humide et on le scelle de nouveau dans l'armoire.
Le 25 juin, à trois heures trente minutes, on examine de nouveau l'animal.
Il est plein de vie, et se meut très-vigoureusemeut. L'expérience n'a pas été
poussée plus loin.
Exp. II. — Animaux desséchés a nu, pendant trois jours, sous la pression
ATMOSPHÉRIQUE. REVIVISCENCE.
Vingt et un rotifères grands ou petits et un macrobiote vivants, enlevés au
moyen de la pipette, ont été déposés un à un, par M. Doyère, le 17 juin 1859,
dans le verre de montre n° 16 (mousse de Cherbourg.)
Le 20 juin 1859, on nous présente ce verre de montre. Nous y retrouvons
au minroscope plusieurs corps qui nous paraissent tout à fait secs.
A trois heures vingt minutes, on humecte la préparation avec une petite
quantité d'eau.
A trois heures vingt-huit minutes, on voit déjà remuer quelques rotifères.
Le macrobiote est vu eu pleine activité à trois heures quarante minutes. A
trois heures cinquante minutes, tous les animaux sont ranimés à l'exception
d'un petit rotifère.
A quatre heures, rien de nouveau. L'eau est en grande partie évaporée. On
recouvre le verre n" 16 d'un autre verre de montre pour retarder la dessicca-
tion, et on le dépose sous scellés dans une armoire.
Le 23 juin, on brise les scellés. La préparation paraît aussi desséchée qu'elle
l'était le 20 juin lorsque M. Doyère nous l'a présentée pour la première fois.
A deux heures quarante-huit minutes, on verse un peu d'eau dans le. verre
démontre. A deux heures cinquante-six minutes, deux rotifères commencent
à se mouvoir; plusieurs autres entre deux heures cinquante-six minutes et
trois heures six minutes.
A trois heures trente et une minutes, un rotifère, immobile jusqu'alors, exé-
cute une légère contraction.
A quatre heures, plusieurs animaux sont encore immobiles. Le verre de
montre est placé sous la cloche humide et scellé dans l'armoire.
Le 25 juin, à trois heures trente-cinq minutes, on brise les scellés. On exa-
mine avec soin la préparation. Tous les rotifères sont en pleine activité à
l'exception de deux qui paraissent morts. L'un de ces animaux avait déjà
paru mort le 20 juin. M. Doyère enlève les cadavres avec la pipette. Le ma-
crobiote est bien vivant et se bat de temps en temps avec les rotifères.
A quatre heures, le verre n" 16 recouvert d'un autre verre de montre est
scellé dans l'armoire.
Ces animaux étaient destinés à être humectés plus tard , mais ils ne l'ont
pas été.
M. Doyère se proposait de nous montrer, dans ces deux expériences,
40
que des animaux desséchés à nu sur le verre pouvaient être ranimés.
Le fait avait été mis en doute par Spallanzani et* par plusieurs auteurs
modernes. Nous avons constaté que dans ces conditions les animaux
conservent parfaitement, au bout de trois jours, leur propriété de revi-
viscence. Nous avons diî, la première fois, nous en rapportera l'asser-
tion de M. Doyère qui, en nous présentant le 20 juin les deux prépa-
rations, nous annonça qu'elles dataient de trois jours. C'est ce qui
no>JS a décidés à laisser écouler trois autres jours avant de procéder à
une nouvelle humectation. Le verre do montre ayant été, dans cet in-
tervalle, conservé dans une armoire scellée, il ne peut rester aucun
doute sur le résultat de l'expérience.
Le nombre des animaux qui ont péri sans retour dans ces deux
expériences a été beaucoup moindre que nous ne nous y attendions.
M. Doyère avait dit. en 1842, qu'il avait vu ordinairement trois ou
quatre animaux sur dix mourir définitivement lorsqu'on les desséchait
à nu et à l'air libre. Or les vingt et un rotifères et les deux macrobiotes
humectés le 20 juin devant la commission se sont tous ranimés à l'ex-
ception d'un petit rotifère, et les vingt-deux animaux survivants, dessé-
chés de nouveau le même jour, se sont tous ranimés encore à rexception
d'un second rotifère. En somme il y a eu seulement deux insuccès sur
quarante-cinq cas, proportion bien inférieure à la proportion de trois
ou quatre sur dix, indiquée en I8i2 par M. Doyère. Cette difi'érence
vientprobablementdeceque,danssesanciennesexpériences, M. Doyère
laissait l'évaporation s'effectuer entièrement à l'air libre, tandis qu'au-
jourd'hui il retarde la dessiccation en recouvrant d'un second verre de
niontie celui qui supporte les animaux. C'est un fait assez général que
la reviviscence est d'autant plus incertaine et exige d'autant plus de
temps que l'animal est plus sec. A ce titre on pourrait objecter contre
les deux premières expériences que le délai de trois jours n'est pas
suffisant pour faire dessécher des animaux entourés sans doute d'une
très-faible quantité d'eau, mais renfermés dans un très-petit espace.
L'expérience suivante servira de réponse à cette objection.
Exp. 111. — Animaux desséchés a nu et a l'air libre, d'abord pendant
TREIZE JOURS, PUIS PENDANT SOIXANTE-QUINZE JOURS. REVIVISCENCE.
Le 23 juin 1859, M. Doyi-re nous présente le verre de montre n° 13, sur
lequel il a df^poséànu, le 10 du même mois, six ansiiillules, trois émydiums,
trois macrobiotes et quatre rotifères. Cesanimau.x ont donc été desséches pen-
dant treize jours entre deux verres de montre, au moment où on les soumet
à notre examen. Us proviennent de la mousse de Toulon.
Le 23 juin, à deux heures cinquante minutes, on humecte la préparation.
41
A trois heures cinquante minutes, on l'examine. Tous les animaux sont rani-
més à l'exception des anguillules, qui paraissent mortes.
A quatre heures, on recouvre le verre n" 13 d'un autre verre de montre, et
on le dépose dans l'armoire scellée.
Le 2 juillet 1859, ce verre n" 13 m'a été remis pour le conserver et l'exa-
miner plus tard.
Je l'ai gardé sous une cloche, dans mon cabinet de travail, pendant les deux
mois de juillet et août. La chaleur a été excessive. Plusieurs fois j'ai vu la
tempéralure se maintenir à 26° dans ce cabinet pendant toute la nuit.
La plupart des membres de la commission ayant quitté Paris pendant les
vacances, nous n'avons pu continuer à travailler en commun. J'ai donc pro-
cédé seul, le 6 septembre 1859, à la réhumectation des animaux desséchés
depuis le 23 juin dans le verre n° 13.
La préparation est humectée le 6 septembre, à neuf heures du soir. Quel-
ques instants après j'y compte cinq anguillules, trois émydiums, trois macro-
biotes, quatre rotifères roulés en boule. Tous ces animaux sont immobiles.
A onze heures du soir, à minuit, rien de nouveau.
A minuit dix minutes, l'un des rotifères, toujours roulé en boule, com-
mence à exécuter quelques mouvements partiels consistant en une contrac-
tion lente sur un seul point, et recommençant toutes les deux ou trois
minutes.
A minuit quarante minutes, les contractions sont un peu plus fortes, mais
non plus fréquentes. Elles sont toujours de même nature. L'animal n'est pas
encore desséché. Les autres sont immobiles.
Le 7 septembre, à midi vingt minutes, le rotifère qui s'est ranimé la veille
exécute des mouvements d'ensemble ; il est déployé, mais il ne progresse pas
encore. Les trois autres rotifères sont déployés et endosmoses. 11 est certain
qu'ils ne se ranimeront pas. Tous les autres animaux sont immobiles.
A quatre heures, le rotifère ranimé se promène. Les autres sont morts.
L'animal a été revu vivant pendant cinq jours, puis l'expérience a été in-
terrompue. Tous les autres animaux étaient définitivement morts (1).
L'expérience précédente nous montre un rotifère desséché à nu sur
le verre, le 23 juin 1859, et ranimé au bout de soixante-quinze jours
après avoir supporté la température excessive d'un été exceptionnel;
mais elle nous montre en même temps que quinze autres animaux, dé-
posés dans le même verre de montre, avaient perdu leur propriété de
reviviscence. En laissant de côté les anguillules des toits dont la ré-
sistance est habituellement inférieure à celle des rotifères et des tar-
(1) Le 8 septembre 1859, j'ai humecté de la même manière quatre rotifères,
un émydium et un macrobiote, déposés à nu dans le verre de montre n" 18,
le 19 juin précédent, par M. Doyère. Ce verre, préparé pour la commission,
n'avait pas été examiné par elle, et je l'avais conservé sans précaution dans
un tiroir. Aucun des animaux ne s'est ranimé.
42
digrades, il reste neuf animaux dont un seul a revécu, et il paraît pro-
bable que si rhumectation avait été retardée quelque temps encore,
ce dernier rolifère ne se serait pas ranimé. Nous aurons à revenir plus
tard sur ce phénomène, que nous retrouverons dans une expérience
de M. Pouchet.
Nous n'avons parlé jusqu'ici que des animaux desséchés à nu. II
est intéressant de comparer ces résultats avec ceux que fournit la des-
siccation au milieu du sable.
EXP. IV. — ANIMAUX DESSÉCHÉS AVEC DU SABLE. LES ANGUILLULES NE SE
RANIMENT PAS. REVIVISCENCE PRESQUE GÉNÉRALE DES AUTRES ANIMAUX.
Le 20 juin 1859, M. Doyère nous remet le verre de montre n* 14, conte-
nant une grande anguillule, deux petites, trois rotifères et sept tardigrades
(trois macrobiotes et quatre émydiuras). Ces animaux ont été réunis au
moyen de la pipette, le 17 juin, et on a ajouté un peu de sable à la pré-
paration. Le 20 juin, le contenu du verre nous parait bien sec. Nous enfer-
mons la préparation dans l'armoire scellée.
Le 23 juin, à trois heures quarante-huit minutes, on humecte le verre n* 14.
A quatre heures dix minutes, tous les animaux sont immobiles. A quatre
heures dix-huit minutes, un macrobiote commence à se mouvoir. A quatre
heures vingt-cinq minutes, plusieurs animaux sont en activité, mais plu-
sieurs sont encore immobiles. On scelle le verre sous la cloche humide.
Le 25 juin, à trois heures quarante minutes, la préparation est examinée.
Aucune anguillule n'a revécu. Les trois rotifères et les trois macrobiotes
sont extrêmement vigoureux; un émydium est mort; les trois autres sont
vivants, mais se meuvent avec difTiculté.
Le premier indice de reviviscence s'est montré, comme on voit,
trente minutes seulement après l'humectation, c'est-à-dire beaucoup
plus tard que dans les expériences I et II, où les animaux avaient été
desséchés à nu sur le verre. On ne peut rien conclure d'un seul fait;
celui-ci ne s'accorde pas avec l'opinion de Spallanzani, qui considé-
rait la présence du sable comme favorable à la reviviscence; mais
nous ferons remarquer que les animalcules déposés à nu sur le verre
ont été recouverts d'un second verre de montre, tandis que les prépa-
rations faites avec du sable ont été desséchées au grand air. La des-
siccation a donc pu être moins rapide dans le premier cas que dans le
second. Au surplus, il faut bien se garder de croire que la durée du
temps nécessaire pour la reviviscence ne dépende que des conditions
de la dessiccation; elle dépend aussi beaucoup de la constitution par-
ticulière de l'animal, puisque nous avons vu le ;23 juin (exp. I) des
rotifères desséchés à nu dans le même verre de montre se ranimer, les
uns au bout de huit minutes, les autres au bout de quarante-trois
43
minutes, et d'autres seulement au bout de plus de soixante-quatre
minutes.
On vient de voir que la dessiccation à nu^ pratiquée avec les précau-
tions convenables, ne détruit pas la propriété de reviviscence. Cette
dessiccation peut être poussée plus loin dans le vide sec sans que le
résultat soit changé. C'est ce que montre l'expérience suivante.
EXP. V. — ANIMAUX DESSÉCHÉS A NU, D'ABORD A L'AIR LIBRE, PUIS SOUS
LA CLOCHE SÈCHE, ET ENFIN DANS LE VIDE SEC. REVIVISCENCE.
Le 20 juin 1859, M. Doyère nous présente deux émydiums, deux macro-
biotes et trois anguiliules parfaitement à nu dans le verre de montre n» 19.
La préparation n'a été faite qu'liier matin ; néaumoins les animaux parais-
sent secs.
A quatre heures dix-sept minutes, on place le verre sous le récipient de la
machine pneumatique, à côté d'une coupe pleine d'acide sulfarlque concen-
tré. On ne fait pas le vide ce jour-là. On pose les scellés sur la cloche.
Le lendemain 21 juin, à trois heures, sans toucher aux scellés, on fait le
vide à 4 millimètres.
Le 22 juin, la cloche, tubulée par en haut et mal obturée, n'a pas tenu le
vide; le baromètre ne marque plus. On pompe de nouveau jusqu'à 4 milli-
mètres.
Le 23 juin, la cloche n'a pas tenu le vide d'une manière complète. Le ba-
romètre ne marque plus. Néanmoins, quand on ouvre le robinet, l'air exté-
rieur se précipite avec assez de force pour culbuter le veire de montre.
A trois heures, ou lève les scellés. On extrait le verre de montre n° 19, et
on l'humecte à trois heures une minute.
A trois heures trente-deux minutes, un émydium fait un léger mouvement.
A trois heures trente-six minutes, il est tout à fait ranimé. Le second émy-
dium commence à se mouvoir à trois heures quarante minutes ; les deux
macrobioles à quatre heures et quatre heures cinq minutes. Les anguiliules
ne bougent pas.
A quatre heures vingt minutes, on scelle ce verre sous la cloche humide.
Le 25 juin, à trois heures cinquante minutes, on l'examine de nouveau.
L'eau n'est pas évaporée, mais les quatre animaux qui vivaient hier sont
morts aujourd'hui. Les anguiliules sont toujours inanimées.
Cette expérience manque de précision, puisque, par suite delà mau-
vaise disposition de la cloche, le vide a été incomplet. Il est certain
toutefois que la raréfaction de l'air était considérable, puisque, au
moment où le robinet a été ouvert, l'air extérieur s'est précipité avec
violence sous le récipient. Nous rappellerons ici que, dans ses expé-
riences sur lee anguiliules de la nielle^ M. Davaine a pu ranimer ces
animalcules après les avoir desséchés à nu, d'abord à l'air libre, puis
dans le vide sec où il les avait maintenus pendant cinq jours. On
44
a vu dans les expériences précédentes que les angnillules des toits,
soumises à une dessiccalion moins complète (surtout dans l'expé-
rience IV). ne se sont pas ranimées, et nous pouvons dire à ce propos
qu'il y a des différences considérables, sous tous les rapports, entre
les anguillules de la nielle et celles des toits. Les premières sont beau-
coup plus réviviscibles que les autres, mais elles ne le sont qu'à l'état
de larves, et celles qui parviennent à l'âge adulte ne peuvent résister à
la moindre dessiccation. Les anguillules des toits, dont l'évolution est
entièrement différente, peuvent se ranimer à tout âge, et les plus
grosses ne paraissent pas moins réviviscibles que les plus petites.
Dans les trois dernières expériences de M. Doyère, l'épreuve du vide
n'a été que le préliminaire de l'épreuve du chauffage; on a dabord
desséché les animaux à froid pour les mettre en état de supporter des
températures élevées, qui, sans cette précaution préalable, auraient
détruit leur organisation.
EXP. VI. — MOUSSE DESSÉCHÉE A FROID DANS LE VIDE SEC, PUIS CHAUFFÉE A 98".
REVIVISCENCE DES ANIMAUX CONTENUS DANS LA MOUSSE.
Le 20 juin 1859, à quatre heures dix-sept minutes, on place sous la ma-
chine pneumatique une certaine quantité de mousses provenant de la boite
n° 1, et recueillies à Toulon par M. Doyère sur un toit exposé à l'ouest. Dix
échantillons sont disposés dans de petites cupules en cuivre; une large
coupe pleine d'acide sulfurique concentré est en même temps placée sous la
clociie. On ne fait pas le vide ce soir-là. On scelle la cloche, qui est tubulée
par le haut, et mal obturée comme on va le voir.
Le 21 juin, à trois heures, on fait le vide à 4 millimètres.
Le 22 juin, à une heure, la cloche n'a pas tenu le vide; le baromètre ne
marque plus. On pompe de nouveau jusqu'à 4 millimètres.
Le 23 juin, la cloche n'a pas tenu le vide. Toutefois l'air se précipite avec
force sous le récipient, lorsqu'on ouvre le robinet à trois heures.
A trois heures trente-trois minutes, on remplace la cloche tubulée par une
cloche pleine; on renouvelle l'acide sulfurique, et l'on fait le vide à 4 milli-
mètres.
Le 27 juin, la cloche a parfaitement tenu le vide; le baromètre est à G mil-
limètres. La mousse, a[)rès trois jours de vicie imparfait, a donc séjourné
quatre jours consécutifs dans le vide sous une pression de 4 à G millimètres.
M. Doyère préparc son étuve : c'est une boite métallique, ou chambre à
air, contenue dans une autre boîte métallique beaucoup plus grande; l'in-
tervalle compris entre les deux boîtes constitue la chambre à eau. La cham-
bre à air communi{iue avec l'extérieur par deux tubes, ruusnpi'rleur, l'autre
inférieur, alin que l'air se renouvelle pendant le chaufTage, et (]uc la petite
quantité de vapeur d'eau dr-gagée des mousses ne séjourne |)a? dans l'étuve.
Le tube inférieur, qui apporte l'air, est disposé en forme de serpentin et dé-
45
crit dans la chambre à eau un grand nombre de flexuosités; de telle sorte
que l'air nouveau, en arrivant dans l'étuve, est drjà aussi chaud que celui
qu'il remplace. Le tube supérieur est droit et laisse passer un thermomètre
qui donne la température de la chambre à air. Un autre thermomètre, plon-
geant dans la chambre à eau, donne la température du liquide.
A midi quarante minutes, on fait rentrer l'air sous la machine pneuma-
tique, on extrait rapidement trois des cupules en cuivre qui contiennent les
mousses, on y laisse les autres pour une expérience ultérieure (exp. VIII),
et l'on refait le vide aussitôt.
Chaque cupule, au moment où on la retire, est immédiatement recouverte
d'un verre de montre. Toutes trois sont transportées à l'extrémité du labora-
toire et placées dans l'étuve. On enlève alors les verres de montre, et l'on fait
descendre la boule du thermomètre jusque dans l'une des cupules, de ma-
nière à la mettre en contact avec la mousse.
Il est midi cinquante minutes. L'eau est à la température de 24", qui est
celle de l'air du laboratoire. Ou commence alors à chaufl'er de la manière
suivante :
Température marquée
Température de l'eau. par le thermomètre des mousses.
12 heures 50 minutes.
24°
1 —
n
—
50»
1 —
10
—
58»
1 —
20
—
62»
1 —
35
—
70°
1 —
50
—
80»
2 -
»
—
100°
2 —
10
—
100»
2 1_
25
^
100»
2 —
30
—
100°
2
35
—
100»
82°
90°
97°5
98°
98°
A deux heures trente-cinq minutes, on ouvre l'étuve et l'on retire les cu-
pules.
A deux heures cinquante minutes, les mousses sont refroidies. Le contenu
de la cupule n» 1 est placé dans un verre de montre et scellé sous la cloche
humide. Le contenu des deux autres cupules est déposé dans la boîte n° 5 et
remis au rapporteur de la commission pour être examiné plus tard.
Le 28 juin, à trois heures quinze minutes, on brise les scellés et l'on
humecte la mousse provenant de la cupule n° 1. Celte mousse a séjourné
pendant vingt-quatre heures sous la cloche humide après avoir subi une
température de 98°.
On exprime immédiatement dans un verre de montre une partie du sable
contenu dans la mousse, et l'on place la préparation sous le microscope. On
découvre bientôt deux corps de rotifères roulés en boule et trois anguillules.
A trois heures quarante minutes, Vun des rotifères commence à se mouvoir.
A quatre heures, cet animal est très-vigoureux. L'autre rotifère est immo-
bile, ainsi que les trois anguillules.
46
La commission, préoccupce d'uue autre cxijérierice ([ui marchait de Iront
avec celle-ci, négligea les jours suivants d'examiner de nouveau la prépara-
tion, qui tut perdue.
Suite de l'expérience (par le rapporteur). Le G septembre 1859, à dix heures
du soir, je prends un peu de la poussière déposée au fond de la boite n" 5,
qui m'a été remise le 27 juin, et ([ui renferme le reste des mousses chauf-
fées à 98°. Je la répartis entre quatre verres de montre a, b, c, d, que j'hu-
mecte immédiatement. Je trouve des corps d'animaux dans les quatre pré-
parations.
A minuit et demi, tous les animaux sont encore immobiles.
Le 7 septembre 1859, à midi quarante-cinq minutes, j'examine la prépara-
tion.
Dans le verre a, je trouve ua petit rotifère très-vivant et très-mobile, plus
un émydium et deux macrobiotes qui paraissent morts.
Dans le verre b, un tardigrade macrol)iote extrêmement vigoureux, un ro-
tifère endosmose et très-évidemment mort, et plusieurs anguillules immo-
biles.
Dans le verre c, un macrobiote vivant, un autre immobile, et un rotifère
en boule.
Dans le verre d, un seul macrobiote vivant ; il n'y a aucun autre animal
dans ce verre.
Le même jour, à neuf heures du soir, les trois animaux du verre c sont en
pleine activité; rien de changé dans les autres verres.
Les animaux ranimés, observés matin et soir, ont vécu deux jours entiers.
Le 10 septembre au matin, je ne retrouve plus qu'un tardigrade vivant. Le
soir, cet animal est mort comme les autres.
Seconde suite de l'expérience (par le rapporteur). Le 18 mars 18C0, près de
neuf mois après la séance de chauffage, j'ai repris dans la boite u" 5 un peu
de mousse que j'ai humectée à dix heures du soir.
J'en ai fait trois préparations que j'ai examinées aussitôt, et oii j'ai trouvé
environ dix corps de macrobiotes ou de rotifères et deux anguillules; aucun
émydium.
Le 19 mars, à midi, et le même jour, à onze heures du soir, aucune revi-
viscence.
Le 20 mars, à midi, un macrobiote vivant et très-agile. 11 y a dans le même
verre trois autres macrobiotes endosmoses et tloltants, un rotifère endos-
mose, un rotifère en boule et une anguillulc morte.
Les animaux des autres préparations sont en très-petit nombre, et au<;un
d'eux n'a revécu.
Les préparations ont été examinées matin et soir jusqu'au '23 mars. Le ro-
tifère en boule ne s'est pas déployé; ses viscères paraissaient désorganisés.
Aucun animal n'a revécu, à l'exception du macrobiote déjà meulionué, cl
celui-ci môme a été trouvé mort le 21 mars, à dix heures du soir. 11 était
encore vivant le malin.
Dans celle expérience l'ébullilion de l'eau a été prolongée trente-
cinq minutes, niais la lempcralure de l'eau ne se communiquant
47
qu'assez lentement à l'air de l'étuve, le thermomètre de l'éluve n'a
dépassé 97" que dix minutes avant la fin, et n'est resté à 98* que pen-
dant cinq minutes. La température de 98° n'a pas été dépassée; elle
ne pouvait l'être dans une étuve à eau, avec la condition de mainte-
nir une communication entre l'air extérieur et celui de l'étuve. Quel-
que faible que soit le courant d'air, il empêche la température inté-
rieure de se mettre entièrement en équilibre avec celle de l'eau. Le
chauffage a été fait exactement de la môme manière dans l'expérience
suivante qui a été faite en même temps.
EXP. VII. — ANIMAUX DÉPOSÉS SUR LE VERRE AVEC UN PEU DE SARLE, DESSÉ-
CHÉS A FROID DANS LE VIDE SEC, PUIS CHAUFFÉS A 98". REVIVISCENCE.
Les trois verres de montre n* 1, n" 4 et n" 17, préparés le 17 juin par
M. Doyère, et renfermant des animaux qui ont été présentés secs à la com-
mission le 50 juin, ont été placés sous la cloclie de la machine pneumatique
en même temps que les mousses de l'expérience précédente. Après un séjour
de vingt-quatre heures sous la cloche sèche, de trois jours dans le vide sec
imparfait, et de quatre jours dans le vide sec sous une pression de i à 6 mill.,
ces trois verres sont extraits de la machine pneumatique le 11 juin, à midi
quarante minutes. On recouvre chacun d'eux d'un autre verre de montre
pour les transporter jusqu'à l'étuve sans les exposer à l'humidité atmosphé-
rique; on les dépose dans l'étuve à côté des mousses de l'expérience précé-
dente, puis on les découvre et l'on procède au chauffage de midi cinquante
minutes à deux heures trente-cinq minutes. (Voir dans l'exp. VI le tableau
des températures.)
A deux heures trente-cinq minutes, les trois verres sont extraits de l'étuve.
A deux heures cinquante minutes, on place les verres n° 1 et n" 4 sous la
cloche humide, et l'on humecte directement le verre n" 17.
Examen du verre n° 17. — Ce verre renferme des émydiums et des anguil-
lules tout à fait à nus. Au sortir de l'étuve il a passé quinze minutes à l'air
libre, puis il a été humecté sans séjourner sous la cloche humide. Examiné
successivement le 27 juin, le 28 et le 30, il n'a montré aucune reviviscence.
Examen du verre n* t. — Ce verre, extrait de l'étuve le 27 juin à deux
heures trente-cinq minutes, est resté exposé à l'air libre pendant quinze
minutes. A deux heures cinquante minutes on l'a placé sous la cloche hu-
mide, où on l'a laissé cinquante minutes. Ce verre renferme une très-petite
quantité de sable de gouttière, et plus de vingt animalcules de diverses es-
pèces.
A trois heures quarante minutes , on humecte la préparation.
A quatre heures vingt minutes, un macrobiote remue une patte; à quatre
heures vingt-cinq minutes, il remue plusieurs pattes, mais ne change pas de
place.
A quatre heures trente minutes, rien de nouveau. Les autres animaux sont
toujours immobiles. On sceUe le verre sous la cloche humide.
Le 28 jum, à trois heures quinze minutes, on examine de nouveau la pré-
48
paration:on y trouve sept macrobiotes, deux rotifôres el un émydiura parfai-
tement vivants et agiles. Il y a, en outre, cinq ou six macrobiotes, cinq ou
six rotifères et deux émydiums qui paraissent tout à fait morts.
La préparation n'a pas été examinée les jours suivants.
Examen du verre n" 4.— Ce verre renferme sept ou huit rotifères grands ou
petits avec un peu de sable. Au sortir de l'ctuve, le 27 jnin, à deux heures
trente-cinq minutes, il est resté quinze minutes à l'air libre; à deux heures
cinquante minutes^ il a été scellé sous la cloche humide, où il a séjourné un
peu plus de vingt-quatre heures.
Le 28 juin, à trois heures quinze minutes, on l'humecte et on l'examine.
A trois heures trente minutes, un grand rotifère commence à se contracter;
à quatre heures dix minutes, il est eu pleine activité. Les autres animaux
sont toujours immobiles. Plusieurs rotifères sont endosmoses, deux sont
encore roulés en boule. Ce verre n'a [las été examiné les jours suivants.
Celle expérience, comme on voit, a été menée de front avec la pré-
cédente, niais nous avons cru devoir l'en séparer parce que les ani-
maux, desséchés sur le verre, et non dans les mousses, ont été exposés
plus directement et plus complètement à l'action de la chaleur.
M. Doyère pense que la présence des mousses, en rendant la dessic-
cation plus lente, favorise beaucoup le succès de l'expérience. Le
sable contenu dans les verres n° 4 el n° 4 a pu contribuer de la même
manière à maintenir la propriété de reviviscence. On a vu, en effet,
que dans le verre n' 17 où les animaux étaient déposés à nu, la revi-
viscence n'a pas élé obtenue. Cela pourrait tenir aussi à une circon-
stance à laquelle M. Doyère attache beaucoup d'importance. Ce n'est
pas seulement dans l'opération de la dessiccation qu'il t'aul agir avec
lenteur. Il pense que l'opération de l'humectalion doit se faire d'une
manière graduelle, pour ne pas exposer les animaux aux lésions de
tissus qui pourraient résulter d'une imbibition trop rapide- Voilà
pourquoi les mousses de l'expérience VI, et les verres n» 1 el n" i de
l'expérience Vil, après avoir séjourné quinze minutes à l'air libre,
ont élé placés quelque temps sous la cloche humide avant d'être direc-
tement humectés.
Ilyaeu reviviscence dans les trois cas, tandis que les animaux
du verre w 17, humectés au bout de quinze minutes sans avoir passé
sous la cloche humide, ne se sont pas ranimés. E>t ce parce qu'ils
étaient tout à fait à nu, ou parce qu'ils ont été mouillés sans ménage-
ment? La que^tion est restée douteuse pour nous ; mais comme l'excès
de prudence ne saurait nuire, nous avons dû suivre dans nos propres
expériences le précepte de procéder graduellement à l'humectation.
Quoique, d'après les termes précis du débat soumis à la Société de
biologie, la commission eût élé instituée principalement pour vérifier
l'expérience du chauffage à 400% nous avons accepté avec plaisir la pro-
position que nous a faite M. Doyère, de porter lu température au delà
de 100°. 11 a donc exécuté devant nous l'expérience suivante qui a
donné un résultat négatif.
EXP. YIII. — ANIMAUX CHAUFFÉS A 120* ET A 140°. POINT DE REVIVISCENCE.
On a vu dans respérience VI que sept cnpules en cuivre, contenant des
échantillons de monsses, avaient été laissées le 27 juin 1855 sous la machine
pneumatique pour servir à une expérience ultérieure.
Ces mousses n'avaient été exposées à l'air que pendant quelques minutes,
car on avait refait le vide presque immédiatement, après avoir seulement
pris le temps de renouveler l'acide sulfurique. Le vide fut maintenu à 6 mil-
limètres jusqu'au 30 juin. Les mousses avaient alors séjourné trois jours
dans le vide sec imparfait, puis sept jours dans le vide sec sous une pression
de 4 à 6 millimètres.
Le 30 juin, à une heure trente minutes, on ouvre le robinet de la machine
pneumatique, on extrait cinq cupules et on les transporte à l'étuve avec
les précautions déjà indiquées. L'étuve est disposée comme dans l'expérience
précédente, si ce n'est qu'on a remplacé le bain d'eau par un bain d'huile
pour obtenir des températures supérieures à lOO".
Le bain d'huile a été préalablement chauffé et porté jusqu'à 100°, mais la
porte de l'étuve est restée ouverte, de sorte que la température de la chambre
à air est très-peu élevée.
A une heure dix minutes, on ferme la porte de l'étuve et l'on procède au
chaufTage de la manière suivante :
Température de Température des
l'huile.
mousses.
heure 10 minutes.
100°
—
17
—
105°
42°
—
27
—
120»
65°
On diminue le feu.
—
37
—
118*
81"
—
47
—
126°
90»
—
52
—
125°
100"5
—
57
—
129°
104-
2
—
7
—
133'
110»
2
—
12
—
136»
112»
2
—
17
—
138»
115»
On éteint le feu.
2
—
27
—
130»
in^û
Ou rallume le fou.
0
—
37
—
148"
llS^J
2
38
150»
l\9"b
On retire rapidement
trois cupules el on re-
ferme aussitôt l'étuve.
2
—
47
—
1G4°
130°
On éteint détiuitivement
le feu.
2
_
55
—
157»
140»
3
—
150»
142»
50
A trois heures, on ouvre l'étuve et l'on retire les deux dernières cupules
qui ont subi pendant soixante minutes une température supérieure à 100°;
savoir de 100" à 1!20° pendant quarante-six minutes, et de 120" à I42<* pendant
vingt-deux minutes.
Les trois autres cupules retirées de réluve à deux heures trente-huit mi-
nutes, n'ont pas dépassé IIQ^S, mais sont restées pendant quarante-six mi-
nutes au-dessus de lOO».
Les cinq cupules numérotées sont scellées sous une cloclie peu humide à
trois heures vingt minutes.
Le lendemain, l'"- juillet, sans lever les scellés, on fait pénétrer sous la clo-
che une grande quantité d'eau.
Le 2 juillet, on brise les scellés à trois heures, on fait trois préparations
avec les mousses chaufTées à IID-d dans trois verres numérotés 120 a, 120 ?>,
120 c. On fait quatre préparations avec les mousses chauffées à liO", dans
quatre verres numérotés 140 a, b, c et d.
On trouve dans tous les verres des corps d'animaux de diverses espèces ;
tous ces coi'ps sont immobiles. A quatre heures et demie, on scelle les prépa-
rations sous la cloche humide.
Le 3 juillet à neuf heures du matin, en l'absence de M. Doyf're, nous exami-
nons successivement tous les verres; nous y trouvons des corps de rotifères,
de tardigrades et d'anguillules, tous endosmoses et flottant à vau-l'eau. Les
débris des mousses qui ont été chauffées à liO° ont perdu en partie leur
structure, et paraissent avoir subi une sorte de carbonisation.
Dans le verre n° 120 a, nous découvrons en outre un iufusoirc volumineux
à mouvements très-rapides, et exactement semblable à d'autres animaux de
môme espèce que nous avons ranimés dans d'autres expériences après les
avoir desséchés (1). Cet animalcule de forme elliptique, long de 0°"",05,
(1) Nous regrettons de ne pouvoir désigner ici sous son vrai nom cet ani-
malcule qui est assez commun dans la mousse des toits, et qui n'est autre,
selon tontes probabilités, que le volvox dont Sennebicr a signalé la revivis-
cence. MM. Gavarret et Doyèrc, dans leurs travaux récents sur les animaux
réviviscibles, ont parlé plusieurs fois de la reviviscence des volvox, et, ayant
assisté moi-même à quelques-unes de leurs expériences, j'ai pu m'assurer
que l'animal désigné par eux sous ce nom est bien de même espèce que l'in-
fusoire observé le 3 juillet et les jours suivants, dans le verre 120 a, par les
membres de la commission. ïoulofois, notre collègue JI. Balbiani, qui a
étudié les infusoires d'une manière toute spéciale, et qui, retenu en province,
n'avait malheureusement pas pu assister à la séance du 3 juillet, n'a pas re-
connu le volvox sur le dessin que nous lui avons montré et qui est annexé
au procès-verbal. Ce dessin a d'ailleurs été fait sous un tr^p faible grossis-
sement (80 diamètres) pour que M. Balbiani ait pu caractériser exactement
l'animal. Il pense que c'est un parnm''rium. Nous avons pu nous assurer do-
I)uis, comme on le verra dans la relation des expériences de la conmiission^
(|ue les paraméciums sont des animaux réviviscibles. 11 est fort douteux, an
51
large de 0"'"',03ô, est le seul être vivant c[ui existe dans nos sept prépara-
tions.
Le 4jnillet, à deux heures de l'après-midi, nous examinons de nouveau les
préparations. Nous retrouvons l'infusoire d'hier, et rien déplus.
Le rapporteur a examiné plusieurs jours de suite le verre n» 120 a, oii était
Vinfusoire en question. Cet animal était encore vivant le 0 juillet, jour où la
préparation a été jetée. Il est resté entièrement seul jusqu'à la lin. Aucun
autre infusoire, soit de la môme espèce, soit d'une antre espèce, ne s'est
montré dans cette préparation, excepté des monades qui n'y ont paru que le
dernier jour.
Le résultat de celte expérience a été négatif pour ce qui concerne la
reviviscence des rotifères, des tardigrades et des anguillules, et au
moins douteux pour ce qui concerne la reviviscence de l'infusoire du
verre 120 a. Quoique dix-huit heures seulement se soient écoulées en-
tre le moment où la mousse a été humectée et celui où l'infusoire vi-
vant a été découvert, et quoique cet infusoire soit au nombre de ceux
dont la propriété de reviviscence a été rendue certaine par d'autres
expériences, on ne saurait considérer comme démontré que l'animal-
cule observé le 4 juillet, à neuf heures du malin, ait été ranimé par
l'humectalion.
Nous savons qu'il ne venait pas de l'eau versée sur les mousses,
puique le 5 juillet nous avions examiné la préparation pendant une
heure et demie sans y apercevoir aucun être vivant.
Nous ne pensons pas que le délai de dix-huit heures soit suffisant
pour que les partisans de l'hélérogénie puissent attribuer à cette cause
le développement spontané d'un infusoire aussi volumineux aux dé-
pens de substances organiques chauffées au delà de 100° pendant qua-
rante-six minutes (1). D'ailleurs un animal seul, qui reste seul dans la
même infusion pendant sept jours, ne peut guère être considéré comme
le produit d'une génération spontanée.
Reste l'hypothèse d'un œuf déposé dans le verre de montre par l'at-
mosphère, et éclos dans la nuit du 3 au 4 juillet. Comme les six
contraire, que le véritable volvox soit réviviscible. Les infusoires n'ont été
étudiés sous de forts grossissements que dans notre siècle, et il est probable
que Sennebier a confondu les volvox avec les paraméciums.
(1) On sait que M. Pouchet, dans son Traité d'hktérogénie, a démontré que
les matières organiques soumises à des températures élevées, ne donnent
lieu que très-tard au développement des infusoires, et que le retard est d'au-
tant plus grand que la température a été plus élevée. Ce fait lui a fourni un
de ses plus forts arguments en faveur de la doctrine qu'il soutient avec tant
de talent.
52
autres verre;; préparés le même jour, et conservés sous la môme clo-
che, n'ont présenté aucun infusoire, il faudrait admettre qu'un seul
germe, ou du moins un très-petit nombre de germes, existait dans les
tiois litres d'air contenus sous la cloche. Ce n'est pas inadmissible.
On remarquera toutefois que les adversaires de l'hélérogénie accor-
dent généralement à l'air atmosphérique une fertilité incomparable-
ment plus grande. Il est donc assez probable que notre infusoire était
un animal réviviscent, mais ce n'est qu'une probabilité, la certitude de
la léviviscence ne pouvant être établie que par l'observation diiecle de
l'animal, dabord en état de mort apparente, puis en état d'activité.
Or nous n'avons pas vu, le 5 juillet, le corps de l'animal que nous
avons vu vivre le lendemain et les jours suivants. Nous ne Pavons pas
vu pour deux raisons : d'abord parce que nous ne le cherchions pas ;
mais nous ne l'auiions pas trouvé davantage, au milieu du sable et
des débiis de mousse, quand même il aurait existé et que nous l'aurions
cherché attentivement; car le corps d'un animal aussi petit disparaît
derrière le moindre détritus de matière organique, et ne pourrait d'ail-
leurs être reconnu, en état d'immobilité, que sous des grossissements
bien supérieurs à celui dont nous nous servions.
L'origine de cet infusoire reste donc douteuse, et nous n'en aurions
pas parlé si nous ne savions, par les expériences ultérieures de MM. Ga-
varrct et Doyère, que des infusoires de cette espèce, et de celte espèce
seulement, se sont montrés habituellement en pleine activité, à coté
des rotifères, dans les préparations faites avec des mousses et chauffées
audelàdclOOM'l).
Quoi qu'il en soit, messicuis, l'expérience du chauffage à 140° a com-
plètement échoué, et le chauffage i\ 120° a détruit la propriété de re-
viviscence chez les rotifères, lestardigiadeset lesanguillules. M. Doyère
avait eu soin de nous dii'e d'avance qu'il ne comptait pas beaucoup sur
le succès. 11 pensait que les mousses n'avaient pas séjourné assez long-
temps sous la machine pneumatique. Obligé de quitter Paris, il vou-
lait utiliser, avant de partir, les matériaux qu'il avait préparés, nous
proposant d'ailleurs de reprendre ultérieurement l'expérience du chauf-
fage au dflàde 100", dans des conditions plus favorables, et avec des
ap[)nreils plus parfaits.
Nous n'avons pas cru devoir accepter celte proposition, parce que
la prépaiation et l'exécution de Texpérience auraient pris beaucoup de
(1) Gavarref, Ouki-OUes EXPÈniENCKS simtES noxiFKnES, les TAnmcuADEs et
LES ANOniLLULES, (lailS los ANNALES DBS SCIENCES NATURELLES, 4' Série, I. XI,
l'allier Y. Tirip^c à piirt, p". l'i, en noio l'.iiis. 1859, in 8».
53
temps, et que d'ailleurs nous n'avions pas été chargés de déterminer
la limite de la température où périssent définilivement les animaux
réviviscibles. mais seulement d'examiner si ces animaux peuvent ou
non icsister à une chaleur dt; 100". L'expérience du 27 juin terminait
donc en réalité la série des faits que nous étions chargés de constater,
el si nous avons pu sortir un instant, le 50 juin, des bornes de notie
programme, nous n'avons pas voulu nous engager dans des recherches
d'un autre ordre, qui auraientnécessairement retardé la présentation de
notre rapport.
Les recherches relatives à la limite des températures que peuvent
supporter les tardigrades et les rotilères ont été faites depuis par
MM. Gavarret et Vous en connaissez le résultat. Vous savez
que ces expérimentations ont pu ranimer des animaux chauflés entre
liO" à 115" centigrades.
Nous reviendrons plus loin sur celte importante question.
§ II. — EXPÉRIENCES DE M. POLCHET.
Les faits dont nous venions d'être témoins paraissaient déposer vic-
torieusement en faveur des assertions de M. Doyère, et établir qu'un
animal complètement desséché d'abord à froid, dans le vide seC; puis
à chaud sous une température de 100", peut encore revenir à la vie.
Mais nous ne pouvions rien conclure avant d'avoir répété nous-mêmes
l'expérience décisive du chautT.ige, et nous ne devions le faire qu'apiès
avoir invité leshonorablesconlradicteursdeM. Doyère à expérimenter
devant nous à leur tour.
Ce n'était pas une simple question de convenance, c'était une exi-
gence de la justice la plus élémentaire, et c'était en môme temps le
seul moyen d'arriver, par la comparaiirou des expériences, à éliminer
autant que possible les causes d'erreurs.
Nous n'avons qu'à nous féliciter d'avoir suivi celte voie, car nous y
avons gagné d'entrer en relation avec un des savants les plus estimés
de notre époque, et d'assister à plusieurs expériences curieuses et nou-
velles qui serviront à compléter l'histoiie des animaux réviviscenis.
Les conclusions présentées à la Société par MM. Pouchet el Penne-
tiei'j dans leur mémoire du 17 mai 1859, étaient les suivantes :
« 1° Les rotilères et les tardigrades oOstrvt's vivants , et auxquels on
« fait ensuite subir une dessiccation complète pendant vingt-qualre
« heures, à une température de 25 à 30° centigr., ne reviennent jamais
« à la vie, quels que soient les procédés que l'on ait suivis, soit pour
« leur dessiccation, soit pour leur révivificalion.
5'}
« 2" Les rotifère3 el les lardigrades ou leurs œufs, qui se irouvcnl
« dans la mousse dos toits, après y avoir subi une dessiccation lente
« et complète pendant un mois, périssent sans retour sous l'influence
« d'une température de 100", prolongée pendant une heure.
« 5" Assez souvent on s'aperçoit même que, loin de retrouver l'in-
« tégrité de leurs fonctions après la dessiccation, ces animaux, par
« reCfet de celle-ci, ont éprouvé quelques graves lésions organiques
« dans les appareils les plus essentiels à la vie.
« 4" L'endosmose qu'éprouvent quelques rotifères lorsqu'on les
« plonge dans l'eau après leur dessiccation, a pu être prise par des ob-
« servateurs inattentifs pour un commencement de révivifjcation. »
Avant de nous mettre en rapport avec M. Pouchet, nous avons dû
examiner ces quatre conclusions. La quatrième n'était pas contestable;
la troisième était la conséquence et comme l'explication de la seconde.
La première était en contradiction avec plusieurs expériences exécu-
tées devant nous par M. Doyèro; mais la seconde conclusion, où nous
lisions qu'une température de 100", prolongée pendant une heure, tue
sans retour les animaux, n'était nullement ébranlée par les laits dont
nous avions été témoins. M. Doyère n'avait maintenu la température
de 100" que pendant quelques minutes dans les expériences qui avaient
réussi; tandis que MM. Pouchet et Pennetier l'avaient maintenue pen-
dant une heure. Nous avons de fortes raisons de croire qu'une expérience
aussi longue doit presque nécessairement aboutir au résultat annoncé
par les expérimentateurs du Muséum deRouen, et il est fort probableque,
si ces derniers étaient restés sur le terrain où ils avaient d'abord placé
le débat, nous n'aurions eu qu'à confirmer leur principale assertion.
Mais M. Pouchet, qui a eu le mérite d'insister plus que ses devanciers
sur l'importance de la durée des épreuves, et de démontrer que les
épreuves en apparence les plus inoffensives peuvent devenir fort dan-
gereuses avec le temps, M. Pouchet, disons-nous, a spontanément
reconnu que la limite d'une heure pour l'épreuve du chaufTage à 100",
était arbitraire et excessive. Le chautîage n'étant pour lui qu'un
moyen de rendre la dessiccation complète et certaine, il a pensé
avec raison que ce résultat devait être obtenu en moins d'une heure,
et qu'une demi-heure de chaleur à 100" sullisait amplement pour en-
lever les derniers restes d'humidité, pourvu que la quantité do matières
mise en expérience ne fût pas trop considérable. Il a donc, sans que
nous le lui ayons demandé, réduit à trente minutes la durée de la
grande expéntence du cliauflage, et vous verrez comme nous, dans
cette détermination, une preuve de sa haute sincérité.
Le travail de MM. Pouchet et Pennetier n'était pas le seul que nous
eussions à examiner. La Société avait reçu à peu près à la même épo-
00
que unft note de M. Tinel sur les roiifôres et les tardigrades, et un
mémoire de M. Perinelier sur la question spéciale des anguillules des
toits.
Les faits annoncés par M. Tinel sont les suivants :
1" Les rotil'ères déposés à nu sur le verre, et exposés au soleil sous
une température de 40 à 4S°, perdent au bout de trois heures leur pro-
priété de reviviscence; ils la perdent au bout de vingt-qualre heures
si on les conserve à l'ombre, à la température ordinaire.
2° Déposés sur le verre avec une très-mince couche de sable et
conservés à l'ombre, ils perdent leur propriété au bout de trois jours,
5° Déposés sur le verre avec un peu plus de sable, ils périssent dé-
finitivement au bout de six jours si on les expose au soleil, au bout de
quinze jours si on les conserve à l'ombre.
4° Les tardigrades résistent moins que les rotifères; déposés sur le
verre avec une certaine quantité de sable, ils sont tous morts définiti-
vement au bout de cinq jours si on les conserve à l'ombre , au bout de
quarante-huit heures si on les expose au soleil.
5" Les rotifères et les tardigrades, déposés avec du sable sur une pla-
que de verre, séchés à l'ombre pendant vingt-quatre heures, puis
portés graduellement dans l'étuvc au delà de la température qui coagule
l'albumine et maintenus pendant quatre heures à la température de 80",
ont perdu sans retour leur propriété de reviviscence.
Le mémoire particulier de M. Pennetier, comme nous vous l'avons
déjà dit, est relatif seulement aux anguillules des toits, et nous y trou-
vons l'énoncé des faits suivants :
1" Les anguillules des toits déposées sur une lame de verre et con-
servées pendant plusieurs jours, soit à l'ombre, sous une température
de 20 à 25", soit au soleil sous une température de 5o à 43», ne sont
plus ranimées par l'humectation.
2" Les anguillules des toits déposées sur le verre, recouvertes d'une
couche de sable, et conservées soit à l'ombre soit au soleil, perdent éga-
lement leur propriété de reviviscence au bout d'un nombre de jours
d'autant moindre que la couche de sable est moins épaisse.
5" La poussière des mousses, tamisée à plusieurs reprises, conservée
en couche épaisse, à l'ombre, et sous une température de 25", recèle
encore des animaux réviviscibles au bout de dix-huit jours. Si alors
on la chauffe graduellement en petite quantité, toutes les anguillules
qu'elle renferme périssent sans retour après avoir supporté pendant
deux heures une température de 7,-)".
Tels sont, messieurs, les faits qui nous ont été annoncés par les ad-
versaires de M. Doyère. Nous n'aurons pas besoin de les discuter iso-
lément; vous avez remarqué sans doute que la plupart de ces faits sont
56
en opposition avec les résultais des expériences que nous vous avons
déjà ox posés en détail. Vous n'en devez pas conclure cependant qu'ils
aitnl été mal observés. Nous tenons pour certain que les expérimen-
tateurs de Rouen ont vu et bien vu ce qu'ils nous rappoilenl, et la dif-
férence des résultais obtenus ne peut être attribuée qu'à la différence
des conditions au milieu desquelles les animaux ont été desséchés. Il
est probable, d'une part, que les mousses employées à Rouen étaient
peu favorables au succès des expériences; elles avaient été récoltées
« au mois de mai dans une gouttière des combles de la cathédrale de
« Rouen, à un endroit ombragé par la tour Georges (VAmboise (l). »
Le terreau abondant qui fut extrait de leurs racines était noir, et celte
couleur, due à la décomposition des matières organiques, était l'indice
d'une humidité habituelle. Or, il nous paraît certain que la résistance
des animaux varie considérablemenlsuivanlledegréd"humiditédu mi-
lieu où ils ont été élevés. Les mousses mises en expérience par M. Doyère
avaient été récollées, au contraire, en petites toufles, sur des toits
ou sur des rochers exposés au soleil, et la matière terieuse con-
tenue dans U'uis racines était non pas du terreau véritable, mais plutôt
une sorte de sable aride et jaunâtre. Voilà donc une première circon-
stance qui était de nature à faire échouer les expériences de Rouen. Il
en est une autre sans doute dont il faut tenir compte également. Il ne
nous paraît pas certain que MM. Pouchet, Pennetier etTinel, dans leurs
premiers essais, aient piocédé à la dessiccation avec une lenteur suffi-
sante. Par exemple, nous ne voyons pas dans leurs relations que les
animaux déposés à nu sur une lame de verre aient été recouverts d'un
verre de montre pendant quelques heures; M. Doyère attache beau-
coup d'importance à cette précautiou, qui est destinée à retarder l'éva-
poralion.
Nous remarquons, en outre, que l'opération du chauffage n'a pas
été précédée d'une dessiccation à froid, d'abord sous la cloche sèche,
puis dans le vide sec. Enfin, nous pouvons supposer que les animaux
ont été humectés directement au sortir de l'étuve sans passer sous la
cloche humide. M. Pouchet, dans les expériences qu'il a exécutées de-
vant nous, s'est plusieurs fois conformé à ces préceptes, mais il les con-
sidérait comme illusoires; il pensait même que l'expérience préalable
du vide sec étiit plutôt nuisible qu'utile, et qu'elle était capable à elle
seule de mettre à mort les animaux. Tandis que M. Doyère recomman-
(1) Pouchet, Actes du muséum de Rouen. Nouvelles expé(\ienc.es sur les
ANIMAUX pseudo-ressuscitants. Houcii, 1800, in-6% p. 25. Yoy. aussi p. 19
et p. 9.
57
dait d'éviter tout changement brusque, et de ménager des transitions
graduelles, pour respecter l'organisation délicate des rotitères et des
tardigrades, le professeur de Rouen annorçait au contraire que ces
animaux peuvent sans inconvénient franctiir tout à coup 100" de tem-
pérature. Ce fut l'objet de la première expérience de M. Pouchet, ex-
périence la plus étonnante peut-être de toutes celles qui ont été faites
jusqu'ici sur les animaux réviviscents.
Les expériences de M. Pouchet ont été commencées le 12.aoùt 1839
et terminées le 2 novembre.
Matériaux des expériences. — Ces matériaux ont été apportés de Ilouea
par M. Pouchet.
1" Mousses provenant de la cathédrale de Rouen ; récoltées le 9 aoûf, elles
ont été humectées à Rouen le 10 août. Elles sont encore assez humides pour
que la pression en fasse sortir quelques gouttes de liquide.
2° Terreau noir provenant de ces mêmes mousses avant leur humectatioa
et passé au gros tamis.
3" Terreau noir provenant de ces mêmes mousses avant leur humectation
et passé au tamis de soie.
4° Terreau recueilli le 8 juin 1859 sur la cathédrale de Rouen, et renfermant
un grand nombre d'animaux qui ont cessé d'être réviviscibles, quoique ce
terreau n'ait été soumis à aucun procédé de dessiccation artificielle.
La première partie de la séance du 12 août est consacrée à l'examen de ces
divers matériaux. On ranime aisément les animaux des n°' 1,2 et 3. Le
terreau n* 4, conformément à l'assertion de M. Pouchet, ne renferme que des
animaux absolument et définitivement morts; examinés trois jours de suite
après l'humectation, ils ne se sont pas ranimés.
M. Pouchet nous montre l'étuve dont il se sert habituellement pour ses
expériences de chauffage. Voici comment il décrit lui-même cet appareil :
« Cette étuve se compose d'une gouttière en cuivre rouge, de 50 centimètres
» de longueur sur 10 de largeur et 2 de profondeur. Le fond de celte gout-
n tière est recouvert d'une plaque en verre mobile, sur laquelle on pose ho-
H rizontalement un thermomètre. L'appareil est recouvert d'une lame en
« verre, pour qu'on puisse, à chaque instant, apprécier la température qu'ac-
« cuse le thermomètre. Celte étuve, soutenue par deux pieds de métal, est
« chauffée à l'une de ses extrémités par une petite lampe (1). »
La substance que l'on se propose de chauffer est déposée sur la plaque
de verre inférieure, au niveau de la boule du thermomètre ou même sur la
boule de ce thermomètre. La chaleur de la lampe, communiquée à la plaque
de cuivre, se transmet à l'air contenu dans l'étuve, mais elle est nécessaire-
ment beaucoup plus considérable à lextrémité qui correspond à la lampe
qu'à l'extrémité opposée. Pour faire varier la température de la substance
(1) Pouchet, Recherches et expériences sur les animaux ressusci-
tants. Paris, 1859, in-8, p. 60.
58
qu'il dessèche, M. Pouchet n'a pas hesoin de toucher à sa lampe. Il se con-
tente de faire glisser horizontalement la plaque de verre inférieure , de ma-
nière à rapprocher ou à éloigner la boule du thermomètre horizontal de l'ex-
trémitc la plus chaude de l'étuve.
Toutefois, quand la température accusée i)ar le thermomètre s'élève un
peu trop vite, il soulève pendant quelques instants la plaque de verre supé-
rieure qui forme le couvercle de l'étuve, ce qui permet à l'air extérieur de
prendre la place de l'air chaud. Ajoutons enfin que la boîle n'est jamais close
hermétiquement, et que deux ouvertures opposées, dont l'une donne pas-
sage au tube du thermomètre, permettent à l'air de se renouveler pendant le
chauffage.
Cette étuve est simple et facile à manier, et avec un peu d'habitude elle
permet de régler assez bien la température du thermomètre. Mais les com-
missaires ont craint qu'elle n'eût pas une précision suffisante, et M. Pouchet,
pour écarter cette objection, s'est servi dans deux de ses expériences soit de
l'étuve de Gay-Lussac, soit d'un appareil particulier qui sera décrit en temps
et lieu, et qui a été préparé par notre collègue M. Berthelot.
EXP. IX. — ANIJI.VUX SOUMIS A UN FROID DE IG°, PUIS EXPOSÉS SUBITEMENT A
UNE CHALEUR DE 78" ET SUBISSANT AINSI INSTANTANÉMENT UN CHANGEMENT
DE 94» DE TEMPÉRATURE. REVIVISCENCE.
Le 12 août 1859, à trois heures trente minutes, M. Pouchet introduit au
fond d'une longue éprouvette environ 20 centigrammes du terreau n" 2, et
plonge cette éprouvette dans un mélange réfrigérant. Un thermomètre qui
surmonte le terreau dans l'éprouvette marque :
A 3 heures 35 minutes une température de + l".
A 3 heures 40 minutes — — 9°.
A 3 heures 50 minutes — — IC)".
A 3 heures 55 minutes — — 10°.
Pendant que le terreau refroidissait dans la glace, on chauffait l'éluvc-
Ponchet à la température de +18".
A trois heures cinquanle-cinq minutes, M. Pouchet relire l'éprouvette,
entr'ouvre rapidement l'étuve, et verse le terreau sur la boule du thermo-
mètre, qui est à 78". Le terreau retombe sur la plaque de verre, dont la tem-
pérature est au moins de 75".
A quatre heures dix minutes, après (piinze minutes de séjour dans l'étuve,
et sous une température de 78° au moins, le terreau est retiré, placé en en-
tier dans le verre de montre n" 1, et arrosé immédiatement d'eau froide,
avant même d'être refroidi.
Ce verre de montre, recouvert d'un autre, est scellé sous la cloche humide
pour être examiné demain.
Le treize août, ù deux heures trente-cinq minutes, nous l'examinons.
i\ous y trouvons plusieurs rolifères vivants et des lardigrades vivants, mais
peu vigoureux. Aucune anguillule n'existe dans la préparation. Tous les ani-
maux sans exceplion te .'■ijiit nuiiiuét.
59
EXP. X. — AUTIÎE EXPÉRIENCE SEMBLABLE, CHANGEMENT SUBIT DE 05°,0.
REVIVISCENCE.
Le douze août, à quatre heures, une très-pelile quantité du terreau n" 3,
taniis('' au tamis de soie, est placée de la môme manière dans le mélange ré-
frigérant.
A quatre heures quatorze minutes, la température de l'éprouvette est des-
cendue à tT-jO au-dessous de zéro.
On projette le terreau avec soin sur la boule du thermomètre de l'étuve-
Poucliet. Étant plus fin que le terreau n" 2, il reste sur la boule au lieu de
retomber sur la plaque.
Température de l'étuve, à 4 heures 14 minutes + 78°.
— à 4 heures 15 minutes + 76°.
— à 4 heures 17 minutes + 78°.
— à 4 heures 23 minutes + 84°. On soulève légè-
ment le couvercle.
— à 4 heures 28 minutes + 78°.
— à 4 heures 32 minutes + 78°.
Après un séjour de dix-huit minutes dans l'étuve, le terreau est placé
dans le verre de montre n° 2, qu'on recouvre aussitôt d'un autre.
A cinq heures, on humecte la préparation et on la scelle sous la cloche
humide.
Le 13 août, à deux heures trente minutes, nous examinons le verre n" 2 ;
nous y trouvons un macrobiote et un rotilere parfaitement vivants, plus une
anguiUule morte.
De toutes les épreuves auxquelles on a soumis jusqu'ici les animaux
réviviscibles celle qui précède est à coup sûr la plus prodigieuse. Avant
cette belle expérience de M. Pouchet, on n'avait qu'une idée très-incom-
plète de la résistance des tardigrades et des rotifères, et il est presque
incroyable que dans un échaufTement aussi rapide, dans un saut in-
stantané de près de 100° de température, la dilatation brusque des
tissus n'en produise pas la rupture. Mais il faut bien se rendre à l'évi-
dence, et reconnaître que M. Pouchet a découvert une des propriétés
les plus extraordinaires des rotifères et des tardigrades. Il est bien en-
tendu que cette propriété ne leur appartient que lorsqu'ils ont été des-
séchés quelque temps à l'air libre, lorqu'ils sont dans cet état où leur
vie est amoindrie suivant les uns, éteinte suivant les autres, et M. Pou-
chet a fourni sans le vouloir à ses adversaires un argument nouveau,
qui, pour n'être pas sans réplique, n'en est pas moins saisissant. Si
l'on posait la question suivante à un homme versé dans la connais-
sance de la nature, mais non encore initié à l'histoire des rotifères :
un corps qui peut, sans s'altérer et sans perdre aucune de ses pro-
60
priélés, passer subitement de 17" au-dessous de glace à 78" au-dessus
deO, ce corps est-il mort ou vivant? la première réponse qui se pré-
senterait à l'esprit serait certainement qu'un être vivant ne peut résister
à une pareille épreuve. Mais les léflexions générales que nous vous
avons présentées dans la première partie de ce rapport ne nous per-
mettent pas de considérer celle conclusion comme rigoureuse. Nous
ne nous y arrêterons donc pas plus longtemps, et nous examinerons
maintenant l'argument que M. Poudiet a tiré de sa découverte.
Nous avons déjà dit combien M. Doyère attache d'importance à la
lenteur et à la gradation nuancée des préparutions qu'il fait subir
aux animaux avant de les soumettre aux épreuves les plus dange-
reuses. Il attribue en grande partie les insuccès de ses contradicteurs à
l'insuflisance des précautions qu'ils ont prises. C'est pour réfuter celle
interprétation et pour démontrer que les précautions exigées sont
illusoires, que M. Pouchel a institué sa remarquable expérience. Que
deviennent maintenant, dit-il, la délicatesse extrême des organes et la
fragilité excessive des tissus qu'on a signalées chez les animaux révi-
viscenls? Ne voit-on pas au contraire que ces êtres possèdent une
organisation d'une résistance extraordinaire? C'est à celle organisa-
tion exceptionnelle qu'ils doivent la propriété de conserver la vie sous
des températures qui deviennent mortelles pour d'autres animaux.
Mais il y a une température où, comme tout ce qui a vie, ils finissent
par périr. C'est entre 80 et 90° qu'est située celle limite pour les roti-
fèreset les tardigrades; au-dessous de 80" ils peuvent, sans aucune
prudence, sans aucune transition, être impunément exposés à toutt-s
les températures; au-dessus de 90", aucune précaution ne peut les
soustraire à la mort, à une mort définitive. Tel est l'argument de
M. Pouchet, et vous reconnaîtrez, messieurs, qu'il mérite d'élre exa-
mirié sérieusement.
Mais nous vous ferons remarquer que les règles expérimentales
données par M. Uoyèie sont applicables seulement aux animaux qu'on
veut soumettre à des épreuves dangereuses, et le chauffage à 80° n'a
jamais constitué à ses yeux une épreuve dangereuse. C'est pour fran-
chir cette température que les précautions sontnécessaires. Nous ajou-
tons que M. Doyère, sans mettre en doute les altérations anatomiques
que la dilution [tar la chaleur pourrait faire subir aux tissus, s'est
préoccupé principalement des altérations chimiques que subissent
les matières organiques, lorsqu'on les chaufle jusqu'au voisinage ou
jusqu'au delà de 100" avant de les avoir entièrement desséchées. Ce
n'est donc pas seulement l'application de la chaleur qui a besoin d'être
lente et graduelle; c'est surtout la dessiccation préalable des tissus;
et tandis que M. Doyère prescrit de dessécher les animaux d'abord à
61
l'air libre, puis sous la cloche sèche, puis dans le vide sec pendant
plusieurs jours, il n'hésite pas, lorsqu'une fois il les a niis dans l'étuve,
à les f lire passer proniptcment de la température ordinaire à la tem-
pérature de 100". M. Pouchet, au contraire, faisant peu de cas des
opérations préalables de la dessiccation, prolonge considérablement
l'épreuve du rliauffage, et la différence de ces procédés nous fournira
bientôt l'explication des résultats contradictoires obtenus devant nous
par les deux expérimentateurs.
Après les expéi'iences précédentes, celle qui suit vous paraîtra sans
doute peu importante; nous la reproduirons toutefois parce qu'elle
nous a montré un fait jusqu'ici sans exemple : la reviviscence d'une
grosse anguillule chauffée sans aucune préparation à 78".
EXP. XI. — TERHEAU CHAUFFÉ PENDANT TRENTE MINUTES A 78°.
REVIVISCENCE DES ROTIFÈRES ET D'UNE GROSSE ANGUILLULE.
Le \1 août 1859, M. Pouchet répand sur la plaque de verre de son étiive, en
couche mince, étroite et rectangulaire, une petite quantité de terreau n" 3. La
boule du thermomètre est appliquée sur ce terreau.
II est quatre heures trente- huit minutes, l'étuve est chaude, mais la tempé-
rature ne peut être exactement appréciée, carie thermomètre vient d'être
placé à l'instant.
A quatre heures quarante- cinq minutes, le thermomètre marque 78°. Cette
température doit être maintenue trente minutes, c'est-à-dire jusqu'à cinq
heures quinze minutes. Parfois cependant le thermomètre monte à 80". Alors
M. Pouchet découvre un peu l'étuve ou repousse légèrement la plaque de
verre qui supporte le thermomètre ; parfois aussi la température descend
à 76" : alors on repousse la plaque en sens inverse.
A cinq heures quinze minutes, après trente minutes d'une température
d'environ 78°, la poussière est retirée, placée dans le verre de montre n" 4,
humectée immédiatement avec de l'eau froide, et scellée sous la cloche
humide.
Le 13 août, à deux heures quarante minutes, nous examinons le verre
D" 4; nous y trouvons plusieurs rotifères tous bien vivants. 11 n'y a pas de
corps de tardigrades dans la préparation. Dans un coin nous apercevons une
grosse anguillule dont nous n'avons pas mesuré la longueur, mais dont la
largeur est de 1 dixième de millimètre. C'est par conséquent une anguillule
adulte, parvenue à un volume qu'atteignent rarement les anguiliules des
toits. Cet animal exécute de légers mouvements que nous avons d'abord
voulu attribuer à quelque cause extérieure, mais bientôt nous avons pu
constater qu'il s'agissait bien réellement d'un mouvement musculaire, et
l'examen a été répété à [ihisieurs reprises, avec le même résultat, jusqu'à lu
Ilu de la séance qui s'est i)rolongée jusqu'à quatre heiires.
Pour faire ressortir Timportance de ce dernier fait, nous vous di-
G2
rons d'abord que jusqu'ici personne n'avait pu ranimer uneanguillule
chauffée au delà de 70". C'est à celle température que M. Davaine a vu
périr lesanguillules de la nielle, et M. Pennetier, qui a vu revivre une
seule l'ois une toute petite anguillule des toits chauffes à 70", n'a jamais
pu réussir à en sauver une seule au delà de celte température. Nous
ajouterons, comme une autre singularité, que l'animal lanimé sous nos
yeux était bien positivement une anguillule adulte. Or ce sont celles-là
précisément qui passent pour être les moins réviviscibles. Vous n'avez
pas oublié les intéressantes recherches de M. Davaine sur le parallèle des
petites et des grandes anguillules de la nielle. Les premières, qui sont
des larves, possèdent seules la propriété de reviviscence, et peuvent la
conserver pendant un très-grand nombre d'années, tandis que les
adultes, desséchées seulement pendant deux heures à l'air libre et à la
température ordinaire, ne peuvent jamais être ranimées.
On savait bien que les anguillules de la nielle ne sont pas de la
même espèce que celles des toits; on savait bien que ces dernières
sont réviviscibles môme à l'état adulte, mais on savait encore qu'elles
périssent très-fréquemment dans la sécheresse naturelle, qu'elles se
raniment bien plus difficilement que les anguillules du blé, et l'on pou-
vait les considérer dèslorscomme beaucoup moins réviviscenles. Lefait
que nous avons observé prouve que cette conclusion était prématurée.
Nous ne pouvons vous dire s'il doit être considéré comme exception-
nel, et nous ne savons pas davantage si des anguillules plus petites
et plus jeunes auraient pu résister à une pareille épreuve. C'est un
sujet de recherches que nous signalons aux expérimentateurs, et si
l'on songe que dans l'expérience précédente le terreau, avant d'être
chauffé, n'avait été soumis à aucun procédé de dessiccation artifi-
cielle, on est conduit à supposer qu'il ne sera pas impossible de rani-
mer les anguillules des toits après les avoir chauffées bien au delà
même de 70".
Revenons maintenant aux tardigrades et aux rolifères.
Vous savez déjà que M. Pouchet repousse les idées de M. Doyère
sur l'utilité de la dessiccation préalable. Suivant lui, les chances
de la révivification diminuent d'autant plus que la dessiccation est
plus avancée; et dans les expériences de chauffage, ce n'est pas
la chaleur, c'est la soustraction de l'eau qui tue surtout les ani-
maux. A l'appui de cette opinion, le professeur de Rouen invoque une
série d'expériences beaucoup plus simples et beaucoup plus faciles
que les épreuves du chauffage, d'expériences qui se font poui' ainsi
dire toutes seules, à l'air libre, et à la température ordinaire de l'été.
Pourvu, dit-il, que le terreau soit étalé en couche sulhsamment mince,
l'évaporalion spontanée suffît pour enlever en peu de temps la quan-
63
titc d'eau nécessaire à la vie, et à partir de ce moment les animaux
ne peuvent plusse ranimer. Ainsi, dans une série d'observations faites
pendant l'été sur du terreau étalé en couchn mince et desséché natu-
rellement à une température moyenne de 20 à 27", il a vu le nombre
des révivifications diminuer de jour en jour; passé le neuvième jour,
le succès est devenu exceptionnel, et aucun animal ne s'est ranimé plus
tard que le seizième jour. Dans le même terreau, exposé chaque jour au
soleil, presque tous les animaux étaient déjà définitivement morts au
bout de trois jours, et aucun n'a pu revenir après la fin du huitième
jour (I). Le reste du terreau qui avait servi à ces observations nous a
été présenté le 12 aoiit 1859 par M. Pouchet, et nous avons constaté
qu'efTectivementtous les animaux étaient morts sans retour.
M. Pouchet a voulu nous rendre témoin de cette expérience, dont
l'importance n'échappera à personne, et il l'a exécutée sous deux for-
mes différentes, prenant d'abord du terreau sec dispersé sur le verrt;
au moyen d'un tamis, puis des animaux ranimés une première fois, et
desséchés sur des plaques de verre ou dans des verres do montre.
Quoique le résultat n'ait pas entièrement répondu à son attente, il
mérite de vous être présenté, parce qu'il est de nature à modifier les
idées qu'on se fait généralement de la permanence de la propriété de
reviviscence.
EXP. XII. — POUSSIÈRE FERTILE ÉTALÉE EX MINCE COUCnE SUR UNE GRANDE
PLAQUE DE VERRE, GARDÉE D'ABORD DIX JOURS A l'OMBRE, PUIS EXPOSÉE AU
SOLEIL PENDANT SOIXANTE-HUIT JOURS. LA PLUPART DES ANIMAUX ONT
PERDU AU BOUT DE CE TEMPS LEUR PROPRIÉTÉ DE REVIVISCENCE.
Le 13 août 1859, une certaine quantité de terreau n" 3 est tamisée au tamis
(1) Voy. pour le tableau de ces observations le mémoire de M. Pouchet,
Recherches et expériences sur les animaux ressuscitants. Paris, 1859,
in-8*, p. 89 et 90. On lit, p. 88, la conclusion suivante, qui est la dixième :
« A l'ombre, en été, par une température moyenne de 25% en moins de vingt
« jours les rotifôres, les anguillules des toits et les tardigrades réviviscents
* périssent absolument et sans retour. » Cetteconclusion s'applique seulement
aux animaux préalablement ranimés et conservés dans des verres de montre
ou sur des plaques de verre, comme il sera dit dans l'expérience XIII. Quant
aux animaux étalés en couche mince sur le verre, sans humecfation préa-
lable, M. Pouchet s'est borné à dire dans sa sixième conclusion qu'ils pé-
rissent en été en moins de deux mois. Enfin dans la quatrième conclusion de
son se.;ond mémoire sur les animaux pseudo-ressuscitants, Rouen, 18G0,
in-8°, il dit, p. 29 : « que la dessiccation et la mort arrivent en moins de trois
« mois, en automne, sur les animalcules exposés au soleil. »
64
de soie au-dessus d'une plaque de verre de 30 centimèlres carrés, et dis-
posée en couche tellement mince que les grains de poussière ne se touchent
même pns.
On ratisse avec une farte un coin de la plaque, et la poussière qui en est
retirée, recueillie dans le verre de montre n" 5, est humectée pour servir de
critérium. Ce verre de montre, enfermé et scellé sous la cloche humide est
examiné au bout de trois jours : nous y trouvons plusieurs animaux vivants
et un très petit nombre de cadavres. La poussière répandue sur la plaque est
donc fertile.
Le 13 août, à cinq heures quarante minutes, la grande plaq\ie est enfermée
dans une grande boite en verre, de 40 centimètres de côté. Elle repose hori-
zontalement sur des supports en verre, au milieu à peu près de la hanfeur de
la boîte. Celle-ci est ficelée et cachetée. Elle ne ferme pas hermétiquement.
Le 23 août, après dix jours de séjour dans le laboratoire de physique, la
caisse est transportée dans les combles de la Faculté. On l'installe en ma pré-
sence dans un grenier qui fait en partie saillie au-dessus des plombs. C'est
par les plombs qu'on y pénètre, à travers une espèce d'antichambre qui s'élève
de plus d'un mètre au-dessus des plombs voisins, et qui, recouverte d'ua
toit en plomb, est entièrement vitrée du côté du sud, du nord et de l'ouest.
C'est dans cette antichambre qu'on dépose la boite contre la paroi vitrée qui
regarde le sud. Il est onze heures du matin, la température du grenier est
très-chaude. Le soleil pourtant n'y pénètre pas encore, mais il viendra
bientôt, et rayonnera jusqu'au soir sur la boite en verre où les animaux sont
renfermés.
M. Pouchet, en commençant cette expérience pense qu'au l" octobre tous
les animaux auront perdu leur propriété de reviviscence. Mais plusieurs com-
missaires ayant quitté Paris pendant les vacances, la fin de l'expérience a été
relardée jusqu'au 31 octobre.
Le 31 octobre, à dix heures du matin, la caisse est toujours en place ; on
la transporte dans le laboratoire de physique. Les scellés sont intacts. On re-
tire la grande plaque, et Ion dispose sur une lame de verre A un peu de la
poussière qu'elle supporte. La préparation est humectée et scellée sous la
cloche humide.
Le 1" novembre, à deux heures de l'après-midi, on fait pénétrer une nou-
velle quantité d'eau sous la cloche sans toucher aux scellés.
Le 2 novembre, à dix heures quarante minutes du matin, on brise les scellés,
et l'on place la lame de verre A sous le microscope.
Nous y voyons d'abord cinq cadavres de rotifères et de tardigradcs. Chaque
commissaire examine attentivement la préparation sans y découvrir autre
chose. Cet examen est du reste assez diiricile, parce que la préparation occupe
une étendue assez considérable, (lu'elle renferme beaucoup de sable, et
qu'elle est très-peu transparente. Kous étions sur le point de conclure que
tous les animaux étaient morts, et de recommencer une nouvelle préparation,
lorsque M. Pouchet revenant une dernière fois au microscope, découvrit
enfin un rotifère vivant. Cet animal exécutait à peine quelques légères con-
tractiuDS, et M. Pouchet n'était pas éloigné de croire qu'il allait bieotOt
65
mourir. Mais quelques instants après nous le vîmes exécuter des mouve-
ments d'ensemble, déployer ses roues, avaler l'eau et attirer sa proie.
Nous regrettons de n'avoir pas fait d'autre préparation avec la
même poussière pour apprécier approximativement la proportion re-
lative des animaux réviviscibles et de ceux qui ne Tétaient plus.
M. Pouchel, rappelé à Rouen par ses fonctions devait quitter Paris, le
lendemain, et nous ne pûmes pas prendre avec lui un autre rendez-
vous. Il résulte néanmoins de ce que nous avons vu que sur 6 ani-
maux mis en observation, 5 avaient déjà perdu, apiès soixante-dix-
huit jours de dessici-alion naturelle, leur propriété de reviviscence.
Il nous parait probable que quelques semaines de plus auraient suffi
pour anéantir chez tous cette propriété. M. Pouchet m'a envoyé, il y
a quelques semaines, un peu de terreau de même provenance que le
précédent, et traité par lui de la même manière dans une expérience
qu'il a faite à Rouen, à partir du 10 août 18S9. Le nombre des ani-
maux réviviscents a été en diminuant chaque semaine jusqu'au com-
mencement de novembre, et depuis lors aucun animal n'a pu se ra-
nimer. J'ai fait avec ce terreau plusieurs préparations, et je n'ai pu en
retirer que des cadavres. J'en ai donné à M. Doyère qui n'a pas mieux
réussi que moi. M. Pouchet, à la suite de ses premières expériences,
faites dans le cœur de l'été et sous une température tout à fuit excep-
tionnelle, a pu être conduit à exagérer la rapidité avec laquelle sur-
vient la mort définitive des animaux soumis à son procédé de
dessiccation naturelle; mais une différence da quelques semaines, ou
même de quelques mois, n'atténue en rien l'importance du fait qu'il
nous a présenté, et quoique l'expérience n'ait pas été faite jusqu'au
bout sous nos yeux, nous en avons vu assez pour considérer comme
très-probable que les animaux disposés en couche mince et exposés
au soleil peuvent perdre en trois mois, en automne, et plus tôt encore
en été, leur propriété de reviviscence. Nous aurons à chercher plus
loin l'explication de ce phénomène.
EXP. XIII. — ANIMAUX DESSÉCHÉS Stn VEKBE, ET RANIMÉS
AU BOUT DE SOIXANTE-DIX-IIUIT JOURS.
Le 12 août, à quatre lieures trente minutes, M. Poucliel fait onze prépara-
tions avec le leireaii n" 3 savoir 5 sur des plaques de verre, et G dans des
verres de montre. Il les humecte, et à cinq heures du suir nous les scellons
sous la cloclie humide.
Le 13 août, de deux à quatre heures, nous collons une éliquelie sur chanue
plaque et sous chaque vei re de montre. Puis examinant successivement les
préparations nous comptons autant que possible le nombre des animaux vi-
vants de chaque espèce qu'elles i enferment, et nous inscrivons ce résultat
66
sur l'étiquette correspondante, qui reçoit en outrt;, sur l'invitation de M. Pou-
cliet, la signature du rapporteur.
On dépose les onze préparations sous une grande cloche tubulée par. en
naut, qui repose sur plusieurs feuilles de papier Joseph, au milieu du labo-
ratoire de physique. On pose les scellés sur la cloche.
M. Pouchet annonce que le 1" octobre prochain les animaux seront défini-
tivement morts. L'examen n'a pu être fait qu'un mois plus tard.
Le 31 octobre, à dix heures quinze minutes du matin, la cloche est toujours
en place Les scellés sont intacts. On les brise. On humecte toutes les prépa-
rations on verse de l'eau sur le papier Joseph, et l'on pose de nouveau les
scellés sur la cloche. On ferme, en outre, la tubulure avec un bouchon qu'oa
scelle avec de la cire à cacheter.
Le 1" novembre, à deux heures du soir, nous ajoutons de l'eau sur le pa-
pier Joseph qui supporte la cloche, sans toucher aux scellés.
Le 2 novembre, à dix heures cinq minutes du matin, nous brisons les
scellés et nous examinons successivement toutes les préparations. Toutes
renferment un ou plusieurs animaux vivants et un ou plusieurs cadavres en-
dosmoses. Le nombre des vivants est un peu plus considérable que celui des
morts Par exemple, dans l'une des préparations, de 8 animaux inscrits sur
l'étiquette, 5 ont revécu [4 rotifères et 1 tardigrade). Les 3 autres animaux
n rotitères et 1 tardigrade) ont été retrouvés morts ou endosmoses.
\ncune anguiUule ne s'est ranimée quoiqu'il y en eût 8 inscrites sur les
diverses étiquettes.
Ce résultat, comparé au précédent, a paru surprendre M. Pouchet. Il
pensait que les animaux desséchés sur verre après avoir été humectes,
devaient mourir plus vite que ceux de l'expérience XII; c'est le con-
traire qui a eu lieu, et tandis que chez ces derniers la reviviscence a
été exceptionnelle, les premiers au contraire ont lourni plus de vi-
vants que de morts. Nous croyons pour notre pari que les animaux
•enfermés dans la poussière qui a été exposée au soleil sur les toits de
,a Faculté, ont éprouvé des variations d'humidité et de température
plus fréquentes, plus brusques et plus considérables que ceux qui sont
restés constamment sous une cloche dans le laboratoire de physique,
et c'est à celle cause que nous attribuons la difîérence des résultats.
Maisiln-en est pas moins certain que le 31 octobre, après soixanle-
dix-huit jours de dessiccation naturelle à l'ombre, et à la tempéra-
ture ordinaire, bon nombre d'animaux, presque la moitié, avaient
perdu leur propriété de reviviscence, et il nous parait probable que
quelques mois de plus auraient sufll pour la faire perdre aux autres.
Nous aurons à nous expliquer plus loin sur la cause de ce phénomène,
dont MM. Pouchet, Pennetier il Tinel ont fait ressortir l'importance,
quoiqu'ils n'en aient peut-être pas donné la véritable explication. _ ^
M. Pouchet s était proposé de démontrer par les expérience prece-
r<
67
dentés que la dessiccation naturelle suffît pour tuer sans retour les ani-
maux. Ses autres expériences ont eu pour but d'établir que la dessic-
cation artificielle amène promptement le même résultat, et qu'aucun
animal ne peut supporter, sans périr irrévocablement, une température
de 100" prolongée pendant trente minutes. Suivant lui, les anguillules
meurent vers la température de 75"; les tardigrades, entre 80 et 85";
les rotifères entre 8b et 90", et cette limite de 90" est la dernière qui
soit compatible avec le maintien de la vie chez les animaux soumis
jusqu'ici aux expériences.
EXP. XIV. — ANIJUUX CHAUFFÉS A 100° DAiNS L'ÉTCVE POUCHET;
NON-REVIVISCENCE-
Le 16 août 1859, à dix heures du matin, on prend une certaine quantité de
terreau n" 3 et on la divise en deux parties.
L'une, déposée dans le verre de montre n* 7 est immédiatement humectée
pour servir de critérium. On la scelle sous la cloche humide, et le lendumai
on y trouve des animaux vivants. Le terreau est donc fertile.
IG août. La seconde partie du terreau est disposée en couche mince sur la
plaque de verre inférieure de l'étuve Pouchet, sous la forme d'une étroite
bande transversale large de 3 à 4 millimètres. Le thermomètre est couché
au-dessus de telle sorte que le tiers extrême de la boule recouvre le milieu
de la bande de terreau.
Il est dix heures cinquante minutes; l'étuve est froide; le thermomètre
marque 25».
On chauffe graduellement l'étuve, conformément au tableau suivant, tracé
à l'avance par M. Pouchet ; de cinq en cinq minutes les commissaires s'assu-
rent que le chauffage ne s'écarte pas sensiblement des moyennes indiquées.
Il heures du matin 65»
11 heures trente minutes 67* 50
Midi 70°
Midi trente minutes. . 72° 50
l heure 75°
1 heure trente minutes 77" 50
2 heures • 80°
2 heures trente minutes 82» 50
3 heures 85°
3 heures trente minutes 87° 50
4 heures , • 90°
4 heures trente minutes 92» 50
5 heures 95°
5 heures trente minutes 97° 50
G heures 100°
6 heures trente minutes 100»
68
A BIX lienrps trente minutes, on éteint le ïo.-i et l'on retire le terreau qu'on
n^partit dans les deux verres de montre a et h.
Ce terreau a été cliauffé pendant sept lienres et demie; il a supporté pendant
quatre lieures et demie )me température égaie ou supérieure à 80"; pendant
deux heures et demie une température égale ou supérieure a90" ; pendant une
heure et demieunetemiJératureégaleousupérieureàOô"; enlln, pendant trente
minutes une température de 100°. Celte température de 100" n'est môme
qu'un minimum ; c'est celle qu'a marquée le thermomètre, mais il n'est pas
impossil)le (pie le terreau, répandu eu couche mince sur la plaque de verre qui
supporte le tiiermomètre, ait subi une température supérieure de quelques
degrés à celle qu'annonce la dilatation du mercure.
Les deux verres de montre a et b, renfermant le terreau sec, sont placés
sous nn entonnoir, et scellés dans une armoire à six heures trente-cinq
minutes.
Le 17 août, à une heure vingt minutes, nous les plaçons sur un liège flot-
tant dans l'eau, et nous recouvrons le tout d'une cloche sur laquelle nous
apposons les scellés.
Le 18 août, à trois heures dix minutes, les deux préparations sont humec-
tées et SI ellées de nouveau sous la cloche humide pour être examinées le
lendemain.
Le 19 août, à quatre heures, nous brisons les scellés. Les deux verres a et 6
renferment beaucoup de corps de rotifères, les uns endosmoses et déployés,
les autres rétractés en houle, et quelques cailavres de tardigrades flottant à
vau-l'eau. Aucun animal vivant, si ce n'est quelques très-petits infusoires.
La préparation n'a plus été examinée.
Dans cette expérience, M. Pouchet a suivi Irès-exiiclement les pré-
copies de iM. Doyère pour l'humeclation après lechauffnge, mais il n'a
pas pris le soin do dessécher préalablement les animaux à froid. Celte
|)récaulion a été prise, quoique peul-élro d'une manière insuffisante,
par la faute de l'appareil, dans l'cxpénence qai suit.
E\P. XY. — AMMAirx DKSSÉCIIKS SlIIl VEllUE PENDANT CINQ JOmS SOT'S LA
MACIUNE PNEli.MATIOllE ET CHAIFFÉS A 100" PENDANT TRENTE MINUTES
DANS l'ÉTCVE de GAY-IASSAC. NON-RÉVIVlSCENCE.
Le 12 août 1859, on prépare avec le terreau n" 2 deux plaques de verre et
cinq verres de montre. On les humecte et l'on constate le jour mémeqtril y u
partout des animaux vivants. A cinq heures on scelle les préparations sous
la cloche humide, qui repose sur plusieurs couches de pa[iier Joseph.
Le 13 août, on prépare avec, le terreau n° 3 neuf autres plaques de verre,
on les liuniecle, el, après avoir constati' (pi'il y ai):irto»it des animaux vivants,
on scelle ces nouvelles préparations sons la cloche humide.
Le K) août, les sept pn'paialions du 12 août, el les neuf préparations du
13 août paraissent encore légèrement humides. On les place sans les hu-
69
mecter de nouveau, sous une cloclic a soupirail qui repose sur paiùer Joseph
et l'on pose les scellés.
Le 17 août, à une lieure trente minutes, trois des verres de montre et six
des plaques de verre du 13 août, bien étiquetés, sont transportés dans le la-
boratoire de chimie au res-de-chaussc'e, et placés sous la cloche de la ma-
chine pneumaliqucavcc un coupe d'acide sulfuri(iue concentré. On fait le vide
à 3 millimètres 1/2. On scelle la machine.
Le l'Jaoùt, à trois heures, la cloche tient encore le vide à 4 millimètres 1/2.
Le 22 aoùfj la machine n'a pas tenu le vide ; le baromètre ne marque plus.
On ouvre le robinet et l'air rentre assez mollement, ce qui indique qu'il était
déjà rentré sous la cloche une notable quantité d'air.
On ne peut préciser le moment où la machine a lâché.
Quoique le vide n'ait pas tenu complètement, on se décide à procéder au
cliauffage.
Le 22 août, à dix heures et demie du matin, on brise les scellés de la ma-
chine pneumatique, on relire les neufs pré[iarations ; on les transporte au
premier étage, dans le laboratoire de physique, et on les dispose dans l'étuve
à eau de Gay-Lussac.
A. dix heures et demie, on allume le feu.
A onze heures, le tiiermomètre manjuc 60".
A onze heures cinq minutes ... — 85*. On éteint le feu.
A onze heures huit minutes ... — 80°. On rallume.
A onze heures quinze minutes . . — 85''. On éteint.
A onze heures vingt minutes. . . — 82°. On rallume.
A midi — 85°.
A une heure — 90°.
A deux heures — 95".
A trois heures — Ébullitiou.
On maintient l'ébullition jusqu'à trois heures trente minutes, puis on éteint
le feu et on ouvre la porte de l'étuve.
A trois heures quarante minutes, on retire les objets.
A trois heures quarante-cinq minutes, on les place sous la cloche humide.
A quatre heures quarante minutes, ou les humecte et on les scelle sous la
cloche humide.
Le 23 août, à dix heures du malin, on brise les scellés et on examine les
préparations. Tous les objets sont encore baignés d'eau. On retrouve tous les
corps des animaux qui ont été vus vivants le 12 et le 13, et qui sont indiqués
sur les étiquettes. Quelques rotifères sont en boule, les autres sont endos-
moses, ainsi que les tardigrades. Plusieurs grands rotifères ont un œuf dans
le corps; mais les viscères sont désorganisés, et tous les animaux paraissent
morts.
Les préparations n'ont pas été examinées ultérieurement.
Jusqu'ici nous avons vu M. Pouchel procéder au chauffage soit dans
son éluve, soit dans celle de Gay-Lussac; et dans les deux cas, la
^'<
^..^i^---
70
tempéralurc de 100", prolongéo pendant tri-nle minutes, a été mortelle
pour tous les animaux. Voici maintenant une ll■ûi^ième expérience que
nous rapportons la dernière, quoiqu'elle n'ait pas été la dernière en
date. On pouvait objecter contre l'étuve Pouchet qu'elle ne donnait
pas avec une exactitude rigoureuse la température du terreau, et con-
tre réluve de Gay-Lussac qu'elle ne permettait pas d'établir dans la
chambre à air un courant régulier d'air sec. Nous avions proposé à
M. Pouchet de se servir de Péluve Doyère, mais il éleva à son tour des
doutes sur la précision de cette étuve. On choisit donc, sur la propo-
sition de M. Bcrthelot, un appareil tout à l'ait différent des autres, et
comme c'est avec ce même appareil modifié que nous avons exécuté
plus tard nos propres expériences, nous devons vous dire dès main-
tenant en quoi il consiste.
Il est construit sur le type de l'appareil à dessiccation de Liebig.
Un tube en U, très-ouvert, reçoit dans sa partie horizontale la sub-
stance qu'on veut dessécher (1). Ce tube est plongé dans un bain
dont la température est indiquée par un thermomètre. L'une des bran-
ches du tube en U communique avec un grand vase à siphon rempli
d'eau; c'est le vase aspirateur. L'autre branche de ce dernier tube com-
munique avec le tube à dessiccation qui communique lui-même avec
l'air extérieur, et qui est rempli d'un côté de potasse caustique, de
l'autre côlé de ponce sulfurique (2). Le siphon aspirateur est muni
d'un robinet. Lorsqu'on ouvre le robinet, l'eau s'écoule, le vide tend à
se faire dans la partie supérieure du grand vase, et l'air du tube en U est
attiré et remplacé par de l'air nouveau, qui a traversé le tube à dessic-
cation. On parvient ainsi à renouveler l'air pendant toute la durée du
chauffage, et à entraîner la vapeur d'eau à mesure qu'elle se dégage,
sans exposer la matière organique au contact de l'immidité atmosphé-
rique.
Cet appareil a été déOnitivcment adopté par M. Pouchet comme plus
parfait que tous les autres, et suivant son vœu, nous nous en sommes
servis dans nos expériences propres, en lui faisant subir de très-légères
modifications qui n'eu ont pas changé le caractère.
EXP. XYL — ANIMAUX CHAUFFÉS X 100° PENDA.NT TRli.NTK MI.NUTES DANS
LE TUBE EN U. NON-RÉVIVISCENCE.
LclGaofit 1859, à dix lieurcs et demio liii matin, M. l'ouchcl introduit
(1) Voy. la planche, (iy. II.
(2) Voy. la planche, fig. I.
71-
dans le tube en U nne partie du terreau n° 3, dont la fertilité a été vérifiée
le même jour pour l'expérience XIV.
A onze heures trente minutes, on commence à chauffer; à midi, le thermo-
mètre (In bain marque 70».
Depuis midi Jusqu'à six heures trente minutes, on a dirigé le chaufTage de
manière à atteindre graduellemeut de demi-heure eu demi-heure lès tem-
pératures indiquées sur le tableau do l'expérience XIV. Ces deux expériences
ont marché de front, et ont été surveillées de la même manière par les
commissaires.
A six heures, la température est à 100°.
On prolonge l'ébuUition jusqu'à six heures trente minutes.
On retire alors l'appareil, on le démonte, et on en extrait le terreau ; on le
place dans le verre de montre c, et, sans l'humecter, on le scelle dans l'ar-
moire sous un entonnoir renversé.
Le 17 août, à une heure vingt minutes, on scelle le verre c sous une clo-
che humide.
Le 18 août, à trois heures dix minutes, on humecte le verre et on replace
les scellés.
Le 19 août, à quatre heures, ou examine la préparation : on n'y trouve que
des animaux morts, rotifères ou tardigrades.
Ici se termine, messieurs, la série des expériences de M. Pouchet, et
si deux d'entre elles n'ont pas répondu entièrement à son attente, nous
devons déclarer que dans tous les autres cas, le résultat obtenu a été
exactement celui qu'il nous avait annoncé.
Les expériences de chaufTage, en particulier, ont entièrement échoué,
dans le même laboratoire précisément où, quelques semaines aupa-
ravant, celles de M. Doyère avaient parfaitement réussi.
Nous pouvions nous dire, sans doute, qu'une expérience négative
ne saurait détruire la valeur d'un fait positif bien constaté. Mais
M. Pouchet avait fait, devant nous, de trois manières différentes, trois
tentatives infructueuses. Nous savions, en outre, et nous n'en avions
jamais douté, qu'il avait fait dans son propre laboratoire, soit seul,
soit avec le concours de ses disciples, un grand nombre d'expériences
tout aussi négatives. Le caprice du hasard ne pouvait donc pas nous
expliquer la différence des résultats obtenus devant nous par les deux
adversaires, et nous devions chercher les causes de celte différence
dans les conditions mêmes de l'expérience. C'est ce que nous avons
fait avant de nous mettre à l'œuvre, et le succès que nous avons
obtenu, tout en nous permettant de donner raison à M. Doyère sur le
point principal du débat, nous a permis en même temps de signaler
les causes qui ont empêché jusqu'ici ses adversaires de réussir.
72
III. Expériences de la commission.
Parmi les expériences variées qui avaient été exécutées devant nous,
il y en avait plusieurs que nous n'avions pas besoin de répéter. La
commission avait adopté, dès le premier jour, comme principe uni-
forme, la règle de toujours poser les scellés sur les préparations qui
étai((nt faites en sa présence. Dès lors elle prenait sous sa responsabi-
lité toutes les épreuves simples qui n'exigeaient pas des manipulations
spéciales. Que les animalcules des expériences I et II aient été dépo-
sés sur le verre par M. Doyère lui-même ou par les membres de la
commission, cela ne change rien à la chose; nous avons constaté de
nos propres yeux que les animaux étaient parfaitement à nu; nous les
avons ranimés ensuite après les avoir tenus sous nos scellés pendant
trois jours, et nous pouvons affirmer dès lors que des animaux des-
séchés à nu sur le verre peuvent conserver au bout de trois jours leur
propriété de reviviscence. Nous en dirons autant des expériences III,
IV, V, IX, X, XII et XIII. L'expérience XI, relative à la démonstration
d'uu fait qui n'est pas contesté, n'avait pas besoin, plus que les pré-
cédentes, d'être répétée. Nous pourrons donc vous présenter en toute
sécurité, comme des vérités constatées par nous, les conclusions qui
découlent de ces diverses expériences.
Mais les épreuves du chauffage au delà 80° exigent des opérations
compliquées, dont le modus faciendi varie notablement au gré de
l'expérimentateur, et dont la précision doit toujours être discutée.
Quand même ces épreuves auraient fourni le môme résultat entre les
mains de MM. Doyère et Pouchet, nous aurions cru de notre devoir de
les répéter encore, ne pouvant assumer devant vous la responsabilité
d'une expériencedélicatequenousnaurionspas exécutée nous-mêmes;
Mais ce devoir devenait tout à fait impérieux, puisque les deux adver-
saires avaient obtenu devant nous des résultats contradictoires. Nous
avons donc décidé que nous nous bornerions à répéter l'épreuve du
chauffage, et. avant de faire notre plan, nous avons comparé et
analysé l'expérience positive de M. Doyère et les expériences néga-
tives de M. Pouchet.
Nous avons trouvé que les circonstances au milieu desquelles ces
deux expérimentateurs ont opéré devant nous, diffèrent à plusieurs
égards, et nous avons dû choisir pour nos propres expériences les
conditions qui se rapprochaient le plus de celles dont M. Doyère s'est
entouré; nous l'avons l'ait du moins toutes les fois que cela nous a été
possible sans sortir du programme tracé par M. Pouchet.
73
1* M. Pouchet a opéré sur des animaux élevés à l'ombre, M. Doyère
sur des animaux élevés sur des toits exposés au soleil.
2° M. Doyère a fait précéder la dessiccation à chaud d'une dessic-
cation artificielle à froid, dans le vide sec prolongé pendant quatre
jours, et aussi parfait que possible. M. Pouchet, sur trois expériences
de chaiiff.ige à 100° n'a eu recours qu'une seule fois, dans l'expé-
rience XV, à répreuve préalable de vide sec; celle expérience XV est
donc la seule dont le résultat négatif puisse paraître en contradiction
avec les résultats positifs obtenus par M. Doyère.
3' Cette expérience unique donne prise aux trois objections sui-
vantes :
a. Le vide a été maintenu pendant cinq jours, mais il n'a été par-
fait qu'au commencement; la machine n'a pas été surveillée pendant
les tiois derniers jours, et, lorsqu'on a rendu l'air, le baroniètie ne
marquait plus depuis un laps de temps qu'on ne peut préciser.
6. Au sortir de la machine pneumatique, les plaques de verre et les
verres de montre ont élé transportés jusqu'à l'étuve sans être protégés
contre l'humidité atmosphérique. La machine pneumatique était au
rez-de-chaussée, dans le laboratoire de chimie ; l'étuve était au pre-
mier étage, dans le laboratoire de physique. Il a donc fallu traverser
la cour de la Faculté, et, quoique l'air ne fût pas humide ce jour-là,
les animaux ont dii s'hydrater pendant le trajet.
c. Le chauffage a été fait dans l'étuve de Gay-Lussac, qui n'est pas
pourvue, comme celle de M. Doyère, d'un tube serpentin destiné à
entretenir dans la chambre à air un courant continuel d'air chaud.
Nous ne prétendons pas que ces trois objections soient fondées;
nous ne pouvons dire si toutes les précautions minutieuses recom-
mandées par M. Doyère sont réellement indispensables; nous nous
bornons à exposer ici les différences des deux procédés; car il est
clair qu'il faut avoir suivi rigoureusement tous les préceptes, utiles ou
illusoires, de M. Doyère, pour pouvoir dire que son expérience a
échoué.
4° Voici maintenant une différence beaucoup plus importante, qui
explique sans doute mieux que les précédentes la différence des résul-
tats obtenus. M. Doyère prolonge beaucoup moins que M. Pouchet la
séance de chauffage. Il procède avec assez de lenteur jusqu'à 80", puis
il monte rapidement jusqu'à la température de l'ébullition, et ne la
maintient que quelques minutes. M. Pouchet fait des séances beau-
coup plus longues, maintient les animaux pendant plusieurs heures
au-dessus de 80% et arrive très-lentement à la température de l'ébul-
lition qu'il prolonge pendant trente minutes. C'est ce qui résulte du
tableau suivant :
7'i
POUCHE
T.
XIV.
Expéi'. XV.
Exp
Eip.
XVI.
4 h.
40 m.
7 h.
30 m.
7 h.
0 m
3
40
4
30
4
30
4
40
2
30
2
30
Environ 1
1
0
1
0
0
30
0
30
0
30
DOYERE.
Ejpér. YI et VII.
Durée totale du chauffage 1 li. 35 m.
Au-dessus de 80". . . 0 35
Au-dessus de 90". . . 0 25
Au-dessus de 97° 1/2. 0 10
Température de l'ébullition. ... 0 5
Or tout le monde accorde que les rotifères et les tardigrades peu-
vent être portés sans danger à la température de 80". C'est au-dessus
de 80" que commencent les températures dangereuses, et il n'est pas
démontré que celle de dOO" soit nécessaiiemcnt plus dangereuse pour
eux que celle de 93 ou de 90, ou même de 85°; il est probable même
qu'une température de 85", prolongée pendant plusieurs heures, est
plus dangereuse qu'une température de 100" et plus prolongée seule-
ment pendant dix ou quinze minutes. C'est ce qui ressort des expé-
riences contenues dans ce rapport et de celles qui ont été publiées
depuis quelques mois par MM. Pouchet, Gavarret et Doyère. Il suffit
certainement de quelques minutes pour qu'une petite quantité de ma-
tière organique, sèche et poreuse, déjà chauffée graduellement pen-
dant plus d'une heure, se mette en équilibre de température, dans
toutes ses parties, avec l'air de Téluve; et lorsque nous voyons, par
exemple, dans les expériences VI et VII du M. Doyère, le thermomètre
marquer 97° 1/2 ou au delà pendant dix minutes, nous ne pouvons
douter que les mousses au milieu desquelles plongeait la boule du
thermomètre aient éprouvé réellement la même température pendant
ces dix minutes. Réduisons, si l'on veut, à cinq minutes la durée du
temps pendant lecjuel les animaux ont été entièrement pénétrés de
cette température, il n'en sera pas moins certain (pi'ils ont été rani-
més après avoir supporté le degré de chaleur le plus élevé qu'on
puisse atteindre dans une étuve à eau bouillante {i]. Mais ils n'ont
subi cette température dangereuse que pendant quelques minutes, et
(!) Je tiens de M. Wuilz que la chaleur de la chambre à air ilans l'étuvc de
Gay-l.UKsac ne (Irpussc p:uèrc 95». Si IN'tiivc Doyère donne jusiiu'a 08°, c'est
parce que l'air (pii y pénètre s'est déjà réchauffé dans le serpentin, tandis
que l'air e.\térieur pénètre directement dans l'éluve Gay-Lussac à Iraters les
Jointures dn la porte.
75
ce qui résulte de plus certain des expériences de M. Pouchet, c'ost
que le danger s'accioil avec la durée des épreuves. Vous voyez main-
tenant combien sont différentes les conditions au milieu desquelles
les deux expérimentateurs ont opéré devant nous. L'un a maintenu
les températures dangereuses pendant trente-cinq minutes seulement,
l'autre pendant trois heures quarante minutes et pendant quatre
heures trente minutes; le premier n'a maintenu le maximum de cha-
leur que pendant cinq minutes, le second pendant trente minutes. Il
n'en faudrait pas davantage assurément pour expliquer la différence
des résultats obtenus.
M. Pouchet, qui a élevé des doutes sur la précision de Téluve de
M. Doyère, a déclaré en outre que la durée du chauffage avait été in-
suffisante. Il pense que ce n'est pas assez de maintenir la température
maximum pendant quelques minutes, un temps aussi court ne pouvant
donner la certilude que la chaleur indiquée par le thermomètre a bien
réellement atteint les animaux. Il demande donc que l'épreuve du
chauflage soit faite dans un tube en U analogue à celui dont il s'est
servi dans l'expérience XVI, qu'on opère avec une petite quantité de
substance, et qu'on maintienne la température maximum pendant
trente minutes. Tel est le programme qu'il nous a tracé et qu'il a rédigé
dans les termes suivants :
Paris, le 2 novembre 1859.
« Toutes les opinions et toutes les expériences de Spallanzani et
« de ses successeurs sont vraies ou peuvent être vraies, du moment
« où l'animal, quel qu'il soit, aura subi une dessiccation absolue et
« supporté une température de 100° pendant trente minutes.
« En présence d'un tel fait, j'anéantis cent expériences variées, qui
« cependant s'élèvent contre lui; car, pour moi, un animal qui, dans
« ces circonstances, revivrait après un seul jour, pourrait revivre
« après un siècle.
« Je suis assez convaincu de ce que j'avance pour laisser sans limites
«le choix des espèces et le mode d'expérimentation; seulement, à
« l'égard de la température de dOO», comme l'appareil de M. Berlhelol
« est le plus scientifique que l'on ait encore employé, je demande qu'il
« soit préféré, en suivant les précautions que j'ai indiquées à la page 71
« de mon mémoire sur les animaux ressuscitants, et en n'employant
« que fort peu de substance, 1 ou 2 décigrammes au plus.
« Signé Pouchet. »
L'appareil désigné dans celte note, sous le nom de M. Berthelot, n'est
autre que l'appareil à deSvSiccation de Liebig, légèrement modifié par
76
notre collègue pour les besoins de l'expérience XVf. Nous l'avons mo-
difié encore depuis lors, pour rendre lo résultat plus rigoureux et
plus précis, nous vous décrirons tout à l'heure cet appareil ainsi deux
fois modifié, et vous verrez qu'il est toujours parfaitement conforme
au principe adopté par M. Puuchet. Les précautions qui sont recom-
mandées à la page 71 du mémoire indiqué ont pour but d'empêcher
qu'il ue leste des animaux dans la partie supérieure du tube en U, et
que ces animaux, soumis à une température inférieure à celle du
bain, ne soient ensuite confondus avec les autres. Sous ce rapport,
nous avons poussé la prudence aussi loin que possible. Enfin, pour
nous conformer aux termes du programme plus complètement encore
que M. Pouchet ne le demandait, nous avons, dans notre expérience
décisive, substitué le bain d'huile au bain d'eau, afin que la tempéra-
ture du tube en U, au lieu de rester à 08°, comme cela a lieu dans les
moillouies éluvcs à eau, put s'élever réellement jusqu'à 100". Cette
modification avait en outre l'avantage de ne pas répandre de la vapeur
d'eau dans l'air du laboratoire; quoique l'air admis dans l'éluve tra-
versât un appareil à dessiccation, nous étions d'autant plus certains
d'exclure la vapeur d'eau, qu'il y en avait moins dans l'air ambiant.
Le choix des matériaux étant laissé entièrement à notre disposition,
nous avons préféré les mousses au terreau, et nous nous sommes
servis exclusivement des échantillons que M. Doyère nous avait
remis.
Enfin, nous avons pensé que nous pouvions prolonger l'action du
vide sec avant le chauffage bien plus longtemps que ne l'a fait
M. Doyère. En effet, la dessiccation préalable à froid, qui est pour ce
dernier un élément de succès, est au contraire, aux yeux de M. Pou-
chet, une cause d'insuccès, puisque les animaux sont ainsi exposés à
deux dangers au lieu d'un. Nous nous sommes dit par conséquent
que, si nous réussissions, M. Pouchet ne pourrait nous reprocher
d'avoir trop ménagé les animaux, et que si nous ne réussissions pas,
M. Doyère ne pourrait nous reprocher de les avoir privés d'une chance
favorable. Le vide sec a donc été prolongé dans un cas pendant quatre-
vingt-deux jours.
Les expériences de M. Pouchet avaient été terminées le 2 novembre.
Le S, la commission a tracé le plan de celles qu'elle allait entrepren-
dre, et elle les a commencées le 11) novembre 1859, à trois heures de
l'après-midi.
Matériaux des expériknces. — N» 1.— (Bolle ii« 4.) Mousse recueillie le
1*2 juin 1859, dans mie carrière du Bas-Meutlon-, face au sud; terreau blond.
La bolle a élé conservée dans mon cabinet depuis le 4 juillet jusqu'à ce
77
jour. Trois préparations successives faites le 11, le 13 et le 14 novembre
par le rapporteur, ont montré que près des trois quarts des animaux (rolifères
et macrobiotes) sont encore parfaitement r.;viviscenls.
N" 2. — (Boite n* 9.) Mousses provenant du toit Ratier, aux Ternes, face au
sud, recueillies il y a quelques jours par M. Doyère.
Lp terreau est légèrement brun; il ne renferme que des rotifères, tous ré-
viviscibles.
N» 3. — (Bolle n" 2.) Mousses recueillies le 10 mai 1859, à Toulon, sur le
toit de la vieille boulangerie de la marine; face au nord; terreau noir.
Celte mousse ne renferme qu'un petit nombre d'animaux. Une préparation
faite par le rapporteur, le 11 novembre, ne lui a montré qu'un rotifère, un
macrobiote et une auguillule. Ces trois animaux se sont ranimés.
MISE EN TftAiN DES EXPÉRIENCES. — Le 19 novembre 1859, à trois heures,
après avoir choisi ces trois échaniillons, nous plaçons sous la machine pneu-
matique à cloche pleine, à côté d'une large coupe renfermant de l'acide sul-
furiquedeux fois rectiOé, les objets suivants :
1° Un tube en U très-évasé, semblable à celui dont s'est servi M. Pouchet
dans l'expérience XVI (l), contenant 20 centigrammes de la mousse de l'é-
chantillon n" 1. La mousse a été poussée jusqu'au fond du tube, dont la
branche verticale a ensuite été ramonée dans toute sa longueur avec un gros
tampon de coton cardé. Deux bouchons pleins, préparés à l'avance pour ce
tube, sont placés à côté de lui, afin qu'on puisse le refermer instantané-
ment lorsqu'on l'extraira de la machine.
2' Trois tubes en U, de forme très-allongée, préparés avec leurs bouchons
tubulés, qu'on place à côté d'eux. Ces tubes sont vides.
3° Une certaine quantité de coton cardé, afin qu'on puisse essuyer les
tubes avec une substance parfaitement sèche lorsqu'on voudra s'en servir.
4° Enfin trois petites cupules en cuivre numérotées, et renfermant le.«
échantillons suivants :
Cupule n» 16, mousse de l'échantillon n' l (boite n" 4).
Cupule n» 29, mousse de l'échantillon n" 3 (boite n* 2).
Cupule n" 12, mousse de l'échantillon n» 2 (boite n» 9).
Ces trois échantillons sont à peu près d'égal volume. La balance de pré-
cision du laboratoire de physique étant dérangée, nous n'avons pu les peser
rigoureusement; mais un fragment de l'échantillon n° l , aussi égal (|ue pos-
sible à celui qui a été déposé dans la cupule U'^ IG, a été mis de côté pour
être pesé plus tard. Il pesait exactement 365 milligrammes.
On laisse ces divers objets pendant une heure sous la cloche de la niacliine
pneumatique. A quatre heures trente minutes, nous faisotis !;• vide incom-
pléîement, jusqu'à ce que le baromètre commence à marquer.
(1] Voir la planche, flg. II.
\
78
Le 21 novembre, à dix heures et demie du malin, ou pompe jusqu'à ce que
le mercure descende à 13 millimètres.
Enfin, le même jour à deux heures de l'après-midi on porte le vide à 5 mil-
limètres.
Le 3 décembre 1859, le vide tient toujours à 5 millimètres. On extrait le tul)e
en U qui renferme de la mousse de l'échantillon n^l, et qui est destiné à l'ex-
périence XIX. Cette extraction se fait de la manière suivante. On adapte au tube
à robinet de la machine pneumatique un tube à dessiccation rempli de porno
sulfurique. On ouvre très-légèrement le robinet a une heure quarante-sept
minutes et l'on entend un tout petit sifflement qui indique l'entrée de l'air et
qui dure plusieurs minutes. L'air est donc rentre très-leutemeut, et a eu le
temps de se dessécher dans le tube à dessiccation.
A une heure cinquante-sept minutes, l'un des commissaires soulève ra
pidement la cloche, un autre extrait en un clin d'œil le tube en U avec ses
deux bouchons et un peu de coton cardé, et l'on replace immédiatement l'a
cloche qu'on lute aussitôt.
Occupés de la préparation de l'expérience de ce jour, nous n'avons pu re-
faire le vide qu'à deux heures seize minutes; mais on remarquera que l'air
rentré sous la cloche était parfaitement sec, que la cloche n'a été soulevée
que d'un côté, et qu'elle n'est pas restée soulevée plus d'une ou deux se-
condes, qu'enfin l'acide sulfurique a dû attirer et absorber l'humidité de la
petite quantité d'air qui a pu pénétrer sous la cloche, et on eu conclura que
les mousses contenues dans les cupules n'ont pas dû s'hydrater d'une manière
sensible.
On fait le vide jusqu'à 56 millimètres. La machine s'échaulFe, on est obligé
de s'arrêter. Le lendemain on porte le vide à 3 milimètres.
Le 3 janvier 1860, le vide persiste toujours à 3 millimètres. On rend l'air
avec les mêmes précautions que précédemment, et on extrait le plus rapide-
ment possible une partie de la mousse contenue dans la cupule u" 16. Cette
mousse est destinée à l'expérience XVII. On rétablit aussitôt le vide à 4 mil-
limètres.
Le 2 février, on extrait de la même manière ime autre partie de la mousse
de la cupule n" 16 (voy exp. XVIII), et l'on refait aussitôt le vide à G milli-
mètres.
Enfln, le 9 février, on a extrait définitivement le reste des matériaux dé-
posés sous le récipient, en ayant toujours soin de rendre lentement de l'air
desséché, à travers un tube à dessiccation.
Exp. XVll. — animaux desséchés a froid dans le tide sec pe.ndant
QUARANTE-CINQ JOURS. REVIVISCENCE.
Le 3 janvier 1860, ù onze heures du matin, nous retirons de dessous la ma-
chine pneumatique une partie de la mousse contenue dans la cupule n" IG.
Cette machine séjourne dans le vide sec ilepuis le l'J novembre, c'est-à-dire
depuis quaruiilc-cinci jours. Elle est confiée au rapporteur, qui est chargé
d'examiner si les animaux sont encore réviviscibles. L'air est très-humide.
Le thermomètre du laboratoire nianiue 13".
7gr
A onze heures, la mousse est placée dans une petite éprouvelte qu'on lernif*
avec un bouchon.
A onze heures trente minutes, jr respire quelques instants dans le tube
pour y faire pénétrer de l'air humide, et je le referme aussitôt.
A midi trente minutes, je verse quelques gouttes d'eau dans l'éprouvette,
de manière à hydrater légèrement les mousses.
A quatre heures trente minutes,. je divise la mousse en quatre parties que
j'humecte séparément dans les verres de montre a, h, c, d.
Verre a. Je ne trouve dans ce verre qu'un seul corps tout à fait immobile :
c'est nn macrobiote. Examiné matin et soir jusqu'au quatrième jour, cet ani-
mal ne s'est pas ranimé.
Verre b. A quatre heures cinquante minutes, j'y trouve un paramécium
d'une activité extraordinaire et d'un volume considérable. Cet animal est
exactement semblable à celui qui, dans l'expérience YIII, s'est montré au
bout de dix-huit heures dans une préparation faite avec des mousses chauf-
fées à 110°. Mais l'eau avec laquelle il a été humecté n'était pas distillée, et
avait été prise dans une carafe. Il est hautement probable, toutefois, que le
paramécium provient de la mousse, et qu'il s'est ranimé vingt minutes après
avoir été humecté. Dans le même verre b je trouve 1 rotifère et 2 anguillules,
l'une grosse, l'autre petite. Ces trois animaux ne se sont pas ranimés. La
préparation a été examinée matin et soir jusqu'au quatrième jour. .le n'y ai
vu vivre que le paramécium, qui est resté très-actif jusqu'à lu On.
Verre c. A cinq heures dix minutes, je trouve dans ce verre : au moins
2 paraméciums en pleine activité, 1 macrobiote vivant, 2 anguillules et plu-
sieurs rotifères immobiles. Le lendemain, à une heure après midi, il y a dans
le verre 3 rotifères vivants ^2 petits et 1 grand.) 11 y a eu outre 2 rotifères
endosmoses, et morts sans ressource; les 2 anguillules sont toujours immo-
biles. Elles ne se sont pas ranimées les jours suivants.
Verre d. Je l'examine pour la première fois le 5 janvier à neuf heures du
soir. Je n'y trouve aucun corps de rotifère ni de tardigrade. Il n'y a qu'une
seule anguillule (qui ne s'est pas ranimée ultérieurement) et 2 ou 3 paramé-
ciums en pleine activité.
Par conséquent, après un séjour de près de sept mois dans une
boite et un séjour de quarante-cinq jours dans le vide sec, les cinq
anguillules étaient mortes sans retour; trois rotifères sur cinq, un
macrobiote sur deux se sont ranimés; et enfin un certain nombre de
paraméciums se sont ranimés également selon toute probabilité,
EXP. XVIII. — ANIMAUX DESSÉCHÉS A FROID DANS LE VIDE SEC PENDANT
SOIXANTE-QUINZE JOURS. REVIVISCENCE.
Le 2 février 18C0, à dix heures et demie du matin, on extrait de la machine
pneumatique une partie de la mousse contenue dans la cupule n* IG. On en
prend une quantité plus considérable que dans l'expérience précédente. Cette
80
mousse a séjourno dans le vide sec depuis le 19 novembre 1859, c'est-à-dire
pendant soixante-quinze jours.
Le rapporteur est chargé de chercher si les animaux sont encore révivis-
cibles.
La mousse, déposée dans une éprouvolte bouchée à dix heures et demie,
est placée à midi et demi sous une cloche humide.
A six hcure.s, elle est humectée dans le verre de montre a. 11 se dépose un
peu do sable au fond de ce verre; j'enlève la mousse et je la transporte dans
le verre de montre b, où je l'étreins légèrement; enfin je la dépose sans l'hu-
mecter de nouveau, dans le verre de montre c qui est placé sous une cloche
humide.
Cette fois l'humectation a été faite avec de l'eau distillée.
Verre a. Six heures dix minutes. J'aperçois cinq ou six corps de macro-
biotes ou de rolifères immobiles.
A huit heures, ces animaux sont toujours immobiles, mais un paramécium
est déjà ranimé.
A onze heures du soir, il y a dans ce verre un grand rotifère et un ma-
macrobiole en mouvement; les autres sont toujours immobiles. La prépara-
tion est examinée les jours suivants. Je ne retrouve plus le paramécium à
partir du 4 février. Le tardigrade et le rotifère meurent le 5 et le 6 février.
Verre b, examiné pour la première fois le 2 février, à huit heures du soir,
après deux heures d'humectation. J'y compte 2 anguilliiles grosses et 7 ou
8 corps de macrobiotes ou de rotifères ; tous ces animaux sont immobiles.
A onze heures du soir, un macrobiote et un grand rotifère sont en mouve-
ment exactement comme dans le verre a.
Le 3 février, rien de changé.
Le 5 février, le tardigrade est mort, le rotifère seul est vivant. Plusieurs
corps de rotifères sont encore roulés en boule, et j'espère toujours les voir
se ranimer. Mais l'examen continué jusqu'au 8 février a été inli uclueux.
Le 8 février, de neuf à onze heures du soir, j'assiste aux derniers moments
du seul rotifère qui reste dans la préparation.
Verre e. Reprenant alors la mousse qui a été déposée le 2 février dans
le verre c après avoir été étreinte, et qui a séjourné depuis six jours sous
la cloche humide, je me disi)Ose à l'humecter de nouveau; mais en soulevant
celle mousse je trouve au-dessous d'elle, au fond du verre, un dépôt humide
sans couche de liquide appréciable. Jenlève la mousse, j'ajoute de l'eau, et
quelques instants plus tard j'aperçois dans la préparation une grande quantité
de rotifères vivants. J'en ai compté au moins 3 grands et 6 petits, tous très-
vigoureux et très-agiles. H y a eu outre 3 rotifères déployés et endosmoses,
2 lotifèresen boule, 2 tardigrades morts et 1 anguillule morte.
On remarquera en premier lieu que dans cette expérience, sur 7 ou 8
tardigrades, 2 seulement ont repris vie, tandis que plus de la moitié
des rotifères ont revécu (M sur environ une vinj;taine). Ou remar-
quera en outre que le nombre des réviviscenis a été relativement beau-
coup plus considérable dans la mousse à peine humectée que dans les
81
verres de montre où les animaux étaient ensevelis dans une nappe
dVau. Cela vient à l'appui des idées de M. Doyère sur l'ulililé d'une
humectalion lente. Enfin, m'étant servi celte l'ois d'eau distillée, je
puis affirmer que le paramécium qui s'agitait après deux heures d'hu-
mectation dans le verre a était bien un animal réviviscent.
Si l'on compare maintenant le résultat des deux expériences XVII
et XVIII sous le rapport de la reviviscence des animaux, on trouve
qu'aucune anguillule ne s'est ranimée, et que pour les rolifèresla pro-
portion des morts ne s'est pas sensiblement accrue pas suite d'un sé-
jour dans le vide sec prolongé trente jours de plus. Quant aux macro-
bioies, ils étaient trop peu nombreux dans l'expérience XVII pour qu'on
puisse établir une comparaison; mais il est permis de croire, d'après
l'expérience XVIII, que le séjour prolongé dans le vide sec leur est
plus nuisible qu'aux rotifères. N'oublions pas enfin que du 11 au 14 no-
vembre, la mousse de la boîte n* 4 d'où l'échantillon a été extrait
donnait une proportion bien plus considérable d'animaux révivis-
cents (près des trois quarts). La dessiccation prolongée à froid ne pa-
raît donc pas une épreuve sans danger.
Arrivons maintenant aux expériences de chauffage. La première a
été faite le 5 décembre 1859, avec des mousses qui avaient subi l'ac-
tion du vide sec pendant douze jours. Elle a échoué.
EXP. XIX. — ANIMAUX CHAUFFÉS A 100° PENDANT TRENTE MINUTES, APRÈS
DOUZE JOURS DE SÉJOUR DANS LE VIDE. POINT DE REVIVISCENCE.
Le 19 novembre 1859, nous avons placé sous la machine pneumatique un
grand tube en U très-évasé, où nous avions introduit ÎO centigrammes de
mousse provenant de l'échantillon n» t (Voy. la planche, (ig. II).
La brandie verticale du tube avait été soigneusement essuyée avec un
tampon de coton cardé ; deux bouchons préparés d'avance et un peu de coton
cardé ont été placés sous la cloche avec le tube contenant la mousse.
On a fait le vide progressivement et depuis le 21 novembre, à deux heures,
le baromètre a marqué constamment 5 millimètres.
Le 3 décembre, à une heure cinquante-neuf minutes, on rend l'air à travers
un tube à dessiccation. On extrait rapidement le grand tube en U, avec ses
deux bouchons et un peu de coton cardé. On pousse un [)etit tampon de coton
jusque près de la mousse, et l'on bouche aussitôt les deux branches du tube
en U. Tout cela dure environ cinq secondes.
A deux heures, après avoir replacé la cloche de la machine pneumatique,
on enlève successivement les deux bouchons qu'en remplace aussitôt par des
bouchons tubulcs communiquant avec des tubes à dessiccation pleins de
ponce sulfurique (Voy. la fig. 1). On est certain par conséquent que l'humi-
dité atmosphériiiue n'a pu et ne pourra pénétrer jusque sur la mousse.
On prépare alors le chaulTage, et l'on dispose Texpérience comme dans
6
82
l'exp. iXVI, avec cette seule cJiffc-rence qu'au lieu d'un seul tul)e à dessicca-
tion, placé du cùlé par où l'air arrive, on eu a mis un second du côté par où
il s'en va. Cela a pour but d'empêcher l'iiumidité du vase aspirateur de rc-
lluer sur la mousse lorsque l'écoulement de l'air est suspendu quelques
instants pour le renouvellement de l'eau. On plonge le tube en U dans le bain
et l'on s'assure que le coton (et à plus forte raison la mousse) est entière-
rement submergé. L'un des commissaires agite constamment l'eau du bain-
marie pour égaliser partout la température. On mesure litre par litre, d'après
l'écoulemeut de l'eau fournie par le siphon, la quantité d'air sec qui traver.^e
l'étuve.
TABLEAU DE L'eXPÉRIENCE.
Températiivp. Yolnmp dft l'air qui traverse
du bain. l'appareil.
2 heures 15 minutes + 8"
2
—
25
—
40»
2
litres.
2
—
36
—
45»
0
- 1/2
2
—
42
—
50°
2
—
50
—
57°
2
—
2
—
58
—
65°
2
—
3
—
5
—
67°
2
—
2
—
20
—
80"
2
—
.3
—
35
—
83»
1
—
3
—
45
—
!)1°
1
—
3
—
59
—
92°
2
—
4
8
—
93«
2
—
4
—
20
—
97°5
2
—
/i
23
—
100°
2
—
/i
—
28
—
100»
2
litres. On
4
—
52
—
100°
Ou enlève l'appareil
aspirateur.
A ([ualrc heures cinquante-deu.v minutes, le tube est retiré du bain.
Yingt-(juatre litres cl demi d'air (uit traversé l'appareil. On a pensé qu'il
n'était pa:; né-'essairc de continuer l'aspiration pendant les vingt-ipiatre dcr-
uières minutes, la mousse devant être déjà assez complètement desséchée
pour qu'il ne s'en dégageât plus de vapeur. L'èbtillition a été prolongée pen-
dant vingt-neuf minutes (on croyait la demi-iieure achevée).
A ciiHi heures, le tui)e étant reiroidi, on coui>e à la lime la grosse hrim-'he
verticale du tube en U entre le coton et la mousse, et l'on relire celle-ci (lu'on
dépose dans un verre de montre bien essuyé. On la hiisse pendant sent mi-
nutes exposée à l'iiir humide du laboratoire.
A cimi heures sept minutes, on dépose le verre sous la cloche humide et
l'on pose les scellés.
1.0 lendemain 4 décembre, à di.x heures du matin, tes scelh's sont intacts.
La température du laboratoire est à + 7°.
Nous préparons d'abord un agitateur, nue pipette et plu'-'ieurs verres ile
83
monire. Comme ces objets ont déjà servi nous les plongeons dans de l'acide
sulfurique concentré, puis nous les lavons dans de l'eau distillée. Les verres
sont numérotés au diamant.
A onze lieures, la mousse est humectée avec de l'eau distillée dans le
verre de montre n° 5. A onze heures quinze minutes nous faisons trois pré-
parations dans les verres n° 5, n» 3 et n° 18. .
A onze heures trente minutes, ces trois verres sont scellés sous la clociie
humide. On transporte cette cloche dans le petit laboratoire où l'on allume un
calorifère à gaz pour obtenir une température de là" a 10°, beaucoup plus
favorable à la reviviscence que la température naturelle, qui descend chaque
nuit jusqu'à 0".
Le soir, le calorifère uiarcl;e bien, et le thermomètre est à 17". Mais dans
la nuit une cause imprévue arrête peadaut quelques instants l'écoulement du
gaz, Lefeus'éteinl, et l'écoulement du gaz recommence bientôt, de telle sorte
que le ô décembre, à dix heures du matin, nous trouvons la petite chambre
pleine d'hydrogène carboné. Or la cloche, quoique bien scellée, ne ferme
pas hermétiquement. Les animaux humectés hier ont donc passé la nuit dans
une atmosphère délétère.
Nous examinons successivement toutes les préparations ; nous y trouvons
une dizaine de rotifères endosmoses, cinq ou six macrobiotes flottants, et
ui;e seule anguillule enroulée. Tous ces animaux paraissent morts. Il n'y a
aucun infusoire.
On replace les préparations sous scellés : on les examine de nouveau le 7 dé-
cembre. Aucun animal ne s'est ranimé; tous paraissent morts sans ressource.
Parmi les causes qui avaient pu faire échouer l'expérience et qu'il
fallait éliminer dans les expériences ultérieures, nous avons cru dé-
couvrir les suivantes :
1° Les animaux humectés avaient séjourné dans une atmosphère
chargée d'une grande quantité de gaz hydrogène carboné, circon-
stance tout accidentelle, qui etlt été insignifiante si les animaux eus-
sent été secs, mais qui pouvait très-bien avoir nui à des animaux hu-
mectés et en voie de reviviscence.
2° Le courant d'air sec avait été supprimé pendant les vingt-quatre
dernières minutes de l'ébuliition. M. Doyère professe que la moindre
parcelle d'humidité répandue dans l'air à l'état de vapeur et séjour-
nant sur les animaux, peut déterminer dans leurs tissus des altérations
chinjiques sous la température de 100"; or c'est précisément à ce mo-
ment que le courant d'air sec a été supprimé, et quoiqu'il soit extrê-
mement probable qu'il ne restait plus d'eau dans les mousses, nous
avons résolu de faire durer le courant d'air jusqu'à la fin dans nos
expériences ultérieures.
7)" Le tube à dessiccation était plein de ponce sulfurique ; or, en
soufflant quelques minutes dans ce tube, nous avons vu le papier de
84
tournesol placé à l'autre extrémité rougir légèrement. Le courant d'air
a donc pu cniraîner quelques parcelles d'acide sulfuriqiie dont le
contact aura nui aux animaux. C'est pourquoi nous avons résolu de
nous servir ultérieurement d'un appareil à dessiccation rempli de
chaux vive.
4° Le tube à dessiccation n'avait que 22 centimètres de longueur, et
l'air de la chambre était rempli de vapeur d'eau, dégagée du bain-
marie. Nous avons donc résolu de remplacer le bain d'eau par un bain
d'huile, et de faire passer l'air successivement dans trois vases à des-
siccation.
5° L'expérience préalabledu vide sec avait duré douze jours, c'esl-à-
dire au moins deux fois plus longtemps que dans l'expérience corres-
pondante de M. Doyère. Il nous avait paru bon de pousser plus loin
que lui la dessiccation préalable à froid, puisque nous nous proposions
de pousser plus loin que lui la dessiccation à chaud, pour satisfaire
au désir de M. Pouchet. Mais ayant porté de cinq à trente minutes la
durée du chauffage à 100*, nous pouvions nous demander si c'était
asspz d'avoir doublé la durée de l'opération préliminaire du vide sec.
Il a donc été convenu que nous agirions désormais sur des mousses
soumises à l'action du vide pendant un temps beaucoup plus long.
6° Enfin, le chauffage avait été dirigé de telle sorte que les animaux
avaient subi pendant une heuie et demie une température supérieure
à 80°; ils avaient donc été exposés toute une heure aune température
dangereuse avant d'atteindre la température définitive de 100°. Et
comme il s'agissait seulement pour nous de décider si trente minutes
d'exposition à une chaleur de 100° détruisent ou non la propriété de
reviviscence, nous avons cru devoir abréger autant que possible la
durée des températures transitoires comprises entre 80 et 100". C'est
pùurijuoi nous avons décidé que désormais nous chaufferions les
mousses pendant deux heures à 60% afin de les dessécher entièrement,
puis, que nous les porterions lapidement à la température de 100°, où
nous les maintiendrions trente minutes.
En adoptant ces diverses modifications nous supposions bien qu'elles
n'étaient pas toutes également utiles; mais ayant à vérifier l'exactitude
d'un fait (expérimental annoncé par M. Doyère, nous devions nous
placer momentanément au même point de vue que lui, et appliquer
dans toute leur rigueur les principes qu'il a émis.
C'est .^iir ces bases qu'ont été instituées les deux expériences sui-
vantes. Elles ont marché de; Iront; l'une a échoué, l'antre a réussi, et
non^ iiiiioiis bieiilùl à chercher 1; s causes de cette différence, qu'on
pourrai èi.e tenté d'attribuer au hasard, s'il y avait dans la nature
autre chose que des causes et des effets.
85
XP. XX et XXI. — ANIMAUX CHAUFFÉS A 100" PENDANT THEME MINUTES,
APnÈS QUATRE-VINGT-DEUX JOURS DEXPOSITION DANS I.E VIDE SEC. DEUX
EXPÉRIENCES PARALLÈLES (11. REVIVISCENCE DANS UN CAS. RÉSULTAT NÉGATIF
DANS l'autre cas.
Les Irois cupules de cuivre n" 16, 29 et 12, renferiBant cliacune envlrou
36 centigrainmes de mousse, ont été déposées le 19 novembre IbôO sous la
machine pneumatique.
La cupule n' 16 renferme une mousse à terreau blond, recueillie le 12
juin 1859, dans une carrière du Bas-MeuJon, face au sud.
La cupule n" 29 renferme une mousse à terreau noir, recueillie à Toulon,
en juin 1859, sur un toit exposé au nord.
La cupule n" 12 renferme une mousse à terreau hrun, recueillie dans les
premiers jours de novembre 1859, aux Ternes, sur un toit exposé au sud.
Ces trois échantillons de mousses ont été chauffés le 9 février 1860, au
sortir de la machine pneumatique, après quatre-vingt-deux jours de séjour
dans le vide sec.
La mousse de la cupule n» 16 étant de beaucoup la plus riche, était aussi
celle sur laquelle nous basions le plus d'espoir. C'était pour elle, à vrai dire,
que nous faisions l'expérience; nous n'avons employé les autres que parce
qu'il nous avait paru instructif de faire marcher trois expériences de front.
Une partie du contenu de la cupuie n° 16, extraite rapidement le 3 jan-
vier 1860, après quarante-cinq jours de séjour dans le vide, avait fourni des
animaux réviviscents. (Voy. exp. XVH.)
Une autre partie plus considérable de la même mousse, extraite avec les
mêmes précautions le 2 février 1860, après soixante-quinze jours de séjour
dans le vide, avait fourni également des animaux réviviscents. (Voy. exp. XVIIL)
Ces deux soustractions préalables avaient réduit d'un tiers au moins le
poids de la mousse contenue dans la cupule u° 16, et en évaluant à 20 centi-
grammes environ le poids de ce qui restait, nous croyous ne pas nous tromper
de p us de quelques centigrammes.
Une pesée rigoureuse n'aurait pu se faire qu'en exposant la mousse au
contact de l'air humide avant de la mettre dans l'étuve : c'était un inconvé-
nient auquel nous ne pouvions pas nous exposer.
Trois tubes en U, très-allongés et d'une forme particulière, avaient été
placés sous le récipient avec les mousse; ces tubes étaient numérotés au
diamant; on y avait joint les bouchons lubulés et les tubes coudés d'ajutage
destines à s'adapter a la grosse branche de chaque tube en U. Enfin, il y avait
sous le même récipient un peu de coton cardé. De telle sorte que tous les
corps qui allaient être mis en contact ou en communication avec les
mousses, se trouvaient entièrement dépouillés d'humidité.
(1) Nous nous proposions de faire marcher de front trois expériences;
mais un accident survenu peudaut le chauffage a réduit à néant la Iroloièuie
ex périence.
80
Le 9 fiVi'ier 18G0, à iino Iieurc et demie, on fait p(^n(5trei' lentement l'air
sous le récipient à travers un tuhe à dessiccation.
On soulève rapidement la cloche, on extrait un tube en U, un bouchon
d'ajutage, un peu de colon cardé, et la cupide n» IC. On abaisse aussitôt la
clociieet ou dispose la mousse de la cupule u" IG dans le tube en II, qui por'c
le U" '2. On essuie a plusieurs reprises avec un gros tampon de coton les
trois quarts supérieurs delà grosso branche du tube, alin d'enlever parfai-
lemcut le peu de terreau (jui a pu s'attacher aux parois; puis on retire ce
tampon et on le remplace par un tampon plus polit et plus poreux, qu'on fait
descendre jusqu'à 1 centimèt;e delà mousse, et qui est destiné à empêcher
dos parcelles do terreau de s'élever pendant le ohaufTacre au-dessus du ni-
veau du bain. Dès que ce tampon est placé on adapte le bouchon tubulé à la
grosse extrémité du tube en U, et on bouclie avec de la cire à modeler d'une
part la petite extrémité de ce tube, d'autre part l'extrémité du tube d'ajutage.
Tout cela dure à peine cinq à six secondes.
On extrait ensuite de la même manière la cupule n» 29 dont le contenu est
eu partie placé dans le tube en U n° 3, et la cupule n° 12, dont le coulenu est
eu partie placé dans le tube en Un" I. On n'emploie que les deux tiers en-
viron du contenu de chaque cupule, afin de ne disposer dans chaque tube
en tj qu'une quantité de mousse à peu près égale à celle qui occupe déjà le
tube n" 2. Le reste a été déposé dans les boites A et B pour être examiné plus
tard.
Les tubes n" 3 et n° 1 sont préparés exactement de la même manière que
le tube n° 2, si ce n'est qu'on ne laisse pas de tampon de coton dans le tube
n" 3 dont le bouchon est traversé par un thermomètre, La boule du thermo-
inètre descend jusqu'à 1/2 centimètre environ au-dessus de la mousse. On n'a
voulu interposer aucun corps entre la mousse et la bou'ie du thermomètre,
afin qu'en passant de l'une à l'autre la température de l'air ne put varier.
Enfin, cette boule occupe exactement l'axe du tube ; elle n'en touche pas
les parois, et elle ne pourra les toucher, le corps de l'instrument étant solide-
ment fixé dans le bouchon de liégo qu'il traverse à frottement.
On ne songe jamais à tout; notre thermomètre, destiné à marquer des tem-
pératures élevées, avait des degrés très-courts, de telle sorte que le point où
l'échelle devenait apparente au dessus du bouchon traversé par le thermo-
mètre correspondait à -|-74°. Nous n'avons donc pas pu, pendant le chaufi'age,
marquer la température des mousses au-dessous de cette limite; et nous
avons dû dès lors jusque-là nous en rapporter aux indications du thermo-
mètre plongé dans le bain d'huile.
Les trois tubes étant ainsi proparés et herméticiuement clos, nous avons
luté avec de la cire à cacheter les bouchons de liège d'ajutage. Ce travail a
été achevé à deux heures. Le reste de l'appareil, que nous allons maintenant
décrire, avait été prépan'' d'avance par le soins de M. le professeur davarret,
avec une précision qui ne laissait rien désirer. (Voy. la plaïu'he, lig. III.)
L'air extériein-, introduit en .\, liaverse successivement trois llacons B, l',
D, de deux litres chacun, cnlièrenienl remplis do [)elits fragments de clmux
vive.
87
Le troisième vase D est fermé supcricurenicnt par un gros boucliuii do
liège d'où sortent trois petits tubes coudés a, b, c, qui sont mis eu communi-
cation par des ajutages en caoutchouc avec la petite branche des trois tubes
en U, n» 1, n» 2, n» 3. Ces trois tubes plongent verticalement dans le bain
d'huile où ils sont enfoncés dans pins des trois quarts de leur longueur. Un
support V, auquel est suspendu le thermomètre du bain, sert à fixer la par-
tie supérieure des trois tubes et les empêche de vaciller. L'air sec, apporté
par la petite branche de l'U, arrive directement sur la mousse, puis sur la
boule du thermomètre intérieur. Les trois petits tubes a', b', c' le conduisent
ensuite dans un vase il, où il se dégage sous une colonne d'acide su!furi(iuo
haute d'iui centimètre et demi. Du vase H, l'air e?t attiré dans le vase à aspi-
ration K, plein d'eau et muni d'un robinet L, qu'on ouvre [)lus ou moius sui-
vant qu'on veut attirer l'air avec plus ou moins de rapidité. Ce vase est;
gradué de litre en litre; il renferme huit litres d'eau, mais ne peut
aspirer que cinq litres d'air. Eu effet, lorsque le niveau de l'eau s'abaisse
trop, l'écoulement du liquide, même à plein robinet, devient très-lent, à
cause de la résistance que l'air rencontre sur sou passage en se dégageant
sous l'acide sulfurique du vase H.
Pour interrompre le moins longtemps possible le courant d'air, on reçoit
l'eau du vase K dans un second vase M exactement semblable et où l'on a
versé préalablement trois litres d'eau, de telle sorte que, lorsque les cinq
litres du vase K sont écoulés, on n'a qu'à lui substituer le vase M déjà rem-
pli de liquide.
Tous les bouchons sont exactement lûtes à la cire; on s'assure qu'il n'y a
aucune fuite en pinçant successivement tous les tubes de caoutchouc qui
servent aux ajutages, et en constatant que cela suffit pour arrêter le dégage-
ment des bulles d'air dans les vases K et H. On s'assure également que le
tirage est exactement égal dans les trois tubes en U, en examinant, dans le
vase H, le dégagement parfaitement uniforme des petites bulles d'air qu'ap-
porte chacun des trois petits tubes plongés dans l'acide sulfurique.
Le bain E, E renferme quatre litres d'huile. Le chauffage est fuit au moyen
d'un fourneau à gaz F, muni d'un robinet qu'on ouvre plus ou moins selon
qu'on veut obtenir plus ou moins de chaleur.
A deux heures, on enlève successivement les bouchons de cire à modeler
qui obturent les ouvertures d'entrée et de sortie des trois tubes en U, n" t,
n''2 et n° 3, où les mousses ont été déposées ; ou remplace successivement
chacun de ces bouchons par un ajutage en caoutchouc fixé d'autre part à l'un
des trois petits tubes que supportent chacun des vases D et H. L'appareil étant
ainsi définitivement disposé, on s'assure qu'il n'y a aucune fuite, que l'écou-
lement de l'air est bien uniforme dans les trois tubes, et l'on commence a
chauffer le bain. Les trois tubes ont été soulevés au-dessus du bain jusqu'à
deux heures vingt-cinq minutes-, à ce moment la température de l'huile mar-
que 50°; on plonge les trois tubes en U jusque au fond du bain, et on ou-
vre le robinet L.
88
TABLEAU DB L'EXPÉRIENCB.
Température Températur»
Volume
du bain de l'air
de l'air écoulé.
d'huile. dans le tube n" 3.
2 heures 25 minutes.
50" N'a pu être ap-
A 2 heures
2 -
55
—
52" préciée à cause
49 minutes 5 litres
3 -
2
—
63° (le la brièveté
d'air ont passé.
3 -
5
—
65* du
3 —
15
—
61° thermomètre.
3 —
20
—
59-
3 —
30
35
—
62"
. . 5 litres.
3 ~
63»
3 —
45
—
60»
3 -
50
—
57"
4 —
G
10
—
60»
• . . 5 litres.
4 —
64»
4 -
20
—
60"
4 —
23
—
60-
4 -
25
—
71-
4 -
26
—
75»
A ce moment le mercure du thermomètre intérieur devient apparent.
4 heures 27 minutes.
. 80» 75»
4 -
28
—
85" 78*
4 -
29
—
90» 84»
. . . 5 litres.
4 —
31
—
95» 90»
.4 -
33
—
100" 95»
4 -
35
—
101° 96-
4 -
37
—
100. 97ol
4 -
38
—
lOlo 97''5
(A ce moment on entend un léger craquement. Le tuhe en U, n» 1, Tient de
se fêlera sa partie inférieure : l'huile a pénétré sur la mousse et rempli le
tube en U. Le tirage d'air continue roguiièrement dans les denx autres lubes,
et l'on ralentit dès lors d'environ un tiers l'écoulement de l'eau du vase as-
pirateur.)
4 heures 40
minutes
101»
98"
4
43
—
102°
99»
4
45
—
104»
100°
4 —
47
—
104"
101"
4 —
49
—
102»
101»
4
5t
—
99"
99<.i
4 —
53
—
99»
99°
__
54
_
QS»
98»2
89
Températare
Température
Volam»
du bain
de l'air
de l'air écoulé.
d'huile.
dans le tube n" i.
4 heures 55 minutes. .
. lOOo
98»
4 -
57
—
103»
9805
4 -
58
—
104"
99o5
4 -
59
—
105°
100°
5 —
0
—
106°
101»5
5 —
l
—
105"
102"
5 -
2
—
103-
102"2
5 —
4
—
100»
101°
5 —
5
—
99"
100°8
5 —
6
—
100"
100»
5 —
7
—
lor
99»8
5 —
8
—
104°
100»
5 -
10
—
103^'
100°5 ....
. tout près de 5 liti
A cinq heures di.x minutes on retire les deux tubes en U, n» 2 et n» 3, qui
seuls ont résisté à la chaleur du bain, et on les place sous scellés dans une
armoire.
Le bain d'huile est resté trente-sept minutes à 100°, descendant une fois à
98°, une fois à 99° pendant une minute, et montant une fois à 106°, deux fois
à 104°.
Le thermomètre du tube n° 3 est resté trente minutes entre 98o et 102» 2.
Les mousses, qui touchaient la paroi des tubes en U, ont dû recevoir plus
de chaleur que le thermomètre intérieur, qui ne touchait ni la paioi ni la
mousse.
On n'a pu, faute d'espace, agiter l'huile pendant le chauffage ( deux com-
missaires étaient continuellement penchés au-dessus du bain surveillant cha-
cun l'un des thermomètres; un troisi'me, placé vis-à-vis, réglait le fourneau
à gaz ). Il en est résulté que la température des couches inférieures de
l'huile a dû être un peu plus forte que celle des couches supérieures. Or, le
thermomètre du bain ne descendait qu'à 6 centimètres du foni, tandis que
les tubes en U touchaient le fond, où la température était plus haute.
Vingt-cinq litres d'air sec ont traversé l'appareil. U y a d'abord eu vingt
litres répaitis entre les trois tubes; puis cinq litres répaitis entre les
tubes 2 et 3, ce qui fait en tout un peu plus de neuf litres pour chacun
d'eux-
Les deux tubes n* 2 et n» 3 ont été placés debout et scellés dans l'armoire
le 9 février 1860 à cinq heures dix minutes du soir.
Le 10 février, à onze heures du matin, les commissaires constatent que les
scellés sont intacts. Ils retirent la mousse contenue dans les deux tubes n» 2
et n° 3, en coupant ces tubes à leur partie inférieure, et en évitant ainsi de
faire repasser les mousses par leur ouverture d'entrée.
Le contenu du tube n* 3 est placé dans le verre de montre A, et celui du
tube n* 2 dans le verre de montre B. Ces deux verres de montre ne sont pas
humectés aujourd'hui. On les scelle sous la cloche humide.
90
Le U février, à trois heures et demie, les scellés sont intacts.
A trois heures cinquante minutes on humecte les verres de montre A et B
avec une petite quantité d'eau distillée. On a préalablement pris un peu d'eau
distillée dans le même llacon, et on s'est assuré par l'examen microscopique
(ju'elle ne renfermait point d'infusoire (1).
On pétrit très-légèrement les mousses avec les doigts, de manière à obte-
nir des dépôts successifs dans plusieurs verres de montre.
1° Préparations faites avec la mousse du verre de montre A.
Cette mousse provient du tube en U u" 3, et renferme du terreau noir.
Premier dépôt dans le verre de montre n' 5.
Deuxième — — n" 3.
Troisième — — n° 1.
Le reste des mousses étreintes — n° 9.
Aucune de ces préparations n'a fourni d'animaux réviviscibles. Elles ont
été examinées plusieurs jours de suite par la commission, puis transportées
avec soin chez le ra[)porleur qui les a étudiées matin et soir jusqu'au 22 fé-
vrier.
La mousse humide conservée dans le verre n" 9 a été reprise le 15 février;
elle a servi à faire de nouvelles préparations où quelques cadavres d'ani-
maux ont été retrouvés.
Nous avons compté dans toutes ces préparations environ une trentaine
d'animaux, savoir : une vingtaine de rotil'èrcs, cinq ou six macrobiotes, deux
émydiums et plusieurs anguillules.
2» Préparations faites avec la mousse du verre de m antre B.
Cette mousse provient du tube en U n" 2, et renferme du terreau blond.
Premier dépôt dans le verre n" 18.
Deuxième — — n° II.
Le reste des mousses étreintes — n° 2.
Ces préparations ont été faites le 11 février à trois heures cinquante mi-
nutes.
A quatre heures quinze minutes elles ont été scellées sous la cloche hu-
mide. Chacune d'elles ne renferme qu'une petite quantité d'eau.
Dans la nuit du U au 12 février, il gèle assez fortement.
Le 12 février, à dix heures du matin, un thermomètre placé près de la
cloche qui recouvre la préparation marque zéro. Cette basse température est
Irès-dél'avorablc à la reviviscence.
(1) Nous avons pris culte précaution pour le cas où des paraméciums se
seraient mrinfr's dyns ncs pr:-p:i.:Hli(/ns.
91
Ou brise les scellés et on examine les préparations. On aperçoit tout de
snitc plnsieiirs tardigTaiies endosmoses et (lotfanis qui paraissent morts sans
retour. Beaucoup de rolifôrcs sont également déployés et endosmoses; mais
plusieurs sont encore en boule et paraissent appelés à se ranimer.
A dix heures vingt-cinq minutes, M. Balbiani cioil apercevoir une légère
contraction dans le corps d'un grand rotilùre en boule du verre n" II. A partir
de ce moment l'animal a été continuellement examiné par les commissaires,
pendant plusd'un quart d'iieure; les contractions se renouvellent, deviennent
plus fortes, enfin à dix heures quarante minutes l'animal complètement dé-
ployé commence à exécuter des mouvements d'ensemble, et à mouvoir ses
roues.
A dix heures cinquante-cinq minutes un autre rotifère du même verre
n" ) 1 donne quelques signes de reviviscence. On aperçoit dans ses organes,
sous un grossissement de 180 diamètres, de légères contractions vermicu-
laires, mais le corps ne se déploie pas et reste roulé en boule.
Le verre de monire n» 18 n'a montré ce jonr-là aucun animal révivis-
cent.
A onze heures trente minutes les préparations sont de nouveau scellées
sous la cloche humide.
Dans la nuit du 12 au 13 février la température extérieure descend jus-
qu'à —G'.
Le 13 février, à une heure et demie le thermomètre marque encore — 3»
dans la cour, et 0» dans le laboratoire.
Nous brisons les scellés.
Nous ne retrouvons pas dans le verre n" 11 le rotifère dont la reviviscence
a été constatée hier; cet animal est sans doute mort; mais nous retrouvons
celui qui paraissait sur le point de se ranimer; il est toujours dans le même
état. On voit de loin en loin dans ses organes de petites contractions partielles.
Son corps est toujours globuleux.
Pour en finir avec le verre n° 11, nous dirons que ce dernier animal ne
s'est pas complètement ranimé, qu'il est resté globuleux jusqu'au 22 févri&r,
jour où la préfiaration a été jetée; qu'enfin aucun autre auiraal ne s'est ra-
nimé dans ce verre à partir du 12 février.
Il n'y a donc eu dans le verre n" Il qu'une seule reviviscence com-
plète.
Le 13 février à deux heures dix minutes, un grand rotifère du verre n" 18
exécute de légères contractions ; à deux heures quinze minutes il est déployé;
à deux heures vingt minutes il commence à marcher lentement; bientôt il
s'arrête, se contracte en boule irrégulière et reste immobile pendant plu-
sieurs minutes. Cet animal a été observé continuellement jusqu'à trois heu-
res ; il a exécuté à trois ou quatre reprises difl'érentes des mouvements
d'ensemble.
A trois heures les préparations sont de nouveau scellées sous la cloche
humide. La température froide nous parait contribuer à retarder la revivi-
scence. Il est donc décidé que demain les animaux seront placés dans une
couveuse à la température de -f 15° à + 20'.
9?.
(La couveuse n'a pu être disposée que le 15 février, u trois heures après
midi.)
La température extérieure descend à —6* dans la nuit du 13 au 14 février,
à —8» dans la nuit du 14 au 15.
Le 15 février à dix heures du matin, nous brisons les scellés et nous exa-
minons de nouveau le verre de montre n° 18.
Nous y trouvons cinq grands rotifères plus ou moins actifs. Nous ne pou-
vons dire si le rotifère qui s'est ranimé sous nos yeux le 13 février est au
nombre des cinq. Quelques-uns de ces animaux sont peu actifs; mais l'un
d'eux exécute des mouvements rapides, déploie ses roues, et clierclie sa
proie.
Nous ajoutons quelques gouttes d'eau distillée sur la mousse du verre n* 2.
Les préparations sont de nouveau scellées sous la cloche humide.
Le même jour (15 février), à trois heures, nous plaçons nos préparations
dans l'étage moyen d'une couveuse à eau chaude. Pour empêcher l'évapora-
tion autant que possible, nous recouvrons les verres avec d'autres verres de
montre, et nous plaçons à côté d'eux, dans la couveuse, des substances im-
bibées d'une grande quantité d'eau.
A cinq heures le thermomètre de la couveuse marque -f 12».
A huit heures du soir il marque + 14°.
Le lendemain matin, 16 lévrier, à dix heures, il marque encore I4«. Dans le
verre n" 18 nous ne trouvons plus que quatre rotifères vivants; dans le nom-
bre il y a un petit rotifère. Par conséquent, trois seulement des cinq grands
rotifères vus vivants la veille dans le môme verre, .«ont encore en vie. Ce
Jour-là la commission considère le résultat comme sufTisamment constaté, et
les préparations sont confiées au rapporteur qui est chargé de les examiner
matin et soir pendant plusieurs jours encore.
Les animaux, à partir du 16 février au matin, ont été conservés chez le
rapporteur dans un petit laboratoire où des dispositions avaient été prises
pour obtenir une température constamment égale ou supérieure à -1-15''.
Aucun autre animal ne s'est ranimé dans le verre de montre n* 18. Les trois
grands rotifères qu'on y avait vu vivre le IC février à dix heures du matia
sont morts, l'un daus la journée du 16, les deux autres dans la nuit du 16
au 17.
Le petit rotifère a véru trois jours entiers, et a été trouvé mort à son tour
le 19 février à onze heures du matin.
La mousse h gèrement humide qui avait été conservée dans le verre de
montre n- 2 jusqu'au 16 février, a servi dans la journée du 16 à faire trois
pré[)arations.
Le léger dépôt à peine humide que cette mousse avait laissé sur le verre
n" 2 a été examiné le jour même et a montré un grand rotifère vivant. La
mousse a ité transportée dans le verre de montre ir 8, humectée et étreinte
dans ce verre, et déposée eulin dans le verre n° 17.
Le 17 février, à quatre heures du soir, je trouve un petit rotifère vivant
daus le verre de montre u° 8. J'y trouve on outre le soir, ù onze heures, un -
grand rotifère qui esécule quelques mouvements.
93
Enfin le même jour à onze heures du soir, la mousse est étreinte une
dernière fois dans le verre n° 17. J'y trouve un grand rotifère qui change
plusieurs lois de forme sous mes yeux.
l.e lendemain, 18 février, à raidi, tous les animaux paraissent morts, à l'ex-
ception du petit rotifère du verre de montre n° 18, qui meurt à son tour,
comme on l'a dijù dit, dans la nuit du 18 au 19 février.
A partir de ce jour, les préparations, examin('es soir et matin jusqu'au 22
février au soir, n'ont plus montré que des animaux parfaitement immobiles.
Plusieurs rotifères étaient encore en boule, mais je pensai qu'après onze
jours d'bumectation, sous une température qui, pendant les six derniers jours,
n'était pas descendue au-dessous de +15°, il n'y avait aucune cliancede voir
les autres animaux se ranimer. Les préparations furent donc jetées à l'excep-
tion d'une seule, l'une des plus anciennes, celle du verre n° 18, où s'étaient
développés un grand nombre de kolpodes dont j'étais curieux d'étudier la
reproduction. Je reviendrai tout à l'heure sur l'examen ultérieur de celte pré-
paration.
Tous ces détails minutieux nous ont paru nécessaires pour déter-
miner le nombre des animaux qui ont revécu, l'époque où ils se sont
ranimés, et la durée de leur vie après la reviviscence.
Il y avait dans les diverses préparations qui ont été faites une
vingtaine de macrobiotes, aucun émydium, 2 ou 3 anguillules et en-
viron 80 rotifères, grands ou petits. Les grands rotifères étaient rou-
geàtres, les petits étaient blancs.
Tous les macrobiotes et toutes les anguillules étaient absolument
morts.
Le nombre des rotifères qui se sont ranimés ne peut être rigoureu-
sement déterminé, mais il n'est pas inférieur à onze, savoir :
Y . / 1 grand rotifère dans le verre de montre n° Il (12 février).
" '. . \ 5 grands rotifères — — n»18 (13-15 fév.).
commission. ) , .-» ..,, .o ,.n ,■ ■ l
\ 1 petit rotifère — — nMS (16 février).
!• l grand rotifère — — n- 2 (16 février).
1 grand rotifère — — n» 8 (17 février).
1 petit rotifère — — n» 8 (17 février).
, 1 grand rotifère — — m 17 (17 février).
Tous ces animaux ont exécuté des mouvements d'ensemble. Il y a
eu en outre, le 12 et le 13 février, chez l'un de-s rotifères du n° 11, un
commencement de révivification caractérisée par des contractions
viscérales partielles, sans changement de forme de l'animal, qui e>si
resté globuleux.
La révivification la plus piécoce a été celle de l'autre rotifère du n" 11 .
Elle s'est effectuée sous nos yeux au bout de dix-huit heures d'bumec-
tation.
94
La révivification la plus tardive a été celle du grand rolifère qui
s'esl ranimé le 17 février, entre quatre et onze heures du soir, dans le
verre n' 8, après cinq jours d'hunieclalion.
Ces animaux étaient peu vigoureux. Trois seulement ont déployé
leurs roues, marché et cherché leur proie; les autres restaient en
place, s'allongeant ou se repliant sans avancer. Nous avions d'abord
attribué cette paresse à la rigueur de la température; mais une teni-
péiature de 15° prolongée ensuite pendant plusieurs jours n'a pu
rendre la vigueur aux animaux.
Enfin, on remarquera que les animaux ranimés n'ont conservé que
peu de temps leur activité. Le plus vivace a été le petit rotifère dun" 18;
il est resté actif pendant trois jours. Les autres ont cessé de se mou-
voir beaucoup plus tôt, et plusieurs même sont redevenus immobiles
avant vingt-quatre heures.
Cet état d'immobilité, persistant pendant plusieurs jours de suite,
nous avait paru un état de mort, et dans cette conviction, j'avais jeté
toutes les préparations le 22 février à l'exception d'une seule, celle du
verre n* 18, que j'avais conservée dans un autre but. Je n'en avais
même conservé qu'une partie, ayant transvasé incomplètement le con-
tenu dans une petite cuvette plate, pour faciliter l'étude des infusoires
qui s'étaient développés dans cette préparation.
Chargé par la commission de faire connaître à MM. Pouchet et
Doyère les principaux résultats de la dernière expérience, le rappor-
teur écrivit à ces messieurs le 28 février pour leur annoncer que plu-
sieurs animaux s'étaient ranimés, mais qu'aucun d'eux n'avait vécu
plus de trois jours. M. Doyère me répondit aussitôt en m'invilant à
examiner de nouveau les préparations et en me disant que la mort
prompte de ces animaux pouvait n'être qu'apparente, et qu'il avait vu
plusieurs fois des rolifèrcs, conservés dans l'eau, se rouler en boule et
rester complètement immobiles pendant plusieurs jours.
surrE DE l'expéiuence XXI par le u.vpporteuu."
Eu recevant cctlc Icllre, le 1" mars ISGO, je rciiris la préparation; j'y
trouvai sept rotifèrcs endosmoses, déployés, et morts sans ressource; un
tardigradc lloltant, une aiiguillulc morlc, et deux rotifèrcs roulés en boule.
Je concentrai toute mon attention sur ces deux rotifèrcs globuleux, dont le
corps ne paraissait pas désorganisé. Je les examinai pendant plus d'une
heure; je n'y aperçus aucun signe de vie.
Le 2 leais, dans la matinée, exanion pendant une demi-heure, résultat
négalif.
Le 2 mars, à neuf heures du soir, les animaux sont eucore immobiles;
mais ù neuf heures cl demie, l'un d'eux exécute sous mes yeux queliiues
95
contraclions. En vingtmiinitc» itciiaiiRc trois fois de forme; ciirm une Ijnisque
contraction le rend parfiiilement globuleux. Observé ensuite pendant dix
minutes il n'exécute plus le moindre mouvement.
Les jours suivants j'ai examiné de nouveau plusieurs fois cette préparation
et il ne m'a plus été donné devoir les rotifères se mouvoir. Mais il reste bien
certain pour moi que l'un de ces deux animaux était encore vivant le 2 mars
au soir. Or il provenait du verre u° 18, où tous les animaux réviviscibles
s'étaient ranimés du 13 au 16 février. Il y avait donc au moins quinze jours
que cet animal était vivant.
De quelle nature est cet état de mort apparente d'un rotifère qui,
conservé dans l'eau, reste entièrement immobile, sous forme globu-
leuse, pendant plusieurs jours? En apprenant que l'eau de nos prépara-
tions n'avait pas été renouvelée, que nous nous étions bornés à ajouter
quelques gouttes d'eau pour remplacer celle qui s'était évaporée, sans
décanter celle qui avait déjà séjourné dans nos verres de montre,
M. Doyère a supposé qu'il s'agissait peut-être d'une espèce d'asphyxie,
due au contact d'un liquide altéré par la putréfaction ou la fermenta-
tion des matières organiques. Cela est possible pour le rotifère observe
le 2 mars dans une préparation déjà ancienne; mais celui qui, humecté
le 11 février, fut vu en pleine activité le 12, au bout de dix-huit
heures, et qui passa pour mort le lendemain et les jours suivants, et
ceux qui, vus vivants le 15 février, après quatre jours d'humectation,
furent confondus le lendemain avec les morts, ne peuvent guère avoir
été asphyxiés par suite de la décomposition des matières organiques,
d'autant plus que la température était très-froide, et que les prépara-
tions ne furent maintenues dans un milieu plus chaud qu'à partir du
irj février à trois heures après midi. D'ailleurs nous avons vu en
été, par des températures de 20 à 23", des rotifères vivre plus de
cinq jours dans des verres de montre dont l'eau n'avait pas été dé-
cantée, sans paraître en souffrir le moins du monde. Ce n'est donc
pas à cette cause qu'il faut attribuer le peu de durée de l'activité des
rotifères qui se sont ranimés après avoir subi pendant trente minutes
une température de 100". Il me paraît bien plus probable que leur or-
ganisme avait été lésé par cette épreuve périlleuse, qu'ils ne se sont
pas ranimés dans un état d'intégrité parfaite, et qu'ils n'ont recouvré
qu'une vie languissante aboutissant promptement soit aune mort dé-
finitive, soit à un état d'immobilité ressemblant à la mort. Je rappel-
lerai que trois de ces animaux seulement sur onze ont exécuté sous
nos yeux des mouvements de locoiuotioii^qne ceux-là même étaient peu
agiles, que les autres, plus paresseux encore, ne changeaient pas de
place; qu'enfin un douzième rotifère n'a pu exécuter que de petites
contraclions partielles, probablement viscérales, sans pouvoir réussir
%
à se (léploypr. J'ajoute que dans mes observations du 6 septem-
bre 18.19, faites sur la mousse chauffée à 98° au mois de juin précé-
dent par M. Doyère, aucun dos trois animaux ranimés n'a conservé
plus de trois jours son activité; que dans mes observations du
18 mars 1800, laites sur la n)ême mousse, le seul animal qui se soit ra-
nimé a vécu moins do quaiaute-huit heures (I). Il me paraît résulter
de ces faits que les épreuves dangereuses ne sont pas funestes seule-
ment aux animaux qui perdent leur propriété de reviviscence, mais
qu'elles sont nuisibles même à ceux qui la conservent, et si l'on con-
sidère en outre que le nombre des animaux réviviscents est d'autant
moindre que l'épreuve a été plus périlleuse et plus longue, on est con-
duit à penser que le chauffage à 100° ne saurait être prolongé au delà
d'une certaine limite sans mettre définitivement à mort tous les ani-
maux.
l.a comparaison des deux expériences XX-XXInous fournit un en-
seignement utile. Ces deux expériences ont marché de front; elles ont
été faites dans des conditions en apparence identiques; et cependant
l'une a réussi, tandis que l'autre a échoué. On ne peut s'en prendre
qu'à la différence des mousses mises en expérience. Celles qui ont
fourni des animaux réviviscents provenaient de la boîte n» 4; elles
avaient été récoltées à Meudon, sur des rochers exposées au sud, et
leur terreau était blond. Celles dont les animaux ont succombé à l'é-
preuve du chauffage provenaient de la boîte n° 2; elles avaient été re-
cueillies à Toulon sur un toit exposé au nord, et leur terreau était
noir. Nous savons d'ailleurs qu'il y avait dans cette mousse, avant le
chauffage, des animaux réviviscibles, car un échantillon pris dans la
cupule n" 29 au sortir de la machine pneumatique, et déposé le 9 fé-
vrier dans la boite A (-2), a été mis en expérience le 17, et a fourni des
rotifères et des tardigrades vivants. Il est vrai que le nombre des ani-
maux morts sans retour était beaucoup plus considérable (vivants :
2 rotifères et i macrobiote; morts: 7 à 8 rotifères, 6 macrobiotes,
1 émydium et 3 anguillules). Or le 11 novembre, avant d'être soumise
à l'action du vide, cette mousse avait donné trois reviviscences sur
trois animaux examinés (3). Le séjour dans le vide pendant quatre-
vingt-deux jours avait donc été très-nuisible aux animaux. Si l'on
compare ce résultat avec celui qui a été constaté dans l'expé-
rience XVII, sur les animaux de la mousse à terreau blond, après
(1) Voy. plus haut, dans la suite de re.\pér. VI, p. '16.
(2) Voy. plus haut, p. 86.
(3) Voy. plus haut, p. 77.
97
soixante-quinze jours de séjour dans le vide (t), on voit que l'épreuve
de la dessiccation prolongée à froid a été beaucoup mieux supportée
par ces dernieis.
Il parait donc que la propriété de résister soit à la dessiccation à
froid, soit à la dessiccation à cliaud, est plus développée chez les ani-
maux élevés dans le terreau de couleur claire, c'est-à-dire dans un
milieu habituellement sec, que chez les animaux élevés dans le terreau
de couleur foncée, c'est-à-dire dans un milieu plus humide. Cette
conclusion ne repose pas sur un assez grand nombre d'observations
pour être adoptée sans appel. Peut-être même la couleur du terreau
n'est-elle pas toujours en rapport avec l'humidité du lieu où croissent
les mousses. Mais ce qui est bien positivement établi par les lésultats
inverses des deux expériences XX et XXF, c'est que la résistance de la
propriété de reviviscence aux épreuves dangereuses est sujette à va-
rier beaucoup, pour des animaux de même espèce élevés dans des
lieux différents. Il n'en faut pas davantage pour concilier les faits, en
apparence contradictoires, qui ont été constatés par des observateurs
habiles et sincères; c'est ici surtout que les expériences négatives
doivent être accueillies avec prudence, et même avec défiance, quel que
soit le talent de ceux qui les exécutent.
Nous avons à nous excuser, messieurs, d'avoir si longtemps arrêté
votre attention sur des détails expérimentaux aussi minutieux et aussi
fatigants. Vous voudrez bien ne pas oublier que la plupart des faits que
nous avons été appelés à examiner étaient en co.ntestation ; il nous a
donc paru nécessaire de vous les exposer aussi complètement que pos-
sible afin que chacun de vous puisse les analyser, les étudier comme
nous l'avons fait nous-mêmes, et contrôler nos appréciations en pleine
connaissance de cause. Nous pourrions, et nous devrions peut-être
nous en tenir \k; mais si votre attention n'est pas encore épuisée, nous
vous demanderons la permission de vous piésenter encore quelques
remarques sur certaines questions qui, sans nous avoir été directement
soumises, se laltachent étroitement à celles dont nous nous sommes
occupés jusqu'ici.
(l) Voy. plus liuut, p. 73.
98
TROISIÈME PARTIE.
REMARQUES GÉNÉRALES SUR LA REVIVISCENCE.
Nous avons dit déjà que les animaux réviviscents, en état d'activité
dans l'eau ou dans la terre humide, no diffèrent pas des animaux
ordinaires. Les conditions de leur vie ou de leur mort n'ollrent alors
rien de particulier, rien qui mérite d'arrêter longtemps l'attention des
biologistes.
Mais lorsque ces animaux ont été amenés, par suite de l'évapora-
tion, à un état de dureté et d'immobilité complète, et que cependant
ils conservent encore, au milieu de toutes les apparences de la mort,
la propriété de se ranimer au contact de l'eau, ils offrent à l'observa-
teur un sujet d'étude tout spécial, et comme un monde nouveau à
peine exploré jusqu'ici par la physiologie.
Dans les nombreux travauxqu'on a faits sur ce sujet, on s'est presque
toujours borné à examiner une seule question. On s'est demandé si les
corps réviviscibles étaient dans un état de mort véritable ou dans un
état de mort apparente. La plupart des expériences, malgré leur va-
riété, ont été dirigées dans ce sens. On a placé les animaux plus ou
moins desséchés dans des conditions qui pouvaient paraître incompa-
tibles avec la vie, et l'on a cherché si la propriété de reviviscence résis-
tait ou non à ces épreuves.
C'est, il faut le dire, la partie la plus importante du sujet, mais ce
n'en est qu'une partie. Que l'animal réviviscible soit réellement mort
ou qu'il soit doué de vie, il est certain qu'il se trouve dans des condi-
tions entièrement différentes de celles que présentent ordinairement,
soit les corps vivants, soit les corps inanimés; il importe donc de faire,
sur ce mode particulier d'existence, une série de recherches analo-
gues à celles que les physiologistes ont faites sur les fonctions de la
vie, et à celles que les chimistes ont faites sur les propriétés de la
matière.
M. Doyère est entré le premier dans cette voie en signalant certaines
conditions communes qui président à la fois au maintien de la pro-
priété de reviviscence et au maintien des propriétés de certains prin-
cipes immédiats.
M. Davaine, en étudiant raction d'un grand nombre de substances
99
organiques ou minérales, acides ou alcalines, toxiques ou non toxi-
ques sur les anguillules de la nielle, en comparant sous ce rapport
les anguillules adultes avec les larves, et les larves déjà ranimées
avec celles qui ne l'étaient pas encore, a tracé le cadre d'une série
d'expériences qui devront être répétées sur les autres animaux révi-
viscents.
Enfin les observations toutes récentes de M. Pouchet et de ses
élèves, MM. Pennetier et Tinel, ont notablement agrandi le cercle de
nos connaissances sur les conditions au milieu desquelles persiste ou
disparait la propriété de reviviscence, et quoique, à notre avis, ils
n'aient pas connu la véritable interprétation «les faits qu'ils ont décou-
verts, ces faits, dont l'exactitude n'est pas douteuse, ont droit désor-
mais à toute l'attention des physiologistes.
Des observations assez nombreuses avaient déjà montré que les
animaux réviviscents, déposés dans des boites, ne sont pas toujours
indéfiniment réviviscibles ; on les avait vu revivre au bout de plu-
sieurs années, et même au bout de vingt-huit ans; toutefois on avait
remarqué que le nombre de ceux qui se ranimaient diminuait ordi-
nairement à mesure qu'on prolongeait plus longtemps l'expérience;
il paraissait donc probable que la durée de la propriété de revivis-
cence n'était pas illimitée. En d'autres termes, on savait que Vépreuve
du temps finissait par devenir dangereuse au bout d'un nombre
d'années qui variait beaucoup suivant les cas, et qui, d'après les
faits connus, ne paraissait jamais inférieur à trois ou quatre ans;
mais la cause de ce phénomène restait inconnue. Dominé par la
pensée que la vie des animaux réviviscents dépendait de la présence
ou de l'absence de l'eau dans leurs tissus, M. Pouchet a pensé que
la durée de la propriété de reviviscence variait suivant que les
conditions étaient plus ou moins favorables à l'évaporation de
l'eau, et qu'en définitive Vépreuve du temps n'était qu'un cas particu-
lier de l'épreuve de la dessiccation. Pour vérifier l'exactitude de cette
supposition, il a cherché à accélérer l'évaporation naturelle en expo-
sant aussi directement que possible les corps réviviscents au contact de
l'air; il les a dispersés au moyen d'un tamis, sur de grandes plaques
de verre, et quoiqu'il ne les eût soumis à aucun procédé de dessicca-
tion artificielle, il a vu qu'alors la reviviscence s'éteignait, non pas au
bout de quelques années, mais au bout de deux ou trois mois, et même
en été au bout de deux à trois semaines. Il a pu être conduit, par des
circonstances que nous examinerons bientôt, à exagérer la rapidité de
la mort définitive des animaux traités de la sorte ; mais une différence
de quelques semaines est ici de peu d'importance. Le fait essentiel, dé-
montré par M. Pouchet, c'est que Vépreuve de Cexposilion à l'air libre
100
constitue pour les animaux réviviscentsune épreuve très-dangereuso.
Le professeur de Rouen en a lire une conséquence qui paraissait
assez logique, et qui devait ûaturellemeut se présenter à son esprit,
savoir : que Vépi^euve de l'exposition à fair libre, Vdprcuve du temps
et Véprcîive du chauffage agissaient de la même manière sur les ani-
maux; que c'étaient seulement trois formes différentes de l'épreuve
de la dessiccation, qu'elles ne dilTéraient que par la lenteur ou la rapi-
dité de leurs résultats, etque la mort, la mort définitive, survenait dans
les trois cas au moment où la quantité d'eau retenue dans les tissus de-
venait insuffisante pour l'entretien de la vie.
Cette doctrine, qui atténuerait singulièremfnt, sans l'cff'acer toute-
fois, la gravité du phénomène de la reviviscence, se trouve renversée
par ce fait que nous avons ranimé des rotifères dessécliés d'abord à
froid, puis à chaud, aussi complètement que possible. Les trois
épreuves dont nous venons de parler ne doivent donc plus être con-
fondues avec répreuve de la dessiccation. L'enchaînement qu'on avait
établi entre elles se trouve rompu, et il est nécessaire de les étudier
séparément.
1" ÉPREUVE DE l'exposition A l'aIR LIBRE.
Nous savons maintenant qu'un rotifère, desséché successivement à
froid et à chaud et parvenu au degré de dessiccation le plus complot
qu'on puisse obtenir, dans l'état actuel de la science, sans décomposer
les matières organiques, peut conserver encore la propriété de se ra-
nimer au contact de l'eau.
Comment concilierons-nous pourtant celte proposition avec les
observations de MM. Pouchet, Pennetier et Tinel sur la mort prompte
et définitive des animaux réviviscenls desséchés à l'ombre et à la tem-
pérature ordinaire de l'été? N'oublions pas que dans ces conditions
M. Pouchet a vu la propriété de reviviscence détruite à partir du
seizième jour, qu'une autie expérience, fuite en automne, nous a mon-
tré que presque tous les animaux étaient morts au bout de soixaulo-
dix-huit jours (fxpér. XIII), qu'enfin du terreau récolté par M. Pouchet
et conservé dans un liim sec a cessé, depuis le mois de novembre, de
fûui'nir drs animaux réviviscents (I).
Y aurait-il donc contradiction eiiti'e ces deux séries de faits? llépé-
lons une fois de plus qu'il ne saurait y avoir de contradiction dans la
(1) Voy. plus haut, [). Gj.
101
nature. Lorsque deux faits bien constatés paraissent opposés l'un à
l'autre, c'est que l'un des deux au moins a été mal interprété.
Le premier fait, c'est-à-dire la reviviscence des rotileres desséchés
dans le vide sec pendant quatre-vingt-deux jours, puis dans l'air sec
à 60° pendant deux heures, puis dans l'air sec à 100» pendant trente
minutes, ce fait est-il mal interprété? Des corps microscopiques qui
ont subi une pareille épreuve sont-ils moins secs que les mêmes corps
desséchés pendant seize jours à l'air libre, même en été, même au
soleil? La réponse ne peut faire l'objet d'un doute. Il est certain que
la dessiccation artificielle est plus complète que la dessiccation natu-
relle, et si la première ne suffit pas pour mettre définitivement à mort
les rotifères, on peut dire, à plus forte raison, que l'autre est incapable
de détruire à elle seule la propriété de reviviscence de ces animaux.
C'est donc le second fait qui est mal interprété. Ce n'est pas à la
dessiccation proprement dite, c'est à une autre cause qu'il faut attribuer
la mort définitive des animaux desséchés naturellement à l'air libre.
Cette conclusion est rigoureuse, et a paru telle à M. Pouchet, puis-
qu'il a dit à propos de l'expérience du chaulfage , dont il nous traçait
le programme, que, si nous réussissions à ranimer des animaux chauf-
fés à 100° pendant trente minutes, il était prêt à « anéantir, en pré-
« sence de ce fait, cent expériences variées qui cependant s'élèvent
« contre lui (1). »
11 est bien entendu que ce ne sont pas les expériences en question
qui se trouvent anéanties; elles sont et restent parfaitement exactes.
Ce qui s'écroule, c'est seulement l'explication qu'on en avait donnée.
Il était bien naturel que cette explication se présentât, avant toute
autre, à l'esprit de M. Pouchet. Sachant que plusieurs expérimentateurs
avaient ranimé , au bout d'un certain nombre d'années, des animaux
renfermés dans des boîtes, ayant vu lui-môme la reviviscence persis-
ter plusieurs mois dans le terreau conservé en couche épaisse, puis
ayant constaté que les animaux du même terreau périssaient sans re-
tour au bout de quelques semaines lorsqu'il les étalait en couche
mince sur une lame de verre, et qu'ils succombaient plus prompte-
ment encore lorsqu'il les déposait à nu dans un verre de montre, il en
conclu!, avec toute apparence de raison , que les conditions propres à
favoriser l'évaporisation de l'eau accéléraient la mort définitive , que
Jes conditions opposées la retardaient, et que par conséquent les ani-
maux, en perdant leur eau, perdaient leur propriété de reviviscence.
Celte proposition lui parut d'autant plus certaine que ses essais de
(1) Voy. plus haut, p. 75.
102
dessiccation artificiolle ne lui avaient donné que des résultats néga-
tifs. Nous vous avons déjà signalé les causes qui avaient pu le faire
échouer. Nous n'y reviendrons pas ici.
Comment cxpliquorons-nous donc ce double fait que les rotifères ri
les tardigrades, exposés directement au contact de l'air, à la tempé-
rature naturelle, perdent en quelques mois leur propriété de revivis-
cence, tandis que les mêmes animaux, conservés dans des boites ou
dans une couche épaisse de sable ou de terreau, sont encore révivis-
ciblos au bout de plusieurs années?
Si l'exposition prolongée au contact de l'air n'avait été nuisible
qu'aux animaux de M. Pouchet, nous pourrions supposer que le peu
de résistance de ces animaux dépendait de leur provenance. Nous
savons que, toutes choses égales cC ailleurs , les rotifères et les tardi-
grades élevés dans du sable habituellement sec résistent mieux à cer-
taines épreuves que ceux qui ont vécu dans un terreau habituellement
humide. Il est donc assez probable que cet élément n'est pas sans in-
fluence sur les résultats de l'exposition h l'air libre, et quand on voit
dans les premières observations de M. Pouchet tous les rotifères mourir
définitivement dès le dix-septième jour (i), lorsqu'on voit la propriété
de reviviscence éteinte déjà au bout de cinq jours chez tous les lardi-
grados, chez toutes les anguillules et chez presque tous les rotifè-
res (2), on est autorisé à croire que la nature du teireau a été pour
beaucoup dans ce singulier résultat. Mais du terreau très-semblable,
recueilli dans le même lieu deux ou trois mois plus tard et mis en
expérience le 13 août devant la commission, renfermait encore, au
bout de soixante-dix-huit jours, quelques animaux révisviciblos (voy.
expér. XII}, quoiqu'il eût été exposé au soleil depuis le 23 août jus-
Ci) Nous ne parlons pas ici des cxprncnces faites devant la commission,
mais de celles que M. roncbcl a consignées dans le premier tableau de ses
RKciiKuniES suu LKS ANIMAUX RKSSisciTANTS, publiccs au Hiois d'aoùt 1S59,
(p. 89.) Sur 134 animaux examinés entre le cinquième et le vingtième jour, il
n'y eut que 9 rotifères ranimés par l'hnmcctation ; savoir, 1 au bout de cinq
jours, 3 an bout de bnit jours, 1 an bout de ncnt' jours, 1 an boiU de onze
jours, 2 au bout de seize jours. Au delà du seizième jour il n'y eut plus de
reviviscence. Aucun tardigrade, aucun? anquillule ne se ranima. Sur les
134 animaux examiui'S, il y avait 81 roliières, 31 auguillides, et 2'2 tardi-
grades.
Le terreau avait ('lé dcsséclic à l'ombre, à l'air libre, sous nue température
qui avait varié de "0 à 28".
("2) Sur 14 rotifères, I anfriiillule rt T. lardirrados, exaniim'.'^ nilrc le cin-
quième et le luiilièiue jour, '2 rotifères seulement furent raninns.
103
qu'au 1" octobre en couche excessivement mince; en lin, plus de la
moitié des animaux se sont ranimés dans des préparations faites de-
puis le même temps, avec le môme terreau, sur de petites plaques de
verre ou dans des verres de montre conservés dans le laboratoire de
physique, sous une cloche tubulée (expér. XIII). Voilà donc des ié-
sultats bien différents obtenus avec des animaux de même provenance.
D'un autre côté, dans l'expérience III, faite avec la mousse de Toulon,
presque tous les animaux exposés à l'air libre avaient perdu , au bout
de soixante-quinze jours, leur propriété de reviviscence; ces aiiinia'ix
étaient pourtant doués d'une organisation bien solide, puisqiii^ la
même mousse, chauffée à 98" dans l'expérience VI, a fourni nu très-
grand nombre de rotifères et de tardigradcs réviviscents. Ce ne sont
donc pas seulement les animaux de la cathédrale de Rouen (jui suc-
combent à l'épreuve de l'exposition à l'air libre. Getto épreuve , chose
qu'on n'eût certes pas prévue, est plus dangereuse que celle do la des-
siccation artiflcielle, et elle paraît nuisible à la plupart des animaux des
toits, quelle qu'en soit la provenance.
On remarquera que des corps microscopiques dispersés sur le verre,
et conservés à l'air libre , soit en été , soit en hiver, soit à l'ombre,
soit dans un lieu visité chaque jour par le soleil , ne sont pas exposés
seulement cà perdre leur eau par évaporation. Ils subissent nécessaire-
ment les variations de température et les variations hygrométriques
de l'atmosphère. Déposés dans des boites, ou conservés en couche
épaisse, ils n'échappent pas pour cela à ces deux ordres d'influences,
mais ils les subissent moins aisément, et surtout moins brusquement,
et c'est à cela sans doute qu'ils doivent de garder pendant un temps
incomparablement plus long leur propriété ne reviviscence; car, ainsi
que nous l'avons déjà dit, on ne peut attribuer cette différence au fait
pur et simple d'une dessiccation plus ou moins complète.
Mais il se présente une objection qui paraît fort grave. Vous n'avez
pas oublié que les rotifères et les tardigrades peuvent subir impuné-
ment et sans transition des changements de température énormes et
presque incroyables; qu'ils peuvent sauter sans périr de — 17" 6 à
+ 78°, et qu'après cette épreuve effrayante, humectés tout à coup,
encore chauds, avec de l'eau froide, ils se raniment en quelques mi-
nutes (expér. IX et X). N'est-ce pas la preuve, nous dit M. Pouchet,
que les changements les plus extrêmes et les plus rapides de tempéra-
rature et d'humidité sont sans action sur les corps réviviscibles?
Qu'est-ce auprès de cela que les étroites oscillations thermométriques
et hygrométriques qui atteignent les animaux exposés à l'air libre en
quelque saison que ce soit?
Cet argument est séduisant, mais il n'est pas sans réplique.
104
M. Doyère est le premier expérimentateur qui ait recommandé d'hu-
mecter graduellement , en quelques heures ou môme en deux ou trois
jours, les animaux dont la reviviscence a été compromise par le
chauffage à 100°. Mais tous les autres observateurs (et lui-même
dans les expériences oïdinaires) ont l'habitude de verser l'eau di-
rectement sur les corps plus ou moins secs qu'ils veulent ranimer.
Un brusque changement d'état hygrométrique n'est donc pas un
obstacle sérieux à la reviviscence. On ne peut pas dire toutefois que
celte épreuve soit absolument sans danger. Lorsqu'on place un nombre
déterminé d'animaux dans un verre de montre, avec une petite quan-
tité d'eau, qu'on les laisse sécher à l'air libre pendant deux ou trois
jours, qu'on les humecte de nouveau pour les faire sécher encore, et
ainsi de suite, on voit le nombre des réviviscents diminuer à chaque
humectalion nouvelle, et il arrive un moment où tous les animaux
sont définitivement morts. Spallanzani, qui eut la patience de pousser
l'expérience jusqu'au bout, put ranimer quelques rotifères jusqu'à
quinze fois, mais aucun ne supporta la seizième épreuve (i). 11 est
même assez rare qu'on puisse aller jusque-là; je n'ai pu dépasser avec
les rotifères la sixième révivification, mais j'ai obtenu jusqu'à la neu-
vième avec les anguillules du blé niellé. Ainsi, quoique l'épreuve do
l'humectation soit peu dangereuse, elle n'est pas entièrement inofîen-
sive puisque quelques animaux y succombent même dès la première
fois, et le danger s'accroît à chaque nouvelle épreuve. Si le corps des
animaux révivisci blés était une matière organique amorphe, il pour-
rait peut-être conserver toutes ses propriétés, malgré les alternatives
répétées d'humectation et de dessiccation à de courts intervalles; mais
ce corps est doué d'une organisation compliquée, et il faut que cette
organisation soit respectée pour que le retour des fonctions soit pos-
sible. Or un coips non homogène qui s'humecte rapidement ne se
gonfle pas d'une manière uniforme; les parties hygroscopiques se
gonflent plus vite que les autres, et il en résulte des tiraillements inté-
rieurs qui peuvent altérer la structure et même la continuité des tis-
sus. Il n'est donc pas étonnant que l'absorption de l'eau soit capable
de nuire à l'organisation des animaux réviviscents, et la seule chose
dont on puisse s'étonner, c'est que ce changement d'état ne leur soit
pas plus nuisible. Dès le moment que l'absorption de Veau peut faire
(I) Spallanzani, OimscuLEs de physiqur, etc., trad. fr. Genève, 1777, in-8»,
t. il, p. 310 : « Ils (les rotifères) étaient très abondants la première fois
« qn'ils rcssnscitaicnf, mais leur nombre diminua dans les suivantes; ils
« (Maient très-rares dans les dernières. Il n'en ressuscita plus aucun à la sei-
« zièmc fois. »
103
perdre aux animaux desséchés leur propriété de reviviscence, on com-
prend que l'absorption de la vapeur (Veau atmosphérique puisse pro-
duire en eux les mêmes lésions ou du moins des lésions analogues;
car en définitive c'est toujours de Teau qui s'imbibe dans les tissus,
qui les gonlle inégalement, et si la propriété de reviviscence est com-
promise à un degré quelconque dans le premier cas, on ne voit pas
pourquoi elle ne serait pas compromise aussi dans le second. Elle le sera
sans doute à un moindre degré, car il est naturel que la pénétration
de l'eau étant plus lente, les effets de cette pénétration soient moins
prononcés et moins graves; mais le risque, pour être atténué, n'est
pas annulé.
Au surplus, ce n'est pas seulement Thumectation qui est de nature
à altérer la structure des corps réviviscents ; l'évaporation trop rapide
suffit à elle seule pour produire ce résultat. Une mince couche d'albu-
mine étalée au pinceau sur une lame de verre , et desséchée lentement
sous un verre de montre, conserve sa continuité; tandis que si on
la dessèche plus vite, si on l'expose seulement à l'air libre, elle ne
tarde pas à se fendiller. De semblables fissures, et môme des fissures
beaucoup moindres, suffiraient amplement pour empêcher un corps
réviviscent de se ranimer. Ne savons-nous pas, en effet, que les roti-
féres, déposés vivants et à nu sur une lame de verre et exposés aus-
sitôt en plein air, perdent le plus souvent leur propriété de revivis-
cence, taudis qu'ils la conservent ordinairement lorsqu'on les dessèche
plus lentement entre deux verres de montre? Ne savons-nous pas que
ces animaux, placés dans le vide lorsqu'ils sont encore mouillés, pé-
rissent presque tous définitivement, tandis qu'ils résistent très-bien
à l'action du vide lorsqu'ils ont été préalablement desséchés à l'air
libre (i)? C'est donc la preuve qu'un changement trop rapide de l'état
hygrométrique altère gravement leur organisation. Des animaux révi-
viscents, déjà naturellement et lentement desséchés, sont moins expo-
sés sans doute aux altérations de ce genre; celles-ci, au lieu de se pro-
duire en une seule fois et en quelques instants, ne surviendront qu'à
la longue et en plusieurs fois; mais il est probable qu'elles deviendront
tôt ou tard assez prononcées pour faire perdre aux tissus une partie
de leur structure et de leurs propriétés.
Un corps réviviscent, exposé continuellement au contact de l'air,
subit donc une épreuve nuisible chaque fois que l'hygromètre varie,
et comme l'humidité atmosphérique peut augmenter ou diminuer
plusieurs fois dans la même journée, comme les substances hygrosco-
(1| Voy. plus haut, p. 36, 40 et 43.
106
piques tendent sans cesse à se mettre en équilibre avec l'air qui les
touche, le corps du rotifère, déposé à nu sur une plaque de verre, loin
d'ètredans cet état de repos moléculaire qui assurerait la conservation
de ses tissus et de ses organes, est au contraire le siège d'une évapora-
tion ou d'une irabibition qui se succèdent presque sans interruption.
Il est probable que c'est la principale cause du danger que courent
les animaux exposés continuellement à l'air libre. La durée du temps
au bout duquel ils perdent alors leur propriété de reviviscence , doit
naturellement varier avec le nombre et l'étendue des oscillations
hygrométriques qui se succèdent dans un temps donné. Cela peut
expliquer la différence des résultats obtenus dans les diverses saisons.
Cela explique bien mieux encore la longue persistance de la propriété
de reviviscence chez les animaux conservés dans une couche épaisse
de terreau ou renfeimés dans une boite, car il est clair que dans les
deux cas ils sont en grande partie soustraits à l'action des variations
de l'humidité atmosphérique.
Faut-il joindre à cette cause l'influence des changements de tempé-
rature? Nous n'osons pas l'alïirmer, et ta belle expérience de M. Pou-
chet sur les animaux qui passent tout à coup impunément de — 17°,6
à + 78", doit nous faire hésiter ici. Nous remarquerons toutefois que
cette épreuve n'est pas plus excessive en ce qui concerne la tempéra-
ture que ne l'est l'humectalion directe en ce qui concerne l'humidité.
Une première humectation est presque inoffensive; les animaux y
résistent presque toujours, mais ils ne résistent pas à plusieurs humec-
lations faites à de courts intervalles. De même il est possible qu'une
première variation de température soit à peu près sans gravité, et que
les variations suivantes finissent par devenir dangereuses. Il faudrait
donc savoir avant tout si l'expérience des brusques changements de
température pourrait être impunément répétée cinq ou six fois de
suite. C'est ce qui n'a pas encore été essayé.
11 y a encore une autre condition dont il faut aussi tenir compte.
Si les changements de tcmpératuie sont capables de déranger l'orga-
nisation des corps réviviscibles, ce ne peut être qu'en y produisant des
dilatations et des condensations altei'natives. On comprend que la di-
latation ne soit pas uniforme dans un corps qui n'est pas homogène, et
qu'elle puisse y produire des ruptures intersticielles, d'autant plus à
craindie que ces tissus sont plus fragiles. Or la fragilité des tissus est
plus grande lorsqu'ils sont secs que lorsqu'ils sont humides. Un roti-
fère bien desséché, soumis h la pression d'une aiguille, éclate comme
un grain de sel, suivant l'expression de Spallanzani (!}. Desséché à
(1) Spallanzani, lue < u., p. .'L" I .
107
l'air libre depuis quelques heures seulement., et retenant encore une
certaine quantité d'eau quoique le verre sur lequel il repose paraisse
tout à fait sec, le corps de cet animal est encore assez llexible pour
s'aplatir sous le compresseur sans éclater. La fragilité du corps de l'a-
nimal est donc d'autant plus grande qu'il est plus sec. Nous rappelle-
rons maintenant que le terreau avec lequel M. Pouchet a fait ses expé-
riences des brusques changements de température, avait été recueilli
depuis peu de temps dans un lieu assez humide; que ce terreau n'avait
été soumis à aucun procédé de dessiccation, qu'il avait été conservé en
couche épaisse, et qu'il devai t par conséquent retenir encore une certaine
quantité d'humidité. L'humidité nuit aux animaux soumis à des tempé-
ratures élevées, parce qu'elle favorise alors l'altération des matières orga-
niques, et qu'elle les expose â une sorte de coction . Mais si l'expérience
a prouvé que la dessiccation préalable augmente la résistance des ani-
maux réviviscents aux températures élevées, elle a prouvé aussi que
la présence d'une petite quantité d'eau ne s'oppose pas au succès de
l'expérience du chauffage à 80°. L'humidité que renfermaient les corps
des rotifères et des tardigrades soumis à l'épreuve des brusques chan-
gements de température n'a donc pu détruire en eux la propriété de
reviviscence, puisque ces animaux n'ont pas été portés au delà de 78";
mais elle a pu maintenir dans leurs tissus une certaine flexibilité qui
les a rendus aptes à subir, sans se rompre, une dilatation inégale et
soudaine. Il faudrait donc savoir encore si des animaux plus complè-
tement desséchés résisteraient à la même épreuve aussi bien que les
précédents. C'est une expérience à faire, et l'on pourra se demander
jusque-là si la dilatation et la condensation alternatives qui accompa-
gnent les fréquentes variations de la température ambiante ne sont
pas de nature à déterminer quelques lésions dans le corps des ani-
maux exposés à l'air libre, lorsque l'état hygrométrique de l'atmo-
sphère permet à ces corps de subir une dessiccation considérable.
Quoi qu'il en soit, les dangers de l'exposition à l'air libre ne pou-
vant être attiibués au fait pur et simple de la dessiccation, nous pa-
raissent dépendre des lésions produites soit par les variations de l'état
hygrométrique des corps, soit par les variations de la température,
soit par ces deux causes réunies, et nous comprenons ainsi poui'quoi
les deux expériences XII et XIII ont donné à M. Pouchet des résultats
si différents. Dans la première, le terreau, dispersé au tamis sur une
grande plaque de verre, a été conservé à l'ombre pendant dix jours,
puis exposé pendant soixante-huit jours au soleil derrière un vitrage,
dans un grenier mal clos, au-dessus des plombs de la Faculté. L'expo-
sition.au soleil a eu lieu pendant les deux mois de septembre et oc-
tobre, à une époque où les nuits sont Iruiches et humides, où la cha-
108
leur solaire estencore considérable, et où parconséquent les oscillations
de la température cl derhumidilé atmosphériques sont très-étendues:
presque tous les animaux ont perdu leur propriété de reviviscence.
Dans l'expérience XIII, au contraire, plus de la moitié des animaux
ont pu se ranimer; ils étaient pourtant dès l'origine dans des condi-
tions plus défavorables; provenant du même terreau, ils avaient été
humectés devant nous, et desséchés presque à nu sîir le verre; ils
étaient par conséquent bien plus directement exposés que les autres
au contact de l'air. Mais au lieu d'être exposés au soleil, ils ont été
conservés à l'ombre, sous une cloche tubulée, au milieu du labora-
toire de physique, et dans cette grande pièce bien close, située au pre-
mier étage, les variations hygrométriques et Ihermoraétriques ont
certainement été beaucoup moins brusques et beaucoup moins consi-
dérables que dans un petit grenier vitré faisant saillie au-dessus d'une
toiture en plomb.
En résumé, quoique Fonlana ait pu ranimer un rotifère desséché à
nu sur le verre, et exposé à l'air pendant tout un été au grand soleil,
l'épreuve de l'exposition à l'air libre, prolongée pendant quelques
mois, doit êlre rangée au nombre des épreuves dangereuses, et la
disparition plus ou moins prompte de la propriété de reviviscence
paraît devoir être attribuée aux lésions que déterminent dans le corps
des animaux les variations fréquentes de la température, et surtout de
l'humidité atmosphérique.
2" ÉPREUVE DU TEMPS.
Nous venons d'étudier les causes qui peuvent détruire en quelques
semaines ou en quelques mois la propriété de reviviscence des ani-
maux exposés directement au contact de l'air. Les animaux entourés
d'une grande quantité de matière solide, enfermés dans des boites et
conservés dans un lieu sec, échappent, sinon entièrement, du moins
en grande partie à l'inlluence des variations atmosphériques; il est
naturel dès lors qu'ils conservent plus longtemps leur propriété de
reviviscence. On sait, en effet, que des rotifères et des anguillules ont
pu, dans ces conditions, êlre ranimés au bout de plusieurs années;
mais on sait aussi que, dans les expériences qui ont été prolongées
très-longtemps, la propriété de reviviscence a souvent fini par s'é-
teindre, une fois au bout de trois ans, d'autres fois au bout de cinq ou
six ans; et quoique, dans un cas sur lequel nous aurons à revenir,
des anguillules aient pu revivre après vingt-huit ans, on ne saurait
méconnaître que l'épreuve du temps finit à la longue par devenir
nuisible aux corps des animaux réviviscents.
109
On a pu interpréter ce phénomène de trois manières différente?.
Les partisans de la vie latente ont dit simplement que cette vie par-
ticulière était, comme toute vie, soumise à l'action du temps; qu'elle
pouvait se prolonger bien au delà des limites assignées par la nature
à la vie des animaux constamment actifs; qu'au lieu de durer quel-
ques mois, elle pouvait durer plusieurs années, mais qu'elle finissait
par s'épuiser tôt ou tard.
Nous nous sommes déjà expliqués sur la vie latente; nous n'y re-
viendrons pas ici.
La seconde interprétation est celle de M. Pouchet. Nous avons déjà
dit que, pour lui, l'épreuve du temps n'est qu'un cas particulier de
l'épreuve de la dessiccation. Des animaux enfermés dans une boîte
perdent leur eau moins rapidement que ceux qui sont exposés à l'air
libre; au lieu de perdre leur propriété de reviviscence au bout de
quelques semaines ou de quelques mois, ils peuvent alors la conserver
pendant plusieurs années, mais ils ne sauraient la conserver indéfini-
ment, l'évaporation, quoique retardée, devant tôt ou tard les priver de
la proportion d'eau nécessaire à l'entretien de la vie. Aussi M. Pouchet
a-t-il pu dire, en parlant des animaux complètement desséchés et
soumis pendant trente minutes à une température de 100° : i Un ani-
« mal qui, dans ces circonstances, revivrait après un seul jour, pour-
tf rait revivre après un siècle (1). »
Nous aurons tout à l'heure à examiner cette conclusion, qui est
parfaitement logique au point de vue où M. Pouchet s'est placé, mais
qui demande à être discutée, maintenant que nous savons que la vie
et la mort des rotifères ne dépendent pas du fait pur et simple de la
dessiccation.
Reste une troisième et dernière interprétation. Il faut admettre que
l'épreuve du temps lait subir au corps des animaux réviviscents de
lentes altérations qui finissent par modifier la constitution anato-
mique ou chimique des tissus, au point de rendie impossible le retour
des manifestations vitales; car la propriété de reviviscence paraît liée
exclusivement à la conservation de l'état matériel du corps. Mais en
quoi peuvent consister ces altérations extrêmement lente?, dont les
effets ne deviennent appréciables qu'au bout de plusieurs années? Ne
semble-t-il pas qu'un corps une lois desséché, et ainsi soustrait si-
multanément à la putréfaction, à la fermentation et au mouvement de
la vie, devrait conserver indéfiniment l'inlégrilé de ses organes et la
propriété qui en dépend?
(I) Yoy. plus haut, p. 75.
110
On vient do voir ce que pense à cet égard M. Pouchet. Déjà, il y a
un siècle, Bukcr avait dit, à propos des anguiilules de la nielle :
« Lorsqu'elles sont une fois parfaitement sèches et dures, elles parais-
« sent à peu près à l'abri des altérations ultérieures, pourvu que leurs
« organes ne soient ni brisés ni dilacérés; dès lors, n'est-il pas pos-
a sible qu'elles soient rendues à la vie, même au bout de vingt, de
« quarante, de cent ans ou d'un nombre quelconque d'années, à con-
a dition que leurs organes soient conservés intacts? L'expérience
« future peut seule répondre à cette question. »
Baker, écrivant ces lignes en 1753 (1), faisait allusion à une expérience
qui lui avait montré, en juillet 1747, des anguillules réviviscentes dans
des grains niellés recueillis et desséchés depuis l'été de 1743, c'est-à-
dire depuis quatre ans (2). Ce laps de temps était trop court sans doute
pour permettre dès lors à l'auteur de répondre affirmativement à la
question qu'il avait posée; mais une observation qu'il fit longtemps
après parut beaucoup plus démonstrative. Ces mêmes grains niellés
que Needham avait recueillis en 4743, qu'il avait donnés au mois
d'août de la même année à Martin Folkes, président de la Société
royale de Londres, et que celui-ci avait donnés à Baker en 1744, furent
mis pour la dernière fois en expérience en 1771, et les anguillules se
ranimèrent encore après avoir été ainsi conservées à sec pendant
vingt-huit ans (5). Cette observation, la plus longue de toutes celles
qu'on possède jusqu'ici sur la reviviscence, semble confirmer pleine-
ment la supposition qui s'était déjà présentée à l'esprit de Baker, à la
suite d'une expérience beaucoup plus courte. Si un animal, dont la
vie naturelle ne peut se prolonger au delà d'une année (4), garde encore
(1) Hem'v Baker, EMPL0YME^'T Fon tue MicnoscoPE, 2* éô'\t., Loiidon 170 'i,
in-8", part. 11, p. 255. La première édition parut à Londres en 1753.
(2) Loc. cit., p. 253-254.
(3) Needliam, Lettre à l'ahbe J{o;:ier, dans le Journal de poysioce, t. V,
p. 227, mars 1775, in-1";— Spallanzanl, Opuscules de phvsiqne animale et
VÉGÉTALE, trad. fr. Genève, 1777, in-S", t. II, p. 35G. Spallanzani ne parle que
d'une période devinj5^t-sept ans. Il fait commencer l'expérience àl'auuée 17 ii,
où les grains niellrs furent donnés à Baker; mais ces grains avaient été re-
cueillis par Needham dés 1743.
(4) Les anj;ulllulcs de la nielle ne sont réviviscentes qu'à l'état de larves.
Les anguillules mères meurent très-peu de temps après avoir déposé leurs
œufs dans la galle qui porte le nom t\c grain nielle. Cette ponte a lieu quel-
ques semaines avant la maturité du blé; les (cuts éclosent presipie aussitùl.
et les grains niellés, pleins de lai ves d'anguillules, se dcssèclicnt en nuMiio
temps que les véritables grains de Iroment. Conservées duus les greniers jus-
111
au bout de vingt-huit ans sa propriété de reviviscence, s'il reprend
alors sa vie autrefois interrompue, et s'il devient ainsi le contem-
porain de ceux qui pourraient être ses descendants àla vingt-huitième
génération, ne sera-t-il pas permis d'en conclure que la réviviscibi-
lité persiste indéfiniment dans les corps soustraits aux lésions méca-
niques?
Cette conclusion n'est pourtant pas rigoureusee , car c'est une
question de savoirs! la matière organique, môme desséchée et inerte,
peut se conserver indéfiniment sans altération. Parvenue à un cer-
tain état de sécheresse, elle est à l'abri de la putréfaction et de la fer-
mentation, parce que ces actions chimiques exigent, pour se produire
à un degré appréciable, une assez notable quantité d'eau. Mais a-t-elle
acquis par-là une permanence éternelle? Qui oserait l'affirmer? Parmi
les modificcitions que peut subir la matière, il en est qui s'effectuent
dans un temps plus ou moins court; celles là ont pu être étudiées par
les physiciens et les chimistes, et rapportées par eux à des causes pré-
cises. Mais à côté de ces actions rapides, dont les effets sont faciles à
apprécier, il en est d'autres infiniment plus lentes, dont les effets ne
deviennent sensibles qu'au bout d'un temps beaucoup plus long, et
celles-là sont pour la plupart tout à fait inconnues. Il y a quelques
années à peine qu'on commence à connaître les propriétés chimiques
de la lumière, et on serait encore bien embarrassé s'il fallait expliquer
pourquoi la plupart des couleurs végétales finissent par se faner, même
à l'abridu soleil. Le vieux papier change de couleur, celui qui estde mau-
vaise qualité finit quelquefois par tomber en poussière ; les vieux verni s
s'écaillent, les vieilles colles peident leur cohérence, les vieilles farines
s'altèrent, le vieux vaccin, conservé à sec entre deux plaques de verre,
perd sa vertu au bout de quelques années, etc. Les causes de ces alté-
rations lentes de la matière organique ont à peine été étudiées. On en
connaît vaguement quelques-unes, on en soupçonne d'autres, et d'au-
tres encore, qu'on ne soupçonne pas aujourd'hui, seront probablement
découvertes plus tard. Les obstacles qui s'opposent aux progrès de
cette partie de la science ne sont pas insurmontables sans doute, mais
on comprend combien il est difficile de soumettre à une expérimen-
qu'à l'époque des semailles, les larves d'anguillules se raniment dans la
terre, restent à l'état de larves jusqu'au commencement du printemps, mon-
tent alors dans le blé et gagnent l'épi où elles achèvent de se développer.
La durée naturelle de leur existence ne peut donc dépasser une année. Elles
partagent le sort de la plante annuelle sur laquelle commence et flnit leur
vie. (Voyez pour plus de di'taiîs le mémoire déjà cité de M. Davaine).
112
tation rigoureuse des phénomènes extrêmement lents, qui ne devien-
nent appréciables qu'au bout d'un certain nombre d'années. Quoi qu'il
en soit, ce qu'on sait aujourd'hui permet déjà de dire qu'il ne suffit
pas de mettre le corps d'un animal réviviscentà l'abri des chocs mé-
caniques, pour être certain qu'il conservera sa structure, ni de le
soustraire à la putréfaction pour être certain que ses tissus conserve-
ront leur composition chimique.
Malgré l'obscurité qui plane encore sur la nature des altérations
que l'épreuve du temps fait subir aux substances organiques, il est
deux ordres d'influences que nous signalerons ici. Les unes paraissent
propres à altérer la constitution pliysique de ces substances, les autres
à en modifier la composition chimique.
Nous avons déjà indiqué les premières en parlant de l'épreuve de
l'exposition à l'air libre : ce sont les variations delà température et de
l'état hygrométrique. Nous avons dit que les alternatives de froid et de
chaud, de sécheresse et d'humidité, peuvent agir mécaniquement sur
les matières organiques et porter atteinte à la continuité de leur sub-
stance, et c'est à ces causes séparées ou réunies que nous avons at-
tribué le peu de durée de la propriété de reviviscence des animaux ex-
posés directement au contact de l'air. Ces mêmes causes agissent avec
beaucoup moins d'intensité sur des corps entourés d'une grande quan-
tité de matières et conservés dans des boîtes fermées. L'intensité de
leurs eifets doit nécessairement décioîlre comme l'intensité de leur ac-
tion. Le résultat qui, dans un cas, est obtenu au bout de quelques mois
ou quelques semaines, pourra, dans l'autre cas, se faire attendre plu-
sieurs années, et on pourrait déjà expliquer ainsi ce fait, parfaitement
certain, que la propriété de reviviscence persiste beaucoup plus long-
temps chez les animaux renfermés dans des boites que chez les animaux
exposés directement aux vicissitudes atmosphériques. ^
Mais il est probable que les matières organiques soumises à l'épreuve
du temps sont exposées ù subir, sous l'inlluence delà chaleur et de
l'humidité des modifications d'une tout autre nature, qui peuvent
porter atteinte à leur composition chimique. Ce que nous pourrions
dire de l'inlluence isolée de la chaleur trouveia mieux sa place lors-
que nous étudierons l'épreuve du chauffage. Nous ne nous occuperons
ici que de l'influence de l'humidité.
Nous ne parlons pas, bien entendu,dc ce degré d'humidité qui règne,
par exemple, dans ks caves, et qui place les matières organiques dans
des conditions propres à développer la fermentation ou la putréfac-
tion, phénomènes sans doute plus lents dans leur action (jue si les
matières étaient dans l'eau, mais ûv. mèniu nature certainement que
la putréfaction et la fermenlulion ordinaires.
113
Nous ne parlons pas non plus des substances mal desséchées qui,
empilées môme dans un lieu sec, peuvent, comme le foin ou le blé en-
core humides, entrer en fermenlaiion au bout de quelques semaines
ou de quelques mois. Celte fermentation, qui détruit la propriété ger-
minative du blé, s'accompagne de production de chaleur et de déga-
gement d'acide carbonique, et doit par conséquent être rattachée aux
fermentations ordinaires.
Il est clair que si les corps réviviscenls étaient placés dans l'une ou
l'autre de ces conditions, au milieu des matières organiques qui les
entourent, ils seraient exposés à subir des actions chimiques ana-
logues aux précédentes, ils les subiraient même assez promptement;
mais il est clair aussi que ces cas diffèrent entièrement de celui que
nous étudions ici. Nous supposons les substances organiques arrivées
et maintenues à un degré de dessiccation suffisant pour rendre impos-
sibles la putréfaction et la fermentation proprement dites, comme l'est,
par exemple, le blé bien séché au soleil et étalé dans un grenier en
couche peu épaisse.
Ce degré de dessiccation et ce mode de conservation sufiîsenl-ils
pour mettre les matières organiques a l'abii de toute altération chi-
mique? Il est certain que non ; il est certain, par exemple, que les fa-
rines bien sèches, conservées en sacs pendant plusieurs années, ac-
quièrent un mauvais goût et deviennent impropres à la panification.
Ces deux résultats sont l'indice d'une altération chimique (1). Le blé
desséché d'abord au soleil, puis dans les granges, et enfin déposé dans
les greniers, perd en trois ou quatre ans, dans les pays habituellement
humides, sa faculté de germination; il ne la perd qu'au bout de sept
(1) C'est un fait bien connu que les farines se conservent d'autant plus
longtemps qu'elles sont plus sèches. Du temps de Duhamel on ne faisait le
tninot (farine en baril pour les voyages au long cours) que dans la Provence,
parce que les blés y sont plus secs. Les farines du Nord ne pouvaient servir
pour le même usage. Duhamel prouva qu'au moyen de l'étuvage on pouvait
faire le minot avec toutes les farines. Aujourd'liui l'industrie de la minote-
rie s'est répandue dans tout le bassin de la Garonne, et ju?que dans le nord
de la France, à iNantes, au Havre, etc. Il suffît d'enlever à la farine quelques
centièmes d'eau et de la soustraire au contact de l'air par la compression
pour la conserver plusieurs années. Mais, pour la conserver indéfiniment, il
faudrait lu déshydrater complètement par des moyens qui, jusqu'ici, n'ont
pas été appliqués eu grand. Les fécules se conservent beaucoup mieux que
la farine. L'altération de celle-ci paraît dépendre surtout de l'altératiot»
chimique du gluten, qui perd son élasticité, de telle sorte que la pâte perd
sou liant et ne lève plu?.
8
114
ou huit ans dans les pays où l'air est habilucUement plus sec et plus
chaud; et eu Egypte, où il ne pleut jamais, les grains enfermés dans
les anciennes sépultures ont si bien résisté à l'action du temps qu'on
a pu les faire germer encore après une longue suite de siècle?. C'est à
dessein que nous avons choisi cet exemple qui est tout à fait compara-
ble à celui des animaux réviviscents. L'animation d'un germe de-
puis longtemps desséché n'(.'st-elle pas une véiitable reviviscence?
Cette analogie n'avait pas échappé à Needham qui, à tine certaine épo-
que, était parti de là pour établir un rapprochement entre les anguil-
lules de la nielle et les productions végétales. Elle n'a pas échappé
non plus à M. Doyère, et, pour cet habile expérimentateur, l'élude des
animaux réviviscents n'a été que le prélude d'une importante série de
recherches sur la conservation des grains (1). Comme le corps du ro-
tifère, le germe du blé perd sa propriété de reviviscence bien avant
(1) La propriété germinalive des grains et leur aptitude à la panification
sont à peu près solidaires l'une de l'autre. Les grains qui ne sont plus paui-
flables ne germent pas, et réciproquement les grains devenus impropres à la
germination sont bien près d'être impropres également à la panification.
Tout permet donc de croire que la perte de la faculté gcrminative est le ré-
sultat d'une altération chimique de la substance du grain. Cette altération se
produit d'autant plus vite que le blé renferme plus d'eau. Les blés très-liu-
mideSj qui renferment jusqu'à 23 pour 100 d'eau, sont quelquefois altérés
avant la fin de l'hiver. iNoii-senlement ils ne germent plus, mais encore la
l'urine qu'on en extrait ne donne presque plus de gluten parla maluNation.
Les blés des environs de Paris renferment, suivant les années, de 14 à 18
pour 100 d'eau. Les plus humides sont gâtés au bout de deux à trois ans; les
plus secs peuvent durer jusciu'à sept ou huit ans. Les blés de Maroc et d'.U-
gérie, ne renfermant que de 10 à 13 pour 100 d'eau, et ceux d'Andalousie, ne
renfermant que de 6 à 11 pour 100 d'eau, se conservent beaucoup plus long-
temps lorsqu'on les soustrait à l'humidité atmosphérique. M. Doyèic a re-
connu dans ses recherches de 1S50-1852 sur VAhicite des céréales qne le blé
exposé à l'air dans nos contrées subitdes variations hygrométriques qui peu-
vent aller presqu'à 5 et môme G pour 100 (Recherches sur l'.vlucite des
CÉRÉALES, SUIVIES DE QUELQUES RÉSULTATS RELATIFS A l'E.NSILAGE DES
GRAINS. Paris, 1852, grand in-S", p. 74). Pour conserverie blé sans altéra-
tion, il est donc indispensable de le soustraire au contact de l'air, au moins
dans nos climats, ce qu'on peut obtenir au moyen de l'ensilage ; mais cela ne
suffirait pas si l'on ne commençait par enlever au grain une partie de son eau
au moyen de l'éluvage, ou de tout autre procédé de dcssicralion artilicielle.
Ou pourrait aussi conserver indéfiniment la plupart des blés de France, ea
leur enlevant 4 à 5 pour 100 d'eau par des moyens arliûoiols, et eu les te-
nant ensuite à l'alu'i de l'iiumidil('; atmosi)hérique.
115
400% lorsqu'on le place sans précaution dans une étuve; mais lors-
qu'on le dessèche graduellement avant de le soumettre à cette épreuve,
il peut germer encore après avoir dépassé de 15 à 20" la température
de l'eau bouillante (1). La reviviscence aux températures élevées est
donc subordonnée dans les deux cas à la soustraction préalable de
l'humidité, et lorsque nous voyons le séjour dans un air incomplète-
ment sec détruire à la longue la propriété germinative du blé, n'esl-
il pas permis de croire que la même cause pourra aussi finir par dé-
truire la propriété de reviviscence des rotifères ?
Il résulte de ce qui précède que les animaux réviviscents, desséchés
à la température ordinaire, et conservés ensuite dans des boîtes, ne
sauraient être considérés comme soustraits aux actions physiques et
chimiques. L'état dans lequel se trouvent leurs corps ne peut être
considéré comme permanent. Il faudrait prendre des précautions tou-
tes spéciales pour les mettre à l'abri des intluences plus ou moins nui-
sibles que nous venons de signaler ; ce serait le seul moyen de savoir
si la propriété de reviviscence est aussi permanente que la matière or-
ganisée à laquelle elle appartient. Ces précautions n'ont jamais été
prises; les animaux ont été conservés sans aucun soin, et le résultat
des observations a, par suite, considérablement varié. Spallanzani,
dans une de ses expéilences, déposa le sable du gouttières dans une
boite, l'examina de six en six mois, et reconnut qu'au bout de trois
ans l'humectation ne ranimait pas mèmeunrotifèresur cent (2). Mais
dans une autre expérience il vit « les animaux conservés très-secs
« dans un petit vase de terre fermé, » se ranimer parfaitement au bout
de quatre années. Il en conclut qu'ils ressuscitaient toujours « qiiel
a que fût le temps pendant lequel ils étaient restés a sec (3). » Schuitze
recueillit, en 1850, du sable de gouttière renfermant des animaux ré-
viviscibles, et, en 1858, c'est-à-dire au bout de huit ans, la propriété
de reviviscence persistait encore (4). Tout récemment enfin M. Doyère
a mis en expérience des mousses provenant de l'herbier de M. Lenor-
mand. Ces mousses, recueillies à Java il y a plus de onze ans, et re-
(1) Duhamel avait déjà réussi, au dernier siècle, à faire germer des grains
de blé chauffés duns rétiive jusqu'à Il2°5'. (Spallanzani, Opuscules de
PHYSIQUE, tr. fr., 1. 1, p. 5!2. Genève, 1777, in-S".)
(2) Spallanzani loc. cit., t. 11, p. 3U.
(3) Loc. cit., p. 309.
(4) M. Slrauss Durklieima eu l'occasion d'examiner ce sable en 1838au con-
grès scientifique de Fribuig en Bri^gan. La propriété de reviviscence per
sistait encore. (Communication orale.)
lie
eues en France on 1849, renfernnent des corps derolilèresqui ont pu
être presque tous ranimés après trois ou quatre jours d'humectalion.
Ainsi la propriété de reviviscence qui, dans une expérience do Spal-
lanzani, s'est trouvée à peu près entièrement éteinte au bout de trois
ans, s'est parfaitement maintenue ici, pour des animaux de même es-
pèce, pendant plus de onze ans. Les ansfuillules de la nielle ont fourni
des résultats plus variables encore. On a vu plus haut que B.iker avait
pu ranimer ces animaux au bout de vingt-huit ans : l'expérience n'a
pas été poussée plus loin; la période de vingt-huit ans n'est donc pas
une limite, mais un minimum. D'un autre côté, Bauer, dans une pre-
mière expérience, vit la propriété de reviviscence des anguillules durer
pendant cinq ans et huit mois, et dispaiailre après celte époque ; dans
une autre expérience, faite sur des gi'ains niellés d'une autre année,
les anguillules ne cessèrent d'être l'éviviscibles qu'à partir de six ans
et un mois (1). Voilà des différences tout à fait analogues à celles que
montre la durée de la faculté germinative du blé; elles dépendent très-
probablement des conditions au milieu desquelles les corps ont été
conservés, c'est-à-dire de la lacilité plus ou moins grande avec la-
quelle ils ont subi les variations de température et d'humidité, et de la
quantité d'eau qui est restée dans leur tissus. On remarquera que les
anguillules de la nielle, qui ont fourni jusqu'ici la plus longue période
de réviviscibilité, sont étroitement pressées les unes contre les autres et
enfermées au nombre de plus de 50,000 dans une coque épaisse, dure
et tellement peu perméable, que loi'squ'on veut la ramollir pour en
extraire le contenu, il faut la faire macéier dans l'eau pendant plu-
sieurs heures. Cette enveloppe piotectrice rend les anguillules peu ac-
cessibles aux variations hygiométriques, et contribue sans doute beau-
coup à la conservation de leur propriété de reviviscence.
Nous voilà bien loin n)ainteuant de l'opinion de M. Pouchet. Au lieu
de penser comme lui que l'épreuve du temps devient nuisible en des-
séchant les animaux, nous pensons, au contraire, qu'elle doit sa prin-
cipale gravité à l'insuffisance de la dessiccation, et à l'absence des
précautions destinées à empêcher les corps de s'hydrater de nouveau.
Nous pensons aussi, quoique à nos yeux la chose soit plus douteuse,
que les variations de température ajoutent encore à ces chances dé-
favorables.
Faut-il conclure de là que l'épreuve du temps soit inullcnsive en
(I) Francis iHiiier, Microscopical Observations on titr Susppusinn of the
iluscular Motion of the Vibrio Tritici, dans l*iULOSOPiiic.\r. TiiANSACTlONS,
1833. l'art. I, p. 8, iu-/j°.
il7
ellemêmo, et qu'en prenant corlaines précautions ou puisse maintenir
indéfiniment la propriété de reviviscence? Il nous parait fort probable
que des animaux desséchés dans le vide, enftrmés à la lampe dans un
tube de verre avec un petit fragment de chaux vive, et enfouis dans
la terre à une profondeur de 2 ou 5 mètres, soustraits ainsi d'une ma-
nière complète aux variations hygrométriques et d'une manière à
peu près complète aux variations de température, il nous parait fort
probable que ces animaux conserveraient leur propriété de revivis-
cence bien plus longtemps que des animaux de même provenance
simplement déposés dans des boites. Mais la conserveraient-ils à ja-
mais ou seulement pendant un siècle? Pour avoir une opinion sur
ce point, il faudrait d'abord savoir si l'absence de l'eau et le
maintien d'une température modérée et constante suffTisent pour
soustraire toutes les matières organiques à toutes les altérations
chimiques. L'exemple du blé d'Egypte n'est concluant que pour
le blé ; les principes immédiats qui composent ce grain ne sont pas,
ne peuvent pas êiro identiques à ceux qui composent les corps des
animaux révivisccnts, et les influences qui n'agissent pas sur les uns
pourraient à la rigueur modifier les autres. On ne peut donc pas af-
firmer que l'épreuve du temps doive devenir absolument sans danger
à la faveur des pi écaulions qui viennent d"èlre indiquées. L'expérience
seule en pour/a décider, et la question restera indécise jusqu'à ce
qu'on ait fait celte expérience décisive, qui exigera peut-être le con-
cours de plusieurs générations d'observateurs (1).
(l; Lorsque j'ai eu connuissancc de la l'évivication des rolifères de l'her-
bier de M. LeiiormandJ'ai csiiéré un moment ipie rcxamendes mousses plus
anciennes conservées dans les herbiers du Muséum pourrait permettre d'ap-
précier la durée de la propriété de reviviscence. Il me semblait, et il me
semble encore, que les mousses comprimées dans un herbier sont moins
exposées aux vicissitudes atmosphériques que les mousses déposées dans
des boites. Je me suis donc adressé à M. le professeur Brongniart. qui a bien
Youlu, avec une libéralité dont je ue saurais trop le remercier, mettre à ma
disposition des échantillons de hryum argentrum, de linjumpiri forme et de
grimmia pukinata, datant de 10, 40, 50, 70, 100 et même 140 ans. Mais le gi-
sement des plantes n était pas indiqué sur les étiquettes. Ces mousses ne
croissent pas seulement sur les toits, elles croissent aussi dans les lieux
humides, elles y deviennent même plus belles que dans les lieux secs, et il
est infiniment peu probable que les botanistes qui les ont récoltées soient
allés faire leurs herborisations sur les toits. Or les rolifères qui ont été
élevés dans les lieux humides ne possèdent qu'à un faible degré la propriété
de reviviscence. Il était bon sans doute d'examiner les mousses, mais il fallait
le faire avec la pensée qu'un résultat négatif ne prouverait absolument rien.
.'- \
M/
^
118
5° ÉPREUVE DU CHAUFFAGE.
La plupart dos animaux qui, dans nos pxpérionoes, ont subi pendant
trente minutes une tempciature de 100", ont perdu pans retour leur
propriété de reviviscence; cette épreuve est donc extrêmement dan-
gereuse, quelque précaution qu'où puisse prendre pour en atténuer la
gravité.
Les animaux qui se sont ranimés étaient certainement aussi secs
que les autres. Ce n'est donc pas le fait pur et simple de la dessicca-
tion qui a été nuisible à ces derniers.
Loin que la dessiccation soit la cause de la mort des animaux soumis
à l'épreuve du chauffage, on peut dire au contraire que la résistance
aux températures élevées s'accroît d'autant plus que les corps ont été
mieux desséchés d'avance.
A l'appui de celte assertion on peut citer une série d'expériences qui
n'ont pas toutes été faites devant la commission, mais qui sont par-
faitement authentiques.
Les lotifères vivants chauffés dans l'eau périssent au plus tard à
bO° centigrades, et rien désormais ne peut les rappeler à la vie (1).
Chauffés dans le sable mouillé ils meurent sans retour à 5o" centi-
grades (2).
Chauffés dans le sable ou dans la mousse qui sans être mouilles ont
t-éjourné dans un air très-humide, ils peuvent supporter jusqu'cà 80*
Plusieurs des écliantillons que j'ai reçus de M.Brongniart ont été mis en ex-
périence. Je n'y ai trouvé ni tarclif^rades ni angulUules, mais qucUiiies-uns,
nolammeiit ceux de 1750, renferuieiit des corps de rotifi res. Ces corjjs sont
ri'giiliers et globuleux, mais les viscères paraissaient désorganisés; aucun
ne s'est ranimé. Les rotifôres des mou?ses recueillies à Java avant 1849, ont
pu conserver jus([u'ici, et conserveront peul-ètre encore longtemps leur pro-
priétéde reviviscence. Dans ce climat tropical iln'ost sans doute pas nécc-^sairc
de monter sur les toits pour trouver des rotil'ères I)icn révivjscents II faut
tenir compte aussi de la durée du temps pendant lequel les plantes pré'parécs
dans les iierhiers conservent leur liumiilin'' [)ri!nilive. La dessiccation s'ob-
tient à coup sur Ijcaui-oup plus promptement à Java que dan.^ notre zone, et
la période d'iiunddilé ([ui précède la dessiccation définitive doit être d'autant
plus P'nsiblc aux animaux qu'elle se prolonge plus longtemps.
(1) Spallanzain avail (ixé celte limite ii 30° Ri'aumur qui font 45» ccnligr.
IN'ons avons indi(pié plus liant la cause de son erreur. (Voy. p. 23, en note.)
('2) Spallau/aui, Oi'ii.sciJLiis UE iMirsigut;, traduction française. Genève,
1777, in-«°, t. 11, p. 334.
119
de chaleur, mais ne peuvent aller au delà ; presque! tous périssent
même entre 7d et 80" (1).
Chauffés dans un terreau moins humide qui a été desséché natu-
rellement à l'air libre, ils peuvent aller jusqu'à 83 et même jusqu'à
9ir (2).
Desséchés pendant sept jours sous la machine pneumatique ils peu-
vent résister à une température de 98", prolongée pendant cinq mi-
nutes. (Exp. VI et VII.)
Enfin, desséchés à froid sous la machine pneumatique pendant
quatre-vingt-deux jours, puis à chaud pendant deux heures, sous une
température de 60", ils peuvent résister à une chaleur de 100" pro-
longée pendant trente minutes, et portée même à un certain moment
jusqu'au delà de 102° (Exp. XXI.)
Ce n'est sans doute pas la limite des températures que les rotifères
peuvent supporter lorsqu'ils ont été préalablement desséchés. Nous re-
viendrons tout à l'heure sur cette limite. Nous voulons seulement ici
faire constater que la résistance des rotifères aux températures é! 'vées
est en raison inverse de la quantité d'eau interposée dans leurs tissus.
Pourquoi les rotifères chauffés dans l'eau meurent-ils au plus tard
et sans retour à 50° centigrades? Cette température est inférieure à
celle qui fait coaguler l'albumine et qui détermine dans les matières
organiques des changements chimiques appréciables. Il est donc pro-
bable que le contact de l'eau à S0° fait subir au corps des rotifères des
altérations anatomiques incompatibles avec la vie. On trouve en effet
immédiatement après le chauffage que les animalcules sont gonflés,
allongés, gorgés d'eau. Ils restent dans cet état jusqu'à la putréfac-
tion. Chauffés entre 45 et 50", ils sont dans le même état de gonfle-
ment, mais ils n'y restent pas tous, et au bout de quelques heures ou
de quelques jours, un certain nombre d'entre eux reprennent leur
activité (5).
Il est naturel que, chauffés hors de l'eau, les animaux révivisconts
échappent à ces lésions anatomiques, qui paraissent déterminées
surtout par des phénomènes d'endosmose. Mais dès qu'ils atteignent
les températures où l'albumine se coagule ils semblent menacés d'une
(1) Gavarret, Expériences sur les rotifères, les tardigrades et les
ANGUILLULES DES MOUSSES DES TOITS, duUS AmV. DES SC. NATURELLES, 4' sé
vie, t. XI, n" 3 (tirage a part, p. 13).
(2) PoUChct, RecIUOIXCMES et EXPÉRIE>fCES SUR LES AMMAUX RESSUSCITANTS.
Paris, 1859, in-8°, p. 9l.et 92.
(3) Gavarret, loc. cit., p. il.
120
désorganisation irréparable, et puisque cependant ils résistent à cette
épreuve et même à des terapéralures encore plus élevées, il faut en
conclure de deux choses l'une : ou bien qu'ils ne renferment pas d'al-
bumine, ou bien que cette substance se trouve chez eux dans un état
qui la soustrait à la coagulation,
La première hypothèse est peu vraisemblable. Tous les animaux
qu'on a pu analyser jusqu'ici ont fourni de l'albumine. Il ne faudra
donc recourir à cette hypothèse que si l'on ne peut faire autrement,
et l'on pourra faire autrement si la seconde hypothèse est reconnue
valable.
Or on va voir que la reviviscence des rotifères soumis à l'épreuve
du chauffage est parfaitement compatible avec l'existence d'une cer-
taine quantité d'albumine dans leurs tissus.
L'albumine liquide peut être solidifiée de deux manières: par coagu-
lation ou par dessiccation.
L'albumine coagulée est devenue à jamais insoluble dans l'eau. Mais
l'albumine desséchée à froid conserve sa solubilité; et lorsqu'elle est
redissoule on trouve qu'elle n'a perdu aucune de ses propriélés.
On comprend ainsi qu'un corps renfermant de l'albumine et des-
séché à froid puisse être remis par l'humectation dans l'éiat où il était
avant la dessiccation.
L'albumine desséchée à l'air libre pendant quelques jours retient
encore une certaine quantité d'eau. Celle qu'on prépare dans le com-
merce pour le collage des vins serait exposée à une prompte pulréfac-
si on ne la desséchait plus complètement dans une étuve chauffée
entre 40 et 50". La dessiccation naturelle à l'air libre laisse donc dans
l'albumine une proportion d'eau assez notable.
Néanmoins cette albumine peut être chauffée sans aucune précau-
tion jusqu'à environ 80" sans perdre sa solubilité.
Si pour la dessécher davantage on létale en couche très-mince sur
une assiette, et qu'on la garde pendant quinze jours dans un lieu sec,
on peut au bout de ce temps l'exposer pendant plusieurs minutes à une
température sèche de 100» sans lui enlever sa solubilité.
Enfin, M. Chevreul ai'econnu que l'albumine desséchée aussi com-
plètement que possible sous la pression aiiuospltériquc ne cesse entiè-
ment d'être soluble qu'après avoir subi pendant une heure et demie
au moins une température sèche de 100° (1). Ce professeur n'a pas eu
(1) Chevreul, De l'influence ocE l'kai; K.XERCF, SUR pi.rsiEims jibstances
AZOTÉES SOLIIBLES, dailS AN.\. DE CllliMIE ET DE l'nYSIQCE, t. XIX, [). 3'2 (Ib'JÎ),
lu à l'Académie des scieuces le 9 juillet li>'-2i. Nous croyons devoir indiquer
121
recours à la dessiccation préalable dans le vide sec; M. Doyère pense
qu'avec celte précaution de plus on arriverait à redissoudre de l'albu-
mine chauffée même jusqu'au delà de 120°. Mais ceci est encore du
domaine de l'hypothèse.
En tous cas, nous en savons assez pour être autorisés à dire que la
reviviscence des rotifères chauffés à 100° n'implique nullement l'idée
qu'il n'y ait pas d'albumine dans le corps de ces animaux.
Dès lors il n'y a aucune raison de croire que les animaux révivis-
cents diffèrent des autres par l'absence de l'albumine.
On remarquera d'ailleurs que les conditions de dessiccation plus ou
moins complète qui permettent à l'albumine de conserver sa solubi-
lité, et aux rotifères de conserver leur propriété de reviviscence, sous
des températures croissantes, sont à peu près exactement les mêmes.
L'analogie est frappante, et l'on pourrait être tenté de supposer que la
propriété de reviviscence des rotifères soumis à l'épreuve des tempé-
ratures élevées dépend uniquement de la solubilité de leur albumine.
Telle n'est pourtant pas la pensée de M. Doyère. Pour lui, la ques-
tion de l'albumine n'est pas la base exclusive de la théorie de la revi-
viscence : ce n'est qu'un exemple particulier destiné à montrer que
l'influence de la dessiccation préalable sur les rotifères soumis à
l'épreuve du chauffage n'est pas en opposition avec les faits de la chi-
mie organique. Dès le moment qu'un principe immédiat, l'albumine,
peut acquérir en se desséchant de plus en plus la propriété de résister
à des températures croissantes, les principes albuminoïdes indéter-
minés dont se compose le corps des rotifères peuvent se comporter
d'une manière analogue sans qu'il y ait lieu de s'en étonner.
en quelques mots les principaux faits consignés dans cet important mémoire.
M. Clievreul, après avoir étudié plusieurs autres matières azotées, s'occupe
de l'albumine de l'œuf (§7). 100 parties de blanc d'œuf desséchées à l'air
libre se réduisent à 15, et ce résidu desséché dans le vide se réduit à 13,65.
Par conséquent 15 parties d'albumine séchées à l'air libre contiennent encore
1,35 d'eau d'interposition (soit 9 p. 100). Nous citerons maintenant dans son
entier le passage relatif à l'action de la chaleur sur l'albumine sèche soluble
(p. 41). « L'albumiue séche'e à l'air peut passer à l'état d'albumine coagulée
« insoluble, si on la renferme dans une petite boule de verre qu'on tient
« plongée dans l'eau bouillante pendant une heure ou une heure et demie.
« L'albumiue roussit. L'effet de la chaleur ne se produit que lentement, car,
» après une heure et demie icne -partie de l'ulbuminc est encore soluble dans
« l'eau, et coagulahle, si l'on chauffe la solution filtrée jusqu'à 78°. »
M. Clievreul n'a pas répété celte expérience sur l'albumine desséchée dans le
vide.
122
L'alléralion que subissent diverses substances orrraniques, ot en
pai'ticuiier l'albumine, lorsqu'on les chauffe en présence de l'eau,
n'est pas une décomposition; elle parait due, au contraire, soit à la
combinaison de ces substances avec l'eau, celle-ci passant à l'état
d'eau de combinaison, comme cela a lieu dans l'hydratation du plâtre,
soit à un de ces changements d'état connus sous le nom de transfor-
mations isoinériques ^ dans lequel l'eau n'exercerait qu'une action de
présence.
Lorsque les substances soumises au chaufF,ige sont parfaitement
desséchées, et qu'on les chauffe dans un milieu parfaitement sec, elles
échappent à cette cause d'altération et peuvent dès lors résister à des
températures qui les modifieraient si la moindre quantité d'eau ou de va-
peurd'eauétaitencontactavecelles. C'est sur cesdonnéesqueM. Doyère
a fait reposer l'épreuve du chauffage des animaux réviviscents; toutes
les précautions dont il s'entoure ont pour but d'exclure entièrement
de l'étuve l'eau et la vapeur d'eau. Pour lui, le chauffage des rotifères
à 100° n'est pas destiné à sécher les animaux plus complètement qu'on
ne les dessèche à froid, mais à prouver qu'il ne reste plus d'i^au dans
le corps de ces animaux au moment où ils approchent de la tempé-
rature de l'eau bouillante. On pouvait supposer jusqu'alors que les
rotifères desséchés à froid, ou sous des températures peu élevées, con-
servaient néanmoins en vertu de leui' état de vie, ou en vertu du peu
de perméabilité de leurs enveloppes, une certaine proportion d'eau.
Pour prouver que cette interprétation était inadmissible, et que les
corps des rotifères et des tardigrades se desséchaient aussi complè-
tement que les substances inertes, M. Doyère a soumis ces corps à des
températures qui auraient dû altérer la composition chimique de leurs
tissus s'il y fût resté la moindre quantité d'eau. Constatant ensuite
que les animaux étaient encore réviviscibles, il en a conclu que la
composition chimique de leurs tissus n'avait pas été altérée, et que
par conséquent ils étaient tout à fait secs au moment où ils avaient
atteint les hautes températures. En d'autres termes, l'épreuve du chauf-
fage n'a été pour lui qu'une vérification de l'épreuve de la dessicca-
tion. Voilà pouiipioi, dans ses expériences, il ne s'est pas attaché à
maintenir longtemps le maximum dn température. 11 lui a paru qu'au
bout de quelques minutes, la tempe ratiiiu; marquée par le thermomètre
de l'étuve avait dû pénétrer cotnpiétement jusqu'aux moindres par-
celles de la substance placée autoiir de la boule du thorniomèliv. Pour
M. Pouchet, au contraire, le chauffa'f^e n'est qu'un moyen tic dessic-
cation, et dès lors, la température iiiaximnm doit être maintenue assez
longtemps pour que l'évaporation totale de l'eau soit rendue abso-
menl indubitable.
123
Il n'est pas étonnant que des expériences dirigées dan^ O.os buis (Jif-
férents aient donné des résultais ilifférenl;^. Mais il est résulté di'.s
reclierches de M. Pouchet un fait d'une haute importance dont nous
aurons bientôt à chercher l'explication : c'est que la durée de l'épreuve
du chauffage en accroît considérablement le danger.
Ainsi, 1° dans l'expérience XI (voy, plus haut, p. 61), quelques
centigrammes de terreau ont été chauffés pendant trente minutes à
une températuie de 78" environ. Tous les rolifôres se sont ranimés,
ainsi qu'une anguillule. (Il n'y avait pas de tardigrades dans la prépa-
ration). Le thermomètre avait marqué plusieurs fois jusqu'à 80"; et
dans l'expérience X, qui avait donné un résultat analogue, la tempé-
rature s'était élevée une fois jusqu'à 84".
2* Dans une autre expérience faite à Rouen avec du terreau de
même provenance, et contenant environ cinquante animalcules révi-
viscibles, M. Pouchet avait vu toutes les anguillules, tous les tardigra-
des, moins deux, et une partie des rotifères (le nombre n'en est pas in-
diqué), définitivement privés de leur propriété de reviviscence, après
une séance de soixante minutes à 80".
5° Une autre fois, toujours avec la même quantité de terreau, il
avait prolongé le chaulfage à 80" pendant cent vingt minutes. Deux
rotifères seulement s'étaient ranimés sur environ 50 animaux (1).
La progression est évidente : le nombre des animaux morts sans
retour s'est accru à mesure que l'épreuve durait plus longtemps.
Voici maintenant deux autres expériences, faites avec la même
quantité de terreau, mais dans lesquelles la température a été mainte-
nue à 85° pendant soixante minutes. Cinq animaux se sont ranimés
la première fois (4 rotifères et 1 tardigrade); la seconde fois, 3 ro-
tifères ont revécu (2). Ainsi, quoique la température eût été plus
élevée de 5° que dans le cas précédent, le nombre des animaux révi-
viscents a été plus considérable ; mais la séance du chauffage avait
été deux fois moins longue. Il est moins dangereux pour les animaux
de subir pendant une heure une chaleur de 85" que de subir pendant
deux heures une chaleur de 80».
On noiera que toutes ces expériences ont été fiiites sur des animaux
de même provenance (terreau noir de la cathédrale de Rouen). Le
chauffage n'avait pas été précédé de dessiccation artificielle à froid.
(1) Recherches et expériences sur les anim.\ux ressuscitants. Paris,
1859. Iu-8", p. 91. Ces deux expériences sout la troisième et la quatrième
du tableau.
(2) Loc. cit., p. 91. (Expériences V et VI du tableau.)
•~-^^L
124
Les exp«îriencRS précédées de dessiccation à froid, et faites avec des
animaux élevés dans des milieux plus secs, ont présenté des différences
analogues.
Dans les expériences VI et VII, nous avons vu revivre la plupart des
animaux qui avaient supporté pendant cinq vii7iulcs la plus haute
température qu'on puisse obtenir dans une éluve à eau bouillante;
les tardigrades se sont ranimés aussi bien que les rotifères ;
Tandis que dans les expériences XIX, XX et XXI, faites avec beau-
coup plus de précautions que les précédentes, la reviviscence n'a été ob-
tenu qu'une fois (expérience XXI), et seulement sur un petit nombre
deroiifères. Muis la température de l'eau bouillante avait été mainte-
nue trente mimiles au Lieu de cinq.
L'influence de la durée est aussi évidente ici que dans la première
série de faits, et il nous a paru fort probable que, si le chauffage cà 100*
eût été prolongé vingt outrenteminutesde plus dans l'expérience XXI,
tous les animaux auraient lini par succomber définitivement.
Voici enfin une autre série d'expériences que nous pouvons invo-
quer, quoique nous n'en ayons pas été témoin.
Au mois de novembre ISiJ, en présence de MM. de Jussieu, Dumas,
Milne Edwards et de Quatrefages, M. Doyère ranima des animalcules
qui avaient été cliauffés jusqu'à 122 et 125" (1).
Au mois d'octobre 1859, MM. Doyère et Gavarret ont fait des expé-
riences dans le but de déterminer le degré de température qui tue irré-
vocablement les animalcules réviviscibles. Ils ont obtenu la revivis-
cence à 100°, à 110°. Tous les animaux chaulTés à 115, 120 et 123'"
étaient niorls irrévocablement (2). La limite qui, en 1811, paiaissait
s'élever au moins à 125°, paraissait donc, en 1859, descendre au-des-
sous de 115°.
Voici la cause de celte dill'érence. En 1841, M. Doyère, ne faisant
qu'une expérience à la fois, avait porté rapidement les mousses à la
température di; 125°, et les y avait laissées seulement «/î^c/f/Mcs minutes.
En 1859, MM. Gavarret et Doyère, faisant marcher plusieurs expé-
riences de front, ont placé divers échantillons dans la même étuve.
Ils ont élevé graduellement la tempéiature afin de pouvoir retirer
successivement, à des intervalles déterminés, les échantillons qui au-
(1) Voy. pUi.s haut, p. 3().
(2) Gavarret, Expériences sur les rotifères, les tardigrades et les anguillules,
dans Annai.ks mes sciiînces ^.^Tl;ulîu,ll:s. Les aiiiniau.\ (pii se sont ranimés
aprc's le c!iaii(I'ai;c à 110" étaient r(\^t('s trcntc-ileiix minutes à des lenipcra-
tures sii[)crii;urcs a 100". (Tirage à part, p. 8 cl 'J.)
125
raient subi des températures déterminées. Il en est résulté que les
mousses cliauflées à 110" avaient supporté pendant trente minutes une
température comprise entre 100 et 110°; que les mousses chaufîées à
12o'' avaient supporté pendant soixante-dix-huit minut(!S une tempé-
rature comprise entre 113 et 125"; que les mousses chauffées à 120°
avaient supporté pendant trente-huit minutes une température com-
prise entre 115 et 120°, etc. La durée des températures voisines du
maximum a donc été très longue dans les expériences de 1859, très
courte dans les expériences de 18 il.
Nous savions déjà que la dessiccation artificielle atténue les dangers
de l'éprouve du chauffage et permet de reculer notablement la limite
des températures où la propriété de reviviscence est anéantie ; mais
on vient de voir qu'elle ne met pas les animaux en état d'affronter
indéfiniment les températures où elle leur permet de rester impuné-
ment pendant plusieurs minutes.
Il fiuit tenir compte de cet élément lorsqu'on cherche la limite des
températures compatibles avec le maintien de la reviviscence.
Les températures dangereuses sont celles qui ne peuvent être sup-
portées longtemps par les animaux réviviscibles. Elles commencent
vers 70° pour les anguillules, vers 80» pour les tardigrades et les roti-
fères; le danger s'accroît avec la température, et la durée du temps
pendant lequel les animaux peuvent résister à une température déter-
minée diminue à mesure que celle-ci est plus élevée.
A quoi pourrons-nous attribuer cette influence nuisible de la durée
du chauffage? Comment expliquerons-nous qu'un rolifcre puisse sup-
porter pendant trente minutes une température de 100% et ne puisse
pas la supporter pendant une heure? En quoi consiste ce changement
d'état produit par la continuation d'une température d'abord inof-
fensive?
Pour répondre à ces questions, demandons-nous comment le calo-
rique peut agir sur les corps. Il ne peut agir que de deux manières :
soit en les dilatant, soit en leur faisant subir des altérations chimiques.
On concevrait que la dilatation pût déterminer dans le corps des
rotifères des ruptures incompatibles avec le rétablissement ultérieur
des fonctions. Mais les ruptures devraient se produire au moment où
la température change, et non pas au moment où la température se
maintient. Le rotifère chauffé à 100» pendant trente minutes a subi
depuis longtemps le degré de dilatation que cette température est
capable de produire, et lorsqu'on voit, pendant les trente minutes sui-
vantes, le mercure du thermomètre adjacent conserver invariablement
le même volume, on ne comprend pas que le corps des rotifères puisse
continuer à se dilater.
12(3
Ce n'est donc pis à l'action physique de la chaleur, mais à son action
chimique, qu'on doit attribuer les changements produits par la conti-
nuation du chaulfagc. Lorsque la température est très-élevée, lors-
qu'elle dépasse 150 ou 200°, l'altération chimique de la plupart des
matières organiques est extrêmement prompte; mais elle devient
plus lente sous des températures moins hautes, et la durée du temps
nécessaire pour la produire est d'autant plus considérable que la cha-
leur est moins forte. On comprend ainsi qu'une substance oiganique
puisse résister à une température déterminée pendant un nombre dé-
terminé de minutes, et qu'elle puisse ensuite s'altérer peu à peu à par-
tir de ce moment.
Il y a certainement une limite qu'on ne pourrait dépasser, ne fût-ce
que pendant une seule minute, sans détruire à jamais la propriété de
reviviscence de tous les animaux.
Cette, limite est encore inconnue; les expériences que MM. Gavari'et
et Doyère ont faites récemment pour la déterminer n'ont pu donnei-
qu'un minimum bien au-dessous probablement de la limite réelle,
puisqu'avant d'atteindre la température terminale, ils ont fait passer
les anunaux par des températures dangereuses prolongées assez long-
temps pour être extrêmement nuisibles. Dans le procédé qu'ils ont
suivi, la duréedu chauffage s'est accrue avec l'intensité du chauffage,
et les deux dangers ont par conséquent marché de front. La limite de
dlO à 115", qu'ils ont déterminée, ne saurait donc être considérée
comme déiinitive, et des expériences ultérieures dirigées de manière
à abréger de beaucoup la durée des températures intermédiaires, per-
mettront probablement de reculer cette limite jusque vers 120 ou 125°;
car on n'a pas oublié qu'en 1841 M. Doyère a réussi à ranimer des
animaux chauffés à cette dernière température, en présence de plu-
sieurs savants. Si nous nous bornons à dire qut; la chose est probable,
c'est parce que nous ne connaissons pas les détails de l'oxpérience
dont le résultat a été simplement énuméré en quelques lignes (1).
Mais nous devons ajouter que ce résultat s'accorde parfaitement avec
ce que les autres expériences nous ont appris sur les conditions capa-
bles de porter atteinte à la propriété de reviviscence.
Cette propriété se maintient tant que le corps de l'animal desséché
conserve son intégrité; elle disparait dès que les tissus ou les organes
deviennent le siège de lésions ou d'altérations d'une certaine yravilé.
Des lésions ou des altérations légères peuvent permettre à l'animal de
se ranimer, mais la vie qu'on lui rend est incertaine, paresseuse et de
(l) Voy. plus haut, p. 3G.
127
courte durée; il est malade; rétat de ses tissus et de ses organes
s'oppose au réiablissemenl régulier et complet des fonctions, et il
meurt dérmitivemenl après une aL;onie de quelques heures ou de quel-
jours (1).
Les lésions qui peuvent détruire ou amoindrir la propriété de ré-
(1) Yoy. plus haut, expér. XXI, p. 95. Nous rappelons en particulier
l'exemple Je ce rotiière qui fut sur le point de se ranimer sous nos yeux,
qui présenta des contractions viscérales partielles, et qui néanmoins ne put
réussir à se déployer. ^Voy. p. 91.) J'ai eu l'occasion de constater un fait ana-
logue sur un animal qui ne passe pas pour réviviscent. Dans un échantillon
de mousse que j'ai récolté le 12 septembre 1859, à Sainte-Foy, sur un toit
exposé à l'ouest, et qui est principalement riche en anguillules, j'ai trouvé le
24octobre nnacarus dontje n'ai pas su déterminer l'espèce, mais dont leîgenrc
est facile à reconnaître d'après le croquis que j'ai conservé. Cet animal, long de
plus de 1/2 millimètre, et large de 1/3 de millimètre (sans compter les pattes),
fut humecté à dix heures du matin avec le reste de la préparation. Quoique
son corps fiit très-peu transparent, on apercevait très-nettement, sur les deux
côtés de la ligne médiane, deux grands sacs à peu près symétriques qui
paraissaient faire partie du tube digestif. A trois heures de l'après-midi, je
crus apercevoir nne légère oscillation dans l'un des sacs, et dès lors je con-
centrai toute mon attention sur cet animal. Je vis ces oscillations, qui étaient
d'abord fort lentes, se régulariser bientôt, et prendre le caractère de contrac-
tions viscérales péristalliques qui se succédaient à des intervalles de cinq
minutes au moins et de dix minutes au plus. Chaque contraction durait à
peine deux ou trois secondes; puis tout rentrait dans le repos jusqu'à la con-
traction suivante. Les deux sacs se contractaient alternativement ; une seule
fois je les ai vus se contracter simultanément. Cela dura toute la journée. Le
soir^ à minuit, rien n'était changé. J'espérais pouvoir continuer l'observa-
tion le lendemain; mais à dix heures du matin je trouvai l'animal absolu-
ment immobile, et au bout de trois jours je dus perdre l'espoir de le voir
revivre. Le phénomène qui s'est passé chez lui me paraît devoir être consi-
déré comme une reviviscence partielle; deux organes dont l'intégrité était
conservée ont pu reprendre vie; les autres organes, plus altérés, ne se sont
pas ranimés. De môme que toutes les parties d'un animal ne meurent pas à la
fois, et qu'après la mort de l'individu certains tissus ou certains organes con-
tinuent à être le siège de phénomènes vitaux, de môme dans la reviviscence
tous les organes ne se raniment pas avec la même facilité. Les animaux dont
tous les organes conservent leur intégriié, malgré la dessiccation, sont réel-
lement réviviscents. On conçoit que d'autres animaux puissent posséder des
organes réviviscibles et d'autres organes non réviviscibles. Ces animaux,
parmi lesquels il faut sans doute ranger l'acarus en question, formeraient
ainsi nue transition eutre ceux qui sont réviviscibles et ceux qui ne le sont
pas.
128
viviscpnce sont, les unes physiques ou plutôt mécaniques, les autres
chimiques. Les premières altèrent la continuité des organes, les autres
altèrent la composition chimique des tissus. Le chauffage peut être
dirigé de manière à ne délcrminer aucune lésion mécanique, et à
éviter également, parmi les altérations chimiques, celles qui résultent
de l'action de l'eau interposée sur les matières organiques. Mais rien
ne peut soustraire ces matières à la décomposition qui survient sous
l'influence des températures élevées.
Cette décomposition s'effectue de diverses manières, suivant la na-
ture des matières organiques, suivant le degré de température, sui-
vant que le chauffage a lieu en vase clos ou dans un courant d'air, etc.
Il dépend de la volonté de l'expérimentateur de la diriger à sou gré,
de l'activer Ou de la ralentir, mais il ne dépend pas de lui de l'em-
pôcher.
Il y a donc une limite de température au delà de laquelle la consti-
tution chimique des animaux est inévitablement modifiée.
Les rotifèrcs peuvent-ils conserver leur propriété de reviviscence
jusqu'à cette limite? Cela est probable, quoique les expériences pro-
pres à le démontrer rigoureusement n'aient pas encore été foiles.
Il y a deux inconnues dans ce problème. D'une part, on ignore jus-
qu'à quel degré de température les rolifôres peuvent rester révivisci-
bles; d'une autre part, on ignore à quel degré de température com-
mence la décomposition des matières, albuminoïdes ou autres, qui
composent le coi'ps de ces animaux. On ignore même oïi commence
la décomposition des principes immédiats les mieux étudiés, tels que
l'albumine ou la fibrine.
Ce qui est certain, c'est que cette décomposition peut être opérée
sous des températures bien inférieures à celles qui sont employées
dans les analyses chimiques. Il suilit pour cela de prolonger longtemps
le chauffage.
La farine de froment chauffée à lOO" au contact de l'air pen-
dant quelques heures seulement ne subit aucune décomposition; le
gluten change d'état et perd son élastricité, mais sa composition
chimique reste la môme; la fécule est inaltérée, et la préparation
conserve sa blancheur. Il semble donc résulter de là, et c'est une
opinion assez générale, que la farine ne se décompose pas sous une
température de lUO".
Pourtant, si l'on prolonge le chauflage pendant plusieurs jours
de suite, la décomposition s'efl'ectue, car la préparation jaunit d'a-
bord et brunit ensuite, comme elle le fait en quelques heures sous
une température de 200°
Cet exemple nous montre d'une part que la décomposition de cer-
129
laines matières organiques peut commencer à s'effectuer sous des
températures relativement peu élevées, d'autre part que ce résultat
exige pour se produire un temps d'autant plus long que la chaleur est
moins forte.
Il est fort probable que les matières albuminoïdes animales se com-
portent d'une manière analogue. Elles se décomposent rapidement
sous des températures de ISO à 160", et en quelques minutes sous des
températures d'environ 130", qui paraissent peu éloignées de celles où
les rolifères perdent nécessairement leur propriété de reviviscence.
Lorsqu'on abaisse la température, il suffit sans doute, pour décompo-
ser ces matières, de prolonger le chauffage.
Jusqu'oïl faudrait-il descendre pour mettre les substances albumi-
noïdes, chauffées indéfiniment au contact de l'air, à l'abri de toute
décomposition, de toute oxydation? C'est ce qu'on ignore absolument.
Les chimistes ont étudié les actions rapides, mais ils ont négligé la
plupart des actions lentes, dont les effets ne deviennent appréciables
qu'au bout de quelques heures, de quelques jours, de quelques se-
maines. M. Chevreul, toutefois, a reconnu qu'il fallait maintenir à
100°, pendant une heure et demie, l'albumine desséchée pour la trans-
former en un composé insoluble. N'est-il pas probable que la même
substance, chauffée à 80 ou 90» pendant plusieurs heures, perdrait
également sa solubilité? N'est-il pas probable que d'autres matières
azotées partagent avec l'albumine la propriété de pouvoir résister,
pendant un certain temps, à la température de 100° ou de s'altérer
ensuite si l'on prolonge le chauffage? N'est-il pas probable enfin que
ces mêmes matières, chauffées au-dessous de 100% n'échapperaient
pas ù l'action chimique de la chaleur prolongée plus longtemps en-
core? Tout cela est hypothétique sans doute, et l'on n'est pas autorisé,
avant que l'expérimentation ait prononcé, à établir sur de semblables
données la théorie de la reviviscence. Il faut bien le dire, ce n'est pas
ici la chimie qui conduit à l'explication des phénomènes physiologi-
ques, c'est plutôt la connaissance de ces phénomènes et le besoin de
les expliquer qui nous conduit à émettre des hypothèses chimiques,
lesquelles, pour être corroborées par un petit nombre d'exemples
particuliers, n'en sont pas moins des hypothèses.
Toutefois, lorsqu'on songe :
1° Que la propriété de reviviscence est indépendante de la présence
de l'eau;
2° Que le chauffage, par conséquent, ne devient pas nuisible par le
fait de la dessiccation ;
5° Que dès lors les températures dangereuses pour les animaux
préalablement desséchés par des moyens artificiels ne sont dange-
MÉM. 9
]?.0
rrusosqiiR parcn qu'ellor. exposent les malièros organiques à dos al It'i-
ralions chimiques; —
On est en droit de penser ou au moins de supposer que la destruc-
lion de la propriété de reviviscence chez les rotifères chauffés avec
les précautions convenables, est l'indice d'une altération chimique de
leurs tissus, c'est-à-dire que, suivant l'expression de M. Doyère, la
reviviscence finit seulement là où un nouvel état moléculaire com-
mence (1).
Et si l'on ajoute:
1" Que ces altérations, révélées par la destruction de la propriété de
reviviscence, sont subordonnés à la fois au degré de la température et
à la durée du chauffage;
2" Qu'elles surviennent d'autant plus vite que la température est
plus haute;
5" Que la limite la plus élevée des températures compatibles avec la
reviviscence des rotifères paraît correspondre à peu près à la limite où
les matières albuminoïdes desséchées commencent à s'altérer rapide-
mcnl ; —
On est conduit encore à penser, ou du moins à supposer, quela limite
inférieure des températures dangereuses pour les rotifères desséchés
doit correspondre à la limite inférieure dos températures capables
d'altérer avec plus ou moins de lenteur un ou plusieurs des principes
qui rentrent dans la composition des tissus de ces animaux;
Ou en d'autres termes, que si les rotifères, chauffés à 80° pendant
plusieurs heures consécutives, perdent leur propriété de reviviscence,
c'est parce que, dans ces conditions, un ou plusieurs de leurs prin-
cipes immédiats subissent des altérations chimiques.
Allons plus loin dans cette voie d'hypothèses. Nous avons admis
jusqu'ici que les températures dangereuses commencent à 80" pour les
rotifères et les tardigrades, parce que cette limite parait indiquée par
les expériences qui ont été faites jusqu'ici, et notamment par celles
de M. Pouchet. Mais dans ces expériences l'épreuve du chauffage n'a
été prolongée qu'une ou deux heures au plus.
On peut en conclure que les températures qui deviennent dange-
reuses au bout de ce temps pour les rotifères et les tardigrades ne com-
mencent que vers 80".
En résulte-t-il que des températures moins élevées prolongées plus
longtemps laisseraient subsister la propriété de reviviscence? Nulle-
(l) TntSESPOUR LE DOCTORAT Ks SCIENCES. Paris, 184?. In-8», p. 138.
131
ment. Il est, au contraire, exlièmeriient probable qu'un chauffage à
70° prolongé pendant un ou deux jours serait aussi nuisible aux ani-
maux que deux heures de chauffage à 80°.
En tous cas, M. Pouchet a reconnu que les animalcules exposés
continue llcment dans une étuve à une chaleur de 56", perdent au bout
de dix jours leur propriété de reviviscence (1). Nous n'affirmons pas
que cette loi soit applicable à tous les rotifères; n'oublions pas que
ceux de M. Pouchet, élevés dans un milieu humide, résistent moins à
l'aclion des hautes températures que les rotifères et les tardigrades
élevés sur des toits exposés au soleil. Il est donc possible que ces
derniers soient capables de résister plus de dix jours à l'action d'une
température de 56° ; mais le fait que nous voulons établir conserve
néanmoins toute sa signiticalion.
Des animaux de même provenance, mis en expérience par M. Pou-
chet, ont perdu leur propriété de reviviscence au bout de quelques
heures sous des températures peu supérieures à 80", et au bout de dix
jours seulement sous une température d'environ 56°. C'est la confir-
mation de la remarque que nous avons déjà faite à l'occasion des
températures plus élevées. Là encore nous voyons la durée du chauf-
fage compenser C abaissement de la température. Mais cette compen-
sation est loin d'être proportionnelle.
Les rotifères, qui peuvent supporter au moins trente minutes la tem-
pérature de 100°, ne résistent pas plus de deux ou trois heures à une
chaleur de 80°.
Ainsi, pour compenser une différence de 20°, il suffit de rendre la
durée du chauffage cinq ou six fois plus longue. D'un autre côté ces
mêmes rotifères, qui ne résistent pas plus de deux ou trois heures à une
chaleur de 80° environ, résistent pendant dix jours à une chaleur de
56°. La différence de température est ici de 24°, c'est-à-dire à peine plus
considérable que dans le premier cas, tandis que la différence de du-
rée est devenue au moins cent fois plus grande. Il ne paraît guère
possible de concilier ces faits avec la théorie qui attribue à la dessic-
cation l'influence nuisible du chauffage. On peut supposer à la rigueur
que la dessiccation soit cinq ou six fois plus rapide à 100° qu'à 80° ,
mais on ne conçoit guère qu'elle soit cent fois plus lente à 56" qu'à 80'.
Puis, quelle est la substance organique qui, réduite en poudre impal-
pable et chauffée en petite quantité , pourrait retenir de l'humidité
jusqu'au dixième jour sous une température de 56°?
(1) Pouchet, Nouvelles expériences sur les animaux pseudo-ressuscf-
TANTS. Rouen, 1860, grand in-8, p. 15.
13?.
La théorie de la dessiccation ne paraît donc pas acceptable, mais il
y a dans les expériences de M. Pouchet des faits incompatibles avec
cette théorie.
Dans une première série d'expériences le terreau fut enfermé dans
des hSiWons exactement bouchés et remplis cVab^ "par faitcment desséché.
L'humidité dégagée du terreau, ne pouvant s'échapper à l'extérieur,
séjourna dans le ballon pendant toute la durée du chauffage.
Dans une seconde série d'expériences, les ballons, d'ailleurs exac-
temetit lûtes, furent tenus en communication avec un appareil à des-
siccation rempli de chaux vive.
Enfin, dans une troisième série d'expériences, les animaux furent
chauffés en contact avec de Cair humide.
La dessiccation a donc été com.plète dans le second cas, très-incom-
plète dans le premier, à peu près nulle dans le troisième. Or, le ré-
sultat a été le même dans les trois cas : la propriété de reviviscence
s'est trouvée anéantie au bout de dix jours de chauffage à S6°. Les
animaux chauffés à sec n'ont résisté ni plus ni moins longtemps
que les animaux chauffés dans l'air humide, et M. Pouchet, en insti-
tuant ces intéressantes expériences, a fourni sans le vouloir un argu-
ment précieux contre la théorie de la dessiccation.
Mais si ce n'est pas la dessiccation qui tue sans retour les animaux
chauffés à K6% quelle est la cause que nous pourrons invoquer pour
expliquer l'inlluence nuisible de cette température suffisamment pro-
longée?
Confinés dans des vases parfaitement clos, placés dans une étuve
sous une chaleur aussi constante que possible (l), soustraits, par con-
séquent, aux effets fâcheux des variations hygrométriques et thermo-
mélriques, les animaux n'ont pu éprouver aucune lésion mécanique.
11 nous semble difficile, dès lors, de ne pas attribuer le résultat de
l'cxpérifnce à l'altération chimique de leurs tissus. On n'est pas ha-
bitué à cette idée que les matières organiques assez sèches pour être
à l'abri de la putréfaction, ou même tout à fait sèches, puissent subir
des altérations chimiques sous des températures inférieures même ;\
celle qui coagule l'albumine en dissolution. Mais les chimistes ont fait
fort peu de recherches sur l'influence de ces températures, et per
(1) Le maximum s'est ('levé à G'2",5, le minimum a été de 54°. Les oscilla-
tions de lempi rature ont donc été de moins de D", cl l)cancoup moins consi-
dérables, par eunséipiiMit, (iiie les oscillations de la teniinTature nalin'elle qui
permettent pourtant aux animaux de conserver leur propriété de reviviscence
pendant j)liisienrs aiméep.
133
sonne, à notre connaissance, n'a essayé de soumettre les principes al-
buminoïdes aux épreuves prolongées que M. Pouchet a fait subir aux
animaux réviviscents.
Personne ne sait donc quelle est la limite inférieure dos tempéra-
tures capables de déterminer à la longue des altérations chimiques
dans les substances organiques chauffées au contact de l'air. Parce
qu'on aura vu ces substances résister pendant quelques heures ou
quelques jours à une température de S6", par exemple, en pourra-t-on
conclure que ces mêmes substances résisteraient aussi bien pendant
plusieurs semaines ou pendant plusieurs mois à cette température oit
même à des températures moins élevées encore? Ne sait-on pas que
certains métaux peu avides d'oxygène, finissent par s'oxyder natu-
rellement ù froidj quoiqu'on soit obligé de les porter à une chaleur de
plusieurs centaines de degrés pour les oxyder rapidement?
Toute cette partie de la chimie qu'on pourrait appeler la chimie des
actions lentes est encore à peu près inexplorée. C'est un immense
champ de recherches que nous prenons la liberté de signaler à l'at-
tention des hommes spéciaux. Jusqu'à ce que ces recherches aient été
faites, jusqu'à ce que toutes les questions que nous avons posées aient
reçu une réponse positive, il sera permis de considérer comme très-
probable que l'épieuve du chauffage, même l'épreuve du chauffage à
des températures irôs-modérées, ne détruit la propriété de reviviscence
qu'en modiliant la constitution chimique des tissus des animaux, lors-
que celle épreuve est dirigée de manière à ne porter aucune atteinte à
l'intégrité de leur constitution anatomique.
L'inégale résistance des diverses espèces d'animaux réviviscents
soit à la durée, soit à l'intensité du chauffage, n'est nullement en op-
position avec cette hypothèse, car il est hors de doute que les diverses
substances alburainoïdes résistent très-inégalement à l'action de la
chaleur, et on peut considérer comme à peu près certain que la com-
position chimique du corps des rotifères n'est pas identique avec celle
du corps des tardigrades ou des anguillules. La propriété de revivi-
scence peut s'éteindre dès qu'un seul tissu, dès qu'un seul principe
immédiat a subi la plus légère altération chimique. La plus légère dif-
férence de composition chimique peut donc rendre Irès-diffèrents les
effets du chauffage.
On conçoit de la même manière ce fait, déjà si souvent indiqué
dans notre rapport, que des animaux de même espèce, mais élevés
dans des milieux différents, résistent inégalement à l'épreuve des
températures, et que, sur cent rotifères de même espèce, de même
provenance, et soumis à la même épreuve, dans la même expérience,
les uns restent plus ou moins réviviscibles, tandis que les autres ont
134
entièromont perdu la propriété fie se ranimer au contact de l'eau. Lps
difîcrcnces individuelles, pour ôlre moins prononcées que les ditfé-
rcnct'S d'espèce à espèce n'en sont pas moins parfaitement réelles.
Les phénomènes chimiques do la putréfaction peuvent se développer
avec une rapidité cxliêinement vaiiable, dans les cadavi es d'indivi-
dus morts le mêmejour et déposés dans le même local, sur deux tables
voisines (I).
Les différences individuelles pouvant exercer une pareille influence
sur la résistance que les tissus opposent ci la putréfaction, on ne sau-
rait s'étonner qu'elles exercent une influence analogue sur la marche
des phénomènes chimiques provoqués par le chauffage des rotifères.
Nous pouvons maintenant jeter un coup d'œil d'ensemble sur les
trois séries d'expériences que nous venons d'étudier séparément.
M. Pouchet en avait formé un faisceau que nous avons dû briser, parce
que la théorie qui les enchaînait Tune à l'autre se trouvait renversée
par les résultats de nos expériences.
Dès le moment que la dessiccation la plus parfaite ne détruisait pas
nécessairement la propriété deréviviviscence, les dangers de l'épreuve
de l'exposition à l'air libre, -de l'épreuve du temps et de l'épreuve du
chauffage ne pouvaient plus être attribués au fait pur et simple de la
dessiccation. Il fallait donc chercher ailleurs le mode d'action de ces
trois épreuves. N'ous avons essayé de le faire sans nous dissimuler
que dans l'état actuel de la science il nous manquait trop d'éléments
pour arriver à une solution définitive.
Les faits que nous nous efforcions d'expliquer étaient établis par
des expériences sufiisammi^nt certaines; mais ces faits étaient trop
peu nombreux; ils ne formaient pas une série continue; nous ne con-
naissions qu'une partie, et la plus petite partie, des conditions maté-
rielles propres à maintenir, à compromettre ou à anéantir la propriété
(1) Ces di/Térences dépendout souvent de la naliirc des maladies qui ont
déterminé la mort; mais elles s'observent aussi chez les individus morts de
mort violente au milieu delà santi'; la plus parfaite. Une centaine de cadavres
provenant pour la plui)art de la barricade du Petit-Pont furent déposés le '23
juin 1848 dans la salle des morts de l'Hôtcl-Dieu. Le "5 juin je fus chargé de
présidera rembaumemeiU de ces corps qu'on ne pouvait encore transporter
au cimetière, et qui commençaient à exhaler de l'odeur. Beaucoup étaient déjà
dans un état de putrélactiou avancée, taudis ([u'un certain nombre n'ofTiaicut
absolument aucun indice de putréfaction.
135
de reviviscence. Nous n'avions que des renseignements très-incom-
plets sur la limite extrême de la résistance des animaux aux diverses
épreuves.
Les expériences faites jusqu'à ce jour ne nous fournissaient donc
que quelques jalons, et en passant de l'un à l'autre nous courions
risque de nous égarer plus d'une fois. Mais ce n'était que la moindre
des difficultés semées sur notre route. A défaut des notions qu'aurait
pu nous fournir une série complète de faits pliysîoiogiqucs relatifs
aux animaux réviviscents, nousavons dû faire appel aux connaissances
acquises sur les conditions physiques et chimiques capables d'altérer
ou de conserver l'état moléculaire des matières organiques, et l'on a
vu combien la science est en défaut sur ce point. Les phénomènes
chimiques de cet ordre sur lequel nous pouvions nous baser, étaient
moins nombreux et plus incertains encore que les phénomènes phy-
siologiques dont nous cherchions à découvrir les causes, et nous
étions sans cesse exposés à expliquer obsciirum per obscurius.
Nous n'avons pas cru devoir pour cela renoncer à toute tentative
d'explication. La nécessité d'établir une théorie de la reviviscence ne
peut échapper à aucun de ceux qui étudient la nature des phénomènes
vitaux, qui se demandent si la vie est un effet ou une cause, un ré-
sultat ou un principe d'action. L'importance d'un pareil but est assez
considérable pour exciter le zèle des expérimentateurs. Nous avons
voulu leur signaler les lacunes de la science, attirer leur attention sur
les points douteux ou inconnus, et donner un but déterminé aux
recherches qu'on pourra entreprendre pour confirmer ou infirmer no-
tre opinion sur la nature du phénomène de la reviviscence.
En attendant que l'expérimentation ultérieure ait multiplié et étendu
nos connaissances sur ce sujet, nous pensons que l'ensemble des faits
connus jusqu'à ce jour permet de considérer la réviviscibilité comme
une propriété inhérente à la matière organisée, et aussi permanente
ni plus ni moins que l'état moléculaire dont elle dépend. Il nous pa-
raît dès lors que le phénomène de la reviviscence rentre dans la caté-
gorie des phénomènes dont les conditions sont soumises aux lois de la
physique et de la chimie pures.
Cette conclusion se présente naturellement à l'esprit lorsqu'on songe
que la dessiccation complète laisse persister la propriété de reviviscence .
Là où l'eau fait entièrement défaut^ la vie parait tout à fait impossible ;
et là où il n'y a plus de vie, la matière devenue inerte ne peut être
modifiée soit dans sa constitution, soit dans ses propriétés, que par
les agents physiques ou chimiques.
Mais on pouvait objecter contre cette doctrine que la révivitcibihté
s'éteint dans des conditions qui, au premier abord, ne semblent pas
136
de nature à modifier les matières organiques. Des épreuves qui, com-
parées il celle du chaufïage à 100", paraissent tout à fait inoffensives,
l'épreuve de l'exposition à l'air libre, la simple épreuve du temps, en-
lèvent aux animaux leur propriété de reviviscence, et le môme résultat
est produit au bout d'un temps plus ou moins court par des tempéra-
tures sèches bien inférieures à celles qu'on emploie généralement pour
décomposer les substances organiques.
Nous avons dû nous demander, par conséquent, si ces diverses
épreuves étaient réellement sans action sur les principes immédiats
et notamment sur les substances albumiuoïdes semblables ou ana-
logues à celles dont se composent les corps des animaux réviviscenls.
Nous croyons avoir montré, par quelques exemples particuliers, que
certains principes immédiats subissent dans ces conditions des allé-
rations plus ou moins graves, consistant soit en un changement d'é-
tat, soit en un changement décomposition atomique, et accompagnées
dans les deux cas, d'un changement de propriétés.
Dès lors, quoique la composition chimique des corps réviviscents
n'ait pas encore été exactement déterminée, les résultats des épreuves
auxquelles ces corps ont été soumis se concilient parfaitement avec
les faits connus de la chimie organique.
Ainsi, deux doctrines sont en présence. Le phénomène de la revivis-
cence est un phénomène vital, ou bien c'est un phénomène indépen-
dant de la vie, et dépendant exclusivement de l'état matériel des
corps.
La première doctrine est en opposition absolue avec les résultats de
l'épreuve de la dessiccation.
La seconde doctrine, au contraire, n'est en opposition avec aucun
fait connu; elle permet d'expliquer non-seulement les résultats de l'é-
preuve capitale de la dessiccation, mais encore ceux des autres
épreuves. Elle découle directement de certaines expériences, et elle se
concilie très-bien avec toutes les autres.
Il y a donc des raisons décisives qui doivent faire rejeter la pre-
mière. Il n'y en a aucune qui puisse empêcher d'accepter la seconde;
et celle-ci, reposant d'ailleurs sur des faits bien positifs, nous paraît
devoir être admise, dans l'état actuel de la science, comme l'expression
de la vérité.
EiN RESUME :
1° Les animaux dits ?x'yiyi5ccnis sont ceux qui peuvent être ranimés
par l'huniectution après avoir perdu, par suite d'une dessiccation plus
137
ou moins complète, toutes les apparences, toutes les manifestations
de la vie.
2" Lorsqu'ils sont plongés dans un milieu humide, ils vivent comme
les animaux ordinaires, ils ne s'en distinguent par aucun caractère
anatomique ou physiologique, et ne peuvent alors supporter sans périr
définitivement une température supérieure à 50".
3° Lorsqu'ils ont été privés de toutes les apparences de la vie par
une dessiccation naturelle à l'air libre, ils peuvent supporter des tem-
pératures beaucoup plus élevées, sans perdre leur propriété de revi-
viscence.
4" Ils peuvent alors subir de brusques changements de température,
et franchir foM^ à coup un intervalle de près de 100" (de — 17-6 à + 78°)
sans perdre leur propriété de reviviscence. (Pouchet, exp. X.)
5" Les procédés les plus parfaits de dessiccation artificielle à froid
ne suffisent pas toujours pour enlever à ces animaux leur propriété de
reviviscence.
6° Leur résistance aux températures élevées paraît s'accroître d'au-
tant plus qu'ils ont été plus complètement desséchés d'avance.
7° Toutes les espèces réviviscentes ne résistent pas au même degré
à la dessiccation artificielle et aux températures élevées.
8° Des animaux de la même espèce, suivant le milieu où ils ont été
élevés, peuvent présenter sous ce rapport des différences très-consi-
dérables; ceux qui ont vécu dans un milieu habituellement humide
résistent moins que ceux qui ont vécu dans un milieu habituelle-
ment sec.
9° Les anguillules des tuiles perdent leur propriété de reviviscence
plus aisément que les tardigrades et les rotifères ; et ceux-ci paraissent
doués d'une résistance supérieure à celle des tardigrades.
10" Nous avons vu une grosse anguillule, chauffée pendant trente
minutes à 78° dans fétuve de M. Pouchet, se ranimer après l'hu-
mectation. (Exp. XI.)
11" Les tardigrades émydiums, et surtout les tardigrades macro-
biotes, ont pu se ranimer après avoir subi pendant cinq minutes une
température de 98" dans l'étuve de M. Doyère. (Exp. VI et VII.)
12° Les rotiières peuvent se ranimer après avoir séjourné quatre-
deux jours dans le vide sec, et subi immédiatement après pendant
trente minutes une température de 100". (Exp. XXI.) Par conséquent,
des animaux desséchés successivement à froid et à chaud, et parvenus
au degré de dessiccation le plus complet qu'on puisse obtenir, dans
l'état actuel de la science, sans décomposer les matières organiques,
peuvent conserver encore la propriété de se ranimer au contact de
l'eau.
138
13° L'exposition prolongée ù l'air libre consliluc pour les animaux
réviviscenls une épreuve très-dangereuse et détruit en peu de mois
leur propriété de reviviscence.
14" Ce résultat ne peut être attribué à la dessiccation, puisque des
corps desséchés à l'air libre et à la température naturelle ne peu-
vent être considérés comme plus secs que les mômtis corps desséchés
artificiellement d'abord à froid, puis à chaud, aussi complètement
que possible.
15° Les dangers de l'épreuve de l'exposition à l'air libre, ne pou-
vant être attribués au fait de la dessiccation, dépendent selon toutes
probabilités des altérations matérielles que font subir aux corps des
animaux révivisccnts les variations continuelles de la température et
surtout de l'humidité atmosphérique.
16" Les animaux déposés dans des boîtes, protégés par une couche
épaisse de mousse ou de terreau, ou soustraits d'une manière quel-
conque à l'action directe de l'air extérieur, conservent leur propriété
de reviviscence beaucoup plus longtemps que les animaux exposés
directement aux vicissitudes atmosphériques. Néanmoins, dans ces
conditions, ils cessent d'être réviviscibles au bout d'un certain nom-
bre d'années.
17" La limite du temps pendant lequel ils conservent ainsi leur
propriété de reviviscence, est très-variable. Elle peut s'élever jus-
qu'à onze ans au moins pour les rotifères, jusqu'à vingt-huit ans an
moins pour les anguillules du blé niellé. (Voy. p. 110 et p. lia.)
18" Les dangers de l'épreuve du temps ne pouvant être attribués au
faitde la dessiccation, dépendent, selon toutes probabilités, des altéra-
tions physiques ou chimiques que subissent à la longue les tissus et
les principes immédiats des corps réviviscents.
19» Dans l'épreuve des températures élevées, la durée du chauffage
n'est pas moins importante à considérer que l'intensité du chauffage.
20" La limite inférieure des températures que les rotifères peuvent
supporter indéfiniment sans perdre leur propriété de reviviscence
est encore indéterminée. 11 parait résulter, d'une expérience de
M. Pouchet, que celte limite est inférieure à 56°. (Voy. p. 131 et 152.)
21° La limite supérieure des températures que les rotifères peuvent
supporter quelques instants sans perdre leur propriété de revivis-
cence est encore indéterminée. Il parait résulter, d'une expérience
de M. Doyère, qu'elle est égale ou supérieure à 125". (Voy. p. 50.)
22" La températuie de l'ébullition de l'eau est aisément supportée
pendant cinq minutes par les rotifères et les tardigrades, préaUi-
hlcmcnt desséches à froid (Ex|). VI et Vil); cette même température,
prolongée pendant trente minutes, a anéauti chez tous nos tai'di-
130
grades et chi'z la plupart de nos lutiiôres la propriété de reviviscence
(Exp. XIX, XX et XXI). Il est extrêmement probable que, prolongée
plas longtemps encore, elle aurait anéanti celle propriété chez tous
les animaux.
25" Certaines matières organiques, préalablement desséchées, se
comportent à cet égard comme les animaux réviviscents; elles
peuvent supporter quelque temps sans altération la température de
î'ébuUition qui, prolongée plus longtemps, altère soit leurs propriétés,
soit leur composition chimique; mais, chaufïées au contact de l'eau
ou de la vapeur d'eau, elles ne peuvent supporter, même pendant
quelques instants, la température de I'ébuUition, sans subir des alté-
ratioQS irréparable-'.
24" Tout permet de croire que l'épreuve du chauffage, convenable-
ment dirigée, ne porte atteinte à la propriété de reviviscence des
rotilères qu'en portant atteinte à la composition chimique de leur
corps.
25° La propriété de reviviscence des rotifères paraît aussi perma-
nente ni plus ni moins que la matière organisée à laquelle elle ap-
partient.
CONCLUSION DE LA COMMISSION.
Le travail qui précède est naturellement, comme tous les rapports,
l'œuvre du rapporteur. Mais la conclusion suivante a été rédigée en
séance et adoptée à l'unanimité par la commission, qui prend d'ail-
leurs sous sa responsabilité l'exactitude des expériences consignées
dans le rapport :
« La résistance des tardigrades et des rotifères aux températures
« élevées paraît s'accroître d'autant plus qu'ils ont été plus complé-
« tement desséchés d'avance. Les rotifères peuvent se ranimer après
« avoir séjourné quatre-vingt-deux jours dans le vide sec et subi im-
« diatement après une température de 100" pendant trente mi-
« nutes. Par conséquent, des animaux desséchés successivement à
« froid dans le vide sec, puis à 100" sous la pression atmosphérique,
« c'est-à-dire amenés au degré de dessiccation le plus complet qu'on
« puisse réaliser dans ces conditions et dans l'état actuel de la science,
« peuvent conserver encore la propriété de se ranimer au contact de
« l'eau. »
Balbiani, Berthelot, Broca, Brown-Séquard,
Dareste, Gl'illemin, Robin.
ÉTUDE
SUR L'ICTÈRE
DÉTERMINÉ
PAR L'ABUS DES BOISSONS ALCOOLIQUES,
Mémoire lu à la Société de biologie
Par le Docteur E. LEUDET,
Professeur titulaire de clinique médicale à l'Ecole de médecine de Rouen,
médecin en chef de l'Ilotel-Dieu, etc.
L'influence fâcheuse exercée par l'abus répété des alcooliques sur le
foie est admise, surtout en Angleterre et en Allemagne ; chez nos voi-
sins d'outre-Manche, cette opinion est adoptée au point qu'on désigne
presque indistinctement sous le nom de cirrhose et de foie des buveurs,
l'altération que nous connaissons plus spécialement en France sous le
nom de cirrhose. Cette manière de voir est formellement émise dans
un ouvrage justement classique, celui de Budd (Diseases of the
LivER, p. 141, 2* édit.). Bamberger (Virchow's Handruch der Patho-
logie, V. VI, p. 566, 1855) est au moins aussi positif que les auteurs
anglais. « La relation de cause à effet entre la cirrhose ou inflammation
interstitielle du foie est établie d'une manière si certaine, dit-il, qu'on
ne peut élever aucun doute à cet égard, » et plus loin il dit avoir
pu rapporter dix fois sur trente-quatre la cause première de la cir-
rhose à l'abus des alcooliques. M. Lebert ( Handruch der Praktisches
Medicin, V. I, p. 440, 1858) ne rejette pas cette origine de la cirrhose.
Falck (Virchow's Handr. der Pathologie, v. II, p. 302, 1855 } ,Frerichs
(Klinik der Lederkrankheiten, V. I, p. 293, etc., 1858), Bamberger
(/oc. aV.), décrivent comme se développant consécutivement à l'ac-
\n
lion prolongée dos alcooliqnes, une série de métamorphoses pallio-
logiques du foie, depuis ce que l'on a nommé le foie muscade jusqu'au
foio gras et à la cirrhose. J'ai cité ici les renseignements les plus posi-
tifs contenus dans les œuvres de nos confrères étrangers ; ces opinions
sont loin d'être purement dogmatiques, elles s'appuient sur des résul-
tats cliniques et anatomo-pathologiques de la plus grande valeur.
En France, la plupart de nos auteurs classiques sont loin d'être aussi
positifs relativement au rapport de cause à effet; cependant il semble
que chaque jour cette opinion compte plus de partisans.
Placé, comme je le dirai plus loin, à la tète d'un grand service de
médecine, dans une localité où les abus alcooliques sont malheureu-
sement trop fréquents, j'ai été frappé d'observer quelques faits qui me
paraissent, sous une autre forme, prouver l'action nuisible des alcoo-
liques sur le foie, non plus d'une manière lente comme dans la cir-
rhose, mais d'une manière rapide. La maladie du foie que j'ai observée
est aigué els'accompagne d'ictère. Je ladésignoici sous le nom d'ictère
aigu des ivrognes, choisissant cette dénomination pour ne pas préju-
ger de lanature de la maladie, mais loin de vouloir prétendre que l'hé-
patite aiguë des ivrognes n'existe pas souvent sans ictère.
L'ictère à la suite des excès alcooliques n'est pas môme mentionné
par la plupart des auteurs ; d'autres expriment leur doute sur la réa-
lité de la relation de causalité énoncée ; quelques-uns, au contraire,
sans admettre l'ictère comme fréquent, en citent cependant des exem-
ples, et surtout quelques cas de la forme maligne : tel est le fait de
Horaczt'k (Die Gallige Dyskp.asie), sur lequel je reviendrai plus loin.
M. Fauconueau-Dufresne (PuÉcis des maladies du foie et du pancréas,
p. 152, 185G) range également l'abus des boissons alcooliques au
nombre des causes de l'hépatite aiguë. M. Beau (Mémoire sur l'appa-
reil SPLÉNO-lIÉPATIQUE , ARCHIVES (GÉNÉRALES DE MÉDECINE, Sér. IV,
V. XXVI, p. 31, 185G) a insisté, après un exposé physiologique des plus
intéressants, sur l'influence des ingesta sur l'hépalalgie avec conges-
tion du foie avec ou sans ictère.
Le sujet que j'aborde est donc encore peu riche en démonstrations
cliniques; c'est ce qui m'a engagé à m'en occuper. Je crois pouvoir
établir que l'abus des boissons alcooliques occasionne, dans des cir-
constances que je préciserai plus loin, des accidents aigus du côté du
Iule et de l'estomac; que ces accidents ne sont pas purement nerveux,
mais bien d'origine inflammatoire ; en un mol, que l'ictère des ivrognes
existe comme conjéqiience d'une liépalîle légère et d'une gastrite ai-
guë ou d'une exacerbation aiguë de la phlegmasio stomacale dans le
cours d'une inflammalion chronique.
Comme introduction à l'élude de cet accident morbide, je transcris
immédiatement une de mes observations.
INGESTION d'un VERRE d'ALCOOL TRÈS-CONCENTRÉ. IVRESSE DE TROIS JOURS
DE DURÉE; ACCIDENTS GASTRIQUES SÉRIEUX; ICTÈRE DÉBUTANT SIX JOURS
APRÈS l'excès. ADTNAMIE; MORT. ULCÈRES DE L'eSTOMAC; ATROPHIE AI-
GUË DU FOIE.
Obs. I. — Gantais (Adolphe), âgé de 39 ans, tonnelier, entre le 2G décembre
1858 à i'hôtel-Dieu de Rouen dans mou service, salle V, n" 9, D'une taille
ordinaire, muscles bien développés. Gantais a travaillé quelques années dans
des tilatures de coton et dans des teintureries, et depuis vingt ans sans inter-
ruption comme tonnelier; il ne se rappelle qu'une maladie grave il y a trois
ans environ, variole qni a laissé quelques cicatrices sur le nez et fut suivie
d'un abcès à la fesse; depuis de longues années il fait habituellement un
grand abus des boissons alcooliques, mais n'en a jamais ressenti de graves
inconvénients du côté de l'appareil digestif ou du système nerveux. L'état
d'adynamie de Gantais au moment de son admission à l'Hôtel-Dieu, m'a em-
pêché de m'assurer, par un interrogatoire très-répété, s'il n'avait eu en réalité
aucun accident gastrique, même léger.
Il y a sept jours Gantais prit par erreur un grand verre d'alcool concentré,
de trois-six, qu'il croyait être du vin blanc. Celte ingestion ne fut suivie
d'aucune sensation de brûlure dans le tube digestif, il tomba presque immé-
diatement dans un état d'ivresse profonde qui ne dura pas moins de trois
jours, et ne peut donner aucun renseignement sur les symptômes qu'il pré-
senta pendant ce laps de temps. Depuis cette époque jusqu'au jour de l'en-
trée, il a toujours éprouvé les mêmes accidents. Anorexie complète, impos-
sibilité absolue de supporter aucun aliment ou aucune boisson sans les re-
jeter immédiatement; vomissements aqueux et bilieux; douleur dans le
ventre, mais non limitée à l'épigastre ; l'iclère n'a été remarqué que le ma-
tin du 2G décembre.
Ce même jour, dans la soirée, je trouve Gantais dans l'état suivant: ady-
namie; intelligence parfaite; coloration ictérique très-marquée de la peau et
des muqueuses, sans prurit; diminution des vomissements depuis le matin;
douleur spontanée dans tout l'abdomen augmentée par la pression à l'épi-
gastre et au niveau de l'hypogastre droit; pas de raétéorisme, pas de selles
dans la journée ; Gantais n'avait pas de diarrhée depuis l'excès alcoolique. Le
foie ne se sent pas au-dessous des fausses côtes. Langue un peu rouge, hu-
mide; soif incessante. .Aucun phénomène pathologique n'est noté dans les
144
autres organes. Pouls de 92-%; sans chaleur de la peau. (Une bouteille deau
de Sedlitz suivie de plusieurs vomissements et de sept à huit selles qui n'ont
rien pri'senté de particulier, mais que je n'ai pas vues.)
21 au matin. Âdynamie plus marquée; coloration ictérique d'un jaune ver-
dâtre; âdynamie plus marquée; pas de vomissements depuis la veille. Mêmes
symptômes. (Six sangsues à l'anus; gomme sucrée; eau albumineuse;
bains.)
Mort le 28 décembre au matin.
Examen du cadavre vingt-deux heures après la mort. Pas de traces de
putréfaction; cerveau et méninges sains; pas d'injection anormale ni d'aug-
mentation du liquide intraventriculaire. Pas d'adhérence des deux feuillets
des plèvres ; dilatation emphysémateuse des deux poumons à leur sommet
et à leur face antérieure; tissu pulmonaire partout sain, crépitant. Pas d'é-
panchement dans le péricarde; quelques petites ecchymoses sous-séreuses
à la partie antérieure du ventricule droit ; les muscles du cœur offrent une
teinte légèrement jaunâtre sans dégénérescence graisseuse à l'examen mi-
croscopique; rougeur uniforme par imbibition de toutes les cavités du cœur
dont les parois et les orifices ont leurs caractères normaux ; même teinte
rougeâtre de la membrane interne de l'aorte et des gros vaisseaux.
Pas d'épanchement dans le péritoine; aucune injection des divers feuillets
de cette membrane séreuse. L'estomac était petit, rcveni; sur lui-même et
présentait de nombreux plis d'amplialion dirigés dans le sens du plus grand
axe du viscère ; la muqueuse était d'une teinte généralement grisâtre, un
peu ardoisée, mamelonnée et épaissie, fournissant des lambeaux très-petits;
sur le sommet des plis d'amplialion on remarquait au moins une vingtaine
de petits ulcères ayant un demi à 1 centimètre de longueur, ovoïdes, à bords
jaunâtres, nullement décollés, taillés à pic et n'intéressant pas toute l'épais-
seur de la muqueuse; les bords étaient un peu jaunâtres et présentaient de
petits caillots sanguins dans beaucoup d'endroits ; à leur circonférence, de
nombreux vaisseaux capillaires entouraient comme d'une auréole irisée cha-
cune des pertes de substance. La tunique musculaire semblait un peu épais-
sie. L'estomac était vide. Des ulcères analogues existaient dans le tiers infé-
rieur de l'œsophage, et quelques-uns également dans le duodénum. Le tiers
supérieur de la muqueuse de l'intestin grêle était ramolli, avec de larges
plaques de vaisseaux arborisés par place, son contenu était d'un jaune gri-
sâtre perle; dans les deux tiers inférieurs et dans la moitié supérieure du
gros intestin, les matières contenues représentaient un magma noirâtre qui
ne se mêlait ni à l'eau ni avec les acides, mais avec l'alcool et ne fournissait
aucune couleur verdâtre quand il était mis au contact de l'acide nitrique;
la muqueuse était dans toute celte étendue très-ramollie, mais sans ulcères.
Le foie est moins volumineux au moins d'un tiers que dans l'état normal;
il est mou, décoloré par places, et présente de petits points d'une couleur
145
légèrement jaunâtre dans lesquels l'examen microscopique fait à peine re-
connaître quelques cellules hépatiques très-granulées et beaucoup de magma
amorphe ; le foie est du reste peu congestionné. Canaux biliaires et vésicules
sans altération, non oblitérés jusque dans le duodénum; bile noirâtre peu
abondante. Veine porte saine, de môme que la raie et les reins.
J'ai rapporté cette observation dans tous ses détails, parce qu'elle
présente un exemple de la forme la plus grave de l'ictère aigu consé-
cutif à l'abus des alcooliques; je remarque surtout que chez ce ma-
lade il existait une prédisposition aux accidents gastro-intestinaux, à
cause des abus alcooliques habituels. Ce renseignement obtenu de la
bouche du malade est vérifié à l'autopsie par les preuves anatomiques
d'une phlegmasie chronique de la muqueuse stomacale. Cependant
on aurait tort, je crois, de ne pas distinguer dans les lésions que je
viens de décrire deux ordres d'altérations, les unes chroniques, les
autres aiguës. En effet, les ulcères ne présentent pas les caractères de
la forme chronique lente ; les bords jaunes avec dépôts sanguins, l'in-
jection périphérique, l'étendue môme de la lésion ulcéreuse déposent
en faveur d'une recrudescence aiguë. La cause à laquelle je cherche
à rapporter ces lésions était bien suffisante pour les produire; en effet,
l'ingesta était une quantité considérable d'alcool concentré ; son in-
gestion ne fut suivie, il est vrai, d'aucun accident suraigu, mais je
peux dire ici, ce que je prouverai plus loin avec beaucoup d'observa-
teurs, que l'intensité des lésions dans les gastrites toxiques n'est pas
en rapport direct avec l'intensité des accidents éprouvés pendant la
vie. Ces accidents furent cependant assez intenses pour causer au
malade un état de souffrance permanent qui dura jusqu'à l'ictère ter-
miné en deax jours par la mort. Cette apparition tardive de l'ictère
n'est du reste pas exceptionnelle, et je la montrerai dans d'autres cas
d'empoisonnement alcoolique aigu, et, en outre, dans d'autres em-
poisonnements, comme je l'ai déjà fait remarquer dans un autre tra-
vail. {Mémoire sur Cempoisoiinement par la pâte pfiosphorée des allu-
mettes cldmiqucs^ AucHiv. GÉN. DE MÉD., sér. V, vol. IX, p. 308.)
Après avoir rapporté cette observation, je donnerai un court résumé
d'une observation analogue de Horaczek (Die gallige Dyskuasie) rap-
portée dans le mémoire do Lebert sur l'ictère typhoïde. (Virchow's
ARCHIV. fur PATHOL. AXAT., Vûl. Vllï, p. 1G8, 185't.)
MÉM. 10
146
HÉPATITE AVEC ICTÈUE; COMPLICATION DE PHRENITIS POTATORUM; VOMISSE-
MENTS, MORT LE TREIZIÈME JOUR. RAMOLLISSEMENT DU CEIWEAU AVEC
HYDROCÉPHALE AIGU; ATROPHIE DU FOIE; RATE GROSSE ET FRAGILE; RA-
MOLLISSEMENT DE LA MUQUEUSE DE l'ESTOMAC ET DE L'INTESTIN.
Obs. 11. — L. K., âgé de 47 ans, abusait habituellement des alcooliques de-
puis deux ans. Après un excès de ce genre, il se sentit abattu, tourmenté de
douleurs dans les membres analogues à celles qu'il avait éprouvées dans des
attaques antérieures de rhumatisme ; dans le but de les diminuer le malade
but une certaine quantité de vin nouveau, le lendemain il ne sentit pas sou-
lagé, mais vomit plusieurs fois un liquide bilieux. Malgré un malaise continu,
des frissons erratiques et un ictère commençant, L. K. se traîna encore une
semaine. Le malade boit de nouveau du vin; douleurs de tète; dans l'esto-
mac, dans la région du foie; mort avec des accidents cérébraux. On trouva à
l'autopsie les lésions que les Allemands attribuent à l'ictère aigu, un ramol-
lissement de la muqueuse de l'estomac et de l'intestin.
Ces deux observations présentent sous leur forme la plus grave
l'ensemble des accidents de l'iclère aigu des ivrognes; je me hâte
d'ajouter que cette forme est heureusement la plus rare, et que dans
la majorité des cas l'ictère aigu des ivrognes ne se termine pas im-
médiatement par la mort.
La coloration morbide de la peau ne se manifeste pas en gi5néral
immédiatement aprè=; l'excès, fait que démontrent les sept observa-
tions que j'ai pu recueillir. L'abus des alcooliques est, dans quelques
cas, suivi d'accidents gastriques intenses (obs. 1) ; ce sont des vomis-
sements incessants, provoqués par l'ingestion de toutes les boissons,
une anorexie complète, une douleur plus ou moins vive à l'épigastre,
avec malaise marqué, impossibilité d'exécuter aucun travail ; plus
souvent ces accidents gastriques sont beaucoup moins prononcés et se
bornent à des douleurs épigastriqucs sourdes avec ou sans vomisse-
ments. L'action nuisible du premier excès est souvent entretenue par
une persistance dans l'abus des boissons. Le fait suivant rentre dans
cette catégorie.
Anus CONSIDÉRABLE DES BOISSONS ALCOOLIQUES PENDANT PLUSIEURS JOURS;
DOULEURS ÉPIGASTRIQUES, ANOREXIE; RECRUDESCENCE DES ACCIDENTS GAS-
TRIQUES, ICTÈRE, GUÉRISON.
Obs. III. — Yardon (Adolphe), âgé de 24 ans, chargeur, d'une taille élevée,
muscles bien développés, entre le 27 mai 1859 à l'Hûlel Dieu de Houen,
147
salle IX, n» 16, dans ma division. Habituellement d'une bonne santé, Vardon
commet fréquemment des excès alcooliques; mais n'a jamais eu d'accidents
gastriques, nerveux aigus ou chroniques ou d'ictère. 11 y a près d'un mois
Vardon, dans le but de s'assurer, dit-il, de la guérison radicale d'une blen-
norrliagie contractée deux mois auparavant, but pendant quatre jours un
litre d'eau-de-vie chaque jour. Il ne parait pas avoir été dans un état d'i-
vresse très-prononcée; malgré cet excès, il continua à travailler, mais a
soufTert depuis constamment et sans interruption de douleurs sourdes épigas-
triques avec nausées, sans diarrhée. Pendant ce temps, Vardon continua en-
core à boire de l'eau- de-vie, sans excès, dit-il, mais en assez grande abon-
dance. Huit jours avant l'entrée à l'Hôlel-Dieu, sans cause connue recrudes-
cence des douleurs épigastriques, inappétence absolue, quelques vomisse-
ments de substances ingérées et même bilieux ; absence de diarrhée ; malaise,
abattement, céphalalgie- Vardon ne croit pas que l'ictère ait débuté avant le
25 mai. Venu à la consultation externe de l'Hôtel-Dieu, le malade prit un pur-
gatif qui provoqua plusieurs selles et des vomissements et fut suivi d'une
recrudescence de douleurs épigastriques.
Le soir de l'entrée, Vardon présentait une teinte ictérique verdâtre très-
prononcée de la peau et des muqueuses; abattement, céphalalgie, étourdis-
sements dans la station ; douleur épigastrique, obtuse, augmentant par la
pression ainsi qu'au niveau de l'hypocondre droit où l'on constate un déve-
loppement léger du foie. Langue un peu blanche, légèrement rougeâtre à la
pointe et sur les bords. Pouls à 46, pas de chaleur de la peau. (Gomme sucrée,
bain alcalin ; une portion.)
Le 29, les accidents demeurent les mêmes. J'ordonne six sangsues au creux
épigastrique, un lavement purgatif, une portion de légumes verts.
: Le 30, un purgatif administré^ 20 grammes d'huile de ricin^ est rejeté par
le vomissement. Pouls de 42-44.
Du 30 mai au 2 juin, moins de douleur à l'épigaslre et au niveau du foie,
pas de vomissements, selles rares; mêmes étourdissemenls. Pouls de 40-42.
(Magnésie, 4 grammes.)
Du 4 au 7 juin, diminution graduelle de l'ictère qui a disparu le 9; on
constate néanmoins encore un peu de matière colorante de la bile dans l'u-
rine en l'essayant au moyen de l'acide nitrique.
Les douleurs épigastriques ont complètement cessé ainsi que le malaise,
la céphalalgie et les vertiges, Vardon quitta l'Hôtel-Dieu le 12 juin 1859.
Malgré la dislance assez considérable qui sépare l'apparition de l'ic-
tère de l'époque où l'excès alcoolique eut lieu, j'ai cru néanmoins
devoir attribuer la coloration morbide de la peau à cette cause, en eflet
la santé de Vardon, toujours bonne jusqu'alors, fut constamment al-
148
lérée depuis celle (jpociue, c'est ce que j'ai pu conslaler aussi dans
tous les aulres fails observés. L'abus exagéré de l'alcool était suivi
dans plusieurs cas d'un malaise peu grave analogue à celui que je
viens de décrire, puis, au boul d'un temps variable dans le cours de
cet état valétudinaire caractérisé surtout par de la dépression des
forces, de la céphalalgie, de l'anorexie, quelques vomilurilions, on
voyait se manifester une recrudescence de ces mêmes accidents, des
douleurs épigastriques plus intenses, des vomissemenls ou des symp-
tômes morbides étrangers à l'appareil digestif, des étourdissements,
des vertiges assez intenses pour empêcher la marche, des syncopes.
Dans quelques cas, il se manifeste simultanément quelques-uns des
accidents habituels de l'alcoolisme chronique éprouvés antérieurement
par les malades, des douleurs erratiques dans les muscles, des trem-
blements musculaires, etc.
DE l'ictère et des SYMPTÔMES MORBIDES QUI SE MANIFESTENT
DANS SON COURS.
L'ictère aigu des ivrognes présente peu de caractères spéciaux. Chez
tous les malades que j'ai observés, il y avait principalement à noter
l'intensité de la couleur mobide de la peau et des muqueuses ; celte
couleur atteignait presque la teinte vcrdâtre et pouvait être comparée à
celle qu'on observe dans les cas où l'ictère reconnaît pour cause une
oblitération complète des canaux efférents de la bile. Comme dans
l'ictère ordinaire symptomatique ou idiopathique, la matière colorante
peut apparaître dans l'urine avant de se manifester à la peau ; c'est
aussi dans les urines qu'elle persiste le plus longtemps. L'ensemble de
phénomènes le plus remarquable est le trouble du système nerveux
qui apparaît en même temps que l'ictère; dans quelques cas c'était
un délire calme alternant avec le coma, comme on l'observe souvent
dans les maladies du foie, plutôt qu'un délire violent avec agitation,
insomnie et hallucinations, tel qu'on l'a noté dans le deliriuni tremens ;
plus souvent les malades accusaient une dépression considérable du
système nerveux, des étourdissements, des vertiges, rendant la station
impossible, et allant même dans un cas jusqu'à produire la syncope.
L'état du pouls était en rapport avec cet alTaiblissement : ainsi j'ai
constaté plusieurs fois qu'il ne battait que ''lO ù 4i fois par minute;
dans plusieurs cas il était au-dessous de GO, et jnmais il ne s'cpt élevé
149
au-dessus de 96. La peau n'a jamais présenté la chaleur vive qu'ac-
compagne l'état fébrile.
Les douleurs éprouvées dans l'estomac cl dans la région du foie
n'ont jamais été très-vives, et cela n'étonnera pas ceux qui savent que
la muqueuse gastrique peut être le siège de lésions profondes sans
que le malade accuse de vives douleurs au niveau de ce viscère, té-
moin dans beaucoup de cas de gastrite toxique. Cette absence de sen-
sibilité se remarque surtout dans les cas où il y a une sédation mar-
quée, occasionnée soit par Faction de la substance toxique ingérée,
soit par une autre cause quelconque. Ces deux conditions se rencon-
trent ici, car les excès alcooliques laissent souvent à leur suite, quand
ils sont immodérés, une adynamie profonde, qu'augmente encore
l'ictère grave dont la dépression du système nerveux est un des sym-
ptômes les plus habituels.
J'ai signalé à plusieurs reprises la douleur spontanée ou provoquée
par la pression dans la région de l'hypocondre droit; celte douleur
n'était jamais très-vive, mais cependant existait dans presque tous
les cas, elle coïncidait chez plusieurs malades avec une augmentation
du volume de la glande hépatique, jamais considérable il est vrai,
cependant appréciable chez un malade (ob?. I). Cette augmentation du
volume du foie n'existait pas, et l'autopsie permit de constater une
atrophie de l'organe. Ces deux symptômes, la douleur et l'hypertro-
phie, sont im|)orlant3 à noter, ils me semblent démontrer que l'ictère
n'était pas purement nerveux, sympathique, comme on l'a noté dans
quelques cas d'embarras gastrique, mais qu'il était bien sous la dé-
pendance d'un élat congestionnel du foie. Ce symptôme, quand il se
produit rapidement, n'est pas toujours, à beaucoup près, accompagné
d'ictère; l'hypertrophie du foie apparaît quelquefois dès le début dans
le cours des accidents gastriques aigus qui suivent les excès alcooli-
ques, et disparait après l'application des antiphlogisticiues sans avoir
produit d'ictère. Si cette hypertrophie avait été abandonnée à elle-
même, aurait-elle pu, après une période d'incubation plus ou moins
longue, s'accompagner d'ictère? C'est ce que je ne saurais prétendre
en l'absence de toute démonstration clinique.
La diarrhée, du moins dans les faits dont j'ai recueilli l'observation,
n'a jamais accompagné l'ictère; il y avait, au contraire, une ten-
dence marquée à la constipation. Dans les évacuations alvines, j'ai
plusieurs fois constaté l'absence de matière colorante de la bile; trois
150
fois CCS évacuations furent noirâtres, et chez un malade dont l'exa-
men du cadavru fut pratiqué, j'ai constaté la présence du sang dans
le tube digestif.
nUI'.KE ET TERMINAISON DE L'ICTÈRE ALCOOLIQUE.
La durée de l'ictère qui survient après les excès alcooliques n'ex-
cède pas en général dix à quinze jours. Quand il se termine par la
guérison, sa diminution est habituellement assez rapide, et le malade
ne conserve plus que les symptômes habituels de la gastrite chronique
qui existent parfois avant la complication hépatique. Jamais, dans
ces cas, nous n'avons trouvé une hypertrophie du foie qui persistât
après l'ictère. Cette lésion aiguë pourrait-elle, dans quelques cas,
être le début d'une cirrhose ultérieurement mortelle, je n'ai pas mal-
heureusement pu encore le vérifier, cependant je ne perdrai aucune
occasion, assez fréquente du reste, où les malades reviennent pour
une autre affection à l'Hôtel-Dieu au bout de plusieurs années, de
m'assurer de l'état du foie, et je ferai alors connaître le résultat de
mer recherches. Jusqu'ici je n'ai donc aucune raison de croire que
l'ictère alcoolique soit suivi d'une phlegmasie lente du tissu cellu-
laire du foie, ou d'une de ces lésions qu'on englohe aujourd'hui sous
le nom de cirrhose.
La terminaison fatale de l'ictère alcoolique aigu s'observe dans
quelques cas, j'ai cité à l'appui de cette opinion une observation per-
sonnelle, et une autre empruntée à Iloraczek. La maladie présentait-
elle dans ces deux observations quelques caractères spéciaux propres
à faire soupçonner une issue fatale? L'intensité des accidents est sur-
tout prononcée dans la période prodromique de l'iclère ; chez ces deux
malades, les vomissements, les douleurs épigastriques furent inces-
sants jusqu'au début de l'ictère. Le malade de Iloraczek offrit les
symptômes nerveux qu'il désigne sous le nom de phrenetis potatorum,
chez le mien, il n'y eut qu'un état comateux léger dans les derniers
jours de la vie. Mon expérience personnelle ne se basant que sur ce
fait, je ne peux émettre aucune opinion possible; ce que j'ai observé
me permet seulement de supposer que des accidents gastriques in-
tenses et du coma constituent, dans cette affection, des symptômes re-
doutables.
151
ANATOMIE PATHOLOCIQUB DE L'ICTÉRE ALCOOLIQUE.
Aucune lésion spéciale n'appartient à cotte forme d'ictère. Chez le
seul malade dont rafTection s'est terminée par la mort (obs. 1), j'ai
constaté les caractères de l'atrophie aiguë du foie, comme Rokitansky
et tout dernièrement Frerichs l'ont décrite. Celte atrophie des cellules
sécrétoires du foie est-elle un des caractères de la maladie? Je ne sau-
rais le dire, car des recherches modernes de MM. Ch. Robin, Gliar-
cot, etc., ont prouvé qu'elle pouvait manquer dans l'ictère grave ; or
le l'ait que j'ai cité rentre bien, par tous ses caractères cliniques et ana-
tomiques, dans le cadre de cette maladie qu'on a nommée ictère grave
ou malin.
J'ajouterai à ces résultats que, chez le malade cité, j'ai trouvé des
ulcères strumeux qui me paraissent d'origine inflammatoire. Je re-
viendrai sur ce sujet en étudiant plus loin la nature et le mécanisme
de production de l'ictère alcoolique.
ÉTIOLOGIE DE L'ICTÈRE ALCOOLIQUE.
Avant de chercher à préciser les conditions dans lesquelles s'est
produit l'ictère, je dois fournir quelques éclaircissements sur le théâtre
d'observation où je suis yjlacé.
L'abus des alcooliques est malheureusement des plus fréquents dans
la population ouvrière de la ville de Rouen ; des chiffres statistiques
me permettent d'assurer que notre ville est une de celles où l'on con-
somme le plus d'alcooliques en France; l'absence de toute boisson ré-
paratrice propre à la classe ouvrière est malheureusement une des
causes de cet abus. Le prix du vin rend son usage inaccessible à nos
ouvriers, d'un autre côté les récoltes peu abondantes de pommes ont
restreint chaque année l'usage du cidre, aussi les boissons alcooliques
sont-elles devenues d'un usage général. Quelle est la qualité de ces
boissons? La fraude, malheureusement si fréquente encore, malgré la
surveillance si active du gouvernement, introduit-elle dans ces li-
quides des substances nusibles à la santé du consommateur? A en
croire l'opinion publique, cela aurait lieu quelquefois, et l'on a même
soupçonné l'introduction de certaines quantités d'acide sulfurique,
mais rien de positif n'a été démontré jusqu'alors. Mon savant collègue
et ami M. Houzeau, de l'Ecole des sciences de Rouen, a bien voulu en-
152
trcprendre des recherches à cet égard, elles sont encore trop peu avan-
cées pour qu'il me soit permis d'en publier les résultats. Si à défaut de
ces renseignements exacts, l'on interroge quelque vendeur d'eau-de-
vie en détail et les consommateurs, on apprend que l'eau-dc-vie con-
sommée en détail varie beaucoup, au point de vue du contenu centé-
simal en alcool. L'une de ces boissons a même reçu de nos ouvriers
quelques dénominations pittoresques comme on en trouve souvent
dans la langue du peuple; l'eau-de-vie qui cause une ivresse rapide
est nommée par eux la cruelle et la roulante. Je sais, du reste, comme
on l'a vu dans une de mes observations, que des ouvriers ont recours
à l'alcool du commerce de préférence à l'eau-de-vie.
La quantité de boissons alcooliques consommée par chaque individu
de la classe ouvrière est, à Rouen, très-considérable. Cette quantité
peut dépasser un litre plusieurs jours de suite. L'eau-de-vie est bue
le plus généralement après le café, dont l'usage est très-répandu dans
nos villes, et même dans les campagnes; en outre, quelques-uns des
buveurs les plus obstinés ne boivent à leur repas que de l'eau-de-vie.
La nature de l'alimentation de la classe ouvrière de Rouen n'est pas
de nature à contre-balancer l'action fâcheuse des boissons alcooliques
sur l'organisme. L'usage de la viande dont le prix s'élève à 80 cen-
times le demi-kilogramme ne rend guère cet aliment accessible aux
ouvriers, ce sont les végétaux, les soupes au pain ou aux légumes qui
souvent avec des fruits en été constituent la base principale de l'ali-
mentation. Ce régime végétal est, d'ailleurs, facilement adopté par les
ivrognes qui, généralement, éprouvent à un faible degré la sensation
de la faim.
Avec ces fâcheuses prédispositions, toutes les formes de l'alcoolisme
aigu et chronique se rencontrent à Rouen, le delirium tremens se
présente chaque année uu assez grand nombre de fois dans mon ser-
vice, le tremblement alcoolique, les accidents de gastrite chronique
sont très-communs; pendant six années d'internat dans les hôpitaux
de Paris, je n'avais pratiqué aucune autopsie de gastrite chronique,
tandis qu'à Rouen dans le cours de la seule année 1859 j'ai pratiqué
deux ouvertures de cadavres de malades morts de gastrite chronique,
et recueilli douze autres observations de malades atteints de la mcuie
alTection, et qui ne succombèrent pas. .le rattacherai à la même alTuc-
liou chronique de l'estomac 4 cas recueillis dans la morne année uii
l'existence d'un ulcère simple, mortel, de l'estomac fut constaté àlau-
153
topsie ; or, ce chiffre n'est pas accidentel, c'est seulement celui d'une
année, car en 1858 j'avais recueilli 3 cas d'ulcère simple de l'estomac
mortel. La proportion exacte des atïcctions de ce genre dans les hôpi-
taux des autres villes de la France ne m'est pas connue, mais elle doit
être, il me semble, inférieure au chiffre que ma statistique à Rouen
m'a fournie, du moins à en juger par ce que j'ai vu à Paris, oii j'ai
constamment recueilli toutes les observations des malades placés dans
les services auxquels j'étais attaché.
La paralysie générale, cette maladie qui offre tant de liens de cau-
salité avec les excès alcooliques habituels, est, d'une autre.part, très-
commune à Rouen. Le nombre de ces malades est, chaque année,
assez élevé dans ma division. Si l'on consulte la statistique de la
France (série 2, vol. lïl, 2* partie, 1853) dont l'extrait a été consigné
par M. A. Motet dans sa thèse inaugurale (Paris, 1859, pag. 9, n° 250),
on trouve que le département de la Seine-Inférieure est, abstraction
faite du département de la Seine, au troisième rang des départements
qui fournissent le plus d'aliénés par cause alcoolique, en effet, la cause
alcoolique a pu être démontrée dans 12,8 des cas. Il est bon de re-
marquer qu'on a compris dans ce chiffre des aliénés les idiots et les
crétins qui devraient en être séparés. Si cette distinction avait été
établie, le chiffre centésimal des folies produites par l'excès des bois-
sons alcooliques serait encore plus élevé qu'il ne l'est dans la statis-
tique précédente. Cette supposition est, du reste, confirmée par d'au-
tres résultats statistiques publiés en Normandie. MM. Deboutteville et
Parchappe (Notice statistique sur l'asile des aliénés de la Seine-
Inférieure) écrivent que le chiffre des folies causées par l'abus des
alcooliques est de 28 pour 100 de toutes les espèces d'aliénation.
J'ai parlé plus haut de la relation de causalité que les auteurs an-
glais et allemands surtout ont cherché à établir entre la cirrhose du
foie et l'abus des boissons alcooliques; j'ai voulu savoir si à Rouen la
cirrhose du foie mortelle, c'est-à-dire celle dont on ne pouvait révo-
quer en doute l'existence, était commune. Il n'en est rien, car dans
un espace de près de six années où les ouvertures de cadavres ont été
toutes pratiquées et leurs résultats consignés par moi, je n'ai point vu
la cirrhose du foie être la cause de la mort plus de trois ou quatre fois
chaque année; je ne tiens compte bien entendu, dans ce chiffre sta-
tistique, que des cas où la cirrhose hépatique était la seule cause du
décès.
15i
L'abus habituel dos boissons alcooli'.|iios imprimu aux symplômos
des maladies un caractère particulier. Bien souvent, dans le cours ou
à la suite des affections aiguës, il se manifeste des accidents nerveux,
délire, etc., qui offrent la plus grande analogie avec le delirium tre-
mens, dernièrement encore j'ai eu occasion, dans mon service, d'ob-
server un délire de ce genre à la suite d'une scarlatine chez un
adulte.
Les habitudes de la classe ouvrière de la ville de Rouen sont donc
de nature à rendre compte de la fréquence d'un accident que l'on
n'observe que rarement ailleurs.
Les individus chez lesquels j'ai observé l'ictère aigu étaient toujours
adonnés depuis longtemps aux abus alcooliques, en effet, des excès
aussi considérables que ceux que j'ai décrits ne sont, en général,
commis que par des invidus qui ont déjà contracté depuis plus ou
moins longtemps cette déplorable habitude. On pourrait se demander
si un état de souffrance antérieur du foie n'était pas une condition
prédisposante pour que l'excès exagéré momentané devint la cause
efliciente de l'ictère? Je pose cette question sans avoir, bien entendu,
la prétention de la résoudre, car je n'ai pu m'assurer de l'état des
organes avant l'époque où ces individus furent admis à l'hôpital
pour l'ictère; cependant je serais assez disposé à soupçonner la réa-
lité de cette prédisposition, car j'ai plusieurs fois constaté chez des
ivrognes, à la suite d'excès alcooliques pendant la durée des accidents
aigus du côté de l'estomac, une augmentation du volume du foie qui
disparaissait rapidement sous l'intluence d'un traitement convenable.
La plupart de mes malades avaient eu antérieurement des signes d'alté-
ration de l'estomac, peut-être avaient ils eu plusieurs fois des conges-
tions momentanées du foie. Le climat de la ville de Rouen ne peut,
sans aucun doute, être considéré comme une cause prédisposante aux
congestions hépatiques sous l'influence des alcooliques, car ce climat
diffère peu de celui de Paris sous le rapport de la température, il est
même un peu plus froid et plus humide. Je donne ce détail, car je
crois que l'inHuence de l'alcool est beaucoup plus pernicieuse dans
les climats chauds que froids ; je sais que beaucoup d'auteurs ont nié
ce fait, et dans une discussion provoiiuée à la Société médicale dos
hôpitaux par la communication de M. Beau, on a revendiqué pour
l'élévation de la température l'influence presque exclusive sur la pro-
duction des affections du foie dans les climats chauds. Cependant si
1^ ï
l'on étudio dans les statistiques faites sur les lieux, l'influence géné-
rale (les abus alcooliques sur la santé dans le nord et dans le midi,
on demeure convaincu que cette influence est beaucoup plus désas-
treuse dans le sud que dans le nord. Ainsi Ferry a publié (American
Journal, 1842) un mémoire sur ce sujet. Il a trouvé que parmi les
troupes stationnées dans les provinces du nord des Etats-Unis d'Amé-
rique, le nombre des maladies causées par l'abus des boissons alcoo-
liques a été de 1,370, sur lesquelles il y eut 5 décès, ou 1 sur 274,
tandis que parmi les troupes stationnées dans les provinces du sud, le
nombre des maladies causées par les excès alcooliques, a été de 2,616,
et la mortalité de 58 ou 1 sur 45. Le delirium tromens étudié spécia-
lement est beaucoup plus commun dans le sud que dans le nord parmi
les mêmes troupes. Ainsi dans la division nord le nombre des cas ob-
servés a été de 102, et dans la division sud de 306. Ces résultats prou-
vent manifestement que l'abus des alcooliques est plus nuisible à la
santé dans le sud que dans le nord.
Falck et d'autres auteurs ont déjà insisté sur ce point, que ce ne
sont guère que les alcooliques à un degré de concentration considé-
rable, au moins de 50 pour 100 à l'aréomètre centésimal, qui pro-
duisent des accidents gastriques; cela s'applique aussi aux accidents
hépatiques; plusieurs de mes malades ont aftirmé que l'eau-de-vie
qu'ils avaient bue était très-forte, et l'un même avait bu de l'alcool
presque pur. La quantité de boisson alcoolique fut également très-
considérable chez les individus atteints d'ictère.
TRAITEMENT DE L'ICTÈRE ALCOOLIQUE.
Chez les malades soumis à mon observation, j'ai eu recours à plu-
sieurs ordres de médicaments. La médication qui chez tous les malades
réussissait le plus rapidement à calmer les accidents gastriques et
hépatiques, c'était la saignée locale au creux de l'estomac au moyen
des sangsues. Dans un cas (obs. I), les sangsues furent appliquées à
l'anus, mais l'état du malade était déjà trop grave pour permettre
d'espérer beaucoup de succès, en effet, il succomba au bout de peu
de temps. Comme Stokes l'a déjà fait remarquer, il est nécessaire d'a-
voir recours rapidement à ce moyen, car les symptômes continuent à
se développer et résistent plus au traitement que si l'accident est
traité dès le début. Les antiphlogistiques locaux sont utiles quand la
156
maladie est apyrétique, ou môme, comme cela arrive fréquemment,
que le pouls est descendu au-dessous de son chiffre normal. Plusieurs
malades avaient été traités avant leur admission à l'Hôtel-Dicu par les
purgatifs et les vomitifs, moi-même, j'ai plusieurs fois administré des
purgatifs, mais toujours sans aucun succès ; cette médication était
même, en général, plus nuisible qu'utile, elle augmentait en effet les
vomissements et les douleurs stomacales; nouvelle preuve que nous
n'avions pas à traiter chez ces malades des embarras gastriques sim-
ples. L'opium à petites doses était un utile adjuvaut des émissions
sanguines; simultanément j'avais recours à des boissons adoucis-
sante, en général froides. Les purgatifs ont été donnés par moi plu-
sieurs fois avec avantage à la fin de l'ictère pour combattre la consti-
pation qui souvent se manifeste alors.
Je n'ai observé chez aucun malade que l'adynamie produite par ce
traitement lui fût préjudiciable. On sait en médecine pratique que le
traitement antiphlogistique appliqué aux ivrognes de profession pour
combattre des phlegmasics intercurrentes est souvent suivi de Vap-
parition des accidents délirants. Je n'ai jamais rien vu d'analogue
dans mes cas d'ictère; seulement je dois ajouter que je n'ai jamais in-
sisté longtemps sur ce traitement.
PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE DE L'ICTÈRE ALCOOLIQUE.
Si certaines substances, dit M. Beau (archives gén. de méd., sér. iv,
vol. XXVI, p. 31, 1851), peuvent déterminer une afTcction passagère du
foie, caractérisée par une violente douleur avec congestion et fluxion
sanguine de l'organe hépatique, il n'y a pas loin de là à produire une
congestion phlegmasique fixe et continue, c'est-à-dire une hépatite. »
Or, suivant le même auteur, cette congestion hépatique dérive sou-
vent d'une irritation produite par les ingesla; en effet, il dit ail-
leurs [loc, cit., p. 404) : « 11 est une cause d'hépatalgie sur laquelle je
dois insister particulièrement , c'est la cause qui réside dans cer-
tains ingesta absorbés par la veine porte et transportés jusqu'au foie,
dont ils excitent directement la névralgie. »
Cette manière de voir, comme cet auteur l'a prouvé dans son tra-
vail, est surtout une rénovation des idées anciennes; ce quelle uous
parait surtout mettre en lumière, c'est le rôle des irritants transportés
dans le tube digestif et agissant directement sur le foie.
157
Les expériences physiologiques, surtout les vivisections, ont dé-
montré, dans ces dernières années, quelques faits nouveaux que je
dois rappeler ici. M. CI. Bernard (Leçons sur les effets des substances
TOXIQUES et médicamenteuses) a obtenu de ses expériences sur les ani-
maux les résultats suivants : l'alcool introduit dans l'économie re-
tarde la circulation, d'où résulte une diminution de l'activité de l'ac-
tion des organes par le retard du passage du sang dans ces organes.
L'ivresse ne serait pas autre chose, suivant M. Poiseuille (Recherches
SUR les mouvements des LIQUIDES DANS LES TUBES DE PETIT DIAMÈTRE,
Paris, 1844), et la preuve de ce fait, c'est qu'en redonnant à la circu-
lation cette activité qu'elle a perdue, en administrant de l'acétate
d'ammoniaque, on combat l'ivresse avec succès.
L'influence de l'alcool sur les appareils des sécrétions est également
remarquable; ainsi M. Cl. Bernard {loc, cit.) a démontré que l'alcool
concentré introduit dans l'estomac des animaux retarde et même ar-
rête la digestion; qu'il rend la sécrétion du suc gastrique beaucoup
moins abondante et détermine même quelquefois à la surface de la
muqueuse de ce viscère des exhalations sanguines. Au contraire, si
l'on introduit dans le tube digestif des animaux de l'alcool étendu de
moitié d'eau, toutes les sécrétions du tube digestif augmentent. Le
même auteur a indiqué également une curieuse action de l'alcool sur
le foie (Leçons sur les effets des substances toxiques, p. 457; Comptes
RENDUS de la Soc. DE BiOL., sér. II, vol. 111, p. 31, 1856). On connaît la
curieuse propriété que possède le foie du cadavre des animaux quand
on l'a lavé et dépouillé momentanément de la matière glycogérique,
d'en reformer pour ainsi dire ; c'est-à-dire, abandonné à lui-môme,
d'en offrir une nouvelle quantité au bout d'un temps variable. M. CI.
Bernard a trouvé que si on soumettait au lavage, après l'avoir scari-
fié, le foie d'un animal auquel on aurait introduit pendant plusieurs
jours de l'alcool pendant le jeûne, on pouvait constater le lendemain
dans ce foie une abondance beaucoup plus grande de sucre que dans
celui d'un animal tué après un jeûne de plusieurs jours, mais qui
n'avait pas absorbé d'alcool. Ce n'est pas à coup sur, dit M. Bernard,
l'alcool qui dans ce cas s'est transformé directement en sucre; la
chimie se révolte contre une pareille explication, et il faut bien ad-
mettre que l'alcool n'a agi que comme excitant.
D'autres expériences viennent encore à l'appui de ces résultats; j'ai
dit plus haut que chez leCanadien de M. de Beaumont les excès de table,
158
l'ingestion de substances irritantes provoquaient un véritable état
plUegniasique de la muqueuse digestive ; j'ajouterai que chez le ma-
lade qui a succombé à la suite de l'ingestion d'une boisson alcoolique
concentrée, j'avais trouvé les caractères locaux d'une intlammatioa
gastrique et une atrophie des éléments cellulaires du foie.
Ces expériences prouvent que l'alcool concentré agit simultané-
ment comme irritant local de l'estomac et du foie.
Faudra-t-il alors attribuer constamment à des états phlegmasiques,
même légers, les accidents qui suivent quelquefois l'ingestion d'une
quantité immodérée d'alcooliques et que l'on désigne habituellement
sous le nom d'embarras gastrique, de vomissements nerveux, etc.?
Cette question est difticile à résoudre et le sera différemment suivant
Texlension et l'acception donnée au mot inflammation. Si l'inflam-
mation est simplement un trouble de la nutrition, comme le veulent
les Allemands, on répondra par l'affirmative ; si, au contraire, on
admet les idées anciennes, on répondra négativement. Sans pouvoir
donner des preuves qui m'entraîneraient dans des développements
que ne comporte pas l'étendue de ce travail, je dirai que je crois que
l'on a beaucoup trop restreint l'acception du mot gastrite; eu Al-
lemagne, cette expression ne ligure plus dans quelques livres mo-
dernes (Baraberger, VmCHOW'S HANDD. DER PATHOLOGIE, 1855); ellc CSt
remplacée par celle de catarrhe aigu et chronique de l'estomac, qui
embrasse les gastrites aiguës et chroniques et l'embarras gastrique et
mêmes certaines formes du ramollissement rouge. Ainsi, au dire de
M. Bamberger {Loc. cit., t. VI, p. 2G2), la muqueuse serait dans ces cas
gonflée, injectée, friable, recouverte d'un mucus épais, ou bien elle ne
formerait plus quelquefois qu'une bouillie rougeàtre qu'on enlèverait
par le raclage. C'est bien là notre gastrite. Dans un autre hémi-
sphère, G. Wood (Practice of medicine, vol. I, p. 509, 2* édit. Phila-
deiphia, 1859) admet que l'abus des boissons alcooliques produit
quelquefois la gastrique aigué.
Les faits pathologiques et les expériences physiologiques semblent
donc nous permettre de croire que l'ingestion des boissons alcooli-
ques, surtout peu étendues d'eau, peut produire la gastrite, au moins
dans ses formes légères.
Si l'on analyse les symptômes cliniiiues au lit du malade, on ne
trouve que conlirmation de la même opinion, llabershon ^Ucsekva-
TIONS ON DISEASES OF THE ALIMENTAHY CANAL, p. 03, 1857) a fait rt'Ulur-
150
quer avec raison que dans l'inllainmation aiguë de l'estomac, suite
de l'abus des alcooliques, il y a deux symptômes qui exigent une at-
tention spéciale : l'absence de douleurs à l'estomac et la prostation
des forces, et la dépression du pouls. Cette opinion est vraie assuré-
ment, et souvent la douleur de l'estomac manque; il en est de même
des vomissements; d'autres fois ces accidents se rencontrent tous
avec une grande intensité.
Les accidents gastriques suivent trop immédiatement la débauche
momentanée pour qu'on puisse révoquer en doute leurs rapports de
causalité ; il en est pas de même de l'ictère. Quelquefois une, deux,
trois semaines et même plus le séparent de l'excès. Une série non
interrompue de symptômes morbides le relient à la cause première,
et d'ailleurs dans une série d'actions toxiques la congeslion hépatique
se produit lentement, comme, par exemple, dans l'empoisonnement
parla pâte phosphorée des allumettes chimiques. J'ai dit en outre plus
haut que la congestion hépatique pouvait s'arrêter dans les accidents
gastriques avant de produire l'ictère. Il me semble donc qu'on peut
admettre, jusqu'à ce que de nouvelles recherches plus étendues soient
entreprises sur ce sujet, que l'ingestion immodérée d'alcooliques et
surtout de boissons alcooliques concentrées détermine la congestion
du foie et peu à peu l'ictère.
L'ictère résulte-t-il d'une propagation de l'inflammation de l'esto-
mac au foie le long des canaux biliaires? La seule autopsie que j'aie
pratiquée ne me permet pas d'adopter cette opinion.
CONCLUSIONS.
1" L'usage d'une grande quantité de boissons alcooliques peu di-
luées donne lieu, dans certains cas, à un ictère aigu.
2" L'ictère aigu des ivrognes offre en général une coloration jaune
intense de la peau ; il est le plus souvent apyrétiqne et même accom-
pagné d'un ralentissement marqué du pouls, d'une sédation pronon-
cée du système nerveux, de vertiges, syncopes, etc.
3° L'ictère n'apparaît pas immédiatement après l'excès. La colora-
tion morbide de la peau est précédée d'accidents gastriques plus ou
moins intenses, douleurs épigastriques spontanées ou provoquées,
vomissements, le plus souve-ni d'une douleur dans l'hypocondre droit
et d'une augmentation de volume du foie.
160
4* La maladie se termine ordinairement par la guérison, cependant
la mort peut survenir dans l'état comateux ou sous l'inlluence d'hé-
morrhagies intraviscérales.
5° A l'ouverture du cadavre, le foie peut présenter les lésions de
l'atrophie aiguë, et l'estomac les caractères d'une phlegmasie aiguë
même ulcéreuse.
G" L'ictère alcoolique aigu se manifeste, surtout chez les ivrognes
de profession, sons l'influence d'un excès immodéré, principalement
d'une boisson alcoolique peu étendue d'eau.
7" Le traitement consiste surtout dans l'application d'antiplogisti-
ques locaux et de boissons émollientes.
8" La maladie résulte d'une absorption directe de la substance
toxique par le foie ; l'alcool agit aussi comme irritant de l'estomac.
RAPPORT
SUR UNE LARVE D'OESTRIDE,
EXTRAITE DE LA PEAU D'UN HOMME A CAYENNE
lu à la Société de Biologie
Par m. le Docteur A. LABOULBÉNE,
Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paiis,
ancien interne lauréat (médaille d'or], etc.
I
Messieurs,
Vous nous avez chargés, M. Davaine et moi-même, de vous faire un
rapport sur une iarve ctinsecte, provenant de Cayenne où elle a été
extraite de la peau d'un homme. Cette larve, présentée à la Société
par M. Leroy de Méricourt, membre correspondant, a été rapportée
par lui à une OEstride, à \a Cuterebra noxialis^ vulgairement connue,
dans son premier état de larve, sous le nom de ver macaque de
Cayenne. L'insecte qui nous a été remis est conservé dans l'alcool.
Nous avons examiné celte larve et nous l'avons comparée avec
celles, déjà nombreuses, de la même famille qui ont été observées sur
l'homme dans les mêmes conditions et dans le môme continent. Nous
mettons sous les yeux de la Société le dessin que nous avons fait de
celte larve, ainsi que les figures comparatives des larves d'OEstrides
avec lesquelles l'insecte présenté par M. de Méricourt paraît avoir le
plus d'analogie.
Il est évident que la larve qui nous a été soumise est une larve
d'insecte diptère et qu'elle doit appartenir à une espèce de la famille
des OEstrides. La description suivante et les figures ne peuvent laisser
aucun doute à cet égard.
Larve d'œstride, de Cayenne.— La larve a les téguments durcis par
MEM. 11
162
suite d'un séjour prolougé dans l'ulcoul; sa couleur totale est d'un
brun un peu rougeàtre, sa longueur est de 22 millimètres, sa largeur
de 10 millimètres.
Le corps est composé de dix segments y compris celui qui enveloppe
la tète ou plutôt le pseudocéphale; il est légèrement arqué, un peu
renflé au milieu, mais à peine atténué en arrière, à peu près elliptique
quand on le regarde en dessus.
La tête présente deux tubercules, ou saillies antennaires, au-dessous
desquels sortent deux crochets ou mandibules, distants, peu saillants,
un peu arqués, et terminés en pointe aiguë.
Le sixième segment du corps est le plus grand et ceux qui le pré-
cèdent ou le suivent diminuent peu à peu en avant ou en arrière. Le
septième segment parait le plus long de tous.
Le premier segment, au milieu duquel est placé le pseudocéphale,
n'offre pas d'épines; mais il présente un peu au-dessus des bords laté-
raux, vers la face dorsale, l'oritice des stigmates antérieurs. Nous
avons reconnu l'existence de ceux-ci à cinq ou six petits corps jau-
nâtres, situés dans le repli cutané au bord postérieur de ce segment.
Ces petits corps nous paraissent être analogues à ceux qu'eu remar-
que à l'extrémité des stigmates antérieurs chez beaucoup de larves de
diptères.
Le deuxième segment de la larve ou le premier qui suit le segment
de la tête, et de plus les troisième, quatrième, cinquième et sixième
segments portent des épines recourbées ou des crochets arqués, à base
large, et dont la pointe est dirigée en arrière. Les deuxième et troi-
sième segments n'ont de ces épines que sur leur bord antérieur ainsi
que l'indiquent les figures ; mais les quatrième, cinquième et sixième
offrent, outre la rangée antérieure qui entoure tout le segment en
dessus et en dessous du corps, une deuxième rangée d'épines ou de
crochets aigus. Ceux-ci ont leur pointe généralement dirigée en avant,
ils sont aussi forts ou plus forts que ceux du bord antérieur; ils occu-
pent le dessus et les côtés du corps, mais ils n'arrivent pas sur la face
ventrale de la larve- Le septième segment offre à peine quelques cro-
chets émoussés ou plutôt des tubercules niutiqucs, et les trois seg-
ments qui suivent (huitième, neuvième et dixième) sont totalement
dépourvus de crochets à pointe aiguë.
L'extrémité de cette larve est tronquée. Le dernier segment présente
une excavation centrale, au fond de laquelle se trouve un mamelon, à
Jjords lïoDcés, entiéremenl recouvert d'épines microscopiques. Nous
sommes parvenus, malgré la rigidité des téguments, à écarter les
bords revenus sur eux-mêmes du mamelon et nous avons reconnu la
présence d'une caverne stigmatique, pour nous servir de l'expression
employée par M. Léon Dufour et désignant celte disposition.
Au fond de la caverne, il existe deux plaques ovales et un peu réni-
formes, brunes, qui nous ont paru offrir chacune trois saillies longi-
tudinales. Ces plaques ne sont autre chose que l'aboutissant des tra-
chées et forment les stigmates postérieurs de la larve. Les bords de la
saillie mamelonaire, eu se rapprochant, peuvent donc obturer l'oriiice
des stigmates et c'est par l'écartement de ces bords que l'accès de Tair
ou sa sortie sont rendus possibles.
La larve, vue dans son ensemble et en dessus, est presque elliptique,
tronquée à ses deux extrémités. Elle offre des tubercules médians sur
les deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième
segments ; latéralement elle offre, de plus, trois rangées de tubercules
lisses et larges, dus à des plis du tégument. En dessous, les quatrième,
cinquième, sixième et septième segments ont des rides larges et trans-
versales.
Cette description ne peut laisser aucun doute sur l'ordre et la fa-
mille d'insectes à laquelle cette larve appartient, mais est-il possible
de reconnaître si elle est réellement le premier état de la Cuterebra
noxialis?
Pour résoudre cette question, il est nécessaire de comparer cette
larve à toutes celles déjà connues qui offrent avec elle une analogie
de forme ou de mœurs et qui proviennent du même hémisphère.
M. J. Goudot a le premier décrit, sous le nom de Cuterebra noxialis^
une larve de diptère qui vivait sous la peau des vaches et des chiens
à la Nouvelle-Grenade, et dont il avait lui-même été attaqué. (Voy.
Annales des sciences naturelles, 3' série, t. III, p. 221, 1845.) Ce na-
turaliste a vu éclore l'insecte parfait des larves recueillies à terre,
dans un endroit où des vaches infestées de ces OEstrides avaient sé-
journé; ces larves, appelées gusano ou nuclie par les habitants du
pays, étaient identiques à celles qu'il avait observées sur lui-même et
dont il a donné la figure. {Loc. cit., pi. IV bis, fig. 5.)
La larve qui fait le sujet du présent rapport diffère de la larve de
la C. noxialis de la Nouvelle-Grenade décrite par M. Goudot. Sur la
figure donnée par cet auteur on trouve les trois premiers segments
iG'i
anlérieurs chagrinés, el les trois suivants sont les seuls qui suienl
pourvus (l'uue double rangée d'épines dirigés en arrière; ils n'ont
pas de mamelons non plus que les cinq segments qui suivent. Celte
larve n'est pas, il est vrai, terminée par un appendice caudal, mais
elle est plus atténuée que la nôtre et la forme générale renllée en
avant, à partir du troisième segment, n'est pas la même. Aussi, tout
en reconnaissant un air de famille entre ces deux larves, nous pou-
vons dire qu'elles n'appartiennent pas au même insecte et qu'elles
sont d'espèce différente.
M. Leroy de Méricourt avait désigné la larve qu'il a présentée à la
Société sous le nom de ver macaque de Gayenne. Ce nom, donné par
Arture, médecin du roi à Gayenne dans le siècle dernier, se trouve
dans les Mémoires de l'Académie des sciences de Paris pour l'année
1753, p. 72. Arture, en effet, avait communiqué à cette célèbre com-
pagnie des Observations sur Cespcce de ver nommée macaque, mais il
n'avait décrit ni le ver, ni la mouche qui en provient.
M. le docteur Gharles Coquerel, membre correspondant de notre So-
ciété, a éclairci les observations d' Arture, grâce à M. le docteur Gha-
puis, médecin en chef de la marine à la Guyane, et il a publié, dans
la Revue et magasin de zoologie (2« série, t. II, p. 356, 1859 et pi. XII,
fig. 1), la description et une très-bonne figure du ver macaque de
Gayenne. G'est à l'aide de ces documents que nous allons pou voir décider
si la larve présentée par M. Leroy de Méricourt se rapporle au ver
macaque.
Ce qui frappe le plus dans la description de ce dernier insecte, c'est
le prolongement caudiforme, ou en queue, des derniers segments
du corps, et surtout le double bourrelet terminal séparé par un étran-
glement. Or, messieurs, rien de semblable n'existe dans la larve,
bien plus grande d'ailleurs et si fortement mamelonnée, qui nous
a été soumise. Elle n'est donc pas certainement le ver macaque tel
qu'il a été décrit et figuré par iM. Coquerel avec une grande fidélité.
{Loc. cit., et pi. XII, fig. la.)
Puisque la larve qui nous occupe n'est ni la Cutcrcbra noxialis de
M. Goudot, ni le ver macaque proprement dit, il nous reste encore à
vous dire si elle ne pourrait point être rapportée à une larve d'CG5-
tride^ très-curieuse, qui vil sur l'honune el en même temps sur les
animaux, le chien en parliculier, el que l'on connaît au Mexique sous
le nom de ver mmjucuiL
MM. Cil. Goquerel et Salle ont fait connaître cette larve qu'ils ont
décrite et figurée dans la Revue et magasin ue zoologie, 2'^ série, 1. 11,
p. 3G1, 1859, et pi. XII, fig. 4. Cette larve a une incontestable ana-
logie avec celle qui nous occupe, mais elle est bien moins grande ;
elle est atténuée en arrière et non elliptique. Comme la nôtre, elle
est mamelonnée; toutefois, des différences réelles les séparent et, bien
qu'elles aient de grands rapports, nous pensons que celte larve d'OEs-
tride n'est pas plus le ver moyacuil que la Ciiterebra noxialis ou le
ver macaque.
Si nous comparons enfin cette larve aux figures données par M. Hope
dans les Transactions of the entomological society of London (vol. Il,
p. 25G, 1837-18'i0, pi. XXII), des larves observées sur le corps de
l'homme, nous trouvons que notre larve diflere de toutes celles que le
savant entomologiste anglais a connues. Nous ferons la même remar-
que pour les larves signalées dans la Zoologie médicale de MM. Gervais
et Van Beneden.
Nous ne discuterons pas si la larve qui nous occupe est exclusivement
propre à l'homme. Cette question du parasitisme des OEstrides est au-
jourd'hui résolue, et il est prouvé que ces insectes attaquent l'homme
exceptionnellement, tandis qu'ils paraissent vivre de préférence sur
d'autres espèces de mammifères. Les observations de Bracy-Clarke,
de MM. Roulin, Justin Goudot, etc., rapportées par M. Joly dans ses
liecherclies anatoinîques et physiologiijues sur les OEstrides (Anx. de
LA Soc. royale dagric. de Lyon, t. iX, p. 246 et suiv., 1646) ne peu-
vent laisser aucun doute; c'est aussi l'opinion de M. le docteur Co-
querel. On trouve dans la Zoologie médicale de MM. Gervais et Van
Beneden d'autres faits contirmatifs du parasitisme accidentel des OEs-
trides chez l'homme, et M. Duncan (d'Edimbourg) vient de signaler
chez une jeune fille de 13 ans la présence de tumeurs renfermant la
larve (le ÏOEsCrus ou Ihjpodcrma bovis. (Edindurghveterinary Review,
1859.)
Nous pensons, d'après la discussion à laquelle nous venons de nous
livrer :
1' Que la larve présentée à la Société de biologie par M. Leroy de
Méricourt diffère de toutes les larves encore observées sur le corps de
l'homme;
2" Nous sommes d'avis que cette larve est celle d'une OEstride, pro»
bubleinc'utdu genre C«/e?'<?6ra,genre propre au nouveau monde;
166
3" 11 nous parait très-probable que cet insecte n'est pas un parasite
exclusif de l'homme, mais que, comme les Cuterebra déjà observés,
elle vit sur les animaux domestiques et n'attaque l'homme qu'ex-
ceptionnellement.
En terminant ce rapport, vos commissaires ont l'honneur de vous
proposer :
1° De remercier M. Leroy de Méricourt pour son intéressante com-
munication ;
2° De l'engager à poursuivre la recherche des insectes qui attaquent
l'homme dans nos possessions du nouveau monde.
REMARQUES
PARALYSIES ESSENTIELLES
CONSÉCUTIVES A LA FIÈVRE TYPHOÏDE
A PROPOS D'UN FAIT DE PARALYSIE ASCENDANTE AIGUË
RAPIDEMENT MORTELLE,
SURVENUE DANS LA CONVALESCENCE DE CETTE PYREXIE ;
Par le Docteur E. LEUDET ,
Professeur titulaire de clinique médicale à l'Ecole de médecine de Rouen,
médecin en chef de l'Hôtel-Dieu, etc.
L'élude des paralysies consécutives à la diphthérie a fixé ratlen-
tion sur les accidents semblables qui surviennent parfois dans le cours
d'autres maladies; mon savant ami, M. Gubler (Arch. de méd., 1860),
en comparant les faits de ce genre, a voulu montrer que même en
dehors des causes de septicité de la diphlhérie, des paralysies analo-
gues surviennent dans le cours ou à la suite de maladies simplement
phlegmasiques ou septiques. Avant môme la publication de ce tra-
vail, j'avais eu occasion de recueillir dans mon service d'hôpital un
fait très-remarquable de paralysie ascendante aiguë consécutive à une
pneumonie.
Cette observation a été insérée dans tous ses détails par M. Gubler,
auquel je l'avais communiquée. Pendant la publication de la première
partie du mémoire de M. Gubler, j'ai rencontré, à l'Hôtel-Dieu de
Rouen, un nouveau cas qui m'a paru fort intéressant, en ce qu'il pré-
\
168
sente une paralysie ascendante aiguë rapidement mortelle, compa-
rable à quelques cas rares décrits à la suite du croup.
La dissemblance qui existe entre ce fait et la plupart de ceux déjà
connus dans la science, m'a engagé à le faire connaître; j'ai en même
temps parcouru les ouvrages de ma propre biblioihèque et trouvé
que des faits de paralysie consécutive à la fièvre typhoïde étaient
dans les ouvrages de nos prédécesseurs plus communs qu'on ne le
croit généralement.
Le but du travail que je publie aujourd'hui est donc de fournir de
nouveaux matériaux pour écrire l'histoire de la paralysie consécutive
à la fièvre typhoïde; j'ai hâté cette publication, sans attendre, comme
j'en avais eu d'abord l'intention, que le hasard me fournit une expé-
rience plus étendue, pour cette raison que cette question étant au-
jourd'hui à l'étude, mon travail serait plus opportun que s'il avait été
publié à une autre époque.
M. Gubler a signalé dans son mémoire {loc. cit., p. 402) les quel-
ques indications fournies sur les paralysies consécutives à la fièvre
typhoïde par Hildebrand, Tissot, de Larroque, MM. Barthez et Rilliet,
par M. Monneret et surtout par Graves, dont la description est de
beaucoup la plus complète et qu'on pourra lire dans les excellentes
leçons cliniques de ce professeur, malheureusement trop peu connues
en France.
Je revendiquerai une place dans cet historique pour notre épidémio-
graphe normand, Lepecq de la Clôture (Collect. d'observ. sur les
MAL. ET coNSTiT. ÉPmÉM., 1" partie, p. 532, 1778) ; il cite en effet, dans
ce passage de son ouvrage, deux observations que je transcrirai
ici :
Obs. I. — Dans la paroisse de Beauficel, une femme de 44 ans, bien réglée,
fut prise d'un accablement universel, mal de tête, dégoût et nauséea ; elle
avait le pouls petit, embarrassé et la lièvre légère ; accidents à peu près
communs aux autres malades atteints de fièvre putride.
Elle prit de l'émétique, fut purgée ensuite et rendit beaucoup de bile po-
racée et des v^rs.
Deux jours après, il lui survint une grande difTiciilté de pouvoir remuer
les bras, et enfin l'impossibilité de les mouvoir s'ensuivit ; ils restèrent
comme paralysés. La malade était d'ailleurs dans une grande agitation, se
sentait fort échauffée et était tout à fait brûlante ; elle prit quelques bols avec
le camphre et le nitre, quelques grains d'yeux d'Ocrevissc qui la calmeront
160
un peu; il survint une moiteur, une sueur générale qui précéda la miliaire,
dont l'éruption se fit le neuvièiiie jour de la maladie.
L'assoupissement, le délire obligèrent de recourir aux v.-sicatoires ; on
continua l'usage du camphre et de plus un apozème de plantes nitreuses, le
quinquina et un sirop acide ; la tisane avec les feuilles de mélisse fut conti-
nuée, ainsi que le petit-lait bien clarifié, l'eau de veau avec l'oseille et une
décoction de pain.
La miliaire parut abondamment, parcourant ses différents temps avec les
symptômes ordinaires et toujours dangereux.
Les bras restèrent constamment paralysés.
Cette femme commença a les porter avec beaucoup de peine et de lenteur
à son visage lorsque la dessiccation des exanthèmes commença à se faire;
mais les doigts conservaient encore une si grande faiblesse qu'elle ne pou-
vait les remuer pour se gratter. La force reprit peu à peu et tous ces acci-
dents se dissipèrent pendant la convalescence.
Obs. II. — J'ai vu un homme dans la même paroisse qui eut un bras, mais
surtout la main plus faible, et dont il avait peine à se servir. Les doigts étaient
fort affaiblis et en coutraction, comme il arrive quelquefois dans certaines
paralysies.
Longtemps après sa convalescence, cet accident n'était pas totalement
dissipé.
Je n'ai pas reproduit ici les caractères d'épidémie de lièvre grave
observée par Lepecq de la Clôture dans celte localité -, ils sont assez
nettement indiqués pour nous permettre de reconnaître dans cette
affection la maladie désignée de nos jours sous le nom de fièvre ty-
phoïde.
Le docteur James Jackson (Report on the cases of typhoid fever
WHICH OCCL'RRED L\ THE MaSSACHHSETS GENERAL HOSPITAL FROM SEPTEMBER
1821 TO THE END OF 1835, p. 55, 1838) est plus explicite encore relati-
vement à ces paralysies dans le cours de lièvres typhoïdes. « Chez un
malade, dit-il, il y eut une paralysie momentanée d'une jambe ; chez
deux malades, j'observai un engourdissement des membres persis-
tant pendant plusieurs jours, dans la dernière période de la maladie.
Cette affection peut être classée parmi les suites de la fièvre, car elle
survenait après la convalescence; elle était accompagnée d'une pa-
ralysie plus ou moins marquée du mouvement. J'ai vu des cas de
celte espèce durer plusieurs semaines et causer beaucoup d'inquié-
tude... Je crois que la guérison a toujours eu lieu. Je ne me rappelle
pas avQir vu cette affectign décrite par awcuo euteur.
170
Elisba Bartlett (On typhoid and typhus fever, p. 'lô. Philadelphie,
1842) cite les résultats de l'observatioQ de James Jackson, mais ne dit
pas avoir lui-même recueilli de faits semblables.
La paralysie uerveuse à la suite de la fièvre typhoïde a encore été
bien décrite, quoique sommairement, par le professeur Griesinger
(ViRCHOw's Hanub. der pathol., vol. Il, p. 172, 1857). Les paralysies
du mouvement à la suite de la fièvre typhoïde sont, dit-il, plus rares
que celles du sentiment; elles sont tantôt unies ou bilatérales, d'au-
tres fois ce sont des paralysies complètes ou incomplètes; les para-
lysies du mouvement dans d'autres systèmes de muscles sont beau-
coup plus rares; cependant il parle ailleurs de cas où il existait de la
paralysie de l'élévateur des paupières et du strabisme [ioc. cit.,
p. 184). Cette dernière observation a fait songer au cas de paralysie de
la troisième paire nerveuse crânienne, rapportée par M. Hervieux
(Union MÉD., 29 juillet 1858).
Magnus Huss (Statistique et traitem. du typhus et de la fièvre
TYPHOÏDE, Paris, 1855, p. 202) décrit deux formes de paralysies consé-
cutives à la fièvre typhoïde et au typhus; dans le deuxième stade du
typhus, les paralysies aux extrémités arrivent assez rarement, dit-il,
surtout dans la forme de typhus abdominal (lièvre typhoïde) pour
fixer l'attention du médecin. Dans une première forme, les symptômes
ressemblent à s'y tromper à une apoplexie, et dépendent ainsi de la
coagulation du sang ou de la formation d'un thrombus, ou d'un em-
bolus dans une des artères du cerveau ; dans une autre forme, la di-
minution de la faculté motrice est précédée et accompagnée de dou-
leurs névralgiques, souvent unies à une hyperesthésie de la peau et
quelquefois à des tiraillements spasmodiques dans les muscles.
La cause duces symptômes est la formation d'un thrombus ou d'un
embolus dans une des artères des extrémités. Cette première caté-
gorie de faits comprend donc une variété de paralysie organique occa-
casionnée par un trouble dans le système vasculairc.
La deuxième forme décrite par Uuss est celle que nous nommons
nerveuse essentielle. « Après des cas où la congestion du cerveau a
été vive et persistante, dit-il, j'ai vu quelquefois des malades com-
mencer à se plaindre, à l'origine de la convalescence ou bien aussi
à la lin du stade de dépression, de mal douloureux dans les pieds et
dans les jambes. Cette douleur ost ([uelqiiefois jointe à l'iiypercsthésie
de la peau, (luelquefois auu ; après quelques jours de durée de celte
171
douleur, il arrive un sentiment d'engourdissement, après quoi suit
de la paralysie; il arrive aussi qu'à l'hypereslhésie succède l'a-
nestliésie. De cette manière se développe une paralysie ou, pour mieux
dire, une parcse dans les pieds et dans les jambes, laquelle je ne peux
pas considérer autrement que comme provenant seulement d'une di-
minution ou d'un affaiblissement de l'inlluence du cerveau et de la
moelle épinière sur les parties périphériques qui en sont le plus
éloignées.
A. Yogel (Klinische Untersuchungen ueber den typhus, 185G) ajoute
à ces formes de paralysie une autre variété de trouble du mouvement
qui dépendrait suivant lui d'une hémorrhagie dans les muscles des
extrémités. Cette hémorrhagie ne se manifesterait en général que
quand les malades se lèvent déjà et s'efforcent de marcher, ils éprou-
vent après ces tentatives de marche, tout à coup des douleurs plus ou
moins grandes, augmentant par la pression dans une étendue variable
du mollet, qui ne présente pas de point douloureux ni de gonflement
à peine appréciable.
A partir de ce moment, les malades ne peuvent plus remuer la
jambe et demeurent couchés pendant plusieurs semaines. Les ecchy-
moses qui se produisent ultérieurement dans la partie douloureuse
révèlent la cause de la paralysie.
En Allemagne, les paralysies nerveuses dites essentielles de la fièvre
typhoïde paraissent avoir été observées assez fréquemment; ainsi, eu
rendant compte des faits de paralysie pneumonique publiés par
M. Macario (Ganstatt's Jahresb. fur 1858, v. 111, p. 76), Eisenmann dit
qu'il observe, au moment où il écrit ce compte rendu, une femme
détenue dans la prison de cette ville, qui est atteinte d'une paralysie
nerveuse consécutive à la fièvre typhoïde. Des accidents du même
genre sont signalés par M. Lebert (Handbuch der prakï. med.,v. I,
p. 137, 1858), et par M. Hasse (Virghow's handb. der pathol., v. IV,
p. 638, 1855), seulement le professeur de Gocltingue les rattache à
une myélite, opinion sur laquelle j'aurai à revenir plus loin.
Ces travaux, ajoutés à ceux que M. Gubler a cités dans son travail
et à quelques autres publiés depuis, montrent que les paralysies con-
sécutives à la fièvre typhoïde ne sont ni nouvelles ni absolument
exceptionnelles : c'est du moins l'opinion que professe M. Trousseau
(CuxiQUE médicale DE l'Hôtel-Dieu DE Paris, p. 393, 1861), qui relate
lui-même plusieurs faits nouveaux empruntés à sa propre pratique.
172
Lesobservalionscmprunlées aux auteurs se classent très-exactement
lians les deux divisions établies par M. Gubler : les unes sont de vé-
tilables paralysies générales survenant dans le cours de la maladie,
l'orme si bien étudiée i)ar M. Beau; les autres sont celles de la con-
valescence, « ne dépendant rnaiiireslenujiil d'aucurie alléralion analo-
i< niique, soit des nerfs, soit des centres nerveux; elles procèdent
• autrement dans leur marche extensive que celles qui sont l'expres-
« sion d'une lésion encéphalique, envahissent d'abord les membres
« inférieurs, puis ks supérieurs, et se généralisent ainsi sans s'ac-
» compagner de lièvre notable.
« Ces paralysies diffuses guérissent liabituellement, alors même
« qu'elles sont compliquées de troubles cérébraux. »
J'ai emprunté ces quelques lignes au travail de M. Gubler, parce
qu'elles me semblent l'expression exacte des faits. C'est à ces paraly-
sies que se rapportent les faits de Graves (Climc.\l medicine; édition
de Gerhard. Philadelphie, 1842, p. 98), de MM. Barthez et Rilliet
(Traite des maladies des enfants, y. 11, p. 558; 2* éd., 1853), et deux
observations du service deM.Bouillaud (Gubler, loc. cit., p. 420, etc.).
Les recherches historiques que je viens de relater font rapporter à
plusieurs causes ces diverses paralysies des membres consécutives à la
fièvre typhoïde. Pour M. A, Vogel, elles reconnaissent parfois pour
causes des hémorrhagics intramusculaires; j'ai rencontré moi-même
de ces hémorrhagics dans les muscles des membres inférieurs chez un
malade convalescent de fièvre typhoïde peu grave; on reconnaissait
ia nature de la lésion à des indurations circonscrites dans l'épaisseur
de plusieurs nmscles, mais il n'y avait pas dans ce cas de paralysie de
la motilité ou de la sensibilité; les mouvements étaient seulement
empêchés par la douleur (jue provo([uait la contraction musculaire.
Je n'ai pas eu occasion de vérilier l'exactitude de la proposition de
M. Magnus Huss sur la présence de caillots emboliques dans les artères
des sujets qui offraient de ces paralysies. Je n'ai donc pas autorité
pour en révoquer en doute l'existence. Graves {loc. cit., p. 90) attri-
bue ces paralysies à une altération congeslive de la moelle; enlin la
plupart des auteurs français les considèrent comme purement ner-
veuses.
La marche de ces paralysies offre un certain intérêt. Avant d'entrer
dans quelques cousidéralions sur ce sujet, je vais relater le fait que
j'ai observé,
173
FIÈVRE TYPHOÏDE PEU GRAVE, SANS ACCIDENTS CÉRÉBRAUX; VERS LA TROI-
SIÈME SEMAINE DE LA MALADIE, CONVALESCENCE COMMENÇANTE. SYMPTÔMES
PARALYTIQUES DU MOUVEMENT COMMENÇANT DANS LES DEUX. JAMBES, ET
s' ÉTENDANT PROGRESSIVEMENT DE BAS EN HAUT; PARALYSIE DES QUATRE
MEMBRES. ASPHYXIE. INTÉGRITÉ ABSOLUE DE LINTELLIGENCE JUSQUAU MO-
MENT DE LA MORT QUI ARRIVE SEPT JOURS APRÈS l'APPARITION DES PRE-
MIERS ACCIDENTS DE PARALYSIE. INTÉGRITÉ DU CERVEAU ET DE LA MOELLE.
ULCÉRATIONS DES PLAQUES DE PEYER DE L'iNTESTIN EN PARTIE CICATRI-
SÉES.
Obs. I. — Jehl Thérèse, domestique, entre le 1" décembre 1859 à l'Hôtel-
Dleu de Rouen, salle XIX, n° 5, dans ma division. D'une bonne santé habi-
tuelle Jehl n'a fait aucune maladie grave. L'afTeclion actuelle qui l'amène à
l'hôpital a débuté il y a une dizaine de jours au moins par de l'abattement,
de la céphalalgie, des bourdonnements d'oreille et des étourdissements ;
elle s'alita alors, mais déjà avant cette époque elle se sentait très-mal à l'aise
et remplissait avec grande difTiculté ses travaux ordinaires ; elle assure néan-
moins n'avoir eu de diarrhée à aucune époque de la maladie. Au moment de
l'entrée à l'Hôtel-Dieu je trouve Jehl dans l'état suivant : céphalalgie, un peu
d'abattement, étourdissements; épislaxis peu abondant la veille, intelligence
parfaite et réponses très-précises; chaleur de la peau; pouls à 80 assez dé-
veloppé et dur; un i)eu de tympanite avec sensibilité légère dans les deux
fosses iliaques sans gargouillement; deux taches rosées lenticulaires dou-
teuses à la partie supérieure du ventre; pas de saillie de la rate; pas de toux;
râles sifflants et sonores peu nombreux, épars dans les deux côtés de la poi-
trine.
2 décembre. Même état. (Deux verres d'eau de Sedlitz suivis de plusieurs
selles.)
3-5. Un peu d'abattement; somnolence fréquente, mais intelligence par-
faite ; aucun soubresaut tendineux ; pas de délire, même la nuit; diminution
des râles dans les deux côtés de la poitrine, et du météorisme; pas de diar-
rhée, quelques selles seulement après un verre d'eau de Sedlitz administré
le 4 et le 6. Le pouls varie de 72 à 88 pulsations. (Bouillon.)
7. Etat général meilleur; moins d'abattement. Douleur vague accusée
dans la paroi thoracique gauche, sans trajet nerveux, ne se propageant pas
dans le dos. Intelligence très-bonne, spontanéité; appétit. Pouls, 70. (Deux
bouillons, un potage.)
8. Convalescence. Une portion d'aliments dont on élève le 10 la quantité à
deux portions. A. partir de ce jour Jehl semble en parfaite convalescence,
elle se lève un peu, et le 12 elle peut aller prendre par une belle journée l'air
l)eiidaut quelques heures dans le jardin de l'hôpital.
174
15. Sans aucune douleur préalable, Jelil accuse en se promenant dans la
salle une faiblesse marquée des jambes, telle qu'elle a grand'peine à so
recoucher seule; les membres infi 'rieurs ne sont le siège d'aucune douleur,
seulement elle y éprouve comme un engourdissement.
16. Affiiiblisseraent extrême des deux jambes, el depuis le malin du même
jour du bras droit; la malade peut lever cependant les deux jambes dans
son lit, mais elle est incapable de se tenir debout, même avec l'aide d'une
personne ; faiblesse beaucoup plus grande du bras droit qu'elle ne peut por-
ter à la tête, cependant les mouvements de l'avant-bras droit sont conservés.
Difficulté pour s'asseoir dans son lit. Les mouvements que la malade ne peut
exécuter seule peuvent être imprimés aux membres par l'observateur sans
provoquer aucune douleur. Aucune hyperestbésie cutanée ; pas de douleur
dans la tète ou dans le dos ; absence d'anestbésie. Intelligence parfaite; au-
cun mouvement convulsif général ou partiel. Appétit normal, aucun trouble
de la déglutition, aucun symptôme morbide du côté de l'arriùre-bouche ou
dans la voix. (Potion tonique ; deux pilules de Vallct ; une portion.)
18. Augmentation de la faiblesse musculaire; Jehl ne peut plus lever les
bras ou les jambes, elle peut seulement mouvoir assez l'avant-bras droit
pour se moucher eu portant la tète à la rencontre de l'avant-bras; la force
est néanmoins assez diminuée pour ne pas lui permettre de retenir un objet
qu'on place entre ses doigts. Intégrité des mouvements du col, aucune para-
lysie des muscles de la face. Pas de douleurs de tète ni dans le dos; aucune
hyperestbésie ou anesthésie; même impossibilité pour s'asseoir seule. Quand
on l'asseoit de force, Jehl accuse quelques douleurs peu vives dans les reins.
Intégrité absolue de l'intelligence. Pas de selles depuis quatre jours; mic-
tion normale, de même que la déglutition; aucune trace de pseudo-mem-
branes dans l'arrière-gorge, qui offre son aspect normal, aucune coloration
morbide des gencives, pas de liséré saturnin. (Infusion de menthe; potion
tonique ; deux pilules de Vallet; calomel 0,G0, et résine de jalap 0,50; deux
bouillons, deux potages.)
19. 96 pulsations. Augmentation des accidents paralytiques, aujourd'hui
comme hier Jehl n'a pu manger ni boire seule; immobilité absolue de la
jambe droite, quelques mouvements peu étendus sont encore possibles dans
la gauche. Paralysie motrice incomplète dans le bras droit, complète à
gauche. Une selle; appétit. Intelligence demeurant parfaite. (Même prescrip-
tion, moins le purgatif.)
20. Même état. Cependant aujourd'hui Jehl parvient à remuer un peu les
orteils de chaque côté sans pouvoir changer les jambes de place. Quelques
douleurs comparées à de l'engourclissement dans les deux poignets. Voix un
peu nasonnée; l'arrière-bouchene présente rien d'anormal ; les mouvements
du voile comme ceux de la langue sont parfaitement normaux. Intelligence
bonne, sponlauéilé; la malade s'inquiète do son état. Diminution de l'appétit.
175
mauvais goût dans la bouche. Deux selles abondantes dans la matinée, inro-
lontaires, mais dont la malade a eu parfaitement conscience. (Infusion d'ar-
nica; potion avec éllicr sulfurique, 3 grammes; bouillon.)
21. Aggravation de l'état général 3 dyspnée depuis la veille au soir; ron-
chus tracl)éal. Jehl accuse une gène considérable dans la respiration. Aucune
douleur de tète; teinte violacée des lèvres et de la face. Impossibilité absolue
de remuer les deux jambes dont la sensibilité est conservée ; quelques mou-
vements sont encore possibles dans les doigts de la main droite. Aucune trace
de soubresauts ou de contracture ce jour comme les précédents ; diflîculté
de la déglutition. Pouls, 120. (Julep avec éther, 3 grammes; ventouses scari-
fiées sur la région dorsale de la moelle pour 150 grammes de sang; frictions
sur les parois du thorax avec alcoolat de mélisse ; sinapisme sur les mem-
bres.)
Dans la matinée, Jehl présente une dypnée croissante. Mort à deux heures
du soir; la connaissance est restée parfaite jusqu'à une heure de l'après-
midi.
Examen du cadavre vingt-six heures après la mort. Aucune altération des
parois du crâne ou des téguments. Distension des vaisseaux des méninges
par du sang,: aucune adhérence des enveloppes du cerveau ou de la moelle
à la surface du cerveau. Peu de liquide dans le tissu cellulaire sous-arach-
noïdien, il est transparent, nullement louche, sans mélange de sang, de pus
ou de fausses membranes. Le cerveau et la moelle examinés avec soin dans
toute leur étendue, ne présentent aucune altération ; piqueté vasculaire très-
peu abondant dans le cerveau.
Arrière-bouche et larynx sains.
Adhérences anciennes partielles des deux poumons; plusieurs tubercules
crétacés au sommet de chaque poumon, entourés par un tissu pulmonaire nu
peu épaissi. Congestion sanguine des deux poumons, sans friabilité de l'or-
gane, sans traces de pneumonie.
Péricarde et cœur sains.
OEsophage sain.
Muqueuse stomacale blanchâtre légèrement mamelonnée dans la région
pylorique, ramollie surtout dans le grand cul-de-sac.
Les altérations de l'intestin grêle sont circonscrites dans une hauteur de
I^.ôO au-dessus de la valvule iléo-cœcale; follicules isolés volumineux, quel-
ques-uns ulcérés ; parmi les plaques, les unes présentent des ulcérations dont
le fond est déjà recouvert par une couche de tissu cellulaire peu dense, les
autres sont encore molles, volumineuses, et présentent une ou plusieurs ul-
cérations, atteignant les fibres musculaires sans aucune trace de bourbillon.
La muqueuse située entre ces ulcérations est injectée et ramollie. Quelques
ulcérations peu étendues existaient dans le cœcum.
176
Ganglion? nictenlcriques vuluinineux, mous, ijuclques-uns encore légère-
ment Tiolacés.
Foie d'une dimension normale, d'une couleur fauve claire uniforme, sans
aucune altération de structure; bile claire verdàtre ; vésicule et canaux bi-
liaires normaux.
Rate adhérente au diaphragme, volumineuse (hauteur 0",12 sur 0»,08 de
largeur), tissu ramolli.
Reins congestionnés sains.
Utérus rétrofléchi retenu par des adhérences celluleuses anciennes qui le
fixent au rectum ; col virginal; catarrhe du col et des deux trompes. Ovaires
gains.
Les nerfs du bas-ventre n'offrent aucun caractère morbide; le grand sym-
pathique n'a pas été examiné.
Cette observation présente, plus d'un phénomène insolite. La mala-
die primitive, la fièvre typhoïde, quoique accompagnée de symptômes
peu tranchés, était cependant parfaitement reconnaissable, et elle
avait été exactement diagnostiquée par moi pendant la vie de la ma-
lade; l'examen cadavérique est du reste venu mettre hors de doute la
nature de l'affection primitive. 11 n'existe sûrement dans l'état actuel
de la science aucune autre affection du cadre nosologique, excepté la
fièvre typhoïde, à laquelle on puisse rapporter les infiltrations et les
ulcérations des plaques de Peyer, l'augmentation du volume de la
rate et des ganglions avec leur changement de consistance.
La fièvre typhoïde ne datait-elle réellement que de l'époque de
Tadmission de la malade à l'Hôtel-Dieu? Je ne saurais le croire. En
effet, le travail de cicatrisation des ulcérations intestinales était déjà
avancé, et il es-t très-probable que l'invasion de la pyrexie date de
l'époque de malaise pendant laquelle celte jeune femme put encore,
quoique avec peine, remplir ses occupations de domestique ; cette fièvre
typhoïde appartenait donc à celte catégorie que les Allemands dé-
signent sous le nom de typhus ambulalorius, et que nous nommons
fièvre latente.
Après avoir été témoin de ce fait, je ne saurais adopter, sans y ap-
porter une certaine restriction, celle opinion de M. Trousseau (Cli-
nique MÉDICALE, v. 1, p. 191, 1861) : « C'est après les formes graves de
la dolhinentérie que nous voyons ces paralysies. » Or on désigne gé-
néralement sous le nom de formes graves de la dothiuenlérie, celles
qui s'arrnmpagnpnt de symptômes intenses bien tranchés. Parmi les
circonstances propies à favoriser le développement de la dothinenté-
177
rie, plusieurs membres de la Société médicale des hôpitaux ont si-
gnalé l'exisleDce, pendant le cours de la maladie, d'accidents nerveux
graves : délire, soubresauts des tendons, etc. Cette opinion semble
fondée quand on s'appuie nniquement sur les cas de paralysie déve-
loppés dans le cours de la maladie ; mais elle cesse d'être l'expression
des faits quand on examine surtout les cas de paralysie développés
pendant la convalescence. En effet, sans sortir du fait qui m'occupe
ici, je n'ai remarqué à aucune époque de la maladie, pas plus que
dans la convalescence du délire, des troubles nerveux du côté des
membres, de la contracture, des convulsions partielles ou générales,
et même l'intelligence est demeurée intacte jusqu'à une heure avant
la mort.
On peut rapprocher, relativement à l'influence que la lièvre typhoïde
exerce sur les phénomènes de la convalescence, les paralysies des ac-
cidents anémiques qui ont été décrits par beaucoup d'auteurs. Sans
m'étendre ici sur un sujet qui fera l'objet d'un travail ultérieur, je
noterai que chez un certain nombre de convalescents de fièvre ty-
phoïde peu grave et d'une durée peu prolongée, j'ai vu fréquem-
ment des accidents d'anémie survenir dans mon service d'hôpital. Les
malades qui avaient alors un pouls plutôt au-dessous qu'au-dessus du
chiffre normal, accusaient alors une grande faiblesse, des étourdisse-
ments, et présentaient un souffle anémique plus ou moins fort, inter-
mittent ou rémittent au col. Enfin, comme dernière preuve de la
nature adynamique des accidents, j'ajouterai que ces accidents dimi-
nuaient sous l'influence d'un traitement Ionique et surtout ferrugi-
neux.
Cette altération du sang dans la fièvre typhoïde se traduit encore
par des hydropisies que j'ai décrites dans un autre travail. (Arch. gén.
DE MÉDECINE, série V.) Je rapprocherai de ces signes d'altération du
sang dans la convalescence de cette pyrexie les hémorrhagies ultimes.
En effet, comme les paralysies, les hémorrhagies peuvent se manifester
à deux époques très-distinctes de la maladie ,- les plus fréquentes appa-
raissent dans la période d'état de la maladie, mais surtout vers sa
terminaison, et paraissent dépendre beaucoup plus d'une altération
du sang que d'une lésion mécanique locale. J'ai vu des hémorrhagies
intramusculaires des membres se manifester beaucoup plus tard chez
un jeune homme déjà convalescent d'une fièvre typhoïde peu grave ;
ces hémorrhagies étaient parfaitement reconnaissables, car les noyaux
MÉM. 12
178
localisés sans altération de couleur de la peau, présentèrent plus tard
la série de dégradations de couleurs qui sont propres aux ecchy-
moses.
La diffluence du sang, ou sans vouloir spécifier la nature de l'alté-
ration hématiqiie que je ne connais pas, cet état du liquide sanguin
qui donne lieu dans les fièvres typhoïdes aux anémies, hydropisies,
hémorrhagies, etc., peut apparaître après les formes de la pyrexie en
général les moins graves.
On a argué du peu de fréquence des paralysies consécutives aux
fièvres typhoïdes pour chercher à prouver que la paralysie et la py-
rexie sont de pures coïncidences sans relation de cause à effet. On au-
rait, lors des premières observations de paralysie diphlhérilique, pu
user du même argument pour les besoins d'une opinion analogue, et
cependant l'expérience ultérieure est venue lui donner un formel dé-
menti. N'avons-nous pas vu plusieurs médecins citer des faits analo-
gues observés antérieurement et qui alors avaient passé inaperçus ou
du moins sans exciter leur attention? D'ailleurs, j'ai cherché à dé-
montrer par un historique encore bien incomplet que ces paralysies
avaient été observées et décrites par des observateurs de plusieurs
pays. Ne pourrail-on pas invoquer ici le genre constitutionnel, expli-
cation alléguée de la fréquence actuelle de la paralysie diphlhéritiqne?
Les maladies septiques sont surtout celles qui présentent ces diffé-
rences séméiologiques dans les divers temps et peut-tae aussi dans
différents pays.
Celte dernière partie de la proposition que j'émets ici n'est pas à
mes yeux purement dubitative; depuis que j'exerce à Rouen, j'ai pu
me convaincre que les symptômes des maladies, et surtout les phéno-
mènes de la convalescence des maladies aiguës et la période termi-
nale des affections chroniques était très -différente de ce que j'avais
observé pendant dix ans dans les hôpitaux de Paris. Les maladies ont
ici un caractère beaucoup plus adynamique.
Les paralysies typhoïdes de la convalescence siègent presque tou-
jours primitivement aux extrémités périphériques des nerfs; dans le
cas que j'ai rapporté les accidents débutèrent par une faiblesse très-
grande des jambes. C'est en effet dans cette région que des paralysies
sont signalées par Lepecq de la Clôture, MM. Gubler, Barthez et
Rilliet, Huss, J. Jackson, Griesinger, Hasse, etc. Cependant, dans cer-
tains cas, la paralysie a un siège différent; j'en ai observé un exemple
179
dans Je coii-::- de la période aiguë de la maladie dans un cas assez in-
téressant pour croire devoir en donner une courte analyse.
FIÈVRE TTPnOÏDE A DÉnUT LATENT; ACCÎDEMS DE PARALYSIE DD SENTIMEM
ET DU MOUVEMENT DANS LES MEMBRES SUPÉRIEURS ; AMAUROSE INCOMPLÈTE.
RÉTENTION DURINE. DÉLIRE ULTIME. MORT. INTÉGRITÉ DES CENTRES NER-
VEUX, ULCÉRATIONS TYPHOÏDES DES PLAQUES DE PEYER.
Obs. II. — Godefroy (Michel) âgé de 22 ans, manœuvre, entre le 2 sep-
tembre 1856 à l'Hôtel-Dieu de Rouen, salle V, n» 1, dans ma division. Habi-
tuellement d'une bonne santé, Godefroy était occupé depuis quelque temps à
servir les maçons à la construction de la nouvelle prison de la ville, quand il
y a cinq jours il tomba d'une hauteur de 5 pieds environ d'un échafaudage
sur les fesses et le dos; relevé immédiatement sans avoir perdu connais-
sance, il put retourner seul à son domicile, mais cessa tout travail ; il éprou-
vait depuis des étourdissements, une douleur localisée principalement dans
le côté droit de là tête, de l'anores •" ?:ms diarrhée. Aucun traitement n'a été
fait en ville.
Au moment de l'admission du malade à l'hôpital, je le trouve dans l'état
suivant : intelligence médiocre, un peu de difficulté dans l'articulation des
mots que le malade semble trouver avec peine mais qui sont toujours justes.
Céphalalgie, principalement à droite. Aucune douleur dans les membres
sensation d'engourdissement dans toute l'étendue du membre supérieur
droit, avec analgésie marquée; force un peu moins développée de ce côté.
Le malade a été apporté à l'hôpital, assurant ne pouvoir marcher à cause des
étourdissements qu'il éprouve. Unépistaxis peu abondant il y a trois jours;
pas de diarrhée; pas de météorisme abdominal, de sensibilité dans les deux
fosses iliaques ni de taches rosées lenticulaires visibles.
3 septembre. Pas de délire dans la nuit; fièvre marquée; même difficulté
dans l'articulation des mots; un peu d'affaiblissement de la vue, cependant
les objets peuvent être distingués; persistance de la céphalalgie et de la fai-
blesse avec analgésie du bras droit. Roideur légère du tronc, telle que le
malade s'assoit avec peine; aucune roideur ni douleur dans les mouvements
du col ou de la tète; même absence de symptômes abdominaux. (Cinq sang-
sues derrière chaque oreille ; lavement purgatif; limonade sucrée; bouillon.)
Dans la soirée, à cause de la constipation et de la fièvre, j'administre 0,80 de
calorael en trois fois.
4. Repos calme pendant la nuit. 112 pulsations. Intelligence toujours assez
bonne. Plusieurs selles après lecalomel administré la veille; un peu de ten-
sion du ventre, sans taches rosées lenticulaires. Difficulté égale dans les mou-
vements des deux bras que le malade ne peut porter à sa tête, analgésie
légère dans toute leur étendue ; la vue parait, au contraire, être devenue
plus distincte; le malade remue librement les jambes dans son lit; même
180
roidenr du tronc , ab?enre complète de soubresauts des tendons. (Limonade ;
compresses froides sur la tète; bouillon.)
5. 112 pulsations. Abattement complet; dilTiculté deraniculation des mots;
aucun mouvement spontané des membres supérieurs quand on les pique ou
les pince; un peu de météorisme abdominal; mouvements spontanés des
deux jambes; plusieurs selles involontaires. (Vcsicatoire à chaque tempe.)
6-9. Augmentation de la prostration ; même immobilité des membres supé-
rieurs, peu de mouvements des inférieurs; la déglutition devient difficile le
6, et les boissons peuvent à peine être avalées ; quelques selles involontaires.
Respiration accélérée. Délire loquace par moments. Rétention d'urine le der-
nier jour.
Mort le 10 septembre, à sept îieurcs et demie du maiin.
Examen du cadavre vingt-cinq heures après la mort. Tcgumenis du crâne
Bains, de même que la boîte crânienne et les vertèbres examinées avec soin
dans toute leur étendue; distension légère par du sang des vaisseaux de la
pie-mère; aucune apparence morbide des méninges, du liquide céphalo-
rachidien dont la quantité est normale; pulpe cérébrale parfaitement saine à
sa surface comme à l'intérieur. Même intégrité du cordon rachidien dans toute
son étendue.
Aucun épanchement dans les deux plèvres ; splénisation de la partie posté-
rieure du lobe inférieur du poumon droit saus granulation pneumonique;
congestion sanguine de la base du poumon gauche ; tout le reste des deux
poumons est sain.
Péricarde et cœur sans altération.
Muqueuse stomacale saine. Saillie des plaques de Peyer d'une étendue de
2 mètres au-dessus de la valvule iléocœcale ; quelques-unes de ces plaque?
sont molles; quelques-unes, les plus inférieures, ulcérées dans leur centre
et présentant une masse bourbillonneuse jaunâtre incomplètement détachée;
peu de follicules isolés saillants; dans l'intervalle des éléments glandulaires
altérés, la muqueuse est pâle, nullement injectée.
Foie d'un volume normal, un peu congestionné; bile saine.
Rate plus que doublée de volume, molle et friable.
Ganglions mésentériques volumineux, violacés.
Reins sains, un peu congestionnés.
Vessie saine.
Les symptômes de la maladie réelle étaient dans ce cas si peu marqués et
es accidents paralytiques si singuliers, que j'avais été induit en erreur pen-
dant la vie du malade sur la nature réelle de la lésion.
Cette observation diffère beaucoui) de la précédente ; elle est siir-
loul intéressante au point de vue du diagnosli(".
La forme et la succession des accidents parnlytiqiios offrent une
181
remarquable analogie dans trois cas de paralysies ascendantes aiguës
autérieurement publiés : l'un d'eux (Archiv. gén. de méd., sect. V,
V. IX, p. 476, 1857) est consécutif à une asphyxie par la vapeur de
charbon; il n'y a donc pas identité d'ordre de cause avec le genre de
paralysie que j'étudie ici. Si je le mentionne dans ce travail, c'est
seulement pour rappeler que la paralysie, d'abord limitée aux extrc-
milés, s'est peu à peu étendue, au point de devenir générale et de
causer la mort par asphyxie, semblan t laisser les fonctions cérébrales in ^
tactes jusqu'au moment de la mort. Sous le rapport des symptômes, ce
fait de paralysie ascendante aiguë consécutive à l'empoisonnement
par le charbon, offre donc une parfaite analogie avec l'observation
de paralysie typhoïde rapportée au début de ce travail, et aussi avec
l'observation de paralysie pneumonique recueillie par moi et consi-
gnée dans le travail de M. Gubler. Cet exposé montre donc que,
comme dans les paralysies diphlhéritiques, on voit les troubles du
mouvement se manifester dans les membres et monter progressive-
ment; on ne remarque pas, il est vrai, une identité absolue entre ces
diverses paralysies. J'ai moi-même observé deux cas de paralysie
diphlhéritique, l'un à l'Hôtel-Dieu de Rouen, dans ma division, l'autre
dans ma pratique civile. Chez ces deux malades la paralysie débuta
d'abord dans le voile du palais, et ne se manifesta qu'ultérieurement
dans les membres, puis dans l'appareil de la vision; mais celte préfé-
rence de la paralysie diphthéiilique pour le voile du palais ne tient-
elle pas à la localisation de la maladie dans l'arrière-bouche?
M. Maingault (Soc. méd. des hôpitaux, 12 déc. 1860) et M. See
{ibid., 7 nov. 1860) ont l'un et l'autre insisté sur l'intégrité complète
des facultés intellectuelles comme caractérisant les paralysies diphthé-
ritiques, opposant à ce résultat que, dans les paralysies de la conva-
lescence des maladies aiguës, on observe des symptômes cérébraux
graves, délire, démence, etc.. L'observation que j'ai recueillie mon-
tre qu'il peut y avoir une intégrité absolue de l'intelligence avant et
pendant la période paralytique de la fièvre typhoïde, puisque la ma-
ladie a conservé ses fondions intellectuelles intactes jusqu'au moment
de la mort.
Les accidents de paralysie de mouvements dans la convalescence de
la fièvre typhoïde sont, de l'aveu de tous les observateurs, accompa-
gnés ou précédés de troubles de la sensibilité; cependanl; cette
cofisistence n'est pas constante.
182
La motilité dans le cours de la convalescence de la fièTie typhoïde
peut, du reste, présenter d'autres symptômes morbides, sans parler
des soubresauts dont malheureusement nous voyons chaque jour des
exemples; je citerai les contractures indiquées et observées par
Graves, Chomel, MM. Louis, Jackson, Imbert-Goubeyre, Aran, etc., et
dont j'ai moi-même recueilli plus d'un exemple; enfm les convul-
sions dont j'ai vu en 1851, pendant mon internat à l'hôpital de lu
Pitié, dans le service de M. Gendrin, un cas suivi de mort. La sen^i-
bilité cutanée et musculaire est également modifiée chez ces malades.
Ainsi l'hyperesthésie cutanée peut être observée seule ou avec para-
lysie; ces hypereslhésies seraient même assez fréquentes, au dire du
professeur Griesinger ; le même observateur assure que Tanesthésie des
membres dans la convalescence de la fièvre typhoïde est assez commune.
Ces divers accidents semblent donc former une série morbide, de-
puis l'anesthésie jusqu'à la paralysie, depuis l'hyperesthésie jusqu'à
la convulsion.
J'ai déjà fait pressentir quelle était ma manière de voir sur la na-
ture de ces paralysies typhoïdes. L'opinion de Graves, qui les attri-
buait à une myélite ou à une congestion de la moelle, ne me semble
guère soutenable. Je n'ai pas constaté cette douleur que le clinicien
de Dublin dit avoir si fréquemment observée dans le dos au début
des accidents paralytiques; d'ailleurs à elle seule elle ne suffirait pas
pour démontrer l'existence d'une maladie de la moelle. Griesinger
fait remarquer, avec juste raison, qu'il ne connaît encore aucun tra-
vail dans lequel l'existence d'une altération du cordon rachidien ait
été démontrée; les faits que j'ai cités plus haut m'autorisent à ne pas
rapporter ces paralysies à une lésion matérielle de l'axe cérébro-spi-
nal; j'aurais beaucoup plus de tendance à reporter la cause de ces
troubles à une altération du sang dont je rencontre chaque jour les
preuves chniques les plus manifestes et qui agit ultérieurement sur
le système nerveux.
La plupart des auteurs, conduits par l'expérience clinique, sont
amenés à conseiller, comme M. Trousseau (loc. cit.), la médication
tonique dans les paralysies typhoïdes; c'est aussi celle que je propo-
serais : malheureusement dans le cas remarquable que j'ai eu sous
les yeux, la maladie a suivi une marche si rapide que tout iraite-
meal a été sans efficacité.
MEMOIRE
ANOMALIES DE L'ŒUF,
LE DOCTEUR C. DAVAINE.
« Je n'ai pas besoin d'insister heaucoup
« pour faire sentir de quel intérêt ces
« anomalies de l'œuf non fécondé peuvent
n être pour l'histoire de l'évolution du
« fœtus, des grossesses multiples, des
« monstruosités, etc. »
BiSCHOFF.
L'œuf est sujet à des anomalies diverses : tantôt sa forme est plus
ou moins modifiée, tantôt il manque de quelque partie essentielle,
tantôt l'une ou plusieurs de ces parties s'y trouvent en excès, ou bieu
il s'y rencontre un corps d'origine inconnue.
Dans d'autres temps, ces anomalies ont été pour les savants, aussi
bien que pour le peuple, l'objet d'opinions singulières, bizarres ou
d'idées superstitieuses; aujourd'hui l'origine, la nature de ces ano-
malies, leurs effets sur le développement et sur l'organisation de l'em-
bryon soulèvent des questions dont l'importance physiologique ne
peut être méconnue.
Les faits rapportés dans ce mémoire concernent principalement
l'œuf des oiseaux. L'énorme consommation domestique de celui de la
poule, les recherches multipliées des savants sur son développement
18'»
ont donné, en sa faveur, une proportion considérable de cas d'anoma-
lie. L'œuf des animaux qui appartiennent à d'autres classes n'est pas
moins sujet, sans doute, à des vices de conformation; nous en rap-
porterons des exemples observés chez des mammifères, chez des pois-
sons et chez des invertébrés; mais c'est chez l'oiseau seulement que
nous pourrons étudier ces anomalies dans leurs diverses conditions.
L'œuf est essentiellement constitué par une vésicule primordiale, la
vésicule germinative, par un vîtcUus ou jaune, et par une membrane
d'enveloppe ou viteUine (pi. I, fig. 2). Primitivement la vésicule ger-
minative est située au centre du vitellus; plus tard elle devient ex-
centrique, ou même, chez un grand nombre d'animaux, elle se placi'
immédiatement sous la membrane vilelline, et le vitellus offre autour
d'elle des modidcalions qui constituent ce qu'on appelle la cicalricule
ou le germe (lig. 3, c), car c'est de ce point que procède le dévelop-
pement embryonnaire.
Tel est Xœuf ou plutôt Vovule avant qu'il ne quitte l'ovaire.
Chez un grand nombre d'animaux, l'œuf, uniquement constitué par
ces parties, ne reçoit point de complément avant le développement de
l'embryon. Mais chez d'autres animaux, après avoir quitté l'ovaire,
l'ovule parcourt un Inijet plus ou moins long dans de nouveaux or-
ganes (pi. I, tig. 1) où il accjuiert de nouvelles parties; celles-ci ne
sont toujours qu'accessoires, et servent uniquement à la nutrition ou
à la protection de l'embryon futur. Elles consistent en un liquide al-
bumiueux, souveut disposé par couches {blanc, albumen) ou sous
forme de ligament qui maintient le jaune en place {chalazes), en une
membrane d'enveloppe revêtue ou non d'une substance calcaire ou
d'apparence cornée [membrane tcstacée, coquillère ; test, coque^ co-
quille) (fig, 3).
Les anomalies de l'œuf peuvent donc être classées en deux groupes :
les unes, que j'appellerai primitives, atteignent les parties qui consti-
tuent essentiellement l'ovule, c'est-à-dire la vésicule germinative ou
la cicalricule, le vitellus et la membrane vitelline; les autres, que
j'appellerai secondaires, atteignent les parties annexes de l'ovule.
Les premières se forment dans l'ovaire, les secondes se forment gé-
nérale n^ent dauii i oviducte.
185
PREMIÈRE PARTIE.
ANOMALIES PRIMITIVES.
Sbotion I. -> Anomalies relatives h la véslcale gcrmlnative.
La vésicule germinative est constituée par une paroi^ par un contenu
et par un noyau ou nucléole appelé tache germinative (pi. 1, fig. 2 a).
L'importance de la vésicule germinative est aujourd'hui parfaite-
ment connue, et si son rôle physiologique n'est peut-être pas encore
bien déterminé, on sait au moins que c'est d'elle ou de la portion de
l'ovule qu'elle occupe que procède le développement embryonnaire.
Lorsque l'œuf possède une cicatricule ou germe, la vésicule germi-
native est située dans la cicatricule; car ce dernier organe ne se forme
jamais que de lo portion de l'ovule occupée par la vésicule du germe.
Si la vésicule germinative ne se retrouve pas toujours dans la cicatri-
cule, c'est qu'elle peut disparaître à l'époque où celle-ci acquiert son
développement complet; mais dans toute cicatricule la vésicule ger-
minative a primordiulement existé.
Chez tous les animaux, dans l'ovule normal, la vésicule germina-
tive ou de môme la cicatricule est unique.
Les anomalies qui concernent la vésicule du germe peuvent consis-
ter : 1"» dans son absence; 2" dans quelque changement de sa consti-
tution ; 3° dans sa multiplicité.
1° Lorsque l'œuf a acquis sa maturité, ou bien après la fécon-
dation, la vésicule germinative disparaît. Pour constiluer une ano-
malie, l'absence de cette vésicule devrait donc avoir été primordiale;
nous n'en connaissons point d'exemple, à moins qu'il n'y ait eu en
même temps une anomalie beaucoup plus complexe, à savoir : l'ab-
sence même du vitellus.
2° Les anomalies signalées jusqu'aujourd'hui, et qui se rappor-
tent à la conetitution de la vésicule germinative, ne concernent
vV:
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-««b-^-n..
^/2^
186
que le nucléole, c'est-à-dire la tache germinative. On sait que chez
les mammifères cette tache est toujours unique; or "Wagner a signalé
quelques faits qui dérogent à cette loi :
Dans l'œuf d'une lapine, Wagner a figuré deux taches germinatives, à côté
l'une de l'autre, sur une vésicule d'ailleurs normale; dans un autre œuf du
même animal, il a représenté un amas de six taches contiguës, toutes sphéri-
ques, et dont chacune égale presque en grosseur la tache normale; dans un
œuf de surmulot, il a représenté la vésicule avec deux taches; enfin, il a
donné la figure de la vésicule gerrainalive d'une brebis qui offre une tache
entourée d'un anneau, et en outre plusieurs taches claires semblables à des
anneaux (tj.
Depuis Wagner, aucun physiologiste n'a publié de cas semblables,
et, d'un autre côté, le rôle de la tache germinative dans le dévelop-
pement ultérieur de l'ovule est tout à fait inconnu; en sorte que noua
nous bornerons à une simple mention de ces faits.
3° L'anomalie la plus intéressante peut-être pour le physiologiste est
celle qui consiste en la présence de plusieurs vésicules germinatives
dans un vitellus unique.
L'existence de cette anomalie de l'œuf est établie par l'observatiou
du fait même ou par l'observation de faits qui l'impliquent. Ceux-ci
sont la présence sur un vitellus de deux embryons ou de deux cica-
tricules distinctes, car la vésicule germinative étant, en quelque
sorte, le centre du développement embryonnaire, plusieurs embryons
distincts impliquent nécessairement l'existence primordiale de plu-
sieurs vésicules germinatives, et, d'un autre cùlé, la cicatricule se
conslituant toujours autour de la vésicule germinative, l'œuf qui
possède plusieurs cicatricules possède, ou bien a possédé primordia-
lement, plusieurs vésicules germinatives. D'après ces considérations,
nous nous proposons donc de rapprocher et de confondre dans une
même étude, au point de vue de l'anomalie qui nous occupe, les cas
dans lesquels l'œuf, renfermant un vitellus unique, possède soit plu-
sieurs vésicules germinatives, soit plusieurs cicatricules, soit plu-
sieurs embryons distincts.
(l) 6^CTCL0PBD1B ANATOMtQUE, t. Vlll, p. 10 et 644.
187
Du rapprochement, de la comparaison et de l'appréciation des
divers cas, 11 ressortira, je pense, ce fait, encore contesté par plu-
sieurs physiologistes, que la duplicité chez les animaux vertébrés,
c'est-à-dire la monstruosité composée, doit souvent son origine au
vice de conformation de l'œuf, qui consiste dans l'existence primor-
diale de deux vésicules germinatives en un même vitellus.
Alin de rendre plus complète l'étude de l'anomalie qui nous occupe,
nous rapporterons, en outre des faits dans lesquels deux embryons
situés sur un seul vitellus, mais étant partiellement unis, leur déve-
loppement par deux germes primitivement distincts n'est pas de soi-
même évident ; toutefois la place que nous donnons ici à ces faits
sera justiQée dans la suite ; on verra qu'il n'y a pas lieu d'admettre
pour les deux embryons partiellement unis, un mode de formation
autre que pour les deux embryons libres sur le même vitellus, et qu'il
n'y a entre ces deux cas qu'une différence de degrés.
A.— Deux vésicules germinatives distinctes.
Premier fait. — Laureot, œuf de la limace grise.
I. — Dans ses recherches sur les monstruosités doubles, Laurent s'ex-
prime ainsi : « En étudiant l'œuf pris dans l'ovaire de la Umax agrestis, nous
avons trouvé de temps en temps, mais rarement, quelques vitellus des œufs
ovariens qui renfermaient deux germes, ou mieux deux vésicules du germe.
Du moment où nous avons pu distinguer nettement deux vésicules du germe
dans un même vitellus ou œuf ovarien, nous aurions voulu pouvoir suivre le
sort de cet œuf ovarien, mais l'œuf et l'animal sur lequel on l'observe étant
toujours sacrifiés, il devint évident pour nous que nous ne pourrions ja-
mais parvenir, par l'observation directe, à l'origine première d'une monstruo-
sité double provenant à nos yeux d'un œuf ovarien à double vésicule du
germe... (1). »
Deuxième fait. — CosTE, œuf de lapiu (pi. I, Og. 12).
II. — M. Coste a donné la ligure d'un œuf de lapine qui renfermait deux
vésicules germinatives. Par l'action du compresseur, ces deux vésicules
étaient sorties intactes de l'ovule déchiré (2).
(1) Laurent, Essai sur les monstruosités doubles, in Annales franc, et
ÉTBANG. d'anat. ET DE PHYSiOL., t. 111, p. 217. Paris, 1839.
(2) Coste, Etudes ovologiques pour servir à l'histoire de l'œuf dans l'ovaire,
et de la vésicule germinative, in Ann franc, bt étr. d'anat. et de phtsiol.,
1. 11, p. 225, pi. V, flg. 3, 3', 3", Paris, 1838.
188
Tronumc (att. — Ai.LiiPi THOMSON, œuf de chat.
III. — M. Allen Thomson rapporte un fait analogue en ces termes : • Per-
sonne, non plus que moi. n'a découvert deux vésicules germinatives dans
nn vitellus avant la fécondation. Une observation de ce genre serait du plus
haut intérêt. Une fois j'ai pensé avoir rencontré uu exemple de cette parti-
cularité dans l'œaf ovarien du chat; mais je crains qu'il n'y ait eu quelque
erreur dans l'observation, et que les vésicules germinatives de deux ovules
rapprochés qui étaient en même temps sur le champ du microscope, ne se
soient accidentellement juxtaposés (1). »
B. — Deux cicatricules distinctes.
Premier fait. — Fabrice d'Acqcapendeme, œuf de poule.
IV. — Fabrice ab Acquapendente a vu deux germes sur le vitellus d'un
œuf de poule ; il mentionne le fait en ces termes : « Eam (cicatriculam) in
a magno vitello duplicem aliquando observavimus, alteram alteri satis pro-
€ pinquam, et alteram altéra minorem.... (2). »
Deuxième (ail. — SERRES, œuf de poule.
V. — « Chez une poule qui avait pondu des œufs à double jaune, dit
M. Serres, j'ai rencontré un ovule double dans le même calice, dont les deux
vitellus s'étaient réunis quoique les deux cicatricules rapprochées fussent
distinctes (3). »
Troisième fait. — Allen Thomson, œuf de poule.
VI. — « Deux cicatricules, dit M. Allen Thomson, ont été quelquefois ob-
servées sur un jaune unique, mais je crois qu'on doit conserver quelque
doute de savoir si cette apparence, que j'ai moi-même quelquefois vue, n'est
pas trompeuse. Je n'ai du moins jamais observé aucun indice de développe-
ment dans l'une et l'autre, et je ne sache pas qu'aucun ex[iérimentateur ait
vu dans ces cicatricules un changement qui permit de conclure qu'elles con*
tenaient toutes les deux le germe d'un embryon (i). »
(1) Allen Thomson, Remarks upon the early condilion and probable origin of
double monsters, in The London and Edinburgu monthly journal of médi-
cal science, 1844, u" Vil, p. 581.
(2) Hieronymi Fabiicii ab Acquapendente, De formatione ovi, p. 13, in
Opéra omnia, Lugduni Batavorum, 1737.
(3) Principes d'embryogénie, de soogénie et de tératogénie, par M. Serres,
dans MÉM. de l'Ac. des sciences, t. XXV, p. 92. Paris, 1860.
(4) Allen Thomson, Mcm. cit., p. 579.
189
C. — Deux embryons distincts.
Premier fait. — Reichert, œuf d'écrevisse.
VII. — « L'autre cas (voyez ci-après n" XIII) concerne un œuf d'écrevisse
avec une formation jumelle uormale. Les deux embryons se trouvaient en-
core ici sur le même jaune, l'un derrière l'autre dans le diamètre transver-
sal de l'ovule, de sorte que les extrémités caudales étalent opposées et sépa-
rées par un très-petit intervalle (1). »
Deuxième fait. — ALLEN THOMSON, œuf de poule (pi. I, fig. 15).
Vin. — Il s'agit d'un œuf de la poule commune examiné par M. Allen
Thompson en 1840. L'incubation date de seize à dix-huit heures; le jaune
est unique, il existe un seul blastoderme. Cette membrane a acquis à peu
près son développement ordinaire pour l'époque et n'offre point d'apparence
anormale; mais la forme de l'aire transparente a quelque chose de particu-
lier ; elle paraît fendue partiellement sur un côté.
Il y a sur cette aire deux embryons distincts, dont le développement ne
va pas au delà du premier état que caractérise l'existence de la trace primi-
tive. La trace primitive de chaque embryon ne diffère pas matériellement de
celle qui se forme d'un germe simple, excepté toutefois que chacune possède
une légère courbure dans la portion où les embryons se trouvent le plus
rapprochés. Les couches séreuse et muqueuse du blastoderme ne sont pas
encore distinctement séparées l'une de l'autre. Chaque trace primitive con-
siste dans un épaississement formé par l'accumulation de petites cellules à la
surface de la membrane qui aurait bientôt constitué la couche séreuse. La
partie centrale, ou l'axe de chaque trace primitive, ne diffère pas de ce qu'elle
est à la même époque dans le cas normal de l'œuf de l'oiseau, et telle que
Bischoff l'a décrite dans l'œuf du chien, formant simplement le fond de la
gouttière primitive, limitée de chaque côté par l'épaississement du blasto-
derme qui constitue les lames dorsales, lesquelles, après le dépôt des rudi-
ments du système nerveux sur une partie de leur surface, se réunissent au-
dessus de la gouttière primitive pour constituer le premier état de l'axe
cérébro-spinal et de son canal (2).
Troisième fait. — WoLFF, œuf de poule (pi. I, fig. 18).
IX.— « Une année s'est écoulée depuis que j'ai montré à l'illustre Académie
un œuf contenant un seul vitellus et deux embryons. L'incubation datait de
six jours; j'en donne aujourd'hui la description...
(i) Bischoff, art. Entvoickelungsgeschichte dans Wagner, Handwoerterbttch
DER Physiologie, 1. 1, p. 912, 1843 ; et Froriep'?, N. Notizen, n» 485, p. 10.
(2) Allen Thomson, Mém. cité, p. 489.
190
« Noire œuf est d'un voliiine ordinaire; l'albumen simple a sa situation
habituelle, sa grandeur et sa consistance normales (a). Le vltellus lui-même
est simple et n'oflre rien qui soit extraordinaire ou contre nature (b6); sa
situation, son volume, sa forme, sa consistance, sa structure sont tout à fait
normaux ; sa membrane extérieure est mince, pellucide.rinterne est, comme
d'ordinaire, plus molle et plus épaisse.
« La première partie qui se présente (en procédant de dehors en dedans et
vers l'embryon) est l'aire vasculaire(e), dans laquelle on remarque quelques
particularités qui sont les premiers indices de la duplicité embryonnaire,
ou qui peuvent être considérées comme l'effet de cette duplicité. L'aire est
tout à fait unique et simple comme le vitellus, car elle est circonscrite à sa
périphérie par une veine terminale unique, simple, non interrompue (ce). Elle
n'oflVe nullement l'apparence d'une division en deux aires distinctes, mais
les vaisseaux y forment un double système de ramiQcations qui ne sont, il
est vrai, ni l'un ni l'autre tout à fait normaux ; c'est là le premier vestiçe de
la duplicité embryonnaire, car chacun des embryons émet, comme d'habi-
tude, ses deux troncs vasculaireslatéraux,d'oùrésultentdansrairevasculaire
quatre troncs au lieu de deux. Ainsi l'embryon supérieur if) possède un tronc
latéral gauche (p) et un droit; l'embryon inférieur (g) est également pourvu
d'un tronc droit (u) et d'un tronc gauche (t). Chaque tronc de l'embryon su-
périeur se divise ensuite, comme dans l'état normal, en deux branches,
l'une supérieure (qr), l'autre inférieure (s). Quant à l'embryon inférieur, les
troncs ne se divisent point ultérieurement en branches supérieures et in-
férieures, mais ils se portent entiers vers le bas et représentent les bran-
ches inférieures seulement, les supérieures faisant complètement défaut. La
cause de cette disposition parait être le voisinage de l'autre embryon dont
les ramifications vasculaires inférieures occupent l'espace dans lequel les
vaisseaux supérieurs du précédent eussent dû se distribuer. Enfin la veine
descendante est assez visible à l'embryon inférieur (t), tandis qu'au supé-
rieur, à cause du rapprochement de l'autre embryon, elle n'existe pas. La
veine terminale, dont une partie seulement est visible dans la position
donnée au vitellus {ce), est unique et simple, circonscrivant l'aire vasculaire
unique dans laquelle se distribuent les ramifications des vaisseaux dérrits
ci-dessus.
D'après ces considérations, il parait que dans l'aire vasculaire unique il
existe un double système de vaisseaux incomplet, à la vérité, puisque les
rameaux supérieurs font défaut dans le système inférieur; mais ces deux
systèmes sont tellement disposés l'un à l'égard de l'autre que, pris ensem-
ble, ils en constituent clairement un seul commun et plus grand, autant
que l'on considère leurs rameaux ini'érieurs comme des subdivisions ou des
rameaux secondaires des supérieurs. Les troncs vasculaires de l'embryon
iuférieur représentent d'autant plus les branches inférieures simples d'un
191
système plus grand qu'ils ne donnent point de branches supérieures, les-
quelles, cependant, doivent naître des vrais troncs latéraux. En outre, l'uni-
que veine descendante qui existe répond tout à fait par sa situation et sa
grandeur à un système plus grand, et lui suffît complètement. Ainsi, non-
seulement aucune partie ne manquerait à ce système commun, mais il
n'existe dans l'aire vasculaire aucune artère qui n'appartiendrait point à
quelque partie essentielle de ce système ou qui pourrait lui être rapportée.
Il offre une seule anomalie, à savoir : que les branches supérieures et in-
férieures qui proviennent naturellement d'un tronc latéral de chaque côté
proviennent ici immédiatement de l'embryon même; les supérieures et les
inférieures de leur embryon respectif.
Si donc on adopte cette manière de voir touchant la distribution des vais-
seaux, il n'y aura pas pour chaque embryon un système propre, mais un
seul système commun à l'un et à l'autre, et divisé de telle sorte, que l'em-
bryon supérieur en possède la portion supérieure, c'est-à-dire les branches
supérieures qui, pour lui, tiennent lieu des troncs avec la veine ascendante
qui s'y trouve, tandis que l'embryon inférieur en possède la portion infé-
rieure, c'est-à-dire les branches inférieures avec la veine descendante. Tout
considéré, la distribution des vaisseaux dans l'aire vasculaire laisse des
doutes de savoir s'il n'y a qu'un seul système commun aux deux embryons
ou deux systèmes propres à chacun des embryons.
« J'ai trouvé une constitution semblable de l'aire vasculaire dans un œuf
au troisième jour de l'incubation, et qui contenait un monstre double. Ici
deux systèmes vasculaires étaient encore mieux marqués, et, pris ensemble,
ils représentaient parfaitement un seul système commun.
« Mais une singularité plus grande encore, et qui paraît moins une dé-
pendance de la duplicité, est relative à la situation et aux enveloppes des
embryons. Normalement l'embryon est renfermé dans l'amnios entre Its
deux membranes du vitellus, de manière que celle qui est extérieure passe
au-dessus de l'amnios, et applique cette dernière enveloppe et le fœtus
contre le vitellus. Non-seulement nos embryons sont tout à fait dépourvus
d'amnios, mais même ils sont situés en dehors de la membrane vitelline ; de
sorte qu'ils sont mobiles sur la sphère du jaune, et n'adhèrent à sa surface
que lâchement par l'oflice seul des ombilics : ce qui ne me parait pas moins
extraordinaire que si la semence d'un végétal existait en dehors du péri-
carpe et n'adhérait à sa surface externe que par un pédicule. Les deux em-
bryons étaient vivants lorsque j'ouvris l'œuf, et leurs cœurs palpitaient
vivement; en outre ils avaient des mouvements volontaires qui cessèrent,
il est vrai, bientôt. Découverte bien inattendue que celle de deux embryons
libres, mobiles, nus, sur un seul vitellus 1
« Dans l'état naturel, la membrane de l'amnios naît de l'orifice abdominal,
c'est-à-dire de l'ombilic; elle est la continuation de la peau de l'abdomen qui
192
se réfléchit immédiatement autour de l'embryon pour constituer l'amnios;
car dans les oiseaux il n'existe point de cordon ombilical. On trouverait
difficilement l'exemple chez un animal d'une membrane ou d'une enveloppe
qui se terminerait brusquement comme par une section nette; toutes les
membranes, en effet, se continuent dans d'autres membranes ou se réflé-
chissent sur elles-même; ainsi la peau, à la bouche et à l'anus, se continue
sans interruption avec la membrane muqueuse de l'intestin. Si donc chez
nos embryons l'amnios manque, la peau de l'abdomen à l'ombilic est conti-
nue avec la membrane extérieure du vitellus qui, par sa ténuité, sa pelluci-
dité et par sa nature, est parfaitement semblable à celle de l'amnios. La
membrane yitelline, comme l'amnios dans les autres cas, fournit donc une
base à la peau de l'embryon. C'est au moins ce qu'il est permis de con-
clure.
M Dans l'état naturel encore, l'embryon adhère au vitellus par un pédicule
simple, court canal de communication qui, né des intestins, se continue
dans la membrane interne du vitellus, tandis que la membrane extérieure,
comme je l'ai déjà dit, passe sur l'amnios et ne se continue ni avec cette
dernière enveloppe ni avec aucune partie de l'embryon. Nos embryons, au
contraire, ont des pédicules formés d'une double membrane, ou plutôt ils
ont deux pédicules, dont les uns extérieurs naissent normalement de l'in-
testin et se continuent avec la membrane interne du vitellus, et dont les
autres extérieurs fournissent aux précédents une gaine lâche qui, née à
l'ombilic de la peau de l'abdomen, se continue avec la membrane extérieure
du vitellus et forme une espèce de cordon ombilical très-court, bien que
chez les oiseaux il n'en existe point du tout.
« Les embryons sont tellement rapprochés qu'un troisième ne pourrait
trouver place entre eux, principalement à cause des têtes qui se touchent.
L'un est placé supérieurement par rapport à l'autre (l'aire vasculaire et la
distribution de ses vaisseaux déterminent les régions du vitellus]. Lorsque
j'ouvris l'œuf, les embryons étaient placés un peu différemment d'aujour-
d'hui; ils sont maintenant situés transversalement sur le vitellus; ils
étaient alors plus obliques, presque perpendiculaires à l'aire et plus rappro-
chés l'un de l'autre, tellement que la tête de l'inférieur occupait la région du
pubis de l'autre et touchait son pied droit. Du reste, la position des embryons
est telle qu'ils se regardent mutuellement par la face antérieure de leur
corps, d'où il résulte que le supérieur repose à la manière ordinaire sur
son côté gauche, et l'inférieur est couché anormalement sur son côté
droit.
• Dans cette situation des embryons, la peau de l'abdomen est d'abord
resserrée à l'ombilic, puis elle s'élargit et se porte à la surface du vitellus
où elle se confond avec la membrane externe de cette sphère, et produit çà
et là des plis courts dont l'un surtout mérite d'être uût'\ Celui-ci so porle
193
directement de l'ombilic de l'ua des embryons à l'ombilic de l'autre, et
constitue une sorte de ligament qui réunit les deux corps (n). Un autre pli,
semblable et parallèle au précédent (o), occupe la région pectorale des em-
bryons. L'espace compris entre ces plis est couvert de petites bulles for-
mées par la membrane Titelline.
« La vésicule ombilicale (aujourd'hui allantoïde) de chaque embryon est,
comme ordinairement, située entre les tuniques extérieure et intérieure du
vitellus, et elle est visible à la surface de cette sphère à travers la membrane
extérieure. Le col de cette vésicule pénètre dans la cavité abdominale à
l'endroit où s'unissent la peau de l'abdomen et la tunique extérieure; du
reste, elle contient une quantité de liquide moindre que d'habitude, ce qui
la fait paraître plus aplatie; elle est aussi plus fermement unie avec la tu-
fiique extérieure adjacente.
« Le vitellus étant disséqué jusqu'à sa surface interne (c'est-à-dire jusqu'à la
face interne de la membrane intérieure du vitellus) dans cette partie qui
correspond extérieurement aux ombilics des embryons, on trouve l'ouver-
ture qui conduit aux intestins, comme dans l'état normal, ouverture qui est
celle du conduit par lequel la membrane interne du vitellus se continue avec
la membrane de l'intestin; avec elle sortent de l'abdomen les vaisseaux de
l'aire vasculaire que j'ai décrits; les plis delà membrane extérieure qui
existaient entre les deux embryons existent aussi sur la membrane exté-
rieure et répondent parfaitement aux premiers ; de telle sorte que ces plis
n'appartiennent point seulement à la membrane extérieure, mais aux deux
ensemble.
« J'ai séparé aussi la membrane intérieure de l'extérieure pour mettre à
découvert l'orifice abdominal dont la première est la continuation, et j'ai
trouvé une disposition presque normale en observant que, au lieu de la
membrane vitelline, c'est la membrane de l'amnios qui se continue avec la
peau de l'abdomen.
«Dans les embryons mêmes, je n'ai rien trouvé qui ne fût normal. L'appa-
rence extérieure comme la disposition des viscères sont conformées suivant
les lois ordinaires de la nature (l). »
Quatrième fait, — Flocrens, oDuf de poule.
X.— «M. Flourens présente à l'Académie un œuf de poule qui contient deux
petits parfaitement séparés, parfaitement distincts ; chacun de ces petits est
bien développé, chacun est complet, et néanmoins ils sont contenus tous les
deux dans un seul amnios.
(I) C. F. Wolfl", OvuM siMPLEX GEMELLiFERUM (cxhibit. d. 22 feb. 1770),
in : Novi commentarii Academf/E scientiarium imperialis petropolitan/E,
t. XIV, pro anno 1769; pars prier, p. 456. Petropoli, 1770.
MÉM. 13
194
• Cet amnios unique va d'abord de l'ombilic de l'un de ces petits i l'ombilic
de l'autre, et de ces deux points il se replie et se porte sur les deux petits
pour les envelopper. — On sait que les cas semblables, de deux fœtns cow-
tenus dans un seul amnios, sont fort rares dans la science. — Dans l'œuf dont
il s'agit, il n'y a, selon M. Y\ouYens, qu'un seul amnios, qa'nne seuleallantoîde,
qu'un seul blanc, qu'un seul jaune; mais il y a deux cordons, c'est-à-dire
deux pédicules du jaune, deux pédicules de l'allantoïde et deux systèmes de
vaisseaux ompbalo-mésentériques et ombilicaux (1). »
Cinquième fait. — SIMPSON, œuf de canard.
XI. — «Le professeur Simpson m'a permis d'examiner, dit M. Allen
Thomson, un spécimen de ce genre qui est dans sa collection. Il consiste ea
deux embryons de canard arrivés presque à maturité et unis, non directe-
ment parles téguments de l'abdomen autour de l'ouverture ombilicale, mais
plutôt par ce qui parait être un grand jaune commun qui avait été jusque-là
renfermé en partie seulement ('.ans chaque cavité abdominale; l'état de cette
pièce, qui avait été conservée longtemps dans l'alcool, m'empêcha de déter-
miner si le jaune était vraiment simple ou s'il l'était en apparence seule-
ment (2). >»
D. — Deux embryons partiellement unis.
Premier fait. — Baer, œuf de poule (pi. I, fig. 16).
XII. — Au mois d'août 1827, Baer examina un œuf de poule qui avait subi
nne incubation de cinquante-deux à cinquante-quatre heures et qui, n'ayant
qu'un seul vilellus, offrail les particularités suivantes : l'aire transparente
n'avait pas une forme ordinaire, elle avait celle d'une croix, oflrant deux
branches plus longues et deux plus courtes; les premières étaient situées
suivant l'axe transversal de l'œuf ; les secondes suivant sou axe longitudinal.
Dans les branches les plus longues se trouvaieut deux petits embryons dont
les extrémités postérieures, divergentes, se dirigeaient vers les pointes de
ces branches et dont les extrémités antérieures étaient réunies en une seule
masse, formant une tête commune. Celte tèle s'élevait tiès-rcmarquablement
au-dessus du plan de la membrane proligère ; elle était dirigée vers la pointe
de l'œuf et inclinée vers l'une des petites branches de la croix. Les deux
corps étaient également développés ; les lames dorsales {plicce primitivx,
Bander) étaient closes dans toute leur longueur et entouraient déjà d'une
manière évidente la moelle épinièrc; les indices des verlèbrcs s'y montraient
(1) Flourens, OEufs de poule qui présentent quelques circonstances singu-
lières. — Compte rendu acad. x»es se, 1S35, 1. 1, p. 182.
(2) Allen Thomson, mém. cité, p. 579.
195
clairement. Les lames abdominales étaient encore écartées et presque hori-
zontalement placées; ainsi les corps étaient ouverts. Si l'on suivait les lames
dorsales, on les yoyait se continuer dans la tète commune sans interruption
et de même les deux moelles épiulères pouvaient être suivies sans inter-
ruption depuis leurs extrémités inférieures jusque dans la tête où elles se
réunissaient à un cerveau unique et commun. Dans ce cerveau se trouvait de
chaque côté une moelle allouf^ée, parfaitement semblable à sa congénère et
conformée comme elle l'est normalement au commencement du troisième
jour de l'incubation ; il y avait ensuite d'un côté deux petites vésicules dont
on devait prendre l'une pour la cellule des corps quadrijumeaux et l'autre
pour la cellule du troisième ventricule. De l'autre côté, il y avait seulement
une vésicule commune plus volumineuse. Les deux moitiés latérales de ces
parties étaient directement unies entre elles.
Dans les deux corps, les lames abdominales étaient normalement confor-
mées jusqu'au col; mais elles ne se prolongeaient pas au delà, de sorte que
les cols et la tète commune étaient constitués seulement par les lames dor-
sales et les parties qui forment la colonne vertébrale. Une lame abdominale
de l'un des embryons passait de chaque côté, sans interruption, dans une
lame abdominale de l'autre embryon; elles étaient situées dans le plan de
la membrane germinative et dirigées vers le petit bout de l'œuf. La même
lame, sans aucune interruption, formait la paroi gauche du ventre de l'un
des corps et la paroi droite de l'autre, et de même, une autre lame formait
sans interruption l'autre côté des parois abdominales.
Ainsi, de chaque côté, il y avait une lame ventrale non interrompue qui
appartenait à chacun des deux corps ; et dans la partie moyenne, où la tête
commune avait la direction du petit bout de l'œuf, chaque lame Tentrale
formait avec l'autre un angle dont le sommet était dirigé vers la tète et dont
les côtés, au voisinage de cet angle, étaient rapprochés comme s'ils devaient
se réunir plus tard. Cela serait arrivé d'autant plus vraisemblablement que
les deux cœurs étaient placés dans les deux angles formés par les lames ab-
dominales et que l'on pouvait reconnaître sur chaque angle la place de la
bouche qui n'était pas encore ouverte (1).
Deuxième fait. — Reichbrt, œuf de poule.
XIII. — « Nous avons reçu, dit Bischofif (2), récemment de Reichert une
notice sur deux formations ûe jumeaux, dont une description plus complète
est encore à venir. Une de ces formations doubles se trouva dans un œuf
(1) Ueber einen DoppeL-Embryo rom Huhne aus dem Anfange des dritten
Tages der Behriitung, von Prop. Baer, in, Aaceiv. fur anat. um> physiol.,
von J. F. Meckel. 1827, vol. II, p. 576.
(2) Voy. Bischoff, art. cité.
l'JO
de poule au milieu du troisième jour de l'incubation. 11 y avait aussi là deux
embryons sur un seul et même globe vitellin. Ces embryons s'étaient accrus
avec leurs extrémités céphaliques réunies et allaient en arrière en dixer-
geant. Ils avaient tous deux un cœur commun en fer à cheval et une area
vasculosa commune.
« L'autre cas concerne un œuf d'écrevisse » (Voyez ce cas ci-dessus
n° VII.)
g Troisièmf fait. — WoLFF, œuf de poule.
XIV.— A. propos d'un fait rapporté ci-dessus (voy. n» IX), Wolff dit avoir tu
un second cas analogue sur un œuf de poule couvé depuis trois jours. Dana
ce cas, il y avait un monstre double à deux corps. L'aire vasculaire unique
était aussi entourée par une seule veine terminale et elle était également
pourvue d'un double système vasculaire dont l'ensemble représentait parfai-
tement un seul système commun (l).
Quatrième fait. — Allen Thompson, œuf d'oie (pi. I, fig. 17).
XV. — Il s'agit d'un œuf d'oie observé par M. Allen Thomson, en 1830; l'in-
cubation date de cinq jours. (Cette période de l'incubation chez l'oie corres-
pond à la moitié du troisième jour chez la poule.)
Le jaune est unique et plus volumineux que d'ordinaire. Sur ce jaune
existe une membrane germinative unique et qui s'étend sur une portion
considérable de sa surface. Au centre de l'aire transparente se trouvent deux
embryons disposés l'im par rapport à l'autre en forme de croix et réunis
par la poitrine. L'aire transparente offre aussi une forme cruciale comme si
elle était le résultat de la coalescence de deux aires appartenant chacune à
un embryon distinct.
L'aire vasculaire commune était circonscrite par un sinus terminal uni-
que, et ses veines, qui se portaient vers le cœur des deux embryons, pa-
raissaient également être uniques; mais, sous ce rapport, il n'y a point de
certitude complète, car, au moment où l'on en fit l'examen, les embryons
étaient morts depuis quelque temps et la circulation avait entièrement
cessé.
Les têtes sont complètes, non réunies et disposées, l'une par rapport à
l'autre, comme les branches d'une croix. Au-dessous de la portion croisée,
les parties dorsales et abdominales des colonnes vertébrales vont en diver-
geant par une courbure brusque. Dans cette portion croisée, par laquelle les
embryons sont réunis, existe un cœur unique et commun aux deux indivi-
dus, et chacun possède sa paire d'artères et de veines omphalo-mésen-
tériques qui se ramifient sur l'aire vasculaire.
1) Wolff, observ. cit., p. 468 et 480.
197
La plus grande portion des colonnes vertébrales et des parties adjacentes
sont à plat dans la membrane germinative. Dans cette portion de chaque
embryon les lames abdominales sont apparentes, mais elles ne renferment
point encore l'intestin. Enfln, dans les deux individus, les rudiments des ex-
trémités supérieures et inférieurs sont déjà apparents.
Les tètes adjacentes des embryons étaient recouvertes par le capuchon
céphalique de l'amnios, et les extrémités inférieures par le repli du capu-
chon caudal qui avait commencé à se lever de la couche séreuse de la mem-
brane germinative.
La direction des deux embryons, par rapport à l'axe de l'œuf, est contraire
à celle que l'on observe presque invariablement dans l'état ordinaire (1).
Cinquième fait. — Lebert, œuf de poule.
XYI. - « M. Lebert a observé un cas de ce genre (monstruosité double) sur
un œuf de poule incubé depuis six jours. Les deux embryons étaient réunis
par la partie antérieure de la poitrine. L'œuf n'offrait du reste rien d'extraor-
dinaire et n'avait qu'un seul jaune, en sorte que les deux poulets s'étaient
développés dans la même cicatricule (2). »
Sixième fait. — Dareste, œuf de poule.
XVII. — « Plusieurs œufs qui avaient été soumis à l'incubation dans ces
conditions (température trop basse ; mort de l'embryon avant la formation
de l'allantoïde), m'ont présenté certaines particularités qui doivent être
notées.
« Un de ces embryons était double. Il s'était formé sur une cicatricule uni-
que appartenant à un vitellus unique. Il ne présentait qu'une seule tète et
qu'un seul cœur ; mais les troncs étaient doubles et s'écartaient l'un de
l'autre sur une ligne droite (3). »
Septième fait? — RÉATOIUR, œuf de poule.
XVIII. — « Le hasard a voulu que le premier poulet que j'ai été bien sûr
d'avoir vu dans un œuf déverni était un poulet monstrueux ; il n'avait qu'une
tête, un corps, deux ailes, mais il avait quatre jambes et quatre cuisses. Les
physiciens n'ont pas besoin que je m'arrête à prouver que le vernis n'avait
en rien contribué à cette production monstrueuse; qu'il n'était pas cause
qu'il y avait eu un germe de plus dans cet œuf que dans le commun des
(1) A-llen Thomson, mém. cité, p. 487.
(2) Lebert, Comptes rendus de la Soc. de biologie, t. I, p. 10, anaée 1849.
Paris, 1850.
(3) Camille Dareste, Note sur quelques faits relatifs an. dérclnppcment du
poulet, Comptes rendus de la Soc. de BioLor.iE; janvier 1860, t. Il, 3° série-.
19S
œufs; de ce qne les deux germes s'v étaient ri'Minis pt qu'il n'était resté à
l'extérieur que les deux cuisses et les deux jambes de l'animal d'un de ces
germes (1). »
Huitième fait? -^Ét. GEOFPROT-SArNT-Hn.AinE, muf do poule.
XIX. — A propos de l'œuf à vitellns multiples, nous rapporterons un cas
de poulet double obserté par Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, et qui devrait
peut-être trouver ici sa place (Foy. part. II, sect. i, § 8).
Neimème fait? — Valentin, œuf de poule.
XX. — Un autre fait, qui doit probablement aussi trouver sa place parmi
les cas d'œufs à deux germes, a été observé par M. Yalentin. Le savant pliy-
siologiste s'était proposé de pratiquer quelques lésions sur le blastoderme
ou sur l'embryon de la poule, à une époque fort peu avancée du développe-
ment, et de continuer l'incubation afin de voir ce qu'il en adviendrait.
Un des œufs offrit un résultat digne de remarque : l'embryon, au-
quel on avait pratiqué une lésion à l'extrémité caudale, au second jour de
l'incubation, offrit, au cinquième jour les rudiments d'un double bassinet
quatre extrémités postérieures (2).
Une expérience de ce genre est environnée de trop de diflicultés pour
qu'elle soit concluante d'après un seul cas. On pourrait croire que le hasard
a placé sous l'œil de l'observateur un œuf qui eût donné naturellement un
monstre double.
Jacobi, Rathke, Baer, Vaientin, de QnATREFAGES, GosTB, LEREBortiET, œnfs de
poissons.
Chez les poissons, l'existence de deux embryons (séparés ou plus ou moins
unis) sur un vilellus unique, n'est pas très-rare. La fécondation artificielle et
la conservation des œufs fécondés dans un but de propagation, en offrent
chaque jour des exemples aux observateurs. Nous nous bornerons donc à
une simple mention des faits qui ont ét(i publiés.
XXI. — Jacobi, à qui l'on doit les premières expériences de pisciculture,
est aussi le premier qui ait observé la duplicité embryonnaire chez les pois-
sons. « En faisant éclore des truites, j'ai quelquefois remarqué, dit ce sa-
vant, quantité d'avortons ou de monsires, certaines années plus, d'autres
moins; quelques-uns avaient deux tètes.
« De tous ces avortons jamais aucun n'a vécu jusqu'à six semaines, c'est-
(1) De Réaumur, Mém. pour servir a t/histoire des insectes, t. il, p. 4?,
1736.
■ f") DisPhoff, art. cité c! Valenlin, Repertouiiibi, vo'. Il, p. 108,
199
à-dire au delà du terme où la matière contenue dans la membrane ou le sac
de l'œuf et qui leur sert d'estomac peut suffire à la nourriture (1). »
XXII. — Rathke, au rapport de Baer, a vu des monstres doubles chez la
blennie.
XXIII. — Baer, en 1835, a observé deux œufs de perche pris dans la Neva,
qui portaient tous les deux un embryon à deux tètes; l'un avait en outre un
double corps. Chacun de ces œufs était du reste simple, mais plus grand que
d'ordinaire (1).
XXIV. — Parmi 917 œufs de brochet éclos qui furent examinés par M. Va-
lentin, 6 possédaient un embryon plus ou moins double ; ces œufs prove-
naient du lac de Biel; ils avaient été fécondés artificiellement (3).
XXV. — En 1855, M. de Qiiatrefages a donné dans le Compte rendu de
l'Académie des sciences la description d'un embryon double de poisson
dont il a suivi pendant un certain temps le développement (4).
XXVI. — A l'occasion de la communication de M. de Quatrefages, M. Coste
a mis sous les yeux de l'Académie douze embryons de poisson atteints de
duplicité. « Dans l'espace de deux mois, dit ce savant, de décembre en jan-
vier dernier, sur 400,000 embryons de truite des lacs, de saumon, d'ombre-
chevalier éclos dans mes appareils, j'ai trouvé plus de 100 monstres dou-
bles (5). I»
XXVII, — M, Lereboullet a observé à la même époque des monstres
doubles chez des embryons de brochet (6).
D'après les faits rapportés parées divers observateurs, les poissons chez
(1) Mém. du comte de Golstein, trad. en partie dans les Soirées helvé-
tiennes; complet dans Duhamel du Monceau, Traité général des pêches,
2» partie, sect. 2, art. 8, p. 211, in-fol. Paris, 1772.
(2) C. E. a Baer, Ueber doppelleibige Missgeburten, s. S, taf. i, fig. 1-5,
cité par Dalton.
(3) Valentin, Recherches sur 1p développement des monstres douilles, Compt.
rend. soc. BIOL.jt. IV, p. 99, 1852.
(4) De Quatrefages, Compte rendo des séances de l'âcad. des sciences,
t. XL, p. 626, 19 mars 1855.
(5) Coste, Compte rendd "des séances de l'Acad. des sciences, t. XL,
p. 868, avril 1855.
(6) Lereboullet, Compte rendu Académie bes sciences, t. XL, p. 916 ,
avril 1855.
lesquels la duplicité embryonnaire a été observée sont : la perche (Perça
fluvialis), la bleiinie [Blennius ?), le brochet {Esox hicius), le saumon
{Salmo salar), la truite (Salmo fario), l'ombre-chevalier {Salmo umbla).
La duplicité s'est montrée suivant les formes et suivant les degrés les plus
variés. « 11 s'en est trouvé, dit Jacobi, qui avaient deux tûtes avec un seul
corps, d'ailleurs régulier; d'autres n'avaient qu'un ventre à deux, et paimi
ces derniers on en voyait dont les ventres s'étaient tellement confondus
qu'ils semblaient attachés l'un à l'autre dans toute leur longueur; d'autres
tenaient ensemble comme si l'on avait vu deux truites l'une à côté de l'au-
tre dans l'eau. Quelques-uns présentaient doux corps qui allaient se con-
fondre en une seule queue ; mais le plus extraordinaire de ces monstres
était, sans contredit, celui qui était formé par deux petits poissons réunis en
croix et n'ayant qu'un seul ventre commun (l). »
Les deux sujets composant l'embryon double ne sont pas toujours égale-
ment développés; souvent l'un des deux est plus petit que l'autre, et même
quelquefois tout à fait rudimentaire. On voit parfois aussi chez l'un ou chez
les deux sujets les déformations ouïes anomalies qui constituent les mons-
tres unitaires.
Généralement les embryons doubles des poissons ne sont point viables,
ainsi que l'avait observé Jacobi; ils périssent à l'époque où se termine la vie
embryonnaire; toutefois, chez les poissons aussi bien que chez les mammi-
fères et les reptiles, quelques-uns de ces monstres prolongent leur existence
au delà de ce terme.
Section II. — Anomalie» relatives an Titcllns.
Les anomalies qui portent exclusivement sur le vitellus ont été
rarement mentionnées. Celles que nous connaissons consistent dans
un changement de la forme de ce corps ou dans la fusiou de deux
sphères vilellines.
g I, — Fusion do deux vitellus.
L — Harvey désigne probablement une fusion de deux vitellus dans la
phrase suivante : Alia quoque ova vidimus cum Unis vitellis quaai connas-
centibus, quitus utrisque unicum albumen commune circumfundebatur (2).
II. — Dernièrement, M. Daueste en a observé deux cas parmi trois œufs
(1) Mém. cité, et Gleditscb, Collection acad., t. IX, appcnd., p. 45.
(2) G. Harvey, Exekc. de gbneratione animalutm, excrcit. xxiv. Liigdunl
r.at., 1737, p. 98,
201
provenant d'une poule de la race Bramah-pouira. Ces œufs avaient un to-
lume plus considérable que d'ordinaire; ils contenaient deux vitellus soudés
entre eux, de telle sorte que la substance vitelline pouvait facilement passer
de l'un à l'autre. La réunion n'avait lieu que dans un petit espace. « Chacun
de ces deux vitellus portait un embryon vivant et parfaitement séparé de
son frère jumeau. Celui qui était le plus voisin de la chambre à air pré-
sentait un volume un peu plus considérable que l'autre; mais toutefois sans
grande différence. » Ces embryons étaient morts (accidentellement) au mo-
ment de la formation de l'allantoïde (1).
III. — M. Serres a vu dans l'œuf d'un pigeon une disposition toute diffé-
rente : « les deux cicatricules s'étaient pénétrées quoique les deux vitellus
fussent inférieurement séparés (2). »
g II. — Variations de forme du vitellus.
(i Parmi le grand nombre d'œufs ovariques de mammifères et de femmes
que j'ai examinés, dit Bischoff, il s'en est trouvé plusieurs dont la confi-
guration s'écartait de celle qui est ordinaire; tels sont les cas dans lesquels
le jaune ne remplit pas entièrement la zone, affecte une forme biconvexe ou
biconcave, au lieu d'une forme sphérique, et se trouve divisé en deux ou
plusieurs parties (pi. I, iig. 13). Quoique en général les ovules soient des
sphères parfaites, il m'est arrivé quelquefois d'en trouver qui avaient la forme
d'un œuf, d'une poire, d'un biscuit, tant parmi les œufs ovariques non fé-
condés que parmi les œufs tubaires fécondés (3). «
Section III, — Anomalies eoniplexes ou Indéterminées.
§ I. — M. Earrya observé deux œufs de lapin qui offraient, dans
leurs parties internes, une disposition particulière et dont la nature
est difficile à apprécier; peut-être dans l'un de ces corps existait-il
une duplicité delayésicule germinative (pi. I, Iig. 14).
1° « Le corps représenté dans la pi. viii, fig. 144, dit M. Barry, a été trouvé
avec quatre œufs dans l'utérus à 3/4 de pouce du tube de Fallope. La période
de rimprégnatiou était la cent onzième heure et demie. Ces œufs avaient 1/3
(1) Dareste, note citée.
C^) Serres, mém. cité, p. 92.
(3) T. L. G. Bischoff, TiiAiTii; du nÉvELOPi'FMExr de l'homme et dksmvm-
MiFÈREs, trad,, p. 18 et 557. Paris, 1843.
202
(le ligne. Le corps ea question avait 1/11 de ligne; il était constitué par les
parties suivantes : une membraue externe (,«), épaisse et transparente {sona
peUucida de l'œuf ovarien), une membrane intérieure piriforme th) ayant
1/20 de ligne de longueur, et d'une grande épaisseur; celle-ci contenait deux
vésicules dont l'une avait 1/50 de ligne et l'autre 1/30 de ligne; les mem-
branes de ces deux vésicules avaient aussi une épaisseur considérable.
Toutes ces menabranes étaient transparentes et contenaient un liquide inco-
lore et transparent. Les deux petites vésicules offraient à leur centre une
masse d'apparence granulée. Je suis disposé à penser que ce corps était un
œuf, mais il n'est pas facile de déterminer la nature de ses pai ties. »
1' « Une autre fois, j'ai trouvé dans l'utérus un corps de 1/6 de ligne et
semblable au précédent ; mais la seconde membrane [b] n'existait pas (1). »
§ II. — Chez le3 huîtres conservées dans des parcs, j'ai observé des
anomalies de l'ovule très-fréquentes et assez notables.
Les ovules de ces huîtres diffèrent ordinairement de ceux des huîtres ré-
cemment pèeliées en mer. Us sont fréquemment plus opaques, de sorte que
la vésicule germinative n'est pas apparente; leur membrane vitelline a plus
de consistance, d'où résulte moins de tendance à se déformer et à se rom-
pre; enfin, si l'on en examine un certain nombre à la fois, on observe que
leur volume, au lieu d'être uniforme, est généralement très-variable, et que
la plupart semblent avoir subi un arrêt dans leur développement et quelque
changement dans leur constitution (2).
Sectioiv IT. — Causes des anomalies primitives de Pceuf.
§ I. — D'après les faits rapportés ci-dessus, on peut juger que les
anomalies qui atteignent l'œuf à l'ovaire sont rares et très-peu variées.
La cause en est, d'une part, à ce que l'ovule est un organe très-simple
et, d'une autre part, à ce que l'ovaire, profondément situé, est géné-
ralement à Tabri des influences extérieures. Si, chez certaines huî-
tres que l'on conserve dans des parcs, les anomalies de l'ovule sont
très-fréquentes, cela tient à ce que l'ovaire, placé immédiatement
sous la coquille, subit les variations de température auxquelles on
(1) Docteur Martin Barrv, Rcsearches in Emhryology, in Philos, transact.
OF THE Royal Society of London for the year lS39,part. 1, p. 364, § 308.
(1) C. Davaine, REcnicRcnns sur la génération des huîtres, p. 28, Paris,
1853, etMÉM. .Soc. biologie, 1852.
203
soumet chaque jour ces mollusques. En effet, on sait que, en été,
pour empêcher les huîtres de frayer, ce qui les amaigrit, on les retire
le soir sur les bords des parcs et qu'on les y laisse exposées hors de
l'eau pendant toute la nuit. Elles subissent ainsi journellement des
alternatives de chaleur et de froid qui peuvent donner jusqu'à 20» de
différence (1).
§ IL — L'anomalie qui nous intéresse le plus, à savoir la duplicité
de la vésicule germinative, ne peut dépendre d'une influence exté-
rieure ou d'une cause étrangère à l'ovaire. Il est assez clair, d'après
le mode de formation de l'ovule, que la duplicité de la vésicule ger-
minative doit son origine à quelque vice de conformation de la vé-
sicule ovarienne. En effet, quoique normalement une vésicule ova-
rienne ne produise qu'un seul ovule, il peut arriver cependant qu'elle
en produise deux et môme trois. «Je suis parfaitement certain, dit
« Bischoff, d'avoir vu deux fois, chez la lapine, deux œufs contenus
« dans une même vésicule de Graaf et nichés dans la même membrane
a granuleuse; ce qui prouvait qu'ils ne pouvaient point provenir de
t deux follicules différents. Baer a fait la même observation sur la
« chienne et peut-être aussi sur la truie. Bidder a également décrit
« avec beaucoup de soin deux ovules renfermés dans un même foUi-
« cule chez une vache. » — « J'ai encore eu tout récemment l'occasion
rt de répéter la même observation sur une lapine (2). » M. Serres a vu
chez la poule deux ovules dans une seule vésicule. Ce savant rapporte,
à cette occasion, que Valentin en a observé trois, et Barry deux et
quatre chez le chien, et que ce dernier, en outre, en a vu deux chez le
saumon (3). Enfin, M. Morel a donné dernièrement l'observation et la
figure de deux ovules qu'il a trouvés dans une vésicule de Graaf chez
la femme (i).
Que deux ovules, formés dans la même vésicule, au contact l'un de
l'autre, s'enveloppent d'une membrane vitelline commune, cela se con-
çoit, et les faits observés par M. Dareste prouvent surabondamment la
(1) C- Davaine, mém. cité, p. 29.
(2) Bischoff, ouvr. cité, p. 19 et 557.
(3) Serres, méra. cit., p. 91.
(4) C. Morel, Prkcis d'histologie hum*ine, p. 89, pi. xxi, fig-. 7, iu-b.
Paris, 1860.
204
réalité du l'ait ; or l'existence de deux vésicules germinatives dans uu
seul yitellus peut n'être qu'un degré de plus dans la fusion de deux
ovules. On est d'autant mieux autorisé à adopter cette manière de
Toir que, parmi les faits rapportés ci-dessus, plusieurs fois le vitellus
avait un volume plus grand que d'ordinaire : tels sont les cas de Fa-
brice et de Simpson chez la poule, d'Allen Thomson chez l'oie, de
Baer chez la perche. Mais quelle est la condition qui fait naître deux
ovules dans un seul follicule ? Probablement un vice de conformation
fort simple, et que je crois assez commun dans les organes élémen-
taires de sécrétion, une fusion de deux follicules en un seul. Telle se-
rait donc, telle est donc probablement la condition qui donne deux
vitellus plus ou moins complètement fusionnés ensemble, deux vési-
cules germinatives dans un seul vitellus. Une condition si peu impor-
tante que, dans quelque autre glandule, l'anatomisle dédaigoerait de
s'y arrêter, peut sans doute devenir, par la constitution qu'elle im-
prime à l'ovule et par la série des développements de celui-ci, la cause
des anomalies les plus graves et les plus extraordinaires auxquelles
l'homme et les animaux sont exposés. C'est ce que nous allons voir.
Sectioiv V. — ICffets des anomalies primitives de l'œaf.
§ 1. — Une malformation aussi complète que celle qu'observa Barry,
l'atrophie du vitellus sont évidemment incompatibles avec le dévelop-
pement embryonnaire. Quant aux variétés de la tache germinative
observées par Wagner, quant à celles de la forme du vitellus obser-
vées par Bischoff, nous n'en pouvons rien préjuger. Il n'en est pas de
même de l'existence de deux vésicules germinatives dans un seul vi-
tellus ou peut-être de la coalescence de deux vitellus.
§11.— D'après les relations qui existent manifestement entre les faits
ci-dessus rapportés dans l'ordre de leur complexité, on ne serait pas
éloigné, au premier abord, de considérer la duplicité de la vésicule
germinative comme la condition de la formation de deux embryons
qui tôt ou lard s'unissent par quelque partie de leur corps. Cette ma-
nière de voir nous parait, en effet, la théorie la ])lus rationnelle de
toutes celles qui ont été données pour expliquer l'origine des mons-
tres doubles.
205
La question du développement de l'œuf à deux vésicules germi-
natives va donc nous occuper.
Dans la classe des oiseaux, laquelle nous a offert les faits les plus
nombreux et les mieux observés, la vésicule germinative est logée
dans une partie spéciale qu'on appelle cicatricule. A l'époque de la
maturité de l'œuf, la vésicule a déjà disparu et le développement em-
bryonnaire procède de la cicatricule qui, constamment, est située à
la surface du vitellus (pi. I, lig. 3 c).
Lorsqu'il existe sur un vitellus deux vésicules germinatives ou deux
cicatricules, elles peuvent être fort éloignées ou même opposées l'une
à l'autre, ou bien, au contraire, plus ou moins rapprochées, ainsi
qu'on en peut juger par les faits connus. Dans l'un et l'autre cas, le
développement de l'œuf peut déterminer, comme nous allons le voir,
la formation de monstres doubles, toutefois par deux procédés diffé-
rents.
Avant d'exposer ces procédés, il est nécessaire de rappeler quels
sont et comment se succèdent les phénomènes initiaux de la forma-
tion embryonnaire normale.
A. — Aperçu sur le développement de l'œuf normal.
I IIL — Le premier effet du développement de la cicatricule est la
formation d'une membrane plane, à contour arrondi et étalée à la sur-
face du jaune (pi. I, fig. 4) ; cette membrane, que l'on appelle le blas-
toderme ou la membrane germinative^ s'agrandit et envahit d'heure
en heure un plus grand espace sur le vitellus. Bientôt on y reconnaît
deux zones concentriques, l'une centrale (c), de forme ovale, claire
(aire transparente), l'autre entourant complètement celle-ci (6), beau-
coup plus grande proportionnellement et opaque (aire vasculaire).
C'est dans la première que se constitue l'embryon. Dans la seconde
se forment des vaisseaux dont l'un, central, est un organe de propul-
sion du sang, un cœur en un mot, quoiqu'il diffère alors beaucoup
du cœur du fœtus qu'il doit constituer plus tard. Un vaisseau circu-
laire se forme autour de la zone vasculaire qu'il limite extérieure-
ment (e) ; ce vaisseau rapporte le sang au cœur et fait Tofflce d'une
veine (veine ou sinus terminal).
Trois couches ou feuillets superposés composent le blastoderme :
hd. couche profonde (Qg. 5 e; lig. 6 d) envahit de plus en plus la
206
surface du vilellus qu'elle recouvre enfiu tout entier ; elle forme alors
la vésicule ombilicale destinée à nourrir i'embryou des matériaux du
jaune qu'elle renferme; de celte couche naîtront encore les intestins
et une membrane qui, s'étalant au dehors, servira temporairement
à la respiration de l'embryon (allantoïde).
La couche moyenne (lig. 5 d; tig. 6 c) est constituée par l'appareil
vasculaire que nous avons décrit ; ses vaisseaux se propagent sur les
vésicules ombilicale et allantoïde à mesure que ces organes se déve-
loppent.
La couche la plus supei'ficielle (tig. 5 et Dg. 6 b) devient le siège des
changements les plus importants pour l'objet qui nous occupe, chan-
gements par lesquels se constituent la tête et le tronc de l'embryon.
C'est dans l'axe de l'aire transparente seulement qu'ils se passent
(fig. 4 d; lig. 3 c) : de chaque coté de cet axe, qui apparaît comme un
trait délié, le feuillet superficiel acquiert de l'épaisissement et forme
deux bandelettes longitudinales appelées lames dorsales (lig. 6 A, e),
qui, ultérieurement, envelopperont le système nerveux central; bien-
tôt, en dehors de celles-ci, se forment deux nouvelles bandelettes
longitudinales , les lames abdominales (fig. 6 B, /) qui ultérieurement
formeront les parois latérales et antérieures de la poitrine et du
ventre. Le centre du feuillet superficiel de la zone transparente con-
stitue donc alors un écusson oblong, auquel on peut reconnaîtra :
1" Un axe qui se confondra avec l'axe embryonnaire;
2* Deux lames appelées dorsales, qui formeront la colonne verté-
brale et la tête ;
3° Deux lames externes à celles-ci qui formeront les parois de la
poitrine et du ventre.
L'écusson est contenu primitivement dans le plan du blastoderme;
puis, à mesure qu'il se développe, il s'élève par son centre et se re-
courbe suivant les extrémités de son axe, et latéralement vers le
vitellus sur lequel il repose; il offre alors l'image d'une nacelle ren-
versée sur l'eau (dg. G C). Les parties latérales de l'écusson (lames
abdominales) se portent déplus en plus Tune vers l'autre en dessous ;
elles enveloppent enfin et enferment la partie sous-jacente des feuil-
lets moyen et profond du blastoderme (lig. 6 C, cd], partie qui con-
stituera par son développement les viscères Ihoracitiucs et abdominaux.
Ainsi se forment la tête et le tronc; les membres apparaissent lors-
que l'embryon est déjà sorti du plan du blastoderme; à cette époque
207
la plus grande partie de cette dernière membrane, étalée au dehors
sur le vitellus, reste encore largement en commuuicalion avec le nou-
vel être et lui sert provisoirement d'appareil de respiration et de nu-
trition.
Il résulte de cet exposé :
1° Que l'individu revêt primordialement la forme d'une membrane
pourvue d'un cœur, d'un réseau vasculaire, et limité par un vaisseau
circulaire ;
2* Que la partie centrale de cette membrane se soulève et s'isole
progressivement du reste pour former l'embryon ;
3° Que celui-ci procède d'une lame ou d'une sorte d'écusson dont
les bords s'enroulent, se rapprochent et constituent finalement la tête
et les parois du tronc.
B. — Examen théorique du développement de l'œuf à deux germes.
§ IV. — Avec ces données, voyons d'abord ce qu'il adviendrait si
deux cicatricules sur un vitellus unique étaient trés-éloignées l'une
de l'autre ou opposées.
Dans une première période, chacune des cicatricules se développera
normalement, et le blastoderme correspondant s'étendra à la surface
du vitellus sans aucun obstacle ; mais il arrivera qu'aux limites de
l'hémisphère qui lui appartient, le feuillet profond de l'un des deux
blastodermes destiné à envelopper le vitellus pour former la vésicule
ombilicale, il arrivera, dis-je, que ce feuillet rencontrera le feuillet
correspondant de l'autre blastoderme, et de là obstacle réciproque à
tout accroissement ultérieur. Pendant que ces phénomènes s'accom-
pliront, au centre de chaque blastoderme l'embryon se constituera ;
il s'élèvera au-dessus du plan de celte membrane, et la rencontre des
deux feuillets n'aura pour lui aucun inconvénient, car elle aura lieu
lorsqu'il sera tout à fait isolé. Les deux feuillets profonds se joignant
de toute part doivent nécessairement s'unir, comme nous l'établirons
bientôt; ils formeront dune une vésicule ombilicale unique et com-
mune aux deux embryons. Or les vaisseaux de cette vésicule qui pro-
viendront d'une double origine s'anastomoseront entre eux, et consti-
tueront aussi un système unique et commun. A l'époque où elle se
complète, la paroi abdominale tend à faire entrer le vitellus tout en-
tier dans sa cavité, mais chacun des embryons prenant du jaune une
part égale, les ombilics largement ouverts doivent venir au contact
208
l'un de l'autre en embrassant la vésicule ombilicale commune. Celle-
ci, par ses vaisseaux, établit alors des communications vasculaires
entre les deux sujets; il parait donc inévitable que les deux ombilics
se fermant après l'iucorporation du jaune commun, ne contractent
de mutuelles adhérences, et qu'il n'en résulte un fœtus double uni
par la région ombilicale, en un mot, un monstre xiphopage.
Nous en avons un exemple dans le cas de M. Simpson, car il est bien
probable que le jaune commun aux deux embryons était en réalité
simple ; il est bien probable aussi, nous dirons même certain, que
dans le cas de Wolff (pi. I, fig. 18), les deux embryons se seraient
juxtaposés dans une période plus avancée de leur développement et
se seraient réunis à l'ombilic.
Entin, dans les deux cas de vitellus partiellement fusionnés observés
par M. Dareste, les embryons formés sur chacun de ces vitellus se
seraient rencontrés aussi par l'ombilic au niveau du point de fusion
des deux jaunes. Peut-être en serait-il résulté une union des deux
embryons, union semblable à celle qu'Etienne Geoffroy-Saint-Hilaire a
Tue sur un œuf pourvu de deux vitellus que le mirage, avant l'incu-
bation, avait fait juger distincts. (Voy. ci-après œufs à deux jaunes.)
§ V. — Le procédé par lequel se fait l'union ne serait plus le même
si les deux cicatricules étaient très-rapprochées.
A. — Commedans le cas précédent, le premier effet del'incubation sera
la production des deux membranes blastodermiques distinctes, toutes
les deux normales et ayant toutes les deux pour centre de développe-
ment leur cicatricule propre. Après avoir acquis un accroissement
égal, parallèle, si l'on peut ainsi dire, les blastodermes se rencontre-
ront par un point de leur circonférence, et ils s'opposeront dans leur
accroissement l'un vers l'autre un mutuel obstacle; dans tout le reste
de la circonférence, ils se développeront librement et normalement.
Au point de rencontre, que surviendra-t-il? On peut faire à ce sujet
trois hypothèses :
1° Les deux blastodermes continueront à s'accroître en regard l'un
de l'autre en se repoussant mutuellement;
2° L'un des blastodermes se superposera à l'autre ;
3" Le développement s'arrêtera suivant toute la ligne de contact.
Les deux premières hypothèses ne peuvent se réaliser ; il serait inu-
tile d'en donner ici toutes les raisons; il suffira de faire observer que
200
la cicatricule est maintenue par la membrane vitelline qui la recouvre
et par la constitution toute spéciale de la portion sous-jacente du
vitellus (pi. I, lig. 3 ac), portion du vitellus que le blastoderme ne
pourrait abandonner sans abandonner en même temps les éléments
disposés pour satisfaire aux premières phases de son développement.
Nous trouverons d'ailleurs dans plusieurs des faits rapportés ci-dessus
la preuve que les choses se passent autrement que dans l'une ou l'au-
tre de ces deux hypothèses.
Si les deux blastodermes ne peuvent se repousser mutuellement ni
se superposer, la troisième hypothèse seule peut se réaliser. Ainsi
donc, excepté dans l'intervalle des deux cicatricules, les deux blasto-
dermes se développeront librement; au centre de chacun, dans le
feuillet superficiel, se formera l'écusson qui doit constituer la tête et le
tronc de l'embryon; dans le feuillet sous-jacent se formera un vaisseau
pulsalile ou cœur, ainsi qu'un réseau de vaisseaux en rapport avec
le cœur ; dans toutes les parties qui arriveront successivement au
contact, le développement sera nul. Or, suivant toute la ligne de con-
tact, les deux blastodermes ne pourront rester indépendants ; il s'o-
pérera nécessairement entre eux une véritable fusion, car ces deux
membranes sont constituées par des éléments simples et tout à fait
identiques. Pourquoi ne s'uniraient-ils pas, lorsque des tissus beau-
coup plus complexes, séparés des organes auxquels ils appartiennent
et transportés sur d'autres organes, se réunissent avec les nouvelles
parties qui se trouvent au contact et entrent avec elles en commu-
nauté de circulation et de vie, lorsque les vaisseaux dans les fausses
membranes s'abouchent avec ceux des séreuses adjacentes? Les vais-
seaux de l'un et de l'autre blastoderme entreront en communication,
comme ceux de toute autre greffe animale, et les deux veines termi-
nales s'abouchant, formeront un système vasculaire commun avec
deux centres de circulation distincts.
Ce qui vient d'être exposé comme une hypothèse est très-probable-
ment l'expression des faits :
Dans la première observation d'Allen Thompson, le blastoderme
unique résulte évidemment d'uue fusion de deux blastodermes
primordiaux; car, outre l'existence de deux embryons distincts,
l'aire transparente conservait la trace d'une division primitive.
Dans l'observation de Woiff, deux embryons séparés témoignaient
aussi de l'existence de deux cicatricules primitives ; la portion du
ME?.l. 14
210
blastoderme interposée aux embryons était incomplète, et néanmoins
les deux veines terminales s'étaient abouchées aux deux extrémités
de l'axe d'union.
B. — De ces faits et des considérations qui précèdent, il seilible, au
premier aperçu, qu'on ne peut déduire autre chose (]ue la roales-
cence et la fusion vasculaire de deux blastodermes juxtaposés; mais,
dès l'instant que la coalescence des deux blastodermes juxtaposés a
lieu, on doit en déduire, dans certaines conditions données, la coa-
lescence et la fusion des deux embryons eux-mêmes. En effet, sup-
posons que les deux cicatricules soient placées sur le vitellus à une
distance telle que les deux blastodeimes se rencontreront en laissant
entre leurs axes un intervalle correspondant à l'épaisseur des lames
dorsales (pi. I, fig. 8), les lames abdominales internes, par rapport à
ces axes, ne pourront se foiaier, faulo d'espace; par conséquent, toutes
les parties qui naissent do ces lames, c'est-à-dire les parois du tronc
correspondantes, ne se développeront point. Les deux blastodermes
s'unissant dans toute la ligue de leur contact, les lames dorsales
juxtaposées s'uniront aussi ; alors, dans le plan des deux blastodermes
fusionnés en un seul, se trouveront, en procédant de l'axe d'union :
1° Les lames dorsales internes en coalescence ;
2° L'axe vertébral de chacun des embryons \
3° Les lames dorsales externes;
4° Les lames abdoujiuales externes à celles-ci, formant les limites
extérieures du double ccussou embryonnaire.
Le rapprocheraeut des bords de cet écussou aura pour etîet le rap-
prochement et la réunion entre elles des deux lames abdominales exté-
rieures, c'est-à-dire de deux lames abdominales appartenant à deux
embryons différents, car les lauies abdominales in lernes (par rapport
aux deux embryons) ne s'étant pas formées, les paroisqui devraient être
interposées manqueront nécessairement. Il en résultera donc une ca-
vité pecloralc et abdominale unique et commune à deux embryons
unis primitivement en arrière par leur colonne vertébrale. Quant au
réseau vasculaire du bla? loderme commun, la ligue de fusion étant
très-voisine des axes embryonnaires, les deux vaisseaux pulsatiles ou
cœurs rapprochés pourront, dans leurs métamorphoses ultérieures,
éprouver une fusion plus ou moins complète et constituer pour les
deux sujets un cœur unique et plus ou moins normal.
211
§ VI.— Ce que nous venons de dire s'appliquerait à des embryons dont
les axes vertébraux seraient parallèles ; les mêmes résultats se produi-
raient partiellement à l'une ou à l'autre des extrémités si les axes
étaient obliques entre eux. Dans la première catégorie se placent les
faits rapportés ci-dessus de Wolff (deuxième cas), d'Allen Tbomsoa
(deuxième cas) et deLebert; dans la seconde catégorie, ceux deBaer,
de Reichert (deuxième cas), de Dareste el de Réaumur,
Dans plusieurs de ces cas, on peut trouver quelques indices d'une
séparation primordiale du blastoderme en deux membranes distinc-
tes : dans le cas deRaer, l'aire transparente avait une forme cruciale;
sur l'œuf d'oie observe par Allen Thomaon, la même disposilion était
encore plus prononcée : il semblait que cette aire, en forme de croix,
fût le résultat de deux aires fusionnées; en outre, il existait un dou-
ble système vasculaire, fait qui se retrouve encore dans la seconde
observation de Woltï.
§ VII. — L'œuf des oiseaux seul nous a occupé jusqu'ici; la pré-
sence de deux vésicules germinatives daus uu vitellus unique pro-
duirait chez les autres vertébrés des résultats semblables, car l'ovule
est constitué chez tous d'une manière analogue. Si, dans les diverses
classes des animaux verlébrés, les procédés du développement ne sont
pas tout à fait les mêmes, ils ont cependant assez d'analogie pour
déterminer finalement des anomalies du même genre. Nous laissons
donc ici ce sujet, nous réservant d'y revenir plus loin, s'il y a lieu.
C. — Examen critique des théories de l'origine des monstres doubles.
§ VIII. — Dans une série cie faits rapportés suivant l'ordre de leur
complexité, nous avons pu remarquer une relation entre l'œuf pourvu
de deux vésicules germinaiives dans un seul vitellus et l'œuf pourvu,
de deux embryons réunis par quelque partie de leur corps. Nous
avons confirmé cette relation par l'examen théorique du développe-
ment de l'œuf à deux vésicules germinatives, et nous pouvons con-
clure que la théorie qui a été donnée de l'origine des monstres
doubles par la présence de deux germes distincts sur uu seul vitellus
est. tout a fait rationnelle; mais pour qu'une théorie puisse être re-
gardée comme la véritable expression des faits, il faut qu'elle soit
applicable à toutes les circonstances de ces faits; si donc celle-ci
remplit cette condition, elle réunira en sa faveur toutes les probabi-
lités; en outre, si les théories de la monstruosité composée qui ont
212
été successivement données sont dùmonlrées insuflisanles on fausses,
nous pourrons espérer de posséder enfin l'explication de l'uu des phé-
nomènes les plus singuliers, les plus bizarres de l'organisation des
animaux.
C'est ce qu'il faut examiner maintenant.
§ IX. — L'origine des monstruosités a toujours vivement occupé
l'esprit des observateurs. Avant que les connaissances anatomiques et
physiologiques eussent acquis (Quelque précision, on donnait l'explica-
tion de ces faits extraordinaires d'après les croyances et les préjugés du
temps. Lorsqu'on eut cessé d'invoquer l'influence des esprits, du dé-
mon, des accouplements impurs, etc., dans lanaissance des monstres, on
accusa la nature. La nature avait ses lois, mais elle avait aussi ses
écarts; quelquefois même, peut-être pour montrer sa puissance, elle
y prenait plaisir; les animaux nés sans leurs principaux organes ou
doublés dans ces organes étaient des jeux de nature aussi bien que
les coquilles marines de nos montagnes.
I X. — A ces explications succéda, vers la tin du dix-septième
siècle, la théorie des germes originairement monstrueux. Le germe
était, suivant les opinions de l'époque, la plante ou l'animal réduit
aux plus petites dimensions : un embryon ayant en infiniment -petit
tout ce qu'il aura un jour en grand avec Les mêmes proportions et Les
mûmes connexions. On sait aujourd'hui qu'il n'existe dans l'ovule pri-
mitif, végétal ou animal, rien qui ressemble à l'embryon futur, et que
la formation des élres vivants ne se fait point par un simple accrois-
sement. Cette théorie d'ailleurs ne faisait que reculer la difficulté; car
pourquoi et comment le germe serail-il originairement monstrueux?
§ XI. — Vivement soutenue par Winslow pendant la première moi-
tié du dix-huitième siècle, cette théorie rencontra un adversaire
redoutable dans Lémery. Le célèbre analomis te s'efforça de montrer
par l'examen des faits que les monstres sout le résultat, non du déve-
loppement d'un germe anormal, mais d'un développement troublé.
Cette thèse, eu faveur de lu(iuelle l'observation des monstres unitaires
fournit de nombreux arguments, est moins heureuse lorsqu'il s'agit
des monstres doubles. Voici comment Lémery concevait leur origine :
Lorsque deux vitellus normaux existent dans le même œuf, il se
trouve sur chacun un ycrme iioriiial ; lorstiue ces germes se dévelop-
pent, ils sont soumis à une pression réciproque qui peut les détruire:
-213
« mais si la prej^ion a été moins forte ou moins longue, il ne se fera
de destruction mutuelle que dans un certain nombre de parties de l'un
et de l'autre embryon; tout le reste subsistera, et pourvu qu'il soit
conditionné de manière à vivre pour quelque temps, il naîtra un
monstre composé de parties, les unes simples, les autres doubles,
contre nature (1). »
Telle est la théorie de Lémery; elle a survécu à celle de Régis, dé-
fendue par Winslow; elle n'est pas encore aujourd'hui tout à fait
abandonnée. Nous ne l'examinerons point ici; nous y reviendrons à
propos des œufs à vitellus multiples, et nous verrons qu'elle est in-
suffisante pour expliquer l'origine des monstres doubles. (Voy. part. II,
sect. I.)
§ XII. — Une autre théorie, qui date à peu près de la même épo-
que, a été moins remarquée, quoique, au point de vue des connais-
sauces du temps, elle ne soit pas moins rationnelle. « On peut con-
jecturer, dit Jacobi à propos des poissons monstrueux qu'il avait
observés, on peut conjecturer que tous ces monstres de poissons pro-
viennent de ce qu'un œuf s'est trouvé fécondé par plus d'un animal-
cule de la laitance; et comme c'est la matière contenue dans l'œuf
qui fournit au petit poisson le ventre, l'estomac ou les intestins, au
lieu que les autres parties végètent ou poussent entre la membrane
et la coque de l'œuf, tous ces monstres se trouvent avoir les intestin3
communs, et il est facile d'en inférer comment se produisent les
monstres dans les poissons et les animaux ovipares (2). »
Cette explication pourrait paraître fort séduisante, car on sait au-
jourd'hui, fait contesté à l'époque de Jacobi, que les animalcules de
la semence sont les agents de la fécondation, et qu'ils pénètrent dans
l'ovule même; toutefois on sait aussi que plusieurs de ces animalcules
pénètrent ordinairement à la fois dans l'ovule, sans qu'il s'engendre de
monstres doubles, et que l'évolution de l'œuf n'est pas exactement ce
que l'avait cru notre auteur.
§ XIII. — Nous arrivons à une théorie moderne et fondée sur une
connaissance plus exacte des phénomènes du développement de l'œuf
(1) FontencUe, Sur les monstres (résumé des discussions tU'- IJiiycraey.
Winslo'W, Lémery); Hist. âcad. des scienxes, aun. 1740.
C?) Jacobi, mémoire cité.
2U
des animaux. Elle a été soutenue surtout par M. Valeutin, qui a
trouvé des arguments en sa faveur dans l'observation de quelque?
embryons doubles de poisson. Suivant le savant professeur de Berne,
la monstruosité duplicitaire serait l'effet d'une segmentation morbide
ou artificielle de l'œuf. Les éléments de l'ovule, doués en eux-mêmes
d'une existence propre, se développeraient isolément par le fait de
leur disjonction, et donneraient naissance à deux êtres plus ou moins
distincts l'un de l'autre. Les causes de la disjonction des éléments
pourraient être des secousses imprimées aux œufs par leur transport
à longue distance ou par des manipulations diverses, conditions dans
lesquelles s'étfiient trouvés ceux qu'il avait observés (1).
Plusieurs objections graves peuvent être adressées à celte théorie :
En premier lieu, si la disjonction des éléments du blastoderme était
la cause des monstruosités composées, pourquoi ne verrait-on pas
naître plus souvent des monstres triples, ou plus complexes encore?
En second lieu, pourquoi la disjonction ne se ferait-elle généralement
que dans l'axe longitudinal, de manière à former des individus unis
suivant le sens de cet axe? En troisième lieu, comment expliquer ce
fait, dont nous donnerons ci-après quelques exemples, de monstres
dont la partie commune aux deux corps ne forme point un tout com-
plet, même pour un seul corps? Il semble que, dans une segmenta-
tion morbide ou artiiicielle, l'irrégularité des produits obtenus doit
être la règle, et c'est le contraire qu'on observe ; il semble que la partie
restée intacte, et qui fait l'union des deux composants, doit toujours
être complète, et la théorie n'explique nullement les cas contraires.
(Voy. ci-après, § XVIII.)
Entin, quant à la cause de la naissance des monstres de poisson par
les secousses d'un voyage, on ( ùt pu faire la ronlre-épreuve sur des
œufs provenant des mêmes individus et dont h s uns eussent été trans-
portés, les autres non; cette contre-épreuve n'a pas été faite. Nous
ajouterons que Jacobi a vu, commt" M. Valenlin, beaucoup d'œufs
anormauxdepoissons,quoi(iue ces œufs n'eussent point été exposés aux
causes d'anomalies iavoquées par le savant professeur de Berne.
§ XIV. — Nous revenons à la théorie de la formation des monstres
composés par la présence de plusieurs germes en un même vitellus.
(1) Valenlin, inénioiro cité.
215
a. — On 6e demandera quel est l'auteur de cette théorie. L'observa-
tion de faits nouveaux, les progrès de nos connaissances sur le dé-
veloppement des animaux y mène naturellement; aussi est-il probable
que les premiers observateurs qui l*ont admise ne l'ont point em
pruntée à d'autres, mais qu'ils l'ont déduite des faits et de leurs mé-
ditations propres.
Wolff, dans le siècle dernier, et Baer, dans le nôtre, ont vu deux
embryons libres ou en partie fusionnés sur un seul vilellus chez la
poule, sans que ces faits aient rien changé aux diverses opinions ad-
mises alors sur la cause de l'origine des monstres doubles.
b. — Laurent est le premier, à notre connaissance, qui se soit expli-
qué la formation de ces monstres par l'influence de deux germes situés
dans un seul vilellus. Cette manière de voir est implicitement con-
tenue dans la phrase suivante que nous avons déjà citée : «Nous au-
rions voulu pouvoir suivre le sort de cet œuf ovarien (à deux vési-
cules germinatives), mais l'œuf et l'animal sur lequel on l'observe
étant toujours sacriQés, il devint évident pour nous que nous ne pour-
rions jamais parvenir par l'observation directe à l'origine première
d'une monstruosité double provenant à nos yeux d'un œuf ovarien à
double vésicule du germe. »
Le mémoire de Laurent date de 1839.
c— A l'occasion des deux faits qu'il a publiés en 1840 (faits rapportés
ci-dessus), M. Allen Thomson examine la question de l'origine des
monstres doubles. Après avoir établi que les embryons de ces mon-
stres naissent dans un seul vitellus et du même blastoderme, il con-
clut qu'il y a primitivement sur ce blastoderme deux centres de déve-
loppement distincts; il cherche alors à expliquer, par le rapproche-
ment ou par l'éloignement supposés des axes embryonnaires, la
fusion plus ou moins complète des deux embryons, et, par l'obliquité
d« ces axes, la fusion des extrémités supérieures ou inférieures : les
axes situés en prolongation l'un de l'autre donnent des monstres unis
par le sommet; les axes parallèles donnent des monstres unis par les
troncs; les axes obliques vers l'extrémité céphalique ou vers l'extré-
mité caudale donnent les monstres doubles supérieurement et simples
inférieurement ou inversement (pi. I, fig. 7).
Les conditions connues du développement normal de l'œuf lui four-
nissent des raisons d'admettre comme vraies ces suppositions. Il con-
. 216
dut que, dans l'état actuel Je nos couuaiisanci.'S, ou nu peut, pour
expliquer l'origine des monstres doubles, aller en fait au delà de
l'existence d'une double ligne primitive sur un blastoderme unique;
mais ensuite, portant plus loin ses vues, il se demande quelle serait
la raison de la formation de deux centres de développement sur un
blastoderme unique : «Avons-nous en fait quelque raison de penser,
(lit le savant physiologiste, que deux germes peuvent exister dans un
(Cuf ou qu'une vésicule germinative double ou qu'un double noyau
dans une vi'Picule germinative peut être la source de la duplicité? »
Quant à la réponse, M. Allen Tbomson croit devoir rester dans la ré-
serve jusqu'à ce que de nouveaux faits viennent la donner; toute-
fois, après l'exposition de son sujet, poser ces questions c'était ache-
ver de donner la théorie du développement des monstres doubles.
d. — Dans un excellent mémoire, publié en 1840, M. Edouard Dalton
se en principe que l'origine des monstres doubles se trouve dans
existencededeux vésiculesgerminatives sur un seulvitellus. L'auteur,
qui ne cite à ce sujet ni Laurent ni Allen Thomson, ignorait sans doute
que cette manière de voir n'était pas tout à fait nouvelle. Pour établir
sa thèse, il se propose de démontrer les trois points suivants :
1° 11 existe des œufs pourvus de deux germes en un même vilellus.
2» Ces germes, par les progrès de l'évolution, donnent deux em-
bryon?.
3" Deux embryons sur un seul vilellus doivent tôt ou lard se ren-
contrer et se fusionner par quelque partie de leur corps.
Les faits sur lesquels s'appuie Edouard Dalton sont, d'une part, celui
de Fabrice d'Acqiiapoiidcnie, et d'une autre, ceux de Reichert, de
WoliTet de Baer. Il montre, d'après les phénomènes de l'évolution
normale que, dans ces derniers cas, la fusion des embryons peut
s'expliquer par Tévolulion simultanée de deux germes primitivement
distincts. Passant ensuite à Tétudo de la monstruosité diiplicilaire ^ il
élablit, d'après ic-s cas connus, qu'elle se présente généralement dans
l'une de ces trois conditions : les axes vertébraux des deux compo-
sants sont sur la même ligne en prolongation l'un de l'auire; ils sont
parallèles l'un à l'autre, ou bien enlin, oblicjues et convergents soit
par l'extrémité céphalique, suit par l'extréraité caudale. Cela posé, il
examine comment les deux cicatricules, suivant leur degré de rap-
prochement et suivant la situation respective de leurs axes, pour-
217
raient, par leur développement, constituer les trois genres de mons-
tres doubles autositaires dont il a rappelé l'histoire, et Ters quelle
"rpoque de l'incubation (chez la poule) l'union doit se faire (1).
L'auteur n'a pas touché la question des monstres parasitaires, ni
celle de la loi qui unit ordinairement les monstres doubles par leurs
parties similaires.
On voit que, dans l'exposition de sa théorie, Dalton se rencontre plei-
nement avec Allen Thomson, différant néanmoins en ceci qu'il pose
en fait une proposition à laquelle ce dernier arrive comme à une dé-
duction possible, peut-être probable.
c. —En 18Ô5, à l'Académie des sciences de Paris, une intéressante
discussion sur l'origine des monstres doubles chez les poissons, a
montré, d'une part, que la théorie de Laurent, d'Allen Thomson et de
Dalton n'était pas encore admise par la généralité des savants, et
d'une autre part, elle a montré que cette théorie est aussi satisfai-
sante pour expliquer la monstruosité duplicUaire chez les poissons
cl les reptiles nus, c'est-à-dire chez les animaux anallantoïdiens, que
chez les autres vertébrés.
M. Coste, après avoir exposé les raisons qui militent en faveur de
cette manière de voir, conclut en ces termes : « L'expérience démontre
« aussi que deux vésicules germinatives peuvent coexister dans un
« même œuf; s'il en est ainsi, la présence, dans l'œuf des poissons
« osseux, de deux vésicules germinatives évanouies sur deux points
« distincts ou sur un point commun, constituerait un double foyer
« vers lequel les granules moléculaires, ordinairement consacrés à ne
« former qu'une seule cicatricule, se réuniraient soit en deux grou-
« pes séparés, soit en deux groupes confondus ([ui, se segmentant de
« concert, formeraient un blastoderme unique, blastoderme dans le-
« quel le degré de conjugaison, selon la loi d affinité des parties
« similaires, serait invariablement réglé par la position et la direc-
« tion réciproques des axes virtuels, si je puis ainsi dire, des deux
a êtres en voie de formation (2). »
(1) Eduardi Dalton, De monstroeum duplicium origine atque evoldtionb
coMMENTATio, iD-4. Halis Saxonum, 1849.
[1] Coste, OrIGI.NK de la monstruosité DOnBLE CHEZ LES POISSONS OSSEDX.
Compte rendu Acad. des sciences, 23 avril 1855, t. XL, p. 933.
218
D, — Conditions des monstres composés en rapport avec la théorie.
§ XV. — Il Boas reste à examiner si la théorie dont nous venons
de tracer l'histoire répond aux principales couditions des monstres
composés.
Ces monstres peuvent êtres classés dans deux catégories dont les
caractères distinctifs se résument en deux mots :
1" Union par inclusion ; 2* union par accollement.
1* Dans aucune des anomalies de l'ovule nous n'avons vu de condi-
tion quf expliquât l'existence future d'un individu dans l'intérieur
des organes d'un autre; nous ne chercherons donc point à éclairer
la question de l'origine des monstres par inclusion.
2* La théorie que nous développons s'applique exclusivement aux
monstres doubles par accollement. Ceux-ci peuvent être répartis
dans deux grandes sections, comprenant : 1° les monstres dont les
deux composants sont sensiblement égaux (raoastres autositaires,
Is. Geoffroy Saint-Hilaire); 2° les monstres dont l'un des composants
est rudimenlaire (monstres parasitaires ex parte, Is. Geoffroy Saint-
Hilaire).
Une différence plus remarquable que l'égalité ou l'inégalité de vo-
lume existe généralement entre les monstres appartenant à ces deux
sections, c'est la symétrie des deux composants et l'union par des
parties similaires qui existent chez les premiers et non chez les se-
conds. Ce lait très-remarquable de l'union des monstres composés par
des parties similaires se retrouve dans le plus grand nombre des cas,
ainsi que l'ont établi les travaux de notre grand naturaliste Etienne
Geoffroy Saint-Hilaire et ceux de M. Serres.
Avant d'examiner au point de vue de l'origine des monstres auto-
sîtaites et parasitaires (ceux par inclusion exceptés), la théorie que
nous défendons, il nous importe d'établir qu'il n'y a pas de différence
catégorique entre les uns et les autres. Eu effet, en dehors de l'atro-
phie de l'un dus composants et de l'union asymétrique, les différences
sont plus apparentes ijue réelles : Si le monstre parasitaire semble
ordinairement un individu compli;t, mais rudimentaire, dont une
partie plonge dans les organes d'un autre individu, il n'eu est cepen-
dant rien; il s'arrête à la superficie de celui-ci, comme les monstres
autositaires s arrêtent mutuellement au contact l'un de l'autre. Dans
219
les deux condilions, il y a absence complète de tout orgaoe de l'un ou
de l'autre composant au delà des limites que l'œil aperçoit.
Les autosilaires et les parasitaires se ressemblent donc sous le rap-
port de l'absence de toute pénétration de l'un dans Tautie et sous le
rapport de la limitation des individus composants aux points d'union.
Mais ce ne sont pas toujours là leurs seuls caractères communs, ou
plutôt les dissemblances qui les séparent en deux catégories distinc-
tes peuvent quelquefois disparaître. On voit des monstres, réunis
par des parties similaires, offrir un développement fort inégal (cas
rare, il est vrai, chez les mammifères et les oiseaux, mais commun
chez les poissons), et, d'un autre côté, on voit des monstres unis
par des parties non similaires, des monstres qui, sons ce rapport,
appartiendraient aux parasitaires, offrir quelquefois un développe-
ment égal dans chacun de leurs composants. J'en citerai les exemples
suivants :
a. Dans un cas observé par ViUeneuve,cas très-remarquable et très-
connu de deux individus unis par l'extrémité céphalique, les deux
tètes étaient réunies en sens inverse, de telle sorte que le frontal de
l'un des composants était en rapport avec l'occipital de l'autre.
6. Dans un cas décrit par Baer, deux individus étaient réunis par le
front, mais obliquement, de manière que les axes vertébraux de cha-
cun n'étaient point correspondants et que la bouche de l'un des com-
posants était située près de l'oreille de l'autre (l).
c. Enfin, dans trois autres cas d'union par le somme4; observés par
Sannie, Klein, Barkow, cas auxquels on pourrait joindre l'épicome de
Home, l'union des deux crânes n'avait pas lieu anatomiquement par
les parties homologues.
Si les monstres doubles peuvent avoir quelquefois un développe-
ment inégal quoique réunis par leurs parties similaires; si, d'un autre
côté, ils peuvent avoir quelquefois un développement égal quoique
réunis par des parties non similaires, il n'y a point de différence trés-
esseutielie, catégorique, entre les monstres autosilaires et les para-
sitaires.
Gela posé, en examinant les faits de plus près, nous remarquons
[\) Baer, Bi:llet!N oe l'Acad. de;j scïknces djî Saimt-Pétersbourg, 1845,
t. III, p. 114, pi. \ll, lig. I et 2.
220
que, (liez lo^ aiitosilaires tout à lait symétriques, les deux composants
soQt doués d'une circulation complèteet propre, ou tout au moins d'une
circulation égale et régulière; or, nous remarquons aussi que les
monstres appartenant aux autositaires mais qui sont réunis, comme
les parasitaires, par des parties non similaires, sont doués d'un sys-
tème circulatoire complet, tandis que les parasitaires proprement dits
n'ont point de circulation propre; sous ce rapport, ces derniers sont
dans la dépendance du sujet principal qui leur fournit des vaisseaux
d'un ordre secondaire.
La cause du développement parfait chez les uns, imparfait chez les
autres, nous apparaît donc dans la présence d'une circulation par-
faite chez les premiers, imparfaite et anormale chez les seconds. D'a-
près cela, on peut présumer que, lorsque le mode d'union sera tel
chez deux embryons qu'il n'en résultera aucun obstacle à la circula-
tion régulière de l'un des composants, il se formera des monstres
autositaires quoique la symétrie puisse ne pas exister; l'un des com-
posants sera parasitaire dans le cas contraire.
Appliquons ces vues à la théorie que nous avons exposée :
Lorsque deux blastodermes assez rapprochés sur un vitellus unique
s'unissent symétriquement (pi. I, fig. 8, 9, 10) soit par l'extrémité de
leur axe, soit latéralement, le cœur et l'appareil circulatoire de ces
membranes peuvent être complets dans chacune d'elles et les embryons
qui s'unissent par leur sommet ou par leur région ombilicale, auront
également chacun une circulation complète. Si les deux blastodermes
sont plus rapprochés, l'union latérale ou plus ou moins oblique aux
extrémités de l'axe étant plus étroite, le cœur et l'appareil circula-
toire de chacun pourront être plus ou moins fusionnés, mais toutes
les parties des deux membranes blaslodermiques recevront une part
égale du liquide nourricier; les embryons suivront une condition
semblable et, dans tous ces cas, ils se développeront aussi phrjsiologi-
quemcnt, aussi complètement (à part dans les parties qui doivent
nécessairement manquer) qu'un embryon unique sur un blastoderme
normal.
Il n'en sera plus de même lorsque les deux blastodermes étant
aussi rapprochés que dans le cas précédent, l'axe de l'un sera plus ou
moins perpendiculaire à l'axe de l'autre (pi. I, fig. 11); en effet, si la
circulation se développe normalement dans l'un, il pourra n'en pas
être de même dans l'autre; car la portion du blastoderme qui donne
221
naissance aux organes primordiaux de la circulalion pourra bien, par lu
rencontre de l'autre blastoderme, être arrétéedans son développeraenl :
1" Si c'est par l'extrémité céphalique de l'axe que la rencontre a
lieu, la portion du vaisseau qui doit constituer le cœur, et qui est
primitivement située vers l'extrémité de cet axe, ne se formera pas ; de
là, point d'orgaue de propulsion du sang propre à l'embryon qui suc-
cédera.
2° Si c'est par l'extrémité caudale de l'axe que la rencontre a lieu,
l'existence de plusieurs des vaisseaux principaux sera également
compromise ; mais en outre un organe qui se développe vers l'extré-
mité postérieure de l'axe embryonnaire, l'allantoïde, ne se formera
pas, et l'une des fonctions les plus importantes ne s'accomplira que
chez l'autre sujet.
On conçoit qu'il doive exister dans les deux cas pour l'un des tm-
bryons un trouble complet du développement et une atrophie consé-
cutive. Ainsi, par la théorie que nous avons exposée, on se rend
compte de la formation d'un monstre parasitaire aussi bien que de
celle d'un autositaire, et l'on conçoit que dans certaines conditions,
rares sans doute, deux embryons réunis d'une manière qui n'est pas
symétrique, n'en jouissent pas moins, dès leur première formation,
d'un système circulatoire complet et suffisant pour qu'ils acquièrent
un accroissement égal et qu'ils donnent, en un mot, un monstre dou-
ble autositaire.
§ XVI. — Nous avons dit que les monstres composés sont ordinaire-
ment réunis par leurs parties similaires. Les deux auteurs qui ont
cherché dans la disposition des axes embryonnaires l'explication des
rapports réciproques des monstres doubles, n'ont point donné la rai-
son de la symétrie de ces rapports : Allen Thomson déclare qu'aucune
explication ne le satisfait; Dalton, malgré tout l'intérêt qu'elle pou-
vait avoir pour sa théorie, Dalton ne la cherche pas et même il ne pose
pas la question.
On sait que ce fait remarquable de l'union symétrique des monstres
a été mis en lumière par Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, et que le grand
anatomiste en a cherché la raison dans une attraction mutuelle des par-
ties similaires. En face d'un illustre maître, ce n'est pas sans hésitation
que nous proposerons une interprétation nouvelle : chez les monstres
composés, la réunion par les parties similaires pourrait s'expliquer, sui-
222
vant nous, par une orientation virtuelle et primitive du germe. Dans
l'œuf de la poule en incubation on voit, en effet, que l'axe du blasto-
derme a généralement une direction déterminée; l'embryon se forme
transversalement au grand axe de l'œuf, la tête à gauche (l'œuf étant
placé devant l'observateur le petit bout en avant); or, il ne peut être
douteux que cette direction ne tienne à ce que la cicatricule en reçoit
une dans la vésicule ovarienne.
Si l'axe virtuel du germe possède une direction priraordialement
déterminée, deux germes distincts placés sur un même vitellus doi-
vent avoir l'un et l'autre une direction semblable; par conséquent,
les deux blastodermes qui se développeront se rencontreront par des
parties similaires. Ainsi se produiront des monstres doubles sensible-
ment égaux dans leurs deux composants et symétriques (autosilaires
vrais), ce qui sera le cas en quelque sorte normal dans cette anoma-
lie, et donc le plus commun.
Dans les êtres organisés il existe assez rarement des déviations au
type normal ; or, ces déviations devront être moins rares chez ceux
qui offrent déjà, sous quelque rapport, un état anormal. La direc-
tion de l'axe virtuel des cicatricules dans l'œuf à deux germes pourra
donc assèB"^ouvent n'être pas conforme à la loi ordinaire. Alors tantôt
la déviation sera peu marquée, tantôt elle sera telle que les axes em-
bryonnaires seront plus ou moins perpendiculaires entre eux (pi. 1,
fig. 11) ; d'oii résultera dans l'union des deux blastodermes et des em-
bryons consécutifs tantôt une légère irrégularité, compatible avec un
développement du reste normal, comme il arrive dans les monstres unis
par le sommet, tantôt une anomalie telle que le développement de
l'un des embryons en sera gravement entravé.
Dans le premier cas se produiront des monstres réunis par des
parties non similaires, toutefois sensiblement égaux (monstres autosi-
laires non symétriques).
Dans le second, des monstres réunis par des parties non similaires
et Irès-dissemblables (monstres parasitaires, ex parte, Geoffroy baint-
Hilaire).
§ XVII. La théorie du développement des monstres doubles par deux
germes sur un seul vitellus donne encore raison de plusieurs autres
conditions qui se reucontient chez ces êtres anomaux.
Dana la remarquable famille des monsiics doubles cyccplialiens
223
d'Is. Geoffroy-Saint-Hilaire, les deux têtes et les deux corps sont in-
trmement confondus, de telle sorte que ceux de ces monstres qui sont
complets dans les deux composants, offrent une cavité crânienne
unique avec deux faces opposées, réalisant le type du dieu Janus; les
deux poitrines et les deux ventres sont également confondus eu une
seule cavité ayant deux colonnes vertébrales opposées, et deux ster-
nums opposés; mais ce qu'il y a de particulièrement remarquable,
c'est que chadune des figures ou chacune des poitrine^ n'appartient
pas au même individu; elles appartiennent pour moitié aux deux
composants, ainsi la demi-face gauche de l'un est unie avec la demi-
face droite de l'autre, et réciproquement. Deux livres entr'ouverts,
juxtaposés par leur trancbe et ayant les dos opposés peuvent donner
l'idée de la disposition des deux poitrines, les dos représentant les
deux colonnes vertébrales.
Pour concevoir l'origine de cette monstruosité [Voij. pi. 1, lig. 9), il
faut se rappeler que, dans la formation normale de la tête et du tronc
embryonnaires, le blastoderme se soulève suivant son axe, lequel se
confond avec celui de l'embryon; or lorsque le blastoderme résulte de
deux blastodermes fusionnés, son axe ne coïncide pas avec celui de l'un
ou de l'autre des embryons, mais c'est avec la ligne d'union qu'il coïn-
cide. Si donc, les premiers vestiges embryonnaires placés dans le plan
du blastoderme, se touchent, le soulèvement n'aura pas lieu dans l'axe
vertébral de l'un ou de l'autre embryon, mais suivant l'axe d'union,
c'est-à-dire suivant la marge des lames abdominales juxtaposées, les-
quelles s'uniront, tandis quu les lames abdominales externes (lames
appartenant à deux embryons différents) se rapprocheront comme
si elles appartenaient au même individu et constitueront plus tard, en
s'unissant, une cavité thoracique et abdominale commune aux deux
composants ; la cavité du crâne et les deux faces 'se formeront de la
même manière. Si, par un rapprochement plus grand des axes em-
bryonnaires, les lames ventrales internes ou quelque partie des lames
dorsales manquaient, on comprend que l'une des faces et que l'une
des poitrines resteraient incomplètes; l'une des faces pourait être
représentée par un seul œil cyclope, comme dans les iniopes; ou
seulement par deux oreilles fusionnées comme dans les synotes.
§ XVIII. — Une autre condition singulière se rencontre lorsque la
partie commune aux deux composants d'un monstre double ne forme
224
point un tout complet, même pour un individu simple. Il n'est pas
question ici de ces cas dans lesquels un accident ou bien une anoma-
lie nouvelle a privé de quelque organe le monstre composé; il s'agit
de ces cas dans lesquels le défaut des organes fait partie intégrante
du plan général de l'anomalie.
Tel était un fœtus double de mouton décrit par M. Rayer : deux
corps complets, unis par les poitrines et le col, avaient une tête com-
mune, mais rudimenlaire, qui offrait deux faces opposées, dont l'une
était représentée par un seul œil (cyclope) et deux oreilles; l'autre,
plus réduite encore, par un rudiment d'orbite et deux oreilles fusion-
nées à leur ba.-^e. Les fosses nasales, les bouches faisaient défaut ; un
œil unique existait donc pour les deux individus (1).
Notre collègue, M. Houel a dernièrement présenté à la Société de
biologie un fœtus de mouton semblable.
Le défaut des organes peut exister également à l'autre extrémité.
M. Serres a donné, dans son grand ouvrage sur la léralogénie, la
description et la figure d'un fœtus humain double dans lequel deux
corps complets étaient terminés inférieurementpar un membre unique
contenant les rudiments des deux membres (2).
Ces faits, dont nous pourrions citer d'autres exemples, ne s'expli-
queraient nullement par la disjonction accidentelle des éléments du
blastoderme (théorie de Valentin), car les parties non disjointes de-
vraient toujours donner l'état normal. Dans l'union de deux blasto-
dermes primordialement distincts, la condition qui produirait une
semblable anomali(; pourrait exister lorsque les axes des blastoder-
mes, très-obliques l'un à l'autre, se croiseraient en deçà de l'extrémité
céphalique ou de l'extrémité caudale. {Voy. pi. I, fig 10.)
§ XIX. — D'après la même théorie, les embryons ne pourraient
jamais être unis que par les parties qui sont primitivement contenues
dans le plan du blastoderme; ainsi les membres qui se produisent par
une sorte de bourgeonnement lorsque l'embryon, ayant revêtu sa
forme, est sorti du plan du blastoderme, les membres ne pourraient
point devenir le siège de l'union. C'est, en effet, ce que l'on observe,
(1) P. Rayer, Sur deux cas rares de monstruosité. Mém. soc. de biologie,
t. IV, p. 341, pi. m, lb52.
(?) Serres, mém. cité, p. 91^, pi. XXIV.
225
les monstres doubles sont toujours réunis par la tête ou par le tronc;
si des membres de l'un et de l'autre individu sont quelquefois fu-
sionnés, c'est que l'union procède de la portion des troncs qui con-
stitue la base des membres fusionnés. Ou n'a jamais vu deux indivi-
dus unis par quelque partie de leurs extrémités supérieures ou infé-
rieures, sans que cette union ne comprit l'épaule ou le bassin. Il en
est de même pour ces êtres parasitaires qui sont réduits à quelques
rudiments des extrémités, et dont l'indépendance ou l'individualité s«
manifeste par leur insensibilité, leurs rapports avec le sujet qui les porte
ont toujours lieu par quelque partie de la tête ou du tronc de celui-ci.
En résumé, si nous envisageons dans leur ensemble les observations
rapportées ci-dessus, ainsi que les conséquences qui en découlent,
nous constatons d'abord comme un fait acquis l'existence de l'ano-
malie qui consiste dans la présence de deux vésicules germinatives en
un vitellus unique.
A. Laurent en a vu plusieurs chez la limace grise, M. Goste un cas
chez le lapin, M. Allen Thomson un cas chez le chat; car si ce der-
nier auteur croyant son fait unique l'a donné avec hésitation, nous
n'avons pas les mêmes motifs de douter de l'exactitude de son ob-
servation. La duplicité de la cicatricule dans l'œuf de la poule ob-
servée par Fabrice d'Acquapendente, par M. Serres et par M. Allen
Thomson sont encore des cas de duplicité de la vésicule germinative.
B. D'après l'examen qu» nous avons fait de la question du dévelop-
pement simultané de deux germes placés sur le même vitellus, on
doit conclure que ces germes donneront, suivant leur degré de rap-
prochement :
1* Deux blastodermes fusionnés avec deux embryons plus ou moins
indépendants l'un de l'autre, comme dans les cas de Reichert (écre-
visse), d'AllenThomson, de Wolff, de Flourens et de Simpson;
2° Deux blastodermes fusionnés avec deux embryons également fu-
sionnés dans une étendue plus ou moins considérable, comme dans
les cas de Baer, de Reichert, de WollT (deuxième), d'Allen Thomson
(deuxième), de Lebert et de Daresie.
Ces deux derniers observateurs, il est vrai, disent que les embryons
s'étaient développés dans la même cicatricule-, mais il est évident que.
pour rester dans la vérité du fait, c'est daus le même blastoderme
qu'ils eussent dû dire.
uéi. 15
226
C. De quelque manière qu'on envisage tous ces faits, un autre point
reste acquis; c'est que les emhiyons doubles, et par conséquent les
monstres doubles, naissent d'un vitellus unique et non de deuxyi-
tellus distincts, comme on la longtemps admis.
D. Si la duplicité embryonnaire doit son origine à l'existence de deux
Tésicules germiualives sur un seul vitellus, ce phénomène remar-
quable de l'union ordinaire des monstres doubles par leurs parties
similaires trouve une explication rationnelle dans l'orientalion pri-
mordiale des germes.
E. Aucun fait ne nous donne l'explication de l'origine des monstres
doubles par inclusion.
F. En dehors de la duplicité de la vésicule germinative, aucune con-
dition anormale et primitive de l'œuf ovarien ne paraît devoir déter-
miner, par le développement embryonnaire, une anomalie que nous
puissions rapporter à celte condition.
DEUXIEME PARTIE.
ANOMALIES SECONDAIRES.
SECTion I. — Œuf à Titellns mnltiples.
§ I. — Chez les animaux vertébrés l'œuf normal n'est jamais con-
Btitué que par un seul vitellus; mais, chez quelques invertébrés, la
même coque renferme quelquefois plusieurs de ces corps. C'est sur-
tout chez des hirudinées et chez des mollusques que ce fait a été ob-
Bervé. 11 ne sera question ici que des animaux chez lesquels les
vitellus multiples dans une même coque constituent un état anormal.
§ 11. — Chez la poule, l'existence de l'œuf à deux vitellus a été très-
anciennement connue : Aristole fait la remarque que les œufs qui
donnent doux poulets sont pourvus de deux jaunes et que certaines
poules produisent toujours des œufs de cette sorte (1). Ouant à des
(1) Arislotelis HiST. de animalibus; Ed. Soaliger, hb. vi, 8 60, p. Cô9.
Tolûsae, 1619.
227
œufs à trois jaunes, nous croyons que c'est de nos jours seulement
que leur existence a été signalée : M. Valenciennes rapporte qu'il en a
observé trois; ces œufs provenaient de la halle de Paris où tous ceux
qu'on y vend sont comptés et mirés par des employés spécialement
cliargés de celte fonction. Ces employés estiment qu'ils trouvent, dans
l'année, cinq ou six œufs contenant trois jaunes; or, il arrive à la
halle plus de 140 millions d'œufs par an, c'est donc environ un œul
à triple jaune sur 23 millions.
Les œufs à deuxvilellus sont proportionnellement beaucoup plus
communs : on en compte sur la même halle deux ou trois cents par
an, c'est-à-dire sur 140 millions d'œufs. On a remarqué que ces œufs
à double jaune sont plus communs dans les arrivages du Mans et de
la Normandie (1). Certaines races de poule sont plus fécondes en œufs
de cette sorte, telle est celle dite de brahma-poulra.
§ III. — Les œufs à deux jaunes sont généralement plus volumineux,
que des œufs ordinaires : Hagendorn en a vu de la grosseur d'un œuf
d"oie (2); Dugès parle d'une poule qui, dans sa vieillesse, se mit à
pondre tous les trois jours des œufs énormes et à deux jaunes; elle
mourut après trois semaines, son dernier œuf n'ayant pu être ex-
pulsé (3).
Trois œufs à double vitellus, pondus successivement par la môme poule,
m'ont donné les mesures suivantes :
Premier, grand axe, 75 millim., petit axe, 47 millim.
Deuxième, — 77 — — 48 —
Troisième, — 73 — — 50 —
Ces dimensions, malgré leurs variations, donnent pour chaque œuf un vo-
lume à peu près égal et bien supérieur à celui d'un œuf ordinaire qui, en
moyenne, a 60 millimètres suivant le grand axe et 40 millimètres suivant le
petit.
Les deux jaunes sont quelquefois conligu-; d'autres fois, ils sont
(1) Valenciennes, Note sur des œufs à plusieurs jaunes contenus dans la
même coquê. Compte rendu acad. des sciences, t. XLll, p. 3. 1856.
(2)D.El)reDf. Hagendorn. Ova duplici vitello prsedita, Mise. nat. cuR.,déc.i,
ann. ii, obs. ccxLi, p. 342.
(3) Ant. Dugès, Tbaité de phtsiologie comparée, t III, p. 318. Paris, 1839.
228
séparés par une couche plus ou moins épaisse d'albumine, ainsi que
l'avaient reconnu Ârislole et Harvey (1).
D'après M. Valencienues, ces œufs sont ordinairement anormaux
dans leur constitution; leurs sphères vitellines sont déformées et pri-
vées de chalazes.
Huit œufs que j'ai examinés dernièrement avaient une coque régulière,
une chambre à air unique, placée au gros bout, deux jaunes sensiblement
égaux en volume, sphcriques ou légèrement aplatis par pression mutuelle,
pourvus l'un et l'autre de leur cicatricule. Ils différaient de l'état normal
quant à la position des deux cicatricules relativement à l'axe de l'œuf et
quant au nombre et à la situation des chalazes : sur l'un des œufs, la cica-
tricule d'un vitellus étant située normalement, la cicatricule de l'autre était
placée entre les deux jaunes; sur un autre œuf, les deux cicatricules étaient
tournées vers les deux pôles opposés ; sur un autre, elles étaient placées en
dedans des deux sphères vitellines ; chez tous, enfin, l'une au moins des ci-
catricules avait une situation qui n'était pas tout à fait régulière. Quant aux
chalazes, leur nombre n'a point dépassé deux ; tantôt elles étaient adhérentes
au même jaune, celui du petit bout, et occupaient une position transversale
par rapport au grand axe de l'œuf ; tantôt elles appartenaient chacune à l'un
des jaunes ou l'une était commune aux deux jaunes.
Il peut se faire toutefois que les deux vitellus aient des chalazes
disposées normalement comme l'a observé Harvey : « Oviim nuper in
« utero gallinœ perfectum testâque obtectum reperi, cum vitellis, ci-
« catriculis atque albuminibus crassioribus, omnibus geminis ; ade-
«rant etiam quatuor chalaza3; albumen autem unicum duntaxat
• prœdicta omoia circumambibat (2). »
J'ai vu moi-même, il y a quelques années, un œuf à deux jaunes
dont chaque sphère vitelline avait sa cicatricule propre et ses deux
chalazes, mais les deux internes (par rapport aux deux jaunes) étaient
fusionnées eu une seule.
§ IV. •— Quant aux œufs à trois vitellus observés par M. Valenciennes,
leur grosseur était celle d'un œuf de poule ordinaire ; • leurs jaunes
« sont petits et sont loin d'avoir atteint leur grosseur normale. La
« sphère vi tell ine n'est pas régulière; ces jauues sont déformés, ils
(1) Harvey, ouv. cit., p. 9S.
(2) Harvey, ouv. cit., p. 54.
229
« ne se louchent pas entre eux; des couches plus ou moins épaisses
• d'albumine les séparent les uns des autres; chaque vitellus est en-
• veloppé de sa membrane vitelline propre. » Soumis à l'incubation
pendant huit jours, ils n'ont offert aucun indice du développement
embryonnaire (1).
§ V. — Les œufs à deux vitellus ont encore été observés chez d'au-
tres oiseaux que la poule : M. Valenciennes en a vu chez le moineaa
commun, l'alouette des champs, le pigeon ramier, la tourterelle des
bois, le canard musqué et le cygne.
§ VI. — Chez des invertébrés, l'on a vu aussi des œufs à deux vi-.
tellus : j'en ai observé chez le planorbe et chez la paludine vivi-
pare (pi. II, fig. 2, 3, 4) (3) ; M. Jaquemin en a vu également chez la
paludine (2) ; M. de Quatrefages, chez quelques mollusques d'eau
douce ; M. Valenciennes, chez des gastéropodes pectinibranches ; enfin,
M. Robin m'a dit enavoir vu un chez Vancytus fluviatUis.
L'anomalie dont nous nous occupons a été signalée par Dujardia
chez ïascaris acus du brochet (4), et par Dugès chez l'oxyure du cra-
paud (5) ; mais, dans ces deux cas, il n'était probablement questioa
que d'un fractionnement normal du vitellus en voie de développe-
ment.
§ VIL — Quel est le mode de formation des œufs à deux et à trois
jaunes?
D'après les faits connus et d'après la manière dont se constitue
l'œuf des oiseaux, on peut juger que la cause d'une telle ano-
malie se trouve tantôt à l'ovaire, tantôt à l'oviducte; en effet, deux
vitellus complets se forment quelquefois dans une seule vésicule ova-
rienne; nous avons mentionné, en parlant des causes des anomalies
primitives, un assez grand nombre d'observations de ce fait. Au sortir
(1) Valenciennes, raém. cit., p. 3.
(2) C. Davaine, Comptes rendus des séances de la. Soc. de biologie, t. 1,
1849, p. 88.
(3) Jaquemin, Histoire du développement du planorbis cornea, 1835.
(4) F. Dujardin, HisT. nat. des helminthes, p. 213. Paris, 1845.
(5) A. Dugès, Recherches sur l'organisation ej* (^y,elque^ espèces d'oxyures,
ia Ann. se. NAT., t. LX, p. 231. Paris, 1826.
230
de la vésicule, ces vitellus saisis par la trompe en même temps, doi-
vent nécessairement être enveloppés ensemble par les produits que
l'ovlducle fournit à l'ovule; en outre, l'anomalie dans laquelle deux
jaunes sont en partie fusionnés ne peut avoir son origine qu'à l'o-
vaire. Mais, d'un autre côlé, l'anomalie pourrait avoir son origine à
l'oviducte si deux vésicules ovariennes donnaient leur ovule presque
simultanément -, les vilellus, engages dans le pavillon de la trompe,
seraient trop rapprochés pour s'envelopper séparément de leurs mem-
branes complémentaires; c'est ainsi que, nécessairement, devait se
produire celle anomalie dans le cas suivant : une poule qui était en
ma possession, donnait constamment des œufs à deux jaunes; elle
fut tuée, et j'en lis l'autopsie afin de constater l'état des organes géni-
taux. L'ovaire formait une grappe très-considérable dont chaque ca-
lice ne contenait qu'un seul vitellus. Un fait observé par mon ami le
docteur Laboulbène, prouve d'ailleurs que l'inclusion de deux jau-
nes dans un seul œuf peut reconnaître ce mode de formation, car
dans ce cas, l'un des jaunes étant enveloppé de sa vésicule ovarienne,
l'autre avait dû être fourni par un autre vésicule. (Voy. sect. iv, c.)
§ VIII. — Trois opinions différentes ont été admises relativement au
résultat de l'incubation des œufs à deux jaunes; ce sont : leur infé-
condité, la production de deux embryons^ celle d^un monstre double.
Plusieurs observateurs professent aujourd'hui la première de ces
opinions.
La seconde a été celle d'Aristote, d'Harvey, de Wolff, etc. Toutefois,
Harvey fait à ce sujet quelques réserves, et dit que l'un des poulets,
si ce n'est tous les deux, périt le plus souvent dans l'œuf (1). Ou
voit dans Pline que les anciens étaient, comme les modernes, partagés
d'opinion sur cette question : « Quelques poules, dit ce naturaliste,
« pondent toujours des œufs à deux jaunes, et parfois deux petits
« écloseuL à la fois, l'un plus grand que l'autre, d'après Gelse. D'au-
« très auteurs nient la naissance de ces poussins jumeaux (2). »
11 existe des observations authentiques de deux poulets éclos d'un
seul œuf; un ras de ce genre très-remarquable a été vu par mou ami
(1) Huivey, ExERCiT. XIII, p. 55.
(2) Pliue, Ilisf. NAï., trad. par LiUré, liv. X, ch. 64.
231
M. Claude Bernard: sur dix œufs à deux jaunes pondus et couvés par
une poule, neuf donnèrent chacun deux poulets vivants (1).
M. Dareste a constaté sur quelques œnfs à deux jaunes couv(''s de-
puis six jours environ, l'existence de deux embryons; celui qui était
placé vers le gros bout de l'œuf, c'est-à-dire vers la chambre à air,
était plus volumineux que l'autre (2). M. Panum (de Kiel), a derniè-
rement donné l'observation de deux embryons développés sur les
deux vitellus d'un seul œuf; l'un des embryons avait une anomalie du
cœur (3).
Les œufs à deux vitellus peuvent donc se développer ; ce qu'indique
d'ailleurs l'existence de deux cicatricules; mais assez souvent, sans
doute, la situation de l'une ou celle des deux cicatrioules étant peu
favorable au développement, l'un des embryims périt ou tous les
deux péri-sent à l'époque où la respiration prend une activité plus
grande; car alors les organes respiratoires éloignés de la chambre à
air remplissent leur fonction d'une manière insuffisante.
Dans les œufs à double vitellus de la paludine et du planorbe, j'ai
pu suivre le développement complet et normal de deux em-
bryons (pi. Il, fig. 3, 4) (4).
Quant à la troisième opinion, elle appartient à Fabrice d'Âcquapen-
dente (5). Suivant le grand anatoraiste. des œufs de poule àdeux vitellus
donnent des poulets pourvus de auatre jambes ou de quatre ailes, et
de deux têtes sur un seul corps. Depuis le temps de Fabrice jusqu'à
DOS jours, un grand nombre de physiologistes ont regardé l'existence
de deux jaunes dans l'œuf comme la raison de la monstruosité dupli-
citaire; la compression que devaient éprouver, suivant eux, deux
embryons renfermés dans la même coque, déterminait la coalescence
des parties en contact, et la formation d'un monstre double.
Deux observations semblent venir à l'appui de cette opinion :
1° L'une est consignée dans le Magasin de Hambourg :
• Quelqu'un qui examinait des œufs en les regardant au soleil, en trouva
(1) Cl. Bernard, Comptes rendds Soc. de biol., 1. 1, p. 9. Paris, 1849.
(2) Dareste, mém. cité.
(3) Panum, Arch. de Virchow, 1859, et Compte rendu Acad. des sciences,
t. XLVm, p. 922, 1859.
(4) G. Daraine, Comptes rendus Soc. de biol , 1849, p. 88.
(5) Fab. d'icquapendente, ouv. cité, part. II, cap. 1, p. 11.
232
€ un à deux jaunes. Il le fit couver et acquit un ruonstre composé de deux
• poulets réunis ensemble, à deux têtes, et dans lequel quelques parties pa-
« laissaient mauquer, et d'autres étaient mêlées de façon à n'en faire qu'une
t seule (1). »
2° L'autre observation appartient à l'illustre Etienne Geoffroy-Saint-
Hilaire :
Il s'agit d'un poulet double qui fut mis sous les yeux de l'Académie des
sciences, en mai 1826. Il provenait d'un œuf remarquable par son volume,
lequel, à cause de cette dernière circonstance, avait été examiné avant l'in-
cubation au moyen du mirage ; on avait alors constaté qu'il existait deux
jaunes, non-seulement distincts, mais placés à distance. Les deux sujets qui
en provinrent, d'ailleurs bien conformés, étaient réunis ventre à ventre par
une portion commune allant d'un vitellus à l'autre (2).
Ces exemples ne peuvent être pris comme des preuves absolues de
la réunion de deux embryons nés de deux vitellus complètement
distincts, car le mirage ne donne jamais qu'une apparence un peu
confuse des sphères vitellines. Dans le cas observé par Geoffroy-Saiol-
Hilaire, il se peut qu'il y ait eu une fusion partielle des deux jaunes
semblable à celle que M. Dareste a observée deux fois. Dans cette
condition on comprend l'union des deux embryons par l'ombilic;
Or, quelle serait la raison d'une semblable union dans le cas de deux
vitellus complètement distincts? Serait-ce la compression réciproque?
Mais dans les premiers jours de leur existence, les deux embryons
sont séparés par les membranes vilellines, et ils n'augmentent nulle-
ment la masse des vitellus sur lesquels ils sont couchés. Par la suite,
à mesure qu'ils se développent, l'espace libre, loiu de diminuer, s'ac-
croît autour d'eux de jour en jour; l'œuf, en elîet, perd de son poids,
comme l'a établi Etienne Geolîroy-Sainl-Hilaire(3), et la chambre à
air s'agrandit proportionnellement. L'union ordinaire des monstres
(1) Cite par Gli. Bonnet, SEuv., t. 111, p. 501, note, d'après le Magasin de
Hambourg, t. II, p. 649.
(2) Isidore Geofl'roy-Saint-Hilaire, Compte rendu Acad. des sciences, tom.
XL, p. b73, 1855.
(3) Etienne Geoffroy-Saint-Hilairc, Des différents états de 'pesanteur des
œufs au commencement et à la fin de l'incubation, Journal, ccmplement. des
SCIENCES MÉD., t. VII, p. 271, 1820.
233
doubles par des parties similaires ne trouve point non plus sa raison
dans la coalescence des germes de deux vitellus, car les cicatricules
ont généralement sur les deux jaunes une situation respective fort
variable, et de telle sorte que la loi de conjugaison devrait être l'u-
nion par les parties non similaires.
La formation d'un monstre double sur un seul vitellus pourvu de
deux germes nous paraît établie par les faits, et sous ce rapport celle
qui aurait son origine de deux jaunes distincts, manque de preuves
certaines; celle-ci ne s'explique point par la compression réciproque
des deux germes, ni par la manière dont se fait le développement
embryonnaire, ni par la situation respective et trop variable des em-
bryons. Il y a donc lieu de croire que, dans les deux cas rapportés
ci-dessus, il existait une fusion primitive et partielle des deux vitellus
que l'examen par le mirage ne pouvait faire reconnaître.
Sectiou II. — Œuf inclus dans un autre.
§ I. — De toutes les anomalies de l'œuf, la plus singulière, celle qui
a généralement paru le moins susceptible d'explication, est l'inclusion
d'un œuf dans un autre. Cette anomalie a été signalée il y a bientôt
deux siècles, et, depuis lors, d'assez nombreux exemples en ont été
observés.
§ II. — L'œuf qui renferme l'autre est quelquefois plus volumineux,
quelquefois de même volume qu'un œuf ordinaire; il possède une
coquille et un blanc normaux et généralement aussi un jaune intact
ou seulement déformé par la pression de l'œuf inclus qui est toujours
situé en dehors de ce jaune.
L'œuf contenant n'est quelquefois formé que d'une coquille et d'un
blanc, le vitellus faisant défaut. Ce cas est rare ; M. Flourens en a ob-
servé un exemple qui offrait encore cela de remarquable que l'œuf
inclus était volumineux el pourvu d'un blanc et d'uu jaune normaux.
L'œuf contenant était énorme (1).
L'œuf inclus est très-rarement d'un volume ordinaire ; presque tou-
jours il est fort petit et constitué seulement par une coquille et un
blanc, sans jaune. Tels sont la plupart des cas rapportés par les ob-
(1) Flourens, communicatioa à l'Académie des sciences citée.
234
servateurs; il en est cependant quelques-uns dans lesquels le jaune
existait. Nous venons de mentionner un fait de ce genre observé par
l'illustre secrétaire porpéttiel de l'Académie des sciences ; nous en ci-
terons un autre de M. Rayer (pi. Il, fig. 5) : il s'agit d'un œuf d'oie très-
volumineux qui en contenait un autre; celui-ci possédait un vilellus
bien développé, un blanc et une coque calcaire. L'œuf extérieur était
complet, toutefois son vilellus était fortement aplati et comme écrasé
par la coquille de l'œuf intérieur (1). Dans un cas anciennemeiit ob-
servé par un chirurgien aux Indes, l'œuf inclus était complet, mais
fort peiit (2). Jung avait vu un cas semblable: le vitellus de l'œuf
interne, très-petit, avait ses deux clialazes (3).
Il arrive aussi que l'œuf inclus n'est constitué que par un blanc et
la membrane coquillière, le jaune et la coquille faisant défaut.
§ m. — Cas d'un petit œuf sans jaune et quelquefois sans coquille,
inclus dans un autre du reste normal :
1" OECFS DE POULB.
Thomas Bartliolin « Ovum gallinse prœgnans, » deux cas.
(Epist. medicin., cent. III, epist. 4^,
29 juillet 1661. — Mise. nat. cur.,
deo. l, ana. I, obs. XXXYl, p. 104.)
Perrault Petit œuf suns jaune ni coquille dans ua
œuf ordinaire. (Académie royale des
sciences, t. X, p. 559, 1666 à 1699; et
CoLLECT. ACAD., pait.franç.,t.l,p. 388.)
Georg. Hier. Velschii « De ovis in ovis, n deux cas. (Mise.
NAT. CUR., dec. I, anu. III, obs. 32,
1672.)
Job. Sig. Elslioltii « Ovum prîcgnans. » (Mise. nat. cur.,
dec. I, ann. Yl et VII, obs. 80, p. 116,
1675-1670.)
J. H. Blancaard (Aci. de Copenhague, 1677-1679, obs. 17,
et Jaarregist, cent. YI, u" 45, cité par
Haller et Is. Geoffroy-Saint-Hilaire.)
(1) Rayer, OEuf complet inclus dans un autre œuf complet, Comptes re.ndus
Soc. de biologie, t. 1, p. 123, ann. It:i9.
(2) Cité par Cleyer, Mise. nat. cor., dec. II, ann. I, observ. 17, ann. 1682.
(3) Georg. Scbast. Jung, Ovum ovo prxgnans, Mise. nat. cur., decur. I,
ann. II, obs. CCL, p. 348, 1671.
235
J H. Rivaliez « Ovum oto praigoaus, » petit œuf à
coque imparfaite entre le jaune et le
blanc d'un œuf ordinaire. (Acta eru-
DiT.,anno 1G83, p. 221.)
Vallemout Petit œuf avec une coquille sans jaune
dans un œuf ordinaire. (Journ. des
SAV., anu. 1G97, p. G.)
HarTey Petit œuf sans jaune et pourvu d'une
coquille, renfermé dans un autre.
(Ouv. cit., p. 38.)
Ruysch Plusieurs cas mentionnés ou figurés.
(Thés, anat., III, tab. 3, fig. 5.— Ibid.,
IV, p. 12, n» 48. — Ibid., VII, p. 13,
n° 47. — Ibid., X, n" 139. — Thés.
MAX., p. 14, n° 95.)
VanderWiel Petit œuf avec une coquille sans jaune
dans un œuf ordinaire. (Observ. rares
DE MÉD., D'ANAT., ETC., t. II, p. 465.
Paris, 1758.)
Méry Petit œuf avec une coquille, sans jaune,
dans un œuf ordinaire. (HisT. acad.
ROY. DES se, ann. 1706, p. 23, g IV.)
Bruckmann (Epist. 58, cité par Haller.)
Georg. H. Bebr « Ovum gemellum. » (âct. medic. phys.,
vol. VI, obs. 82, p. 295, tab. fig. lY.)
P. G. Rzaczynski Un petit œuf avec sa coquille dans un
autre. (Hist. nat. ciir. regni POLONiyE,
p. 303, Sandomiriœ, 1721.)
Schurigt (Obs. medic^, fasc. I, p. 56, 1764.)
Joh. Cb. Kuiidmann « Ovum in ovo gallinaceo. » (âct. Bues-
la w, 1722, sect. 21, p. 173, art. 6, cité
par Guellard.)
Georg. Wilh. Beyer « Ovulum in ovo. » (Act. Breslaw, 1722,
sect. 22, p. 414, art. 5, cité par Gueltard.)
Haller « Ovum gravidum.t Petit œuf sans jaune
et sans coquille dans un autre œuf
sans coquille. (Op. minora anat., tJII,
p. 121, LausanncC, 1708.)
Guettard Petit œuf dans un œuf ordinaire. (Mém.
SUR DIFFERENTES PARTIES DES SCIENCES
ET DES ARTS, t. II, p. XV et préface
p. Lxxxu, Paris, 1770.)
236
Anonyme Petit œuf à coquille incomplète dans un
œuf ordinaire. (Acad. bot. de«. se, p.
24, g II, ann. 1775.)
Lichtenberg Deux cas. (Magazin FiiR das neuste,
Gotha, 1781, t. I, p. 83, 84.)
Housset Deux cas observés à l'Hôtel-Dieu de Pa-
ris en 1778 et 1780 : premier, œuf sans
jaune, mais arec une coquille située
dans le blanc d'un autreœuf; deuxième,
œuf inclus sans jaune et sans coquille.
(Observations historiques sdr quel-
ques ÉCARTS ou jeux DB LA NATURE,
p. 72, Neuchâtel, 1785.)
P. Méûière. . Œuf de poule de grosseur ordinaire,
sans jaune, contenant un petit œuf
à coquille irrégulière. (Lachèse, De
LA DUPLICITÉ MONSTRUEUSE PAR INCLU-
SION, thèse. Paris, 1823, in 4% p. 17.)
Isidore GeolTroy-Saint-Hilaire. . . (Hist. des anomalies, t. III, part. III,
liv. 2,cliap. 11.)
W. F. Montgomery. . OEuf gros comme une groseille trouvé
dans un autre. (Gyclop.edia of anat.
AND physiol., t. Il, p. 317, Londres,
1839.)
G. Davaine Un petit œuf avec une coquille, sans
jaune, dans un œuf ordinaire, pondu à
Passy, près Paris, 1860.
2» OECFS DE DINDO:*.
Frank de Frankenau (SATiRiE medic^ï;, p. 78, cite par Haller
et Geoffroy Saint-Hilaire.)
Brown of Norwich OEuf de dindon et de poule contenant un
autre œuf; pas de détails. (Robert
Hooke, Philos, experim. and obs.,
p. 32. London, 172G.)
Amelot Petit œuf avec une coquille dans un œuf
ordinaire; pas de détails. (Hist. acad.
noY. DES sciences, 1745, p. 28, | III ; et
Collect. acad,, t. IV, p, 337.)
237
5" OEDF DE CyCNB.
Brown of Norwich OEuf de cygne donné au musée de
Gresliam. Plus gros que d'ordinaire, il
avait 5 pouces dans son grand axe et
10 decirconference.il en contenait un
autre long de 4 pouces et plus gros
qu'un œuf ordinaire de poule, adhé-
rent au gros bout de l'œuf extérieur;
sa coquille est aussi épaisse et aussi
dure que celle de l'autre. On ne sait si
l'un ou l'autre avait un blanc et un
jaune. (Mus^dm regalis societatis or
Â. Catalogue of nat. and artif. ra-
RETIES OF GrESHAM COLLEGE; by Ne-
hemjah Grew London, 1681, p. 78.)
4» OEUFS D'OIE.
Jo. Jac. Stolterfoht a Ovum pi segnans. » OEuf d'oie très-vo-
lumineux en contenant un autre de
la grosseur d'un œuf de poule. (Nova
litteraria maris Balthici, ann. 1699,
p. 29.)
Brown of Norwich Œuf d'oie en contenant un autre ; l'œuf
extérieur n'avait pas de jaune. (Robert
flooke, loc. cit.)
Moraaz OEuf d'oie très-volumineux contenant
deux jaunes, et en outre un œuf avec
sa coquille. (Algem. geneeskund jaab-
4 B0EKEN, t. m, p. 44.)
Rayer Cas cité.
§ IV. — Trois œufs peuvent encore être renfermés l'un dans l'au-
tre. Cette anomalie a été observée une fois chez une poule. Dans ce
cas, l'œuf extérieur était régulièrement conformé; celui-ci en renfer-
mait un autre sans coquille, mais pourvu d'une membrane coquilliére
très-forte, et cet autre en renfermait aussi un sans coquille et dont
la membrane coquilliére était fort mince (l).
(1) Eggs within an egg, in Charleston médical journal and reviev,-,
vol. XI, n» 3, p. Ali, mui 1856.
238
5 V. — Les premiers observateurs des faits que nous venons de
mentionner leur ont donné diverses iulerpr6taiions : tantôt ils ont
cru que ces œufs étaient engendrés Tun par l'autre (ovum ovo prœg-
nans), tantôt ils ont vu dans cette inclusion un état primordial et un
argument en faveur de la llicorie de l'emboîtement primitif des
germes ; pour d'autres, c'était un jeu de nature.
Nos connaissances touchant le mode déformation de l'œuf expli-
quent d'une manière satisfaisante l'inclusion dont nous nous occu-
pons, et même elles donnent la raison de toutes les variétés qui ea
ont été observées. {Voy. pour l'explication qui suit pi. I, tig. 1, 2, 3.)
Nous avons dit qije l'œuf, dans Tovaire, est une sphère constituée
par la vésicule goraiiiiative ou la cicatricule, le vitellus et sa mem-
brane d'enveloppe; que, chez les oiseaux, au sortir de la vésicule
ovarienne, cette sphère pénètre dans l'oviducte et reçoit succegsive-
ment, daus son trajet à travers ce conduit, les chalazes et leur mem-
brane, le blanc, la membrane co(}uillière, enfin la coquille, La sphère
vitelline et les parties qui s'y adjoij^nent avancent daus le canal de
l'oviducte de la même manière que le bol alimentaire dans le tube
digestif, c'est-à-dire par des contractions péristaltiqucs des parois de
l'organe qui les renferme, contractions qui se succèdent d'avant en
arrière. La membrane des chalazes et les couches du blanc s'appli-
quent au vitellus pendant le séjour de ce corps dans la première par-
tie de l'oviducte; la membrane testacée ou coquillère se forme et en-
veloppe le blanc dans la partie moyenne; entin, dans la dernière
partie, il se dépose à la surface de la membrane testacée des grains
calcaires qui, s'agglomérant, constituent la coquille. D'après ces don-
nées, on se rendra compte facilement des anomalies dont il est ici
question et de plusieurs autres dont il sera aussi question dans la
suite de ce mémoire. Il suffît, en effet, qu'une cause quelconque
vienne retarder, accélérer ou rendre inverses les contractions péri-
Ptal tiques qui font parcourir à l'œuf, suivant un ordre réglé, tout le
conduit de l'oviducte pour qu'il se produise dans la disposition des
élémenls qui s'accumulent autour de la sphère vitelline et qui la
complètent, des anomalies plus ou moins grandes, pins ou moins
complexes. Un séjour trop ou trop peu prolongé daus une partie
diierniinée de l'oviducte augmentera on diminuera la masse des
éléments que celte partie fournit à l'œuf; ainsi ce corps pourra être
pourvu d'un blanc surabondant, d'une coquille trop épaisse et sur-
239
chargée de matières calcaires, ou bien, au contraire, il n'aura qu'un
blanc insuffisant, une coquille trop mince, ou même il n'aura pas de
coquille. Lorsque les contractions péristaltiques qui le font cheminer
d'avant en arrière se produiront en sens inverse, l'œuf rétrogradera
vers des parties qu'il aura déjà parcourues, et, soit en remontant,
soit en redescendant, il s'adjoindra extérieurement des couches qui,
dans les conditions ordinaires, sont intérieures aux autres; par exem-
ple, que l'œuf qui a parcouru tout l'oviducte, c'est-à-dire que l'œuf
déjà complet remonte jusqu'au pavillon de la trompe, il y rencontrera
un vitellus récemment sorti de l'ovaire, et dans sa descente accom-
pagné par ce vitellus, ils recevront l'un et l'autre un blanc commun,
une membrane coquillière et une coquille communes; que ce même
œuf ne rétrograde point aussi haut ou qu'il n'y ait point de jaane
nouvellement engagé dans l'oviducte, il s'adjoindra simplement un
second blauc et une seconde coquille; il ne revêtirait même qu'une
membrane coquillière et une coquille nouvelle, s'il ne remontait point
au-dessus de la partie moyenne de l'oviducte; d'un autre côté, s'il
rétrograde avant d'avoir franchi la partie moyenne de l'oviducte,
l'œuf inclus n'aura qu'une membrane coquillière sans coquille.
Le volume ordinaire d'un œuf bien conformé met obstacle à son
cheminement en sens inverse de la route qu'il a déjà suivie, car le
calibre de l'oviducte s'accroît d'avant en arrière proportionnellement
au volume que l'œuf doit acquérir dans chaque partie de son trajet à
travers cet organe; c'est pourquoi généralement les œufs inclus sont
d'une petitesse exceptionnelle et le plus souvent incomplets. Noua
verrous plus loin comment se forment les œufs incomplets; nous
verrons qu'ils sont ordinairement petits, circonstance qui favorise
leur retour dans des parties de l'oviducte qu'ils ont déjà parcou-
rues.
§ VI. — Des anomalies qui, au premier abord, ne paraissent pas de
même nature que celles dont nous nous occupons dans ce chapitre, à
savoir : l'existence de deux blancs ou de deux coques superposés, ou
bien celle d'une membrane coquillière extérieure à la coque, recon-
naisL^oiit un mode de formation identique et n'en diffèrent que par le
degré. Plusieurs exemples de ces anomalies ont été rapportés par les ob-
servaleurs;run desplus remarquables, cousistantdanslasuperpositiun
d'une membrane coquillière à la surface d'une coquille d'ailleurs nor-
240
maie, a été observé par Ilarvey (1). Un fait analogue produit artificiel-
lement par le séjour forcé de l'œuf dans l'oviducte, a été rapporté
par Etienne Geoffroy-Sain l-Hilaire (2).
§ VU. — D'après les faits mentionnés ci-dessus, on voit que l'inclu-
sion d'un œuf dans un autre n'est pas extrêmement rare cliez la poule,
et qu'elle se présente aussi chez le dindon, chez le cygne et l'oie.
§ VIII. — Chez des animaux invertébrés dont l'ovule reçoit des par-
ties complémentaires en parcourant un oviducte, on rencontre aussi
des œufs inclus dans d'autres œufs. J'ai observé un certain nombre
d'œufs complets réunis deux à deux ou trois à trois par une coquille
commune, chez un distomide qui se développe et qui forme des tu-
meurs volumineuses dans la région pectorale de Y aigle-bar (pi. II, fig. 1);
quelquefois, comme chez la poule, les œufs inclus étaient incomplets (3) .
§ IX. — L'inclusion dont l'origine est à l'oviducte, ne fait que rap-
procher dans une coque deux ovules qui restent toujours indépen-
dants l'un de l'autre et extérieurs l'un à l'autre. Si ces deux ovules
se développaient, ce que j'ai vu chez le distomide cité ci-dessus, ils
formeraient deux individus complètement distincts et séparés. Pour
qu'il en fût autrement, il faudrait que l'une des sphères vilellines fut
renfermée dans l'autre, ce qui n'est jamais le cas dans l'inclusion qui
se forme à l'oviducte. C'est donc dans une autre condition de l'œuf,
dans une anomalie primitive ou ovarienne qu'il faudra chercher la rai-
son de la monstruosité qui consiste dans l'inclusion d'un fœtus ou
d'un individu dans un autre; monstruosité qui, à tort, a été rappor-
tée par quelques auteurs aux anomalies de l'œuf dont nous venons
de nous occuper.
0BCTioif 111. — OBurentraTé.
§ I. — Nous parlerons ici de quelques corps composés par les élé-
ments de l'œuf, et qui ont été qualiliés à cause de leur grosseur ex-
(1) Eurvcy, ouv. cit., p. 37, excrcit. XI.
\2) Et. Geoflroy-SuiiU-lIilaire, Sur les organes sexuels et sur les produits de
génération des poules dont on a suspendu la ponte en fermant l'oviductus,}iÈii.
DU MUSKUM D'uIST. NAT., t. IX, [).'\, 182Î.
['il G. Dav;iinp, Cû.mptf.s hendos de l\ Soc. de biologu:, 1854.
■241
traordinaire du nom d'œufs monstrueux. Ces corps ne sont point pro-
duits par un désordre fonctionnel de l'oviducle comme les œufs in-
clus ou à deux jaunes, mais ils le sont par une lésion pathologique de
cet organe; à proprement parler ce ne sont point des œufs.
1° Un corps de ce genre a été tronvé par Malpighi dans la trompe? (exfremo
ovario) d'une poule : sa forme était ovoïde, sa longueur de 11 centimètres,
sa largeur de 7; il était composé de vitellus plus ou moins déformés et sé-
parés par des couches de blanc concret. Sa coque était épaisse comme du
cuir de bœuf, et résistante comme du parchemin; il n'y avait point de co-
quille calcaire (1).
2» Vallisneri possédait un œuf gros comme ccluid'une oie, qu'il avait trouvé
dans la cavité abdominale d'une poule. Cet œuf était formé d'une douzaine
de jaunes environ avec très-peu de blanc. Une sorte de coque fibreuse dé-
pourvue de substance calcaire l'enveloppait (1).
3» Morand fils a donné la description d'un œuf qui pesait sept fois plus
qu'un œuf ordinaire (trois quarterons et demi), et qu'il avait extrait du ventre
d'une poule. Cet œuf avait un blanc et son jaune; le blanc fort endurci était
composé de trente-six couches assez distinctes ; le jaune, au contraire, fondu
et dissous, était plus pâle qu'à l'ordinaire. On ne dit point qu'il y eiit une coque
calcaire (3).
§ II. — Lorsque le pavillon de la trompe est obstrué chez la poule,
ce qui n'est pas extrêmement rare, il s'accumule dans la cavité abdo-
minale une quantité plus ou moins considérable de vitellus; mais ces
jaunes ne forment point une masse ovoïde, et ne sont point entourés
d'albumine. Si l'obstruction existe dans la longueur de l'oviducte, ce
conduit peut quelquefois encore recevoir un ou plusieurs vitellus qui
s'entourent de blanc; probablement dans les trois cas ci-dessus, les
œufs composés s'étaient constitués dans l'oviducte encore en partie
libre, car ils avaient la forme d'un œuf et ils étaient entourés d'une
ou de plusieurs couches d'albumine concrète. Pourquoi, dira-t-on,
si ces couches n'étaient que de l'albumine, pourquoi n'avaienl-elles
point conservé l'apparence du blanc d'œuf frais? Ne pourrait-on croire
plutôt qu'elles étaient formées d'une exsudation plastique analogue
(l)Marc. Malpighi, Opéra i'osïucma, p. 08, tabl. xn, fig. 1, London, 1797.
(2j Vallisneri, Opère fisico-medicue, t. il. p. 77, § 13. Venezia, 1733.
(3) Morand fils, Sur un œuf monstrueux , HisT. acad. roy. des sciences.
1718; et Collect. acad., part, l'ranç., f. lY,, p. 252.
MKM. ' ÎG
t42
aux fausses membranes, ou bien à du pus concret? Les intéressantes
expériences d'iitienne Geolïroy-Sairit-Hilaire sur la rétention forcée de
l'œuf dans l'oviiiurte par une ligature placée sur ce conduit, donnent
à ces questions une réponse péremptoire. L'illustre observateur, eu
effet, remarqua que l'œuf retenu s'entourait d'une couche d'albumine,
non pas liquide, mais concrète, semblable au blanc d'œuf cuit et
qu'il s'amassait dans roviducle des corps arrondis formés d'une ma-
tière semblable au blanc d'œuf cuit. Un acide produit par l'infiam-
maliou vive des parties environnantes déterminait la coagulation,
comme l'a constaté l'auteur avec la collaboration de M. Cheyreul (1).
Une cause analogue, sans doute, a déterminé, dans les cas cités ci-
dessus, la coagulation des couches albumineuses de ces œitfs com-
posés.
Sectioiv 1T. — Corps étrangers inclus.
On trouve quelquefois dans l'œuf des corps étrangers organiques
soit inanimés, soit vivants, ou des corps inorganiques. Généralement
les premiers doivent leur origine à quelque lésion des organes de la
génération, et les derniers à leur introduction du dehors.
Des corps charnus trouvés dans l'œuf de la poule ont été comparés
au parenchyme du foie; quelques-uns même ont été pris pour un or-
gane développé isolément de tous les autres. C'est probablement à
des concrétions semblables qu'il faut rapporter les histoires populaires
d'insectes, de hannetons trouvés dans des œufs. Des stries de sang
provenant de l'ovaire, des chalazes isolées du jaune, des vestiges d'une
incubation interrompue ont été regardés comme des vers ou comme
des embryons de serpent, de basilic, etc.
Aux corps étrangers appartiennent :
l* Des caillots sanguins récents ;
2* Des concrétions Gbrineuses ou sanguines anciennes;
3* Des portions mêmes de l'ovaire;
4* Des entozoaires réels ou actifs.
A. — Caillots sanguins récents.
Il est assez commun de trouver à la surface ilu jaune d'un œuf récemment
(1) Et. Geoffroy- Saint-H lia irCj infim. cité.
243
pondu des stries ou de petits amas sanguinolents. Leur forme et leur nombre
sont très-variables ; leur volume dépasse rarement celui d'une lentille , leur
couleur est rutilante comme celle du sang frais ; ils forment des caillots mous;
ils sont disséminés sur le vilellus dont ils n'occupent point une région dé-
terminée, et n'ont aucun rapport avec la cicatricule. Jamais ces caillots ne se
tiouvent à l'intérieur même du vitcllus, dans l'albumen ou sous la coquille.
J'ai reconnu, par l'examen anatomiqiie, que leur siège constant est l'intervalle
qui existe entre la membrane vitelline et la membrane des chalazes qui en-
Teloppe immédiatement la première. Une pression ménagée les déplace et les
fait avancer entre ces deux membranes sans qu'ils pénètrent au dedans, et sans
qu'ils se répondent au dehors. La constitution de ces amas sanguinolents est
celle d'un caillot sanguin; l'examen microscopique me les a constamment
montrés formés d'une grande proportion de corpuscules du sang identiques
avec ceux de la poule, corpuscules pour la plupart tout à fait intacts, et ac-
compagnés quelquefois dun assea graud nombre de noyaux libres, restes de
globules détruits.
Quelle est l'origine de ces caillots? IlsTi'oiit aucun rapport avec le
développeujcnt embryonnaire, car ils sont toujours situés au dehors
de la membrane vitelline, et quelquefois à l'opposé même de la cica-
tricule qui, du reste, n'offre aucun indice de dévetoppemeut ; d'un
autre côté, ils ont une analogie couiplèle avec le sang de la poule.
D'après ces considérations co.ume d'après leur siège eu dedans de la
membrane des chalazes, on peut coaciure que ces caillots sont formés
par du sang de la poule dépose a la surface du vilellus avant que ce
corps n'ait revêtu la première membrane que lui fournil l'oviducte,
c'est-à-dire dans l'inUrvalle de son passage de l'ovaire à la trompe.
Il me paiail évident que le sang est fourni par les vaisseaux du calice
ovarien, lorsque cet organe, embrassé par le pavillon de la trompe,
se rompt pour livrer passage à l'ovule.
B. — Concrétions fibrineuses et sanguines anciennes.
l'ri-mxer lait. — lU VAINE.
Quoique ce cas vienne le dernier en date, j'en parlerai tout d'abord à cause
de l'étude histologique qui a été faite du corps contenu dans l'œuf et des
indications précises que l'on a sur sa nature.
Un de mes amis, en mangeant un OMif de poule, aperçut a l'intérieur un
cor|)S particulier qu'il recueillit et qu'il m'envoya dans de l'alcool (pl.Il^fig.G),
Ce corps a la forme d'une calotte prolongée d'un côté en un filament épais
à la base et amluci graduellement au sommet. Le diamètre de la calotte est
2Ï4
de 11 millimètres, le filauieal est un peu moins long; la circonférence est
épaissie dans la partie qui donne naissance au lilament, amincie à l'opposé.
La plus grande épaisseur est de 3 millimètres; la concavité de l'une des faces
et la convexité de l'autre sont à peu près conformes à la surface du segment
d'un petit jaime d'oeuf de poule, de telle sorte que ce corps pouvait être situé
entre un vitellus qu'il coiffait et le calice de l'ovaire. Il était évidemment
libre de toute adhérence, d'une connexion quelconque avec une autre partie ;
il forme un tout complet. Sa couleur est d'un brun grisâtre; sa consistance
est très-ferme, semblable à celle d'un caillot librineux ancien ; il est formé
de deux couches épaisses, juxtaposées, qui ne laissent point de cavité entre
elles. Examinée au microcope, sa substance n'offre pas une structure ap-
préciable; point de cellules, point de vaisseaux, aucuu tissu distinct, aucun
lilament visible. Elle n'a do rapport évident qu'avec la fibrine du saug dont
la cuisson et l'alcool avaient changé quelque peu l'apparence.
On ne peut rapporter l'origine de ce corps qu'à du sang épanché
hors des vaisseaux de l'ovaire ; toutefois, à une époque bien antérieure
à celle où le jaune, abandonnant le calice, pénètre dans l'oviducle,
car sa consistance est de beaucoup plus considérable que celle des
caillots formés lors de la rupture du calice. Une hémorrhagie à l'in-
térieur de la vésicule ovarienne, lorsque le vitellus est encore loin
de sa maturité, satisfait à ton tes les conditions de notre corps étranger.
D'une part, le sang épanché s'est moulé sur la convexité du vitellus,
et de l'autre, sur la concavité de la vésicule ovarienne; la partie li-
quide s'est résorbée et le caillot, pendant que le vitellus achevait de
se former, a pu acquérir la consistance et la fermeté des concrétions
fibrineuses anciennes ; enfin, lors de la maturité du jaune, le caillot
a été reçu avec ce corps dans l'oviducte.
DetiTième fait. — Dcuamel (De Lille).
« On trouve quelquefois des corps étrangers dans Tintéricur des œufs ; cela
n'arrive sans doute que bien rarement, puisque ayant employé pour ma part
(l'auteur était pharmacien) au moius vingt mille œufs frais, ce n'est que le
mardi 8 avril 1823 que j'ai rencontre une semblable particularité...
« ...Celui que j'ai trouvé est réniforme ; il avait la couleur et la consistance
d'un rein. Placi^ du côld opposé à la cicatricule, il adhérait au jaune, mais
n'entrait point dans sa substance, car je l'en délaclai sar.s le rompre. Cette
concnJtion est nécessairement rccouvcrie d'une membrane, puisque je pus
la laver u l'eau fraîche et la frotter sans qu'elle se divisât. L'ayant ainsi
lavée, je l'ai mise dans de l'alcool rectillé pour la conserver. Kilo a de longeur
4 lignes et de largeur au plus grand des lobes près de 2 lignes I/-2. Avant son
immersion dans l'alcool elle avait une couleur partout homogène, mais sans
doute quelques légères portions d'albumine n'auront pas été enlevées par le
lavage; leur coagulation, surtout entre les deux lobes, a donné à la concré-
tion une ressemblance plus grande avec le viscère dont elle a, commaje
l'ai dit, la forme et la couleur... Vous pourrez en juger par le dépôt que j'ea
fais... (1)..
Troisième fait. — Leblond.
« Un œuf de poule fut ouvert pour les usages domestiques, or comme on
aperçut dans les liquides un corps rougeàtre extraordinaire, M. Leblond fut
prévenu... (Voy. pi. II, fig. 7.)
« L'auteur n'a pu s'assurer sur laquelle des deux faces concave ou convexe
delà membrane vitelline le corps était primitivement adhérent ; il croit qu'il
était renfermé dans le sac. Il occupait sur le vitellus la place de la cicatricule
et du germe... Isolé, ce corps était irrégulier en apparence, quoique ayant
conservé l'empreinte en creux de la convexité du vitellus et présentait du
côté opposé deux sortes de plans irrégulièrement convexes ; sur les bords
de la jonction des plans se prolongeait d'un côté une sorte de col rétréci fixé
à la chalaze ; le tout était recouvert d'un couche mince d'albumine plus con-
crète et d'une membrane diaphane inégalement épaisse, appliquée sur le
germe paradoxal auquel elle adhérait par quelques points. Après avoir dé-
taché avec soin cette enveloppe membraneuse, le corps problématique fut
trouvé d'une teinte rouge passant au jaunâtre, d'apparence fibrineuse que
l'auteur regarde comme un parenchyme musculaire.
« Une incision longitudinale mit à découvert une cavité intérieure conte-
nant un peu de mucuosité... Une seconde incision, faite à l'opposite, ouvrit
une seconde cavité moins vaste, mais à parois plus épaisses avec des fais-
ceaux fibrineux irréguliers par la forme et la longueur; il y avait donc une
cloison entre les deux cavités, mais elle était percée... (2). »
L'auteur, dans un mémoire publié sur ce fait, admet que le corps
observé par lui est un cœur de poulet développé isolément de toutes
les autres parties embryonnaires ; il se livre, à ce sujet, à des consi-
(1) Concrétion trouvée dans l'intérieur d'un œuf de "poule, par M. Duhamel,
membre résident. (Recueil des trav. de la Soc. des se. de Lille, ann. 1823-
1824, p. 273. Lille, 1826.)
(2) Charles Leblond, Recherches d'anat. et de physiol. sur un embryon
monstrueux de la poule domestique, circonscrit dans l'existence soli-
taire d'un coeur. Paris, 1834; avec un rapport (iç l'Acad. des sciences, du
29 sept. 1834.
246
dérations sur le développement et la constitution des organes, sur les
lois de la formation normale cl des anomalies qui le mènent à des
conclusions nombreuses et fort inattendues. Une simple remarque
réduit toutes ces considérations à néant, c'est que ce cœur s'est déve-
loppé en l'absence d'un blastoderme.
S'il fallait adopter une opinion sur la nature et l'origine du corps
en question, nous rapprocherions le fait des deux qui précèdent :
comme celui que j'ai décrit, le cor|)6 étranger de Leblond avait la con-
sistance et l'apparence d'un caillot fibrineux ; sa forme était en rap-
port avec celle de l'intervalle compris entre un vitellus et la véhicule
ovarienne. Quant aux libres, quant, à la membrane qui recouvrait sa
face convexe, et dont la nature n'a point été déterminée par un exa-
men suffisant, les unes étaient certainement des faisceaux de fibrine,
l'autre peut-être une portion de la vésicule ovarienne adhérenle au
caillot et entraînée avec celui-ci. L'observation suivante nous montre
un fait analogue sous ce rapport et qui rend notre explication très-
vraisemblable. Enfin, je ferai remarquer que, dans l'observation de
Duhamel, le corps étranger dont la situation a pu être bien déter-
minée n'avait aucun rapport avec la cicalricule, et que, par consé-
quent, ces sortes de corps n'ont aucune relalionavec le développement
embryonnaire.
C. — Fragments de l'ovaire.
Premier fait. — LaboulbÈNE.
L'œuf provient d'une poule de la race de Houdan. Il est plus volumineux
que les œufs ordinaires de cette poulc; sa forme est réguliiTe. mais la co-
quille manque de carbonate calcaire en plusiciirs points et priucipalement
au gros bout d'où sort un corps allongé, une sorte de pédicule qui fait une
saillie de 2 centimètres au deliors de la coque et qui a de 2 à 3 millimètres
d'épaisseur ; la membrane coquillière est normale (pi. II, (ig. 8).
Dans le petit bout de l'œuf existe un jaune ou vitellus très-frais, ayant son
apparence ordinaire, une cicatricule, un blanc muni de deux chalazcs.
Dans le gros bout se trouve un autre corps, un peu plus volumineux que
le précédent et qui possède un pédicule. Il est entouré d'un albumen diffé-
rent, d'une teinte louche, rosée ou rougeàtre, un peu brune vers l'extré-
mité. Ce corps est d'une couleur blanc sale, roussâtre ; sa surface est légère-
ment tomenteuse et l'on y dislingue des nervures (ini paraissent produites
par le relief de vaisseaux sanguins. Le pédicule semble faire partie inté-
grante de la masse de ce corps ; il se détache par une faible traction de la
Z4/
membrane coquillièie qu'il traverse et avec laquelle il n'a point de conti-
nuité.
L'examen anafomique fait voirqun le corps pédicule est formé extérieure-
ment d'une enveloppe mince, cliifTonnée, et se séparant en totalité des par-
ties sous-jarentes auxquelles elle n'adlière que très-faiblement. Elle ne se
continue pas sur le pédicule. Examinée au microscope, cette enveloppe se
montre comnosée par un groupe de granulations moléculaires reliées entre
elles par une matière amorplie unissante; elle renferme aussi des globules
graisseux. C'est évidemment une pseudo-membrane de formation récente et
dépourvue de vaisseaux. Au-dessous d'elle existe une seconde membrane,
qui renferme un vilelhis ou jaune ordinaire. Cette seconde membrane con-
tient dans l'épaisseur de ses parois de nombreux vaisseaux qui, aboutissant
tous au pédicule, laissent à l'opposé nn espace libre et non vascrdaire. Cette
disposition rappelle très exactement celle du stigmate des vésicules ova-
riennes qui possèdent encore leur vilellus. « Nous pouvons donc, nous de-
vons admettre, dit avec toute raison l'observateur, que le corps spbérique
pédicule situé vers la grosse extrémité de l'œuf, présente tous les caractères
d'une vésicule ovarienne entière, avec son pédicule, ses vaisseaux et son
stigmate non vasculaire. Il n'est autre qu'une vésicule ou un calice de l'o-
vaire dont le pédicule s'est d'Haché, et cette vésicule non rompue s'est en-
veloppée d'albumine après s'être revêtue d'une fausse membrane (1). »
Ce fait est d'un grand intérêt; il peut jt^ter du jour sur la nature de
plusieurs autres dont l'interprétation avait été jusqu'aujourd'hui fort
difficile. On ne trouve point ici, comme dans les cas précédents, une
concrétion fibrineuse, mais les produits d'une inflammation de la vé-
sicule ovarienne; inflammation qui a déterminé le ramollissement et
la rupture du pédicule du calice et la formation d'une fausse mem-
brane enveloppante. Cette fausse membrane, toutefois, a dû se former
avant la rupture du pédicule, car, une fois séparé de l'ovaire, le calice
cesse de vivre et ne peut produire un corps de cette nature.
Le vitelius étant parfait, c'est à l'époque de la maturité de l'ovule
que la maladie est survenue; quelque lésion du même genre pourrait
survenir aussi lorsque la vésicule ovarienne est encore peu développée
ou bien après que le viteilusen a été expulsé, de là résulteraient des
différences notables dans des cas cependant analogues; ceux qui sui-
vent nous en ofTrenl peut-être des exemples.
(1) A. Laboulbène, OEuf de poule monstrueux renfermant à la fois un jaune
ordinaire et une vésicule ovarienne. (Co.mptes rendus de LA Soc. DE biologie,
1. 1, 3* série, p. 161, ann. 1859. Paris, 1860.)
248
Deuxième faiL—HkiLLX (de Lille).
«Madame ***, cassant un œuf pondu depuis quelques heures seulement,
sentit, en le remuant avec une cuiller, de la résistance dans le fond; cher-
chant à la vaincre, elle amena au dehors un corps étranger de consistance
assez ferme et ressemblant pour la forme et pour le volume à un cœur de
poulet. Ce corps, que j'ai examiné attentivement, m'a paru n'être qu'une tu-
meur polj'peuse qui a dû adhérer à la muqueuse de l'oviducte par le pédi-
cule même qu'on y remarque. Sa couleur intérieure était rouge foncé; sa
texture fibreuse et sa consistance égale à celle du cœur. Une membrane
très-mince, blanchâtre et composée de deux feuillets au moins, la recouvrait
entièrement. Il est probable que cette tumeur se sera développée sur l'ori-
ductus, aura été englobée par l'œuf pendant son développement dans cet or-
gane et le pédicule arraché au moment de la formation de l'enveloppe cal-
caire ou de la ponte. Ce qui nous porte à admettre cette explication, c'est
la cicatrice que l'on remarque à la coquille que je tous présente, qui con-
state que la tumeur y a adhéré (1). »
Ce fait ressemble trop au précédent pour qu'on ne le range pas dans
la même catégorie ; toutefois, les restes d'une hémorrhagie déjà an-
cienne existaient dans la membrane enveloppante, et, à ce point de
vue, il se rapproche du cas observé par Leblond. Je serais disposé à
croire que ce corps était une vésicule ovarienne dans laquelle, consé-
cutivement à la sortie du vitellus, il s'était fait un épanchement san-
guin.
Troisième fait ? — ValliSNERI.
« Notre auteur possède un œuf qui a été touvé dans un autre œuf de poule,
le 2 mars 1700. Il est gros comme un œuf de pigeon, et semblable à ceux
que Acquapendente, avec le vulgaire, a appelé centenins. L'auteur l'ayant
ouvert dans toute la longueur l'a trouve rempli presque entièrement d'un
petit morceau de chair arrondi. La coquille avait une certaine épaisseur,
maiselleétait plutôt tenace et flexible que fragile. Elle renfermait une tunique
ou membrane très-dense et forte qui, étant soulevée, avait l'apparence d'une
bourbe de couleur livide et de suie ; cependant elle ne répandait aucune odeur
désagréable. Sous cette membrane existait le petit morceau de chair ci-dessus
mentionné, semblable au parenchyme du foie ou bien au placenta. L'au-
teur l'ayant renfermé dans une boite pendant toute la nuit et l'ayant examiné
(1) Corps étranger trouvé dans un œuf, par M. Bailly, membre résidant.
(Mém. soc. ROY. DES SCIENCES de Lille, année 1838, 2« partie, p. 2'26.
Lille, 1838.) ,....„,;
2'|0
le matin suiraut, vemariiuu que la couleur rougeàtrc était plus prononcée
quoique encore encore pâle et légèrement jaunâtre ; au contact de l'air cette
couleur devint d'un beau rouge ; son odeur et sa saveur étaient celles de la
chair. Divisé par le milieu, il n'offrit pas une organisation bien distincte,
mais seulement un amas confus de fibres mêlées à du sang et à un peu de
sérum.
« Ce corps était plus gros vers le gros bout de l'œuf, et, vers le petit bout,
il formait une espèce de petite boule. Par un examen attentif on pouvait voir
qu'il était formé de trois parties connexes avec la supérieure, laquelle pa-
raissait être la tête. Ainsi, dit l'auteur, ce corps pourrait être comparé un
peu grossièrement, si vous voulez, à une môle embryonnaire qui aurait
quelque ressemblance avec un petit poulet muni de sa tête, de ses ailes et de
son tronc (1).»
Quatrième fait ? — Petit.
« M. Petit a fait voiràrAcadémie un petit corps oviforme d'environ 10 lignes
de longueur et de 5 lignes de diamètre, qu'il avait trouvé dans le blanc d'un
œuf. Ce corps, qui était lui-même une espèce de petit œuf, n'était attaché au
grand que par un pédicule assez court et qui avait peu de consistance. On
y voyait quatre enveloppes ; l'extérieur était assez solide puisque, en étant
séparée, elle conservait sa forme et se soutenait par elle-même, ce que ne
faisaient point les autres. A chaque séparation des trois premières enve-
oppes ainsi prises extérieurement, le petit corps conservait sa figure; mais
on n'en eut pas plutôt séparé la quatrième, que tout ce qui y était renfermé
s'échappa en forme de blanc d'œuf sans jaune.
M. Winsiow dit en avoir vu un semblable (2). »
Cinquième fait? — Gleter.
« On doit aussi ranger dans la classe des œufs monstrueux celui qui fut
donné, le 19 juin 1664, à M. Georges Frédéric Béhaimius, magistrat de Nurem-
berg (pi. 11, fig. 9). 11 avait deux jaunes, à l'inférieur desquels était attaché
par un pédicule un appendice semblable au fruit de l'arbousier (3). »
Ces trois derniers faits peuvent être interprétés assez; exactement,
je pense, si on les rapproche des deux précédents.
(1) Ant. Vallisneri, Opère fisico-mediciie, t. II, p. 76, § 12. Venezia, 1733.
^2) Petit, Corps oviforme trouvé dans un œuf. (HiST. de de l'Acad. royale
DES se, année 1742, p. 42.)
(3) André Cleyer, Collect. acad. part, étranc, 1. 111, p. 459. (Extrait des
Ephem. de lAcad. descur. DELA .NAT., déu. Il, auu. 1, 1682. Observ. 16, in
scholiis.
250
Le cas de Vallisoeri conceroe, suivant moi, une coQcrélioa fibri-
neuse formée dans iiu calice, lequel s'est séparé de l'ovaire. Dans
l'oviducte, il s'est revêtu d'une cociuille, formant ainsi une sorte de
petit œuf qui, semblable à la plupart des œufs inclus, est remonté à
la faveur de sa petitesse vers le pavillon de la trompe où il a été en-
globé dans un œuf normal.
L'œuf inclus de Petit peut être aussi un calice devenu malade à
l'époque où le jaune encore peu développé est peu consistant. Ce calice,
après s'être entouré d'une membrane coquillière, aura rétrogradé vers
le pavillon de la trompe. Mais peut-être ce corps u'était-il composé que
de couches de blanc concret semblables à celles qui, dans les expé-
riences de GeolTroy-Saint-Hiiuire, s'amassaient dans l'oviducte entravé.
Entin, si l'on veut juger le cas de Cleyer d'après la ligure qu'il a
donnée de son œuf monstrueux, on y trouve de tels rapports avec
celui de Laboulbèiie, qu'il n'est pas permis de douter qu'il ne s'agisse
d'un fait semblable. L'auteur représente, il est vrai, le fruit dont il
parle; mais on sait qu'à l'époque où vivait Cleyer, les figures anexées
aux observations n'étaient généralement que des images approxima-
tives d(!S choses ou même n'étaient que des images schématiques ,
c'est-à-dire telles que l'imagination concevait tes objets représentés.
Or c'est dans la disposition générale des différentes parties (pii com-
pos(>nt l'œuf de Cleyer qu'existent des rapports remarquables avec
celui de Laboulbùne.
D. — Entozoaires.
De véritables entozoaires ont été trouvés dans l'œuf de la poule, mais
des corps d'une toute autre nature qui se trouvaient accidentelle-
ment sous la coquille, ont été regardés, surtout par d'anciens obser-
vateurs, comme des animaux parasites ou comme des êtres qui s'y
étaient formés par quelque circonstance surnaturelle.
1° Entozoaires vrais.— Tous les entozoaires trouvés dans l'œuf de la
poule ai)parlien lient à la même espèce, le distome de la bourse de
Fabricius. liaiiow, Puikinje, Eschholz, Schilling, en ont rapporté
dos exemples (l). Le dislome observé par ces savants vit chez la |)ouIe,
dans la bourse de Fabricius, organe (|ui communique médiatement
avec l'oviducte dans lequel le parasite peut assez facilement s'iotro-
(1) Voyez Diesinj, Systema hf.luinthum. Viadobouiu, ISôÛ. Vol. I, p. 335-
330.
251
duire; on comprend qu'un ver, égaré dans l'ovidiicte, soit quelque-
ibis enveloppé par la coquille d'un œuf comine un corps étranger quel-
conque.
Il ne faudrait pas confondre avec ce distome un caillot sanguin
situé à la surface du vilellus; j'ai été témoin d'une méprise semblable
faite fiar un anatomiste savant, mais étranger aux counaissances hel-
miuthologiqnes.
2° Entozoaires fictifs. — Un cas observe par l\odet, médecin-vété-
rinaire dont les travaux sont justement appréciés, a été rapporté par
cet observateur aux liydatides; mais je pense que cette manière de
voir n'est pas exacte; voici le fait :
« Le 25 avril 1818, étant alors de service à Paris avec mon régiment, je
trouvai, dans un œuf de poule qui venait d"ètre cassé, et qui même paraissait
assez frais, une vésicule blanchâtre, ovoïde, membraneuse, renfermant une
matière liipiide, d'apparence séreuse, et très-diaphane, ainsi qne quelques
globules flottants, d'un blanc opaque et demi-solides.
« Cette vésicule était placée sur le cùlé du germe, c'est-à-dire de la cica-
tricule, et se trouvait attachée par un pédoncule peu allongé, au milieu
même de celle ci ; enfin, à quelque distaiicc du point d'attache on remar-
quait, sur la membrane propre du jaune, un autre point vésiculaire, blan-
châtre, de l'étendue et du volume d'une lentille ordinaire, et contenant aussi
une luiueur blanchâtre, très-limpide.
«Après avoir examiné avec soin l'une et l'autre vésicule, je perçai la plus
petite; il en sortit seulement une sérosité limpide, inodore, diaphane et sans
couleur particulière; mais je détachai et conservai dans son entier la plus
grande vésicule. Elle était du volume d'un gros haricot, un peu affaissée sur
elle-même, d'un blanc un peu mat, et conservait sa forme ovalaire; la vé-
sicule, très-U'ansparente, était d'une texture homogène et d'une finesse
égale dans toute son étendue, quoique assez forte, mais on n'y reconnais-
sait aucune apparence de fibres bien distinctes. Son pédoncule, sa mem-
brane extérieure, son organisation intérieure, qui résultait de la sérosité et
des globules blancs et flottants qu'elle contenait, l'accroissement évident
qu'elle devait avoir pris, sans doute par une véritable nutrition particulière,
tout me porta à penser que cette production anormale, ainsi que celle bleu
moins développée qui raccompagnait, ne pouvait être autre chose qu'une
véritable hydatide, analogue en tout aux productions hydatiques de l'homme
et des animaux et, par conséquent, du genre des acéphalocystes (l). »
(1) J. R. G. Rodet, Observations sur les hydalides, Journ. complémentaire,
t. XVII, p. 125, Paris, 1823, et Hurtrel d'Arboval, Dsct. de bîfd. et de chir.
VETÉKiN.MRES, art. Hydatides.
JeiieiJiusiegarder ces vésicules comme deshydatides, uou que j ad-
mette qu'un ver vésiculaire ne puisse trouver à vivre dans un œuf ou
que le germe d'un tel ver ne puisse y arriver, mais parce que, chez
lu poule, il n'existe point de vers semblables.
L'observation de Rodet, qui est la seule de ce genre que je con-
naisse, peut recevoir une autre interprétation : il est à croire qu'il
s'agit ici d'un amnios développé indépendamment de l'embryon ; en
effet, M. Dareste a vu que celte enveloppe fœtale continue quelquefois
de s'accroître après la mort de l'être qu'elle devait enfermer et quoique
les traces de l'existence antérieure de cet être ne soient plus appré-
ciables qu'à la loupe (1). Un observateur moins attentif ou moins
savant que notre collègue de la Société de biologie, aurait pu, dans
un cas semblable, prendre la vésicule amniotique pour un ver vé-
siculaire.
Les auteurs des seizième et dix-septième siècles ont rapporté un
grand nombre de cas d'animaux plus ou moins étranges trouvés dans
des œufs d'oiseaux. C'étaient des vers, des scorpions, des lézards, des
serpents ou des embryons de ces animaux, enfin un reptile imaginaire,
le basilic.
Suivant ces auteurs, les animaux trouvés dans l'œuf devaient leur
origine soit à un accouplement, soit à une incubation contre nature,
soit à leur introduction accidentelle dans l'œuf après avoir été avalés
par la poule, soit à la force de l'imagination de celle-ci vivement frap-
pée de frayeur par quelque phénomène, soit à la putréfaction, soit
enfin, comme beaucoup d'autres monstruosités, à un jeu de nature.
Tous ces cas sont évidemment le produit de l'imagination et de
l'ignorance, ou bien le résultat d'une interprétation erronée relative-
ment à quelque corps étranger renfermé dans la coquille ou même
relativement à quelque partie derœuf commela chalaze, ce dont nous
verrons plus loin un exemple.
Aux faits dont nous parlons se rapportent ,
1" Une espèce de ver ou de serpent trouve pur Licet dans un œuf de poule
sans jaune. (L'iyssis Alduviaudi MoMSTaoRUM uist., p. 3iSt). Bouoniic,
16/jî.)
(l) Voy. Dareste, Comptks rendus de la Soc. de biologib, "• série, t. Y,
p. 1 '^C^, et 3' série, t. 1, p. 33, 1850.
2" IJa grand ver trouYé, par Fabrice ab Aquapendenle, daus un œuf qu'il
mangeait. (Aldovrande cité.)
3° Un ver à quatre pieds, ayiint la forme d'un lézard, dans un œuf sans
jaune; par Griindelius. (Ephem. n.\t. cur., dec. ii, an. v, obs. 212. 1G86.)
4» Des scorpions trouvés dans un œuf de poule. (Lyncjpus, Expos, in nabd
Rech., p. 773; cité par Vanderwiel.)
5° Un animal semblable à un serpent trouvé dans un œuf. (Blancaard,
CoLLECT. MED. PHYS., Cent, iii, obs. 90; cité par Vander-^iel.)
6" Un serpent sorti d'un œuf, à Floreuce ; cas communiqué à Sténon. (Van-
derwiel.)
7° Serpent trouvé dans un œuf de poule, par Jérôme Santasofla et par Jacq.
Grandi. (Collect. acad., t. lY, p. ISO.)
8° Un basilic sorti de i"œu/" d'un coq âgé de iOà 12ans.(Lemnius, Dénatura.
.MiRACUL., lib. IV, c. 12, p. 402 ; cité par Vandei wiel.)
9* Embryon de basilic trouvé dans un œuf de poule cuit, par Ludovic
Keppler. (Bartholin, Epist. med., cent, ii, epist. 92.)
10» Monstre à face humaine ayant des serpents au lieu de cheveux et de
barbe. (Amb. Paré, OEuvres, liv. xxv, p. 1008.)
E. — Corps étrangers inorganiques.
Nous ne connaissons que deux cas de corps inorganiques trouvés
dans l'œuf de la poule. L'un de ces corps était une épingle, dont la
présence s'explique aussi bien dans un œuf chez la poule, que chez
l'homme au centre d'un calcul ou dans un organe qui ne communi-
que point avec le dehors; l'autre n'eût trouvé son interprétation que
dans une analyse chimique; mais la chimie n'existait point comme
science à l'époque où le fait a été observé.
Le premier cas appartient à Perrault, l'illustre architecte qui fut
aussi médecin éminent et l'un des plus savants naturalistes de son
temps.
11 est question « d'un œuf dans lequel on a trouvé une épingle renfermée
« sans que Ton pût savoir par où elle était entrée. Cette épingle était couverte
« d'une croûte blanchâtre et épaisse d'un tiers de ligne, ce qui lui faisait
* avoir la forme d'un os d'une cuisse de grenouille; sous cette croûte, l'é-
« pingle était noire et un peu rouillée(l). »
Le deuxième cas appartient à Panthot, médecin et professeur au
collège de Lyon, observateur exact.
(1) Perrault, raém. cilé.
« Un religieux, en coupant un œuf de poule, trouva dans le milieu du jaune
« une pierre de la grosseur et de la figure d'un noyau de cerise. Cette pierre
« (tait dure, solide, et résonnait comme un caillou. Sa superficie était polie
« cl roupsâtre; la substance intérieure était blanche; elle pesait 15 grains
« (n8',75}, et son poids n'a pas diminué depuis qu'elle est sortie de l'œuf. Elle
«n'était point composée de couches excenlritines comme sont les pierres
« (pii se forment dans les corps vivants ; d'où M. Panlhot conclut (luelle ne
a s'était formée ni dans l'œuf ni dans l'ovaire de la poule (1). »
Section V. — Défaut de partieiît.
A. — Absence de vitellus.
Il arrive qu'une poule ponde des œufs saDs jau.ne, œufs ordinaire-
ment fort petits et quelquefois sans coquille.
En Halle, au temps de Fabrice d'Acquapendente, un œuf de ce
genre passait pour être le centième et le dernier de la poule qui ces-
sait de pondre après l'avoir produit, d'où le nom de centenin {ovum
ccnleninum) qui lui était vulgaireinenl donné. En d'autres temps, ces
œufs ont passé pour être le résulat de l'accouplement d'une poule
avec un reptile; mais ils ont été plus universellement regardés
comme des œ.ufs du coq. Cette dernière opinion est très-ancienne;
longtemps elle a été admise par les savants, et aujourd'hui même on
la retrouve dans les croyances populaires.
Les œufs de coq n'étaient poiut seulement ext.ranaiurels par leur
origine, ils l'étaient encore par leur produit : ou pensait que, ayant
été couvés par le coq, ou, suivant d'autres, par un crapaud, il en
sortait un serpent ou bien un basilic, reptile merveilleux, ayant des
ailes et dont l'iialeine ou le regard donnait la mort.
Après plusieurs siècles de doutes et de discussions à cet égard, les
savants reconnurent l'innocuité de l'œuf sans jaune; mais pour sou
origine elle n'en resta pas moins couverte d'une obscurité pro-
fonde.
En 105't, dans la basse-cour du roi do Danemark, existait un vieux
coq qui, disait-on, pondait. Thomas Bariholin ayant rccounu entre les
œufs attribués à ce coq et des œufs ordinaires de poule de nolables
(I) Kxlrail d'une leitrcdc M. Panlhot, Collect. a<:ai). paiit. ktuang., 1. VII,
p. y, et Journal des savants, ICtlO.
différences, obtint de faire l'exiimcn analoraiqiie de l'animai. On ne
trouva point d'organe destiné à i)roduire des œufs, et néanmoins l'il-
lustre analomiste n'en vint pas à conclure ou à penser que les œufs
n'appartenaient point à ce coq, mais il se deuianda s'ils ne s'étaient
point formés dans l'intestin (1). Scheffer, diins un coq qui passait
aussi pour pondre, trouva vers le dos une poche renfermant un œuf
(sans doute une concrétion tuberculeuse ou cancéreuse); Bartholin,
à qui la pièce séi lie fut envoyée, inclina cette fois à penser que l'ani-
mal était hermaphrodite (2); enfin un savant contemporain, Grunde-
ius, ouvrit à sou tour un coq qui avait pondu, disait-on, quatre œufs
petits et sans vitellus; l'absence d'un ovaire ne put faire renoncer
l'observateur aux opinions erronées de son temps : il rapporte que,
dans une autre occasion, on tua en sa présence un coq qui avait
pondu un œuf renfermant, au lieu de jaune, un ver à quatre pieds,
de couleur noire, semblable à un lézard. Ce ver, jeté au feu, avait
répandu une odeur très-f-'tide (3).
Tel était sur ce point l'état de la science à la fin du dix-septième
siècle; car si quelques hommes, comme Harvey, n'avaient pas admis
de semblables erreurs, ils n'avaient cependant pas donné ou cherché
l'explication des faits. L'esprit philosophique qui dirigea les investi-
gations des savants au tiècle dernier ne devait point laisser subsister
plus longtemps de pareilles opinions; bientôt un fait intéressant four-
nit à Lapeyronie l'occasion d'apporter la lumière dans ce sujet :
Un fermier montra à l'illustre chirurgien plusieurs œufs de coq qui conte-
naient, au dire de cet homme, un embryon de serpent, embryon qui se
développerait par l'incubation; mais l'incubation, à laquelle on scunit ces
œufs, n'en fit éclore aucun, et l'inspection montra que le petit serpent n'était
autre chose qu'un filament constitué par les chalazes. Pour reconnaître
l'origine de ces œufs, Lapeyronie ayant fait l'autopsie du coq, ne trouva ni
ovaire ni oviducte. Des œufs sans jaune s'étant reirouvés chaque jour mal-
gré l'absence du coq, le fermier découvrit enfin la poule qui les pondait.
Cette poule, observée pendant plusieurs jours, rendait par le cloaque des
(1) Th. Bartholir.i Historiarum kariorum centurie, cent. I; bisl. 99,
HagseC'jmiL, 1634, p. 143.
P) Th. Bartholin, Epist. med. cî:.\t. III, epist. 52, 16G2.
(3) J. B. Gnmdelius, De gallo galiinaceo oviparo, Ephem. nat. cuii., de;. 11,
ann. V, 1686, obs. CCXI-GCXII.
2Ô6
matières semblables à du jaune d'œuf délayé, et parfois elle chantait avec
Tioleoce, comme un coq enroué. L'autopsie, dont les pièces furent présen-
tées à l'Académie des sciences, lit découvrir une tumeur aqueuse, de la
grosseur du poing, adhérente d'une part au ligament du pavillon de l'ovi-
ducte, et d'une aulre au centre du mésentère. L'ne portion de l'oviducte
comprimée entre ces deux attaches était étranglée au point que sa cavité, for-
tement distendue par l'insufflation, n'avait cependant que 5 lignes de dia-
mètre; ainsi, dit Lapeyronie, le jaune sortant de l'ovaire n'eût pu franchir
cette partie rétrécie sans la crever ou sans se crever lui-même.
Le vitellus, embrassé par le pavillon de la trompe, recevait la première
couche de blanc et les chalazes, mais arrivé dans la partie la plus rétrécie.
Les membranes vitellines et chazalifères se rompaient; la substance du jaune
s'écoulait au dehors par l'oviducte ou refluait dans la cavité du ventre qui
en était remplie. Quant aux chalazes et a leur membrane, débarrassées de la
sphère vilelline, elles franchissaient le rétrécissement et s'enveloppaient, en
parcourant le reste du canal, d'un blanc, d'une membrane testacée et d'une
coquille (1).
Mon ami M. Claude Bernard a été témoin dernièrement d'un fait
non moins intéressant :
Une poule se présentait chaque matin sur le nid en chantant d'une ma-
nière qui n'était pas ordinaire. Généralement elle quittait le nid sans avoir
pondu, mais quelquefois elle y laissait un petit œuf, ou bien elle perdait son
œuf quelque temps après dans la basse-cour. Aucun de ces œufs n'avait de
vitellus. La poule devint languissante et mourut. A l'autopsie, M. Bernard
trouva une oblitération complète du pavillon de l'oviducte. La cavité du
ventre était remplie des vitellus qui s'étaient successivement échappés de
l'ovaire.
Le développement de l'ovule dans la vésicule ovarienne et la sé-
crétion des produits complémentaires qui se fait dans roviducte, sont
indépendants quoique corrélatifs. Qu'une cause quelconque s'oppose
à la pénétration de l'ovule, c'est-à-dire de la sphère vitelline, dans le
pavillon de l'oviducte, cette sphère tomhe nécessairemfnt dans la ca-
vité abdominale; l'albumen destiné à lui servir d'enveloppe n'en est
pas moins sécrété; cet albumen chemine donc isolément dans le canal
qui l'a produit, et reçoit une membrane coquillière et une coquille.
(1) liapcyronie, Observ. sur hs petits crufs de poule sanx jaune, que l'07i
appelle vulgairement œufs de coq, ÂCAD. ROY. ni;s se. nr: l'Auis, 1710, cl Cof.-
LLcr. ACAO., part, franc., t. III, p. .17».
'loi
On conçoit que d'autres causes encore, telles que l'avortement du
vitellus, une sécrétion surabondante d'albumen, des contractions dé-
réglées de l'oviducte, puissent faire arriver dans la partie postérieure
de ce canal quelque portion isolée de blanc qui, s' enveloppant d'une
coque, représente un œuf sans jaune.
De quelque manière qu'il se produise, l'œuf sans vitellus est moins
volumineux qu'un œuf normal. La petitesse de son volume favorise
sa progression dans le tube génital, aussi son séjour dans la portion
de l'oviducte qui sécrète la coquille est-il quelquefois très-court, d'où
vient qu'il est expulsé au dehors avant d'avoir acquis cette enveloppe,
ou bien que, remontant vers le pavillon de l'oviducte, il se retrouve
privé de coquille dans un autre œuf.
B. — Absence d'albumen.
La quantité de blanc qui existe dans l'œuf des oiseaux est assez
variable, mais on a rarement signalé l'absence complète de cette sub-
stance; un œuf de poule (pi. Il, tig. 12) qui avait une coquille double,
une forme très-allongée avec la pointe recourbée, un jaune ordinaire
mais pas de blanc, fut montré par M. Liégeois à la Société de biologie (1) .
C. — Absence de coque.
Les œufs sans coquilles, appelés œufs liardés, sont très-communs
chez la poule. Ils sont souvent petits et souvent ils ont une forme qui
n'est pas normale. Le docteur Paris dit qu'on les observe surtout chez
les poules vigoureuses, à l'époque de la moisson, lorsque leur nour-
riture est abondante et forte (2). En Amérique, dans la Colombie « les
poules qui mangent du maïs ergoté, dit M. Roulin, pondent assez
fréquemment des œufs sans coquille. On ne comprend pas trop d'a-
bord comment ce genre de nourriture peut inlluer sur la formation du
carbonate de chaux dont l'œuf est habituellement revêtu; cependant
il me semble que le fait s'explique assez bien en concevant que l'er-
got produit dans ce cas un véritable avortemeut.... d (3).
(1) Liégeois, Compt. rendus Soc. biolog., IS59, p. 254.
(2) Docteur Paris, Remarks on the physiology of the egg, in Transact. of
LiN.NEAN' Soc. OF LO.NDON, VOl. X, p. 310, 1811.
(3) Roulin, De Y ergot du maïs et de ses effets sxir l'homme et les animaux ,
Ann. des se. NAT., t. XIX, p. 283. Paris. 1830.
M KM. 17
258
Fordyce a supposé que l'insuffisance du carbonate de chaux dans la
nourriture des oiseaux devait déterminer la ponte d'œufs sans co-
quille; j'ai vainement cherché à obtenir ce résultat chez des poules
que j'ai soumises dans ce but à un régime particulier.
Le docteur Paris rapporte qu'une poule qu'il avait enfermée pour
quelques expériences et qui s'était cassé la jambe, se mit à pondre,
trois jours après, des œufs sans coquille. Il suppose que, dans ce cas,
le carbonate de chaux destiné à consolider la coque de l'œuf, a été
employé à la réparation de l'os (1).
Les causes de l'absence de coquille sont sans doute très-variées, et
probablement la plus fréquente est un séjour insuffisant dans la der-
nière partie de l'oviducte.
D. — Absence de vitellus et d'albumen.
Des amas de substance calcaire, des fragments de coquille sont
quelquefois rejetés, ou s'amassent dans l'oviducte, surtout à l'époque
de la cessation de la ponte chez les oiseaux, ou bien lorsqu'il existe
une oblitération d'une partie du tube génital; ce fait a été observé
aussi chez des invertébrés. Dans le distome lancéolé, « on trouve assez
souvent, dit M. Moulinié, une anomalie qui consiste en une produc-
tion surabondante de la substance de la coque... Cette surabondance
qui paraît provenir d'un manque d'équilibre dans la prodjction des
différents éléments de l'œuf, atteint quelquefois des proportions con-
sidérables, au point qu'on rencontre des individus rhcz lesquels l'ovi-
ducte est rempli dans toute sa longueur de ces amas de substance de
la coque, dont l'excès ne trouvant pas assez de substance viteiiine
pour former des œufs, enveloppe tous les fragments ou corpuscules
qui se trouvent sur son passage, ou, à défaut, prend la forme sphé
rique, comme toute substance liquide qui est suspendue dans un autre
liquide... » (2).
E. — Absence de parties indéterminées.
La petitesse excessive des œufs est particulièrement remarquable
chez les oiseaux dont l'œuf est naturellement très-volumineux; dans i
(1) Ooctciu- Paris, mém. cité, p. 311
(2) J. ,1. Moulinié, De la repwoduction cbkz les ïuématodes endo-para-
siTES. Uenéve, 1850, p. 41.
259
le musée de Gresham, on conservait un œuf d'autruche qui avait à
peine le volume de celui d'une poule, sa coque était néanmoins très-
épaisse. Un autre œuf du môme oiseau avait la grosseur d'une noix
de muscade.
Trois œufs de casoar étaient aussi remarquables par leur petitesse :
l'un avait le volume d'un œuf de pigeon, un autre était encore plus
petit, et le troisième était gros comme une noix de muscade (1).
Il est probable que ces œufs manquaient de vitellus, et quelques-
uns même de blanc.
Section VI. — Anomalies de forme.
L'œuf offre rarement dans sa forme quelque déviation au type par-
ticulier à l'espèce d'animal qui le produit ; c'est chez les oiseaux pres-
que exclusivement que ces déviations ont été notées.
Tantôt l'anomalie porte sur la forme générale de l'œuf, tantôt sur
une portion seulement de la coque.
§ 1. — La forme générale peut subir de nombreuses modihcations :
l'œuf est parfois très-allongé, fusiforme ; il se termine par un bout
ou par les deux en un long appendice caudiforme, plus ou moms con-
tourné ou comme articulé (2); parfois il est aplati, comprimé, tor-
du, etc. (3); d'autres fois, il a l'apparence d'une gourde ou d'un sa-
(1) Nehemjah Grew, catalogue cité, p. 76.
(2) Cleyer possédait trois œufs de poule dont l'un avait la coquille plissée,
l'autre était presque piriforme et avait une sorte d'opercule au petit bout; le
troisième avait uue queue. Mise. nat. cur., dec. ii, ann. I, obs. XVI, p. 36,
1682.
Ruysch, Ovum gall. candatum, Tuesaur. anat., III, p. 35. — Id., Thesaur.
ANAT., X, p. 25.
D'autres cas cités par Haller (op. cit.) se trouvent dans les recueils sui-
vants : Breslaw Samlung, 1726, p. 352; ann. 1719, p. 587; 1723, m. mai,
vers. XXIV, p. 524. — Nov. litt. maris Baltici, 1702, p. 152. — Comm. lit.
NoR., 1742, hebd. 28.
(3) Balbi, lœuf monstrueux consistant dans une coquille contournée en
spirale (Collect. acad., part, étraug., t. X, p. 334, extrait de l'Âcad. des se.
de Bologne).
; D'autres cas sont cités par Haller (op. cit.), Fjc'':<a serpentina. j jhmuk,
%0
blier (1) ; cette dernière forme poDl être le résultat de l'union bout à
bout de deux œufs complets, comme j'en ai tu un exemple chez la poule
(pi. II, lig. 10). Plusieurs autres sont rapportés dans divers recueils (2).
Les œufs qui offrent ces anomalies sont assez fréquemment dépour-
vus de coquille et, dans ce dernier cas, leur blanc est souvent sura-
bondant.
J'ai observé un œuf de cette sorte, c'était un œuf de poule d'un
volume extraordinaire ; il couvrait toute la longueur du diamètre d'une
assiette ; il avait un seul jaune normal.
Dans le laboratoire de M. Rayer, j'ai vu deux œufs liardés, très-vo-
lumineux aussi et terminés par deux appendices en forme de queue
(Voy. pi. 11, fig. 13, 14). On trouve dans les recueils scientifiques d'au-
tres exemples semblables (3).
§ II. — Lorsque l'anomalie ne porte que sur une portion de la co-
tabl. ultim., Brest., Versuch. xxiv. — Gurva et adstbicta, Laclimoad, divin.,
p. 15.— LoNGA coM ALTERNis iNTERSECTiONiBUs, Giom. di Parma, 1689, p. 49.
(1) M. Lié{îeois a montré à 'a Soc. de biologie (obs. cit.) un oeuf de poule en
forme de gourde ; la partie rétrécie était courbée sur elle-même comme une
anse; Il n'y avait qu'un seul jaune (Voy. pi. Il, 'ig. 11).
Catalogue du musée de Boston, a" 877. — i hen's egg, quite small, and
contracted at one extremity, so as to resemble in form a certain kind of
gourd. J. B. Jackson, Descriptive catalogue of the anatomical muséum
OF THE Boston Society, 1847.
(2) Deux œufs non renfermés dans la même coque, mais adhérents bout à
bout par leur coquille. (G. Delhardiugius, Acad. caesar. Leopold., Nat. cur.
EPHEM., cent. 1 et II, append., p. 198.)
Cas semblable observé par Montgomery, CYCLOPiEDiA of ânat., etc., t. II,
p. 317.
Deu.v œuls de poule ayant chacun leur blanc et leur jaune, mais sans co-
quille, étaient réunis en sablier. (Georgii Hannaei, De ovo gemello, Ephem.
NAT. CUR., dec. II, ann. IV, obs. CXV, p. 223.)
Two hen's eggs, united by a short thick baud; they are tolerably deve-
loped in regard to size, though there is ont y a trace of shell. (Catalogue de
Boston cité, n" 871.)
(3) Polisius parle d'un œuf pourvu d'un blanc et d'un jaune ordinaire,
mais sans coquille, qui se terminait par un long appendice Irès-irrégulier
(Goliiol. Sam. Polisii, De ovo monstroso, Kpuem. nat. cur., dec. ii, ann. IV,
obs. XLIV, p. lOô). Voyez ci-dessus l'observation (de Hanntcus) de deux œufà
2b 1
que, elle consiste daus des plis, des reliefs, des empreintes superli-
cielles ou dans un dépôt calcaire formant des rugosités ou des concré-
tions plus ou moins volumineuses (1). Reisel a donné la description
et la figure d'un œuf de poule dont la grosse extrémité était chargée
d'un amas calcaire d'une forme qui rappelait celle d'un turban (2).
Réaumur en a vu un dont la coquille était couverte de petits corps
blancs remplis d'un liquide albumineux (3).
§ III. — Ces déviations au type normal, les changements de forme,
les empreintes de la coquille peuvent dépendre de quelque lésion per-
manente de l'oviducte ou de contractions spasmodiqiies de cet or
gane. Dans le premier cas, les œufs pondus successivement offrent
tous des déformations analogues; dans le second cas, les déformations
ne sont pas constantes; tel était celui d'une poule que j'enfermai dans
une cage et qui pondit d'abord un œuf à coquille fortement plissé;
les suivants n'offrirent rien de semblable.
§ IV. — Au temps où l'esprit d'observation était le privilège de
quelques rares génies, où les scrutateurs de la nature, dominés par
une profonde crédulité, par l'amour du merveilleux, n'envisageaient
point d'un autre œil que le vulgaire, les déviations au type normal
dans les corps organisés, les anomalies graves observées chez les
animaux, étaient considérées comme l'effet d'une cause surnaturelle,
comme un signe de la colère divine, comme un présage funeste, etc.
On ne cherchait nullement dans ces anomalies, dans une monstruo-
sité, leurs rapports avec le type normal altéré, on y cherchait, au
contraire, ceux qu'une apparence superficielle donnait avec des êtres
d'un tout autre type. L"anomalie se caractérisait par une comparai-
son absurde ou gro;sièrc : un monstre humain devenait un animal
quelconque, un porc, un chien, un poisson, suivant le caprice ou la
réunis en sablier, et les cas cités par Haller (op. cit.), qui se trouvent dans
CoMM. LiTT. NOR., 1733, iicbd. 39. — Yallisneri, Rilag., n° 13.
(1) Dans le musée de Gresliam, ou conservait un œuf de poule qui avait
au gros bout une excroissance voUuïiiueuse. Voy. IVeliejamli Grew, ouv.
cit., p. 78.
(2) Salomonis Reiselii, De ovo monstroso, 1682. iMisc. nat. cur., dec. u,
ann. II, obs. 119, p. 278.
(3) Réaumur, HisT. de i.'Acad. royale dîîs sçtENÇKS, h. J06, 1749.
262
sottise des assistants; par contre, un animal monstrueux devenait
une bête à face humaine, etc. Les œufs anormaux ne devaient point
être envisageas d'un autre esprit (1); une empreinte, un sillon, un re-
lief plus ou moins contourné, devenaient l'image d'un reptile (2),
d'une partie du corps humain (3), d'un astre, etc. (4) dont l'origine se
rapportait à rpielque événement naturel ou surnaturel ; et, par exemple,
à propos d'une comète ou d'une éclipse, on voyait des poules pondre
des œufs qui portaient l'empreinte d'une étoile ou d'un soleil (5).
On pourrait croire qu'un tel phénomène ne se reproduit plus de nos
jours, si l'on ne savait qu'à l'égard des sciences, en dehors du cercle
restreint de leurs adeptes, l'ignorance et la crédulité sont de tous les
temps. N'a-t-on pas écrit cette année même, à Paris : «Une poule co-
« chinchinoise, noire, âgée d'un an, vivant isolée, et paraissant très-
« sensible aux influences atmosphériques, aux influences électriques
« surtout, a pondu le 18 juillet, pendant l'éclipsé, à quatre heures
(1) Voyez dans Aldrovande le cas suivant : « Monstrnm figura génital i s viri
est exclusum (ex ovo) une testiculo et capite quasi canino et cristato insigni-
tum. (Ulyssis Aldrovandi, Monstr. hist., p. 389. Bononiîe, 164'2.)
(2) Aadie Gleyeri, de ovo gallinaceo cum serpenlis imagine ïn testa (méûi.
cit.).
Ovum gallinic serpenlis imagine efTigiatum. (AIdrovandij Op. cit., p. 387.)
(3) Humana effigies monstrosa in ovo anserino. (Aldrovandi, Op. cit., p.
390.) — Humana eingics in ovo cum serpentibus ex calvaria et mento ger-
minantibus. (Jbid.)
Ovum cum figura humana. (Zoo. med. gall., t. lU, p. 108.) \Haller.)
Fig. 4. Exhibet ovum gallinaceum... respraîsentans intestinum cœcum cum
processu vermiformi. — Fig. 6. Adumbratur ovum gallinaceum pueri penem
cum scroto reprajsentans, ne prœputioquidem excepte. (Ruyscli, Tues, anat.,
m, p. 35, lab. 3.)
(4) Ovum Iructum dactyli referens. (Ruysch, Tues, anat., IV, n" 32.)
Cum figura patibuli. (Alberti, Anim. admir. ofkic, p. 12.) (Haller.)
(5) Séb. Scheffer, œuf avec l'image d'une éclipse. (Collection académ..
t. IH, p. 459.)
Œuf de poule trouvé à Rome et portant l'image d'une comète. (Cleycr, mé-
moire cité.)
Everard Gockc!. ohs. sur des (Tuf.s qui portaient comme l'empreinte d'un
soleil. (Coll. acad., t. IV, p. 174.)
• iliur avec riniagc d'une comète. (Zod. méd. gall., 1. 111, p. 50.) (Haller.)
2(i3
« moins un quart, un œuf de volume ordinaire, qui portait l'era-
« preinte d'un soleil entouré de douze rayons!! » (1).
CONCLUSIONS.
Il résulte des faits rapportés dans ce mémoire que certaines ano-
malies de l'œuf ont leur origine à l'ovaire et d'autres à l'oviducte.
Les premières sont rares, les secondes sont fréquentes et très-va-
riées.
Une seule anomalie de l'œuf ovarien est aujourd'hui bien connue ;
sa cause paraît se trouver dans la constitution même de la vésicule
ovarienne.
Le développement de l'œuf atteint de cette anomalie détermine la
formation d'un monstre double.
Les anomalies qui se forment dans l'oviducte doivent leur origine
tantôt à la présence d'un corps étranger dans ce conduit, tantôt à une
lésion pathologique, tantôt à un désordre fonctionnel des organes-
Plusieurs de ces anomalies sont incompatibles avec le développe-
ment de l'embryon; d'autres le font périr prématurément; aucune ne
parait devoir entraîner nécessairement la production d'une anomalie
ou d'une monstruosité du fœtus.
L'étude des anomalies qui atteignent l'œuf avant le développement
embryonnaire, nous conduit donc à ce résultat que la monstruosité
composée est la conséquence de la constitution primitivement anor-
male de l'ovule ; que la monstruosité simple doit provenir non d'une
anomalie de l'œuf, mais d'un trouble dans le développement de l'em-
bryon.
(1) Voir le journal la Patrie, 4 août IS60.
FIN DES MEMOIRES.
EXPLICATION DES PLANCHES.
PLANCHE L
MEMOIRE SUR LES ANOMALIES DE L'ŒW.
(Mémoires, page 185.)
Les ftg. 1 « Xï sont destinées à faciliter l'intelligence de plusieurs points de notre texte; —
de l à VI, elles représentent les organes génitaux ou l'œuf à l'état normal ; — de VII à XI,
elles sont schématiques et concernent la manière dont se constituent, suivant nous, certains
monstres doubles. — Les fig. XII à XVIII représentent des cas d'anomalie primitive de l'œuf
d'après divers observateurs.
Fio. I. — Orgaues génitaux dp la poule. — a l>, ovaire ; — a a, vésicules ovariennes ou calices
à divers degrés de développement et renfermant un vitellus (ovule) ; b b, vésicules ova-
riennes après l'expulsion du vitellus. — c d e f, oviducte; c, le pavillon de l'oviducte
qui s'applique à la vésicule ovarienne pour recevoir le vitellus lors de sa maturité, de c
en d, partie de l'oviducte qui fournit les chalazes et leur membrane; de d en d', partie
qui fournit le blanc (albumen); de d' en f, partie qui fournit la membrane coquillière et
la coque; e, oviducte ouvert pour montrer un œuf dont la coque est envoie de forma-
tion; g, intestin; h, cloaque qui reçoit l'oviducte, l'intestin et la bourse de Fabricius,
non représentée ici.
Fig. II. — CËuf ovarien ou ovule de mammifère fortement grossi; a, la vésicule et la tache
germinatives ; b, le vitellus ; c, membrane vitelline,
Fig. III. — (Enf de poule complet; a, le vitellus ou jaune; b, la menibrane vitelline ; c, la
cicatricule ou germe; drf, les chalazes; e, leur membrane;/', la chambre à air; jr, la
membrane coquillière; h, la coque.
Fig. IV. — Vitellus d'un œuf de poule vers la vingtième heure de l'incubation (grandeur na-
turelle); a, vitellus; b, aire vasculaire; c, aire transparente; d, ligne primitive; e, bord
de l'aire vasculaire qui sera limité par la veine ou sinus terminal.
Fig. V. — Coupe du blastoderme suivant l'axe, vingtième heure de l'incubation (fortement
grossie); aa, la membrane vitelline; bb, feuillet superficiel; c, premier rudiment de
l'embryon; d d, feuillet moyen ou vasculaire; ee, veine ou sinus terminal; f f, feuillet
profond, appliqué sur le vitellus non représenté ici.
Fig. VI. — Coupes du blastoderme en travers -(fortement grossie). — A, vingt-quatrième heure
de l'incubation ; il n'existe encore que les rudiments des lames dorsales, e; B, quarante-
huitième heure de l'incubation; les lames abdominales f existent et le blastoderme com-
mence à se soulever sur son axe; G, soixantième heure de l'incubation; les lames ab-
dominales sont très-développées et se rapprochent par leur marge pour enfermer la
partie sous-jacente du blastoderme : dans les trois figures, aa membrane vitelline, b
feuillet superficiel, c feuillet moyen, d feuillet profond, appliqué sur le vitellus non re-
. présenté, e lame dorsale, /"lame abdominale, les ilèches indiquent le sens suivant lequel
ces lames se rapprocheront pour constituer les parois du tronc.
Fig. VII. — abcdefg, figures données par M. Allen Thomson (mém. cit., p. 573), pour
montrer de quelle manière il conçoit la formation des diverses espèces de monstres dou-
bles, d'après la situation respective des deux lignes primitives sur un blastoderme
unique.
Fig. VIII. — Figure schématique, formée avec la fig. VI B, pour expliquer la formation d'un
monstre double uni, dans une étendue plus ou moins considérable, par les colonnes ver-
tébrales. — Les deux blastodermes sont supposés tellement rapprochés que les lames ab-
domioalcs internes n'ont pu se former.
FiG. IX.— Autre figure schématique formée avec la Qg. VI R. pour expliquer la formation
266
d'un raoDstre double ; Janiceps, les blastodermes plus écartés out permis la formation des
lames abdominales internes.
FiG. X. —Figure .schématique (œuf de poule, quarante-quatrième heure de l'incubation), pour
expliquer comment, par le croisement des aies des blastodermes, il doit se former une
tète unique et incomplète.
FiG. XI. — Figure schémuWjue {œuf de poule, cinquantième heure de l'incubation), pour ex-
pliquer la formation d'un monstre parasitaire Les a.tes étant perpendiculaires l'un à
l'autre et ti'ès-rapprochés, l'eitrémité céphalique avec le cœur de l'un des embryons ne
trouve point d'espace suffisant pour se développer.
FiG. XII. — A B G, anomalie de la vésicule germinative observée par M. Coste, « pi, V, fig. 3
« (A ), œuf de lapin soumis au compresseur ; il renferme deui vésicules germinatives.
« Par l'effet de la compression, le cumulus a subi des modifications qui ne permettent
«plus de le distinguer; 3' (B), même œuf un peu plus comprimé; 3'' (G), même œuf
«beaucoup plus comprimé, dont les membranes déchirées laissent échapper les vésicules
« germinatives et le vitellus. »
FiG. XIII. — Ovules de mammifères dont le vitellus offre une forme anormale, observés par
BisCHOFF (ouv. oit , pi. I, fig. 6, 8, 9). — A, œuf ovarique d'une jeune fille; outre la
sphère principale, il y en a encore cinq autres petites. — B G, œufs ovariqucs d'une truie,
dans lesquels le vitellus formait un disque biconcave ou biconvexe.
Fig. XIV. — Œuf anormal de lapin, observé par Barry (mém. cit., pi. VllI, fig. 144). — a,
membrane vitelline {zona pellucida, Barry); b, membrane intérieure piriforme, conte-
nant deiu vésicules, dans chacune desquelles existe une substance d'apparenca granu-
leuse.
Fig. XV. — (Enf de poule à la sixième ou huitième heure d'incubation, observé par Allen
Thomson (mém. cit , fig. I, II). — A, le vitellus (grandeur naturelle), a blastoderme,
b aire transparente sur laquelle on voit les lignes primitives de deux embryons. — B, l'aire
transparente isolée et grossie. Ces deox embryons ne sont encore représentés que par ks
lames dorsales.
Fig. XVI. — (Enî de poule à la cinquante -deuxième heure d'incubation, observé par Baer;
aa, les deux embryons unis par la tête; b, le cœur.
Fig. XVII. — CEuf d'oie au cinquième jour d'incubation, observé par Allen Thomson. (Nous
avons omis la coque et le vitellus.) A, le blastoderme i.solé; a a aire vasculaire, b sinus
terminal, c aire transparente de forme cruciale, d vaisseaux omphalo-mésentériques, e les
embryons. — B, les embryons isolés et grossis de quatre diamètres; y le cœur commun,
h b les premiers vostigea des extrémités supérieures, i i ceux des extrémités inférieures,
k capuchon céphalique de l'amnios, / 1 capuchon caudal.
Fig. XVIII. — C»Euf de poule au sixième jour d'incubation, observé par Wolfï (mém. cit.,
pi. XI, fig. i); a « albumen, bh h vitellus, c ce portion de la veine U^rmin.ile, d r/ partie
du \itellus en dehors de l'aire vasculaire, e aire vasculaire, /"embryon supérieur, g em-
bryon inférieur, h portion de l'alhmtoîde de l'embrvon supérieur, k allantoîde de fem-
bryon inférieur, l ombilic de l'embryon inférieur, m ombilic de l'embryon s»ipérieur,
n 0 plis de la membrane vitelline provenant de sa laxité, ^ tronc vasculaue latéral gauche
de rombryon supérieur, q rameau supérieur de ce tronc, r rameau supérieur du tronc
vasculaire latéral droit, s rameau inférieur du côté gauche, l tronc latéral gaiiohe de
l'embryon inférieur, u tronc latéral droit, v veine descendante.
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*
PLANCHE II.
ANOMALIES SECONDAIUES DE L'OEUF, C'EST-A-DIRE QUI SE FOUMENT
A L'OYIDUCTE.
(Mémoires, page 183.)
FiG. I. — ABC, œufs doubles et triples d'un distomide de l'aigle-bar, observé par C.
Davaine.
FiG. II. — CKuf de planorhe à vitelhis double, observé par C. Davaine.
FiG. III. — Autre œuf de planorbe à vitellus double; les deui vitellus étiiient séparés par une
cloison; ils ont donné l'un et l'autre un embryon; observé parC. Davaine.
FiG. IV. — A, œuf de paludine vivipare contenanl deux embryons distincts, observé par C.
Davaine; B, le même œuf plus grossi; les deux embryons n'ont plus ici la même situa-
tion respective.
FiG. V. — QEuf d'oie inclus dans un autre, observé par M. Rater; a a coquille extérieure,
è * jaune de l'œuf extérieur, ce coquille de l'œuf intérieur, d jaune intérieur (demi-
nature.)
FiG. VI. — Corps étranger provenant d'un œuf de poule, observé par C. Davaine; A, vu de
face; B, vu de profil.
FiG. VII. — A B C D, corps étranger renfermé dans un œuf de poule et pris pour un cœur
développé isolément de tout autre organe, observé par Ledlond. Dans la figure A le corps
étranger b est vu en place sur le vitellus a,- c chalaze. B, face concave du corps étranger;
C et D le même corps ouvert et laissant voir les cavités renlriculuires et les colonnes
charnues.
FiG. VIII. — (Euf de poule à deux vitellus, dont l'un est enveloppé par la vésicule ovarienne,
observé par le docteur Laboulbène. — A (figure demi-nature); a vitellus normal, h vi-
tellus enveloppé de la vésicule ovarienne et d'une fausse membrane, b pédicule de la
vésicule ovarienne, d gros bout de l'œuf qui était privé de carbonate calcaire. — B, vitellus
enveloppé de la vésicule ovarienne (grandeur naturelle), b la vésicule ovarienne sur la-
quelle se dessinent les vaisseaux, c pédicule, e fausse menilirane soulevée et rejete'e sur
le coté.
FiG. IX. — Œuf de poule à deux vitellus analogue aux deux précédents, observé par Cleyer
(mém. cit., tali. XIII, fig. :<) ; il ri'nfermait un appendice semblable au fruit de l'arbou-
sier, dit Clryer. En rapprocliant la figure de cet œuf de la précédente, il est facile de
d(':termiuer la nature des deux corps qu'il contenait.
FiG. X. — Œuf de poule observé parC. Davaine; il était composé de deux œufs complets réunis
par la coque (demi-nature).
Fie. XI. — Œuf observé par M. Liégeois (demi-nature).
Fig. XII. — Œuf contenant un jaune et pas de blanc; la coquille était double; observé par
M. Liégeois.
Fig. XIII. — Œuf bardé, ayant un a\ipendice caudiforme à cbaque pôle ; observé par M. Rater
(dpnii-nature).
FiG. XIV. — Autre œuf liardé. n'ayant qu'un seul jaune malgré son grand volume; observé
par M. lUyKU (denii-nature).
JMJI
iye::'eM
lip j^emcraer fans
i
PLANCHE m.
RAPPORT SUR LA REVIVISCENCE DES ANIMAUX DESSÉCHÉS.
(Mémoires, page 1.)
Les appareils sont réduits à un dixième de leurs dimensions.
Fig, I. Tube à dessiccation employé dans les expériences XVI et XIX. (Voy.
p. 70 et 81.)
Fig. II. Tube en U employé dans les mêmes expériences pour le chauffage
au bain-niarie.
F ig. III. Appareil employé parla commission dans les expériences XX et XXI
(Voy. p. 86.)
A. Prise d'air.
B. Premier vase à dessiccation, renfermant
dem litres de cliaux vive.
G. Second vase à dessiccation, renfermant
deux litres de chaux vive.
D. Troisième vase à dessiccation, renfer-
mant deux litres de chaux vive.
a, ijC.Trois tubes émergeant de ce dernier
vase et communiquant avec les trois
tubes en U.
1,2, 3. Les trois tubes en U, contenant la
mousse à leur partie inférieure et plon-
geant dans le bain d'huile. L'un
d'eux, no 3, renferme un thermomètre
qui pénètre jusque sur la mousse.
a',b',d. Les trois tubes qui émergent des
trois tubes en U, et qui vont s'ouvrir
isolément dans le vase H, à 1 centi-
mètre 1/2 au-dessous du niveau de
l'acide sulfurique.
I. Tube unique émergeant du vase H et
allant plonger profondément dans le
Tase ïspirateui'.
K. Le vase aspirateur, gradué de litre en
litre, contenant huit litres d'eau,
mais ne pouvant aspirer que cinq
litres d'air, à cause de la résistance
que l'air rencontre dans le vase F.
L. Robinet du vase aspirateur.
M. Second vase recevant, au moyen d'un
entormoir, l'eau qui s'écliappe du vase
aspirateur, et destiné à remplacer ce
dernier après l'écoulement des cinq
litres d'eau.
E, E. Le bain d'huile renfermant quatre li-
tres d'huile.
F. Fourneau à gaz , dont le tube est muni
d'un robinet pour diriger le chauf-
fage.
S. Le thermomètre du bain.
T. Thermomètre plongeant dans le tube
en U, n» 3, et donnant la température
des mousses.
Support muni d'un grand anneau, au-
quel sont suspendus les trois tubes en
U et les deux thermomètret.
V.
PL. m.
TABLE DES MEMOIRES
DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Rapport sur la question soumise à la Société de Biologie par MM. Poacbet,
Pennetier, Tinel et Doyére, au sujet de la reviviscence des animaux dessé-
chés; par M. Paul Broca, au nom d'une commission composée de MM. Bal-
biani, Berthelot, Brown-Séquard, Daresle, Guillemin, Ch. Robin, et Broca,
rapporteur. (Avec flgures.) •
Étude sur l'ictère déterminé par l'abus des boissons alcooliques ; par M. E. Leu-
det i^i
Rapport sur une larve d'OEstride, extraite de la peau d'une homme à Cayenne;
par M. A. Laboulbéne ■; '6ii
Remarques sur les paralysies essentielles consécutives à la fièvre typhoïde, à
propos d'un fait de paralysie ascendante aiguë rapidement mortelle, survenue
dans la convalescence de cette pyrexie; par M. E. Leudet J67
Mémoire sur les anomalies de l'œuf; par M. C. Davaine. (Avec figures.). . . J8S
WN DE LA TABLE DES MEMOIRES.
TÂfiLE ÂNÂLHIQUE DES MATIÈRES
CONTENUES
DANS LES COMPTES RENDUS ET LES MÉMOmES
DE LA SOCIETE OE BIOLOGIE
POUR l'année 1860 (1).
A
C. K.
Abcès (Note sur un) du rein chez la grenouille; par M. Karr 154
— du rein droit ; pyélite ; phlébite de la veine rénale ; infection purulente ;
par M. Lancereaux j7
Absence de dents chez un enfant de 16 mois; par M. Giraldés. ... 9
— de lésion des valvules; double bruit de souffle au cœur; par M. Four-
nier 15
Accès fébriles périodiques ; végétations fibrineuses sur deux valvules
aortiques; collection sanguine et purulente au point de contact et au-
dessous de ces valvules; par M. Lancereaux 50
Alha^ maurorum (Note sur la manne de); par M. J.L. Soubeiran. . 158
Alpacas (Note sur l'épizootie qui a frappé le troupeau des) du Jardin
zoologique d'acclimatation et sur quelques faits relatifs à l'anatomie de
ces animaux; par M. C. Sappey 175
Anévrismes (De l'emploi du sphygmographe dans le diagnostic des) ; par
M. Marey j^U
Anomalies de l'œuf (Mémoire sur les) ; par M. Davaine >
Artère pulmonaire (Deux observations d'obstruction de 1') par des
caillots fibrineux; dégénérescence graisseuse du cœur; par M. Lance-
reaux g,^
— (Nouveau fait d'obstruction de 1') avec affection du cœur droit et de
l'artère pulmonaire (dilatation); emphysème; catarrhe bronchique; par
M. Lancereaux ,gg
(1) .abréviations : C. R., Comptes rendus; M., Mémoires.
3IÉM.
18
9Q9
f^ tj ,-«■
■274
C. R. U.
Atrophie musculaire progressive ; lésions de la substance grise de la
moelle épinière; par J.Luys 80 a
B
Baudroie (Note sur l'appareil porle-rénal hépatique de la); par M. Jour-
dain 149 »
Bulbe dentaire (Note sur le tissu propre du) ; par MU. Ch. Robin et
Magitot ifii
C
Caillots fibrineux (Deux observations d'obstruction de l'artère pulmo-
naire par des) ; dégénérescence graisseuse du cœur; parM. Lancereaux. 92 »
Caillot sanguin (Sur la production du) dans les artères ombilicales
après la chute du cordon; par M. Ch. Kobin 37 »
Caillot (Études hislologiques sur la constitution du) dans les cas d'hé-
morrhagies méningées intra-arachnoïdieiines; par M. Laborde. . . . iio »
Cancer dans l'intérieur des veines; par M. Lancereaux 3o »»
Cartilage de Meckel (Noie sur le); par MM. Ch. Robin et Magitot . . 2 «
Champig-nons (Empoisonnement par les); deux observations; par
M. Lancereaux 144 *
Clavicule. Fracture de l'extrémité interne et fracture du crâne ; par
M. Morel-Lavallée 10 «
Cœur (Maladie du); rétrécissement et insuffisance de l'orifice miiral;
œdème pulmonaire, apoplexie, inflammation du poumon; obstruc-
tion de l'artère du poumon; par M. Dumont-Pallier 169 »
— (Absence de lésions des valvules du); double bruit de souEQe ; par
M. Fournier IS •
— (De l'emploi du sphygmograpbe dans le diagnostic des maladies du) ;
par M. Marey «73 »
Conclusions du rapport sur la reviviscence des animaux desséchés . . 26 »
— d'un rapport fait par une commission de la Faculté de médecine de
Naples, sur les effets toxiques et physiologiques du cyclamen; suivies
de remarques de M. Vulpian sur la cyclamine 57
Conformation (Vice de) du thorax; par M. Sappey 12
Cordon ombilical, sa structure et phénomènes dont il est le siège après
la naissance; par M. Ch. Robin 40
Crâne (Fracture du), avec écoulement sanguin par l'oreille; par M. Ed.
Simon «4»
— (Fracture du) et de l'extrémité interne de la clavicule; par M. Morel-
Lavallée 10
Cryptorchidie (Observations de); absence d'animalcules dans le sperme
du sujet ; par M. E. Rerchon 206
•Curare (Action du) sur la torpille électrique; par M. A. Moreau ... 137
Cyclamen et de la cyclamine (Conclusions d'un rapport fait par une
commission de la Faculté de médecine de Naples dans les effets du).
Remarques de M. Vulpian à l'occasion de ce rapport sur l'action de la
cyclamine 67
275
D
C. R.
Dentaire (Noie sur le tissu propre du bulbe) ; par MM. Ch. Robin et
£. Magitol 161
— (Éruption) chez une personne de 85 ans ; par M. Carre 85
Dents (Absence de) chez un enfant de 16 mois ; par M. Giraldés. ... 9
Délire (Note sur le) chez les Néo-Caledoniens ; par M. de Rochas ... 90
Développement des ligaments qui relient entre eux l'ombilic et ses
vaisseaux; par M. Ch. Robin 103
— (Quelques faits relatif au) du poulet; par M. Dareste 31
Diabète spontané; lésions du quatrième ventricule; par M. J. Luys. 29
Dure-mère; tumeur fibro-calcaire; par M. iBonnejoy 79
E
Effort (Influence de 1') sur le pouls ; par M. Marey 187
Électricité (Transmission de 1') à travers les conducteurs métalliques;
par M. Guillemin 22
électrique (Note expliquant le phénomène) de la torpille; par M. A.
Moreau 156
Empoisonnement par les champignons; deux observations; par
M. Lancereaux 144
Estomac (Note sur la conformation extérieure de 1') du kanguroo (de
Benetl); par M. C. Sappey 167
Exostose du péroné; par M. E. Fournier tt
F
Felis (Sur le mécanisme de la rétraction des ongles des) et des crochets
des linguatules trouvés dans les poumons des serpents; par M. Henri
Jacquart 53
Flamant (Note sur la langue du); par M. Dareste 168
Foie et intestins; tubercules chez une poule; par M. Joseph Michon. . 21
Fracture du crâne avec écoulement sanguin par l'oreille; par M. Ed.
Simon I4i
— du sternum; par M. Morel-Lavallée 9
— Du crâne et de l'extrémité interne de la clavicule; par M. Morel-
Lavallée 10
G
Gang;rènes spontanées (Contribution à l'histoire des); observation
avec nécropsie, dans laquelle la gangrène paraît devoir être rap-
portée à une lésion primitive du système vascuiaire à sang noir ou
tout au moins à une lésion simultanée des veines et des artères (arté-
rio-phlébite de Victor François;; par M. J. V. Laborde 129
Ganglions atteints de mélanose; tumeurs pigmentaires de la région
molaire; par M. Lancereaux 19
Glandes ^Rôies des nerfs des); par M. Cl. Bernard 23
Glauxinia (Note sur le pollen et la fécondation des] ; par M. E. Faivre. loi
Grenouilles (Note sur la rotation spontanée des); par M. Moilin ... i
•27G
U
Hématocèle péri-utérine communiquant avec l'intestin et la vessie;
par MM. Martin Magron et Soulié 202 •
Hémorrhagie de la protubérance, paralysie alterne; par M. J. B.
Ilillairet H6 •
Hémorrhagies méning-ées intra-araciinoïdiennes; éludes bistologi-
ques sur la constitution du caillot; par M. Laborde UO >
Bydatique (l^oche) expulsée de l'utérus d'une femme de 34 ans ; par
M. H. Jacquart 205 »
I
Ictère (Études sur V) déterminé par l'abus des boissons alcooliques; par
M. E. Leudet > i4t
Infection purulente; abcès du rein droit; pyélite phlébite de la veine
rénale; par M. Lancereaux 17 •
K
Sanguroo de Benelt (Note sur la configuration de l'estomac du); par
M. C. Sappey 167 »
Kystes (Note sur les) congénitaux des organes de la génération ; par
II. Giraldés tso »
Xian§:ue (Note sur la) du flamant ; par M. Dareste , • ■ 16S
Iiarve (Rapport sur une) d'OEstride extraite de la peau d'un homme, à
Cayenne; par M. Â. Laboulbène ■
— (Note sur la) du Straliomys cbamaeleon; par M. J. L. Soubeiran . . 185
Iiigaments (Note sur les) qui succèdent à l'ouraque ; par M. Ch. Robin. 85
Iiinguatules (Note sur le mécanisme de la rétraction des ongles des
felis et des crochets des) trouvés dans les poumons des serpents; par
M. H. Jacquart 53
M
Manne (Note sur la) d'alhagi maurorum; par M. J. L. Soubeiran ... I58
Meckel (Note sur le cartilage de); par MM Cb. Robin et .Magitot. . . 2
Mélanose (Tumeur pigmentaire de la région molaire; ganglions atteints
de); par M. Lancereaux 19
— (Tumeurs multiples de); par MM. Lancereaux et Dubreuil Ml
Modifications (lu'éprouvent après la mort les propriétés des nerfs et des
muscles chez les grenouilles; par M. E, Faivre 26
Moelle (Lésions de la substance grise de la) dans l'atrophie musculaire
progressive; par M. J. Luys 80
— Ramollissement de la région supérieure; paralysie des membres infé-
rieurs seuls; intégrité des fonctions des membres supérieurs; par
M. Ilillairet 7:t
277
N
C. K.
Méo-Calédoniens (Note sur le délire des) ; par M. de Rocbas. ... 90
Nerfs (Rôle des) des glandes; par M. Cl. Bernard 23
— Action de l'acide tartrique pour la préparation des troncs nerveux;
par M. Liégeois 15
Itferf (Oculo-moleur commun chez les mammifères; expériences sur la
galvanisation du); par M. Vulpian 160
Nerf optique (Sur les excavations et les saillies du); par M. de Graefe. 151
Nerfs de sentiment et de mouvement (Distinction anatomique des)
chez les poissons; par M. A. Moreau 159
o
Oculo-moteur (Note sur la galvanisation du nerf) commun chez les
mammifères; par M. Vulpian 160
Oiseaux (Note sur quelques altérations pathologiques observées sur les)
du Jardin zoologique du bois de Boulogne ; par M. C. Dareste. ... 182
Œstride (Rapport sur une larve d'), extraite de la peau d'un homme à
Cayenne,- par M. A. Laboulbène »
Œufs des serpents. Le poumon jouant le rôle d'appareil incubateur
sur les œufs contenus dans l'oviducte; par M. H. Jacquart 139
Œuf (Mémoire sur les anomalies de 1'); par M. Davaine »
Ombilic (Cause de la dépression cutanée de I'); par M. Ch. Robin. . . 193
— (Note sur le développement des ligaments qui relient entre eux l'j et
ses vaisseaux ; par M. Ch. Robin 103
Ombilicales .Sur le caillot sanguin qui se produit au bout des artères)
après la chute du cordon; par M. Ch. Robin 37
Optique (Sur les saillies et les excavations de la pupille du nerf); par
M. de Graefe I5i
Oreille externe (Concrétions tophacées de I') chez les goutteux); par
M. Cbarcot 47
Ouraque (Note sur les ligaments qui succèdent à 1'); par M. Ch. Robin. 85
Ovaire droit (Tumeur de 1'); par M. Morel-Lavallée lO
P
Paralysie alterne par suite d'hémorrhagie de la protubérance; par
M. J.-B. Hillairet 116
Paralysies (Remarques sur lesT essentielles consécutives à la fièvre ty-
phoïde, à propos d'un fait de paralysie ascendante aiguë, rapidement
mortelle, .survenue dans la convalescence d& cette pyrexie; par M. E.
Leudei »
Pellagre sporadique (Observation de) ; par M. Lancereaux 126
Péroné Exostose du); par M. Eug. Fournier 11
Poissons (Distinction anatomique des nerfs de sensibilité et de mouve-
ment chez les); par M. A. Moreau 159
Poule; tubercules du foie et de l'intestin ; par M. Joseph Michon. ... 21
Poulet (Faits relatifs au développement du); par M. C. Dareste. ... 31
Pouls (Variations physiologiques du) étudiées à l'aide du sphygmogra-
phe); par M. Marey 187
Porte (Note sur l'appareil) rénal -hépatique de la baudroie (Lophius
pijcatorius, L.); par RI, Jourdain . , . . . i49
278
G. K.
Poumon des serpents jouant le rdle d'organes incubateurs sur les œufs
contenus dans les oviductes; par Al. H. Jacquart 139
Propriétés des nerfs et des muscles; modilicalions qu'elles éprouvent
aprt's la mort chez les grenouilles; par M. Faivre 26
Protubérance ( Hcmorrhagie de la); paralysie alterne, etc.; par
M. J.-B. Hillairet ne
— Annulaire (ramollissement delà); hémiplégie; par M. J. B. Hillairet. 6
Pulmonaire (Obstruction de l'artère) avec affection du coeur droit et de
l'artère pulmonaire (dilatation), emphysème, catarrhe bronchique; par
M. Lancereaux 198
— (Deux observations d'obstruction de l'artère) par des caillots fibrineux ;
dégénérescence graisseuse du cœur; par M. Lancereaux 92
R
Ramollissement de la protubérance; hémiplégie croisée; par M. J. B.
Hillairet S
Rapport sur la question soumise à la Société de biologie, par MM. Pou-
chet, Pennetier, Tinel et Doyére, au sujet de la reviviscence des ani-
maux desséchés; par M. P. Broca »
Rapport sur une larve d'OEstride extraite de la peau d'un homme, à
Cayenne; par M. A. Laboulbène
Rein droit; abcès, pyèlile, phlébite de la veine rénale; infection puru-
lente; par M. Lancereaux n
Rein (Note sur un abcès du) chez la grenouille; par M. Karr I54
Reviviscence (Conclusions du rapport de la commission sur la). . . 26
— des animaux desséchés. Rapport sur la question soumise à la Société
de biologie par MM. Pouchet, Pennetier, Tinel et Doyére; M. P. Broca,
rapporteur ■
Rotation spontanée des grenouilles; par M- Moilin i
S
Serpents (Poumons des) jouant le rôle d'appareil incubateur sur les œufs
contenus dans l'oviducte; par M. H. Jacquart 139
Souffle (Double bruit de) au cœur sans lésions des valvules; par M. Eug.
Fournier 16
Sperme (Absence d'animalcules dans le); observation de cryptorchidie ;
par M. Berchon 206
Sphygmographe (De l'emploi du) dans le diagnostic des affections val-
vulaires du cœur et des anévrismes des artères; par M. Marey ... i73
— Variations physiologiques du pouls, observées à l'aide du); par
M. Marey 187
Sternum (Fracture du); par M. Morel-Lavallée 9
StratiomysChameeleon(Note sur la larve du); par M. J. L. Soubeiran. I3S
Tartrique ( Acide j pour la préparation des troncs nerveux ; par
M. Liégeois IS
Température animale (Causes de variations de la); par M. Marey. . 2*
Thorax (Vice de conformation du); par M. G. Sappey 12
279
C. R.
Tophacées (Concrétions) de l'oreille externe chez les goutteux; par
M. Charcot 47
Torpille électrique (Action du curare sur la); par M. A. Moreau. . . 137
Torpille (Expériences expliquant le phénomène de l'électrieité de la);
par M. A. Moreau 1S6
Transmission de l'électricité à travers les conducteurs métalliques ;
par M. A. Guillemin 22
Tubercules du foie et de l'intestin chez une poule; par M. Joseph
Michon 2i
Tumeur fibro-calcaire de la dure-mère; par M. Bonnejoy 79
Tumeurs mélaniques multiples; par MM. Lancereaux et Dubreuil. . m
Tumeur de l'ovaire droit; par M. Morel-Lavallée lo
u
Uredo candida (Note sur le développement de 1') ; par M. Fournier . . 33
Utérus (Poche hydatique expulsée de I') d'une femme de 35 ans; par
M. H. Jacquart 205
V
Valvules aortiques; végétations fibrineuses ; collection sanguine et
purulente au point de contact et au-dessous de ces valvules; accès fé-
briles périodiques; par M. Lancereaux 50
Veines; productions cancéreuses dans leur intérieur; par M. Lan-
cereaux 30
Ventricule (Lésions chroniques du quatrième) dans le diabète spon-
tané; par M. J. Luys 29
FIN DE LA TABLE ANALYTIQUE.
TABLE DES MATIÈRES
PAR NOMS FAUTEURS.
B
G. R.
Berchon Observation de cryplorchidie; absence d'animal-
cules dans le sperme du sujet 206
Bersard (Cl.)- • • • Sur le rôle des nerfs des glandes 23
BoNNEjOY Tumeur fibro-calcaire de la dure-mère 79
Broca Rapport sur la question soumise à la Société de bio-
logie par MM. Pouchet, Pennelier, Tinel et Doyère
au sujet de la reviviscence des animaux desséchés. »
Carre Éruption dentaire chez une personne de 85 ans. . 83
Charcot Concrétions lophacées de l'oreille externe chez les
goutteux 47
D
Dareste Quelques faits relatifs au développement du poulet. 31
— Note sur la langue du flamant 168
— Note sur quelques altérations pathologiques obser-
vées chez des oiseaux du Jardin zoologique d'accli-
matation du bois de Boulogne 182
Davaine (C.) .... Mémoire sur les anomalies de l'œuf »
Dimont-Pallier. . Maladie du cœur; rétrécissement et insuffisance de
l'orifice mitral; œdème pulmonaire, apoplexie, in-
flammation du poumon; obstruction de l'artère
pulmonaire 169
AivRE (^Ernest). . Note sur le pollen et la fécondation des glauxinia. . lOi
— Modiflcations qu'éprouvent après la mort chez les
grenouilles les propriéics des nerfs et des muscles. 2'i
282
Fourniër (Eugène). Double bruit de souffle du cœur sans lésion des val-
vules is
— Exostose du péroné il
— Note sur le développement de rf/redocondida. . . 33
GiRALDÉS. .
Gr£fb (de)
gcillemin. .
HiLLAIRET. .
G
Absence de dents chez un enfant de i6 mois. ... 9
Note sur les kystes congénitaux des organes de la
génération i50
Sur les excavations et les saillies de la papille du
nerf optique isi
Transmission de l'électricité à travers les conduc-
teurs métalliques 22
H
Ramollissement de la moelle dans ses régions supé
rieures; paralysie des membres inférieurs seuls
conservation de la sensibilité et de la myotilité
dans les membres supérieurs
Ramollissement de la protubérance; hémiplégie croi
sée
Hémorrhagie de la protubérance; paralysie alterne
(hémiplégie gauche, paralysie faciale droite); hy-
pertrophie ancienne du cœur; maladie de Bright;
péricardite; œdème pulmonaire; pleurésie double;
mort
73
116
J
Jacquart (Henri). . Note sur le mécanisme delà rétraction des ongles des
felis et des crochets des linguatules trouvés dans
les poumons des serpents 53
— Les poumons des serpents jouent le rôle d'organes
incubateurs sur les œufs contenus dans les ovi-
ducles; ceux-ci viennent, en effet, se mettre en
contact, par suite de leur accroissement dans tontes
leurs dimensions, avec les extrérailés de ces réser-
voirs aériens; c'est ce que prouve l'état de déve-
loppement irés-avancé des œufs trouvés dans les
oviduetes d'une femelle de python de Séba, de
grande taille (3 mètres passés), morte au Muséum
d'histoire naturelle de Paris 139
— Poche hydatique expulsée de l'utérus d'une femme
de 35 ans 205
Jourdain Note sur l'appareil porte-rénal hépatique de la bau-
droie (Lophius piscatorius, L.) 149
K
Karr Note sur un abcès du rein chez la grenouille.
283
L
C. H.
Laborde Examen de plusieurs cas d'hémorrhagies méningées
intra-arachnoïdiennes; études histologiques sur la
conslitulion du caillot et de son enveloppe. . . . 110
— Contribution à l'histoire des gangrènes spontanées;
observation avec nécroscopie,dans laquelle la gan-
grène paraît devoir être rapportée à une lésion pri-
mitive du système veineux, etc 129
Laboulbëne (A.). . Rapport sur une larve d'OEstride, extraite de la peau
d'un homme à Cayenne »
Lancbreaiix Végétations fibrineuses sur deux valvules aortiques;
collection sanguine et purulente au point de con-
tact et au-dessous de ces valvules; accès fébriles pé-
riodiques 50
— Deux observations d'obstructions de l'artère pulmo-
naire par des caillots fibrineux; dégénérescence
graiseuse du cœur 92
— Productions cancéreuses dans l'intérieur des veines. 30
— Tumeur pigmentaire de la région malaire 19
— Observation de pellagre sporadique 12S
— Empoisonnement par les champignons. (Deux obser-
vations) U<
— Pyélite; phlébite de la veine rénale; abcès du rein
droit; infection purulente; albumine dans l'urine. 17
— Nouveau fait d'obstruction de l'artère pulmonaire
avec affection du cœur droit et de l'artère pulmo-
naire (dilatation); emphysème; catarrhe bron-
chique 198
— et DcBREUiL. . . Tumeurs mélaniques multiples; mélanose ayant en-
vahi la plupart des systèmes organiques 111
Leddet Élude sur l'ictère déterminé par l'abus des boissons
alcooliques ■
— Remarques sur les paralysies essentielles consécu-
tives à la fièvre typhoïde, à propos d'un fait de pa-
ralysie ascendante aiguë , rapidement mortelle,
survenue dans la convalescence de cette pyrexie. . »
Liégeois Action de l'acide tartrique pour la préparation des
troncs nerveux 15
LuYS (Jules) Atrophie musculaire progressive; lésions de la sub-
stance grise de la moelle épiniére SO
— Diabète spontané ; lésions du quatrième ventricule. 29
M
Magitot. (Foy. Ch. Robin).
Marby De quelques causes de variations dans la température
animale 27
— De l'emploi du sphygmographe dans le diagnostic
des affections valvulaires du cœur et dos artères. 173
— Variations physiologiques du pouls, étudiées à l'aide
du sphygmographe. . 187
284
C. K
M àrtin-Magron et Soulié. Hématocèle péri-utérine communiquant avec
l'intestin et la vessie 202
MiCHON (Joseph). . Tubercules du foie et de l'intestin chez une poule. . 21
MoiLiN De la rotation spontanée des grenouilles 1
MOREAU (A.) .... Action du curare sur la torpille électrique. .... 137
— Distinction anatomique des nerfs du sentiment et du
mouvement chez les poissons J59
— Expériences expliquant le phénomène électrique de la
torpille 156
Morbl-La VALLÉE. . Tumeur de l'ovaire droit 10
— Fracture du crâne et de l'extrémité interne de la cla-
vicule 10
— Fracture du sternum 9
R
Robin (Ch.) ..... Note sur les ligaments qui succèdent à l'ouraque. . 85
— Note sur le caillot sanguin qui se produit au bout des
artères ombilicales après la chute du cordon. . . S7
— Sur quelques particularités de la structure du cordon
et des phénomènes dont il est le siège à la nais-
sance 40
— Note sur le développement des ligaments qui relient
entre eux l'ombilic et ses vaisseaux i03
— Sur la cause de la dépression cutanée de l'ombilic. . 193
— etMAGiTOT. . . . Note sur le tissu propre du bulbe dentaire. ... i6i
— Note sur le cartilage de Meckel 2
Rochas (de) Note sur le délire des Néo-Calédoniens 90
S
Sappey (C.) Vice de conformation du thorax 12
— Note sur la conformation extérieure de l'estomac du
Kanguroo de Bennet 167
— Note sur l'èpizooliequi a frappé le troupeau ri'alpacas
du Jardin zoologique d'acclimatation et sur quel-
ques faits relatifs à l'anatomie de ces animaux. . 176
Simon (Ed.) Fracture du crâne avec écoulement sanguin par l'o-
l'oreille I4l
SouBKiRAN (J. L.). . Note sur la manne d'J//iofff .^/aurorum D. C. . . . 1.S8
— Note sur la larve du Slratiomys ("hanueleon ... 135
VuLPUN P.emar([ues sur l'action de la cyclainine 59
— Expériences sur les effets de la galvanisation du nerf
ociiio-moieur commun clioz les inainiiiifores . . I6O
FIN DES TADLES.
LISTE DES OUVRAGES
OFFERTS A liA SOCIETE DE BIOIiOCîIE.
A
Annales de médecine de Wûrtzbourg. 1 toL, 1860.
Annuaire de l'Académie royale des sciences et des lettres de Belgique.
B
Berchon Recherches sur le tatouage.
BoNNEFiN Sur l'atrophie musculaire consccutiTe aux né-
vralgies. (Thèse inaugurale.)
Broca Ethnologie de la France.
— Sur le cancroïde épithélial et les tumeurs épi-
théliales.
— Mémoire sur l'hybridité chez l'homme et les ani-
maux.
— Mémoire sur les animaux ressuscitants. (Rapport
fait à la Société de Biologie.)
Bulletin de l'Académie royale de médecine de Belgique (1858-1859).
Bulletins delà Société anatomique (1859).
Bulletins de la Société d'anthropologie.
Bulletin de la Société botanique de France.
Bulletin de la Société médicale des hôpitaux de Paris. (Nouv. série.)
Bulletin de la Société philomatique, t. VI.
Bulletins de la Société impériale des naturalistes de Moscou.
Bulletin de la Société de médecine et de physique de Wiirtzbourg (1859).
Bulletin des sciences naturelles de Wiirtzbourg. 1 vol. 1860.
C
Carlo-Ambrolou Mémoire sur le grand sympathique.
Chossinat Mémoire sur la raétrorihée séreuse.
CuARCOT De la pneuoionie chronique. (Thèse de concours
pour l'agrégation.)
286
CnAuvKAu Théorie des effets' physiologiques produits par
l'électricité.
— Des effets physiologiques de l'électricité.
Comptes rendus de l'Académie des sciences de Philadelphie (1859).
Comptes rendus de la Société impériale de médecine de Marseille.
Comptes rendus de l'Assemblée des régents de l'institution Smithsonienne
(1859).
Compte rendu de la reconnaissance géologique des régions septentrionales
des Arkansas (1857-1858),
CosTALLAT De l'étiologie et delà prophylaxie de la pellagre.
D
Delore Mémoire sur la suppuration bleue.
Depaul Oblitération complète du col de l'utérus chez la
femme enceinte et de l'opération qu'elle ré-
clame.
— Rapport sur les Taccinations.
— De lu rétention d'urine chez l'enfant pendant la
vie fœtale.
Durand-Fardel et Lebret. Dictionnaire général des eaux minérales.
G
GiORDANO (SciPiONE). . . . Dclla fcbrc puerpérale.
Godard Mémoire sur la substitution graisseuse du rein.
-- Recherches tératologiques sur les difformités de
l'appareil génital.
Goubaux Torsion du vagin et de la matrice dans l'espèce
bovine.
GuBLER Sur le chirurgien Louis (Antoine). (Extrait de la
BlOGRAl'IUE UNIVERSELLE DE iMlCMAUX.)
GuiLLEMlN Note sur la direction dos courants induits, lors-
que le fd inducteur l'ait partie du fil télégra-
phique.
— Mémoire sur la propagation des courants dans les
fils télégraphiques.
H
HotiEL Des tumeurs du corps thyro'ide. (Thèse de con-
cours pour l'agrégation.)
J
Jordan (de Manchester). . . Du traitement des pseudartliroses par l'autoplas-
tie périnsîiqiie.
Journal de Charleston.
287
L
Laboulbène Des névralgies viscérales. (Thèse de concours
pour l'agrégation.)
Lacombe. .......... Compte rendu des travaux de la Société des
sciences médicales de l'arrondissement de Gan-
iiat (Allier), année 1858-1859.
Larotennk Etudes sur la circulation dans certains états phy-
siologiques et pathologiques. (Thèse inaugu-
rale.)
Lenhosseck (Joseph). . . . Mémoire sur les affections de la moelle épinière.
— Nouvelles recherches sur la structure du système
nerveux central.
M
Magitot Mémoire sur les tumeurs du périoste dentaire.
MiDDELDORPF De fistulis ventriculi interni.
MiCHON (Joseph) Sur les céix'aies eu Halle sous les Romains.
— Des connaissances géographiques des Romains
en Afrique d'après Pline. (Dissertation latine
inaugurale, 1859.)
— Rapport sur les études et recherches à faire en
Chine et au Japon dans l'ordre des travaux de
la Société zoologique d'acclimatation.
Milne-Edwauds fils Études chimiques sur les os.
— Influence la proportion de sulfate de chaux sur la
formation du cal.
S
Société royale de Londres. Procès-verbaux n^ 36, 37 et 40.
Société Smithsonienne de Philadelphie. Rai)port annuel.
V
Viennois Recherches sur le chancre primitif et les acci-
dents consécutifs produits par la contagion de
la syphilis secondaire. (Thèse inaugurale.)
Vrolik (d'Amsterdam). . . Catalogue de la bibliothèque de médecine et
d'histoire naturelle.
YuLPiAN Des pneumonies secondaires. (Thèse de concours
pour l'agrégation.)
FIN.
Païis.— Imprimé par E. Thumot bt C*, 26, •!*€ Racine.
\^;
*&i *»A»**
1