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Full text of "Comptes rendus des séances de la Société de biologie et de ses filiales"

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COMPTES RENDUS HERDOMADAIRES © b7 


DES 


SÉANCES ET MÉMOIRES 


DE LA 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


MARETHEUX 
Hébert: 
POLE ; 


COMPTES RENDUS HEBDOMADAIRES 


SÉANCES ET MÉMOIRES 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


TOME QUATRIÈME — NEUVIÈME SÉRIE 


ANNÉE 1892 


QUARANTE-QUATRIÈME DE LA COLLECTION 


Avec figures. 


DEEE — 


PARIS 
G. MASSON, ÉDITEUR 


LIBRAIRE DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE 


120, BOULEVARD SAINT-GERMAIN 


1892 


STADE sûr A 


AN RER AT PE en ER era. OUI Ur RIRE U Le IPUERS 


* 


LISTE 


DES 


MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


AU 31 DÉCEMBRE 1892 


ABRÉVIATIONS 


AA M, associé de l'Académie de médecine. 

AEP, agrégé à l’École de pharmacie. 

AFM, agrégé à la Faculté de médecine. 

AH, accoucheur des hôpitaux. 

Au, assistant au Muséum. 

cAM, correspondant de l’Académie de médecine. 
cx, chirurgien des hôpitaux. 

mAr, membre de l’Académie francaise. 

am, membre de l’Académie de médecine. 

M1, membre de l’Institut. 
mas, membre de l’Académie des sciences. 
mers, maître des conférences à la Faculté des sciences. 
MH, médecin des hôpitaux. 

Por, professeur au Collège de France. 

PE, professeur à l'École de médecine. 

Per», professeur à l’École de pharmacie. 

PEMM, professeur à l'École de médecine militaire. 
PE v, professeur à l'École vétérinaire. 

PFM, professeur à la Faculté de médecine. 

PFs, professeur à la Faculté des sciences. 

P mu, professeur au Muséum. 

PU, professeur à l'Université. 


ANCIENS PRÉSIDENTS 


Présidents perpétuels. 
MM. 
Rayer (1849-1867). 
Claude Bernard (1868-1878). 
Paul Bert (1879-1886). 


Présidents quinquennaux. 
MM. 
Brown-Séquard (1887-1892). 


COMPOSITION DU BUREAU 
(1892) 
PRÉSILENÉ M ANNE NT ee te M. Chauveau. 
Vice-présidents...................... M. Laveran, 
M. Regnard. 


Secrétaire général.................. 


Secrétaires ordinaires.............. 


TréSOPIerr 2 NRC era ne 
Archiviste 252220 ro Re Ne 


M. Dumontpallier. 
M. Capitan. 

M. Phisa!ix. 

M. Gilbert. 

M. Fabre-Domergue. 
M. Beauregard. 

M. Retterer. 


MEMBRES HONORAIRES 


MM. 

Albert (S. A. S.), Prince de Monaco. 

Beneden (P.-J. van), CAM, Pu. 

Brouardel, MAS, PFM, MAM, MH, 
doyen de la Faculté de médecine. 


Chauveau, MAS, PM, MAM, 10, ave- 
nue Jules-Janin. 


MM. 

Holmgren, professeur de physiolo- 
gie à l’Université d'Upsal. 

Ludwig (Carl), P u. 

Ollier, AAM, PFM, à Lyon. 

Pasteur (Louis), MAF, MAS, AAM, 
rue Dutot. 


MEMBRES TITULAIRES HONORAIRES 


MM. 

Arsonval (A. d’}, MAM, directeur du 
laboratoire de physique biolo- 
gique au Collège de France, 28, 
avenue de l’Observatoire. 

Balbiani (G.),Pcr, 18, rue Soufflot. 

Ball (B.), man, PFM, mu, 179, bou- 
levard Saint-Germain. 


MM. 

Berthelot(M.-P.-E.), MAS, MAM, PCF, 
sénateur, au palais de l’Institut. 

Bouchard, PFM, MAS, MH, MAM, 
174, rue de Rivoli. 

Bouchereau, mu, 1, rue Cabanis. 

Bourneville (D.), mu, 14, rue des 
Carmes. 


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— VI — 


MM. 

Brown-Séquard, MAS, CAM, PCF. 
49, rue François I°". 

Budin (Pierre), MAM, AFM, AH, 
129, boulevard Saint-Germain. 

Chamberland, directeur de Labora- 
toire, à l’Institut Pasteur, rue 
Dutot, 

Charcot (J.), MAM, MAS, PFN, MH, 
217, boulevard Saint-Germain. 
Chatin (G.-A.), mAM, MAS, 149, rue 

de Rennes. 

Chatin (Joannès), MAM, AEP, maître 
de conférences à la Faculté des 
sciences, 147, boulevard Saint- 
Germain. 

Cornil (V.), MAM, PFM, MH, séna- 
teur, 19, rue Saint-Guillaume. 
Dareste, directeur du laboratoire 
de tératologie à l’École des 
Hautes-Études, à Paris, 37, rue 

de Fleurus. 

Dastre (A.),PFS,avenued’Antin, 73. 

Duguet, AFM, MAM, MH, 60, rue 
de Londres. 

Dumontpallier, MAM, MH, 21, rue 
Vignon. 

Duval (Mathias), mMAM, PFM, 11, 
cité Malesherbes. 

Francois-Franck, MA M, directeur- 
adjoint du laboratoire de phy- 
siologie au Collège de France, 
>, rue Saint-Philippe-du-Roule- 

Galippe (V.), chef du laboratoire 
de la clinique d’accouchements, 
12, place Vendôme. 

Gallois, à Villepreux (Seine-et-Oise), 
et 50, rue du Four, Paris. 

Grancher, PFM, MAM, Mu, 36, rue 
Beaujon. 

Gréhant (N.), AM, 17, rue Ber- 
thollet. 

Grimaux, À F M, professeur à l'École 
polytechnique et à l’Institut agro- 


MM. 
nomique, 123, boulev. Montpar- 
nasse. 
Hallopeau, 4 FM, M4, 91, boulevard 
Malesherbes, 
Hamy, m1, pm, rue de Lubeck, 40. 
Hanot, AFM, Mu, 122, rue de Ri- 
voli. 
Hayem (G.),PFM,MAM,MH,7, rue 
de Vigny. 
Henneguy préparateur au Collège 
de France, 9, rue Thénard. 
Hénocque, directeur-adjoint du la- 
boratoire de médecine au Collège 
de France, avenue Matignon, 11. 
Javal, MAM, directeur du laboratoire 
d’ophtalmologie à la Sorbonne. 
Joffroy, AF M, Mu, 186, rue de Ri- 
voli. 
Künckel d’'Herculais (Jules), 4 M, 
20, villa Saïd. 
Laborde (V.), Am, chef des tra- 
vaux physiologiques à la Faculté 
_de médecine, 15, rue de l'École- 
de-Médecine. 
Laboulbène, MAM, PF M, Mu, 184, 
boulevard Saint-Germain. 
Lancereaux (E.), MA M, AFM, MH, 
44, rue de la Bienfaisance. 
Landouzy, AF M, Mu, 4, rue Chau- 
veau-Lagarde. 
Larcher, 97, Grande-Rue de Passy. 
Leblanc, M A M, 88, avenue Malakoff. 
Leven, 12, rue Richer. 
Luys, M A H, M 4,20, rue de Grenelle. 
Magitot, MA M, 8, rue des Saints- 
Pères. 
Magnan, mu, 1, rue Cabanis. 
Malassez, directeur-adjoint du la- 
boratoire d’histologie générale 
au Collège de France, 168, bou- 
levard Saint-Germain. 
Marey, Mas, mA, PCF, 11, bou- 
levard Delessert. 


= A 


MM. 

Mégnin (Pierre), rédacteur en chef 
du journal l’Éleveur, avenue Au- 
ber, 2 ter, Vincennes. 

Michon (Joseph), 33, rue de Baby- 
lone. 

Milne-Edwards (Alph.),MAS, MA, 
PM,PEP, 51, rue Cuvier. 

Ollivier (Aug.)}, AFM, MA M, ME, d, 
rue de l’Université. 

Onimus, 7, place de la Madeleine. 

Poncet (de Cluny), à Vichy. 

Pouchet, PM, 16, rue de l'Éperon. 

Quinquaud, M 4 M, 4 F M, MH, 20, bou- 
levard Saint-Germain. 

Ranvier, MAM, MAS, PCF, 28, ave- 
nue de l'Observatoire. 

Raymond (F.), AFM, Mu, 21, rue 
de Rome. 

Regnard (Paul), professeur à l'Ins- 
titut agronomique, directeur-ad- 
joint du laboratoire de physio- 


MM. 4 
logie expérimentale de l'École 
des Hautes-Études, 224, boule- 
vard Saint-Germain. 

Regnauld (J.), mMAm, PF M, 40 bas, 
faubourg Poissonnière. 

Richet (Ch.), PrM, 15, rue de 
l’Université. 

Robin (Albert), AFM, MAM, MH, 4, 
rue de Saint-Pétersbourg. 

Rouget (Charles), PM AAM, au 
Muséum. 

Sappey, MAS, MAM, PFM, 16, rue 
de Fleurus. 

Sinety (de), 14, place Vendôme. 

Straus, P F M, M H, 19, rue Lagrange. 

Trasbot, PE v, MA, à Alfort. 

Vaillant (L.), P M, 2, rue de Buffon. 

Verneuil, MAS, MAM, PFM, CH, 
11, boulevard du Palais. 

Vidal, MA M, mx, 65, rue d’Anjou- 
Saint-Honoré. 


MEMBRES TITULAIRES 


MM. 

Babinski, mu, 54, rue Bonaparte 
(9 juillet 1887.) 

Balzer, mu, 8, rue de l’Arcade 
(10 juillet 1886). 

Beauregard (Henri), AFP, AM, 
49, boulevard Saint-Marcel (6 dé- 
cembre 1884). 

Blanchard (Raphaël), AFM, secré- 
taire général de la Société z00- 
logique de France, 32, rue du 
Luxembourg (16 février 1884). 

Bloch, 13, rue du Conservatoire 
(9 août 1884). 

Bonnier, PFS, 15, rue de l’Estra- 
pade (1° décembre 1883). 

Bourquelot, AEP, pharmacien des 
hôpitaux, 42, rue de Sèvres 
(4 juillet 1885). 


MM. 

Brissaud, AFM, Mu, 9, quai Vol- 
taire (4 février 1888). 

Capitan, 5, rue des 
(10 décembre 1881). 

Chabry, 182, boulevard Saint-Ger- 
main (30 avril 1887). 

Charrin, AFM, MH, 11, avenue de 
l'Opéra (26 mars 1887). 

Chouppe, 10, rue Vital (26 no- 
vembre 1892). 

Dejerine, AF M, m4, 168, boulevard 
Saint-Germain (19 juillet 1884). 

Duclaux, MAS,PFS, 35 ds, rue de 
Fleurus, 15 (11 avril 1885). 

Dupuy (E.), 53, avenue Montaigne 
(6 juin 1886). : 

Fabre-Domergue, 20, rue de la 
Clef (11 avril 1891). 


Ursulines 


MM. 
Féré (Ch.), mu, 37, boulevard 
Saint-Michel (28 février 1885). 
Gellé, 4, rue Sainte-Anne (12 7an- 
vier 1884). 

Giard, PFS, 14, rue Stanislas, 
(23 juillet 1887). 

Gilbert, M x, A F M, 6, rue Delaborde 
(10 mai 1890). 

Gley, A Fm, 37, rue Claude-Bernard, 
(27 février 1886.) 

Guignard, PEP, À, rue des Feuil- 
lantines (7 janvier 1888). 

Kaufmann, PEVv, à Alfort (30 no- 

vembre 1889). 


Langlois, 4, rue Berthollet (12 dé- 


cembre 1891). 

Laveran, PEMM, 10, rue Stanislas 
(7 juin 1890). 

Netter, AFM, MH, 129, boulevard 
Saint-Germain (23 février 1889). 

Nocard, PE v,mA m, à Alfort (5 mars 
1887). 


MM. 

Perrier, MAS, PM, 26, rue Gay- 
Lussac (22 janvier 1887). 

Phisalix, 5, rue des Chantiers, 
(13 décembre 1890). 

Railliet, PE v, à l'École vétérinaire 
d'Alfort (13 juin 1891). 

Rémy (Ch.), A rm, 46, rue de Lon- 
dres (12 décembre 1885). 

Retterer, À F M, 19, boulevard Saint- 
Marcel (4 juin 1887). 

Roger AFM, MH, 4, rue Perrault 
(2 juin 1888). 

Varigny (De), 7, rue de Sfax (15 fé- 
vrier 1890). 

Troisier, AFM, MH, 32, rue Cau- 
martin (17 novembre 1887). 

Vignal (William), répétiteur au 
Collège de France, 90, rue d’As- 
sas (14 juin 1884). 

Wurtz, 67, rue des Saints-Pères 
(26 décembre 1891). 


MEMBRES ASSOCIÉS 


MM. 

Arloing, PFM, PE v, à Lyon. 

Beale, Lionel S., à Londres. 

Beaunis, P FM, à Nancy. 

Bowman (W.), à Londres. 

Dugès (Alfred), consul de France 
à Guanajuato (Mexique). 

Hannover, Copenhague. 

Huxley (Th.-H.), FRS, à Londres. 

Le Roy de Méricourt, AAM, 5, rue 
Cambacérès, à Paris. 

Lépine, P FM, à Lyon. 

Lortet, pP FM, à Lyon. 


MM. 

Marion, PFrSs, Marseille. 

Moleschott, Rome. 

Metchnikoff, chef de laboratoire à 
l’Institut Pasteur, rue Dutot. 

Paget (James), Sir, à Londres. 

Renaut (J.), PFM, MA M, à Lyon. 

Roux, directeur-adjoint du labora- 
toire Pasteur, rue Dutot. 

Sanson, professeur à l’Institut agro- 
nomique, Paris. 

Vogt (Carl), Pu, à Genève. 


MEMBRES CORRESPONDANTS NATIONAUX 


MM. 
Baréty, à Nice. 
Bergonié, AFM, à Bordeaux. 


MM. 


Brasse, 25, rue Chasselièvre, à 
Rouen. | 


MM. 
Cazeneuve (Paul), PF M, à Lyon. 
Charpentier, PF M, à Nancy. 
Coyne, Pr M, à Bordeaux. 
Daremberg, MAM, à Cannes. 
Debierre (Ch.), pr M, à Lille. 
Delore, à Lyon. 
Desgranges, à Lyon. 
Dubois (Raphaël), PFSs, à Lyon. 
Duret, professeur de l’Université 
catholique, à Lille. 
Gamaleïa, à Paris. 
Gilis, à Montpellier. 
Gimbert, à Cannes. 
Herrmann (Gustave), 
Lille. 
Huet, PEPNM, à Caen. 
Jobert (Gl.), PFs, à Dijon. 
Jolyet, PFM, à Bordeaux. 
Jourdan, à Marseille. 
Jourdain, à Montpellier. 
Laguesse, À FM, à Lille. 
Lambling, PFM, à Lille. 
Laulanié, PEv, à Toulouse. 
Leloir (Henri), PFM, à Lille. 


PFM, à 


MM. 

Lennier (G.), directeur du Muséum, 
au Havre. 

Livon, PEM, à Marseille, 

Luton, PEM, à Reims. 

Maurel, À F M, médecin principal de 
la marine, à Toulouse. 

Morat, PFM, à Lyon. 

Moynier de Villepoix, PEM, à Amiens. 

Nepveu, PEM, à Marseille. 

Nicati, à Marseille. 

Nicolas, AFM, à Nancy. 

OEschner de Coninck,Pprm, à Mont- 
pellier. 

Pelvet, à Dives. 

Peyraud, à Libourne. 

Pierret, PFM, à Lyon. 

Pitres, doyen et PFM, MAM, à Bor- 
deaux. 

Rietsch, à Marseille. 

Testut (Léo), PFM, à Lyon. 

Thierry (E.), directeur de l'École 
d'agriculture dela Brosse(Yonne). 

Tourneux (Frédéric), PFM, à Paris. 

Vialannes, à Paris. 


MEMBRES CORRESPONDANTS ÉTRANGERS 


MM. 
Allemagne. 
Bois-Raymond (Émile du), pu, à 
Berlin. 
Helmholtz, P&ü, à Berlin. 
Leuckart (R.), à Leipzig. 
Virchow (R),.Pu, à Berlin. 


Autriche-Hongrie. 


Adamkiewiez (Albert), PU, à Cra- 
covie. 


Belgique. 


Crocq, à Bruxelles. 


MM. 

Frédéricq (Léon), ru, à Liège. 
Gluge, à Bruxelles. 

Plateau (Félix), PU, à Gand. 


Brésil. 


Abbott, à Bahia. 
Motta-Maïa, à Paris. 


Chili. 
Lataste, P FM, à Santiago. 
Espagne. 


Tolosa y Latour, à Madrid. 


-— X[ — 


MM. 


Havane. 


Sanchez Toledo, à Paris. 


États-Unis. 


Seguin (E.-C.), à New-York. 
Stiles, Washington. 


Grande-Bretagne. 


Beevor (Ch.-Edw.), 33, 
street, W., à Londres. 

Berkeley (M.-J.), à Kings-Clifr. 

Horsley (Victor), 80, Park street, 
Grosvenor square, W., à Lon- 
dres. 

Marcet, à Cannes (Alpes-Maritimes). 

Redfern, à Belfast. 

Simon (John), à Londres. 

Williamson, à Londres. 


Harley 


Italie. 


Lussana, PU, à Palerme. 
Martini, à Naples. 


| MM. 


Perroncito (Eduardo), PU, à Turin. 
Vella, à Sienne. 


Portugal. 
Mello (de), à Lisbonne. 


Russie. 


Mendelsohn (Maurice), à Saint-Pé- 
tersbourg. 

Mierzejewsky, à Saint-Pétersbourg. 

Pelikan, à Saint-Pétersbourg. 

Tarchanoff (de), pu, à Saint-Péters- 
bourg. 

Suisse. 

Duby, à Genève. 

Miescher, PU, à Bâle. 

Prévost, PU, à Genève. 

Girard, à Genève, privat-docent à 
l’Université. 


Valachie. 


Vitzou, pu, à Bucharest,. 


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COMPTES RENDUS 


HEBDOMADAIRES 


DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


SÉANCE DU 9 JANVIER 1892 


M. Gurenarp : Remarques sur la communication faite par M. Fayod, dans la séance 
du 26 décembre 18914. — M. Ev. A. GranD : Le criquet-pèlerin (Schistocerca pere- 
grina Oliv.) et son cryptogame parasite (Lachnidium acridiorum). — M. le Dr A.-H. 
PreLrer : Étude histologique des érosions hémorragiques de la muqueuse de l’es- 
tomac. — MM. Roner et Pourrar : Quelques expériences sur la physiologie du 
pneumothorax par plaie pénétrante de la poitrine. — M. P. Taéconan : Sur quelques 
nouvelles coccidies parasites des poissons. — M. En. ReTTERER : Du tissu angiothélial 
des amygdales et des plaques de Peyer (Mémoires). —M. À. BorreL : Sur un mode 
de formation cellulaire intranucléaire pouvant éveiller à tort l’idée de parasites 
dans l'épithélioma. 


Présidence de M. Laveran. 


CORRESPONDANCE IMPRIMÉE. 


M. le professeur LÉON FREDERICQ fait hommage à la Société d’un 
exemplaire de l'ouvrage qu'il vient de publier, ayant pour litre : Mani- 
pulations de physiologre. 


REMARQUES SUR LA COMMUNICATION FAITE 
PAR M. FAYOD, DANS LA SÉANCE DU 26 DÉCEMBRE 1891, 


par M. Guicnaro. 


Je regrette de m'être trouvé absent à la dernière séance au moment où 
M. Fayod a exposé, sur la structure du protoplasme, les idées qu'il avait 
développées, il y a près de neuf mois, dans un travail publié dans la 
Revue de Botanique dirigée par M. Gaston Bonnier. Je lui aurais, en effet, 


demandé quelques explications à propos de la technique qu’il croit sus- 


ceptible de mettre en évidence la structure spiralée du protoplasme. 
M. Fayod prétend, entre autres choses, qu'on peut faire pénétrer avec la 
plus grande facilité du mercure ou de la bouillie d'indigo à travers les 
membranes des cellules végélales, et imprégner ainsi les spiricules qui, 
pour lui, constituent le protoplasme de toutes les cellules. Or, sans dis- 
cuter en détail les divers points de sa communication, il est peut-être bon : 
qu'on sache que plusieurs personnes, habituées à ce genre d'observations, 
et que M. Fayod a cherché à convaincre depuis près d’un an, n’ont jamais 
réussi à voir dans ses propres préparations les spiricules dont il s’agit, et 
je ne crois pas que les histologistes qui assistaient à la dernière séance 
aient été plus heureux. 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9° SÉRIE, T, IV. 1 


9 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


LE criQueï-PÈLERIN (Schistocerca peregrina Oliv.) ET SON CRYPTOGAME 
PARASITE (Lachnidium acridiorum), 


par M. Ep. ALFRED GIARD. 


Le 20 juin 4891, j'ai présenté à la Société de biologie quelques consi- 
dérations sur le champignon parasite des criquets-pèlerins découvert en 
Algérie par notre collègue Kunckel d'Herculais. 

Depuis, j'ai continué mes recherches sur ce cryptogame el j'en ai exposé 
les résultats dans deux communications à l’Académie des sciences (séances 
du 29 juin et du 7 décembre 1891). 

Au point de vue pratique, j'ai eru bon de réfréner dès le début des 
espérances illusoires. L'insuccès à mon avis certain de l’emploi de Lachni- 
dium contre les criquets d'Algérie ne manquerait pas, en effet, de jeler un 
discrédit général sur une méthode en principe excellente, de destruction 
des insectes nuisibles. 

Depuis quelques mois, plusieurs journaux scientifiques ont publié sur 
cet objet des articles qui fourmillent d’inexactitudes et semblent faits pour 
compliquer à plaisir une question déjà difficile en elle-même. Il devient 
nécessaire, puisqu'on se plaint de mon silence (1) de rectifier les erreurs 
contenues dans ces productions hâtives si nuisibles aux progrès de la 
science. 

Dans une note parue dans la Vature du 26 septembre, je réclamais cer- 
tains renseignements à mon avis indispensables pour apprécier à leur 
juste valeur les observations faites récemment sur les criquets-pèlerins 
d'Algérie et en particulier sur le cryptogame parasite de ces acridiens. 

Quelques jours plus tard, M. Ch. Brongniart rééditant avec quelques 
additions dans le ÂVaturaliste (1% octobre 1891) l’article qu'il avait 
publié dans la UVature du 22 août, répondait (au moins partiellement) 
à un des desiderata, que j'avais exprimés, concernant la détermination 
plus précise du parasite en question. 

« Examiné au microscope, nous dit M. Ch. Brongniart, le champignon 
qui envahit principalement les organes respiratoires, se présente sous 
forme de mycélium court et trapu, peu abondant, accompagné d’un grand 
nombre de spores. Celles-ci sont de deux sortes : celles qui proviennent 
des pubescences blanchâtres sont arrondies, ou ovoïdes ou plus allongées, 

et alors offrent souvent une cloison qui amène un étranglement; leur 
contenu offre des granulations assez réfringentes. » 

Voilà qui est encore bien peu précis, mais ce commencement de des- 


(4) Ch. Brongniart, Les champignons entomophytes, La Nature, 22 août 1891, 
p. 186, note 2. 


SÉANCE DU 9 JANVIER 3 


cription nous permet d'affirmer néanmoins qu’il ne s’agit ni d’un Botrytis 
comme le suppose M. Ch. Brongniart, ni même d’une Isariée quelconque. 
Jamais, en effet, Botrytis ne posséda des spores de deux sortes, et surtout 
des spores cloisonnées. Les spores des Potrytis ont un contenu brillant, 
très homogène et ne contiennent pas de granulations. 

« Le champignon, nous dit-on, envahit principalement les organes 
respiratoires... » Or, les Isariées envahissent d’abord les corps grais- 
seux et ne montrent leurs fructifications externes qu'après la mort de 
l'insecte et bien plus de six jours après l’infestation. 

Dans ses premières publications (Dépêche Algérienne du 14 juin, Nature 
du 22 août), M. Ch. Brongniart rapprochait le cryptogame des criquets 
des Potrytis bassiana et B. tenella. Les indications qu'il nous fournit dans 
le Naturaliste du 1% octobre, prouvent qu'il s’agit d’un champignon tout 
différent et probablement identique à celui que m'ont envoyé MM. Kunc- 
kel d’'Herculais et Langlois et que j'ai décrit sous le nom de Lachnidium 
acridiorum. Mais alors, les dimensions que M. Ch. Brongniart avait pri- 
mitivement attribuées aux spores de ce cryptogame (1/500° millimètres) 
sont tout à fait erronées. Des cultures vraiment pures auraient dû con- 
duire à une rectification immédiate de la détermination, car il n’y a aucune 
ressemblance entre ces cultures et celles des divers Zsaria ou Botrytis 
entomophytes. Le Lachnidium est un champignon presque inoffensif pour 
les eriquets, lorsque ceux-ci ne sont pas épuisés par l’âge ou d’autres 
circonstances. On ne peut attendre aucun résultat utile de l'emploi de ce 
parasite superficiel. Les conditions climatériques de l'Algérie rendraient 
d’ailleurs cet emploi extrêmement difficile. 

Les détails donnés par M. Ch. Brongniart sur les mœurs des Acridiens 
sont connus depuis le xvin° siècle pour le moins. Un mot seulement encore 
sur la coloration tantôt jaune, tantôt rose du Schistocerca peregrina. 

A lire les dernières notes de M. Ch. Brongniart à l’Académie des 
sciences et les diverses communications relatives à la récente invasion des 
criquets-pèlerins en Algérie, il semblerait que la constatation de ces colo 
rations différentes soit un fait tout nouveau ou vaguement signalé parles 
précédents observateurs; je ne prendrais pas la peine de relever cette 
absence d'érudition si la répétition trop fréquente de semblables igno- 
rances bibliographiques ne nous mettait dans une posture ridicule aux 
yeux des naturalistes étrangers (1). 

Depuis près de trente ans, de Selys-Longchamps, Brunner de Watten- 
wyl, Bolivar, Mac-Lachlan, Scudder ont tour à tour porté leur attention 
sur cette question intéressante. 

La couleur rose paraît être celle du Schistocerca type. C’est la couleur 


(1) M. Brongniart cite comme le seul entomologiste ayant signalé cette 
couleur, Hauvel, d’après Brehm (1878) ! 


4 SUCIÉTE DE BIOLOGIE 


de la forme américaine qui est, comme on sait, la souche de l'espèce, Les 
criquets d'Afrique ayant été introduits sans doute par émigration à une 
époque très reculée. Peut-être comme le suppose de Selys, ce que la Bible 
dit de la plaie des sauterelles d'Égypte pourrait s'appliquer à la première 
apparition des pèlerins dans la vallée du Nil. Dans l'Inde et dans l'Afrique 
occidentale (Sénégal), c'est également la variété rouge qui domine et c’est 
elle qu’on retrouve chez les bandes émigrées dans le sud de l'Espagne 
(Bolivar), en Portugal (Brunner) et jusqu'en Angleterre (Mac-Lachlan). Au 
contraire, la variété jaune se rencontre dans le nord et l’est de l'Afrique 
d’où elle a quelquefois émigré en Syrie, à Corfou et aux Baléares. 

Naturellement les jeunes reproduisent phylogénétiquement la couleur 
rose de la race ancestrale. Les jeunes de plusieurs orthoptères indigènes 
sont aussi roses ou verts et deviennent jaunes en vieillissant. Ces change - 
ments de couleurs sont faciles à observer chez nos Decticus et chez plu- 
sieurs Stenobothrus où ils me paraissent liés à des faits très curieux de 
mimétisme. Mais l'étude des pigments animaux est des plus complexes et 
je n’aurais pas parlé de ces recherches non terminées si je n’y avais été 
entraîné par la publication récente d'hypothèses pour le moins nasardées 
et ne reposant sur aucune observation suivie (1). 


ÉTUDE HISTOLOGIQUE 
DES ÉROSIONS HÉMORRAGIQUES DE LA MUQUEUSE DE L'ESTOMAC, 


par M. LE D° A. H. Pizrrer. 


L’érosion hémorragique, qu'on devrait nommer érosion de Cruveilhier, 
car c’est lui qui a, le premier attiré, l'attention sur cette lésion et montré 
sa valeur, n’est pas une lésion spécifique ; car on la rencontre dans toutes. 
les gastrites secondaires, quelle que soit leur cause. Mais elle est pour- 
tant intéressante pour l’anatomiste, car c’est un mode de réaction aux 
agents morbides propre à l'estomac, et s’expliquant par la constitution: 
anatomique et la physiologie spéciales de l'organe qui en est le siège. 


(4) La présente communication (à partir du paragraphe 5) a été envoyée le 
10 octobre au directeur du Naturaliste qui, pour des raisons extra-scienti- 
fiques, n’a pas cru devoir l’insérer. Ilme paraît utile de la publier aujourd'hui 
sans changements, bien que M. Ch. Brongniart ait, dans une publication ré- 
cente (Bulletin de la Société nationale d'agriculture), apporté certaines mo- 
difications à sa première manière de voir, multipliant ainsi ses erreurs au 
lieu de les corriger. 


SÉANCE DU 9 JANVIER 5 


Sans vouloir en reprendre la description qui a été faite d’une façon par- 
faite par les auteurs précédents, nous indiquerons brièvement l'aspect à 
l'œil nu de cette lésion. On peut la rencontrer sous diverses formes. Dans 
les gastrites survenant au cours d’une maladie à périodes aiguës, telles que 
l’urémie du gros rein blanc ou de l’éclampsie, on rencontre un estomac à 
muqueuse épaissie, par allongement des villosités qui portent les cellules 
caliciformes. Toute la surface gastrique est couverte d’un mucus épais et 
tenace sécrété par ces cellules, etau milieu de la grande courbure, on cons- 
taté des plis radiés et anastomosés qui paraissent fixes, c'est-à-dire que la 
muqueuse peut difficilement se déplisser en ces points. 

La teinte générale est ardoisée, plus ou moins foncée, pour l'estomac 
cardiaque ; d’un blanc grisâtre pour l'estomac pylorique, dont la muqueuse 
est épaissie et mamelonnée. C’est au sommet des plis de la grande cour- 
bure qu’on rencontre en général les érosions à bord net, comme si elles 
avaient été faites à l’emporte-pièce, à fond rosé. Elles paraissent très pro- 
fondes, car toute la muqueuse est épaissie par allongement des villosités. 
On peut n'en rencontrer qu'une ou deux; l'estomac peut aussi en être 
cribié, le liquide qu'il contient est, en général, mêlé de sang. 

A côté de cette forme, il en est une autre que l'on rencontre surtout 
chez les malades ayant succombé à des affections lentes; une maladie 
mitrale par exemple. La muqueuse est alors diminuée de hauteur, les 
érosions sont beaucoup plus larges, plus étalées, leur fond présente une 
teinte bistre ou sépia due à l’action du suc gastrique sur le sang. Une des 
planches de l'Atlas de Cruveilhier donne le type de cet état. Les érosions, 
dans ces cas, peuvent devenir très étendues et présenter une série de 
types échelonnés menant vers l’ulcère rond bien constitué. 

Mais la forme rapide et la forme lente ne constituent pas tous les 
aspects de la lésion; il existe aussi la forme de guérison, que Cruveilhier 
avait aussi notée. La dépression en cupule a fait place à une fente 
allongée, dans le sens du pli de la muqueuse sur lequel l’érosion s’est 
développée. Elle présente des froncements latéraux ; quand elleestrécente, 
elle se trouve accusée par la présence d’un mince caillot sanguin, rouge 
ou noir, qui écarte ses lèvres; plus tard, elle est tout à fait nette et en 
partie comblée par les glandes qui repullulent. Il est assez fréquent de 
trouver deux ou trois de ces érosions, qui coexistent souvent avec des 
érosions encore ulcérées, dans l’estomac des tuberculeux. 

L’érosion dont nous venons d'esquisser Le tableau a été signalée souvent, 
et les principaux stades de son évolution ont été bien décrits. Mais cha- 
que observateur ne voyait guère qu'un seul stade, une seule période. 
Aussi avons-nous pensé qu'il y aurait intérêt à prendre l’histoire de la 
lésion à son début et à la suivre jusque dans ses différentes termi- 
naisons. 

Rappelons brièvement qu'après la magistrale description de Cruveilhier 
sur les lésions observées à l’œil nu, nous rencontrons dans l'historique 


6 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


[2 


des lésions gastriques, indépendamment de W. Fox, de Brinton, de 
Luton, les travaux de Parrot sur l’ulcération gastrique dans l’athrepsie, 
ceux de M. Balzer, qui concernent des érosions. gastriques survenues 
chez des alcooliques et remarquables par l'infiltration des cellules 
embryonnaires autour des veines avoisinant l’ulcération, et enfin une 
observation avec examen histologique très complet, rapportée par 
M. Hautecœur dans sa thèse sur les troubles et les lésions de l’estomac 
chez les cardiaques. 

Dans ces différents travaux, et dans d’autres que nous ne citons pas 
pour abréger cette note, l'érosion n’est pas toujours décrite de la même 
façon, ce qui tient à son évolution, laquelle peut présenter des variétés 
assez considérables, puisqu'elle peut guérir ou aboutir à la formation 
d’un ulcère rond en miniature. Dans l'étude dont nous rapportons ici les 
conclusions, nous nous sommes servi d’estomacs recueillis dans les meil- 
leures conditions possibles, l’un d'eux provenant d’une femme chez 
laquelle or fit une opération césarienne post mortem était en particulier 
beaucoup plus frais que les estomacs de suppliciés qui nous arrivent à 
l'École pratique. Les coupes étaient d’ailleurs comparées avec des coupes 
de ces mêmes estomacs de suppliciés, en sorte que nous croyons pouvoir 
éviter le soupcon d’altération cadavérique qui vient si facilement lors- 
qu'il s’agit des lésions d'organes susceptibles d’auto-digestion, tels que 
l'estomac ou le pancréas. Nous nous sommes borné à un choix de six 
observations qui nous ont paru représenter les principales étapes de 
l'érosion hémorragique. Le détail histologique de ces observations 
dépasserait inutilement les limites de cette note ; elles seront d’ailleurs 
publiées intégralement dans un prochain mémoire, et nous soumetltons 
seulement aujourd’hui à la Société les conclusions que nous avons cru 
pouvoir tirer de cette étude. 

Le début de l'érosion hémorragique est, en général, assez constam- 
ment le même. Sur une muqueuse dont toutes les villosités sont infiltrées 
de cellules rondes, dont les capillaires superficiels sont dilatés, il se fait 
de véritables farcissements de tissu villeux par des épanchements san- 
guins provenant des capillaires. Les villosités se dénudent, se soudent 
entre elles et les glandes deviennent de moins en moins distinctes dans 
la masse. Cet état gagne en profondeur et s'arrête en général au niveau 
du point où les cellules bordantes commencent à apparaître dans les 
glandes. C’est donc à ce point que se limitera l’eschare résultant de 
l’action du suc gastrique sur le composé de cellules rondes et de globules 
rouges qui s’est superposé au tissu normal. L’eschare une fois produite 
peut former un bourbillon où les éléments se retrouvent encore un peu 
distincts, ou bien une plaque noire et sèche, comme c'est le cas dans les 
érosions expérimentales du lapin. 

Après l’éliminalion de l’eschare, il reste donc au pourtour les villo- 
sités enflammées du voisinage, on trouve dans leurs capillaires les plus 


1 


SÉANCE DU 9 JANVIER 


voisins de la perte de substance le sang coagulé sous la forme de blocs 
jaunâtres ; et au fond les glandes réduites à leurs culs-de-sac. La char- 
pente conjonctive est tombée avec Le corps des glandes : et le suintement 
sanguin qui colore l'érosion en rouge est fourni par les capillaires 
ouverts. Il n’existe pas à ce moment d'infiltration embryonnaire de la 
charpente connective qui fait le fond de l’ulcère ; l'examen d’un estomac 
d’éclamptique dans lequel le bourbillon est encore en place sur un cer- 
tain nombre d’érosions permet d’être affirmatif à cet égard. 

L’érosion à ce stade peut se réparer ; elle prend une figure éloilée et 
se comble peu à peu par l’allongement progressif et simultané de la 
charpente interglandulaire et des culs-de-sac restés en place. On voit 
alors ces culs-de-sac se pelotonner et se remplir en grande partie de 
cellules cylindriques à mucus, au lieu des cellules principales qu’ils con- 
tiennent normalement. Cette érosion ainsi guérie se trouve sur les estomacs 
qui ne contiennent qu'un petit nombre d’érosions en activité. 11 est à 
remarquer que dans ce cas l’épithélium superficiel semble se réparer aux 
dépens des cellules glandulaires proliférées, recouvrant la charpente 
connective. On a constaté des faits semblables en Italie à la suite de bles- 
sures expérimentales de la muqueuse gastrique, faite au bistouri ou à la 
curette tranchante. 

Mais ce que l’on voit le plus souvent, c’est l’infiltration embryonnaire 
des parois et du fond de l’ulcère. Les glandes peuvent alors être dissociées 
par la prolifération conjonctive, puis disparaître à peu près totalement, 
La dépression s’élargit alors, sa base se sclérose, et l’on constate simulta- 
nément une diminulion de hauteur de la muqueuse gastrique, avec cir- 
rhose plus ou moins prononcée autour des groupes de glandules. On sait, en 
effet, que chaque tube glandulaire, au lieu de s'ouvrir directement sur la 
muqueuse, se trouve groupé avec un certain nombre d’autres tubes autour 
d'une embouchure commune. Les cellules gastriques sont alors atrophiées 
dans le tissu scléreux, ou se transforment en cellules à mesure dans les 
pseudo-acinis qui se forment aux dépens des glandes restantes. L'érosion 
gastrique est alors couleur de suie, par l’action du suc gastrique sur les 
capillaires du tissu de bourgeons charnus qui la circonserit. 

Enfin, dans des formes plus chroniques, le tissu embryonnaire diminue 
à son tour et l'érosion n’est plus alors qu’une dépression assez large, sur 
une muqueuse plate, dépression dont le fond est constitué par du tissu 
scléreux. C'est une espèce de cicatrisation par le tissu fibreux, comparable 
à celle que l’on peut observer dans l'ulcère rond. Mais, même à ce stade, 
l'érosion est soumise à l’action destructive du suc gastrique, qui peutouvrir 
les vaisseaux du tissu scléreux et produire soit des hémorragies veineuses, 
soit de pelits anévrysmes miliaires fissurés de l'estomac, dont nous avons 
pu observer un exemple. 

Les lésions de gastrite qui accompagnent l'érosion ne sont pas les mêmes 
pour chacune de ses variélés. En général, avec l’érosion récente on cons- 


8 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


tate l'infiltration des villosités, ou tout au moins leur allongement d’où 
résulte l'accroissement de la surface de sécrétion du mucus. Avec les 
érosions anciennes, à fond bourgeonnant, c’est surtout l’atrophie des 
glandes et la sclérose gastrique que l’on observe. 


QUELQUES EXPÉRIENCES SUR LA PHYSIOLOGIE DU PNEUMOTHORAX 
PAR PLAIE PÉNÉTRANTE DE LA POITRINE, 


par MM. Roper et POURRAT. 


Travail du Laboratoire de médecine expérimentale et comparée 
de la Faculté de médecine de Lyon. 


Nous nous sommes proposé d'abord d'étudier le sort de l'air introduit 
dans la cavité pleurale ; en second lieu, d'examiner quels sont les troubles 
apportés par le pneumothorax dans le fonctionnement des appareils res- 
piraloire et circulatoire. Toutes nos expériences ont été faites sur des 
chiens. 


Pour la première étude, nous introduisons dans la plèvre des quantités 
d'air mesurées, par une ouverture de la paroi thoracique assez pelite 
pour ne pas permettre une libre communication du pneumothorax avec 
l'air extérieur. Nous ne décrirons pas en détail notre technique ; nous 
dirons seulement que nous nous servions, pour pénétrer dans la cavité 
pleurale, d’une canule de verre spéciale, dont l'extrémité fine était 
mousse et portait un orifice latéral, de manière à traverser facilement 
les muscles en écartant leurs fibres, et à repousser le poumon sans le 
perforer, L'air dirigé dans la plèvre était filtré à travers un tampon 
d’ouate. La canule était stérilisée avant l'emploi. Toutes nos expériences 
ont montré que l’air ainsi privé de germes n'exerce aucune action nocive 
sur la plèvre et le poumon. Après un nombre variable de jours, on 
sacrifiait les animaux ; on retirait le gaz de la poitrine, en l’aspirant par 
le mercure au moyen d’un dispositif spécial que nous ne pouvons pas 
décrire ici, on le mesurait dans une cloche graduée, et on l’analysait. 
Voici nos résullats. 

La quantité d'air enfermée dans la cavité pleurale diminue graduelle- 
ment. Celle résorption, qui ne tarde pas à aboutir à une complète dispa- 
rilion, s'accompagne de changements notables dans la composition du 
mélange gazeux : l’oxygène diminue ; de l'acide carbonique s’y mêle 


] 
3 


SÉANCE DU 9 JANVIER 9 


tout de suite en proportions croissantes, pour se résorber ensuite à peu 
près parallèlement aux autres gaz. Le tableau suivant fixera les idées sur 
la marche du phénomène. 


# à ARR 
À : COMPOSITION ln Ed 
2 | A1 moe ; ES 2ez ass 
= = _-=|E = = à CENTÉSIMALE moss|sési| mas 
MS ESS x SE ee One |Orar|OSE 
8£1225|23£| 2 à de gaz retiré. LEsSslars-|aus 
ZAal=r2l2Té = y CEE OR EN EE 
RC EME NO rRS <ass|<-er| <8SS 
En RS re Sen TRE ee et 0e Cal ete Me es 
2 A > : > AS 2 = 
a > oxygène.| azote. |acide car. 2 = en) Et 
C.c. | jours. (NCE 
1 | 100 2 68 16,22 | 76,64 | 7,11 | 0,32 | 0,474 | 0,338 
2 | 200 2 140 15,116! 75,58 9,03 | 0,30 0,496 | 0,33 


200 5 | 80,5 | 12,85 | 69,70 | 17,40 | 0,59 | 0,76 | 0,64 


Il 


Les troubles des fonctions respiratoire et circulatoire varient suivant 
que la plèvre recoit l’air graduellement par la technique sus-indiquée 


- pneumothorax fermé), ou bien qu'on y fait pénétrer l’air brusquement 
P Ù l y 


par une large ouverture, ou encore que la cavité pleurale est maintenue 
en libre communication avec l’air extérieur (pneumothorax ouvert. 
Des injections successives d’air ne produisent que des troubles peu 


marqués. Nous n'avons noté comme résultats courants qu'une accéléra- 


tion de la respiration avec légère augmentation d'amplitude, et une 
élévation de la pression sanguine. 

Bien plus intéressants sont les faits que nous avons observés sous l’in- 
fluence de l'entrée brusque de l'air, et surtout dans le pneumothorax 
ouvert. Nous avons analysé ces troubies par la méthode graphique. 

Immédiatement après l’ouverture brusque de la plèvre, la respiration 
s'accélère, et augmente graduellement d'amplitude. Mais cette phase 


10 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


dure peu : la plaie étant maintenue ouverte, l'accélération fait bientôt 
place à un ralentissement; les mouvements thoraciques, dont l’ampli- 
tude, déjà accrue, devient encore plus grande, s’écartent, par allon- 
gement de l’expiration. Ce sont bientôt de véritables pauses en position 
expiratoire ; celles-ci deviennent de plus en plus longues, et le tracé n’est 
bientôt plus qu’une ligne droite, interrompue par de très profondes ins- 
pirations dont les intervalles peuvent être d’une demi-minute. Ces inspi- 
rations rares deviennent ensuite moins grandes, et leur diminution 
graduelle d'amplitude conduit insensiblement à l'arrêt définitif des mou- 
vements respiratoires. Si l'on fait l’insufflation pulmonaire sans trop 
attendre, et qu’on la prolonge pendant une ou deux minutes, la respira- 
ration sponlanée reprend, à condition toutefois que la plèvre soit tenue 
fermée. La simple occlusion de la plèvre peut avoir le même résultat, 
si elle est faite après seulement quatre ou cinq grands mouvements res- 
piratoires ; plus tard elle est inefficace. 

Si l’on met de nouveau la cavité pleurale en communication avec l'air 
extérieur, on voit se produire brusquement l’augmentation d'amplitude, 
qui atteint d'emblée son maximum, et, sans phase préalable d'accéléra- 
tion, un ralentissement brusque et immédiat qui, s’accentuant graduel- 
lement, aboutit, comme la première fois, à la suspension définitive des 
mouvements thoraciques. 

Du côté du pouls, lors de la première ouverture, c’est d’abord une phase 
d'accélération en coïncidence avec celle de la respiration ; puis lorsque la 
respiration seralentit,se dessine un ralentissement du pouls,quirésulte d’un 
espacement des pulsations synchrones avec l'expiration. Ce ralentissement 
s'accentue, à mesure que les respirations deviennent plus rares, et bienlô! se 
voient de véritables arrêts du cœur. Tantôt alors, les pulsations se font par 
groupes de deux ou trois coïncidant ordinairement avec les inspirations ; 
tantôt, elles sont isolées, sans rapport avec les mouvements thoraciques, 
séparées par des pauses parfois très longues (nous avons eu une fois pen- 
dant quelques instants un rythme cardiaque de dix à quinze par minute). 
L’insufflation pulmonaire pratiquée à ce moment peut permettre une 
reprise des pulsations qui deviennent alors très rapides et à pression éle- 
vée; la simple occlusion de la plèvre ne suffit à rétablir la circulation, 
comme la respiration, que si on la fait à une période peu avancée de ces 
troubles, dans la première minute; si la plèvre est maintenue ouverte, le 
ralentissement du pouls aboutit, comme celui de la respiration, à l'arrêt 
définitif. Le cœur cesse de battre un peu avant la cessation des mouve- 
ments thoraciques. 

Tout à fait au début du trouble apporté dans la circulation, lorsque 
les ralentissements synchrones à l'expiration commencent à se dessiner, 
nous avons vu une fois le tracé du pouls présenter une particularité qui 
nous paraît digne d’être signalée : brusquement, au début d’une inspira- 
tion, la série des ondulations du pouls s’interrompt sous forme d'une ligne 


SÉANCE DU 9 JANVIER 11 


droite horizontale voisine du niveau des pressions maxima du pouls. 
Comme d’autres fois, dans la même phase des phénomènes, c’est une ligne 
horizontale ondulée que l’on observe, témoignant nettement de la pré- 
sence de deux ondes systoliques demi-fusionnées ; nous pensons que cette 
ligne droite horizontale, qui se montre plusieurs fois dans l’un de nos 
tracés, résulte de la fusion complète de ces ondes, due elle-même à ce que 
les systoles, coïncidant avec l'inspiration, sont très rapprochées et peut-être 
un peu prolongées. 

En résumé : l'entrée brusque de l'air, par une plaie pénétrante dans 
une plèvre préalablement vide, détermine l’accélération des mouve- 
ments respiratoires, avec augmentation d'amplitude, et l'accélération du 
rythme cardiaque. Le maintien de l'ouverture pleurale, en d’autres 
termes, la libre communication de la cavité pleurale avec l’air extérieur 
(pneumothorax ouvert) a pour effet, d’une part, une énorme augmenta- 
tion d'amplitude des mouvements respiratoires, avec ralentissement gra- 
duellement croissant jusqu’à l’arrêt définitif; d’autre part, un ralentisse- 
ment du cœur aboutissant aussi à l’arrèêt définitif, un peu avant celui de 
la respiration. 

Ces troubles, et la mort qui ne tarde pas à en être la conséquence, 
résultent à la fois de phénomènes d'arrêt et de l’asphyxie. En voici la 
preuve. 

La section des deux pneumogastriques modifie considérablement les 
troubles cardiaques ; on n’observe plus alors de ralentissement du 
pouls; en pleine période de ralentissement respiratoire, le rythme du 
cœur reste accéléré ; il persiste même, avec une grande vitesse, quelques 
instants après la cessation complète de la respiration, et s'éteint gra- 
duellemment par rapetissement des systoles. Les troubles respiratoires 
ne sont, au contraire, pas essentiellement modifiés par la section de ces 
nerfs ; la seule différence consiste en ce que les mouvements thoraciques 
étant alors très lents, avec des pauses en expiration, on ne voit pas 
de changement brusque du type respiratoire au moment de l’ouver- 
ture du pneumothorax; mais le résultal est, en somme, le même; le 
ralentissement ne tarde pas à s’accentuer pour aboutir à la suppression 
du jeu respiratoire. Ge résultat ne prouve pas que le ralentissement de la 
respiration, avec pauses expiratoires, n’est pas, lui aussi, un phénomène 
d’inhibition ; mais, puisqu'il persiste après la suppression des pneumo- 
gastriques, il faut croire que les autres nerfs sensitifs qu impressionne 
l'air par son va-et-vient dans la cavité pleurale sont capables de provo- 

quer une telle action d'arrêt. 

Il s’y joint de l’asphyxie. On pourrait croire que ces profonds mouve- 
ments de la cage thoracique sont capables d'entretenir la respiration, en 
déterminant une certaine ventilation, au moins dans le poumon du côté 
sain. [l n’en est rien. Le tracé de la pression intra-trachéale montre que 
ces mouvements sont totalement inefficaces : dès qu’on établit et main- 


12 : SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


——_—_—_——————————.—…—.——.__—__— — — 


tient la communication entre la cavité pleurale et l’air extérieur, la plume 
en rapport avec l'air trachéal marque une ligne droite; les plus grands 
mouvements thoraciques ne rompent pas l’uniformité de cette ligne. Donc, 
la ventilation est nulle; ces grands mouvements sont des mouvements 
inutiles. Comment se fait-il que le poumon du côté sain lui-même ne se 
dilate pas? Nous proposons d'appliquer ici l'hypothèse de Weill, celle 
d'un déplacement en masse du médiastin : l’aspiration déterminée dans 
le côté sain par le mouvement d'inspiration peut être sans effet sur le 
poumon si elle s'épuise à déplacer le médiastin. 


SUR QUELQUES NOUVELLES COCCIDIES PARASITES DES POISSONS, 


par M. P. TuÉLonan. 


(Travail du laboratoire d'Embryogénie comparée. du Collège de France.) 


J'ai déjà fait connaitre, sous le nom de Coccidium gasterostei et de 
C. sardinæ, deux espèces du genre Coccidium, dont l’évolution s’accom- 
plit tout entière au sein des tissus de l'hôte; de plus, la membrane d’en- 
veloppe de leur kyste est d’une extrême minceur qui contraste avec 
l'épaisseur et la résistance de cette même enveloppe dans les autres 
espèces décrites jusqu'alors et dont, comme on le sait, le développe- 
ment s’accomplit en partie dans le milieu extérieur. 

J'ai pu depuis observer des faits semblables chez d'autres Coccidium 
également parasites chez des Poissons, et qui m’ont permis, en outre, de 
constater quelques particularités intéressantes. 

J'ai rencontré l’un de ces parasites dans le foie du Caranx trachurus 
Concarneau, Saint-Valery-en-Caux). A l’état de maturité que j'ai pu 
seul observer, il se présente sous forme d’un kyste régulièrement sphé- 
rique, mesurant en moyenne 25 uw de diamètre et renfermant quatre 
spores sans trace de masse résiduelle. Ces spores, dans le kyste, sont 
disposées très régulièrement en croix et deux par deux, de telle sorte 
que les deux spores qui répondent au même diamètre du kyste, sont 
placées au même niveau et au-dessus ou au-dessous des deux autres. 
Je propose, pour cette espèce, le nom de Coccidium cruciatum, rappelant 
celte disposition qui est constante et bien caractéristique. 

Les spores, vues en coupe optique, présentent un contour elliptique 
ou ovalaire. Elles mesurent en moyenne 7 à 9 y de long sur 6 de large. 


(1) Thélohan. Sur deux Coccidies nouvelles, parasites de l'Épinoche et de la 
Sardine. Comptes rendus de la Sociélé de Biologie, 15 juin.1890. 
(2) Id. Annales de Micrographie, 1890.î 


SÉANCE DU 9 JANVIER 143 


Leur enveloppe, assez épaisse, est très remarquable par sa constitution, 
elle est en effet formée de deux valves accolées, ce qui n’a encore été 
observé chez aucune Coccidie. Tout autour de la spore, suivant sa lon- 
gueur, on observe une sorte de petit bourrelet marquant la ligne de 
suture des valves. 

Le contenu, à l’état frais, ne laisse voir que de gros globules réfrin- 
gents : ces éléments qui représentent une masse résiduelle ou noyau de 
reliquat, disparaissent en majeure partie sous l’action des réactifs et l’on 
peut apercevoir les corps falciformes. Sur des préparations non colorées 
ou à coloration non élective, on croit souvent en distinguer quatre : cela 
tient à ce que ces éléments, plus longs que la spore, sont recourbés dans 
sa cavité : de plus, au niveau du bourrelet de la coque, il se produit un 
phénomène de réfraction qui donne la sensation d'une solution de conti- 
nuité dans leur longueur. Mais il n’en existe en réalité que deux, et en 
étudiant des préparations convenablement fixées et colorées, on arrive 
à les distinguer nettement ainsi que le noyau de chacun d’eux. 

J'ai trouvé le ’. cruciatum, tantôt disséminé dans le tissu du foie, tantôt 
dans de petites masses brunâtres, renfermant un nombre variable de 
kystes et situées ordinairement au contact de vaisseaux importants. 

Dans le foie de la Sardine, j'ai observé une autre Coccidie très voisine. 

Elle ne diffère du €. cruciatum que par les dimensions peut-être un peu 
moins considérables du kyste et parce que ses spores sont toujours dis- 
posées sans ordre. Celles-ci présentent absolument les mêmes caractères 
que dans l'espèce précédente. Je m'abstiendrai, pour le moment, de donner 
un nom à ce parasite, mes observations ne me permettant pas de décider 
avec assez de certitude s’il faut le distinguer spécifiquement du parasite 
du Caranx ou si l'on doit confondre ces deux organismes sous la même 
dénomination. 

Enfin, j'ai trouvé dans le rein, la rate et Le foie de la Tanche un Cocci- 
dium de très petite taille pour lequel je propose le nom de C’. minutum. 
Le kyste ne mesure pas plus de 9 à 10 & (sur des coupes). J'ai pu suivre 
les diverses phases du développement et, entre autres, retrouver ici la 
division karyokinétique du noyau que j'avais déjà signalée chez le 
C. gasterostei. Il y a quatre spores fusiformes, renfermant chacune deux 
corps falciformes nucléés. 

En terminant celte note, je désire attirer l’attention sur de petits corps 
très singuliers que j’ai rencontrés depuis longtemps dans les tissus de diffé- 
rents Poissons. 

Ils sont de forme ovalaire, quelquefois un peu irréguliers, pourvus 
d'une enveloppe épaisse, à double contour très net. A l'intérieur, on 
observe un noyau, ordinairement situé à l’une des extrémités : le reste 
de la cavité est rempli par un grand nombre de petits bâtonnets très 
minces qui semblent converger vers un point, le plus souvent situé à 
l’opposite du noyau. Leurs dimensions semblent varier chez les différents 


44 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Poissons. Ils m'ont présenté 6 à 9 & de long sur #4 à 6x de large dans 
l’épithélium de lintestin de la Perche; 10 à 12 y sur 5 à 8 dans le rein de 
l’Epinoche ; 15 y sur 10 à 12 dans le tissu conjonctif de l'ovaire du Vairon ; 12 
à 15 p sur 6 à 9 dans l’épithélium des branchies de la Tanche. Je les aï aussi 
trouvés dans l’Ablette, la Carpe, etc. Mon excellent ami, M. le D' Laguesse, 
au cours de ses belles recherches sur l’histologie des Poissons, a eu l’occa- 
sion d'observer ces mêmes corps, particulièrement chez les Crenilabrus. 

Je ne puis, malheureusement, que signaler l'existence de ces singulières 
productions. Leur nature parasitaire me semble à peu près hors de doute, 
mais leurs caractères sont tellement particuliers que je n’ai pu découvrir 
d’affinités entre eux et les parasites connus jusqu’à présent. 


Du TISSU ANGIOTHÉLIAL DES AMYGDALES ET DES PLAQUES DE PEYER, par 
M. Ep. Rerrerer. (Voir Mémoires du présent volume, p. 1.) 


SUR UN MODE DE FORMATION CELLULAIRE INTRANUCLÉAIRE 
POUVANT ÉVEILLER A TORT L'IDÉE DE PARASITES DANS L'ÉPITHÉLIOMA, 


par M. A. BORREL. 


Rien n’est plus varié que le mode de multiplication des noyaux et des 
cellules dans les tumeurs épithéliales. 

Dans une précédente note, j'ai appelé l’attention sur la division des 
cellules à noyaux bourgeonnants; cette division aboutit, le plus souvent, 
à la formation de trois, quatre ou cinq cellules, soit par division directe, 
soit par division karyokinétique. Û 

Elle est, en tous points, comparableià la division du noyau simple, à cela 
près que la masse nucléaire à diviser est plus considérable : d’où les divi- 
sions multipolaires. 

J'ai indiqué encore un mode de division dans lequel la cellule-fille reste 
incluse dans la cellule-mère : « Lorsqu'on a affaire à un noyau composé, 
il arrive souvent qu’une partie du noyau composé s'isole, et s’entoure 
d’une masse protoplasmique dans l’intérieur de la cellule-mère (1). » 

Depuis, M. le professeur Cornil a établi la réalité de ce processus, il 
s'exprime ainsi (2) : « Constitution indépendante et isolément d’un noyau 
et d’une cellule dans le protoplasma de la cellule-mère. » 


(1) A. Borrel. Arch. de méd. expér., novembre 1890, Épithéliomas et Coc- 
cidies. 
(2) Cornil. Mode de multiplication des noyaux, Journ. de l'Anat., mars 1890. 


SÉANCE DU 9 JANVIER 15 


J’ai étudié de plus près cette question des formations cellulaires endo- 
gèves, parce que je crois que c'est là le point important et la principale 
origine de beaucoup de formes décrites comme coccidies. M. Cornil a très 
bien mis ce point en lumière dans son remarquable mémoire. Rien de 
plus étrange au premier abord que ces formes cellulaires parfaitement 
sphériques, libres dans le tissu ou encore incluses dans les cellules. 

Leur interprétation devient encore plus difficile lorsque, pris par la 
dégénération, ces corps cellulaires ne présentent plus la structure carac- 
téristique des cellules épithéliales avec le noyau central, une masse pro- 
toplasmique reliée à la paroi par de fins tractus. Ce sont alors ou bien 
des coques vides, ou bien de petites sphères à parois très nettes contenant 
dans leur intérieur une masse qui se colore très fortement par les couleurs 
d’aniline (corps à fuschine). 

Il est donc très important de savoir comment se forment ces éléments 
cellulaires. Je suis arrivé à me convaiacre qu’en dehors du mode de for- 
mation intracellulaire dont nous venons de parler, il existe un processus 
dans lequel la jeune cellule prend naissance de toutes pièces dans l'inté- 
rieur d'un noyau. 

Les deux modes, on le comprend, sont bien différents : 

Dans le premier cas, c’est une partie du noyau bourgeonnant qui s’isole 
dans la cellule et s'entoure de protoplasma. 

Dans le second cas, c’est dans l’intérieur du noyau que se forme le nou- 
veau noyau et la nouvelle cellule. 

Les photographies'que j'ai l'honneur de présenter à la Société montrent 
assez nettement le fait; ces photographies n’ont subi absolument aucune 
retouche et ont été faites avec l'objectif à immersion 1/12 de Zeiss. 

On y voit dans l’intérieur d’un noyau très hypertrophié un jeune noyau 
parfaitement constitué, entouré déjà d’une zone propre de protoplasma 
et une mince menbrane qui indique déjà une formation cellulaire indé- 
pendante. 

Il semble que, dans la plupart des cas, le noyau hypertrophié qui con- 
tient la jeune cellule est appelé à disparaître : le processus a la valeur 
d’une rénovation cellulaire. En d’autres points, on voit l’ancien noyau 
avec une énorme entaille et la jeune cellule presque complètement libre; 
elle présente une mince zone de protoplasma et de fins prolongements, 
visibles sur la photographie. Le noyau qui lui a donné naissance a bien 
l'aspect d'un noyau en voie de désintégration. C’est là le stade qui se 
rencontre le plus fréquemment. 

Ailleurs, on voit quantité de cellules jeunes, sphériques libres, situées 
le plus souvent dans le voisinage de ces énormes noyaux. Ceux-ci ne 
présentent jamais de lobulation, comme dans le cas des noyaux com- 
posés. 

Il n'est pas rare de voir de véritables emboîtements cellulaires. Une 
première cellule étant formée, suivant le processus que je viens d’in- 


16 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


diquer, une seconde cellule se forme encore dans son intérieur et refoule 
encore le noyau ; on peut voir 3,4 et 5 cellules emboîtées l’une dans 
l’autre. 

Par beaucoup de points, les faits que je viens de décrire se rattachent 
à ce qu'a observé M. Steinhaus dans l’épithélium intestinal de la Sala- 
mandre (1). 

Pour cet auteur, les noyaux de ces cellules épithéliales contiennent des 
globules chromatiques (nucléoles) appartenant à deux types : plasmo- 
somes et karyosomes. Ces corpuscules devenant extra-nucléaires par 
entaille du noyau, se combinent et forment un jeune noyau. C’est ce qu'il 
a appelé la gemmation indirecte. 

« Les noyaux provenant de la gemmation indirecte, dit-il, semblent rem- 
placer les vieux noyaux qui se désintègrent. » 

Ce que j'ai pu observer ne me permet pas d’être aussi explicatif que 
cet auteur. Quoique mon attention füt éveillée sur ce sujet, je n’ai rien 
vu qui puisse indiquer une conjugaison de corpuscules particuliers sortis 
du noyau. Au contraire, le jeune noyau et la cellule m'ont paru se former 
sur place dans l’intérieur du vieux noyau. Est-ce un nucléole qui prend 
la valeur d’un noyau ? Est-ce une portion de la chromatine qui s’isole et 
devient un nouveau centre d'attraction ? Toutes les hypothèses sont per- 
mises. Quoi qu'il en soit, le fait m’a paru assez intéressant pour être 
signalé dans les épithéliomas. lei, il acquiert une certaine importance à 
cause des singulières apparences que peuvent revêtir les corps cellulaires, 
une fois qu’ils sont devenus libre dans le tissu. [ls pourraient peut-être 
en imposer pour des parasites et des coccidies. 


(1) Steinhaus. Métamorphoses et gemmation indirecte des noyaux, Archives 
de physiologie normale et pathol., 1888, t. IT. 


Le Gérant : G. MASSON. 


Paris. — Typographie Gaston Née, 1, rue Cassette. — 5637. 


17 


SÉANCE DU 16 JANVIER 1899 


M. Cx. FéRé : Deuxième note sur la toxicité comparée des bromures en injections 
intra-veineuses. — M. Cu. FéRé : Épilepsie et pelade. — M. Dewevre : Note sur 
la fonction glycogénique chez la grenouille d'hiver. — MM. Cu. Acuarp et H. HART- 
MANN : Note sur un cas de fièvre uréthrale. — M. H. Suruowr : Recherches sur la 
toxicité urinaire dans les maladies du foie. — M. E. Jourpan : De la valeur du 
mot endothélium en anatomie, à propos des cellules à cils vibratiles de la cavité 
générale des Sipunculiens. — M. Marassez: Discussion. — M. ALFRED GIARD : Sur 
la persistance aprtielle de la symétrie bilatérale chez un turbot (Rhombus ma- 
æimus L.), et sur l'hérédité des caractères acquis chez les pleuronectes. — 
M. G. Poucuer : Sur une algue pélagique nouvelle. — M. &. Poucner : Les larves 
de muscides comme facteurs géologiques. — M. Moïse FRENKEL : Du tissu con- 
jonctif dans le lobule hépatique de certains mammifères. 


Présidence de M. Laveran. 


DEUXIÈME NOTE SUR LA TOXICITÉ COMPARÉE DES BROMURES 
EN INJECTIONS INTRA-VEINEUSES, 


par M. Cu. FÉRÉ. 


J'ai expérimenté plusieurs bromures que je n’avais pas pu me procurer 
tout d’abord à r'état de pureté, en procédant comme il a été indiqué pré- 
cédemment (1). 


Bromure de Cobalt. 


Poids Centimètres Centigrammes 
du lapin cubes par 
grammes. injectés. kilogrammes. Moyennes. 
54 690 20 28 
ba) 140 25 33 30 
56 680 20 29 
Bromure de chrome. 
57 685 40 58 4 
d8 870 40 45 ) 
06 2.580 160 62 
Bromure d'aluminium. 
60 2.410 87 36 
61 1.405 53 39 37,5 


(4) Comptes rendus de la Société de biologie, 1891, p. 771. 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9° SÉR'E. T, IV. 2 


18 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


En calculant d’après ces chiffres Le poids d'animal qui peut être tué par 
un gramme de bromure, nous obtenons les chiffres suivants : 


Bromure de Cobalt PORN EE 3333 
— d'alim à à 5 0 0 à 0 2266 
— dé CRTONME RP MN 1888 


c’est-à-dire que-le bromure de cobalt se place, au point de vue de la 
toxicité, entre le bromure d’arsenic et le bromure de potassium; le bro- 
mure d'aluminium et le bromure chromeux se placent successivemententre 
le bromure de nickel et le proto-bromure de fer. 


EPILEPSIE ET PELADE, 


par M. Cu. FÉRÉ. 


J'ai eu occasion plusieurs fois d’observer chez les épileptiques de mon 
service des plaques de pelade qui guérissaient sans aucun traitement et 
généralement assez vite. Quand plusieurs cas se sont présentés en même 
temps, nous n’avons pas pu établir la possibilité de la contagion : il s'agis- 
sait de malades ne vivant pas dans le même dortoir ni dans le même ate- 
lier. D'autre part, ces malades sortaient quelquefois de l'asile, ils pou- 
vaient donc avoir été contaminés au dehors. La date du début n'avait 
jamais pu être établie d’une façon précise; et comme les malades avaient 
des attaques fréquentes, on ne pouvait guère saisir un rapport entre ces 
paroxysmes et l'apparition des plaques. La possibilité de cette relation 
était rendue probable par l'existence d’autres troubles trophiques des 

. cheveux à la suite des attaques d’épilepsie (1). 


Un épileptique âgé de trente-deux ans sujet à des attaques convulsives et à 
des vertiges depuis l’âge de treize ans. Ces grandes attaques se reproduisaient 
environ une fois par semaine, et les vertiges un peu plus souvent. Depuis 
quatre ans qu'il est soumis à la bromuration progressive (il prend aujourd’hui 
10 grammes de bromure de potassium par jour), les vertiges ont à peu près 
complètement disparu, et les attaques sont devenues moins fréquentes ; il lui 
arrive d'être tranquille pendant deux, trois et même quatre mois. 

Cependant le bénéfice est moins considérable que le malade lui-même nese 
l’imagine, parce que les attaques qui, autrefois, étaient isolées, se montrent 
maintenant par séries de deux ou trois, qui laissent en général après elles un 
abattement considérable durant deux ou trois jours, et incomparablement 
plus profond que celui qui suivait les attaques isolées. 


(1) Ch. Féré. Les épilepsies et les épileptiques, 1890, p. 216. 


. 


SÉANCE DU 146 JANVIER k 19 


Il n'avait eu aucun accès depuis le 26 mars, lorsque le 30 juillet il eut, à 
une heure d'intervalle, deux accès convulsifs très violents à la suite desquels 
il dût rester couché. Deux autres accès se produisirent dans la nuit suivante, 
. Le malade, bien que plus abattu que d'ordinaire, s’alimentait; on s’occupa de 
lui d’une facon à peu près constante pendant deux jours el il est bien certain 
qu’à ce moment ses cheveux, coupés d’ailleurs très courts, ne manquaient en 
aucun point. Le 2 août au matin, le malade trouva son oreiller jonché de poils, 
et il constata l'existence de plaques dénudées qui étaient le siège d’une très 
légère démangeaison. 

. Ces plaques étaient au nombre de quatre, trois dans la région pariéto-occi- 
pitale gauche et une, plus grande, un peu à droite du tourbillon des cheveux. 
Ces plaques étaient absolument blanches et régulièrement arrondies, il n'y 
restait aucune trace de poils, la pression n'y déterminait aucune empreinte. 

A leur limite, les cheveux semblaient absolument sains, ils étaient réguliers, 
sans aucune altération, ni de coloration, ne se laissaient pas arracher. 

Du reste, les quatre plaques ont été mesurées dans le sens antéro-postérieur 
et dans le sens transversal, et leurs dimensions n’ont pas varié dans la suite. 

La démangeaison a disparu au bout de peu de jours. L’œdème du cuir che- 
velu a été recherché à plusieurs reprises sans résultat. 

Le 18 août, on a commencé à voir de petits poils se montrer uniformément 
sur toute l'étendue des plaques, excepté sur la plaque du côté droit la plus 
grande (22 millimètres sur 24) où ils sont manifestement plus visibles au centre 
qu'à la périphérie. Depuis cette époque, les poils ont repoussé graduellement 
avec leur couleur. Il est complètement impossible au commencement d’oc- 
tobre de distinguer l'ancien emplacement des plaques lorsque tous les cheveux 
venaient d’être coupés. Depuis cette époque, le malade a eu encore deux séries 
de trois crises, mais la chute des cheveux ne’s’est plus reproduite. 


J'ai pensé que ce fait pouvait avoir quelque intérêt au point de vue de 
la théorie névropathique de la pelade. 


NoTE 
SUR LA FONCTION GLYCOGÉNIQUE CHEZ LA GRENOUILLE D'HIVER, 


par M. DEWEVRE. 


Au mois d'avril 1854, au lendemain de la découverte par Claude Ber- 
nard de la fonction glycogénique du foie, Moleschott communiquait à 
l’Académie des sciences, le résultat de ses recherches sur la sécrétion du 
sucre et de la bile dans le foie. Dans une de ses expériences, il avait 
constaté qu'après l’ablation du foie chez la grenouille, le sucre n'existait 
plus dans le sang. Cette expérience ne tarda pas à êlre invoquée comme 
péremptoire et décisive par tous les physiologistes qui ont voulu attri- 
buer au foie le monopole exclusif de la glycogénie. 


20 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Nous avons été amené à reproduire pendant l'été l'expérience de Moles- 
chott et avons pu constater que l'ablation du foie ne faisait pas dispa- 
raître immédiatement le sucre du sang, à condition toutefois que l’animal 
ne füt pas en état d’inanition. Comme Moleschott avait opéré très vrai- 
semblablement sur des grenouilles d'hiver, nous nous sommes placé 
dans les mêmes conditions expérimentales et avons alors constaté à notre 
tour, que l’ablation du foie fait disparaître le sucre du sang. Mais ce 
résultat obtenu par Moleschott a-t-il, en réalité, dans ces conditions une 
bien grande valeur? Il serait permis d’en douter puisque Béclard nous 
apprend que Schiff n’a pas trouvé de glycogène dans le foie, ni de sucre 
dans le sang chez la grenouille d'hiver. L’ablation du foie n'aurait done 
pas ici grand mérite et l'absence du sucre ne prouverait absolument 
rien. Ce fait, s’il était réel, serait, en somme, la ruine complète de l’expé- 
rience de Moleschott et la mise à néant de toutes les déductions qui en 
ont été tirées. 

Nous croyons, en réalilé, que ces deux observateurs avaient raison l’un 
et l’autre ; mais il convient de bien préciser et de mettre très exactement 
la question au point. 

Si l’on examine une grenouille à la fin de la période hibernale, Schiff 
a raison, il n’y a plus de glycogène dans le foie, plus de sucre dans le 
sang; mais si l'expérience porte sur une grenouille au début de son hiber- 
nation, il n’en est plus ainsi et les résultats de Schiff cessent d’être exacts. 

Nous avons constamment trouvé dans ces conditions une proportion 
notable de glycogène dans le foie et avons constaté que cette quantité 
diminuait très lentement pour disparaître en général du troisième au 
quatrième® mois de l’hibernation. Il est intéressant de remarquer que 
dans l’inanition, vers la sixième semaine environ, la déglycogenèse du foie 
est complète, et nous avons même pu l'obtenir souvent au quinzième 
jour. 

Ces résultats varient un peu suivant les animaux observés, ce qui tient 
sans doute à ce que tous ne commencent pas à hiberner en même temps. 
Îl se passe chez les grenouilles queïque chose d’analogue à ce qui existe 
pour les marmottes, et il est vraisemblable de penser que l’hibernation 
survient d'autant plus vite que l’animal y est mieux préparé. 

Nous avons pu constater, en outre, que la piqûre du quatrième ventri- 
cule ne produit que très difficilement le diabète au début de l’hibernation 
et ne la produit plus jamais dans ses dernières périodes. II semble que le 
foie devient de plus en plus avare de son glycogène, ce qui est d’ailleurs 
d'autant plus légitime que, toute alimentation étant suspendue, il n’a 
plus les moyens de réparer les pertes qu’il subirait de ce côté. 

La véritable cause, à coup sûr, provient de l'absence des ferments 
ñécessaires à la transformation du glycogène en sucre et cet arrêt d’une 
fermentation nutritive, n’est pas un des côtés les moins intéressants des 
phénomènes vitaux chez là grenouille d'hiver. Il nous serait encore fort 


SÉANCE DU 16 JANVIER 91 


difficile d'en fournir la véritable raison; maïs nous pouvons affirmer que 
l’abaissement thermique ne saurait être mis en cause. Sans doute, le 
refroidissement diminue et fait cesser la fonction glycogénique dans les 
conditions biologiques normales; mais la grenouille d'hiver n’est pas une 
grenouille refroidie, et, malgré des recherches minutieuses et répétées, 
nous n'avons jamais trouvé chez elle la moindre différence de tempéra- 
ture. Il y a là quelque chose de tout spécial à la grenouille, puisque nous 
savons en effet que les animaux hibernants, la marmotte par exemple. 
sont au contraire rendus diabétiques par l’hibernation et qu'on trouve 
dans leur urine une fort notable proportion de sucre. 

Pour ces raisons et aussi pour plusieurs faits sur lesquels nous nous 
proposons de revenir dans une prochaine note, il ne nous paraît pas 
permis d'’assimiler l’hibernation de la grenouille à celle des animaux à 
sang chaud, opinion que croit devoir adopter notre excellent maître et 
ami M. le professeur Dubois, d'après l’ensemble de ses travaux sur l’hi- 
bernation de la marmotte. 

Si le glycogène tend à disparaitre du foie chez la grenouille d'hiver, il 
tend au contraire à augmenter dans les muscles, tout au moins pendant 
les premières semaines. 

Au début de l'hiver, les muscles en renferment deux fois plus qu'en été, 
et il est probable qu'il existe à l'automne une hyperglycogenèse hépa- 
tique, préparant ainsi une accumulation de réserve dans le tissu muscu- 
laire. Il est certain, en tous cas, qu'une partie du glycogène musculaire 
vient du foie, puisqu'il augmente encore quand la grenouille a cessé de 
se nourrir et a commencé son hibernalion. Au fur et à mesure que le 
glycogène disparait du foie, il augmente dans le muscle. Dans la seconde 
période de l'hibernation quand le foie cesse de lui en fournir, on voit le 
glycogène musculaire diminuer à son tour, mais d’une façon tellement 
lente qu'on en retrouve encore au printemps, au moment du réveil. Ces 
faits sont en désaccord avec ce qui existe dans l’inanition où le glycogène 
disparaît premièrement du muscle; ce qui nous montre une fois de plus 
qu'il serait imprudent de comparer ces deux conditions tout à fait diffé- 
rentes. 

Cette disparition du glycogène musculaire nous a paru d'autant plus 
intéressante à signaler que les muscles sont dans un état de repos 
complet. Le glycogène musculaire qui n'est pas indispensable, on le sait, 
à la contraction, mais qui est néanmoins détruit par elle, pourrait donc 
encore être détruit par d’autres causes et pour d’autres besoins. 


Lo 
9 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


NOTE SUR UN CAS DE FIÈVRE URÉTHRALE, 


par MM. Cm. Acuarp et H. HARTMANN. 


La pathogénie de l’accès urineux frane, de l’accès passager dit uréthral, 
est encore discutée. Le fait suivant servira peut-être à l’éclairer. 

Un malade, prostatique, vidant incomplètement sa vessie depuis des 
années, est pris d'accidents de rétention qui rendent le cathétérisme 
nécessaire. Ce cathétérisme est fail d’abord avec une certaine difficulté, 
ce qui donne lieu à quelques légers saignements ; puis le malade arrive à 
se sonder seul. Pendant toute cette période où le cathétérisme est fait 
régulièrement durant vingt jours, l’état général se maintient excellent. 
Au bout de ce temps, on laisse le malade uriner seul. II le fait facilement, 
mais le soir même il est pris d’un grand accès urineux avec frisson, cha- 
leur (40°,5) et sueurs. L’évacuation par la sonde est alors reprise et l'accès 
n’a pas de suites. 

Un mois plus tard, le malade n'ayant pas éprouvé d'accidents fébriles, 
bien qu'il ait été obligé à diverses reprises de lâcher quelques gouttes 
d'urine avant de prendre la sonde, afin de satisfaire des besoins très 
pressants, on l’autorise à uriner spontanément de nouveau. Il le fait sans 
difficulté, mais le soir du même jour il est repris d’un grand accès avec 
ses trois stades et une température de 40 degrés. L’évacuation par la 
sonde est encore une fois reprise et l’accès ne se reproduit pas. 

Enfin, huit jours plus tard, le malade, voulant voir où il en était, urine 
le matin une seule fois sans la sonde : le soir il a un accès avorté (38°,9). 
Depuis lors, il s’est toujours servi de la sonde pour évacuer son urine et il 
n’a jamais eu de fièvre, bien que le canal suppure un peu et que les 
cathétérismes soient souvent accompagnés d’un léger écoulement san- 
guinolent. 

De l'urine a été puisée dans la vessie de ce malade avec une sonde stéri- 
lisée, l’urèthre ayant été préalablement lavé au nitrate d'argent. Après 
l'écoulement d’une certaine quantité, cette urine a été recueillie dans des 
tubes stériles et elle a servi à l’ensemencement de milieux variés (gélose, 
gélatine, gélose au touraillon, gélose fachsinée, pomme de terre, lait, 
bouillon additionné de lactose et de carbonate de chaux). Toutes les cul- 
tures contiennent à l’état de pureté un bacille possédant tous les carac- 
tères de forme et de cultures du Bacterium coli commune. 

Ce fait, qui se présente avec les conditions d’une véritable expérience, 
nous paraît intéressant à trois points de vue: 

1° Le simple traumatisme du canal par la sonde s’est montré insuffisant 
à déterminer un accès, fait enseigné depuis longtemps par M. le profes- 
seur Guyon ; 

2° L’absorption de l'agent pyrétogène s’est faite exclusivement au 


SÉANCE DU 16 JANVIER 93 


niveau de l’urèthre lésé, alors qu'il était distendu par l'urine septique, 
pendant l’effort de la miction à plein jet; 

3° L'agent infectieux est dans ce cas le Bacterium coli commune, contenu 
à l’état de pureté dans l'urine vésicale. 


eee es 


RECHERCHES SUR LA TOXICITÉ URINAIRE DANS LES MALADIES DU FOIE, 


par M. H. SurMonr, 
Chef de clinique médicale de la Faculté de Lille, 


Sur le conseil et dans le laboratoire de M. le professeur agrégé Gilbert, 
nous poursuivons depuis sept mois l’étude des variations de la toxicité 
urinaire dans les maladies du foie. 

Les recherches de M. le professeur Bouchard et de ses élèves ont établi 
l'existence de la toxicité urinaire, et ses oscillations sous l'influence de 
divers facteurs physiologiques ou pathologiques; d'autre part, les travaux 
contemporains, ceux de G.-H. Roger en particulier, ont mis hors de 
contestation le pouvoir d'arrêt du foie vis-à-vis d’un certain nombre de 
poisons : i! est donc intéressant et instructif de voir ce que devient l’émis- 
sion de poison par le rein, lorsque la glande hépatique est altérée par les 
divers processus pathologiques susceptibles de s’attaquer à elle. 

Cette étude n’a été qu’esquissée jusqu'ici, et la plus grande partie des 
matériaux qui s’y rapportent est contenue dans la thèse de G.-H. Roger. 
Notre contribution à l’histoire de ce chapitre nouveau de la pathologie 
du foie est basée sur vingt observations et sur cent expériences. 

Nous n’avons pas eu le bonheur de rencontrer toutes les variétés d’af- 
fections hépatiques aujourd’hui individualisées et décrites ; mais du moins 
nous avons pu faire porter nos recherches sur les plus communes d’entre 
elles. Nous avons suivi avec la plus scrupuleuse rigueur le procédé expéri- 
mental de M. le professeur Bouchard : l'urine, filtrée avec soin, est injectée 
dans la veine auriculaire postérieure du lapin, avec une vitesse constante 
d’un centimètre cube toutes les dix secondes. Il est essentiel de veiller au 
nettoyage parfait (avec une solution concentrée de cristaux de soude, 
par exemple), du bocal dans lequel le malade reçoit l'urine au fur et à 
mesure de son émission ; en outre, nous faisons toujours placer cinquante 
centigrammes de naphtol au fond du bocal, afin d'éviter toute altération 
de l’urine. 


Cirrhose alcoolique atrophique. — Nous avons fait dix-neuf expériences 
avec des urines provenant de cinq malades différents. Toujours, nous 
avons trouvé une augmentation notable de [a loxicité urinaire. Dans 


24 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 
PR CRE ER TE PSN 2 à + Qu UE 


quatorze expériences nous avons pu déterminer d’une facon absolument 
exacte le coefficient urotoxique, c’est-à-dire la quantité de poison urinaire 
sécrétée en vingt-quatre heures par un kilogramme de malade, et nous 
avons obtenu des chiffres approchant du double de la normale (0.760 au 
lieu de 0.464, chiffre normal d’après M. Bouchard). Cette décharge toxique 
est diminuée par l'existence d’une diarrhée ou d’une sclérose rénale con- 
comitante; elle existe malgré le régime lacté plus ou moins complet au 
quel sont soumis la plupart des malades : elle paraît augmentée en même 
temps que la diurèse lors des ponctions abdominales. 

Cirrhose alcoolique hypertrophique. — Nous avons pu voir, dans le ser- 
vice de M. Hanot, un remarquable exemple de cette forme récemment 
décrite par lui et par M. Gilbert. 

Il s'agissait d’une femme dont nous avons étudié les urines à six reprises. 
différentes. Le coefficient urotoxique a été une fois normal, cinq fois 
abaissé. Le contraste avec l’hypertoxicité urinaire de la cirrhose alcoolique 
atrophique est saisissant; il y a là un signe différentiel à ajouter à ceux 
mis en lumière par MM. Hanot et Gilbert. 

Cirrhose hypertrophique biliaire de Hanot. — Nous avons fait neuf 
expériences avec les urines provenant de trois malades différents. Dans 
cette forme spéciale de cirrhose, la quantité de poison urinaire varie sui- 
van! la période de la maladie, l’appétit du malade, son régime alimen- 
taire; et les oscillations dues à ces influences paraissent plus étendues que 
dans les autres maladies du foie. En outre, on observe chez un même 
malade, d’un jour à l’autre, des variations difficiles à expliquer. Roger 
a constaté les mêmes phénomènes dans un cas. Il semble naturel de les 
rapprocher des variations de l’ictère dans cette affection. 

Foie cardiaque. — Nous avons eu l’occasion de déterminer cinq fois la 
toxicité urinaire chez une veille femme atteinte depuis longtemps d’insuf- 
fisance mitrale, et présentant un gros foie, du météorisme et de l’ascite. 
La toxicité urinaire était abaissée chez elle. 

Foie paludéen. — Notre malade était depuis vingt ans sous le coup d’une 
infection palustre contractée en Algérie et ayant repris toute sonintensité 
sous l'influence d’un séjour au Tonkin, il y a sept ans. Foie volumineux, 
rate énorme, météorisme, ascite apparaissant facilement, disparaissant 
sous l'influence du traitement. Chez cet homme, la toxicité urinaire était 
très diminuée sous l'influence du régime lacté; avec le régime habituel 
de l'hôpital, elle dépassait au contraire rapidement la normale, par suite 
de l'insuffisance du foie (coefficients urotoxiques de trois expériences 
faites dans ces conditions : 0.627 — 0.630 — 0.647). 

Tuberculose du foie. — Nous avons vu dans le service de M. Gilbert, à 
la Pitié (juillet-août 1891), et dans celui de M. Hanot, à Saint-Antoine, 
deux malades atteints de tuberculose hépatique vérifiée à l’autopsie. L'un 
était un homme affecté d'une hépatite parenchymateuse diffuse et grais- 
seuse (examen histologique de M. Gilbert); la toxicité urinaire était très 


SÉANCE DU 16 JANVIER 925 


augmentée chez lui, nous l'avons déterminée douze fois : l’autre était une 
jeune fille atteinte d’hépatite graisseuse; la toxicité urinaire élait égale- 
ment augmentée chez elle, mais-l’existence d’une diarrhée continue n’a 
pas permis l'évaluation rigoureusement exacte du coefficient urotoxique. 

Nous avons fait cinq expériences dans un cas un peu douteux de foie: 
gras tuberculeux; nous n’en tirerons pas de conclusions, la malade ayant 
été perdue de vue. 

Cancer du foie. — Nous avons trouvé la toxicité urinaire augmentée 
dans un cas de cancer nodulaire du foie. 

Nous sommes arrivés au même résultat dans un fait de cancer massif, 
appartenant à M. Gilbert. 

Lithiase biliaire, ictère par rétention. — La toxicité était très augmentée 
dans un cas d'ictère ancien, très foncé, presque noir. Les urines de cette 
malade contenaient beaucoup de bile (sept expériences). — Elle était 
diminuée, au contraire, dans un cas d’ictère peu accentué conséculif à une 
crise de coliques hépatiques datant de dix jours. 

Ictère infectieux. — Dans un cas à forme catarrhale, la toxicité était à 
peu près normale : elle s’est notablement élevée, à deux reprises, sous 
l'influence de l’ingestion de 200 grammes de sirop de sucre. 


Nous avons observé dans le service de M. le professeur Peter un autre 
fait qui a été l’objet d’une clinique de ce savant maître. Il s’agissait d’un 
malade ayant présenté le tableau clinique de l’ictère grave moins l’albu- 
minurie. Pendant toute la durée de l’affection, alors que l’état du malade 
était grave, la toxicité était très abaissée; l’urine est devenue hyper- 
toxique au moment de la crise. 


En résumé, on peut, au point de vue de la toxicité urinaire, diviser en 
plusieurs groupes les maladies du foie que nous avons étudiées. 

1% groupe. — La toxicité urinaire est augmentée dans la cirrhose 
alcoolique atrophique, la tuberculose du foie (forme subaiguë de Hanot 
et Gilber1), le cancer nodulaire et massif du foie, certaines formes d'ictère 
chronique, quelquefois dans la cirrhose hypertrophique biliaire de Hanot. 

2% groupe.— La toxicité urinaire est, au contraire, normale ou diminuée 
dans la cirrhose alcoolique hypertrophique, le foie cardiaque, certaines 
périodes de la cirrhose hypertrophique biliaire de Hanot. 

3e groupe. — Dans les ictères infectieux, à forme catarrhale, ou à 
forme grave ‘iclères aggravés de M. le professeur Bouchard et non ictère 
grave essentiel), la toxicité urinaire, normale ou diminuée pendant la 
période d'état, subit une augmentation notable au moment de la crise. 


La discussion de nos observations et de nos expériences nous amène 
à conclure, que l’ictère ne régit pas, par sa présence ou son absence, les 
variations de la toxicité urinaire. Il y a des maladies à jaunisse avec 


26 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


hyperloxicité, d’autres avec hypotoxicité urinaire. Cependant, la présence 
d’une grande quantité de bile dans l'urine augmente toujours le pouvoir 
toxique de ce liquide. L’état de la circulation intra-hépatique n’a pas 
non plus grande influence, que ce soit la circulation-porte ou le système 
sus-hépatique qui soit primitivement el spécialement intéressé. En réalités 
le fait était à prévoir, c’est l’éfat de la cellule hépatique qui régit les 
variations de la toxicité urinaire. 

Lorsque la recherche de la glycosurie alimentaire a été positive, nou, 
avons toujours trouvé l'urine plus toxique qu'à l’état normal. Cette aug- 
mentation de la toxicité peut aussi exister dans certains cas où l’expé- 
rience de Lépine-Colrat donne un résultat négatif. Ce fait a déjà été vu 
par Roger. 

L'influence de l’état de la cellule hépatique est surtout bien mise en 
évidence par l'exemple des deux cirrhoses alcooliques, l’atrophique et 
l'hypertrophique ; MM. Hanot et Gilbert ont, en effet, démontré que dans 
cette seconde forme le parenchyme hépatique est intact, à l'inverse de ce 
qui se passe dans la première où les cellules finissent par disparaitre. 
Aussi, dans cette forme, l’action du foie sur les poisons se fait-elle comme 
à l’état normal. 

Au point de vue du diagnostic, la détermination de la toxicité urinaire 
peut, dans beaucoup de cas, fournir des éléments précieux : c'est ainsi 
qu'elle permettra, en l’absence de renseignements précis sur le volume du 
foie, de décider si une cirrhose alcoolique donnée est atrophique ou hyper- 
trophique. Elle a la même valeur en présence du syndrome de l’ictère grave. 

De plus, cette recherche a un très grand intérêt au point de vue du 
pronostic, puisqu'elle nous renseigne directement sur une des plus im- 
portantes fonctions du foie. Si, en l’absence de lésions rénales, la toxicité 
urinaire reste faible d’une façon permanente, le pronostic de l’affection 
hépatique est bénin; il est grave, au contraire, dans l'hypothèse d’une 
hypertoxicité constante. L'augmentation passagère, critique, de la 
toxicité urinaire a, au contraire, une signification favorable. 

L'influence du régime lacté et de l’antisepsie intestinale sur la toxicité 
urinaire est très manifeste dans les maladies du foie comme à l’état normal. 
Nous avons pu nous en convaincre chez nos malades, et nous l'avons 
étudiée tout particulièrement dans un cas de tuberculose du foie, avec 
notre maitre M. Gilbert. 

Nous résumons dans les conclusions suivantes le résultat de nos 
recherches. 


Conclusions. 
1° La toxicité urinaire est augmentée dans la cirrhose alcoolique 


alrophique, la tuberculose du foie ‘forme subaiguë de Hanot et Gilbert), 
le cancer massif et le cancer nodulaire du foie, certaines formes d’ictère 


Ye FU Fa AA PR] 
2 


SÉANCE DU 16 JANVIER 97 


chronique, quelquefois dans la cirrhose hypertrophique biliaire de 
Hanot. 

2 La toxicité urinaire est normale ou diminuée dans la cirrhose 
alcoolique hypertrophique, le foie cardiaque, certaines périodes de la 
cirrhose hypertrophique biliaire de Hanot. 

3° Dans les ictères infectieux à forme catarrhale ou à forme grave, la 
toxicité urinaire normale, ou diminuée pendant la période d'état, subit 
une augmentation notable au moment de la crise. 

4° La toxicité urinaire est normale ou augmentée, suivant que la cellule 
hépalique est normale ou altérée, soil dans sa structure, soit dans sa 
fonction, (abstraction faite de toute lésion rénale susceptible de retenir 
dans le sang des produits alcooliques abandonnés par le foie). 

5° La toxicité urinaire doit toujours être déterminée dans les maladies 
du foie ; la recherche de la glycosurie alimentaire elle-même ne peut 
remplacer cette détermination, au double point de vue du diagnostic et 
du pronostic. 

6° Le pronostic est plus grave toutes les fois que la toxicité urinaire 
est augmentée non d’une façon passagère, critique, mais d’une façon 
permaneñle. 

. 7° Dans les cas où la toxicilé urinaire est augmentée, le régime lacté et 
l’antisepsie intestinale s'imposent rigoureusement. 


DE LA VALEUR DU MOT ENDOTHÉLIUM EN ANATOMIE, A PROPOS DES CELLULES 
A CILS VIBRATILES DE LA CAVITÉ GÉNÉRALE DES SIPUNCULIENS, 


par M. Et. Jourpax. 


Les histologistes distinguent généralement les couches cellulaires qui 
tapissent les surfaces libres du corps des animaux et de l’homme, telles 
que la peau et l'intestin, des éléments qui protègent à la façon d’un vernis 
les grandes cavités séreuses pleurale et péritonéale, ainsi que la face interne 
du cœur et des vaisseaux. Ils désignent les premiers par le mot ÉPrrné- 
LIUM et ils réservent aux seconds le mot ENDOTHÉLIUM. C’est sur cette der- 
nière dénomination et sur la valeur qu’elle peut avoir en histologie que 


Je me permets d'attirer l'attention des anatomistes ; il me semble, en effet, 


que l’on est assez mal fixé à cet égard. 

On sait que His a créé le terme Endothélium pour l’appliquer à des 
cellules disposées en surface à la façon des Epithéliums, mais qui en 
diffèrent complètement par leur origine. L’embryologiste allemand admet- 
tait, en effet, pour les tissus qui entrent dans la constitution des organes 
des animaux ches lesquels il avait suivi les différents stades du dévelop- 


28 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


pement, et en particulier pour ceux du poulet, deux origines bien dis- 
tinctes. Les uns se formeraient aux depens du germe en segmentation ou 
pour parler d’une façon plus exacte et plus actuelle aux dépens des deux 
feuillets blastodermiques, il les désignait sous le nom de Zissus archiblas- 
tiques. 

Les autres auraient, d’après lui, une tout autre origine; ils dériveraient 
de l’organisme maternel seul quiest représenté dans l'œuf par le vitellus 
blanc et qui peut être plus ou moins abondant, suivant l'organisme que 
l’on considère. Ge vilellus blanc donnerait naissance au sang, au tissu 
conjonctif, aux vaisseaux sanguins et lymphatiques, et aux cellules qui 

.tapissent les faces pariétale et viscérale des organes de la cavité pleuro- 
péritonéale. His les a réunis sous le nom de Tissus parablastiques. 

La théorie de His, telle que l'avait formulée cet embryologiste, a été 
reconnue inexacte et elle est aujourd'hui abandonnée. Elle a été cepen- 
dant remaniée et présentée sous une forme plus accptable par Waldeyer. 
Enfin 0. et R. Hertwig, dans leur Théorie du C'œlome, admettent une con- 
clusion semblable à celle de His, à savoir que l’on avait confondu comme 
émanant du feuillet moyen deux groupes de tissus ayant en réalité des 
origines bien différentes, et ils établirent qu’il fallait distinguer ceux qui 
émanent du Mésoderme épithélial formé par invagination de l’Entoderme 
et ceux qui dérivent du Mesenchyme. Je ne puis mieux faire, du reste, que 
de rappeler la définition que Ilertwig donne dans sa théorie. « Les feuil- 
lets moyens sont des couches épithéliales de cellules embryonnaires for- 
mées par invagination de l’Entoderme, tout comme ce dernier provient 
par invagination de la Blastula. Au contraire, le germe du Mesenchyme 
se compose de cellules qui se sont détachées isolément de l’'Endoderme 
épithélialet qui, se répandant dans les interstices existant entre les feuil- 
lets épithéliaux constituent l’ébauche de la substance conjonctive et dn 
sang. » 

Le Mesenchyme de Hertwig donne naïssance, comme le Parablaste de 
His, au tissu conjonctif, à la lymphe et au sang, aux vaisseaux lymphati- 
ques et sanguins; mais on voit qu'il n'existe plus ici qu’une analogie de 
groupement, en réalité les origines de ces tissus sont tout à fait différentes 
dans les deux théories. Les anciens Endothéliums de His dérivent done 
du Mesenchyme de Hertwig, et ce Mesenchyme lui-même correspond à 
des éléments épithéliaux endodermiques qui se sont désagrégés et qui 
ont pénétré au milieu des cellules des feuillets blastodermiques pour y 
jouer le rôle d’élément de soutien. Les Lhéories des embryologistes corres- 
pondent ainsi davantage à la réalité anatomique et expliquent Les rappro- 
chements qu'il est aisé d'établir entre les épithéliums et certains endothé- 
liums. 

Il y a peu de temps encore, il était possible d’assigner à chacun de 
ces tissus des caractères propres et bien distincts. On considérait volon- 
tiers les cellules endothéliales comme des éléments conjonctifs étalés en 


SÉANCE DU 16 JANVIER 29 


surface, mais conservant de leur origine l'incapacité de réaliser les carac- 
tères des épithéliums ectodermiques ou endodermiques. Aujourd’hui, cette 
opinion doit être abandonnée ; les recherches des histologistes démontrent 
que aussi bien chez les Vertébrés que chez les Invertébrés, les endothé- 
liums peuvent, dans certains cas, prendre complètement l'aspect de certains 
épithéliums et posséder même des cils vibratiles. Je rappelle ici les exem- 
ples les plus connus et qui se rapportent aux vertébrés. On sait qu’au 
niveau de l'orifice de l’oviducte chez la femme et chez tous les mammi- 
fères, l’épithélium vibratile de la trompe de Fallope se continue sans ligne 
de démarcation bien tranchée avec l’endothélium péritonéal. Les amphi- 
biens offrent un exemple de même nature. Chez eux, l’épithélium vibratile 
s'étend à la surface du péritoine, et Neumann a constaté que les cellules 
ciliées ne sont pas situées au-dessus des cellules péritonéales, mais qu’elies 
sont mélangées et enchâssées au milieu d’elles, et, fait important, il avoue 
que les cellules pavimenteuses endothéliales peuvent au moment de la 
reproduction devenir tout autant de cellules épithéliales à cils vibratiles. 
Nous assistons ainsi à la transformation des cellules endothéliales en cel- 
lules épithéliales. Enfin, Carl Vogt chez les Salmonidés et Balbiani chez 
la Truite ont constaté que le péritoine était tapissé par des cellules à cils 
vibratiles. On voit qu’en ne considérant que les vertébrés adultes, la dis- 
tinction des revêtements ceilulaires en Épithéliums et Endothéliums est 
im possible, et que la limite qui sépare ces deux groupes d'éléments anato- 
miques n'est pas absolue, ainsi que semble le faire supposer la dénomina- 
tion distincte que l’on emploie depuis His pour désigner chacun d’eux. 
Les Invertébrés nous fourniraient de nombreux faits à l'appui de cette 
opinion et mes recherches sur les Sipunculiens me permettent d’en faire 
connaître un que je crois inédit. En pratiquant des coupes à travers les 
parois du corps du Sipunculus nudus, j'ai été frappé de l'existence de 
bouquets de cils saillants vers la cavité péritonéale. En examinant alors, 
à ce point de vue, diverses régions de cette cavilé générale, la face périto- 
néale du tube digestif et du tronc nerveux, la surface des muscles rétrac- 
teurs, le revêtement cellulaire des canaux hypodermiques, j'ai pu constater 
que ces cils étaient vibratiles et qu'ils existaient partout. Ces cils appar- 
tiennent à des éléments dont la forme nous est révélée par les imprégna- 
tions d’argent. On voit, à l’aide de cette méthode, que les contours de ces : 
cellules endothéliales sont ondulés, semblables à ceux que Viallanes a 
décrits et figurés chez le Lombric et l’Arenicole que Vignal a vu à la face 
interne des vaisseaux des Mollusques, que j'ai pu moi-même observer chez 
le Siphonostome et chez les Holothuries et que tous les histologistes 
connaissent comme caractérisant le système des vaisseaux lymphatiques 
des Vertébrés. Les cellules endothéliales du Siponcle ne différent donc 
en rien des endothéliums classiques, si ce n’est qu’elles sont pourvues de 
cils vibratiles. Elles sont toujours disposées en une seule couche, elles 
sont si plates que le corps de la cellule est à peine visible sur les coupes ; 


30 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


de plus, je n'ai Jamais vu ces cellules prendre la forme cylindrique. Au 
point d'implantation des cils, vn constate cependant l'existence d'une 
petite masse protoplasmique lenticulaire entourant le noyau, mais né 
s'étendant pas jusqu'aux bords de l’élément. Les cils sont groupés en 
brosse, fort longs et situés en un point qui correspond au centre de la 
cellule. Ces cel/ules plates à eils vibratiles de la cavité générale et descanaux 
hypodermiques des Sipunculiens sont mélangées à d’autres éléments qui 
n’en diffèrent que par l'absence de cils. Le revêtement vibratile est donc 
discontinu, il existe des sortes de taches vibratiles disséminées irrégu- 
lièrement. 

Il me semble possible de tirer des réflexions précédentes et du 
fait que je fais connaître une conclusion générale. Nous devons admettre 
que le Mesenchyme, ou les cellules de la substance connective qui en 
dérivent, évoluent de façon à édifier des groupes d'éléments anatomiques 
qui le plus souvent conservent de leur origine des caractères propres et 
qui revêtent la face interne du péritoine, du cœur et des vaisseaux ; mais 
que, dans certains cas, ces cellules peuvent donner naissance à des éléments 
offrant tous les caractères des épithéliums ectodermiques ou endoder- 
miques, ou encore des caractères mixtes comme l’Endothélium à cils vibra- 
tiles des Sipunculiens. 

Nous avons ainsi un nouvel exemple de la plasticité du protoplasma 
cellulaire et nous devons admettre que de même que la forme et la cons- 
titution d'un organe peuvent se modifier pour s'adapter à des fonctions 
nouvelles, de même la morphologie des éléments anatomiques peut 
varier suivant le rôle que ces éléments jouent dans la vie de l’organisme 
auquel ils appartiennent. Il semble même qu'une fonction déterminée 
peut faire converger vers une forme commune des éléments issus de 
feuillets blastodermiques différents. Il en résulte que le caractère que 
présente chaque feuillet embryonnaire de donner naissance à tel ou tel 
groupe d'organes, servant les uns aux fonctions de la vie de nutrition, les 
autres à celles de la vie de relation, n’est que secondaire et acquis. On 
doit admettre que primitivement ces cellules pouvaient se plier à telle ou 
telle évolution ; ce n’est que plus tard et sans doute par suite d’une 
détermination répétée que le rôle de chaque feuillet a été fixé par l’héré- 
dité. 

Une opinion semblable et pouvant conduire aux mêmes conclusions, a 
été déjà adoptée par M. Ranvier dans ses lecons sur la structnre des 
fibres musculaires du cœur des vertébrés. IL fait remarquer que la mor- 
phologie des cellules contractiles du muscle cardiaque est subordonnée 
à la direction formatrice qui préside à la constitution du cœur, que la 
forme de l'organe ne dépend pas des cellules qui le constituent; maïs, au 
contraire, que la cellule embryonnaire se plie aux besoins de l'organe 
qu'elle édifie et que sa forme est soumise à la forme de ce dernier. Il 
ajoute « et ce n’est là qu'un cas particulier d'une loi tout à fait générale. » 


SÉANCE DU 16 JANVIER 31 


. M. Marassez : À propos de la très intéressante communication de 
M. Jourdan, je crois devoir rappeler celles faites ici même en 1880, par 
MM. Mathias Duval et Wiet sur l’épithélium vibratile du péritoine de Ja 
grenouille, par M. de Sinety et moi sur l’épithélium de la surface périto- 
néale des kystes de l’ovaire que nous avions décrit en 1878 dans les Archives 
de Physiologie. J'ajouterai que pour expliquer l'existence de cellules épi- 
théliales à la surface du péritoine, j'ai émis une hypothèse autre que celle 
de M. Jourdan; j'ai supposé que des cellules épithéliales trouvées à la 
surface du péritoine pouvaient être des semis, des colonies, provenant de 
tissus épithéliaux voisins : épithélium de l'ovaire, des trompes. Ce qui m’a 
conduit à cette hypothèse, c’est que dans des cas de tumeurs végétantes 
de l'ovaire, j'ai constaté des petites tumeurs secondaires à épithélium sem- 
blable, en différents points de la surface péritonéale, principalement à la 
face antérieure du rectum et parfois à la face inférieure du diaphragme. 
Elles semblaient vraiment être le résultat de véritables greffes. Or, ce qui 
paraît vrai pour des néoformations pathologiques, peut l'être également 
pour des productions normales, passagères ou permanentes; passagères, 
comme est l'extension de l’épithélium vibratile à la surface du péritoine 
dans la grenouille femelle au moment du rut; permanentes, comme celles 
constatées par M. Jourdan. L’endothélium ne se transformerait pas en 
épithélium ; l’épithélium envahirait les surfaces occupées par l’endothé- 
lium, se substituant à lui, ou le recouvrant peut-être seulement; d’oùl ’en- 
dothélium sous-épithélial que de Sinety et moi avons également constaté 
à la surface péritonéale des kystes de l’ovaire. (Arch. de Physiol., 18TS. 


SUR LA PERSISTANCE PARTIELLE DE LA SYMÉTRIE BILATÉRALE 
CHEZ UN TURBOT (#hombus maximus L.), 
ET SUR L'HÉRÉDITÉ DES CARACTÈRES ACQUIS CHEZ LES PLEURONECTES, 


par M. ALFRED GIARD. 


Dans le courant de septembre 1890 fut pêché à l'embouchure du 
Wimereux un turbot (Rhombus maximus L.) présentant une monstruosité 
déjà connue, mais cependant assez rare. L’œil droit, dans son mouvement 
de migration vers la face gauche du jeune poisson, s’était arrêté sur la 
crête dorsale, de telle sorte que la nageoïire dorsale, au lieu de s'étendre 
comme elle le fait d'ordinaire vers la partie antérieure de la tête, était 
séparée de celle-ci par une concavité, une véritable échancrure. La face 
droite (face aveugle), au lieu d’être blanche, était colorée comme la face 
gauche dans toute son étendue ; la pigmentation était toutefois un peu 
moins intense. L'animal devait nager en se tenant verticalement et se 


32 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


poser rarement sur le côté droit. Il mesurait 19 centimètres de longueur, 
de la mâchoire inférieure à l'extrémité de la queue, et 11 centimètres de 
largeur maxima. La distance des deux yeux était de 5 millimètres. Une 
anomalie semblable a été signalée et figurée par Yarrell dans son Aistory 
of British Fishes (1), et plus récemment H. Filhol a décrit la même 
monsiruosité d'après un exemplaire reçu de Concarneau (2). 


Mac Inlosh a figuré également un jeune turbot de 8 cent. 5 de long 
sur 3 centimètres de large, pêché à Saint-Andrews (Écosse), qui avait 
gardé complètement la symétrie bilatérale et une pigmentation égale sur 
les deux faces. Mais sur ce spécimen plus jeune que les précédents la 
nageoire dorsale ne faisait pas la saillie singulière au-dessus de la tête 
observée dans les cas antérieurement cités(3). 

La fréquence relative chez Rhombus maximus de cette monstruosité 
non signalée chez les autres pleuronectes tient sans doute à ce que le 
jeune turbot, ainsi que l'ont indiqué Day et Mac Intosh, nage dans la 
position verticale beaucoup plus longtemps que les autres poissons plats. 
Dès lors un arrêt de-développement peut se produire plus facilement 
dans cette période embryonnaire sans arrêter la croissance et sans trop 
nuire à la vie de l’animal. Mac Intosh a trouvé un individu normal de 
9 millimètres de long sur 7 millimètres de large, dont l’œil droit était 
déjà arrivé sur la crête du dos et qui nageait encore dans la position 
verticale. La face droite portait même un calige. La présence de para- 
sites (caliges, ancées, lernées, etc.), si fréquente chez les jeunes pleuro- 
nectes, pourrait contribuer peut-être à déterminer par castration parasi- 
taire l’arrêt de développement qui nous intéresse. 

La conséquence la plus importante de cette évolution anormale est la 
production du pigment sur la face droite ordinairement blanche. L'action 
directe de la lumière déjà soupçonnée par Lacépède et les anciens natu- 
ralistes est ici mise en évidence de la façon la plus nette. Dans ce cas, 
comme dans beaucoup d’autres, la nature réalise pour celui qui sait la 


(4) W. Yarrell (B. F., t. Il, 1831, p. 331) se borne à donner un dessin de la 
tête du poisson. « La vignette représente, dit-il, la partie antérieure d’un tur- 
bot avec une tête mal conformée. Je dois à la gracieuseté de M. Nelson de. 
Davenport le spécimen en question. Il avait été pris en juin 1835 dans le voi- 
sinage de cette localité et apporté vivant sur le rivage. » 

(2) H. Filhol. Description d’un cas de monstruosité observé chez un Rhombus 
vulgaris Cuv. (Bull. de la Soc. philomathique de Paris, 1890, 8° série, t. I, n° 2, 
p. 4 avec figure). La figure donnée peut s'appliquer identiquement à notre 
exemplaire. Filhol n'indique pas les dimensions du poisson. Par une erreur 
typographique sans doute il désigne tout le temps l'œil gauche comme étant 
l'œil migrateur. L'examen du dessin prouve bien qu'il s’agit de l’œil droit. 

(3) Mac Intosh. The marine invertebrates and fishes of Saint-Andrews, 
1875, p. 179, pl. VI, fig. 5 et 6. 


SÉANCE DU 46 JANVIER 3 


comprendre une expérience bien plus parfaite que celles que nous pou 
vons imaginer dans nos laboratoires. C’est, en effel, au prix de mille 
difficultés que Cunningham a réussi à démontrer d'une façon incomplète 
que le pigment apparaît chez le jeune flet (P/euronectes flesus) sur la face 
inférieure (face gauche) lorsqu'on prend soin d’ ‘éclairer celle-ci à l’aide 
de la lumière réfléchie (1 la : 

- Encore cette expérience de Cunningham n'est-elle pas absolument 
concluante. Parmi tous les pleuronectes, c’est en effet chez le flet que 
l'on trouve le plus fréquemment des individus dits contournés ou reverses, 
c’est-à-dire des individus qui, dans le cas actuel, ont les yeux et la pig- 
mentation sur la face gauche au lieu de les avoir sur la face droite, 
comme les spécimens typiques. Les individus ordinaires peuvent compter 
des individus reverses parmi leurs ancêtreset l'on pourrait, par suite, 
attribuer à l’hérédité l'apparition des taches pigmentaires observées sur 
la face aveugle dans l'expérience de Cunningham. On pourrait le faire 
avec d'autant plus de raison que des individus pes ou marbrés sur la face 
aveugle et aussi des individus ordinaires doubles, c'est-à-dire colorés sur 
les deux faces, ne sont pas rares même parmi les flets pêchés en liberté. 
Et comme d’ailleurs on observe de semblables anomalies même chez des 
pleuronectes où les individus reverses sont rares (soles, turbots, etc.) (2), 
on pourrait encore faire intervenir un atavisme plus éloigné et: attribuer 
ces restes de pigmentation au souvenir de l'état bilatéral primilif. 

Il est juste de dire que dans l'expérience de Cunningham, les individus 
témoins sont restés complètement blancs du côté aveugle et que, de plus, 
les individus reverses doivent être rares parmi les flets pêchés à Plymouth, 
paisque le naturaliste anglais n’a même pas prévu l’objection. 

Il n’en est pas de même à Wimereux. D'après une statistique que je 
dois à l’obligeance d'un pêcheur émérite, M. Tayeau, sur 338 flets pêchés 
à Wimereux du 9 septembre au 34 octobre 1891, 218 étaient normaux, 
120 (soit 35 p. 100) étaient reverses. 


: Quoi qu'il en soit, les anomalies du genre de celles que nous avons 
décrites ci-dessous montrent, d’une façon certaine, que la coloration de la 
face supérieure des pleuronectes est due à l'action directe de la lumière 
et non à une variation blastogénétique accidentelle. 

L'indifférence relative des jeunes flels à se does vers le côlé droit 
ou vers le côté gauche prouve bien aussiqu’on ne peut attribuer la pleu- 
rostase, comme certains auteurs ont tenté de le faire, à l'inégalité du poids 


CAT 


EDLE TT. Cunningham. An experimént concerning the absence of colour 
from the lower sides of flat fishes (Zoolog. Anxzeiger, n° 354; 19 janvier 1891, 
p. 21). 

(2) Giard. Développement des Pleuroneutes (Revue des sciences naturelles de 
E. Dubreuil, t. VII, 1877, p. 133-139.) 


34 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


des viscères des deux côtés du corps. Je persiste à chercher la cause de 
ce singnlier phénomène dans l'inégalité des organes des sens chez les 
animaux pélagiques et, en particulier, dans l’inégalité des yeux chez les 
jeunes poissons plats. À. Agassiz a ajouté de nouveaux exemples (entre 
autres l'Jybocodon parmi les acalèphes) à ceux que j ‘avais signalés anté- 
rieuremen à l’appui de cette opinion (1). 

. L'existence, dans certaines localités, d’un nombre très considérable d’in- 
dividus contournés me paraît un nouvel argument en faveur de l’hérédité 
des modifications acquises. Car si la sélection intervenait, on ne s’expli-: 
querait pas pourquoi elle ferait disparaître, en certaines localités seulement 
les flets dont les yeux se porteraient vers le côté gauche. C’est uniquement 
dans les cas où la migration d’un des yeux se fait par un processus 
abrégé, comme chez les Plaqusia, que l’on comprend l’action de la sélec- 
tion, action parfaitement constatée d'ailleurs par À. Agassiz dans le Mé- 
moire. cité DE haut. 


SUR UNE ALGUE PÉLAGIQUE NOUVELLE, 


par M. G. Poucxer. 


Au cours de ia mission dont je fus chargé en Laponie, en 1882, j avais 
trouvé (juin, juillet) la mer depuis les parages des îles Lofoten jusqu’au 
delà du cap Nord dans le Varangerfjord pleine de petits corps sphériques, 
ayant de 1 à 2 millimètres de diamètre, gélatineux, transparents, légè- 
rement teintés de jaune, tellement abondants, que l’idée ne me vint pas 
un seul instant que je pouvais être en présence d’un végétal inconnu des 
botanistes. 

Toutefois pour conserver le souvenir et en quelque sorte la preuve de 
cette extraordinaire abondance, je demandai à l'officier du Coligny qui 
s'était chargé du service photographique, de photographier un bocal 
d'eau directement prise à la mer. Je possède encore le cliché. La forme 
cylindrique du bocal rend cette photographie moins démonstrative 
qu'elle eût pu l'être; on voit seulement en certaines places les algues dis- 
tantes les unes des autres, comme elles l’étaient toutes, de 3 centimètres 
au plus, ce qui revient à dire que dans 4 mètre cube d’eau de mer devaient 
s’en trouver 40,000 au moins; en attribuant à chacune de ces algues un 
volume égal à un huitième de millimètre cube, ce qui est un minimum, 
on trouve qu'il-existait, par mètre cube, 10 centimètres. cubes de cette 
matière vivante. . 


::(4)'A. Agassiz. Development of the flounders (Proceedings of the Amer. Acad. 
of arts and sciences; Cambridge, 1878, vol. XIV, p. 12).- {+ 


SÉANCE DU 16 JANVIER 35 


En 1890, pendant un séjour à Thorhaven aux Ferôe (aoû), j'ai retrouvé 
dans les pêches pélagiques la même algue se présentant avec les carac- 
tères suivants : une masse gélalineuse à peu près sphérique, quelquefois 
ovoïde, le plus souvent bossuée, comme formée de sphères de volume 
inégal se coupant les unes les autres. À 20 ou 30 x au-dessous de la surface 
sont les cellules colorées en jaune. Elles sont généralement disposées par 
groupes de quatre, formant eux-mêmes d’autres groupes régulièrement 
disposés à leur tour par quatre. Chaque cellule large de 8 à 9 & environ 
laisse voir deux leucites jaunes. 


Tetraspora Poucheti Hariot. — 1, L’algue à l’état frais. — 2, Un groupe de 
cellules d’après une préparation fixée à l'alcool. —: 3, Zoospore d'après une 
préparation fixée à l'acide osmique. (Dessins de M. Bietrix.) 


J'ai pu suivre une partie de l’évolution de cette algue. Une dernière 
segmentation des cellules donne des zoospores d’un diamètre moitié 
moindre (5 ), un peu piriformes, munies vers l'extrémité atténuée de 
deux flagella, l’un plutôt étendu dans l'axe de la cellule, l’autre plutôt 
transversal, disposition que nous avons indiquée déjà chez nombre de 
végétaux inférieurs. Ces zoospores se déplacent vivement au centre de la 
masse muqueuse. 

N'ayant pu parvenir à déterminer cette algue, je l’ai remis à M. P. Hariot 


36 - SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


spécialement compétent et qui veut bien me communiquer la note sui- 
vante : 


« Tetraspora Poucheti n. sp. | 
« T. circa 1-2 mim. lata, thallo repande-lobato, globoso, bulloso, flavicante, 
libere et pelagice natante; cellulis rotundatis Mere 6-8 y diam., pias- 
mate flavido facctis, quaternatim plerumque disposilis. 
« Species insignis maxima cum copia in Atlantico septentrionali dispersa, 
cl. professori G. Pouchet qui primus detexit et in lucem edidit libenter dicata, 
« Le Tetraspora Poucheti est remarquable par son mode de vie pelagique, 
son extraordinaire abondance dans le Nord Atlantique; et enfin, sa coloration. 
Il est voisin du T. Giraudyi de la Méditerranée qui présente les mêmes carac- 
tères de couleur, mais.il en diffère nettement en ce qu'il n’est pas fixé ‘et par 
ses dimensions beaucoup plus petites. » Re 


LES LARVES DE MUSCIDES COMME FACTEURS GÉOLOGIQUES, 


par M. G. Poucuer. 


Je voudrais communiquer à la Société, à titre de simple curiosité, une 
observation que j'ai eu l’occasion de faire pendant mon séjour au 
Dyrejord (Islande) dans le voisinage d’une pêcherie de Baleines. 

Dans la pêcherie que je fréquentais, quand on a extrait des baleines, 
l’huile et les fanons, quand on a envoyé à la mer les viscères, le reste, 
c'est-à-dire les chairs et le squelette formant une l'énorme carcasse, est 
échoué à côté du chantier dans une petile baie en attendant d’êlre em- 
barqué à la fin de la saison pour une fabrique de noir animal de Chris- 
tiania. Le nombre de ces carcasses à l'époque où je visitais le chautier 
dépassait soixante. R ‘ui 

Ce vaste charnier produit d'innombrables quantités d’Aslicots (1), et 
ceux-ci, à leur tour, modifient d’une façon remarquable la berge. Darwin 
a appelé, on le sait, l'attention sur l'influence géologique — d'ailleurs 
toujours très limitée — que peuvent avoir certains animaux (sol des iles à 
guano, action des Lombries, etc.) ; c’est une action du même genre due 
aux Asticots, que j'ai pu constater. | | F5 t 

Les carcasses en putréfaction sont habitées par d'innombrables légions 
de ces larves (mois de juillet el d'août). Le jour ils se couchent (2), mais 


(1) J'emploie à dessein ce mot pour désigner les larves de mouches, qui à 

depuis longtemps droit de cité dans la langue française. j: 

(2) Voy. Pouchet. De l'influence de la lumière sur les larves de Diptères privées 
d'organes extérieurs dé la vision. (Rev. et ouv. de Zoologie, 1872.) 


SÉANCE DU 16 JANVIER 31 


à l'heure où la lumière devient plus faible, vers onze heures du soir à 
l'époque où se-place notre observation, les Asticots parvenus à l'époque 
de leur métamorphose quittent les carcasses et s’avancent sur la berge 


qui, lorsqu'elle est plate, apparaît toute blanche sur une largeur de plu- 


sieurs mètres. 

La petite baie où sont échouées les carcasses a pour bordure une prai- 
rie élevée de 2°,50 environ au-dessus de la mer. Un talus très en pente 
monte de la berge à la prairie. Ce talus offrait pendant le jour l'apparence 
suivante : tout en haut les mottes d'herbe en saillie, minées par dessous ; 
les deux tiers supérieurs du talus formés de terre meuble mêlée de galets 
généralement aplatis, les plus gros mesurant environ 8 centimètres sur 4; 
contre le tiers inférieur du talus est appuyée une sorte de petite moraine 
de galets, reposant par son pied ou sa base sur le sable de la rive. Ces 
galets proviennent du terrain supérieur et sont sans mélange de terre 
meuble. On se rend compte aussitôt que cette accumulation de galets ne 
doit pas son origine à là mer. Le bord supérieur de l'espèce de petite 
moraine qu'ils forment est irrégulier. Elle mesure quand nous l’observons 
pour Ja première fois, 50 à 60 centimètres de haut sur une épaisseur 
de 10 centimètres environ à la base. ir 

En revenant aux mêmes lieux dans le crépuscule du milieu de la nuits 
nous pouvons, M. Buchet qui voulait bien me servir d'assistant, et une 
troisième personne, nous rendre compte de la formation de cette moraine. 
Les Asticots quittant les carcasses, s’avancent d’abord péniblément sur le 
sable de la rive jusqu’au pied de la moraine, ils s'engagent entre les 
pierres et la franchissent rapidement. Arrivés au bord supérieur de la 
moraine, ils ne trouvent plus que la terre meuble et en pente; leur pro- 
gression devient beaucoup plus difficile. Ils roulent en arrière, ils s’en- 
tassent et forment au-dessus de la moraine une frange compacte large de 
30 centimètres environ sur une épaisseur de ? ou 3 centimètres à la base. 
Ceux qui sont plus heureux et parviennent à s’avancer sur le talus, 
cherchent dès qu'ils rencontrent un galet à s'engager au-dessus de lui. Le 
galet est bientôt miné, détaché, et roule jusqu'à la morainé sur laquelle 
il s'arrête et qu'il contribue à accroître. 

C'est l’incessant cliquetis que faisaient les nouveaux galets éboulés qui 
appela d’abord notre attention, el nous engagea à observer les détails 
d’une aussi singulière formation géologique. On notera que la moraine 
dont nous parlons s’étendait sur plus de 500 mètres de long autour de la 
petite baie où étaient échouées les carcasses. ' 

Quand les larves ont atteint les racines du gazon de la prairie, elles se 
terrent au milieu d’elles pour se métamorphoser. C’est seulement à la 
longue que les mottes de gazon minées en dessous surplombent de plus 
en plus et tombent à leur tour. La prairie est donc peu à peu rongée, non 
par l’action de la mer, comme on pourrait le penser tout d’abord, mais 
par celle des insectes. EE 


38 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Le voisinage de cet immense charnier et cette incalculable quantité de 
larves devraient, semble-t-il, emplir le pays de mouches. Il n’en est rien. 
Peut-être la cause en est-elle aux vents à peu près constants d'amont qui 
balayent le bord el entrainent au loin vers la mer les insectes ayant 
accompli leur métamorphose. 


DU TISSU CONJONCTIF DANS LE LOBULE HÉPATIQUE DE CERTAINS MAMMIFÈRES, 
par M. Moïse FRENKEL. 


(Travail du laboratoire d’Histologie de la Facullé de médecine.) 


Oa varie d'opinion sur l'existence du tissu conjonctif dans l’intérieur du 
lobule hépatique des mammifères. 

Wagner (1), puis Frey (2) ont décrit et figuré des fibrilles dans l’inté- 
rieur du lobule hépatique; d’après le dernier auteur, ces fibrilles seraient 
en rapport direct avec le tissu conjonctif périlobulaire et formeraient 
autour des cellules hépatiques une membrane propre. D'autres, et en par- 
ticulier M. Ranvier (3), ont contesté l'existence du tissu conjonctif dans 
l'intérieur du lobule hépatique, d’autres encore ont considéré ces fibrilles 
comme des vaisseaux lymphatiques; M. Renaut (4) pense que les fibrtlles 
qu’on aperçoit dans le lobule hépatique sont des pointes d’aceroissement 
des capillaires. 

En fixant le foie de l'homme, du chien, du chat, du cheval, du porc, du 
bœuf, du mouton, du rat, par le liquide de Muller, on aperçoit sur des 
coupes fines, qui ont été débarrassées des cellules hépatiques par le 
secouage dans l’eau, une charpente réticulée. Celle-ci se trouve dans Pin- 
térieur du lobule hépatique et se montre formée des fibrilles très fines. 
Ces fibrilles s’entrecroisent de façon à former des mailles. 

Le procédé qui m'a donné les meilleurs résultats pour voir si ces 
fibrilles dépendent de cellules conjonctives, consiste à laisser la pièce 
fraiche 24 heures dans l'alcool au tiers, avant de durcir dans la gomme 
arabique et l’alcool pour faire des coupes. Après la double coloration 
avec de l’hématoxyline et de l'éosine, on secoue les coupes dans l'eau ou 
on les traite par le pinceau. 

Par ces procédés, on trouve chez les divers mammifères précédents 


(1) Journal de micrographie de M. Pelletan, 1885, p. 158. 

(2) Wagner. Archiv für Heilkunde, 1860, 1° Iahrg., p. 251. 

(3) Frey. Traité d’histologie et histochimie, 2 édition française, $ 264. 
(4) Anatomie générale de M. le professeur Arloing, p. 380. 


SÉANCE DU 16 JANVIER 39 . 


———_—_—_—_—— 


que la charpente réticulée renferme de nombreuses cellules conjonctives 
éloilées. Leur forme présente des différences assez notables: elles sont 
polygonales, fusiformes, irrégulièrement prismatiques; il y en a d’arron- 
_dies. Ces cellules émettent des prolongements très minces formant le 
réseau. Parfois les cellules sont si rapprochées que leurs bords sont 
juxtaposés. 

Les rapports de ces cellules avec les vaisseanx sanguins et le tissu con- 
jonctif périlobulaire sont les suivants: de la périphérie de la veine cen- 
trale partent des prolongements fibrillaires qui se dirigent vers les 
espaces périlobulaires. Ces prolongements sont en relation, dans l’inté- 
rieur du lobule, avec des cellules conjonctives également étoilées. Celles-ci 
sont disposées autour des capillaires sanguins et elles sont si nombreuses 
qu’elles forment comme une sorte de gaine complète autour de ces 
derniers. 

En suivant le développement de cette trame conjonctive, on constate 
que le nombre des cellules augmente avec l’âge: dans le foie d'un de ces 
animaux, avant la naissance, on trouve déjà des cellules conjonctives, dis- 
posées autour des capillaires et émettant des prolongements. Chez l’ani- 
mal jeune, ces cellules conjonctives augmentent de volume et de nombre 
autour des capillaires. Chez l'adulte, le réseau devient plus serré et les 
fibrilles de plus en plusnombreuses. Chez l'animal vieux, les cellules sont 
si nombreuses qu’elles semblent soudées par les bords et forment une 
véritable trame cellulaire, de laquelle partent des prolongements fibril- 
laires. Chez le lapin, je n’ai pu voir cette trame. 

En résumé, il existe dans le lobule hépatique une trame, formée des 
cellules conjonctives et de leurs prolongements ; elle ne forme pas une 
gaine complète (membrana propria) à chaque cellule hépatique. Chez 
l’adulte, elle constitue une sorte de paroi fenêtrée séparant entre elles les 
traînées de cellules hépatiques. 

Dans les autres glandes de l'organisme, les culs-de-sac glandulaires 
sont séparés par un tissu conjonctif condensé ; dans le foie, les trainées 
de cellules hépatiques sont séparées des capillaires par une membrane, 
formée des cellules conjonctives. Dans les jeunes stades, celles-ci s’anas- 
tomosent en réseau; plus tard, elles sont si serrées qu’elles constituent 
une membrane cellulaire réticulée. 


Le Gérant : G. Masson. 


Paris. — Typographie Gaston Née, 1, rue Cassette. — 5732. 


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41 


SÉANCE DU 23 JANVIER 1892 


M. le D' Pau Sénreux : Note sur un cas de cécité verbale avec agraphie suivie d'au- 
topsie (Mémoires). — MM. les DrS pe Carisruas et Respaur : Notes sur les antisep- 
tiques composés. — M. Arrrep Grarp : Sur un Diptère Stratyomide (Beris vallata 
Fôrsrer) imitant une Tenthrède (Afhalia annulata Fag.). — MM. Cu. Féré et 
L. Hergert : Recherches expérimentales sur l'accumulation du bromure de: stron- 
tium dans l'organisme. — MM. A. Roper et Courmonr : Sur la toxicité des produits 
solubles du staphylocoque pyogène. — M. A. Rarzier : Sur un Ténia du Pigeon 
domestique, représentant une espèce nouvelle (Tænia Delafondi). — M. le Dr PrerRE 
SEBILEAU et M. ArRoù : La circulation du testicule. — M. J. Kunckez D'Hercuraïs : Le 
Criquet pèlerin (Schistocerca peregrina Our) et ses changements de coloration. — 
Rôle des pigments dans les phénomènes d'histolyse et d’histogenèse qui accompa- 
gnent les mues de la métamorphose. — MM. J. Héricourr et Cu. Riouxr : Note sur 
les effets de la tuberculose aviaire, vaccinant contre la tuberculose humaine, chez 
les singes et les chiens. — M. V. Fayon : Réponse aux remarques de M. le profes- 
seur Guignard au sujet de ma communication sur la structure du protoplasme. 
— M. Guicnarp : Remarques au sujet de la deuxième note de M. Fayod sur la 
structure du protoplasme. 


Présidence de M. Laveran. 


NOTE SUR UN CAS DE CÉCITÉ VERBALE AVEC AGRAPHIE SUIVIE D'AUTOPSIE, 
par M. ie D' Pauz Sérieux (Voir Mémoires du présent volume, p. 13). 


NOTES SUR LES ANTISEPTIQUES COMPOSÉS, 


par MM. les D'° pe Carisrmas et RESPAUT. 


Depuis qu’on a cherché à traiter les maladies d’origine microbienne 
par les antiseptiques, on s’est heurté à un grand obstacle, c'est que les 
antiseptiques n'étaient pas assez puissants, si on les prenait à un degré 
de concentration non dangereux pour l'organisme. C’est ainsi que Schill 
et Fischer ont trouvé qu'une solution à 5 p. 100 d'acide phénique ne 
slérilise pas les crachats au bout de deux heures, et qu'une solution de 
sublimé à 2 p. 1000 ne les stérilise pas au bout de vingt-quatre heures. 
Guttman et Merke, de leur côté, ont observé, qu'une solution à 5 p. 100 
d'acide phénique ne détruit pas les spores du charbon au bout de trente- 
sept jours. 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9° SÉR'E, T. IV. 3 


‘49 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


On a été amené naturellement alors à chercher des antiseptiques plus 
puissants. Laplace, en inélangeant de l'acide phénique avec de l'acide 
sulfurique concentré à parties égales, a obtenu un antiseptique beaucoup 
plus puissant que l'acide phénique seul. Hammer a obtenu un anti- 
septique encore plus puissant avec une solution neutre d’ortho-et de 
métacrézol. D’autres auteurs ont obtenu des résultats analogues. Rotter 
prétendait avoir obtenu un antiseptique très puissant, en mélangeant 
plusieurs antiseptiques. 

De toutes ces recherches, il s’est dégagé ce phénomène très curieux, 
c'est que par l'association de plusieurs substances antiseptiques, on 
obtient un nouveau corps d’une puissance microbicide de beaucoup 
supérieure au taux antiseptique de chacune des substances employées 
isolément. 

C’est en nous inspirant de ce phénomène, que nous avons eu l’idée de 
rechercher méthodiquement, si l’on ne pourrait pas arriver à obtenir une 
formule antiseptique à la fois assez puissante pour détruire les microbes, 
et à un degré de concentration assez faible pour qu'elle soit inoffensive 
pour l'organisme. 

Nous croyons avoir obtenu des résultats assez sérieux pour vous les 
soumettre. É 

Nous passerons sous silence toutes les nombreuses associations d’anti- 
septiques que nous avons essayées, et nous vous donnerons de suite les 
formules, qui nous ont fourni jusqu'ici les meilleurs résultats. 


AGITENDENZOIQUENS RS LAINE 
ACTA DRÉNIQUe, ER ee Na ON 
Chlorureideinc or ee a — 


Une solution aqueuse de 1 p. 100 de ce mélange tue le staphylocoque 
de la suppuration au bout de trente secondes. 

Elle tue le charbon à l’état végétatif, le bacille pyocyanique, celui de 
la diphtérie et de la fièvre typhoïde au bout d'une minute. 

Les mêmes effets sont oblenus, avec une solution à { p. 100 d’un 
mélange de : 


Acidetphémique”’ho£ on, EE, RESTE 5,10 NS Ssgramimies: 
Acide benpiqQuents te. ot OPA Se. ne Sr Te 
AGideoxahque .He be .shisesinuraeas 2er. Jai = 


ou bien avec une solution à 1 p. 100 de : 


Acidephéniqueztinod 2 us abuod wa.2sd549srammes: 
Acide salicylique 0 © + © + ee 5 » © ve 6 + © % 4 F + 


Nous n'avons pas voulu nous arrêter à ces formules et nous avons fini 
par obtenir de meilleurs résultats avec un degré de concentration de 
moitié plus faible, 


— 


SÉANCE DU 23 JANVIER 43 


———————_—_—_—_—_——_———r 


Voici le dernier mélange que nous avons essayé : 


AA hENIQUE Reese ete - se Ce ONOTdNINIES. 
PROG ATEN TIQUE PNEUS era eue ee +00 UL = 
Huile de menthe anglaise. . . . . . . . . . X gouttes. 


Une solution aqueuse à 1/2 p. 100 de ce mélange tue les microbes, 
dont nous avons parlé, après trente secondes. Le bacille du charbon est 
tué par une solution à 2 p. 4000. Ge qui correspond à une force anti- 
septique cinq fois plus forte que celle de l'acide phénique seule. 

Le procédé employé pour fixer le moment de la mort des micro- 
organismes est celui de Yersin, le seul qui donne un contrôle rigoureux. 

Ce mélange a été essayé sur d'autres milieux organiques que les bouil- 
lons de culture, et il s’est montré beaucoup plus puissant que la plupart 
des antiseptiques employés. C’est ainsi que des crachats de tuberculeux, 
traités par une solution à 4 p. 100, sont stérilisés au bout de dix minutes 
à un quart d'heure. De l’urine putréfiée mélangée à parties égales à cette 
solution est stérilisée au bout de cinq minutes. La salive et la muqueuse 
buccale sont stérilisées par une solution à 1/2 p. 100, comme le 
prouvent les expériences suivantes. Un échantillon de salive, dont une 
goutte contenait 425 colonies, n’en contenait plus que 30 cinq minutes 
après un rinçage de la bouche avec notre solution. Quelques rinçages 
successifs ont suffi pour réduire le nombre des colonies à zéro. En cessant 
les rinçages, si l’on poursuit les examens bactériologiques des échantil- 
lons de salive, c’est à peine si l’on y trouve quelques colonies une heure 
après l’action de la solution antiseptique. 

Il est évident que ces expériences sont loin d’être terminées, les combi- 
naisons auxquelles on peut se livrer étant très nombreuses, et nous les 
poursuivons toujours. 

Nous avons commencé à rechercher l'effet des diverses solutions au 
point de vue clinique. En chirurgie, elles s’annoncent supérieures à ce 
qui est employé jusqu'ici. Mais nos essais ne sont pas assez nombreux et 
l’on comprendra la réserve que nous nous imposons. Nous recherchons 
aussi leur degré de toxicité. Dans une communication ultérieure, nous 
apporterons les résultats que nous aurons obtenus. 


SUR UN DIPTÈRE STRATYOMIDE (Peris vallata FôRSTER) 
IMITANT UNE TENTHRÈDE (A{halia annulata Fas.),\ 


par M. ALFRED GIARD. 


Daas plusieurs publications antérieures, j’ai montré que nos insectes 
indigènes peuvent fournir des exemples de s#mimétlisme souvent aussi 


44 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


curieux et aussi instructifs que ceux constatés chez les espèces exotiques(1). 
La connaissance des faits de ce genre, outre l'intérêt qu’elle présente en 
elle-même, peut provoquer diverses recherches biologiques. C’est ce qui 
me détermine à communiquer à la Société une nouvelle observation 
faite dans le courant de l’été dernier. 

Il s’agit d’une Tenthrède fort commune (Athalia annulata Fab.) et d'un 
Diptère Stratyomide {Beris vallata Fürster) assez rare dans le nord de la 
France. Lorsque les deux insectes sont au repos, la ressemblance est 
extraordinaire. Le système général de coloration est identique et les ailes 
fermées présentent le même aspect, la même tache stigmatique et la 
même teinte. 


Le Diptère et l’'Hyménoptère ont été pris simultanément au filet fin sur 
les feuilles de Veronica beccabunga L. le long d’un fossé qui borde la 
route de Wimereux à Wimille. Je me proposais de recueillir pour des 
recherches d’embryogénie les femelles d’Athalia au moment où elles 
viennent pondre et c'est involontairement, trompé par la ressemblance, 

‘que j'ai capturé le Beris. La longueur un peu différente des antennes me 
fit reconnaitre mon erreur dès que les insectes furent placés dans uù 
tube. Le Diptère est beaucoup plus rare que l'Hyménoptère, et comme 
d’ailleurs il s’écarte de la livrée ordinaire des Stratyomides tandis que la 
Tenthrède ne diffère pas sensiblement de la moyenne des insectes de son 
groupe, on peut en conclure que c’est le Beris qui imite l’Afhalia. 

La plupart des Tenthrèdes ont une odeur désagréable qui les fait 
dédaigner par les oiseaux; d’où une protection utile pour le Peris. 

Les Beris ne sont pas, d’ailleurs, les seuls insectes imitateurs des Ten- 
thrèdes. Wallace a constaté que plusieurs espèces orientales de Coléop- 
tères Longicornes du genre Oberea ressemblent, lorsqu'elles volent, à 
des Tenthrédiniens. 

D'autre part, certaines Tenthrèdes imitent des insectes appartenant à 
d’autres groupes et mieux défendus par la terreur qu’ils inspirent. 
L’A llantus scrophulariæ L., par exemple, ressemble beaucoup aux Vespides 
qui, comme on sait, fréquentent volontiers les Scrophulaires (2). 

Un autre fait intéressant de ressemblance protectrice nous est offert 
par la larve nue et vivement colorée de l’Allantus tricinctus Fab. qui vit 


(4) Voir notamment Archives de zoologie expérimentale de Lacaze-Duthiers, 
t. I, 1872, p. 556-564, et Bulletin scientifique du dép. du Nord, t. V, 1873, 
p. 192-194. 

(2) J'ai observé, il y a quelques années, au Jardin botanique de Douai un 
fait curieux de changement de régime de l’Allantus scrophulariæ. Des 
insectes parfaits nés de larves ayant vécu sur les scrophulaires avaient pondu 
dans le voisinage sur des rejets de Paulownia imperialis et les larves se déve- 
{oppèrent parfaitement sur cette Scrophularinée du Japon. 


SÉANCE DU 23 JANVIER 45 


à découvert sur les feuilles de lilas, de viorne, etc. Posée sur la face 
supérieure des feuilles et légèrement contournée sur elle-même, cette 
arve imite à s'y méprendre un excrément d'oiseau. 


RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR L'ACCUMULATION DU BROMURE 
DE STRONTIUM DANS L'ORGANISME, 


par MM. Ch. FÉRÉ et L. HERBERT (1). 


Les expériences ont été faites sur des lapins auxquels on a injecté par 
l’æsophage 1 gramme de bromure de strontium par jour. La mort est 
arrivée plus rapidement que dans les expériences qui ont été faites avec 
le bromure de potassium; mais il s'agissait d'animaux non acclimatés 
dans le clapier et qui ont pris toute de suite la diarrhée. 


4° Lapin de 1690 grammes, bromuré à la dose de 1 gramme par jour, 
du 21 au 25 décembre. Il a recu quatre injections, à raison de 0,59 par 
1000 et par jour, c’est-à-dire une dose équivalant à 35,46 pour un 
homme de 60 kilogrammes. On a retrouvé dans ses tissus 2,90 de bro- 
mure, c'est-à-dire une proportion de 1,715 pour 41009, équivalant à 
102,90 pour un homme de 60 kilogrammes. 

2° Lapin bromuré à la dose de 1 gramme par jour, du 21 au 30 décem- 
bre. Il a recu 9 injections, à raison de 0,760 par kilogramme et par jour, 
c'est-à-dire une dose équivalant à 45,60 pour un homme de 60 kilo- 
grammes. Il pesait 1315 grammes. On a retrouvé dans ses tissus 2,89 de 
bromure, c'est-à-dire une proportion de 2,121 pour 4000, équivalant à 
127,21 pour un homme de 60 kilogrammes. 

3° Lapin de 2280, bromuré à la dose de 1 gramme par jour, pendant 
dix jours, c’est-à-dire à raison de 0,438 par 1000 grammes et par jour, dose 
‘équivalant à 26,28 pour un homme de 60 kilogrammes. On a retrouvé 
dans les tissus 3,58 de bromure, c’est-à-dire une proportion de 1,57 
pour 1000, équivalant à 94,20 pour un homme de 60 kilogrammes. 

Cette dernière expérience, qui est à peu près comparable à l'expérience 
n° 3, relative à l’accumulation du bromure de potassium (2), montre que 
l'accumulation se fait à peu près dans les mêmes proportions pour le 
bromure de strontium. 

(41) Comptes rendus de la Société de Biologie, 1891, p. 670, 769, 807. 

(2) Comptes rendus de la Société de Biologie, 1891, p. 807. 


y Re 


46 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


SUR LA TOXICITÉ DES PRODUITS SOLUBLES DU STAPHYLOCOQUE PYOGÈNE, 


par MM. A. Roper et J. COURMONT. 
(Travail du laboratoire de M. le professeur Arloing.) 


Il y a longtemps que nous avons appliqué, dans le laboratoire de 
M. Arloing, la méthode graphique à l'étude physiologique des produits 
solubles fabriqués par les microbes pathogènes. Nous avons attendu 
d’avoir fait un assez grand nombre d’expériences pour en publier les 
résultats, parce que, tout en nous placant dans des conditions en appa- 
rence rigoureusement identiques quant à la sécrétion et à l'extraction des 
produits solubles, il nous est arrivé de ne pas toujours obtenir des effets, 
en tous points concordants. 

On trouvera dans un récent ouvrage de M. Arloing (1), les tracés gra- 
phiques à l’aide desquels nous avons étudié sur le chien et le lapin, la 
toxicité des produits solubles du Bacterium Chauvæi et du Streptocoque 
puerpéral. 

Nous voulons, dans cette note, faire le résumé très sommaire d'un 
mémoire que nous préparons sur les Propriétés toxiques des produits 
solubles du staphylocoque pyogène. Des reproductions de tracés graphiques 
et des figures nous permettront d'y décrire avec détails les phénomènes 
que nous ne faisons qu’indiquer aujourd’hui. 

Nos cultures ont été faites dans du bouillon toujours semblable (bouillon 
de veau, sans addition de peptones), avec des échantillons divers de sta- 
phylococcus pyogenes aureus, végétant à une température uniforme. Nous 
avons expérimenté sur des chiens et des lapins, observés avec soin et dont 
la température, la pression et le pouls carotidiens, la respiration étaient 
enregistrés. 

Une expérience préliminaire nous a montré que nous pouvions injecter 
dans la veine jugulaire d’un chien de 15 kilogrammes, 336 centimètres 
cubes de notre bouillon (22 c. c. 4 par kilogramme), sans observer des 
modifications appréciables des tracés ni un trouble dans la santé ulté- 
rieure de l'animal. 


1° Cullures complètes stérilisées par la chaleur. 


Nous avons stérilisé nos cultures en les chauffant à +-55 degrés pen- 
dant vingt-quatre heures. Nous savons que cetle opération modifie où 
détruit certains produits solubles du staphylocoque pyogène, puisque les 
cultures filtrées chauffées à cette température peuvent perdre leur pou- 
voir prédisposant (2). 


(1) Leçons sur la tuberculose et certaines septicémies, faites par MM. Arloing et 
recueillies par M. Courmont, 1892. Lecons VII: et X° sur les septicémies. 
(2) Rodet et Courmont. Ac. des sciences, 5 octobre 1891. 


SÉANCE DU 23 JANVIER 47 


Chien. — L’injection, dans la veine jugulaire du chien, d’une culture 
ainsi stérilisée s'accompagne immédiatement de troubles respiratoires, 
d'un léger abaissement de la pression artérielle et d'une adynamie très 
marquée. On peut voir survenir de l’hématurie. Ces effets sont très mani- 
festes dès que l’animal a recu par doses fractionnées 8 à 12 centimètres 
cubes de liquide par kilogramme. La mort immédiate ne s'obtient pas, 
même avec des doses très élevées (35 centimètres cubes par kilogramme), 
mais survient au bout de quelques heures. La plupart des organes sont 
trouvés très congestionnés à l’autopsie. 


Lapin. — La culture chauffée est beaucoup plus toxique pour le lapin 
que la culture filtrée. Avec des doses minimes (4 centimètres cubes dans 
le sang d’un lapin de 2 kilogrammes), on peut obtenir une véritable 
intoxication chronique qui tue l’animal en huit ou dix jours, avec un 
amaigrissement progressif considérable. 


®% Cultures filtrées. 


Les cultures filtrées sur porcelaine sont peu toxiques pour le lapin. 

Ce pouvoir toxique varie avec l’âge auquel la culture a été filtrée. En 
outre, il diminue notablement si on laisse vieillir le liquide filtré. On peut 
injecter dans le sang, le péritoine ou le tissu conjonctif du lapin, jusqu’à 
1 centimètre cube d’une culture récemment filtrée par 100 grammes de 
poids vif, sans produire autre chose qu’une légère élévation de tempéra- 
ture et un amaïgrissement passager. Avec le même liquide conservé 
pendant deux mois, on peut aller jusqu'à 3 centimètres cubes par 
100 grammes sans observer de réaction. 

Ces constatations sont assez importantes. Nous avons montré (1) que le 
pouvoir prédisposant des cultures filtrées paraît être le même, quel que 
soit l’âge auquel la culture a été filtrée et le temps écoulé entre la filtra- 
tion et l'expérience (jusqu’à quatre mois). Il s’agit donc de produits 
solubles différents. 


3° Précipité et extrait alcooliques. 


Nous nous sommes toujours servis de cultures âgées de vingt jours 
environ, ayant végété à + 35 degrés dans du bouillon identiquement pré- 
paré. 

Un litre de culture fournit 0 gr. 5 de précipité alcoolique recueilli à 
l'état sec. Nous avons l'habitude de le dissoudre, au moment de nousen 
servir, dans 250 centimètres cubes d’eau distillée ; 4 centimètre cube de 
notre solution représente ainsi les substances précipitables par l’alcool de 
k centimètres cubes de culture. 


(1) Rodet et Courmont. Soc. de Biologie, 21 mars 189. 


48 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


L'extrait alcoolique est évaporé à + 40 degrés jusqu’à siccité et repris 
par 250 centimètres cubes d’eau ; 4 centimètre cube représente donc éga- 
lement les substances solubles dans l'alcool contenues dans # centimètres 
cubes de culture (1). | 

Ces extraits paraissent s’allérer très rapidement; aussi les avons-nous 
employés autant que possible de suite après la préparation. Malgré cette 
précaution et les conditions en apparence identiques où nous nous 
sommes placés, nos résullats n’ont pas été absolument constants. 

a.) Substances précipitables par l'alcool. — Chien. On peut obtenir 
chez le chien une mort rapide et des accidents nerveux très remarquables 
par. injection intra-veineuse de ces substances. Par exemple : un chien 
de 5 kil. 600 recoit par doses fractionnées 0 er. À de précipité dissous 
dans 45 centimètres cubes d'eau distillée. La mort survient deux heures 
après la première injection. Dès le début de l’ expérience, les tracés accu- 
sent une dyspnée intense et une élévation de la pression artérielle. Au 
bout de quelques minutes, le chien est atteint d’'hémichorée droite, qui fait 
bientôt place à des contractures généralisées. Une heure après ia première 
injection, l'animal délié, reste, sans connaissance, couché sur le côté, 
les quatre membres en extension tétanique ; il suflit de lui souffler sur 
les poils pour occasionner un brusque réflexe qui secoue le corps entier. 
C’est un véritable sérychnisme ne cessant qu'avec la mort, une heure plus 
tard. 

Lapin. — Le lapin résiste mieux. L’injection, dans le système veineux 
d'un lapin de 2 kilogrammes, de 0 gr. 02 de précipité alcoolique est 
suivie d’une rapide élévation de température de près de 2 degrés, et 
d’une dyspnée extrêmement intense avec vaso-constriction très marquée. 
Ces accidents s’amendent progressivement. Avec une dose plus considé- 
rable (0 gr. 07 pour 2 kil. 550) les mêmes phénomènes sont suivis 
d’une intoxication chronique qui entraine la mort en 7 jours avec une 
hypothermie considérable (35 degrés). Pendant cette période de cachexie, 
le simple attouchement suffit à faire naïtre des soubresauts muscu- 
laires. 

b.) Substances solubles dans l'alcool. — Chien. — L'injection intra-vei- 
neuse, par doses fractionnées, de ces substances extraites de 210 centi- 
mètres cubes de culture, peut tuer en une heure trois quarts un chien 
de 10 kilogrammes. Les tracés montrent, immédiatement après chaque 
injection, un ralentissement considérable de la respiration et du cœur, 
pouvant aller jusqu'à de véritables arrêts. Pendant la phase préterminale, 
le cœur bat très lentement avec des périodes d’arrêt complet. Dès le 
milieu de l'expérience, l'animal est anesthésié : sa cornée est insensible, 
ses muscles sont dans un élat de relâchement complet. 


(1) Le précipité alcoolique est vaccinant et l'extrait alcoolique est prédisposant. 
Rodet et Courmont. Ac. des sciences, 5 octobre 1891. 


SÉANCE DU 23 JANVIER 49 


Lapin. — Un lapin qui reçoit dans le système veineux l'extrait alcoo- 
lique de 35 centimètres cubes de culture, présente un léger abaissement 
de température, de la stupeur, de la somnolence, une diminution de la 
sensibilité cornéenne. IL maigrit considérablement et meurt une dizaine 
de jours plus tard. 

Le staphylocoque pyogène fabrique donc dans ses cultures des sub- 
stances toxiques multiples. La dissociation par l'alcool permet d’en séparer 
deux, dont tous les effets paraissent antagonistes, surtout comme poisons 
du système nerveux. On comprend ainsi pourquoi les substances solubles 
injectées en totalité ne produisent par des accidents semblables. 


4° Lésions rénales. 


Les reins d'un chien qui succombe en quelques heures à l'injection 
intra-veineuse d’une culture stérilisée par la chaleur, présentent des 
altérations intenses de l'épithélium des tubuli. 

Nous avons surtout étudié les reins de lapins mourant en quelques jours 
d'une injection intra-veineuse des substances précipitables par l'alcool. Un 
lapin mort en 7 jours après avoir reçu 7 centigrammes de précipité 
alcoolique, offre une néphrite parenchymateuse que nous ne faisons 
qu'indiquer dans ce résumé. 

C'est, en somme, une néphrite toxique produite par une partie seule- 
ment des substances solubles sécrétées par un microbe pathogène (sub- 
stances précipitables par l'alcool). 


SUR UN TÉNIA DU PIGEON DOMESTIQUE, 
REPRÉSENTANT UNE ESPÈCE NOUVELLE (7ænia Delafondi), 


par M. A. RAILLIET. 


Dans la séance du 7 novembre dernier, M. Mégnin a présenté à la 
Société quelques exemplaires d’un Ténia non'encore signalé chez le 
Pigeon domestique, et qu'il a cru pouvoir rattacher au Tænia spheno- 
cephala Rud. 

En revisant, il y a quelques jours, les Ténias de la collection d’Alfort, 
j'ai trouvé deux flacons contenant des Vers qui m'ont paru appartenir au 
même type, et qui provenaient également du Pigeon domestique. Les 
uns avaient été déposés au Musée, il y a fort longtemps, par le regretté 
professeur Delafond; les autres m'’avaient été remis par un éleveur de 
Pigeons. 

J'ai pu en faire quelques préparations, et une comparaison aussi 
rigoureuse que possible avec les Ténias précédemment décrits m'a permis 
d'établir que si ces Vers sont vraisemblablement identiques à ceux de 


NERO ZE 


50 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


M. Mégnin, ils ne peuvent, en aucune façon, être assimilés au 7'ænia 
sphenocephala Rud. 

Mais, pour mener à bien cette comparaison, il importe de remonter 
directement aux sources. 

Le nom de Tænia sphenocephala a été appliqué en 1810, par Rudolphi 
(£ntoz. hist., p. 94), à un Ver trouvé par Zeder dans l'intestin d’une 
Tourterelle (Turtur auritus) et décrit par cet auteur sous le nom d’Alysel- 
minthus Columbeæ. 

C’est donc à la description de Zeder qu’il faut avoir recours pour être 
fixé sur les caractères de cet Helminthe. Je dois faire remarquer, d’ailleurs, 
que Zeder paraît assimiler à tort à cette espèce un Gestode décrit d’une 
facon très incomplète par Gœze en 1782. En effet, Gæze dit simplement 
avoir vu chez la Tourterelle, outre des Ténias analogues à ceux des 
Corbeaux, une forme particulière qu’il signale comme assez large, à 
articles courts, à tête épaisse, tétragone, sans cou ni couronne de cro- 
chets (Vaturgeschichte, p. 394, en note). Les quelques caractères fournis 
par cette description suffisent à écarter l’assimilation. 

Voici d’ailleurs la description de Zeder : 


« ALYSELMINTHUS COLUMB#Æ. — Alyselminthus planus, antice gracihs; 
capite cuneato, truncato; vesiculis suctoriis posticis; collo longo, capillari 
simplici; articulis obtuso serratis. 

Longueur, 6 pouces; largeur, 1/2 ligne. 

« Description. — Ver étroit, étiré, plat, obtusément denté sur les 
bords, et atténué en avant jusqu’à devenir capillaire. 

« Tête cunéiforme, tronquée en avant; offrant à la pointe une tache 
sombre, de laquelle partent des traits foncés, grossiers, allant se perdre 
en arrière dans la tête; les quatre angles obtus; dans les angles posté- 
rieurs, près du bord et sur les deux faces, deux grandes ventouses 
saillantes, obliques; en arrière de ces ventouses, l'extrémité céphalique 
se rétrécit rapidement et se continue avec le cou. 

« Cou capillaire, très long, plat et extrêmement simple ; tout à fail sur 
ses bords latéraux, deux stries larges et foncées portent des ventouses et 
s'étendent assez loin dans le cou. 

« Anneaux antérieurs et moyens étroits, plats, et étroitement accolés, 
de sorte qu’on ne peut voir que les bords postérieurs en saillie. 

« Anneaux postérieurs un peu plus longs et plus larges, plats, obtus sur 
les bords latéraux, très élargis sur le bord postérieur, au niveau duquel 
ils s'ouvrent obliquement, ce bord ne s’appliquant pas directement sur 
l'anneau suivant. Sur les derniers anneaux, etsur l’un des bords latéraux, 
de petits mamelons font saillie entre les angles postérieurs. L'avant- 
dernier anneau n’est pas plat, mais se contourne en cercle et embrasse 
l'anneau terminal comme une boutonnière. » 


SÉANCE DU 23 JANVIER 51 


Trouvé dans l'intestin d’une Columba turtur, le 25 juillet 1797. 

La diagnose du 7'ænia sphenocephala donnée par Rudolphi dans son 
Entozoorum historia naturalis n’est qu'une paraphrase de celle-ci. 

Mais, dans sa Synopsis (p. 154 et 506) (1819), il fournit une description 
nouvelle, rectifiée, d’après des exemplaires recueillis par Bremser dans 
l'intestin de la Tourterelle, et dont l’un était muni d’une tête, Voici cette 
description : « Tête petite, eunéiforme, mais plutôt triangulaire. Rostre 
cylindrique. Cou dilaté vers la tête, ensuite linéaire, très long. Tous les 
anneaux courts, surtout les antérieurs. Dans les anneaux postérieurs, on 
voit faire saillie çà et là un denticule ou une sorte de pénis court. Les 
plus grands anneaux présentent une tache médiane opaque. Chacun 
d'eux contient, renfermés dans cette tache, des milliers d'œufs très exigus, 
ronds, certainement huit fois plus petits que ceux du’Ténia trouvé au 
Brésil dans le Pigeon domestique. » 

Or, ces Vers recueillis par Bremser sont conservés au Musée de Berlin, 
où ils ont été étudiés par Krabbe. Cet auteur a constaté que la tête est 
pourvue d’un rostre semblable à celui du 7ænia crassula, et que ce 
rostre porte encore quelques crochets ayant à peu près la même forme 
que dans cette espèce, avec une longueur de 10 uw. Les ventouses sont 
pêtites. Les anneaux ne deviennent visibles qu'à une grande distance de 
la tête. Les pores génitaux sont unilatéraux. Krabbe n’a pu voir les 
petits œufs indiqués par Rudolphi (1). 

Et le savant professeur de Copenhague conclut que le Tænia spheno- 
cephala décrit par Rudolphi en 1819 est certainement identique à l'espèce 
étudiée par le même auteur sous le nom de Tænia crassula, d'après des 
exemplaires recueillis par Olfers, au Brésil, chez un Pigeon apporté de 
la côte d'Afrique. Il est possible que cette identication doive s'étendre à 
l’Alyselminthus columbzæ Zeder, d'autant que celui-ci avait également des 
pores génilaux unilatéraux ; mais on ne peut rien afärmer à cet égard. 

Les Vers que j'ai examinés sont longs de 10 à 13 millimètres, larges 
en arrière de 3 à 4 millimètres ; assez rapidement atténués en avant, ils 
ne possèdent plus ni tête ni cou; les premiers anneaux sont larges et très 
courts, les suivants un peu plus larges et plus longs, à bords latéraux 
saillants; les derniers encore un peu plus longs, mais à bords moins 
bombés; les pores génitaux, situés vers le quart antérieur du bord latéral, 
sont irrégulièrement alternes. 

Les organes sexuels commencent à se montrer vers le quart antérieur 
de la chaîne; on remarque d’abord un assez grand nombre de testicules, 
disposés suivant le type ordinaire; plus loin, apparaissent les organes 
femelles, consistant en un ovaire en rosette, accompagné d'une masse 


(1) I est manifeste d’ailleurs que les prétendus œufs de dimensions extra- 
ordinaires (270 y de long sur 180 y de large !) décrits et figurés par Rudolphi 
comme appartenant au Tænia crassula ne sont autres que des capsules ovifères. 


52 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


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qui nous a paru être le vitellogène, et d'un corps pyriforme, de teinte 
très foncée, que nous considérons comme le réceptable séminal. De cha- 
que côté de ces organes, qui sont situés à droite ou à gauche de la ligne 
médiane, se trouve un utérus constitué par un canal transversal offrant 
en avant et en arrière des branches plus ou moins ramifiées. 

Sur un Ténia examiné à l'œil nu par transparence, les réceptacles 
séminaux forment une série de taches opaques se portant un peu à droite 
ou à gauche de la ligne médiane, suivant que les pores génitaux se trou- 
vent à droite ou à-gauche ; et les utérus constituent deux séries latérales 
de taches plus étendues. 

Si l'on compare cette description à celle qu'a donnée M. Mégnin, on 
peut y relever d'assez nombreuses différences; maïs je suis convaincu 
que ces différences sont plutôt apparentes que réelles. 

Ainsi, M. Mégnin décrit et figure un seul utérus rameux, et un testicule 
sphérique. Il y a là, sans doute, des erreurs d'interprétation, tenant 
peut-être à l'examen d’anneaux trop: mürs, et probablement vides en 
parlie. A la vérité, on trouve généralement un utérus moins développé 
que l’autre, celui qui est situé du côté du pore génital, et la cause en est 
facile à trouver, quand on connaît la position de l'ovaire et deses annexes; 
mais celte différence est, en somme, assez faible. Quant à ce que M. Mégnin 
appelle un testicule, il est évident que c’est ce que je considère comme le 
réceptacle séminal. Aussi bien, ce serait un fait sans précédent que ce 
testicule unique, énorme, et développé exclusivement dans les anneaux 
femelles. 

De même, d'après M. Mégnin, les pores génitaux seraient unilatéraux. 
Cette assertion provient, je pense, de ce que l'examen n’a pas porté sur 
une série assez étendue d'articles. Il n’est pas rare, en effet, de voir trois 
ou qualre anneaux présenter les orifices sexuels sur le même bord; mais 
l'alternance se manifeste ensuite. 

Je considère donc que les Ténias que j'ai étudiés sont identiques à ceux 
que nous a présentés M. Mégnin. 

Mais comme, après la démonstration qu’en a donnée Krabbe, le Zænia 
sphenocephala est identique au Tænia (Davainea) crassula, el comme, 
d'autre part, les nouveaux Ténias du Pigeon domestique, en raison de 
l'alternance de leurs pores génitaux, se distinguent nettement de ces 
diverses formes ainsi que de l’Alyselminthus columbæ Zeder, je pense qu'ils 
constituent une espèce particulière, pour laquelle je propose le nom de 
Tænia Delafondi, en l'honneur du savant. professeur d’Alfort qui, le pre- 
mier peut-être, les a découverts. 

Je dis peut-être, car il n’est pas impossible qu'il faille en rapprocher 
une espèce douteuse décrite par Rudolphi (Synopsis, p. 507-508) à la suite 
du Tænia sphenocephala. 1 s'agit de Ténias recueillis par Bremser, au 
mois de mai, dans l'intestin du Columba liviu. Rudolphi les décrit comme 
- des Vers longs de2 ou 3 pouces, capillaires en avant, larges de 1 à 2 lignes 


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SÉANCE DU 23 JANVIER 53 


en arrière. La tête est oblique et déprimée en avant, le cou très court; 
les premiers anneaux sont aussi très courts, simulant presque des stries, 
les suivants plus étroits, puis brusquement élargis: les plus larges mon- 
trent deux taches opaques, l’une à droite, l’autre à gauche, « représen- 
tant les ovaires; » dans les anneaux moins larges, l’une de ces taches fait 
souvent défaut. 

Et maintenant, dans quel groupe doit-on classer ce Ténia ? Étant donnée 
l’absence de rostre et de crochets dans les exemplaires observés, je suis 
d'avis que c’est une question à réserver. Quand on sait avec quelle facilité 
se détachent, chez les Ténias des Oiseaux, ces organes délicats, il y a lieu 
de poser un sérieux point d'interrogation en signalant une forme inerme, 
surtout lorsqu'il s’agit, comme c’est le cas ordinaire, de Ténias expulsés 
par l’anus. 

Pour terminer, je dirai un simple mot de l’opinion émise par M. Mégnin, 
relativement à l’évolution des Ténias du Pigeon. Selon lui, cette évolution 
doit être directe, s’effectuant sans hôte intermédiaire vivant, parce que 
les Colombins, comme les Mammifères herbivores, se nourrissent exclusi- 
vement de substances végétales. Mais quel est l’herbivore qui n’est pas 
exposé à ingérer avec ses aliments des Insectes ou d’autres animaux infé- 
rieurs ! Et d’ailleurs, on connaît déjà un certain nombre de cysticercoïdes 
de Ténias d'Oiseaux qui sont surtout granivores, comme les Gallinacés : 
par exemple celui du Z’ænia infundibuliformis Güze, chez la Mouche 
domestique, celui du Zænia sphenoides T. cuneata von Linstow nec 
Batsch), chez l'Allobophora fœtida, etc. On connaît même celui du 7ænia 
tetragona Molin, espèce lrès voisine du J'ænia crassula des Pigeons, et il y 
a tout lieu de supposer que le développement de formes aussi affines doit 
s'effectuer suivant le même mode. 


LA CIRCULATION DU TESTICULE, 


par M. le D° PIERRE SEBILEAU, 
Prosecteur des hôpitaux, 


et M. ARROU, 
Aide d'anatomie à la Faculté. 


(Première note). 


Depuis le mois de juin dernier, nous avons étudié la circulation du tes- 
ticule chez les animaux et chez l’homme. 

Nous publierons le résultat de nos travaux dans une série de notes 
présentées à la Société de biologie; ces notes seront suivies d’un 
mémoire d'ensemble. 


54 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Les veines testiculaires du cheval. / 


Les veines testiculaires du cheval forment deux LRÉrRees : l'un est 
superficiel; l'autre profond. 

Système superficiel. — Les veines superficielles sont au nombre de 
trente environ : 1l y en a une quinzaine sur chaque face du testicule. Elles 
se dirigent verticalement du bord supérieur de l'organe, vers son bord 
inférieur, qu'elles n’atteignent jamais; elles sont rigoureusement paral- 
lèles entre elles ; elles ne s’anastomosent pas ; deux petites branches, à 
peine divergentes, terminent chacune d'elles. Ce sont de vrais vasa recta; 
elles montrent pourtant de légères flexuosités hélicines, mais ces hélices 
sont à tout petit rayon, et le vaisseau se contourne pour ainsi dire, sur 
place. Les veines superficielles sont situées dans l’épaisseur de l’albuginée, 
qu'on dédouble facilement en plusieurs feuilles : de leur face profonde 
partent des branches parenchymateuses : celles-ci sont petites et peu uom- 
breuses; elles s’enfoncent dans le corps du testicule, et s'y épuisent 
bientôt; jamais elles n’atteignent le centre de la glande. 

Au bord supérieur de celle-ci, les veines superficiellessont unies les unes 
aux autres par une grosse veine elliplique dont la direction est perpen- 
diculaire à la leur, et qui encadre, comme dans un anneau elliptique, le 
bord supérieur du testicule et l’épididyme : c'est la veine annulaire. Ge 
trone est une véritable élape pour les veines testiculaires : au-dessus de 
lui, en effet, la disposition se complique. 

Là, apparaissent les éléments dont l’ensemble constitue le cordon. 
Dans ce cordon, les veines se comportent autrement, suivant qu'elles 
émanent des trois quarts antérieurs, ou du quart postérieur de la veine 
annulaire. 

Les veines émanées des trois quarts antérieurs du testicule, s’anasto- 
mosent, au-dessus du lronc circulaire, en un réseau très riche, absolument 
inextricablaÿ de ce réseau naît un paquet, un véritable fouillis de vais- 
seaux petits et très nombreux, parallèles et juxtaposés; ils accompagnent 
l’artère spermalique, et se tordent comme elle : ils l'entourent comme 
d’un collier très riche, formé de fils creux innombrables, qui se collent les 
uns contre les autres, se groupent, s'infléchissent ensemble, et de la même 
facon, mais restent indépendants, et ne s'unissent point. En effet, ces 
petites veines ne s’anastomosent pas; elle sont plaquées sur l’artère, et 
suivent strictement les nombreux tours d’hélice que celle-ci décrit : c’est 
comme une espèce de tissu érectile veineux autour d'elle, un véritable 
coussin circulaire de sang noir. Entre elles, il y a très peu de tissu cellu- 
laire ; elles ne sont pas dissociables: leurs parois sont très minces et très 
fragiles ; elles ont des valvules absolument suffisantes et nombreuses. Vers 
le haut du cordon les veines tombent les unes dans les autres, et forment 
une dizaine de troncs collecteurs. Nous donnons à ces veines le nom de 
lacis héliçoidal préfuniculaire. 


SÉANCE DU 23 JANVIER 59 


Les veines venues de la partie postérieure du testicule se réunissent, au 
point où se ferme en arrière l'anneau de la veine elliptique, en un tronc 
unique, volumineux, qui monte tout droit, derrière le faisceau veineux 
antérieur, dont on peut très facilement le séparer. Ce tronc est gros 
comme une belle artère humérale d'homme ; il n’a pas une seule flexuo- 
sité ; il ne possède pas de valvulves. C’est un vrai drain de la circulation 
testiculaire. Nous l’appelons la veine droite rétrofuniculaire. 

À côté de lui cheminent quelques veines, venues du même point; elles 
forment un maigre plexus, auquel viennent s’adjoindre quelques rares 
vaisseaux venus de la queue de l’épididyme. Nous les nommons le plexus 
rétrofuniculaire. Plus haut, il y a fusion entre ces veines et la grosse 
veine postérieure. 


Système profond. — Perdue au milieu du parenchyme testiculaire, 
existe une veine antéro-postérieure, parallèle au bord supérieur de l'or- 
gane, et peu éloignée de lui : c’est la veine ansiforme. Elle est formée de 
trois ou quatre rameaux intimement accolés les uns aux autres. De ce 
tronc se détachent quatre espèces de veines ; les unes, ascendantes, 
naissent de sa face supérieure; les autres, descendantes, partent de sa 
face inférieure; les troisièmes, antérieures, viennent de sa tête; les qua- 
trièmes, postérieures, de sa queue. N 

Les rameaux ascendants sont rares et grêles : ils se perdent dans les 
veines hélicines. 

Les rameaux descendants sont nombreux : ils naissent d'avant en 
arrière sur une seule rangée; telles les dents d’un peigne se détachent du 
dos sur lequel elles s’insèrent : ces branches sont verticales, rectilignes, 
non anastomosées : elles atteignent le bord inférieur du testicule et se 
perdent dans la face profonde de l’albuginée. 

Les rameaux antérieurs, rares et petits, vont se confondre avec les 
vaisseaux ascendants, et se perdre dans le faisceau des veines hélicines, 

Les rameaux postérieurs sont gros; il y en a deux ou trois; ils montent 
verticalement vers l’albuginée sus-testiculaire, la perforent et vont débou- 
cher dans la partie postérieure de la veine circulaire, au point même où 
nait le gros tronc ascendant dont ils sont la source principale, 

La veine ansiforme est, pour ainsi dire, suspendue au centre du testicule, 
par les cordons qui se détachent de sa tête et de sa queue, comme un 
hamac au plafond. 

Toutes les veines profondes du testicule sont incluses dans des cloisons 
fibreuses ; ces cloisons rayonnent du corps d'Hygmore vers la surface de 


la glande; les vaisseaux font corps avec elles: ces vaisseaux sont presque 
des sinus. 


De ne cn nt me 


6 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


LE CRIQUET PÈLERIN (Schistocerca peregrina OHR) ET SES CHANGEMENTS DE 
COLORATION. — ROLE DES PIGMENTS DANS LES PHÉNOMÈNES D'HISTOLYSE 
ET D HISTOGENÈSE QUI ACCOMPAGNENT LES MUES ET LA MÉTAMORPHOSE, 


par M. J. Kuncxec D’Hercurais. 


Dans la séance du 9 janvier, notre collègue M. A. Giard a parlé des 
remarques des différents auteurs sur les variations de coloration que 
présente le Criquet pèlerin; je le remercie de l’occasion qu'il me donne 
de communiquer les observations que j'ai faites lors de l'invasion de cet 
Acridien en 1891 dans toute l'Afrique du Nord, observations qui ont 
reçu en Algérie une large publicité, qui, je m’en aperçois, n’a pas eu en 
France un écho suffisant. 

De l'enquête à laquelle s’est livré M. de Selys Longchamps (1877) sur 
les apparitions en Europe des Criquets pèlerins, enquête dans laquelle il 
reproduit les réponses des savants orthoptérologistes, Brunner de Wat- 
tenwyl, Bolivar, Mac Lachlan, Scudder, découle cette conclusion, c’est 
que le Schistocerca peregrina a deux variétés : l'une jaune, originaire du 
nord de l'Afrique (Égypte, Algérie) et observée à Corfou en 4866: 
l’autre rose, originaire du Sénégal, se trouvant également au Sennaar, 
dans l'Inde et observée dans le sud-ouest de l'Espagne et les Iles Britan- 
niques. Cette conclusion est reproduite par M. Brunner dans son Pro- 
domus des E'uropaischen Orthopteren (1882), tout en élargissant le cercle 
d'habitat de l’insecte. Je ferai remarquer que la variété rose ou rougeà- 
tre, capturée en Arabie, a été mentionnée par Olivier dans sa description 
originale de l’espèce (1807), qu’elle a été figurée par Audmet Serville 
(1839), par Lallemant (1866) et signalée par une foule d’observateurs des 
invasions en Algérie (1845, 1866). 

Auteurs et observateurs se sont mépris : les spécimens de coloration 
rose ou jaune ne constituent pas des variétés d’une même espèce; chaque 
individu passe successivement par une série de teintes qui caractérisent 
chacune des phases de son existence. Voici, d’ailleurs le résultat, de mes 
études. ; 

Dès le début de l'invasion dans le Sud algérien, je me suis transporté à 
Biskra (mars 4891) pour suivre l’évolution des Criquets pèlerins. Je fis 
alors des observations qui me permirent d'établir que les changements 
de coloration que subissent ces insectes depuis leur métamorphose, c’est- 
àa-dire le passage du rose au rouge, au rouge vineux, au gris, à la teinte 
terre de Sienne, au jaune, délimitaient autant de stades évolutifs et 
pouvaient servir de critérium pour déterminer, d’une part, le point 
d’origine des invasions, d'autre part, l'époque où pouvaient s'effectuer 
les premières pontes. Les Criquets pèlerins signalés en décembre dans 
l'extrême Sud étaient de couleur rouge carmin ; ils étaient nés au moins 


SÉANCE DU 23 JANVIER 2h 


un mois avant ; ils s'étaient développés au moins à trente jours de marche 
en arrière. Ils mettaient plusieurs semaines à prendre la teinte jaune; ils 
ne pouvaient déposer leurs œufs qu’au bout de deux mois au ‘plus tôt. 
_ Lorsque la coloration est devenue terre de Sienne, la pariade et l’accou- 
plement commencent ; lorsque la coloration est passée au jaune, pariade 
et accouplement se renouvellent. Il peut y avoir pariade entre mâles jaunes 
et femelles terre de Sienne, et inversement. Les Criquéts de coloration 
rouge qui ne se sont ni appariés, ni accouplés, et qui, par conséquent, 
ne sont pas en état de pondre, sont ceux que.les habitants du Sahara 
recueillent et mangent. 

Si nous cherchons à interpréter les changements de: coloration des 
Criquets pèlerins depuis leur naissance jusqu'à leur mort, nous sommes 
conduits à des déductions physiologiques intéressantes. 

En effet, lors de la première mue qui succède immédiatement à l’éclo- 
sion, les jeunes sont blanc verdâtre; sous l'influence de la lumière, ils bru- 
nissent et passent au noir avec des taches blanches ou jaunâtres; à la 
‘deuxième mue, les colorations roses apparaissent, notamment sur les 
côtés du corps; à la troisième mue, les teintes roses augmentent; à la 
quatrième mue, elles prédominent, mais, peu à peu, elles font place à des 
teintes jaunes; il en est de même après la cinquième et la sixième mue, 
l'insecte adulte apparaissant alors avec une livrée du rose le plus tendre. 
‘En résumé, on peut constater que dans-les moments qui précèdent la 
mue et qu'après la mue les insectes ont leur pigment coloré en rose et 
que ce pigment change de ton, en passant successivement par des nuances 
diverses pour arriver au jaune, en un temps plus ou moins long. Chose 
digne de remarque qui indique bien que ces modifications de coloration 
du pigment sont l'expression des phénomènes d’histolyse et d’histogenèse 
qui s’acccomplissent lors de la mue et de la métamorphose, c’est qu'après 
chacune de ces phases les Acridiens rejeltent des excréments colorés en 
rose. Les dépouilles tégumentaires abandonnées à la suite de chaque mue 
sont incolores sur toutes les parties qui ne sont pas colorées en noir; les 
taches ou les dessins noirs sont seuls indiqués. L'action de la lumière est 
manifeste ; de jeunes Criquets pèlerins élevés à l'ombre n’acquièrent 
jamais les teintes vives d’un jaune citron de leurs frères élevés en plein 
soleil. Il est à observer que les Acridiens jeunes ou adultes soumis à la 
dessiccation rapide par le feu ou plongés vivants dans l'alcool, rede- 
viennent rouges; il y a là évidemment un phénomène de déshydratation 
qui fait reparaître les teintes primordiales. 

L'apparition des teintes jaunes des jeunes et des insectes adultes est 
donc en réalité un phénomène de vieillissement. 

_ On voit par là, ainsi que l’a fait remarquer avec raison notre collègue, 
M. le professeur Giard, combien offrirait d'intérêt l'examen des pigments 
des insecies ; l’étude histo-chimique et physiologique des modifications 
de coloration que subissent les pigments pendant la vie évolutive des 


si 


58 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


animaux articulés, établirait qu’elles sont en étroite corrélation avec les 
phénomènes d’accroissement et de transformation des tissus qui accom- 
‘pagnent les mues et la métamorphose. | 


NOTE SUR LES EFFETS DE LA TUBERCULOSE AVIAIRE, 
VACCINANT CONTRE LA TUBERCULOSE HUMAINE, CHEZ LES SINGES ET LES CHIENS. 


par MM. J. Héricourr et Cu. Ricuer. 


(Zravail du laboratoire de physiologie de la Faculté de médecine.) 


Nous avons montré dans une des séances précédentes de la Société de 
Biologie (1) (5 décembre 1891), que deux singes, ayant reçu de la tuber- 
culose aviaire, avaient résisté à cette inoculation (rapidement mortelle 
pour des lapins, à dose même beaucoup plus faible) et que ces mêmes 

singes paraissaient avoir acquis ainsi non l’immunité, mais une plus 
grande résistance à l’action de la tuberculose humaine, : 

En effet, ces deux singes furent inoculés avec de la tuberculose humaine 
le 10 octobre, en même temps qu'un autre singe témoin. Le singe témoin 
mourut, très tuberculeux, le 11 novembre, soit avec une survie de 
35 jours; tandis que les deux singes, traités au préalable par de la tuber- 
culose aviaire, ne sont morts que le 7 décembre et le 8 décembre, soit 

avec une survie de 56 et de 57 jours. Il est vrai qu'ils ‘élaient tous deux 
farcis de tubercules. 

Cette expérience est donc tout à fait insuffisante ; car il s’agit non 
d’une immunité, mais d’un retard dans l’évolution tuberculeuse. Et encore 
ce retard n'est-il pas très considérable. 

Cependant, si imparfaite qu’elle fût, cette expérience nous donnait 
quelques indications assez encourageantes pour nous engager à poursuivre 
dans cette voie. 

L'expérience nouvelle que nous avons faite nous a donné des résultats 
formels: et, quoiqu'il ne s’agisse que de quatre chiens, elle est assez 
probante pour que nous la rapportions ici. 


Quatre chiens recoivent le même jour (5 décembre 1891) 1 centimètre 
cube d’une culture de tuberculose humaine que nous injectons directe- 
ment dans la veine saphène. 

Un chien A sert de témoin. C’est un petit chien terrier pesant 11 kilo- 
grammes. Il meurt le 27 décembre. 

Un chien mâtin B, qui a eu la rate enlevée, six semaines auparavant, 
et qui.est parfaitement guéri sert aussi de témoin. Il meurt le 28 dé- 
cembre : le même jour que le chien précédent. Survie 22 jours. De 


(1) Voy. Comptes rendus de la Société de Biologie. 


Ni 


 SÉANCE DU 23 JANVIER 59 


—————__————————————————————.…——…—…__—_—————————————…———…———…—…——……—…—…—…—…—…——_—…——…—…——_—…—…—…_…—_—…—……—_…—…………—….…’“…—…—“’“…—…—…—<—S.ES 


Ces deux chiens ont les poumons farcis de tubercules, avec un foie 
tuberculeux, très gros. 

Les deux autres chiens inoculés de la même manière vivent encore. 

Un chien C, ayant recu dans le cours de l’année 1891, à deux reprises 
différentes, des bacilles aviaires, virulents, dans la veine. C’est un chien 
bull terrier, pesant 12 kil. 500. 

Ce chien n’est pas malade. Le 15 janvier, il pèse 13 kilogrammes ; et 
aujourd’hui il pèse encore 413 kil. et parail se bien porter. 

Un chien D, bull terrier, pesant 15 kilogrammes. IL a reçu dans la 
veine le 40 octobre 1891, 5 centimètres cubes de tuberculose aviaire viru- 
lente. Le 15 janvier, après une période d'amaigrissement assez marqué 
ayant débuté après l’inoculation aviaire, il pèse 12 kil. 800; et aujour- 
d'hui (1) il pèse 12 kil. 400, et paraît se bien porter. Survie au minimum, 
53 jours. 

De ces faits, très nets, se dégagent plusieurs conséquences importantes : 

1° Les chiens sont réfractaires à la tuberculose aviaire (2), comme les 
singes; 

2° Les chiens ne sont pas réfractaires à la tuberculose humaine expéri- 
mentale (3). 

3° Autant qu'on peut conclure d’un petit nombre d'expériences non ter- 
minées encore, l’inoculation de tuberculose aviaire virulente parait pré- 
server les chiens contre la tuberculose humaine. 

Il est certain que nos expériences, si claires qu’elles soient, devraient, 


(1) 27 janvier (Note portée à la comm. faite à la Soc. de Biol.). — Si le 
chien D à maigri, cela tient surtout, croyons-nous, à ce qu'il est devenu très 
galeux. 

(2) Cela résulte encore d’autres expériences nombreuses que nous avons. 
faites et que nous ne rapportons pas ici, brevilatis causà (A). 

(A) Nous devons faire remarquer que l'inoculation préventive avec la tuber- 
culose aviaire a été très différente chez les singes et chez les chiens. Les 
singes n'avaient reçu qu’un centimètre cube de bouillon de culture virulente 
sous la peau de l’abdomen, et les chiens ont recu : l’un une fois, et le second, 
à deux reprises, 8 centimètres cubes de bouillon de culture virulente dans la 
veine saphène. 

(3) Ils paraissent cependant à peu près réfractaires à la tuberculose humaine 
spontanée. Nous avons réuni les indications bibliographiques que nous avons 
pu recueillir sur les cas signalés de tuberculose chez le chien, On peut cons- 
tater que ces cas sont assez rares: 

John. Un cas de tuberculose transmis de l’homme au chien (Deutsche 
Leilschr. f. Thierkunde, 1888, p. 111); — in Jahr. f. Microrg. f. 1888, n° 328, 
p. 213. 

Marius. Zur Prophylaxie der Tuberculose (a mentionné paraît-il, plusieurs 
cas). Deutsche med. Woch., 1888, n° 15. Ibid. 

Baumgarten. Tuberculose .chez un chien sous forme de pneumonie caséeuse 
(Jahresber. f. Microrg., 1889, p. 312, note). 


60 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


pour être concluantes, porter sur un plus grand nombre de sujets. Nous 
espérons pouvoir donner bientôt les résultats d’une expérience qui porte 
sur dix chiens. LS 

Nous nous proposons aussi d'injecter le sérum des chiens devenus ainsi, 
par la vaccination avec la tuberculose aviaire, Lahaie à la tuberculose. 
vraie (B). 


RÉPONSE AUX REMARQUES DE M. LE PROFESSEUR GUIGNARD, 
AU SUJET DE MA COMMUNICATION SUR LA STRUCTURE DU PROTOPLASME, 


par M. V. Faxop. 


C'est avec regret que je constate que M. Guignard cherche à discré- 
diter le contenu de ma communication. Si M. Guignard n’a rien vu dans 
mes préparations, c’est qu’il n’a jamais ajouté foi à mes méthodes. Il n’y 
a que cette raison qui soit capable d’expliquer pourquoi il n’était pas 
convaineu quand je lui ai montré des cellules bondées d'indigo par auto- 
imprégnaltion. 


< 


Weyl. Centralbl. f. Bacter., 1889, t. VI, p. 272. 

Zagari. Giorn.internaz. delle scienxe mediche, 1889, fasc. 9, in Th n Î. Microrg. 
1880, p. 266. — À nourri pendant longtemps des chiens avec des poumons 
tuberculeux : il a constaté la résistance des vieux chiens et la mort des chiens 
jeunes (de quatre à six mois). 

Peters. The Journal of compar. Med. and Surgery, t. X, n° 2. Ibid. Chien 
devenu tuberculeux par cohabitalion avec un phtisique. 

Cadiot, Gilbert et Roger. Société de biologie, séance du 19 janvier 1891. Un 
cas de chien tuberculeux. 

Cadiot. Société de médecine vétérinaire, séance du 19 avril 1891. Un cas de 
chien tuberculeux recueilli par M. Allarousse, de Sétif. 

Chantemesse et Le Dentec. Communication faite au deuxième Congrès pour 

Villemin. Études sur la tuberculose, 4868, p. 548 ; cite cinq expériences d'ino- 
culation avec deux résultats négatifs; il rapporte deux cas de Rayer ; et cite 
quelques expériences de Roustan. (Inoculabilité de la phtisie, thèse in-1857.) 
l'étude de la tuberculose; anatomie pathologique des lésions fuberculeuses 
chez un chien; inoculation positive à des cobayes. 

(B) Le sang de porc est également à éprouver à ce point de vue, car cet 
animal paraît être assez réfractaire à la tuberculose humaine. Depuis notre 
communication précédente où nous avions indiqué le fait, nous avons pu 
constater qu'un autre porc auquel nous avons inoculé sous la peau 5 centi- 
mètres cubes d’üné culture’de’bacillose humaine très virulente (celle qui a 
tué nos chiens en vingt-deux jours) avait supporté cette inoculation sans le-: 
moindre trouble appareut, continuant à augmenter régulièrement de poids. 
Cet animal ayant été tué par des chiens, trente-huit jours après l'inoculation, 
nous avons constaté que ses organes étaient parfaitement sains a ne pied 
taient pas la moindre trace de tuberculisation. 


SÉANCE DU 23 JANVIER 6; 


* Or, Le fait que l’indigo en bouillie — je nomme cette méthode de préfé- 
rence à celle du mercure, attendu que ce métal à l’état d'extrême division: 
donne davantage prise à la critique — pénètre dans des cellules parfai- 
tement closes par suite de la végétation de l'organe ou du simple gonflement 
du tissu lorqu'on les y plonge; ce fait, dis-je, est assurément très impor- 
tant non seulement au point de vue de la physiologie Een mais 
encore pour l’agriculture, 

C'est donc ce fait que M. Guigaard doit réfuter, s’il le peut, en premier 
lieu, et s’il n’ajoute pas foi à mes préparations, qu’il s’en assure lui- 
même. 

L'expérience, très simple, consiste à faire végéter de vigoureuses: 
racines de fèves longues de 4 à 6 centimètres, dans de la bouillie d’indigo 
extrêmement finement pulvérisée et préalablement bien malaxée à l’aide 
d’une spatule souple. Quelques jours après, si on lave soigneusement à 
l’aide du pinceau et de la pissette la surface. de la racine, on constate que 
vers son milieu sa surface est bleuâtre. L'examen microscopique démon- 
tre que celte coloration est due au protoplasme des cellules épidermi- 
ques, et même de quelques cellules sous-jacentes, qui s’est totalement 
imprégné d’indigo. Le hile des fèves s'imprègne d'’indigo avec facilité. On 
retrouve alors cette substance dessinant des spirofibrilles non seulement 
dans le protaplasme des cellules voisines mais, dans l'épaisseur des mem- 
branes des cellules en colonne du test. Je recommande l'étude de cet 
objet comme aussi celui du mucor stalonifer cultivé sur l’indigo en 
bouillie à ceux qui, comme M. Guignard, seraient lentés d'opposer leurs 
résullats négatifs aux miens qui sont positifs. 

Ces renseignements, je Les ai donnés p. 203 et 204 de mon travail paru 
dans la Æevue de Botanique, comme aussi p. 3 de la note parue dans ce 
Bulletin. 

J'ajouterai cependant, afin de répondre à la demande d'explications 
que M. Guignard regrette de n'avoir pu m'adresser, que l’imprégnation 
des tiges de Fritillaire, de Tulipe, etc., avec deux couleurs, ne présente 
guère plus de difficultés que leur imprégnation avec une couleur. Il suffit, 
en effet, d'insérer les tiges dans de la moelle de surean ou un bouchon de 
liège et de couper le tout de manière à en obtenir des disques d’environ. 
4 millimètre d'épaisseur, qu'on fait flotter sur la bouillie d'indigo plutôt. 
tiède. On recouvre alors la tranche de l’objet de bouillie de carmin qu’on 
peut maintenir en place à l’aide d’une digue en paraffine. L’imprégnation 
étant due au gonflement, il convient naturellement d'employer des tiges. 
de plantes ayant soif ou de tissus quelque peu flétris. Si l’on tient compte 
de ces précautions, on obtiendra sûrement l’imprégnation bicolore du. 
protoplasme au moins de quelques cellules, Il est alors facile de constater: 
du premier coup d'œil la présence de cordons (spirospartes) bleus et 
rouges emméêlés en manière de rélicules. RES 

Ce résultat, excessivement remarquable, est si évident dans certaines 


62 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


de mes préparations qu'il est indiscutable pour tous ceux qui ont bien 
voulu ne pas douter de ma bonne foi et leur faire l’honneur de les 
regarder attentivement. Quant à mes spirofibrilles (spiricules de M. Gui- 
gnard), elles appartiennent à la fine structure du protoplasme. Il va de 
soi qu'elles demandent une étude attentive et impartiale avec une bonne 
lumière, choses qui, malheureusement jusqu'ici, — je me plais à le 
reconnaître, — ne se sont pas trouvées réunies dans mes démonstrations. 

Cela ne m'empêche pas cependant de soutenir mordicus tout ce que j'ai 
avancé, parce que je suis convaincu que quiconque voudra se donner la 
peine soit d'étudier attentivement mes préparations, ou, mieux encore, 
de refaire mes expériences, trouvera peu à peu que mes résullats, acquis 
par trois ans d'étude assidue du protoplasme, reposent sur des faits posi- 
tifs, et non sur une théorie imaginaire. 

Donc, n'en déplaise à M. Guignard, je persiste à me dire : « Amicus 
Plato, sed magis amica veritas. » 


REMARQUES AU SUJET DE LA 
DEUXIÈME NOTE DE M. FAYOD SUR LA STRUCTURE DU PROTOPLASME, 


par M. LÉON GuiGnarp (1). 


En m'accusant de vouloir jeter le discrédit sur ses observations, 
M. Fayod m'oblige à lui répondre quelques mots(?2). Ce n’est pas moi qui 
discrédite ses résultats, c’est avant tout l'examen des préparations qu’il 
avait déjà montrées à plusieurs reprises et qu’il vient de remettre encore, 
sans plus de succès qu'auparavant, sous les yeux des membres de la 
Société de Biologie. 

On a pu constater de nouveau l’absence des éléments spiralés du pro- 
toplasme, qu'il a néanmoins figurés, d’après nature, dans les dessins qui 
accompagnent son Mémoire de la Revue générale de Botanique (1891). Et 
pourtant, un certainmombre d’observateurs habitués aux études d’histo- 
logie fine ont examiné ses préparations. Ces personnes ont bien pu y 
voir des granulations, les unes bleues, les autres rouges; mais elles 


(4) Je dois prévenir le lecteur que je réponds à M. Fayod d’après le texte de 
la note manuscrite remise par lui à la fin de la séance. 

(2) Lorsque M. Fayod a publié son Mémoire (in extenso) dans la Revue géné- 
rale de Botanique, je n'ai nullement cru devoir intervenir, bien que les résul- 
lats de mes recherches, sur lesquels il s'appuie, aient été cités d'une facon 
totalement inexacte; ma responsabilité n’était nullement engagée. C’est seu- 
lement quand l’auteur est venu communiquer ses résultats à la Société de. 
Biologie que j'ai cru devoir faire mes réserves en séance. 


SÉANCE DU 23 JANVIER 63 


seront probablement quelque peu surprises de lire dans la nouvelle Note 
de M. Fayod, à propos de sa méthode d'imprégnation bicolore du proto- 
plasme : « Il est alors facile de constater du premier coup d'œil la pré- 


sence de cordons (spirospartes) bleus et rouges, emmêlés en manière de 


réticules. Ce résultat, excessivement remarquable, est si évident dans 
certaines de mes préparations qu'il est indiscutable pour tous ceux qui 
ont bien voulu me faire l'honneur de les regarder. » —- Cependant, l'au- 
teur ajoute plus loin, à propos des spirofibrilles : « Il va de soi qu'elles 
demandent une étude attentive, avec une bonne lumière, choses qui 
malheureusement jusqu'ici, je me plais à le reconnaitre, ont fait défaut 
dans mes démonstrations. » 

M. Fayod paraît oublier que je lui ai mis jadis entre les mains tout ce 
qui était nécessaire pour y voir clair, et que, malgré cela, un observateur 
très habile, qui l’avait convié à lui montrer ses préparations dans mon 
laboratoire et qui ne demandait pas mieux que d’être convaincu, ne les 
a, pas plus que moi, trouvées démonstratives. 

Pour justifier ses affirmations, M. Fayod devrait au moins citer les per- 
sonnes auxquelles il a fait partager sa conviction si profonde de la pré- 
sence, dans le protoplasme, de spirofibrilles, spirospartes, etc. ; car toute 
la question est de savoir si telle est bien, en réalité, la structure générale 
du protoplasme. 

En ce qui concerne le passage direct, affirmé par l’auteur, de particules 
de substances insolubles, telles que le carmin, l’indigo, le noir de fumée, 
le minium, à travers les membranes intactes des cellules végétales vivantes, 
il eût mérité d’être observé d’un peu plus près pendant les trois années 
que M. Fayod a consacrées à ces études. C’est à l’auteur à nous en indiquer 
le mécanisme. Comment n'est-il pas plus explicite sur ce point intéressant, 
lui qui a pu constater que, dans des préparations d’Agave chauffées à 
561 degrés, on continue à apercevoir les fibrilles spiralées du proto- 
plasme (1)? 

Il me suffira de dire que mes expériences sont loin de confirmer les 
idées de M. Fayod. Et, d’ailleurs, il ne semble guère nécessaire de dis- 
cuter en détail quand un observateur, pour retrouver les fibrilles du 
protoplasme, a recours à des procédés consistant, par exemple, non seu- 
lement à carboniser les cellules et à en brûler le charbon, mais encore à 
faire macérer des tissus végétaux dans du permanganate de potasse, pour 
obtenir « une masse floconneuse brunâtre qui, traitée par l’acétate de 


(1) « J'ai déterminé, dit l’auteur, celte température en me servant de petites 
particules de différents sels réduits en poudre... La température indiquée est 


celle de la fusion du borax. » — Malheureusement, il ajoute que « les fibrilles 
spiralées qu'on apercoit dans cette lave peuvent très bien être fdC ices, car il 
s’en forme de très jolies disposées en gerbe avec des granules rax fondu 


sur une lamelle ». (Rev, gén. de Bol., p, 216.) 


‘64 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


plomb, l'acide chronique, le nitrate d'argent, etc., se résout en une 
quantité de fines spirales hyalines » (Rev. gén. de Bot., p. 215 et 216). : 

J'ajouterai pourtant que, croyant trouver un argument en faveur de ses 
théories, dans les différences de coloration que j'avais signalées pour les 
diverses parties constitutives du noyau cellulaire des Phanérogames et 
‘du corps des anthérozoïdes des Cryptogames, l’auteur me fait dire exacte- 
ment le contraire de ce que j'ai répété à plusieurs reprises. Un peu plus 
de précision dans l'exposé des travaux des autres ne nuiraït pas à la con- 
fiance qu’on peut avoir dans les résultats de l’auteur. 

Il est d’ailleurs d'autant moins nécessaire d’insister, que M. Fayod 
conclut en disant : « Cela ne m'empêchera pas de soutenir mordicus tout 
ce que j'ai avancé.» | ] 


Le Gérant : G. MASSON. 


Paris. — Typographie Gaston Née, !, rue Cassette. — 5732, 


65 


SÉANCE DU 30 JANVIER 1899 


M. le D' Gazezowsxr : De la diplopie monoculaire dans l’amblyopie hystérique. — 
MM. Lesacs et Macarcne : Contribution à l'étude de la virulence du Bacterium coli 
commune. — MM. V. Hanor et A. GiLB8EerT : Sur la cirrhose tuberculeuse. — 
M. En. Exriquez. — Recherches expérimentales sur l'élimination des microbes par 
les reins. — M. A. GrarD : Sur un hémiptère hétéroptère (Halticus minutus Reuter) 
qui ravage les arachides en Cochinchine. — M. TréLonan : Note sur la Glugea 
microspora. — M. Jacques Passy : Note sur les minimums perceptibles de quelques 
odeurs. — M. A. Laveran : De l’action du bleu de méthylène sur les hématozoaires 
du paludisme et sur les hématozoaires des oiseaux voisins de ceux du paludisme. 
M. Jures DE GUERNE : Sur la dissémination des Hirudinées par les Palmipèdes. 


Présidence de M. Laveran. 


DE LA DIPLOPIE MONOCULAIRE DANS L’AMBLYOPIE HYSTÉRIQUE, 


par M. le D' GaLezowski. 


Messieurs, la question que je vais avoir l'honneur de soumettre à votre 
haute appréciation, est de celles qu’il nous serait difficile, à nous autres 
ophlalmologistes, de résoudre sans le concours de physiologistes 
éminents. 1l s’agit, en effet, d’un phénomène des plus bizarres, des plus 
curieux : la production d’une image double dans un seul œil, sous l'in- 
fluence d’un état nerveux général, hystérique ou cérébral, sans aucune 
altération des milieux réfringents du globe oculaire, et sans qu'il existe 
la moindre trace d'affection des nerfs moteurs de l'œil, de la troisieme, 
de la sixième ou de la quatrième paire. 

La diplopie monoculaire peut se produire soit dans un œil, soit simul- 
tanément dans les deux yeux. Parfois, l’acuité visuelle centrale reste 
intacte, mais le champ visuel périphérique est toujours perdu concen- 
triquement. 

Les malades atteints de cette amblyopie peuvent présenter des altéra- 
tions nerveuses générales, simulant la sclérose en plaques, la myélite, 
l'encéphalite, etc. Mais, si l’on prend en considération les symptômes que 
je décris ci-après, on se convaincra facilement qu'il ne s’agit que d’acci- 
dents nerveux, hystériques, plus ou moins graves, dont les conséquences 
sont bien moins à redouter, que s’il s'agissait de maladies organiques. 

La diplopie monoculaire avait déjà été décrite par plusieurs auteurs, 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9° SéR'E. T, 1V. 4 


66 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


et plus particulièrement, par M. le professeur Charcot et par M. Parinaud. 
Les conférences récentes faites sur ce sujet, par M. Charcot, à la Salpé- 
trière, prouvent combien l’éminent maître attache d'importance à ce phé- 
nomène, dans le diagnostic des affections du système cérébral et des 
troubles hystériques. 

M. Duret a fait dernièrement une communication à l’Académie de 
médecine, sur un cas de diplopie monoculaire, produit par un trauma- 
tisme à la têle. Ne constatant pas le moindre trouble des milieux de l’œil 
droit, atteint de diplopie, M. Duret crut pouvoir expliquer le phénomène, 
dont l’origine, selon lui, résidait dans l'hémisphère gauche, par la des- 
truction de l’associalion fonctionnelle des deux hémisphères. 

Donc, le fait est connu, mais ce qui ne l’est paset ce que je désire vous 
prouver aujourd'hui, messieurs, c'est que, si la cause première des acci- 
dents hystériques doit être localisée dans le cerveau, le mécanisme de 
la diplopie monoculaire lui-même réside dans le globe de l'œil, et il est 
dû à la contracture spasmodique et permanente du muscle accommoda- 
teur. De là, myopie fonctionnelle, diplopie et tous les autres troubles 
visuels. 

J'avais, depuis longtemps, signalé l'existence de la myopie spasmo- 
dique chez les hysiériques (41). 

Le hasard a voulu qu’il se soit présenté à mon observation, dans ces 
derniers temps, trois malades atteints d’amblyopie monoculaire : une 
femme, chez moi, dans mon cabinet, et un homme et une femme que 
M. le D' Huchard a eu la bonté de me laisser examiner dans son service 
à l'hôpital Bichat. Chez ces trois malades, j'ai pu constater des troubles 
visuels analogues, et en tout semblables à ceux ‘que j'avais observés dans 
l’hystérie : diplopie monoculaire, diminution concentrique du champ 
visuel et myopie spasmodique. Voici, en quelques mots, l'observation de 
chacun de ces malades : 


OBservaTiIoN I. — Me S..…., âgée de trente-huit ans, demeurant à Rouen, 
vint me consulter, le 23 novembre dernier, pour un trouble de la vue, qui 
s'était déclaré chez elle deux ans auparavant Elle était excessivement ner- 
veuse, et sujette, depuis longtemps, à des attaques nerveuses hystériques. En 
juillet dernier, elle s’'aperçut que tout le côté gauche de son corps était devenu 
insensible, comme engourdi; de plus, il s'était produit, dans le bras et la 
jambe gauche, comme une sorte de tremblement nerveux, qui augmentait 
d'autant plus qu’elle voulait exécuter un mouvement. La vue de l’œil gauche 
était devenue trouble; à l'examen ophtalmoscopique, je n'ai pas trouvé de 
lésion, mais il y avait rétrécissement du champ visuel, à 15 centimètres 
autour du point de fixation. De plus, la malade se plaignait de voir double, 
et cette diplopie augmentait dès que la malade fixait quelque objet. En 


(1) Galezowski. Quelques considérations sur la myopie spontanée. Recueil 
d'Ophtalmologie, 1873, p. 174. 


SÉANCE DU 90 JANVIER 67 


l’examinant à l’aide d’un verre rouge, j'ai constaté qu’il existait une diplopie 
monoculaire dans l'œil gauche. L’œil droit était sain. Cette diplopie était 
accompagnée d’une myopie spasmodique ; à l’aide d’un verre de 2 dioptries, 


la myopie se trouvait corrigée, et la diplopie disparaissait. En instillant 


l’atropine dans l’œil malade, la diplopie cessait, dès que la dilatation se pro- 
duisait. 


O8s. IT. — Femme X..., âgée de trente-cinq ans, couchée dans la salle 
Saint-Louis, à l'hôpital Bichat, dans le service de M. le Dr Huchard. Elle est 
atteinte d’une anesthésie complète des deux jambes jusqu'aux genoux; elle 
tombe aussitôt qu’elle veut essayer de marcher. En outre, elle éprouve des 
troubles visuels dans les deux yeux. M. Huchard m'’ayant prié de l’examiner, 
j'ai constaté chez elle une diplopie monoculaire dans les deux yeux, avec 
rétrécissement concentrique du champ visuel. Les deux yeux. ont une confor- 
malion emmétrope, mais ils sont devenus myopes, par suite d’un spasme 
hystérique des muscles accommodateurs. 

L’écartement des deux images est de 10 centimètres à 20 centimètres, selon 
que l'on tient la bougie à 1 ou à 2 mètres de distance. En mettant devant 
l’œil droit de la malade une lentille concave de 4 dioptries, j'ai fait cesser la 
diplopie. Jeudi dernier, le 27 janvier, j'ai instillé une goutte de collyre 
d’atropine dans l’œil gauche, dont l’amblyopie est plus accentuée et le champ 
visuel plus rétréci, et, aussitôt que la pupille a été dilatée, j'ai pu constater, 
en présence de M. Huchard et de ses assistants, que la diplopie avait complè- 
tement disparu, et que le champ visuel était revenu à son état normal. Tout 
au contraire, dans l'œil droit, où nous n'avons pas mis d’atropine, la diplopie 
monoculaire persiste, et le champ visuel continue à être rétréci concentri- 
quement. 


Ogs. III. — M. H... âgé de plus de soixante ans, est soigné par M. le 
D: Huchard à l'hôpital Bichat, pour une hémichorée droite, et une amblyopie 
de l’œil droit. 


Ancien alcoolique, M. H... est atteint d’hémichorée depuis plusieurs années, 
mais les accidents oculaires ne se sont déclarés que depuis quatre ou cinq 
mois. Autorisé par M. Huchard à examiner ce malade j'ai constaté ce qui 
suit : absence complète de toute lésion ophtalmoscopique, diplopie mono- 
culaire de l’œil droit, avec rétrécissement concentrique du champ visuel. 
L'œil gauche est sain. Dans l’œil droit, la diplopie est accompagnée d'une 
myopie spasmodique. 


Que se passe-t-il dans ces yeux, et quelle est la cause réelle, le méca- 
nisme de ces phénomènes visuels? Pourquoi un œil, dont la conformation 
est emmétrope ou même hypermétrope, devient-il, à un moment donné, 
myope? Ÿ a-t-il une corrélation quelconque entre la myopie qui survient 
spontanément et comme par hasard, et la diplopie monoculaire chez les 
bhystériques? 

Ma réponse à ces questions est résolument affirmative, et les expé- 
riences dont je viens de rapporter le résultat, prouvent surabondamment 
que tous ces phénomènes visuels des hystériques sont dus à la même 


68 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


cause : à la contraction spasmodique du muscle accommodateur, et qu’il 
suffit de rompre ce spasme en instillant dans l’œil une goutte d’atropine, 
pour que tous ces accidents morbides visuels disparaissent complètement 
et que la vue redevienne normale, pour tout le temps que durera l’effel 
mydriatique de l’atropine sur l'œil. 

Mais ce qui reste, pour moi, encore un mystère, c'est que l’instillation 
d’atropine, en dilatant la pupille, ait fait disparaitre chez les trois 
malades précités, non seulement la myopie, non seulement là diplopie, 
mais aussi le rétrécissement concentrique du sang visuel. Et le fait est 
indéniable, puisque avant l’instillation de l’atropine, le champ visuel était 
réduit à 10 centimètres de rayon, tandis qu’aussitôt après, il redevenait 
normal. Pendant ce temps-là, l’autre œil, dans lequel on n’a pas mis de 
collyre, et dont la pupille est toujours petite et contractée, le champ 
visuel reste diminué concentriquement, comme par le passé. 

Dans le doute, je suis porté à conclure que la diminution concentrique 
du champ visuel, est aussi le résultat du spasme des fibres musculaires, 
et notamment, de la couche musculaire des vaisseaux. 

A la suite de la communication de M. Galezowski, M, Dumontpallier 
fait remarquer que les troubles visuels ci-dessus exposés, étant vraisem- 
blablement de nature hystérique, auraient été favorablement modifiés par 
le traitement général de l’hystérie. 


CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA VIRULENCE DU BACTERIUM COLI COMMUNE 
3) 
par MM. LESAGE et MACAIGNE. 


Nous avons l'honneur de présenter à la Sociélé de Biologie le résultat 
de recherches poursuivies sur le Pacterium col commune. 


1° En premier lieu, nous avons étudié l’état de virulence du Bacterium 
coli commune normal, de l'intestin sain. On sait qu'Escherieh admet que 
le Bacterium coli normal est virulent, c'est-à-dire qu'il tue le lapin et le 
cobaye en vingt-quatre à quarante-huit heures par inoculation sous la 
peau et dans les veines; par contre, il serait sans action sur la souris. 

Nos recherches ne confirment pas ces conclusions. En effet, en injectant 
soit sous la peau, soit dans le système veineux du lapin, soit chez le 
cobaye sous la peau et dans le péritoine, soit sous la peau chez ia souris 
4 à 2 centimètres cubes de culture en bouillon de Bacterium coli normal, 
ces animaux ont résisté. 

1 s'agissait naturellement de bouillon ordinaire, légèrement alcalinisé 
avant l’ensemencement et inoculé après quelques jours de culture à 
l’étuve à 37 degrés. 

Si ces résultats ne sont point identiques à ceux d’Escherich, ceci nous 
semble tenir à la dose employée par cet auteur. En effet, si on s’en rap- 


SÉANCE DU 90 JANVIER 69 


porte au travail du savant allemand paru en 1885 dans le Fortschritte 
der Medicin et complété l'année suivante dans le München Medicin 
Wochenschrift, on voit qu'il inoculait à ces animaux, gros comme un 
pois de ‘culture sèche (erbsengrosse Menge), ce qui nous semble consi- 
dérable. En suivant la méthode d’Escherich, nous avons obtenu des 
résultats conformes; mais nous pensons que cette dose énorme suivie 
d'effets positifs ne donne pas la valeur exacte de la virulence du microbe 
normal. Sans doute nous manquons de critérium; mais pour avoir des 
résultats comparables entre eux, nous avons pris comme terme de 
comparaison la dose efficace d’une culture en bouillon de Bacterium 
coli virulent, pathogène chez l'homme, c’est-à-dire environ | centimètre 
cube. A cette dose, que du reste tout le monde emploie dans la majorité 
des cas, le Bacterium coli normal est sans effet sur les animaux. 


2% Si l'intestin présente de la diarrhée, diarrhée simple des enfants, 
par exemple, le Bacterium coli prend de la virulence, c’est-à-dire qu'il 
tue les animaux susdits en employant toujours les mêmes-doses et dans 
les mêmes conditions expérimentales. Aussi d'après nos recherches nous 
pensons que la diarrhée est un facteur des plus importants pour la prise 
de virulence du Bacterium coli. Toutefois cette acquisition de virulence 
n'est ni constante, ni durable ; elle est au contraire constante et durable 
dans les cas d’entérite infectieuse que nous signalerons. De plus, ce ca- 
ractère de virulence acquise à la faveur de la diarrhée nous a paru plus 
constant dans les diarrhées d'été que dans celles de l'hiver. 


3° De l'envahissement cadavérique. — Ayant ce double point de départ, 
nous avons étudié d'une façon méthodique les cadavres, pour savoir si le 
Bacterium coli normal pris chez des sujets morts d'affection non diar- 
rhéique, franchissait la barrière intestinale et envahissait les organes. 

Or de nos recherches il résulte que le Bacterium coli normal d’un sujet 
n'ayant ni diarrhée ni ulcérations intestinales ne présentait pas d’envahis- 
sement cadavérique pendant l'hiver. On peut obtenir cet envahissement 
pendant l'été. Mais ce Bacterium coli normal n’a pas de virulence et n’en 
acquiert pas en envahissant le cadavre. Sile sujet présente de la diarrhée 
ou quelque ulcération intestinale, le Bacterium coli envahit l’organisme 
même en hiver. Il est alors virulent, s’il existe de la diarrhée. 

Ainsi il est de toute nécessité dans ces recherches de noter exactement 
l'état de l'intestin et au point de vue de l'existence de la diarrhée, et au 
point de vue de l’état de la muqueuse intestinale. 

MM. Wurtz et Hermann, dans un travail récent, sur trente-deux cada- 
vres ont obtenu seize fois l’envahissement. Dans leur mémoire ces auteurs 
ne notent point les conditions ci-dessus énoncées (saisons, diarrhées, etc.). 

D'autre part, il faut examiner aussi l’état des voies respiratoires, qui 
pourraient être le point de départ de l’envahissement cadavérique par le 


10 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Bacterium coli venant dela bouche où on sait qu’il est fréquent. Car il 
n’est pas rare de trouver dans les lésions pulmonaires ou pleurales le 
Bacterium coli côte à côte avec les micro-organismes ayant produit ces 
lésions. 

Sur quarante-deux biles soumises à l'examen bactériologique, Lé- 
tienne signale onze fois la présence du Bacterium coli, qui dans plusieurs 
cas s’y trouvait moins d'une heure après la mort. Cette contamination 
de la bile avant la mort de sujets gravement malades est peut-être un 
des facteurs principaux de la dissémination du micro-organisme dans tout 
le cadavre. L'auteur n’a pas dirigé ses recherches de ce côté. 


4° Le Bacterium coli normal existe dans presque tous les estomacs. 
Dans ce milieu, quelle que soit la variété du chimisme stomacal, il tend à 


prendre une forme de saprophyte, et sa culture n’a aucune action sur 
les animaux. 


IT. Du Bacterium coli pathologique. 


Dans la première édition de leur 7raité des Bactéries, MM. Cornii ‘et 
Babès signalent l'intervention des bacilles de l'intestin dans la production 
des péritonites par perforation. 

L'action pathogène, chez l'homme, du Bacterium coli commune n’a été 
bien établie qu’en 1889, dans le mémoire de Laruelle. Puis viennent les 
observations et les expériences de MM. Rodet et Roux (de Lyon), Tarvel, 
Gilbert et Girode, Veillon et Jayle, Charrin et Roger, Frænkel, Malvoz, 
Dupré, Lion et Marfan, Chantemesse, Widal et Legry, Adenot, Achard et 
Renault, Krogius, ete., etc. 

Dans nos recherches, nous concluons à la virulence du Bacterium coli, 
pour nos cas, par ce fait que l’inoculation de 1 à 2 centimètres cubes au 
maximum de bouillon légèrement alcalinisé et cultivé à l'étuve à 
31 degrés, tue en vingt-quatre à quarante-huit heures le lapin inoculé 
sous la peau et dans l'oreille, le cobaye sous la peau et dans le péritoine, 
la souris sous la peau. On obtient ainsi la septicémie à Bacterium coli, 
tandis qu'avec le Bacterium coli normal on n'obtient rien avec cette dose. 

Nous avons étudié le Bacterium coli qui existait seul dans l'intestin 
d'enfants morts de choléra infantile, ou morts d’entérite infectieuse. 
Toujours il s’est montré virulent. D'autre part, que ce soit en été ou en 
hiver, les cadavres de ces enfants, qui présentaient de la diarrhée, étaient 
toujours envahis, et de plus le Bacterium coli pris dans les organes avait 
la même virulence que le Bacterium pris dans l'intestin. Donc le Bacte- 
rium coli des entérites, si souvent suivies de mort chez les jeunes enfants, 
est virulent et envahit toujours les organes. Cet envahissement cadavé- 
rique nous semble tenir à la virulence même du mierobe, car en injectant 
dans l'intestin d'un cobaye du Bacterium coli virulent, et en tuant l’animal 


% 


SÉANCE DU 90 JANVIER 71 


quelques heures après, ce Bacterium coli virulent inoculé a envahi tous 
les organes en vingt-huit heures, alors qu'un cobaye sain, non inoculé, 
tué et autopsié dans les mêmes conditions, n’a pas présenté d’envahisse- 
ment. Donc on peut se demander si le fait d’être plus virulent n’augmente 
pas la facilité de pénétration? 

Dans quelques cas de choléra nostras chez l’adulte, dont MM. Gilbert 
et Girode ont fait une étude approfondie, le Bacterium coli était l’agent 
causal et présentait les mêmes caractères de virulence forte. D’autres cas 
analogues ont été signalés par MM. Chantemesse, Widal et Legry. 

Plus la diarrhée des enfants est infectieuse et grave, plus le Bacterium 
coli tend à prendre de la prédominance sur les autres microbes qui s’éli- 
minent, à tel point que dans la majorité des cas on le trouve seul soit sur 
les lamelles, soit dans les cultures. Bard {de Lyon), avait noté ce fait sous 
l'influence des hautes températures; mais cet auteur ne parle pas de l'état 
de virulence. 

Lorsque le Bacterium coli présente chez l'homme des manifestations 
pathologiques, soit sous forme d’entérite infectieuse ou cholériforme, soit 
sous forme de suppurations, il possède une virulence très active, cons- 
tante et durable. Aïnsi une de nos cultures sur agar faite au mois de 
mars, reprise en bouillon au mois de novembre, soit sept mois après, 
jouit encore de propriétés pathogènes. 

Mais l'intensité de la virulence du coli pathologique n’est pas toujours 
la même. La virulence du Bacterium coli pyogène est moins forte que 
celle du Bacterium coli cholérigène. Tandis que celui-ci tue les animaux 
rapidement en vingt-quatre et quarante-huit heures en produisant une 
infection générale, une septicémie aiguë, le Bacterium coli pyogène, ino- 
culé aux mêmes doses sous la peau, provoque généralement des phleg- 
mons, dont les résultats varient selon l'intensité de la virulence : tantôt 
le phlegmon est très étendu et tue l'animal en cinq jours et plus; la lésion 
locale par son intensité est alors la cause de la mort, car il n’y a pas infec- 
tion générale, on ne trouve pas le micro-organisme ni dans le sang ni dans 
la rate, Tantôt la virulence est moindre, le phlegæon se limite et il se 
forme un abcès dont l'animal peut guérir. 

De plus, le Bacterium coli pyogène garde toujours dans les expériences 
successives cette propriété caractéristique de provoquer la suppuration. 
Même après avoir passé par le système veineux du lapin en produisant la 
septicémie aiguë, il reste encore pyogène si ensuite on l’inocule sous la 
peau. 

Comme pour d’autres micro-organismes virulents connus, le fait d’être 
pyogène nous paraît tenir à un degré moindre de virulence, permettant 
la résistance de l'individu qui arrive à localiser l’action de l’agent infec- 
tieux. Ainsi une très faible dose de Bacterium coli septique provoque la 
formalion d'un abcès. D'un autre côté, nous avons observé un Bacterium 
coli très virulent, agent habituel de septicémie, s'atténuer dans le cours 


72 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


des expériences et ne plus donner lieu qu’à des abcès. Dès lors il devint 
pyogène en s'atiénuant. 

Enfin un même sujet peut présenter à la fois le coli septique dans l’in- 
testin et le coli pyogène dans un autre organe. C’est ce que nous avons 
constaté chez un enfant mort d’entérite infectieuse avec broncho-pneu- 
monie : il existait un abcès du poumon ne contenant que du Baclerium 
coli pyogène. 

Ces résultats sont conformes, pour le Bacterium coli cholérigène, à 
ceux de MM. Gilbert et Girode dans leurs recherches sur le Bacterium 
coli trouvé dans plusieurs cas de choléra nostras. Pour le Bacterium coli 
pyogène, ils sont conformes aussi aux expériences faites par ces mêmes 
auteurs et par MM. Charrin et Roger sur divers cas d’angiocholites sup- 
purées. Depuis, les faits se sont multipliés montrant que le Bacterium 
coli des suppurations humaines provoquait, à la dose habituelle, des sup- 
purations chez les animaux : telles les expériences de MM. Achard et 
Renault, celles de Krogius. 


SUR LA CIRRHOSE TUBERCULEUSE, 


par MM. V. HANor et A. GILBERT. 


Chez l’homme, la tuberculose peut amener le développement d'une 
cirrhose du foie. Sous l'influence de cette lésion, l'organe hépatique 
généralement s’atrophie, s’indure, devient granuleux, comme dans la eir- 
rhose alcoolique atrophique, quoique à un moindre degré (1; ; plus 
rarement, il se creuse desillons profonds et prend un aspect lobulé, comme 
dans la cirrhose syphilitique (2). En d’autres termes, existent un joie gra- 
nuleux et un foie ficelé tuberculeux. 

La nature tuberculeuse de certaines cirrhoses est établie, non seu- 
lement par la coexistence des lésions cirrhotiques et tuberculeuses, mais 
encore par l’enquête étiologique qui, à côté de faits complexes où la 
syphilis, l'impaludisme et surtout l’alcoolisme se disputent avec la tuber- 
culose, les antécédents des malades, montre des cas dépourvus de toute 
signification ambiguë, où la tuberculose et la cirrhose seules se trouvent 
en présence. 

Nous avons recherché si dans la pathologie animale. nous pourrions, 
comme dans la pathologie humaine, recueillir des exemples de cirrhose 
tuberculeuse. 


(1) V. Hanot et A. Gilbert. Sur les formes de la tuberculose hépatique, 
Archiv. gén. de médecine, 1889. 
(2) V. Hanot. Congrès de la tuberculose, 1888. 


SÉANCE DU 90 JANVIER 13 


A ce point de vue, nous avons étudié un certain nombre de foies de 
gallinacés et de mammifères devenus spontanément tuberculeux. 

Chez les gallinacés, faisans, poules et pintades, nous n'avons pas 
relevé l’existence de véritables lésions cirrnotiques (1). 

Parmi les quelques mammifères, souris, chiens, chats et cobayes, dont 
nous avons examiné le foie, il n’en est qu'un, un cobaye, qui nous ait 
permis de faire des constatations positives d’une assez grande netteté. 

Cet animal, élevé au laboratoire de M. Brissaud (2) à l'hôpital Saint- 
Antoine, était soigné par un phtisique qui, dans les derniers temps de sa 
vie, avait l'habitude de le conserver dans son lit. Il devint tubereuleux 
lui-même el succomba. L'on put, à l’autopsie, remarquer que son foie 
était augmenté de volume, granuleux à la surface et à l’examen histo- 
logique qu'il était le siège de tubercules et de formations cirrhotiques 
amenant un notable élargissement des espaces portes. 

Mais il y a loin encore d’une semblable lésion, aux grandes altérations 
de la cirrhose tuberculeuse telle que nous l’avons rencontrée dans l'espèce 
humaine. 

À cet égard, la pathologie expérimentale nous a fourni des résultats 
beaucoup plus satisfaisants que la pathologie spontanée des animaux (3). 

Nous avons relaté précédemment (4), en détail, l’observation d'un 
cobaye inoculé avec du tubercule humain qui succomba au bout de 
quatre mois avec un foie granuleux, induré et de l’ascite. Au microscope, 
le foie se montrait le siège de lésions cirrhotiques et tuberculeuses. La 
cirrhose était principalement péri-lobulaire, mais non uniquement : les 
lobules étaient entourés par des anneaux fibreux, desquels se détachaient 
de nombreuses bandes et bandelettes scléreuses qui pénétraient dans les 
lobules, dissociant les travées hépatiques, les comprimant et réduisant 
leur pôle périphérique en pseudo-canalicules biliaires. À 

Récemment, chez un cobaye inoculé avec du tubercule aviaire, nous 
avons relevé un nouvel exemple de cirrhose achevée (5). Mais alors que 
dans notre premier cas, il s'agissait à proprement parler d’un joie granu- 
leux tuberculeux expérimental, dans le second, le foie, augmenté de 
volume, apparaissait, creusé de profonds sillons, décomposé en lobes 


(1) Cadiot, Gilbert et Roger. Note sur l'anatomie pathologique de la tuber- 
culose du foie chez la poule et le faisan. Bull. de la Soc. de Biologie, 4890. 

(2) Nous remercions M. Lamy, interne de M. Brissaud, qui a eu l’obligeance 
de mettre à notre disposition les coupes du foie de ce cobaye. 

(3) La cirrhose tuberculeuse est rare chez l’homme. il en est vraisembla- 
blement de même chez l'animal, et il est probable que l'examen d’un grand 
nombre de pièces serait nécessaire pour qu'on puisse l’y observer. 

(4) V. Hanot et A. Gilbert. Note sur la cirrhose tuberculeuse expérimentale, 
Bull. de la Soc. de Biologie, 1890. 

(5) Cadiot, Gilbert et Roger. Contribution à l'étude de la tuberculose 
aviaire, Congrès de la tuberculose, 1891. 


74 - SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


(ainsi qu'en témoigne le dessin que nous en avons fait reproduire), offrant 
ainsi l'aspect d’un véritable joie ficelé tuberculeux expérimental. 

Dans ces deux faits, la cirrhose était tellement typique que nous n'en 
avons pas rencontré de plus accomplie chez l’homme. 

Ces résultats d’ailleurs sont exceptionnels : le plus souvent, lorsque 
chez le cobaye, la tuberculose suscite l’apparition de lésions cirrhotiques, 
celles-ci demeurent à l’état débauche. | 

Il n’en est pas moins certain qu’il est possible de réaliser chez l’animal, 
à des degrés divers, les altérations de la cirrhose tuberculeuse. Sur ce 
point, nos recherches ont d'ores et déjà été vérifiées et confirmées par 
celles de M. Pilliet (4). 

Bien que le tissu scléreux de la cirrhose tuberculeuse ne contienne 
point de bacilles, nous inclinons à penser qu'il est d'origine spécifique, 
bacillaire, pour trois ordres de considérations (2) : 4° parce que l’évolu- 
tion scléreuse des produits bacillaires est de constatation fréquente, ainsi 
que l'ont établi les travaux de M. Grancher ; 2° parce que la topographie 
de la cirrhose tuberculeuse expérimentale est comparable à celle de l’infil- 
tration tuberculeuse expérimentale du foie, produite par inoculations 
intra-veineuses (3); 3° parce que les tubercules qui coexistent avec la 
cirrhose tuberculeuse expérimentale, manifestent une grande tendance à 
la sclérose, marquée par la prédominance du tissu conjonctif à leur centre, 
c'est-à-dire dans leur partie la plus ancienne. 

Les conditions qui président à l'évolution scléreuse des néoformations 
bacillaires sont, on le conçoit, d’une détermination difficile. Il nous 
semble toutefois que les effets différents exercés sur Le foie du cobaye par 
les inoculations de tubercule humain et de tubercule aviaire sont propres 
à Jeter quelque lumière sur une queslion aussi délicate. 

L'infection du cobaye par le bacille humain est constamment suivie de 
lésions hépatiques. La sclérose peut ne prendre aucune part dans ces 
lésions et lorsqu'elle intervient, elle n'existe, sauf exception, qu'à l’état 
d’ébauche. 

Toutes autres sont les conséquences de l’inoculation au cobaye de la 
tuberculose aviaire. Dans la majorité des cas, le foie ne présente aucune 
altération. Quelquefois il est le siège de granulations diserètes qui tendent 
vers l'évolution fibreuse cu qui même se transforment complètement en 
petits blocs scléreux, véritables tubercules de guérison. Enfin, exception- 
nellement, il présente des lésions étendues, mais dans ces lésions mêmes, 
la sclérose occupe une place considérable. 


(1) Pilliet. Étude d’histologie pathologique sur la tuberculose RME te 
et pose du foie, Th. Doct., Paris, 1891. 

(2) V. Hanot et A. Gilbert, mo cit. 

(3) A. Gilbert et G. Lion. Note sur la tuberculose expérimentale du foie, 
Bull. Soc. de Biologie, 1888. 


NP 


SÉANCE DU 90 JANVIER 75 


Ainsi, le bacille humain, très virulent pour le cobaye, engendre toujours 
chez cet animal des lésions hépatiques et celles-ci ne manifestent que 
d’une façon inconstante une tendance modérée vers l’évolution scléreuse. 
_Le bacille aviaire, peu virulent pour le cobaye, n’amène pas, dans la 
majorité des cas, d’altérations hépatiques et impose à ces altérations, 
lorsqu'elles se développent, une évolution scléreuse très accentuée (1). 

La cirrhose hépatique expérimentale peut donc être considérée 
comme procédant essentiellement d’une virulence insuffisante des bacilles 
inoculés pour l’espèce expérimentée ou, si l’on veut, comme procédant 
d’un état réfractaire relatif de l'espèce expérimentée pour les bacilles 
inoculés. 

Si nous transportons ces notions sur le terrain de la pathologie 
humaine, nous sommes amenés à regarder le développement de la cir- 
rhose tubercuieuse comme la conséquence, soit d’une résistance indivi- 
duelle anomale vis-à-vis du bacille tuberculeux, soit d’une infection de 
l'organisme par des bacilles qui dans l’échelle de virulence très étendue 
que doit avoir le bacille de Koch, occupent, eu égard à l’homme, une 
place peu élevée. 


RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR L'ÉLIMINATION DES MICROBES PAR LES REINS, 


par M. En. ENRIQUEZ, 
Interne des hôpitaux. 


Nous inspirant des expériences d’Heidenhain sur la sécrétion rénale, 
nous avons cherché à déterminer la portion du tube urinifère où s’effec- 
tue plus spécialement le passage des germes. 

Une des expériences d'Heidenhain consistait en injection intra-veineuse, 
après section de la moelle cervicale, d’une solution de bleu d’indigo. 
A la suite, il n'arrivait pas la moindre goutte d'urine dans la vessie et 
cependant la matière colorante ne tardait pas à se déposer sur les parties 
du tube urinifère recouvertes d’un épithélium spécial, trouble à bâtonnets. 

Nous avons cherché à reproduire l'expérience d’Heidenhain en rem- 
plaçant la solution d’indigo par un bouillon de culture contenant une 
espèce microbienne déterminée. 


E'xpériences. 


Nos expériences ont été faites au laboratoire du professeur François- 
Franck, du Collège de France. 


(1) Telles sont du moins les conséquences de l’inoculation au cobaye du 
bacille aviaire non modifié dans sa virulence par la culture et inoculé direc- 
tement des gallinacés au cobaye. 


16 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Sur l'indication du professeur Franck, nous avons choisi le chat comme 
sujel d'expérience, parce qu'il présente à la fois une plus grande somme 
de résistance vitale et une disposition moindre à la suppuration. 

La section de la moelle a été pratiquée trois fois entre la VI‘ et VIT: cer- 
vicale; une fois entre la V° et VI*; une fois elle a porté immédiatement 
au-dessous du bulbe. 

L’injection intra-veineuse était pratiquée immédiatement après la sec- 
tion. Suivant la recommandation d'Heidenhain, il faut avoir soin d'exercer 
une pression énergique sur la vessie pour la vider autant que possible de 
son contenu. 

Pour pouvoir comparer les résultats, nous avons pratiqué également 
des injections intra-veineuses des mêmes microbes à d’autres chats qui 
n’avaient pas subi la section de la moelle. 

Dans les cinq expériences où l'injection intra-veineuse de microbes 
(aureus, charbon, pneumocoques, Eberth) a suivi la section de la moelle 
ou du bulbe, trois fois la vessie rétractée derrière le pubis, réduite à la 
dimension d’une noisette, ne contenait pas une goutte d'urine. Les deux 
autres fois, elle contenait une certaine quantité d'urine dont l’ense- 
mencement est resté négalif dans les deux cas. Par contre, dans les 
expériences comparatives où nous avons pratiqué des injections intra- 
veineuses des mêmes microbes sans avoir sectionné la moelle au préa- 
lable, la vessie renfermait une quantité variable d'urine dont l'ensemen- 
cemient a reproduit chaque fois le mierobe injecté. 

L’ensemencement du sang’du rein à toujours été positif dans l’une et 
l’autre série d'expériences. Celui du sang du cœur positif pour l’aureus, 
le charbon et le pneumocoque, a été négatif pour les trois expériences où 
nous avons injecté le bacille d’Eberth. 


De ces premiers résultats on peut conclure que la section de la moelle, 
dans nos expériences comme dans celles d'Heidenhain, a empêché la sécré- 
tion aqueuse de l’urine : dans les deux cas où la vessie contenait de 
l'urine, il est hors de doute que cette urine avait été sécrétée avant l’expé- 
rience, puisque l’examen et les cultures nous ont démontré qu’elle était 
aseptique alors que l’ensemencement du sang des reins a fourni dans les 
deux cas des cultures des microbes injectés (charbon et Eberth). 


Topographie des microbes. — La culture du sang du rein a d’ailleurs été 
positive dans toutes les expériences. Les microbes disséminés dans l’or- 
gane par le courant sanguin ne s’éliminant pas par l’urine, puisque la sé- 
“crétion aqueuse de l’urine était abolie, se localisaient-ils plus volontiers 
dans la substance certicale que dans la substance pyramidale, et dans 
celle-là plutôt dans les glomérules que dans les tubes contournés, ou dans 
les tubes collecteurs? La réponse à cette question ne peut être fournie de 
visu comme dans l'expérience d'Heidenhain par la coloration de la sub- 


LA 


[1 


SÉANCE DU 30 JANVIER 71 


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stance injectée elle-même (bleu d'indigo). A défaut d'autre méthode, il 
faut s'adresser à la seule que nous possédions, si défectueuse et si infidèle 
qu’elle soit, c’est-à-dire à la coloration des microbes dans les coupes. Or 
sur nos cinq expériences après section de la moelle, bien que dans les 
cinq cas, nous Le répétons, les cultures du sang du rein aient été positives, 
nous sommes parvenu trois fois seulement à colorer les microbes dans les 
coupes (aureus, charbon, pneumocoque). 

Parmi ces trois cas le rein de chat injecté de pneumocoque après sec- 
tion de la moelle, est celui où latopographie des microbes nous a été très 
facilitée par leur forme si spéciale. 

Voici ce que nous avons observé sur des coupes colorées au bleu de 
Lôffler. (L'animal avait survécu six heures à l'injection de 2 centi- 
mètres cubes de culture.) 


I. — Les microbes siègent dans toute l’étendue de la coupe, dans la 
substance corticale et dans la substance pyramidale. 
IL. — Ils sont beaucoup plus nombreux dans la substance corticale 


que. dans la substance pyramidale. 

JII. — Dans la substance corticale, les vaisseaux et le tissu conjonctif 
en renferment un grand nombre. Les vaisseaux sanguins de tout calibre 
plus spécialement les capillaires qui siègent aux angles de réunion de 
deux ou trois tubes contournés en contiennent soit le long de leur paroi, 
où ils sont en général disposés dans l’axe du vaisseau, soit dans leur inté- 
rieur au milieu des globules rouges sans direction bien déterminée. 

Dans le tissu conjonctif même, ce qui frappe le plus dans la topographie 
des pneumocoques, c’est la disposition qu'affectent ceux qui entourent 
immédiatement les tubes contournés. Tandis que ceux qui sont éloignés 
de la paroi du tube ont leur grand axe dirigé sans ordre dans tous les 
sens, ceux qui avoisinent la paroi ont une tendance très manifeste à lui 
rester parallèle, et à former ainsi par leur ensemble tout autour du tube, 
sur une coupe exactement perpendiculaire à son axe, une véritable cou- 
ronne de microbes. 

L'intérieur des tubes contournés est farci de pneumocoques dans toute 
l'étendue de la coupe. Ils sont inclus dans les cellules d'Heidenhain et 
plus spécialement d’une façon élective dans les parties des cellules qui 
entourent la lumière. Leur disposition assez régulièrement concentrique 
à la paroi du tube, rappelle celle des pneumocoques situés immédiate- 
ment en dehors du tube, avec cette différence toutefois que ceux contenus 
dans l’intérieur du tube sont agglomérés en bien plus grand nombre. Dans 
le glomérule, on découvre quelques pneumocoques en petit nombre qui 
sont contenus soit dans le vaisseau afférent, soit dans le bouquet capil- 
laire, jamais dans la lumière qui sépare le bouquet de la capsule. 

IV. — Dans ia substance pyramidale, les microbes très espacés siègent 
presqu’exclusivement dans les capillaires et le tissu conjonclif intersti- 


18 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


tiel : exceptionnellement, on en rencontre qui ont pénétré dans l’inté- 
rieur même des tubes droits. 


Cette distribution des pneumocoques, dans ce cas expérimental, est 
intéressante à comparer à la topographie des mêmes microbes dans les 
coupes du rein d’un sujet ayant succombé à l'infection pneumococcique. 
Dans ce dernier cas, les pneumocoques existent en aussi grand nombre 
dans toutes les parties de la coupe, aussi bien dans le glomérule, entre 
le bouquet capillaire et la capsule de Bowman, que dans les tubes con- 
tournés ou dans le tissu conjonctif interstitiel : ILS NE S'AMASSENT PAS 
D'UNE FAÇON ÉLECTIVE DANS LES PARTIES CENTRALES DES CELLULES D'HEI- 
DENHAIN. 

Nous pouvons donc conclure de ces expériences que le passage des 
microbes dans le système des canaux urinifères est indépendant de la 
sécrétion aqueuse de l'urine, fonction du glomérule, puisqu'il continue 
à se produire après la section de la moelle cervicale. Dans les cas que 
nous avons observés, il s’est effectué plus spécialement par les cellules 
troubles à bâtonnets des tubes contournés, Mais ce résultat expérimental 
ne nous autorise en aucune façon à nier que dans les conditions physio- 
logiques, normales, les germes ne puissent traverser les deux minces 
couches endothéliales qui les séparent de la capsule de Bowman, grâce à 
la forte pression qui s'exerce dans le sang des capillaires du bouquet glo- 
mérulaire. 


Histologie. — Chez les cinq chats qui avaient subi la section de la 
moelle, l'injection intra-veineuse de microbes a provoqué des lésions plus 
spécialement localisées dans la région des {ubuli contorti. Les glomérules 
ont présenté rarement des traces d’inflammation, tandis que la tuméfac- 
tion trouble des épithéliums d'Heidenhain, la fusion des cellules entre 
elles, la diminution de l’affinité du noyau pour les réactifs colorants, par- 
fois la multiplication des noyaux, souvent aussi l’état vacuolaire, exis- 
taient à des degrés variables, il est vrai, dans la plupart de nos coupes. 

Dans un cas, l’excessive rapidité qui a présidé à la production des 
lésions mérite d’être signalée plus spécialement. L’animal injecté après 
section de la moelle avec 2 centimètres cubes de staphylocoque doré a 
survécu #0 minutes. L’ensemencement du sang du rein a reproduit le 
microbe injecté. Malgré le temps relativement très court (40 minutes) qui 
s’est écoulé entre l'injection et l’autopsie, les reins ont présenté des lésions 
très étendues. Il s'agissait, en l'espèce, d’un état vacuolaire très prononcé, 
presque généralisé à la totalité des épithéliums des tubes contournés. 
D'autre part, l'injection d’une dose équivalente de la même culture à un 
chat qui n’avait pas subi la section de la moelle, a provoqué au bout de 
trois jours des altérations moins profondes et moins étendues. 

On sait bien aujourd’hui, après les expériences de Charrin et Ruffer 


SÉANCE DU 30 JANVIER 719 


sur la section des sciatiques, celles de Roger sur l’ablation du ganglion 
cervical inférieur du lapin, celles plus récentes de Hermann également 
sur la section des sciatiques, le rôle important qu'il faut attribuer aux 
sections nerveuses dans le développement de l'infection. Il est évident 
que la section de la moelle est un traumatisme autrement considérable, 
qui doit agir dans le même sens et diminuer singulièrement la résistance 
des éléments anatomiques dans leur lutte contre les agents de linfection. 
Mais cependant, dans l'expérience que nous rappelons, l'animal ayant 
survécu quarante minutes à l'injection, l’excessive rapidité dans la pro- 
duction des lésions ne peut s'expliquer uniquement par l'infection, si 
facilitée qu’elle soit par les conditions expérimentales. Il est possible 
dans ce cas, puisque les cultures du rein ont été positives, que les staphy- 
locoques aient eu le temps’de pénétrer dans les tubes contournés et d’agir 
par leur présence sur les cellules d'Heidenhain ; mais, en l'espèce, l'évolu- 
tion très rapide de la néphrite, la distribution des altérations épithéliales 
généralisées à toute l'étendue dela coupe, et non pas confinées plus spécia- 
lement à certains foyers, rappellent plutôt une véritable néphrite toxique 
et c'est dans ce sens que nous sommes disposé à l’interpréter (1). Il est 
bien entendu, d’ailleurs, qu'il s’agit d’une intoxication qui est sous la 
dépendance immédiate de l'infection. Dans les conditions normales, phy- 
siologiques, les poisons microbiens très diffusibles s’éliminent au moins en 
partie par la sécrétion urinaire, aussi bien ceux injectés avec le liquide 
de culture en même temps que les microbes, que ceux produits dans 
l’organisme infecté. Dans les conditions expérimentales où nous nous 
sommes placé, la sécrétion aqueuse de l’urine étant abolie, les produits 
solubles ne sont plus éliminés : il suffira d’un temps beaucoup plus court 
pour leur permettre de provoquer des altérations anatomiques étendues 
auxquelles viennent s'ajouter plus tard les lésions produites par les para- 
sites eux-mêmes. 


SUR UN HÉMIPTÈRE HÉTÉROPTÈRE (Halticus minutus Reuter) 
QUI RAVAGE LES ARACHIDES EN COCHINCHINE, 


par M. A. Grarp. 


Tandis que les Hémiptères Homoptères comprennent une foule 
immense d’ennemis redoutables de nos cultures, le groupe des Hétérop- 


(1) M. Courmont, expérimentant les produits solubles du staphylocoque pyo- 
gène, est arrivé à provoquer des néphrites toxiques sur le chien et sur le lapin. 
« Ces néphrites, ajoule-t-il, sont dues exclusivement aux substances préci- 
pitables par l’alcool. » Société de Biologie, 23 janvier 1892. 


80 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


tères ne compte qu’un petit nombre d'espèces réellement nuisibles aux 
végétaux. Parmi les Pentatomides, on peut citer Aelia acuminata L. et 
Aelia cognata Fieber qui attaquent les céréales en Europe; Aelia tritici- 
perda Pomel nuisible au blé et à l’alfa en Algérie; Pentatoma viridula L. 
dont notre collègue, M. le professeur Laboulbène, a signalé les ravages 
sur les épis de maïs dans les Landes ; Strachia oleracea Li. et St, ornata L. 
qui vivent aux dépens des Crucifères (Linné rapporte que les choux et les 
raves furent en partie détruits par S. oleracea en Suède en 1760); 
Sehirus bicolor L. et Zicrona cærulea Li. (1). Parmi les Tingides, on con- 
nait le Z'ingis piri Geoffroy, le tigre des poiriers. Parmi les Phytoccrides, 
on a signalé les Lopus sulcatus Piet. Mey (la grisette des vignerons) et 
Lopus Gothicus L. comme nuisibles aux vignes. Enfin, parmi les Lygæides 
se trouvent Nysius cymoides Spin, (N. senecionis Schill) dont les viticul- 
teurs algériens ont eu, parait-il, à se plaindre, l’'Oxycarenus lavateræ 
Fab. qu'on accuse de détruire les fruits (pommes, pêches, etc.) dans Île 
Midi et en Tunisie, et surtout le Blissus leucopterus Say, le fameux chinch- 
bug des Américains. 

A celle liste assez courte nous pouvons malheureusement ajouter un 
nom nouveau, celui de l’Æalticus minutus Reuter, petite espèce du groupe 
des Capsides ou Phytocorides qui infeste depuis quelque temps les plan- 
tations d’arachides en Cochinchine. 

M. le D' Calmette, le savant directeur de l’Instilut bactériologique de 
Saïgon, nous a récemment envoyé des spécimens de cet insecte en nous 
priant de le déterminer et en nous signalant l'importance des dégâts 
qu’il occasionne. 

L'Halticus minutus vit comme tous ses congénères à la face inférieure 
des feuilles, dont il suce la sève en perforant l'épiderme et produisant 
ainsi des taches visibles de l’autre côté à la face supérieure. Les feuilles 
de la plante sur pied sont d’abord piquées d’une multitude de petits 
points noirs et jaunes; bientôt elles se dessèchent, puis la tige périt à 
son tour, de sorte que la floraison et la fructification ne se produisent pas. 
L'insecte se propage de proche en proche et envahit avec rapidité tout 
un champ. 

L'Hallicus minutus, décrit en 1884 (2) d’après trois échantillons 


(4) C'est avec doute que je range ces deux derniers Pentatomes parmi les 
insectes nuisibles. D’après Maurice Girard, $S. bicolor nuit beaucoup aux 
légumes et même aux arbres fruitiers ; mais je crois que cette espèce a sou- 
vent élé confondue avec une forme plus méridionale, S. seæmaculatus Rambur. 
Dans le nord de la France je n’ai jamais trouvé S. bicolor que sur les orties et 
autres plantes sans valeur. Quant à Z. cœrulea qui, d'après M. Girard serait 
très nuisible aux vignes près d'Alger, André le considère, au contraire, comme 
un précieux auxiliaire faisant sa proie des Allises. 

(2) O.-M. Reuter. Species Capsidurum quas legit expeditio danica Galateæ. 
Entomologisk Tidskrift, t. V. Stockholm, 1884, p. 197. 


LT ERR PIRE ÉL Eat 


SÉANCE DU 90 JANVIER 81 


femelles recueillis à Vosung en Singapour par l'expédition danoise de la 
Galatea n'avait pas été signalé comme nuisible aux cultures. Nous avons 
peu de choses à ajouter à l'excellente diagnose de Reuter, dont voici la 
traduction : 

Halticus minutus : Noir, couvert en-dessus d’une très fine pubescence 
cendrée; le premier article des antennes, le second, la moitié basilaire du 
troisième, la base du quatrième, l'extrémité des fémurs, les tibias et les 
tarses d'un jaune pâle; l'extrémité des tarses et les crochets noirs; le 
second article des antennes égal en longueur au bord latéral du corium, 
parfois plus obscur eu brunâtre au sommet; le troisième un tiers plus 
court que le second et un septième plus court que le quatrième; le troi- 
sième et le quatrième bruns excepté à leur base. Pronotum orné de stries 
transverses obsolètes ou même très obsolètes. Bord latéral du corium en 
courbe très arrondie; cuneus, fort petit; fractura profonde: partie mem- 
braneuse des hémiélytres brune; longueur, 1"®, 4/2 à 12m, 9/3, 

L'espèce européenne la plus voisine est l’Æalticus pallicornis Fab., dont 
le système de coloration est à peu près le même, mais qui, entre autres 
caractères distinctfs, présente la particularité d’avoir des hémiélytres 
incomplètes (la partie membraneuse faisant défaut) dans le sexe femelle. 

Une autre espèce également très voisine a été trouvée en Amérique 
(Kansas). Elle a été récemment décrite (1889), et figurée par Popenoe 
sous le nom d’Aalticus minutus Uhler, ms. (1). Mais ce nom étant préoc- 
cupé par l'espèce de Reuter, je propose d'appeler l’espèce américaine : 
Halticus Uhleri. 

L’Halticus Uhleri à aussi la taille et l’ornementation générale de l’AHal- 
ticus minutus, mais les hémiélytres sont dépourvues de la partie membra- 
neuse dans les deux sexes et, de plus, les ailes inférieures font complète- 
ment défaut. L'espèce est donc absolument aptère. 

L'Halticus Uhleri est nuisible aux haricots et aussi au trèfle rouge, deux 
plantes qui appartiennent, comme l’arachide, à la famille des Légumi- 
neuses. 

Des trois espèces dont nous avons parlé l’Aalticus minutus Reuter est 
évidemment la plus redoutable et celle dont la propagation est le plus 
facile puisque les deux sexes peuvent non seulement courir et sauter 
comme leurs congénères, mais aussi se transporter en volant d’une localité 
dans une autre. Jusqu’à présent, cetinsecte n’a pas été signalé au Brésil, le 
pays d'origine de l’arachide (2). Comme beaucoup d’autres espèces nui- 
sibles, cet hémiptère vivait sans doute sur quelque légumineuse sauvage 


(1) E. A. Popenæ. Second annual Report of the experiment Statio. Kansas 
State agricultural College Manhattan. Ks., 1889, p. 212, pl. IX., fig. 40 et 42. 

(2) L’Arachis hypogæa L. a été signalé pour la première fois en 1648 par 
Marcgrav et Piso sous le nom de Mundubi, que la plante porte au Brésil (De 
Indiæ utriusque historia naturali, p. 256). 


4. 


82 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


de l’Indo-Chine et s’est multiplié avec exagération lorsque la culture de 
l’arachide, introduite dans le pays, lui eût fourni une nourriture abondante 
sur de grandes étendues de terrain. 

Toute une région de la Cochinchine française est couverte de vastes 
champs d’arachides ; les fruits de cette plante y constituent la seule for- 
tune des colons et sert avec le riz de base à leur nourriture. Il y a donc 
lieu de se préoccuper sérieusement avant qu'il ne se généralise d’un fléau 
qui menace une plante si utile. Mais la question pourrait prendre un jour 
plus d'importance encore. Nous savons que l'Aalticus minutus se trouve 
aussi, près de la presqu'île de Malacca, à Singapour. De là son transport 
dans les Indes serait très facile. Or la question des arachides est capitale 
pour l'Inde française. La culture de cette denrée a permis d'utiliser aux 
environs de Pondichéry une quantité de terres relativement considérable 
et qui étaient tout à fait incultes auparavant. C’est une source vraiment 
admirable de revenus pour la colonie (1). On ne saurait donc trop encou- 
rager les efforts du D' Calmette pour arrêter dans leur début les ravages 
de l’Halticus, pour enrayer la propagation de l'insecte et empêcher sa 
disséminalion hors de la Cochinchine. 

La nalure même du fruit de l’arachide protégé par une gousse assez 
épaisse et résistante permet heureusement d'essayer sans danger d’em- 
poisonnement les insecticides énergiques (vert de Scheele, pourpre de 
Londres, Kerosene, etc.) que les Américains ont employé avec plus où 
moins de succès contre le chinch-bug. [1 conviendra aussi de rechercher 
si l’Æalticus ne possède pas, comme ce dernier, quelque parasite végétal 
facile à propager. Les beaux travaux de Burrill et surtout de S. A. Forbes . 
sur le Micrococcus insectorum Burrill, parasite du Plissus leucopterus, 
permettent d'espérer que des recherches dirigées dans ce sens seraient 
sans doute couronnées de succès. 


NoTE SUR LA (Glugea microspora, 
par P. M. THELOHAN. 


(Zravail du laboratoire de M. le professeur Balbiani au Collège de France.) 


Dans une communication antérieure (2), j’ai proposé la dénomination 
de Glugea microspora (3) pour un Sporozoaire parasite de l’Epinoche dé- 


(1) Notices coloniales, publiées à l’occasion de l'exposition universelle d'Anvers. 
Imprimerie nationale, Paris, 1885, p. 517. 

(2) THéLonan. Sur deux Sporozoaires nouveaux parasites des muscles des 
poissons, Comptes rendus de la Société de Biologie, janvier 1891. 

(3) M. Monrez, en 1887 (Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1887) a 
considéré ce Sporozoaire comme une Microsporidie et l’a placé dans le genre 


SÉANCE DU 90 JANVIER 83 


couvert par Gluge en 1838. Lieberkühn (1), en 1854, a étudié ce parasite 
et a montré ses rapports avec les Psorospermies découvertes par J. Müller 
en 1841. Dans ses Lecons sur les Sporozoaires, M. le professeur Balbiani 
ne fait que rappeler les observations de ces auteurs. 

On sait que cet organisme produit à la surface du corps chez l'Épinoche 
et l'Épinochette de petites tumeurs d’un blanc de lait, de volume très 
variable. J'ai décrit ailleurs (2) leur constitution et montré comment, après 
s'être développées sous la peau, elle finissent, en augmentant de volume, 
par rompre celle-ci et tombent alors au fond de l’eau. 

J'ai pu constater depuis que leur évolution n'est pas toujours aussi 
simple. J’ai observé les phénomènes suivants sur une Épinoche que je 
conserve en captivité depuis près d’un an. Il exis tait d’abord une tumeur 
à peu près régulièrement sphérique et atteignant presque le volume d’un 
pois. Je vis bientôt apparaître à sa surface de petites vésicules secon- 
daires, d’abord à peine distinctes, qui grossirent progressivement. Puis, à 
un moment donné, le kyste, au lieu de se détacher et de tomber en entier, 
creva au niveau de sa partie la plus saillante, et une grande partie de son 
contenu s’échappa, laissant à la place de la tumeur une excavation irré- 
gulière limitée par un bourrelet formé par la partie non vidée de la petite 
sphère. Les petites vésicules secondaires se développèrent alors rapide- 
ment et bientôt on observait à la place de la tumeur primitive une petite 
masse framboisée irrégulière. 

Ces kystes sont enveloppés d’une membrane d'aspect fibrillaire, sans 
noyaux : j'ai déjà exposé mes observations au sujet de cette membrane 
et du mode de formation des spores. 

Je rappellerai ici que ces dernières, régulièrement ovoïdes, ne mesurent 
pas plus de 3 à 5 & de longueur sur 2 à 3 de largeur. Examinées à l’état 
frais, on leur distingue une partie sombre, siluée à la petite extrémité, et 
une partie claire, remplissant le gros bout de l’ovoïde. J’ai signalé dans 
leur contenu la présence de petits grains colorables que j'étais tout dis- 
posé à regarder comme des noyaux. 

J'avais, jusqu'ici, considéré cet organisme comme ne présentant avec les 
Myxosporidies que des affinités éloignées, en raison de l’absence dans ses 
spores de capsule polaire à filament spiral, élément caractéristique des 
spores des véritables Myxosporidies. Ayant observé des spores très sem- 
blables chez des parasites des muscles du Callionymus lyra et du Cottus 
scorpio, j'avais été amené à considérer ces organismes comme devant 
être réunis avec la Glugea microspora pour constituer un petit groupe 


Nosema (N. anomala, Mon.). Je n'avais pas cru devoir me ranger à cette opi- 
nion ; la présence dans la spore d’une capsule à filament justifie pleinement 
ma manière de voir. 

(4) LrëBerküan. Ueber die Psorospermien. Muller’s Archiv, 1854. 


(2) THécoan. Contribution à l'étude des Myxosporidies, Annales de Micro- 
graphie, 1890. : 


84 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


intermédiaire entre les Myxosporidies et les Microsporidies dont sem- 
blait ies rapprocher la structure de leurs spores. 

Mais, j'ai pu toutrécemment, me convaincre que la Glugea est une vraie 
Myxosporidie. En effet, en traitant les spores par l’eau iodée, j'ai réussi 
à en faire sortir un filament, et j'ai pu, malgré la difficulté que cause ici 
la petite taille de la spore, constater dans son intérieur la présence d'une 
petite capsule, analogue aux capsules polaires. Le filament est remar- 
quable par sa longueur qui atteint 50 x, celle de la spore ne dépassant 
pas £ ou 5 p. 

Je n'ai pu, Jusqu'ici, arriver à le faire sortir par aucun autre moyen que 
l’action de l’eau iodée. Je n'ai pas non plus constaté l'existence de valves 
dans l'enveloppe ; le contenu ne présente pas de vacuole à contenu colo- 
rable en rouge brun par l'iode. 

L'existence d'une capsule polaire montre bien la nature nucléaire des 
pelits corps cclorables que j'ai observés dans le contenu de la spore : 
en effet, comme je l'ai montré (!), la masse plasmique que contient 
celle-cichez les Myxosporides renferme toujours deux noyaux et la pré- 
sence d’un autre de ces éléments est nécessaire à la formation d’une 
capsule. 

N'ayant pu observer de nouveau les parasites des muscles du Callio- 
nymus et du Cottus, je n’ai pu constater dans leurs spores l'existence 
d'un filament; mais la ressemblance entre ces spores et celles de la Glugea 
est telle, tant à l’état frais que sur des coupes, que je ne doute point de 
la présence d’une capsule. 

Toutefois, ne l’ayant pas observée directement, je ne puis me prononcer 
encore sur la véritable place de ces organismes. 


NOTE SUR LES MINIMUMS PERCEPTIBLES DE QUELQUES ODEURS, 


par M. Jacques Passy. 


J'ai l'honneur de présenter à la Société le résumé de mes expériences 
relatives aux minimums perceptibles de quelques odeurs. J'ai cherché à 
déterminer pour quelques essences, les quantités qui sont contenues dans 
un centimètre cube d’air lorsque la sensation minima se produit. Les tra- 
vaux sont peu nombreux sur ce sujet, et l’on ne peut guère citer que les 
expériences déjà anciennes de Valentin en Allemagne (2). Aucun appareil 
n'est venu jusqu’à présent faciliter ces déterminations. Tout récemment 
M. Ch. Henry, par des communications à la Société de biologie, à l’Aca- 


(1) THéLonan. Recherches sur le développement des spores chez les Myxos- 
poridies, Comptes rendus de la Société de Biologie, novembre 1890. 
(2) Lehrbuch der Physiologie des Menschen, 2° partie, Braunshweig, 1848. 


Sn 


SÉANCE DU 90 JANVIER 89 


démie des sciences, et par des conférences, a appelé l'attention sur un 
Olfactomètre de son invention, destiné dans sa pensée à combler cette 
lacune. J'ai cherché à me rendre compte de la valeur de cet instrument, 
et l’auteur ayant publié quelques résultats obtenus par lui, en bien petit 
nombre malheureusement, ce sont ces chiffres dont j'ai dû avant tout 
contrôler l'exactitude. 

La méthode dont je me sers est extrêmement simple; elle ne comporte 
aucun appareil spécial, elle est à la portée de tout le monde, et n’exige 
l'emploi que d'un compte-gouttes, de quelques flacons et d’une balance, 
qui n'a même pas besoin d’ètre d'une grande sensibilité. Aussi serais-je 
très heureux de voir mes expériences reprises et vérifiées par d’autres 
observateurs. Je prends une certaine quantité de matière odorante, 
À gramme par exemple. Je la dissous dans un poids déterminé d'alcool, 
soit 9 grammes ; j'obiens ainsi une première solution contenant 1/10° de 
matière odorante. Je reprends une quantité déterminée de cette première 
solution, À gramme par exemple, que j'introduis dans une nouvelle quan- 
tité d'alcool, et ainsi de suite. J'obtiens ainsi très facilement, et avec une 
très grande précision, une série de solutions titrées, à 1/10°, 4/100°, 
4/1000°, 4/1000000° et davantage au besoin. Cela fait, je prélève une 
goutte de la première solution que j'introduis dans un flacon d’une 
capacité connue, 1 litre par exemple, dont le fond a été légèrement 
chauffé pour hâter l’évaporation. Le sujet place alors son nez dans 
l'ouverture du flacon et sent. Je prends de même une goutte de la seconde 
solution et je continue ainsi jusqu à ce que le sujet déclare ne plus rien 
sentir. On en conclut que le minimum perceptible se trouve entre les deux 
dernières expériences. On tente alors la contre-épreuve, qui consiste à 
partir d’une solution trop faible et à augmenter jusqu’à ce que la percep- 
tion apparaisse (1). Les limites entre lesquelles se trouve compris le mini- 
mum étant ainsi approximalivement connues, il est facile de le déterminer 
d’une façon plus précise; il suffit pour cela, ou bien d'employer plusieurs 
gouttes de la solution trop faible, ou bien de préparer toute la série des 
intermédiaires entre la solution trop forte et trop faible. 

Comme on le voit, ce dispositif est très sensible; il est tout à fait 
physiologique, car le sujet sent librement sans aucun obstacle ni à l’exté- 
rieur ni à l’intérieur des narines ; il introduit le nez dans un flacon large- 
ment ouvert, en un mot, il flaire absolument comme il le ferait naturelle- 
ment; jinsiste sur ce point, parce que cette disposition me paraît 
particulièrement importante pour l’odorat, et bien préférable à celle 
qu'adopte M. Ch. Henry qui consiste à introduire un petit tube dans les 
narines. 


fi ) En réalité, c’est de cette dernière manière qu’il convient de procéder dès 
qu'on est à peu près fixé, afin d'éviter la fatigue qui se QUES rapidement 
avec les quantités trop fortes. 


806 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Au point de vue physique, le procédé est très précis; car les pesées qui 
portent chaque fois sur des quantités de matière très appréciables ne lais- 
sent aucune place à des erreurs importantes. Quant à la goutte qui est 
prélevée à chaque expérience, elle représente un poids sensiblement cons- 
tant pour un même liquide tel que l’alcoo!l et pour un même compte-gouttes 
tenu de la même façon(l). Chaque observateur peut facilement déter- 
miner, pour le sien, le nombre de gouttes qui correspondent à 4 gramme 
d’alcool (2). Gette méthode me sert constamment pour étudier la cons- 
truction d’un olfactomètre; on peut lui adresser quelques critique de 
détail; mais elle est si simple, et si naturelle qu'elle me paraît lout à, 
fait indiquée pour contrôler des appareils dont la précision ne repose 
que sur des calculs. Les expériences ont porté sur vingt personnes des. 
deux sexes, âgées de huit à soixante-dix ans. Les chiffres qu’elles m'ont 
donnés présentent avec ceux de M. Ch. Henry des écarts extrèémement 
considérables. 

Rappelons d’abord la définition et l'unité qu'il adopte et que j'accepte 
pour cette discussion. 

Le minimum perceptible est la plus petite quantité perceptible de 
matière odorante contenue dans un centimètre cube d'air, quantité 
exprimée en millièmes de milligrammes. 

Les chiffres de M. Ch. Henry sont: 


Pour l'essence d'orange compris entre. . . . . . . 4.343 et 98.02 
Les miens pour tous mes sujets entre . . . . . . 0.0005 et 0.001 
Essence de Wintergreen. . Ch Henryidermee OM Tes à 49.1 
les miens varient de. . 0.0005 à 0.001 
Romarini ete 0e Stan ChHHeENF MENU 68 37080 181 
Jesimiens #44 4800 000054840002 
LATE AT AN ET SCO OS One Henri tPSSp2/00) 
les miens) at DE DONS SRE 0A00S 
Himentnenasnnmn’, Es Ch HEN EVANS MANIA 6 OM RERS 0 
les en SON OO ER 0AD000S 


(1) M. Duclaux, a même basé sur cette constance du poids de la goutte pour 
un liquide de même composition, au procédé d'analyse rapide des mélanges 
d’eau et d'alcool. 

(2) Il convient d'indiquer rapidement les causes d'erreurs; ce sont : 1° la 
présence de l'alcool qui marque partiellement l'odeur. On en atténue l'impor- 
tance par l'emploi d’un grand flacon, et d’un compte-souttes de faible section 
qui donne des gouttes de très petit volume (175 goultes au gramme dans mes 
expériences); l'odeur de l'alcool est ainsi réduite au minimum. 

2° La déperdition de matière du fait de l'ouverture du flacon et des inspira- 
tions du sujet; on la corrige en ne faisant que des expériences de courte 
durée. Ces deux causes agissent dans le même sens, et pour donner des 
chiffres trop forts. 


SÉANCE DU 930 JANVIER 87 


C'est-à-dire que les chiffres de M. Ch. Henry sont pour l'essence 
d'orange 4,000, 15,000 et 98,000 fois plus forts que les miens; pour le 
Wintergreen 20 à 50,000 fois plus forts que les miens ; pour l’éther 50,000, 
180,000, 330,000 et 12,500,000 fois plus forts que les miens. Enfin pour 
la menthe de 17,000 à 2,500,000 fois plus forts. 

De tels écarts m'ont paru, au premier abord tellement extraordinaires 
que j'ai cru à quelque erreur et que j'ai écrit à M. Ch. Henry pour éclaircir 
ce point. Avec une bonne grâce que je me plais à reconnaitre, il m'a 
donné sur ce point tous les renseignements que je lui demandais, et m'a 
confirmé l'exactitude de tous ses chiffres. 

Il est bien clair par conséquent que M. Ch. Henry maintient qu'il faut, 
pour parfumer un litre d'air, de 2 centigrammes à 2 grammes d’éther, 
tandis que je trouve qu'il faut en moyenne de 1 à 5/1000% de milli- 
gramme." Il est impossible de mettre ces divergences sur le compte de 
variations individuelles; je trouve bien entre les sujets des différences 
notables, allant de 4 à 100, par exemple, mais une différence de 1 à 
4 million me paraît absolument impossible. 

Mais je ferai une autre remarque. M. Ch. Henry rapporte avoir trouvé 
dans une de ses expériences le chiffre 2490 comme minimum perceptible 
de l’éther; en d’autres termes, il aurait fallu 2 milligr. 05 d’éther par 
centimètre cube, ou 2 gr. 05 d'éther par litre pour provoquer la percep- 
tion. Or ce chiffre est matériellement impossible. La quantité maximum 
de vapeur d’éther qui puisse être contenue dans un centimètre cube d'air 
saturé, à la température de 15 degrés, étant de 1.2 milligr. Ainsi le mini- 
mum perceptible de M. Henry serait juste le double du maximum phy- 
sique. L'auteur avait été frappé par ce chiffre élevé; mais loin de le 
rejeter, il avait cru pouvoir l’interpréter. Il dit en effet : « Ces nombres 
paraissent être en corrélation directe avec le caractère agréable de l'odeur 
pour chaque sujet, et c’est une des raisons pour lesquelles D a pu pré- 
senter pour l’éther un chiffre aussi élevé ». Il suffit cependant de con- 
sulter une table de densités de vapeur pour s’apercevoir qu’à la tempéra- 
ture de l’expérience (10 degrés) le chiffre invoqué est impossible; ce 
chiffre 2.5 est précisément égal à la densité de vapeur de l’éther à la 
température de l’ébullition. 

Je tiens à dire en terminant que mes chiffres se rapprochent au con- 
traire de ceux qui avaient été trouvés par Valentin; ceux-ci sont encore 
sensiblement supérieurs aux miens, mais l’auteur ne les donne pas 
comme des minimums proprement dits, mais simplement comme des 
quantités pour lesquelles la perception existe encore. Sans être identiques 
aux miens, ils sont à peu près du même ordre de grandeur. Valentin dit, 
par exemple, que 1/170000° de milligramme d’essence de menthe par cen- 
timèêtre cube est perçu; ce chiffre est déjà dix mille fois plus petit que 
ceux de M. Ch. Henry. 

Mes expériences ont porté, en outre, sur la vanilline, principe odorant 


88 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


de la vanille, et j'ai trouvé pour ce corps un chiffre inférieur encore aux 
précédents. Il suffit de quatre cent millièmes de millionièmes de gramme 
de vanilline pour parfumer un litre d’air. 


DE L'ACTION DU BLEU DE MÉTHYLÈNE SUR LES HÉMATOZOAIRES DU PALUDISME ET 
SUR LES HÉMATOZOAIRES DES OISEAUX VOISINS DE CEUX DU PALUDISME, 


par M. A. LAVERAN, 


Professeur à l'École du Val-de-Grâce. 


Dans ces derniers temps, P. Guttmann et Ehrlich ont préconisé le bleu 
de méthylène dans le traitement du paludisme (Berlin. Klin. Woch. 1894, 
n° 39.) 

P. Guttmann et Ehrlich pensent que le bleu de méthylène qui colore 
les hématozcaires du paludisme doit tuer ces parasites et ils citent deux 
faits dans lesquels le bleu de méthylène, administré à la dose de 0 gr. 30 
à 0 gr. 50 par jour, paraît avoir coupé la fièvre. 

Le raisonnement qui a servi de point de départ et de base aux recherches 
de ces observateurs prête fort à la critique; de ce qu’un réactif colore 
bien certains microbes, il ne s'ensuit pas que ce réactif soit un bon agent 
destructeur de ces microbes; d'autre part, l’affinité du bleu de méthylène 
pour les hématozoaires du paludisme est loin d'être aussi grande que le 
disent Guttmann et Ehrlich. Dans les préparations de sang palustre frais 
ou desséché, la coloration des parasites par le bleu de méthylène est 
moins forte que celle des noyaux des globules blancs et, chez les animaux 
dont les globules sont elliptiques, que celle des noyaux des hématies; 
certains de ces éléments, les corps en croissant en particulier, se colorent 
très difficilement par le bleu de méthylène. Mais, en somme, ces raison- 
nements a priori importent peu; il s’agit de savoir si le bleu de méthylène 
tue l'hématozoaire du paludisme, comme le pensent Guttmann et Ehrlich, 
et c’est seulement par l'observation et par l’expérimentation qu’on peut 
trancher cette question. 

J'ai pensé qu'il serait intéressant de rechercher quel était le mode 
d'action du bleu de méthylène sur les hématozoaires des oiseaux qui ont 
une si grande aralogie avec l’hématozoaire du paludisme et pour lesquels 
le bleu de méthylène montre une affinité au moins aussi grande que pour 
ce dernier parasite. 

J'ai injecté sous la peau de deux pigeons atteints d'hématozoaires, du 
bleu de méthylène en solulion aqueuse à la dose de 2 centigrammes, 
dose qui est bien supportée; une dose plus forte, 3 à # centigrammes, 
détermine souvent la mort. Chaque pigeon a reçu, à deux ou trois jours 


SÉANCE DU 39 JANVIER 89 


d'intervalle, deux injections de bleu de méthylène. L'examen histologique 
du sang, fait à plusieurs reprises après chaque injection, m'a montré que 
les hématozoaires endoglobulaires ou libres n'étaient pas colorés par 
le bleu de méthylène. Cependant, on trouvait dans le sang quelques 
hématies dont les noyaux étaient colorés en bleu. 

La dose de 2 centigrammes de bleu de méthylène, pour un pigeon 
du poids moyen de 500 grammes, correspond à une dose de 2 gr. 40 pour 
un homme du poids de 60 kilogrammes, c’est-à-dire à une dose bien 
supérieure à celle employée par Guttmann et Ehrlich. 

Chez un des pigeons, les hématozoaires ont disparu du sang à La suite 
des injections, mais ils disparaissaient en même temps chez un autre 
pigeon témoin qui n’avait pas été soumis au même traitement. 

Chez ces deux pigeons, j'ai constaté une leucocytose très marquée à la 
suite des injections de bleu de méthylène. On pourrait penser que cette 
leucocytose facilite la destruction des hématozoaires en activant la pha- 
gocytose, mais je n’ai pas retrouvé cette leucocytose chez les malades 
auxquels j'avais fait prendre du bleu de méthylène à une dose, il est 
vrai, beaucoup moins élevée qu’aux pigeons. 

_ J'ai prescrit le bleu de méthylène à deux malades atteints de fièvre in- 
termittente et j'ai constaté dans ces deux cas que l’emploi du bleu de 
méthylène n’empêchait pas les rechutes de se produire. 

L'observation d’un de ces malades est particulièrement intéressante à 
cause des doses de bleu de méthylène qui ontété prescrites et aussi à cause 
des résultats de l'examen du sang. 

On verra, par l'observation ci-jointe, que le malade en question, soumis à 
quatre reprises au traitement par le bleu de méthylène, a pris au total 
7 gr. 60 de ce médicament, ce qui n’a pas empêché deux rechutes de se 
produire ; à chaque rechute, j'ai été obligé d'employer le chlorhydrate 
de quinine pour couper la fièvre. Les hématozoaires n’ont jamais été 
colorés dans le sang par le bleu de méthylène; je n’ai pas observé chezles 
malades soumis à ce traitement, la leucocytose notée chez le pigeon. Le 
bleu de méthylène n’a donné naissance à aucun trouble morbide, les 
urines étaient colorées en bleu plus ou moins foncé, voilà tout. 

Le malade qui fait le sujet de l'observation rapportée ci-dessous avait 
contracté la fièvre intermittente en Algérie; cette fièvre était du type 
quotidien. Les premiers examens du sang, faits au mois de décembre 
révélèrent l'existence de corps sphériques pigmentés, sans corps en crois- 
sant, ni flagella; le 5 janvier je constatai que le sang contenait, outre 
les corps sphériques, des corps en croissant et des flagella; même résultat 
le 11 janvier; enfin le 16 janvier 1892, l'examen du sang fait pendant un 
accès de fièvre, montrait des corps sphériques de petit ou de moyen vo=:: 
lume, des flagella rares et des corps segmentés. 

J'ai insisté à plusieurs reprises sur ce fait que chez un même malade, : 
on rencontre fréquemment les différents aspects que prennent les héma- 


90 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


tozoaires du paludisme, ce qui tend à prouver que ces différents aspects 
sont ceux d’un même hématozoaire polymorphe et qu'ils ne doivent pas 
être considérés comme se rapportant à des espèces différentes d’héma- 
tozoaires. 


Paiudisme. — Traitement par le bleu de méthylène. — Rechutes de fièvre. 
Polymorphisme des hématozoaires. 


S..., vingt-deux ans, caporal au 1% régiment de tirailleurs algériens, entre 
à l'hôpital du Val-de-Grâce le 3 décembre 1891. 

Première atteinte de fièvre palustre le 22 juillet 1891, le malade avait fait 
partie d’un détachement destiné à arrêter l'invasion des sauterelles et presque 
tous les hommes faisant partie de ce détachement furent atteints de palu- 
disme. Fièvre intermittente quotidienne qui a été traitée par le sulfate de 
quinine. Plusieurs rechutes. 

Le malade a été envoyé en congé de convalescence et il est à Paris depuis le 
4 septembre; il a eu pendant les mois d'octobre et de novembre plusieurs 
accès qui ont cédé facilement au sulfate de quinine. Derniers accès le 1 et 
le 2 décembre, le malade a pris 1 gramme de sulfate de quinine. 

3 décembre. — S..., est un homme d’une constitution primitive bonne; ané- 
mie très marquée, muqueuses décolorées, teinte terreuse de la face. Apyrexie. 

Rien a noter du côté des organes respiratoires ou du côté du cœur, souffle 
dans les vaisseaux du cou. 

Anorexie. Diarrhée légère. Hypersplénie, la zone de matité splénique mesure 
13 centimètres de haut sur 14 de large. Le foie est légèrement augmenté de 
volume. 

Examen du sang fait le 3 décembre : corps sphériques pigmentés de petit 
ou de moyen volume. Leucocytes mélanifères. Pas de croissants, ni de fla- 
gella. Quelques corps sphériques renferment des grains pigmentés mobiles. 
Bleu de méthylène en pilules de 0 gr. 05, 4 pilules par jour du 4 au 8 décem- 
bre, soit 1 gramme de bleu de méthylène. 

Les urines sont d’un bleu foncé, peu abondantes d’abord le malade buvant 
très peu. La quantité d'urine augmente bientôt et s'élève à 1600 grammes en 
moyenne. Aucun trouble à noter, pas de dysurie. 

15 décembre. —Il n’y a pas eu de nouveaux accès de fièvre, l’état général du 
malade est un peu meilleur. L'examen du sang révèle encore la présence des 
hématozoaires (corps sphériques pigmentés). 

Du 15 au 22 décembre, le malade prend de nouveau du bleu de méthylène, 
0 gr. 30 par jour, soit 2 gr. 40 de bleu de méthylène en huit jours. 

25 décembre. — Rechute de fièvre; à trois heures du soir la température 
axillaire est de 40°, 4; à six heures du soir l’accès est terminé. 0 gr. 80 de 
chlorhydrate de quinine le 25 au soir. 

Examen du sang recueilli au moment de l’accès : corps sphériques pigmen- 
tés assez nombreux. 

26 décembre. — Nouvel accès plus faible que celui du 25; à trois heures, la 
température axillaire est de 39,6. 

Chlorhydrate de quinine, 0 gr. 80 malin et soir. 


SÉANCE DU 930 JANVIER 91 


21 décembre. — Apyrexie. Chlorhydrate de quinine, 0 gr. 80. 

L'apyrexie persiste les jours suivants; le 28 le malade prend encore une 
dose de chlorhydrate de quinine, 0 gr. 08. 

_ Du 30 décembre au 4 janvier 1892, je prescris de nouveau 0 gr. 30 de bleu 
de méthylène par jour, soit 1 gr. 80 de bleu de méthylène en six jours. 

Examen du sang fait le 5 janvier : corps sphériques, flagella, corps en crois- 
sant dont je constate pour la première fois la présence dans le sang de ce 
malade. 

Bleu de méthylène, 0 gr. 30 par jour, du 6 au 12 janvier 1892, soit 2 gr. 40 
de bleu de méthylène. Les urines ont une couleur d’un bleu foncé, pas de 
dysurie. 

Examen du sang fait le 41 janvier : corps sphériques pigmentés, corps en 
croissant rares ; aucun hématozoaire n’est coloré en bleu dans le sang. 

16 janvier. — À neuf heures et demie du matin, au moment de la visite, le 
malade est pris de frisson, la température axillaire est de 400,6 au moment du 
frisson. Le 13 janvier, le malade avait déjà éprouvé du malaise, de la céphal- 
lalgie. 

Examen du sang fait pendant le frisson, à 10 heures du matin : corps sphé- 
riques pigmentés nombreux de grand, de moyen ou de petit volume, libres 
ou adhérents à des hématies, flagella rares, corps segmentés assez nombreux. 

Chlorhydrate de quinine, 0 gr. 80 le 16 au soir. 

17 janvier. — Apyrexie. Chlorhydrate de quinine, 0 gr. 80 matin et soir. 

Examen du sang fait le 47 au matin : corps sphériques pigmentés très rares, 
leucocytes mélanifères. Les hématozoaires nombreux le 16 ont disparu en 
grande partie le 17; on ne trouve plus aucun corps segmenté. 

Le 18 et le 19, le malade prend encore 0 gr. 80 de chlorhydrate de quinine ; 
l’apyrexie persiste. 

Le malade quitte l’hôpital le 22 janvier. 


La conclusion de cette note sera que l’action du bleu de méthylène 
sur les hématozoaires des oiseaux et sur l’hématozoaire du paludisme est 
peu appréciable, pour ne pas dire nulle. Les quelques succès apparents 
cités par Guttmann et Ehrlich à l'actif de ce médicament ne sont pas 
probants, les innombrables médicaments qui ont été proposés à titre de 
succédanés de la quinine ont tous été administrés avec succès à un cer- 
tain nombre de fébricilants, résultals qui s'expliquent très bien quand 
on sait que la fièvre intermiltente, surtout la fièvre intermittente légère 
de nos climats, disparait souvent sans l’aide d'aucune médication autre 
que le repos et une alimentation réconforlante. 


92 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


SUR LA DISSÉMINATION DES HIRUDINÉES PAR LES PALMIPÈDES, 


par M. JULES DE GUERNE. 


MM. Raphaël Blanchard et Mégnin ont publié récemment, dans les 
Comptes rendus des séances de la Société de Biologie {1), plusieurs cas 
remarquables de transport de Sangsues vivantes par les Mammifères. 
Les faits rapportés ci-après montrent que les Oiseaux aquatiques et en 
particulier les Palmipèdes migrateurs peuvent devenir, eux aussi, les 
agents très actifs de la dissémination des Hirudinées. 

Installé, au printemps de 1888, à proximité d'une grande chasse au 
marais du département de la Marne (2) pour y poursuivre diverses 
recherches concernant la faune des eaux douces, mon attention fut appelée 
pour la première fois, le 5 avril, par une petite Sangsue. Elle était morte 
(mais encore fraiche et s uffisamment conservée pour l’étude)sur une table 
de pierre où les chasseurs ont coutume de déposer leur gibier. Le tableau 
comprenait ce jour-là, pour la matinée seulement, une quinzaine de 
Canards, de Sarcelles et de Pilets. J’examinai dès lors, au point de vue 
spécial de la recherche des Hirudinées, tous les Oiseaux tués. Le 8 avril 
seulement, fut recueillie sur un Canard siffleur (Mareca Penelope Lin.), 
entre les plumes du ventre, une seconde Sangsue. Ellene tarda pas à périr. 
Le même jour, ayant déposé sur ma table de travail une Sarcelle d'hiver 
(Querquedula crecca Lin.), tirée au vol peu d’instants auparavant, quelle 
ne fut pas ma satisfaction en voyant surgir, du plumage de la partie 
antérieure du thorax, un Ver pareil aux précédents (longueur 6 mm.). 

Celui-ci, très actif, fut immédiatement isolé puis rapporté vivant à Paris, 
deux jours après. Occupé, à cette époque, des préparatifs de la quatrième 
campagne scientifique de l’Æirondelle où je devais accompagner le prince 
de Monaco, je ne pus étudier l’Hirudinée en question. Divers essais tentés 
pour la nourrir demeurèrent infructueux ; jamais elle ne toucha aux 
Batraciens ou aux Mollusques vivants qui lui furent offerts. L'animal, fixé 
par sa ventouse postérieure, se balançait sans cesse d’un mouvement 


(1) RApnaEz BLancHarp. Sur la Sangsue de Cheval du nord de l'Afrique (séance 
du 17 octobre 1891). P. MÉGnin. Sangsues d'Algérie el de Tunisie ayant séjourné 
plus d'un mois dans la bouche de Bœufs et de Chevaux (séance du 24 octobre 1891). 

(2) Arrondissement de Vitry. Afin de donner l’idée de l'importance de cette 
chasse, je dirai simplement que les étangs y occupent une surface supérieure 
à 200 hectares. Sur quatre d’entre eux seulement l’on chasse à la hutte, et un 
canardier exercé peut y tuer dans les bonnes années environ neuf cents Canards 
sauvages (Anas boschas L.), sans parler du reste. Le nombre des pièces abat- 
tues a parfois dépassé deux mille. 


SÉANCE DU 30 JANVIER 93 


rythmique ou se déplaçait sur les paroïs du bocal avec la démarche géo- 
métrique bien connue, des chenilles arpenteuses (1). 
Au moment de partir pour les Açores, le 16 juin, je me décidai à confier 


_ma petite Hirudinée au professeur Moniez qui dispose, au Laboratoire 


d'histoire naturelle de la Faculté de médecine de Lille, d’aquariums fort 
bien installés. Elle y vécut, toujours très active, et toujours à jeun, jus- 
qu'au 6 novembre 1888. 

Le thermomètre était bas le jour où j'ai recueilli cette Sangsue ; il avait 
neigé la veille et la température de l’eau des étangs ne dépassait guère 
3 ou 4 degrés C. Cela ne l’a pas empêché de supporter la chaleur de l'été 
dans un récipient de dimensions restreintes où il avait paru convenable 
de la laisser pour ne pas la perdre. La résistance de l’animal à des écarts 
notables de température est donc établie, particularité digne de remarque 
quand il s'agit de la dissémination dans des eaux situées à des latitudes 
éloignées. 

Les notes précédentes, extraites presque textuellement de mon carnet 
d'observations, étaient prises depuis longtemps quand j’eus l’occasion de 
confier les Hirudinées dont il s'agit au D° Raphaël Blanchard, pour en 
faire l'étude zoologique. Celle-ci fournit, comme l’on va voir, des résultats 


-Curieux. 


Et d’abord, les trois échantillons appartiennent à une même espèce : 


Glossiphonia tessellata, découverte en Danemark et décrite par 0. F. Müller 


en 1774. Sa distribution géographique, telle qu’on la connaît actuellement, 
s'étend,en Europe, depuis le cercle polaire au-dessus duquel on l’a trouvée 
dans la péninsule de Kola (Laponie russe) jusqu'à Budapest. Toutefois 


elle n’était pas encore signalée en France et il est assez particulier qu’on 
l'y rencontre pour la première fois sur les Palmipèdes. Le D' Raphaël 


Blanchard en a recueilli depuis, en août 1890, deux exemplaires seule- 
ment, dans l’Erdre, près de Nantes. 

Ce type est d’ailleurs partout regardé comme rare, et les naturalistes 
qui l'ont observé avec le plus de soin indiquent une particularité de son 
existence qui doit être notée ici. Gl. tessellata rampe en quelque sorte ren- 


versée à la surface de l’eau, dans les espaces découverts, comme le font 


les Planaires et certains Mollusques. L'animal se trouve donc ainsi dans 
des conditions favorables pour se fixer sur les Palmipèdes migrateurs, 
qui éombent, suivant l’expression consacrée, et parfois en troupes nom- 
breuses, sur les eaux claires des étangs. 


(4) Ces deux particularités sont curieuses à noter parce que chacune d’elles 


‘a motivé un nom appliqué précisément à des Vers confondus autrefois avec 
Celui-ci : Hirudo oscillatoria .Saint-Amans, 1824, et Hirudo geometra Brigth- 
well, 4842. Voici, d’ailleurs, ce que 0. F. Müller dit des jeunes : « Raro 
Quiescunt, Geometrarum ünstar progrediuntur et quidem festinante gressu » 


(Verm, terrest. et fluv..… hist., vol. 1, 2° part., p. 45). 


04 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Du reste, une observation du D' Weltner (1) montre que Gl. tessellata 
s'attaque volontiers aux Palmipèdes. Dans une ferme du village de Wan- 
zenau, près de Strasbourg, une bande d’Oies et de Canards fut presque 
détruite par cette Sangsue. Les Oiseaux amaigris et inquiets portaient, 
solidemert fixés dans l'œsophage, un certain nombre de ces Vers. Le 
D' Weltner croit que les Sangsues, recherchées comme nourriture par les 
Palmipèdes, n'avaient pas été dégluties assez vite et s'étaient attachées 
au passage. Jamais, je n'ai rencontré d'Hirudinées dans les voies digestives 
des nombreux Oiseaux aquatiques que j'ai examinés pour en étudier 
l’alimentation. Il me paraît donc plus conforme à la vérité d'admettre que 
les Vers se sont fixés eux-mêmes sur les muqueuses des Canards ou des 
Oies occupés à chercher leur nourriture (2). 

J'ajouterai que les appelants employés pour la chasse et qui restent 
amarrés pendant de longues heures, au travail, en plein eau, devant les 
huttes, sont parfois attaqués par de petites Sangsues. Les gardes, dont je 
tiens le fait, ne m’en ont jamais procuré de spécimens. 

Quoi qu'il en soit, la possibilité de la dissémination des Hirudinées par 
les Palmipèdes semble mise absolument hors de doute. Par un temps 
humide, une Sangsue, abritée sous le plumage serré d'un Canard, peut 
être transportée en fort peu d'heures à de très grandes distances (3), sur- 
tout si quelque perturbation atmosphérique vient encore accélérer le vol. 
Et on me permettra de citer un dernier exemple propre à éclairer le sujet. 

La seule Hirudinée signalée, que je sache, comme accidentellement 
fixée sur les Oiseaux (ZLophobdella Quatrefagesi Poir. et Rocheb.), a été 
précisément trouvée sur des Palmipèdes migrateurs, sur la paroi interne 
de la poche des Pélicans (Pelecanus crispus Bruch. et P. onocrotalus Lin.). 
N’est-il pas curieux, au point de vue spécial de la dissémination, de rap- 
procher ce fait du suivant, mentionné par l'ingénieux hydrographe 


(1) Wezrner. Clepsine tessellata O. F. Müll. aus dem Tegelsee bei Berlin 
(Sitzunsber. der Gesells. Naturforsch. Freunde zu Berlin, 17 mai 1887). 

(2) J'indiquerai comme ayant de grands rapports avec celui-ci, un fait 
observé en Irlande et relaté dans le Journal The Veterinarian, 4° série, vol. VIII, 
janvier 1862, p. 19 (Worms in the eyes of geese). J'en dois la connaissance au 
professeur Railliet. 

Il s’agit d'Oies rendues aveugles par des Hirudinées (?) Le globe oculaire de 
l’un des Oiseaux ayant été fendu, un petit Ver noir, tout à fait semblable à 
une jeune Sangsue, s’en échappa (a small black worm, just like a young 
leech, came out). L'animal en question fut gardé en vie, pendant quelque 
temps, dans un hôpital vétérinaire de Dublin. Les Oies malades avaient accès 
dans un ruisseau où se trouvaient de nombreuses Hirudinées. Reste à savoir 
comment les Vers auraient pu pénétrer dans l’œil. Ils n’ont pas été déterminés. 

(3) Je rappelle ici qu'un Canard sauvage vole en temps ordinaire avec une 
vitesse de 66 à 72 kilomètres à l'heure. Voir J. be GuERNE. Excursions z00lo- 
giques dans les îles de Fayal et de San Miguel (Açores). Paris, 1888, p. 89. 


Rd 


SÉANCE DU 930 JANVIER 95 


Caspari et que je livre, sans commentaires, à tous ceux qu'intéressent les 
grands phénomènes de la nature : 
« Un autre effet, moins redoutable, mais très curieux des ouragans, est 


leur influence sur la faune des régions qu'ils visitent. Celui de 1865 a 


acclimaté à la Guadeloupe les Pélicans qui, au dire des vieux pêcheurs, 
étaient auparavant inconnus dans l'ile et qui abondent aujourd’hui dans 
toute la partie nord-ouest, près du Grand Cul-de-Sac (1). » 


M. CLapo fait une communication sur l'anatomie de l’appendice iléo- 
cæcal et la physiologie pathologique de l’appendicite. (Cette communi- 
cation sera publiée dans les Mémoires de la Société.) 


(1) Casparr. Une Mission à la Guadeloupe. Notes de géographie physique (Revue 
maritime et coloniale, octobre 1871, p. 412). 


Le Gérant : G. MAssow. 


Paris. — Typographie Gaston Née, 1, rue Cassette. — 5732. 


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LA 


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SIEAINC ENDIU GT ENPRIE RO16 92 

M. Boxer : Note à propos du procès-verbal dans la dernière séance. — M. CHARLES 
Henry : L’olfactométrie et la physique des vapeurs. — M. Ca. FéRé : Influence du 
système nerveux sur l'infection. — MM. Rarzzrer et Capror : Observations et expé- 
riences sur l’otacariase symbiotique des Carnivores. — M. Louis Lapicque : Sur 
l'action physiologique des combinaisons de l'iode. — M. LauLranté : Recherches 
expérimentales sur les variations corrélatives dans l'intensité de la thermogenèse 
et des échanges respiratoires (Mémoires). — M. Gasron Bonnier : Note sur la com- 
paraison entre la chaleur dégagée par les végétaux et la respiration. — M. le Dr J. 


GIRODE : Présence de fibres musculaires striées dans une paroi utérine, 


Présidence de M. Laveran. 


Note DE M. BonNiIER, 
A PROPOS DU PROCÈS-VERBAL DE LA DERNIÈRE SÉANCE. 


Ne m'étant pas trouvé présent au moment où l’on a discuté devant la 
Société la question des spirospartes, je suis étonné qu'on ait cilé mon nom 
à ce propos au lieu de citer simplement, comme d'habitude, la Revue géné- 
rale de Botanique. Le directeur d’une Revue n’est pas re-ponsable de 
l'opinion des auteurs qui y écrivent des articles. J’ai simplement inséré 
dans cette Revue, la note de M. Fayod, botaniste bien connu par le 
prix que lui a décerné l’Académie des sciences pour un travail estimé 
sur l’histologie des Champignons, publié dans les Annales des sciences natu- 
relles. J'ajouterai que M. Fayod n’a jamais travaillé dans mon laboratoire. 


L’OLFACTOMÉTRIE ET LA PHYSIQUE DES VAPEURS, 


par M. CuarLes HENRY, 


Maître de Conférences près le laboratoire de Psychologie physiologique 
à la Sorbonne. 


La Société a entendu, dans sa dernière séance, une communication sur 
une prétendue mesure des minima perceptibles des odeurs. Je m’abstien- 
drais de discuter une méthode aussi manifestement fausse, si M. Jacques 
Passy n'avait mis en cause des travaux, qu'il n'a pas étudiés, qu'il est 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9° SÉR'E, T, IV. 5 


98 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


incapable d’ailleurs de lire avec profit (je vais le démontrer), et si ce 
n’était une occasion de préciser quelques points nouveaux. 

L'auteur commence par diluer successivement dans l’alcool un poids 
connu d'essence. C'est là une première faute. Un corps dilué n’est plus 
nécessairement comparable avec lui-même. Les chimistes ont accumulé 
dans ces derniers temps des exemples de dissociation de corps en solulion 
étendue : dissociation du chlorure d'aluminium en alumine hydratée et 
en acide chlorhydrique; du borate de soude en soude caustique et acide 
borique ; des sulfates doubles en sulfates constituants, du sulfate de mer- 
cure en acide sulfurique libre et sous-sulfate de mercure, du nitrate de 
bismuth en acide azotique et en sous-nitrate; du sesquichlorure d’anti- 
moine en acide chlorhydrique et en oxychlorure d’antimoine: d’oxychlo- 
rure de calcium en chaux et en chlorure, etc. 

Mais admettons qu’il n’y ait pas dissociation des odeurs en solutions 
très diluées. 11 y a certainement combinaison chimique avec l'alcool 
d'un grand nombre d'essences, de sorte que mon crilique ne sait plus à 
quel corps il a affaire. Pour bien montrer que l'alcool altère la nature 
des parfums et leur influence physiologique, je citerai une page d'un 
livre classique en parfumerie, le Guide du parfumeur de W. Askinson : 
« L'alcool, outre sa teneur variable en eau, n’est jamais complèlement 
pur dans le commerce. Il contient toujours de petiles quantités difficiles 
à déterminer de matières à odeur caractéristique, tantôt agréable, tantôt 
désagréable, mais toujours intense et qui sont connues sous le nom 
d'huiles empyreumatiques (huiles de pommes de terre, elc.). On dis- 
tingue plusieurs huiles, suivant la provenance de l'alcool. On distingue 
l'huile de pommes de terre (amylalcool), l'huile de glérin (oleum siticum), 
huile de navet, huile de vin (éther œnanthylique), etc. 

« Comme les huiles empyreumatiques exercent par elles-mêmes une 
action sur le nerf olfactif, il faut done n’employer que des alcools très 
élevés et qu'on a purifiés de loute matière étrangère par digestion sur du 
charbon de bois récemment préparé. L'alcool très élevé (au-dessus de 
94 degrés de Trall) est généralement pur. Maintes huiles essentielles pos- 
sèdent la propriété de n’exhaler les parfums les plus délicats que lors- 
qu’on les prépare avec des alcools de certaines provenances. 

« En traitant l’alcool par le charbon, ce dernier retient sans doute la 
majeure partie des matières étrangères contenues dans le liquide; cepen- 
dant, la pelite quantité de ces matières retenues en solution suffit pour 
agir comme matière odorante et constituer avec les parfums un accord 
aromatique qu'on n'obtient jamais avec d’autres espèces d’alcools. Un 
exemple suffira pour nous faire comprendre. Tous les parfums de citron 
employés en parfumerie n’exhalent leur odeur la plus délicate qu'après 
avoir été dissous dans du cognac, puis distillés avec ie résidu de la solu- 
tion. Le parfum connu dans l’univers entier et désigné sous le nom d’eau 
de Cologne est préparé de cette façon; les autres aromes renfermés dans 


SÉANCE DU 6 FÉVRIER 99 


ce liquide sont ajoutés au produit obtenu en distillant la solution d’es- 
sence de citron dans l'esprit de vin. Toute eau de Cologne préparée avec 
une autre espèce d'alcool a une odeur beaucoup moins aromatique. 
Tandis que les parfums de citron exigent l'esprit-de-vin pour pouvoir 
dégager leur plus exquise senteur, d’autres demandent l'alcool de grain 
ou l'alcool de betterave. Parmi ces derniers se trouvent le jasmin, la tubé- 
reuse, les fleurs d'oranger, la violette, etc., de même que toutes les 
matières odorantes animales, comme l’ambre, le muse, la civette. » La 
première condition que doit remplir un dissolvant est de n’agir pas chi- 
miquement sur le corps; on ne pouvait plus mal choisir qu’un corps, 
comme l'alcool, qui agit d’une manière absolument inconnue sur les 
essences et différemment suivant sa provenance et suivant la fonction 
chimique des parfums. 

Mais passons. Mon contradicteur introduit une goutte de sa solution 
dans un flacon d’une capacité connue, 4 litre par exemple, « dont le 
fond, dit-il, a été légèrement chauffé pour hâter l’évaporation ». Le sujel 
place son nez dans l'ouverture du flacon et sent. Iei, la méthode prend un 
caractère de naïveté invraisemblable. Evidemment, une grande partie de 
l’essence reste en solution. Le fond ayant été légèrement chauffé, des 
gouttelettes plus ou moins imperceptibles viennent se condenser dans les 
parties supérieures du flacon, donc plus ou moins près du nez de l’opéra- 
teur; dans ces endroits, la vapeur émise par les gouttelettes peut atteindre 
la tension maximum et c’est cette vapeur qui parvient aux narines : dans 
d’autres endroits, la tension de la vapeur peut être presque nulle. Mon 
critique s’imagine que la vapeur est dans le vase entier uniformément 
répartie : quand il arrive à sentir le parfum à la première inspiration, 
il divise le poids de l’essence diluée par le volume du vase et obtient ainsi 
tout naturellement des nombres étonnamment petits. Des fautes aussi 
grossières suffisent pour juger un procédé. Je n’insiste pas (1). 

La Société se souvient peut-être de l'appareil que je lui ai présenté 
sous le nom d'olfactomètre le 6 juin 1891. C’est essentiellement un réser- 
voir de verre destiné à recevoir quelques gouttes de liquide odorant et 
traversé par deux tubes glissant l’un dans l’autre : 1° un tube de papier 
bouché à son extrémité; 2° à l’intérieur de celui-ci, un tube de verre dont 
on enfonce l'extrémité dans les deux narines ou dans une des narines 


(1) Je signalerai pourtant à la gaieté des physiciens cette phrase (il s’agit 
de la présence de l'alcool qui masque, paraît-il, partiellement l'odeur) : « On 
en atténue l'importance par l'emploi d’un grand flacon et d’un compte-gouttes 
de faible section qui donne des gouttes de très petit volume; l'odeur de 
l'alcool est ainsi réduite au minimum » (sic). Les mathématiciens n'appren- 
dront pas sans joie que la méthode de l’auteur est si « simple », si « naturelle ». 
« qu'elle me paraît tout à fait indiquée pour contrôler des appareils dont la 
Précision ne repose que sur des calculs » (sic). 


100 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


=— 


en bouchant l’autre. Quand le tube est au bas de sa course, l'odeur 
ne peut parvenir aux fosses nasales : elle s'écoule du réservoir dans le 
tube à travers le papier dès que l’observateur soulève le tube de verre; 
au moment où la sensation minima se produit, on arrète le mouvement. 
Connaissant la hauteur z et la durée { de soulèvement, le rayon R du tube 
de papier, le poids Q” de vapeur qui passe du réservoir saturé dans le 
tube par millimètre carré en une seconde, on a le poids P, quia passé 
finalement dans le tube par la formule 


P=TrRztO!. 


Pour pouvoir connaitre Q”, il fallait le rattacher à une quantité acces- 
sible à l'expérience. J'ai dù considérer un cas entièrement nouveau de 
diffusion, la diffusion à travers les membranes flexibles, caractérisée par 
le fait que la pression totale au-dessus et au-dessous du papier est la 
même, les pressions partielles de la vapeur de l’air étant différentes. Des 
expériences poursuivies avec M. Gustave Robin sur des corps très diffé- 
rents nous ont donné ce résultat remarquable que le rapport de Ia 
vitesse d'évaporation à travers le papier à la vitesse d'évaporation à l'air 
libre 9 est une constante. Appelons « ce rapport : le calcul conduit à la 
relation suivante : 


À — «4 


C’est d’après ces formules et en divisant P, par l’espace parfumé com- 
prenant le volume du tube et le volume découvert du cylindre de papier 
que j'ai calculé dans ma communication à l'Académie des sciénces du 
9 février 4891 des minima perceptibles. Mon contradicteur trouve ces 
nombres trop forts. Il ne fait que répéter un avis que j'ai exprimé à plu- 
sieurs reprises (1). Ces nombres ne peuvent être qu’une première limite 
supérieure (2). J’ai dù négliger dans les calculs deux facteurs importants : 


(1) « Les nombres ainsi calculés étaient évidemment trop grands... C'est le 
problème qu'il importait de résoudre pour resserrer entre des limites plus 
étroites et plus approchées de la vérité l'évaluation, nécessairement toujours 
trop forte avec les moyens expérimentaux actuellement possibles, des minima 
perceptibles. » (Comptes rendus, t. OXIT, p. 885). 

(2) Je dois à propos du minimum perceplible d'éther de mon sujet D, que 
j'ai trouvé égal à 2 milligr. 49, observer qu'il y a eu dans ce cas {le sujet étant 
éthéromane), comnie je l'ai d’ailleurs laissé supposer, anesthésie. Cette expé- 
rience est une véritable inhalation. Mais le chiffre n'a rien d’impossible maté- 


riellement, comme le dit mon contradicteur. S'il avait lu les premières lignes: 


de ma note du 9 février : « Le but de l’olfactomètre est de déterminer le poids 
d'odeur passant sucCEssIVEMENT par centimètre cube d'air qui correspond au 
minimum perceplible.. » mon critique se serait épargné le double ridicule de 


es, lien 


a 


SÉANCE DU 6 FÉVRIER 401 


4° la tension de vapeur à l’intérieur du tube de papier qui, surtout au bout 
d’un certain temps, diminue la vitesse de passage; 2 le coefficient de 
diffusion de l'odeur, c'est-à-dire le volume d’odeur qui à l'état station- 
naire traverse l'unité de surface dans l'air quand la pression de la 
vapeur décroit de l’unité à zéro dans l’unité de temps. Malheureusement, 
lors de mes premières recherches, la physique ne permettait pas de cal- 
culer la pression f qui est notoirement liée à la densité de vapeur à par la 
formule 
OU EE) 
me 1,293. 


Les odeurs étant des composés complexes, on ne peut leur appliquer 
les méthodes classiques de détermination : on n’aurait que la densité de 
vapeur du composant le moins volatile. La méthode de Hoffmann serait 
trop peu sûre, car on ne serait jamais certain de volatiliser complète- 
ment l'essence. Une méthode fondée sur l’extension aux vapeurs dela 
loi de Graham, d’après laquelle les poids de vapeur qui passent à travers 
le graphite comprimé sont proportionnels aux racines carrées de leurs 
densités, m'a donné jusqu'ici de bons résultats et j'espère pouvoir bientôt 
connaître les densités de vapeur des odeurs et par conséquent corriger 
ces premiers résultats. En attendant, j'ai donné dans ma communication 
du 6 juin 41894 à la Société la formule suivante qui précise dans quelle 
mesure il faut modifier les nombres obtenus dans la première approxi- 
mation : 


dans laquelle II est le poids qui a passé finalement dans le tube en 
tenant compte d’une pression notable de la vapeur dans le tube de papier, 
e est le nombre 2,71818, K est le produit Q'27rRz ci-dessus défini, # le 
760 (1 + «0) SEUER 

F.V. 1,293.0 

. Les nombres ainsi obtenus seront encore trop forts ; on conçoit même 
que dans certains cas ils pourront être plus forts que dans la première 


nombre 


prétendre m'apprendre la densité de vapeur de l'éther et de reprocher à un 
travailleur persévérant une faute que ne commettrait pas un collégien. 

La note de M. Jacques Passy contient aussi de prétendues expériences sur 
l'essence d'oranges. Je serais curieux de savoir comment elles ont été calcu- 
lées : sans doute avec la valeur de g que j'ai donnée pour l'essence de Porlu- 
gal, valeur que mon critique croit utilisable sans autre expérience pour un 
autre spécimen de l'essence. 

me mon crilique n’a pas même pris la peine de recopier exactement mes 
nombres. 


102 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


approximation à cause de la forme exponentielle de l'équation où le 
temps figure en exposant. Les temps observés sont toujours trop longs. 
Les vapeurs odorantes mettent à se diffuser des temps inégaux et par- 
fois considérables. M. Loschmidt à énoncé une loi, malheureusement 
approchée, d’après laquelle les quantités diffusées des gaz sont en raison 
. inverse des racines carrées des densités par rapport à l'air. On pourra 
se servir de cette loi pour trouver une troisième approximation. Mais 
comment mesurer l'influence de l'inspiration ? Comment calculer les 
coefficients de diffusion vrais ? Ces problèmes, très éludiés en Allemagne, 
sont liés aux questions les plus délicates et souvent irrésolues de la 
physique mathématique. 

Je terminerai par des remarques sur la définition du minimum percep- 
tible. Par convention, ne pouvant faire mieux, j'ai défini dans ma pre- 
mière communication à l’Académie le minimum perceptible : le quotient 
du poids de l'odeur passant successivement dans le tube de l’olfactomètre 
par l’espace parfumé. Mon contradicteur adopte une définition qu’il 
croit identique mais qui en diffère absolument, son point de vue étant sta- 
tique, le mien dynamique : il définit le minimum perceptible le quotient 
du poids de l’odeur existant actuellement par le volume parfumé. Je ne 
pense pas qu'on doive rejeter a priori cette définition. IL est naturel 
cependant d'adopter pour le minimum perceplible de l'odeur la même 
définition que pour les minima perceptibles des autres excitations. Le 
minimum perceptible de lumière est la quantité de lumière minimum 
nécessaire pour impressionner la rétine ; le minimum perceptible de son 
est le nombre minimum de vibrations nécessaire pour impressionner le 
tympan; le minimum perceptible de l'odeur est le poids minimum de 
vapeur odorante nécessaire pour impressionner la membrane olfactive. 
Dans ma seconde communication à l’Académie (20 avril) j'ai pu, en 
admettant qu'il n’y a pas expiration sensible de l'odeur, calculer ce poids 
p par la formule 


dans laquelle 7 marque le nombre des inspirations, r le rapport du volume 
d’air et du volume de vapeur absorbés à chaque inspiration au volume 
du tube, rapport spécial à chaque odeur et que je peux calculer avec les 
graphiques du pneumographe. Ges nombres sont toujours trop forts pour 
les raisons susdites et aussi parce que toute la vapeur inspirée ne se 
trouve pas en contact de la membrane olfactive. D'ailleurs rien de plus 
facile que de passer de cette seconde définition à ceile de mon critique. 
Il suffit de diviser p par le volume des cavités nasales. Prenons le chiffre 
trouvé pour l’éther chez mon sujet D, chiffre trop fort pour les rai- 
sons susdites et qui m'a procuré le plaisir d'apprendre la seule vérité 
qu'il y ait dans le travail de mon savant contradicteur, la densité de 


SÉANCE DU 6 FÉVRIER 103 


vapeur de l’éther. Nous avons en millièmes de milligrammes P, — 2490; 
n = 40; r — 0,008; admettons que le volume des cavités nasales de D (que 
j'ignore) soit 10 cent. cubes; nous obtenons pour le minimum perceptible 


défini par mon critique 34,860 environ, nombre très éloigné de ce que 


mon critique appelle le maximum physique et qui est environ 1295. 

En résumé, il est impossible actuellement de donner une mesure exacte 
des minima perceptibles; mais on peut leur assigner des limites de plus 
en plus inférieures par les méthodes que j'ai instituées et dont le sort est 
étroitement lié aux progrès de la physique malhématique. Tout procédé 
qui prétend s'affranchir des méthodes rigoureuses de la science dans des 
matières aussi délicates ne peut donner que des résultats fantaisistes. 
Quiconque prétend mesurer l'influence physiologique d'un excitant, avant 
d’avoir appris par une longue préparation physico-mathématique à doser 
cet excitant se condamne à des travaux non seulement stériles, mais 
nuisibles, car ils encombrent le domaine de la science. 


INFLUENCE DU SYSTÈME NERVEUX SUR L'INFECTION, 


par M. Cu. FéRé. 


Dans deux notes précédentes (1), j'ai signalé que chez certains hémi- 
plégiques, le côté paralysé paraïîl fournir un terrain plus favorable à l’évo- 
lution de la vaccine, et qu'il peut en être de même dans la paralysie 
spinale infantile. 

J'ai voulu voir si certains états de stupeur, comme celle qui suit les 
accès d’épilepsie ou celle qui est la conséquence de l'intoxication bro- 
mique, avaient une influence quelconque sur l’évolution de la vaccine. 

Au mois de juillet et au mois d'août 1891, j'ai revacciné tous les 
malades présents dans mon service. Parmi eux, un hémiplégique qui 
avait été vacciné avec succès dans son enfance, a eu un vaccin légi- 
time du côté hémipiégique, tandis qu'il ne s’est produit aucune éruption 
du côté sain. La même évolution unilatérale s’est produite sur un indi- 
vidu qui présente une anomalie de développement considérable, absence 
<ongénitale du muscle grand pectoral, du côté gauche, el chez lequel le 
vaccin n’a évolué que de ce côté. 

Les malades qui avaient été réfractaires à la revaccination furent 
inoculés de nouveau chaque fois que l'occasion s'en présenta à la suite 
d'accès d’épilepsie ou pendant la stupeur bromique. Plus de soixante 
expériences ont donné un résultat négatif. Le seul résu tat positif s’est 


(1) Comptes rendus de la Société de Biologie, 1889, p. 532; 1890, p. 513. 


104 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


produit sur un épileptique âgé de vingt ans, qui avait été revacciné sans 
succès aux deux bras le 20 août 1891, et chez qui une nouvelle inoculation 
faite le 5 janvier 1892, à la suite de cinq accès consécutifs, donna lieu à 
une éruplion vaccinale régulière des deux côlés. 


OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES 
SUR L'OTACARIASE SYMBIOTIQUE DES CARNIVORES, 


par MM. RaïLLier et Cabpror. 


On sait qu’un certain nombre d’Acariens ont pour habitat spécial la 
conque auriculaire et le conduit auditif externe des animaux. Tels sont, 
en particulier, le Psoroptes communis, fréquemment observé chez le Lapin, 
plus rarement chez la Chèvre et la Gazelle, puis le Symbiotes auricularum, 
qui vit chez le Chien, le Chat et le Furet. 

Les affections déterminées par ces parasites, et pour lesquelles Neumann 
a récemment proposé le nom d'otacariases, sont aujourd'hui assez bien 
connues dans leurs manifestations, tout au moins chez certaines espèces 
animales; mais la question de leur transmission d’une espèce à l’autre 
laisse encore beaucoup de points à élucider. 

On peut même dire qu'en ce qui concerne l’acariase symbiotique des 
Carnivores, les documents, à cet égard, font encore entièrement défaut. 
Cette affection est cependant très répandue chez les Furets; elle se montre 
aussi assez commune chez le Chien, mais on ne l’a encore que rarement 
signalée chez le Chat. 

C'est pourquoi nous croyons devoir faire connaître le résultat de 
diverses observalions et expériences qui nous paraissent de nature à 
éclairer quelque peu son histoire. 

Nous eussions désiré multiplier ces expériences; malheureusement, la 
rareté des matériaux d'étude nous a forcés à les limiter, et nous devrons 
attendre, pour les poursuivre, une occasion favorable. 


OBSERVATIONS. 


I. — Le 21 mars 1889, un propriétaire de Saint-Mandé présente à la consul- 
tation de l'Ecole d'Alfort un très gros Chat d'Espagne âgé de deux ans; il 
déclare que, depuis un an, cet animal se gratte constamment l'oreille. On n’a 
eu recours cependant à aucun trailement; on s'est contenté de lui laver les 
oreilles de temps en temps. 

Nous constatons, en avant et en arrière de la conque auriculaire, des dépi- 
lations et un peu de rougeur, ce qui est di évidemment aux grattages. D'ailleurs, 
prurit se manifeste dès qu'on soulève l'organe pour en examiner l’intérieur : le 
l’animal se gratte immédiatement avec ardeur. 


dc dattos female)" à 2 à vec is 


SÉANCE DU 6 FÉVRIER 105 


Dans les deux oreilles, on remarque une grande abondance de cérumen 
brunâtre, accumulé surtout dans les replis et formant par place des amas 
solides. Lorsqu'on cherche à enlever celte substance, le Chat se gratte plus 
violemment encore. 

À la surface du cérumen, on découvre à l'œil nu de pelits points blan- 
châtres, que le microscope fait reconnaître pour des Symbiotes auriculaires à 
tous les états, accompagnés d’œufs en assez grande proportion. 

Le traitement consista en nettoyages minutieux de l'oreille au moyen d’eau 
tiède savonneuse, puis en injections d’une solution de sulfure de potasse au 
1/20. En moins de huit jours, le prurit avait disparu, et, le 4 avril, le Chat, 
complètement guéri, était rendu à son propriétaire. 


IL. — Quelque temps après, un médecin de Paris nous adressait le cadavre 
d’une jeune Chatte qui, après avoir mangé un hareng que lui avait donné un 
domestique, avait été prise subitement de violentes convulsions et avait suc- 
combé au bout d'un quart d'heure environ. 

On croyait à un empoisonnement. 

L’autopsie ne laissa voir aucune altération des viscères abdominaux et tho- 
raciques. Par contre, l'examen des oreilles montra le conduit auditif externe 
rempli d'une matière cérumineuse de consistance variable, renfermant un 
grand nombre de Symbiotes auriculaires. Dans les deux oreilles, le cérumen 
formait un bouchon cireux, noirâtre et assez dur vers l'extérieur, grisâtre et 
mou dans la région moyenne, purulent dans la partie profonde du conduit 
auditif. La membrane du lympan élait enflammée, injectée à la périphérie 
dans l'oreille droite; infillrée, ramollie, sur le point de se perforer, dans 
l'oreille gauche ; le tégument du conduit auditif était cependant demeuré 
intact. 


Cette observation montre que les convulsions épileptiformes d'ori- 
gine auriculaire peuvent se manifester, chez le Chat comme chez le Chien, 
en dehors d'une excilalion directe des nerfs sensoriels de l'oreille puisque 
l'oreille interne et même l'oreille moyenne étaient restées indemnes. On 
peut donc rattacher ces troubles à l’épilepsie de M. Brown-Séquard. 


EXPÉRIENCES. 


1° Zransmission des Symbiotes auriculaires du Chat au Chat. — Le 
28 mars 1889, nous déposons dans les deux oreilles d’un Chat du cérumen 
recueilli chez notre premier sujet et contenant de nombreux Symbiotes. 

Un mois plus tard, vers la fin d'avril, on commence à voir l'animal en 
expérience se gratler fréquemment le dessus de la tête et parfois même se 
rouler dans sa cage. 

Le 8 mai, nous examinons les oreilles, qui contiennent un cérumen 
chocolat, dans lequel nous découvrons deux œufs embryonnés de Sym- 
biotes. 

Les mois suivants, l’irritalion de l'oreille s’accuse peu à peu, très len- 


106 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


tement. Le 21 juillet, un nouvel examen nous montre un cérumen assez 
peu abondant, renfermant quelques rares Acariens. 

Enfin, dans les derniers mois de l’année 1889, le prurit devient très 
intense ; l'animal se gratte sans cesse les oreilles, quisont toutes dépilées ; 
il va du reste s’affaiblissant graduellement et perdant l'appétit; le 
5 février 1899, il cesse enfin de manger et succombe dans la nuit du 6 
au 7. : 

L’autopsie nous permet de constater, dans la profondeur du conduit 
auditif externe, qui, du reste, ne paraît pas sensiblement altéré, de nom- 
breux Symbiotes s’agitant à la surface d’un amas cérumineux brunâtre. 
Ces Acariens étaient encore très actifs le 40 février. 

2 Transmission du Chat au Chien. — Le 28 mars 1889, nous déposons 
dans les oreilles d’un Chien Braque (Stop) du cérumen à Symbiotes pro- 
venant du même Chat qui nous en avait fourni pour l'expérience précé- 
dente. 

Le 15 mai suivant, après avoir vu à diverses reprises le Chien se gratter 
les oreilles, nous trouvons dans le cérumen abondant qu’elles renferment 
une nymphe et une larve de Symbiotes. 

Un autre examen, pratiqué le 21 juillet, ne nous donne qu’un résultat 
négatif. — Mais, particularité assez curieuse, ayant remarqué qu'un 
autre braque (Fox), compagnon de notre sujet d'expérience, se grattait 
depuis quelque temps les oreilles, nous constatons qu’il présente, au 
milieu d'un cérumen pourtant assez peu abondant, de nombreux Sym- 
biotes vivants. 


Le premier sujet (Stop) a malheureusement été tué par accident en 
notre absence, de sorte que ‘nous n’avons pu en faire l’autopsie. Quant à 
Fox, il nous a montré encore des Symbiotes vers la fin de 1890. Mais 
depuis lors, ses démangeaisons ont disparu, et il est encore aujourd'hui 
en excellente santé. 

3° Essai de transmission du Chien au Chat. — Le 26 décembre 1889, un 
propriétaire amène à la consultation d’Alfort un bull-terrier qui est devenu 
sourd depuis environ six mois et qui assez souvent se gratte les oreilles 
avec violence, jusqu’à pousser des cris. 

Les deux conduits auditifs sont remplis de cérumen chocolat offrant 
de nombreux Symbiotes. Nous introduisons immédiatement de ce cérumen 
dans les oreilles d’un gros Chat noir élevé en cage; mais nous n'avons 
jamais pu retrouver d’Acariens chez cet animal. 

Nous devons ajouter, d’ailleurs, que nous n'avons pas obtenu plus de 
succès en essayant de communiquer à ce même sujet des Symbiotes 
recueillis sur le Chat de notre première expérience qui avait succombé le 
7 février. 

4° Essais de transmission du Furet au Chien. — Le 19 janvier 1888, 
un chasseur du Havre nous adressait, aux fins d'auptosie, le cadavre d’une 


NE D fre le à ME RON nee ed ! AD 


SÉANCE DU Ô FÉVRIER 107 


Furette qui avait succombé, peu de temps après son mâle, en présentant 
comme lui des croûtes dans les oreilles. 

Mais, de plus, dix-neuf chiots étaient morts quelques semaines aupara- 
vaut, et le propriétaire accusait les Furets de leur avoir transmis leur 
affection. « J'ai dû commencer, disait-il, par avoir un, puis deux chiens 
malades, et la maladie s’est répandue rapidement sur tous mes chiots... 
Ïls semblent souffrir dans la tête, tournent comme étourdis sur eux- 
mêmes; l'écume vient à la gueule; ils crient, sont pris d’urines abon- 
dantes, puis meurent. Le garde enfermait souvent les chiots dans une 
petite maisonnette, quand ils étaient tout jeunes. Or, dans ces derniers 
temps, pour dégourdir les furets, ils les avait laissés libres dans ce même 
endroit, dont la paille n'avait pas été changée. À mon avis, c'est: de là 
que vient le germe de la maladie. » 

Le cadavre de la Furette nous montra dans les deux oreilles une acariase 
symbiotique très accusée; d'épaisses croûles occupaient les anfracluosités 
de la conque auriculaire, recouvrant une surface fortement irritée; ces 
croûtes renfermaient de nombreux Symbiotes vivants; le cérumen amassé 
dans le conduit auditif en contenait à peine quelques-uns. 

Il était assez vraisemblable, d’après les symptômes signalés par le 
propriétaire et d’après le résultat de cette autopsie, que la maladie qui 
avait emporté les Chiens était une otacariase symbiotique transmise par 
les Furets. 

Pour essayer de vérifier cette hypothèse, nous déposons immédiatement 
dans les oreilles d’un jeune chien braque, de nombreux exemplaires bien 
vivants, mâles, femelles, nymphes et larves, des Symbiotes de la Furette. 
Quinze jours plus tard, il n’exislait plus chez ce Chien aucune trace d’Aca- 
riens. 

Déjà, le 3 novembre 1887, nous avions tenté, sans plus de succès, sur 
le même Chien, une expérience tout à fait analogue, avec des Symbiotes 
provenant de Furets vivanis qui nous avaient été envoyés de Seine-et- 
Oise. 

Le 25 février 1888, nous recevons deux cadavres de Furets putoisés 
provenant du département de Loir-et-Cher; tous deux offrent, dans les 
anfractuosités de la conque, des croûtes remplies de Symbiotes très 
agiles. Un grand nombre de ces Acariens sont déposés dans les oreilles 
de deux petits Chiens âgés d'environ six semaines. Ils ont disparu au bout 
de quelques jours. 

Les résultats de ces expériences, rapprochés de ceux qui avaient été 
obtenus antérieurement par M. Nocard sur les Chiens, tendent donc à 
établir : 

1° Que l’otacariase symbiotique se transmet facilement des individus 
affectés aux individus sains de la même espèce; 


2° Que la transmission s'effectue avec plus de difficulté entre le Chat 
et le Chien: 


- 


108 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


3° Qu'elle n’a pas lieu entre le Furet et le Chien. 

Ces résultats sont d’ailleurs en conformité avec les données morpholo- 
giques que nous possédons sur les Symbiotes auriculaires. 

Voici, en effet, un tableau qui donne {en u) les dimensions respectives 
des Symbiotes du Chien, du Chat et du Furet. 


Symbiotes cynotis s. auricularum 


VAR. CAS VAR. Cali VAR. furonis 
longueur largeur longueur largeur longueur largeur 
Male) ua 350à380 250à280 320à350 230à250 270à340 210à250 


Femelle ovig. . 460 530 280 350 430 480 260 290 380 450 210 280 
Femelle pub. . 340 380 210 260 310 360 200 250 300 330 180 230 
DEEE 200 21000 160 190 80 120 160 200 80 120 


Or, si l’on compare le parasite du Chien à celui du Chat, et celui du 
Chat à celui du Furet, on constate que presque toutes ces dimensions se 
chevauchent, de sorte que certains exemplaires recueillis sur le Chat peu- 
vent être de la même taille que d’autres pris sur le Chien, et qu'il en est 
de même en ce qui concerne les Symbiotes du Furet et ceux du Chat. 
Par contre, entre le parasite du Furet et celui du Chien, les différences 
de taille sont toujours très nettes et bien accusées. 

D’après cela, il est facile de comprendre que la variété propre au Chat 
doit pouvoir vivre sur le Chien, tandis que celle du Furet ne doit se 
prêter que peu ou point à l’acclimatation sur le même animal. 

I] est probable aussi que la transmission est possible du Furet au Chat, 
mais si nous avons négligé d’expérimenter dans ce sens, c’est que les 
rapports entre ces animaux sont à peu près nuls, et que, d’autre part, ces 
rapports de taille n'ont été constatés qu'après coup. 


SUR L'ACTION PHYSIOLOGIQUE DES COMBINAISONS DE L'IODE, 
par M. Louis LAPICQUE. 


(Zravail du Laboratoire des Cliniques de l'Hôtel-Dieu). 


C’est une théorie souvent formulée par les nombreux pharmacologistes 
qui se sont occupés de l’iodure de potassium, que ce sel est décomposé 
dans l'organisme, qu’il y a de l'iode mis en liberté par cette décompo- 
sition et que cet iode libre est l’agent causal des phénomènes observés. 
La démonstration directe de cette théorie, à savoir la présence d'iode 


bé: Es 


SÉANCE DU 6 FÉVRIER 109 


libre dans l’organisme après l’administration d’un iodure alcalin, n’a 
jamais pu être donnée ; elle ne peut pas l’être ; il ne peut, en effet, subsister 
d’iode libre dans le sang qui est alcalin, ou en présence du sang. Pour- 
tant, il semble certain que c’est à l’atome iode que les iodures alcalins 
doivent leurs propriétés physiologiques, et que ces sels, si stables qu'ils 
soient, n’agissent pas en {ant que tels. Ce qui le montre, et c’est le prin- 
cipal argument qui a entraîné la conviction des pharmacologistes, c’est 
que les iodures, l’iode libre, les icdates, l’iodoforme, d’une façon géné- 
rale les diverses combinaisons de l’iode ont une action physiologique 
semblable, avec des différences portant seulement sur l'intensité et la 
rapidité avec laquelle elle se produit (4). 

C’est cette comparaison qu'il m’a paru intéressant de serrer de plus 
près qu'on ne l'avait fait jusqu'ici. 

Une combinaison de l’iode m'a paru particulièrement propre à faire 
ressortir, par comparaison avec les iodures, le rôle de l'atome tode, et 
l'influence de la stabilité de la molécule où entre cet atome: c’est l’acide 
iodique, à l’état d’iodate alcalin. 

On sait que les iodates sont réduits dans l'organisme. J'ai voulu savoir 
avec quelle rapidité s'opère cette réduction, pour cela j'ai fait l'expérience 
suivante. 


À un chien pesant 5 kil. 500, morphiné et chloroformé, j'ouvre l’abdomen 
sur la ligne blanche, j'attire la vessie au dehors, et après l’avoir ouverte, je 
fixe une sonde métallique dans chacun des uretères ; j’ajuste un petit bout de 
tube de caoutchouc très étroit à chacune des sondes, et je fais se déverser la 
sécrétion des deux reins dans un tube à essai. J'injecte dans la saphène quel- 
ques décigrammes d’urée pour activer la sécrétion rénale ralentie par les 
narcotiques, et lorsqu'elle fournit environ 1 centimètre cube toutes les cinq 
minutes, j'injecte dans la saphène 0 gr. 50 d'iodate de soude en solution à 
5 p. 100. Cette injection dure 3 minutes. L'urine déversée pendant ce temps 
ne contient pas d'iode. 

L'urine écoulée pandant les 3 minutes suivantes, additionnée d’empois 
d’amidon et d'acide acétique, ne change pas de couleur; j'y jette un fragment 
de planure de zinc, elle bleuit lentement. Elle contient de l’iodate. 

L’urine recueillie ensuite pendant 2 minutes, additionnée d’empois et 
d'acide acétique, bleuit légèrement, ce qui indique un mélange d’iodate et 
d'iodure. ( 

L'urine recueillie de la 5° à la 10° minute après l'injection, additionnée 
d'empois et d'acide acétique, se colore immédiatement en bleu intense. 


(4) J'indiquerai seulement parmi la bibliographie volumineuse du sujet : 
Biz. Vorlesungen über Pharmakologie, 1* partie,’ Berlin, 1884, lecons XV, 
XVLet XVII; (on trouvera là les références des diverses recherches origi- 
nales de Binz sur la question). — R. Bogax (d’après les recherches expéri- 
mentales de F, Berg), in Arch. f. exper. Palh. und Pharmakol, t. V, 1876. — 
Hocves, ibid., t. X, 1879. : 


110 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


LA 


L'urine recueillie de 5 minutes en 5 minutes a donné la même réaction 
pendant une heure. 

L'iodure a donc apparu moins de 5 minutes après l'injection, et pendant 
une heure, l’urine a contenu un mélange d'iodate et d'iodure. 


On peut dire, en somme, que la réduction commence aussitôt que l’io- 
date est introduit dans le sang ; elle doit, en effet, se produire par une 
action purement chimique au contact du sang. 

Or, le passage d’une combinaison oxygénée de l'iode à la combinaison 
halogénée suppose le stade intermédiaire d’iode libre, stade théorique en 
présence des bases de l’organisme puisque cet iode est nécessairement fixé 
aussitôt que mis en liberté; néanmoins, l’iodate en train de se réduire 
constitue une source d’iode naïssant. Nous nous trouvons donc là dansde 
bonnes conditions pour constater l’action physiologique de ce métalloïde. 

On ne peut admettre, au contraire, que l’on soit dans ces conditions 
lorsqu'on injecte de l’iode libre dissous dans une solution d’iodure alcalin. 
Cet iode, en effet, au premier contact avec le sang, s'engage dans des 
combinaisons avec les alcalis des carbonates. Il se forme, soit, comme le 
veut Binz, suivant la réaction théorique, cinq parties d'iodure pour une 
d'iodate, soit plutôt, comme on le voit d’abord en ajoutant èn vitro de 
l’iode à une solution de carbonates alcalins, des combinaisons instaples 
telles que les hypoiodites, qui dans le sang sont rapidement réduiles en 
iodures. En effet, dans deux cas où j'ai examiné l’urine de chiens qui 
avaient reçu dans les veines de fortes doses d’une solution iodo-iodurée, 
je n’ai trouvé que la réaction des iodures. En tout cas, on ne peut songer 
à rapporter quantitativement à l'action de l'iode libre les effets observés 
à la suite de telles injections. 

Ces données chimiques admises, comparons les phénomènes physiolo- 
giques produits par les injections intra-veineuses soit d’iodure, soit d’iode, 
soit d'iodate (1). 

Bœhm (loco citato) a fait cette comparaison pour l'iodure et l’iode; il 
a constaté sur des chiens, après injection intra-veineuse de quantités 
considérables d’iodure de sodium (de 0 gr. 60 à 1 gramme par kilo- 
gramme) el après injection intra-veineuse de solution de Lugol (iode 
dissous dans l’eau avec deux fois son poids d'iodure de sodium), 
une intoxication toute pareille. Il y a d’abord des vomissements, puis, 
au bout d’un temps variable, l'animal parait fatigué, il est somnolent 


© (1) Quand on parle de la toxicité d’une iodure, il faut entendre exclusive- 

ment l’iodure de sodium, l’action d’un autre iodure, celui de potassium, par 
exemple, étant troublé par l'intervention du métal, physiologiquement actif 
aux doses où il faut donner l'iodure. Pour l’iodate de potassium, au contraire, 
aux doses toxiques du sol, la quantité de potassium est physiologiquement 
négligeable. » 


SÉANCE DU 6 FÉVRIER 411 


puis il meurt dans un état adynamique. Les lésions observées à l’au- 
topsie sont également les mêmes dans les deux cas, consistant surtout 
en une congestion violente de tous les viscères; il y a des exsudats 
dans toutes les séreuses. Seulement, ces exsudats sont sanglants après 
l'injection de solution de Lugol, et non après l'injection d'iodure; de 
même, il y a hématurie dans le premier cas, et non dans le second. Mais 
la différence la plus intéressante à relever entre les deux séries d’expé- 
riences, c’est la rapidité avec laquelle apparaissent les accidents. Je nole 
ici, d'après les protocoles des expériences, combien d'heures après l’injec- 
tion s’est produite la somnolence, puis la mort. 


Injection inlra-veineuse d’iodure de sodium. 


Chien Dose Somnolence Mort 
kil. gr. h. h. 
15 9 50 6 13 
14 6 10 plus de 9 23 
92 9 9 28 
13 10 9 18 


Injection intra-veineuse de solution de Lugol. 


11 4 NaILOÆT 3 40 4 1/2 
4 6 1 Na 051 % 10 1/2 
8 5 0 50 +O0,251I 2 ne meurt pas 


Pour comparer l’action des iodates, je n’ai pas trouvé, dans la biblio- 
graphie de la question, des expériences de toxicité par injection intra- 
veineuse. Celles de Binz, très intéressantes d’ailleurs, sont faites par 
injection sous-cutanée. Il a observé les mêmes phénomènes toxiques. 
Mais comme la rapidité de l’action est un des points essentiels de la com- 
paraison, celle-ei ne peut étre faite qu'entre des expériences par injections 
intra-veineuses, pour n'avoir pas à tenir compte de la plus ou moins 
grande facilité d'absorption. 

J'ai fait l'expérience suivante : 


Jeune chien vigoureux, très vif; poids, 12 kilogrammes. 

L'animal est attaché sur une table; on introduit une canule dans la veine 
saphène gauche. À 4 h. 50, on injecte 9 centimètres cubes d’une solution 
d'iodate de soude à 5 p. 100, soit 0 gr. 45 d’iodate. Rien à noter à la suite de 
cette injection. 

À 5 heures, on injecte de nouveau 13 centimètres cubes de la solution, soit 
0 gr. 65 d'iodate, en tout 1 gr. 10. Aussitôt après l'injection, l'animal est 
détaché. Rien de particulier dans son allure. 

5 h. 5, une selle diarrhéique. 


5 h. 25, le chien se lèche les lèvres et mâchonne; il renifle et éternue. 


112 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


5 h. 27, deux vomissements, coup sur coup; le premier, alimentaire ; le 
second, muqueux. Presque en même temps, une selle complètement liquide. 

5 h. 35, vomissement muqueux. 

b h. 37, vomissement muqueux. 

5 h. 55, selle liquide abondante. Le chien est comme fatigué; il se tient 
couché à plat ventre ; sa tête se soulève el retombe languissamment, ses yeux 
se ferment. Quand on l’appelle, il se lève lentement. 

L'animal n’est plus observé jusqu’à minuit. À ce moment, on le trouve dans 
un état de somnolence marquée; quand on le fait marcher, il titube. Il a 
vomi; et uriné une urine sanglante. È 

Le lendemain matin, à 8 heures, il est trouvé mort. 


Ici, la somnolence caractéristique s’est donc présentée une heure 
environ après l'injection. 

Dans une seconde expérience, faite avec 0 gr. 050 par kilogramme de 
chien, la somnolence s’est montrée au bout de trois quarts d'heure. 
L'animal a survécu. 

En rapprochant cette action de l’iodate de celle notée par Bæœhm pour 
l’iodure et pour l’iode, nous voyons done que l’activité loxique de la 
substance injectée varie comme le faisaient prévoir les considérations 
chimiques, basées sur l'hypothèse d’une décomposition dans l’organisme 
de la combinaison iodée. 

Mais au lieu de se contenter de ces expériences de toxicilé brate, de 
cette observation externe des phénomènes physiologiques, on peut 
explorer les modifications produites dans la circulation. Les méthodes 
commodes et précises que nous avons pour l'étude de cette fonction, 
permettent de comparer de plus près les actions physiologiques de ces 
substances. On sait que l’action caractéristique des iodures sur la pression 
sanguine est une diminution lente de cette pression, avec un peu d’accé- 
lération du cœur. J'ai, moi-même, étudié cette action, dans des expériences 
faites en commun avec M. G. Sée et communiquées à l’Académie de 
médecine en 1889. Nous avons pu, dans l’action de l’iodure de potassium, 
dissocier l’action de l’iode de celle du potassium, celle-ci précoce, celle-là 
tardive. Nous insistions sur la lenteur avec laquelle se produit cet abaïsse- 
ment de pression sous l'influence de l'iode de l’iodure, une heure en 
moyenne après l'injection intra-veineuse de 30 centigrammes d'iodure par 
kilogramme de chien. Cette action est d’ailleurs bien établie aujourd’hui. 
MM. Prévost et Binet (1) ont observé le même fait et fixent à trois quarts 
d'heure le début de la baisse de pression. 

Je n’ai pas trouvé, dans la bibliographie de l’iode, d'expériences sur les 
modifications de la pression par les iodates. Pour ce qui est de l’action de 
l'iode libre, il a été fait quelques expériences par MM. Prévost et Binet. 
Ils ont trouvé que « l’eau iodée et les solutions iodo-iodurées n’ont pas 


(1) Revue médicale de la Suisse Romande, 1890. 


RÉ ce 


SÉANCE DU Ô FÉVRIER 113 


— 


modifié sensiblement la pression quand elles étaient injectées avec 
lenteur dans les veines ». Nous reviendrons plus loin sur ces expé- 
riences. 


Voici ce que j'ai observé : 


Expérience I. — Chien pesant 6 kil. 400. Recoit 15 milligrammes de curare 
dans la plèvre droite. Respiration artificielle. Manomètre-inscripteur de Fran- 
cois-Franck dans le bout central de la carotide gauche. 

Pression normale, 19 centimètres de mercure, 260 pulsations à la minute. 
On injecte dans la saphène droite, centimètre cube par centimètre cube, une 
solution d’iodate de potasse à 5 p. 109. 

Pulsations 


Heures. Pression. ; Ja minute. 
A0 ITR SE Le SR A CET EME RARE CEE ANS 240 
De # h. 17 à 4 h. 40, 4 inj. — 20 centigr. 
k AG . 417 240 


De 4 h. 47. à 4 h. 48,2 inj. — 10 centigr. 


11 POS SCANS, CPATES PER ERP QE ER DR ES Pr 250 
1, SEE ANR ve HÉSANIER 2 EC ARE ARR D 250 
De 4h: 53 à # h. 55, 3 inj. —.15 centigr. 

OU DER MONTE ia nn LEE AE 18 250 
RDS ES OR en A Ra Re RM MA ET MAO) 200 
Je SO EP ANS CIE RU CRE RE RNB EE Fe 240 

Det sr 0 Ein) —/20IcS 004165 250 

Un caillot interrompit l'inscription jusqu'à 5 h. 4 m. 

DOS NE 2 ASTM AE A RP CCR EE ERR 177 240 
2 ONE pie ete, OO DO He Me Te 8 240 
DRM ONE SU fes MED v 43 240 
DRE UNIT EM EMET. COM SRE EN CONS 9 240 
D'ART Ag eu uen NS no ie ann EL 055 220 
RE RTE PARU cut oi GMA 220 


En résumé, les premières injections ont été à peu près sans effet, sauf une 
légère oscillation ascendante après 45 centigrammes. Lorsque la dose de 
65 centigrammes a été atteinte, la pression est tombée à moitié de sa valeur 
dans l’espace de 5 minutes pour remonter ensuite un peu et rester station- 
naire vers les 2/3 de sa valeur primitive. 7 nouvelles injections portant la 
dose totale d’iodate à 1 gramme, n’ont plus produit d'effet notable. 

Le cœur n’a pas sensiblement varié. 


Expérience II. — Jeune chien pesant 7 kil. 300, 15 milligrammes de curare 
dans la plèvre. Respiration artificielle. Manomètre-inscripteur de François- 
Frank dans la carotide gauche. Sphygmoscope à ampoule de caoutchouc. 

Pression avant toute injection, 20 centimètres de mercure. Pulsations, 
80 par minute. On fait dans la saphène des injectious d’iodate de soude en 
solution à 5 p.100, par 5 centimètres cubes à la fois, chaque injection durant 
à peu près trois minutes. 


114 .- SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


a —] —"—————————————————— 


La première injection est faite à 3 h. 54 m. 

La pression monte lentement jusqu’à 25 centimètres. On observe, en outre, 
un phénomène intéressant. Le cœur battant régulièrement à 140 par minute 
environ, on observe dans le tracé du sphygmoscope de petits groupes d’une 
vingtaine de battements accélérés, deux fois plus rapides à peu près que le 
reste du tracé. Cette palpitation dure chaque fois de 6 à 10 secondes. A cette 
accélération correspond exactement une élévation de la pression de même 
durée tant dans le bout périphérique que dans le bout central de l'artère. Ce 
phénomène se reproduit un certain nombre de fois. Voici des mesures de 
pression et des numérations des pulsations prises de place en place sur le tracé, 
abstraction faite de ces petites collines correspondant chacune à un accès de 
palpitation : 


Heures. Pression Pulsations. 
LOGE ARE RE GS EH NE Re L'ÉAOLA GA g RS 140 
4 21, 2 injection — 25 centigrammes. . 

D NPA ATARI SR UE RS LP AA A RS 170 
RAD NS Vans fees fes EN TR ER 28 150 
RS ES EU RE Tr ARE tr LAN AO 160 
Là 0 MR NASA UE EIRE AE ER Re LEA LOS 0 
RSR AT à Otis Ah DRE Mae O 160 
ù 3° injection —25 centigrammes, Lotal 

15 centigrammes. 

RSS US PR PE tn a à 170 
> 4 DE ACER ON TBE Eat LAN A ES 160 
DD NT OR at PE RON CETTE 170 
DIREG LAN A MRNRS ANT ANNE a ee SE SE RARE 150 
DR HET SAXE pen AL ER NS PR De PR AUS 170 


La pression reste à ce niveau pendant un quart d'heure et une nouvelle 
injection de 25 centigrammes d’iodate ne la fait qu'un peu baisser. 

En résumé, l'élévation de pression avec accélération du cœur produite par 
la première injection, s’est maintenue quelque temps après la seconde, qui a 
encore accéléré un peu le cœur, puis la pression est tombée un peu au-dessous 
du niveau primitif. À ce moment,une troisième injection, portant la dose totale 
à 10 centigrammes par kilogramme, a produit une baisse de pression notable, 
dans l’espace de 6 minutes, sans que le nombre des battements du cœur varie 


sensiblement. 


Expérience III. Chien pesant 41 kil.; 20 milligrammes de curare. Respiration 
artificielle. Manomètre-inscripteur de François-Franck dans la carotide gauche. 
Canule dans l’uretère droit. 

* Pression normale, 17,5 centimètres de mercure. Pulsations, 140 par minute. 

Injections dans la saphène droite de la solution suivante. Iode, 5 grammes 
iodure de sodium 7 gr. 50. Eau 100 grammes. Chaque injection de 5 centi- 
mètres cubes — 25 centigrammes d’iode libre, est poussée dans la veine en 


2 minutes environ. Chaque fois, aussitôt après, on injecte 5 centimètres 


C4 
x 


cubes d’une solution de carbonate de soude calculée de façon à contenir 


SÉANCE DU 6 FÉVRIER 


115 


À p. 100 de sodium, c'est-à-dire à peu près la quantité nécessaire pour saturer 


théoriquement l’iode injecté. 
re injection à 4 h. 12. 


Heures. Pression. 
4h14 . 18 
ÉEASMEE Lu 18,5 
4 19. 2e injection. 

4 20 . 18 

JF, 2 NOUS REP Re RER REPRENDRE PU 17 


Pulsations. 


130 
160 


150 
210 


Vers 4 h. 30, de grandes oscillalions rapides (hauteur, 3 à 4 centimètres 
durée 15 à 20 secondes) s’introduisent dans la ligne de pression, dont le niveau 
moyen n’a guère changé. La partie ascensionnelle de la courbe correspond à 
une accélération des pulsations, la descente a un ralentissement, soit, compté 
dans un cas, 13 pulsations en 3 secondes pour la partie ascendante, 8 dans le 
même temps pour la partie descendante. Cette allure dure un quart d'heure 


environ. 


La section du pneumogasirique gauche ne produit aucun effet, 


Heures. 


RO PR AE Qt SR NAEURNUE ASUS UE st de ie 

4 50, 3° injection. Total, 75 centigrammes 
d’iode. Il se produit de nouveau des 
palpitations. 

LT ER ES MERCI ET RE Re TE 

4 58. Les palpitations continuent. On fait 
la 4 injection, portant la dose totale 
à 1 gramme d'iode libre. 


DR NN Re MA nai AUN ee de n2 fes der aire 
OR En Ne RSR te Tan 0 Mec : 
Li St OM ER 20e 4 SE Een RE PE ni Re - 


Pression. 


17 
15 


16 


15,5 
14,5 
11,5 


Pulsations. 
190 
200 


190 


180 
180 
180 


La courbe de pression, arrivée à ce niveau, se continue horizontalement, 
sauf les collines aiguës correspondant aux palpitations. A 5 h. 6 m., section 


du pneumogastrique droit. 
Heures. 
PR EME le LE 2 1 


Il y a encore des ondulations de la pression. 
É LST PER EEE A NEO NUE 


Pression. 


11,5 
17,5 
14 


10 


1 


Pulsations. 


180 
210 
200 


200 
190 
200 


116 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


En résumé : la première injeclion n’a sensiblement rien produit; la seconde 
a accéléré le cœur et déterminé des accès de palpitation; le niveau moyen 
baisse un peu ; la troisième ne produit rien de nouveau; la quatrième, por- 
tant le total d'iode libre injecté à 1 gramme, soit près de 0 gr. 10 par kilo- 
gramme d'animal, abaisse la pression aux trois quarts de sa valeur dans 
l'espace de 5 minutes. À cet état, la section du pneumogastrique droit (le 
gauche ayant été sectionné antérieurement) à produit une élévation passagère 
de la pression bientôt suivie d’une chute profonde. 


Expérience IV. — Chien pesant 7 kil. 500. 20 milligrammes de curare. Res- 
piration artificielle, Manomètre-inscripteur dans la carotide gauche. Sphyg- 
moscope à ampoule de caoutchouc. 

Pression normale, 45 centimètres de mercure. Pulsations par minute, 52. 

On injecte dans la saphène droite, dans l’espace de 5 minutes, 10 centimètres 
cubes de la solution suivante : iode, 5 gramme, iodure de sodium, 10 gram- 
mes, eau, 100 grammes. Fin de l'injection à 4 heures. 

Avant même la fin de l'injection, on voit se produire ces groupes serrés de 
pulsations cardiaques qui font monter corrélativement la pression. De 
4 heures à 4 h. 1 m., il y a trois accès de ce genre, presque se touchant. Dans 
l'intervalle, la pression ni la rapidité du cœur n’ont sensiblement varié par rap- 
port à la normale. À 4 h. 1 m., section des deux pneumogastriques. La pres- 
sion monte immédiatement à 27 centimètres et le nombre de pulsalions à 200 
par minute. Mais bientôt un caillot arrête l'inscription : pendant le nettoyage 
de la canule, il pénètre dans l'artère un peu de la solution de carbonate et 
phosphate de soude. Quand le tracé est repris à # h.9 m., on a : pression, 
15c 5’ pulsations, 90 par minute. À % h.10, on fait dans la saphène une 
injection de à centimètres cubes de la solution iodo-iodurée, portant la dose 
totale d'iode libre à 75 centigrammes. Dès le début de l'injection, le cœur 
s'accélère sans que la pression monte guère. 


Heures. Pression. Pulsations. 
(A Rae A SP AE SAN TRE En OS TRES RL 90 
4 10, troisième injection. 

Sisecondestapres leAdébute he MP ECS DEMIE ; 180 
AA Nnnde Hinecilon tee RME IENREC 170 
SAONE LS DATE M ER ASTRA eee TE Re 200 
LPO AT PNEU RES EPA E e ee R R Pe 200 
AN CDN ee PL ES LR AR RE EU SR RU te 200 
PRE SANTE OA DAS AU A ea AE A RG EU G) 170 
DAT DE NEO EN PES A OUT RE À ET EL 180 
ECO NN EEE ptet tee de Sa D nes 8 180 

Injection de 4 centimètres cubes. 

JA AE ES OO ae ONE RE IR GR M UE LS 200 
RAS UE ML IENE a TR EU à 7 200 


En résumé, 50 centigrammes d'iode libre injectés rapidement n’ont pas eu 
d'autre effet que de produire des palpitations. Après la section des pneumo- 
gastriques, du carbonate de soude introduit accidentellement dans la circula- 


re 


SÉANCE DU 6 FÉVRIER 1171 


tion ayant ralenti le cœur, l'injection d'une nouvelle dose d'iode à immédia- 
tement fait repartir le cœur à la vitesse qui est normale lorsque l'action mo- 
dératrice du bulbe ne s'exerce plus. Cette nouvelle dose ayant porté la dose 
totale d'iode libre injecté à 40 centigrammes par kilogramme d'animal, la 
pression est tombée en 12 minutes aux 3/5° de sa valeur, sans que le rythme 
du sœur change sensiblement pendant la chute. Une nouvelle dose produit 
une légère élévation de pression passagère. 


Ces expériences montrent que l’iodate de soude ou de potasse à la dose 
de 10 centigrammes par kilogramme d'animal, et l'iode libre dissous 
dans un iodure alcalin, à la même dose, produisent des effets identiques. 
Sur le cœur : accélération considérable si celui-ci est ralenti (exp. IT et 
IV), faible s’il est déjà rapide (exp. IT), nulle s’il est très rapide (exp. L); 
de toute façon, lorsque l’intoxication est établie, le nombre des pulsations 
se fixe aux environs de 209 par minute. De plus, soit avec l'iodate 
(exp. ID), soit avec l’iode (exp. Il et 1V), il se produit même avec les doses 
lésères, des accès de palpitation. Sur la pression : soit avec l'iode, soit 
avec l’iodale, quelquefois une élévalion passagère (exp. If, exp. IV); le 
phénomène constant est la baisse considérable et durable, qui se produit 
rapidement lorsqu'on a atteint la dose de 10 centigrammes par kilo- 
gramme d'animal. Cette chute de la pression s’est produite en 5 minutes 
dans l’expérience [, en 6 minutes dans l'expérience IF, en 5 minutes dans 
l'expérience III, en 12 minutes dans l'expérience IV. 

Dans ce qui précède, je n'ai pas relevé, sur les tracés où je l'avais prise, 
les variations de la pression dans le bout périphérique de la carotide; je 
dirai seulement qu'elles ont toujours marché parallèlement avec les varia- 
tions du bout central. 

Tous ces phénomènes me paraissent de tout point semblables à ceux 
que produisent les iodures alcalins (sauf les palpitations qui font défaut 
avec ceux-ci). 

La différence porte, d’une part, sur la dose nécessaire pour produire ces 
phénomènes ; d’autre part, sur le temps qui s'écoule entre l'introduction 
de cette dose et l'apparition du phénomène. Cette différence se voit bien 
dans le tableau ci-dessous. 


Dose Iode Temps écoulé 
Corps du corps  contenu{1) jusqu'à la chute 
lodures shui 0,30 0,24 45 à 60 minutes 
Loue Ads dut ie 0,10 0,10 5 12  — 
ROdA TE URSS 0 0,10 0,06 6) 6 — 


(1) Les quantités d’iode sont calculées pour les sels correspondants de 
sodium; la différence serait d’ailleurs insignifiante s'il s'agissait d’un sel 
de potassium. Dans le cas de l’iode libre, je ne mentionne pas l'iode de l'io- 
dure employé comme dissolvant; cela ferait plus que doubler la dose; mais 
nous Savons que cet iode combiné n’agit qu'à longue échéance. 


118 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Nous retrouvons donc ici, comme dans les expériences de toxicité 
brute, le parallélisme entre l’activité de la combinaison iodée et la faci- 
lité avec laquelle cette combinaison peut céder à l'organisme son atome 
iode. C’est ce parallélisme même que j'ai voulu étudier. 

Je n’ai pas fait l'analyse de cette action vasculaire de l’iode, et je ne 
puis dire quelle part revient, dans les phénomènes observés, au système 
nerveux soit central, soit périphérique. Mais je puis écarter dès main- 
tenant deux hypothèses : 

1° L’accélération du cœur ne tient pas à une paralysie des vagues. En 
effet, ces nerfs conservent leur excitabilité jusqu’au point le plus avancé 
où j'aie poussé l’intoxication. Je m'en suis assuré, soit comme dans l’ex- 
périence III, en sectionnant ces nerfs et en constatant l'effet habituel de 
cette section; soit, comme je l'ai fait à la suite de l'expérience I, en 
observant les effets de l’asphyxie sur la circulation chez l'animal em- 
poisonné par l’iode; j'ai vu se dérouler la série habituelle des phéno- 
mènes, c’est-à-dire d’abord l'élévation de pression, avec cœur rapide, 
puis une phase où le cœur est très ralenti, la pression restant élevée; or, 
on sait que ce ralentissement est sous la dépendance des nerfs vagues. 

Dans les expériences faites en 1889 avec M. Sée, j'avais constaté en 
leur appliquant des excitations électriques, que ces nerfs conservent leur 
activité à toutes les phases de l’intoxication par les iodures. 

2% L'abaissement de pression n’est pas produit par une paralysie du 
système vaso-constricteur. En effet, ce système réagit à la façon normale 
lorsqu'on l'excite par l’asphyxie. J'ai, à la suite de chacune des expé- 
riences que J'ai rapportées, cessé la respiration artificielle, et observé 
les indications du manomètre resté en rapport avec l'artère; j'ai toujours 
vu, comme je viens de le signaler pour l'expérience I, l'élévation de 
pression se produire. A la suite de l'expérience II, la pression a monté 
par l’asphyxie de 10 centimètres à 95 centimètres ; à la suite de l’expé- 
rience III, elle a monté de 6 centimètres à 23 centimètres ; à la suite de 
‘expérience IV, la pression étant à 6°5, une excitation sensorielle (coup 
de sifflet) l’a fait monter à 10; l’asphyxie l’a ensuite fait monter de 
6 centimètres à 17. 

J'ai mentionné plus haut que MM. Prévost et Binet n'avaient pas vu 
de modification de la pression à la suite des injections intra-veineuses 
d’eau iodée et de solutions iodo-iodurées. Pour l’eau iodée, il est certain 


que la quantité d’iode injectée a été trop faible. Pour les solutions iodo- 


iodurées, il n’y a, dans le travail de ces auteurs, que deux expériences ; le 
poids des animaux n’est pas indiqué; je ne puis donc savoir si la quan- 
tité diode a été suffisante (0 gr. 16 diode pour un lapin, 0 gr. 36 pour 
une grosse chatte); de plus, dans les deux cas, la mort est survenue « à 
la suite de la dernière injection poussée brusquement » ; il n’a donc pas 
été possible de voir l'effet de cette dernière injection ; enfin, l’iode était 
dissous dans une fois et demie son poids d'iodure de potassium, dont le 


SÉANCE DU 6 FÉVRIER 119 


métal pouvait, par son action propre, masquer celle que l'on cherchait. 
Pour ces raisons, je pense que les résultats négatifs de MM. Prévost et 
Binet n'infirment pas les miens. Ils montrent seulement, je crois, que ces 
auteurs pensaient trouver à l’iode injecté libre, une action plus énergique 
que celle qu'il possède réellement. 


RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LES VARIATIONS CORRÉLATIVES DANS 
L’INTENSITÉ DE LA THERMOGENÈSE ET DES ÉCHANGES RESPIRATOIRES, 
par M. LAuLAnNIÉ (Voir Mémoires du présent volume, p. 19.) 


NOTE SUR LA COMPARAISON ENTRE LA CHALEUR DÉGAGÉE PAR LES VÉGÉTAUX 
ET LA RESPIRATION, 


par M. Gaston BoNNiER. 


J'ai donné, il y a déjà un certain nombre d'années, les méthodes que 
j'ai suivies pour mesurer les quantités de chaleur dégagées ou absorbées 
par les végétaux vivants, ainsi que les résultats généraux obtenus (1). Je 
désirais présenter aujourd’hui à la Société quelques remarques relatives 
aux expériences où j'ai spécialement comparé les quantités de chaleur 
dégagées au phénomène respiratoire. 

J'avais déjà étudié cette question en me servant du calorimètre Ber- 
thelot et en faisant l'analyse totale des gaz entourant les plantes ou parties 
de plantes placées dans le calorimètre. J'ai repris depuis ces expériences 
en modifiant le thermocalorimètre de Regnault et en opérant par la 
méthode des températures stationnaires. 

Me bornant dans cette courte note, à ce qui est relatif au phénomène 
respiratoire comparé aux quantités de chaleur dégagées, je ne parlerai 
que d'expériences faites à l'obscurité. 

Je rappellerai d’abord que le thermocalorimètre de Regnault est un 
thermomètre dont le zéro est quelconque, dont la tige est graduée en 
divisions d'égale capacité et dans le réservoir duquel est creusée une 
cavité dont on peut modifier la forme suivant les circonstances. S'il 
s’agit de graines germant, on peut les placer simplement dans l’air que 


(4) G. Bonnier.— Sur la mesure de la chaleur dégagée par les végétaux 
(Bullelin de la Société Botanique de France, t. XX VII, 14 mai 1880). — Sur les 
quantités de chaleur dégagées et absorbées par les végétaux (Comptes rendus de 
l’Académie des sciences, 22 février 1886). 


120 SOCIËTÉ DE BIOLOGIE 


renferme cette cavité et en boucher ensuite l'orifice; s'il s’agit de feuilles, 
de tiges feuillées de fleurs ou de fruits en voie de maturation, on peuttout 
en laissant ces organes intacts et en continuité avec la plante qui les 
porte, les introduire dans la cavité du thermocalorimètre dont l’orifice 
est luté tout autour de l’organe ou du membre de la plante soumis à 
l’expérience. Dans tous les cas, le dispositif employé permettait de faire 
à chaque instant une prise de gaz dans la cavité, prise assez faible pour 
ne troubler en rien la continuité des phénomènes; de plus, à la fin d’une 
série d'expériences, la totalité du gaz pouvait être transportée dans une 
éprouvette. Ces prises de gaz successives et la masse du gaz restant, 
analysées, fournissaient des renseignements sur l’oxygène absorbé et 
acide carbonique dégagé. 

Voici la marche d’une expérience, avec prises de gaz, appliquée à 
la méthode du thermocalorimètre qui, jusqu'ici, ne m'avait servie qu'à 
mesurer les quantités de chaleur sans les comparer au phénomène respi- 
ratoire. 

On place le thermocalorimètre dans une enceinte à température con- 
stante, puis, lorsque le niveau de l’alcoo! dans la tige graduée est devenu 
fixe, on introduit dans la cavité les plantes ou parties de plantes sur les- 
quelles on veut expérimenter et qui avaient été amenées préalablement à 
la même température que celle de l’enceinte. On ferme la cavité et, au 
moyen de l'appareil à prises, on fait une première analyse de l'atmosphère 
iniliale. Puis l'enceinte restant toujours à la même température, le niveau 
de l'alcool commence à monter régulièrement dans la tige du thermoca- 
lorimètre par suite de la chaleur dégagée, dans la cavité creusée dans son 
réservoir. On doit s'arranger de facon à ce qu’au bout d’un temps rela- 
tivement court, le niveau de l’alcoo! s'arrête à une limite maximum dans 
la tige du thermocalorimètre. On a eu soin de faire une seconde prise 
de gaz pendant que l'alcool continuait à se dilater et une troisième prise 
à la fin. Alors, on peut en déduire la quantité de chaleur qui a été 
dégagée pendant l'expérience en multipliant par une constante K, la 
différence entre la température qui correspond à celle du calorimètre à la 
fin de l'expérience et la température de l'enceinte. On obtient la valeur 
de la constante K, en observant le refroidissement de l’appareil con- 
tenant les mêmes plantes tuées. Le résultat comparé des analyses de gaz 
donne la valeur des échanges gazeux pendant l'expérience. 

Je compte publier prochainement les détails de mes recherches sur la 
chaleur végétale. Je veux seulement appeler l'attention aujourd'hui sur 
la confirmation du résultat général que j’avais annoncé en 1886, d'après 
des expériences faites par une autre méthode. En comparant la quantité 
de chaleur nécessaire pour la formation de l'acide carbonique produit à 
celle émise réellement par la plante, on ne trouve pas des quantités con- 
cordantes ; de même, en y comparant la quantité de chaleur dégagée par 
Ja combinaison avec le carbone de tout le carbone absorbé. 


SÉANCE DU Ô FÉVRIER 191 


La quantité de chaleur constatée lorsqu'il y a destruction de réserves 
déterminées (germination de graines, de tubercules, etc.), est plus grande 
que celle calculée, d’après le phénomène respiratoire. La quantité de 
chaleur constatée lorsqu'il y a formation de réserves (maturation des 
fruits, formation des tubercules, etc.), est moins grande que celle calculée. 

J'ajouterai à ces résultats, déjà énoncés, que si l’on suit le développe- 
ment de la plante, pendant la destruction des réserves, les maxima d’in- 
tensité de chaleur dégagée correspondent assez nettement aux maxima 
d'oxygène absorbé, mais moins nettement aux maxima d'acide carbo- 
nique dégagé. C'est, en effet, dans la période où le rapport du volume de 
l'acide carbonique émis au volume de l’oxygène absorbé est au voisinage 
du minimum que se trouve placé le maximum du nombre des calories 
dégagé par minute. 

Au contraire, lorsqu'il s’agit de la maturation des fruits à leur début 
dans la fleur et, en général, de formation de réserve, la correspondance 
entre le coefficient de thermogenèse et l'intensité respiratoire est sensible- 
ment la même pour l'absorption d'oxygène que pour l'émission d’acide 
carbonique. 


PRÉSENCE DE FIBRES MUSCULAIRES STRIÉES DANS UNE PAROI UTÉRINE, 


par M. le D' J. Girone. 


S'il est un point d'anatomie sur lequel les auteurs sont unanimes, c’est 
la nature des fibres qui composent la paroi musculaire de l'utérus : ce 
sont des fibres lisses, ou fibres-cellules, et elles se présentent ici, en raison 
de l’hypertrophie qu’elles subissent par le fait de la grossesse, dans des 
conditions éminemment favorables pour l'étude. Non seulement l'absence 
de tout élément musculaire autre que la fibre lisse ressort des descrip- 
tions des histologistes, qui se sont occupés plus spécialement de la texture 
musculaire de l'utérus (Kôlliker (1), Ch. Robin (2), Rouget (3), etc., ete.), 
mais le même fait est affirmé dans les descriptions d'anatomie comparée, 
ainsi qu’on pourra s’en rendre compte en lisant le travail très documenté 
que À. Pilliet a consacré à cette question (4). 

J'ai eu l’occasion d'observer, avec toute la netteté désirable, un fait qui 
déroge à la loi précitée, et d'examiner une paroi d’utérus en involution 
post-puerpérale, dans laquelle l'élément musculaire strié était riche- 


(1) Traité d’histologie, trad. M. Sée, 1868. 

(2) Dict. Enceycl. des Sciences, médic., art. musculaire (Tissu). 

(3) Journal de la physiologie de Brown-Séquard, 1858, 2 partie, p. 479. 
(4) Bulletin de la Société zoologique, 1886. 


122 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


ment représenté. Le cas se rapporte à une jeune femme de vingt-quatre 
ans, morte à l'hôpital Beaujon dans le service de M. Guyot, d’une scarla- 
tine port-gravidique compliquée d'infection secondaire généralisée par le 
staphylococeus pyogenes aureus (1). 

C’est en examinant des coupes de la paroi utérine, pour y déterminer 
la topographie microbienne et me renseigner sur l’origine placentaire 
possible de cette infection secondaire, que j'ai été amené à constater 
l’existence de fibres striées. Le fragment soumis à l’étude avait été 
recueilli au milieu de la face postérieure, tout près du fond de l'organe, 
au niveau même de l'insertion du placenta. 

Voici les principaux renseignements que fournit l’analyse de la prépa- 
ration que j'ai l'honneur de soumettre à la Société : 

C’est vers le milieu de l'épaisseur de la coupe, en pleine paroi utérine, 
par conséquent, qu’existe la zone pourvue de fibres musculaires striées. 
Cette zone correspond environ au tiers de l’épaisseur totale de la paroi ; 
elle est un peu plus éloignée de la séreuse dont la sépare une large 
couche à faisceaux lisses très serrés, que de la surface interne ; de ce 
côté, on ne trouve plus que quelques minces couches musculaires lisses 
et les parties essentiellement vasculaires et villeuses qui marquaient 
l'insertion du placenta. La zone pourvue de fibres striées est moins 
dense, moins serrée que le reste: les strates qui la constituent sont 
même séparées par l’interposition d’un tissu lâche conjonctivo-vasculaire. 
Particularité intéressante, dans ce dernier tissu se voient des lobules 
adipeux nettement dessinés. Les fibres striées sont parallèles aux faces 
de l'utérus, et de plus, étant donné l'orientation des coupes, il est certain 
que leur direction générale est transversale. Toutefois, soit par le fait de 
la rétraction utérine, soit en vertu d’une disposition sinueuse comparable 
à l’arrangement plexiforme que Ch. Robin a bien décrit pour la couche 
lisse moyenne, les fibres striées ne montrent jamais une grande longueur 
et ont été interrompues de distance en distance par les sections. Chaque 
fibre est rigoureusement calibrée dans toute sa longueur visible, abstrac- 
tion faite de l’obliquité des sections qui l’interrompent ; mais le diamètre 
des différentes fibres est très variable pour des fibres juxtaposées. Les 
plus larges ont un diamètre tout à fait semblable aux plus larges fibres 
du système volontaire général; les plus minces alteignent à peine le 
quart du diamètre précédent, et l’on trouve entre ces deux extrêmes 
tous les intermédiaires. Il ne semble exister aucun groupement parti- 
culier des fibres, les unes par rapport aux autres ; tantôt plusieurs fibres 
de calibre différent sont en contact immédiat ; ailleurs on trouve une 
seule fibre ou un petit groupe perdus au milieu soit des faisceaux lisses, 
soit du tissu ceilulo-adipeux. Les fibres larges s’aperçoivent aisément et 


(1) Dans un travail en préparation, je rapporterai en détail l’histoire de 
cette scarlatine anormale. 


SÉANCE DU Ô FÉVRIER 193 


sont d’une grande netteté, même à de très faibles grossissements. Mais 
c’est seulement en examinant les préparations avec de forts grossisse- 
ments qu’on peut constater combien les groupes striés sont plus déve- 
loppés qu’on ne pourrait le soupçonner au premier abord. Il arrive même 
qu’on apercoive au centre d'un faisceau conjonetif un mince filament 
tout à fait ténu, ayant pris la couleur à la manière de la substance 
musculaire, et dans lequel un fort objectif met en relief la striation carac- 
téristique. Quelques fibres sont nettement ramifiées. 

La structure générale de ces fibres musculaires striées parait tout à 
fait conforme aux descriptions classiques. La striation est très accusée, 
régulière pour le calibre et la succession des disques clair et opaque. Le 
nombre des noyaux est seulement augmenté d’une manière très sensible. 
En quelques points, sur le bord des fibres, la superficialité des noyaux 
est très nette : dans ces parties l’aspect de la fibre permet sinon d'affirmer, 
du moins de soupçonner bien justement la disposition sous-sarcolem- 
mique des noyaux et, par suite, l’existence d’un sarcolemme régulier. 

La même structure existe généralement pour toute la continuité d'une 
fibre donnée. Il faut seulement noter qu'on trouve entre les fibres striées 
transversalement, des fibres à même réaction histo-chimique, un peu lon- 
gues et bien calibrées, et qui ne présentent qu’une striation longitudi- 
nale. Ces éléments paraissent certainement différents, d'une part, des 
fuseaux musculaires lisses, d'autre part et plus encore des fibres striées 
ordinaires. 

La terminaison des éléments striés est possible à apprécier nettement sur 
quelques points : elle se fait en un cône régulier, court ou effilé, ou bien 
s'arrondit en une pointe mousse. Au delà, le tissu interstitiel est parfois 
assez serré, homogène, à fibres pressées et même parallèles; on voit 
même quelques figures qui rappellent singulièrement les cellules plates 

* des tendons; mais il est impossible de dire, même approximativement, 
s’il y a en réalité un cône tendineux pour emboîter le cône musculaire 
plein. 

À part ces dispositions, à part aussi les infiltrations cellulo-élastiques 
et adipeuses qu’on trouve dans la zone précédente, le reste de la paroi 
utérine ne présente, au point de vue architectural, aucune autre particu- 
larité digne d’être signalée. L'élément musculaire lisse se présente avec 
ses caractères habituels. 

Tel est le fait qu'il m’a été donné d'observer, et telles sont les condi- 
tions anatomiques générales de l'élément musculaire strié dans la paroi 
utérine dont je présente les coupes. 

On ne peut méconnaître la singularité de ce fait. Il ne peut s'agir ici 
d’une anomalie morphologique analogue à celles que Ch. Robin rapporte 
dans le travail cité plus haut. Cet auteur, en effet, a observé dans l'utérus 
gravide « des espèces de renflements ou nodosités qu'on rencontre au 
nombre de un à dix selon la longueur des fibres-cellules.… Ces renfle- 


124 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


ments se présentent sous forme d’une ligne claire, large de 1 à 3 millièmes 
de millimètre, limitée de chaque côté par une ligne plus foncée que tout 
le reste de l'élément ». Or, ni cette description, ni surtout la figuration (1) 
que Robin donne des éléments qu’il a en vue ne permettent aucun rap- 
prochement, aucune confusion avec ce que montrent mes préparations. 
Il s’agit bien ici de fibres striées typiques, tout à fait analogues à celles 
des muscles volontaires. 

Ch. Robin dit encore plus loin, à propos des fibres-cellules, que « l'alcool 
les resserre, les rend finement et régulièremnt onduleuses, quand le tissu 
a séjourné longtemps dans ce liquide, et cela au point qu'il peut leur 
donner un aspect strié en travers ». Que signifie cette dernière affirma- 
tion? Robin a-t-il observé réellement des fibres striées associées aux 
fibres lisses? Cela est possible, mais ne saurait être affirmé sur cette 
simple phrase. En tous cas, l’auteur ne dit pas si cette dernière parti- 
cularité a été vue sur le muscle utérin, ou sur tel autre organe à fibres 
lisses. 

Il est malheureusement impossible de tirer du fait que je présente 
aucune déduction utile, de fournir aucune explication plausible de cette 
anomalie musculaire, de soupçonner où pouvait commencer et où finit cet 
appareil singulier. On ne peut même préjuger qu’elle eût pu être la 
signification physiologique de ces groupes de fibres striées. Il semble 
bien, en tous cas, qu’elles aient obéi à la loi d'hypertrophie à laquelle 
est soumise pendant la grossesse la tunique musculaire de l'utérus. 

Quoi qu’il en soit, et quoique ce cas reste une simple trouvaille micros- 
copique, j'ai pensé qu'il méritait une mention à titre de curiosité histo- 
logique. Il est très désirable que des faits analogues, étudiés dans de 
meilleures conditions, puissent servir à élucider quelques points de l’ana- 
tomie générale du système musculaire, el en particulier la succession 
graduée des formes intermédiaires entre la fibre lisse la plus élémentaire 
et la fibre striée la plus parfaite. 


(1) V. les planches à la fin de l’article précité. 


Le Gérant : G. MASSoN. 


Paris. — Typographie Gaston Née, 1, rue Cassette. — 5732. 


PR RE VS 


D = PTT 


125 


———— 


SÉANCE DU 13 FÉVRIER 18992 


M. Méexn : Acariens des oreilles, chez le Chat, le Furet et le Chien. — M. RaïLLiEt : 
Simples remarques historiques sur l’otacariase des Carnivores. — MM. A. GILBERT 
et G. Lion : Des paralysies produites par le bacille d’Escherich. — MM. CuamBrE- 
Lent et Demonr : Recherches expérimentalss sur la toxicité de l’urine dans les der- 
niers mois de la grossesse Mémoires). — MM. Cu. FéRé et L. HergerT : Note sur 
l'accumulation du bromure de potassium en particulier dans les différentes parties 
du système nerveux. — M. le Dr CHarLes Finor : De l'albuminurie transitoire chez 
l'homme sain. — M. Joanxes Cnarin : Contribution à l'étude des éléments épider- 
miques chez les Nématodes. 


Présidence de M. Laveran. 


ACARIENS DES OREILLES, CHEZ LE CHAT, LE FURET ET LE CHIEN, 


par M. MÉGniIN. 


Si j'avais été à la séance de samedi dernier, dont je lis le compte 
rendu dans le Bulletin, lorsque M. Raïlliet a fait sa communication, je 
n'aurais pas manqué de réclamer contre l'oubli systématique dans lequel 
l’orateur laissait mes travaux sur les Acariens du Chat, du Furet et du 
Chien, que j'ai communiqués à la Société, en 1878, 1881 et 1883. Cepen- 
dant, c’est moi qui ai découvert l’Acarien des oreilles du Furet et de celles 
du Chat, et décrit les symptômes qu’il provoque, symptômes qui sont si 
différents chez ces deux animaux ; j'ai, de plus, fait connaître le premier, 
les épidémies d’épilepsie grave que le même parasite détermine dans 
les meutes de chiens courants; j'ai fait le premier l’étude méthodique et 
complète de l’Acarien en question que j’ai nommé Chorioptes, ou Sym- 
biotes ecaudatus, nom qu’on essaye même de lui enlever en faisant un 
accroc aux lois sur la nomenclature zoologique. 

La seule chose de la communication de M. Raiïlliet réellement neuve, 
ce sont les expériences de transmission du parasite d’un animal à 
l’autre, expériences très intéressantes, et ce n’est pas moi qui en nierai 
la valeur ; mais, tout le reste, je l'avais dit avant MM. Railliet et Cadint 
et j'en réclame formellement la priorité. 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9° SÉR!E, T. LV. 6 


1926 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


SIMPLES REMARQUES- HISTORIQUES SUR L'OTACARIASE DES CARNIVORES. 


Note de M. RAILHET. 


- Je suis extrêmement surpris de la réclamation qu’a cru devoir formuler 
M: Mégnin, mais je.me hâte de dire que je ne saurais en être fâché. | 

- J'en suis surpris, car le travail que nous avons présenté à la Société, 
M. Cadiot et moi, ne comporte pas un mot d'historique. Nous avons 
apporté des faits, — des faits nouveaux, el comme observations, et comme 
expériences, — et il me semble qu'un historique complet eût été déplacé 
à celte occasion. On présente l' histoire d'une question quand on écrit un 
mémoire ; mais il ne paraît pas indiqué de le faire quand on publie une 
simple note. J'en suis donc à me demander pourquoi 1l nous aurait fallu 
parler de M. Mégnin plutôt que de tous ceux qui se sont occupés de la 
question. Et je n’hésite pas à déclarer qu'il y a là de notre part, un oubli 
sinon systématique, comme le dit notre collègue, du moins absolument 
voulu, et fondé. js 

Je dis, en outre, que je ne puis pas être fâché de celte revendication de 
priorité, car elle va me donner l’occasion de remettre les choses au point, 
_et de rendre à César ce qui appartient à César. Pour cela, je suivrai pas 
à pas les termes mêmes de la Note déposée sur le bureau. 

« C'est moi, dit M. Mégnin, qui ai découvert l’Acarien des oreilles du 
Furet et de celles du Chat. » Pour celui du Furet, c’est exact : M. Mégain 
a retrouvé, chez le Furet, la même espèce de Symbiote qui avait été vue, 
longtemps avant lui, chez d’autres Carnivores. Mais, en ce qui concerne 
le Chat, M. Mégnin sait très bien que Ch. Huber, de Memmingen, avait 
vu le parasite plus de quinze ans avant lui (Société d’hist. nat. d’Augs- 
burg, 1860), et qu'il en avait reconnu la nature véritable, puisqu'il l'apr 
pelait Symbiotes felis. | 

: C’est moi, dit-il encore, « qui ai fait connâitre, le premier, les épidé- 
mies d’épilepsie grave que le même parasite détermine dans les meutes 
de Chiens courants ». À ce sujet, il faut s'expliquer. Si cela veut dire qu’il 
a signalé, le premier, la présence de l’épilepsie d'origine acarienne dans 
une meute, je n'ai pas à y contredire; mais si cela prétend indiquer la 
découverte des convulsions épileptiformes produites par l’acariase auri- 
culaire chez le chien, c'est une tout autre affaire, car ces convulsions sont 
très nettement décrites dans un mémoire Sul’ acariasi del condotto udituvo 
esterno communiqué, en 1876, à l’Accademia fisio-medico-statistaca. de 
Milan, par Melch. Guzzoni, mémoire que M. Mégnin connaît bien, puis- 
qu’il en a publié une analyse, mais dont cependant il ne « souffle mot », 
pour employer son expression, dans ses communications sur l'épidémie 
d’épilepsie dont il s’agit. 

M. Mégnin dit encore qu'il a, le premier, nommé l’Acarien en question 


DL KE ARE GE LC 


RER RS PT ST RE TE OO DES LOS EE TE EN PTT RER PE 


Due 2 


SÉANCE DU 13 FÉVRIER 197 


« Chorioptes ou Symbiotes ecaudatus, nom qu’on essaye même de lui enle- 
ver en faisant un accroc aux lois sur la nomenclature zoologique ». Voilà 
vraiment une imputation bien peu réfléchie. L’Acarien de l'oreille des 
Carnivores a été découvert, en effet, en 1834, par Hering, dans l'oreille 
d'un Chien, et décrit par lui sous le nom de Sarcoptes cynotis (Nova acta 
Acad. nat. cur., 1838); en 1841, P. Gervais l’a séparé du genre Sarcoptes 
en lui donnant le nom de Psoroptes cynotis. Reirouvé plus tard chez le 
même hôte par. Sallé, il fut décrit en 1849,:par Lucas et Nicolet, sous le 
nom de Sarcoptes auricularum (Annales Soc. entom., p. XxXxIv). Puis 
vinrent les observations de Huber sur le Chat (Symbiotes felis, 1860), de 
Bendz sur le Chien (Symbiotes canis, 1862), de Hering (1863):et-de 
Schirmer, également sur le Chien (Dermatophaqus canis Zürn, 1874). 
Ce n’est qu'après toute cette série que nous arrivons à l’observation de 
Broquet sur le Chat, à l’occasion de laquelle M. Mégain décrivit l’Acarien 
sous le nom de Chorioptes ecaudatus var. catotis (1876). Il est donc bien 
évident, d’après cela, que les noms de Symbiotes cynotis et S. auricularum 
ont — et de beaucoup — la priorité, et que, par conséquent, ce n’est pas 
fous qui donnons un accroc aux lois de la nomenclature zoologique, 
mais bien notre contradicteur. | fl 
:: En terminant, M. Mégnin veut bien reconnaître à nos expériences ün 
réel intérêt, « mais tout le reste, ajoute-t-il, je l’avais dit avant MM. Rail-: 
liet et Cadiot, et j'en réclame formellement la priorité ». Le reste, ce 
sont les deux observations que nous avons rapportées; et j'espère bien. 
que M. Mégnin ne veut pas nous en contester la propriété. Nous ne les 
avons pas données, d'ailleurs, comme les premières du genre, et nous 
avons seulement signalé comme nouveau, — ce que nous maintenons, — 
le fait de convulsions épileptiformes produites chez le Chat par les Aca- 
riens auriculaires. Dans le cas de Broquet, il n’était question que « d’ accès 
frénétiques et même vertigineux ». 

Et maintenant, je me demande ce qui reste des revendications de prio- 
rité de M. Mégnin, sinon la preuve péremptoire que c’est à lui, et non à 
nous, qu'il faut attribuer « l'oubli systématique » des travaux de ses 
devanciers. 


DES PARALYSIES PRODUITES PAR LE BACILLE D'ESCHERICH, 


par MM. A. GILBERT et G. Lron. 


I. — Les inoculations du bacille commun du côlon au lapin ne sont 
pas toujours suivies des effets qui ont été décrits par Escherich. 

Dans un certain nombre de cas, les animaux survivent aux “accidents 
diarrhéiques et aux phénomènes comateux qui sont la conséquence 


128 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


immédiate des inoculations, et peuvent alors guérir complètement ou 
succomber ultérieurement au milieu de symptômes paralytiques sur les- 
quels nous désirons, dans celte note, attirer l'attention. 

Ainsi, sur une série de 13 lapins inoculés par la voie intra-veineuse 
avec ! centimètre cube de cultures âgées de 1 à 10 jours (1), nous n'avons 
vu que à animaux mourir dans un laps de 10 à 40 heures, selon le mode 
indiqué par Escherich. Sur les 8 autres animaux, 2 vivent encore actuel- 
lement (2); 2 sont sont morts au bout de 19 et 87 jours; les 4 derniers 
enfin ont succombé après avoir offert des troubles paralytiques. 

Ces # animaux avaient été inoculés avec des cultures âgées de 1, 5, 6 
et 8 jours. 

Chez le lapin inoculé avec la culture âgée de 5 jours, la maladie a 
évolué d’une façon nn peu particulière. La paralysie a débuté le 12° jour. 
Tout d’abord s’est montrée une hémiplégie qui s'est progressivement 
transformée en une paralysie des 4 membres. La mort est arrivée le 
19° jour. L'examen histologique de la moelle n’a permis de découvrir 
qu'une légère congestion des vaisseaux. Les cellules des cornes anté- 
rieures de la moelle étaient saines; il n’existait pas trace de méningite 
hémorragique ni fibrino-leucocytique. 

Les 3 autres lapins furent pris de diarrhée, cessèrent de manger, 
restèrent abattus, immobiles dans leurs cages et maigrirent rapidement. 
Ils perdirent ainsi de 260 à 305 grammes en une semaine environ. Au 
bout de ce temps, il se produisit une amélioration, marquée par le retour 
de la vivacité, de l’appélit et une augmentation de poids de 35 à 
90 grammes. 

Mais bientôt Le train postérieur commença à s’émacier et une paraplégie 
se déclara 28 à 49 jours après l'inoculation. Les animaux moururent de 
5 à 22 jours après l’apparition de la paraplégie, ayant perdu de 380 à 
530 grammes de leur poids primitif. À l’autopsie, les viscères étaient 
sains. La moelle semblait saine ou peut-être légèrement ramollie; à 
l'examen histologique, elle présentait des lésions que nous ne voulons 
que sommairement indiquer ici, nous proposant de décrire en détail, 
dans une note ultérieure, les altérations neuro-musculaires offertes par 
les animaux qui succombent aux paralysies coliennes. 

L’altération porte sur la substance grise de la moelle. Dans Ia région 
lombaire, de nombreuses cellules sont modifiées. Quelques-unes ont un 
protoplasma grenu, non teinté par les réactifs et un noyau atrophié ou 
invisible. D’autres, el leur nombre est beaucoup plus considérable, sont 
atrophiées, ralatinées, réfringentes et vivement teintées. Elles ne pos- 
sèdent point de noyau ou ne sont pourvues que de noyaux peu visibles et 


(4) Ces cultures ont eu pour point de départ le bacille d'Escherich extrait 
des selles normales d’un homme adulte. 
(2) Ces lapins ont été inoculés en mars et mai 1891. 


RES EE Et TEE 
RH MG RTS 


SÉANCE DU 43 FÉVRIER 199 


la plupart de leurs prolongements ont disparu. Leur atrophie est telle 
que sur certaines coupes leur nombre semble notablement diminué et 
qu’elles se distinguent difficilement au sein de la névroglie très granu- 
leuse et anomalement colorée par le carmin. 

L'on voit done qu'il s’agit d’une véritable myélite centrale d’ origine 
infectieuse comme dans les cas de M. Roger (1), et l’on voit de plus que 
les altérations cellulaires ne sont pas semblables à celles qu'a observées 
et décrites cet expérimentateur (2). 

II. — L'on peut émettre l'hypothèse que certaines paralysies humaines 
dont le mécanisme pathogénique est resté jusqu’à ce jour mystérieux 
relèvent de l’action du bacille d'Escherich. 

Il en est ainsi des paralysies intestinales et des paralysies urinarres. 

Nous avons montré (3) que le bacille d'Escherich peut amener le déve- 
loppement d’une entérite cholériforme, et que, parfois même, il est capa- 
ble de franchir les parois de l'intestin pour infecter l'organisme entier. 
L’entérite dysentériforme (4) et la plupart des entérites infantiles (5) dé- 
couleraient également de son activité pathogénique. Ne peut-on supposer 
que les paralysies rencontrées chez l'homme au cours des entérites-et des 
diarrhées relèvent d'une altération médullaire causée par le bacille d'Es- 
cherich comme chez les animaux expérimentalement infectés ? 

En ce qui concerne les paralysies urinaires, le rôle du bacille d’Esche- 
rich dans leur production est encore plus vraisemblable. L'on sait qu’elles 
apparaissent essentiellement au cours des cystites et des pyelo-néphrites 
suppurées, qu’elles revêtent ordinairement la forme paraplégique et que, 
dans certains cas, elles ont une véritable myélite pour substratum anato- 
mique (6. L'on sait, d'autre part, depuis les recherches de MM. Achard et 


(1) Roger. Atrophie musculaire progressive expérimentale. Comptes rendus 
de l’Acad. des sciences, 26 oct. 1891. , 

(2) Des paralysies infectieuses expérimentales ont été produites (voir Gil- 
bert et Lion : Des paralysies infectieuses expérimentales, Gazette hebdomadaire, 
juin 4891) avec le microbe pyocyanique (Babinski et Charrin), le microbe 
d’endocardite (Gilbert et Lion), le bacille de la diphthérie (Roux et Yersin), le 
bacille de la tuberculose aviaire (Grancher, H. Martin et Ledoux-Lebard), le 
bacille de la tuberculose. humaine et le staphylococcus pyogenes aureus (Gil- 
bert et Lion). Mais dans-aucun: de ces cas on n'avait trouvé de lésion macros- 
copique ou microscopique appréciable du système nerveux. 

(3) Gilbert et Girode. Contribution à l'étude clinique et bactériologique du 
choléra nostras. (Sociélé.médicale. des hôpitaux, 6. février 1891.) 

(4) G. Lion et Marfan. Deux cas d'infection générale apyrétique par le ba- 
_cillus coli communis dans le cours d’une entérite dysentériforme. (Soc. de bio- 
logie, 24 oct. 1891.) . 

(5) Lesage. Bull. Soc. méd. hôp.,-1892. 

(6) Charcot. Des paraplégies urinaires. Leçons sur les maladies du système 
_nerveux, t. II, p. 295. HQE 


Le AE ES Fr ES HS SE 


430 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Renaut que le bacille d'Escherich est le grand agent des infections sup- 
puratives des voies urinaires. N'y a-t-il point dans cet ensemble de 
conditions, — étant donnés les résultats de l’inoculation du bacille d’'Es- 
cherich aux animaux, — un fondement sérieux pour cette supposition 
que les paraplégies urinaires sont imputables — au mcins dans ua certain 
ITTATE de cas — à l’action du bacille d’ JERRe HAL 


RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LA TOXICITÉ DE L'URINE DANS LES DER- 
NIERS MOIS DE LA GROSSESSE, -par MM. CHAMBRELENT et DEemonr. (Voir 
Mémoires du présent volume, p. 27.) 


NOTE SUR L'ACCUMULATION DU BROMURE DE POTASSIUM 
EN PARTICULIER DANS LES DIFFÉRENTES PARTIES DU SYSTÈME NERVEUX, 


par MM. Cu. Féré et L. HERBERT. 


Nous avons, dans deux Notes précédentes, étudié l'accumulation du bro- 
mure de potassium dans les différents tissus (1). Nous avons cru qu'il 
pourrait être intéressant de continuer cette étude en recherchant la quan- 
tité relative de bromure accumulé dans les différentes parties du système 
nerveux. 


OBs. I. — F..., trente et un ans, épileptique depuis l’âge de dix-neuf ans, 
avait des accès, des vertiges et des secousses, a été soumis à la bromuration 
progressive. 


Aa vrA ASS AO ETS EU AD ER MERE" 4 
Ler juillet 1887 aSoze rare die tit aies lens 
PATENT ASS OS Cafe UN Sc Aer nee — 
10 juillet 1888. . . 7 
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3 décembre ASDOME AUS ES HOTTE VE — 
der juin AS via 0 nee ele MES 


Le 23 janvier 1892 il fut pris d’un érysipèle de la face auquel il succomba le 
28. Le bromure a été supprimé le 23. 
Le tableau montre les effets du bromure, 


(1) Comptes rendus de la Société de Biologie, 1891, p. 670 et 769. 


Sr 2 ain 


DTA ENT 7 ATERSE 


F à Lin d L 
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ré 
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Janvier. . 
Février. 

| Mars. . 
Avril. 
Mai ">. 
| Juin. 
Juillet . 
Août. 
Septemb. 
Octobre . 
Nov . 
Déc. . 


Totaux... 
Moyennes 


mensuelles.|! 


SÉANCE DU 13 FÉVRIER 


1886 1887 


188 


DEOESOS RS 


LS 
Ÿ 


2,25183,1612,3911,25 


8 1889 


D 
A 


= — 


1 


131 


1890 1891 |1892 


Vertiges 


| 
| 


23 | 40 | 71e 2 oo 


3 |0,5811,9110,8310,58/0,461 0 | 0 


La recherche du bromure a donné les résultats suivants : 


Cerveau, lobe frontal . 
— lobe occipital. 


Foie 
Muscle (psoas). DT 
Peau (de l'abdomen). 
Graisse (sous-cutanée abdominale). 


Os. II. 


0,061 p. 100 
Dire 

01060 à — 
D'Orelne 
OIDSONNOE 
DO 

0063 VUE - 
D'OPRUUEE 


— C..., âgé de vingt-cinq ans, épileptique dès l'enfance, a des accès 
et des vertiges. Il est soumis à la bromuration progressive depuis le mois de 


juin 1887. 


10 juin 1887 . . 


28 janvier 1888 . 


10 juillet 1888. 


5 décembre 1888. 
23 septembre 1889 . . 


novembre 1889. 


D -I1 -1 


- décembre 1890. 


20 décembre 1890. . . . 
9 février 1891 . . 


12 mars 1891 . 
28 mai 1891 . . 


décembre 1889 . à 


OO PTE ONIENENIC 


MO INEO 


AORLUINAIN OMS PEN UNS à : : ae 


28 juillet 1891. 


4 grammes. 


132 _ SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


—_—— + 


Du 17 octobre 1891 au 16 janvier 1892 il a pris 6, 7 et 8 grammes de borax. 
Le bromure de potassium supprimé pendant ce temps a été repris jusqu'au 
1er février. Le malade a succombé le 2 à une broncho-pneumonie suite d'in- 
fluenza. 


Le tableau des accès est intéressant, en ce qu'il montre bien l'action 
momentanée du médicament. 


1886 1887 1888 1889 1890 1891 |1892 


| 
| 


Vertiges 
Vertiges 
Vertiges 


SX | Vertiges 


Janvier. . 
Février. . 
Mars. . . 
AVE x 
Mai . . 
Tnt 200 
Juillet. . 
AOÛT 
Sept... 
Octobre . 
NOV re 
Déc . 


Ars 


LS 
EDEN = © OO D & 


© 1 O0 CO OR © 
> 


Totaux. . 


Moyennes ï ls 
mensuelles.|13, 25|12,41/12,4112,35110,0811,6613,9113, 9110, 83 


La recherche du bromure a donné les résultats suivants : 


Cerveau, lobetirontal ee me Se 00,058 pe O0 
— lobe “occipital Pure EN r60/059 — 
BUTDE RUE NA E On en TES — 
Ce OleLERA AAA ER e  DGT — 
Moelle Rs near Ars D;D 60 — 
Nerfs (plexus lombo-sacré) - . . .:. . . . 0,068 — 
ol RS Re Da es Ne LR ET O1 (DE) — 
Muscle (psods) NP AE Re A OI. 
Cheveux ENCRES a A néant — 


Ces deux analyses semblent indiquer une certaine prédominance de 
l’accumulation dans ls cervelet comparativement aux autres parties des 
centres nerveux, mais surtout dans les nerfs. 


(1) On & opéré sur 30 grammes. 


SÉANCE DU 13 FÉVRIER 133 


DE L’ALBUMINURIE TRANSITOIRE CHEZ L'HOMME SAIN, 


par M. le D' CuaRLes Finor, 


Médecin stagiaire au Val-de-Grâce. 


En 1865, Gubler écrivait dans le dictionnaire de Dechambre : « Il 
n’est pas impossible, tant sont indécises les limites de la santé et de la 
maladie, de trouver de l’albumine dans l'urine des gens bien portants. » 

Avant lui, cette idée;avait élé émise en 1857 par Gigon, d'Angoulême, 
et depuis, bien des recherches furent entreprises dans ce sens. Nous 
trouvons d’une part des observations isolées, comme celles d'Ultzmann, 
d'Edlefesen, de Duckes, de Furbringer, de Marcacci, etc., où unindividu, 
quelquefois deux, atteints d’albuminurie transitoire, sont suivis avec 
soin. D’autre part, Leube, en Allemagne, Capitan et de Châteaubourg en 
France, ont fait des expériences sur un grand nombre d'hommes en 
variant les conditions, mais l'examen des urines des sujets en expérience 
n'a été fait qu’un très petit nombre de fois. 

Il est facile de concevoir l'insuffisance relative de ces deux modes 
d'investigation pris séparément ; comment généraliser d’après la seule 
étude d'une idiosynerasie individuelle ? Comment apercevoir Jes lois 
individuelles et les facteurs étrangers qui règlent l'apparition de l’albu- 
minurie transitoire, quand on ne l’étudie que pendant quelques jours, 
sur des sujets constamment changés ? 

Dans des recherches entreprises à l’École du service de santé militaire 
de Lyon, j'ai cherché à combiner les deux modes d'investigation précé- 
demment décrits, et à tirer de chacun d'eux les indications qu’il pouvait 
fournir (1). 

Les expériences ont porté sur dix-sept élèves de l’École, dont les obser- 
vations ont été prises pendant trente-cinq jours consécutifs. Le double 
entrainement cérébral et corporel auquel ils étaient soumis les plaçait 
dans des conditions bien déterminées, dont l’étude, jointe à celle des 
antécédents, pouvait donner un aperçu de leur modalité organique. 
D'autre part, il fallait tenir compte des diverses phases de cet entraîne- 
ment, alternances de repos et de fatigue, et des influences cosmiques 
extérieures ; aussi, les urines étaient-elles examinées deux fois par jour : 
le matin avant tout travail, ou après une heure de cheval; dans la 
journée, au repos ou après une lecon d'escrime. 

L'examen fut fait par la chaleur et l’acide acétique, par le réactif de 
Tanret et par l'acide nitrique : aucun résultat ne fut considéré comme 
positif sans la concordance de ces trois réactions. 


(1) Ces expériences ont été publiées en détail dans une thèse de Lyon (Ch. 
Finot. De l’albuminurie intermittente irrégulière; Lyon, 1892). 


134 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Sur dix-sept sujets observés dans ces conditions, trois seulement ue 
furent jamais albuminuriques. Les autres présentèrent tous de l’albumine 
dans les urines, plus ou moins souvent, il est vrai. 

795 analyses d’urines furent ER et donnèrent 92 cas d’albu- 
minurie ainsi répartis: ait 


99 cas le matin! . . . . sur 397 analyses ; proportions: 5,5 p. 400. 


98 — dans la journée : — 9241 _e ma 41,6 -p. 100: 
16 -— après le cheval . — 94 — _—. 17,02 p. 400: 
26 — ‘après l'escrime. — 63 SEC IT A ,2 p:100. 


. 


L'étude de ces données numériques, comparée à celle: de chaque 


observation dans laquelle on recherchait l'influence des prédisposilions 
individuelles et des circonstances accidentelles nous paraît justifier 
les conclusions suivantes : | 


- 4e Il existe un facteur individuel, cause prédisposante d’albuminurie- 


intermittente irrégulière. 

% Ce facteur individuel paraît être sous la dépendance de l'hérédité, 
des antécédents morbides, et de conditions physiolugiques encore non 
définies. | 


- 3° Les albuminuries de fatigue sont celles don la proportion est Ja 


ne élevée : très peu de sujets (4/17) leur échappent. 
° La digestion exerce une influence positive sur la production de 
Ê aibhbénäties 8189: 
5° Les abaissements de la pression a un produisent l’albu- 
minurie, mais cette action ne se manifeste clairement que le matin, ou 
dans la journée, en dehors de toute influence de faligue. 


L'analyse dtabilatine de l’albumine fut faite 56 Foie. après les exercices 


du corps, de la globulinurie se rencontra 24 fois, et de la serinurie 


Q fois; au repos, la serinurie fut constatée 19 fois. 


Cette albuminurie intermittente irrégulière trouve une explication: 


naturelle et physiologique à la fois dans des états dyscrasiques légers ét 
passagers et dans des troubles circulatoires mécaniques, dont la pro- 
duction se rattache aux modifications organiques et aux influences 
extérieures. 


: tar: 


| ES 
TU à S 


CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES ÉLÉMENTS ÉPIDERMIQUES CHEZ LES NÉMATODES, 


par M.- Joannes CnArin: 


Considéré dans son ensemble, le tégument des Nématodes se montre 
formé par deux couches : la eutienle CL épiderme (hypoderme de divers 
auteurs). 

Tandis que la cuticule est constamment décrite avec un soin minutieux, 
l’épiderme se trouve à peine mentionné et très diversement interprété. 
On doit vraisemblablement chercher l'explication de ces divergences dans 
le choix trop exclusif des sujets d'étude. 

Les recherches histologiques sont presque constamment limitées à 
quelques types de grande taille (Ascarides, etc.) ; or, chez eux, la cuti- 
cule atteignant toujours une notable épaisseur, sa formation entraîne dans 


l'épiderme, dont elle émane, de profondes altérations qui modifient rapi- 


dement la texture originelle. 

Aussi la plupart des descriptions représentent-elles l’épiderme des 
Nématodes comme une couche anhiste et semée de noyaux ; peu d’obser- 
vateurs lui accordent une structure cellulaire ou la considèrent cemme 
purement apparente, la rapportant à l’entrecroisement de fibrilles mus- 
culaires. 

Il est cependant facile de mettre en évidence la réelle constitution de 
l’épiderme, en l’examinant chez certaines espèces de petite taille dont 
la cuticule est mince et soumise à des mues fréquentes. Les Anguillules 
fournissent à cet égard des préparations très démonstratives. J'avais pu 
déjà constater le fait sur plusieurs Leptodères et Pelodères ; récemment 
l’Heterodera Schachtii m'a permis de l’observer avec une grande netteté. 
C'est d'après cette espèce que je résume les différents états présentés par 
l’épiderme. 

Observé sur une jeune larve, dont la cuticule est à peine esquissée et 
ne se présente que sous l'aspect d'une ligne ombrée, l'épiderme se montre 
formé par des cellules à peu près cubiques et dont les contours sont faciles 
à délimiter. Le corps de l'élément est constitué par un protoplasma gra- 
nuleux ; le noyau est assez volumineux. 

Bientôt la cuticule s'épaissit et des modifications corrélatives appa- 
raissent dans les cellules épidermiques : leur protoplasma se trouble et, 


cette modification s'accentuant surtout dans la partie supérieure des 


cellules, leurs limites deviennent moins faciles à suivre; il semble qu’elles 
tendent à se confondre. 


Enfin toute distinction. s efface, même à ce niveau. L'épider me est en 


\ 


136 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


pleine activité formatrice; cependant il n'apparaît plus que comme une 
couche plasmatique, semée de nombreux noyaux. 

Tel est l'aspect sous lequel il a été généralement observé; mais on voit 
qu'il offre, au moins chez certains Nématodes, une structure initiale qui 
est incontestablement cellulaire. 


ERRATUM (Communication de M. Charles Henry). 


Page 103, ligne 1, au lieu de 2490, lire 49800 ; ligne 4, au lieu de 3486 
lire 697,2. 


Le Gérant : G. MAsson. 


Paris. — Typographie Gaston Née, 1, rue Cassette. — 5732. 


137 


SÉANCE DU 20 FÉVRIER 1892 


M. Jacques Passy : Sur les minima perceptibles de quelques odeurs. Réponse à 
M. Charles Henry. — M. P. Méani : Ün dernier mot sur la question de l’épilepsie 
acarienne de nos Carnassiers domestiques. — M. Rarzziier : Sur les convulsions 
épileptiformes provoquées par les Acariens auriculaires. — M. le D' Caprran : 
À propos de la note présentée à la séance précédente par M. le D' Charles Finot sur 
l’albuminurie transitoire chez l’homme sain. — M. Cuarzes Ricuer : Cécité psy- 
chique expérimentale chez le chien. — M. Cu. FéÉRé : Remarques sur la perte du 
sens moral chez le chien présenté par M. Richet. — M. MoYNIER DE VILLEPOIX : 
Note sur le mode de production des formations calcaires du test des Mollusques 
(Mémoires). — M. I. Srraus : Effets de l'inoculation du bacillus anthracis sur la 
cornée du lapin. — M. N. Gamazria : De laction des ferments solubles sur le poi- 
son diphtéritique. — M. Azrrep GrarD : Sur une Laboulbeniacée (Thaxteria Kün- 
ckeli nov. gen et sp.) parasite de Mormolyce phyllodes Hagenbach. — M. Fasre- 
DouerGue : Sur la désorientation de la cytodiérèse dans les cancers épithé- 
liaux. — M. GRéÉHaANT : Support destiné à maintenir le bras dans l'application 
du myographe dynamoimétrique. — MM. Peyrou et Turonmr : Résultats de 
mesures faites avec le myograplie dynanométrique de M. Gréhant. — M: GRéHanr : 
Loi de l'absorption de l’oxyde de carbone par le sang d’un mammifère vivant. — 
MM. E. Arécous et P. LaxGLois : Note sur l'action toxique du sang des mammifères 
après la destruction des capsules. — M. Azrrrep BINET : Structure d'un ganglion 
abdominal de Mélolonthien. £ 


Présidence de M. Laveran. 


SUR LES MINIMA PERCEPTIBLES DE QUELQUES ODEURS, 
RÉPONSE A M. CHARLES HENRY, 


par M. Jacques Passy. 


(Communication faite dans la séance précédente.) 


J'ai l'honneur de présenter à la Société quelques observations complé- 
mentaires sur les minima perceptibles d'odeurs. Je ne relèverai pas les 
expressions de M. Ch. Henry à mon égard. Il faut qu'il ait été singu- 
lièrement frappé par la justesse de mes observations pour perdre à ce 
point tout son sang-froid. Quant à moi, je tiens à conserver dans cette 
discussion deux avantages précieux, la courtoisie parfaite du ton et la 
clarté de l'exposition. 

1° Mon contradicteur pense que les substances dissoutes dans l'alcool se 
dissocient, cette hypothèse n’est pas exacte puisque le sujet, qui n’est 
jamais prévenu de 1a substance en expérience, perçoit et reconnait l’odeur 
caractéristique. Il est bien clair que si l’adeur subsiste, c’est qu’elle n’est 
pas détruite. S'il était vrai qu'il y eût dans une certaine mesure dissocia- 
tion, ce qu'il faudrait prouver, et ce qui, d’ailleurs, se produirait aussi bien 
dans l’air que dans l'alcool, cette disparition partielle de matière odo- 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9° SÉR!'E, T. IV. 1 


cr 


138 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


rante tendrait à donner des chiffres trop forts; les nombres véritables 
seraient donc plus éloignés encore de ceux de l’auteur. 

2° M. Ch. Henry fait une longue citation d'un manuel de parfu- 
merie dont je ne saisis pas l'opportunité. Il est bien clair que dans toute 
expérience sérieuse on ne doit employer que de l'alcool pur, et non les 
cognacs, esprits-de-vin et huiles de pommes de terre dont il est ici question. 

3° M. Ch. Henry ajoute qu’ « évidemment une grande partie de l'odeur 
resle en solution ». La solution n'’existant plus, cette objection manque 
de base (1). 

4° Enfin M. Cb. Henry pense « que des gouttelettes plus ou moins imper- 
ceptibles (?) viennent se condenser plus ou moins près (?) du nez de l’opé- 
rateur et que dans ces endroits, la vapeur émise par ces gouttelettes peut 
atteindre la tension maximum ». J'avoue ne pas comprendre comment 
une quantité insuffisante pour saturer même un centimètre cube d'air, 
comment cette quantité introduite au fond d’un flacon d’un litre de 
capacité, pourrait se réunir au point opposé du flacon, s’y condenser en 
gouttelettes et y atteindre la tension maximum (2). 

Je reprends maintenant les objections que j'ai faites dès le début aux 
chiffres de M. Ch. Henry, et auxquelles il s’est abstenu de répondre. J'ai 
évité jusqu'à présent toute discussion sur l’olfactomètre lui-même; 
devant la Société il me paraissait plus naturel et moins aride de laisser 
la question sur un terrain purement physiologique; d’ailieurs la meil- 
leure manière de critiquer un appareil consiste à examiner les chiffres 
trouvés par l’auteur lui-même, intéressé plus que tout autre à leur exac- 
titude. J'ai montré que ces chiffres sont jusqu'à dix’et douze millions de 
fois trop forts, et qu'ils sont en contradiction non seulement avec les 
miens, mais avec tous ceux qui ont été. publiés sur la question. Cette 
simple constatation suffit, je pense, à juger la valeur du procédé. Mais 
puisque l’auteur, évitant avec soin toute discussion sur les chiffres eux- 
mêmes, se retranche derrière la valeur théorique de son appareil, je suis 
forcé d'entrer dans quelques détails, que j’abrégerai le plus possible, et 
de montrer combien la base physique de l'appareil est erronée. 

Je ne veux pas priver l’auteur de ses calculs et de ses intégrales; 
mais ces calculs, sont mal appliqués. En effet, la loi physique sur 
laquelle ils s'appuient est la suivante: Si l’on considère un même liquide, 


(t) M. Henry « signale encore à la gaieté des physiciens cette phrase (il 
s’agit de la présence de l'alcool qui masque, parait-il, partiellement l’odeur) ». 
On en atténue l'importance par l'emploi d'un grand flacon et d’un compte- 
gouttes de faible section qui donne des gouttes de très petit volume; l'odeur 
de l’alcool est ainsi réduite au minimum » (sic). M. Henry ignorerait-il que 
le volume de la goutte dépend de la section du compte-gouttes ? 

(2) Cette disposition a été adoptée par M. Beaunis dans ses recherches sur 
le temps de réaction aux odeurs, mais dans des conditions absolument diffé- 
rentes, puisque l'air était injecté dans les narines et toujours saturé d’odeur. 


ET 


SÉANCE DU 20 FÉVRIER 139 


s’'évaporant, d’une part, à l'air libre. et, d'autre part, sous une membrane 

/ 
flexible, le rapport des quantités évaporées dans les deux cas : est 
un nombre constant, et égal pour tous les liquides à 0.65. Or, cette 
loi est absolument inapplicable à lolfactomètre. Elle suppose en 
effet, comme le reconnaît d’ailleurs l’auteur dans ses calculs, que la 
pression © de la vapeur au-dessous de la membrane diffusante est 
constante. Or, c’est ce qui n’a pas lieu; cette membrane de diffusion 
est un cylindre de papier, complètement recouvert au début de l’ex- 
périence, et découvert à la fin jusqu’à une certaine hauteur; cette tension 
est donc au début égale à la tension maxima F; elle diminue ensuite et 
varie pendant toute la durée de l'expérience. La loi n’étant plus appli- 
cable; le calcul reste en l’air. 

La partie physiologique de l'appareil est tout aussi critiquable. 
La partie supérieure consiste en « un tube de verre dont on enfonce 
l'extrémité dans les narines, ou dans une seulement, en bouchant 
l’autre ». Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'insister pour faire 
comprendre ce que l'introduction d’un corps étranger dans les narines 
a d’antiphysiologique et à quel point elle peut troubler l’olfaction (1). 

Enfin, l'auteur n'a pas remarqué qu'en soulevant le tube de son 
appareil il augmente le volume intérieur total de toute la hauteur del2 
partie soulevée; ilse produit ainsi un appel d'air de l’extérieur à l'inté- 
rieur et non seulement l’air de l'appareil ne se répand pas dans les narines, 
mais c’est au contraire l'air des narines qui reflue dans l’appareil. Si l’on 
parvient néanmoins à sentir quelque chose, c’est que l'odeur est tellement 
surabondante qu'elle parvient à se diffuser dans les narines malgré le sens 
inverse du courant d'air. Une aussi singulière distraction suffit à expli- 
qu'er les chiffres les plus extraordinaires. 

Je reviens maintenant à ces chifires. M. Ch. Henry n’a pas expliqué la 
contradiction que j'ai signalée entre les siens et ceux des auteurs qui 
l'ont précédé; il existe sur ce sujet des travaux classiques, ceux de 
Valentin : ses minima sont, je le répète, de dix mille à vingt mille fois plus 
petits que ceux de M. Ch. Henry; ils sont rappelés partout : par M. Fran- 
çois-Franck dans l’article Olfaction du Dictionnaire de Dechambre, par 
M. Beaunis, dans ses recherches sur les temps de réaction aux odeurs; 
par M. Buccola, dans ses travaux sur la même question; par M. Arohn- 
sohn, dans un travail récent et très intéressant sur l’olfaction dans 


(1) Un autre inconvénient de la méthode provient de ce fait que le sujet est 
obligé de porter son attention à la fois sur la sensation elle-même et sur le 
moment où elle se produit. Il doit, en outre, soulever le tube lui-même et d’un 
mouvement régulier. Cependant, dans ces expériences si délicates où les sen- 


sations sont sur la limite de la perceptibilité, il est essentiel de ne pas accu- 
muler les difficultés 


140 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


l'eau. Pourquoi M. Henry ne prononce-t-il même pas le nom de cet 
auteur. N’aurait-il pas eu connaissance de la littérature de la question? 
ou ne serait-ce pas plutôt que ne pouvant expliquer ces contradictions, il 
préfère les passer sous silence? Enfin, j'ai fait remarquer une impossibilité 
physique à propos du chiffre 2490 relatif à l’éther. Il est vraiment 
curieux de voir l’ingéniosité déployée par l’auteur pour se tirer de 
ce mauvais pas. « Celle expérience, dit-il, a été une véritable inhala- 
tion! » Le suget étant éthéromane, il y a eu anesthésie. Il est fâcheux 
que M. Henry ait attendu mes critiques pour donner cette explication; sa 
première interprétation était bien différente. Je me permettrai, d’ailleurs, 
de demander à la Société s’il est possible de s’anesthésier avec 2 milligr. 1/2 
d’éther? 

L'auteur, mal satisfait sans doute decette premièreexplication, en donne 
une seconde : il affirme que ce chiffre ne représente pas le poids de vapeur 
d'éther contenu dans un centimètre cube, mais la quantité totale qui a 
passé dans les narines pendant 40 inspirations consécutives. À cela il n’y 
a qu'une chose à répondre; c’est qu’on ne comprend pas par quelle sin- 
gulière distraction ce nombre a pu être donné comme un minimum per- 
ceptible ! On ne saisit, pas d'ailleurs, l'intérêt de ces séances d’inhalation; 
il est clair qu’elles pourraient se prolonger, que rien ne limite la quantité 
qui passe, et que, comme M. Henry l’a répondu très franchement à l’un des 
membres de la Société, il aurait pu trouver tout aussi bien 40.000 kilo- 
grammes. Mais que devient en tout cela le minimum perceptible? Décidé- 
ment, de quelque façon qu’on retourne ce chiffre, sous quelque face qu'on 
l’envisage, il donne toujours une impression aussi étrange (1). 

Ce n’est là, comme le dit l’auteur, qu’une définition de circonstance. Il 
en donne une autre, définitive cette fois: « Le minimum perceptible de 
l’odeur est le poids minimum de matière odorante nécessaire pour 
impressionner la membrane olfactive ; » et qu'il cherche, au nom de 
l'unité de la science, à rapprocher de celles qui ont été données pour l’ouïe 
et pour la vue. Malheureusement, ce rapprochement n'est pas exact. 
Le minimum perceptible de lumière, dit-il, est la quantité de lumière 
minimum nécessaire pour impressionner la rétine. » C’est une erreur :. 
le minimum adopté pour la lumière est l'intensité lumineuse d'une 
surface. M. Charpentier le définit très clairement « l’éclairement néces- 
saire et suffisant pour produire une sensation lumineuse »; M. Henry 


(1) Il me reste, pour donner une idée des procédés de discussion employés 
par M. Henry, à reproduire ce passage de sa réponse : « La note de M. Passy 
contient aussi de ywrélendues expériences sur l'essence d'oranges. Je serais curieux 
de savoir comment elles ont été calculées : sans doute avec la valeur de q que 
j'ai donnée pour l’essence de Portugal! !... Je mets en regard cet autre passage : 
« L’essence d'orange ou essence de Portugal s'obtient », etc. (Ch. Henry, Les 
odeurs, Slermann, 1892, p. 32). Le moindre commentaire serait ici tellement 
désobligeant que je laisse parler ce simple rapprochement, 


SÉANCE DU 20 FÉVRIER 141 


ajoute : « Le minimum perceptible de son est le nombre minimum de 
vibrations nécessaires pour impressionner le tympan; c’est une seconde 
erreur : le nombre de vibrations ne mesure pas, comme paraït le 
croire M. Henry, l'intensité du son, il en détermine la hauteur (1). 
Enfin, dit M. Henry, « le minimum perceptible de l'odeur est le poids 
minimum de vapeur odorante nécessaire pour impressionner la mem- 
brane olfactive ». 

Pas plus que les précédentes, cette définition n’a été acceptée par les 
auteurs qui se sont occupés de cette question, et cela pour une raison 
bien simple: c’est qu'un même poids de matière odorante peut être 
dilué soit dans une petite soit dans une grande masse d’air; dans le 
premier cas, elle sera perçue; dans le second, elle ne le sera pas; ce n’est 
donc pas une définition. Tous ceux qui ont traité ce point ont reconnu 
qu'il y a ici deux choses à considérer : 41° l’état de dilution de l'odeur, la 
teneur de l'air en matière odorante; 2° la quantité d’air mise en contact 
avec la membrane olfactive. Tous ont attachés à la première beaucoup 
plus d'importance qu’à la seconde : en effet, le volume des fosses nasales 
varie d’un individu à l’autre, la quantité d’air prélevée pour une inspi- 
ration peut être plus ou moins grande que celle qui est rigoureusement 
nécessaire pour les remplir; enfin, il est nécessaire de laisser le sujet 
flairer comme il l'entend et faire au besoin deux ou trois inspirations con- 
sécutives. Pour toutes ces raisons, les volumes d’air inspiré par le sujet 
ne sont pas des quantités comparables; aussi, pour ce sens comme pour 
les autres, les observateurs ont-ils porté leur attention sur l'intensité de 
lexcitant physiologique plutôt que sur sa quantité. 

Pour résumer d’un mot toute cette discussion, il nous semble que 
M. Ch. Henry s’est laissé égarer par sa passion pour les mathématiques. 
Les mathématiques sont un instrument incomparable, mais à une con- 
dition, c’est qu'on les applique à des faits précis, nettement déterminés; 
alors seulement elles donnent des résultats exacts. Elles n’ont pas par 
elles-mêmes le pouvoir de prévenir les erreurs d'expérience; elles les 
masquent quelquefois, mais, à coup sûr, elles peuvent les aggraver, car 
elles en étendent et en développent les conséquences. 


(1) Chacun sait que l'intensité d’un son dépend de l’amplitude des vibra= 
tions. De la part d’un physico-mathématieien, comme M. Henry, ce ne peut 
être là qu'une distraction. 


142 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


UN DERNIER MOT SUR LA QUESTION 
DE L'ÉPILEPSIE ACARIENNE DE NOS CARNASSIERS DOMESTIQUES, 


par M. P. MÉGNn\. 


Malgré le vif désir de M. Railliet de me déposséder du mérite d’avoir le 
premier observé et décrit l'épilepsie contagieuse des Chiens de meute — et 
cela au profit d’un Italien qui n’a rien vu de semblabie — il n’y par- 
viendra pas et voici pourquoi : 

Il n'y a pas en Italie, non plus qu’en Allemagne, de meutes de Chiens 
courants ; on n’y chasse pas à courre, comme en France, et on n’a pu, par 
conséquent, y observer une affection dont les symptômes ne se montrent 
que dans la période ultime de Ja surexcitation résultant de la poursuite 
du gibier à fond de train. 

Cette maladie n’est pas une maladie de laboratoire, et rien de sem- 
blable ne s’observe chez le Chien d’arrêt, qui peut rester parfaitement 
calme avec les oreilles pleines de Symbiotes, comme je l'ai ditilya 
longtemps. 

M. Railliet peut se renseigner auprès de M. Nocard, le seul auteur qui, 
après moi — un an après — ait étudié l’épilepsie contagieuse des Chiens 
de meule. 


SUR LES CONVULSIONS ÉPILEPTIFORMES 
PROVOQUÉES PAR LES ACARIENS AURICULAIRES. 


Note de M. RAILLIET. 


Je crois inutile de prolonger indéfiniment le débat qu'a voulu soulever 
M. Mégnin. Il me semble que la question est aujourd’hui bien jugée. 

Je proteste seulement contre l’assertion tendant à faire croire que j'ai 
cherché à déposséder notre collègue de sa prétendue découverte. La 
meilleure preuve que nous n’avions aucune intention agressive, M. Cadiot 
et moi, c’est l’absence de tout nom propre dans notre communication. 
Il nous aurait été cependant bien facile de réduire à néant les prétentions 
de M. Mégnin, en fournissant d'emblée les documents historiques qu'il 
m'a forcé de produire par ses attaques iajustifiées. 

. Mais puisqu'il revient à la charge en contestant l’un des témoignages 

que j'ai invoqués, puisqu'il veut laisser croire encore qu'il a découvert le 
premier l’épilepsie d’origine otacarienne, je n’ai qu'une chose à faire, 
c’est de mettre les textes sous les yeux des membres de la Société. 

Ces textes, Les voici, empruntés au Mémoire de Guzzoni, pages 10 et 11 : 


SÉANCE DU 20 FÉVRIER 143 


Le premier cas d’acariase auriculaire par lui observé se rapporte à un 
chien terrier, de deux ans et demi, «il cui proprietario mi riferiva che 


da alcuni mesi si era assoggettato a convulsioni, per cui l’animale quando 


veniva preso dall’accesso, che si ripeteva soltanto due o tre volte al 
massimo nel corso di un mese, girava attorno a sè stesso, abbajava, 
faceva bava alla bocca, si gettava a terra, e poi trascorsi pochi minuti 
si rialzava, scuoteva fortemente il capo, si fregava ripetutamente colle 
zampe le orecchie come se queste fossero state la sede di un forte pru- 
rito, poscia tutto cessava. » 

Dans le second cas, il s'agissait d’un jeune chien de race maltaise, qui 
présentait depuis une quinzaine de jours des phénomènes étranges, en 
raison desquels Je propriétaire avait été amené à soupçonner l'existence 
de la rage. « Egli mi riferiva che il suo animale, di solito tranquillo, da 
qualche tempo era diventato inquieto, guaiva spesso, si fregava rabbio- 
samente le orecchie colle zampe, come se volesse liberarsi da un corpo 
estraneo in esse introdottosi, scuoteva frequentemente il capo, correva 
negli angoli della casa, ed infine venira di quando in quando assalito 
da specie di convulsioni, per cui girava atlorno a sè stesso, faceva bava 
alla bocca, cadeva a terra, e vi si dimenava alcun poco, poi si rialzava, 
scuoteva di nuovo la testa, si grattava le orecchie, faceva sentire dei 
lamenti, indi succedeva un momento di tregua. Questi fenomeni si mani- 
festavano ad accessi che si ripetevano frequentemente, ma duravano 
pochissimo. » 

Le troisième cas d’acariase auriculaire eafin, fut observé sur un chien 
barbet de onze mois. « Palla relazione anamnestica risultù che la malat- 
tia datava da cirea 15 giorni e che si era manifestata con inquietudine 
dell’animale, con forte e ripetuto sbattimento dei padiglioni delle orec- 
chie e con fenomeni convuisivi epilettiformi, il quali si presentavano ad 
accessi che duravano pochissimo, ma si ripetevano frequentemente. » 

Il me paraît inutile d’insister. De telles citations sont plus éloquentes 
que toutes les discussions. 

La question de race est donc, en réalité, assez secondaire. Il est bien 
certain, d'ailleurs, que ces attaques épileptiformes se manifestent de 
préférence sous l’action de la chasse. Mais M. Mégnin lui-même les a 
vues survenir à la suite de simples promenades, et, sans revenir sur le cas 
de la chatte dont nous avons rapporté l’histoire, je rappellerai que j'ai 
signalé, de mon côté, la mort d’un chien survenue, par la même cause, 
dans le chenil même de l'École d’Alfort. 


144 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


A PROPOS DE LA NOTE PRÉSENTÉE A LA SÉANCE PRÉCÉDENTE PAR M. LE 
D' CHARLES FINOT, SUR L'ALBUMINURIE TRANSITOIRE CHEZ L'HOMME SAIN, 


par M. le D' CaPiTan. 


A la dernière séance, notre président, M. Laveran, a présenté une note 
du D' Cbarles Finot sur l’albuminurie transitoire chez l’homme sain. Je 
désire présenter quelques remarques à ce propos. 

Tout d'abord, l’auteur citant ma thèse (Recherches expérimentales et 
cliniques sur les albuminuries transitoires, Paris 4883) ainsi que celle de 
mon élève, de Chäteaubourg, faile sous mon inspiration (Recherches sur 
lalbuminurie physiologique, Paris, 1883) fait remarquer que nous avons 
« fait des expériences sur un grand nombre d'hommes en variant les 
conditions, mais que l’examen des urines des sujets en expérience n’a été 
fait qu'un très petitrombre de fois », et, d'autre part, que nous n'avons 
pas suivi les variations de l’albuminurie, sur un même sujet pendant 
longtemps. 

À cela je répondrai qu'à ce moment (1882-83) il était nécessaire de 
démontrer tout d’abord, d’une façon indiscutable, ce fait de la fréquence 
très grande de l’albuminurie ordinairement légère et intermittente chez 
des sujets normaux. C’est ce que j'ai essayé d'établir dans un chapitre 
de ma thèse après divers auteurs surtout Leube, en faisant de nombreux 
examens d'urine de sujets pouvant êlre considérés comme normaux : 
100 soldats, 92 enfants, 35 malades. Je suis arrivé ainsi à trouver de 
l’albumine généralement en minime quantilé, 44 fois sur 100 chez les sol- 
dats, 37 fois sur 100 chez les enfants et 95 fois sur 100 chez des malades 
quelconques. 

Sur mes indications, de Châteaubourg a étudié plus particulièrement 
l’fluence de divers facteurs extrinsèques sur la production de l’albumi- 
nurie chez le sujet normal. Il a examiné, à ce point de vue tout d’abord, 
un grand nombre de sujets (surtout des soldats), puis il a eu la patience 
d'examiner l'urine d'un homme et celle d’une femme en parfaite santé, 
presque cnaque fois qu'ils urinaïent, et ceci pendant un mois. [l a examiné 
ainsi 143 fois l'urine de l’homme et 92 fois celle de la femme. On voit que 
c'est là une recherche encore plus minuutieuse que celles qu’a faites 
M. Finot qui à examiné pendant un mois l’urine de 17 de ses camarades, 

-ais deux fois par jour seulement. 

De Châteaubourg a ainsi démontré l'existence d’albuminurie nette, 
mais souvent en minime quantilé et essentiellement variable et transi- 
toire chez 76 p. 100 soldats le matin au lever. Tandis que la fatigue 
faisait monter ce chiffre chez les mêmes hommes à 87 p. 100 et que l'ir- 
ritation culanée et nerveuse causée par un bain froid produisait chez 
tous de l’albuminurie, et parfois très marquée, soit 400 p. 100. 

Enfin le surmenage cérébral se traduisait dans un autre milieu : des 


SÉANCE DU 20 FÉVRIER 145 


étudiants, par une albuminurie presque générale 92 p.100, même le 
matin au réveil. Dans un autre groupe de sujets, des enfants, l’albumi- 
nurie se rencontrait 76 fois sur 400 le matin au réveil, et 80 p. 400 après 
l'exercice et le repas. En somme, dans ces 700 examens d'urine ainsi pra- 
tiqués, 592 fois l'urine renfermait de l’albumine, soit 84 p. 100. 

Par conséquent, on peut conclure de nos recherches que l’albuminurie 
dite physiologique est au minimum le matin au réveil, qu’elle augmente 
notablement sous l'influence de la fatigue ou du surmenage cérébral, 
comme aussi après les repas et qu’enfin elle atteint son maximum 
lorsque les sujets sont soumis à une cause d'’irritation cutanée et ner- 
veuse intense. On le voit, les conclusions de M. Finot sont dans le même 
sens que les nôtres qu’elles confirment. 

J'ai cilé, en outre, une série de faits qui montrent l'influence de bien 
des causes diverses sur la production de l’albuminurie chez les sujets à 
l’état normal (excitations cutanées électriques ou seulement mécaniques, 
excilations génilales, troubles nerveux, etc.); mais je n’insiste pas sur ces 
faits qui ne sont pas appuyés sur un nombre considérable d'observations, 
comme ceux que j'ai indiqués ci-dessus. 

Reste la question du pourcentage des cas d’albuminurie observés chez 
les sujets sains. M. Finot trouve, le matin, 5,5 p. 106; dans la journée, 
11,6 p. 100; après l'équitation, 17,02 p. 100; après l'escrime, 441,5 p.100. 
On peut voir que nos chiffres sont considérablement supérieurs à ceux de 
M. Finot. Ceci tient simplement aux réactifs employés. Nous nous ser- 
vions généralement du réactif de Tanret qui permet de déceler de très 
minimes quantités de matières albuminoïides, mais qui d'autre part, pré- 
cisément( à cause de cette sensibilité, peut être cause d'erreurs que nous 
avons pourlant tâché d'éviter. 

M. Finot s’est servi du réactif Tauret, de l'acide nitrique, et de la cha- 
leur avec l'acide acétique et il n’a considéré comme albumineuses que les 
urines qui fournissaient une réaction par ces trois procédés. Ce qui 
permet d'affirmer qu’il n’a enregistré que les cas où le taux de l’albumine 
oscillait vraisemblablement de 0,15 à 0,20 centigrammes environ par 
litre, c’est-à-dire des cas d’albuminurie relativement abondante, éliminant 
de sa statistique les cas où ce chiffre n’était pas alteint. Nous considé- 
rions au contraire, en nous basant sur des recherches comparatives, faites 
avec des solulions albumineuses Litrées, que nos cas minima répondaient 
à 5 milligrammes seulement d’albumine par litre. De telle sorte que si 
nos chiffres sont trop forts ce qui est possible, les siens sont trop faibles. 

Telle est certainement la cause qui rend nos chiffres aussi dis- 
semblables. Mais, en somme, les uns comme les autres varient dans le 
même sens, sous l'influence des mêmes facteurs, c’est là le point impor- 
tant que nous tenions à mettre en évidence pour bien établir que les 
recherches de M. Finot, calquées sur les nôtres, parlent dans le même 
sens et les confirment absolument. 


446 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


CÉCITÉ PSYCHIQUE EXPÉRIMENTALE CHEZ LE CHIEN. 


Note de M. CHARLES RIcHer. 


Voici un cas instructif de cécité psychique expérimentale chez le chien, 
à la suite de lésions déterminées dans la région du pli courbe dans l’ur 
puis dans l’autre hémisphère. pa 

Cet animal, chien mâtiné à longs poils, a subi deux opérations: la 
première dans les premiers jours de novembre 1891 ; la seconde, le 
10 janvier 1892. 

Après la première opération, que j'ai faite avec M. Langlois, il avait 
perdu manifestement la notion de la frayeur (réflexe psychique simple), 
déterminée par l'approche d’an objet menaçant. Mais l'étude méthodique 
des phénomènes psychiques, après une lésion unilatérale, est très difficile, 
vu qu'on ne peut guère décider un chien à garder un bandeau sur un de 
ses yeux; et, d'autre part, à cause de l’entre-croisement incomplet des 
nerfs optiques ; ii y a toujours, même après ablation d’une sphère céré- 
brale visuelle, conservation partielle de la vue dans l'œil du côté opposé. 

Après la seconde opération, ce chien (Tom) parut complètement 
aveugle. Peu à peu, quelques phénomènes de cécité se dissipèrent, mais 
il en resta d’autres qui, aujourd’hui encore, sont bien marqués et qui 
méritent une [discussion tant soit peu approfondie, d'autant plus que, 
tous les symptômes inflammatoires ayant disparu, nous avons maintenant 
un état stable qui ne se s’est guère modifié depuis quinze jours environ. 
On ne peut donc supposer qu’il s’agit de troubles dus à des hémor- 
ragies ou des abcès, ou des compressions cérébrales. Aujourd'hui il est 
tout à fait bien portant. 

Un premier point à constater, c’est que Tom n'est pas aveugle. L'iris 
est contractile par voie réflexe ; mais il y a plus: l'animal voit; et voit 
assez pour se diriger dans une salle encombrée d'objets, sans se heurter. 
Il se heurte quelquefois quand il va très vite, mais cela est assez rare; 
on le voit passer entre deux chaises voisines, juste dans l’espace libre, se 
glisser à travers une porte entre-bâillée, reconnaître une table sur laquelle 
il dirige ses regards, et une première observation ferait dire qu'il n’a 
absolument aucune lésion visuelle. 

Ainsi, il voit les objets qui sont devant lui, et il s’en détourne. ; 

Mais il ne comprend pas la nature des objets qui sont devant lui; et, 
suivant une formule que. j'ai employée en décrivant un cas analogue 
(Congrès de la Psychologie, août 1889), il voit les objets en tant qu’obsta- 
ele; mais il ne les voit que comme des obstacles. Ainsi, quand on met un 
lapin devant lui, il ne le voit pas. 

Rien n’est plus étrange que le spectacle de ce chien qui cherche 
ardemment à saisir ce lapin qu'il sent; et qu'il ne peut pas voir, quoi 


4 
} 0 
DE 
Que 


SÉANCE DU 20 FÉVRIER 147 


qu'il lui crève les yeux, suivant l'expression vulgaire. Il passe à travers deux 
chaises voisines pour le prendre, mais il ne le voit pas, de sorte qu'un 
lapin, même peu agile, lui échappe toujours, même dans une pièce nue; 
‘car il ne le retrouve pas, dès qu’il en a perdu la piste, même quand le 
lapin est à 2 mètres de lui, ou un demi-mètre. 

Quelquefois, si on porte le lapin au-dessus du sol, en le lui mettant sous 
le nez, puis en le retirant, Tom essaye de le happer à l’endroit où il était; 


Schéma de la cécité psychique chez le chien. 


Légende. — À, centre auditif des images; A’, centre olfactif; A/, centre visuel. 
Les excitations sont alors à un centre moteur C, qui détermine des mouvements 
généraux émotionnels. L'excitation visuelle peut provoquer des réflexes psychiques 
compliqués A/C, ou des réflexes psychiques simples, comme le fait de se détourner 
d'un objet qui fait obstacle (B). 

Dans le cas de Tom, le centre visuel des images (A”) est détruit, à droite et à 
gauche; de sorte que le réflexe psychique A”C est le seul qui ne se produise pas 
Le réflexe psychique visuel élémentaire de détournement, B continue à se produire. 


mais, après quelques efforts infructueux, il y renonce, fixant dans le vide 
un œil hagard pour chercher à distinguer un lapin imaginaire, dont il 
sent la présence, alors que le vrai lapin est tout près de lui. 

Tom ne reconnaît les personnes qu'à l’odorat. Si on l'appelle, ïl 
cherche à venir, se dirige (assez mal) du côté de la voix qui l’appelle ; et, 
quand il a senti la personne qui l’a appelé, remue la queue en signe de 
joie; mais la vue ne lui a rien fait éprouver. 

On peut le menacer avec un bâton; il ne se détourne pas. 

D'ailleurs, il n’a pas de troubles moteurs, sauf un très léger défaut de 


148 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


sensibilité musculaire à droite, presque inappréciable. Point de troubles 
intellectuels, sinon peut-être un manque de sens moral qui se traduit 
chez lui par ce fait qu'il mange du chien. On sait, qu’à l’état normal, 
jamais un chien ne mange un autre chien. M. Langlois et moi nous avions 
déjà constaté pareille anomalie chez un chien ayant subi des lésions 
cérébrales. Il paraît, d'ailleurs, aussi intelligent qu'avant l'opération, 
quoique son intelligence soit, dans l’ensemble, assez médiocre. 

Pour expliquer les troubles psychiques qui se produisent, j'aurai 
recours au schéma suivant. 

Supposons que la vue, l’ouïe et l’odorat provoquent une perception 
sensitive, une image, comme on dit, qui agisse directement sur un 
centre moteur ; par exemple, dans le cas d’un lapin présenté au chien, sur 
l'appétition. Si Tom voit, flaire, ou entend le lapin, aussitôt, guidé et 
excité par l’image sensitive qui se grave dans son cerveau, il se précipite 
sur le lapin; mais, dans le cas actuel, chez Tom, l’image visuelle ne se 
produit pas; il y a conservation de l’appétition; mais l’image visuelle qui 
la provoque est abolie, alors que l’image olfactive et l’image auditive 
ont conservé leur intégrité. 

Cependant les images visuelles ne sont pas tout à fait abolies; les 
images qui provoquent des sentiments, des émotions, n’ont plus de sub- 
stratum anatomique; mais certains phénomènes simples de la vision sont 
conservés, comme par exemple, l’image qui conduit l'animal à se 
détourner. 

On peut supposer que, dans le cas d’un objet extérieur, l'excitation 
optique suit deux voies : une voie compliquée, par l’encéphale, pour pro- 
voquer une émotion; une voie plus simple, par les centres ganglionnaires 
cérébraux, pour aboutir à un mouvement de recul et au fait de se 
détourner. 

Se détourner d'un obstacle, c’est un réflexe psychique très simple, qui 
n'exige probablement pas l'intégrité de l’écorce cérébrale, tandis que le 
fait d’être ému par un lapin ou par un bâton menaçant suppose une 
conduction dans l'écorce cérébrale, très ‘compliquée. 

Je ne saurais préciser les points de l’encéphale qui ont été détruits. Je 
puis dire que c’est dans la région du pli courbe ; mais, d'ici à quelque 
temps, l’autopsie nous renseignera exactement sur Le siège de la lésion. 


REMARQUES SUR 
LA PERTE DU SENS MORAL CHEZ LE CHIEN PRÉSENTÉ PAR M. RICHET, 


par M. Cu. FÉRé. 


Je regrette de n'avoir pas trouvé dans les Comptes rendus, une note 
de M. Richet sur sa très intéressante communication de la dernière 


SÉANCE DU 20 FÉVRIER 149 


——_—L—————— 


séance. On se souvient qu'il s'agissait d’un chien qui, à la suite d’une 
lésion bilatérale de la région du pli courbe, présentait des troubles très 
nets de la vision mentale: il voyait les objets en Lant qu'obstacles et 
était capable de les éviter, mais il paraissait ne pas les reconnaitre : il ne 
se dirigeait par sur un lapin exposé à ses regards, Cet animal est en 
même temps devenu capable de manger de la viande de chien, ce que ne 
font pas, en général, les chiens normaux, et M. Richet attribue cette par- 
ticularité à une perte du « sens moral ». J'espérais que la note écrite de 
M. Richet contiendrait quelque commentaire à propos de celle perte du 
sens moral qui n’a point de place en physiologie, et indiquerait quelque 
condition physique capable de l'expliquer. 

Si l'instinct n’est qu'un réflexe composé, comme on l’admet générale- 
ment, une perversion de l'instinct ne peut exister sans que l’arc parcouru 
par le réflexe soitle siège, sur un point, d’une altération quelconque. Si un 
chien, dont l'instinct comprend une répugnance invincible pour la chair 
de ses semblables, devient capable de s’en nourrir, en dehors d’impulsions 
qui permettent de supposer une irritation des centres moteurs, c'est que 
la portion centripète ou sensitive de l’arc réflexe est altérée, soit dans sa 
portion centrale, soit dans sa portion périphérique: c'est-à-dire que la 
gustation ou l’olfaction, ou les deux ensemble, sont perverties d’une façon 
quelconque. Si je m'en scuviens bien, — et c’est justement là le point 
sur lequel j'aurais désiré un éclaircissement, — M. Richet a insisté sur 
l’absence de troubles de lolfaction. Cependant, si l'animal est capable de 
reconnaitre sa nourriture par le flair, son odorat ne parait pas intact, 
car, quand on plaçait devant lui un lapin à une distance très faible, il ny 
prêtait nulle attention, c’est-à-dire qu'il ne le sentait pas plus qu'il ne 
le voyait, tandis qu’il se précipitait sur lui quand il était approché 
presque au contact de son nez; — s'il existe, comme je le pense, un 
trouble de la perception, la perversion de l'instinct se trouve physiolo- 
giquement expliquée ; elle tient à ce que l'animal est devenu incapable 
de distinguer la viande de chien d’une autre viande. Ce chien a perdu 
le sens moral, comme un individu, affecté de cécité psychique, qui 
manque d’égards à une personne qu'il ne reconnaitrait pas ; ou, comme 
un aphasique moteur, qui, ne conservant que l'articulation de quelques 
mots grossiers, s’en sert pour accueillir tout venant. Dans ces deux cas, 
comme chez le chien de M. Richet, l’inconvenance de la conduite, la 
perversion instinctive tient à ce que l'arc réflexe est altéré, soit dans . 
sa partie centripète ou réceptive, soit dans sa partie centrifuge ou 
expressive. Les perversions instinctives ne sont pas susceptibles, il me 
semble, d’une autre interprétation physiologique. 

Je crois qu’il serait intéressant d’avoir quelques détails sur la sensi- 
bilité olfactive et gustative de l’animal en question. 


150 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


NOTE SUR LE MODE DE PRODUCTION DES FORMATIONS CALCAIRES DU TEST 
DES MOLLUSQUES, par M. Moynier De Vizcepoix. ( Voir Mémoires du 
présent volume, p. 35.) 


EFFETS DE L'INOCULATION DU BACILLUS ANTHRACIS SUR LA CORNÉE DU LAPIN, 


par M. [. SrRaus. 


Les premières expériences d'inoculation du charbon sur la cornée des 
lapins remontent à 1872 et sont dues à Eberth {1). Il provoqua ainsi une 
tache opaque sur la cornée, due à la végétation du bacille, tache qui se 
dissipait au bout de quelques jours. Jamais il ne constala la généralisa- 
tion du bacille ni la mort des animaux par le charbon. 

V. Frisch (de Vienne) répéta ces expériences. Il vit les bacilles se 
développer abondamment au point d'insertion et envahir, par leur végé- 
tation entre les faisceaux et les lames de la cornée, la totalité de cette 
membrane, parfois avec de l'hypopyon et de liritis. Jamais non plus les 
animaux ne présentèrent d'affection charbonneuse généralisée; à aucun 
moment, il ne présentèrent de bactéries dans le sang et tous demeurèrent 
en vie (2). 

Plus récemment, G. Frank a pratiqué des inoculations dans la cornée 
du lapin avec des cultures de charbon ou du suc de la rate d'animaux 
charbonneux. Il eut beau pratiquer des piqûres et des scarifications nom- 
breuses et profondes; il ne réussit même pas à obtenir des effets aussi 
accusés que ceux qui viennent d’être mentionnés. Tout se borna à une 
légère opacité qui se dissipa au bout de deux à trois jours. Sur les coupes 
de la cornée, il ne put retrouver les images décrites et dessinées par 
v. Frisch. Les bacilles ne se trouvaient que là où l’inoculation les avait 
déposés, sans avoir végété ni envahi les parties avoisinantes de la 
cornée. IL en conclut que la cornée est un terrain absolument stérile pour 
la bactéridie charbonneuse « qui y meurt faute d’aliment, comme si on 
l’avait semée sur un morceau de fer ou de pierre » (3). 

Plus récemment encore Lubarsch, dans son travail sur « l'Immunité » est 
arrivé aux mêmes résultats négatifs. Dans un nombre assez grand d'expé- 
riences, où il inoculait dans la cornée des spores du charbon, il ne put 


(1) Eberth. Zur Kenntniss der bakteritischen Methoden; Leipzig, 1872. 

(2) V. Frisch. Die Milzbrandbnakterien und ihre Vegetation in der lebenden 
Hornhaut. {Sifzungsber. der Kais. Akad. der Wissensch. Bd. LXXIV, 3, p. 123.) 

(3) G. Frank. Ueber den Untergang der Milzbrandbacillen im Thierkôrper 
(Centralbl. für Bakteriol., 1888, €. LV, p. 710). 


ee 
ARE 


SÉANCE DU 20 FÉVRIER 151 


constater l’évolution de ces spores en bacilles, sauf dans les cas où il y 
avait introduction simultanée d’autres bactéries, qui, selon lui, facilite- 
raient l'invasion de la cornée par le bacillus anthracis. Jamais non plus, 
il n’observa de généralisation, et il considère la cornée comme un organe 
revêtu d'une «immunité locale » à l'égard du charbon, immunité qu'il 
explique en partie par l’absence des vaisseaux (1). 

Mes expériences m'ont conduit à des résultats différents qui établissent 
que l’inoculation du charbon dans la cornée du lapin peut provoquer 
non seulement une kératite bactéridienne, mais encore déterminer con- 
sécutivement une infection générale et la mort, par le charbon. 

L'expérience était pratiquée de la façon suivante. L'animal bien fixé 
sur l'appareil à contention de Malassez, on laissait tomber sur un des 
globes oculaires quelques parcelles de chlorhydrate de cocaïne en poudre; 
l’anesthésie cornéenne était obtenue au bout de quelques instants. A l’aide 
d’une forte lancette à manche, comme celles qui servent pour la vaccina- 
tion animale, lancette chargée de la matière virulente, je pratiquais plu- 
sieurs mouchetures au centre de la cornée, en insinuant la pointe obli- 
quement dans l'épaisseur de la membrane de façon à y créer un trajet 
assez long et en ayant soin de bien imprégner ce trajet avec la matière 
virulente. La cornée du lapin est assez épaisse, et l’on peut faire cheminer 
obliquement la pointe de la lancette assez loin entre les lames de la 
membrane, sans crainte de pénétrer dans la chambre antérieure. Je me 
servais indifféremment de vieilles cultures sur pomme de terre, riches 
en spores, ou de cultures récentes (âgés de un à deux jours) sur pomme 
de terre ou sur agar, ou du sang du cœur ou de la rate d’un lapin venant 
de succomber au charbon. La culture employée était fortement virulente, 
et, inoculée sous la peau du lapin, elle le tuait en trente à trente-six 
heures. 

Un certain nombre d’inoculations ainsi pratiquées ne furent suivies 
que d’un léger dépoli de la surface cornéenne, se dissipant au bout de 
deux ou trois jours : les inoculations étaient demeurées sans résultat. 
Cet insuccès doit être attribué sans doute à la difficulté réelle qu’il y a à 
introduire et à maintenir la matière virulente dans un tissu aussi dense 
et aussi serré que la cornée. En effet, chez ces mêmes lapins, ainsi ino- 
culés infructueusement une première ou une deuxième fois, j'obtins en- 
suite, en employant toujours la même culture, des résultats positifs. 

Voici la relation de ces expériences. 


Exp. I. — Le 9 décembre 1891, on pratique sur le centre de la cornée 
gauche d’un lapin, préalablement cocaïnisée, des inoculations avec une culture 
de charbon sur pomme de terre, âgée de quinze jours et riche en spores. 


(1) Lubarsch. Untersuchungen über die Ursachen der angeborenen und 
erworbenen Immunität (Zeitschr. für klin. Medicin, 1831, Bd XIX, p. 92-96). 


152 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Le 11, on constate une tache grisâtre, opaque, qui gagne lentement 
d'étendue. 

Le 14, la conjonctive, au niveau de la paupière supérieure, est conges- 
tionnée et œdémaliée; l'œil présente une sécrétion muco-purulente assez 
épaisse, qui, à l’examen microscopique, ne contient pas de bacilles charbon- 
neux. 

Le 18, l’opacité a envahi la totalité de la cornée. En même temps, la moitié 
gauche de la face et du cou présente un empâtement œdémateux. 

Mort le 18 décembre (10 jours après l’inoculation). La rate est volumi- 
neuse, noire; elle renferme, ainsi que le sang du cœur, de nombreuses bacté- 
ridies. L’œdème de la face et du cou est l’œdème tremblotant gélatiniforme 
caractéristique. ; 

La cornée excisée est durcie dans l'alcool. Sur les coupes, colorées par la 
méthode de Gram, on constate la présence de bactéridies charbonneuses 
typiques, disposées linéairement dans les fentes qui séparent les faisceaux de 
la cornée. Ces fentes sont en même temps remplies de globules blancs. 

Exp. II. — Le 17 janvier, on scarifie le centre de la cornée gauche d’un 
lapin avec une lancette chargée d’une culture de charbon sur pomme de terre. 
Les jours suivants, l’opacité centrale gagne en étendue, en même temps que 
s'établit une sécrétion muco-purulente de la conjonctive. Le 26 janvier, toute 
l'étendue de la cornée est envahie par l’opacité. Pas d'œdème de la peau dela 
face. Le bord supérieur de la cornée est en partie décollé ; hypopyon et iritis. 

Malgré ces lésions étendues de l’œil, l'animal reste bien portant. On le 
scarifie le 3 février. Pas de lésion de la rate; pas de bacilles dans le sang ni 
dans les organes. Le sang du cœur ensemencé sur agar demeure stérile. Sur 
les coupes de la cornée, durcie par l'alcool, on ne peut déceler la présence de 
bactéridies (1). 

Exp. III. — Le 23 janvier, on inocule le centre de la cornée gauche d’un 
lapin avec une lancette chargée de sang d’un cobaye qui venait de succomber 
au charbon. Le jour suivant, développement d’une taie opaque qui se dirige 
vers le bord supérieur de la cornée. Le 30 janvier, le rebord sclérotical supé- 
rieur est atteint; chémosis du cul-de-sac conjonctival supérieur; ædème de la 
face du côté gauche et du cou, s'étendant jusqu’à la poitrine. Mort. (7 jours 
après l’inoculation.) 

A l’autopsie, œdème gélatiniforme caractéristique de la face et du cou; rate 
noire, volumineuse, remplie de bacilles charbonneux très courts; le sang en 
renferme également en très grande abondance. Quelques bacilles très longs 
dans l'humeur aqueuse. Sur les coupes de la cornée durcie par l'alcool, on 
constate une réplétion des fentes par des bactéridies et des leucocytes. 

Exp. IV. — Le 5 février 1892, on inocule le centre de la cornée d’un lapin 
avec une lancette chargée de sang prélevé sur un lapin mort du charbon. 
Le 8, on note la formation d'une tache arrondie, opaque se dirigeant vers la 
partie supérieure de l’œil; le 10, le bord supérieur de la cornée est atteint par 
l’opacité ; léger chémosis, Le 11, apparition d'un œdème de la joue et de la 


: 


(1) Dans cette expérience, les choses se sont passées comme dans les expé- 
riences de v. Frisch : il y a eu développement d’une kératite charbonneuse, 
avec iritis et hypopyon ; mais l’animal n’a pas succombé au charbon. 


SÉANCE DU 20 FÉVRIER 153 


face, qui le lendemaïn a gagné le cou. Mort le 12 février (7 jours après l’ino- 
culation. À l'autopsie, œdème gélatineux caractéristique de la face et du cou, 
Rate grande ; nombreux bacilles dans le sang de la rate et du cœur. 

Exr. V. — Le 8 février, on inocule le centre de la cornée droite d’un lapin 
avec une culture de charbon sur agar,lâgée de deux jours. Les jours suivants, 
apparition d’une tache grisâtre qui gagne graduellement en étendue; le 16, 
le pourtour de la cornée est atteint; vascularisation intense de la conjonctive, 
avec léger chémosis. Le 19, œdème de la moitié droite de la face, qui le 
lendemain a gagné le cou. — Mort. (11 jours après l'inoculation.) 

A l’autopsie, œdème sous-cutané caractéristique; rate volumineuse, renfer- 
mant, ainsi que le sang du cœur, de nombreuses bactéridies charbonneuses. 


On voit donc par ces expériences que, contrairement aux résultats 
négatifs obtenus jusqu’à présent, il fut possible dans quatre cas sur cinq, 
de déterminer, par l’inoculation de produits charbonneux sur la cornée, 
une kératite bactéridienne suivie de généralisation et de la mort par le 
charbon. La généralisation s’effectua au bout de sept à onze jours dans 
nos expériences, par propagation à la conjonctive oculaire et aux tégu- 
ments de la face. Gette lenteur dans la généralisation s'explique aisément 
par la lenteur du développement local du charbon sur la cornée. 


DE L'ACTION DES FERMENTS SOLUBLES SUR LE POISON DIPHTÉRITIQUE, 


par M. N. GamaLeïa. 


Malgré le rôle important que les poisons élaborés par les microbes 
jouent dans la production des maladies infectieuses, nos notions sur leur 
nature chimique restent encore très peu précises. Ainsi, le représentant 
typique de ces produits des microbes, le poison diphtéritique, est tantôt 
rangé parmi les diastases, tantôt parmi les albumines. Il se distingue 
pourtant nettement de ces deux classes de substances : des albumines — 
par son instabilité; des diastases — par l'absence de l’action chimique 
propre à ces dernières. Îl possède, il est vrai, beaucoup de réactions des 
albumines (Brieger et Fränkel). Mais, ces réactions pourraient être dues à 
ce qu'il serait mécaniquement entrainé par les précipités des albumines 
et obligé ainsi à partager les réactions de celles-ci tout en étant d’une autre 
nature. Pour réussir à préciser cette nature chimique du poison diphté- 
ritique, nous avons eu l’idée d'utiliser une nouvelle réaction plus délicate 
que celles auxquelles on a eu recours jusqu'ici : et notamment, l’action 
des ferments solubles. 

Nous avons recherché, si les différentes diastases peuvent modifier ou 
détruire le poison diphtétirique. 

Cette étude offrait encore un autre intérêt. On sait que le poison diphté- 

te 


154 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


ritique est détruit dans le corps des animaux réfractaires (Behring et Kita- 
sato). Il fallait se demander, si le mécanisme de cette destruction n'était 
pas analogue aux phénomènes de la digestion par les ferments solubles? 

Enfin, le poison diphtéritique, comme beaucoup d’autres toxines micro- 
biennes, est inoffensif, si on l'introduit dans le canal digestif des animaux. 
Cette inactivité est-elle due au défaut d'absorption ou bien à la destruc- 
tion du poison par les ferments digestifs? 

Pour étudier l’action des ferments sur le poison diphtéritique, nous les 
avons introduits dans les cultures du bacille diphtéritique, âgées de trois 
semaines environ, filtrées sur la porcelaine et mélangées à une petite 
quantité de thymol afin d'empêcher la vie des microbes étrangers. 
Ensuite, on plaçait ces liquides à l’étuve à 35 degrés. Une portion du 
liquide filtrée y était mise sans addition du ferment étudié ou avec l'addi- 
tion de la même quantité du ferment préalablement bouilli; elle servait 
de témoin. Après un séjour plus ou moins prolongé à l’étuve, ces diffé- 
rentes portions de la même culture filtrée servaient pour l’inoculation 
des cobayes. Les différences dans la survie de ces cobayes, inoculés simul- 
tanément, indiquaient l'influence des ferments sur le poison. 

Nous avons étudié ainsi l’action de la maltine, invertine, émulsine, 
pepsine el trypsine. Tous, sauf les deux dernières, ne modifient pas la toxi- 
cité des cultures diphtéritiques filtrées. ‘ 

Pour faire agir la pepsine, nous avons acidulé le liquide filtré par l’acide 
chlorhydrique. Cette légère acidulation, comme nous nous en sommes 
assuré au moyen d’une portion du même liquide acidulée non pepsinée, ne 
détruit pas le poison diphtéritique. 

La pepsine, au contraire, a une action destructive très énergique sur ce 
poison. Vingt-quatre heures de cette action suffisent pour priver les liquides 
filtrés les plus virulents de leur toxicité si caractéristique. Le liquide pep- 
siné pouvait être injecté aux cobayes, sans amener leur mort, à des doses 
cinquante fois plus grandes que celles qui, sans pepsine, tuaient les ani- 
maux en vingt-quatre heures. Cependant, l'analyse plus attentive des 
faits nous montra bientôt que l’action de la pepsine, quoique prolongée, 
ne parvenait pas à détruire toute la toxicité des cultures filtrées. Les 
cobayes inoculés par des fortes doses des liquides pepsinés ne succom- 
baiïent pas, il est vrai, à l’empoisonnement diphtéritique aigu, caractérisé 
par l’œdème au point d’inoculation, par l’hyperhémie des capsules surré- 
nales et de l'intestin grêle, par la pleurésie séreuse ; mais, ces cobayes 
maigrissaient, devenaient cachectiques et finissaient par périr par suite 
d’un empoisonnement chronique. Du reste, cette cachexie mortelle, provo- 
quée dans certaines conditions par le poison diphtéritique, n'est pas un 
fait nouveau. Plusieurs expérimentaleurs et nous-même l'avons vue sur- 
venir après l’inoculation du poison diphtéritique chauffé au delà de 60 de- 
grés. Ces expériences, croyons-nous, doivent être interprétées de la ma- 
nière suivante. 


SÉANCE DU 20 FÉVRIER 155 


Le poison diphtéritique est une substance albuminoïde, car il est attaqué 
par la pepsine, et il n’est pas modifié par d’autres diastases. La pepsine, 
elle-même, ne le détruit pas complètement, mais le décompose et en sépare 
une substance qui est encore toxique. Quelle est la nature de cette sub- 
stance, qui est précipitable par l’alcoo!? Nos connaissances sur la digestion 
pepsinique laissent supposer qu’elle est une nucléine ou une peptone. 

Pour résoudre cette alternative, nous nous sommes adressé à la trypsine. 
La trypsine détruit en quelques heures le poison diphtérilique. Mais 
quelle que soit la durée de son action, elle laisse intacte la substance qui 
amène la cachexie chez les animaux {1). 

Comme la trypsine attaque aussi les peplones, nous concluons que le 
poison cachectisant doit êtrerangé parmi les nucléines, et notamment dans 
cette classe de nucléines qui résistent à l’action de la trypsine, 

Du reste, ce poison cachectisant, comme toutes les nucléines, est détruit 
par le chauffage en présence d’alcalis fixes, et, déjà pour cette raison, il 
ne saurait être une peplone. 

Cette notion, que le poison cachectisant qui apparait comme un produit 
de décomposition du poison diphtéritique primitif est une nucléine (2), 
jette une nouvelle lumière sur la nature de ce poison primitif. Celui-ci 
doit, évidemment, être une nucléine composée, ou, autrement dit, une 
nucléoalbumine. 

Cette constitution expliquerait non seulement les réactions de ce poison 
envers les ferments digestifs que nous venons d'étudier, mais aussi son 
instabilité et sa provenance évidente des corps bacillaires, constitués sur- 
tout par des noyaux (Blütschli). 

Ajoutons que, d’après nos recherches, les nucléoalbumines et les nu- 
cléines toxiques forment deux vastes classes des poisons dans lesquelles 
se rangent la plupart des toxines microbiennes actuellement connues. 

Revenons aux deux autres questions posées au début de ce travail, - 
Nos expériences rendent très probable la supposition que les poisons 
microbiens n’agissent pas par le canal digestif des animaux, en vertu de 
ce fait général : que les nucléoalbumines y sont décomposées et les nu- 
cléines ne s'en absorbent pas. 

Quant à la destruction du poison diphtéritique dans le corps des ani- 
maux réfractaires, elle ne saurait être opérée par un mécanisme analogue 
à la digestion protéolytique. Car celle-ci laisse intacte la nucléine toxique 


qui tuerait les animaux réfractaires par la cachexie, ce qui, en réalité, ne 
s’observe pas. 


(1) La pepsine et la trypsine par elles-mêmes injectées sous la peau des 
cobayes ne leur font aucun mal. 


(2) N'ayant pas encore une quantité suffisante du produil pur, nous n’avons 
pas déterminé la quantité du phosphore contenue dans ce produit. 


4 


156 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


SUR UNE LABOULBÉNIACÉE (T'haxteria Künckeli nov. gen. et sp.), PARASITE 
DE Mormolyce phyllodes HAGENBAcH, 


par M. ALFRED GIARD. 


En octobre 1851, Ch. Robin présentait à la Société de Biologie la des- 
criplion d'un champignon enltomophyte découvert presque simultanément 
par Rouget et Laboulbène sur des Coléoptères du genre Brachinus, et 
dans la séance suivante, le même naturaliste, en collaboration avec le cryp- 
togamiste Montagne, indiquait les caractères qui devaient faire de ce cham- 
pignon, le type d’un genre nouveau. Le genre Zaboulbenia fut établi d’une 

-facon définitive en 1853, dans l'Histoire naturelle des végétaux parasites, 
et devint plus tard le noyau d’une famille, les Zaboulbeniaceæ, générale- 
ment rattachée aux Ascomycètes bien qu'elle s’écarte à beaucoup d'égards 
des formes ordinaires de ce groupe. Les travaux de Robin, de Karsten et 
surtout de Peyritsch nous ont fait connaître en Europe onze espèces de 
Laboulbéniacées vivant sur des Coléoptères (Carabides, Gyrinides, Dytis- 
cides), ou sur des Diptères (Muscides, Nyctéribiides), et réparties en cinq 
genres : Laboulbenia (7 espèces), Stigmatomyces, Helminthophana, Chito- 
nomyces et Heimatomyces. Deux Laboulbenia ont été signalés dans l’'Amé- 
rique du Sud. Enfin Roland Thaxter a récemment décrit dix-neuf Laboul- 
béniacées de l'Amérique du Nord (douze Zaboulbenia, deux Cantharo- 
myces, un Stigmatomyces, deux Peyritschiella, un Zodiomyces et un Hespe- 
romyces). Parmi ces espèces, une seule, Zaboulbenia Rougeti Mont et Robin, 
habite aussi l'Europe. Les autres sont nouvelles, et beaucoup appartien- 
nent à des genres nouveaux (1). 

Grâce à l’obligeance de notre collègue Künckel d'Herculais, je puis 
aujourd’hui présenter à la Société un type également nouveau et très 
remarquable de Laboulbéniacée originaire des Indes orientales et parasite 
de l'étrange Carabique bien connu des entomologistes, Mormolyce phyl- 
lodes Hagenbach. 

Je propose pour cette magnifique espèce le nom de Thaxteria Künc- 
keli. 

Le spécimen porteur du champignon a été recueilli à Perak (presqu'île 
de Malacca) par M. W. Doherty. Il appartient à M. René Oberthür, de 


(4) J'ai tout lieu de supposer que le genre Cantharomyces Thaxter, parasite 
des Staphylinides, existe aussi en France. En effet, l’une des espèces améri- 
gaines vit sur un Sunius et l’autre sur un Bledius (et non Blidius, comme l'écrit 
Thaxter). Or, Rouget dit avoir rencontré des Laboulbéniacées sur Pæderus ripa- 
rius L., type voisin des Sunius, et sur Ocypus olens Müller (Note sur une pro- 
duction parasite observée sur le Brachinus crepitans Fab. in Ann. Soc. entomol, de 
France, 2 série, 1850, t. VIII, p. 21. PI. IE, fig. 1.) 


Lu 


SÉANCE DU 20 FÉVRIER 15% 


Rennes, qui se propose de l’offrir au Muséum d'histoire naturelle de 
Paris. 

La Laboulbéniacée du Mormolyce est le géant de ce groupe de végé- 
taux. Tandis que l'espèce la plus grande connue jusqu’à présent, Laboul- 
benia elongata Thaxter, mesure en moyenne 538 w de son point d'attache 
sur l’insecte à l'extrémité du périthèce et 950 x à l'extrémité des pseudo- 
paraphyses, le T'haxteria Künckeli présente une hauteur qui varie de 
3 à 4 millimètres chez les grands exemplaires. 

Le point le plus élevé est constamment le sommet des périthèces qui, 
dans un exemplaire moyen, est séparé du crochet de fixation par une 
distance de 3,132 w. Le champignon est donc parfaitemeut visible à l'œil 
nu. Il est répandu sur les bords aplatis du thorax et sur toute la surface 
des élytres, mais plus particulièrement sur la portion amineie en forme de 


_samare qui les borde de chaque côté. On en trouve également, mais en 


moins grand nombre, à la face inférieure de ce limbe ; enfin, un individu 
était fixé à la naissance de la patte antérieure droite. 

Eu examinant l’insecte en dessus à l’aide d'une loupe, on croirait voir 
une petite forèt ou mieux une plaine plantée d'élégants palmiers minus- 
cules. La couleur d’un brun foncé semblable à celle de l'hôte et la dispo- 
silion générale fait penser d’abord à des productions chitineuses dépen- 
dant de la cuticule. Assez souvent, deux individus naissent au même 
point, ce qui s’observe aussi chez les Zaboulbenia et provient de l’accole- 
ment des spores deux à deux. 

A l'examen microscopique, l’aspect du champignon est des plus gra- 
cieux. Il présente une forme parfaitement symétrique qui n’existe pas en 
général chez les Laboulbéniacées. 

Le réceptacle (1) mullicellulaire est droit et va en s'épaississant gra- 
duellement de la base au sommet. Il peut atteindre 1,450 à 1,500 w et se 
termine par une sorte de cupule d’où partent de chaque côté deux 
appendices latéraux et, au milieu, mais dans un plan antérieur, Île 
pédoncule du périthèce. Celui-ci est en forme de massue allongée cylin- 
drique un peu aplatie et mesure 864 w. 

Il est aminci, conique à son extrémité, et se termine par un court 
rebord bilabié. Cette partie terminale translucide rappelle tout à fait la 
portion correspondante du périthèce de Stigmatomyces Karsten. Le cy- 
lindre sporifère est porté par un long pédicelle (810 à 820 uw) d'un brun 
clair assez transparent. De chaque côté de la base de ce pédicelle nais- 
sent du réceptacle deux appendices pseudoparaphysaires. Chacun d’eux 


(1) J'adopte dans cette description la nomenclature proposée par Roland 
Thaxter dans ses deux mémoires : On some North American species of Laboul- 
beniaceæ et Supplementary nole on North American Laboulbeniaceæ (Procedings 
of the American Academy of Arts and Sciences. Boston, 12 février 1890 et 
14 janvier 1891). 


158 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


se compose d’une base assez épaisse et longue de 80 & environ qui se 
bifurque en deux branches mesurant 540 à 648 x. Ces branches princi- 
pales portent du côté externe 10 à 15 rameaux à peu près équidistants, 
légèrement renflés à leur point d'insertion. La plupart de ces rameaux 
sont brisés au sommet. Ils sont formés de trois à cinq cellules. 

Lorsqu'ils sont entiers, ils ont à peu près 300 uv de long et comprennent 
une partie basilaire noire de 162 y et une partie terminale transparente 
de 140 x. Celle-ci est d’abord aussi large que la portion basilaire dont 
elle est séparée par une cloison; mais vers le tiers de sa longueur elle 
devient brusquement plus étroite et s’amincit ensuite graduellement 
jusqu’à l’extrémité distale. Ces extrémités claires des pseudoparaphyses 
sont parfois agglutinées plusieurs ensemble dans une sorte de ciment 
transparent. 

Je n’ai pu étudier d’une façon suffisante ni les spores ni les états jeunes 
du champignon, mais je n’ai pas encore terminé l’examen des nombreux 
matériaux recueillis el j'espère pouvoir combler plus tard quelques-unes 
des lacunes de la présente description. 

Il est curieux de constater que le Z'haxteria Künckeli parait se rap- 
procher plutôt des Stigmatomyces et des Helminthophana parasites des 
Diptères que des formes diverses rencontrées jusqu'à présent sur les 
Coléoptères. Toutefois, l'existence d’un grand réceptacle multicellulaire 
et d'un pédicelle entre le réceptacle et le périthèce rappelle, dans une 
certaine mesure, des particularités du singulier genre Zodiomyces Thaxter 
dont l'espèce type Z. vorticellaria est parasite de l’Æydrocombus lacus- 
tris. 


SUR LA DÉSORIENTATION 
DE LA CYTODIÉRÈSE DANS LES CANCERS ÉPITHÉLIAUX 


par M. FABRE-DOMERGUE. 


L'intérêt qui s'attache à l'étude cytologique des tumeurs et à la 
connaissance defleurs éléments constitutifs s’accroit d'autant plus que, 
malgré les efforts d’un grand nombre de chercheurs, l'origine parasitaire 
du cancer, un instant entrevue, paraît de plus en plus problématique. 
Nous avons l'un des premiers (Congrès de chirurgie 1891) essayé de 
démontrer le peu de fondement de la théorie coccidienne et rattaché tous 
les fails sur lesquels elle se basait à des altérations purement cellulaires. 
Mais si la cause première de la prolifération cellulaire dans les tumeurs 
nous échappe encore totalement aujourd’hui, si, malgré l'application des 
méthodes les plus variées de la technique bactériologique, l’on n’a pu 
découvrir le microbe du cancer, il ne s'ensuit pas pour cela que l’on doive 


eo un 


Mu 


SÉANCE DU 20 FÉVRIER 159 


renoncer à l'étude de son étiologie, et la voie expérimentale dans laquelle 
sont entrés quelques observateurs contribuera peut-être à éclairer la 
question d'un jour nouveau. 

_ En examinant les diverses altérations cellulaires dont le tissu cancé- 
reux est le siège, j'ai été amené à en étudier la prolifération par division 
directe et indirecte des cellules, et c'est le résultat de cette étude que je 
vais résumer brièvement ici. 

La division cellulaire s’effectue-t-elle dans les tumeurs autrement que 
dans les tissus sains? Plusieurs auteurs (Arnold, M. le prof. Cornil) ont en 
effet signalé dans les tumeurs épithéliales de nombreuses karyokinèses 
anormales dont la présence semblerait plaider en faveur d’une autonomie 
caractérisée de la cellule cancéreuse, laquelle ne serait alors qu'une forme 
tératologique de la cellule épithéliale normale. D'après nos propres 
observations cependant, la cytodiérèse ne présente dans ces tumeurs 
aucune modification particulière. Dans certains Épitheliomes, la division 
directe semble prédominer sur la division karyokinétique; dans d’autres, 
au contraire, cette dernière avec ses phases les plus typiques se retrouve 
partout. Non seulement sur les pièces convenablement fixées j'ai pu 
discerner les filaments chromatiques isolés, les fuseaux, etc., mais très 
souvent aussi j'ai retrouvé les sphères attractives signalés d’abord par 
Van Beneden dans les œufs de l’Ascaris megalocephala et reconnus depuis 
comme un élément constitutif de toute cellule en voie de division indi- 
recte. J'ai pu aussi constater au centre de ces figures le corpuscule 
coloré décrit sous le nom de centrosome et dont la présence n’a jamais 
été signalée dans la cvtodiérèse des tumeurs. Dans la plupart des tumeurs 
que j'ai eu l’occasion d'étudier, les karyokinèses anormales à trois ou 
quatre fuseaux m'ont paru manquer complètement et si l'on rapproche ce 
fait de ce que, d’une part, M. le prof. Cornil a observé à côté de ces formes 
anormales de nombreuses formes typiques et que, d'autre part, il s’en 
trouve d'identiques dans un grand nombre de tissus normaux (Henneguy, 
Arnold, Denys), l’on est amené à conclure qu'en admettant l'origine téra- 
tologique de la cellule cancéreuse, cette origine n'influe en rien sur sa 
division. 


Un second point digne d’intérêt, est le siège et l'orientation des cellules 
en division dans les tumeurs épithéliales. Dans tout épithélium normal en 
effet, qu’il soit pavimenteux ou cylindrique, l’on observe de sa partie 
profonde à sa partie superficielle une modification graduelle de ses 
éléments. La prolifération cellulaire s’effectuant à la partie la plus infé- 
rieure (couche génératrice), d’après une orientation déterminée, chasse 
constamment les éléments vers la partie extérieure, de sorte que ceux-ci 
sont agencés dans un ordre parfaitement chronologique et que les plus 
âgés finissent par subir une dégénerescence bientôt suivie d'élimination. 
Dans ce cas, toutes les cellules de la couche génératrice se divisent 


e 


160 SOCIËTÉ DE BIOLOGIE 


suivant une même orientation générale, et leur plan de division est 
parallèle à la couche génératrice. 

Si, à côté de cet épithelium normal, nous observons une prolifération 
épithéliale pathologique mais bénigne, un papillome par exemple, nous 
voyons que l'orientation cellulaire n’a subi aucune modification. La couche 
génératrice prolifère normalement, le plan de division des cellules lui 
demeure toujours parallèle et si l'épaisseur des couches cellulaires en 
voie de division augmente en nombre, le résultat final n'aboutit qu’à 
une production plus considérable d'éléments dégénérés repoussés à la 
périphérie. 

Il n’en est plus de même dès que nous envisageons la division cellu- 
laire dans les tumeurs épithéliales proprement dites, dans les épithé- 
liomes dérivés d’un épithélium pavimenteux (peau) ou d’un épithélium 
cylindrique (glandes). Le premier coup d'œil nous montre que la cyto- 
diérèse s'effectue : 1° dans toute l'épaisseur de l’épithélium ; 2° dans toutes 
les directions. En d’autres termes, la cytodiérèse est désorientée. Et le 
fait seul de cette désorientation nous permet d'expliquer mécaniquement 
l'accroissement anormal, l’ulcération, les dégénérescences cellulaires de 
ces tumeurs. Le sort de toute cellule épithéliale étant de subir à un 
moment donné une dégénérescence physiologique, et ce phénomène ne 
se trouvant plus, par l’agencement chronologique des éléments, rejeté 
à la périphérie, il s'effectue dans le sein même des tissus d’une façon 
irrégulière et entraine en même temps que l'augmentation de volume 
de la tumeur sa constitution anormale. D'autre part, les parties les plus 
externes ne se trouvant plus protégées par une surface normalement 
dégénérée et étant constituées par des éléments jeunes ne tardent pas 
à s’ulcérer. 

Plus la cytodiérèse présente de désorientation, et plus l’on constate de 
lésions cellulaires profondes. Souvent, par exemple, dans certains épithé- 
liomes de la peau, l’on voit non plus une désorientation complète, mais 
comme une indication de groupement autour de points centraux, soit 
isolés, soit confluents. Les éléments repoussés vers ces points y subissent 
la dégénérescence cornée et l’on assiste à la production de ces vastes 
masses feuilletées que la simple pression fait sourdre à la coupe sous 
forme d’une pâte blanche vermiculée. 

D'autres fois, au contraire, la dégénérescence cellulaire s'effectue sans 
ordre, cellule à cellule, et se présente sur les coupes, soit en larges sur- 
faces cornées semées de noyaux en dégénérescence, soit même en globes 
de kératine rappelant à s'y méprendre les dégénérescences de même 
ordre que l’on trouve dans l'acné varioliforme. Cette forme en globe peut 
être considérée comme le type de l'infection pseudo-coccidienne. 

La rétention au sein de la tumeur et l'absorption par l’organisme de 
la masse énorme des principes de dégénérescence continuellement accu- 
mulés sans élimination, ne suffirait-elle à expliquer la cachexie cancé- 


SÉANCE DU 20 FÉVRIER 161 


reuse ? Cet empoisonnement général causé par une masse de tissu bien 
localisée et peu considérable quant au poids total du corps est une des 
principales raisons qui, dans ces dernières années, a fait pencher la balance 
en faveur de l'hypothèse que seuls des microorganismes pouvaient 
secréter une substance active capable de causer des troubles généraux 
aussi graves. 

J'ajouterai, enfin, que le rôle de l'orientation du plan de division eellu- 
laire a déjà été signalé en embryologie par Henneguy (Congrès de la 
Rochelle, 1882. Soc. de Biologie, 1882, p. 538), qui a expliqué de la sorte 
les modifications de courbure des feuillets. 

Ces observations n'ont d'autre prétention que de porter quelques faits 
à l'actif de la cytologie des tumeurs. Peut-être pourraient-elles être plus 
tard de quelque utilité clinique en donnant le moyen de distinguer cer- 
taines tumeurs en apparence très voisines histologiquement : 

Pour conclure : 

1° La cytodiérèse s'effectue dans les tumeurs épithéliales soit par division 
directe, soit par karyokinèse et son processus ne diffère pas sensiblement 
du type commun à toutes les cellules. L'on y observe dans la division indi- 
recte les éléments chromatiques, les filaments achromatiques et les corpus- 
ceules polaires avec leurs centrosomes. 

2 Tandis que dans les revêtements épithéliaux normaux l'orientation de 
la cytodiérèse demeure constante, le plan de division cellulaire élant géné- 
ralement parallèle à la couche génératrice, dans les tumeurs épithéliales 
malignes au contraire l'orientation de la cylodiérèse est toujours plus ou 
moins profondément modifiée. 

3° La désorientation de la cytodiérèse donne le mécanisme de l'accrois- 
sement des tumeurs épithéliales, de leur ulcération et, enfin, de leurs altéra- 
tions cellulaires. 


SUPPORT DESTINÉ A MAINTENIR LE BRAS DANS L'APPLICATION 
DU MYOGRAPHE DYNAMOMÉTRIQUE, 


par M. GRÉHANT. 


Dans les mesures faites avec le myographe dynamométrique que j'ai 
présenté à la Société de Biologie, il est nécessaire de tenir le bras abso- 
lument fixe en agissant sur la face postérieure, afin que les efforts dé 
contraction des muscles du tronc et des muscles de l’épaule ne s'ajoutent 
pas à l'effort de flexion du biceps et du brachial antérieur. 

* Pour obtenir ce résultat, j'ai fait construire une chaise spéciale sur la 
partie latérale de laquelle un fabricant d'instruments de chirurgie a fixé 
un levier articulé présentant quatre articulations que l’on peut immobi- 


162 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


liser complètement; un demi-brassard, en forme de gouttière, qui peut 
être serré à l’aide d’une vis sur l’un des leviers, permet d'obtenir le main- 
tien du bras chez des personnes de différente taille et de différents âges. 

L'expérience m'a montré, en outre, qu'il est nécessaire d’attacher au 
sol par des équerres de fer et des vis, la table qui porte le myographe et 
la chaïse que je présente à la Société. 

J'ai chargé deux de mes élèves, MM. Peyrou et Turchiné, de commencer 
les mesures dont je vais communiquer les premiers résultats. 


RÉSULTATS DE MESURES FAITES AVEC LE MYOGRAPHE DYNAMOMÉTRIQUE 
DE M. GRÉHANT, 


par MM. PEyrouU ET TURCHINI. 


. Nous avons appliqué l'instrument imaginé par M. Gréhant, et qu'il a 
fait fonctionner devant la Société de Biologie, à la mesure dela force avec 
laquelle l’avant-bras est fléchi sur le bras bien fixé. Nos expériences ont 
été faites sur quatre cents élèves environ du lycée Henri [V, et sur soixante 
jeunes filles suivant les cours de l’École professionnelle de l'Étoile. 

Les résultats obtenus chez la même personne sont concordants : ainsi, 
on trouvera, par exemple, 20 kilogrammes une première fois, et 21 kilo- 
grammes dans une mesure effectuée à quelques jours d'intervalle ; chez 
une autre personne, dans les mêmes conditions, on aura 14 kilogrammes 
et 14 kilograrmes. 

Les nombres obtenus chez des garçons, tous de même âge, présentent 
d'assez grands écarts; par exemple, à l’âge de dix ans, sur quinze enfants, 
deux n'ont donné que 8 et 9 kilogrammes; c'est un minimum; sept ont 
donné 11 el 12 kilogrammes; quatre ont produit un effort de 15 kilo- 
grammes, et deux de 18 kilogrammes; c’est un maximum. 

L'énergie musculaire augmente avec l’âge; ainsi, entre quinze et seize 
ans, beaucoup de jeunes gens habitués aux exercices de la gymnastique 
nous ont présenté un effort de flexion de 25 kilogrammes ; quelques-uns 
ont atteint 30 kilogrammes. 

Chez les jeunes filles, l'effort est généralement moindre; à l’âge de neuf 
ans, sur huit enfants, nous avons trouvé deux fois 6 kilogrammes, quatre 
fois 8 kilogrammes, et deux fois 11 kilogrammes. Chez des garçons du 
même âge, les efforts ont varié entre 41 et 14 kilogrammes. 

Nous nous proposons de continuer ces recherches, qui sont encore trop 


peu nombreuses, pour qu'il soit possible d’arriver à des conclusions défi- 
nitives. 


SÉANCE DU 20 FÉVRIER 163 


LOI DE L'ABSORPTION DE L'OXYDE DE CARBONE PAR LE SANG 
D'UN MAMMIFÈRE VIVANT (1), 


par M. GRÉHANT. 


Pour rechercher les conditions de l’absorption de l’oxyde de carbone 
par le sang d'un mammifère, d’un chien, avec beaucoup d’exactitude, 
j'ai opéré de la manière suivante : J'ai découvert une artère carotide, j'ai 
lié le bout périphérique et j'ai appliqué sur le bout central le compresseur 
du D' François Franck. Par un ajutage fixé dans le vaisseau, j'ai aspiré 
à l’aide d'une seringue de physiologie 25 centimètres cubes de sang arté- 
riel qui a été injecté dans mon appareil servant à l'extraction des gaz du 
sang, les gaz ont été recueillis dans une cloche divisée en centimètres et 
en dixièmes. 

D'autre part, j'ai rempli de 300 litres d'air mesurés avec un compteur 
à gaz un grand sac de caoutchouc, dans lequel j'ai fait passer 300 centi- 
mètres cubes d'oxyde de carbone pur pour composer un mélange à 1/1000°, 
ou 150 centimètres cubes pour un mélange à 1/2000°, ou 75 centimètres 
cubes pour un mélange à 1/4000°, ou seulement 30 centimètres cubes 
pour composer un mélange à 1/10000°. Les parois du sac ont été secouées 
afin d'obtenir un mélange homogène; l’animal respirait dans le sac, à 
l’aide d’une muselière de caoutchouc, et d’un appareil à deux soupapes 
métalliques de Verdin qui n’offre aucune résistance. 

Après une demi-heure, on fait une deuxième prise de sang artériel 
dont les gaz sont extraits à 40 degrés seulement; puis on introduit dans 
le ballon récipient 25 centimètres cubes d’acide acétique à 8 degrés et on 
immerge ie ballon dans l’eau bouillante; l’hémoglobine est convertie en 
hématine et l’oxyde de carbone se dégage; on le recueille dans une petite 
cloche graduée assez étroite pour que l’on puisse apprécier exactement 
les vingtièmes de centimètre cube; le gaz obtenu contient toujours de 
l'acide carbonique que l’on absorbe sur le mercure par la potasse; 
de l'oxygène, que l’on absorbe par l'acide pyrogallique, puis on 
passe du mercure sur l’eau et, dans le mélange d'oxyde de carbone et 
d'azote, on introduit un petit tube contenant du protochlorure de cuivre 
dissous dans l’acide chlorhydrique, réactif qui, agité avec les gaz, absorbe 
complètement l’oxyde de carbone. Voici le tableau des résultats qui ont 
été oblenus sur des chiens différents et qui ont été rapportés à 400 centi- 
mètres cubes de sang : 


(1) Travail du Laboratoire de Physiologie générale de M. le professeur Rou- 
get, au Muséum d'histoire naturelle. 


164 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


DS memes ee Re RS, EG 


(raz du sang artériel normal. 


Proportions 
du ? 
mélange. CO? Oxygène. Az. Co 
si 28,9 12,2 1,9 0,0 
1000 L 7 à è 
il 
2 HO pp 9 
3000 51,8 15,9 4,9 2,8 
1 
9 
2000 42,2 13,4 1,8 7 
1 
ee 21.3 # 
2000 40,4 21,5 1,9 41,3 
Co2. Oxygène. Azote. 
40,1 15,4 4,5 
45,9 21,2 4,0 
40 15,2 1,8 
40,4 22,1 1, 


On voit que le deuxième échantillon de sang contient toujours moins 
d'oxygène que le premier. Mais le fait le plus important, et sur lequel je 
dois insister davantage, résulte de l'examen des nombres qui représentent 
l’oxyde de carbone dégagé; les chiffres 5.5, 2.8, 1.7, 1.3 sont exacte- 
ment proportionnels aux quantités de gaz toxique introduites dans l'air. 
D'où je conclus, que l’oxyde de carbone se dissout dans les globules du sang 
en obéissant à la loi d’'Henry, que l'on attribue souvent à Dalton. 

Si l’on fait respirer, comme je l’ai fait, à un chien pendant une demi- 
heure un mélange ne renfermant que 1/10000° d'oxyde de carbone, 
100 centimètres cubes de sang devraient absorber 0 ec. ce. 55; l'expérience 
m'a donné 0 c. c. 5. 

On peut donc très facilement appliquer le procédé expérimental que 
j'ai décrit à la recherche et au dosage exact de l’oxyde de carbone qui 
peut être contenu dans Pair. 

Une conséquence très simple découle de la loi que je viens de for- 
muler : on peut calculer la dose toxique de l’oxyde de carbone que j'aï 
trouvée égale chez le chien à 1/300° ou à 1/250°; si l'on compare la capacité 
respiratoire du sang normal égale à 95 à celle du sang empoisonné par 


l’oxyde de carbone qui est réduite à 5, on conclut que 20 centimètres cubes. 


d'oxyde de carbone ont été fixés par 100 centimètres cubes de sang; 
appelons x le dénominateur de la fraction qui indique la dose toxique 
dans le mélange, on aura : 


1 
7 G) E pe 
— — FE dou ee °° = 975; la dose tonique calculée est 
1000 
donc l nombre intermédiaire entre 4 et a 
975 300 ‘ 250 


= de: 
 É.- 
42 
ÿ À 


SÉANCE DU 20 FÉVRIER 165 


NOTE SUR L'ACTION TOXIQUE 
DU SANG DES MAMMIFÈRES APRÈS LA DESTRUCTION DES CAPSULES SURRÉNALES, 


par MM. E. ABÉLOUS et P. LaNGors. 


Dans deux notes précédentes à la Société de Biologie (1), nous avons 
signalé que la destraction des deux capsules surrénales chez la grenouille 
entraînait fatalement une paralysie rapide et la mort. Cette paralysie por- 
tant principalement sur les terminaisons motrices, et en partie sur les 
muscles. Nous avons montré également que l'injection du sang de ces gre- 
nouilles mourantes, à des grenouilles récemment opérées, et chez les- 
quelles il n'existait encore aucun trouble parésique, déterminait très 
rapidement une paralysie progressive; l'excitation faradique des nerfs ne 
donnant plus lieu au bout de peu de temps à aucune réaction, alors que 
le muscle était encore parfaitement excitable. Nous avons conclu à l’ac- 
tion curarisante de ces injections de sang en nous appuyant sur l’expé- 
rience classique de Claude Bernard : l'interruption de la circulation dans 
une patte postérieure par la ligature de ce membre, avant l'injection. 

Nos recherches sur les cobayes nous ont montré que la destruction 
d’une seule capsule n’entraîne pas la mort, tandis que la destruction 
complète des deux capsules amène une mort rapide. La mort est précédée 


d’une paralysie débutant par les membres postérieurs, puis les muscles 


antérieurs et les muscles respirateurs, comme l’a bien montré M. Brown- 
Séquard dans son travail de 1856. 

Guidés par les faits que nous avions constatés chez les grenouilles, nous 
avons, sur des animaux mourants, ou immédiatement après la mort, 
recherché l’excitabilité des nerfs et des muscles. 

Chez l’animal mourant, l'excitation du nerf sciatique par un courant 
faradique fort ne déterminait aucun mouvement dans la patte postérieure, 
alors que quelques mouvements dans la tête indiquaient que la sensibilité 
était conservée. Les muscles de la patte avaient conservé leur excitabilité, 
quoique peut-être un peu affaiblie. 

L’excitation faradique du phrénique ne détermine aucune contraction 
du diaphragme, bien que l’excitation directe de ce muscle soit nettement 
efficace. 

Nous sommes conduits à admettre que cette paralysie est due à une 
auto-intoxication de l’animal, par ces substances qui, normalement, sont 


détruites ou neutralisées par les capsules surrénales, auto-intoxication 


portant surtout, nous n’osons dire exclusivement, sur les plaques termi- 


 nales motrices. 


(1) Abélous et P. Langlois. Note sur les fonctions des capsules surrénales 


chez la grenouille, Soc. de Biologie, séance du 28 novembre 1891. 


166 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Si l’on injecte du sérum ou du sang dilué dans du sérum artificiel, de 
cobaye mort à la suite de la destruction des capsules, à des grenouilles, 
on constate que 5 centimètres cubes de cette dilution (malheureusement 
non dosée) détermine chez la grenouille des troubles parésiques, qui débu- 
tent après un laps de temps variable de une heure à deux heures. Au 
bout de trois à quatre heures, l'inexcitabilité des nerfs est complète. 

L’intoxication est beaucoup plus rapide chez des grenouilles dont on 
vient de détruire les capsules. 

L’injection de liquides analogues, sérum ou dilution de sang, de cobayes 
morts à la suite d’autre cause ou n'ayant eu qu’une capsule enlevée, ne 
produit pas les mêmes effets. Il faut une dose quatre ou cinq fois plus 
forte pour amener la mort, mais il y a là un mécanisme tout autre et 
l’excitabilité nerveuse, dans ce cas, est conservée. 

Nous avons refait alors l'expérience de Claude Bernard. Interrompant 
la circulation dans un membre, tout en laissant le nerf intact, et nous 
avons injecté une quantité variable, soit de sang dilué, soit du liquide pro- 
venant du lavage par l’eau salée de l'appareil circulatoire du cobaye 
acapsulé. 

Sur ces grenouilles, on constate que le nerf de la patte non liée, deux ou 
trois heures après l'injection, donne des réactions beaucoup moins éner- 
giques que celui de la patte liée, et que douze ou dix-huit heures après, 
l'excitation du sciatique restait sans résultat pour la patte libre, alors 
que la même excitation du côté ligaturé déterminait une contraction téta- 
nique. 

Les muscles réagissant aux deux pattes de la grenouille. Il semble donc 
que la paralysie déterminée par des injections de sang de cobayes, morts 

.à la suite de la destruction des capsules surrénales, porte sur les termi- 
naisons motrices des nerfs. | 


(Travail du laboratoire de physiologie de la Faculté de médecine.) 


STRUCTURE D'UN GANGLION ABDOMINAL DE MÉLOLONTHIEN, 


par M. ALFRED BINET. 


De tous les ganglions composant la chaîne nerveuse de l’'Insecte, les 
o 8 P 9 
ganglions abdominaux sont ceux qui président aux fonctions physiolo- 
giques les plus simples ; aussi, doit-on s'attendre à ce que les détails de 
leur structure interne se présentent comme une simplification des struc- 
tures observées dans les ganglions du thorax et de la tête. L’observation 


+ 


SÉANCE DU 20 FÉVRIER 167 


“directe confirme dans une large mesure cette idée a priori. Tout d'abord, 

il est incontestable que le ganglion abdominal est construit sur le même 
plan fondamental qu'un ganglion thoracique, et même que le ganglion 
-sous-æsophagien; il existe, dans chaque ganglion abdominal, un lobe 
dorsal et un lobe ventral composés essentiellement des mêmes parties que 
dans des ganglions plus complexes; et nos précédentes descriptions, faites 
au moyen de l'étude d’un ganglion thoracique, pourraient à peu de 
chose près s'appliquer ici. La principale simplification consiste dans la 
suppression du lobule latéral qui existe dans les trois ganglions du thorax 
et dans le ganglion sous-œæsophagien, lobule qui, très probablement, doit 
être mis en rapport avec les appendices locomoteurs du thorax et les 
appendices masticateurs de la bouche : l'abdomen étant dépourvu de ces 
appendices, il est naturel que ces lobules latéraux, qui sont en quelque 
sorte surajoutés, fassent défaut dans un ganglion abdominal. 

Les nerfs abdominaux présentent un certain nombre de caractères qui 
permettent de faire des comparaisons entre leur disposition et celle des 
nerfs thoraciques; ils paraissent n’être annexés à aucun lobule spécial, et 
par ce fait, ils se distinguent nettement des nerfs cruraux, avec lesquels 
il semble qu'on ne puisse établir aucune homologie. Chaque nerf abdo- 
minal se met en relation avec la substance fibrillaire du ganglion par 
quatre racines, dont deux sont ventrales et deux dorsales; la séparation 
de ces deux groupes de racines se fait au point même où le nerf abdo- 
minal pénètre dans la couche cellulaire du ganglion. Les deux racines 
ventrales se dirigent directement vers la colonne ventrale; d’après leur 
position, nous appellerons la première, la racine ventrale antéro-interne, 
et la seconde, la racine ventrale postéro-externe ; cette dernière, après 
avoir pénétré dans la colonne ventrale, change de direction et se porte 
un peu en avant. Les deux racines ventrales se rendent dans la portion 
de la colonne ventrale qui est placée en avant du lobule ventral inférieur. 
Les racines dorsales du nerf abdominal(en général, nous avons pu en dis- 
cerner deux), se perdent dans les parties supérieures du lobe dorsal. Cette 
distribution des racines permet de rapprocher, jusqu’à un certain point, 
le nerf abdominal du nerf alaire; tous deux présentent des racines dor- 
sales et ventrales dont la direction est analogue; et de plus, fait à remar- 
quer, la racine ventrale du nerf alaire, comme celle du nerf abdominal, 
se rend dans la parlie de la colonne ventrale située en avant du lobule 
ventral inférieur; seulement, le nerf alaire possède une racine de plus, 
cette racine moyenne qui, après avoir suivi le trajet de la racine dorsale, 
s’'infléchit et traverse le ganglion dans la direction antéro-postérieure. 

Il existe dans le ganglion abdominal un connectif particulier, qui occupe 
la région supérieure du lobe dorsal où il se marque, sur les coupes trans- 
versales, par deux ponctuations foncées situées de part et d'autre de la 
Higne médiane. Ce connectif prend naissance, d’une façon graduelle, dans 
la substance fibrillaire du troisième ganglion thoracique, et on peut le 


168 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


suivre dans la moitié antérieure de la série des ganglions abdominaux: 
nous le désignerons par le nom de connectif dorso-abdominal. 

La présente communication termine la description sommaire de la 
structure interne d'un ganglion nerveux sous-intestinal, chez les Insectes. 
Dans une prochaine communication, nous exposerons les expériences que 
nous avons faites sur la physiologie des organes que nous venons de 
décrire. 


(Travail du laboratoire d'embryogénie comparée. Collège de France.) 


Le Gérant : G. MASSoN. 


Paris. — Typographie Gaston Née, 1, rue Cassette. — 5732, 


SÉANCE DU 27 FÉVRIER 1899 


M. LAverAN : Acariens de l'oreille chez le lapin, paraplégie réflexe. — M. C. CaaBrié : 
Sur la nature des cristaux et des gaz qui prennent naissance dans les cultures de 
l’Urobacillus septicus non liquæfaciens. — M. Prenanr : Le « corps intermédiaire » 
de Klemming dans les cellules séminales de la Scolopendre et de la Lithobie. — 
M. Reuy Samwr-Loup : Sur une disposition intermédiaire à celles qui ont fait éta- 
blir un caractère anatomique différentiel des Plagiotrèmes et des Hydrosauriens. — 
MM. Tarnrer et CHAmBrELENT : Note relative à la recherche de la toxicité du sérum 
sanguin dans deux cas d’eclampsie puerpérale. — M. le D' Arserr Besson: Du 
mode d'action des révulsifs (Mémoires). 


Présidence de M. Laveran. 


CORRESPONDANCE IMPRIMÉE. 


M. Ch. W. Srices (de Washington), membre correspondant, fait hom- 
mage à la Sociélé d’une note sur un parasite auquel il a donné le nom de 
« Myzomimus ». 


ACARIENS DE L'OREILLE CHEZ LE LAPIN, PARAPLÉGIE RÉFLEXE, 


par M. A. LAVERAN, 


Professeur au Val-de-Gräce. 


À propos des Acariens des oreilles et des accidents qu’ils peuvent pro- 
duire chez les animaux, je crois devoir citer le fait suivant: 

Depuis plus de deux mois, un lapin qui n’avait subi aucune opération, 
aucune inoculation, présentait une paralysie du train postérieur, on avait 
remarqué de plus l'existence de croûtes dans les oreilles. 

Jeudi dernier, j'ai sacrifié ce lapin et j'ai procédé avec soin à son 
autopsie. 

Les deux oreilles étaient bouchées par du cérumen et dans leur partie 
profonde on distinguait à l'œil nu un grand nombre de petits grains blan- 
châtres mobiles qui n'étaient autres que des acares, comme le montra 
l'examen histologique. Ces parasites étaient en nombre très considérable 
au fond des deux oreilles, jusqu'aux oreilles moyennes qui n'étaient pas 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9° SÉR!E. T, IV. 8 


150 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


envahies ; ils présentaient les caractères ordinaires de l’acare de l'oreille 
du lapin. 

J'ai enlevé avec soin le cerveau et la moelle de ce lapin et je n’ai rien 
gonstaté d’anormal. Il n’y avait pas de suppuration dans le crâne au voi- 
sinage des oreilles; la moelle présentait dans toute son élendue sa consis- 
tance el son aspeel normaux (l'examen histologique n’a pas été fait). 

- Il paraît résulter de ces faits qu'il y a eu dans ce cas paralysie réflexe; 
j'avais déjà observé plusieurs fois la paraplégie chez le lapin sans réussir 
à en trouver la cause dans des lésions médullaires; peut-être s’agissait-l 
également de paralysies réflexes dues à des acares des oreilles. 


SUR LA NATURE DES CRISTAUX ET DES GAZ 
QUI PRENNENT NAISSANCE DANS LES CULTURES DE L'Urobacillus 
seplicus non liquæfaciens (1), 


par M. C. CuaBRié. 


M. le D' Charrin a entretenu la Société dans la séance du 12 décembre 
dernier de certaines particularités des cullures de la bactérie urinaire. 

il a rappelé que M. le professeur Bouchard a observé la présence de 
cristaux dans les cullures qu'il en a faites principalement sur agar. 
M. Charrin a également parlé de gaz formés lorsqu'on cultive sur géla- 
tine, et dont la présence a été reconnue par M. Bouchard et par lui au 
cours de leurs recherches sur ce microorganisme. 

Il était intéressant de déterminer la nature des substances cristallisées et 
gazeuses décrites par ces auleurs, et c’est ce travail que j'ai entrepris 
d’après les conseils de M. Bouchard qui a bien voulu, de plus, m'indiquer 
les moyens les plus favorables à la formation des produits dont je devais 
faire l'analyse. j 


I. Cristaux. — On a ensemencé 50 tubes de gélose le 5 décembre. 
À partir du 41 décembre quelques rares cristaux se sont montrés ; le 
24 décembre on a cherché à les retirer. On a dû chauffer les tubes au 
bain-marie, ce qui, sans altérer les cristaux, a rendu leur extraction moins 
laborieuse, dans la gélose ainsi ramollie. 


(1) C'est le nom sous lequel M. le professeur Bouchard désigne celte bac- 
térie décrite autrefois par lui sous le nom de bactérie bacillaire de l'urine. 
Leçons sur les maladies par ralentissement de la nutrition, p. 251, 1879). 


SÉANCE DU 27 FÉVRIER 474 


Les cristaux ont élé lavés, à l’eau (dans laquelle ils sont insolubles), 
puis à l’éther. Ces opérations les ont débarrassés des substances qui ÿ 
adhéraient sans toutefois modifier leur composition. On les a ensuite 
placés sur une plaque de porcelaine, et on les y a laissés quelques heures 
pour les sécher. 

25 tubes ont fourni 46 cristaux bien nets dont la longueur a varie de 2 
à 7 millimètres. 

Examiné au microscope, à lumière naturelle, chaque cristal a été 
trouvé formé d’une quantité considérable de petits cristaux homogènes 
dont la plus grande dimension était à peu près parallèle à l’axe dela 
cristallisation. 

Examinés en lumière polarisée, ils ont vivement rétabli la lumière ; 
l’angle, qui fait direction suivant laquelle ils éteignent la lumière avec 
leur axe, a été trouvé égal à 63 degrés. 

Les cristaux sont insolubles dans l’eau, mais se dissolvent facilement 
dans l’acide acétique sans effervescence. La solution acétique précipite par 
l'addition d’ammoniaque et mieux si l’on ajoute du chlorhydrate d’am- 
moniaque. : 

De plus, un cristal calciné au rouge sur une lame de platine, s’est dis- 
sous ensuite dans l'acide acétique sans effervescence. 

On n’était donc pas en présence d’un carbonate ni d’un sel organique. 

Le composé cristallin a été traité par la potasse à l’ébullition dans un 
très petit tube et il a laissé se dégager des vapeurs ramenant de suite au 
bleu le papier rouge de tournesol et donnant des fumées blanches lors- 
qu’on en approchait un flacon d'acide chlorhydrique. 

On avait donc un sel d’ammonium minéral, et insoluble dans l’eau, 
soluble dans les acides. 

On pouvait penser qu’on était en présence de phosphale ammoniaco- 
magnésien. 

De plus, lorsqu'on avait calciné ces cristaux au rouge naissant pour 
leur faire perdre tout leur ammoniaque, il restait une masse confusément 
cristalline qui, après avoir été dissoute par l’acide acétique et reprécipitée 
par l’ammoniaque, donnait des cristaux contenant de l’ammoniaque et 
présentant au microscope la forme du phosphate ammoniaco-magnésien 
précipité. \ 

Donc les cristaux sont du phosphate ammoniaco-magnésien. 


IT. Gaz. — Pour se procurer ces gaz, on a opéré de la manière suivante : 


Un ballon de 500 c. c. environ, rempli à moitié de gélatine et muni 
d’un tube de dégagement, a été mis en communication au moyen de ce 


tube avec une éprouvette pleine d'huile plongeant dans un verre conte- 
nant le même liquide. 


172 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Puis, tout cet appareil a été mis dans une grande étuve (étuve du 
D: Roux) à la température de 32 degrés. 

Dans ces conditions, la gélatine s’est liquéfiée sans se mêler à l'huile et 
les bulles gazeuses ont pu se dégager régulièrement. 

Au bout de douze jours environ, on a recueilli une petite quantité de 
gaz qu'on a fait passer dans des éprouvettes pleines de mercure. 

Je ne décrirai pas les précautions, qu'il a fallu prendre pour séparer 
complètement l'huile du gaz ; qu'il me suffise de dire qu'on y est par- 
venu. 

Ce gaz a présenté les propriétés négatives suivantes. 

11 n’a pas été absorbé par l’eau de baryte, la potasse, les acides 
(chlorhydrique et acétique), l'acide pyrogallique et la potasse. 

Il n’a pas brülé ni détoné lorsqu'on l’a mis en contact avec une 
flamme, et n’a pas laissé de résidu charbonneux. 

De ces essais on pouvait conclure que le gaz n’était ni de l’acide car- 
bonique, ni de l’ammoniaque (ou des amines), ni un carbure, ni de 
l'oxygène, ni de l'hydrogène, ni de l’oxyde de carbone. C'était donc 
probablement de l'azote. 

En effet, le gaz éteignait une allumette présentant quelques points en 
ignition, qui se rallumait dès qu'on la laissait de nouveau à l'air, si le 
séjour dans le gaz n’avait pas été trop prolongé. 

Ce dernier caractère, joint à toutes les réactions négatives décrites plus 
haut, me paraît suffisant pour établir que le qaz étudié est de l'azote. 

Je n'insisterai pas sur les difficultés, qui ont nécessité de fabriquer un 
petit matériel de verre spécial, à cause des quantités minimes de sub- 
stance soumise à l’analyse. 

J'ai dû, en effet, me contenter de quelques milligrammes de cristallux 
et de 1,20 centimètres cubes de gaz pour tous les essais dont j'ai donné 
la description dans cette note. 


LE « CORPS INTERMÉDIAIRE » DE FLEMMING DANS LES CELLULES SÉMINALES 
DE LA SCOLOPENDRE ET DE LA LITHOBIE, 


par M. A. PRENANT. 


Flemming a récemment mis en évidence, par l'emploi d'une méthode 
*spéciale de coloration, dans les cellules du péritoine et du poumon de la 
Salamandre, un corpuscule chromatique se colorant à peu près de la 
même facon que les éléments chromatiques nucléiniens ; il est situé au 
niveau de la limite intercellulaire et, plus exactement, sur la masse bico- 
nique qui résulte, lors de la cytodiérèse, de la régression de la substance 
des filaments connectifs. En raison de sa situation, il nomme celte forma- 


SÉANCE DU 27 FÉVRIER 175 


tion « corps intermédiaire » (1). En même temps que lui, Leo Gerlach (2) 
trouvait le corps intermédiaire entre les deux premiers blastomères de 
l’œuf de la Souris. Après lui, Solger (3) et Geberg (4) le décrivirent, le 


premier dans les cellules de l’amnios du Rat, le second dans celles de la 


cornée du Triton. 

Flemming, se demandant quelle est l’origine de ce corpuscule, est 
disposé à croire, reconnaissant d’ailleurs qu'il manque de preuves 
à l’appui de son opinion, qu'il dérive de la concentration de plusieurs 
granules chromatiques, sur la provenance desquels à leur tour il ne se 
prononce pas catégoriquement. Quant à sa destinée, il admet qu’il dis- 
paraît sans laisser de traces; tout au moins, le corps intermédiaire, très 
apparent entre des cellules au stade de dispirème!(et même, d’après 
Geberg, au stade de dyaster), évident encore entre des éléments déjà au 
repos, mais qui résultent d’une division récente, cesse-t-il d'être visible 
avec le temps quand les cellules sont plus âgées. Relativement à la 
nature du corps intermédiaire, Flemming le considère comme représen- 
tant chez les Vertébrés un équivalent probable, très réduit, de la plaque 
cellulaire des plantes, et il le met sur le même rang que la plaque cellu- 
laire moins défigurée que l’on connaît chez les Invertébrés. 

Les observations de Flemming, de Gerlach et de leurs successeurs ont 
porté sur des cellules de Vertébrés. Le corps intermédiaire chez les 
Invertébrés n’a pas encore été décrit, mais seulement signalé par E. van 
Beneden, dans une communication écrile que ce dernier a adressée à 
Flemming. « Au moment où s’achève la séparation des deux blastomères, 
dit E. van Beneden, l’on voit très distinctement entre les deux, un corps 
lenticulaire assez réfringent, répondant au milieu du faisceau de fila- 
ments réunissants. » Le corps intermédiaire n’aurait donc pas échappé à 
E. van Beneden, qui l'aurait découvert, à une date d’ailleurs inconnue, 
chez l’'Ascaris megalocephala. Qu'il me soit permis cependant de faire 
observer que j'ai signalé le corps intermédiaire chez les Invertébrés, 
spécialement chez les Myriapodes, à une époque soit postérieure soit 
peut-être aussi antérieure à celle de l'observation d'E. van Beneden, 
dans un travail ignoré de Flemming (5). « La figure 25 montre deux 
moitiés de fuseau reliées par une sorte de boule, située à égale distance 


(1) Flemming. Congrès international de médecine; Berlin, août 1890. — Ueber 
Zelltheilung, Verh. d. anat. Gesellschaft; Münich, 18-20 mai 1891. — Neue 
Beiträge zur Kenntniss der Zelle, II Th. Arch. für mikr. Anat., Bd XXX VII, H. 4. 

(2) Leo Gerlach. Congrès internalional de médecine, Berlin, août 1890. 

(3) Solger. Zur Kenntniss der Zwischenkôrper sichtrlender Zellen. Anat. 
Anzeiger, 1891, n° 17. 

(4) Geberg. Zur Kenntniss des Flemming'schen Zwischenkürperchens, Anat. 
Anzeiger, 1891, n° 22. 

(5) Observations cytologiques sur les éléments séminaux de la Scolopendre 
et de la Lithobie. La cellule, t. II,-fasc. 3, 1887, 


174 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


du centre des deux cellules jumelles. Depuis la confection de mes planches, 
j'ai observé, avec la plus grande netteté, une tige d'union entre les deux 
cellules-filles, Cette tige portait en son milieu un renflement sous forme 
de grain arrondi; elle répétail ainsi la disposition connue depuis long- 
temps dans ce qu'on appelle les ponts intercellulaires » (loc. cit., p. 430). 
Quant à la découverte du corps intermédiaire, elle revient sans conteste 
à l’éminent cytologiste de Kiel, moins pour avoir entrevu autrefois, 
comme d’autres ou même avant d’autres, cette formation que pour 
l'avoir vue et bien vue récemment chez les Vertébrés, à l’aide d'une 
méthode de coloration que l’on peut provisoirement dire excellente. 

Les testicules de la Scolopendre et de la Lithobie se prêtent, par la 
grosseur, par l’état mitotique fréquent, par l'agencement spécial enfin de 
leurs éléments, à la recherche du corps intermédiaire. Dans des coupes, 
où la coloration pouvait être considérée comme réussie, c’est-à-dire où, 
sur un fond orangé, se détachent en rouge rubis les éléments chromati- 
ques du noyau, les centrosomes ou corpuscules centraux des cellules au 
repos, les corpuscules polaires des cellules en division, tandis que les 
filaments du faseau, les irradiations polaires et même le réticulum eyto- 
plasmique sont colorés en bleu ou en violet. Sur ces coupes, j'ai constaté 
ce qui suit. 

Le corps intermédiaire est coloré en rouge, comme les éléments chro- 
matiques du noyau. Il est toujours double, formé de deux corpuscules 
accolés ou réunis à distance par une petite tige; la duplicité du corps 
intermédiaire était exceptionnelle chez la Salamandre; le corpuscule est 
unique aussi chez l'Écrevisse. Il est situé sur la limite intercellulaire, 
spécialement au niveau du reste fusorial biconique, celui-ci se présentant 
comme Henking l’a très fidèlement représenté pour Pyrrhocoris apte- 
rus (1). On trouve le plus souvent le corps intermédiaire entre les cellules- 
sœurs qui sont déjà au repos, plus rarement entre des cellules en dispi- 
rème, jamais, semble-t-il, au stade de dyaster des cellules-filles. 

Je viens de décrire la forme la plus fréquente, normale du corps, inter- 
médiaire. A côté de celle-là, il y en a d’autres, plus rares, aberrantes, à 
la description desquelles je ne veux pas m'’attarder ici. Je veux seulement 
employer quelques-unes de ces dispositions exceptionnelles du corps inter- 
médiaire à l'examen des trois points principaux soulevés par Flemming, 
savoir l'origine du corpuscule, sa destinée et sa valeur morphologique. 

Quant à la formation du corpuscule, je puis rapporter, à l'appui de 
l’idée qu’il dérive de la fusion de plusieurs granules en deux grains (Sco- 
lopendre, Lithobie) ou en un seul (Vertébrés, Écrevisse), l'observation 
d'un corps intermédiaire granuleux et comme muriforme, aussi gros que 


« 


(1) Henking. Untersuchungen über die ersten Entwicklungsvorgänge in den 
Eiern der Insekten, I. Ueber Spermatogenese u. s. w. bei Pyrrhocoris 
apterus, Zeitschr. f.wiss Zoologie, Bd LI, 1891, 


| 


SÉANCE DU 27 FÉVRIER 475 


la masse chromatique des noyaux-filles; — celle de plusieurs grains (3,4,5) 
rangés côte à côte sur la limite intercellulaire, et placés soit au niveau 
du reste fusorial, soit à côté de ce dernier (comp. Henking et Flemming); 


— celle de corps intermédiaires, accessoires, doubles, c'est-à-dire formés 


comme le corps principal de deux granules plus petits, il est vrai, que dans 
celui-ci, placés sur le trajet du reste fusorial et de la bande sombre qui le 
plonge dans chaque cellule. En faveur de l’origine nucléaire de ce corps 


intermédiaire unique, double ou multiple, simple ou composé, je fais 


valoir l'existence de parcelles chromatiques dans la bande sombre qui 
prolonge le reste fusorial, la nature chromatique des filaments connectifs 
dont se composait le reste fusorial et aux dépens desquels le corps inter- 
médiaire peut se former. 

Quant à la destinée du corps intermédiaire, je puis dire qu'il est visible 
longtemps encore sur des cellules parfaitement quiescentes, ce qui me 
porte à croire qu'il persiste. J'émets alors cette hypothèse, à l'appui de 
laquelle je pourrais invoquer certains faits, que plus tard les corps inter- 
médiaires se retrouvent peut-être dans ces granules très colorables qui 
sont situés, d’après les observations de M. Nicolas et les miennes, à 
l'extrémité superficielle de la limite intercellulaire d'éléments épithéliaux 
(corps de Wolff des embryons de Mammifère, strie vasculaire du limacon 
des Mammifères, glandes stomacales de l’Orvet, glande parotide de 
l'Homme). 


Enfin, relativement à la valeur morphologique du corps intermédiaire, 
il me semble bien comparable à une piaque cellulaire. Mais, au lien d’en 
être le rudiment, de forme immuable dans un type animal donné, comme 
Flemming semble l’admettre pour les Vertébrés, peut-être n’en est-il que 
le vestige, plus ou moins rudimentaire suivant l’âge des cellules aux- 
quelles il est inlerposé, c'est-à-dire suivant son âge même. Seulement, 
dans une espèce animale donnée, nous appellerons corps intermédiaire 
la forme vestigiale de la plaque cellulaire qui marque la plus longue 
étape de la régression de la plaque, celle que par suite nous trouvons le 
plus fréquemment. Ainsi compris, le corps intermédiaire existerait sui- 
vant les animaux à des époques variées depuis le moment de la constitu- 
tion des noyaux-filles, tantôt dès le dyaster, tantôt seulement au dispi- 
rème ou même plus tard. De là lexplication des faits contradictoires de 
Flemming, de Geberg et des miens, Geberg ayant trouvé le corps dès le 
dyaster, tandis que Flemming et moi ne l’avons pas encore observé à ce 
stade. De là, par contre, l’explication de l'existence, aux phases de dyaster 
et antérieures, d’une plaque cellulaire nette, c'est-à-dire d’une rangée 
nombreuse en granules, située soit au niveau du reste fusorial (plaque 
fusoriale de Carnoy), soit en dehors de lui (plaque complétive de Carnoy); 
cette plaque cellulaire, je l’ai constatée chez la Scolopendre et on l’a 


110 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


trouvée (Denys (1), O. v. d. Stricht et v. Bambheke (2) ) chez les Vertébrés, 
c'est-à-dire là où, à des stades ultérieurs de l’évolution des cellules, apparaît 
le corps intermédiaire. Ii n’y aurait en somme, d’après cela, pas lieu 
d'établir une distinction de la plaque cellulaire en plusieurs formes 
(forme complète des plantes, forme incomplète des Vertébrés et de la 
Scolopendre), qui ne seraient dans une dépendance chronologique les : 
unes avec les autres que peut-être au point de vue phylogénétique ; cette 
distinction ne correspondrait qu'à la série d'étapes parcourues successi- 
vement par une seule et même formation au cours d’une même évolution 
cellulaire. 


SUR UNE DISPOSITION INTERMÉDIAIRE A CELLES QUI ONT FAIT ÉTABLIR UN 
CARACTÈRE ANATOMIQUE DIFFÉRENTIEL DES PLAGIOTRÈMES ET DES HYDRO- 
SAURIENS, 

par M. Remy Sainr-Lour. 


On sait que chez les reptiles plagiotrèmes (Ophidiens et Sauriens) les 
mâles sont pourvus en arrière du cloaque de deux organes en forme de 
cornets, armés ou non de papilles et de crochets, capables de s'évaginer 
et que l’on a considéré comme des pénis. 

Chez les Crocodiliens et les Chéloniens, au contraire, on trouve à la 
partie antérieure du cloaque un organe impair ordinairement rétracté, 
relenu par des altaches ligamentaires à la symphyvse ischio-pubienne et 
que l’on décrit sous le nom d’organe pénial. 

Ces disposilions très différentes l’une de l’autre ont servi de base aux 
distinctions de classification qui éloignent et séparent nettement les 
repliles de chaque groupe, aucune disposition intermédiaire n'ayant été 
signalée, 

L'étude anatomique comparative des mêmes organes chez Testudo 
radiata, Varanus arenarius et Triton cristatus, m'a permis de comprendre 
la relation des formes caractérisées par un pénis simple antérieur avec 
les formes à pénis double postérieur. 

Chez le Jriton cristalus, qui a élé assez mal étudié par Rusconi au 
point de vue anatomique et peut-être même an point de vue biologique, 
l’organe éducateur mâle est en apparence assez compliqué et devient 
plus intelligible lorsqu'on dissèque les glandes externes qui forment une 


(1) Denys. La cytodiérèse des cellules géantes et des petites cellules inco- 
lores de la moelle des os, La Cellule, t. IL, fasc. 2, 1886. 

(2) Van der Stricht et van Bambeke. Division mitosique des érythroblastes 
et des leucoblastes à l’intérieur du foie embryonnaire des mammifères, Verh. 
d. anat. Gesellschaft, Münich, 18-26 mai 1891. 


SÉANCE DU 27 FÉVRIER 171 


marge au cloaque et à ses organes annexes. C’est pour n'avoir fait qu'une 
étude superficielle que Duvernoy (Cuvier et Duvernoy, Anatomie com- 
parée) donna une description inexacte. Duvernoy distingua en effet dans 
le cloaque deux chambres, la première antérieure contenant un pénis 


FI 


; ( 


Fi, ll 


= 
E— 


à sommet élargi, la seconde plus postérieure étant le vestibule où abou- 
lissent les conduits génitaux, les conduits urinaires et le rectum. Un 
bourrelet fibreux érectile formerait une enveloppe commune à l’ensemble 
des deux chambres. 

En réalité, on reconnait que le bourrelet fibreux (fig. 1, B) est le bord 


02 


178 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


libre d’une cupule dont la section horizontale est en fer à cheval. Les 
deux branches du fer à cheval se recourbent intérieurement et portent 
le soi-disant pénis qui s'attache aussi au fond de la cupule. Ce pénis n’est 
autre chose qu’une papille (fig. 4, P), logée dans la cupule et en continuité 
de substance avec elle. 

En arrière de la cupule et comprise entre les branches rentrantes du 
fer à cheval, se trouve l'ouverture du cloaque. L'ensemble des deux 
organes est limité par un bourrelet tégumentaire commun T, très riche 
en éléments glandulaires dont les uns sont disposés en panaches trans- 
parents, les autres en petits tubes pigmentés. 

Si maintenant nous examinons l'organe pénial d’un Chélonien | Z'estudo 
radiata), nous retrouvons une disposition parfaitement comparable 
(Gg. 2) à l'appareil formé chez le 7riton par la cupule et sa pupille. Seu- 
‘lement chez Festudo l'appareil est plus différencié, a des rapports moins 
étendus avec l'ouverture du cloaque; les branches rentrantes du fer à 
cheval ne doublent plus la paroi latérale de l’orifice. 

La cupule constitue la partie la plus importante de l'organe; la 
papille centrale a sensiblement la même forme et les mêmes rapports 
que chez le Z'riton, mais son volume est relativement beaucoup moinäre. 
En arrière de l’organe formé par la cupule et sa papille et en continuité 
avec lüi, on trouve les corps caverneux qui limitent la gouttière génitale, 
l'organe est donc bien dans son ensemble un organe pénial ; chez T'estudo, 
la portion antérieure et la portion profonde sous-pubienne sont déve- 
loppées avec une égale importance; chez Zriton cristatus, la portion 
antérieure est la plus développée, mais la comparaison anatomique est 
rigoureuse et le même nom sera donné aux deux organes. 

Supposons qu'au lieu de se réduire pour se porter exclusivement à la 
partie antérieure du cloaque, la cupule s’allonge de manière que les deux 
branches du fer à cheval enveloppent complètement l'ouverture du 
cloaque, nous avons la disposition représentée par la figure 3. Or cette 
figure est prise sur la dissection d’un type de reptile plagiotrème, du 
Varanus arenarius. Comme les figures 4 et 2, elle est en partie schéma- 
lisée pour mettre en relief les dispositions anatomiques qui font l’objet 
de la comparaison, mais sans pour cela s’éloigner des rapports vrais des 
organes. 

Les bords B de la cupule se sont allongés jusqu'à descendre dans les 
cornets V ; situés en arrière de la fente cloacale, à la base de la queue les 
branches rentrantes du fer à cheval viennent, en diminuant, aboutir contre 
les parois de l’ouverture du cloaque, mais la papille centrale a disparu. 
Les deux pénis ne sont donc qu’une dépendance du même organe pénial 
que nous observons chez le Testudo et chez le Triton, les différencia- 
tions n'étant que le résultat de développements ou d’atrophies locales ; le 
même rôle physiologique reste avec des variantes de détail dans les 
trois cas. Je 


TE Botte 


SÉANCE DU 27 FÉVRIER 179 


Nous avons représenté (fig. 4), les étapes successives 1, 2,3 de l’accrois- 
sement supposé de la cupule, autour de l’ouverture CI, étapes qui corres- 
pondent aux dispositions représentées d'autre part : 1, Zestudo, 2, Tri- 
ton, 3, Lacertien ou Ophidien. 

Il semble en considération de ces comparaisons anatomiques que 
d’autres problèmes de morphologie pourraient être résolus par l’étude 
plus complète de l’organisation des batraciens urodèles et que les affinités 
des reptiles qui présentent des types organiques très éloignés les uns des 
autres trouveraient une relation, si l’on recherchait davantage leurs rap- 
ports avec les Batraciens. 

J'excepte les Batraciens anoures qui ont évolué dans une direction diffé- 
rente et dont les mélamorphoses aboutissent à une structure squelettique 
très typique, et dont la parenté avec les autres Batraciens ne parait 
guère que dans les phases de leur évolution qui les rattachent aux Péren- 
nibranches. 


Le résultat actuel est d’avoir reconstitué un anneau dans la chaîne des 
faits anatomiques. 


NOTE RELATIVE A LA RECHERCHE DE LA TOXICITÉ DU SÉRUM SANGUIN 
DANS DEUX CAS D'ÉCLAMPSIE PUERPÉRALE, 


par MM. TARNIER et CHAMBRELENT. 


Depuis quelque temps, un traitement particulier de l’éclampsie puerpé- 
rale a été mis en pratique à la clinique obstétricale de M. le professeur 
Tarnier ; ce traitement consiste à combiner la saignée générale, dont le 
but est de diminuer la quantité absolue de matières toxiques répandue 
dans l'organisme, à l'alimentation lactée, qui est destinée à augmenter en 
même temps la masse du plasma sanguin et à en diminuer par conséquent 
la toxicité relative. Si les malades ne peuvent avaler le lait prescrit, on 
le leur administre à l’aide de la sonde œsophagienne. 

M. Tarnier a voulu, par des expériences faites sur des lapins, recher- 
cher le degré de toxicité du sang des femmes éclamptiques qui ont été 
traitées à la clinique, et nous a chargé de ces expériences. 

Nos recherches ont été faites au laboratoire de physiologie de la Faculté 
de médecine que M. le professeur Richet avait bien voulu ouvrir à nos 
travaux, et avec le concours bienveïllant de son préparateur, M. d'Héri- 
court. 

Elles ont consisté à injecter à des lapins par voie intra-veineuse, le 
sérum du sang des femmes éclamptiques recueilli avec toutes les précau- 


180 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


tions anliseptiques, et à observer les accidents produits par l'injection de 
quantités variables de ce sérum. 

L'injection était faite dans la veine aur’culaire et était poussée avec une 
extrême lenteur, de facon à éviter les accidents de mort subite, qui sur- 
viennent lorsque l'injection est poussée un peu rapidement. 

En même temps que nous avons cherché à déterminer ainsi la quantité 
de sérum sanguin de nos éclamptiques, nécessaire pour tuer 1 kilogramme 
de lapin, nous avons déterminé très exactement par la méthode de Bou- 
chard le coefficient d'urotoxie pour chacune de nos malades, et avons pu 
ainsi constater chez elles un rapport inverse de la toxicité du sérum san- 
guin et de la toxicité urinaire. 

La toxicité du sérum sanguin humain à l'état physiologique a été peu 
étudiée ; il n’a été publié en France aucun travail sur ce sujet. Cependant, 
il paraît résulter des expériences de Rummo (Wiener medic., 1891), qu'il 
faut injecter 10 centimètres cubes de sérum sanguin normal pour amener 
la mort d’un kilogramme de lapin. 

Quant à la toxicité du sérum sanguin à l'état pathologique, nous ne 
connaissons à ce sujet qu'une expérience de Charrin (Archives de physio- 
logie, janvier 1892) qui, dans un cas d’urémie, a trouvé qu'il fallait injecter 
22 à 24 centimètres cubes de sérum pour tuer 1 kilogramme de lapin; 
celles de Rummo qui, dans le Mémoire déjà cité, après avoir admis 10 cen- 
timètres cubes comme dose toxique du sérum à l’état physiologique, a 
trouvé qu'il y avait augmentation de celte toxicité dans quelques maladies 
et particulièrement dans l’éclampsie. 

Puis, enfin, celles de Giuseppe d’Abundo (Aev. sperim., 1891), qui a 
éludié la toxicité du sérum humain dans la folie et a trouvé que la toxicité 
était manifestement diminuée dans cette affection. 


Voici maintenant le résultat de nos expériences. 


Os. I. — Femme primipare, enceinte de huit mois et demi; amenée à la Clinique 
le 4% février à dix heures du matin. 


Cette femme a déjà eu deux attaques d’éclampsie en ville. 

Dès son arrivée, elle est soumise aux inhalations de chloroforme et à la 
médication chloralée. 

Nouvelle attaque à deux heures de l'après-midi devant le personnel de la 
Clinique. On peut ainsi constater qu'il s'agit bien d'attaques d'éclampsie. 

Saignée de 300 grammes à quatre heures de l'après-midi. 

Le sang est recueilli dans un vase stérilisé et exposé au froid jusqu'au len- 
demain matin. On peut alors en séparer facilement le sérum. 

Ce sérum est injecté à une série de lapins. 

4). Un premier lapin du poids de 2,850 grammes recoit 14 centimètres cubes, 
soit à centimètres cubes par kilogramme, 


PM 


SÉANCE DU 271 FÉVRIER 181 


Ce lapin succombe dix minutes après l'injection en présentant des con- 
vulsions. 

6.) Un deuxième lapin, pesant 2,110 grammes, recoit 9 centimètres cubes 
de ce même sérum, soit 4 ©. c. 3, par kilogramme. 

Au bout d’un quart d'heure, la respiration devient très haletante, l’animal se 
couche sur le flanc, puis au bout de vingt-cinq minutes surviennent des con- 
vulsions et l'animal succombe. 

y) Un troisième lapin, pesant 1,500 grammes, recoit 5 centimètres cubes de 
ce même sérum, soit 3 c. c. 3, par kilogramme. 

L'animal paraît malade après l'injection, mais il ne tarde pas à se remettre 
et ne succombe pas dans les jours suivants. 

Nous pouvons donc estimer que la toxicité du sérum expérimenté est com- 
prise entre 3 c. c. 3, dose insuffisante pour amener la mort de 1 kilogramme 
de lapin, et 4 c. c. 3, dose à laquelle l’animal a succombé. 

Il était intéressant de rechercher quel était à la même époque le coeffi- 
cient urotoxique de cette malade. Voici ce que l'expérience nous a donné à ce 
sujet. 

Pendant les vingt-quatre heures qui ont suivi son entrée à l'hôpital, la 
malade a seulement rendu 450 centimètres cubes d'urine. 

Cette urine, injectée dans la veine auriculaire d’un lapin, à amené la mort 
de l’animal, à raison de 40 centimètres cubes par kilogramme. 

Le poids de cette femme étant de 62 kilogrammes, nous avons comme 
coefficient urotoxique 0,18. 

Ce coefficient d’urotoxie est, comme on le voit, bien au-dessous de la 
moyenne 0,46, et, fait intéressant à signaler, il serait à cette moyenne physio- 
logique dans un rapport inverse à celui que nous avons trouvé pour la toxicité 
du sérum sanguin de cette femme comparé à celui de l’état physiologique, si 
nous admettons le chiffre de 10 centimètres cubes donné par Rummo. 

Pour compléter celte observation, nous devons ajouter que cette femme, qui 
n’a plus eu de nouvel accès d’éclampsie, est accouchée spontanément le lende- 
main d’un enfant mort et ayant un léger début de macération, indiquant qu'il 
avait dû mourir depuis la veille. 

Les suites de couches ont été normales, et la malade a pu quitter le service 
parfaitement remise au bout de douze jours. 


Os. IT. -— Femme primipare, enceinte de huit mois et demi; entrée à la Clinique 
obstélricale le 4 février à dix heures et demie du soir. 


Cette femme albuminurique a eu deux attaques d’éclampsie dans la journée. 
Elle est à son arrivée à l'hôpital dans un état demi-comateux. 

Pas de début de travail. Enfant vivant. Traitement au chloral. 

Le lendemain de son arrivée, on pratique une saignée de 300 grammes. 

Le sérum est recueilli avec tous les soins antiseptiques. 

Ce sérum est injecté à deux lapins. 

Le premier, pesant 1,580 grammes, recoit dans la veine auriculaire 10 cen- 
timètres cubes de sérum, soit 6,3 centimètres cubes par kilogramme; il 
succombe au bout d’une demi-heure après avoir présenté des convulsions, 


182 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Le deuxième pesant 1,440 centimètres cubes, recoit 5 centimètres cubes de 
sérum, soit 3,4 centimètres cubes par kilogramme; cet animal succombe au 
bout de quelques heures. 

Nos deux animaux ayant succombé, nous n'avons pas ici, comme dans 
l'expérience précédente, de limite minima de la toxicité du sérum de cette 
femme, mais nous pouvons dire que la toxicité du sérum chez cette éclampti- 
que était encore supérieure à celle de notre première malade. 

Du reste, son état général paraissait aussi grave. 

Nous avons calculé de la même manière que pour la précédente le coeffi- 
cient d’urotoxie pour le jour où a été pratiquée la saignée et nous avons trouvé 
0,11 comme coefficient urotoxique, ce qui confirme bien encore l'état d’intoxica- 
tion plus grave dans lequel elle se trouvait. 

Mais un fait intéressant à noter, c'est que notre malade est accouchée le 
6 février, c’est-à-dire deux jours après son entrée à l'hôpital, d'un enfant 
vivant. 

Les suites de couches ont, d’ailleurs, été régulières et la malade est sortie 
au bout de quelques jours parfaitement remise. 


Ces deux observations tendraient donc à prouver : 
1° Que la toxicité du sérum sanguin est très considérablement aug- 


mentée dans les cas d'éclampsie puerpérale ; 
90 Que cette toxicité est en raison inverse du coefficient d’urotoxie. 


Du MopE D'ACTION DES RÉVULSIFS, par M. le D' AzBERT Besson. (Voir 
Mémoires du présent volume, p. 43.) 


Le Gérant : G. Masson. 


Paris. — Typographie Gaston Née 1, rue Cassette. — 5732. 


183 


SÉANCE DU 5 MARS 1892 


M. L. MaLassez : Sur la présence des psorospermies dans les tumeurs épithéliales. 
— M. BaraïLLon : À propos du dernier travail de M. Metschnikoff sur l’atrophie 


des muscles pendant la transformation des Batraciers. — M. J. GiRope : Infection 
biliaire, pancréatique et péritonéale par le bacterium coli commune; Mécanisme 
spécial de ces accidents dans le cours d’une cholélithiase. — M. E. Mosny : Action 


sur le pneumocoque du sérum sanguin des lapins vaccinés contre l'infection pneu- 
monique. — M. Jucren CosrantIN : La goutte, maladie du champignon de couche. 
— M. G. Poucuet : Remarque sur deux turbots à face nadirale pigmentée. — 
M. H. BeaureGarp : Note sur deux échouements récents de Balænoplera musculus. 
— M. Tu. Guizcoz : Examen binoculaire de l’image renversée du fond de l'œil avec 
un ophtalmoscope ordinaire. — M. le D' FRémonr : Azotimètre. — M. Vicror 
Pacxox : Recherches de la respiration dans les maladies mentales. — M. E. LAGUESSE : 
Bourrelets valvulaires artériels chez les Poissons (Labrus, Crenilabrus). — 
MM. Kzrpez et Bogreau : Des troubles de la respiration dans les maladies men- 
tales et en particulier dans la paralysie générale (Mémoires). 


Présidence de M. Regnard. 


SUR -LA PRÉSENCE DES PSOROSPERMIES DANS LES TUMEURS ÉPITHÉLIALES (1), 


par M. L. Marassez. 


M. Fabre-Domergue, dans sa note très intéressante sur la désorientation 
de la Cytodiérèse dans les cancers épithéliaux, nous dit avoir « essayé au 
Congrès de chirurgie, en 1891, de démontrer le peu de fondement de la 
théorie coccidienneet rattaché tous les faits sur lesquels elle se basait à des 
altérations purement cellulaires ». C’est aller trop loin,ce me semble, c'est 
surtout, risquer d'empêcher des recherches peut-être très fructueuses. 

Que l’on ait pris pour des coccidies ou quelque autre organisme unicel- 
lulaire plus ou moins voisin, soit des formations nucléaires, soit des dégé- 
nérescences cellulaires, je l’admets volontiers ; je le crois même, d'après 
cerlaines préparations qui m'ont été présentées. — Mais qu'il en ait été 
toujours ainsi, je ne le crois pas ; je pense même qu'on a pu commettre 
l'erreur inverse et prendre de tels parasites, soit pour des formations nu- 
cléaires, soit pour des dégénérescences cellulaires, soit pour quelque élé- 


(1) Remarques faites à la séance du 20 février 1892, à propos de la commu- 
nication de M. Fabre-Domergue. Voir Comptes rendus, p. 158. 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9° SÉR'E. T,. 1V. 9 


+ 


à 
4 Ê 

D 
“4 


184 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


ment normal. Ce qui me porte à le penser, ce sont les formes si singulières 
de coccidies que j'ai trouvées dans la psorospermose du foie du lapin et 
dont il eût été impossible de reconnaître la nature, si l’on n'avait pas eu 
sous les yeux tous les intermédiaires possibles entres elles, et les formes 
évidemment parasitaires. Il ne faut pas oublier non plus que les connais- 
sances que nous possédons sur tous ces organismes inférieurs sont en- 
core bien incomplètes, et que s'il en existe vraiment dans les tumeurs 
épithéliales, il s'agirait précisément d'espèces ou de formes non encore 
étudiées. Nous devons donc, dans l’état actuel de la science, ne pas plus 
nier qu’affirmer la présence de tels Pe dans les tumeurs épithé- 
Males 

Que si, dans quelques cas très rares, j'ai M uehe très: nettenient dans le 
sens aie: c'est que, d'une part, les formes cellulaires que j'avais 
sous les yeux ne ressemblaient en rien à ce que nous savons des forma- 
tions nucléaires et des dégénérescences cellulaires, de celles même qui 
ont été décrites depuis nos communications, et que je connaissais parfai- 
tement. C’est que, d’autre part, elles avaient plutôt la forme, l’allure de 
parasites ; plusieurs rappelaient en particulier quelques-unes des formes 
de coccidies que j'avais rencontrées dans la psorospermose du foie du 
lapin. 

Dans le cas d’Albarran, par exemple, les corps en question se trou- 
vaient au sein de masses épithéliales ne présentant pas le moindre indice 
de dégénérescence quelconque, ayant par contre une morphologie abso- 
lument particulière (il s'agissait d’un de ces épithéliomas de‘type ada- 
mantin sur lesquels j'ai appelé l’attention) ; en sorte que toute confusion 
entre ces corps et les cellules épithéliales avoisinantes était vraiment 
impossible. Ce n’est pas tout : on rencontrait quelques-uns de ces corps 
dans les cavités kystiques, voire même dans le tissu conjonctif voisin; 
et là, il n’y avait, autour ou à côté d'eux, pas trace de cellule épithéliale, 
ou de dégénérescence cellulaire quelconque. Impossible non plus d’ad:; 
mettre qu'ils aient été transportés dans ce tissu, secondairement, artifi- 
ciellement, par le rasoir, en raison des dispositions particulières que le 
tissu-conjonctif présentait autour d'eux. 3 

A vrai dire, les cas qui présentent cette netteté relative sont très rares, 
si j'en juge par le très grand nombre de pièces que j'ai examinées depuis 
tant d'années dans ce but spécial; il n’est donc pasétonnant qu'onn'en ait 
pas encore retrouvé de semblables depuis le peu de temps qu’on s'occupe 
de cette question. Cela ne peut manquer d'arriver un jour ou l’autre; 
c’est donc une possibilité qu’il ne faut pas perdre de vue, afin d’être prêt 
à en tirer tout le parti possible.Et quand de tels faits auront été éclaireis, 
on sera à même de passer à d’autres plus difficiles. En attendant, on à 
grandement raison d'étudier avec soin, comme on le fait, les différentes 
variétés de formations nucléaires et de dégénérescences cellulaires qui 
peuvent en imposer pour des formes parasitaires ; mais, si j'en juge par 


be 


SÉANCE DU D MARS 185 


ma propre expérience, il y aurait plus d'avantage encore à prendre le 
problème par l’autre bout, à étudier ces organismes inférieurs si peu 


connus({). 


À PROPOS DU DERNIER TRAVAIL DE M. METSCHNIKOFF : 
SUR L'ATROPHIE DES MUSCLES 
PENDANT LA TRANSFORMATION DES BATRACIENS (2), 


par M. BATAILLON. 


Dans un travail publié dernièrement par les Annales de l’Institut Pas- 
teur, M. Metschnikoff a développé certains points relatifs à la phagocy- 
tose musculaire des Amphibiens, points qu’il avait simplement indiqués 
en 1883 (3). Ce savant me fait l'honneur d'examiner ce que j'ai dit du 
même sujet dans mon mémoire intitulé : Recherches anatomiques et expé- 
rimentales sur la métamorphose des Anoures (4). Ses résultats, d'accord 
avec les miens sous bien des rapports, le conduisent à cette conclusion 
différente que : « les phagocytes musculaires dérivent du sarcoplasma avec 
les noyaux musculaires mis en suractivité considérable et ne proviennent nul- 
lement des leucocytes. » 

Avant d’aborder les faits, je dois expliquer à mon savant contradicteur 
comment, d’après son premier travail, j'ai pu comprendre que ces pha- 
gocytes musculaires étaient des leucocytes, identification qu’il dit n'avoir 
jamais faite. Après avoir exposé brièvement deux cas bien différents, le 
cas physiologique des Anoures et celui d'’inflammations expérimentales en 
se servant sans spécifier du terme phagocyte, il arrive à considérer l’en- 


(1) M. Fabre-Domergue dit aussi que la cachexie cancéreuse peut s'expliquer 
par la résorption des produits provenant des dégénérescences cellulaires. 
Dans un cours fait, il y a six ans, au Collège de France, j'ai émis une théorie 
analogue, plus compréhensive cependant. Les néoformations, disais-je, doivent 
prendre à l'organisme certains produits.qui sont nécessaires à sa nutrition; 
elles doivent aussi en rejeter d’autres qui lui sont nuisibles. Les néoformalions 
épithéliales, en particulier, peuvent être assimilées à des glandes dépourvues 
de conduits excréteurs ; elles peuvent produire une action comparable à celle 
du foie, par exemple, dont les conduits sont oblitérés et dont les produits de 
sécrélion et d'excrétion passent dans le sang modifiant les globules et les élé- 
ments des divers tissus. Pour vérifier cette théorie, j'avais commencé une 
série d'expériences avec numérations de globules; elles n’ont malheureusement 
pas été continuées. 

(2) Annales de l'Institut Pasteur, n° du 25 janvier 1892. 

(3) Biologisches Centralblatt (1883), p. 560-565. 

(4) Annales de l'Université lyonnaise, t. I, fasc. 1, 4891. 


186 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


semble de. ses recherches sur les Invertébrés comme sur les Amphibiens 
et dit ceci: L 160 

« Bei Wirbellosen, Wo genug Phagocyten vorhanden sind, erfolgt die 
Reaction ohne jede Beleiligung seitens der Gefässwand; die letztere wird 
nur bei Wirbeltieren in Anspruch genommen, wo die extravaskulären 
Phagocyten meistens nicht hinreichen. » 

Suit une théorie de la diapédèse pour ce cas des Vertébrés et là sont 
employés indifféremment les termes: phagocytes et globules blancs. La 
distinction n'existe pas dans les quelques lignes relatives à la métamor- 
phose ; mais elle n'existe pas davantage ailleurs. Je regrette qu’il m'ait 
été impossible d'interpréter autrement: Du reste, M. Loos qui, lui aussi, 
a examiné ce travail, l'a compris comme moi. 

Pour les observations, elles comportent des méthodes et des résultats. 
Les méthodes sont les mêmes que j'ai suivies (sauf les procédés de fixa- 
tion qui diffèrent). L'observation sur le vivant, à laquelle M. Metschnikoff 
pense que j'aurais dû recourir, je l’ai faite sur des larves tenues à l’obs- 
curité, je l'ai faite également sur des queues régénérées : et je dois 
avouer qu'à ce point de vue, elle ne m'a rien donné. Autant que j'en 
puis juger, elle n’a pas dû donner davantage à M. Metschnikoff. J'ima- 
gine, bien entendu, qu'il s'agit de l'examen ?n toto ; car: la dissocia- 
tion sur le frais, j'ai dit l'avoir pratiquée, et elle m'a fourni d'assez 
nombreuses figures (fig. 22, 23, 26, 33, 34 de mon mémoire). Celles 
de mon contradicteur qui sont dans ce cas, je les ai eues maintes fois sous 
les yeux ; elles me semblent ne parler ni dans un sens, ni dans l’autre et 
ne prouvent pas que la méthode soit bien démonstrative. 

J'arrive aux résultats et précisément à ceux fournis par les figures en 
question. « Les changements des muscles dans la période de la métamor- 
phose, écrit M. Metschnikoff, débutent par une croissance notable du sarco- 
plasma et des noyaux. » La PI. I présente trois dissociations à l’appui de 
cette idée (fig. 3, 7 et 8). La fig. 3, qui marque un stade initial, se trouve 
nettement décrite dans mon travail, p. 51. D'après mes observations, ce 
serait une fibre jeune présentant encore sur le côté un plasma abondant 
avec des noyaux. Ces fibres se trouvent toujours normalement à la péri- 
phérie des masses musculaires. On ne saurait voir là le point initial de 
la régression par accroissement du sarcoplasma; el les deux autres figures 
montrant l’action phagocytaire à un stade plus avancé ne disent rien 
de l’origine des éléments amœæboïdes qui peut être quelconque. Suit 
toute une série de coupes transversales bcaucoup plus neites. Si les 
dessins numérotés 3, 5 et 6 correspondent à l’augmentalion des noyaux ; 
c’est-à-dire, si la gradation qu'ils présentent est constante (je dis grada- 
tion dans le nombre, car rien n'indique la multiplication), cette observa- 
tion ne concorde pas avec la mienne. J'ai indiqué, en effet, une régres- 
sion des noyaux musculaires au début de la métamorphose, si bien qu’à 
un stade précédant l'invasion des globules blancs, on peut obtenir sur le 


0 


:‘SÉANCE: DU D MARS 187: 


même faisceau, plusieurs coupes transversales successives sans rencontrer 
un seul de ces éléments. La plupart des dessins suivants représentant la 

phagocytose (12, 13, 16, 17, 18) sont également muets sur la question de 

l’origine des phagocytes. Les figures 14 et 15 marquent le début du phé- 

nomène sur des coupes transversales et l’on peut aussi bien considérer. 
les éléments qui s'engagent dans le muscle à la périphérie comme d'ori- 

gine étrangère. Ces éléments dissocient-ils complètement le muscle 

intact? Je me permettrai de penser que des coupes longitudinales eussent 

mieux montré les rapports, et l’état général du faisceau. Il n’y a là du 

reste‘qu'un point secondaire. D'où viennent ces éléments? Là est la 

question et j'attendais plus de détails : 1° sur l'intégrité du sarcolemme ; 

2 sur la destinée des noyaux du muscle qui joueraient un si grand rôle. 

- J'ai insisté sur là destruction de ces noyaux, et sur ce point mes figures 

concordent avec celles de M. Loos. J’ai montré que l'intégrité du sarco- 

lemme ne persiste pas. J'ai figuré les divers stades de l'invasion des leu- 
cocyles; et, avec certaines coupes tangentielles, comme celles que j'ai 

observées (fig. 29, 30, 31 de mon mémoire), il m'était impossible de dire, 

comme M. Metschnikoff, que « ni dans le muscle même, ni dans son voi- 
sinage, on n’aperçoit jamais d'agglomération de leucocytes » (1). En 

somme, j'ai donné comme preuves importantes de l'invasion des leuco-: 
cytes d'autres faits que la gamme d'intermédiaires dont parle le savant 
russe. Après avoir décrit la régression des noyaux musculaires, j'ai dit 

d’abord : «que toute division nucléaire faisant défaut, dans le sarco- 

lemme comme dans le muscle, il serait impossible de trouver une origine 

accidentelle pour une pareille masse d'éléments nucléés ». L’argument 

cité ne vient qu’en seconde ligne, et il a encore sa valeur. 

Mais je me suis placé, dans cette étude, à un point de vue général; et j'ai 
observé les autres tissus : par exemple, le tissu conjonctif dans lequel j'ai 
pu distinguer par les colorants les leucocytes des cellules fixes en voie de 
destruction. Les données que j'ai fournies sur le cas particulier du muscle 
méritent, pour ne rien perdre de leur portée, d’être replacées dans le cadre 
du travail, c’est-à-dire, rapportées aux conditions générales de la méta- 
morphose par l’asphyxie. 

Dans ces conditions, le muscle commence à régresser, comme tous les 
tissus, par lui-même. Les changements qu'il présente avant l’arrivée des 
leucocytes (raccourcissement, dissociation des fibrilles, altération du 


_ (1) Du reste, il ne saurait y avoir dans cette phrase la négation d’un fait. 
C’est sans doute une simple affirmation de la nouvelle théorie. Car en rem- 
plaçant le mot phagocytes par les mots celludes amæboïdes, je trouve un fait 
contradictoire à la première page du mémoire de 1883 où il est question : de 
cellules amæboïdes s’'amoncelant, au début de la métamorphose, au contact de 
certains muscles, enveloppant graduellement des fragments de faisceaux pri- 
mitifs, etc. 


FL ENREA de. 


138 SOCIÉTÉ DE BIOLUGIE 


sarcolemme, destruction des noyaux), ont échappé à M. Metschuikof”, 
mais je me demande sur quel argument il s'appuie pour dire que des 
modifications indiquées comme normales soit par M. Loos, soit par moi, 
«résultent sürement de lésions artificielles ». En rapport avec l’asphyxie, 
survient un ralentissement de la circulation générale et de la circulation 
capillaire en particulier. On sait que ce ralentissement favorise la diapé- 
dèse : les parois capillaires sont, du reste, altérées comme les autres tissus 
et les globules blancs s'accumulent partout (d'une façon surtout nette 
dans le tissu conjonctif). Le riche lacis vasculaire qui enveloppe les fais- 
ceaux musculaires rend particulièrement intelligible l'invasion de ces 
éléments amœæboïdes à travers le sarcolemme profondément modifié. 
Arrivés là, ils s'emparent des fibres en voie d’atrophie et les divisent au 
besoin. C'est un nouveau facteur qui intervient, ce qui ne veut pas dire 
que son rôle soit « fout à fait secondaire ». 

L'intervention de ces éléments est très générale; et il y a loin des 
amoncellements de phagocytes remplissant tout un champ musculaire, 
comme je les ai figurés, aux rares éléments amœboïdes de M. Loos. Le 
résultat final est le même que dans l'interprétation de M. Metschnikoff : 
utilisation par l'organisme des matériaux nutritifs. Seulement, je n'ai 
admis pour ces leucocytes que l’activité normale et j'ai ajouté que leur 
invasion est (dans ce cas) soumise à un déterminisme physiologique. Il 
n’y a pas davantage de rapports entre l’opinion de M. Loos et la mienne 
sur le point que « les muscles sont en plus ou moins grande partie digérés 
par le liquide de la lymphe ». Pour M. Loos, ce serait le cas général 
(95 p. 100 des sarcolytes); pour moi, l'importance du processus est négli- 
geable puisqu'elle est donnée tout au plus par la relation inverse 
(5 p. 100). D’une façon générale, les sarcolytes sont digérés par les leu- 
cocytes. Ces leucocytes rentrent dans la circulation : j'en ai même indiqué 
dans les vaisseaux avec des sarcolytes encore striés. Quelques-uns dégé- 
nèrent sur place sous l'influence des conditions asphyxiques générales. 
Tout ceci a été dit (p. 54-59 de mon mémoire). Je n’ai donc pas émis sur 
les muscles cetle opinion qui m'est prêtée : « que leur dissolution définitive 
s'opère par le liquide environnant ». 

En résumé, après un examen minutieux des faits invoqués par 
M. Metschnikoff et des figures qu’il donne, je pense que la plupart de nos 
observations concordent. Je regrette seulement que mon savant contra- 
dicteur n'ait pas fixé son attention sur certains faits fondamentaux dans 
mon interprétation, faits dont il ne tient pas compte où qu’il considère 
comme accidentels : phénomènes préliminaires à la régression, destruc- 
tion des noyaux musculaires, altération du périmysium et accumulation 
d'éléments amæboïdes à sa face interne, invasion générale des leuco- 
cytes particulièrement nette dans le tissu conjonctif. 


(Laboratoire de zoologie de la Faculté des Sciences de Lyon.) 


:SÉANCE! DU D MARS 189 


te 


INFECTION BILIAIRE, PANCRÉATIQUE ET PÉRITONÉALE PAR LE BACTERIUM COLI 
- COMMUNE; MÉCANISME SPÉCIAL DE CES ACCIDENTS DANS LE COURS D’UNE 
CHOLÉLITHIASE, 


par M. J. GIRODE. 


La lithiase biliaire peut rester presque complètement et indéfiniment 
tolérante chez les sujets qui en sont atteints. Quand elle se complique, 
c’est habituellement parce qu’il s’y surajoute des accidents infectieux, 
auxquels elle a préparé le terrain. Le type le plus commun de cette 
forme aggravante est l’angiocholite suppurative consécutive à l'oblitéra- 
tion calculeuse permanente du canal cholédoque. Les phénomènes évo- - 
luent en deux phases, mécanique et septique. Dans la première, la 
stagnation de la bile entraine la dilatation des voies biliaires et l'iclère 
chronique par résorption; dans la deuxième, les microbes intestinaux 
envahissent l'appareil biliaire à la faveur de la stagnation même et font 
naitre la suppuration et l’auto-intoxication. 

Dans le fait que je puis rapporter ici, grâce à la bienveillance de mon 
maître M. Millard, la maladie première est encore la lithiase biliaire; les 
accidents qui ont suivi sa phase de tolérance reproduisent, tant par leur 
nature que par leur succession, ce qui a été dit plus haut. Mais ces acci- 
dents se sont développés suivant un mécanisme qui, pour n'être pas 
inconnu, n'appartient guère à l’histoire régulière de la lithiase biliaire. 
On verra comment l’anomalie même des phénomènes secondaires à la 
cholélithiase était amenée à conditionner un syndrome morbide beaucoup 
plus complexe; d’ailleurs, l'infection terminale en cause, déterminée 
dans l’espèce par le bacterium coli commune, m’a bien paru mériter une 
eourte mention, tant pour sa netteté objective que pour quelques-unes 
de ses localisations. 

Voici d’abord, avec un minimum de détails, l’histoire du sujet qui a 
donné lieu à cette enquête. 


 E. C..., quarante-huit ans, tourneur, entre le 18 novembre 1891 à l'hôpital 
Beaujon, salle Barth, lit n° 24 du service de M. Millard. 

Depuis deux mois, à la suite de préoccupations morales et peut-être de 
quelques excès de boisson, cet homme a commencé à maigrir, à pâlir et 
perdre ses forces. En même temps apparaissait une dyspepsie intense, avec 
pyrosis, vomissements bilieux abondants et rares, constipation habituelle. 
Dans les dernières semaines, signes d’un ictère modérément développé et 
selles pâles, demi-molles. 

Au moment de l’entrée, l’ictère persiste, peu foncé quoique nettement 
caractérisé. Les urines donnent une réaction de Gmelin faible; elles ne con- 
tiennent ni albumine ni sucre. Les évacuations sont rares, incomplètement 
décolorées. Le même état dyspeptique persiste; crises de vomissements très 


190 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


abondants, muqueux et alimentaires, mais non bilieux, très pénibles et suivis 
d'une grande augmentation de la prostration. L’amaigrissement de la face et 
des membres est considérable et contraste avec le volume du ventre, qui est 
saillant, tendu, avec une doublure adipeuse encore très épaisse. Pas d’ascite. 
Signes d'une dilatation modérée de l'estomac. Induration certaine dans la 
région pylorique, mais vague et difficile à limiter. La palpation à ce niveau 
est très douloureuse. La hauteur de matité hépatique est augmentée, mais 
l'organe déborde à peine les fausses côtes. Cœur normal, pouls faible et 
dépressible. Poumons sains. 

Apyrexie. Crises sudorales par instants. Langue sèche et collante. Dents 
très altérées. . 

Depuis l’entrée jusqu’à la mort, l’aggravation va croissant, la prostration 
s’accuse, et l’on constate de plus les modifications suivantes : augmentation 
. de l’ictère, suppression complète de l’aspect bilieux des vomissements, dou- 
leurs vives à la région épigastrique, petits accès fébriles sans frisson, mais 
avec tendance sudorale. Vers la fin, langue très sèche, collapsus apyrélique; 
suppression des vomissements, urines rares et albumineuses, augmentation 
du volume de la rate. Le malade s'éteint lentement dans l'hypothermie le 
9 décembre. 

A l’autopsie, le pourtour de la vésicule biliaire est occupé par une indura- 
tion inflammatoire très considérable, résistante, empiétant largement sur les 
parties environnantes, et rendant la séparation de ces dernières presque 
impossible. Le point de départ de cette inflammation est une cholécystite 
calculeuse ancienne. La vésicule est contractée ou mieux ratatinée sur un 
calcul unique ovoïde, du volume d’une noix et à surface presque unie. Les 
parois du réservoir bitiaire sont épaisses, indurées et légèrement infiltrées de 
pus. L'inflammation péricystique n’a eu à peu près aucune tendance à gagner 
du côté du foie, qui a conservé un aspect satisfaisant au contact de la vésicule 
même. Au contraire, du côté péritonéal, la paroi vésiculaire est le départ de 
l'énorme amas fibroïde qui en avait imposé pour une tumeur pendant la vie. 


Cette induration réunit et soude intimement la vésicule, l’origine du côlon . 


transverse, la première moitié du duodénum, enfin l'extrémité droite du pan- 
créas qu'on peut à peine isoler. Cette soudure a entrainé des conséquences 
locales multiples. Le gros inteslin, à son niveau, est très rétréci, et par contre 
le cæcum et le côlon ascendant sont distendus au point de remplir tout le 
côté droit du ventre et de dépasser la ligne médiane à gauche. D'autre part, 
le duodénum est plus coarcté encore, et ne peut laisser passer le petit doigt. 
Aussi l'estomac présente-t-il une dilatation assez considérable quoique non 
excessive. Les voies biliaires et pancréatiques ont éprouvé la même influence 
rétrécissante. L’extrémité gauche du pancréas est augmentée de volume, et à 
l'incision, les canaux pancréatiques se montrent très dilatés, remplis de cal- 
culs baignés dans un liquide purulent. On n’a pu isoler jusqu’à l’ampoule de 
Vater et à l'intestin la terminaison des canaux de la glande. De même la 
dissection de la fin du cholédoque a été impossible, ce canal, comme les pré- 
cédents, étant intimement enserré dans des trousseaux fibreux épais : on ne 
retrouve ici aucun calcul. La partie supérieure du cholédoque et surtout le 


canal hépatique sont, au’contraire, plus libres et distendus, au point d’égaler le 


petit doigt. Mais ce sont surtout les voies biliaires intra-hépatiques qui mon- 


SÉANCE DU D MARS 191 


————_—_—_—_—_————_—_—_—_—————.————.——.—…——…“———…—…——…“…“’“ 


trent une dilatation excessive. Si en effet, après avoir apprécié l’hypertrophie 
notable du foie, le granulé de sa surface (périhépatite), on fait des incisions 
sur la glande, on constate une dilatation générale des voies biliaires et une 
angiocholite purulente des plus intenses. Le calibre de quelques vaisseaux 
biliaires dilatés dépasse le volume de l’index. Quelques dilatations affleurent 
la surface, surtout au niveau de l'extrémité droite. Le contenu est constitué 
par du pus de teinte chocolat, ou par un liquide puriforme légèrement 
mélangé de bile dans les canaux moins atteints. Il existe dans les gaines 
glissonniennes des épaississements fibroïdes assez marqués. 

On trouve encore dans l’atmosphère hépatique une lésion intéressante. Vers 
l'extrémité droite du foie, se voient quelques adhérences indépendantes de la 
masse indurée péricystique. Au milieu de ces adhérences, on découvre à l’in- 
cision une série de petites poches purulentes, paraissant bien reposer directe- 
ment sur la capsule fibreuse du foie, et contenant quelques grammes de pus 
jaune, concret et un peu odorant. Il est impossible d'établir la continuité ou 
contiguité directe avec les dilatations biliaires sous-jacentes qui sont cepen- 
dant très rapprochées. | 

La rate esttrès volumineuse, molle, rappelant, de {ous points, une rate de 
fièvre typhoïde. Le reste des organes n'offre que des lésions banales. 

L'examen histologique, qui avait surtout pour objet (cette enquête s'impo- 
sait véritablement) de démontrer la nalure non cancéreuse de l’induration 
périvésiculaire, a confirmé la nature fibreuse et simple de cette lésion. La 
muqueuse digestive était partout indemne de formation néoplasique. 


La filiation naturelle des lésions précédentes ne peut laisser aucun 
doute. Une cholécyslite calculeuse ancienne se complique de péritonite 
adhésive périvésiculaire; celle-ci entraîne des phénomènes de compres- 
sion et de stase dans la sphère des deux intestins et des conduits excré- 
teurs, soit du foie, soit du pancréas. Il n’est guère douteux que la forma- 
tion du calcul biliaire et un travail sourd de cholécystite ne soient des 
accidents très anciens, et que le début effectif des premiers symptômes un 
peu marquants ne doive être rapporté à l’apparilion de ces phénomènes 
de stase, et en particulier au trouble secondaire des sécrétions hépatique 
et pancréatique. À cet ensemble de modifications, d’abord surtout méca- 
niques, venait s'ajouter une infection suppurative terminale, comme cela 
se voit d'ordinaire. Mais quelle était cette infection ? 

J'ai recueilli, avec les précautions désirables, un peu du contenu des 
canaux pancréaliques et biliaires dilatés, et aussi du contenu d'un des 
abcès péritonéaux de l’hypocondre droit. Ces différents produits soumis 
à un examen régulier ont fourni des cultures pures du bacterium coli 
commune. Cet échantillon du bacille d’Escherich était doué d’une grande 
vitalité : un tube de lait ensemencé avec la première culture était com- 
plètement coagulé en 15 heures. J’ai repris sur une plaque initiale, deux 
mois après ces premières recherches, une des colonies pour la transporter 
directement dans un tube de lait récemment préparé : la coagulation était 
obtenue en 418 heures. La virulence s’est aussi montrée très active. L'ino- 


192 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


culation sous-cutanée d'environ 2 centimètres cubes d'une culture en 
bouillon de quarante-huit heures, déterminait chez le cobaye un choléra 
expérimental mortel en vingt-quatre à trente-six heures. 
L'examen bactériologique'des coupes de foie montrait que l'infection 
bacillaire était presque exclusivement cavitaire : c'est seulement en un 
petit nombre de points qu'on pouvait constater quelques groupes bacil- 
laires dans la paroi des vaisseaux biliaires malades, ou plus rarement 
dans quelques lobules adjacents. 
. En somme, cette observation confirme ce qui est actuellement connu 
du mécanisme des infections biliaires ; elle ajoute même un détail parallèle, 
concernant l'infection similaire et simultanée des voies pancréaliques, qui 
s'était développée par un mécanisme en tout semblable, et qui ne semble 
pas avoir été jusqu'ici analysée dans des conditions pareilles, quoique la 
présence du bacille d’Escherich ait été vue déjà par Welch dans un kyste 
hématique du pancréas. Enfin, le développement de foyers purulents 
péritonéaux, infectés par le seul coli bacille, eût suffi, si cela n’était superflu, 
à démontrer qu'il ne s'agissait pas ici d’une pénétration bacillaire cada- 
vérique. Je ferai remarquer à ce propos que, dans ce cas, bien que tout 
füt réuni pour favoriser La diffusion du bacterium coli après la mort, je n’ai 
pu constater ce microbe à l’autopsie, ni dans la rate, ni dans les cavités 
du thorax, ni dans le sang du cœur. Ce côté négatif des recherches vient 
renforcer encore les faits positifs qu’il m’a paru intéressant de rappeler. 


ACTION SUR LE PNEUMOCOQUE DU SÉRUM SANGUIN DES LAPINS VACCINÉS CONTRE 
- L'INFECTION PNEUMONIQUE, 


par M. E. Mosxy, 


Moniteur au laboratoire de pathologie expérimentale et comparée. 


Dans une série de recherches (1) que j'ai entreprises sur la vaccination 
et sur la guérison de l'infection pneumonique expérimentale du lapin, et 
que j'ai poursuivies dans le laboratoire de pathologie expérimentale et 
comparée de M. le professeur Straus, j'ai été conduit à étudier l’action du 
sérum sanguin des lapins vaccinés sur le pneumocoque. 

Cette étude m'a fait constater une propriété tout à fait remarquable et 
jusqu'à présent inconnue du sérum des animaux vaccinés, et je pense, 
sans vouloir émettre d'hypothèse et sans chercher à expliquer le méca- 
nisme de l’immunité des animaux vaccinés, que la simple constatation 


(1) Le résultat de ces recherches sera publié dans le prochain numéro des 
Archives de médecine expérimentale. ( 33410 


SÉANCE DU 9 MARS 193 
EEE EEE EE A 
des faits que j'ai observés a une importance qui justifie la présente com- 
munication. 

Je ne me suis servi pour cette étude que de lapins dûment vaccinés 
qui avaient résisté à l’innoculation plusieurs fois répétée, sous la peau, 
de pneumocoques très virulents qui, chaque fois, tuaient les témoins en 
moins de vingt-quatre heures. 

J'ai d’abord recueilli le sérum de ces animaux vaccinés par la saignée 
des carotides. Mais j'ai bientôt dû abandonner ce procédé qui me donnait 
trop peu de sérum sans avoir l'avantage d’épargner pour longtemps au 
moins la vie des animaux. 

J'ai donc dû recourir à la saignée totale que je pratiquai par la section 
du cou. Après avoir rasé et lavé au sublimé la région cervicale antérieure, 
je tranchais net le cou, avec un scalpel stérilisé, et je recueillais le sang 
dans un ballon également stérilisé. 

Ce ballon était immédiatement placé dans un endroit frais, à l'abri de 
la lumière, et le lendemain ou le surlendemain, je recueillais, au moyen 
d’une pipette stérilisée, le sérum que je répartissais dans des tubes. 

Ces tubes étaient ensemencés avec une culture pure de pneumocoque, 
et placés dans une étuve à la température constante de 35 degrés. 

Dans chacune de mes expériences, je saignais en même temps et de la 
même façon un lapin sain dont le sérum était recueilli le même jour que 
le sérum du lapin vacciné, ensemencé avec une quantité égaie de la 
même culture et placé dans des conditions identiques de température. 

Chaque jour, j'ai semé sur gélose ces cultures de pneumocoque dans le 
sérum du lapin sain et dans le sérum du lapin vacciné, et à des époques 
variées je les ai inoculées à des souris blanches. 


Voici le résumé des expériences : 


Exp. (1) I. — Le 15 décembre, un lapin (n° 7), vacciné par injection intra- 
veineuse de 10 centimètres cubes de culture de pneumocoque filtrée après un 
chauffage de trois heures à 60 degrés, et qui avait résisté les 2 et 12 décembre, 
à deux inoculations sous-cutanées de pneumocoques qui avaient tué les 
témoins en vingt-quatre heures, — est saigné incomplètement par les caro- 
tides. — La même saignée est en même temps faite à un lapin sain. Le 
sérum de ces deux lapins est recueilli le 17 décembre et ensemencé ayec une 
Le génération d’une culture faite avec le sang du cœur d'un lapin (n° 45) mort 
de septicémie pneumonique. 

Les 18 et 19 décembre, le réensemencement sur de des tubes A et B 
donne des cultures positives, 


(1) Dans chacune de ces expériences, le sérum des lapins vaccinés est dé 
signé par la lettre A ; le sérum des lapins sains par la lettre B. Ces dénomi- 
nations éviteront les redites. 

Les numéros que nous donnons à nos lapins correspondent aux expériences 
que nous rapportons dans notre mémoire précédemment cité, 


194 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


De plus, le 18 décembre, l’inoculation intra-veineuse d'un centimètre cube: 
des tubes A et B, à deux lapins pesant chacun plus de 2kilogrammes, les tue 
l’un et l’autre en trois jours, et dans le sang du cœur, on retrouve une grande 
quantité de pneumocoques encapsulés. 

Depuis le 20 décembre, le réensemencement quotidien des tubes Bne donne 
que des résultats négatifs, tandis que l’ensemencement sur gélose des tubes A 
donne encore des cultures abondantes le 6 janvier, vingt jours après l'ense- 
mencement. 

Le 7 janvier, injection sous-cutanée à deux souris blanches d'un centimètre 
cube de chacun des tubes A et B. l 

La souris B survit, tandis que la souris À meurt en deux jours, le 9 jan- 
vier ; et le microscope aussi bien que les cultures décèlent la présence dans 
le sang du cœur d’une grande quantité de pneumocoques encapsulés. 

II. — Le 26 janvier, saignée par section du cou d’un lapin sain et d’un vac- 
ciné (n° 34). Ce dernier, immunisé par l'injection intra-veineuse de 10 centi- 
mètres cubes de filtrat d’une macération d'organes et de tissus hachés de 
lapin mort de sépticémie pneumonique, avait résisté les 16 et 23 janvier à 
deux inoculations sous-cutanées de RCATONAUeE qui avaient tué les témoins 
en moins de vingt-quatre heures. 

Le sérum de ces deux lapins, recueilli le 29 janvier, est ensemencé avec 
une 5° génération d’une culture faite avec le sang du cœur d’un lapin (n° 30) 
mort d'infection pneumonique. 

Outre les deux séries de tubes À et B, nons ensemencons une troisième 
série C faite avec le mélange à parties égales de sérum A et de sérum B. 

Le 30 janvier, le réensemencement des trois tubes A, B et G donne des 
cultures positives. 

Dès le 31 janvier, À et C donnent seuls des cultures positives, les réen- 
semencements des tubes B restent désormais stériles. 

Le 1er février, inoculation sous la peau de deux souris blanches d’un demi- 
centimètre cube des tubes A et B. La souris B survit, tandis que la souris A 
meurt le lendemain, 2 février; l'examen microscopique et les cultures démon- 
trent la présence d’une grande quantité de pneumocoques dans le sang du 
cœur. 

Jusqu'au 8 février, dix jours après l'ensemencement, les repiquages des 
tubes À et C donnent des cultures positives. 

Le 9 février, l’inoculation sous la peau de trois souris blanches d’un centi- 
mètre cube des cultures À, B et CG, laisse survivre la souris B, tandis que les 
souris À et C meurent le 11 février avec une grande quantité de pneumocoques 
dans le sang. 

Le 28 février, un mois après l’ensemencement, l’inoculation sous la peau 
de deux souris d un centimètre cube des cultures A et B reste sans effet pour 
la souris B, tandis que la souris A meurt au bout de trois jours, le 2 mars, 
avec une grande quantité de pneumocoques dans le sang. 

IT. — Le 9 février, saignée par section du cou d’un lapin sain et d’un lapin 
(n° 33) vacciné le 12 janvier par l'injection intra-veineuse d’une égale quan- 
tité d’un vaccin semblable à celui qui avait immunisé le lapin dont la sérum 
a servi dans l'expérience précédente. 

Ce lapin vacciné avait résisté les 16,23 janvier et 4 février à trois inocula- 


4 


SÉANCE DU D MARS 195 


tions virulentes sous-cutanées qui avaient tué les (émoins en vingt-quatre 
heures. 

Le 11 février, le sérum de ces deux lapins est recueilli et ensemencé avec 
une 11° génération d’une culture faite avec le sang du cœur d’un lapin (n° 46) 
mort de septicémie pneumonique. 

Avant cet ensemencement, quelques-uns des tubes des séries A et B sont 
mis pendant une heure dans une étuve à 55 degrés. 

Puis, tous ces tubes A et B, chauffés et non chauffés, sont, après l’ensemen- 
cement, maintenus dans une étuve à 37 degrés. 

Le 12 février, le réensemencement sur gélose des tubes A et B, chauffés ou 
non chauffés, donne des cultures positives. 

Le 13 février, un nouveau réensemencement de ce même tube, donne un 
résultat négatif pour tous. 

Pourtant, le 25 février, quatorze jours après l’ensemencementf, l’inoculation 
sous la peau de quatre souris blanches, d’un centimètre cube des cultures À 
et B chauffées et non chauffées, laisse survivre les deux souris B, tandis que les 
deux souris À meurent le lendemain, 26 février, avec une grande quantité de 
pneumocoques encapsulés dans la région du cœur. 

IV. — Le 19 février, saignée par section du cou d’un lapin sain et d’un 
lapin (n° 32) qui avait élé vacciné le 12 janvier, de la même facon que les 
lapins des expériences II et IT, et qui avait résisté Les 16, 23, 29 janvier et 4 
et 16 février à cinq inoculations sous-cutanées de pneumocoques qui avaient 
tué les témoins en vingt-quatre heures. 

Le 20 février, le sérum de ces deux lapins est recueilli et ensemencé avec 
des cultures de pneumocoques de deux origines différentes : une 2° généra- 
tion et une 3° génération de deux cultures faites avec le sang du cœur de deux 
lapins (n° 45 et 46) morts de septicémie pneumonique. 

Comme dans l'expérience précédente, quelques-uns de ces tubes A et B 
avaient été chauffés pendant une heure dans une étuve à 55 degrés, puis 
ensemencés et maintenus dans une étuve à 35 degrés. Les autres avaient été 
ensemencés sans chauffage préalable. 

Le réensemencement de ces tubes A et B a donné des cultures positives le 
21 février. 

Dès le 22 février, les tubes B, chauffés ou non chauffés, n’ont donné par réen- 
semencement quotidien que des résultats constamment négatifs, — tandis 
que les tubes A donnent actuellement encore (4 mars), treize jours après leur 
-ensemencement, des cultures positives. 

De plus,.deux tubes À et B maintenus dans l'étuve, à 35 degrés sans ense- 
mencement, du 20 au 27 février, et ensemencés le 27 février avec une 1re gé- 
nération d’une culture faite avec le sang du cœur d’un lapin (n° 56) mort 
d'infection pneumonique, ont donné, par réensemencement, des cultures 
positives le 1° mars. 
_ Depuis le 2 mars, les repiquages sur gélose des tubes B ne donne que des 
résultats négatifs, tandis que les réensemencements du tube A donne chaque 
jour des cultures très abondantes de pneumocoques. 


En résumé, si l'on ensemence comparativement avec une même culture 
du pneumocoque lancéolé, des tubes de sérum sanguin de lapin sain et de 


196 SOCIÉTÉ BE BIOLOGIE 


lapin vacciné contre l'infection pneumonique, et pessédant contre cette 
infection l’immunité la plus solide et la plus persistante, on voit constam- 
ment se manifester les phénomènes suivants : 

Dès le lendemain de cet ensemencement, la culture dans le sérum du 
lapin sain se trouble, prend une teinte blanchâtre, laiteuse, et le surlen- 
demain, un dépôt abondant blanc jaunâtre, épais, granuleux, occupe 
près de la moitié de la hauteur du tube. Cette culture si abondante, d’un 
développement si rapide, perd, dès le 2° jour de son ensemencement sa 
végélabilité, et dès le 3e ou 4° jour, sa virulence, puisque l’inoculation de 
1 centimètre cube sous la peau d’une souris blanche (Expér. Il) ne tue pas 
cet animal dont on connaît l’extrême réceptivité pour le pneumocoque. 

La culture dans le sérum des lapins vaccinés conserve, au contraire, une 
limpidité parfaite qui pourrait faire croire à une destruction complète des 
preumocoques qu’on y a ensemencés. Cette limpidité persiste pendant 
une quinzaine de jours; seule l’agitation du sérum dénote la présence 
d’un dépôt imperceptible, sorte de membrane légère qui se dépose au 
fond du tube. Au bout de ce temps, le sérum commence à se troubler 
légèrement; encore ce trouble ne progresse-t-il qu'avec une extrême 
lenteur, el n’atteint-il qu’un fort léger degré, même au bout d’un mois. 

Et pourtant, malgré cette apparence, non seulement le pneumocoque 
n’est pas détruit dans le sérum des lapins vaccinés, mais encore il y con- 
serve sa végétabilité et sa virulence pendant un temps considérable, puis- 
qu’au bout d’un mois, le réensemencement de ces cultures sur gélose 
donne des cultures positives, et que leur inoculation est mortelle pour 
les souris. Seule, leur virulence semble s’atténuer, car les souris inocu- 
lées à la dose de 1 centimètre cube peuvent ne succomber qu'au bout de 
trois jours. 

Il convient de faire observer ici que si l’on ensemence ce sérum des 
lapins vaccinés avec une culture très peu virulente, c’est-à-dire avec une 
dixième génération au moins d’une culture virulente du pneumocoque, 
au lieu de l’ensemencer avec une culture des cinq premières générations, 
on remarque que l’abondance et la rapidité du développement dela 
culture sont presque égales dans le sérum des lapins sains et dans celui 
des lapins vaccinés. Et cependant, dans ce cas encore, on observe la même 
longévité et la même persistance de la virulence des cultures dansle 
sérum des lapins vaccinés (Expér. IT). | 

Ces expériences démontrent, en somme, que le sérum des lapins vaccinés 
contre l'infection pneumonique, loin d’être bactéricide pour les pneumo- 
coques qu'on y ensemence, leur assure, au contraire, une longévité 
jusqu'alors inconnue pour ces microbes, dans aucun de nos milieux arti- 
ficiels de culture. Ils y conservent, en effet, toute leur végétabilité et une 
partie de leur virulence pendant un mois au moins, alors qu’au bout de 
quatre jours, les mêmes pneumocoques, ensemencés dans le sérum de 
lapin sain, ont perdu leur virulenée et leur vitalité. 


SÉANCE DU D MARS: 197 


Aussi comprend-on que non seulement l'injection intra-veineuse du 

sérum de lapins vaccinés soit impuissante à guérir l'infection pneumo-: 
nique vingt-quatre ou même seulement sept heures après l'infection déter- 
minée par une inoculation virulente sous-cutanée, mais même qu’elle 
soit inefficace coinme vaccin. 
+ De nombreuses expériences m’ont démontré l’inefficacité des injections 
de ce sérum pour guérir l'infection pneumonique. Deux expériences seu- 
lement de vaccination ont simplement retardé la mort sans pouvoir con- 
férer au lapin cette immunité solide et persistante que leur donne l’injec- 
tion intra-veineuse des cultures chauffées et filtrées, ou bien du filtrat 
d’une macératior d'organes et de tissus hachés de lapins morts d'infection 
pneumonique. 

Cette action si remarquable du sérum des lapins vaccinés sur le pneu-- 
mocoque n'est d’ailleurs nullement modifiée par le chauffage préalable, 
ni par un séjour prolongé dans une étuve à 35 degrés. 

Mes expériences IITet IV montrent, en effet, que le chauffage préalable 


- pendant une heure à 55 degrés ne diminue ni ne prolonge la durée dé 


l'existence des pneumocoques que l’on y sème, n’exalte ni n’alténue leur 
virulence. 

D'autre part, l’ensemencement du sérum après un séjour d’une semaine 
dans l’étuve à 35 degrés donne les mêmes résultats que lorsqu'on l'ense- 
mence immédiatement après l’avoir recueilli. 

Cette action si curieuse du sérum des animaux vaccinés, facile à mettre 
en évidence pour le pneumocoque, dont on connaît la courte vitalité 
dans les milieux artificiels de culture, sera certainement moins facile à 
démontrer, si toutefois elle existe, pour les autres microbes dont la végé- 
tabilité et la virulence persistent dans ces mêmes milieux pendant un 
temps toujours beaucoup plus long. De telles recherches exigeraient} en 
tous cas, une observation plus longue, et les résultats en seraient moins 
frappants. 

Peut-être cependant la constatation de ce fait pour d’autres microbes 
pathogènes pourra-t-elle avoir, pour la conception du mécanisme de l’im- 
munité, une importance que je crois devoir signaler. 


LA GOUTTE, MALADIE DU CHAMPIGNON DE COUCHE, 
par M. JULIEN COSTANTIN. 
_ (Note présentée par M. G. Bonnier.) 


Le Champignon de couche est l'objet d’une culture très importante 
aux environs de Paris; les procédés mis en œuvre pour obtenir cette 


198 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


plante comestible sont encore très primitifs et assez fréquemment le 
succès de cette industrie se trouve compromis par l'invasion de parasites 
divers. 

La Molle, décrite récemment par M. Dufour et par moi (1) est, certai- 
nement, parmi ces affections, la plus importante mais non pas la seule. 
La Goutte est une maladie moins répandue que la précédente et, d’ailleurs, 
moins anciennement connue: tandis que, depuis cinquante ans et peut- 
être plus, la Molle est connue des champignonnistes, la Goutte n'est 
remarquée par eux que depuis une dizaine d'années. Plusieurs de ces 
industriels même ne la connaissent que par oui dire et ne savent pas la 
caractériser. Elle n'existe pas d'une manière continue dans les carrières 
des environs de Paris, elle n’y est pas à l’état endémique comme la 
Molle; souvent, après une disparition de plus ou moins longue durée, elle 
reparaît inopinément et devient rapidement redoutable, envahissant 
tout un plancher et détruisant une partie notable de la récolte. 

Il me semble utile de décrire cette affection qui, à ma connaissance, 
n’a été jusqu'ici l’objet d'aucune recherche. 

Caractères externes. — Les caractères de la maladie sont assez nets, 
même quand on se contente de regarder le champignon en place sur la 
meule. On voit perler à la surface du chapeau et du pied des gouttelettes 
de grosseur variable depuis la taille d’une tête d’épingle jusqu’à celle 
d’un petit pois; leur teinte n’est pas constante, elle est gris jaunâtre ou 
incolore. Ce caractère explique le nom que les champignonnistes ont 
donné à la maladie. Ge critérium de la présence de gouttes,qui leur sert 
à la reconnaître, manque quand le champignon est cueilli depuis quelque 
temps; on distingue alors l'individu malade aux taches du chapeau, 
petites et brunes ou larges et verdâtres ou même jaune vif; la viscosité 
d’une partie ou de toute la surface du champignon conduit encore à 
penser que le champignon est goutteux. 

Lorsqu'on laisse l'échantillon attaqué par la goutte sur la meule, il 
continue à se développer sans s’atrophier; jamais il ne présente ces 
déformations si caractéristiques de la maladie de la Molle. Il devient 
très aqueux hygrophane, turgescent et dur, d’un poids plus élevé que 
celui des champignons sains comparables. 

En somme, ce sont surtout les goutteleties qui apparaissent à la surface 
du chapeau ou du pied qui servent à diagnostiquer la maladie. Ce carac- 
ière est assez important pour que le champignonniste expérimenté n’hésite 
pas à récolter l'individu qui le présente, quel que soit son âge, pour 
l'éloigner des champignons voisins qu’il pourrait contaminer. Cet échan- 
üllon doit être rejeté, car il se gâte rapidement et ne pourrait arriver 
aux Halles dans un état présentable. Placés sous cloche dans le labo- 


(41) Costantin et Dufour. La Molle, maladie du champignon de couche, 
Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1892. séance du 29 février. LAURE 


M4. 


- SÉANCE DU 5 MARS 199 


ratoire, à une température de 10 à 15 degrés, les champignons malades 


ne tardent pas à brunir et à se couvrir d’une épaisse couche glaireuse, 


d'un gris sale légèrement jaunâtre. 

Caractères internes. — Les caractères internes du champignon sont 
frappants, au moins dans les individus à affection bien accusée. 

Dans une coupe en long d'un échantillon malade, on remarque une 
zone translucide légèrement verdâtre, de couleur vert d’eau, qui s'étend 
quelquefois sous tout l'épiderme du chapeau, mais qui est fréquemment 
localisée. Cette même teinte peut s'observer aussi dans une partie des 
feuillets ; le pied offre aussi, mais assez rarement, une région translucide 
semblable dans sa partie supérieure s'étendant de la périphérie vers l’in- 
térieur qui reste d'ordinaire intact (1). 

À côté de cette zone aqueuse, on distingue des taches d’un brun presque 
noir, de position également variable. Tantôt elles forment de larges pla- 
ques sous l’épiderme, envahissant tout le chapeau, entourant quelquefois 
la région verdâtre ; tantôt elle s’observent plus profondément au-dessous 
de la zone translucide. 

La base du pied est presque toujours de coloration normale, et il n’est 
pas rare de faire cette remarque pour cet organe tout entier. 

Tel est l'aspect des individus à affection bien caractérisée, mais encore 
localisée; à côté d’eux, on en trouve quelques-uns moins franchement 
atteints, et d'autres, au contraire, plus complètement envahis par le mal. 

Parmi les échantillons que les champignonnistes ont cru cependant 
devoir enlever, on en remarque plusieurs qui, au bout de quelques jours 
de conservation dans une pièce froide, ont encore un aspect sain. Le cha- 
peau est un peu gluant, mais la section n'offre qu’une chair blanche 
(quelquefois teintée légèrement de jaune) d'aspect normal ;cependant, sous 
lépiderme du chapeau, on voit quelques petites taches noirâtres, isolées, 
le plus ordinairement au contact ou en continuité avec une région épider- 
mique. 

Les exemplaires plus profondément attaqués ne présentent plus la 
teinte d'un vert translucide signalée précédemment, la section est presque 
complètement d’un brun noir; la partie inférieure du pied intacte ou du 
moins paraît attaquée en dernier lieu. 

Origine du mal. — Le champignon quisortde lacarrière est fréquemment 
gluant; quand on le place sous cloche dans le laboratoire, on voit cette 
partie gluante s’accroître et se transformer en une masse glaireuse, épaisse, 
grisâtre ; elle existe le plus souvent sur le chapeau, maïs elle peut s’ob- 
server quelquefois sur le pied. Ceite matière gluante est formée de Bac- 
téries. Le 

Si l’on examine à la loupe un chapeau au début du mal, on remarque 
assez souvent de place en place, là oùse trouvent des petites taches brunes, 


(4) J'ai vu une fois la teinte verdâtre s'étendre jusqu’à la base du pied. 
| D 


200 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


des dépressions qui sont quelquefois en continuité avec de pelites poches 
creusées dans le chapeau à conteau visqueux, grisâtre. La même bactérie 
y existe également en grande quantité. 

Si l’on coupe le champignon atteint avec un scalpel flambé, en prenant 
les précautions nécessaires pour éviter l'apport sur la section des germes 
superficiels, et si l'on fait des prises au fil de platine dans les diverses 
régions de la tranche, on arrive aux résultats suivants après inoculation 
sur pomme de terre : 

Les parties brunes du voisinage de la surface du chapeau présentent 
d'ordinaire des Bactéries; dans les régions de même couleur et plus pro- 
fondément situées, ces Bactéries deviennent plus rares et peuvent man- 
quer. 

Les zones translucides verdâtres sont au début sans Bactéries. 

Les parties blanches à la base du pied sont toujours dépourvues de 
Bactéries; la même remarque s'applique aux régions semblables du 
chapeau. 

Les gouttelettes qui s’observent sur le champignon HÉUNEN en présenter 
quand elles sont colorées. 

En résumé, cette maladie d’origine bactérienne me parait être une 
affection superficielle: elle se développe de l'extérieur vers l’intérieur et 
le plus ordinairement de haut en bas; elle s’avance vers le pied dont la 
base est ordinairement intacte. La zone translucide me parait due à une 
sécrétion qui précède l'invasion de la Bactérie et qui se manifeste dans la 
culture sur pomme de terre à une grande distance du point où se déve- 
loppe la colonie bactérienne. 

Le voile gluant, gélatineux, qui couvre le chapeau plus ou moins com- 
plètement doit modifier la transpiration d'ordinaire si active du champi- 
gnon; l’eau qui continue à affluer dans le chapeau remplit toutes les 
vacuoles et provoque une forte turgescence des cellules. Quand toutes 
les cavités sont remplies, des gouttes liquides apparaissent à la surface du 
champignon. C’est un phénomène analogue à celui qui se produit à la 
chute du jour pour les plantes vertes lorsque la transpiration diminue 
brusquement par suite de la disparition de la lumière. 


s REMARQUE SUR DEUX TURBOTS A FACE NADIRALE PIGMENTÉE, 


par M. G. Poucuer. 


J'ai l'honneur de présenter à la Société, la photographie de deux 
turbots dont la face nadirale est nilemnent pigmentée. On sait que 
cette particularité, sur laquelle l'attention de la Société a été récemment 


: SÉANCE DU 5 MARS 201 


appelée, est loin d’être rare. Les deux turbots ont été rencontrés le même 
jour sur le marché de Concarneau. 

Je ferai seulement remarquer que chez ces deux individus, comme cela 
-est aussi très fréquent et même le cas le plus ordinaire, les deux yeux de 
l'animal sont dans la position habituelle sur le côté zénithal. Il n’y a donc 
point eu arrêt de développement, point de tendance supposée de l'animal 
à un pleuronectisme moins déterminé laissant à la lumière une influence 
-(également hypothétique) sur la structure de la peau du côté nadiral. Je 
conteste, pour ma part, très catégoriquement le dire des observateurs qui 
-prétendent, en forçant des turbots à vivre dans la position renversée, avoir 
‘provoqué un renversement des colorations des deux flancs de l’animal. 
Si l'exposition à la lumière peut, comme on l’observe chez les Protées 
accidentellement sortis de leur grotte, provoquer une pigmentation un 
peu plus grande qu’à l'obscurité, on ne saurait, dans l’état actuel de la 
science, admettre que la simple action de la lumière dans la durée de la 

vie d’un individu puisse avoir d’autre effet que d'augmenter la produc- 
tion du pigment à l'intérieur de certaines cellules aptes à produire ce 
pigment. Mais il y a loin de là à la formation d’un tissu nouveau, avec 
sa complexité spéciale, les pigments variés que j'ai décrits il y a long- 
temps dans la peau du turbot, des iridocytes, enfin des boucles osseuses, 
lesquelles n'existent point d'ordinaire dans la peau du côté nadiral et se 
montrent quand celle-ci est modifiée, de façon à devenir identique à la 
peau du côté zénithal. 

Il serait, de plus, contraire à tout ce que nous savons, d'admettre que 
quelques semaines dans la position reversée ont suffi à détruire un 
caractère spécifique qui n’a pu s'établir, suivant les idées actuelles, 
qu'après d’incommensurables durées. N'y a-t-il pas antinomie évidente 
entre les fondements de la doctrine de l’évolution et la puissance prêtée 
souvent à l’atavisme d'effacer d'un coup des caractères aussi lentement 
acquis ? 

Nous croyons plus simple d'expliquer la concomitance — qui paraît 
fréquente — de la pigmentation du côté nadiral de l’animal avec un 
arrêt dans le déplacement de l'œil, par ce fait, bien connu en tératologie, 
qu'il est très ordinaire de trouver sur le même individu plusieurs ano- 
malies à la fois. 

Quant à cette extension partielle de la structure de Ja peau du côté 
zénithal ou côté nadiral, il semble que la meilleure explication qu’on en 
puisse donner doive être rapprochée de celle que nous avons proposée, il 
y a longtemps déjà, par la production des kystes pileux et dentaires de 
l'ovaire (Ann. de Gynécologie, 1876). Si l’on se reporte aux premiers 
temps de la vie de l'embryon du Pleuronecte et qu’on considère son plan 
médian, celui-ci doit idéalement partager toutes les cellules de l’ecto- 
derme qui plus tard appartiendront les unes au côté zénithal, les autres 
au côté nadiral, avec leur potentiel différent, puisqu'elles donneront 


‘202 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


naissance en quelque sorte à deux téguments différents; il suffit d'admettre 
en somme qu'une seule de ces cellules de l’ectoderme primitif ait franchi 
la ligne médiane, pour donner naissance à une portion plus ou moins 
étendue de peau ayant les caractères ancestraux que cette cellule porte 
en elle, et que n'ont point les cellules du côté où elle s’est avancée. Il 
faudra admettre de plus, il est vrai, que les cellules embryonnaires du 
côté qui doit être exposé à la lumière, jouissent d’une puissance de déve- 
loppement et d'expansion plus grande que celles du côté opposé, autre- 
ment, il y aurait autant de chance pour que les caractères du tégument 
nadiral se produisent sur le côté zénithal, ce qui ne parait point être le cas. 

Nous ne nous dissimulons nullement que ce sont là des vues théoriques ; 
nous les donnons comme telles en un sujet où manque jusqu'ici toute 
donnée expérimentale. 


NOTE SUR DEUX ÉCHOUEMENTS RÉCENTS DE Palænoptera musculus, 


par M. H. BEAUREGARD. 


J'ai fait à la Société une communication verbale à propos de l’échoue- 
ment d’un Cétacé, au commencement d'octobre 1891, sur la côte Boulerie, à 
6 kilomètres de Saint-Raphaël (Var). Il s'agissait d’un jeune individu de 
l’espèce PBalænoptera musculus, long seulement de 6 mètres. Le Cabinet 
d'anatomie comparée du Muséum en a reçu le squelette désarticulé, 
malheureusement incomplet. Je note ici cet échouement pour mémoire. 

A la suite des grandes tempêtes des premiers jours du mois de février 
de cette année, un individu de la même espèce a été jeté par la mer sur 
la plage de Porsmoguer, commune de Ploumoguer, à 7 kilomètres N.-0. 
du Conquet. C'était une femelle longue de 21 mètres. Je fus chargé par le 
professeur Pouchet de faire le nécessaire pour tirer parli de l'épave, les 
collections du Muséum ne possédant de cette espèce, cependant très 
commune, que des squelettes de taille beaucoup moindre. 

Arrivé sur les lieux, je trouvai l'animal échoué au milieu de roches 
énormes, couché sur le dos, la tête au nord. Il était en état de putréfac- 
tion avancé; il avait perdu tout son épiderme, aussi la photographie que 
j'ai prise de la place ventrale montre-t-elle une teinte uniformément 
blanche, sauf au fond des plis de la peau qui s'étendent de l'extrémité de 
la mâchoire inférieure au voisinage de l’ombilic. Les fanons avaient tota- 
lement disparu, la voûte palatine étant dénudée jusqu'à l’os. L’abdomen 
était ouvert au côté gauche de la vulve. Enfin, autant qu’il m'était pos- 
-sible d'en juger, dans la position peu favorable à un examen minutieux 
qu'occupait l'animal, ilme sembla tout d’abord que la colonne vertébrale 
‘était rompue au niveau de la région lombaire. Je fis ces premières consta- 


SÉANCE DU D MARS 203 


tations dès mon arrivée. Mais la mer étant haute, je dus remettre au 
lendemain pour étudier l'animal de plus près. 

- À marée basse, je complétai mes observations. En même temps, je fis 
ramasser avec soin et mettre de côté deux vertèbres, trois côtes brisées, 
un os jugal et une portion du squelette de la nageoire gauche, pièces qui 
furent trouvées éparses au milieu des roches et que j’espérais pouvoir 
restituer plus tard au squelette. Jugeant qu'il m'était impossible d’étu- 
dier l'animal avec fruit et de procéder au dépeçage dans la position où il 
se trouvait, je décidai de profiter de la prochaine marée pour le dégager 
des rochers et le faire hâler sur une plage de sable qui formait le fond de 
la baie où l'animal était échoué. Un bateau pêcheur fut frété à cet effet 
et, grâce à l'habileté des marins bretons, l'opération, très difficile, fut 
menée à bien après quelques heures d'efforts. Lorsque la Balænoptère 
fut sur le sable, je pus l’examiner à loisir et constater qu'en dehors des 
parties du squelette que j'avais fait ramasser dans les rochers, il en man- 
quait beaucoup d’autres, particulièrement au niveau de la région lom- 
baire. Je pus remarquer en outre que les côtes étaient en partie brisées. 
Somme toute, l'énorme masse avait été sérieusement endommagée dans 
son passage à travers les nombreux récifs qui rendent cette partie de la 
côte bretonne si dangereuse pour la navigation. 

Je me décidai dès lors, à regret, à abandonner le squelette convoité, ne 
voulant point engager des dépenses relativement considérables que le 
résultat ne pouvait justifier. 

L’échouement en question n’en reste pas moins un fait intéressant et 
digne d’être relevé ; car les Cétacés adultes de cette espèce n’atterrissent 
qu'assez rarement sur nos côtes. Le plus récent date de 1885. Il s'agissait 
d'un individu mâle long de 20 mètres. Rejeté par la mer en face du labo- 
ratoire maritime de la Faculté des sciences de Caen, à Langrune, il fut 
étudié par le professeur Yves Delage. Le squelette est au musée de Caen. 

En terminant cette communication, je tiens à réndre hommage à 
l'extrême obligeance de M. Rideau, commissaire de l'inscription maritime 
au Conquet. Il a mis tout en œuvre pour faciliter ma tâche et je ne sau- 
rais trop l'en remercier. : 


EXAMEN BINOCULAIRE DE L'IMAGE RENVERSÉE DU FOND DE L'ŒIL 
AVEC UN OPHTALMOSCOPE ORDINAIRE. 


Note de M. Tu. GuiLLoz, 


Chef des travaux de physique à la Faculté de médecine de Nancy, 
(présentée par M. d'Arsonval). 
L'examen ophtalmoscopique binoculaire présente de nombreux avan- 


tages étudiés par Giraud-Teulon, Knapp et Robert Carter. Mais les ins- 
truments préconisés à cet effet présentent une disposition assez compli- 


204 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


quée ; de plus, leur cherté les fait à peu près délaisser dans la pratique: 


journalière. 

Nous croyons intéressant de signaler un nouveau procédé, grâce au- 
quel ces avantages peuvent être réalisés avec l’ophtalmoscope ordinaire. 
L'observateur pratique, comme à l'ordinaire, l'examen à l'image renver- 
sée ; seulement, au lieu de placer le miroir devant un œil, il le place entre 
ses deux veux. Il l’oriente de telie sorte que l'œil observé soit toujours 
éclairé, et il se déplace jusqu’à ce qu'il voie binoculairement la rétine. Ce 


résultat est obtenu lorsqu’en fermant alternativement l’un et l’autre œil, 


il perçoit toujours l’image rétinienne. La voit-il en double ? une variation 


de convergence suffit pour ramener ces deux images en coïncidence en. 


donnant la sensation stéréoscopique de relief. 


Les conditions favorables à cet examen sont : une dilatation Dredlabies 


de la pupille de l'œil observé et l'emploi d’une forte lentille. 
Un calcul très simple nous a permis de les préciser. 
En appelant : 


D Ja distance minimum à laquelle l'observateur doit se placer pour 
voir binoculairement une portion de la rétine comprise sous un 


angle 3 à partir du point nodal (1); 
d la distance des deux yeux de l’observateur ; 
f la distance focale de la loupe servant à l'examen ; 
O la dimension apparente de la pupille de l’œilobservé et 


1 ; : 
E son amétropie, 


nous arrivons aux formules suivantes, en supposant que le foyer de la 
lentille coïncide sensiblement avec le plan pupillaire, ce qui correspond 
au maximum du champ d'observation, 


D=—f| 2+ = — £ | (Myopie) 
Dr [2 + HE] (Emmétropie) 
=] 2 + —__— ÿ + HS +f  (Hypermétropie) 


Nous pouvons en tirer les conclusions suivantes : 


Si l’on examine un œil dans un état de réfraction quelconque mais- 


déterminé, l'observateur, pour voir binoculairement une même portion de 
de la rétine, doit se placer d'autant moins loin que l'ouverture pupillaire 


du sujet est plus dilatée et qu’il emploie une lentille plus puissante pour 


0) Dans les calculs, l’angle à s'exprimera par la Jongueur de l'arc, de 


rayon — 1 compris entre ses côtés. 


SÉANCE DU 5 MARS 205 


pratiquer cet examen. IL doit se placer d'autant plus loin qu'il veut 
observer binoculairement une plus grande portion de la rétine. 

La distance minimum d’observation est, toutes choses égales d’ailleurs, 
et relativement à ce qu'elle est pour l’emmétrope, plus grande pour 
l'hypermétrope, plus petite pour le myope. De plus, elle augmentera avec 
le degré d'hypermétropie et diminuera avec celui de myopie. 

Dans les cas d'amétropie axile, les plus fréquents, la partie de la 
rétine comprise sous l’angle désigné par à est plus grande chez le myope 
que chez l’'emmétrope, et dans ce dernier cas encore, plus grande 
que chez l’hypermétrope : ces différences vont s’accentuant avec le degré 
d’amétropie. Il s'en suit que si l’on cherche la distance à laquelle doit 
se placer un observateur pour voir un segment rétinien de grandeur 
déterminée, les conclusions précédemment dennées subsistent « fortiorr. 

On peut, en pratique, se contenter de voir binoculairement une petite 
région dela rétine, celle de la papille, par exemple; puis, en se déplaçant, 
faire porter successivement cet examen sur d’autres points. Dans ces 
conditions, l’observateur perçoit une partie de l’image rétinienne avec un 
œil et le restant avec l’autre, et c'est la partie commune aux deux champs 
monoculaires qu’il perçoit binoculairement. 

Il est évident qu'un miroir quelconque non percé d'un trou peut 
remplacer, dans cette observation, le miroir ophtalmoscopique. 

Nous renvoyons, pour les démonstrations, au Mémoire que nous 
publions dans les Archives d'Ophtalmologie. 


AZOTIMÈTRE, 


par M. le D' FRÉMONT. 


L’azotimètre que j'ai l'honneur de présenter à la Société de Biologie 
me sert depuis sept ans; je l’ai légèrement modifié dans le laboratoire 
de M. Bouchard. 

Le dosage de l'azote par l’hypobromite de soude rend de grands ser- 
vices pour évaluer l’urée ou l’azote total urinaire. Ce dosage ne peut 
être exact que si on prend la température du gaz au moment du dégage- 
ment et la pression atmosphérique. Comme le dégagement de l'azote 
s’accompagne d’élévation de la température, il faut le refroidir dans un 
milieu dont il est facile d'évaluer la température. L'appareil que je pré- 
sente remplit toutes les conditions requises : mensuration exacte du 
volume du gaz et appréciation facile de la température. 

Il se compose de deux tubes de 100 centimètres environ de longueur, 
communiquant entre eux. L'un est divisé en centimètres cubes et 


206 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


dixièmes de centimètres. Le Lube gradué est entouré d’un gros cylindre 
en verre fermé par le bas, rempli d’eau. Le tube non gradué est percé 
vers sa partie inférieure et communique avec un flacon plein d’eau. Une 
poire en caoutchouc permel de faire monter ou descendre l'eau dans les 
tubes en U communiquant avec le flacon plein d’eau. L’extrémité supé- 
rieure du tube gradué est munie d'un tuyau en caoutchouc pour le 
vide n° 4 ; ce tuyau traverse un bouchon en caoutchouc qui peut bou- 
cher un réservoir à dégagement: Ce réservoir a, le bouchon le fermant, 
une capacité d'environ — 80 centimètres cubes ; il est facile d’en avoir 
un d’une capacité de 50 et 40 centimètres cubes (1). 

Un flacon allongé, plein d’eau, assez grand pour contenir le réservoir, 

complète l’appareil- 
. Pour s’en servir on commence par saturer, une fois pour toutes, d'azote, 
l’eau qui doit pénétrer dans le tube en U. Cela fait, avec la poire en 
caoutchouc on fait monter l’eau dans ce tube. On verse une quantité plus 
que suffisante d'hypobromite de soude dans le réservoir, une quautité 
d'urine déterminée, par exemple 3 centimètres cubes, est mise dans un 
dé en verre. Le dé est mis dans le réservoir ; on bouche fortement, on 
met dans l’eau : on rétablit les niveaux dans le tube en U ; on note le 
point où l’eau saturée d’azote monte dans le tube gradué. On sort le 
réservoir à dégagement de l’eau, on le renverse, on agite Jusqu'à ce que 
tout le dégagement de l'azote soit opéré ; on remet le réservoir dans l’eau. 
Après quatre ou cinq minutes, le niveau ne change plus ; les gaz sont à la 
température de l’eau ; il suffit de rétablir les niveaux ; le volume de gaz 
trouvé, diminué celui de l’air, indique le volume de l'azote. 

Un thermomètre placé dans l’eau qui entoure le tabe gradué et dans 
l’eau où plonge le réservoir indique la température. On prend la pression 
barométrique. Il n’y a plus qu’à appliquer la formule bien connue des 
corrections des gaz pour évaluer le volume de l’azote à 0 et à 760 degrés. 

Un dosage ne demande pas une minute; le temps nécessaire au refroi- 
dissement pouvant être employé à tout autre travail. 

Les résultats sont si parfaits, qu'ils ne changent pas, même après vingt- 
quatre et quarante-huit heures. La seule cause : d'erreur réside dans ce 
fait que l’eau où plonge le réservoir est parfois à une température un 
peu plus basse que celle qui entoure le tube gradué ; il est facile d'éviter 
cette cause d'erreur en mettant un peu d’eau tiède jusqu’à égalité de 
température de l’eau qui sert à refroidir. 


(1) M. Albert Robin se sert d’un azotimètre en U: un thermomètre placé 
dans le réservoir et dans le tube à dégagement indique la température; 
lorsqu'elle est semblable aux deux thermomètres, on fait la lecture. 


SÉANCE DU 5 MARS 207: 


RECHERCHES SUR LA RESPIRATION DANS LES MALADIES MENTALES, 
par M. Vicror PACHON. 


(Travail du laboratoire de M. le D' Magnan, médecin de l'asile Sainte-Anne.) 


La communication récente de MM. Boëteau et Klippel sur les modifi- 
cations de la respiration dans les maladies mentales m’amène à entrete- 
nir aujourd'hui du même sujet Messieurs les membres de la Société de 
Biologie. 

En effet, parallèlement aux travaux des auteurs précédents, et sans en 
avoir eu antérieurement connaissance, je poursuis depuis deux mois des 
recherches dans la même direction et par la même méthode, la méthode 
graphique. Cette méthode a, du reste, été déjà appliquée par M. le doc- 
teur russe Nitschay à l'étude de la respiration dans la paralysie géné- 
rale (1). Ces recherches, qui m’avaient été inspirées par M. le professeur 
Ch. Richet, dont j'ai l'honneur d'être l'élève, ont été faites à l'asile 
Sainte-Anne, dans le service d'admission de M. le D° Magnan. Je remercie 
très sincèrement ces deux maitres de leur direction bienveillante et 
éclairée. 

Les malades qui ont fait l’objet de mes études de pneumographie cli- 
nique appartiennent à divers groupes des maladies mentales : paralysie 
générale, manie, mélancolie, dégénérescence mentale, intoxication 
alcoolique, etc. 


Il 


- Avant d’en arriver aux modifications respiratoires que j'ai pu constater 
dans ces diverses maladies mentales, je tiens à dire un mot sur quelques 
points particuliers de la méthode que j'ai suivie dans ces recherches. Les 
appareils dont je me suis servi pour prendre l'inscription de la respira- 
tion sont ceux de M. le professeur Marey : pneumographe, tambour à 
levier, cylindre enregistreur. Je n'insisterai pas sur les détails techniques, 
auxquels j’accorde pourtant la plus grande importance, mais qui, d'ordre 
purement expérimental, ne sauraient entrer dans le cadre de cette com- 


- (1) Nitschay. Contribution à l'étude de la respiration à l’état pathologique. 
Messager de Psychiâtrie, de Mierzejewsky, Pétersbourg, 1890. 


208 SOCIÉTÉ DE: BIOLOGIE 


munication exclusivement clinique (4). Je désire insister seulement sur 
l'importance qu’il y a, dans toute étude sur la respiration, à connaître 
exactement la température du sujet en expérience. Tous les physiolo- 
gistes sont unanimes à reconnaitre l'influence prépondérante de la tem- 
pérature sur la respiration comme, du reste, sur tout phénomène vital 
en général (2). C’est donc là une donnée essentielle à connaître, pour ne 
pas être exposé, dans certains cas, à accorder une origine cérébrale à des 
troubles respiratoires, dont la cause exclusive doit être rapportée à des 
états anormaux de la température de l'individu. Aussi bien, toutes les 
observations qui ont servi de base à ce travail concernent des malades 
dont la température pouvait être considérée comme normale, c’est-à-dire 
oscillant entre 36°,8 et 379,5. Il est de toute évidence, d'autre part, que 
l'auscultation des poumons sera faite avec soin, afin d'éliminer le 
moindre cas suspect. Ceci établi,et ces précautions prises, jai étudié, 
pour chaque groupe de maladies mentales, quatre données respiratoires : 


a.) L'amplitude ; 
b.) La fréquence; 


au A HAT D dant IA : 
c.) Le rapport Ë de l'inspiration à l’expiration considérées au point de 


: à Le0 
vue de la durée réciproque de leur évolution (le rapporte =}; à l’état 
normal, d’après Vierordt, Ludwig, Marey,; c'est une des valeurs qui va- 
rient le plus constamment à l’état pathologique); 


d.) Le rythme général de la respiration. 


De ces données, il en est une à laquelle on ne doit accorder qu’une im- 
portance relative, c'est la donnée amplitude. Il est certain, en effet, 
qu'avec la méthode pneumographique on ne peut avoir qu'une appré- 
ciation approximative etnon une appréciation mathématiquement exacte 
de la valeur absolue de l'amplitude respiratoire. Le degré de pression 
du pneumographe de Marey sur la poitrine exerce une grande influence 
sur la sensibilité de la plaque de l'appareil et, par suite, modifie très nota- 
blement l'étendue de la course du levier sur le cylindre enregistreur. 
Aussi bien, dans ces conditions, ne peut-on légitimement comparer deux 
graphiques pris sur deux individus différents — ces graphiques seraient- 
ils pris par. le même observateur. Je n’accorde donc, pour ma part, 


(1) Cf. Marey. Pneumographie (Journal de l'anatomie et de la physiologie, 1865, 
p. 425-456). — La méthode graphique, Paris, 14875. — Mocquot, Essai de pneu- 
mographie. Thèse. Paris, 1875, p- 6-11. 

(2) Cf. plus spécialement Ch. Richet. La chaleur animale, Paris, 1889, p. 258- 
302. : EN 


_ sa us 


SÉANCE DU 5 MARS 209 


qu'une valeur relative à l'amplitude des tracés graphiques. Quant aux 
I 

autres éléments, fréquence, rapport E” rythme, leur valeur est donnée 

absolument exacte par les tracés ; ce sont leurs modifications qui servi- 

ront à établir les types respiratoires pathologiques. 


IT 


De l’ensemble des tracés graphiques — au nombre de soixante — que 
j'ai pris, il résulte qu’on ne peut assigner un type fixe de respiration à 
chacune des espèces nosologiques actuellement admises dans la patho- 
logie mentale. Je n'ai pas trouvé de types respiratoires fixes pour la 
paralysie générale, pour la manie, pour la mélancolie, pour la dégénéres- 
cence mentale, etc. Et sans prétendre nier absolument leur existence — 
ce que ne me permet pas le nombre relativement restreint de mes obser- 
valions, — je la tiens pour fort douteuse. 

C’est que chacune des espèces pathologiques est loin d’être, en cli- 

nique, toujours semblable à elle-même. Elle peut, au contraire, revêtir 
chez deux malades deux formes absclument opposées, qui constituent Les 
deux grands syndromes, sous lesquels on peut envisager toutes les mala- 
dies mentales. Ces deux syndromes sont, d’une part, la dépression; de 
l’autre, l'excitation. Que l’on aït affaire, par exemple, à deux paraly- 
tiques généraux : l’un pourra être un paralytique pur, à forme vraiment 
paralytique, sans délire, indifférent, l’autre sera un paralytique général 
actif à idées délirantes, ambitieuses ou autres. Ces deux malades seront 
donc très dissemblables fonctionnellement au point de vue cérébral, 
quoique appartenant tous les deux à la même espèce pathologique. De 
même de deux mélancoliques : l’un sera un déprimé, l'autre un excité. 
- Que si, dans l'étude des modifications respiratoires chez les aliénés, on 
prend dès lors comme base non plus la classification nosologique, mais 
bien cette conception plus large des maladies mentales, considérées au 
point de vue des deux grands états cérébraux sous lesquels elles peuvent 
se manifester, état actif ou excitation, état lent ou dépression, dès lors on 
trouvera des types respiratoires fixes pour chacun de ces deux états dans 
la série des maladies mentales. 

L'état actif, qu’il se rencontre chez un paralytique général à idées déli- 
rantes, chez un mélancolique avec hallucinations et idées de suicide, chez 
un maniaque simple ou encore chez un alcoolique, produira une hyperacti- 
vité de la respiration. Gette hyperactivité se traduira de la façon suivante: 
la fréquence sera augmentée, l'expiration se fera plus brève qu’à l’état 


I 
normal, d'où valeur plus grande du rapport E? le rythme sera accéléré 


tout en restant régulier. L'état lent, qu’il s'observe chez un paralylique 
simple, sans délire, chez un mélancolique avec apathie ou chez un affaibli 


210 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


intellectuel sans hallucinations, produira une diminution de l'activité 
respiratoire. Cette diminution d'activité sera caractérisée par une fré- 
quence moindre, une lenteur extrême de l'expiration avec tendance à la 
pause respiratoire, d’où valeur moins grande ? l'état normal du rap- 


I 
port 55 d'autre part, le rythme général sera ralenti, il pourra même 


de être assez troublé pour présenter ce type de la respiration pério- 
dique, que les travaux de A. Mosso, Fano, Luciani, Wertheimer, etc., ont 
bien appris à connaître (1). 


IV 


Tels sont les faits qui ressortent, je crois, de la lecture des tracés gra- 
phiques que j'ai l'honneur de soumettre à la Société. Je les résumerai 
dans les propositions suivantes : 

1° Dans les maladies mentales, on peut très fréquemment observer des 
modifications de la respiration ; 

2° Ces modifications n'affectent pas un type fixe pour chacune des 
espèces pathologiques actuellement admises, paralysie générale, manie, 
mélancolie, dégénérescence mentale, etc.; 

3° Ces modifications affectent toutefois des types fixes, si on les rap- 
porte aux deux grands syndromes, dépression et excitation, que l’on peut 
rencontrer dans chacun des groupes nosographiques des maladies men- 
tales ; 

4° À la dépression ou état lent, correspond un ralentissement de l’ac- 
tivité respiratoire, caractérisé par une diminution dans la valeur de ses 


principaux éléments, fréquence, rapport = (pause respiratoire fréquente), 


El 
rythme général, qui peut se ralentir au point de devenir périodique. 
À l'excitation ou état actif correspond une accélération de l’activité res- 
piratoire, caractérisée par une augmentation dans la fréquence, dans 
I 
g’ en même temps qu'une accélération du rythme 
général de la respiration, qui toutefois reste régulier ; 
5° De tous ces faits résulte cette loi, qui intéresse la physiologie, savoir: 
£n dehors de toute altération fonctionnelle médullaire, par le fait même de 
l'existence de troubles dans les fonctions psychiques, il peut se produire des 
modifications variées dans le rythme respiratoire. Il en résulte ce corol- 


la valeur du rapport 


(1) A. Mosso. La respiration périodique et la respiration superflue ou de 
luxe. In Archives italiennes de biologie, t. VII, 1886, p. 48-127. 

Wertheimer. Contribution à l'étude de la respiration périodique. In 
Archives de physiologie normale et pathologique, 1890, p. 31-44. 


SÉANCE DU D MARS 211 


laire, que l’intégrité des fonctions du cerveau est nécessaire à l'entretien 
du jeu normal de la respiration, c’est-à-dire que le cerveau exerce une 
action permanente sur la régulation de l’activité respiratoire. 


Nota. — Voir les tracés dans le numéro suivant des Comptes rendus. 


BOURRELETS VALVULAIRES ARTÉRIELS 
CHEZ LES Poissons (Labrus, Crenilabrus), 


par M. E. LaAGuEsse. 


En étudiant au laboratoire de Concarneau le pancréas des poissons 
osseux, j'ai rencontré chez quelques-uns d’entre eux, appartenant à la 
famille des Labrides (Labrus, Crenilabrus), des sortes de valvules éche- 
lonnées sur le trajet des artères, formation non signalée, je crois, jusqu’à 
ce jour. 

Ces valvules se retrouvent dans toute l’étendue du système artériel, 
depuis l’origine de l’aorte jusqu'aux artérioles capillaires. Elles ne sont 
pas analogues à celles que l'on connaît dans les veines. Ce sont plutôt 
des bourrelets entourant complètement l’orifice d’entrée des collatérales. 
L’orifice s’allonge de ce fait en forme de vulve ; les deux lèvres plus ou 
moins saillantes dans la lumière du vaisseau principal pouvant s'appli- 
quer et former valvule. En avant, le bourrelet se termine en une pointe 
libre dirigée vers le cœur. La saillie et l'allongement de l’ensemble sont 
en raison inverse du diamètre de la collatérale. Ainsi, dans l’Aorte, l’ou- 
verture des mésentériques, entourée d'un bourrelet large, peu saillant, 
incapable de former valvule, garde une forme ovalaire. L’orifice devient 
au contraire linéaire dans les artérioles, et le bourrelet, terminé par une 
longue pointe, y est essentiellement formé par deux lèvres saillantes, à 
bords minces légèrement recourbés en dehors, assez hautes pour aller 
toucher la paroi opposée du vaisseau principal (fig. 2). Il résulte de ces 
dispositions que, lorsque celui-ci se contracte, sa lumière doit se rétrécir 
en forme de croissant, tandis que, d'autre part, il applique l’une contre 
l’autre les deux lèvres, diminuant l’afflux du sang dans la collatérale, 
mais ne pouvant complètement l'interrompre, grâce à la façon dont le 
bourrelet s’évase en gouttière en avant. 

- Au point de vue histologique, c’est une dépendance de la tunique 
interne. Les artères, chez ces espèces, présentent une tunique conjonctive 
épaisse riche en fibres élastiques, une tunique moyenne musculaire 
mince à fibres circulaires, une tunique.interne plus mince encore, dont 
les seuls éléments nets sont une membrane élastique et l’endothélium: 


212 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


En dehors des bourrelets vaivulaires, la tunique moyenne, devenue inu- 
tile, cesse ou se réduit à quelques fibres ; en dedans, la membrane élas- 
tique s’amincit encore, mais, tapissée par l’endothélium, se continue en 
une très fine pellicule, visible et reconnaissable à ses plis après l’action 
de la potasse. Entre les deux, et paraissant continu avec la tunique 
interne, se trouve le tissu propre du bourrelet. 

A première vue, c'est du cartilage à cellules serrées : un examen plus 


approfondi y montre un tissu tout à fait spécial, intermédiaire en quel- 


FiG. 1. — Vue par transparence d’une artère mésentérique, dont l'orifice (0) est 
entouré d'un bourrelet valvulaire (b) peu saillant, insuffisant; p, pointe terminale 
libre. 

Fre: 2. — Coupe transversale d'une petite artère passant par la partie moyenne 
d’un bourrelet à lèvres ({) très saïllantes et par l’origine d'une artériole (a) coupée 
longitudinalement; ?, tunique interne; m, t. moyenne; e, t. externe. 


que sorte au conjontif et au cartilagineux, et assez comparable aux amas 
cellulaires bien connus dans le nodule sésamoïde du tendon d’Achille 
chez la grenouille. Les éléments sont de petits blocs cellulaires irréguliè- 
rement polygonaux, limités par des surfaces convexes ou concaves, de 
taille très inégale (7-—15 y). Le corps cellulaire est clair, peu granuleux, 
presque homogène, le noyau petit, arrondi. Les cellules, d’une consis- 
tance demi-solide, ne se rétractent pas par les réactifs à la manière des 
cellules cartilagineuses ordinaires, et se gonflent par la potasse très 
diluée jusqu’à doubler de volume. Elles sont difficiles à isoler par disso- 
ciation, serrées, moulées l’une sur l’autre, séparées pourtant par de 


SÉANCE DU 5 MARS 213 


minces lamelles d’une substance fondamentale amorphe dans laquelle elles 
sont plongées comme dans une gangue. Cette matière, moins réfringente 
que la cellule, n’a pas d'aspect de la substance cartilagineuse, ne se colore 
pas comme elle par l’hématoxyline ; elle ne paraît pas fibrillaire, per- 
siste sans modifications appréciables après gonflement des fibres conjonc- 
tives voisines par l’acide acétique ; elle n’a pas la réfringence des fibres 
élastiques et finit par pâlir de plus en plus par l’action de la potasse qui 
met celles-ci en évidence dans la tunique externe: il est donc probable 
que c’est simplement de la matière amorphe du tissu conjonctif (analogue 
à celle des membranes). (Après traitement par la potasse, quelques grains 
ou séries de grains élastiques seulement entre les cellules les plus exter- 
nes). Il s'agirait là d’une variété de tissu conjonctif se rapprochant du 
cartilage par sa texture et ses propriétés. 

Sur le rôle physiologique de ces petits organes, je ne puis être que très 
réservé. Tout ce que l’on peut dire, c'est que, grâce à eux, il y a lors- 
que se contractent les artères rétrécissement plus marqué de la lumière 
vasculaire, par conséquent augmentation de la pression du côté du cœur, 
diminution au delà ; c’est que, vu la disposition des valvules, cette action 
est nulle ou à peu près dans l’Aorte, el d’autant plus marquée que l’on 
passe à de plus petites artères. Par conséquent, ce serait probablement 
un appareil régulateur des circulations locales, auxiliaire de la tunique 
musculaire relativement mince chez ces animaux. 


DES TROUBLES DE LA RESPIRATION DANS LES MALADIES MENTALES ET EN 
PARTICULIER DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE, par MM. KzippeL et BoETEAU. 
(Voir Mémoires du présent volume, p. 49.) 


Le Gérant : G. Masson. 


Paris. — Typographie Gaston Née 1, rue Cassette, — 5732. 


£ pau bo seb. 
5 8TS sup iemo SD 
os piBar eUkT Srarmseetsà 
_.. 


215 


SÉANCE DU 12 MARS 1899 


M. A. Jaouer : Recherches sur les oxydations organiques dans les tissus (Mémoires). 
— M. Vicror Pacaon : Tracés graphiques de la respiration dans les maladies 
mentales. — MM. R. LéPne et BarraL : Sur la glycolyse du sang contenu dans une 
veine fermée à ses deux bouts. —M. le Dr Frémonr : De l'azotométrie.— M. A. PRE- 
NANT : Le « corpuscule central » d’E. van Beneden dans les cellules séminales de 
la Scolopendre. — M. P. Bazy : Des cystites expérimentales par injection intra- 
veineuse de culture du coli-bacille. — M. P. TroLarp : Note sur la présence d'un 
petit arc osseux dans l'épaisseur du ligament atloïdo-occipital postérieur. — 
M. P. Trozarn : Note sur la direction de la rate et du pancréas chez le fœtus et 
chez l'enfant. 


Présidence de M. Laveran. 


CORRESPONDANCE IMPRIMÉE. 


M. LABORDE fait hommage à la Société d’un exemplaire des communi- 
calions qu’il a faites à l'Académie de médecine sur le Mécanisme physio- 
logique des accidents et de la mort par le chloroforme ; — Indications ration- 
nelles des moyens de les éviter. 


M. PrzLIET dépose sur le bureau : 


4° Un mémoire sur l'Etude d’histologie de l'érosion hémorragique de la 
muqueuse de l'estomac dans les gastrites ; 


2° Un mémoire ayant pour titre : Etude d'histologie pathologique sur la 
tuberculose expérimentale et spontanée du foie. 


M. GLey présente à la Société la thèse de doctorat en médecine de M. J. 
Thiroloix : Le diabète pancréatique (1 vol: in-8° de 160 p., avec planches. 
Paris, Masson, 1892). 

L'auteur a le grand mérite d'apporter dans cette question si intéres- 
sante une donnée nouvelle : il établit, en effet, à la fois par des expé- 
riences et par quelques observations cliniques très démonstralives, que 
le diabète peut être lié à l’altération du système nerveux abdominal 
(péri-pancréatique, ganglions et plexus solaires). Que le diabète pancréa- 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9° SÉR'E, T. IV. 10 


216 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


tique dépende toujours et exclusivement de telles lésions, c'est ce que 
soutient l’auteur ; mais c’est ce que l’on ne peut pas considérer comme 
prouvé. Sans entrer dans l'examen critique de cette conception, M. Gley 
fait remarquer qu'il peut très bien y avoir un diabète consécutif à 
certaines altérations du système nerveux abdominal, sans pour cela que 
cette donnée soit incompatible avec la réalité du diabète tenant à la sup- 
pression même du pancréas, en tant qu'organe glandulaire, comme on 
l’admet aujourd’hui depuis les expériences de von Mering et Minkowski 
(1889). Toujours est-il néanmoins que certains des faits observés par 
M. Thiroloix devront attirer et retenir l'attention des physiologistes. 

_ Entre autres faits de détails que contient cet important travail, M. Gley 
cite particulièrement le procédé d’extirpation complète du pancréas, 


employé par l’auteur, procédé très simple permettant de terminer l’opé- 


ration dont il s’agit, qui passe pour si laborieuse et si délicate, en un 
quart d'heure, ainsi que M. Gley l’a vérifié lui-même plusieurs fois. 


M. GLEy présente, au nom de M. le professeur Lambling (de Lille), 
membre correspondant de la Société, la thèse de doctorat en médecine 
de M. E. Deroide : Contribution à l'étude des procédés de dosage de l'acide 
urique (Lille, 1891). 

L'auteur rappelle d’abord br'èvement, mais de façon très claire et pré- 
cise, quel est l’état actuel de la question de la production d’acide urique 
dans l’organisme, Puis il consacre la première partie de son travail à la 
critique des procédés de dosage fondés sur la précipitation de l’acide 
urique par les acides; dans la seconde partie, il étudie deux procédés de 
dosage fondés sur la précipitation de l'acide urique au moyen du nitrate 
d'argent ammoniacal (procédé Salkowski-Ludvig et procédé Haycraft- 
Hermann) et discute la valeur des résultats obtenus par l’un et par l’autre. 

Gette thèse constitue une étude critique excellente et renferme en outre 
des documents nouveaux fort intéressants. 


RECHERCHES SUR LES OXYDATIONS ORGANIQUES DANS LES TISSUS, par 
M. A. Jaquer. (Voir Mémoires du présent. volume, p. 55.) 


SÉANCE DU 12 MARS 9217 


TRACÉS GRAPHIQUES DE LA RESPIRATION DANS LES MALADIES MENTALES (1), 
par M. Vicror PACHON. 


(Appendice à la Communication du 5 mars 1892.) 


générale avec délire ambitieux. — État aclif. 
IT 


… Paralysie générale avec apathie, indifférence. — État lent. 


oo 
4 
[271 
F 
a 
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G 
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571 
£ - 
= 3 
ce] © 
2 = 
CR © 
= £ 


(1) Lire Les tracés de gauche à droite; l'inspiration est représentée par la 
ligne descendante, l'expiration par la ligne ascendante (pneumographe de 
Marey). 


IT 


218 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Alcoolisme avec hallucinations. — Éfaf achf. 
IV 


M. Buc. 


Le tracé n° 6 est un des types les plus nets de respiration périodique qu'il 
me soit arrivé d'obtenir chez quelques malades trés déprimés. IL montre bien 
à quel point se trouble le rythme respiratoire, quand l'activité psychique tend 
à se supprimer. C'est là un fait qui intéresse au plus haut degré la physiologie 
au point de vue de l'interprétation du rythme respiratoire en général et de la 
respiration de luxe (Mosso, Ch. Richet et P. Langlois) en particulier (1). — A 
ce point de vue, le tracé n° 2 présente encore quelque importance; il offre, en 
effet, une asséz grande analogie avec le rythme respiraloire qu’on observe 


(1) L'hypothèse d'après laquelle la respiration de luxe pourrait bien être 
« due à l’action des éléments nerveux du cerveau » est de M. Ch. Richet. — 
Cf. Revue scientifique, 1890, 2° sem., p. 326 et 328. 


Manie avec hallucinations. — État actif. 


PP PET PES DUR PR SP PP PT M 


PE 


Mme Pat. 


SÉANCE DU 412 wars 219 


VI 


Délire mélancolique avec idées de persécution, refus d'aliments. — État actif. 


Mme Sag.. 


chez le chien après la section des deux pneumogastriques (inspiration pro- 
longée, expiration brève, pause respiratoire). Or il s’agit Ià d’un état cérébral 
lent, paralysie générale avec apathie ; il semblerait donc que le cerveau, dont 
une grande partie de l’activité fonctionnelle se trouve supprimée dans ce cas, 
joue vis-à-vis du rythme respiratoire un rôle assez comparable à celui du 
preumogastrique. 

D'autre part, les tracés 4 et 2 montrent de la facon la plus nette : 1° que, 
dans la paralysie générale le rythme respiratoire peut être — et est, du reste, 
souvent d'une régularité parfaite; 2° que les modifications respiratoires se rap- 
portent non au type nosographique, mais au syndrome clinique de dépression 
ou d’excitation que présente le malade, à quelque groupe des maladies men- 
tales qu'il appartienne. 


Faible d'esprit avec dépression mélancolique. — État lent. 


Mue Frehn... 


290 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


SUR LA CLYCOLYSE DU SANG CONTENU DANS UNE VEINE FERMÉE 
A SES DEUX BOUTS, 


par MM. R. Lépine et BARRAL 


M. Arthus (Mémoires de la Société de Biologie, 1891, p. 68) dit que le 
sang contenu dans une jugulaire de cheval fermée à ses deux bouts ne perd 
pas son sucre, alors même qu'il y reste six heures à + 15° C. et trois 
quarts d'heure à 40° C. Il en conclut que le sang ne renferme pas de fer- 
ment glycolytique, tant qu'il n’est pas coagulé. Cette expérience étant 
en contradiction avec un ensemble de faits prouvant que le sang vivant et 
circulant dans les vaisseaux renferme normalement le ferment glycolyti- 
que, nous avons jugé nécessaire de répéter l'expérience de M. Arthus. 

Grâce à l'extrême obligeance de M. le professeur Arloing et de M. Gui- 
nard, chef des travaux à l’école vétérinaire de Lyon, nous avons recu de 
cette école deux jugulaires de cheval liées aux deux bouts, dans un vase 
à demi rempli de fragments de glace concassée. Dès leur arrivée dans 
notre laboratoire, nous avons dosé le sucre du sang contenu dans une des 
jugulaires et nous avons, par l’un des fils, suspendu verticalement l'autre 
jugulaire dans un vase vide immergé dans un bain-marie à 39° C.; puis, 
toutes les cinq minutes, nous avons retourné le vaisseau en le suspendant 
par l’autre fil, de telle sorte que l'extrémité supérieure devint inférieure et 
réciproquement. Au bout de deux heures, nous avons dosé le sucre du 
sang de cette deuxième jugulaire. Voici les résultats que nous avons 
obtenus : 


Sucre dans la première jugulaire p. 1000. . . . . . . . . 0.74 
— — deuxième — Res ee 041 


Si l’on représente par 100 Le premier chiffre, le second sera 63,5. En 
d'autre termes, le sucre du sang contenu dans la veine a perdu 36.5 p.100 
en deux heures, à la température physiologique, de 39°. Gette perte est 
loin, comme on voit, d’être négligeable. 

Nous avons répété deux fois l'expérience précédente. Dans ces deux 
autres expériences, nous avons eu également une perte, à la vérité, moins 
considérable que dans l'expérience ci-dessus, ce qui n’est pas extraordi- 
naire, car, d'après les quelques recherches que nous avons faites sur le 
glycolyse du sang de plusieurs herbivores, il nous a paru que le sang de 
ces animaux était en général moins riche en ferment glycolytique que le 
sang de chien. 

D'où vient la différence de nos résultats et de ceux de M. Arthus? 
Vraisemblablement du fait que dans notre expérience nous avons, en 
retournant le vaisseau à intervalles rapprochés, multiplié les contacts entre 


PONS OT OX ON 


sig 


SÉANCE DU 12 MARS 291 


le plasma où se trouve le sang et les globules blancs où se trouve le fer- 
ment glycolytique, tandis que M. Arthus, en tenant le vaisseau immobile, a 
laissé les globules se sédimenter, ce qui a restreint beaucoup, comme 


on le comprend, le contact des globules blancs et du plasma. L'expérience 


de M. Arthus est assurément intéressante, mais, faite dans dés conditions 
particulières, elle ne prouve nullement ce qu'il en a conclu, à savoir l’ab- 
sence de ferment glycolytique dans le sang non coagulé, renfermé dans 
ses vaisseaux. 


DE L'AZOTOMÉTRIE, 


par M. le D' FRÉMoNT. 


La fin de ma communication n'ayant pu être reproduite, je désire ajou- 
ter qu’à la dernière séance de la Société de Biologie, j'ai présenté un azo- 
tomètre construit et employé depuis une dizaine d'années par M. Albert 
Robia; et dont il se sert pour doser l’urée et l’azote total de l'urine. Cet 
azotomètre, dont il se réserve de donner plus tard une description com- 
plète, m'a été montré par lui dans son service, il y a plusieurs années; et 
depuis cette époque, je l'ai employé dans mes analyses en utilisant les 
procédés que M. Albert Robin m'avait enseignés. Cet azotomètre comporte 
l'emploi de deux thermomètres, et est assez coùleux. Sans ces deux ther- 
momètres, l’appareil perd une partie de son exactitude ; M. Albert Robin 
avait essayé de remédier à cet inconvénient en entourant les deux tubes 
d’un manchon plein d’eau (je ne connaissais pas du reste cette modifica- 
tion). Mais cette disposition donne trop de poids à l'appareil; je me suis 
servi d'un seul manchon disposé sur le tube gradué. Je tiens à déclarer 
que la part qui me revient dans l’azotomètre de M. Albert Robin consiste 
uniquement dans cette modification, qui a l'avantage de réduire Le poids 
de l’appareil; de diminuer son prix et de rendre son maniement plus 
facile. 


LE « CORPUSCULE CENTRAL » DE. VAN BENEDEN 
DANS LES CELLULES SÉMINALES DE LA SCOLOPENDRE, 


par M. A. PRENANT. 


Dans une précédente note, j'ai eu l'honneur de communiquer à la 
Société les résultats que m'a fournis, relativement au « corps intermé- 
diaire » de Flemming, l'examen de préparations du testicule de la Scolo- 
pendre et de la Lithobie fixés par le liquide de Flemming el colorés par 


292. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


la méthode récemment préconisée par le même ‘auteur. Je présente 
aujourd'hui le résumé de mes observations faites sur les mêmes prépara- 
tions quant au « corpuscule central » d’E. van Beneden ; mais Je néglige le 
« corpuscule polaire » du même auteur. 

Le corpuscule central exisle chez la Scolopendre dans des cellules 
séminales quiescentes, comme chez tant d’autres types où on le connaît 
déjà dans les mêmes circonstances. Le fait, entrevu par Henneguy et 
Bellonci, fut réellement découvert à peu près simultanément par Vej- 
dowsky, Boveri, E. van Beneden, mis en évidence par ce dernier auteur 
qui en fit ressortir en même lemps toute l’importance, confirmé depuis 
par un grand nombre d’observateurs (Vialleton, Garnault, Platner, 
Hermann, C. Rabl, Bühm, Kolliker, O0. Schultze, Henneguy, Solger, Fol, 
Lüwenthal, M. Heidenhain, Bürger, Benda et peut-être d'autres encore). 
Souvent, il est vrai, ce n’est pas du corpuscule central qu'il est précisé- 
ment question dans ces observations ; mais seulement d’une formation, 
la sphère attractive, qui l’entoure. Cest surtout Guignard pour les cel- 
lules végétales et Flemming pour les cellules de la Salamandre qui ont 
prouvé dans ces derniers temps l’existence de corpuscules centraux dans 
les éléments au repos. Quant à savoir si le corps central est un organe 
permanent de la ceilule, comme E. van Beneden et Guignard l'ont voulu, 
c'est ce que je ne puis affirmer, ayant même des observations défavo- 
rables à cette manière de voir et n'en possédant pas qui parlent en sa 
faveur. 

Relativement à la constitution du corpuscule central, on s’est demandé 
s’il est formé de deux grains ou d'un seul. On l’a trouvé généralement 
représenté par un grain unique dont plusieurs auteurs ont indiqué la 
division ultérieure en deux granules. £. van Beneden à distingué le pre- 
mier deux granules représentant, dans des cellules au repos parfait, deux 
corpuscules accolés. Boveri, Henneguy, M. Heidenhain, Bürger ont con- 
firmé le fait. Flemming retrouve cette disposition ; et là où le corpuscule 
est le plus souvent unique, comme dans les leucocytes de la Salamandre, 
il le voit plus gros; d’où il conclut à la fusion de deux granules en un 
seul ; ou bien il le trouve allongé, d'où il tire la même conclusion. D'autre 
part, dans les cellules végétales, Guignard a constaté la duplicité du corps 
central. Si parfois le corps central m'est apparu unique dans les cellules 
séminales de la Scolopendre, plus souvent je l’ai trouvé, dans des élé- 
ments au repos, formé de deux grains fréquemment accolés, plus rare- 
ment écartés et alors reliés par un pont d'union non safranophile plus ou 
moins long. Dans d’autres cas, il paraît constitué de trois granulations : 
ainsi sur une coupe d’une cellule j'ai trouvé deux petits grains et sur la 
coupe suivante un grain -unique plus gros que les deux granules précé- 
dents ; d’où le corps central est composé de trois grains, ou tout au 
moins est trilobé. Çà et là, soit chez la Scolopendre, soit aussi chez le 
Cobaye, plusieurs granules, disposés aux angles d'un triangle, par 


$ 
2 


Fi 2 


SÉANCE DU 19 mars 293 


exemple, et réunis par de fins filaments, représentent le corps central. 
D'autres fois, un assez grand nombre de petits grains (5 ou 6) sont juxta- 
posés dans l'épaisseur d'une masse condensée du protoplasme. Ailleurs 
enfin le corps central est müriforme, sans que l’on puisse différencier les 
granules qui sans doute le composent. Enfin je soulève, sans la résoudre, 
la question de savoir s’il n’y a pas souvent dans une cellule séminale de 
Scolopendre, plusieurs corpuscules centraux éloignés les uns des autres 
et absolument distincts; car j'ai vu plusieurs fois deux corpuscules 
(chacun double ou simple) offrant des connexions avec le protoplasme 
ambiant qui légitimaient leur interprétation comme corps centraux ; en 
outre, il existe de nombreux grains presque aussi colorables et presque 
aussi gros que le corpuscule central, auxquels il ne faut peut-être pas de 
parti pris refuser toule parenté avec ce dernier, surtout quand on songe 
à la pluralité des irradiations astériformes constatée ailleurs par Carnoy. 

Quand le corpuscule est constitué de deux granules, ceux-ci sont, dans 
quelques cas, manifestement inégaux comme taille et quelquefois aussi 
par leur colorabilité (Scolopendre, Cobave). Flemming le premier a 
signalé ce fait, en le rapprochant de constatations d'une autre nature 
faites par Hermann ; il en a tiré toutes les conséquences qu'il lui a semblé 
pouvoir entraîner avec lui, en regrettant toutefois qu'en dehors de la 
Salamandre cette inégalité n'ait pas été constatée ailleurs. Dans quelques 
cas où je crois bien avoir devant moi un corps central, celui-ci, incolore 
et plus gros, et comme gonflé, peut être voisin d’un autre corpuscule plus 
petit, mais vivement coloré; ou bien le grain le plus petit est le moins 
foncé. Le plus souvent les grains, de taille Le ont une coloration 
d’une même intensité. 

Quant à la division du corps ant j'ai vu chez la Scolopendre et 
aussi chez le Cobaye, dans des cellules d’ailleurs encore quiescentes, deux 
corpuscules distants l’un de l’autre, mais réunis par un pont non safra- 
nophile, volontiers renflé en tonnelet, et plus ou moins long. Mais je n'ai 
pas pu prendre sur le fait les transformations de ce tonnelet, déjà décrit 
ailleurs, en un petit fuseau, que les figures de Hermann montrent si 
bien. D’autre part, j'ai constaté, au lieu polaire d’une ancienne division, 
deux corpuscules centraux écartés, possédant chacun un système d'irra- 
diations distinctes. 

La situation du corps central est très variable, sans doute selon que les 
cellules où on l’observe sont plus ou moins éloignées d’une période mito- 
tique. Dans les grosses cellules séminales de la Scolopendre, le corps peut 
être reporté dans un coin de l’élément, même au repos absolu. D'autres 
fois, au contraire, il est tangent à l'aire annulaire claire qui entoure le 
noyau. Entre ces deux positions extrêmes existent des intermédiaires. 

Une dernière question qui s'offrait à mon examen était celle des con- 
nexions du corpuscule central. On sait que celui-ci est d'habitude entouré 
d’une zone protoplasmique modifiée, la « sphère attractive » d'E. van 


224 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Beneden; Platner cependant a décrit des centrosomes nus. Les aspects 
sous lesquels se trouve la zone ambiante de protoplasme peuvent être 
ramenés à deux principaux. Dans l’un, que l’on a particulièrement attri- 
bué aux cellules au repos, le corps central est entouré d’une auréole 
claire (zone médullaire d’E. van Beneden); en dehors de celle-ci règne 
un anneau foncé à structure radiée (zone corticale d'E. van Beneden), 
duquel peuvent irradier encore des filaments. Je n’ai vu qu’assez rare- 
ment chez la Scolopendre cette disposition, laquelle consiste essentielle 
ment en ce que le corps central est placé au centre d’un cercle clair qui 
le sépare du reste du corps cellulaire. Plus souvent, et cela même dans 
des cellules au repos, j'ai trouvé autour du corpuscule une irradiation de 
plusieurs filaments assez courts, telle que celle que Flemming figure 
autour du corps central des éléments conjonctifs endothéliaux, épithé- 
liaux du poumon el des leucocytes chez la Salamandre; souvent, les 
filaments ne sont que les pointements d’une plage sombre de forme 
étoilée, irrégulière, qui entoure immédiatement le corpuscule central. A 
côté de ces deux formes principales et pour ainsi dire typiques, j'en 
signale d’autres; elles consistent dans des condensations du protoplasma 
de forme généralement triangulaire, à angles allongés en longues 
pointes; elles sont découpées dans une bande sombre périnucléaire, 
décrite par Henking et signalée par d’autres, considérée par Mèves 
comme sphère attractive annulaire. Enfin, j'indique, quant aux connexions 
de la sphère attractive, ce fait que, lorsque la sphère avec le corps 
central qu’elle contient est contiguë à l'aire claire qui entoure immédiate- 
ment le noyau, quelques-uns des rayons de cette sphère traversant l’aire 
claire et abordent le noyau, en s’anastomosant dans l’espace clair avec 
un réticulum très délicat qui le cloisonne. 

En terminant, je ferai remarquer que je n’ai parlé ici que de formes 
non exceptionnelles et non douteuses du corps central et de la sphère 
attractive, et que j'ai laissé de côté nombre de formations qui peut-être 
pourraient cependant prendre rang parmi les productions précitées. 
Malgré cela, je crois pouvoir conclure à un polymorphisme de ces pro- 
ductions, beaucoup plus large que celui qu'on leur décrit généralement. 
Je ne sais si ces différentes manières d’être, existant dans une même 
catégorie d'éléments cellulaires, les cellules séminales de la Scolopendre 
(Scolopendra morsitans) doivent être sériées et correspondent à une suc- 
cession d'états progressifs ou même régressifs, ou si elles sont indépen- 
dantes les unes des autres. Je m'abstiens, dans cette note, de considérations 
spéculatives, peut-être pour la plupart prématurées dans une question 
où les faits eux-mêmes ne sont encore que les résullats capricieusement 
variables d’une technique mal assurée. 

Addendum à ma communication précédente : « Le corps intermé- 
diaire de Flemming dans les cellules séminales de la Scolopendre et 
de la Lithobie. » — Dans un court travail daté du 22 décembre 1891 et 


É 
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SÉANCE DE 42 Mars 225 


publié en février 4892 dans les Anatomische Hefte de Fr. Merkel et 
P. Bonnet, K. v. Kostanecki étudie d’une façon indépendante de moi le 
corps intermédiaire chez des embryons de Mammifères. Dès le stade de 
dyaster, il observe sur le fuseau central des grains qu'il appelle « cor- 
puscules du fuseau central », dont la fusion produit en un stade ultérieur 
le corps intermédiaire. Celui-ci se compose de deux grains ou davantage, 
et il peut à son tour être double. Les grains qui constituent par leur coa- 
lescence le corps intermédiaire proviennent de la sphère archoplasmique, 
et y retournent par une sorte de dédoublement du corps intermédiaire. 
Je fais remarquer que quelques-unes de ces données sont confirmatives 
de mes résultats. 


DES CYSTITES EXPÉRIMENTALES PAR INJECTION INTRA-VEINEUSE 
DE CULTURE DU COLI-BACILLE, 


par M. P. Bazy, 
Chirurgien des hôpitaux. 


J'ai communiqué au dernier Congrès français de chirurgie et à la 
Société de chirurgie des observations de cystites auxquelles j’ai cru devoir 
attribuer comme eause l'infection de la vessie par des microbes partant 
d'un foyer quelconque (abcès dentaire, angine, bronchite, etc.), passant 
par les reins et arrivant jusqu’à la vessie. 

J'ai cherché à vérifier expérimentalemeat cette hypothèse. 

Pour cela, j'ai pris des lapins et un chien dont j'ai lié la verge, et 
séance lenante j'ai injecté dans les veines un demi-centimètre cube de 
culture de coli-bacille pyogène. 

Deux lapins et un chien sont restés ainsi vingt heures, la verge liée. 

Deux autres lapins sont restés cinq heures seulement. 

Dans tous les cas, nous avons trouvé le bacille dans l’urine de la vessie, 
recueillie par ponction après un temps variable; de même, quand, après 
plusieurs jours (de dix à vingt-trois jours), nous avons sacrifié les animaux, 
nous avons toujours trouvé des lésions de la vessie, les uretères et les reins 
restant toujours indemnes; et cependant, dans un cas, l’animal a été sa- 
crifié après vingt-trois jours, et la vessie avait subi une distension énorme : 
elle avait le volume d’une grosse poire et avait des parois très épaisses. 

La ligature simple sur des lapins témoins ne m’a rien donné. 

Je n’insiste pas pour le moment, me proposant de revenir sur ces faits 
ultérieurement, en leur donnant tout le développement qu'ils comportent 
et de vous indiquer d’autres particularités intéressantes que ces cas et 
d'autres nous ont révélés. 

Ces expériences ont été faites au laboratoire de clinique chirurgicale 
de la Charité, où j'ai été assisté par le chef de laboratoire, M. Cazin. 


rs 


226 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


NOTE SUR LA PRÉSENCE D'UN PETIT ARC OSSEUX : 
DANS L'ÉPAISSEUR DU LIGAMENT ATLOIDO-OCCIPITAL POSTÉRIEUR, 


par M. le professeur P. TroraRr» (d'Alger) (4). 


: Dans mes recherches sur le système veineux du crâne, et à propos des 
dispositions de la veine vertébrale dans l’espace atloïdo-occipital, il 
rh'était trois fois arrivé de rencontrer sous le scalpel, et dans l'épaisseur 
du ligament postérieur, un corps résistant. J'avais cru à un accident, à 
un arrachement du bord postérieur de l’are de l’atlas. Cet arrachement 
n'ayant pu avoir lieu sans produire des délabrements dans la région à 
explorer, je rejetai la pièce chaque fois. Ce ne fut que la quatrième fois, 
que je songeai à rechercher la cause d’une affection relativement aussi 
fréquente. mi as 

Il me fut aisé de constater que l’arc de l’atlas ne présentait aucune 
trace d’arrachement. J’examinai alors l’obstacle en question et vis qu’il 
était constitué par une petite lamelle osseuse, plus ou moins cylindrique, 
et arrondie à ses deux extrémités, long de 7 millimètres et épais de 

2 millimètres. Contenu dans l’épaisseur du ligament, il était dirigé 
horizontalement, situé à la partie moyenne de ce ligament, son extrémité 
interne alteignant presque la ligne médiane. 

_ Quelque temps après, j'ai eu l’occasion de rencontrer un nouveau cas 
d'arc osseux. Même situation et même direction que dans le cas précé- 
dent ; seulement, il était beaucoup plus long, mesurant 16 millimètres. 
Depuis, j'ai encore fait une dizaine de dissections de la région ; je ne l’ai 
plus revu. 


Dans les deux cas, le petit os supplémentaire était à gauche ; il n’y en | 


avait pas trace à droite : je ne puis fournir de renseignements sur l’âge 
des sujets, attendu qu'il s'agissait de fragments conservés depuis long- 
temps. 

_Les quelques recherches que j’ai faites dans les ouvrages d'anatomie 
comparée ne m'ont rien appris sur ce petit os. Sa rareté chez l’homme 
(j'estime à une trentaine le nombre des dissections faites dans la région 
et ne l’ai rencontré que cinq fois) ne permet pas de lui attribuer un rôle 
de protection dans une région où il ne serait cependant pas tout à fait 
inutile. Peut-être le trouvera-t-on à l’état constant sur des animaux, dont 
l’espace atloïdo-occipital a plus besoin d’être protégé que chez l’homme. 

Je ne voulais signaler ce petit os qu’à propos d’un travail que je pré- 
pare sur la circulation veineuse du crâne ; mais ce travail ne pouvant 
guère être terminé que dans un mois, et la publication pouvant être 
retardée très longtemps, je me suis décidé à communiquer cette petite 
note à la Société de Biologie. 


(1) Présentée par M. Laborde. 


SÉANCE DU 12 MARS 227 


NOTE SUR LA DIRECTION 
DE LA RATE ET DU PANCRÉAS CHEZ LE FOŒTUS ET CHEZ L'ENFANT, 


par M. le professeur P. TRoLARD (d'Alger) (1). 


Les ouvrages classiques d'anatomie, du moins ceux publiés en France, 
ne font pas mention de la direction de la rate et du pancréas chez le 
fœtus et chez l'enfant. 

Chez le fœtus, la rate est absolument horizontale, c’est-à-dire que ses 
bords sont supérieurs et inférieurs ; ses faces, par conséquent, comprises 
dans deux plans courbes verticaux. Le bord inférieur repose sur le eul- 
de-sac qui va de l’épiploon au diaphragme. Son extrémité inférieure 
effilée est fixée à la partie moyenne de la courbure de l'estomac, soit par 
un repli séreux plein, soit par de simples brides. à 

Cette horizontalité se maintient après la naissance; je l’ai Porn 
sur des enfants de cinq, six el même dix mois. Je ne puis, faute de 
sujets (les sujets jeunes étant extrêmement rares à l’amphithéâtre 
d'Alger), préciser les élapes par lesquelles passe la rate pour devenir 
verticale : c'est ce qui me décide à livrer à la publicité une observation 
que j'ai faite depuis déjà plusieurs années. 

À défaut de sujets, j’ai cherché une explication théorique. J'avais 
d’abord cru à l'action du foie qui, sur le fœtus et le jeune enfant, 
recouvre la rale en dehors et pèse ainsi de son poids sur elle. Mais j'ai 
eu occasion de constater que celle-ci ne tend nullement à devenir verti- 
ticale lorsque le foie l’abandonne. 

Faut-il rechercher l'explication dans un changement de forme ou de 
situation de l'estomac ? Cela tient-il à un changement de forme de la 
rate qui, chez l’adulte, présente un bord inférieur se développant aux 
dépens de la pointe primitive. Un changement de volume et par suite 
de poids en serait-il la cause ? Cela tient-il au développement de la cavité 
abdominale ? Mes connaissances sur ce point sont tellement restreintes 
que je ne puis que poser l'interrogation. 

Les anatomistes, plus au courant que moi de ce développement, et qui 
ont à leur disposition des sujets de tout âge, pourront seuls résoudre la 
question; et c'est pourquoi je fais aujourd’hui cette communication, 
bien qu’elle soit incomplète. 

J'ajoute que sur un enfant de dix ans, j'ai trouvé une rate entièrement 
horizontale, ainsi que chez quelques adultes. Je me propose de rechercher . 
chez ceux-ci si c'est là une disposition que l’on rencontre souvent et dans 
quelle proportion on la rencontre. Mais il faut pour cela une statistique 
de longue haleine; je n'ai pas voulu attendre qu’elle fût faite, pour 


(1) Présentée par M. Laborde. 


298 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


appeler l’attention des observateurs sur la situation de la rate chez le 
fœtus et l'enfant. : 

En dehors du fait anatomique, il y a à faire valoir les conséquences 
pratiques. En effet, si jusqu’à un certain âge, qu’il s’agit de déterminer, 
la rate est horizontale chez l'enfant, il importe que les praticiens en 
soient prévenus, afin qu'ils ne recherchent pas l’augmentation du volume 
du viscère seulement dans la verticalité. Une rate d’enfant pourra être 
hypertrophiée sans pour cela faire saillie sous Le rebord costal ; il faudra 
la délimiter transversalement si on veut connaître exactement son volume. 


Le pancréas a également chez le fœtus et le jeune enfant une forme et 
une situation différentes de celles qu'il aura plus tard. 

Je ne dois pas être le premier à avoir fait cette remarque; car je 
trouve dans la cinquième édition de Cruveilhier une figure qui reproduit 
très exactement cette forme et cette situation. La figure a dû être 
empruntée à un autre auteur, car le texte n’en fait nullement mention. 

Le dessin (1), que je me borne à calquer, donne une idée très nette de la 
forme et de la position de l’organe. On y voit que la tête est comme con- 
tournée, de facon à offrir en avant ce qui est le prolongement de la face 
inférieure. e 

Je dis : face inférieure parce que, en effet, le corps a la forme d’un 
cylindre aplati de haut en bas, de telle facon à présenter une face antéro- 
supérieure et une face inféro-postérieure un peu concave. Ce qui est la 
tête en ce moment n’est donc que le cylindre qui s’est contourné en 
crosse. 

Cette remarque n’a guère d'intérêt qu’au point de vue anætomique pur; 
J'ai cru toutefois devoir la signaler ou plutôt la sortir de l'oubli, car 
d’après ce que je viens de dire, il est certain qu’un anatomiste m'a dé 
précédé dans l'observation de ce fait anatomique. 


(1) Cruveilher, 8e édit., p. 215. 


Le Gérant : G. Masson. 


Paris. — Typographie Gaston Née 1; rue Cassette. — 5732. 


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SÉANCE DU 19 MARS 1899 


M. J. Deere : Contribution à l'étude anatomo-pathologique et clinique des diffé- 
rentes variétés de cécité verbale. (Mémoire.) — MM. G. Gaurier et J. Larar : Uti- 
lisation médicale des courants alternatifs à haut potentiel. — M. Tarr : Note sur 
le développement des fibres du grand sympathique. — M. le D' Dewèvre : Note 
sur le rôle des pediculi dans la propagation de l'impétigo. — M. EL. METCHNIKOFF : 
Réponse à la critique de M. Bataillon au sujet de l’atrophie musculaire chez les 
tètards. — M. Cu. Ricxer : Des lésions cérébrales dans la cécité psychique expéri- 
mentale chez le chien. — M. Ch. Ricuer : De la résistance du singe à l'empoison- 
nement par l'atropine. — M.-Jacoues Passv : Sur la perception des odeurs. — 
M. Laugesrr : Note sur la torsion de l'humérus chez l’homme. — MM. CouBEemaALe 
et Bué : Faits à l'appui de la nature microbierne de l'éclampsie puerpérale. — 
M. E. WERTHEIMER : Sur la circulation entéro-hépatique de la bile. — M. Prcové : 
Formule de l’ossification des phalanges des métacarpiens de la clavicule et des côtes. 


Présidence de M. Regnard. 


CONTRIBUTION A L'ÉTUDE ANATOMO-PATHOLOGIQUE ET CLINIQUE DES DIFFÉ- 
RENTES VARIÉTÉS DE CÉCITÉ VERBALE, par M. J. DEJERINE. (Voir Mémorres 
du présent volume, p. 61.) 


UTILISATION MÉDICALE DES COURANTS ALTERNATIFS A HAUT POTENTIEL, 


par MM. G. GaurTier et J. LARAT, 


Note présentée par M. Dp'ArsoNvaAL (1). 


J'ai l'honneur de présenter à la Société une note de MM. Gautier et 
Larat apportant une confirmation clinique des propriétés trophiques spé- 
ciales que j'ai reconnu appartenir aux courants sinusoïdaux. J'ai, en effet, 
montré à la Société, à plusieurs reprises, qu’en absence de toute contraction 
musculaire, la voltaïsation sinusoïdale que j'ai proposée comme nouveau 
mode d’électrisation jouit de la propriété d'augmenter considérablement 


‘les combustions respiratoires. MM. Gautier et Larat n’opèrent pas tout à 


fait dans les conditions que j'ai définies; leurs courants ont un peu trop de 
fréquence et s’accompagnent d’une action sur le muscle de sorte qu'on a 
un mélange des effets produits par la variation sinusoïdale et le bain 
faradique généralisé de A. Tripier. Les résultats n’en sont pas moins 
intéressants à signaler. Voici la courte note de ces messieurs : 

Nous sommes parvenus à utiliser, pour les usages médicaux, les cou- 


(1) Communiquée à la séance du 12 mars 1892. 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9° SÉR'E, T. IV. 11 


230 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


rants alternatifs de haute tension fournis par l'usine centrale d'électricité 
des Halles, alimentant le secteur de la Ville de Paris. Les dynamo qui 
produisent ces courants sont du type Ferranti-Patin; les alternances sont 
au nombre de dix mille par minute et la force électro-motrice déterminée 
est de deux mille volts. De tels courants étant extrêmement dangereux, il 
était nécessaire pour leur utilisation médicale de leur faire subir une 
série de transformations, de facon à ne prendre que les fractions de volt 
et d'ampère ordinairement usitées en électrothérapie. 

Le courant primaire de deux mille volts subit, dans le sous-sol, une 
première transformation qui nous l’amène à nos appareils sous une ten- 
sion de cent dix volts. Dès lors, le courant n’est plus dangereux; on peut, 
sans autre risque que celui d’une secousse très supportable, saisir à 
pleines mains les deux conducteurs. 

Au moyen d'une série de transformateurs secondaires, nous prenons ce 
courant de 110 volts, d’abord pour le faire passer dans l’eau d’une baï- 
gnoire et dans le jet d'une douche, puis dans le fil de platine d’un gal- 
galvano-cautère et enfin dans un ozoneur. 

Les courants alternatifs possèdent sur la nutrition une influence remar- 
quable qui dérive de deux causes principales : 

1° Le courant alternatif généralisé produit une sorte de tétanisation 
légère de tout le système musculaire. Or, on sait que le muscle qui se 
contracte consomme ; 

2° Un tel courant ne porte point son action seulement sur les filets ter- 
minaux des nerfs moteurs, mais aussi sur les terminaisons des nerfs sen- 
silifs et va, par une puissante action réflexe, solliciter les centres nerveux 
pour régulariser leur fonctionnement quand il est troublé. Il n’est donc 
pas surprenant de voir, comme nous l'avons constaté, le chiffre de l’urée 
augmenter et traduire fidèlement. l'augmentation des échanges nutritifs. 
Théoriquement, 1l est donc permis d’espérer que les bains à courants 
alternatifs apporteront une modification favorable dans certaines affec- 
tions ou états diathésiques qui s’accompagnent d'un ralentissement des 
échanges nutritifs, telles que l'obésité, la goutte, le rhumatisme, peut- 
être le diabète, etc., et dans les maladies causées par une dépression du 
système cérébro-spinal, dont la neurasthénie est le type. 

Nous ne voulons point, au bout de deux mois et demi d'expériences, 
- faire entrer en ligne de compte des résultats cliniques. Ce n’est qu'avec 
un grand nombre de malades, suivis pendant un laps de temps suffisant, 
que l’on peut juger de l'utilité d’une méthode. Cependant, il faut bien 
que nous disions que nous avons remarqué l’action extrêmement favorable 
des courants alternatifs sur certaines affections cutanées s’accompagnant 
de prurit : ‘un malade atteint d’eczéma extrémement rebelle a vu dispa- 
raître très rapidement le symptôme démangeaison, en même temps que 
les plaques eczémateuses pâlissaient. 


SÉANCE DU 19 MARS 231 


NOTE SUR LE DÉVELOPPEMENT DES FIBRES DU GRAND SYMPATHIQUE, 
par M. TarT. 


Note présentée par M. Mataras Duvaz. 


Depuis que Remak a découvert en 1838 les fibres qui portent son nom, 
les histologistes sont restés pendant de longues années en désacord au 
sujet de la nature de ces fibres. Valentin, Külliker et d’autres contestaient 
leur nature nerveuse et s’efforçaient à démontrer que ces fibres n'étaient 
autre chose que du tissu conjonctif. A l'heure actuelle, cette question est 
tranchée définitivement. M. Ranvier, dans ses leçons sur le système 
nerveux, a démontré, à n'en pas douter, que les fibres de Remak sont 
véritablement des fibres nerveux, et tous les auteurs, excepté, du reste, 
Kôlliker qui ne s’est pas encore tout à fait rendu sont d’accord sur ce 
point. 

La véritable nature des fibres de Remak étant reconnue, il fallait 
résoudre une autre question non moins importante, celle de leurs 
structures. Ce qui intriguait le plus les histologistes c'était la présence 
des noyaux. 

Sans parler de la description des anciens auteurs, si nous nous rappor- 
tons à celle de M. Ranvier, nous voyons qu'il considère les fibres de Remak 
comme composées de fibrilles sur lesquelles s’étendrait, comme une sorte 
d’enveloppe, une masse protaplasmique multinucléaire dont les noyaux 
seraient refoulés à la périphérie; les fibrilles elles-mêmes seraient des 
cylindres-axes. Pour connaître la véritable structure de ces éléments il n’y 
avait certes qu’une voie sûre, celle de développement. Mais à ce sujet on 


‘savait seulement que le grand sympathique qui est formé presque exclu- 


sivement des fibres de Remak présente, à son origine, un tractus cellulaire 
plein dans lequel apparaissent des cordons. Il s'agissait de savoir com- 
ment se forment ces cordons, autrement dit comment se forment les fibres 
de Remak qui les constituent. 

C’est pour élucider cette question que nous avons, à l’instigation de 
notre maître, M. Mathias-Duval, entrepris des recherches sur le grand 
sympathique. Elles ont porté sur 16 fœtus des mammifères et 5 humains. 
Nous réservant d'exposer nos recherches d’une façon complète dans un 
travail qui sera publié prochainement, nous nous bornons pour le moment 
à annoncer les résultats auxquels nous sommes arrivés sous formes de 


_ propositions suivantes : 


I. — Le grand sympathique est formé d’abord des cellules ayant un 


grand noyau sphérique et très peu de protoplasma disposées en rangées 


plus ou moins régulières; une partie de ces tractus reste à l’état de 
cellules et forme les ganglions, l’autre se transforme en fibres. 


232 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


II. — Ces cellules se fusionnent, le protoplasma augmente en quantité, 
s’accumule entre les noyaux qui s’éloignent, gardant SRE ÉRES son 
riques et donnent naissance à des fibres. 

IT. — Les noyaux changent de forme : elles A de plus en 
plus et de sphériques qu'ils étaient deviennent ovoïdes, prennent en un 
mot la forme qu'ils ont dans les fibres adultes. 


On voit par ce court résumé que les noyaux de la fibre de Remak, loin 
d'être un élément étranger pour cette fibre, lui appartient en propre, la 
fibre étant formée par le protaplasma des mêmes cellules. 


NOTE SUR LE ROLE DES PEDICULI DANS LA PROPAGATION DE L'IMPÉTIGO, 


par M. le D' DEWÈvRE. 


Nous avons établi dans un précédent travail la nalure parasitaire et 
contagieuse de l’impétigo ou mellitagre. Notre opinion se basait sur deux 
ordres de preuves, les unes rationnelles, les autres expérimentales. 

Nous rappellerons que nous avions signalé parmi les premières, le 
siège presque exclusif de la maladie aux parties découvertes, caractère 
fréquent dans les maladies parasitaires (favus, gale, etc.), sa fréquence 
chez les enfants où tous les contages sont rendus si faciles, enfin les allures 
épidémiques que rèvet parfois l’affection, atteignant tous les membres 
d’une même famille ou toutes les personnes habitant la même maison, ce 
qui avait sans doute frappé Guibout, quand il fit de l’impétigo une fièvre 
impétigineuse. Quant aux preuves expérimentales, nous les avions tirées : 
1° de plusieurs observations cliniques ayant toute la valeur d'expériences 
de laboratoire et nous ayant permis de suivre pas à pas les voies de la 
contagion; 2° de l'isolement du parasite représenté par un champignon, 
voisin du trichophyton, et dont nous avons pu reconnaître les tubes 
myceliens et les spores dans le corps muqueux de Malpighi; enfin 3° de 
l’inoculation possible de ce dermatophyte. Ayant eu l'occasion récemment 
d'observer quelques nouveaux cas d’impéligo, nous avons FREE de pré- 

_ciser ses modes habituels de transmission. 

_ Nos recherches pr écédentes nous avaient conduit à considérer le contact 
direct et accidentellement l’air, comme agents de transmission, l'ongle et. 
le grattage comme la principale cause de dissémination sur le sujet atteint. 

Nous n'avions pas cru alors pouvoir faire jouer ua rôle particulier aux 
pédiculi. Bazin, Kaposi, Guibout accusaient dé la phtiriase de déter- 

_miner. l’impétigo, mais ne voyaient en elle qu'une simple cause d'irri- 
tation. 


SÉANCE DÙ 19 MARS 233 


Le parasite ne joue ici pour eux qu'un rôle tout à fait accessoire et sa 
présence ne se lie à l'éruption que par l’inflammation qu'elle détermine. 

Il est impossible d'accepter une semblable manière de voir, par cette 
simple raison que si la phtiriase pouvait créer d’elle-même l’impétigo, 
cette dernière serait l'affection cutanée la plus répandue. F6 

Nous nous sommes demandé, s’il n’y avait pas cependant quelque chose 
de vrai dans cette opinion et si l'intervention des pediculi n'était pas 
réelle tout en ayant une action différente. 

La nature parasitaire de la maladie nous a conduit à penser que les 
pediculi pourraient bien être les agents colporteurs de l’impetigo, les 
commis voyageurs en quelque sorte, portant les spores d’un sujet à l’au- 
tre et les disséminant sur le malade lui-même. 

Nous avons été ainsi amené à nous demander d’abord si les pediculi 
sont fréquents chez les impétigineux, ensuite s'ils pouvaient être des 
agents de transport de l’affection. 

Il nous a été facile de résoudre la première partie du problème et sur 
trente-cinq enfants malades que nous avons examinés, nous n'en avons 
pas trouvé un seul exempt de pediculi. Cette constatation a d'autant plus 
d'importance que nos observations se rapportent toutes à des enfants 
placés en dehors du milieu hospitalier. Dans cinq ou six cas cependant 
nos recherches avaient été infructueuses, mais les parents interrogés 
nous avaient appris qu'en réalité l'enfant avait présenté quelques para- 
sites quelques semaines auparavant, alors qu'aucune éruption ne s'était 
encore manifestée. 

Il y avait là déjà une présomption des plus sérieuses en faveur de notre 
opinion; mais nous avons voulu obtenir une preuve plus décisive. Ayant 
recueilli une dizaine de pediculi chez un enfant de dix mois, présentant 
quelques plaques d’impétigo sur la face et sur le cuir chevelu, nous les 
avons transportés sur un enfant sain. Quelques jours après, !ce dernier était 
atteint d'une poussée d’impétigo derrière l’oreille droite. L'enfant étant 
strumeux autant qu'on peut l'être, l’éruption s’étendit rapidement à toute 
la face. 

Nous avons répété plusieurs fois l'expérience et toujours avec un égal 
succès : chose assez curieuse, l’éruption frappait souvent la face, sans que 
le cuir chevelu parut intéressé et le sillon auriculo-mastoïdien était fré- 
quemment le point de départ de l’impétigo. 

Cette anomalie apparente s'explique facilement par les incursions fré- 
quentes des pediculi sur la peau de la face et la résistance qu'offre à 
l'impétigo le cuir chevelu. Nous avons d’ailleurs pu nous convaincre que 
dans les cas d’impétigo localisé à la face, il existait presque toujours 
quelques papules ou excoriations sur la tête, remplies de spores qui, ne 
pouvant se développer dans le semis, attendaient le grattage pour être 
transportées sur une région plus vulnérable. Dans ces conditions, on com- 
prend facilement que les pediculi qui ont emporté le parasite, peuvent ne 


234 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


pas le transporter activement sur la face et être suppléés dans ce rôle par 
les ongles du malade. 

Dans une seconde série d'expériences, nous avons recueilli les pous- 
sières sous-ungéales chez des enfants atteints d’impétigo généralisé à 
toute la tête et avons pu déterminer l’éruption chez des enfants sains, en 
mettant ces poussières sur des excoriations artificielles de la face. 

Nous avons enfin recueilli des pediculi sur des sujets exempts de toute 
trace impétigineuse et nous les avons transportés sur une plaque d’impé- 
tigo où nous les avons maintenus pendant vingt minutes à l’aide d'un 
verre de montre. 

Nous avons mis ensuite ces pediculi en contact avec la peau du front 
chez un enfant sain et les avons maintenus en place pendant une demi- 
heure par le même procédé. Dans plus de la moitié des cas, l’éruption 
s'est produite consécutivement à la piqüre des insectes. Quand nous 
avions la précaution de remplacer la piqûre toujours incertaine par des 
scarifications superficielles, la contagion ne manquait jamais de se pro- 
duire. Lorsque les pediculi contaminés étaient transportés sur la tête, 
l'éruption survenait d’une façon moins fatale et mettait à se montrer des 
délais fort variables, ce qui provenail à coup sûr des hasards de la dissé- 
mination, transport direct par les pediculi excursionnistes, transport in- 
direct par le grattage. 

Quant à la facon dont le pou transporte le parasite, elle est des plus 
simples. Les spores sont fixées aux poils de l’insecte, surtout à ceux des 
pattes antérieures et s’ensemencent tout naturellement dans les piqûres 
que fait le parasite. Nous croyons, en effet, qu’une solution de continuité 
est absolument nécessaire au développement du champignon. 

Nous n'avons jamais trouvé trace du parasite à l’intérieur du corps des 
pediculi. C’est donc d’une façon fort innocente que les pediculi deviennent 
agents de transport, comme le sont d’ailleurs beaucoup d’autres insectes 
dans une foule de cas et en particulier dans la pollinisation. 

En résumé, nous voyons que les pediculi sont des agents fréquents de 
la contagion de l’impetigo et qu'ils jouent en outre un rôle important, 
bien qu'inférieur à celui du grattage dans la dissémination de la maladie 
chez le malade qui en est atteint. Il y aura donc toujours lieu de s’en 
préoccuper quand il s’agira d'établir un traitement. 


EP PRET US D des 7e pt SLI 


na 


SÉANCE DU 49 mars 235 


RÉPONSE A LA CRITIQUE DE M. BATAILLON AU SUJET DE L’ATROPHIE MUSCULAIRE 
CHEZ LES TÉTARDS, 


par M. Er. METCHNIKOFF. 


Dans une note des C. À. de la Société de Biologie (n° 9, 11 mars 1892, 
p. 185), M. Bataillon cherche à prouver que le tableau que j'ai donné 
récemment (Annales de l’Institut Pasteur, 1892, p. 1) de l'atrophie des 
museles pendant la métamorphose des Batraciens, ne correspond point 
à la réalité. Il persiste à affirmer que l'opinion qu’il a exprimée dans sa 
thèse (Recherches anatomiques et expérimentales sur la métamorphose des 
Amphibiens anoures, Paris, 1891) est la seule vraie. 

Voyons d’abord en quoi consiste la différence essentielle entre Îes 
résultats de M. Bataillon et les miens. 

D’après mon contradicteur, l’atrophie musculaire débute par la dispa- 

rilion des noyaux musculaires et la désintégration du faisceau musculaire. 
Ce n’est qu'après ces phénomènes qu'’intervient la phagocytose, exercée 
par des leucocyles émigrés à travers les parois vasculaires et accumulés 
autour des débris musculaires. Voici comment M. Bataillon résume lui- 
même sa manière de voir. « La phagocytose active — dit cet observateur 
(Thèse, p. 58) — est neltement caractérisée, mais elle n'intervient que 
d’une façon irrégulière et comme un facteur accessoire. Ce n’est qu'un 
temps dans le processus de la régression, temps dont la durée est va- 
riable et peut être réduite à néant. Nous pensons que beaucoup de sar- 
colytes sont dissous directement, sans le concours des phagocyles. » Il 
n’est donc pas étonnant que l’auteur d’une revue du travail de M. Ba- 
taillon ait pu s’exprimer de la facon suivante : « Cette manière de voir. 
diminue notablement l'importance attribuée jusqu'ici au vaillant et pro- 
videntiel appétit des phagocytes (1). » 
_ Mes recherches m'ont conduit à interpréter l’atrophie des muscles des 
têtards d’une façon tout à fait différente. 1l ne s’agit ici ni d’une dispari- 
tion préalable des noyaux, ni d'une désintégration spontanée des faisceaux 
musculaires, ni d’une infiltration des muscles par les leucocytes. L’atro- 
phie est accomplie par les phagocytes musculaires, dérivés des noyaux 
musculaires et du protoplasma granuleux, faisant partie du faisceau et 
qui est connu sous le nom de sarcoplasma. Les noyaux musculaires per- 
sistent, entourés par une couche du sarcoplasma qui désagrège le fais- 
ceau et englobe les fibrilles ou leurs débris, les sarcolytes, Le faisceau 
musculaire est donc dissocié et absorbé par un des éléments qui le cons- 
tituent, sans un concours quelconque de la part des leucocytes (2). 


- (1) Voy. Revue générale des Sciences, 1891, p. 554. 
(2) J'ai appris, par l'intermédiaire de M. Bataillon que M. S. Mayer (de Pra- 
gue), dans une note sur l’atrophie des muscles des têtards (Zeitschrift für 


236 SOCIÊTÉ DE BIOLOGIE 


La différence de nos données repose donc sur une différence de faits et 
non sur une différence d'interprétation. Comme l’atrophie musculaire 
des têtards peut servir de type à un grand nombre de phénomènes 
d’atrophie pathologique et intéresse par conséquent l’histologie et la 
physiologie générales, aussi bien que la pathologie humaine, il est très 
important d'établir d’une façon solide les faits essentiels qui la caracté- 
risent. i 
_ Tout en rendant hommage à la sincérité des opinions de mon adver- 
saire, je ne puis les accepter. Je suis persuadé que la différence de nos 
constatations repose sur une différence essentielle dans nos méthodes 
d'investigation. M. Bataillon pense que nos méthodes « sont les mêmes, 
sauf les procédés de fixation qui diflèrent ».(C. À. S. B., p. 186). 
M. Bataillon s’est servi de la liqueur de #lemming, tandis que mes 
recherches ont été faites avec des pièces durcies dans le sublimé. Ceci est 
déjà une différence importante, car la liqueur de #lemming estun très mau- 
vais moyen pour l'étude de l’atrophie musculaire. Plus grande encore est 
la différence entre les procédés de coloralion que nous employons : M. Ba- 
taillon s’est servi de plusieurs couleurs, comme le carmin, l’hémaloxyline, 
la safranine et la rosaniline, mais il n’a pas employé ies colorations dou- 
bles qui permettraient de distinguer neltement les noyaux et le sarco- 
plasma des fibrilles ou du myoplasma. Par contre, mes observations ont 
été faites avec des préparations traitées surlout par une méthode de 
double coloration avec le carmin borique et le bleu de méthylène, 
méthode appliquée et décrite par M. Soudakewilch dans notre mémoire 
sur la phagocytose musculaire. Grâce à cette méthode, on peut voir en 
détail les phénomènes intimes qui se passent dans les muscles pendant 
leur atrophie et constater avec la plus grande facilité que ce processus se 
passe de Ja façon que j'ai décrite et non d’après la théorie de M. Bataillon. 


Heilkunde, t. VII, 1887, p. 185) a déjà émis l'opinion que ce phénomène est 
dû à l’activité des cellules musculaires proprement dites et non aux leucocytes. 
M. Mayer est donc arrivé avant moi à la conclusion que j’ai formulée dans 
mon récent travail ; il y a cependant bien des points qui distinguent l'avis du 
savant histologiste de Prague du mien. Ainsi il pense que le faisceau se désa- 
grège indépendamment d’une action phagocytaire et que le sarcoplasma se 
sesmente en troncons nucléés et en troncons dépourvus de noyaux. La pha- 
gocytose, d'après cette théorie, n'interviendrait que d’une façon secondaire, 
tandis que, d’après mes observations, c’est par elle que débutent les phéno- 
mènes appréciables de l’atrophie. Le fait qu'au moment de la rédaction de 
mon mémoire des Ann. de l'Inst. Pasteur, je n'avais pas connaissance de la 
note de M. Mayer, s'explique par la circonstance que ce travail sur un sujet 
d'histologie zoologique a paru dans un journal purement médical et surtout 
parce que cette note ne figure pas du tout dans les monographies de la méta- 
morphose des Bratraciens de M. Looss (unse en 1889) et de M. Bataillon 
(publiée en 1891). 


SÉANCE DU 19 mars 931- 


M. Bataillon pense (comme il le‘dit dans sa note des C. R., p. 187), qué 
la destruction des noyaux, ainsi que plusieurs autres phénomènes ini- 
tiaux d’atrophie, m'ont « échappé ». Je pense plutôt que c’est la pré- 


sence constante des noyaux qui a échappé à à M. Bataillon et cela à cause 


de l'insuffisance de ses méthodes (1). 

Si mon adversaire veut bien se servir des. procédés de fixation et de 
coloration qui permettent vraiment d'observer les phénomènes intimes 
de l’atrophie musculaire, je suis persuadé qu'il lui sera facile de constater 
que cette atrophie est l’œuvre des phagocytes musculaires, composés de 
noyaux musculaires et du sarcoplasma, et que les eocte ne IE 
aucun rôle dans ce processus. 


DES £LÉSIONS CÉRÉBRALES DANS LA CÉCITÉ PSYCHIQUE EXPÉRIMENTALE 
CHEZ LE CHIEN, 


Note de M. Ch. RICHET. 


Le chien que j'ai présenté à la Société de Biologie dans la séance du 
20 février courant (2) devait être certainement soumis à un examen pro- 
longé; j'avais même prié notre collègue, M. Féré, de venir le voir, afin de 
décider sur quelques points litigieux, comme, par exemple, les troubles de 
l’olfaction. Mais la semaine dernière, malheureusement, 7Zom a été pris 
de phénomènes épileptiformes ; et, après une agonie de vingt-quatre 
heures, il a succombé. | 

A l’autopsie, je n’ai pas trouvé d'abcès ou d'hydrocéphalie pouvant 
expliquer ces convulsions épileptiformes. 

Voici quelles étaient les lésions. 


Si nous adoptons la nomenclature des zoologistes (3), nous voyons que 
le pli courbe ou gyrus sylviacus, est entouré d’une circonvolution (gyrus. 
ectosylviacus) que l’on peut diviser en trois parties : postérieure, moyenne 
(ou supérieure) el antérieure. Or,en cherchant quelles sont les lésions qui 
se trouvent dans les deux hémisphères, on constate que c’est la partie 
moyenne du gyrus ectosyluiacus qui se trouve seule détruite à droite et à 


(1) Je soumets à la Société quelques-unes de mes préparations, afin que 
se membres puissent constater eux-mêmes les faits principaux de l’ atrophie 
musculaire. : 

(2) Bull. Soc. Biol., 1892, p. 147. : 

(3) Ellenberger et Baum. Anatomie. des unit 1891; p. 493, fig. 173 et 174. 


238 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


gauche, en entamantlégèrement la per dela partie tout à fait supérieure 
du pli courbe. 

. C’est donc là évidemment que se trouve, chez le chien, le centre des per- 
ceptions visuelles psychiques, puisque, pour produire la cécité psychique 
complète, il faut une lésion bilatérale, et que c’est en ce point seulement 
que la lésion a été bilatérale. 

Comme, dans un autre cas que j'ai mentionné ailleurs (1), les lésions 
bilatérales étaient précisément au même point du cerveau, il s'ensuit que, 
sur le chien, le siège des perceptions visuelles psychiques est bien au pli 
courbe, dans la région supérieure de cette circonvolution, et dans la 
partie moyenne de la circonvolution qui borde le pli courbe. 


DE LA RÉSISTANCE DU SINGE A L'EMPOISONNEMENT PAR L’ATROPINE, 


Note de M. Cu. Ricner. 


Les physiologistes savent que le sulfate d’atropine peut être donné aux 
animaux, même à dose très forle, sans provoquer d'accidents notables. 
D'un autre côté, il y a des faits nombreux qui établissent bien la résis- 
tance faible de l’homme à l’intoxication atropinique (2). Ainsi, dans cer- 
tains cas, l’instillation d’atropine dans l’œil a provoqué des accidents très 
graves. Dans un cas de M.Gross (3), 18 centigrammes ont amené la mort, 
et on trouverait des cas où des doses bien plus faibles ont été mortelles. 
C'est pourquoi les médecins ont renoncé depuis longtemps à employer 
l’atropine en injections sous-cutanées à des doses qui dépassent 1 milli- 
gramme. 

En présence de ce contraste entre les animaux et l'homme, j'ai voulu 
savoir comment se comporteraient les singes, et j'ai constaté que je ne 
pouvais prévoir, a priori, que les singes sont beaucoup moins sensibles 
que l’homme. Sur plusieurs singes qui m'étaient envoyés du Muséum par 
M. À. Milne-Edwards, et qui étaient d’ailleurs mourants ou très malades, 
j'ai vainement essayé de déterminer rapidementla mort par des injections 
d’atropine. Malgré l’énormité de la dose injectée : 40, 50, 25 centi- 
grammes, des singes pesant 3, 4 et 5 kil. ne parvenaient pas à mourir. 


Il a fallu, au bout de quelques heures, pour les tuer, recourir à d’autres 


poisons. 


-(4) Congrès de psychol. physiolog., Paris, 1889, p. 63. 

(2) Montgomery. Cincinn. Lanc. and observ., 1878, XXI, p. 148. — Prunac, 
Gazette des hôpituux, 1872, p. 85. Chassaignac, ibid., 1853, p. 30. Galézonsr 
ibid., 1875, p. 318. — Chisolm. Balt. med. Journ., 1870, p.25: 

_{3) Am: Journ. of. med. Sc., 1869, p. 401. 


SÉANCE DU 49 MARS 239 


Ainsi le singe, malgré sa ressemblance extraordinaire avec l'homme, en 
diffère par une résistance extrême au poison atropine,et en cela il se 
comporte comme les animaux autres que l’homme. 


M. Ch. Rrcuer présente le premier volume d’une collection biologique 
éditée par M. Masson, sous le titre de Bibliothèque scientifique rétro- 
spective. 

Il s’agit de rendre abordables à tout le monde, grâce à la modicité du 
prix, les œuvres des maîtres de la science: et naturellement c'est Lavoisier 
qui a été le premier publié. Cette Bibliothèque, devant être tout élé- 
mentaire, ne contiendra pas l’œuvre complète, mais seulement un extrait 
de l’œuvre. Après Lavoisier viendront Bichat, Haller, Lamarck, Haller, 
Spallanzani, Legallois, Laënnec, Hunter, William Milne Edwards. La 
première partie (Collection. biologique) comprendra dix volumes; de sorte 
que, pour moins de 10 francs, un étudiant pourra se procurer l’œuvre 
originale des savants qui ont créé la physiologie. 


M. Ch. RicueTt appelle l’attention sur le nouveau procédé typogra- 
phique employé dans cette publication (machine à imprimer sans carac- 
tères mobiles). Cet ingénieux procédé est appelé à rendre de grands ser- 
vices, par la rapidité et l’économie de l'exécution. 


SUR LA PERCEPTION DES ODEURS, 


par M. Jacques Passy. 


J'ai l'honneur de présenter à la Société, quelques faits nouveaux qui 
paraissent jeter un certain jour sur la nature si obscure des odeurs. J'ai 
déterminé, par la méthode indiquée,'les minimums perceptibles d’un cer- 
tain nombre de corps. J'ai complètement abandonné pour ces détermi- 
nations, l’emploi des essences naturelles, qui ne m’avaient servi dans 
mes premières expériences qu'à contrôler les résultats d’autres observa- 
teurs. Les essences naturelles ne sont que des mélanges complexes de 
corps possédant des odeurs différentes; il me paraît élémentaire dans une 
étude aussi délicate de simplifier les conditions de l'expérience et de ne 
faire usage que de substances bien définies, chimiquement pures et par 
conséquent toujours identiques à elles-mêmes. 11 existe à cet égard une 
industrie extrêmement intéressante fondée par M. de Laire, l'application 
des procédés de synthèse chimiques à la fabrication des parfums artifi- 
ciels. Ces parfums que M. de Laire a mis à ma disposition avec une bonne 
grâce dont je tiens à le remercier, sont presque tous des corps solides, 


240 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


ee ONU URL A 


cristallisés et peu ou pas‘volatils. Quelques-uns Fos eux figurent dans 
le tabléau suivant : 


CAMpArE NS 
Ether: NE ANA | 
: ee L'CRCRIP EDEN ue 0.5 LRO 
RD in Héliotropine Cristallisces 0.1 à 0.05 
COUMANE EAN 0.05 à 0.01 
varier ERP 0 006 PS SNOPOUTS 
MuSCna ture EPA STE ER ter 0.001 | 
MAS CNA TLC IE Een RP RER tre 0.00001 à 0.000005 


Les deux derniers chiffres ne sont pas comparables aux autres. En 
effet, le musc naturel et le musc artificiel étant presque absolument fixes, 
on ne peut leur appliquer le mème procédé de mesure; je dépose un 
poids déterminé de solution sur un verre de montre et j'attends l'évapo- 
ration de l'alcool avant de le présenter au sujet. Ce musc artificiel 
(dérivé trinitré de l'isobutyltoluène), sur lequel des détails ont été donnés 
dans le Journal de Chimie et de Pharmacie (2), est une substance à tous 
égards fort intéressante; c’est la plus puissante probablement de toutes 
les odeurs connues, le muse naturel lui est 1000 fois inférieur à peu 
près; mais il faut noter que celui-ci n’est que partiellement soluble et 
qu'une grande proportion de la partie dissoute est sans doute inactive. Si 
l’on pouvait isoler le principe odorant du musc naturel, il est vraisem- 
blable que son minimum serait extrêmement voisin de celui du muse 
artificiel Ses deux corps n’ont nullement la même composition chimique ; 
c’est assurément un fait digne de remarque que cette coïncidence presque 
complète de propriétés odorantes avec une composition différente. 

L’inspection de ce tableau montre qu'il y a lieu de distinguer nettement 
entre la puissance odorante, ou pouvoir odorant, et l'intensité d'une 
odeur. 

Le pouvoir odorant se définit facilement par l'inverse du minimum 
perceptible. S'il faut cent fois moins de vanille que de citral pour provo- 
quer la perception caractéristique, on dira que la vanille a un pouvoir 
odorant cent fois plus grand. 

L'intensité correspond à une qualité subjective bien claire; tout le 
monde sent que le camphre, le citron, la benzine sont des odeurs fortes, 
la vanille, l'iris des odeurs faibles; d’une manière précise, de deux odeurs, 
la plus intense est celle qui masque l'autre. 

On pourrait croire au premier abord qu'il y a quelque analogie entre 
ces deux qualités; on pourrait croire, par exemple, que les odeurs les plus 
intenses sont aussi celles dont la perception se prolonge le plus long- 


(4) Principe odorant des essences de verveine, citronnelle et citron, etc. 
* (2) T. XXI, p. 368; t. XXII, pp. 219 et 323; t. XXIV, p. 322 et suiv. 


À 
| 
+ 


SÉANCE DU 49 Mars 241 


temps, quand on en diminue la dose. Il n’en est rien, et ce sont au con- 
traire les odeurs.les plus intenses, dont la perception disparaît en général 
la première. Ainsi, sur le tableau, on voit que les substances rangées dans 
l’ordre de leur pouvoir odorant, sont à peu près dans l’ordre inverse de 
leur intensité. Il suffit de mettre en regard ces deux minimums : 


Camphre : 41/1000 Vanilline : 1/10.000.000 


L'intensité et le pouvoir odorant correspondent à deux modes d'action 
absolument distincts sur la sensibilité, comme le montrent toute une série 
d'expériences : 

4° La sensibilité différentielle n’est pas la même pour les odeurs 
intenses et pour les odeurs puissantes. Si l’on présente au sujet une série 
de solutions croissantes de camphre ou de citron, la sensation croît 
parallèlement, d’une manière très nette et très rapide: il n’en est pas de 
même pour les odeurs faibles, la vanille, la coumarine; la sensation croît 
lentement, d'une manière vague, elle atteint bientôt un maximum, et 
change alors de nature en prenant un caractère désagréable. 

2 La sensibilité présente des variations individuelles considérables ; 
mais ces variations ne portent pas-indifféremment sur les deux classes de 
substances; elles affectent tout particulièrement celles dont l'intensité est 
faible ; elles sont de 1 à 1000 et même davantage pour la vanille, l’hélio- 
tropine, le musc. 

Héliotropine Camphre 


Mathilde Rob es SE ere 50 5 
Pauline Delt. . ie be 0.5 5 


Il y a même des substances qui ne sont jamais assez intenses, quelle que 
soit leur quantité pour être perçues par certains sujets (héliotropine, 
iris, etc.). Enfin les variations peuvent porter à la fois sur les deux qua- 
lités et en sens inverse, un sujet étant plus sensible à l'intensité, l’autre 


à la quantité. 
: Héliotropine Citral 


RAR ASS Me ns NES 0.01 0.5 
Coque SPAS SAN PEN AE ASE 50 ? Gas 


3° La sensibilité présente chez le même individu des variations d'un 
jour à l’autre. Ces variations ne portent pas sur les odeurs intenses, mais 
sur les odeurs faibles. 
Héliotropine Citral 


Blanche Delt. 14 mars . . . . . 0.1 0.5 
ANAL MERE s) 0.1 


-_ 4° On peut déterminer expérimentalement des variations dans la sensi- 
bilité par l’intervention de la fatigue; la fatigue porte sur les odeurs fai- 
bles, très peu sur les odeurs intenses. 


242 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Vanilline Camphre 


Début de la séance. 0.0005 il 
Finide latséances 9 eut PP OR RME 0.01 5 


De tout cela il résulte que l'intensité et la puissance sont deux propriétés 
absolument distinctes et qu'il y a lieu de ranger les substances en deux 
classes suivant qu’elles possèdent surtout l’une ou l’autre. 

M. Beaunis était arrivé par un chemin tout différent, la mesure des temps 
de réaction aux odeurs, à distinguer deux classes de substance : les pre- 
mières auxquelles il propose de réserver le nom d’odeurs pour lesquelles 
la réaction est nette et rapide, les autres pour lesquelles le temps de 
réaction est long et même impossible à préciser, auxquelles il réserve le 
nom de parfums. Mes expériences conduisent aux mêmes conclusions 
que celles de l’éminent physiologiste, et montrent que la première classe 
correspond à l'intensité, la seconde à la puissance. 

J'ai pu également distinguer, ainsi que je l’ai indiqué sommairement 
dans une communication à l’Académie des sciences, deux minimums per- 
ceptibles : un minimum simple et un minimum qualitatif. 

Le sujet n'étant pas prévenu de l’odeur en expérience, si l’on part d’une 
dose trop faible pour être perçue, et qu’on augmente graduellement l'exci- 
tation, il commence par ne rien sentir; il arrive un moment où il perçoit 
quelque chose maïs sans savoir quoi. À toutes les questions qu’on lui pose, 
il répond que l'odeur est vague, indéterminée qu'il ne peut la nommer. 
Si l’on continue à augmenter l'excitation, l'odeur augmente d'intensité, 
mais sans présenter encore de caractère précis. 

Enfin si l'excitation augmente encore il arrive un moment où l'odeur 
est perçue nettement avec ses caractères sui generis et nommée par son 
véritable nom. Il y a donc deux limites : l’une au-dessous de laquelle on 
ne perçoit rien, une au-dessus de laquelle on perçoit l’odeur avec ses 
propriétés caractéristiques, et une zone intermédiaire pendant lâquelle 
l’odeur est perçue d’une manière indéterminée ou inexacte. 

Ces faits sont intéressants à rapprocher de ceux qui ont été observés 
pour la vision. On sait par les expériences de M. Charpentier que « lors- 
qu'on ouvre lentement le diaphragme du photoptomètre, c’est-à-dire si 
on augmente à partir de zéro l'intensité de la couleur, on a tout d’abord 
une impression lumineuse simple, incolore, la même pour tous les rayons 
du spectre; ce n’est que pour une augmentation plus ou moins grande de 
l'excitation que le sujet, après s’être efforcé vainement de deviner la 
nature de la couleur qu'on lui a présentée, la reconnaît nettement, d’abord 
blanchâtre, puis de plus en plus saturée (1). Il y a de même une sensa- 
tion olfactive simple, incolore, semblable-ou tout au moins analogue pour 
un grand nombre d’odeurs et peut-être pour toutes. On pourrait croire 
au premier abord que cette modification de la perception tient à une 


(1) Charpentier. La lumière et les couleurs, page 205. 


SÉANCE DU 49 MARS 243 


altération objective de l'odeur, que, par exemple, dans l’état d’extrème 
dilution où la matière odorante a été amenée, elle a changé de nature 
et n’impressionne plus la membrane olfactive de la même manière; je 
réponds à cela que le minimum qualitatif n’est pas le même pour tous 
les sujets, que là où l’un ne sent plus rien, l’autre reconnaît encore 
l'odeur caractéristique; ce n’est donc pas la qualité objective de l'odeur 
qui est modifiée, mais le mode de la sensibilité qui la perçoit. 


NOTE SUR LA TORSION DE L'HUMÉRUS CHEZ L'HOMME, 


par M. M. LAMBERT, 


Préparateur de physique à la Faculté de médecine de Nancy. 


(Travail du laboratoire d’Anatomie de la Faculté.) 


(Note présentée par M. E. GLEy.) 


L’axe du corps de l’humérus détermine avec l’axe du col, d’une part, et 
l’axe de la trochlée d'autre part, deux plans faisant entre eux un certain 
angle, nommé par Broca angle de torsion. De nombreuses mesures effec- 
tuées par différents auteurs montrent qu il varie, chez une même espèce, 
avec le sexe, la longueur, le côté. Les humérus féminins sont plus tordus 
que les humérus masculins, les humérus courts que les humérus longs, 
les humérus gauches que les humérus droits. « Il y aurait lieu de se 
demander, dit M. Manouvrier (/evue d’Anthropologie, 1881), si c’est 
parce que les humérus féminins sont en moyenne plus courts que les hu- 
mérus masculins, que la torsion est moins prononcée chez ces derniers. » 

Ne nous expliquant pas facilement la différence entre les humérus 
droits et gauches, qui ont sensiblement la même longueur, mais dont 
l'épaisseur diffère, nous nous sommes demandé si l'épaisseur n'avait pas 
quelque influence sur la valeur de l'angle de torsion. Nous avons fait un 
certain nombre de mesures à l’amphithéâtre de la Faculté de médecine de 
Nancy, en prenant l'épaisseur de l'humérus du bord antérieur à la face 
postérieure, au niveau du V deltoïdien. 

L’angle de torsion moyen était de : 


170°,4 sur des humérus de 21 à 22 millimètres d'épaisseur. 
157,7 — 22 à 24 Ds _ 
1490,7 Ex 24 à 25 a o 


Ces chiffres semblent indiquer que l’angle diminue quand l'épaisseur 
augmente. 

Ainsi done les humérus de femme et les humérus gauches seraient 
peut-être plus tordus parce qu’ils sont plus minces. L'augmentation de 
longueur s’accompagnant généralement d’une augmentation d'épaisseur, 


244 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


-e’est cette dernière qui serait cause de la diminution de l'angle de torsion. 

-De faibles différences d'épaisseur semblent en effet faire beaucoup plus 
_Yarier la torsion que de faibles différences de largeur. 49 

Il faudrait un nombre considérable d'observations faites chez: une même 

espèce, pour étudier d’une façon plus précise la relation qui existe entre 
-la torsion, la longueur et l’épaisseur. 

Quoi qu'il en soit, il nous semble intéressant de rapprocher ces résultats 
de ceux fournis par l'étude physique de la torsion. On sait que les angles 
de torsion de deux cylindres soumis à l’action d'un même couple sont 
proportionnels à leurs longueurs et inversement proporlionnels aux qua- 
trièmes puissances des rayons de leurs bases. Une diminulion d'épaisseur 
donnée suffit à compenser une augmeniation de longueur cinquante fois 
plus grande. 


FAITS A L'APPUI DELA NATURE MICROBIENNE DE L'ÉCLAMPSIE PUERPÉRALE, 
par. MM. ComBEMALE et Bué. 


(Travail du Laboratoire des Cliniques de la Faculté de médecine de Lille.) 


La nature microbienne de l’éclampsie puerpérale n’est pas encore tel- 
lement incontestée qu'il soit hors de propos de signaler quelques faits à 
l'appui de cette conception nouvelle de l’éclampsie. 

Voici quatre cas dans lesquels l’ensemencement méthodique du sang a 
montré chaque fois qu'on pouvait attribuer à l’éclampsie une origine 
microbienne. 


O8s. I. — Une primipare sans antécédents, sans troubles constatés du côté 
des urines pendant sa grossesse, n'ayant pas présenté d’ædème des jambes, 
-de gonflement des paupières, de troubles visuels, a, pendant le travail, qui 
est long et pénible, plusieurs attaques d’éclampsie. Après l’acte de l’accou- 
-chement, qui est normal en lui-même, sauf la délivrance qui est artificielle, il 
survient encore quelques {attaques d’éclampsie très violentes, avec élévation 
notable de la température. : 

: Le jour de l'accouchement, après avoir lavé et brossé à l'alcool absolu le 
doigt de la malade, on fait une piqûre avec une lancette aseptisée et la goutte 
de sang sert à ensemencer un tube d’agar. Le surlendemain, après un 
séjour de trente-six heures à l'étuve à 35 degrés, une colonie blanche appa- 
raît qui se développe avec une médiocre aronaie Le septième jour, on 
constate à l'examen microscopique des staphylocoques. 


Ons. IL. — Une primipare de dix-neuf ans, sans antécédents. sai sa gros- 
sesse, mais ayant eu au cours de celle-ci de l’albumine dans les urines, de 
l’ædème des jambes, des paupières, des troubles de la vue, a un travail Jong 


SÉANCE DU 19 MARS 245 


et pénible. Une heure après l'acte de l’accouchement, survient une première 
attaque d’éclampsie, suivie une demi-heure après d’une seconde. Le traite- 
ment par le chloral et la morphine est institué. Ce n’est que vingt-quatre 
heures après, qu'avec toutes les précautions antiseptiques d'usage on fait sur 
le doigt une piqure. La gouttelette de sang est ensemencée sur gélose et portée 
à l’étuve à 55 degrés. Le surlendemain, des colonies blanches et dorées se 
sont développées et l’examen microscopique, pratiqué au septième jour, per- 
met d'y reconnaître des séaphylocoques. 


OBs. II, — Une primipare de dix-sept ans qui a eu la fièvre typhoïde à 
treize ans, des vomissements au début de sa grossesse, et de la céphalalgie 
intense vers son terme, a eu un travail lent et laborieux. 

Quatorze heures après l'accouchement, se montrent, dans l’espace de deux 
heures, cinq attaques d'éclampsie. Le chloroforme fait avorter la sixième ; le 
chloral et la morphine préviennent les autres. Sept heures après la première 
attaque, on prélève d’une piqûre au doigt antiseptiquement pratiquée, une 
gouttelette de sang que l’on ensemence sur agar. Après quarante-huit heures 
de séjour à l’étuve, il se montrait une colonie que l'examen microscopique 
fit reconnaître ultérieurement pour du staphylocoque. 


OBs. IV. — Une servante de vingt-deux ans, primipare, accouchée à l'insu 
de ses maîtres, est amenée à l'hôpital quelques heures après la délivrance, 
Pendant le trajet, attaques d’éclampsie qui se répètent dans les salles. Comme 
traitement de ces attaques, on fait, sans autre médication préalable, une sai- 
gnée. Dans le jet de sang, on recueille de quoi ensemencer deux tubes d’agar. 
Quarante-huit heures après, développement de colonies de staphylococci 
blancs et jaunes. 8 

Les attaques d'éclampsie ne parurent plus après cette saignée; mais la 
malade resta plus d’une journée dans un état de prostration assez marquée, 
Huit jours après, un nouvel ensemencement avec son sang resta stérile. 


Ainsi donc, sur quatre parturientes atteintes d’éclampsie pendant le 
travail ou immédiatement après le travail, l'examen bactériologique du 
sang a permis de constater la présence de microorganismes. Ce micro- 
organisme est le staphylococcus pyogenes dans ses deux variétés, aureus 
et albus, mais surtout albus. 

Nous ne désirons pas pour l'instant tirer de conclusions de cette pre- 
mière série de faits, bien qu'ils soient assez probants et en nombre suffi- 
sant pour autoriser dès maintenant l'édification d’une théorie. 


11. 


246 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


SUR LA CIRCULATION ENTÉRO-HÉPATIQUE DE LA BILE, 
par M. E. WERTHEIMER. 


(Note présentée par M. E. GLey.) 


La bile résorbée dans l'intestin peut être éliminée immédiatement par 
le foie, pendant qu’elle traverse le système capillaire de cet organe, ou 
doit-elle passer d’abord dans la circulation générale et revenir par la voie 
de l’artère hépatique? Schiff, après avoir émis la première hypothèse, l’a 
plus tard rejetée en s'appuyant sur certains faits expérimentaux (1). 

Mais puisque le foie est capable d'arrêter diverses substances que lui 
amène la veine porte (2), il serait étonnant qu'il ne se comportât pas de 
même à l'égard de son propre produit de sécrétion quand celui-ci revient 
par les veines mésentériques. Et, en effet, l'expérience directe prouve 
qu’il en est bien ainsi. 

Chez un chien curarisé, en digestion, on lie l’artère hépatique à son 
origine; on sectionne entre deux ligatures tout le petit épiploon qui 
renferme des branches de l’artère coronaire stomachique allant au foie, 
ou bien on lie cette dernière artère à son origine. De plus, on lie et on 
coupe au niveau du hile tout ce qui entoure la veine porte; enfin dans 
quelques expériences, on a mis ur fil sur l'artère diaphragmatique infé- 
rieure droite qui fournit peut-être quelques ramuscules au foie. Dans ces 
conditions, le foie ne reçoit plus de sang artériél. 

On met une canule dans la vésicule biliaire, et on recueille d’abord la 
bile pendant une demi-heure. 

Puis on injecte 15 à 20 centimètres cubes de bile de mouton dans une 
veine mésaraïque, de façon à.ce qu’il pénètre dans ce vaisseau un ou un 
demi-centimètre cube de liquide par minute. Généralement de cinq à 
dix minutes après le début de l'injection, la sécrétion augmente notable- 
ment, souvent du double ou du triple. Un peu plus tard, la bile qui 
s'écoule par la fistule biliaire de l’animal en expérience prend une teinte 
verdâtre, et l’on peut y constater au spectroscope, la présence du pigment 
caractéristique de la bile de mouton, la cholohématine. Ces effets, et, en 
particulier, Paugmentation de la sécrétion biliaire, persistent deux heures 
ou plus après l'injection. 

En résumé, les résultats de cette expérience que j'ai répétée souvent, 
sont les mêmes que ceux que j'ai signalés (3) dans les cas où l’on injecte 
de la bile de mouton à un chien dont la circulation hépatique est intacte : 
avec cette différence toutefois, que, quand les vaisseaux artériels du foie 


(1) Arch. de Pflüger, 1870, t. ILE, p. 609, 
(2) Voir pour l'historique, Roger, Arch. de Physiologie, janvier 1892. 
(3) Arch. de Physiologie, octobre 1891. 


SÉANCE DU 19 MARS 9247 


sont liés, la teinte verte de la bile du chien est moins prononcée et les 
bandes de cholohématine sont aussi moins marquées. En effet, une partie 
de la bile injectée traverse le foie, et échappe définitivement à l’action de 
cet organe, puisqu'elle ne peut plus revenir par les artères. 

Il est donc incontestable que, quand la bile est résorbée.en nature dans 
l'intestin, une partie de ce liquide peut être arrêtée immédiatement et 
rejetée, immédiatement aussi, par le foie, et que cette sorte de petite 
circulation de la bile qui a été niée par les uns, et admise par les autres 
sans preuve directe, existe bien réellement, 


FORMULE DE L’OSSIFICATION DES PHALANGES DES MÉTACARPIENS, 
DE LA CLAVICULE ET DES COTES, 


par M. Picové. 


On sait que les os longs du bras et de la cuisse, de l’avant-bras et de 
la jambe se développent par trois points d'ossification principaux (un 
pour le corps, un pour chaque extrémité). 

Mais les phalanges des doigts et des orteils, les métacarpiens et les mé- 
tatarsiens ne s’ossifient que par deux points, un pour le corps et un pour 
une seule des extrémités. Dans les phalanges des doigts et des orteils, 
ainsi que dans le premier métacarpien et le premier métatarsien, le point 
complémentaire apparaît au niveau de leur extrémité proximale. Le point 
complémentaire des quatre derniers métacarpiens et métalarsiens appa- 
rait au contraire au niveau de leur extrémité distale. 

Aussi beaucoup d’anatomistes considèrent-ils le premier métacarpien 
et le premier métatarsien comme des phalanges : de sorte que le premier 
rayon digital (pouce ou gros orteil) formé de trois phalanges, comme les 
autres doigts et orteils, serait, au contraire, dépourvu de métacarpien 
ou de métatarsien ; mais par leur rapport avec le carpe et le tarse, ainsi 
que par leurs connexions avec les muscles, ces deux os appartiennent en 
réalité au métacarpe et au métatarse. Comment donc expliquer la 
ressemblance qui rapproche leur développement de celui des phalanges 
et la différence qui l’éluigne de celui des autres métacarpiens. 

Dans le mouvement de flexion et d'extension des doigts et des orteils, 
l’extrémité proximale des première, deuxième et troisième phalanges se 
meut sur l'extrémité distale des métacarpiens, des métatarsiens des pre- 
mière et deuxième phalanges. 

De même l’extrémité proximale du premier métacarpien et du premier 
métalarsien se meut sur le carpe ou le tarse, tandis que son extrémité 
distale sert de support aux mouvements de la première phalange du pouce 
et du gros orteil. 


248 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


+ L'extrémité proximale des phalanges et des premiers métacarpiens et 
métatarsiens est donc plus mobile que leur extrémité distale : car c’est 
sur cette extrémité proximale qu'apparaît le point complémentaire de 
ces 08. 

L'’extrémité distale des quatre premiers métacarpiens et métatarsiens 
sert de support aux mouvements des premières phalanges. Mais si elle 
n’est point directement mobile, elle répond à des articulations dans les- 
quelles les mouvements sont beaucoup plus importants que ceux qui se 
passent au niveau de leur extrémité proximale : or c'est au niveau de 
leur extrémité distale, qu'apparaît leur point complémentaire. 

La clavicule qui est aussi un os long, n’a qu’un seul point complémen- 
taire, mais comme pour les phalanges, les métarcapiens et les métatarsiens, 
ce point est situé au niveau de son extrémité la plus mobile, c'est-à-dire 
sur son extrémité sternale. 

Je conclus donc que lorsqu'un os long n’a qu'un seul point d’ossification 
complémentaire, ce point apparaît sur l'extrémité la plus mobile de cet os. 

Les côtes qui sont aussi des os longs sur un point osseux primitif qui 
correspond au corps et trois points complémentaires, mais apparaissant 
aussi au niveau de leur extrémité la plus mobile, c’est-à-dire sur leur 
extrémité vertébrale (tête et tubérosité). 

La formule que je viens de donner est donc vrai pour les phalanges, 
les métacarpiens, les métatarsiens, la clavicule et les côtes. 


Le Gérant : G. MAssoN. 


Paris. — Typographie Gaston Née 1, rue Cassette. — 5732. 


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249) 


SÉANCE DU 26 MARS 1899 


MM. J. N. Cuenor et J. Prco : De l’action bactéricide du sérum de sang de bovidés 
sur le virus morveux et de l’action curative de ce sérum dans la morve expéri- 
mentale du cobaye. (Mémoire.) — M. A. PrRENANT : L'origine du fuseau achroma- 
tique nucléaire dans les cellules séminales de la Scolopendre. —M. En. RETTERER : 
Sur la morphologie et l’évolution de l'épithélium du vagin des mammifères. 
(Mémoire). — M. Er. RETTERER : Origine et développement des plaques de Peyer chez 
les Ruminants et les Solipèdes. — M. le Dr H. Vincent : Sur l'hématozoaires du 
paludisme. — M. Arrrep Bixer : Le nerf alaire chez quelques Coléoptères apté- 
siques. — M. C. Puisazix : Transmission héréditaire de caractères acquis par le 
Bacillus anthracis sous l'influence d'une température dysgénésique. — M, le Dr A. 
VianxNA : Nouveau traitement antiseptique de la diphtérie par l'antipyrine. 
(Mémoire). — MM. Cu. Féré et L. Hergerr : Note sur l’inversion de la formule des 
phosphates éliminés par l'urine dans l’apathie épileptique et dans le petit mal. — 
M. le D'F. Recxauzr : Sclérose du testicule provoquée par la vaginalite chronique 
simple adhésive. 


Présidence de M. Regnard. 


CORRESPONDANCE IMPRIMÉE. 


— M. le D'J. DE REY-PAILHADE envoie à la Société une lettre dans la- 
quelle il rappelle les travaux qu'il a faits sur le Philothion. 

M. pe REY-PAILHADE communiquera ultérieurement à la Société le 
résultat de ses dernières recherches sur le Philothion. 


— M. le D' E. Sozzes prie la Société d'accepter dans ses Archives le 
dépôt d’un Pli cacheté qui ne devra être ouvert que dans la première 
semaine du mois de mai 1892. 


DE L'ACTION BACTÉRICIDE DU SÉRUM DE SANG DE BOVIDÉS SUR LE VIRUS 
MORVEUX ET DE L'ACTION CURATIVE DE CE SÉRUM DANS LA MORYE EXPÉRI- 
MENTALE DU COBAYE, par MM. J. N. CuexorT et J. Pico. (Voir Mémoires 
du présent volume, p. 91.) 


L'ORIGINE DU FUSEAU ACHROMATIQUE NUCLÉAIRE DANS LES CELLULES 
SÉMINALES DE LA SCOLOPENDRE, 


par M. A. PRENANT. 


Trois opinions différentes ont été émises relativement à l’origine du 
fuseau de la figure de division. 

Strasburger, Guignard pour les plantes, Fol, Bobretzky, Henneguy, 
Boveri, Garnault chez les animaux, admettent l’origine protoplasmatique 
des filaments du fuseau. Ceux-ci sont constitués pour eux par la poussée 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9° SÉR'E. T, IV. 12 


250 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


de ceux des rayons de la sphère attractive qui sont compris dans un cône 
dont le sommet est au centre de la sphère et la base au noyau. Il faut 
pour cela que ces rayons s’allongent de proche en proche pour atteindre 
le noyau et s’y enfoncer, el qu’en outre la membrane du noyau soit 
repoussée ou même détruite à leur niveau. Le rapport, qui s'établit, à la 
suite de ces phénomènes, entre les filaments irradiés de la sphère attrac- 
tive vers le noyau et les chromosomes contenus dans ce dernier, est secon- 
daire. 

On a soutenu, d'autre part, que le fuseau prendexclusivement ou presque 
exclusivement naissance aux dépens de la charpente achromatique du 
noyau (linine de Schwarz, parachromatine de Pftzner). Cette manière 
de voir a été défendue surtout par les auteurs (Büischli, R. Hertwig, 
Pfitzner, A. Grüber, Schewiakoff) qui ont étudié la division cellulaire des 
Protozoaires, et en outre, quoique souvent d’une façon restrictive ou peu 
nette, par Bütschli, Platner, Zacharias, Lôwenthal, Henking, Soltwedel, 
Lalewsky, Mayzel, Külliker, Selenka, moi-même, et surtout par Flem- 
ming dans ses anciens travaux, par Carnoy et par GC. Rabl. La plupart 
des observations sur lesquelles repose l'affirmation de l’origine nucléaire 
du fuseau consistent en ce que celui-ei est visible quand la membrane du 
noyau est encore intacte. Pour Rabl la disposition fusoriale n’est d’ail- 
leurs que le résultat du remaniement assez léger d’une charpente déjà 
orientée d’une manière déterminée dans le noyau au repos. De plus, pour 
cet auteur, comme pour Altmann et pour Carnoy, la continuité de la char- 
pente du noyau avec celle du cytoplasme, si nette aux stades cinétiques, 
préexiste dans l’élément quiescent. 

En troisième lieu, on a reconnu l’origine mixte du fuseau, cytoplas- 
mique et nucléaire à la fois. Tandis que la portion équatoriale ou les 
régions périphériques du fuseau pourraient être de provenance nucléaire, 
les pôles ou la région centrale sont certainement d’origine protoplasma- 
tique dans les deux circonstances suivantes. D'abord quand on voit (E. van 
Beneden, Flemming, Platner, et surtout Herrmann) un rudiment du fuseau 
se développer à côté du noyau, en plein cytoplasme, entre les deux cor- 
puscules centraux écartés, ce petit fuseau entrera certainement dans la 
constitution du fuseau définitif dont il formera la partie centrale ou les 
extrémités coniques juxtapolaires. En second lieu, il en est ainsi, observe 
Henking, quand les sphères attractives demeurent à quelque distance du 
noyau, si bien qu'entre celui-ci et le centre de la sphère les fibres fnso- 
riales sont nécessairement d'origine protoplasmatique. Telle est l'opinion 
défendue par E. van Beneden, Heuser, Platner (pour les Lépidoptères, 
l’Aulastome et les Gastéropodes), Herrmann (mais avec réserves), Flem- 
miog (dans son dernier travail). C’est aussi celle vers laquelle J'incline à. 
la suite des quelques observations que j'ai faites sur les éléments séminaux 


de la Scolopendre. 
Le noyau au repos de ces éléments présente : une charpente irrégu- 


DE 
Cr 


SÉANCE DU 26 MARS 9251 


lièrement constituée, colorée en bleu dans Les préparations teintes suivant 
le procédé de Flemming, gentianophile par conséquent; — des chromo- 
somes très inégaux de taille et très variables de forme, colorés en rouge, 
safranophiles; — un suc nucléaire orangé, formant le fong du noyau. 
Cà et là on voit deux chromosomes reliés par une tige d'union bleu et 
résultant de la séparation en deux d’un chromosone plus gros. 

En un stade correspondant au début de la division, la masse chroma- 
tique safranophile se répand le long de la charpente gentianophile. 
Autour de l’aire claire qui entoure le uoyau et que parcourt zn réticulum 
très délicat, règne une bande annulaire foncée; celle-ci loge deux corps 
centraux réunis à distance par une traînée plus sombre. Des corps irra- 
dient en tous sens des filaments; deux ou trois d’entre eux, dirigés vers 
la surface du noyau, pénètrent dans l’aire claire périnucléaire, s’y anasto- 
mosent avec le réticulum qui la cloisonne et vont aborder la membrane 
du noyau. Cette dernière observation établit l'existence d’une connexion 
primilive entre la membrane du noyau, d’une part, et, par conséquent, le 
réliculum achromatique dont elle fait partie, et, d'autre part, les rayons 
de la sphère attractive qui ne sont que des travées régularisées du cyto- 
plasme. 


Dans d’autres cellules, la figure fuselée de division est déjà bien mar- 
quée d’un pôle à l’autre, et la membrane nucléaire a disparu. La substance 
safranophile du noyau, en s’étirant suivant l’axe de la figure, se fragmente 
et met à découvert une substance gentianophile disposée sous forme de 
filaments bleus, épais, peu nombreux, dont quelques-uns courent d’un 
pôle à l’autre ou tout au moins dépassent l'équateur; il est certain que 
ces filaments résultent aussi en partie de la régularisation longitudinale 
du réticulum gentianophile du noyau quiescent. En dehors de la région 
centrale du fuseau, ainsi constituée, et surtout vers l'équateur, se trouve 
un réticulum délicat, situé encore dans les limites de l’espace nucléaire 
primitif. De chaque côté des cônes qui forment les extrémités du fuseau 
se voient deux bandes plus claires atténuées vers les pôles, qui ne sont 
pas occupées par des filaments gentianophiles. 

Le fuseau définitivement constitué offre une partie centrale (fuseau 
central de Herrmann) et une partie périphérique. La première est consti- 
tuée par des filaments épais colorés en bleu, gentianophiles supportant 
les chromosomes safranophiles en forme de diplocoques. La partie péri- 
phérique est formée par un espace clair plus large vers l'équateur, qui 
n'est occupé que par un réticulum extrêmement fin. Le fuseau est limité, 
en dehors de cet espace clair, par les irradiations puissantes issues de 
chaque pôle, qui s’entrecroisent dans la région équatoriale de la cellule. 

L'anaphase ne se fait pas selon le mode habituel, mais suivant un pro- 
cessus analogue à celui que décrit Vialleton chez la Seiche : je n’ai vu en 
effet ni le dyaster ni le dispireme typiques. Quand se fait l’étranglement 
cellulaire, le faseau central se resserre en un reste fusorial constitué par 


252. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


les filaments gentianophiles étroitement juxtaposés; dans quelques cas 
ces filaments, au lieu d'être bleus, étaient colorés en brun. Je n’examinerai 
pas ici ce que deviennent les restes fusoriaux ainsi produits, parce que 
je le fais ailleurs en indiquant les rapports du reste fusorial avec le « corps 
intermédiaire » de Flemming. 

A côté de ces figures, qui forment une série continue, je décris une 
image qui ne peut prendre place dans cette série que pour une part des 
détails qu’elle présente. Les corps safranophiles du noyau sont d’une taille 
el d’une forme égales; entre eux s'étend un réseau irrégulier, grenu, non 
pas bleu mais orangé. Le noyau a conservé sa forme arrondie, et sa mem. 
brane est intacte. Toutefois, en deux endroits opposés, la membrane est 
légèrement déprimée et un peu moins accentuée. Ces endroits correspon- 
dent aux sphères atlractives devenues à présent les asters polaires. La 
parlie déprimée du noyau est surmontée par un espace clair, donnant 
l'impression d'une ventouse appliquée sur le noyau ; cet espace est limité 
par une ligne nette qui part de chaque côté de l’union de la partie sphé- 
rique avec la portion déprimée de la membrane nucléaire. Quelques rares 
filaments, irradiés de la sphère attractive et dirigés vers le noyau, tra- 
versent cet espace et atteignent le fond de la dépression de la membrane 
ou même le dépassent, soit par devant, soit par derrière, ou encore s’en- 
foncent dans le noyau, s’insérant parfois à un chromosome par leur extré- 
mité. J'ai observé trois fois cette disposition, qui rappelle celle figurée 
par Henneguy dans un travail récent chez la Truite, et auparavant par 
Carnoy chez Scolopendra dalmatica et par Platner chez les Lépidoptères 
et Aulastomum qulo. 

De cette étuce se dégagent les principaux fails suivants. Le noyau au 
repos renferme deux substances chromatiques distinctes: l’une, safrano- 
phile, est la chromatine de Flemming ; l’autre, gentianophile, correspond 
à une partie de l’achromatine, et pourrait recevoir l'appellation de para- 
chromatine créée par Pfitzner. La substance gentianophile forme entre 
les chromosomes safranophiles des ponts unissants auxquels pourrait 
convenir le nom de « filaments connectifs primaires », et qui ne se for- 
ment qu'au début de la division. Ce sont ces filaments qui deviennent les 
fibres du fuseau central; celui-ci, chez la Scolopendre, est la seule partie 
fibrillaire du fuseau tout entier. Les chromosomes safranophiles, issus du 
dédoublement des chromosomes primitifs, en s’éloignant vers l’un et 
l’autre pôle, laissent entre eux des filaments bleus nouveaux, les filaments 
réunissants dE. van Beneden, qui pourraient être distingués des précé- 
dents sous le nom de « filaments connectifs secondaires ». Le noyau con- 
tient encore, outre les matières safranophiles et gentianophiles, une 
substance soi-disant achromatique, en réalité d’une chromaticité banale; 
elle forme le suc nucléaire dans le noyau quiescent, et prend dans la 
période cinétique l’aspect d’un réticulum très ténu, peut-être parce qu'’a- 
lors les parties les plus aqueuses de cette substance achromatique sont 


LA 


SÉANCE DU 20 MARS 09 


soulirées au noyau, ainsi qu'on peut le supposer, tant à cause de l'aspect 
clair du noyau cinétique, que pour les images en forme de ventouse que 
nous avons obtenues. 

Les connexions entre les chromosomes safranophiles et les filaments 
de la sphère attractive, connexions nécessaires dans l’état de la science 
pour comprendre la éaryocinèse, ces connexions sont primitives et non 
secondaires, conformément aux desiderata exprimés par Rabl et par 
Flemming. Elles sont indirectes et non directes et s’établissent avec le 
concours des intermédiaires suivants : les filaments bleus connectifs pri- 
maires, qui sont le support, l’axe ou l’étui des chromosomes, le réticulum 
achromatique du noyau, la membrane nucléaire et ce qui la rempiace 


quand elle cesse d’être une enveloppe pour le noyau, le réticulum qui 


occupe l’espace clair périnucléaire et auquel aboutissent certains rayons 
de la sphère. Je reconnais toutefois bien volontiers que des aspects, excep- 
tionnels chez la Scolopendre, tels que celui qui est représenté dans le 
récent travail d'Henneguy, et celui que j'ai décrit plus haut, ne sont pas 
favorables à l'interprétation qui précède. 

Le fuseau, en définitive, a, chez la Scolopendre, une origine tout à la 
fois nucléaire et cytoplasmique. 


SUR LA MORPHOLOGIE ET L'ÉVOLUTION DE L'ÉPITHÉLIUM DU VAGIN DES 
MAMMIFÈRES, par M. En. RETTERER. (Voir Mémoires du présent volume, 


PONS) 


ORIGINE ET DÉVELOPPEMENT DES PLAQUES DE PEYER 
CHEZ LES RUMINANTS ET LES SOLIPÉDES, 


par M. Ep. RETTERER. 


Dans deux notes précédentes (1), j'ai montré que, chez le lapin et le 
cobaye, Les plaques de Peÿer prennent naissance aux dépens de bour- 
geons épithéliaux, dont les cellules se logent dans les mailles d’un réseau 
conjonctif. 

J'ai étendu mes recherches aux grands quadrupèdes. On sait que le 
mouton, le bœuf et le cheval possèdent de nombreuses et grandes plaques 
de Peyer, le long du bord libre de l'intestin grêle. 

Lorsqu'on examine cette portion du tube digestif sur des fœtus de moins 
en moins âgés, il est facile de reconnaître aux yeux nus ou à la loupe, 
les plaques de Peyer, tant qu’on s'adresse à des fœtus de mouton dont 
la taille dépasse 40 centimètres, à des veaux longs au moins de 50 cen- 


(1) Comples rendus de la Société de Biclogie, séance du 26 décembre 1891 et 
séance du 9 janvier 4892 (Mémoires). 


b9 
Qt 
nes 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


limèlres ou à des fœtus de cheval longs de 48 centimètres. Aux stades 
plus jeunes, ces formations sont plus difficiles à découvrir : avec un peu 
d'habitude et beaucoup de patience, on arrive cependant à distinguer 
en regard de l'insertion du mésentère, des taches plus sombres tranchant 
sur la paroi transparente du reste de l'intestin. Au niveau de ces taches, 
la vascularisation des tuniques intestinales est plus notable qu'ailleurs. 

Après fixation et durcissement de ces portions d’intestin, on peut, sur 
les fœtus de mouton de 35 centimètres, sur ceux de veau de 47 centi- 
mètres, sur ceux de cheval de 45 centimètres de long, suivre les premiers 
développements des plaques de Peyÿer. La muqueuse est hérissée partout 
de nombreuses villosités, mais au niveau des endroits paraissant plus 
sombres à l’œil nu, cette membrane présente une épaisseur double. Au 
lieu d’être constitué uniquement par des éléments conjonctifs (arrondis, 

_étoilés et fusiformes), le chorion des portions épaissies est pénétré par 
des bourgeons épithéliaux. De ceux-ci, les uns sont encore en continuité 
avec l'épithélium intestinal, tandis que le fond des autres est englobé de 
toutes parts dans le tissu mésodermique, et, par.-suite, isolé de l’épithé- 
lium superficiel. 

De cette pénétration réciproque de cellules épithéliales et conjonctives 
résulte un tissu angiothélial semblable à celui que j'ai décrit dans les 
amygdales et les plaques de Peyer des Rongeurs. 

C’est plus tard et secondairement que cette masse uniforme se segmente 
à partir de la tunique musculaire en follicules clos ou Jobules. 

Je n'insiste pas sur les détails de ce développement que j'ai décrits 
dans mes notes antérieures. 

Je me résume: la partie glandulaire des plaques de Peyer se forme 
chez les Ruminants et les Solipèdes à l’aide de bourgeons épithéliaux 
multiples comme chez le lapin. Ces prolongements épithéliaux sont 
circonscrits de tous côtés par le tissu conjonctif et remplissent les mailles 
de ce dernier. Chez les grands quadrupèdes, il ne persiste plus tard 
aucun diverticule épithélial s'étendant du follicule clos à la surface 
intestinale. 

Si, tenant compte des divers animaux observés, je récapitule dans une 
vue d'ensemble les phénomèmes morphologiques caractérisant le déve- 
loppement de la bourse de Fabricius, des amygdales et des plaques de 
Peyer, je dirai: ces divers organes prennent naissance à la facon des 
glandes en général ; les bourgeons épithéliaux affectent, soit la forme de 
cylindres simples, soit la conliguration de grappes disposées sur un 
pédoneule commun. Dans le premier cas, les cryptes épithéliaux feront 
défaut chez l'adulte ; dans le second cas, leur présence indiquera toujours 
la trace du bourgeon primitif. 

Jusqu'à ce moment, l’évolution des bourgeons épithéliaux reproduit 
celle de toutes les glandes: pénétration en masse de l’épithélium dans le 
tissu conjonctif (mésodermique). 


SÉANCE DU 26 MARS 9255 


Tandis que les glandes conservent ces relations et continuent à com- 
muniquer avec la surface originelle, les bourgeons épithéliaux des amyg- 
dales et des plaques de Peyer sont séparés, dans le deuxième stade, comme 
_le névraxe, la vésicule auditive, le cristallin, etc., d'avec l’épithélium 
qui leur a donné naissance. 

Enfin, dans un troisième stade, les rapports des éléments épithéliaux 
des bourgeons et du tissu conjonctif deviennent plus étroits encore ; les 
prolongements des cellules conjonctives étoilées dissocient les bourgeons 
épithéliaux, dont les cellules se logent dans les mailles du réseau ainsi 
formé. De cette facon, les éléments propres de ce tissu nouveau, à origine 
embryonnaire double, sont mis en contact et en relations intimes avec les 
vaisseaux sanguins et Iymphatiques amenés par le réseau conjonctif. 


SUR L'HÉMATOZOAIRE DU PALUDISME 
ÿ 


par M. ie D' H. VINCENT, 
Médecin aide-major de 1re classe. 


Chez cinquante-neuf sujets atteints de fièvre palustre, régulière ou irré- 
gulière, contractée en Algérie, au Tonkin ou en France, l’examen histo- 
logique du sang nous a permis de constater toutes les formes caracléris- 
tiques des hématozoaires. 

Les corps sphériques ou amiboïdes ont été rencontrés dans tous les cas. 
Deux fois, nous avons observéle stade flagellé ; trenteetune fois, les corps 
en rosace; quatre fois les formes en croissants. 

Un sujet atteint de cachexie palustre ancienne avec accès fébriles 
irréguliers, présentait dans son sang et pendant la période d’apyrexie 
aussi bien qu’au moment de la fièvre, un chiffre exceptionnel de parasites, 
surtout de corps falciformes : on pouvait observer jusqu'à dix hémato- 
zoaires et davantage dans un même cnamp de la préparation. Le sang d’un 
malade atteint de fièvre double-quarte était aussi tellement riche en 
formes amiboïdes avec ou sans pigment que nous avons pu, à plusieurs 
reprises, en compter cinq ou six dans un seul champ du microscope. 

IL est presque banal d'ajouter que la constance de ces parasites dans 
les diverses manifestations du paludisme n’est pas moins remarquable. 
L’examen microscopique nous a rendu, du reste, des services précieux 
pour le diagnostic rapide de quelques affections douteuses, en parti- 
culier de certains cas de fièvre dite « rémittente algérienne » qui relè- 
vent parfois du germe palustre. Peut-être, cependant, la recherche des 
hématozoaires exige-t-elle un certain apprentissage : ces organismes 
nous avaient échappé dans les deux premiers cas de fièvre intermittente 

. que nous avons étudiés, 


296 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


£ 


Parmi les constatations qu’il nous a été donné de faire, il en est une 
sur laquelle nous voudrions insister plus spécialement : elle a trait à 
l’unité du parasite de la malaria. 

M. Laveran enseigne que les diverses formes sous lesquelles se présen- 
tent les hématozoaires, appartiennent à un seul et même organisme poly- 
morphe. Au contraire Golgi et, après lui, Pietro Canalis, Antolisei, 
Feletti el Grassi, ont émis l'hypothèse que l’hématozoaire n’est pas unique 
et qu'il en existe plusieurs espèces correspondant chacune à une forme 
déterminée de cette affection : 

Parasites de la tierce (rosaces à 16 divisions); 

Parasites de la quarte (rosaces à 8 divisions) ; 

Parasites des fièvres irrégulières (croissants). 

L'observation clinique basée sur la mutation fréquente des types fébriles 
chez un mème individu; l’étude microscopique du sang palustre qui a 
permis à M. Laveran de trouver, d’une manière indifférente, toutes les 
formes des hématozoaires dans les diverses modalités de la malaria ; enfin 
les résultats des inoculations faites à l’homme par Gualdi, Antolisei et 
Angelini, toutes ces constatations se sont trouvées en contradiction fré- 
quente avec l'opinion des auteurs italiens. 

Les faits que nous avons observés ne viennent pas davantage à leur 
“appui. 

1° Nous avons rencontré des corps en croissants dans le sang d’un 
sujet atteint de fièvre intermittente quotidienne récente (troisième accès) 
et, inversement, deux cas de fièvre irrégulière et ancienne ne nous ont 
fourni que des formes amiboïdes et des corps en rosace, mais point d’élé- 
ments falciformes. 

2° Golgi assigne à la fièvre tierce et à la quarte une espèce parasitaire 
spéciale caractérisée par le nombre de ses segments. Cette dualité étiolo- 
gique ne saurait cependant être entièrement acceptée, car le nombre des 
segments composant les corps en rosace n’est pas toujours fixe. 

Nous avons assez fréquemment constaté, en effet, dans un même sang, 
des corps à 7, 8, 9, 10 et 12 sesments (trois cas de fièvre quarte et neuf 
cas de fièvre quotidienne). En se conformant, dès lors, à la base de clas- 
sification formulée par Golgi, on serait obligé d'admettre que chacune de 
ces formes représente une espèce particulière, ce qui est invraisemblable, 
étant donné que ces corps ont, par ailleurs, des caractères et une évolution 
“identiques et qu’on ces rencontre simultanément chez un même malade 

3° Eafin le sang des sujets atteints de fièvre intermittente tierce ne con- 
tient pas toujours des marguerites à 16 segments, ou peut présenter en 
même temps des corps à 8 et à 16 segments. La forme arrondie ou ovale 
de ces derniers semble également être indifférente. 

Nous avons examiné, en effet, avec la plus grande attention, le sang de 
trois malades atteints de fièvre tierce. Or, chez deux d’entre eux, le sang 
ne renfermait, à côté des corps sphériques, que des marguerites à 8 divi- 


SÉANCE DU 26 MARS 257 


sions. Chez le troisième malade, le sang a été examiné pendant deux 
accès conséculifs, au commencement et à la fin de l'accès : ila été trouvé 
simultanément des corps à 8, à 9 et à 16 segments arrondis. Nous y avons 
aussi rencontré un corps à 16 segments ovales. 

Ni la division des hématozoaires en parasites de la fièvre régulière et 
de la fièvre irrégulière, ni l'hypothèse qui attribue à la fièvre tierce et à 
la quarte une espèce pathogène spéciale dont le caractère fondamental 
reposerait sur le nombre de ses segments, ne paraissent done pouvoir être 
acceptées. 


LE NERF ALAIRE CHEZ QUELQUES COLÉOPTÈRES APTÉSIQUES, 


par M. AïFRED BINET. 


Dans une série de communications (1) consacrées à l’étude du système 
nerveux sous-intestinal chez les Insectes, nous avons décrit les racines 
du nerf alaire et le mode de distribution de ces racines dans le gan- 
glion. Notre description était fondée sur l'étude du Melolontha vulgaris 
et de plusieurs espèces de Rhizotrogus. En résumé, chez ces espèces, le 
nerf alaire présente trois racines : {1° une racine ventrale, qui aboutit à 
la colonne ventrale du ganglion; 2° une racine dorsale supérieure, très 
grèle, qui se perd dans les régions supérieures du lobe dorsal; 3° une 
racine dorsale inférieure, qui est beaucoup plus volumineuse que la pré- 
cédente, et qui présente un trajet assez curieux; elle suit d’abord la 
même direction que la racine dorsale, puis, arrivée vers la région 
moyenne du ganglion, elle décrit un demi-cercle à concavité supérieure 
et traverse le ganglion dans le sens antéro-postérieur. 

Nous avons pu nous assurer que chez un grand nombre d’autres 
Coléoptères, les racines du nerf alaire présentent la même disposition. 
Nous avons étudié à ce point de vue la Cétoine dorée, le Copris, le 
Geotrupes, le Dytique, le Cybister, le Cerambyx, etc., etc. Les espèces 
précédentes possèdent toutes la faculté du vol bien développée; il nous a 
paru intéressant d'étudier le nerf alaire chez les Coléoptères qui, tout en 
conservant des ailes, perdent la fonction du vol et méritent par consé- 
quent la qualification d’aptésiques (de a, privatif, et ptésis, vol). De ce 
nombre sont les Coléoptères dont les élytres se soudent, ou simplement 
s’'immobilisent, et dont les ailes membraneuses disparaissent. Comme, 
chez ces Coléoptères, l'élytre perd sa mobilité et conserve sa sensibilité, il 
est permis de supposer que l'examen microscopique du second ganglion 
thoracique doit révéler des modifications correspondantes dans les racines 
du nerf alaire. 


(1) 25 juin, 9 juillet, 14 novembre 1891, 20 février 1892. 


958 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Nous avons fait cette étude sur deux Coléoptères aptésiqnes, le 7imar- 
cha tenebricosa et le Blaps mortisaga. Chez ces deux Insectes, le nerf 
alaire du second ganglion thoracique, qui est en rapport avec les élytres, 
subsiste, mais profondément modifié; il présente : 1° une racine dorsale 
supérieure, très grêle; 2° une racine ventrale très volumineuse. La racine 
dorsale inférieure fait défaut. 

Si l'examen d’autres Coléoptères aptésiques confirme ce résultat impor- 
tant, nous croyons qu'on pourra en conclure que la racine dorsale infé- 
rieure est une racine motrice, et que la racine ventrale est une racine 
sensitive. Par voie de conséquence, il faudra admettre également que la 
colonne ventrale du ganglion est un organe sensitif, et que le lobe dor- 
sal est un lobe moteur. | 

Cette conclusion, il convient de le rappeler, confirme, en les précisant, 
les résultats des anciennes expériences de Faivre, qui avait établi que la 
compression artificielle de la face ventrale d’un ganglion thoracique 
produit l’anesthésie des pattes sans paralysie et que la compression de 
la face dorsale du ganglion produit la paralysie des pattes, sans anes- 
thésie. Nous reviendrons bientôt sur les expériences de Faivre, que nous 
avons reprises dans des conditions un peu différentes. Pour le moment, 
nous nous contentons d'enregistrer un résultat physiologique obtenu par 
l’anatomie comparée. 


(Travail du laboratoire d’embryogénie comparée ; Gollège de France.) 


TRANSMISSION HÉRÉDITAIRE DE CARACTÈRES ACQUIS PAR LE Bacillus anthracis 
SOUS L'INFLUENCE D'UNE TEMPÉRATURE DYSGÉNÉSIQUE, 


par M. C. PuisaLix. 


Comme on le sait, le bacille du charbon cultivé à la température de 
12-43 degrés, ne donne pas de spores et sa virulence diminue de plus en 
plus. Réensemencé dans un milieu nouveau placé à une température 
eugénésique, il recouvre la propriété de donner des spores, mais conserve 
le degré d'atténuation auquel il était arrivé. C'est sur ce fait quest basée 
la méthode de fabrication des vaccins de M. Pasteur. 

En outre, M. Chauveau a montré que l'influence atténuante d'un pre- 
mier chauffage n’est point seulement passagère, et qu'elle peut se trans- 
mettre héréditairement aux spores nées des filaments qui ont subi l’ac- 
tion de la chaleur. Dans le même ordre d'idées, j'ai pensé que les 
modifications dans les caractères végétatifs devaient aussi se {rans- 


RTRES 


PANNE 


SÉANCE DU 26 MARS 259 


mettre héréditairement et qu’en se plaçant dans certaines conditions 
on arriverait à les mettre en évidence et peut-être à les fixer définitive- 
ment. | 

En partant de ce principe, j'ai opéré de la manière suivante : une cul- 
ture charbonneuse est mise à l’étuve à 42 degrés. Au bout de quelques 

- jours, on la réensemence dans deux matras, dont l’un est laissé à 42 degrés 
et l’autre placé à 30 degrés. 
. La culture à 42 degrés sert à deux nouveaux ensemencements el ainsi de 
suite jusqu'à ce que les cultures à 42 degrés restent stériles. La limite à 
la puissance de végétabilité, dans ces conditions, varie suivant l’origine 
de la semence première et suivant l'intervalle laissé entre chaque géné- 
ration. 

Les premières cultures à 30 degrés, ainsi obtenues après chauffage de 
la semence, prolifèrent très bien, et leur évolution ne diffère pas, en appa- 
rence, de celle des cultures non chauffées. Mais au bout d’un certain 
nombre de générations à 42 degrés, les caractères morphologiques des 
cultures-filles développées à une température eugénésique se modifient 
sensiblement. Parmi ces modifications, celle de la disparition de la pro- 
priété sporogène est la plus facile à produire. Je l’ai étudiée spéciale- 
ment sur du charbon très virulent. 

C'est le sang d’un mouton mort du charbon qui a servi de semence 
première aux cultures soumises au chauffage. Depuis cinq mois, j'ai pro- 
pagé ces cultures à la température de 42 degrés pendant 25 générations. 
L'intervalle entre chaque génération a varié entre deux et quinze jours. 
La végétabilité ne s’est pas encore sensiblement affaiblie. Mais, dès la 
8° génération, des modifications importantes dans la virulence et Îles 
caracières morphologiques se sont manifestées dans les cultures-filles 
replacées à la température eugénésique. En effet, ces cultures ont perdu 
la faculté de donner des spores. Quel que soit leur âge, elles ne résistent 
jamais au chauffage en tube capillaire à 65 degrés pendant 15 minutes. 

Cependant, la perte de la propriété sporogène n'est pas d'emblée défi- 
nitive. Elle se fait par degrés. C’est ainsi que, dans les premières généra- 
tions après chauffage, la sporulation est de plus en plus retardée. 

La 8° génération reste bien elle-même définitivement asporogène, mais, 
réensemencée à 30 degrés, elle donne une culture qui devient très riche 
-en spores. À la 12° génération après chauffage à 42 degrés, les cultures 
successives restent asporogènes. Mais, si on les fait passer par l'organisme 
de la souris, elles recouvrent, dans les cultures du sang, la propriété spo- 
rogène. Enfin, à la 14° génération, le passage par la souris a été inef- 
-ficace, et les cultures semblent être devenues définitivement asporogènes. 

En même temps qu'elles ont perdu la propriété sporogène, les cultures 
ainsi obtenues après chauffage, ont perdu la plus grande partie de leur 
virulence, car elles restent sans action sur le cobaye. Leur virulence pour 
la souris persiste pendant un certain temps avec le même degré appa- 


260 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


rent. Ce n'est que vers la 20° généralion que cette virulence disparaît 
complètement. 

Quoi qu'il en soit, il résulte des faits exposés dans cetle Note, que la 
chaleur peut être utilisée comme un nouveau moyen de production de 
charbon asporogène. Depuis que MM. Chamberland et Roux ont résolu 
cette question en faisant agir des solutions antiseptiques, le fait en lui- 
même n'a pas une grande importance. Mais si le mécanisme de la for- 
mation des spores est encore bien obscur, celui de leur mode de dispari- 
tion ne l’est pas moins. Quand on aura déterminé toutes les conditions dans 
lesquelles la propriété sporogène peut être abolie, quand on aura tranché 
la question de savoir si cette propriété sporogène ne pourrait pas être 
constamment régénérée après avoir été abolie, possibilité que les faits 
précédents autorisent à entrevoir, alors seulement, on connaîtra la valeur 
qu'il faut accorder à la sporulation comme caractère spécifique. C’est 
pourquoi j'ai tenu à faire connaître ce nouveau procédé pour fabriquer 
la bactéridie asporogène. 

En dehors de cette question spéciale, il ressort clairement des résullats 
de ce travail que des modifications légères imprimées à ce microbe peuvent 
devenir permanentes au bout d'un certain nombre de générations et 
qu'il se produit, dans ces conditions, une véritable accumulation des 
influences hérédilaires. 


NOUVEAU TRAITEMENT ANTISEPTIQUE DE LA DIPHTÉRIE PAR L'ANTIPYRINE, 
par le D° A. Vranxa. (Voir Mémoires du présent volume, p. 109.) 


NOTE SUR L’INVERSION DE LA FORMULE DES PHOSPHATES ÉLIMINÉS PAR L'URINE 
DANS L'APATHIE ÉPILEPTIQUE ET DANS LE PETIT MAL, 


par M. Cu. FÉRÉ et L. HERBERT. 


MM. Gilles de la Tourette et Cathelineau ont appelé plusieurs fois l’at- 
tention de la Société sur la constitution des urines chez les hystériques 
dans les périodes paroxystiques et dans leurs intervalles. 

Tandis que la composition de l'urine serait normale dans l'intervalle 
des attaques, elle présenterait dans les périodes paroxystiques une modi- 
fication importante consistant en ce que le résidu fixe de l'urine est 
diminué, en même temps que la quantité de l’urée et des phosphates ; et 
en outre le rapport des phosphates terreux aux alcalins, qui est ordinai- 
rement 1/3, devient 1/2, et même 1/1, c’est ce qu’ils appellent l'inversion 


x 


SÉANCE DU 26 MARS 261 


de la formule des phosphates, qu'ils considèrent spécialement comme 
pathognomonique de l'attaque d’hystérie et des manifestations de l’hyp- 
notisme. 

La constance de ce caractère des urines dans l’hypnotisme a été con- 
testée déjà par MM. A. Voisin et Harant au Congrès de médecine mentale 
de Rouen, en 1890 (1). 

Quelques expériences faites à Bicètre sur des hystériques nous avaient 
montré que l’inversion de la formule des phosphates n'existe pas cons- 
tamment à la suite des paroxysmes hystériques. 

Un élève de M. Teissier, de Lyon (2), vient de montrer que non seule- 
ment cetle inversion peut manquer dans les périodes paroxystiques, mais 
qu’on peut la trouver indépendamment des paroxysmes. Il l'a retrouvée 
en outre dars l’ataxie locomotrice, dans le diabète phosphatique, et enfin 
dans les périodes paroxystiques chez les épileptiques; il a relevé d’ailleurs 
deux cas d'inversion dans cette dernière condition, parmi les analyses de 
M. Mairet et de M. Lépine. 

Les analyses qui ont été faites dans le service à la suite de grandes 
attaques convulsives d’épilepsie, ne nous autorisent pas à dire que l’in- 
version des phosphates soit fréquente dans les périodes convuisives : elle 
n a jamais été trouvée, bien qu'elle ait été cherchée à différentes époques. 
Dans une nouvelle série d'analyses, nous l’avons trouvée bien marquée 
dans deux cas de manifestations non convulsives de l’épilepsie, 


1° E..., âgé de quarante-six ans, est épileptique depuis 1876, il est à 
Bicètre depuis 1881, il a des accès et des vertiges diurnes ou nocturnes. Les 
accès sont caractérisés par des convulsions générales, avec miction, la perte 
de connaissance est complète ; ils sont suivis de stupeur. Ce malade a été 
traité par le bromure de polassium avec un succès qui ne manque pas d’in- 
térêt au point de vue du diagnostic. La marche de la bromuration mérite 
d'être mise en rapport avec celle des paroxysmes. 


POMRALS MOST MES UN 2 Khrizcrammes. 
27 septembre : 
5 janvier 1888 

18 décembre. 

29 juillet 1889 . 

29 janvier 1890 . 

4 mars. 

26 août. - 
2ONMOVEMDTE 
AM ANABITEAMERSS 
18 juin (suppression). 


D I © 


æ 1) © & © 
| 


(1) Auguste Voisin et Harant. Sur la nutrition dans l'hypnotisme, C. R. Soc. 
de Biologie, 1891, p. 767. 

(2) Voulgre. De l'élimination des phosphates dans les maladies du système 
nerveux et de l'inversion de leur formule dans l'hystérie, Thèse Lyon, 1892. 


TA AE à PE EN LIT 


262 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Tableau des accès. 
1886 | 1887 | 1888 | 1889 | 1890 | 18914 


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Décembre RMS AMAR » »| » » » » » ») » » 

Totaux. 


Quelques jours après la suppression, E... eut de nouveau un accès. Le bro- 
mure fut de nouveau prescrit à la dose de # grammes par jour. l'epuis 
lors, il est sujet à des attaques de stupeur, sans troubles gastriques, sans 
fièvre, durant de deux à huit jours, répondant à ce que l’un de nous a décrit 
sous le nom d’apathie épileptique (1) et pendant lesquelles il reste au lit en se 
laissant alimenter. Il ne fait aucun mouvement mais marmotte constamment 
pendant le jour des mots inintelligibles. C'est dans une de ces attaques que 
les urines ont été examinées et ont fourni les résultats suivants : 


Volume Acide Agiile à Acide 
Dates. de Urée. phosphorique PHSSRESE AUS PROSPER 
l'urine. total. aux alcalis. aux terres. 
23 févr., de 6h. 
du m. à 6 h. dus. 150 4,06 0,297 0,179 0,118 
24févr., de6h. 
du m.à6h.dus. 530 12,83 0,976 0,412 0,564 
24-25, de 6 h. 
du s. à 6 h. du m. 600 4,91 0,5275 0,343 0,184 
25févr., de 6h. 
dm a Ghedus 08500 7,90 0,460 0,183 0,271 
25-26, de 6 h. 
du s. à 6h. du m. 420 6,24 0,327 0,157 0,170 
26 févr.,de6 h. 
du m. à 6 h. dus. 520 He 0,245 0,069 0,176 


(1) Ch. Féré. Note sur l’apathie épileptique, Revue de médecine, 1891, p. 210. . 


EH 


+ *E ad 


SÉANCE DU 26 MARS 263 


Les analyses refaites près d’un mois après le retour à l’état normal ont 
donné les résultats suivants : 


23 mars, {1 h. 
du matin à {11 h. 


OS ONE RE 975 0,958 0,737 0,221 
21-24, de 11 h. 
dus.àl1h.dum. 1.180 0,664 0,368 0,296 


20 Q..., âgé de vingt ans, sans autre sfigmate qu’une asymétrie faciale à 
droite, est devenu épileptique à treize ans, à la suite d’une scarlatine ; il n’a eu 
que deux ou trois attaques convulsives, mais a de fréquents vertiges et des 
éblouissements qui se reproduisent quelquefois cent fois et plus dans une 
journée. Il à été traité sans succès dans plusieurs hôpitaux ; son intelligence 
est très affaiblie. Ses urines ont été examinées pendant deux périodes de ver- 
tiges et d'éblouissements, l'analyse a donné les résultats suivants : 


ÿ s Acide Acide 
Dates. De Lireer de PHÉRRSNE pas sRerqRe 
l'urine. - total. aux alcalis. aux terres. 
24févr., de 6h. 
du m. à 6h. dus. 450 9,42 0,97 0,608 0,362 
25 févr., de 6 h. 
du m.à6h. dus. 230 6,3 0,332 0,126 0,2059 
4 mars, de 7h. 
du m. à 7 b. dus. 600 1,38 1,021 0,369 
4-5, de 7 h. du 
Sd ihe AU. 650 0,553 0,138 0,415 
5 mars, de 7h. 
du m. à 7h. dus. 620 0,58 0,128 0,452 
5-6, de 7 h. du 
s. à 1 h. du m. 1.680 118110) 0,558 0,632 
6 mars, de 7 h. 
dum.à7h.dus. 1.000 104 0,543 0,467 
6-7, de 7 h. du 
A NE ACIUES 02 530 1,007 0,67 0,337 


Il est intéressant de remarquer que dans les deux cas, bien que l’état 
d’apathie ou le nombre des vertiges n'aient subi aucune variation appré- 
ciable, la proportion de phosphates alcalins et terreux a considérable- 
ment varié. L’inversion de la formule des phosphates, qui tend à se 
manifester sous l'influence du travail intellectuel est peut-être en rap- 
port, dans ces cas, avec des phénomènes psychiques qui nous échap- 
pent. 

Ces faits montrent que si linversion des phosphates constitue un 


264 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE 


symptôme intéressant, elle n'est pas propre à certaines manifestations 
hystériques et elle n’est pas exclusive de l’épilepsie dans toutes les 
formes de laquelle on peut la rencontrer. | 


SCLÉROSE DU TESTICULE 
PROVOQUÉE PAR LA VAGINALITE CHRONIQUE SIMPLE ADHÉSIVE, 


par M. le D: F. REGNAULT. 


On connaît la fréquence des adhérences de la vaginale testiculaire. 
Dupluy (1), qui observait à Bicètre, les avait trouvées dans un tiers des 
cas. Sur quatre-vingt-sept cas que j'ai examinés à l’amphithéâtre (et ici la 
grande majorité étaient des adultes et non des vieillards comme dans la 
précédente statistique), j'ai trouvé trente cas d’adhérence, ce qui donne à 
peu près la même proportion. 

Ces adhérences de la vaginale amènent-elles la sclérose de l'organe 
qu'elle entoure, comme il arrive dans toute inflammalion des séreuses, 
vis-à-vis de l'organe qu'elles couvrent. 

On a relaté plusieurs causes à l’orchite scléreuse, la syphilis en première 
ligne, puis les maladies infectieuses générales (oreillons, variole), les trau- 
matismes, la propagation d’uue inflammation chronique de l’urèthre (blen- 
norrhagie chronique, rétrécissements) et le varicocèle. 

Enfin, au début de la vieillesse, on a décrit une orchite atrophiante 
spontanée. 

Mais on a peu insisté sur une sclérose du testicule consécutive aux alté- 
rations de la vaginale. 

Néanmoins, mon collègue et ami Pilliet (2) a fait faire un grand pas à 
la question en décrivant un cas d’inflammation chronique du testicule 
consécutive à une hématocèle. Or, on sait que l’hématocèle est une vagi- 
nalite proliférante hémorragique. En est-il de même dans la vaginalite 
chronique adhésive ? 

Les opinions sont partagées. 

Gosselin, dans une note à sa traduction de Curling (3), aurait constaté 
l'apparence de cordons fibreux, remplaçant des tubes séminifères à côlé 
d’autres encore apparents sur un testicule anémique dont la tunique 
vaginale était oblitérée. 


(1) Archives générales de médecine, 1855. 

(2) Comptes rendus de la Société de Biologie 1887, 3° série, t. IV, p. 324. 

(3) Curliug, Traité des maladies du testicule, traduction francaise, Paris, 
1857, p. 422 (Note du traducteur). 


A 


TU | AK 


SÉANCE DU 26 MARS _ 265 


Paul Reclus (1) ne pense pas que les adhérences vaginales, même com- 
plètes, aient quelque influence sur la sécrétion testiculaire. 

Monod, au contraire, croit à la généralité de la loi de propagation de 
l’inflammation (de la séreuse au tissu qu'elle recouvre: ainsi la sclérose 
pulmonaire dans la pleurésie chronique. 

J'ai écarté systématiquement de mes recherches les cas d’adhérences 
vaginales chez les vieillards et chez les gens porteurs de cicatrices ou de 
lésions d'apparence syphilitique. On aurait pu à juste titre, en ces cas, 
attribuer les lésions du testicule, non à la vaginalite, mais à la sénilité ou 
à la syphilis. 

Je n’ai trouvé d’altérations du testicule que rarement. 

Quand les adhérences sont légères ou ne consistent qu’en quelques 
brides, le testicule est normal. 

Quand les adhérences sont étendues, le testicule présente quelquefois 
(une fois environ sur quatre) de la sclérose superficielle partielle, limitée 
aux surfaces adhérentes. 

Les trois observations ci-dessous m'ont paru convaincantes. 

Les lésions testiculaires relatées aux observations I et II sont les plus 
fréquentes. 

A la coupe d’un testicule offrant des adhérences vaginales, on trouve 
un organe sain sur les surfaces de coupe où la vaginale est restée libre : 
la substance séminifère se laisse déprimer par le doigt, et on tire facile- 
ment sur une assez grande longueur et sans les rompre les tubes sémini- 
fères. L'examen à la loupe sous l’eau, ou même simplement l'examen à 
une lumière oblique pour un œil myope, mais possédant une bonne acuité 
visuelle, montre que les tubes séminifères sont égaux entre eux comme 
calibre, sans interposition anormale d’un tissu conjonctif abondant. 

Mais, continuant les coupes du testicule, quand on arrive à la portion 
où existent les adhérences vaginales, on observe quelquefois un change- 
ment dans l'aspect de la surface de coupe. Le tissu résiste davantage au 
doigt. Sion veut étirer un tube séminifère, il se casse au bout de 4 à 2 centi- 
mètres. L’examen oblique et à la loupe révèle un aspect nacré de la 
substance, soit sur toute la surface de la coupe, soit principalement sur la 
partie périphérique la plus voisine de la vaginale altérée. 

Si on procède à l’examen microscopique de cette partie du testicule, on 
observe des lésions de sclérose au début. 

Les tubes séminifères n’ont pas disparu étouffés par le stroma conjonc- 
tif : ils paraissent encore volumineux, égaux entre eux. 

Mais ils sont plongés dans un stroma conjonctif abondant et serré, bien 
plus considérable que sur un testicule sain. Sur une coupe à l'extrémité 
postéro-inférieure du testicule où cet organe était entouré par une adhé- 
rence vaginale très prononcée, l'aspect était celui d’un tamis dont la 


(1) Bulletin de la Société de Chirurgie, 1888, p. 597s 


266 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


substance aurait été constituée par le stroma conjonctif, et dans les trous 
de laquelle passaient les tubes sérinifères. Les artérioles offrent de l’en- 
dopériartérite. 

Cette lésion peut par son évolution aboutir à l’étouffement des ire 
séminifères. Mais cette évolution doit être bien lente, car je n’ai observé 
qu’un cas (Obs. III) où elle y soit arrivée. La lésion est alors identique à 
la sclérose atrophiante sénile. Par places, on observe des surfaces blanches 
nacrées, surtout proche de la vaginale. Au microscope, ces surfaces sont 
constituées d’un stroma conjonctif avec quelques rares tubes séminifères, 
réduits au quart et au cinquième de leur volume, altérés et en dégéné- 
rescence granulo-graisseuse. L'évolution de la sclérose en cas d’adhé- 
rences vaginales doit, je le répète, être très lente, puisque le premier 
degré se rencontre assez fréquemment, alors que je n’ai vu l’atrophie 
que dans un cas. 

: La sclérose du testicule ne s’observe donc que dans la vaginalite chro- 
nique avec adhérences étendues, et encore n'est-elle pas constante. Cette 
sclérose n’aboutit qu’exceptionnellement à l'étouffement des canalicules 
séminifères, elle est partielle, périphérique, limitée aux surfaces d’adhé- 
rences. 

On admettra donc que cette sclérose ne puisse amener la Senior 
de la spermatogénèse. Mais ne peut-elle la modifier? Reclus avait trouvé 
du sperme avec animalcules chez des individus porteurs d’adhérences 
complètes de la vaginale, et les rares chez qui il n’en avait pas trouvé 
étant très âgés, leur sénilité était la cause de l’aspermatogénèse. 
>: Mais il ne suffit pas, pour savoir si un individu est fécond, de rechercher 
si son sperme offre des animalcules, même abondants. Même alors le 
sperme peut être privé de propriétés fécondantes, les animalcules n’of- 
frant pas de mouvements et n'ayant qu’une faible vitalité. Pareille recher- 
che est incommode sur l’homme où il est délicat de se procurer du 
sperme immédiatement après l'émission. Mais c'est une opinion reçue en 
médecine vétérinaire, et il n’y a pas de raison pour ne pas la généraliser 
à l’homme. Friedberger et Frühner (1) disent en effet : Il est des cas où le 
liquide séminal renferme des spermatozoïdes, mais ceux-ci sont morts ou 
immobiles, phénomènes dus très probablement à des états inflammatoires 
chroniques ou dégénératifs des canalicules séminifères. 

J'ai relaté (2) l'observation d'un étudiant en médecine qui eut une 
épididymite gauche blennorrhagique et à droite une simple vaginalite 
avec adhérences. Or l'examen qu'il fit de son sperme lui montra des 
animalcules nombreux mais toujours immobiles; marié il n’a pas d’en- 
fants. 


(1) Traité de pathologie et thérapeutique spéciales des animaux domestiques, par 
Friedberger et Frühner, traduit par Cadiot et Ries, t. I, p. 386. 

(2) Voir vaginalite chronique blennorrhagique, Annales des maladies des 
organes génito-urinaires, février 1891. 


SÉANCE DU 26 MARS 267 


Bien des auteurs admettent qu'un individu qui n’a eu d'orchite que 
d’un seul côté a néanmoins perdu tout pouvoir fécondant. Liégeois et 
Terrillon 3°, entre autres, pensent queles animalcules sont non seulement 

_moins nombreux, mais encore moins actifs, quand un testicule ne fonc- 
tionne plus. 

Ne serait-ce parce que le testicule réputé sain aurait été atteint de 
vaginalile blennorhagique ayant déterminé des adhérences et de li sclé- 
rose légère. 

Car, en effet, il paraît impossible d'admettre que la privation des fonc- 
tions d’un testicule puisse retentir sur l'autre. On connaît l'exemple de gens 
ayant perdu un testicule et dont l’autre suffisait parfaitement à la fécon- 
dation. 


Ogs. I. — Homme âgé de trente-trois ans, mort de cancer de l'estomac. 

Le testicule gauche offre des adhérences à sa face externe, dans son tiers 
postérieur. 

Le droit, dans son tiers postéro-interne, adhère en surface et par de larges 
brides. 

Rien d’apparent à la vue ni au toucher à l'épididyme. 

Sur une coupe au tiers inférieur, la substance testiculaire gauche résiste à 
la pression du doigt; les canalicules séminifères se déroulent difficilement et 
se brisent Fm éd eee 

A l’examen à la vue oblique de la coupe faite au tiers inférieur, le testicule 
offre une apparence nacrée plus nette et démonstrative à l'examen sous l'eau 
et à la loupe. 

Sur des coupes faites à la partie supérieure et moyenne, le testicule paraîtsain. 

Le testicule droit offre le même aspect, bien que moins accentué. 

Des coupes de la partie inféro-postérieure du testicule gauche colorées au 
picrocarmin, montrent qu'il n’y a pas disparition des canalicules séminifères 
qui sont tous égaux en volume, les uns par rapport aux autres. Mais le tissu 
conjonctif qui entoure ces canalicules est hypertrophié et épaissi. Cet aspect 
est surtout net à l'extrémité postéro-inférieure du testicule. On dirait un vrai 
treillis à mailles égales, par où passent les canalicules séminifères. 

Il y a endopériartérite des petites artérioles. 

Le testicule n’est sclérosé que dans son tiers postérieur. Ailleurs, les coupes 
sont normales. 

Le testicule droit n'offre qu’une légère sclérose Pa -canaliculaire analogue, 
mais moins accentuée que la précédente. 2 


Oss. II. — Adulte dé cinquante ans. 

Testicule gauche : adhérences complètes; antérieurement, on sépare diffici- 
lement les deux séreuses; postérieurement, on ne peut le faire. 

La coupe de ce testicule est dure à la pression du doigt, il ne se laisse pas 
déchiqueter au doigt comme un testicule normal. A l’examen oblique et à la 
loupe, on observe un aspect nacré. 

Testicule droit : petit kyste de la tête de l'épididyme. Quelques rares adhé- 
rences postérieurement. 


268 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 
D Re nn NRC Re ar OR Re RE PR ge 
Examen histologique : testicule gauche, lésions identiques à celles décrites 


plus haut, mais étendues à tout le testicule. 
Le testicule droit n'offre pas de lésions. 


Ors. IT. — Homme âgé de trente-cinq ans. Pas de cicatrices ni lésions spé- 
cifiques sur le corps. 

Testicule droit : liquide séreux dans la vaginale; adhérences inféro-posté- 
rieurés; le cul-de-sac n’existe plus. 

Testicule gauche : petit, mou, offre des adhérences à la partie postérieure 
le cul-de-sac a disparu dans la moitié de sa longueur. 

A la coupe des deux testicules existent des surfaces blanchâtres d’où il est 
difficile de désencastrer les tubes séminifères alors que sur un testicule normal 
ils se laissent facilement dérouler. 

Le testicule gauche près de la vaginale offre un vaisseau gros comme une 
lentille, à parois épaisses, sclérosées, faisant saillie hors du stratum testi- 
culaire. 

Les lésions microscopiques offrent l'aspect des lésions du testicule syphi- 
litique. - 

Les deux testicules sont semés de surfaces blanches nacrées, surtout 
proches de la vaginale, composées de tissu conjonctif, qui contiennent des 
vaisseaux enflammés ét de rares tubes séminifères amincis au quart ou au 
cinquième de leur volume, étouffés dans la substance conjonctive ; ils ont subi 
la dégénérescence granulo-graisseuse. Les parties profondes de la glande 
offrent des tubes séminifères nombreux de calibre normal, avec leurs cellules 
typiques. Ils sont intacts, mais le tissu conjonctif qui leur sert de stroma est 
enflammé. 


La Société, réunieen Assemblée générale, a procédé à l'élection du 
Président quinquennal, en remplacement de M. le professeur Brown- 
Séquard, dont les fonctions expiraient à la date du 26 mars 1892. 

52 membres prennent part au scrutin. 


M. le professeur CHAUVEAU obtient. . . . . . 38 suffrages. 
M. le professeur MATHrAS DuvaL. . . . . . . 11 — 
MA BORDER ce del RCD El — 
Metle priotesseuLiPOUCERDES 
Bulletin blanc mes tt Care — 


En conséquence, M. le professeur Cnauveau est élu Président quin- 
quennal de la Société de Biologie. 


Le Gérant : G. MASsson. 


Paris. — Typographie Gaston Née 1, rue Cassette. — 5732. 


269. 


SÉANCE DU 2 AVRIL 1892 


Installation de M. le professeur Caauveau, Président quinquennal de la Société de 
Biologie; Allocution de M, P. RecnaRp, vice-président. — Discours de M. le profes- 
seur CHAuvEAU. — MM. Arezais et d'Asrros (de Marseille) : Note sur la circulation 
artérielle du pédoncule cérébral. — M. le D' Perrint (de Galatz) : Note sur la pré- 
sence de corpuscules de Pacini et de ganglions nerveux dans le pancréas du chat. 
— M. L.-F. Hennecuy : Sur la constitution de l’endoderme des mammifères. — 
MM. les D's ATHANAsESsCU et Gricoreseu : Recherches expérimentales sur l’action 
physiologique du buthyle-chloral.— M. E. BATaILLON : Quelques mots sur la phago- 
cytose musculaire, à propos de la réponse de M. Metchnikoff à ma critique. — 


M. le Dr À. Pitt : Recherches sur l’état de la rate chez le vieillard. — M. A. 
CHaRRIN : Lésion cardiaque et tuberculose. — M. P. Recnarp : Du choc nerveux 
consécutif aux grandes catastrophes et particulièrement aux explosions. — M. le 


Dr Arnaup : Sur l'hématozoaire du paludisme. — M: le Dr Brivors : De l'électrolyse 
médicamenteuse cutanée (Memoire). 


Présidence de M. Regnard, vice-président, 
et de M. Chauveau, président quinquennal. 


CORRESPONDANCE IMPRIMÉE. 


M. le professeur Livow, de (Marseille), fait hommage à la Société d’un 
exemplaire des 7ravaux de physiologie expérimentale de son laboratoire, 
par MM. ALEzAïs, ARNAUD et Livon. 


INSTALLATION DE M. LE PROFESSEUR CHAUVEAU, PRÉSIDENT QUINQUENNAL 
DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE; 


ALLOCUTION DE M. P. REGNARD, 


MESSIEURS, 


Le vote que vous avez émis dans votre dernière séance et, d'autre part, 
la rigueur de votre règlement qui ne vous permet pas de conserver votre 
Président plus de cinq ans, ces deux circonstances, dis-je, ont mis fin aux 
pouvoirs de M. Brown-Séquard. 

Je crois être l'interprète de tous en envoyant à notre ancien Président 
l'expression de notre reconnaissance pour les soins qu'il a donnés à notre 
Société. D'ailleurs, nos nouveaux statuts ont cela de bon que, si nous 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9° SÉR'E, T, 1V. 13 


970. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


sommes obligés de nous séparer de notre Président, nous ne le perdons 
pas. Dans quelques semaines, M. Brown-Séquard nous reviendra et, s’il 
n’occupe plus ce fauteuil, s’il rentre dans le rang, il n’en sera que 
davantage, sur ces bancs, au milieu de nous. 

À une grande majorité, vos suffrages se sont portés sur M. le profes-: 
seur Chauveau. 

Déjà, d’ailleurs, il y a cinq ans, un grand nombre d’entre vous l'avaient 
désigné pour la place enviée qu’il occupe aujourd'hui; et, prophétisant 
en quelque sorte, votre vice-Président d'alors, M, Dastre, annonçait 
l'élection qui vient d’avoir lieu. 

M. Chauveau est membre de l'Institut, de l’Académie de médecine, de 
la Société royale de Londres, de la Société nationale d’agriculture. Il est 
inspecteur général de nos écoles vétérinaires et professeur au Muséum, 
Eh bien, j'imagine que, parmi tant de titres, il ne mettra pas en dernier 
celui que vous venez de lui conférer. Le rôle du Président de la Société 
de Biologie a chez nous la plus grande importance. C'est qu'il n’a pas 
seulement à ouvrir les séances et à fixer les ordres du jour; notre Prési- 
dent est le véritable directeur des études physiologiques en France. C’est 
son influence personnelle, celle de ses travaux ordinaires qui se réper- 
cutent sur les tendances de chacun de nous, ce sont ses avis qui dirigent 
les débutants, ses observations qui les encouragent ou les ramènent dans 
la voie de la vraie science et de la saine expérimentation. Cela est si vrai 
que, si vous voulez jeter un coup d’œil sur ce que j'appellerai le règne de 
chacun de vos Présidents, vous verrez combien chacun a mis son em- 
preirte personnelle sur ce qui a été fait dans cette assemblée. 

Aujourd’hui le physiologiste doit être un anatomiste qui connaisse non 
seulement l’homme, mais tous les êtres, même les plus inférieurs ; il doit 
être chimiste et physicien s’il veut que ses recherches pénètrent dans 
l'intimité même des choses : il doit être habile ingénieur et mécanicien 
adroit, car le temps est loin où le scalpel et la loupe suffisaient à l’expé- 
rimentateur. Il lui faut être encore micrographe, un peu botaniste et 
beaucoup médecin. 

M. Chauveau est tout cela et c'est ce qui me fait bien augurer des 
cinq années que nous allons passer sous sa direction. 

Messieurs, au nom de tous, je souhaite la bienvenue à notre nouveau 
Président et je l'invite à prendre place au fauteuil. 


SÉANCE DU 2 AVRIL TA 


Discours DE M. LE PROFESSEUR CHAUVEAU. 


MESSIEURS ET CHERS CONFRÈRES, 


Je vous suis profondément reconnaissant de l'honneur que vous m'avez 
fait en m’appelant à la présidence quinquennale de la Société. Cet honneur, 
vous savez que je ne l'ai ni brigué, ni recherché, ni même indirectement 
sollicité par la manifestation du moindre désir. Vos suffrages, tout spon- 
tanés, ne m'en sont que plus précieux et plus agréables. 

Vous l’avouerai-je pourtant, je les aurais vus avec plaisir se porter sur 
un autre. La dignité que vous me conférez ne va pas sans de lourdes 
charges et de graves devoirs : en creusant un peu le fond de mon cœur, 
jy découvrirais peut-être le secret désir d'échapper à ces devoirs et de 
me soustraire à ces charges. 

Mais je puis placer mes velléités de désintéressement égoïste sous l’in- 
vocation d’un motif plus avouable. Ne croyez-vous pas qu'il serait bon de 
ne pas rechercher exclusivement vos présidents parmi les membres de la 
Société qui se sont voués à la physiologie expérimentale? En posant cette 
question, je vous fais entendre clairement que je suis avec ceux d’entre 
vous qui pensent que les autres branches de la biologie ont bien le droit 
d’aspirer aussi à l'honneur de la présidence. Ils ont donné leurs voix à 
l’un des plus éminents représentants de l'anatomie et de l’histologie. Mon 
vote, si J'avais pu en faire usage, se serait volontiers rencontré avec le 
leur. 

Toutes les sciences biologiques sont, en effet, placées iei sur le même 
pied, parce qu’elles rendent toutes les mêmes services. Elles se tiennent, 
s’enchaînent, s’entr’aident, pour concourir au même but : la connais- 
sance scientifique de la vie, dans toutes ses manifestations normales ou 
pathologiques, chez tous les êtres animés des deux règnes. 

Sans doute, la recherche des lois des phénomènes de la vie, domaine 
des physiologistes, est comme le point culminant de l'édifice des sciences 
biologiques. Mais comment le physiologiste arriverait-il à la possession 
du mécanisme de ces phénomènes, si on ne lui avait appris à en connaître 
le substratum, c’est-à-dire les appareils et les tissus organiques, tant dans 
leur composition et leurs propriétés que dans leur structure? Et croyez- 
vous que le physiologiste se passerait davantage des lumières que la 
pathologie répand sur les lésions et les troubles fonctionnels excités par 
la maladie? La physiologie n’existerait donc pas sans le concours du 
naturaliste, de l’anatomiste, de l’histologiste, du pathologiste, du chi- 
miste, etc. Non, il n’y a pas à établir de subordination entre les diverses 
branches de la biologie : elles sont étroitement unies en un seul et même 
faisceau. 


Fière de la place qui Jui est faite au milieu de ses sœurs, la physiologie 


979 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


expérimentale ne réclame pas un traitement de faveur. Trop heureuse si 
elle trouvait partout le même accueil que dans celte enceinte ! Mais tout 
le monde n’est pas encore disposé à la regarder avec vos yeux bienveillants 
et surtout à la prendre pour ce qu’elle est en réalité, c’esl-à-dire une 
région imporlante du domaine de l'histoire naturelle. 

Dans ce domaine, l'étude du monde organisé suscite à bon droit un 
immense intérêt. Mais cet intérêt ne réside pas tout entier dans l’étique- 
tage, la classification, la dissecticn des êtres innombrables qui composent 
ce monde. La vie qui les anime compte bien aussi pour quelque chose! 
Il y a des peintres de nature morte; mais la nature vivante n’est pas, 
qu’on sache, négligée par les artistes. De même les manifestations intimes 
de cette nature vivante s’imposent-elles aux investigations des natura- 
listes. Ils trouvent dans la vie, étudiée pour elle-même, l’un des sujets les 
plus intéressants et les plus féconds qu'ils aient à exploiter dans leur 
champ de recherches. Et c'est le monde animé tout entier, de l'homme 
au moindre des protozoaires, de la plante dicotylédone la plus élevée en 
organisation à la moins compliquée des algues pathogènes, qui demande 
à être ainsi étudié au point de vue de la physiologie. Tous les êtres sont 
également tributaires de cette science autonome, synthèse nécessaire des 
connaissances qui constituent le rameau biologique de l'histoire naturelle, 

Ici messieurs, l'entente entre les diverses branches de la biologie est 
admirablement comprise. C’est ce qui fait le principal attrait des séances 
de la Société. Cet attrait m'attirait invinciblement dans les combles où 
elle était installée à ses débuts. C'était aux premiers temps de ma jeunesse. 
Combien j'étais heureux alors quand la Société n'était pas en vacances au 
moment de mes voyages à Paris! Ce fut de même dans mon âge mûr. Et 
maintenant que j'aurai bientôt à regarder en arrière pour apercevoir les 
dernières et fugitives traces de mon passage à travers cette période de la 
vie humaine, j'éprouve toujours le même plaisir à me trouver au milieu 
de vous. 

Que ne dois-je pas à cette fréquentalion, à ce contact avec les jeunes, 
que le mode de constitution de la Société permet d'y faire entrer inces- 
samment! Tout au moins y ai-je gagné, de n'être point devenu un lau- 
dator temporis acti : travers facile à ceux qui se laissent vieillir en s'éloi- 
gnant du mouvement de la jeunesse. Ce mouvement est d'une activité 
entraînante dans votre Société, et les vétérans qui en fond partie 
peuvent se créer facilement l'illusion de contribuer à cette activité. Au 
lieu de s'immobiliser dans la contemplation du passé, ils continuent, grâce 
à vous, à ouvrir leur esprit sur les idées du temps présent, même sur les 
conquêtes scientifiques quise préparent dans l'avenir. Elles se feront, ces 
conquêtes, à côté d’eux, sans eux; au moins goûteront-ils la satisfaction 
d'avoir conservé l'aptitude à en comprendre l'intérêt et à en apprécier le 
mérite. 

Pour moi, mes chers confrères, je ne sais pas — naturellement — ce 


SÉANCE DU ® AVRIL 9213 


que l'avenir me réserve. J'ignore quel parti je tirerai des études expéri- 
mentales que j'ai encore en chantier et auxquelles je reste passionnément 
attaché. Mais ce qui est sûr, c’est que, si mes forces trahissent mon 
ardeur, je me dédommagerai amplement en admirant les découvertes 
qui seront produites ici par les jeunes. J’y applaudirai comme membre 
de la Société de Biologie et comme Français. Vos succès me seront donc 
doublement chers : je m’en réjouirai et pour l'accroissement que ces succès 
vaudront au bon renom de la Société, et pour le lustre qui en rejaillira 
sur la patrie. 

Vous voyez que, quoi qu’il advienne de votre nouveau Président, votre 
bienveillance lui aura préparé de beaux jours. 


NOTE SUR LA CIRCULATION ARTÉRIELLE DU PÉDONCULÉ CÉRÉBRAL, 


par MM. Azezais et d’AsTRos (de Marseille). 


La circulation artérielle du pédoncule cérébral a été peu étudiée par 
les classiques. M. Duret en décrit les principales sources dans ses recher- 
ches générales sur la circulation de l’encéphale. En nous basant sur 
l'étude spéciale que nous avons faile d’une série de vingt pédoncules, 
nous sommes à même de présenter la description suivante de ces artères. 

Elles viennent en majeure partie du tronc même de la cérébrale posté- 
rieure, soit de la portion ascendante avant l’abouchement de la commu- 
nicante postérieure, soit de la portion réfléchie, circumpédonculaire. 

Ua certain nombre proviennent encore d’une branche importante de 
celte artère qui, née de sa portion ascendante, se rend aux tubercules 
quadrijumeaux en contournant le pédoncule, et que nous éludierons 
dans un travail ultérieur sous le nom d'artère pédonculo-jumelle (artère 
moyenne des tubercules quadrijumeaux de Duret). 

Quelques autres naissent, en bas de la cérébelleuse supérieure, en 
haut de la communicante postérieure et même de la sylvienne, 

Topographiquement, on peut diviser ces artères en cinq groupes : 


1° Artères pédonculaires internes. — Elles naïssent surtout de la partie 
ascendante de la cérébrale postérieure; quelques-unes plus rares vien- 
nent de la cérébelleuse supérieure à son origine et de la pédonculo- 
jumelle. Enfin, tout à fait à la partie supérieure du pédoncule, quelques 
filets peuvent naître de la communicante postérieure ou de la sylvienne. 
Ces artérioles s’enfoncent dans la partie interne du pédoncule, et ne 
dépassent pas la substance noire, semblant destinées à l’étage inférieur, 
On peut rattacher à ce groupe les artères optiques internes antérieure 


9274 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


et postérieure, qui naissent tantôt de la cérébrale postérieure, tantôt de 
la communicante et qui ne font que traverser le pédoncule pour se 
rendre à la couche optique. 

Artère radiculaire de la troisième paire. — Nous devons une mention 
spéciale, à cause de son importance, à l'artère radiculaire de l’oculo- 
moteur commun, qui appartient encore à ce premier groupe artériel. 

Son origine habituelle, d’après Duret, est l'artère basilaire. Nous 
l'avons vu quelquefois naître de la cérébrale postérieure ou de la pédon- 
culo-jumelle à son origine. Cette artère remonte le long de la racine du 
nerf, jusqu’à son origine réelle, sur les côtés de l’aqueduc de Sylvius. 

2° Artères pédonculaires antéro-externes. — Nombreuses, sont fournies 
de bas en haut, quelques-unes inconstantes, par la cérébelleuse supérieure, 
d'autres en assez grand nombre par la pédonculo-jumelle et la partie 
réfléchie de la cérébrale postérieure; enfin quelques-unes par la commu- 
nicante et très exceptionnellement par la sylvienne. 

Les inférieures et les moyennes s’enfoncent dans le pédoncule perpen- 
diculairement à sa surface. Celles qui naissent de la cérébrale postérieure 
et de la communicante ont une direction ascendante. Les plus élevées 
pénètrent dans la pédoncule à travers la bandelette optique. 

Les inférieures et les moyennes se terminent généralement dans 
l’étage inférieur et peuvent être suivies jusqu’à la substance noire. Très 
exceptionnellement, elles traversent cette substance noire pour arriver à 
l'étage supérieur. — Des supérieures quelques-unes vont jusqu'à la 
couche optique. . 

3° Artères du sillon. — Peu nombreuses; naissent de bas en haut de 
la cérébelleuse supérieure, de la pédonculo-jumelle, de la portion réflé- 
chie de la cérébrale postérieure. Ces dernières peuvent être suivies jus- 
qu’à la couche optique. 

4 Artères pédonculaires supérieures. — Assez rares : naissent de bas 
en haut de la cérébelleuse supérieure (filet inconstant), de la pédonculo- 
jumelle et de la portion réfléchie de la cérébrale postérieure ou de ses 
branches (artère choroïdienne postérieure). 

9° Artères des tubercules quadrijumeaux. — Sur les deux tubercules 
quadrijumeaux, existe un riche réseau artériel qui constitue la terminaison 
de la pédonculo-jumelle (artère moyenne des T. Q. de Duret). Assez sou- 
vent la cérébelleuse supérieure lui envoie un rameau, quelquefois récur- 
rent {artère postérieure des T. Q. de Duret). Rarement, de la cérébrale 
postérieure ou de l’une de ses branches, lui arrive un filet (artère anté- 
rieure des T. Q. de Duret). 

Les tubercules quadrijumeaux sont certainement la partie là plus 
richement vascularisée du pédoncule; et, sauf ces tubercules, l'étage 
supérieur reçoil un moins grand nombre d’artères nourricières que l'étage 
inférieur. 


SÉANCE DU 2 AVRIL ‘OS 


NOTE SUR LA PRÉSENCE DE CORPUSCULES DE PACINI 
ET DE GANGLIONS NERVEUX DANS LE PANCRÉAS DU CHAT, 


par M. le D’ Perrint (de Galatz). 


On sait que chez le chat on trouve des corpuscules de Pacini surle 
mésentère. Mais sur cette membrane séreuse, ces corpuscules sont assez 
limités à peine trouve-t-on un corpuscule par-ci par-là. 

La présence de ces corpuscules dans le pancréas n'a pas encore été 
signalée, que je sache, par nos auteurs modernes ; aussi la lecture des 
ouvrages d’histologie les plus récents, ne nous enseigne rien sur ce point, 
L'été dernier, me trouvant à Berlin, j'appris par hasard qu’on a trouvé 
ces corpuscules dans le pancréas du chat, mais on n’a pas pu me donner 
des indications pour que je puisse aller à la source d’origine. Comme je 
voulais contrôler le fait, de retour dans le pays j’ai sacrifié un jeune 
chat et j'ai soumis son pancréas à la méthode par le chlorure d’or à 
À p. 100 ; et par le chlorure d’or et de potassium. 

Du reste voici comment j'ai procédé : On sacrifice un jeune chat par 
l'ouverture d’une de carotides, afin d’avoir l'organe exsangue. On ouvre 
le ventre et on enlève en entier le pancréas. Celui-ci, coupé en de très 
petits morceaux (six millimètres carrés), est plongé pendant dix minutes 
dans du jus de citron filtré préalablement ; on lave légèrement à l’eau 
distillée, et on met les fragments dans la solution de chlorure d’or pur, 
ou de chlorure d’or et de potassium. On laisse dans l'or cinquante 
minutes, on lave encore dans l’eau, puis on garde les fragments pendant 
vingt-quatre heures soit dans de l’eau acétifiée, soit dans de l’eau avec de 
l'acide formique selon la méthode du professeur Ranvier. 

Les petits fragments sont ensuite soumis à la dissociation dans une 
goutte de glycérine pure, soit dans de l’eau distillée. En dissociant on 
voit assez facilement les corpuscules de Pacini qui se distinguent par leur 
forme et leur coloration particulière. En même temps on aperçoit les 
ganglions nerveux, et les rapports qu’ils ont avec les troncs nerveux 
colorés en violet foncé. Alors on constate que ces corpuscules n'ont pas 
une distribution régulière dans l'organe, aussi tantôt on rencontre dans 
un pareil petit fragment (six millimètres) cinq à huit, et quelquefois 
dix corpuscules ; tantôt dans d’autres fragments semblables on en trouve 

.à peine deux ou trois ; et, ailleurs un seul seulement. 

Les ganglions nerveux paraissent se comporter de la même façon. Dans 
un pancréas du chat j'ai trouvé à peu'près une centaine de ces corpus- 
cules. 

En ce qui concerne leur situation par rapport aux différents éléments 
qui entrent dans la structure du pancréas, il m'a semblé, qu'ils siègent 
entre le tissu conjonctif qui sépare les lobules de cet organe. J'ai trouvé 


976 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


quelques corpuscules entre les lobules du tissu adipeux, qu’on trouve en 
abondance dans le pancréas du chat bien nourri. Je n'ai point besoin 
d’insister sur la structure de ces corpuscules, qui est aujourd'hui par- 
faitement bien connue. Je dois cependant dire, que comme on peut le 
voir dans mes préparations, à côlé de corpuscules bien développés, on 
en trouve de tout petits. De sorte qu’on rencontre dans le pancréas du 
chat, de grands, de moyens, et de petits corpuscules. Tous ces corpus- 
cules paraissent être en rapport avec le syslème nerveux cérébro-spinal, 
et avec le système ganglionnaire du Lis ou de la vie orga- 
nique. 

Ainsi j'ai constaté. que la fibre nerveuse à gaine de myéline, avant de 
se terminer dans le corpuscule, passe à travers un ou deux ganglions 
nerveux. Ces ganglions sont très nombreux dans le pancréas du chat, et, 
on en rencontre de différents diamètres. 

Les grands ganglions qui renferment six à huit cellules ganglionnaires 
sont traversés par un plus grand nombre de fibres nerveuses, que les 
petits ganglions. 

Sur le trajet de quelques fibres nerveuses on voit suspendues une à 
deux cellules ganglionnaires. : 

Dans un petit nombre de préparations, j' ai rencontré des corpuscules 
de Pacini jumeaux ; et à côté de ces corpuscules, comme on peut le voir 
sur ces préparations, on rencontre, de simples massues dans lesquelles 
on aperçoit aussi un cylindre-axe. 

Je-crois donc que connaisant la présence de ces corpuscules et gan- 
glions nerveux, en aussi grand nombre dans le pancréas du chat, les 
histologistes pourront avoir recours pour faire des préparations plutôt de 
cet organe, où l’on est sûr de Les trouver facilement, qu'ailleurs où l’on 
ne les rencontre pas en aussi grande abondance. 

Je pense que la fibre nerveuse terminale avant d’entrer dans le corpus- 
cule, passe à travers un appareil ganglionnaire des plus riches en ces 
éléments. 

Il m'a semblé que les fibres nerveuses terminales passent à travers 
trois ganglions au moins, dont un très grand, avant d’aboulir au corpus- 
cule correspondant. 

J'ai fait jusqu’à présent des recherches de ce genre sur de jeunes chats, 
c'est peul-être la raison pour laquelle j'ai rencontré parmi ces corpus- 
cules, quelques-uns en voie de développement. 

Quant à la présence en aussi grand nombre et au rôle de ces corpus- 
cules et ganglions nerveux dans cet organe, je ne puis me prononcer 
avant d’avoir terminé les recherches que j'ai entreprises sur d’autres 
animaux. 


ROC UNS PT PTE JUIN CPUre 


SÉANCE DU ® AVRIL 974 


SUR LA CONSTITUTION DE L'ENDODERME DES MAMMIFÈRES, 


par M.L.-F. HENNEGUY. 


L'origine des feuillets blastodermiques chez les Mammifères est une 
question encore très controversée, bien que, dans ces dernières années, 
elle ait donné lieu à des travaux très importants. D’après Ed. van Beneden 
et un certain nombre d’autres embryogénistes, le stade diplobiastique de 
l’œuf des Mammifères correspondrait au stade blastutien des Amphibiens, 
la couche blastodermique superficielle, blastophore, représentant les 
micromère de la blastule, la couche interne, licitophore, représentant 
les micromices et constituant un endoderme vitellin, distinct de l’endo- 
derme proprement dit, endoderme de l’orchentiron, qui dériverait du 
blastophore. 

Ne pouvant encore me prononcer sur la valeur de cette hypothèse 
faute d'observations personnelles suffisantes, je désire seulement, dans 
cette note préliminaire, attirer l'attention des embryogénistes sur la cons- 
titution du feuillet interne, chez l'embryon de Lapin, pendant les pre- 
miers stades du développement. 

Jusqu'à la fin du septième jour la couche, interne de la vésicule blasto- 
dermique est constituée par des cellules aplatie ayant le même aspect 
dans toute l'étendue de cette couche. 

Au huitième jour, les cellules endodermiques, dans toute la partie de 
l'aire embryonnaire où apparaîtront plus tard les îlots de Wolff, deviennent 
polyédriques et deux ou trois fois plus volumineuses que celles qui se 
trouvent en dehors de l’aire opaque. Cette augmentalion de volume des 
éléments endodermiques a été signalée par la plupart des auteurs, qui 
ont observé les premiers stades du développement de l'œuf des mammi- 
fères, etentre autres par Ed. van Beneden et Julien, chez le lapin, mais 
aucun d’eux ne paraît avoir suivi les modifications ultérieures de ces cel- 
lules hypertrophiées. Celles-ci, en plusieurs points, tendent à se disposer 
en deux couches superposées. Leur protoplasma est plus grossièrement 
granuleux que celui des autres cellules embryonnaires; leur noyau 
présente une affinité moins grande pour le carmin et renferme un réseau 
chromatique plus lâche. 

Ed. van Beneden et Julien (1) ont donné le nom de membrane ombi- 
licale à la membrane formée par l’endoderme uni à la splanchuoplèvre, 
dans les limites de l’aire vasculaire. On peut appeler endoderme ombi- 
lical la partie du feuillet interne épaissi qui suit l'extension de l'aire 


(1) Ed. Van Beneden et Julen. Recherches sur la formation des annexes 
fœætales chez les Mammifères (Lapin et Chinophices), Archives de Biologie, V, 
1884. 


278 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


vasculaire. Cet endoderme ombilical se transforme insensiblement en une 
couche de cellules aplaties sur le bord distol de l’aire vasculaire et sur le 
bord proximal qui entoure la zone proamniotique. Il n’en est pas de 
même à l'union de l’aire vasculaire et de l'aire transparente péri- 
embryonnaire. Sur des coupes transversales intéressant la région 
moyenne d'un embryon de huit jours, on constate que l’endoderme 
ombilical s’élend à une certaine distance au-dessous de l’endoderme 
aplati de la zone transparente. 

Il existe à ce niveau une zone dans laquelle on trouve au-dessous de la 
splanchnoplèvre, en passant de la zone transparente à la zone opaque : 
1° une couche de cellules endodermiques aplaties ; 2° cette même couche 
au-dessous de laquelle sont de grosses cellules polyédriques; 3° une cou- 
che de grosses cellules polyédriques disposées en une ou deux assises. 
Cette disposition rappelle celle du bourrelet endodermo-vitellin des 
oiseaux, l’endoderme ombilical correspondant à l’endoderme vitellin, et 
la couche des cellules aplaties à l’'endoderme définitif. 

La ressemblance entre l’endoderme ombilical et l’endoderme vitellin 
des oiseaux devient encore plus frappante aux stades suivants. 

Au neuvième jour, les ilots de Wolff ont apparu dans l'aire vasculaire, 
et les premiers vaisseaux se sont développés. Les cellules de l’endoderme 
ombilical se sont allongées et sont devenues prismatiques, principalement 
dans la partie distole de l'aire vasculaire. Leur extrémité externe, en rap- 
port avec la splanchnoplèvre est aplatie : leur extrémité interne est arron- 
die. Il en résulte que la face interne de l’endoderme, tournée vers la 
cavité du blastocyte présente un aspect festonné. 

Le protoplasma des cellules de l’endoderme ombilical est rempli de 
grosses granulations réfringentes, brunissant sous l'influence de l’acide 
osmique; dans beaucoup de cellules, il est creusé de vacuoles irrégulières, 
qui refoulent le noyau vers la base externe. 

Au douzième jour, les vacuoles proloplasmiques ont augmenté en 
nombre et en dimension; elles renferment presque toutes des corps réfrin- 
gents dont les uns peuvent atteindre le volume du noyau de la cellule. 
Ces corps sont identiques, par leur aspect et leurs réactions, aux grosses 
granulations intra-protoplasmiques. Les cellules de l’endoderme ombilical 
sont devenues, à ce stade, absolument semblables à celles de l’endoderme 
vitellin des oiseaux; elles ne s’en distinguent que par leurs dimensions 
plus petites et par le volume moindre des éléments vitellins qu'elles ren- 
ferment. 

Dans les œufs méroblastiques des Sauropsides les éléments vitellins 
préexistent à l'embryon, dans les œufs des mammifères, ces éléments n'ap- 
paraissent qu’à un stade déjà avancé du développement de l'embryon, un 
peu avant la formation des vaisseaux, et seulement au niveau de l’aire 
vasculaire. 

Les éléments vitellins de l'endoderme ombilical résultent vraisembla- 


1 ARS 


DS 
+ 


SÉANCE DU ® AVRIL 219 


blement d’une transformation du liquide albumineux du blastocyte, 


absorbé par les cellules endodermiques. Ce sont des matériaux de réserve 
que les cellules restituent progressivement, après les avoir rendus assi- 


 milables, à l'embryon, par l'intermédiaire des vaisseaux, avec lesquels 


elles sont en contact. L’endoderme ombilical joue donc, chez les Mammi- 
fères, le rôle du paroblaste des œufs microastiques, interposé entre les 
vaisseaux et le vitellin nutritif. 

Après la fixation de l'œuf sur la muqueuse utérine, et l'établissement 
du placenta, l'endoderme ombilical est en grande partie suppléé dans son 
rôle physiologique, par la couche plasmodiale qui sépare les villosités 
fœtales du sang de la mère, couche plasmodiale qui peut encore être 
assimilée à une sorte de parablaste séparant le milieu nutritif des vais- 
seaux embryonnaires. 

L'existence, chez les Mammifères, d'un endoderme ombilical compa- 
rable à l’endoderme vitellin des oiseaux, tant au point de vue de sa cons- 
titution histologique qu’au point de vue de sa fonction physiologique, me 
parait être un argument en faveur de la distinction, établie par Ed. van 
Beneden, entre le licithophore et l’endoderme définitif, et en faveur de 
l'opinion généralement admise aujourd'hui qui fait dériver les Mammi- 
fères d’ancèêtres dont les œufs renfermaient un vitellin, qui a disparu pro- 
gressivement, pendant que s'établissaient des rapports de plus en plus 
intimes entre l’embryon et la mère, durant le développement intra- 
utérin (1). 


RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR L'ACTION PHYSIOLOGIQUE 
DU BUTHYLE-CHLORAL, 


par MM. les D'° ATHANASESGU et GRIGORESCU. 


On sait que les propriétés physiologiques et les usages thérapeutiques 
d’un grand nombre de composés organiques sont une fonction de la 
constitution de ces composés. Or, le chloral éthylique étant un agent thé- 
rapeutique d’une grande importance, il nous a semblé utile d'étudier 
l’action physiologique d’autres composés présentant des analogies chi- 
miques avec lui; parmi ces composés, on ne connaît, jusqu’à présent, que 
le buthyle-chloral. Il est vrai que ce corps a déjà été étudié sous ce rap- 
port, mais d'une manière incomplète; c'est pour cette raison que nous 
avons repris l'étude de l’action physiologique de cette substance, en fai- 
sant des expériences comparatives avec l’éthyle et le buthyle-chloral et 
ce sont quelques-uns de nos premiers résultats que nous publions dans 
cette première note. 


(1) Travail du laboratoire d'embryogénie comparée du Collège de France. 


280 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


On obtient ce composé, dont la formule de constitution paraît être : 

CH* CH. CI C, CE CH. O, par l’action du chlore sur la paraldéhyde 
(CH* CHO}. C'est un corps liquide, bouiilant à 164-165 degrés sous 
la pression de 750 millimètres, de densilé — 1,395; il est très avide 
d’eau, absorbe facilement l’humidité atmosphérique et se tranforme en 
buthyle-chloral hydraté : C* C1? H° O + H?0. 

Ce dernier corps se présente sous forme de petits cristaux blancs, peu 
soluble dans l’eau froide, très soluble dans l’eau bouillante, se déposant 
partiellement par refroidissement ; il est également très soluble dans 
l'alcool! ; il fond à 76 degrés; comme le chloral hydraté éthylique; il se 
décompose facilement par la distillation en buthyle-chloral anhydre 
et eau. 


I. ACTION GÉNÉRALE. 


En injections sous-cutanées. — Chez les grenouilles pesant 50 à 60 
grammes, 10 milligrammes de substance ont provoqué les phénomènes 
suivants : j 

La respiration (jugée d’après les mouvements des narines) avant l’in- 
-jection a donné une moyenne de 35 2/k;; dix minutes après, 55, et, après 
une heure, 45 1/4 par minute. 


Immédiatement après l'injection, l'animal s’agite violemment, sa peau 


sécrète une écume blanche et en même temps il émet de l’urine; une 
minute après, il baisse la têle, se met en décubitus ventral et il survient 
bientôt un état soporifique caractérisé par la perte de la transparence et 
du réflexe de la cornée ; les yeux s’enfoncent dans les orbites et se fer- 
ment ; le corps reste immobile et les muscles tombent en résolution com- 
plète de sorte que, les secousses les plus violentes ne peuvent plus ré- 
veiller l'animal. Pendant ce temps, l’activité du cœur est très réduite, el 
l’animal semble se trouver dans un état de mort apparente. Enfin, il se 
réveille après un laps de temps, variant de six à sept heures. 

Toutes les grenouilles ont survécu, sans présenter quoi que ce soit de 
particulier; cependant l’une d’elies a présenté un phénomène particulier : 
l’eau qui baignait l'animal est devenue, du iour au lendemain, rouge, 
sanguinolente. 

Lorsque la dose de 10 milligrammes a été dépassée, la mort s'en est 
toujours suivie. 

Chez les cobayes pesant 500 grammes, la dose de 20 centigrammes a 
produit les mêmes phénomènes généraux, mais il y a eu ceci de particu- 
lier, que ces phénomènes -ont commencé et se sont terminés par une 
paresse des membres postérieurs de sorte que l’animal présentait un état 
paraplégique. 

La dose de 30 centigrammes administrée à un cobaye pesant toujours 
500 grammes a produit un vérilable élat de mort apparente; sept heures 


SÉANCE DU ® AVRIL 281 


après, les réflexes cornéens et des membres ont reparu ; quelques heures 
plus tard l'animal s’est réveillé; son poids avait diminué de 100 grammes; 
_il était abattu et perdait par la vulve un peu de sang rouge et fluide. 
Quarante-huit heures après l'injection, l'animal est mort, et à l’autopsie 
il a présenté les phénomènes suivants : un état particulier de ramollisse- 
ment de la paroi inférieure de l'abdomen, dans sa moitié postérieure, 
accompagné de l'exfoliation de l’épiderme. L'utérus était tuméfié et rem- 
pli de coagulum sanguins et sa muqueuse avait subi un commencement 
de ramollissement. 

Nous avons fait aussi des expériences comparalives avec le chloral 
ordinaire (éthylique). — A un cobaye pesant 600 grammes nous avons 
injecté 20 centigrammes de buthyle-chloral, et puis 20 centigrammes de 
chloral éthylique, à un autre cobaye du même poids. Le premier a pré- 
senté les phénomènes suivants : après 5 minutes, phénomènes sopori- 
fiques intenses; après 15 minutes, coma complet ; après 20 minutes, il a 
donné des signes de réveil, et 50 minutes après, le réveil a été complet ; 
mais le réflexe cornéen était encore en partie diminué. Chez le deuxième 
cobaye, l’état soporifique n’a commencé que 20 minutes plus tard; il y 
a eu quelques phénomènes d'agitation caractérisés par des mouvements 
de tête variés ; le sommeil est devenu complet après 1 h. 35 et le réflexe 
cornéen persislait encore. L'animal s’est réveillé au bout de 2 heures. 

Les expériences sur les oiseaux ont conduit aux mêmes résultats : à 
une poule, pesant 750 grammes, l'on a injecté 20 centigrammes de sub- 
slance ; le sommeil, qui a duré 4 heures, a été très tranquille et profond. 

Méthode digestive. — À un chien à jeun de 14 kil. 750, l’on a introduit 
dans l'estomac 4 gr. 32 de buthyle-chloral dissous dans 100 grammes 
d’eau (36 centigrammes par kilogramme d'animal). Six minutes après, 
sont survenus des symptômes d'ivresse, et l'animal ne pouvait plus se 
tenir sur ses pattes. Les phénomènes cornéens sus-indiqués se sont mani-. 
festés comme d'habitude, les pupilles se sont contractées, les conjonc- 
tives élaient injectées et la vue s'était beaucoup affaiblie. Pendant le 
sommeil, l'animal poussait de faibles gémissements, tournait souvent sa 
têle vers l'estomac et agitait allernalivement ses membres anterieurs 
comme il le fait pendant la marche. Cinq quarts d'heure après, il s’est 
réveilié, présentant encore des signes de somnolence ; il a eu des nausées 
et il a vomi. Après sept Jours, espace de temps durant lequel l'animal 
s’est bien porté, on lui a introduit de nouveau dans l’estomac, une solu- 
tion contenant 6 grammes de médicament ; les phénomènes généraux et 
l’irrilation stomacale ont été plus iutenses; en se réveillant, l'animal a eu 
plusieurs vomissements. 

En administrant à un autre chien, par la même méthode, le buthyle- 
chloral mélangé à une solution gommeuse et sucrée, l'effet soporifique a 
été diminué, mais l’irritation stomacale ne s’est plus manifestée. 

Conclusions. — De ces expériences, 1l ressort clairement que Le buthyle- 


282 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


chloral est un agent soporifique puissant, mais de courte durée; son 
action se fait sentir bien plus vite que celle du chloral éthylique, mais 
elle finit aussi plus vite ; il ne produit pas des phénomènes cérébraux, 
comme le chloral et le chloroforme, mais paraît être plus irritant pour 
l'estomac. Quant aux phénomènes cornéens et à la paresse des membres 
postérieurs, ils paraissent être des signes précurseurs très caractéristiques 
de l’action soporifique du buthyle-chloral. 


QUELQUES MOTS SUR LA PHAGOCYTOSE MUSCULAIRE, 
A PROPOS DE LA RÉPONSE DE M. METCHNIKOFF A MA CRITIQUE, 


par M. E. BATAILLON. 


Je dois ajouter quelques mots seulement à ma discussion avec M. Met- 
chnikoff relativement à la régression musculaire, avant de clore un débat 
dans lequel, de mon côté, tout aura été dit. Mon contradicteur, dans la 
séance du 19 mars,a exposé son interprétation et la mienne. Ceux qui 
liront cette note et ma critique du 5 mars seront sufisamment édifiés sur 
le différend scientifique qui nous divise. Mais ils constateront que je n'ai 
eu aucune réponse sur des objections directes et bien précisées. 

Les questions de méthode ne peuvent se discuter qu'entre deux adver- 
saires en présence et munis chacun de fous leurs documents. Je ne revien- 
drai donc pas sur toute une série de faits indiqués soit par M. Loos, soit 
par moi-même, comme précédant ou accompagnant la régression; 
puisque M. Metchnikoff persiste à les considérer comme accidents de pré- 
paration. 

J'ai examiné un à un dans ma communication les dessins fournis par 
mon contradicteur à l’appui de sa thèse. Je n'ai contesté aucune de ses 
observations, et quiconque s’occupera sérieusement du sujet verra ce qu'il 
figure. Là n'est pas la question. 

Mais j'ai pu interpréter ces dessins à ma façon. En effet, il est résulté 
de mon examen que tous ces documents ne parlent pas plus dans un sens 
que dans l’autre. 

L’abondance d’un plasma incontestablement musculaire est indiquée 
par un seul cas qui, selon moi, doit être rapporté aux fibres jeunes péri- 
phériques encore intactes. 

La multiplication des noyaux musculaires (base fondamentale de la 
théorie) n’a pas élé suivie (4). 


(1) Je ne reviens pas sur le détail de cet examen. Il m’autorisait à dire 
sur les documents mêmes fournis par mon adversaire, di il ny a entre 
nous qu’une différence d'interprétation. 


55 
k 
1 


SÉANCE DU 2 AVRIL 283 


Il me paraît difficile d'être trop affirmatif dans un sujet aussi délicat. 
J'aiexprimé une opinion à l'appui de laquelle j'ai apporté un certain 
nombre d'arguments : car, avec les méthodes dont nous disposons, de 
semblables processus ne se suivent pas. Nous devons donc chercher de 
nouveaux faits; et, pour ma part, si ces faits m'y amènent, j'indiquerai 
nettement mon changement d'opinion. 


(Faculté des sciences de Lyon; Laboratoire de zoologie.) 


RECHERCHES SUR L'ÉTAT DE LA RATE CHEZ LE VIEILLARD, 


par M. le D'° A. Prier. 


L’atrophie physiologique des différents viscères est une étude jusqu'ici 
négligée au point de vue histologique, sauf pour ceux qui, comme le 
thymus, subissent une régression précoce. Pourtant, en comparant la 
moyenne résultant d'examens nombreux d’un organe sain chez l’enfant 
et l'adulte, avec celle qu’on obtient en multipliant les examens chez le 
vieillard, on peut arriver à saisir dans les rapports qu’affectent norma- 
lement les différentes parties de cet organe, des différences sensibles et 
constantes. C’est un travail que j’ai pu tenter déjà sur les glandes sous- 
maxillaires et sur le corps thyroïde dans des recherches antérieures ; 
grâce à mon séjour comme interne à Bicêtre chez M. le D’ Bourneville et 
surtout à Ivry, chez M. le D' Gombault. | 

Aujourd'hui, j'apporte, sur la rate,le résultat de recherches semblables 
que j'ai pu compléter dans un autre hôpital à services de vieillards, à 
Laennec, pendant deux années passées chez mes maitres, MM. les pro- 
fesseurs Cornil et Straus. Ni dans le chapitre consacré à la Rate par 
M. Besnier dans le Dictionnaire encyclopédique; ni dans la Thèse de 
M. Poulin (1880), sur les atrophies viscérales consécutives aux inflamma- 
tions chroniques des séreuses; ni dans celle de M. Brousse, sur l’évolution 
sénile (1886); n1 enfin dans celle de M. Peltier, sur la pathologie de la 
rate (1871), nous n'avons trouvé de détails histologiques sur l’atrophie 
sénile de la rate. Les traités d'anatomie pathologique, le livre de 
M. Demange sur la vieillesse n’entrent non plus dans aucun détail sur 
cette question. 

Les recherches dont nous résumons ici le résullat ont porté sur 
14 vieillards dont l’âge variait de 67 à 84 ans; le nombre de rates exa- 
minées est beaucoup plus considérable, mais les résultats sont toujours 
les mêmes et il n’a pas été pris de notes cliniques sur tous les cas obser- 
vés après cette première série. La mort était presque toujours survenue 


284 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


par apoplexie, par broncho-pneumonie, par pneumonie; les reins étaient 
à peu près constamment scléreux. La rate se présentait à l’œil nu sous 
deux aspects bien différents. Tantôt, elle était petite et molle, à capsule 
blanche, ridée et même plissée; le couteau, en la raclant, mettait à nu les 
travées sans fournir beaucoup de pulpe. Tantôt, et le plus souvent, elle 
élait d'un rouge foncé, ferme et dure, entourée d'une capsule fibreuse, 
parsemée de points ou de plaques paraissant cartilaginiformes, ou enve- 
loppée d’une cuirasse épaisse du même aspect. Dans aucun cas, on n’aper- 
cevait de corpuscules de Malpighi sur une section franche de l’organe. Le 
premier type nous a paru répondre, d’après les observations cliniques, à 
l’atrophie vraie, pure et simple, dégagée de toute complication. On le 
rencontre chez des gens très âgés, mais peu athéromateux. Une femme 
de 84 ans, morte à 8# ans de broncho-pneumonie avec une rale du poids 
de 40 grammes, au lieu de 195, poids normal, le présentait assez net, 
ainsi qu'un homme de 84 ans mort dans les mêmes conditions. 

Le second type se rencontre, au contraire, dans les cas d’athérome, 
chez ces malades complexes qui peuplent les asiles de vieillards, chez 
lesquels le rein est scléreux, le cœur aussi, l’aorte athéromateuse, les 
poumons emphysémateux aux sommets et engoués aux bases. Chez ces 
malades, qui ont fourni le modèle de la description de l’artério-scléreux, 
la capsule de la rate, ses travées fibreuses et ses vaisseaux subissent des 
modifications comparables à celles que l’on trouve dans les autres 
organes {1). Mais il existe, en plus, un certain nombre de lésions fonda- 
mentales : ce sont celles que l’on trouve isolées dans les pelites rates 
molles dont nous avons parlé, celles qu'il nous faut maintenant décrire. 

Mais nous devons, auparavant, dire un mot de la struclure de la rate. 
Elle présente à considérer, comme l’on sait, une charpente fibreuse 
émanée de la capsule, et riche en fibres lisses, une pulpe, rouge et friable 
et des corpuscules blanchâtres qui ont gardé le nom de Malpighi et sont 
branchés autour des artérioles. L’élude du développement et de l’ana- 
tomie comparée nous montre (2) que la pulpe de la rate se développe aux 
dépens du tissu conjonctif qui sert à former les veines; que les cellules 
de ce tissu forment un réseau continu avec la veine spléaique : dans ce 
réseau sont inclus un grand nombre d'éléments arrondis, noyaux d’ori- 
gine, qui, lorsque la circulation artérielle se développe, sont en partie 
balayés, mais restent en certains point agglomérés. Les parties ainsi 
dégagées forment la pulpe rouge, le réseau chargé encore d'éléments, la 
pulpe grise, ou les corpuscules de Malpighi. Or, ces éléments, ou noyaux 
d'origine, qui continuent pendant la vie à essaimer peu à peu dans la 
pulpe rouge, et, de là, dans la grande circulation, sont pour M. Laguesse, 


4) Duplaix. Contribution à l'étude de la sclérose, Thèse, Paris, 1883, n° 254, 
p. 20. 
(2) Laguesse. Développement de la rate chez les poissons, Paris, 1890. 


SÉANCE DU ©? AVRIL 285 


comme aussi eroyons-nous, pour M.Malassez (Cours du Collège de France, 
1885-1886), des éléments directement ou indirectement formateurs de 
globules rouges. Il s'ensuit que leur disparition, leur essaimage progres- 
sif amènera l'épuisement et, par suile, la sénilité de l'organe. Après ces 
- préliminaires, il nous reste à indiquer, sans entrer dans le détail des ob- 
servations, les lésions que nous avons pu constater dans la rate du vieil- 
lard, examinée comparativement avec celle de l'enfant ou d’un jeune ani- 
mal. 

Charpente. — La capsule et les travées fibreuses sont fortement 
épaissies et leurs cellules fixes sont aplaties et diminuées de nombre. 
Dans les plaques cartilaginiformes, le Lissu prend un aspect cornéen très 
condensé; cet aspect s’accentue, comme l'a indiqué M. Talamon en 1877 
(Revue de médecine « De la Calcification »), dans les points calcifiés, qui se 
teignent très vivement par le réactif après décalcification. 

Les cloisons de l’intérieur ne sont jamais calcifiées, mais elles sont 
irrégulièrement élargies et déchiquetées sur leurs bords ; ces lésions sont 
très marquées dans les rates scléreuses, et nous avons vu, à plusieurs 
reprises, les cellules conjonctives des travées avoir leur cytoplasma rem- 
pli de granulations pigmentaires de couleur bistre, sans avoir pu d'ailleurs 
recueillir de renseignement sur les accidents paludéens du malade. 

La pulpe rouge semble occuper un immense espace, surtout dans les 
rates des anciens cardiaques où elle apparaît colorée en jaune par l'ac- 
cumulation des globules rouges qui la distendent; mais cet accroissement 
n'est qu apparent puisque toute la rate est atrophiée, et elle tient à la 
raréfaction de la pulpe blanche. 

Le réseau de la pulpe rouge parait transformé en une trame rigide, 
dans laquelle les noyaux cellulaires sont très peu abondants ; les mailles 
de la trame sont, d’ailleurs, élargies et mécaniquement distendues; il en 
résulte que l’atrophie de la pulpe est en partie masquée par une conges- 
tion d'autant plus forte que le sujet répondait davantage au type artério- 
scléreux et que la rate elle-même était plus recouverte de plaques cal- 
caires. Dans les petites rates molles, au contraire, la pulpe est à peu près 
vide, mais la diminution du parenchyme est la même. Lorsque la rate a 
été durcie à l’alcool, colorée au carmin d’alun, et montée au baume du 
Canada, l'hémoglobine des globules rouges est dissoute, et la pulpe qui 
paraissait gorgée de sang sur les pièces durcies au chromate et colorées 
à l’éosine, se montrent alors parsemées d’une quantité de noyaux à 
figures irrégulières qui ne peuvent appartenir qu’à des leucocytes; ils 
seraient donc en proportions considérables dans ce système lacunaire. 

Les corpuscules de Malpighi présentent, d’une facon à peu près cons- 
tante, des lésions considérables dans tous les cas que nous avons exami- 
nés. Quoique chez l'enfant et l'homme adulte, le corpuscule gris soit plus 
petit, par rapport à la pulpe rouge, que chez les animaux de laboratoire, 
il est impossible de contester la diminution considérable de volume qu’on 


13. 


286 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


lui trouve chez le vieillard ; dans les cas les plus extrêmes, et ils ne sont 
pas rares (ils forment à peu près la moitié du total observé), voici ce que 
l'on observe : 

Le vaisseau qui occupe le centre du corpuscule est fortement épaissi; il 
présente plusieurs couches fibreuses concentriques, lui formant un véri- 
table manchon; sa lumière est très étroite; sa paroi ne contient à peu 
près plus de réseau élastique. Dans le réseau qui l'entoure, les éléments 
spéciaux de la pulpe grise sont tout à fait diminués de nombre; sur le 
plus grand nombre des corpuseules, ils forment un anneau parfois incom- 
plet, très réduit, très restreint; sur d’autres, il faut le chercher; enfin, 
autour des vaisseaux épaissis offrant tous les caractères du vaisseau cen- 
tral d’un corpuscule de Malpighi, on ne voit plus sur les coupes que de tout 
petits amas latéraux de cellules à gros noyaux. Lorsqu'il existe encore une 
atmosphère de ces cellules suffisante pour représenter le corpuscule en 
voie d'atrophie, cette atmosphère n'est pas régulièrement arrondie, mais 
découpée de façon à donner au contour un aspect inégal. Chez les jeunes 
animaux, on peut reconnaitre au corpuscule deux couches dont l’externe 
contient des éléments plus tassés, comme cela se voit dans le thymus; ici, 
l'aspect du corpuscule est partout semblable; il est presque inutile d’ajou- 
ter que nous n'avons pu, sur des pièces d’autopsie, rechercher les modi- 
fications des noyaux cellulaires, et, en particulier, le ralentissement pro- 
bable de la karyokinèse. 

En examinant à un faible grossissement les corpuscules dans ces coupes 
de rate, on est frappé de les voir très rapprochés les uns des autres; ils 
sont groupés en bouquet que noie la pulpe dilatée, et, dans ces bouquets, 
on peut trouver côte à côle, les corpuscules plus ou moins atrophiés; cette 
inégalité est même frappante; le groupement que nous venons d'indiquer 
est une preuve de plus de l’atrophie de l'organe, car dans la ratenormale, 
les corpusecules sont régulièrement espacés et les bouquets vasculaires 
n'ont pu se rapprocher ainsi que grâce à la dilatation de la pulpe rouge 
et la disparition de la pulpe blanche. 

Dans un mémoire ultérieur, nous publierons les observations détaillées. 
que nous venons de résumer, La conclusion, tout hypothétique, de ce tra- 
vail, sera la suivanle : 

La rate, comme d'autre organes hématopoiétiques, la moelle des os 
par exemple, s’atrophie assez prématurément, puisque les modifications 
qu’elle présente sont à peu près constantes. 

Les lésions que l’on observe alors sont, à des degrés différents, la 
sclérose de la capsule et des travées fibreuses ; la dilatation mécanique des 
mailles de la pulpe rouge; enfin, la disparition plus ou moins totale des. 
éléments de la pulpe blanche; cette dernière lésion est la plus constante, 
celie qui a le plus d'intérêt pour nous. En effet, si ces éléments ont un 
rôle hématopoiétique déterminé, et tous les auteurs sont d'accord sur ce 
point, leur disparition doit forcément jouer un rôle important dans 


nn | 


SÉANCE DU Ÿ AVRIL 9287 


l'apparition de l’anémie des vieillards. Nous n'avons pas besoin de rappeler 
que, chez ces derniers, la moelle osseuse se transforme de moelle jaune en 
moelle grise et que son pouvoir hématopoiétique, marqué dans la moelle 


rouge du fœtus, est également aboli. 


L'histoire détaillée de la vieillesse de chaque organe pourrait donc 
conduire un jour à tracer les vrais caractères de l’évolution sénile. Mais 
le développement de cette hypothèse dépasserait les limites de cette note. 


LÉSION CARDIAQUE ET TUBERCULOSE, 


par M. A. CHARRIN. 


Les relations de la tuberculose et des affections cardiaques ne sont pas 
encore fixées. L'antagonisme ancien, très absolu, a subi des atténuations. 
Pour arriver à des notions plus exactes, il est bon d’enregisirer les faits. 
C’est là le motif qui me décide à présenter un cœur, dont le ventricule 
gauche, on le voit, est considérablement hypertrophié. L’épaisseur des 
parois est telle que la cavité est à peine conservée; cette hypertrophie 
est due au développement exagéré du tissu musculaire; l'élément con- 
jonctif y prend une part des plus faibles. La pièce provient d'un singe 
qui a suecombé, dans le laboratoire de M. Laborde, à une bacillose 
rapide, sans sclérose vasculaire. 


Du CHOC NERVEUX CONSÉCUTIF AUX GRANDES CATASTROPHES 
ET PARTICULIÈREMENT AUX EXPLOSIONS, 


par M. P. REGNARD. 


Un certain nombre de neuro-pathologistes, et en particulier le professeur 
Charcot, ont signalé le singulier état qui suit, chez certains individus, les 


grandes catastrophes, les accidents de chemin de fer par exemple. A 


l’époque où j'avais l'honneur de faire partie de la commission du grisou, 
j'ai été à même de recueillir un certain nombre de faits qui se rappro- 
_chent beaucoup de ceux qui ont été signalés à propos des déraillements. 
A la suite d’une explosion de grisou, on trouve quelques ouvriers étendus 
sur le sol sans aucune connaissance; leur cœur bat, la respiration est 
normale et l'examen le plus scrupuleux de leur corps montre que, en 
aucun point, il n’y ala moindre lésion pouvant expliquer leur état ; bien 


288 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


mieux, un certain nombre sont ainsi tombés dans un endroit où l’explo- 
sion n’a pas produit le moindre dégât matériel, où elle a été très faible 
par conséquent. Les malades ont subi seulement le choc nerveux. Ils sont 
sous le coup d'inhibition cérébrale dont ils gardent des traces des jour- 
nées, des mois après qu'ils sont revenus à eux. On a toujours considéré 
que le choc était purement psychique et cela doit être ainsi dans la majo- 
rité ses cas. | 

Il y a déjà plusieurs années, j'avais institué quelques expériences pour 
déterminer le mécanisme de ces manifestations nerveuses: ces recherches 
sont encore incomplètes et si je me décide à en parler maintenant, c’est 
que les événements exlra-scientifiques qui viennent de se passer leur don- 
nent une cerlaine actualité et que, d'autre part, leur nature même rendra 
très difficile de les reprendre d'ici longtemps. 

J'ai voulu voir quel serait, sur un animal, l'effet produit par une explo- 
sion de dynamite. On sait que cette substance agit non seulement par la 
masse des gaz qu’elle dégage, mais aussi par la sorte de vibration bri- 
sante qu'elle communique aux corps au voisinage desquels elle se 
trouve. Ainsi, une cartouche de dynamite qui est simplement posée sur 
une barre de fer brise cette barre en mille morceaux sans qu'il y ait eu 
le moindre bourrage comme cela eût été nécessaire avec la poudre noire, 
par exemple. 

Il eût été à la fois puérile et inutilement cruel d'attacher une cartouche 
de dynamite sur un animal, nous savons très bien que l’animal eût été 
réduit en morceaux et tué sur le coup. D'ailleurs, cette expérience a été 
plusieurs fois réalisée dans des suicides d'ouvriers mineurs et par des 
attentats, dont un célèbre, sur une personne souveraine. 

Ce qui pouvait êlre intéressant, c'était de voir les effets du choc à dis- 
tance et de la propagation des vibrations sur des animaux placés un peu 
loin. Nous nous sommes décidé à agir sur des animaux vivant dans l'eau 
et cela pour deux raisons : d’abord parce que l’eau transmet plus facile- 
ment les vibrations que l'air et ensuite parce que cette circonstance nous 
permettait de n’employer qu’une petite quantité de substance explosive 
et par conséquent de rendre moins bruyantes des expériences forcément 
un peu lapageuses. 

Je me suis donc rendu à Joinville-le-Pont dans une propriété où se 
trouve une mare remplie de poissons, de grenouilles et autres animaux 
aquatiques. Des cartouches de dynamite de 30 grammes avaient été pré- 
parées munies de la mèche réglementaire qui brûle d’un centimètre par 
seconde et aui est terminée par une capsule de fulminate. L'expérience, 
très simple, consistait à jeter une de ces cartouches au fond de la mare et 
à altendre l’explosion. 

À peine celle-ci avait-elle eu lieu et l'immense masse d’eau qui avait 
été soulevée verlicalement était-elle reltombée, que l’on voyait tous les 
animaux, poissons, grenouilles, têtards, etc., arriver à la surface, le ventre 


SÉANCE DU ® AVRIL 289 


en l'air, immobiles et comme morts. Nous avions fait ce que réalisent sou- 
vent les ouvriers qui détournent de la dynamite dans les mines, nous 
avions fait une pêche à la dynamite. Notre première idée fut d'aller 
ramasser les morts pour voir dans quel état ils se trouvaient : plusieurs, 
tout près du bord, pouvaient très facilement être pris à la main. Quelle 
ne fut pas notre surprise en voyant ces animaux, si immobiles, se sauver 
très prestement au moindre attouchement et cela au point qu'il nous fut 
impossible d'en prendre un seui. 

Nous lançâmes une nouvelle cartouche; après le choc, tous les animaux 
revinrent à la surface comme avant; mais cette fois nous élions munis 
d’une épuiselte et en la passant doucement sous les poissons, en ayant 
bien soin de ne pas les frôler même légèrement, nous pûmes les prendre 
presque tous. Aucun n’avait la moindre lésion. Ils semblaient n’avoir subi 
que celle commotion nerveuse transmise par la vibration de la dynamite, 
commolion produisant une sorte d'hypnotisme dont ils sortaient sans la 
moindre excilation. J'ai su depuis, dans une conversation que j'ai eue 
avec un pêcheur un peu braconnier et fort dynamiteur, que, sauf pour les 
poissons qui se trouvent juste sur la charge, la mort est rare et qu'on 
observe surtout le choc que je viens de décrire et qui se dissipe assez faci- 
lement pour qu’on soit obligé de prendre des précautions pour s’emparer 
des poissons obnubilés. 

En somme, la vibration explosive avait été transmise au système ner- 
veux, mais avec trop peu d'intensité pour qu'il pût en résulter de graves 
dommages. 


SUR L'HÉMATOZOAIRE DU PALUDISME, 


par M. le D' ARNaun, 


Médecin aide-major à l'hôpital militaire de Tunis. 


Dans le courant de l’année 1891 j'ai eu l’occasion d'examiner le sang 
de 289 malades entrés à l'hôpital militaire de Tunis pour paludisme, et 
d'y rechercher l'hématozoaire de M. Laveran. 

La technique employée pour ces examens est celle qui a été décrite par 
M. Laveran. 

1° Fréquence de l'hématozoaire. — Sur les 289 malades examinés, j'ai 
trouvé : 

1° 141 lois des corps sphériques de dimensions variées. 

2° Des flagella dans un seul cas. 

3° 11 fois des corps en croissant. 

4 9 fois des corps en rosace. 

5° Dans 23 cas le pigment mélanémique a été seul constaté. 


290 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


De sorte que sur 289 examens on peut dire que 176 ont été suivis d’un 
résultat positif; ce qui donne une proportion de 61 p. 100. 

Les malades chez lesquels l'examen a été négatif avaient déjà pris de 
la quinine ou bien n'avaient pas d’accès au moment où l’examen du sang 
a été fait, c'est-à-dire qu'ils ne se trouvaient pas dans des conditions 
favorables à la recherche de l’hématozoaire. 

2° Polymorphisme de l'hématozoaire. — Les éléments parasitaires trou- 
vés dans le sang se rapportaient aux types suivants : 

a) Corps sphériques. — Ils se sont montrés surtout fréquents et nom- 
breux dans les mois chauds, de mai à septembre. Leurs formes et leurs 
dimensions sont très variées. Les plus petits représentent à peine la 
cinquième ou sixième partie d’un globule rouge. Ils sont tantôt accolés à 
l'hématie sur laquelle ils forment une tache transparente, comme une 
vacuole, avec ou sans grains de pigment; tantôt libres, dans le sérum avec 
des grains de pigment disposés d’une façon irrégulière, ou bien en cou- 
ronne; ces corpuscules pigmentlaires sont souvent animés d’un mouvement 
très vif, très curieux à observer, 

b) Flagella. — Nous les avons constatés dans un seul cas chez un 
malade qui avait des accès irréguliers. Les flagella très longs, flexueux, 
étaient animés de mouvements très vifs qui ont persisté pendant plus de 
quarante minutes. 

c) Corps en croissant. — Leurs formes et leurs dimensions sont très 
variées, depuis la phase semi-lunaire complète jusqu’au stade ovalaire. 
Dans tous les cas les grains de pigment occupaient le centre de l’élément. 
Les grains de pigment, contrairement à ce qui se passe dans les corps 
sphériques, ne présentent pas de mouvements. 

d) Corps en rosace. — Nous les avons trouvés chez deux malades. La 
segmentation paraît se faire toujours de la circonférence vers le centre 
de l'élément où se voit un amas de pigment. Incomplet sur quelques-uns 
de ces corps, le cloisonnement est complet sur d’autres qui ne présentent 
plus alors qu’une série de spores groupées autour du corpuscule pig- 
mentaire. 

e) Corpuscules pigmentés mobiles. — Enfin nous avons, dans 21 cas, 
observé des corpuscules pigmentés présentant l’aspect suivant : ces élé- 
ments, libres dans le sérum, comparables pour la forme et les dimensions 
à des microcoques sont animés d’un mouvement très vif qui paraît dû à 
la présence d’un ou de deux flagella, très difficiles à voir, mais que nous 
avons pu distinguer neltement dans certains cas. Coronado a signalé des 
corouscules semblables dans le sang palustre et Danilenwsky dans le sang 
des oiseaux. Quelle est la signification de ces corpuscules? Correspondent- 
ils à une phase du développement de l'hématozoaire? De nouvelles recher- 
ches sont nécessaires à ce sujet. 

Chez un malade dont nous avons examiné le sang à huit reprises diffé- 
rentes dans le cours d’un accès des plus intenses, nous avons pu constater 


À 
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C 
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SÉANCE DU % AVRIL 291 


les deux modes conaus de reproduction de l'hématozoaire malarique : 
4° division par scissiparité du corps sphérique, indiquée par M. Laveran ; 
2° sporulation (corps en rosace). f 

D’après Golgi,' les corps en rosace croissent et donnent des spores pendant 
l'apyrexie. Un peu avant le frisson ces spores disparaissent du sang, pour 
se réfugier probablement dans la rate et la moelle des os, d’où elles 
sortent le lendemain ou les jours suivants, sous une forme plus avancée. 
Si nous avons assisté dans le cours de cet accès de fièvre, à la sporulation, 
c'est peut-être parce qu’à l'accès existant allait en succéder un autre. Cela 
est d'autant plus probable que la température à deux heures du soir 
(l'accès avait débuté à sept heures du matin), continuait à s'élever et que 
l'état du malade devenait inquiétant. Des injections de chlorhydrate de 
quinine furent faites à ce moment. 

3° Influence des saisons et des foyers du paludisme sur la fréquence et 
les formes de l’hématozoaire. — Ne tenant compte que des faits observés 
en 1891, nous pouvons dire que les cas de paludisme ont été surtout 
nombreux en juin, juillet, août et septembre, c’est-à-dire pendant les 
mois les plus chauds de l’année, et pendant cette période nous avons 
observé surtout des corps sphériques dans le sang de nos malades. 

Au mois de septembre, se sont montrés les corps en croissant, remar- 
quables par leur persistance à rester dans le courant sanguin malgré un 
traitement méthodique. Contrairement aux asserlions de quelques auteurs, 
les corps en croissant ne correspondent pas toujours à des fièvres irré- 
gulières ; on rencontre en automne des fièvres de première invasion, à 
type très régulier qui présentent néanmoins d'emblée des corps en 
croissant. 

A côté de l'influence saisonnière, il convient de signaler l'influence des 
foyers sur le degré de gravité du paludisme. La région de Tabarka 
(Tunisie) fournit un grand nombre de cas de paludisme et le plus sou- 
vent le paludisme contracté dans celte région a un caractère marqué de 
gravité. Un autre centre palustre, Zaghouan, placé sous la même latitude, 
mais dans des conditions locales moins défavorables, ne fournit que des 
fièvres de moyenne intensité. Dans le premier cas, on est frappé de 
l'abondance des hématozoaires et de leur persistance dans le sang. Il 
parait évident que ces différences relèvent de conditions extérieures 
multiples qui se réunissent pour augmenter l’activité de l’hématozoaire 
ou pour la diminuer. 

Des faits que nous avons observés, nous croyons pouvoir tirer les con- 
clusions suivantes : 

1° Les diverses formes sous lesquelles s’observe l'hématozoaire de 
M. Laveran ne sont que des élals successifs d’un même parasite poly- 
morphe, et non point des espèces différentes. 

2° La présence de l’hématozoaire sous une de ses formes connues est 
constante quand on peut pratiquer l'examen du sang au début d’un 


QU SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


accès et chez un malade n'ayant pas pris de quinine depuis es 
temps. | 

3° La recherche de onu a une cLrès grande ect oe au 
point de vue clinique ; la constatation des éléments PASS peruel 
toujours d'affirmer l° existence du paludisme. 


DE L ÉLECTROLYSE MÉDICAMENTEUSE CUTANÉE, par M. le D° Brivors; 
Mémoire présenté par M. D' ARSONVAL, dans la séanee du 26 mars 1892. 
(Voir Mémoires du présent volume, page 119). 


Le Gérant : G. MASSON. 


Paris. — Typographie Gaston Née 1, rue Cassette. — 5732. 


293 


SÉANCE DU 9 AVRIL 1892 


M. le Dr Garezoswxt : De la contracture partielle hystérique du muscle accommo- 
dateur déterminant l'astigmatisme. — M. AzBert Rogin : Les propriétés antisep- 
tiques de l’antipyrine. — M. H. Trisouzer : Production expérimentale de mouve- 
ments choréiformes chez lé chien. — M. E. Gzey : Dédoublement du salol dans 
l'intestin des chiens privés de pancréas. — M. E. GLey : Action du bromure de 
potassium sur les chiens thyroïdectomisés. — M. N. Grénaxt : Manomètre métal- 
lique servant à la mesure de la pression. — MM. GiLLes DE LA TourETTE et CATHE-— 
LINEAU : La nutrition dans l’hystérie. — M. E. Hépon : Greffe sous-cutanée du pan- 
créas. — MM. Hépox et J. Vizee : Sur la digestion des graisses après fistule biliaire 
et extirpation du pancréas. — MM. Cn. AcxarD et Juces RenauLr : Sur les bacilles 
de l'infection urinaire. — M. A. Rarier : Recherches sur la transmissibilité de la 
gale du Chat et du Lapin due au sarcoptes minor Furst. — M. Azouray : Procédé 
pour rendre le pouls capillaire sous-unguéal plus visible. — M. Louis BLANC : Sur 
une anomalie nouvelle de l’amnios. —M. A.-H. Przuier : Sur la constitution homo- 
gène de la fibrille des fibres musculaires striées. — M. le Dr LauLanié : Faits pou- 
vant servir à l'étude de la régulation de la température (Mémoire). 


Présidence de M. Chauveau. 


CORRESPONDANCE IMPRIMÉE. 


M. le Ministre de l'instruction publique adresse à la Société un exem- 
plaire du 3° volume du Zictionnaire de botanique de M. le professeur 
BAILLON. 


DE LA CONTRACTURE PARTIELLE HYSTÉRIQUE 
DU MUSCLE ACCOMMODATEUR DÉTERMINANT L'ASTIGNATISME, 


par M. le D' GALEzOSwKI. 


Messieurs, dans une des précédentes séances de votre Société, j'ai eu 
l'honneur de vous communiquer mes recherches sur la diplopie monocu- 
laire et sur la myopie spasmodique du muscle accommodateur. Aujour- 
d’hui je vous apporte une observation bien plus curieuse, c'est celle d’une 
contracture partielle et permanente des fibres musculaires du muscle 
accommodateur, et à la suite duquel il s’est produit dans l'œil un astig- 
matisme spasmodique. Ce phénomène a eu lieu chez une jeune femme 
hystérique atteinte depuis plus de six ans d’hémi-anesthésie de toute la 
moitié droite du corps, avec hémiopie homonyme de la moilié gauche 
des deux yeux. On constate chez elle une série d’autres phénomènes 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9° SÉR'E, T, IV. 14 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


SCHEMA DU CHAMP VISUEL 


ŒIL GAÜCHE \ * ŒIL DROIT 


É 90 
ÿ D — 105 En eS 


Limites de jaune et du ban: 


à Limites du bleu... 
va Limites du ronge a 
Limiles du vert 


Fig. 1. — Spasme d’accommodation hystérique avec hémianopsie. 
(Mie H..., 7 décembre 1890.) 


SCHEMA DU CHAMP VISUEL 


ŒIL GAUCHE 


Limites du Jaune et du Dane. 
Limites du bleu... D 
À Limites du ronge ne 
Limites duel 


Fi. 2. — Spasme d’accommodation hystérique avec hémianopsie 
et astigmatisme. (Mie H..., 29 mars 1892.) 


SÉANCE DU 9 AVRIL ; 295 


d'hystérie et pour lesquels elle reçoit depuis deux ans les soins de M. le 
professeur Charcot. 


. Mie H..., âgée de quinze ans, vint me consulter pour sa vue, pour la première 
fois le 7 décembre 1890, et j'ai constaté chez elle à cette époque une hémia- 
nopsie supéro-externe à l'œil gauche et supéro-interne à l'œil droit, plus pro- 
noncée dans ce dernier œil que dans le premier, comme on peut én juger par 
les deux figures n° 1 du schéma du champ visuel. L’acuité visuelle centrale 
des deux rétines était normale, mais la malade présentait tous les symptômes 
d'astigmatisme aux deux yeux. Les verres cylindriques qui lui étaient prescrits 
par un confrère, lui avaient corrigé complètement la vue, mais au bout d’un 
an, ces verres ne lui allaient plus. Ces lunettes portaient n° + 3,50 dioptries. 
J'ai trouvé que la malade n’avait d’astigmatisme que de n° + 3 dioptries au 
moment de la visite chez moi en décembre 1890 et je lui ai prescrit ces verres 
qui lui corrigeaient complètement la vue. Elle conserva ces verres jusqu’au 
29 mars dernier, par conséquent pendant un an et demi. En mars 1892, j'ai 
trouvé que le champ visuel de l'œil gauche est redevenu normal, à l'œil droit 
il s'est changé sensiblement, comme le montre la figure n° 2, mais en conser- 
vant un certain degré d'hémiopie. Sa santé s’est améliorée d’une manière très 
notable. En ce qui concerne son astigmatisme, il s’est modifié d'une manière 
très marquée, surtout dans l’œil gauche où l’hémiopie a disparu. La malade 
n'a plus besoin aujourd’hui que d’un verre cylindrique-connexe n° + 3,75 à 
droite et d’un verre n° 2 dioptries à gauche, 


L’astigmatisme a été considéré jusqu’à présent que comme un défaut 

de conformation de la cornée ou ‘du cristallin, congénital ou consécutif 
aux opérations pratiquées sur les yeux (cataractes ou iridectomies), tandis 
que le fait dont je vous rapporte aujourd'hui les détails prouve d’une 
manière indubitable que, sous l'influence d’innervation chez les hysté- 
riques il se développe quelquefois un astigmatisme qui peut persister un 
an, deux ans au même degré, puis au fur et à mesure que la santé générale 
s'améliore et que les phénomènes généraux d’hystérie s’amendent, nous 
voyons l’astigmatisme diminuer de degré et d'intensité. 
_ Je ne puis expliquer cette modification lente et progressive de la 
réfraction, dans un seul diamètre de l'œil, autrement que par une contrac- 
ture partielle de quelques fibres isolées du muscle accommodateur,let d’une 
altération des noyaux isolés et originaires du muscle accommodateur. 


LES PROPRIÉTÉS ANTISEPTIQUES DE L'ANTIPYRINE, 
par M. ALBERT RoBin. 
Dans un Mémoire lu le 26 mars 1892, à la Société de Biologie, M. le 


D' Vianna déclare que, jusqu’à présent, personne n’a employé l’antipy- 
rine comme antiseptique. Il est probable que M. le D' Vianna n’a pas eu 


296 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


connaissance de mes recherches sur l’antipyrine, communiquées à l’Aca- 
démie de médecine en 1887 (1). Je me permettrai done de les lui rappeler 
en quelques mots. 

« On sait que les matières albuminoïdes subissent, dans l'intestin, sous 
l'influence du suc pancréatique et probablement aussi de ferments animés, 
une décomposition qui a toutes les allures d’une putréfaction et qui 
donne naissance à plusieurs combinaisons aromatiques (phénol, indol, 
skatol, etc.), qui résorbées dans l'intestin, passent dans la circulation 
générale où elles se combinent, entre autres, avec de l’acide sulfurique, 
pour s’éliminer sous forme de sels sulfo-conjugués. Telle est l'origine 
d’une partie de l’acide sulfurique conjugué et du phénoi que l’on trouve 
normalement dans l'urine. 

Jadis, j'avais proposé le dosage du phénol urinaire comme un moyen 
de mesurer les putréfactions intra-organiques, et tout en faisant ces 
recherches, j'avais constaté que l’acide sulfurique conjugué, de même 
que le phénol, subissaient une assez grande augmentation dans un cer- 
tain nombre de maladies infectieuses, dans la fièvre typhoïde, par exem- 
ple, et d’un autre côté, que les agents antiseptiques diminuaient égale- 
ment la proportion de ces deux principes. 

Pendant l’action de l’antipyrine, l'acide sulfurique conjugué diminue de 
32 p. 100, ce qui implique une action antiputride digne d’être signalée. 

L’antipyrine possède done, comme propriété particulière et accessoire, 
un pouvoir antiseptique assez marqué, même à dose faible, et qui semble 
se manifester aussi bien dans l’organisme — et sans dommage pour lui, 
— que dans les expériences de laboratoire. 

L'action antiseptique de l’antipyrine trouvera, sans nul doute, de nom- 
breuses applications, puisqu'elle se manifeste à doses faibles et partout 
peu nocives. Il est probable que les effets avantageux qui ont été obtenus 
aux périodes avancées de la phtisie pulmonaire, reconnaissent comme 
origine la double action du médicament sur les échanges et les fermen- 
tations. » 

Tel ” l'extrait de mon Mémoire de 1887, qui vise les propriétés rm. 
septiques de l’antipyrine. Celles-ci étaient donc chimiquement démon- 
trées bien avant les recherches, d’ailleurs jo intéressantes et pleines: 
d'avenir, de M. le D' Vianna. 


(4) Albert Robin. L'antipyrine, son action sur la nutrition, Bulletin de l’'Aca- 
démie de médecine, 6 décembre 1887. 


SÉANCE DU 9 AVRIL 297 


PRODUCTION EXPÉRIMENTALE D'UNE MALADIE A MOUVEMENTS CHORÉIFORMES 
CHEZ LE CHIEN, 


par M. H. TRIBOULET (1). 


Ayant eu l'occasion d'étudier plusieurs chiens présentant l’ensemble 
symptomatique complexe qui a reçu le nom de chorée du chien, nous pùmes, 
dans un cas, isoler du sang d’un de ces animaux un coccus à gros grains 
isolés, ou réunis en amas, mais non en chaïinettes. 

Des cultures en bouillon de ce microbe furent inoculées successivement 
à la dose de 2 centimètres cubes de bouillon en injection sous-cutanée : 

a) À un deuxième chien choréique ; 

b) Puis à un jeune chien épagneul sain; | 

c) Puis enfin à un chien terrier vigoureux, adulte, indemne de tout mou- 
vement anormal. 

Dans le premier cas, la mort survint en seize jours, l’animal descendit 
en poids de 16 kilogrammes à 42 kilogrammes, sans qu'il y eut d’ailleurs 
modification du mouvement choréiforme antérieur. 

Dans le second cas, la mort survint en vingt el un jours, avec amai- 
grissement considérable (de 8 kilogrammes à 5 kilogrammes), avec atro- 
phie musculaire et avec escarres disséminées aux membres postérieurs. 

Le troisième cas fut plus intéressant. L'animal, ayant recu Le 6 décembre 
2 centimètres cubes du même bouillon, parut, d’abord, n’en ressentir au- 
cun effet. Son poids, 40 kil. 4100, se maintint le même jusqu’en février. 
Ce fut en mars que l’amaigrissement fit des progrès rapides. On peut voir 
aujourd’hui, c’est-à-dire exactement quatre mois après l'injection, un 
amaigrissement total qui va de 10 kil. 400 à 6 kilogrammes, et surtout 
une atrophie musculaire généralisée avec prédominance sur le segment 
supérieur des membres antérieurs et postérieurs, sur les muscles du rachis 
et du cou, et même du crâne et de Ia face. En même temps, et c’est là 
tout l'intérêt de l'expérience, depuis huit jours environ, outre un certain 
degré de paraplégie, sont survenus des phénomènes de secousses ryth- 
miques des membres, avec prédominance vers les membres postérieurs, 
secousses qui, au cou, réalisent bien, par intermittences, le tic de saluta- 
tion tel qu'on le rencontre dans l’affection dite chorée du chien. 

Les tracés sont analogues à ceux que nous ont donnés maintes fois les 
secousses choréiformes de l’affection évoluant spontanément. Comme ces 
dernières, les secousses de notre animal en expérience persistent dans le 
sommeil. IL nous sera permis de faire remarquer que c’est, à notre con- 
naissance, la première fois qu’on détermine une affection choréiforme 
expérimentale, par injection microbienne. 


(1) Travail du laboratoire de physiologie de la Faculté de médecine. 


298 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Sans doute, l'animal est dans un degré de cachexie profonde ; mais il 
présente ces mouvements depuis huit jours déjà, sa température varie entre 
37°,5 et 39 degrés; il peut vivre plusieurs jours encore, et on est, 
semble-t-il, autorisé à parler d’une affection à mouvements choréiformes 
réellement de nature expérimentale. 

Nous nous réservons d’ailleurs de revenir prochainement, etsur ce cas 
spécial, et sur diverses particularités que nous avons pu relever dans l’é- 
tude de plusieurs chiens dits choréiques, ainsi que sur l’anatomie patho- 
logique, car nous avons pu constater des lésions de la moelle dans les 
autopsies précédentes. 


DÉDOUBLEMENT DU SALOL DANS L’INTESTIN DES CHIENS PRIVÉS DE PANCRÉAS, 


par M. E. Gzey. 


On sait que le salol est une combinaison de l’acide salicylique et du 
phénol, dont la préparation est due à Nencki (1883) et qui a été introduit 
dans la thérapeutique par Sahli (Correspondenz-Blatt f. Schweizer Ærite, 
15 juin et 1° juillet 1886). 

Comme ce corps n’est pas attaqué dans l'estomac, mais qu’il se dédouble 
rapidement dans l'intestin sous l'influence du suc pancréatique (Nencki) 
et qu'il est très facile alors de caractériser dans les urines l’acide sali- 
cylique qui résulte de cette décomposition, on a proposé de l’employer 
pour apprécier l’activité motrice de l'estomac (Ewald, Soc. de méd. de 
Berlin, 15 juin 1887 — diagnostic de la dilatation d’après le moment de 
l'apparition de l’acide salicylique dans l'urine), et, d'autre part, pour 
constater l’état de la fonction pancréatique (Lépine, Lyon médical, 
11 juillet 1886, p. 362 et Semaine médicale, 22 juin 1887, p. 253). À ce 
dernier point de vue, les médecins auraient ainsi entre les mains un 
moyen de diagnostic d'autant plus utile que les procédés d'investigation 
ne sont pas très nombreux pour le pancréas (1). 


(1) À la vérité, ce moyen ne paraît pas avoir été utilisé beaucoup jusqu'à 
présent. M. Lépine (loc. cit.) a vu pourtant que le salol n’est pour ainsi dire pas 
décomposé chez certains typhiques; et il attribue ce fait à l'insuffisance con- 
nue de la sécrétion pancréatique chez ces malades; il dit aussi que, chez des 
sujets sur lesquels le salol s'était montré très peu actif, il a pu constater à 
l’autopsie l’atrophie ou la dégénérescence graisseuse du pancréas. On trouve 
encore quelques renseignements à cet égard dans la Thèse de H. Lombard (Paris, 
1887), qui a eu à sa disposition des documents fournis par M. Lépine. Lom- 
bard reconnaît néanmoins que le salol est légèrement soluble dans tous les 
liquides organiques à réaction alcaline, parmi lesquels il nomme la bile 
(p. 51-52); ce qui ne l'empêche pas d'affirmer que « la partie de salol qui 
devient active est proportionnelle à la quantité de suc pancréatique en pré- 
sence duquel il se trouve ». 


AE: | 


SÉANCE DU 9 AVRIL 299 


On peut se demander cependant si le dédoublement du salol n’a réel- 
lement lieu que sous l'influence du suc pancréatique et s’il ne se produi- 
rait pas non plus par l’action des ferments que sécrète l'épithélium intes- 
tinal. La question se pose d'autant plus que Kobert a déjà constaté que 
le naphtalol, combinaison de l'acide salicylique avec le naphtolB, est 
décomposé par les ferments que sécrète la muqueuse de l'intestin grêle 
ou celle du cæcum (Therapeutische Monatshefte, 1887, n° 5, p. 164). 

J'ai eu l'idée de rechercher ce que devient le salol chez des chiens sur 
lesquels le pancréas a été détruit, par le procédé que j'ai décrit (Soc. de 
Biol., 11 avril 1891, p. 225), ou extirpé. J’ai donc fait incidemment cette 
recherche sur deux animaux qui avaient subi cette opération. Chez ces 
deux animaux, j'ai constaté la présence de l’acide salicylique dans les 
urines ; la réaction se produisait aussi vite, aussi énergiquement et à peu 
près aussi longtemps que dans les urines de chiens témoins. 

Le premier chien, pesant 42 kil. 800, reçoit à trois heures après midi, 
cinq heures après son repas, 2 grammes de salol dans un cachet; 1l mange 
ensuite quelques morceaux de viande. Les urines des deux jours suivants 
présentent une très intense coloration violette par une goutte de perchlo- 
rure de fer (5 centimètres cubes d’urines ayant été additionnés d’une 
goutte d'acide sulfurique pur sont agités avec 4 centimètres cubes d’éther 
dans une éprouvette; on décante l'éther, on laisse évaporer; puis on 
reprend le résidu par quelques gouttes d’eau distillée; c’est ce liquide 
qu’on traite par une goutte de perchlorure de fer); celles du troisième 
jour offrent encore la réaction, mais plus faible. — A l’autopsie de ce 
‘chien, on n'a trouvé qu’un petit morceau de pancréas, du poids de 0 gr. 50; 
les conduits pancréatiques élaient absolument imperméables. 

Le second animal, une chienne de 11 kil. 400, prend après son repas 
1 gr. 50 de salol enrobé dans un gros morceau de viande et mange ensuite 
quelques petits morceaux. 


re miction : 10 minutes après : rien; 
2e — 3 h. 10 — : rien; 
3° — 4 h.5 — : très belle coloration violette. 


Les urines recueillies le lendemain matin et le surlendemain matin don- 
nent la réaction qui est cependant moins marquée dans les dernières; 
celles du surlendemain (deuxième miction à deux heures) ne contiennent 
plus d’acide salicylique. — À l’autopsie, on n’a trouvé aucun vestige du 
pancréas. 

Un chien témoin, du poids de 6 kil. 200, absorbe, une heure vingt mi- 
nutes après son repas, À gramme de salol enrobé dans un morceau de 
viande: les urines des deux jours suivants présentent la réaction intense 
de l'acide salicylique; celles du troisième jour offrent peut-être encore la 
réaclion, mais extrêmement faible, si bien que le fait doit être tenu pour 
douteux. 


APT OR 


300 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


J'ai fait la même expérience sur un chien qui avait subi l’extirpation 
de la rate. Deux mois après l'opération, on lui donne (poids de l’animal 
— 8 kil. 200), deux heures après son repas, 1 gramme de salol dans un 
cachet. Les urines des quatre jours suivants offrent la réaction de l'acide 
salicylique; cependant, dans celles des troisième et quatrième jours, la 
réaction est moins marquée. 

Un chien témoin, du poids de 14 kil. 300, reçoit deux heures et demie 
après son repas, ? grammes de salol dans un cachet. Les urines, recueil- 
lies cinj heures après, donnent une très belle coloration violette par le 
perchlorure de fer; il en est de même avec celles des trois jours qui sui- 
vent. — Sur ce chien, j'ai constaté un fait qu'il n’est sans doute pas sans 
intérêt de signaler ici, c’est le non-dédoublement du salol chez l'animal 
à jeun. On fit un jour prendre en effet un cachet de 41 gr. 50 de salol à ce 
chien qui n'eut, d'autre part, son repas que quatre heures après; des 
urines recueillies à la cinquième heure ne donnèrent pas la réaction de 
l'acide salicylique ; les urines du lendemain ne la présentèrent pas non 
plus. 


ACTION DU BROMURE DE POTASSIUM SUR LES CHIENS THYROIDECTOMISÉS, 


par M. E. Gzey. 


Dans un mémoire publié récemment daus les Archives de physiologie 


(avril 4892, p. 311), intitulé : Recherches sur la fonction de la glande thy- 
roide (1), j'ai montré qu’un cerlain nombre de substances peuvent suppri- 
mer passagèrement les convulsions que l’on observe chez le chien après 
la thyroïdectomie ; les substances dont je me suis servi à cet effet sont le 
chloral, l'antipyrine et le bromure de potassium ; mais je n'ai pu, faute 
de place, rapporter les détails de mes observations. Cependant ces détails 
ne sont peut-être pas sans intérêt, surtout en ce qui concerne l’action du 
bromure de potassium. 

Voici comment ces expériences ont été réalisées : 

Soit un chien de 10 kilogrammes ; pendant lrois jours on lui fait 
prendre 4 grammes de bromure par jour et, pendant les quatre jours 
suivants, 5 grammes; puis on enlève le corps thyroïde ; le bromure est 
encore administré pendant trois jours à la dose de 4 grammes; le dixième 
jour après l'opération, l'animal présente quelques secousses dans les 


(1) Ce travail faisait partie d'un mémoire présenté à l'Académie des sciences 
au mois de juin de l’année dernière. Une mention sommaire des expériences 
concernant l’action du bromure de potassium se trouve dans le rapport sur 
mon mémoire, fait par M. Brown-Séquard (Comptes rendus Acad. des sc., 
21 décembre 1891, p. 63). 


L. 


RE LC RP er TA 


SÉANCE DU 9 AVRIL 301 


muscles temporaux et.un léger degré de paralysie des extenseurs de la 
patte antérieure gauche; ce même jour on lui redonne 4 grammes de 
bromure ; les deux jours suivants, quelques légers accidents convulsifs ; 
le douzième jour il prend encore 4 grammes de bromure ; il va beau- 
coup mieux le lendemain ; il n’a plus de secousses, mais seulement la 
marche un peu hésitante ; le treizième jour, tandis qu'on lui fait ingérer 
par la sonde œsophagienne 4 grammes de bromure dans 60 centimètres 
cubes d’eau, il a un vomissement : il s'ensuit des troubles respiratoires 
par introduction dans le larynx de substances étrangères, une asphyxie 
rapide et la mort. 

Je résumerai encore une autre observation qui concerne un chien de 
8 kil. 300; ce chien recut pendant quatre jours 3 grammes de bromure ; 
on l’opère le quatrième jour; les quatre jours suivants, on lui donne 
encore 3 grammes de bromure ; vingt-six jours après il est moins vif et 
marche assez difficilement, en tremblant un peu surses jambes; tempéra- 
ture rectale, 36,6 ; les jours suivants il est de plus en plus abattu, il vomit 
souvent et quatre jours après on le trouve mort le matin. 

Ces deux observations, que je prends comme types, montrent bien, ce 
me semble, l’atténuation des accidents qui est résultée de l'administration 
préventive du bromure ; l’un de ces chiens en avait recu 48 grammes et 
l’autre 25 grammes. Sur le premier on voit bien encore l'effet du bro- 
mure, même quand les accidents sont déclarés. 

À la vérité, je n’ai pu, par ce traitement, sauver la vie des animaux qui 
y avaient été soumis; mais j'ai obtenu ce que je cherchais plus spéciale- 
ment, à savoir l’atténuation des accidents et la suppression momentanée 
des convulsions. Or, comme celles-ci constituent les plus graves des 
troubles consécutifs à la thyroïdectomie, et comme il semble bien qu'on 
doive voir là, dans la plupart des cas, la cause immédiate de la mort rapide, 
on peut se demander si, par l’administration continue du bromure, on 
n’arriverait pas à soustraire complètement les animaux opérés à ce dan- 
ger, el par suite à prolonger assez longtemps leur existence. Je m'étais 
proposé de poursuivre plus tard mes expériences dans cette voie. Je suis 
heureux de constater que ces recherches paraissent avoir été réalisées. 
Dans un eourt article de la Deutsche med. Wochenschrift (3 mars 1892, 
p.184), R. Canizzaro rapporte, en effet, sommairement les résultats d’ex- 
périences qu'il a faites à l’Institut pathologique de Catane sur la fonction 
de la glande thyroïde; il dit avoir réussi à maintenir longtemps en vie un 
grand nombre de chiens thyroïdectomisés (52) en leur donnant de fortes 
doses de bromure de potassium (2à 10 grammes par jour); le détail de ces 
expériences n’est pas présenté, mais le fait semble bien établi (1). 


(1) Canizzaro a aussi sauvé des chiens par des injections sous-cutanées d’une 
solution « préparée d'une facon spéciale » de glande thyroïde; il pratiquait 
plusieurs injections presque tous les jours (voy. E. Gley, Soc. de Biol., 18 avril 


302 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


On peut admettre que le bromure agit en ce cas.simplement en dimi- 
nuant l'irritabilité des centres nerveux ; outre les raisons générales qu'il 
y a de le penser, on doit en voir encore une preuve dans ce fait que l’an- 
tipyrine produit un semblable effet, comme je l'ai dit (loc. cit.), sur les 
chiens thyroïdectomisés. IL n’est done pas nécessaire de supposer, comme 
le fait Canizzaro, que le bromure de potassium a sur les cellules ganglion- 


naires une action qui ressemble à celle qu’exerce le principe actif de la 
glande thyroïde. | 


MANOMÈTRE MÉTALLIQUE SERVANT A LA MESURE DE LA PRESSION 
DU SANG (1), 


par M. N. GRÉHANT. 


J'ai fait construire par M. Noé un manomètre métallique basé sur le 
principe du baromètre anéroïde qui est analogue à celui qui a élé imaginé 
par M. le professeur Marey (2). Cet appareil, très simple et peu fragile, se 
compose d'une plaque métallique solide sur laquelle on a soudé une boîte 
circulaire ayant un décimètre de diamètre, qui est fermée par une mem- 
brane métallique cannelée identique à celle qui est employée dans le 
baromètre anéroïde; à l’aide de deux tubes métalliques, on remplit la 
cavité de la boîte d’une solution de bicarbonate de soude; l’un de ces 
tubes est fermé par une baguette de verre plein, l’autre est uni par un 
tube de verre muni d’un robinet à l’ajutage fixé dans l’artère. Les mouve- 
ments de la membrane métallique sont transmis par un mécanisme tout 
semblable à celui des tambours à levier que MM. les professeurs Ghauveau 
et Marey ont employé dans leurs recherches cardiographiques à un long 
levier en aluminium ayant 33 ou 40 centimètres de longueur ; l'extrémité 
de ce levier qui est suffisamment rigide, se termine par une partie recourbée 
servant de style qui dessine un tracé sur un cylindre tournant de M. Marey. 
Voici le dessin du tracé de la pression sanguine dans l'artère carotide d'un 


1891 et Arch. de Physiol., 1% avril 14892). Il aurait obtenu enfin le même suc- 
cès en recourant à des injections « de solution concentrée de sang » de chiens, 
d’une part, ou, d'autre part, à des injections « de solution concentrée de 
substance grise cérébrale » de chiens; les injections faites avec une solution 
provenant de substance grise de chiens privés de corps thyroïde depuis 
quelques jours et présentant les convulsions caractéristiques, n'avaient point 
d'action. Ces faits demanderaient évidemment confirmation. Canizzaro en à 
conclu que le produit sécrété par la glande thyroïde parait se trouver aussi 
dans le sang et dans la substance grise du cerveau. 

(1) Travail du laboratoire de physiologie générale de M. le professeur 
Rouget, au Muséum. 

(2) Travaux du laboratoire de M. le professeur Marey (1876). 


RES PI Rte 


SÉANCE DU 9 AVRIL 303 


chien que j'ai fait calquer sur une feuille de gélatine pour pouvoir le 
montrer en projection. 

On remarque que les systoles qui se suivent n’ont pas la même hauteur, 
ce qui est bien connu; et on trouve de temps en temps deux systoles con- 
sécutives qui atteignent exactement la même hauteur. 

Il est évident que cet instrument, comme le manomètre de Fick qui est 
basé sur l'emploi du monomètre métallique de Bourdon, exige une gradua- 
tion par comparaison avec un manomètre ou avec un cardiomètre à 
mercure: les deux instruments sont réunis par un tube en forme de 
fourche avec une ampoule pleine d’air soumise à l’action d'une presse à. 
vis. | 

La comparaison m'a donné les résultats suivants : 


HAUTEUR DÉPLACEMENT ; 

de mercure. du style. Hu 

Millimètres.  Millimètres. 
45 14 3,2 
75 26 2,88 
105 31,0 2,8 
128 45,8 2,19 
175 64,9 2,11 


On voit que le rapport des hauteurs de mercure aux déplacements du 
style comptés sur des ordonnées perpendiculaires à la ligne des abscisses 
varie assez peu, et il reste le même lorsque le manomètre métallique 
indique des pressions voisines de celle du sang artériel, ce rapport étant 

‘alors égal à 2,8 ou à 2,79. 

En appliquant cette graduation, qu’il est nécessaire de répéter de temps 
en temps, à la mesure de la pression carotidienne, j'ai trouvé, pour quatre 
systoles consécutives du cœur, les nombres 117%%,2, 129"%,3, 1417%,4, 
15072,6; 150 millimètres représentent donc le maximum de pression. 

J'espère que le manomètre métallique que je viens de décrire, qui peut 
se placer horizontalement ou verticalement sur un support de M. Marey, 
pourra rendre des services aux physiologistes. 


LA NUTRITION DANS L'HYSTÉRIE, 
par MM. GiLzLes DE LA ToURETTE et CATHELINEAU. 


Dans une communication faite le 26 mars à la Société de Biologie, 
M. Ch. Féré (1), s'appuyant sur deux faits que nous aurons à analyser, 


(1) Note sur l'inversion de la formule des phosphates éliminés par l'urine 
dans l’apathie épileptique et le petit mal. Comptes rendus hebdomadaires de la 
Société de Biologie, 1% avril 1892, p. 260. 


304 . SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


cherche à démontrer que la formule des phosphates, jointe dans nos très 
nombreuses observations à l’abaissement du résidu fixe, de l’urée et des 
phosphates eux-mêmes, ne serait pas, comme nous l'avons établi (1), un 
caractère propre de l'attaque d’hystérie. 

Et il conclut, en s’appuyant sur ses deux cas : « Ces faits montrent que 
si l’inversion des phosphates constitue un symptôme intéressant, elle 
n’est pas propre à certaines manifestations hystériques et elle n’est pas 
exclusive de l’épilepsie, dans toutes les formes de laquelle on peut la 
rencontrer. » 

Si on peut la rencontrer dans toutes les formes de l’épilepsie, comment 
se fait-il que M. Féré écrive (p. 261) : « Les analyses qui ont été faites 
dans le service à la suite de grandes attaques convulsives d’épilepsie, ne 
nous autorisent pas à dire que l’inversion des phosphates soit fréquente 
dans les périodes convulsives; elle n’a jamais été trouvée, bien qu'elle ait 
été cherchée à différentes reprises ? » 

Voilà une contradiction bien singulière. 

Mais examinons les deux cas d’épilepsie dans lesquels M. Féré aurait 
rencontré l’inversion de la formule. 


1% cas. — Homme de quarante-six ans, dont le poids n’est pas indiqué; 
une seule analyse d'état normal dans laquelle le résidu fixe et l’urée sont 
passés sous silence; les phosphates sont notés et le rapport des terreux 
aux alcalins est 4 : 3, ce qui est normal. 

Le malade tombe dans ce que M. Féré appelle l’apathie épileptique ; il 
prend 4 grammes de bromure par jour et il reste au lit en «se laissant 
alimenter », conditions bien défavorables pour juger de sa nutrition. 

Quatre analyses dans cet état, dont deux à éliminer, car elles ne com- 
prennent pas la période de vingt-quatre heures. 

Donc deux à retenir : dans la première, en n'envisageant que les phos- 
phates seuls, comparables avec ce qui existait à l’état normal où les 
autres éléments n’ont pas été analysés, nous trouvons que le poids de 
l'acide phosphorique total est le méme qu’à l’état sain; il y a inversion de 
la formule sans diminution du taux des phosphates. 

Deuxième analyse : acide phosphorique total diminué; inversion de la 
formule. 

2e cas. — Homme de vingt ans étudié pendant deux périodes de ver- 
tiges et d'éblouissements. 

Pas de poids indiqué ; pas d'analyses de l’état normal. 

Cinq analyses de l’état pathologique, dont deux à éliminer, car elles ne 
comprennent pas la période de vingt-quatre heures. 

Première analyse, 4-5 mars. — L'urée n’est pas notée; pas d'inversion 
de la formule des phosphates, qu'on ne peut comparer à l’état normal. 


(1) La nutrition dans l'hystérie, in-8 de 116 pages, Progrès médical, 1890. 


SÉANCE DU 9 AVRIL 305 


Deuxième analyse ; 5-6 mars. — L’urée n'est pas notée; inversion de la 
formule. 

Troisième analyse. — L'urée n'est pas notée : pas d'inversion. 

En résumé dans deux cas, un d’apathie épileptique, un de vertiges et 
d'éblouissements, M. Féré, donnant cinq analyses, a vu {rois fois l’inver- 
sion de la formule des phosphates; deux fois, cette formule restant nor- 
male. De plus, dans les deux analyses où il est donné de comparer l'acide 
phosphorique à l'état normal et à l’état pathologique, on note une fois 
l'égalité, une fois la diminution. 

Et c'est en s'appuyant sur des observations aussi restreintes et aussi 
contradictoires que M. Féré arrive aux conclusions signalées plus haut, à 
savoir que l’inversion de la formule des phosphates ne serait pas un élé- 
ment important dans le diagnostic différentiel entre l'accès d'épilepsie et 
de l'attaque d’hystérie. 

Il eut été à souhaiter, en outre, que ces analyses fussent plus complètes, 
car si l’inversion de la formule des phosphates constitue, comme nous le 
disions, un élément important de la formule chimique du paroxysme 
hystérique, elle ne la constilue pas en entier. 

Nous avons écrit, en effet (p. 31) : « Si maintenant nous cherchons à 
résumer l’ensemble des résultats que nous avons obtenus, nous dirons : 
L'attaque d’hvstérie convulsive comprenant une période d’analyse des 
urines des vingt-quatre heures, à dater de son début, se caractérise par 
un ralentissement général de la nutrition qui est nettement sous sa 
dépendance. Le résidu fixe, l’urée, les phosphates sont diminués dans 
la proportion d’un tiers environ par rapport à l’état normal. Le rapport 
de l’acide phosphorique terreux à l'acide phosphorique alcalin (les deux 
formant l'acide phosphorique total), qui à l’état normal est en chiffres 
ronds comme 1 est à 3, tend à devenir comme © est à 3, sinon plus.» 

Voilà l’ensemble pathognomonique de l'attaque d’hystérie, et à s’en 
tenir aux seuls phosphates, il y a deux éléments à considérer : La diminu- 
lion par rapport à l'état normal et l’inversion de la formule. 


M. Féré semble vouloir s'appuyer sur l'autorité de MM. Voisin et 
Harant (1), qui, dans l’hypnotisme, n'auraient pas constaté la formule chi- 
mique que nous avons trouvée et que nous avons démontrée être ana- 
logue à celle de l’hystérie (2). 

Nous renvoyons M. Féré à la réponse que nous avons faite à MM. Voi- 
sin et Harant, en rappelant que ces auteurs ont expérimenté sur des 
sujets à la fois hystériques et aliénés, ce qui change singulièrement les 
conditions de l'expérience; que leurs analyses sont insuffisantes, contra- 


(1) Communication au Congrès de médecine mentale, séance du 6 août; 
Rouen, 1890. 
(2) La nutrition dans l’hypnotisme, Progrès médical, 1890, p, 496. 


306 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


dictoires et qu'on trouve parfaitement dans certaines d’entre elles l’inver- 
sion de la formule des phosphates. 
M. Féré s'appuie aussi sur les récentes recherches de M. Voulgres (1). 


Comme nous apprécions beaucoup le travaïl de cet auteur, qui a fait un 


grand nombre d'analyses, nous nous contenterons de citer le passage 
* suivant qui lui est emprunté (p. 53), et dans lequel nous croyons que 
M. Féré ne trouvera guère la confirmation de son opinion. 

« Toutefois, il est bon de remarquer que, généralement, les phosphates 
alcalins sont éliminés en plus grande abondance et que l'inversion est 


l'exception dans l’épilepsie, tandis qu’elle était la règle dans la crise d'hys- 


térie. » 

La voilà, l’opinion de M. Voulgres qui s'appuie sur un grand nombre de 
faits ; c’est la nôtre, et nous ajouterons: qu’en plus, il faut tenir compte de 
l'augmentation du taux des phosphates dans l’épilepsie et de son abaisse- 
ment dans l’hystérie, caractère de grande importance. 

Nous pourrions ajouter que notre opinion a reçu l’appui de M. Br. 
set (2), de M. Chantemesse (3); que nous tenons de M. Joulin quil a 
répété toutes nos expériences dans le service de M. Joffroy, et qu'il est 
arrivé à des conclusions identiques aux nôtres ; que dans un cas qu'il nous 
a communiqué et où l'analyse fut faite par M. Villejean, M. Frémont a 
pu s'appuyer sur nos recherches pour faire le diagnostic, très difficile 
dans l’espèce entre l’épilepsie et l'hystérie. 

Mais, nous le répétons, pour juger en toute connaissance de cause, il 
ne faut pas s’en tenir à la seule inversion de la formule des phosphates 
et à leur diminution. Il faut : 1° établir une moyenne sur plusieurs jours 
d'état normal, qui servira de base de comparaison; 2° faire l'analyse 
comparative du résidu fixe, de l’urée, des phosphates. 

Dans ces conditions on verra, comme l'ont démontré MM. Lépine et 
Mairet, que l'accès d'épilepsie — et nous ajouterons d’épilepsie partielle 
vraie — se juge per l’augmentation de l'azote et de l’acide phosphorique, 
et, comme nous l'avons établi pour la première fois dans le service de 
notre maître, M. Charcot, que l’attaque d’hystérie se juge par l’abaisse- 
ment du résidu fixe, de l’urée, des chlorures, des phosphates avec inver- 
sion de la formule de ces derniers. 

Qu'on trouve cette inversion dans d’autres états, dans l’ataxie locomo- 
trice, dans le diabète phosphatique (Voulgres), affections dont le dia- 
gnostic différentiel avec l'épilepsie n’est pas à faire, peu nous importe ; 


(4) De l'élimination des phosphates dans les maladies du système nerveux 
et de l’inversion de leur formule de l’hystérie; Thése, Lyon, 1892. 

(2) Archives de neurologie, n°5 58 et 59 de 1890 et communication orale de 
M. Rauzier, chef de clinique du professeur Grasset. 

(3) Bulletins et mémoires de lu Société médicale des hôpitaux, 28 mai 1891, 
p. 258. 


SÉANCE DU 9 AVRIL 307 


n’existe-t-il pas aussi dans la pneumonie un abaissement des chlorures 
comme dans l’hystérie, et qui songe à en parler? 

Ce qui nous intéresse, c’est que dans les cas où le diagnostic différentiel 
s'impose avec l'hystérie, on devra s’en tenir à l'opinion de M. Voulgres, si 
on ne veut pas accepter la nôtre : l’inversion est la règle dans l'attaque 
d'hystérie, elle est l’exception dans l'accès d’épilepsie, ce qu'il fallait dé- 
montrer. Et nous ne parlons pas des autres caractères qui, avec l’inversion, 
constituent jusqu’à présent la formule pathognomonique du paroxysme 
hystérique. 

Nous maintenons donc énergiquement nos conclusions basées sur l’étude 
de plus de cent malades pour lesquels il a été fait un nombre très consi- 
dérable d'analyses. 

S'il fallait encore les corroborer par des faits nouveaux, nous dirions 
qu'avec l’aide de M. J.-B. Charcot fils, nous avons recueilli pour des re- 
cherches qui seront bientôt publiées, 40 litres d'urine d'individus saiñs, 
0 litres d'urine d'hystériques en dehors des attaques,40 litres d’urine com- 
prenant la période de vingt-quatre heures de l’attaque; que les échan- 
tillons prélevés et dans lesquels l’analyse de tous les éléments constitutifs 
a élé faite, nous ont montré une fois de plus que l'attaque d’hystérie se 


jugeait par la formule chimique que nous avons découverte pour la pre- 
mière fois à la Salpétrière (1). 


GREFFE SOUS-CUTANÉE DU PANCRÉAS, 


par M. E. HÉpon. 


Il y a un grand intérêt pour l’étude du pancréas comme glande vaseu- 
laire sanguine, à transplanter le pancréas hors de l’&bdomen, à établir 
par exemple une greffe sous-cutanée de la glande. Minkowski a annoncé 
récemment en ‘quelques mots qu’il a réussi à greffer le pancréas sous la 
peau du ventre et que, dans ces conditions, la glycosurie ne se produisit 
pas à la suite de l’extirpation totale du pancréas, mais qu’elle survint avec 
intensité lorsqu'on eul enlevé le fragment greffé. 

Je suis parvenu tout dernièrement à établir des greffes du pancréas 
sous la peau du ventre. Les animaux ainsi opérés n’ont pas encore subi 
l’extirpation du pancréas; les résultats de cette opération et de l’ablation 
du fragment greffé seront exposés prochainement. 


(1) Nous noterons que M, Lépine a le premier montré en 1879, les varia- 
tions du phosphore incomplètement oxydé par rapport à l’azote dans l’attaque 
d'hystérie, sans parler de ses recherches sur la formule chimique de l’accès 


d’épilepsie qui sont fondamentales et ont servi de base à toutes les investi- 
gations ultérieures. 


308 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Cette communication n’a pour but que de faire connaître la technique 
que j'ai adoptée pour réussir à coup sûr la greffe sous-vutanée du pan- 
créas. Chez le chien, la portion descendante du pancréas reçoit à son 
extrémité des vaisseaux volumineux. Si donc on sépare cette portion du 
reste de la glande par une ligature posée à l’union de cette portion avec la 
tête du pancréas, et si on la dépouille de son enveloppe péritonéale en 
respectant les vaisseaux qui l’abordent par son extrémité, le fragment de 
glande continue à être richement vascularisé. On attire alors le fragment 
hors de l’abdomen et on le fixe par quelques points de suture au catgut 
sous la peau du ventre préalablement décollée des plans fibreux sous- 
jacents, et de façon à ce que les vaisseaux qui pénètrent dans la glande 
sortent de la cavité péritonéale au niveau de l’angle inférieur de l’incision 
des parois de l’abdomen. Le fragment du pancréas est ainsi devenu com- 
plètement extra-péritonéal el n’a plus de rapport avec la cavité abdomi- 
nale que par les vaisseaux et les nerfs respectés et qui sortent par la 
plaie sous forme d’un mince faisceau. La seule précaution à prendre est 
que les vaisseaux ne soient pas comprimés par les plans fibreux de la 
paroi lorsqu'on ferme la plaie. Un petit débridement crucial suffit pour 
cela. Le morceau de pancréas devenu sous-cutané contracte des adhé- 
rences avec le tissu conjonctif circonvoisin; des vaisseaux de nouvelle 
formation le pénètrent et l’on peut alors lier au bout de peu de jours les 
vaisseaux abdominaux qu’on avait d'abord ménagés, sans compromettre 
la vitalité de la glande. 

Effectivement, chez un chien auquel on avait greffé le pancréas sous la 
peau du ventre par ce procédé, vingt jours après, le fragment greffé 
montrait à l'examen histologique une structure complètement normale. 


SUR LA DIGESTION DES GRAISSES 
APRÈS FISTULE BILIAIRE ET EXTIRPATION DU PANCRÉAS, 


par M. E. Hépon, 


agrégé de physiologie à la Faculté de médecine de Montpellier; 


AM Nm 


chargé du cours de chimie à la Faculté de médecine de Montpellier. 


L'étude de la digestion des graisses après l’extirpation du pancréas a 
été faite récemment par Abelmann; ses expériences indiquent quelle est 
la quantité de graisse qui échappe à la résorption, en l'absence du suc 
pancréatique et l’état sous lequel se présentent les graisses rejetées. Un 
travail semblable avait été fait pour la digestion de la graisse après 


SÉANCE DU 9 AVRIL 309 


la fistule biliaire (Rôühmann, Müller, Munk). M. Dastre a entrepris depuis 
peu une étude de cette dernière question. 

Nous nous sommes demandé ce que deviendrait la digestion, principa- 
lement la digestion des graisses, en l’absence totale de bile et de suc 
pancréatique. En étudiant les transformations des aliments dans ces 
conditions, nous espérons pouvoir nous rendre compte de l'importance 
relative des autres sucs digestifs et des microorganismes dans la diges- 
tion, en particulier dans la digestion des graisses. 

Nos recherches sont à peine commencées. La seule question que nous 
nous soyons posée jusqu'ici, concerne la digestion des graisses. En 
l’absence totale de bile et de suc pancréatique, y a-t-il encore absorption 
de graisses dans Le tube digestif et sous quel état se présentent les graisses 
rejetées dans les fèces? 

A un chien auquel nous avions pratiqué une fistule biliaire longtemps 
auparavant (avec résection du canal cholédoque), la tête du pancréas fut 
extirpée et la concavité du duodénum exactement dépouillée de tout 
grain glandulaire. Un morceau de la queue de la glande fut laissé 
en place. La sécrétion du suc pancréatique dans l’intestin fut dont com- 
plètement empêchée, et la glycosurie ne se produisit pas. L'animal 
supporta très bien l'opération et dès le lendemain se montra très affamé. 

Nous avons étudié la digestion de la graisse chez cet animal : 1° après 
fistule biliaire et avant l’extirpation du pancréas ; 2° après fistule biliaire 
et extirpation du pancréas combinées. 

Pendant ces deux périodes, on soumit l'animal à deux régimes alimen- 
laires différents : 1° régime lacté (soupe au lait); ® régime de viande et 
axonge. NP Fe 

Les matières fécales étaient épuisées par alcool et éther et l'extrait 
éthéré analysé au point de vue de sa teneur en savons solubles, acides 
gras libres et graisses neutres. On fit aussi la recherche des savons inso- 
lubles. 


I. — Avant l’extrpation du pancréas, l’animal, porteur d’une fistule 
biliaire, excrétait une notable quantité de graisses dans ses malières 
fécales qui présentaient l'aspect classique des fèces du chien à fistule 
biliaire. Le déchet de corps gras était représenté surtout par des acides 
gras libres et des savons et pour une faible quantité par des graisses 
neutres (résultat contraire à celui obtenu par M. Dastre, qui n’a trouvé 
que des graisses neutres dans les fèces d'un chien à fistule biliaire). Ainsi, 
pour 100 parties de graisse rejetée, il y avait : 


SOS RS RM nt nt ARR CAS OP) 
Acides gras libres, 
Graisses neutres. , . . : Te ; 


310 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


IT. — Après l’extirpation du pancréas, la digestion fut très troublée, 
beaucoup plus que chez les chiens qui n’avaient subi que l’extirpation du 
pancréas. Les aliments passaient très rapidement dans le tube digestif et 
ne subissaient que peu de modifications. 

Nous ne pouvons pas encore nous prononcer sur la valeur de la résorp- 
tion possible (1). Mais l’analyse qualitative des corps gras des matières 
fécales, correspondant à ingestion de graisse de porc, nous a donné un 
résultat qui nous paraît intéressant : Les fèces ne contenaient pas de 
savons, mais cependant encore une proportion considérable d’acides 
gras. Pour 100 parties de graisses rejetées, on avait : 


D AVONS els Da entree real 'e ie net OO Ne EN AO) 
AICITESROTAS IDE SE OT Te ee AU SON RE ES PR © 
Gras ses MeliPes er MR ORNE AS ERP 0) 


Or, l’animai n'avait ingéré que des graisses neutres. (L’axonge ne con- 
tenait que des traces d'acides gras.) 

Pour ce qui a trait aux fèces correspondant au régime lacté, l'analyse 
qualitative des corps gras rejetés a donné un résultat sensiblement ana- 
logue au précédent. Ainsi, après extirpation du pancréas plus fistule: 
biliaire, dans les graisses rejetées on ne trouva pas de savons, mais cepen- 
dant une assez grande quantité d'acides gras libres, à côté des graisses 
neutres. Toutefois, dans ce cas, il y avait beaucoup plus de graisses 


neutres et moins d'acides gras que dans le cas précédent. Ainsi pour 


100 parties de graisses des matières fécales, on trouva : 


SEVORE © old oolo to o-odo vie a do 0 ce 00 NU 
ACidessonasainnes NS 
Gras SES NEUTRE US NO DE 
On voit donc que malgré l’absence totale de bile et de suc pancréatique, 
dans le tube digestif, la graisse subit encore un dédoublement très 
important, puisque, si l’on ne rencontre plus de savons dans les fèces, on 
y trouve encore une quantité relativement considérable d'acides gras 
formés aux dépens des graisses neutres. 
Dans des expériences en cours d'exécution, nous recherchons quelle est 
la part du suc intestinal et des bactéries dans la production de ce dédou- 
blement des graisses. 


(1) Bien qu'il nous ait paru y avoir encore résorption de corps gras, nous ne 
donnerons cependant pas de chiffres. Nous attendrons d’avoir fait un plus grand 
nombre d'analyses, parce que la différence entre la quantité de graisses ingé- 
rées et les graisses excrétées est faible, et qu'il faut tenir compte des erreurs 
d'expériences. 


SÉANCE DU 9 AVRIL 311 


SUR LES BACILLES DE L'INFECTION URINAIRE, 


par MM. Cu. AcaRp et JULES RENAULT. 


Dans une communication précédente (1), nous avons démontré la pré- 
sence du Bacterium coli commune dans les lésions de l'infection urinaire 
chez l'homme, et nous avons établi expérimentalement, au moyen d’échan- 
tillons d’origine intestinale et urinaire, le rôle qui revient à ce microbe 
dans le développement de cette infection. Nous avons aussi fait voir que 
ce bacille présente avec ceux décrits sous le nom de Bacterium pyogenes 
une très grande ressemblance, sous le triple rapport des apparences 
morphologiques, des caractères de culture et des propriétés pathogènes. 
Enfin nous avons indiqué comme vraisemblable l'existence de types mul- 
tiples, actuellement compris sous la même dénominalion de Z. coli, et 
spécialement l'existence d’un type offrant le caractère inconstant de 
pousser largement sur la gélose detouraillon et de former des bulbes sur 
la pomme de terre. 

A l’occasion de cette note, MM. Bouchard et Charrin (2) ont signalé 
deux propriétés de ces bacilles urinaires : 1° la formation abondante de 
cristaux sur la gélose : nous l’avons observée également bien dans les 
échantillons de 2. coli d’origine intestinale ; — 2° le développement de 
gaz dans la gélose et la gélatine : ce caractère n'existe pas dans tous les 
cas et il dépend, pour une part, de la composition des milieux nutritifs. 

Depuis lors, nous avons eu connaissance de deux travaux importants, 
faits d'une façon tout à fait indépendante, sur cette question des bacilles 
de l'infection urinaire. M. Morelle (de Louvain) (3) a établi l'identité du 
B. pyogenes avec le bacille décrit par Escherich, en 1885, sous le nom de 
Bacillus lactis aerogenes ; il admet que ce microbe, tout en présentant de 
nombreux points de ressemblance avec le B. coli,en est séparé par de 
légères différences. Par contre, M. Krogius (de Helsingfors) (4) admet 
l'identité complète du B. pyogenes avec le B. coli; il reconnaît seulement 
deux variétés du bacille urinaire : la variété transparente, présentant les 
caracières typiques du 2. coli, et la variété opaque. Mais il ajoute avoir 
pu transformer la variélé opaque en variété transparente, en la faisant 
passer par le lait. | 

Nos recherches nous ont permis de confirmer l'exactitude des faits 
constatés par ces auteurs. Nous avons étudié comparativement un échan- 


(4) 12 déc. 1891, p. 830. 
(2) 19 déc. 1891, p. 851. 
(3) Étude bactériologique sur les cystites, La Cellule, 4891, t. VII. 

(4) Note sur le rôle du Bacterium coli commune dans l'infection urinaire, 


Arch. de méd. expérim., 1°" janv. 1892, p. 66. 


312 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


tillon de Z. lactis aerogenes, retiré des selles d’un nourrisson, et deux 
échantillons de bacilles retirés de l’arine septique : l’un, fourni obligeam- 
ment par MM. Hallé et Albarran; l’autre, provenant d'un malade atteint 
de cystite chronique et mis à notre disposition par M. Humbert qui a 
bien voulu nous autoriser à faire quelques recherches dans son service. 
Or, ces divers échantillons présentaient des caractères identiques. Parmi 
ces caractères, il en est qui leur sont communs avec les cullures typiques 
du 2. coli : la décoloration des milieux fuchsinés, la coagulation du lait, 
le dégagement de bulles gazeuses dans le bouillon lactosé. Mais il en est 
d’autres qui les distinguent du 2. coli : e’est une végétation plus intense 
sur la plupart des milieux, entre autres sur la gélose de touraillon qui 
fournit une cuiture large, épaisse, opaque et jaunâtre; c’est la cullure sur 
pomme de terre qui est blanc grisâtre, exubérante, crémeuse et bulleuse; 
c’est encore la production de gaz dans les cultures faites en profondeur 
dans la gélose ou la gélatine, production qui est abondante, alors même 
que ces milieux ne renferment qu'une faible proportion de sucre (1, 5 à 
2 p. 100). 

D'autre part, à l'exemple de M. Krogius, nous avons pu transformer ce 

bacille, dont les caractères répondent exactement à la variété opaque de 
cet auteur, en une variété transparente, tout à fait analogue au Z. coli. 
Cette transformation, nous l’avons réalisée au moyen du passage, non 
seulement par le lait, mais aussi par le bouillon lactosé et le bouillon 
acidifié avec 2. p. 1000 d’acide chlorhydrique ; énfin nous l’avons obtenue 
parfois par le réensemencement de cultures plus ou moins anciennes. 
Dans ces diverses conditions, la culture sur gélose présente, au niveau 
de la partie centrale qui correspond au trait d'ensemencement, une 
bande épaisse et opaque, et, sur les bords, en forme d'ailes, des zones 
translucides. La variété transparente s'obtient à l’état pur par le réense- 
mencement de ces dernières. Elle pousse moins activement que la variété 
opaque sur la gélose de touraillon ; sur pomme de terre, elle ne dégage 
que des bulles très petites et peu abondantes, et elle prend, surtout après 
quelques passages, une couleur brune tout à fait analogue à celle du 
B, coli dans ses formes les plus typiques. 
_. On serait donc tenté de croire, d’après ces constatations, que non seu- 
lement le 2. lactis aerogenes est identique à certains échantillons décrits 
sous le nom de Z. pyogenes, mais aussi qu'il peut être véritablement trans- 
formé en Z. coli. Toutefois, malgré la très grande similitude de ces deux 
types microbiens, nous pensons qu'il y a lieu de maintenir entre eux une 
distinction, mais à la condition de s’adresser à un caractère différentiel 
plus délicat que les précédents. 

On sait que M. Wurtz (1) a proposé récemment, pour distinguer le 


(1) Soc. de Biologie, 12 déc. 1891, et Arch. de méd. expérim., 1er janv. 1891, 
p. 8ÿ. 


SÉANCE DU 9 AVRIL 313 


bacille d'Eberth du 2. coli, d'utiliser la faculté que possède ce dernier de 
croître sur les milieux ayant déjà servi à la culture du premier, alors que 
ces microbes ne poussent ni l’un ni l’autre sur les milieux ayant servi à 
leur propre culture et vaccinés en quelque sorte par un premier ensemen- 
cement. C’est ce procédé que nous avons appliqué à nos divers échantil- 
lons de bacilles. Nous avons fait usage de cultures sur gélose plus ou 
moins anciennes, ayant rarement de douze à vingt jours de date, le plus 
souvent un mois, deux mois et quelquefois même davantage. Ces cultures. 
étaient dénudées avec soin sur une assez large surface, au moyen d’un 
gros fil de platine recourbé à son extrémité, et, sur cette surface, le nouvel 
ensemencement étail fait avec un fil de platine fin, trempé dans un 
bouillon de culture. Voici le résultat de nos recherches. 

Tout d'abord, ni le #. coli ni le B. lactis aerogenes ne sont capables de 
pousser de nouveau sur leurs propres cultures. Au contraire, le Z. lactis 
aerogenes pousse très facilement sur les cultures du Z. coli, et, récipro- 
quement, le PB. coli pousse, avec moins de vigueur, il est vrai, et d’une 
facon moins constante, sur les cultures du 2. lactis aerogenes. Quant à 
la variété transparente du P. laclis aerogenes, elle se comporte à cet 
égard comme la variété opaque : eile pousse sur les cultures du 2. coli, 
en formant seulement une colonie un peu moins épaisse que la variété 
opaque; comme elle aussi, elle se prête au réensemencement du Z. coli. 
Enfn la variété transparente est incapable de pousser sur la variété opaque 
et réciproquement. Ainsi, tout en ayant acquis la plus grande ressem- 
blance avec le B. coli, celte variété transparente a gardé sa propriété de 
réensemencement sur le B. coli, propriété qu’elle partage avec la variété 
opaque et qui reste, pour ainsi dire, la marque indélébile de leur com- 
mune origine. 

Il ne faudrait pas croire pourtant que tous les bacilles de l'infection 
urinaire appartiennent au 2. lactis aerogenes, et qu'il faille déposséder 
enlièrement le Z. coli, au profit de la variété transparente du B. lactis 
aerogenes, du rôle que nous lui avons précédemment attribué dans cette 
infection. Sans parler des faits expérimentaux qui démontrent la réalité de 
son action pathogène, c’est véritablement le Z. coli bien authentique que 
l’on rencontre dans certains cas d'infection urinaire chez l’homme, et 
nous sommes portés à croire que ces cas sont fréquents. Nous l’avons 
trouvé, en effet, avec toutes ses propriétés, y compris le caractère dis- 
tinctif sur lequel nous insistions tout à l'heure, dans l'urine d’un malade 
atteint de fièvre urétrale dort l'histoire a été rapportée par M. Hartmann 
et l’un de nous(i), dans l’urine d’un malade prostatique de l’asile de 
Vincennes, enfin dans les lésions d’une pyélo-néphrite gravidique qui a 
servi de base à notre première communication. En passant dans les voies 


(1) Ch. Achard et H. Hartmann. Nole sur un cas de fièvre urétrale, Soc. de 
Biologie, 16 Janv. 1892, p. 22. 


314 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


urinaires le 2. coli n'avait éprouvé aucun changement; il en a d’ailleurs 
été de même d'un échantillon intestinal de ce microbe que nous avions 
cultivé artificiellement dans l'urine, après six passages successifs dans ce 
liquide stérilisé par chauffage discontinu. Il ne semble donc pas, d'après 
ces recherches, il est vrai peu prolongées, que le B. coli puisse acquérir 
dans l'urine des propriétés nouvelles, suivant l’hypothèse émise par 
M. Reblaud (1) pour expliquer les quelques différences qu'il avait remar- 
quées entre le B. coliet le B. pyogenes. 

Le même procédé de différenciation nous a permis, en outre, de penser 
que les bacilles des infections urinaires ne peuvent pas être tous rangés 
dans l’un ou l’autre des types précédemment étudiés. Ainsi un bacille, 
trouvé à l’autopsie dans les lésions d’une pyélo-népbrite consécutive à un 
calcul vésical, nous a donné des cultures tout à fait semblables à celles 
du 2. coli. Pourtant ilne pouvait pousser ni sur les cultures du 2. laclis 
aerogenes, ni sur celles du B. coli, tandis que ses cultures se prêtaient à 
la fois à la végétation de ces deux microbes. Cette très légère différence, 
accusée seulement par ce procédé de distinction, nous paraît être une 
preuve de sa délicatesse. 

À ce propos, il importe de signaler une canse d’erreur possible, qui 
résulterait du mélange de ces divers types microbiens dans la même 
urine. Par exemple, un mélange de 2. lactis aerogenes et de B. coli fournit 
des cultures ayant toute l'apparence de cultures pures; mais, comme il 
est facile de le prévoir, ce mélange pousse à la fois sur les vieilles cul- 
tures du 2. lactis aerogenes et sur celles du Z. coli, tandis que, d'autre 
part, les vieilles cultures de ce mélange sont également impropres au 
développement de l’un et l’autre des bacilles composants. Pour éviter de 
conclure à tort à l'existence d’un type distinct, on doit donc prendre 
pour point de départ des ensemencements les colonies isolées sur plaques. 

Des recherches que nous venons d'exposer, nous croyons pouvoir con- 
clure que, sous le nom de Bacterium pyogenes, on a décrit plusieurs types 
de microbes, d’ailleurs extrêmement voisins. Le . coli est un de cestypes. 
Le B. lactis aerogenes en est un autre; il comprend lui-même deux 
variétés : la variété opaque et la variété transparente. Celle-ci dérive de 
la première; elle présente une très grande ressemblance avec le Z. coli; 
mais on peut établir une distinction entre ces microbes, grâce à la pro- 
priété que possède chacun d’eux de pousser sur les milieux ayant servi à 
la culture de l’autre. Enfin, ce même procédé de différenciation permettra 
sans doute de reconnaître que, dans des cas probablement plus rares, 
d'autres types bacillaires, très semblables au Z. coli, peuvent être les 
agents de l’infeclion urinaire. 

En dehors des applications spéciales que l’on peut faire de ces données 
à la pathologie, il nous semble qu'elles renferment deux points présen- 


(4) Soc. de Biologie, 19 dés. 1891, p. 851. 


CC nb 


SÉANCE DU 9 AVRIL 315 


EE ——Z—ZEaEaEaa—— EE 


tant quelque intérêt pour l'histoire générale des microbes : c’est d'abord 
la transformation de la variété opaque du 2. lactis aerogenes en une 
variété transparente qui se confond presque avec le B. coli; c’est, d'autre 
part, la délicatesse et la fixité du caractère qui nous a servi à distinguer 
entre eux des bacilles dont la morphologie, les cultures et les propriétés 
pathogènes rendaient la confusion inévitable. 


RECHERCHES SUR LA TRANSMISSIBILITÉ DE LA GALE DU CHAT ET DU LAPIN 
DUE AU Sarcoptes minor Fürsr., 


par M. A. RAILLIET. 


On sait que le Lapin, et surtout le Chat, peuvent être affectés d’une 
forme particulière de gale déterminée par une petite variété du Sarcopte 
nain (Sarcoptes minor Fürst.). 

Mais on ne possède encore que des données très vagues et incomplètes 
sur la transmissibilité de cette affection d’une espèce animale à l’autre. 
J'ai essayé, à diverses reprises, de combler cette lacune, et c’est le résul- 
tat de ces essais que je désire exposer aujourd’hui. 


Gale sarcoptique du Lapin (1). 

Le 9 décembre 1887, M. Morin, vétérinaire à Gournay-en-Bray (Seine- 
Inférieure), m’adressait deux Lapins atteints d’une affection cutanée dont 
il me priait de déterminer la nature. Le propriétaire avait déjà perdu 
deux animaux du même lot, qui avaient présenté aux lèvres des ulcéra- 
tions telles que la préhension des aliments était devenue impossible. 

L'un des sujets envoyés était envahi à un très haut degré. Des croûtes 
blanchâtres, épaisses par places de 4 à 5 millimètres, recouvraient les 
lèvres, le chanfrein, le front, le pourtour des yeux, la moitié inférieure de 
la surface externe de la conque et le dessous de la mâchoire inférieure, 
jusqu'à la naissance du cou. Il en existait également aux pattes, depuis 
la base des doigts jusqu'aux coudes et aux jarrets ; mais il ne s’en trou- 
vait ni sur les doigts, ni dans leur intervalle. Au milieu de ces croûtes, et 
notamment à leur face profonde, on pouvait observer des milliers de 
Sarcoptes minor, nichés dans leurs courts sillons qui se présentaient sur 


(1) Il ne s’agit, bien entendu, que de la gale à Sarcoptes minor. — Neumann à 
rencontré en outre, chez le Lapin, une autre forme psorique due au Sarcoptes 
scabiei, forme que j'ai retrouvée récemment et qui paraît être infiniment plus 
contagieuse. 


316 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


des coupes comme des sortes d’alvéoles. Il existait en outre, dans la 
fourrure, de nombreux Listrophores et Cheylètes, ainsi que des Puces 
appartenant à l'espèce des Carnivores (Pulex serraticeps P. Gervais). 

= Le second Lapin était un peu moins envahi. Cependant, il montrait aussi 
des croûtes sur le front, le chanfrein, les lèvres, le dessous de la mâchoire 
inférieure, et même sur les pattes, y compris la face supérieure des doigts. 
Les oreilles étaient restées saines. Le dos présentail également, cà et là, 
de petites saillies croûteuses, mais il était impossible d’y découvrir des 
Sarcoptes. Quelques Puces et Listrophores dans la fourrure. 


Essais de transmission du Lapin au Lapin. — I. Le 12 décembre, je 
place un sujet sain dans la cage des deux malades. Le lendemain 13, le 
premier de ceux-ci succombe. Le second meurt le 23. Le sujet mis en 
expérience ne présente à cette date aucune lésion cutanée. Au bout d'un 
mois environ, le 19 janvier 4888, il meurt à la suite d’une affection des 
voies urinaires, mais sans présenter la moindre trace de gale, malgré 
cette cohabitation de onze jours avec les individus galeux. Il a seulement 
un peu d’acariase auriculaire, des Listrophores et quelques Pulex serra- 
l{iceps. 

Il. Le 13 décembre, j enlève des croûtes aux pattes et aux oreilles du 
premier lapin, mort la veille. Les Sarcoptes grouillent littéralement à 
la face interne de ces croûtes : j'en dépose un très grand nombre sur la 
tèle préalablement rasée d’un Lapin sain. — Le 24 décembre, on n'aper- 
çoit encore aucune trace d’éruption. Je dépose alors sur le même point, 
après y avoir fait quelques légères blessures, quatre-vingts Sarcoptes 
vivants, de tout âge et de tout sexe, provenant du second Lapin, mort 
le 23. — Le 29, on remarque sur le front quelques petites élevures gri- 
sâtres, mais elles ne tardent pas à s’atténuer. — Le 1° janvier, il n’en 
persiste qu’une, et, quelques jours après, toutes ont disparu, en même 
temps que les poils repoussent. 

III. — Le 25 décembre, je dépose de même quatre-vingts Sarcoptes 
vivants sur le front rasé d’un autre Lapin, que je place dans la même 
cage que celui de l'expérience |. Cet animal n’a jamais présenté la moin- 
dre éruption. 


Essais de transmission du Lapin au Chat,au Rat et au Chien. — Le 


12 décembre, je dépose un très grand nombre de Sarcoptes du premier 
Lapin galeux sur la tête non rasée d’un Chat. 

Le 13, je répète la même expérience sur un second Chat, mais en rasant 
au préalable les poils du front. Je laisse, en outre, dans la cage de ces 
animaux, une des oreilles du Lapin. 

Le 12 décembre, même essai sur deux Rats blancs, un jeune et un vieux, 
auxquels je livre ensuite une des pattes du Lapin. 

Le 13, dépôt de Sarcoptes sur la tête non rasée d’un jeune Chien. 


SÉANCE DU 9 AVRIL 917 


Toutes ces expériences n’aboutissent qu’à des résultats négatifs. Je ne 
puis même constater une éruption passagère. 


2 Gale sarcoptique du Chut. 


Transmission du Chat au Chat. — Delafond et Bourguignon avaient 
déjà montré que le Sarcoptes minor du Chat se transmet facilement d’un 
animal à un autre de cette espèce. « Nous avons constaté expérimentale- 
ment, disent ces auteurs, que des parasites pris sur des Chats galeux, et 
déposés sur des Chats sains, leur transmettent la maladie. » J'ai répété 
cette expérience avec le même succès. Le 42 mars 1888, je fixe sous le 
cou d’un Chat un fragment de peau enlevé à un Chat galeux. Au bout de 
quelques jours, le cou est déjà dépilé; puis l’éruption gagne la tête, les 
oreilles, et l’animal succombe le 26 avril, c’est-à-dire au bout de vingt- 
six jours. Un autre Chat, son compagnon, a pris la gale presque en même 
temps que lui, et meurt le 7 avril. Tous deux offrent, du reste, des lésions 
de pneumonie vermineuse, maladie qui coïncide très fréquemment, on le 
sait, avec la gale, et concourt avec elle à hâter la mort. 


Transmission du Chat au Lapin. — Le 15 avril 1888, je place un Lapin A 
dans la cage d’un Chat atteint d’une gale très étendue. Les deux animaux 
demeurent ensemble jusqu'au 16 juin, soit pendant deux mois. A cette 
date, le Chat meurt, avec la tête, les oreilles, les pattes couvertes de 
lésions psoriques extrêmement accusées. Le Lapin ne montre encore 
aucune apparence de gale. Il en est de même au commencement d’août, 
époque où je cesse de le suivre pendant deux mois. Vers le 15 septembre, 
le garçon chargé de le soigner s'aperçoit qu’il est triste et reste accroupi 
dans les angles de la cage. L’examinant alors avec attention, il reconnait 
l'existence de croûtes sur la tête. À mon retour, le 5 octobre, je constate 
en effet, qu'il offre des croûtes épaisses sur les lèvres, les narines, autour 
des yeux et même sur les pattes. La maladie s’accentue graduellement, 
envahit le chanfrein, le voisinage des oreilles, et s'étend sur toute la face 
plantaire des pattes antérieures et postérieures. L'animal meurt le 95 jan- 
vier 1889. On trouve une quantité innombrable de Sarcoptes nichés à la 
face profonde des croûtes. 

_ Ge.qui est intéressant surtout à relever dans cette expérience, c'est la 
longue période d'incubation de la maladie, puisque les lésions n’en sont 
devenues bien apparentes que cinq mois après le début de la cohabitation, 
et {rois mois après la mort du Chat. 

Le fait est d’ailleurs en conformité avec la grande difficulté que pré- 
sente la transmission de la gale du Chat au Lapin, car deux autres essais 
du mème genre ne m'ont donné que des résultats négatifs. 


318 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Mais l’affection, une fois transmise au Lapin, est susceptible de se 
communiquer à d’autres sujets de cette espèce. 

Le 5 septembre 1888, une Lapine saine B est placée avec le Lapin Ac 
Le 15 novembre, elle présente quelques élevures grisâtres sur le nez. 
L’affection progresse lentement, et le 13 février suivant, jour où la bête 
succombe aux suites du part, les croûtes, quoique ayant atteint une 
épaisseur de 1 centimètre, n’ont encore envahi que la lèvre supérieure, 
les narines et le pourtour des yeux. Les Sarcoptes, observés quelques 
heures après la mcrt, sont presque sans mouvements, ce qui me paraît 
attribuable à la rigueur de Ja température. 

Deux autres Lapins avaient été placés, le 12 décembre 1888, avec cette 
Lapine B. Sacrifiés pour une autre expérience le 25 janvier 1889, ils ne 
présentaient aucune trace de gale. 

Je note aussi, pour mémoire, que la peau de la tête de cette même 
Lapine a été placée, le 13 février, dans une cage où étaient enfermés 
trois jeunes Rats blancs. Ces animaux sont demeurés parfaitement sains, 
mais on ne peut accorder qu’une faible importance à cet essai négatif, 
étant donné le peu d’activité des Acariens. 


J'ai enfin essayé, mais vainement, d'obtenir une contamination en 
retour du Chat par le Lapin. 

Le 12 décembre 1888, je place avec le Lapin A, dont la gale est à ce 
moment très étendue, un jeune Chat parfaitement sain. Un mois après, 
le 15 janvier 1889, cet animal est étranglé par un Chien; mais il ne pré- 
sente encore ni lésions cutanées, ni trace d’Acariens sur le corps. 

Le 16 janvier, je le remplace par un autre Chat de même âge, qui 
reste avec le Lapin jusqu’au 29 janvier, jour de la mort de celui-ci (1). 
Du 29 janvier au 13 février, ce Chat est enfermé dans la cage de la 
Lapine B. On remarque bien qu'il se gratte de temps en temps les oreilles 
et le ventre, mais il meurt le 8 mars, par le fait d’une affection pulmo- 
naire (non vermineuse), et l’examen le plus minutieux ne permet pas de 
reconnaitre l'existence de parasites cutanés, même au niveau des oreilles, 
qui sont cependant dépilées. 


Il serait sans doute prématuré de tirer, de l’ensemble de ces faits, une 
série de conclusions fermes. Je me bornerai donc à en résumer les résul- 
tats, en constatant : 

1° Qu'il m'a été impossible de transmettre la gale sarcoptique (due 
au Sarcoptes minor) du Lapin au Lapin, au Chat, au Rat et au Chien; 

2° Que cette gale s’est communiquée facilement du Chat au Chat; 

3° Qu'elle ne s'est transmise qu'avec beaucoup de difficulté du Chat 
au Lapin, et après une période d'incubation extrêmement longue ; 


(1) Ce Lapin s'était mis peu à peu à manger une grande partie de la viande 
de cheval qu'on donnaït au Chat. 


SÉANCE DU 9 AVRIL 319 


4° Que les Lapins qui l’avaient contractée du Chat ont pu la trans- 
mettre à d’autres Lapins. 

Et je noterai enfin, comme résultat pratique, que la gale en ques- 
tion ne doit présenter pour les Lapins qu’un très faible degré de conta- 
giosité. 


PROCÉDÉ POUR RENDRE LE POULS CAPILLAIRE SOUS-UNGUÉAL PLUS VISIBLE, 


par M. AZOULAY. 


Le pouls capillaire sous-unguéal a déjà fait l’objet d’un certain nombre 
de recherches, et cependant nous ne trouvons pas indiqué un procédé très 
simple pour le rendre plus manifeste quand il existe à peine, et le faire 
voir alors qu'on ne le voit pas. Ce procédé consiste à comprimer la ra- 
diale ou l’humérale pendant un certain temps, puis à cesser de comprimer 
l'artère pendant qu'on examine l’ongle, en comprimant ou non son bord 
libre, le bras étant étendu horizontalement. Si on voyait bien ou à peine 
le pouls sous-unguéal, dès que l’on comprime l'artère, on ne le voit plus 
ou à peine, et dès que l’on cesse la compression, on voit 5, 6, 10 oscilla- 
lions brusques dans la coloration; l’ongle rougit et pâlit alternativement, 
d’une façon plus brusque, plus intense, et dans une plus grande étendue 
qu'avant la compression de l'artère ; puis, quand la circulation a repris 
son régime, le pouls capillaire reprend son intensité ordinaire ou dispa- 
raît s’il n'existait pas auparavant. Bien entendu, l'intensité des oscilla- 
tions est d'autant plus grande que le pouls capillaire était plus manifeste 
à l’état ordinaire. 

Par ce procédé, nous avons pu le déceler chez des aortiques où on ne 
l'avait pas vu. 

Le pouls capillaire ainsi manifesté n’est pas pathognomonique de l'in- 
suffisance aortique pure ou associée à d’autres lésions valvulaires. 

On le voit chez des chlorotiques, et aussi chez des personnes en bonne 
santé, chez qui le cœur a une puissance impulsive très grande. Nous 
croyons qu’on peut le déceler dans les goilres exophtalmiques, mais nous 
n'avons pas d'observation à ce sujet. 

Nous ferons remarquer que l’on peut faire disparaitre complèlement 
ou presque le pouls capillaire chez les insuffisants aortiques chez qui il 
est {rès marqué en élevant verticalement le bras. Dans le cas où il persiste 
fort, la lésion aortique est très prononcée. 

Quand, au contraire, le bras est pendant, le pouls capillaire devient 
confus, et on le rend net en décomprimant l'artère humérale. 

Nous pensons que ces différents signes doivent être plus visibles sur les 


320 | SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


orteils à cause du volume de l'artère crurale, de la facilité de sa compres- 
sion, et aussi de sa presque continuité directe avec l’aorte. Mais nous 
n'avons pas fait encore d'observation. 


SUR UNE ANOMALIE NOUVELLE DE L'AMNIOS, 


par M. Louis BLanc. 


La famille tératologique des monstres Célosomiens renferme le genre 
des Chélonisomes, créé en 1845 par Joly (1), et qui n’est encore connu que 
d’une facon imparfaite. Jusqu’à ce jour on n’en a observé que trois cas, 
tous sur des sujets de l'espèce bovine. C’est sur un animal de la même 
espèce, et appartenant au même type tératologique, que nous avons 
constaté l’anomalie de l’amnios qui fait l'objet de cette note. 

L'organisation des monstres Chélonisomes a été décrite par Joly et 
Dareste d’une façon suffisante, pour qu'il ne soit nécessaire ici que d'en 
rappeler le trait essentiel. 

La colonne vertébrale, au niveau du cou et des lombes, est repliée en 
haut, de telle sorte que la tête et le bassin viennent se placer sur le dos, 
en des positions assez variables. En même temps les deux séries de côtes 
sont relevées complètement et forment un faux thorax au-dessus des 
apophyses épineuses. C’est dans cette gouttière que s'attachent Îles 
membres antérieurs et que viennent se loger la tête et le bassin. 

L'animal est donc complètement retourné, la tête et les membres 
s'élèvent au-dessus du dos, hors du faux thorax, et la cavité générale du 
corps n'existe pas. 

Cependant M. Dareste (3), décrivant un sujet de ce type, écrit : « La 
peau cessait par une limite nettement tranchée à la partie antérieurede la 
poitrine, et à la partie postérieure de l'abdomen. Dans toute cette région, 
elle étail remplacée par une membrane mince, transparente, qui avait 
été coupée ou déchirée en son milieu... Les viscères formaient donc une 
énorme tumeur herniaire revêtue par une membrane transparente. » 

Le sujet que nous avons examiné et que nous devons à l’obligeance de 
M. Helfre, vétérinaire à Saint-Galmier, présentait une particularité qui, 
outre l’intérét qu’elle offre, considérée isolément, montre que la paroi 
abdominale fait complètement défaut chez les Chélonisomes, et que la 
mince membrane signalée par M. Dareste devait être l’amnios. 

En effet la peau, qui existait au complet, avait la disposition suivante. 
Après avoir revêtu la tête, le cou, la ligne dorso-lombaire, la queue et les 


(4H) Ann. des Sc: nat, 32 /série, Mt IT: 
(2) Rec. sur la production artificielle des monstruosités, 2° éd., p. 590. 


SÉANCE DU 9 AVRIL 321 


membres, cette membrane se repliait latéralement à la surface des côtes 
devenue interne par suite du redressement de ces organes. Au lieu de 
s'arrêter au bord du pubis, des lombes et des deux hémisternums, elle se 
prolongeait librement au delà des parois du corps, et formait au-dessus 
de l'animal un vaste sac ovoïde, clos de toutes parts. Cette poche, consti- 
tuée intérieurement par un derme rougeâtre, couverte de poils à la face 
interne, renfermait la tête et les membres. On ne pouvait reconnaître 
dans ce sujet que les corps vertébraux, la faceinterne des côtes redressées 
et l'entrée du bassin. Les viscères, qui flottaient librement, avaient été 
arrachés et leurs insertions sur le rachis persistaient seules. 

Il est inutile d’insister pour démontrer que cette vaste poche cutanée 
n’était autre chose que l’amnios ; au lieu de conserver sa structure très 
simple, cette membrane avait subi la même évolution histogénitique que 
la peau, dont elle n'est d’ailleurs qu'un prolongement extra-embryon- 
naire. 

Cette anomalie, très intéressante, n'a jamais encore été signalée, à 
notre connaissance tout au moins. Cependant, en 4875, M. Guéniot a 
observé un enfant àgé de quelques jours, dont le cordon ombilical, long 
de 45 centimètres, ne s’était pas desséché, mais était recouvert de 
peau (4). Dans ce cas, c’était certainement le feuillet amniotique qui enve- 
loppe le cordon, qui s'était transformé en une peau normale, et cette 
métamorphose s’étendait peut-être assez loin sur l’amnios. 

En résumé, l'examen du veau Chélonisome que nous avons étudié, 
montre que : 

- 1° Chez les Chélonisomes, la paroi abdominale fait complètement 
défaut; 

2° L’amnios s’insère au pourtour de l’orifice somato-pleural resté large- 
ment ouvert; 

3° Dans ce cas, particulier, l’amnios avait élé le siège d’un excès d'évolu- 
tion histogénétique et avait acquis les caratères de la peau normale. 


SUR LA CONSTITUTION HOMOGÈNE DE LA FIBRILLE DES FIBRES MUSCULAIRES STRIÉES, 


par M. A.-H. PiILLIET. 


Je communiquerai à la Société les résultats de recherches qui sont à 
poursuivre et à multiplier si on veut les interpréter en toute connaissance 
de cause. Il ne s’agit donc ici que d’une communication préalable, que 
l'avenir pourra informer et confirmer, et non d’un travail établi sur une 
série de faits. 


(1) Cutisation du cordon ombilical, Guéniot, Arch. de Tocologie. 


322 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Lorsqu'on examine un muscle de grenouille fixé au liquide de Müller et 
coloré au picrocarmin, monté ensuite dans la glycérine, ou fixé et coloré 
au chlorure d’or, et monté dans le même liquide, on observe des figures 
classiques, qui se rencontrent d’ailleurs sur les muscles des petits rongears 
employés dans les laboratoires. Les fibres musculaires dissociées présentent 
leurs striations longitudinale et transversale, leurs noyaux et lear gaine 
de sarcolemme. 

Aux points où la fibre a été brusquement rompue, les fibrilles qui la 
composent, n'étant plus maintenues, s’écartent en un bouquet, et, en 
profitant de ce hasard de préparation qui est loin d’être rare, on peut 
suivre aisément la décomposition de la fibre en fibrilles qui expliquent la 
striation longitudinale de la fibre tout entière. Mais chacune de ces 
fibrilles offre des zones alternativement claires et obscures qui ont fait 
admettre une division, un morcellement de l'élément fibrillaire, pouvant 
servir à expliquer la striation transversale des muscles volontaires. 

En examinant les muscles des ailes d’un insecte, le Cybistère raselli pris 
aux environs de Marly dans les derniers jours d'avril, et qui ne devait 
être arrivé que depuis peu à l’état parfait, j'ai constaté certaines particu- 
larités que je tiens à mentionner, sans vouloir les interpréter. L'insecte 
entier avait été fixé vivant par le liquide de Flemming et ses muscles 
dissociés dans le picrocarmin, au bout de cinq jours. En examinant les 
préparations obtenues par la dissociation aux aiguilles de ces muscles, 
on constate d’abord que les sections de fibres musculaires présentent, 
comme chez les vertébrés, un faisceau de fibrilles divergentes. Mais, ici, 
chacune des fibrilles se présente à son extrémitéicomme une tige parfaite- 
ment lisse, et les fibrilles sont séparées les unes des autres par des grains 
colorés dont quelques-uns restent attachés eà et Ià, à une fibrille, tandis 
que les autres flottent dans le liquide additionnel. Cette première obser- 
vation conduit à multiplier les préparations et à aider la rupture des 
fibres musculaires en les dissociant à petits coups répétés de la lame du 
scalpel posée à plat. Dans ces conditions, les faits sont beaucoup plus 
visibles ; chaque fibre se montre plus ou moins décomposée comme un 
balai neuf, en fibrille à double contour, homogènes, transparentes et 
douées d’une certaine réfringence. 

On peut les rencontrer isolées dans la préparation et occupant tout le 
champ du microscope avec un objectif un peu fort. Elles paraissent très 
régulièrement calibrées et n’offrent pas traces de stries, même lorsqu'elles 
sont pliées, tordues ou simplement coudées. Sur quelques-unes, en très 
petit nombre, on peut faire apparaître par les jeux de iumière du miroir 
une ombre de striation transversale régulière qu’on ne peut retrouver sur 
la majorité des autres, même en combinant les effets du miroir avec ceux 
de la vis micrométrique. Ces fibrilles se colorent légèrement en jaune 
par le picrocarmin; les grains qui les séparaient et qui flottent en grand 
nombre autour d’elles à l'extrémité du balai que forme chaque fibre mus- 


SÉANCE DU 9 AVRIL 22 


culaire décomposée, se retrouvent plus ou moins serrés dans la portion 
que l'on pourrait appeler le centre du balai; et il est facile de les voir 
échelonnés le long des fibrilles homogènes, s'égrenant à mesure que 
l’écartement des fibrilles s’accentue. Ces grains sont réfringents, assez 
volumineux, mais très inégaux de volume. Ils paraissent néanmoins égaux 
à un grossissement moyen à cause de la grande régularité de leur dispo- 
sition. Quand ils sont dissociés, ils ne paraissent pas régulièrement sphé- 
riques; on leur distingue une portion grêle, allongée, réfringente, en 
sorte que ce ne seraient point les sphérules, mais des corps claviformes à 
tête très développée. Ils se colorent faiblement en rose par le picro- 
carmin. 

Dans les portions du muscle des ailes qui ont subi plus immédiatement 
l’action du liquide de Flemming, nous retrouvons l’action de l'acide 
osmique qui entre dans la formulé de ce liquide, et nous pouvons étudier 
les réactions de nos fibres et de nos grains vis-à-vis de cet agent. 

Les fibrilles se montrent encore homogènes, transparentes, régulières, 
comme des baguettes de verre. On ne leur voit pas d’anastomose. Elles 
gardent après l’action du picrocarmin une teinte légèrement bistrée. 
Leur dissociation est moins facile, mais on peut aussi les obtenir isolées, 
et l’on distingue alors fort bien les grains qui les séparent. On peut ren- 
contrer telle fibrille isolée entourée d’un chapelet de grains, ou tel bou- 
quet de fibrilles dans lequel les grains forment à la partie de la fibre 
encore enveloppée par le sarcolemme une striation transversale qui va 
s’atténuant et disparaît tout à fait à mesure que les fibrilles s’écartent, 
deviennent libres, et que les grains flottent dans leurs intervalles. 

Ces grains se colorent fortement en noir par l'acide osmique, et pour- 
tant ils ne sont pas exclusivement composés de graisse : ils ne se réunis- 
sent pas et ne se fusionnent pas entre eux pour constituer des gouttelettes 
plus volumineuses, comme le seraient des gouttelettes de graisse. Ils se 
colorent, comme nous l’avons vu, par le picrocarmin, En résumé, ils 
paraissent appartenir à un protoplasma très riche en substances grais- 
seuses. 

On rencontre assez souvent dans les muscles des ailes, des fibres où la 
striation longitudinale seule est marquée. La striation transverse ne se 
voit pas ; la fibre présente un aspect homogène et granuleux ; et sur les 
pièces traitées à l’acide osmique, les plus volumineuses de ces granula- 
tions sont noires. Quand on écrase légèrement la préparation de la pointe 
d’une aiguille, ces fibres se décomposent, comme les centres, en fibrilles 
homogènes et en granules qui sont seulement plus abondants, plus irré- 
guliers de taille, et qui paraissent appartenir au cytoplasma. 

En résumé : il est facile en suivant la technique fort simple que nous 
venons d'indiquer, de décomposer une fibre musculaire striée, et dont 
on constate la striation sous le microscope, par une simple pression 
sur la lamelle couvre-objet, en une série de fibrilles régulières, homo- 


324 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


———————_—_—_—_——————…—…"—"…"…"…"—"—"—"—" —"— —"—"—————— 


gènes, et transparentes comme du verre, entourées de grains dont la 
nature est probablement protoplasmique et dont l'assemblage paraît 
constituer les disques obscurs de la striation transversale de la fibre 
musculaire. 

La question de la structure interne de la fibre musculaire striée est 
actuellement une des plus obscures de l’histologie. On pourra s’en rendre 
compte en parcourant le travail de M. Van Gehuchten, de Louvain (£a 
Cellule : Étude de la fibre musculaire striée, 1891), auquel nous ren- 
voyons pour l'historique. Aussi nous abstiendrons-nous de toute inter- 
prétation. Nous nous bornerons à rappeler qu'après d’autres auteurs, 
Leydig a décrit, en 4885, la fibrille musculaire comme une baguette homo- 
gène et que M. le professeur Rouget, n’admettant les stries de la fibrille 
que comme des états transitoires, a beaucoup insisté dans ses cours du 
Muséum sur le même point. 


FAITS POUVANT SERVIR A L'ÉTUDE DE LA RÉGULATION DE LA TEMPÉRATURE, 
par M. le D' LauraAnié; mémoire lu dans la séance du 9 avril 4892. (Voir 
Mémoires du présent volume, page 427). 


Le Gérant : G. MASsON. 


Paris. — Typographie Gaston Née 1, rue Cassette. — 5732. 


329 


SÉANCE DU 23 AVRIL 18992 


M. le Dr G. Gricorescu : Sur la possibilité de distinguer les hématies de l'homme des 
hématies des autres mammifères. — M. Cu. FÉRÉ : Réponse aux objections de 
M. Gilles de la Tourette à la note sur l'inversion de la formule des phosphates éli- 
minés par l'urine dans l’épilepsie. — M. Juzes Vorsn : Note sur l’inversion de la 
formule des phosphates dans l’hystérie et l’épilepsie. — M. Orrvrero : À propos de 
la communication de M. Jules Voisin. — M. FABre-DOmERGuE : Sur les pseudo- 
coccidies des cancers épithéliaux observées par MM. Soudakewitch et Metchnikoff. — 
M. F. Toureux : Sur la structure et sur le développement du fil terminal de la 
moelle chez l'homme. — M. P. ReGxanp : Sur la respiration de la mer. — M. Azou- 
LAY : Le double souffle crural et la manière de l'obtenir. — M. le Dr CLano : Appen- 
dice cæcal. 


Présidence de M. Regnard. 


CORRESPONDANCE IMPRIMÉE. 


M.E. TnierRy, directeur de l’École pratique d'agriculture de la Brosse, 
fait hommage à la Société d'une brochure sur le Mérinos précoce. 


SUR LA POSSIBILITÉ DE DISTINGÜER LES HÉMATIES DE L'HOMME DES HÉMATIES 
DES AUTRES MAMMIFÈRES, 


par M. le D' G; Gricorescu (de Bucarest). 


On sait que jusqu’à présent, le microscope est le seul moyen employé 
pour la distinction des hématies humaines des hématies des autres mam- 
mifères. Et même ce moyen, d’après ce qu’on voit dans les traités de 
médecine légale et de micrographie, ne donne que des résultats très 
incertains. 

En général, on reconnait que le diamètre des hématies circulant varie 
pour chaque espèce de mammifère et que ces différences peuvent servir 
à leur distinction. Cette distinction est facile à faire théoriquement, mais 
dans la pratique elle est presque impossible; c’est pour cette raison que 
les auteurs de traités de médecine légale ne s’en occupent presque pas. 

On sait qu'il y a trois causes d'erreur qui s'opposent à la possibilité de 
distinguer les hématies humaines des hématies des autres mammifères : 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9° SÉRIE, T. IV. 15 


2326 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


1° Les différences de grandeur des hématies des diverses espèces sont 
très petites (de millièmes de millimètre); 

2° La grandeur des hématies varie aussi chez le même individu d'une 
espèce ; 

3° La dessiccation modifie beaucoup le diamètre des hématies contenues 
dans les taches de sang. . : 

Il est vrai que ces trois facteurs rendent presque ee LL la solution 
ibiéntifitquetde la question qui nous occupe. Cependant, la science ne doit 
pas reculer même devant les questions les plus difficiles, car combien 
de pareilles difficultés ont été considérées comme absolument insurmon- 
tables, et pourtant le progrès de la science a démontré le contraire. C’est 
ainsi, je crois, que l’on est obligé de regarder la question dont il s’agit, 
surtout lorsque la science a déjà délimité beaucoup le cadre “E ces impos- 
sibilités a priori. 

Si l’on arrive à établir le déterminisme de ces trois facteurs, la ques- 
tion sera beaucoup facilitée, et nous assistons, dès maintenant, à un 
grand progrès accompli à ce point de vue. 

Ainsi, pour le premier facteur, il est vrai que la différence de grandeur 
des hématies est trop petite pour permettre une distinction positive, mais 
il est aussi vrai que cette grandeur est plus caractéristique pour 
quelques espèces et permet d'établir des groupes de grandeurs, de manière 
que la- différence soit très saillante. C’est ainsi que, d’après les auteurs 
compétents (Frey, Histologie, 1877; Duval et Lereboulet, Manuel du 
microscope, 1877; Hoffmann, Médecine légale, A881 ; Beaunis, Physiologie, 
1883, etc.), on peut établir plusieurs groupes de mammifères dont les 
hématies ont des grandeurs caractéristiques : 


L'éléphant Ales hÉMANES AC PE de diamètre. 
L'homme — — T à 7.5 — — 
Le singe et le chien oht des pendre de: HOPDAA TAN —_ 
Le bœufa desjhématies ide) 224.61 -n 6m ea 00 — 
Le cheval a — A ee a ST = — — 
Le chat —- NN en NAS PE A — — — 
Le lapin ES Ne ee PE Eh re 
Le mouton — a ne MP Sep ‘2 — 


» fa chèvre ee HO UD 99 EMUS D, ,AANMOË EAST de. 


Donc, les hématies humaines ont une grandeur caractéristique. I va 
sans dire, que l’invocation de l'espèce du sang par l’inculpé, qui a lieu 
très souvent, aidera beaucoup la distinction. 

Pour le dOUB IE facteur aussi, la grandeur des Hématisé varie cie le 
même individu, de manière que 1 sang de l'homme présente des héma- 
ties ayant un diamètre correspondant aux hématies d’autres mammifères. 
Mais les bonnes recherches de M. Hayem ont simplifié considérablement 
cette question, car il 4 trouvé que 100 hématies d'homme contiennent : 


4 


A 


SÉANGE DU 23 AVRIL 321 


715 hématies de 7,5, 12:de 6,5u et 12 de 8,5 4. Et comme cette proportion 
paraît exister aussi-chez les mammifères, la question se simplifie, parce 
que, dans une expertise, on tiendra compte de la prédominance des 
hématies, laquelle est assez considérable pour faciliter la distinction. 
Quant au troisième facteur,les difficultés sont plus sérieuses, parce que 
la science est plus incertaine là-dessus. Les hématies des taches de sang 
se rétractent par la dessiccation et la diminution de leur diamètre est très 
variable, comme la multiplicité de causes qui la produisent. Or, c'est sur 


ce dernier point que nous avons dirigé plus sérieusement notre allention, 


cherchant à déterminer le degré de rétraction des hématies des ectes 
sanguines. 


Pour ceteffet, nous avons eu comme principe eme tt d’' Hate 


nos recherches, très nombreuses d’ailleurs, dans des conditions iden- 
tiques : nous avons employé toujours la glycérine étendue d’eau, comme 


liquide macérant afin d'oblenir le même développement des hématies 
desséchées ; toujours les mêmes manipulations techniques de macéra: 
lion, dissociation, etc., et comparaison des hématies humaines aux autres 
‘espèces conservées dans les mêmes conditions. Faute d’espace, nou ne 
pouvons pas décrire ici les détails. 

De cette pratique nous sommes arrivés à croire que la dessiccation mo- 


dérée peut diminuer le diamètre des hématies des mammifères jusqu’à À p.; 


tandis que dans la dessiccation intense, cette diminution peut atteindre 
2 u. Ces modifications sont plus caractéristiques pour les hématies situées 
au milieu des couches qui forment les taches sanguines. Quant à l'appré- 


ciation du degré de dessiccation, c'est plutôt par la routine, que par la 


deseription que l’on pourrait l'apprendre. La méthode de Pfaff (solution 


«d'acide arsénieux à 7,5 p. 100), pour constater l’âge des taches de sang, 


est très approximative. 

Le savant Vulpian et M. le professeur Brouardel (Hoffmann, op. cit. 
p. 771) ont trouvé, dans une expertise, que les hématies humaines ont 
été rétractées jusqu’au diamètre de 5 , c'est-à-dire de 2-2,5 u.C. Schmidt 
(Gorup-Besanez, op. cit, t. I, p. 535) admet que les hématies humaines 
peuvent atteindre le diamètre de 4 w, par leur dessiceation. 

Par conséquent, lorsqu'on est appelé à distinguer le sang humain de 
celui des autres mammifères, on cherchera d'abord à établir le degré de 


dessiccation des taches sanguines. On ajoutera au diamètre des hématies 
trouvées le chiffre de 1 w ou 2 u, d'après le degré de dessiccation, pour 


trouver le diamètre de ces éléments à l'état frais. De celte manière, on 
reconnaîtra l'espèce de l’animal. 4 

Nous appliquons cette pratique aux expertises de micrographie médico- 
légale dont nous sommes chargés depuis longtemps, bien entendu, avec 
les réserves les plus scrépuleuses. Souvent, nos réserves ont même dépassé 
le juste, pour la tranquillité de la conscience. Mais nous avons eu aussi 
des cas dans lesquels nous avons formulé des conclusions plus affirmati- 


328 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


ves qui ont été vérifiées plus tard par le débat des procès. C’est un de 
ces cas resté célèbre par la polémique qu'il a provoquée, que je veux rap- 
porter ici. 

En 1889, au mois d'octobre, en examinant quelques taches de sang, 
nous nous conformons aux préceptes de la science et nous mettons dans 
nos conclusions toutes les particularités de nos constatations objectives. 
Nous avons noté la présence de noyaux ressemblant aux noyaux d’héma- 
ties d'oiseaux ; nous avons noté aussi des hématies de mammifère dont 
la majorité correspondait, par leur diamètre, aux hématies humaines. 
Nous avons conclu, par conséquent, à l’existence probable de sang hu- 
main, soupçonnant en même temps la coexistence de quelques traces de 
sang d'oiseaux. | 

On nous a demandé une conclusion catégorique. Nous avons recom- 
mencé notre expertise, mais nous sommes arrivés aux mêmes conclu- 
sions. Cependant, pour l'intérêt de la justice, nous avons demandé que 
l’on instituât une commission de contre-expertise. 

Cette commission (MM. V. Babes et Petrini, de Galatz) ne trouva que du 
sang humain de mammifère et se prononça presque catégoriquement 
contre la possibilité de reconnaître, dans lesdites taches, l'existence du 
sang humain. Cette contradiction alarma la presse politique, surtout à 
cause de quelques instigateurs ; tous les regards furent tournés vers nos 
expertises pour les attaquer de légèreté, non scientifiques, préjudiciables 
à la société, etc. Nous fûmes presque compromis. 

Heureusement, le procès fut jugé, et on constata que pendant la nuit 
du 1° au 2 octobre 1889, le nommé Marin Patrana fut assassiné dans une 
étable; son cadavre, mutilé par des plaies énormes portant sur la tête, 
a élé mis sur la porte de cette étable et jeté en dehors du village. Le 
sang qui à été l'objet de nos expertises n'était autre chose que le sang 
qui se trouvait sur ladite porte. 

La cour d’assises condamna le coupable, et on reconnut l'importance 
des notes scientifiques recueillies avec scrupule. 


RÉPONSE AUX OBJECTIONS DE M. GILLES DE LA TOURETTE A LA NOTE SUR 
L'INVERSION DE LA FORMULE DES PHOSPHATES ÉLIMINÉS PAR L'URINE DANS 
L'ÉPILEPSIE, | 

par M. Cu. FÉRé. 
Le compte rendu dela dernière séance contient (1) une note où M. Gilles 
de la Tourette développe ses objections à la note que j'ai communiquée 


k EL} P2303: 


RO NT PS TRE SOA TEL DL ec TIME tee LE PE NE 


SÉANCE DU 23 AVRIL 329, 


en commun avec M. Herbert sur l’inversion de la formule des phosphates 
dans l’épilepsie (1). Je tiens d'autant plus à répondre point par point à 
ces objections, qu'un journal qui a manifesté son impartialité en passant 
complètement sous silence notre communication, juge utile de reproduire 
in extenso la réponse de M. Gilles de la Tourette (2). 

1° M. Gilles de la Tourette nous reproche d’avoir cherché sans succès, 
à démontrer que l’inversion de la formule des phosphates jointe à l’abais- 
sement du résidu fixe, de l'urée et des phosphates, n’est pas un caractère 
propre de l’hystérie. Or, notre travail, comme l’indiquent précisément 
son titre et sa conclusion, porte exclusivement sur l’inversion de la for- 
mule des phosphates dans l’épilepsie. 

2 Il nous accuse de contradiction, parce que nous concluons que l’in- 
version de la formule des phosphates peut se rencontrer dans toutes les 
formes de l'épilepsie, alors que nous ne l’avons pas trouvée nous-mêmes 
après les attaques convulsives. Or, nous avons relevé tout d’abord dans 
notre historique qu'elle avait été trouvée dans ces conditions par des 
observateurs dignes de foi, et dont M. Gilles de la Tourette reconnaît lui- 
même l'autorité. 

- 3° Il nous reproche de n'avoir pas donné le poids de nos malades. Ce 
n’est pas que nous ne le connaissions pas; mais ce poids n'avail rien à faire 
dans le résultat, puisqu'il s'agissait d'étudier le rapport des phosphates 
terreux et des phosphates alcalins. 
- &° Il nous reproche encore de n'avoir pas examiné notre deuxième ma- 
lade à l'état normal. Nous avons deux excuses : d’abord notre malade 
n'est jamais à l'état normal, et ensuite notre but n’était pas d'étudier un 
état normal. 
5° M. Gilles de la Tourette nous objecte que bien que l’état de nos 
malades fût toujours le même, tantôt nous avons trouvé l'inversion, tan- 
tôt elle a fait défaut. Cette contradiction est justement un des faits des 
plus intéressants de nos observations puisqu'elle montre que la réaction 
en question n’est pas spécifique de cet état. 

6° Revenant sur sa première objection, M. Gilles de la Tourette explique 
que pour lui l’inversion de la formule des phosphates ne caractérise pas 
à elle seule la.période paroxystique de l'hystérie. Nous n'avons pas dit 
autre chose; et notre communication a eu encore l'avantage de provoquer 
cette explication qui n’est pas sans intérêt ; car dans deux observations 
d'auteurs que M. Gilles de la Tourette cite à l'appui de son soi-disant 
critérium chimique, il n’est pas question d’autre chose que de l'inversion 
de se formule des phosphates. 

° M. Gilles de la Tourette nous conteste le droit d’accepter l'autorité 
de Ne A. Voisin et Harant et il nous renvoie à la réponse qu’il leur a 


(1) P. 260. tes: : 
(2) Frogrès médical, n° 16 du 16 avril, p. 304. 


330. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


faite ; or, la dernière communication de MM. Voisin et Harant {1) est restée 


sans réponse. Et il ajoute que « ces auteurs ont expérimenté sur des: 
sujets à la fois hystériques et aliénés, ce qui change singulièrement les: 


conditions de l'expérience, ete. ». Nous nous permettons de contester à 
l’'adverbe « singulièrement » la valeur d’une mésure scientifique. | 

8° M. Gilles de la Tourette nous reproche encore de nous appuyer sur 
les faits de M. Voulgre, alors que nous serions en contradiction avec cet 
auteur qui affirme que « l’inversion est l'exception dans l'épilepsie, alors 
qu'elle est la règle dans l’hystérie ». Nous ne faisons qu’accentuer cette 
affirmation lorsque nous concluons que l’inversion de la formule des phos- 
phates n’est pas propre à l’hystérie et qu'elle n’est pas exclusive de 
l'épilepsie: como 

9° Notre note portait spécialement sur l’inversion de la formule des 
phosphates et en particulier dans l’épilepsie. Après les travaux de 
MM. Lépine et Mairet, il était sans intérêt de revenir sur les points qu'ils 
avaient étudiés. M. Gilles de la Tourette sort de la question quand il nous 
reproche de n'avoir pas repris cette étude et lorsqu'il nous objécte que 
plusieurs observateurs ont retrouvé dans sa totalité la réaction qu’il consi- 
dère comme spécifique de l'hystérie. À cette dernière objection nous de- 
vons, d’ailleurs, faire desréserves. Il n’y a que trois observations publiées, 
si je m'en rapporte à M. Gilles de la Tourette: or, M. Grasset cite une 
observation (sur deux) dans laquelle il n’est question que de l’inversion de 
la formule des phosphates (2), et dans l’unique observation de M. Chante- 
messe, il n’est pas question d'autre chose (3). Si M. Gilles de la Tourette 
s'appuie sur ces faits, c’est que, quoi qu’il en dise, il attache une impor- 
tance particulière à l’inversion isolée de la {formule des phosphates. Il 
n’était donc pas inutile d'établir que c'est un phénomène banal, et qu'il 
peut, en particulier, se montrer associé à divers syndromes épileptiques. 


NOTE SUR L'INVERSION DE LA FORMULE DES PHOSPHATES DANS L'HYSTÉRIE 
ET L'ÉPILEPSIE, 


par M. Juces Voisin. 


J'ai l'honneur de vous soumettre le résultat de nos recherches sur les 
urines des hystériques et des épileptiques. Ce résultat porte sur plus de 
quarante analyses d'hystériques et soixante d’épileptiques. 


(1) C. R. Société de Biologie, 1891, p. 707. 
(2) Archives de Neurologie, 1890, t. XX, p. 206 et 207. 
(3) C. R. de la Société médicale des hôpitaux, 1891, p. 258. 


SÉANCE DU 23 AVRIL 3312 


Elles ont été faites dans mon service à la Salpêtrière en 1891 et 18927 

par mes internes en pharmacie MM. Grignon et Oliviero. ; 

Comme je l’ai dit déjà l’année dernière à la Société des hôpitaux, 
on ne peut s'appuyer sur l'inversion des phosphates dans les urines pour{ 
porter le diagnostic d’hystérie dans les cas difficiles. 1 

- 4° D'abord parce ae cette inversion est très rare, par et n “est 
pas constante. 

: 2° Puis parce que cette inversion se oué aussi dans l’épilepsie à la 
suite des accès et dans la période de repos. | 

3° Parce que cette inversion se trouve chez des sujets sains à la suite 
d'ingestion de certaines substances ou de certains aliments. GE 

4° Enfin parce que la méthode employée pour déterminer la présence 
des phosphates terreux-et alcalins ne comporte pas toutes les garanties 
de précision nécessaires pour cet examen,comme M. Oliviero, mon interne, 
vous le prouvera dans sa note. 

Dans les vingt et une urines de la période” de repos, je‘n’ai rien trouvé 
d'anormal. 
-Occupons-nous d’abord de l’excrétion urinaire chez les hystériques.: 

Dans dix-neuf urines provenant de la période d’attaque, j'ai trouvé: 
deux fois seulement l’inversion. 

Voici les résultats de la moyenne des analyses. 


Phosphate Phosphate 


Volume. Urée. , . total: _alcalin. - Terreux. 
orte 650 9.66 0.67 0.33 0.34 
Pete: 850 12.20 1.62 0:73 0.89 


Mais je ferai remarquer que dans la suite je n'ai plus retrouvé dans 
l'urine de ces malades l’inversion devant caractériser chaque attaque. 

De plus : j'ai trouvé cette inversion deux fois dans l’urine déphentiques 
ayant eu des accès. 

Et une fois chez une épileptique n ayanl eu ni vertiges, ni accès. 

A l'appui de ce que je viens de dire, voici les résultats des analyses. 


Volume.  Urée. “RHasnuMe Alcalins.  Terreux. 
Dem.— Attaque. . . . 1,600 17.60. 1.96 0.92 0.94 
Vaud. — Attaque pré- 
cédée et suivie de ver- 
LOC AE 850 . 17.19 225 1.15 1.07 
Dem. — Période ie re- 


DOS MER RECU À 1,300 13 1.66 0.88 0.77 


J'ajouterai de plus qu'il m'est arrivé de constater chez la malade 


392. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Dem..., aussi bien pendant le repos que pendant la période d'attaques, 
une certaine tendance à l’inversion des phosphates. 

. Mais, comme MM. Gilles de la Tourette et Cathelineau, je pense que 
l'urine émise après une attaque d’hystérie a un volume généralement 
moindre, si l'on compare ce volume à celui de la période de repos. 

 L’urée semble diminuée ainsi que la quantité d'acide phosphorique totai. 

Je n’ose cependant pas formuler ces conclusions comme étant l’expres- 
sion d’une loi générale, car les analyses que j'ai faites ont donné des 
résultats contradictoires. 

Voici la moyenne de quatre analyses qui me donnent diminution dans 
le volume de l'urine, de l’urée et des phosphates. 


Volume. Urée. Total. 


Pete ReDOs 4 1,550 30.50 _3.14 
Attaque. . 750 16.25 1.70 
Ro Se ARCDOS 1,400 25.15 2.67 
Attaque. . 1,220 23.10 1.74 


Mais voici la moyenne d’une série d'analyses qui semblent en contra- 
diction avec les premières. 


Volume. Urée. Total. 

MICLÉR PA UP RCDOS ARS 900 14.58 1.42 
Attaque. . 950 10.80 1.98 

LOZ ME OREDOS 700 10.98 0.94 
Attaque. . 1,170 14.90 1.48 

MES D SR MIRE DOS EEE 800 11.04 0.71 
: Attaque en l80 11.30 1,40 


A quoi tient cette différence ? Sans doute à l’alimentation. 


Si nous passons à l'étude de l’urine d’épileptiques, nous voyons qu'ici - 


les conclusions auront plus de précision par les résultats obtenus. 


L'étude que j'ai faite de l’urine d’épileptiques renferme entièrement ce: 


qui avait été dit à ce sujet par MM. Mairet, Lépine, Gilles de la Tourette et 
Cathelineau. 

L’urine provenant des vingt-quatre heuressuivant l'attaque a un volume 
généralement plus considérable. . 

L'urée est également augmentée, mais ce sont surtout les phosphates 
qui augmentent en quantité. CR 

Dans le cas où l’on voudrait poser un diagnostic différentiel entre l’hys- 
térie et l’épilepsie, je crois que ce serait surtout sur cette augmentation 
de l'acide phosphorique qu’il faudrait s'appuyer ét sur la présence 


presque constante (1/2 des cas) d’albumine (1) dans les cinq premières 


heures qui suivent l’accès : dans mes recherches, j'ai trouvé aussi que la 


(4) Jules Voisin et Peron. Archives de Neurologie, mai 1892. 


SÉANCE DU 23 AVRIL 393 


présence de peptones existait presque toujours. Voici la moyenne. des 
résultats d'analyses faites dans le cas d’épilepsie. 


Volume. Urée. - Phosphates. Det 

Dem CREDOS 1,200 13.20 1.142 49K050 
DR ATTAQUE 1,560 20.20 2.12 

SYRIE CRE DOS er 931 12.86 din 46.900 
Attaque. . 1,200 222 1.67 

MANIERE DOS RUE 700 12.25 1.18 47.905 
Attaque. . 870 14.30 1.50 

Mons UT Repose ur 945 16.60 1.35 60.850 
Attaque. . 1,005 18.20 4.62 

Pernr fre Repos. 63. 747 47.05 1.63 58.650 
Attaque. . 850 19.20 1.95 


À PROPOS DE LA COMMUNICATION DE M. JULES VOISIN, 


par M. OLIvIERO. 


M. le D' Jules Voisin vient de vous montrer qu'en employant les procé- 
dés inexacts de dosage indiqués par les traités d’urologie, il nous avait 
élé difficile de pouvoir diagnostiquer l'attaque hystérique de l'attaque 
épileptique par le dosage séparé des phosphates. 

Je vais vous montrer en quoi la séparation des phosphates terreux, des 
phosphates alcalins ne présente pas d’exactitude. 

Jusqu'à ce jour, la plupart des biologistes se sont occupés de séparer et 
de doser l’acide phosphorique combiné aux alcalis (soude et potasse) de 
l’acide phosphorique combiné aux terres (chaux et magnésie). 

Si nous passons en revue les différentes combinaisons de l'acide ortho- 
phosphorique avec les bases, nous voyons que, dans l’urine, nous sommes 
en présence des sels suivants : 

Je les diviserai en deux classes : 

1° Les phosphates normaux; 

2 Les phosphates formés par l’altération spontanée de l'urine ou par 
d’autres causes. ; | 

Parmi les phosphates normaux nous avors : 

Le phosphate bisodique ; 

Le phosphate bipotassique ; 

Le phosphate tricalcique; 

-Le phosphate bicalcique;. 

Le phosphate trimagnésien ; 

Le phosphate bimagnésien, 
et quelquefois le phosphate acide de magnésie. 


334 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


: Les sels dus à l’altération spontanée de DE ou à une: aulre cause: 


sont les suivants : 

Le phosphate acide de soude ; 

Le phosphate double de soude et d’ammoniaque, et le phosphate ammo- 
niaco-magnésien. 

Lorsqu'il s'agit de doser l'acide phosphorique total dans une urine, les 
biologistes donnent la préférence au procédé volumétrique : 

Ce procédé consiste à précipiter les phosphates par une solution titrée 
d'azotate d'urane en se servant, comme réactif-témoin, du ferrocyanure de 
potassium. 

Ce dosage de l’acide total peut se faire rigoureusement ; mais s'il s'agit 


de doser séparément l’acide phosphorique combiné aux terres et l’acide 


phosphorique combiné aux alcalis, la méthode Ce RE à-présent 
n’est pas précise. 

Voici le procédé indiqué dans presque tous les traités d'urologie. 

À 50 centimètres cubes d'urine l’on ajoute de l’ammoniaque en léger 
excès, de façon à rendre l'urine alcaline. En présence de l’ammoniaque, il 
se précipite du phosphate tribasique de chaux et du phosphate ammo- 
niaco-magnésien. 

On laisse le précipité se Hope, ce qui exige une douzaine d'heures; 
puis l’on filtre. 

La liqueur filtrée contient les phosphates alcalins, et le précipité resté 
sur le filtre se trouve constitué par les phosphates terreux. 

Ces phosphates étant ainsi séparés pour les doser : il suffit, pour le pre- 
mier cas, d’acidifier la liqueur par C* H* 0‘ et de faire le titrage à la facon 
ordinaire par l’azotate d’urane. 

Les phosphates terreux restés sur le filtre sont traités par quelques 
gouttes d'acide acétique, puis, la liqueur étant étendue, l’on fait le dosage 
par l’azotate d’urane. 

-Gette méthode de séparation, qui, à première vue,semblesi rationnelle, 
n'est cependant pas exacte. 

Aucune confiance ne peut être accordée à un pareil dosage. 

M. Cazeneuve a déjà montré le peu de précision de cette Démon, il 
est utile de l'indiquer de nouveau. 

Nous avons dit plus haut que les phosphates terreux contenus dans 
l’urine étaient généralement les suivants : 

Le phosphate bicalcique ; 

Le phosphate bimagnésien ; 

Le phosphate tricalcique; 

Le phosphate trimagnésien. 

Lorsque nous ajoutons de l’ FRAME, l'acidité de l’urine disparais- 
sant : 

Les phosphates tricalcique et trimagnésien vont se précipiter, et ceci 
sans réaction chimique d'aucune sorte. 


SÉANCE DU 23 AVRIL 3358 


Ils se trouvent précipités par ce seul fait : qu'ils ne peuvent se trouver 
en dissolution dans l’urine qu’à la faveur des acides. 

La chose ne se passe plus de même pour le phosphate bicaleique et 
pour le phosphate bimagnésien. 

Voyons d’abord ce qui se passe pour le phosphate bicalcique. 

Le phosphate bicalcique répond à la formule : 


Pho Ho. 2 Cao. 
Si nous ajoutons de l’ammoniaque, on aura la réaction : 


3 (Pho Ÿ Ho. 2 Cao) + n AzH3Ho — 2 (Phoÿ3 Cao) + Phoë3 AzHS. 


Cette réaction nous montre qu’une partie de l'acide phosphorique 
combinée à la chaux dans les trois équivalents de phosphate bicaleique 
s’est combinée à l’ammoniaque. 

Cet acide phosphorique va dès lors être compté comme étant com- 
biné aux alcalis, alors qu’en réalité il se trouvait combiné à la chaux. 

Donc : une cause d'erreur, laquelle sera plus ou moins grande dans 
l'évaluation des phosphates terreux et des phosphates alcalins, suivant 
la quantité de phosphate bicalcique existant dans l'urine. 

- Occupons-nous maintenant du phosphate bimagnésien. 
_ La réaction ne se passera pas de la même manière. 
Le phosphate bibasique de magnésie a pour formule : 


Pho ÿ. Ho. 2 Mgo. 


- Lorsque nous ajoutons de l’ammoniaque, il se forme, non pas, comm 
dans le cas précédent, un phosphate tribasique de magnésie, mais u 
phosphate ammoniaco-magnésien, suivant la réaction : 


Pho ÿ Ho. 2Mgo +AzH$ = Pho AzH? 2 Mpo. 


Jei l'acide phosphorique reste toujours et en totalité combiné à la ma- 
gnésie et peut être évalué en acide phosphorique uni aux terres. 

Dans le cas d’un phosphate acide de magnésie, il y aurait également 
dédoublement de l’acide combiné : 

Une partie de l’acide uni à la magnésie ira se combiner à l’ammo- 
niaque. 
La formule suivante l'indique suffisamment : 


2 (Pho*. 2 Ho. Mgo) + n AzH%—Phof. AzH3 2Mgo + Phoÿ. 3 AzHS. 


* En résumé, nous voyons donc : Que si l'acide phosphorique est uni à 
la chaux de préférence à la magnésie, nous allons augmenter par notre 
séparation, la quantité d'acide phosphorique combiné aux alcalis. 


336. SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE 


Si, au contraire, les phosphates terreux sont surtout constitués par du 
phosphate de magnésie, notre séparation se fera normalement. 

Or, l’acide phosphorique se trouve uni à la chaux et à Ja magnésie 
dans des rapports qui varient avec aimes 

Par ce seul fait, l'interprétation des résultats obtenus par l’analyse est 
fausse et ne peut servir à aucune considération clinique. 

Une seconde cause d’erreur est la suivante : 

Nous venons de voir que l’acide phosphorique était susceptible de s'unir 
à la chaux et à la magnésie. 

Mais la chaux et la magnésie sont-elles susceptibles de se rencontrer 
dans l'urine à un autre état qu'à l’état de phosphates? Évidemment 
OUT 

Plusieurs auteurs ont signalé la présence du carbonate de chaux, 
qui, lorsque l’urine perd son acidité, dépose comme sédiments. 


Fürbinger, d'un autre côté, reconnaît la présence presque constante du 


sulfate de chaux. 

Le sulfate de magnésie a élé reconnu depuis longtemps dans les 
urines. 

Pour ma part, j'ai reconnu la présence de la magnésie à un autre état 
qu’à l’état de phosphate. 

Or, si dans une solution contenant : du phosphate bisodique et du 
sulfate de magnésie, par exemple, vous ajoutez de l’ammoniaque, que 
va-t-il se former ? 

Il se forméra un précipité de phosphate ammoniaco-magnésien. 


2 Nao. Ho Phoÿ + 2 (Mgo. So 3) + AzH?— Phoÿ 2 Mgo. AzH3+ 2 (Nao Soi) 


Encore ici vous allez donc faussement interpréter les résultais en comp- 
tant comme PROpHAE terreux alors qu’en réalité vous aviez du phosphate 
de soude. 

Afin de bien montrer que dans la pratique les choses se passent ainsi, 
je vais vous soumettre les résultats d'analyses d’urines provenant de ma- 
lades auxquelles nous avions donné du sulfate de magnésie. Parmi ces 
malades, trois étaient hystériques, sept étaient épileptiques. 

À l'analyse, il a été constaté qu’une partie de la magnésie se trouvait à 
un autre état qu'à l’état de phosphate. 


Ces dix analyses ont montré que dans neuf cas il y avait (en employant 


le procédé de séparation indiqués plus haut) que la quantité d'acide 


phosphorique entraîné avec les terres se rapprochait de la quantité d’a- 


cide phosphorique combiné aux alcalins, c’est-à-dire en employant le 
terme de certains auteurs, qu'il y avait eu inversion. 
Sur ces neuf cas d’inversion, deux fois il n’a pas été trouvé de phos- 


phates alcalins, tout l’acide phosphorique se trouvant entrainé avec les 


terres lors de l'addition d’ammoniaque. 
La théorie semble donc bien confirmée par la pratique. 


LEP 


SÉANCE DU 23 AVRIL 3931 


_ Le tableau suivant indique en détail le résultat des analyses. 


Phosphate Alcalin Terreux 


total par par 
par litre. litre. litre. 
Pa. . 1.32 (0 x 1.32 
Mor. 2.02 1.41 0.60 pas d’inversion. 
Bienv . 1.24 0.68 0.56 
Desm . 1.58 (0) 1.58 
Pouie 1.68 0.78 0.90 
Disir . 0.90 0.05 0.84 
Tuze 1.21 0.15 1.08 
Lequ . 0.70 0.20 0.50 
Pouz. . . . 2.34 1.30 1.08 
| DU PRE ee 2.09 1:20 0.90 


D'après ce que je viens d'exposer, je crois qu'il serait difficile de pou- 
voir faire un diagnoslic différentiel entre l'hystérie et l'épilepsie sur les 
résultats d’une analyse d’urine. 

L'on pourra m’objecter cependant ceci : 

La quantité d'acide phosphorique combiné réellement (chimiquement 
parlant) aux terres et aux alcalis nous importe peu. Ce quenousconcluons: 
c’est que lorsque nous lraitons une urine par de l’ammoniaque, nous 
entraînons avec les terres une quantité d’acide phosphorique telle que : 
4 dans le cas d'épilepsie, cetle quantité reste dans le rapport de 1 à 3 


-comparée à l'acide phosphorique des alcalis, et que 2° dans le cas 


d’hystérie, les deux facteurs du rapport tendent l’un vers l’autre, c'’est- 
à-dire qu'il y a inversion. L'objection serait fort juste si les choses se 
passaient ainsi. Mais les résultats d'analyses faites ne viennent pas con- 
firmer ce qui avait été dit sur l’inversion des phosphates dans l'hystérie. 


SUR LES PSEUDO-COCCIDIES DES CANCERS ÉPITHÉLIAUX 
OBSERVÉES PAR MM. SOUDAKEWITCH ET METCHNIKOFF (1), 


par M. FABRE-DOMERGUE. 


Le dernier numéro des Annales de l'Institut Pasteur (mars 1892) con- 
tient un intéressant mémoire de M. Soudakewitch suivi d'une note dans 
laquelle M. Metchnikoff appuie de sa grande autorité les conclusions de 
l’auteur. Dans ce travail, qu'accompagnent de nombreuses figures fort 


(4) Toutes les observations contenues dans cette note s'appliquent également 
à un travail paru après sa rédaction (W. Podwyssozki und J. Sawtschenko. 
Ueber Parasitismus bei Carcinomen, etc. Centralblatt für Bacteriologie, Bd XI. 


“Nes 16 und 17; 16 und 17 April 1892). Les deux planches en couleur qui l’ac- 


compagnent se rapportent exactement aux inclusions cellulaires que nous 


-avons rencontrées dans les tumeurs. 


1338 SOCIÉTÉ: DE: BIOLOGIE 


exactes, M. Soudakewitch figure et décrit des éléments intra. et extra-cel- 
lulaires qu’il considère comme des coccidies parasites du cancer et qui, 
sur les cinquante-neuf cas observés par lui, n’ont jamais fait une seule 
fois défaut. Ayant eu, dans le laboratoiré de mon excellent maître, M. le 
professeur Le Dentu, l'occasion d'étudier cette question sur un grand 
nombre de tumeurs épithéliales, j'ai depuis longtemps rencontré la plu- 
part des corps décrits par M. Souaakewitch, mais, tout en reconnaissant 
la parfaite exactitude de ses observations, je pense que l’interpétation qu'il 
en donne n’est pas à l’abri de certaines critiques que je désire formuler 
brièvement ici. 

Les cellules épithéliales sont, ainsi que le prouvent les travaux des plus 
anciens analomo-pathologistes, le siège d’altérations nombreuses et pro- 
fondes. Ces altérations portent tantôt sur le corps cellulaire ou le noyau 
isolément:; tantôt, -au contraire, sur la cellule tout entière. Elles affectent 
parfois une forme irrégulière, un aspect extrêmement variable dans 
lequel on retrouve souvent cependant la facies et les caractères de la 
cellule épithéliale, tels que les filaments des cellules du corps muqueux de 
Malpighi dans les tumeurs d’origine tégumentaire, par exemple. Indépen- 
damment de ces altérations, on en trouve d’autres, dans les tumeurs d’'ori- 
gine glandulaire principalement, quisont moins accentuées, moins visibles 
et qui rappellent la plupart des formes décrites par M. Soudakewitch. 
L'on constate en même temps que dans toutes les tumeurs épithéliales les 
diverses parties de la cellule ont plus ou moins perdu, vis-à-vis des réac- 
tifs colorants, leurs propriétés éleclives normales et que les produits d’al- 
tération du corps cellulaire se colorent quelquefois aussi et même plus 
intensément que les éléments chromatiques du noyau qui perd complète- 
ment, dans certains cas, sa puissance d'élection. L'on voit, par exemple, 
dans les tumeurs tégumentaires, les cellules en raquette se teindre forte- 
ment en rouge du côté de leur pointe sous l’action de la safranine employée 
suivant la technique cytologique si précise de Flemming ou d'Henneguy. 
Dans les tumeurs glandulaires, l’on constate également soit une diminu- 
tion, soit un renversement de la puissance élective des éléments constitu- 
tifs de la cellule. 

Or, si l’on n’envisage, comme l’a fait M. Soudakewitch, que les produits 
-d’altération dont la forme rappelle plus où moins celle des coccidies; si 
l’on recherche surtout les cellules où le réactif colorant a mis en évidence 
‘des produits de dégénérescence reproduisant l'aspect de noyaux multiples 
‘disséminés dans un corps plasmique globulaire, l’on peut artificiellement 
constituer une série de formes dont l’ensemble en imposera peut-être 
‘pour des parasites aux yeux d’un observateur prévenu. Préoccupé surtout 
_de trouver les phases les plus typiques de la reproduction de ses parasites, 
-M, Soudakewitch a malheureusement négligé de compter -avee les nom- 
breuses figures d'altérations moins coccidiformes qu’il a certainement dû 
voir dans les mêmes tumeurs. Il eût constaté alors, comme moi, que: la 


SÉANCE DU :23 AVRIL 339 


cellule épithéliale des cancers est le siège d'une dégénerescence profonde à 
la suite de laquelle il s'y produit des inclusions intra ou extra-nucléaires, 
dont le contenu, plus ou moins homogène, peut contenir des corps colorables 
de forme extrémement variable. Il eût surtout reconnu que: entre les 
inclusions coccidiformes et la cellule cancéreuse typique, 1l existe tous les 
termes possibles de transition qui ne permettent point-d'isoler les LD OS 
etde les rattacher à une forme parasitaire quelconque. 

En affirmant, sur le vu des préparations de MM. Darier el Wen 
que ces observateurs ont bien eu affaire à des coccidies, M. Metchnikoff 
diminue l’autorité qu'aurait pu avoir sa grande compétence en faveur des 
observations de M. Soudakewilch. Je n’ai jamais eu l'occasion de voiries 
préparations de M. Darier ni celles de M. Wickham, mais ces auteurs ayant 
parfaitement réprésenté les formes les plus typiques de leurs pseudo-coc- 
cidies, il est facile de les comparer aux figures identiques que donnent de 
bonnes coupes de tumeurs épithéliales et à propos desquelles il ne peut 
subsister aucun doute. 

J'ajouterai enfin,qu’'en matière de parasitisme surtout, il peut être dan- 
gereux de pousser trop loin la généralisation et la comparaison. Si, dans 
son savant travail sur l'Inflammation, M. Metchnikoff n’a pas évité cet 
éeueil en basant certaines déductions sur une conception erronée du 
‘parasitisme des Acinéliens(1), à plus forte raison ne saurait-on s'étonner de 
-voir:des observateurs moins prudents entrer dans la voie de la parasito- 
logie des tumeurs et assimiler la production des néoplasmes à la psora- 
-spermose du Lapin. Qu'il yait analogie de forme entre-les cellules obser- 
vées par M. Malassez dans cette dernière affection et cerlaines dégénéres- 
-cences cellulaires des cancers, cela estincontestable. L'on pourrait citer 
bién d’autres analogies prises dans les deux règnes pour étayer l'hypo- 
thèse du parasitisme. Mais il n’en reste pas moins certain que jamais, 
jusqu’à présent, l’on n’a constaté chez un vertébré ni un invertébré un 
néoplasme quelconque produit par des coccidies dont la présence semble 
agir sur les tissus comme des corps étrangers à peu près inertes. 


(1) Metchnikoff. Lecons sur la pathologie comparée de l'inflammation, p. 3 

et 27, figure 2. « Les petits Acinétiens percént la cuticule de l'infusoire attaqué 
et s’introduisent dans son intérieur pour y mener une:vie parasitique. » Les 
observations de Stein et de M, Balbiani ont montré depuis longtemps que la 
cuticule des infusoires attaqués n'est pas percée mais bien refoulée par les Aci- 
nétiens. Il en résulte la formation d'une poche communiquant avec l'extérieur 
par une ouverture que Stein, qui prenait ces parasites pour des embryons, 
avait appelé os uteri. La dénonsta tion du parasitisme des Acinétiens et de 
eur mode de pénétration a été faite pour la première fois en 1860 par M. Bal- 
biani. 
- Quoi qu'il en soit, il n’est pas nécessaire, pour expliquer l’innocuité du suc 
digestif de l'hôte sur ses parasites, d’invoquer une « influence paralysante sur 
l'action digestive », puisque ceux-ci se trouvent protégés pure la cuticule même 
de celui- fée | CRUE : 


Fra ; ann nn nm 4 


340 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


SUR LA STRUCTURE 
ET SUR LE DÉVELOPPEMENT DU FIL TERMINAL DE LA MOELLE CHEZ L'HOMME, 


par M. F. TouRNEuUx. 


On désigne sous le nom de fil terminal le prolongement inférieur du 
cône médullaire, avec son enveloppe cellulo-vasculaire constituée par la 
pie-mère. Le fil terminal descend verticalement dans les espaces sous- 
arachnoïdiens, au centre des racines médullaires de la queue de cheval, 
jusqu’au milieu?du corps de la 2e vertèbre sacrée, où il rencontre le cul- 
de-sac de la dure-mère. A ce niveau, il s’entoure étroitement du tissu 
fibreux de la dure-mère, et se dirige ensuite vers la base du coceyx. C'est 
à l'expansion inférieure de la dure-mère englobant le fil terminal qu'il 
convient de réserver le nom de ligament coccygien ; ce ligament se termine 
par quelques languettes contre la face postérieure des 1°° et 2° vertèbres 
coccygiennes. Le fil terminal de la moelle présente ainsi à considérer 
deux segments distincts : un premier segment contenu à l’intérieur du 
cul-de-sac dural, et un second compris dans l’épaisseur du ligament coc- 
cygien. Luschka (1860) a donné à ces deux segments les noms respectifs 
de segments interne et externe. 

Il est assez difficile de se rendre compte chez l’adulte de la structure et 
des rapports du fil terminal, en raison de sa longueur et de l'extrême mobi- 
lité des filets nerveux qui l’accompagnent. Aussi, après plusieurs tentatives 
infructueuses chez l'adulte, nous avons eu recours au nouveau-né, ainsi 
qu'aux fœtus des derniers mois de la gestation. On peut facilement déta- 
‘cher sur un fœtus à terme tout le contenu du canal rachidien, et l’inclure 
-en entier par les procédés habituels (collodion ou paraffine). 

Nous avons également soumis à la dissection un certain nombre de 
fœtus sur lesquels nous relevons les indications suivantes, résumées sous 
forme de tableau. 

Le contenu de l'extrémité inférieure du canal rachidien sur un fœtus 
de 20/30 centimètres a été décomposé en coupes transversales sériées 
après inclusion dans la paraffine. Nous remarquons sur ce fœtus les par- 
ticularités suivantes : 

Au niveau du sommet du cône médullaire, le canal central de la moelle 
‘s’'élargit pour constituer le ventricule terminal (W. Krause, 1875; Lœwe, 
1883 ; Saint-Rémy, 1888) ; sa section transversale affecte la forme d’un 
losange dont l'angle postérieur est tronqué. Plus bas, il s’aplatit d'avanten 
-arrière, en même temps que les éléments médullaires diminuent de nom- 
bre, et que l’on passe par une transition graduelle de l'extrémité inférieure 
de la moelle au fil terminal. Le canal de l’épendyme, avec sa mince bor- 
dure d’éléments épithéliaux et nerveux, se prolonge ainsi dans l'épaisseur 
du fil, jusqu’au voisinage du cul-de-sac dural. À une distance de quelques 
millimètres de ce cul-de-sac, la cavité médullaire disparaît, et l'on ne 


EE 5) 


SÉANCE DU 23 AVRIL 341 


retrouve que quelques éléments épithéliaux et nerveux, qui eux-mêmes 
font défaut à 4 millimètre du segment externe. A ce niveau, la section 
transversale du fil figure un cercle assez régulier d'un diamètre de 
240 mx, dont le centre est occupé par une grosse veine spinale d'un 
calibre de 180 uw. La forme régulièrement cylindrique du fil terminal de 
la moelle, ne tarde pas à s’effacer à l’intérieur du ligament coccygien 
dont les éléments conjonctifs font corps avec lui, et, sans la présence des 
deux nerfs coccygiens qui accompagnent le fil sur ses parois antéro-laté- 
rales, ainsi que du ligamment sacré antérieur de la dure-mère, il serait 
presque impossible de reconnaitre dans la partie inférieure du ligament 
coccygien, le cordon lamineux qui représente la continuation du segment 
interne du fil terminal. 


LONGUEURS FIN FIN LONGUEUR | LONGUEUR 


du TOTALE DU FIL 


DU CUL-DE-SAC Sn . ct du 
RIT ligament 


coccygien. coccygien. 


DES FOETUS DU CÔNE 


en centimètres. 


médullaire. dural. 


cent. 
20/30 Entre 4° et Entre 3° et 
5e vertèbres | 4° vertèbres 
lombaires. sacrées, 


9 millim. 27 millim. 


25/31 Entre 2° et 
3e vertèbres 


sacrés. 


27/38 


29/43 


Entre 3° et 
4e vertèbres 
lombaires. 


Entre 2e et 
3° vertèbres 
lombaires. 


Entre 2° et 
3e vertèbres 
sacrées. 


Milieu du 
corps de la 
2e  vertèbre 


sacrée. 


Les racines sacrées sont toules pourvues de ganglions intra-rachidiens, 

à l'exception de la 6° paire (nerfs coccygiens), sur laquelle nous n'avons 

pu découvrir trace de cellule ganglionnaire, ainsi que M. Trolard (1888) 

l'a indiqué chez l’adulte. Les ganglions de la 5° paire sont situés sur les 

racines au moment où elles traversent la dure-mère, de telle sorte qu’une 

partie du ganglion se trouve comprise en dedans du cul-de sac dural, 
45. 


349 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


et l’autre en dehors. Nous observons une disposition identique sur un 
fœtus de 25/37 centimètres décomposé en sections transversales, ainsi que 
sur un nouveau-né dont nous avous disséqué les racines des nerfs sacrés. 

Sur un adulte de quarante-cinq ans, le fil (erminal mesure, dans son 
segment interne, une longueur de 14 centimètres 5, et dans son segment 
externe (ligament coccygien), une longueur de 7 centimètres. Il est con- 
stitué par un tissu lamineux dense, avec fibres élastiques, englobant 
(outre des éléments médullaires dans sa partie supérieure) des filets ner- 
veux, une artère et une veine spinale volumineuses, ainsi que des vais- 
seaux de plus pelit calibre. Les faisceaux nerveux diminuent manifes- 
tement de nombre de haut en bas; ils semblent abandonner la profondeur 
du fil pour s’accoler à sa surface. Rauber, qui a publié, dans Worpholo- 
gisches Jahrbuch pour 1877, une étude intéressante sur la structure du fil 
terminal, considère les filets nerveux appliqués à la surface du fil comme 
représentant la 32° paire rachidienne, et ceux contenus dans son épais- 
seur comme répondant à la 33° paire. On retrouve encore dans le seg- 
ment externe du fil terminal quelques faisceaux nerveux, du moins à son 
origine. 

Le canal central de la moelle disparaît à une distance de 5 centimètres 
du cône médullaire. 

Sur un deuxième sujet âgé de cinquante ans, dont les segments interne 
et externe du fil terminal atteignent une longueur de 47 et de 5 centimè- 
tres, le ventricule terminal se prolonge sur une hauteur de 1 centimètre. 
Sa paroi postérieure, amincie et dépourvue de tout revêtement épithélial, 
est uniquement représentée par le tissu de la pie-mère : celte disposition 
qu’on ne rencontre point sur les fœtus humains normalement développés, 
représente peut-être'le stade initial de l'oblitération qui survient fréquem- 
ment après la quarantième année, ainsi que l'ont montré les recherches 
de W. Krause. La forme du ventricule terminal, envisagée sur une section 
transversale, varie sensiblement aux différents niveaux. Aplati d'avant en 
arrière dans sa partie supérieure, le ventricule figure ensuite un triangle 
assez régulier à base postérieure, puis il s’allonge dans le sens antéro- 
postérieur, présente des contours irréguliers et diminue progressivement 
de dimensions, en même temps qu’il se rapproche du centre du fil, et que 
des artérioles, émanées de la face postérieure, pénètrent à l’intérieur du 
tissu médullaire, entraînant avec elles du tissu conjonctif. Le canal médul- 
laire disparaît à 2 centimètres environ du sommet du cône, mais la sub- 
stance médullaire se prolonge beaucoup plus bas, car on en retrouve encore 
des traces à une distance de 7 centimètres 5. À 9 centimètres du cône 
médullaire, le fil, de forme assez régulièrement cylindrique, mesure une 
épaisseur d'environ 900 &. Il est formé en majeure partie par des fais- 


ceaux lamineux à direction longitudinale englobant des artères et une 
grosse veine spinale, ainsi que des fascicules nerveux. Le fil est accom- 


pagné latéralement parles deux nerfs coccygiens. 


É 


SÉANCE DU 23 AVRIL 343 


À une distance de { centimètre 5 du cul-de-sac dural et sur un parcours 
de 4 centimètre environ, le ligament coccygien renferme de petits fasci- 
cules de fibres musculaires, lisses à direction longitudinale, tantôt épars, 
tantôt groupés au pourtour de cavilés vasculaires; la disposition réci- 
proque de ces parties, la présence, au sein des fascicules, de minces fibres 
élastiques orientées dans le même sens, permettent de rapprocher ce tissu 
de celui qui constitue les organes érectiles. 

On sait que le tube médullaire s'étend à l'origine jusqu'à l'extrémité 
inférieure de la colonne vertébrale, dans l’éminence coccygienne, et que 
e*est seulement au quatrième mois lunaire que le segment médullaire 
coccygien qui longe la face postérieure des vertèbres coccygiennes s'atro- 
phie et disparait sur place (F. Tourneux et G. Herrmann, Sur la persis- 
tance de vestiges médullaires coccygiens pendant toute la période fœtale 
chez l'homme, Jour. de l’Anat., 1889). L’ascension de la moelle résultant 
d'un allongement inégal du névraxe et de l’extrémité inférieure de la 
colonne vertébrale, n’intéresse donc que le segment lombo-sacré; elle est 
d’ailleurs forcément limitée au canal vertébral. La moelle se détache de 
la base du coccyx et remonte à l'intérieur du canal sacré, tandis que la 
pie-mère plus extensible s’étire et constitue en majeure partie le fil ter- 
minal. La dure-mère, grâce à ses adhérences multiples, subit une ascen- 
sion moindre; son extrémité inférieure étirée englobe, sous le nom de 
ligament coccygien, la fin du fil terminal. 


SUR LA RESPIRATION DE LA MER, 


par M. P. REGNARD. 


A l'époque où les dragages n’avaient pas encore fait connaître la riche 
faune qui habite les grandes profondeurs de l'Océan, on niait qu'il pût y 
vivre le moindre animal, parce que ces fonds se trouvaient trop loin de la 
couche superficielle qui seule est en contact avec l'oxygène de Pair. On 
pensait que la diffusion de cet oxygène dissous à travers une couche d’eau, 
qui peut dépasser 6,000 mètres, était trop lente à se produire pour que le 
gaz nécessaire à la respiration, ulilisé dans les couches intermédiaires. 
arrivât jusqu'au fond. Mais bientôt les dragues ramenèrent une foule 
d’êtres des grands abîmes : de plus, des bouteilles mécaniques allèrent y 
puiser de l’eau dont on analysa les gaz dissous, et on fut fort étonné de voir 
que l'eau des grands fonds était, à fort peu près, aussi oxygénée que celle 
de la surface libre. Le mécanisme de ce phénomène a été spécialement 
étudié par le professeur Thoulet, de Nancy, et je renvoie à son Traité 
d'Océanographie ceux qu'intéressent ces questions. Je me contenterai ici 


344 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


d’en étudier une particulièrement. L'eau de la mer est agitée sans cesse à 
la surface en présence de l'oxygène de l’air. L’acide carbonique dissous dans 
l’eau de mer, se trouvant er présence d’une atmosphère qui en contient à 
peine, se comporte comme s’ilétait dans le vide : il se dégage. D'autre part, 
l'oxygène de l’air, soumis à une pression d’un cinquième d’atmosphère, se 
dissout dans l’eau. Il se passe donc à la surface de l'Océan quelque chose 
de tout à fait analogue à ce qui se passe dans le poumon d’un animal. 
De là le nom de respiration de la mer que je donne à ce phénomène dont 
la respiration des animaux aquatiques est forcément la dépendance. Mais 
cet oxygène absorbé par la lame superficielle de la mer, comment gagne- 
t-il la profondeur ? il le fait évidemment par diffusion. Nous avons cherché 
à nous rendre compte de la rapidité avec laquelle cette diffusion avait lieu- 
Pour cela, nous avons pris de grands et larges tubes, hauts d’un mètre, 
fermés par leur extrémité inférieure et entourés d'un courant d'eau pour 
les empêcher de s’échauffer en quelque point que ce soit. Nous les avons 
remplis d’eau totalement privée d'oxygène et teintée en jaune par du 
carmin d'indigo exactement saturé d'hydrosulfite de soude. L'oxygène, 
en se dissolvant dans ce liquide, le colore immédiatement en bleu foncé; 
par conséquent, les tranches successives de nos tubes devenaient bleues au 
fur et à mesure de la dissolution de l'oxygène de l'air à la surface et de 
sa pénétration dans la profondeur. Il a fallu en moyenne trois mois pour 
que le tube d'un mètre devint bleu. La diffusion ne fait donc guère que 
4 mètres par an. Il a donc fallu mille ans pour que l'oxygène dissous à 
la surface de la Méditerranée arrivât au fond par la diffusion, qui semble 
seule agir dans cette mer. Ce temps nous paraît énorme; en réalité, il n'est 
rien, par rapport aux temps géologiques, et il nous est bien facile d’ima- 
giner que pendant un millier d’ans les fonds de la Méditerranée ont été 
déserts. Dans les Océans une cause qui, certes, est plus active que la diffu- 
sion, c'est la circuiation thermique de l’eau du pôle à l'équateur et la 
chute des innombrables poussières qui ne pénètrent dans la mer qu'en y 
entraînant l'atmosphère gazeuse dont tout corps qui simmerge est 
entouré. Celte atmosphère gazeuse se dissout d’ailleurs immédiatement 
dans l’eau. Ce fait particulier a été mis hors de doute par Thoulet. 


LE DOUBLE SOUFFLE CRURAL ET LA MANIÈRE DE L'OBTENIR, 
par M. Azouray. 
A combien d'étudiants et même de praticiens n’est-il pas arrivé de ne 


pouvoir entendre chez des malades atteints d'insuffisance aortique avérée, 
e double souffle crural de Durozier ? Quand il est faible, il n’y a que les 


CR 


SÉANCE DU 23 AVRIL 9345 


A 2 oo 


médecins très exercés qui parviennent à le percevoir, et nous dirons 
même que dans plusieurs services de médecine, le double souffle n’a pu 
être constaté par les internes et par les chefs. À quoi cela peut-il tenir ? et 
ne peut-on arriver à renforcer le deuxième souffle crural faible, ou à le 
faire apparaître quand, on ne l'entend pas? Pour M. Durozier et bien 
d’autres cliniciens, l'existence du double souffle crural est de la plus grande 
importance dans le diagnostic de l'insuffisance aortique ; nous sommes 
aussi de cet avis, et les recherches que nous avons entreprises pour une 
technique destinée à faire apparaître ou à renforcer ce deuxième souffle 
crural montrent quelle importance nous y attachons. 

Et d’abord, observons comment d'ordinaire on ausculte le malade 
pour découvrir le double souffle crural. Le malade est sur le dos, la tête 
et les épaules soutenues par un traversin et souvent aussi par un oreiller. 
On place le stéthoscope sur l'artère fémorale, on appuie jusqu’au moment 
où on entend nettement le premier souffle dû à la systole cardiaque, puis, 
en faisant varier la pression du stéthoscope, on cherche à entendre le 
deuxième souffle dù au retour du sang vers le cœur, retour favorisé par 
le spasme des capillaires. Eh bien, dans ces conditions, c’est-à-dire dans 
cette position demi-couchée du malade, il est peu fréquent d'entendre 
le souffle de retour. Quand on l'entend, il est faible, et perceptible seule- 
ment aux oreilles exercées. Nous dirons de plus que l'existence du souffle 
de retour dans de semblables conditions, et à plus forte raison si le 
malade examiné est demi-assis, est la preuve d’un spasme considérable 
des capillaires et d’une dilatation hypertrophique du ventricule gauche. 

Au lieu de laisser le malade demi-couché sur le dos, faisons-le coucher 
ie plus horizontalement possible, et ne laissons sur l’oreiller que la tête. 
On comprend très bien que dans cette position du malade, la contracti- 
lité spasmodique des capillaires du membre inférieur n’a pas à vaincre 
la résistance que présente le sang de l'artère crurale à refluer vers le 
cœur par suite du niveau plus élevé de la région cardiaque par rapport 
au membre inférieur. Il est vrai que la masse du sang envoyé dans le 
membre inférieur sera peut-être un peu moindre. Auscultons la crurale et 
prenons les précautions suivantes : 1° appuyer toujours le bord du stétho- 
scope qui est du côté du pied, un peu plus que celui qui regarde le cœur; 
2° demander au malade, s’il vous paraît assez intelligent, si on est bien 
sur l'artère; car, chose curieuse, le malade sait mieux que le médecin si 
toute la largeur de l'artère est comprise dans l'embouchure du stétho- 
scope. Le deuxième souffle qui n’existait pas quand nous examinions le 
malade demi-assis ou demi-couché, est alors entendu, mais faible, et le 
premier souffle est devenu plus fort que précédemment. S'il existait, 
quand le malade était demi-couché, nous l’entendons plus fort, de même 
que le premier souffle. Ce n’est pas à dire qu'on l’entendra sûrement 
dans le décubitus horizontal; bien des fois encore nous ne l’entendrons 
pas, mais il nous arrivera de l’entendre plus souvent ou plus fort que 


346 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


dans la position demi-couchée. Puisqu'il en est ainsi, il est impossible 
qu'il ne nous vienne pas à la pensée de favoriser le retour du sang du 
membre inférieur vers le cœur par l’un des deux procédés suivants: 
4° augmenter la vitesse et la force du reflux dans la crurale en élevant 
le membre à 30-45 degrés au-dessus de l'horizontale dans laquelle 
tout le corps, sauf la tête, doit se trouver; car, dans cette position, la con- 
tractilité spasmodique des capillaires est aidée par la pesanteur, et le 
sang reflue plus vite, et en plus grande quantité vers le cœur, ou ® aug- 
menter la vitesse, la force du reflux sanguin, par l'excitation maximum 
de la contractilité spasmodique des capillaires du membre inférieur en 
laissant le membre ausculté horizontal, et en faisant élever le plus 
près possible de la verticale, la tête, ies bras et l’autre membre inférieur, 
le malade étant toujours couché horizontalement, et, si c'est possible, le 
siège un peu relevé à l’aide d’un coussin. A la suite de cette manœuvre, 
qu'arrive-t-il ? tout le sang qui se trouvait dans les parties du corps qui 
sont élevées, reflue vers le cœur, et le sang expulsé par la systole car- 
diaque, trouvant un accès difficile dans les parties élevées, afflue en plus 
grande masse et avec une plus grande tension dans la crurale du mem- 
bre resté horizontal. Les capillaires, et même les petites artères, sont 
brusquement et violemment excités par cette trop grande masse de sang; 
ils réagissent et font refluer au cœur, avec force, une masse de sang 
plus considérable que celle qui, d'ordinaire, passe dans la crurale. 

Le reflux du sang au cœur, favorisé dans la crurale par l’une de ces 
manœuvres, aura pour résultat de produire un deuxième souffle, et Le pre- 
mier sera renforcé. C’est, en effet, ce qui a lieu. Si le deuxième souffle 
n'existait pas dans la position demi-couchée ou horizontale, on l’entendra 
nettement à la suite de ces manœuvres. Mais cela ne veut pas dire, bien 
entendu, qu’on percevra le double souffle forcément dans tous les eas 
d'insuffisance aortique ; car il y a des conditions inconnues, et dont l’une 
est, par exemple, la perte de la contractilité spasmodique des capil- 
laires, qui peuvent empêcher ce phénomène. Si le deuxième souffle exis- 
tait dans la position demi-couchée ou horizontale, tout le monde l’en- 
tendra et bien plus fort, de même que le premier souffle. 

De ces deux manœuvres, quelle est la préférable? Pour nous, c’est celle 
qui consiste à faire élever la tête et les membres, sauf celui que l’on doit 
ausculter; car nous avons remarqué que le deuxième souffle s’entendait 
tout le temps que durait cette position du malade, tandis qu’en faisant 
élever seul le membre qu’on ausculte, on n'entend le deuxième souffle 
qu'au début de la manœuvre, il va ensuite en s’affaiblissant, et, en 
outre, on est plus gêné pour ausculter à cause de la flexion de la cuisse 
sur l'abdomen. 

Ce que nous pouvons ajouter, c’est que, si à La suite de ces manœuvres 
répétées sur les deux crurales, droite et gauche, on n’entend pas le deuxième 
souffle, on peut être assuré qu'on ne l’entendra pas autrement, et, de plus, 


Ps EP ot | 


SÉANCE DU 23 AVRIL 3417 
6 EUR RO 4 Ve 2 2 HR DATI NE 2 CPR PRE ee ER en © 


que le deuxième souffle qu’on entend chez un malade en décubitus demi- 
couché ou horizontal, disparaît ou diminue beaucoup quand le malade est 
debout, et pour des raisons inverses à celles qui nous ont fait adopter la 
technique précédente. S'il persiste dans la station debout, on peut pré- 
sumer que la contractilité spasmodique des capillaires étant exagérée, 
le malade n’aura pas de sitôt des lésions dues à la stase sanguine. 

Nous avons dit que dans la position horizontale, et surtout quand les 
membres sont relevés, le souffle crural systolique était plus fort qu’en 
position demi-couchée. Cela veut dire que le cœur recevant, d'une part, 
plus de sang que d'ordinaire par suite de la déplétion des membres, et, 
d'autre part, étant obligé à un travail plus considérable pour vaincre la 
résistance due à une ascension verticale, augmente l'énergie, la force de sa 
systole. Cela ne veut-il pas dire aussi que si on ausculte un cœur sain, on 
trouvera ses bruits plus forts, plus marqués, qu’en position demi-couchée 
ou debout, tant à la base qu'à la pointe, et cela sans précipitation notable 
de ses battements ? Cela ne veut-il pas dire encore que si au lieu d’un cœur 
sain, c'est un cœur malade qu’on ausculte, ayant des souffles à la pointe 
ou à la base, ces souffles, ces bruits anormaux qui remplacent les bruits 
physiologiques, seront nécessairement exagérés, plus perceptibles, plus 
distincts? Nous en sommes certains aujourd’hui; cette attitude relevée 
fait entendre plus nets, plus forts les bruits cardiaques pathologiques 
qu'on entendait ; elle fait apparaîlre ceux qu’on n’entendait pas; et tranche 
toute discussion à propos d’un bruit douteux qu'on entendait en position 
demi-couchée, en l’exagérant s’il existe vraiment, ou en ne faisant rien 
entendre. Mais cela doit faire l’objet d’une communication à l’Académie 
de médecine. 


APPENDICE CÆCAL, par M. le D' CLapo, mémoire lu dans la séance 
du 30 janvier 1892. (Voir Mémoires du présent volume, page 133.) 


Le Gérant : G. Masson. 


Paris. — Typographie Gaston Née, 1, rue Cassette, — 6262. 


pl Ses Rrisicèe 


past ent ra 19e 


ACL) 


La 4 


349 


SÉANCE DU 30 AVRIL 1892 


M. Cu. FÉRÉ : Hallucinations unilatérales homonymes dans le zona de la face. — 
MM. A. Grarp et J. Bonnter : Sur le Cerataspis Petiti Guérin et sur les Pénéides du 
genre Cerataspis Gray (Cryplopus Latreille). — M. H. VrazLanes : Recherches com- 
paratives sur l’organisation du cerveau dans les principaux groupes d'arthropodes. 
— M. Aurrep Biner : Le Nerf du balancier chez quelques Diptères. — M. BenJAmIN 
SÉGALL : Sur des anneaux intercalaires des tubes nerveux, produits par imprégna- 
tion d'argent. — M. Juces DE GuerwE : L'Histoire des Némertiens d'eau douce, leur 

- distribution géographique et leur origine. : 


Présidence de M. Regnard. 


HALLUCINATIONS UNILATÉRALES HOMONYMES DANS LE ZONA DE LA FACE, 
par M. Cu. FéRré. 


J'ai déjà eu occasion de signaler, dans un cas de zona de la face, des 
hallucinations visuelles coïncidant avec des douleurs oculaires et péri- 
orbitaires, et dans lesquelles le malade voyait des personnages s’avancer 
vers lui du côté de la névralgie (1). Je viens d'observer récemment un cas 
analogue. 

Le nommé K..., âgé de quarante ans, commence à se plaindre le 
96 mars 1892 d'embarras gastrique, de fièvre et de douleurs vagues dans 
la moitié gauche de la face. Le lendemain, la douleur s’est accenluée et 
s’est localisée à quelques points d’émergence des branches du trijumeau, 
notamment au niveau sus-orbitaire, du nasal interne, du sous-orbitaire, 
du malaire, du temporal superficiel, du dentaire inférieur. L’appétit est 
nul, la langue est chargée uniformément des deux côtés. La température 
n'a pas dépassé 38 degrés. 

Le 27, il existe une éruption herpétique constituée seulement par quel- 
ques vésicules sur la lèvre supérieure gauche et sur l'aile du nez du 
même côté. Les points douloureux sont les mêmes et sont plus sensibles 
à la pression. La région de l'articulation temporo-maxillaire est très 
sensible, mais il n’y a pas trace d'éruption. Le malade se plaint en outre 
de deux phénomènes qui n’existaient pas du tout la veille. D'abord d’une 
salivation extrêmement abondante: cette salivation coïncide avec une 


(1) Note sur quatre cas de zona et en particulier sur la douleur rachidienne 
dans le zona thoracique (Revue de médecine, 1890, p. 394): 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9° SÉRIE, T, LV. 16 


9290 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


sensibilité extrême et un empâtement de la région sous-maxillaire 
gauche. En outre, il entend constamment des bruits, dans son oreille 
gauche, de sifflements ou de bourdonnements et de temps en temps des 
sons articulés. Il se rend parfaitement compte de la nature subjective de 
ces sons, les mots sont prononcés d’une voix nasillarde, qui n’est pas 
naturelle, dit-il, et il n’a pas de voisin du côté gauche. 

Ces phénomènes ont duré trois jours et n'ont cessé que quand l’érup- 
tion s’est affaissée. Dans la journée du 27, on a recueilli 450 centimètres 
cubes de salive et seulement 150 le 28. 

Ces hallucinations, provoquées par une irritation périphérique, sont 
peut-être plus fréquentes qu’on ne le croit dans les névralgies du triju- 
meau, au cours desquelles on ne les signale guère. 

Les deux malades dont il s’agit sont des épileptiques. C’est là une 
condition qui peut être favorable à la production d’hallucinations. . 


SE 


Sur LE Cerataspis Petiti GUÉRIN ET SUR LES PÉNÉIDES 
DU GENRE Cerataspis GRAY (Cryptopus LATREILLE), 


par MM. A. Grarp et J, BoNNIER. 


Dans l'explication des planches de l’Zconographie du Règne animal, 
Guérin a fait connaitre et décrit sommairement (Crustacés, p. 17 et 18), 
sous le nom de Cerataspis Petiti, un Crustacé dont Petit de la Saussaie 
lui avait envoyé trois exemplaires trouvés en pleine mer dans l'océan 
Indien et conservés dans l’alcool. Grâce à la générosité de M. A. Béten- 
court, le laboratoire de Wimereux possède un spécimen de cette curieuse 
espèce dont aucun naturaliste n’a parlé depuis plus d’un demi-siècle, Ce 
spécimen, d’origine malheureusement inconnue, faisait partie de la col- 
lection Allaud où il était conservé depuis de nombreuses années à l'état 
sec, Nous n'avons donc pu en faire qu'une étude incomplète et nous 
attendions pour en donner les résultats qu’un heureux hasard nous mit 
entre les mains un matériel plus abondant. Mais un travail récent du pro- 
fesseur P. J. Van Beneden sur une autre espèce de Cerataspis (C. mons- 
trosa Gray) dont M. Chaves a recueilli aux Açores un certain nombra 
d'exemplaires (1), nous détermine à publier dès aujourd’hui une partie de 
nos observations. 

Le Ceralaspis Petits Guérin se distingue immédiatement de Cerataspis 
monstrosa Gray (Cryptopus Defrancii Latreille) dont il est d’ailleurs 


(4) P. J. Van Béneden. Uné nouvelle famille dans la tribu des Schizopodes, 
Bulletin de l'Acad. de Belgique, t. XXII, 1891, n° 12, p. 444 et suivi 


SÉANCE DU 930 AVRIL 351 


très voisin, par sa taille plus grande (à peu près double) et par l’exis- 
tence sur les côtés renflés de la carapace d’une grosse pointe spiniforme 
placée au milieu de la région branchiale, dirigée latéralement et arrondie 
au bout. A ces caractères indiqués par Guérin nous pouvons en ajouter 
un autre : l’article basilaire de l’exopodite de la deuxième patte-mächoire 
est beaucoup plus allongé chez C. Petiti que chez son congénère. 

La forme de la carapace et surtout celle des derniers pléopodes per- 
mettent de distinguer facilement C. Peliti de la troisième espèce du genre 
C. longiremis A. Dohrn décrite en 1871 (1). 

Les rares zoologistes qui ont eu la chance d'étudier des Cerataspis 
ont émis des vues singulièrement divergentes sur la position systéma- 
tique de ces Crustacés. J.-E. Gray (1825) les plaçail dans la famille des 
Nébaliadés. Latreille (1829) les rapprochait des Mysis. C'est aussi l'opi- 
nion de Guérin-Méneville qui cependant leur trouve certains rapports 
avec les Salicoques. Plus tard (1831), Latreille en fit l’ordre des Coléo- 
podes. H. Milne-Edwards (1837) dit qu'on pourrait les ranger aussi bien 
dans l’ordre des Stomapodes que dans celui des Décapodes et que par 
leur forme générale ils ressemblent un peu aux Erichtes. Dohrn (1871) 
considère comme non douteuse la place des Cerataspis au milieu des 
Schizopodes. Enfin dans le mémoire qu'il vient de publier, M. P.J. Van 
Béneden crée pour ces animaux une famille nouvelle de Schizopodes 
(les Cryptopodidés), voisine des Euphausidés, et déclare « qu'ils remplis- 
sent une lacune entre les derniers Décapodes ou Stomapodes pour passer 
aux Isopodes ». 

Aucune de ces manières de voir ne nous paraît justifiée. 

L'analyse morphologique des Cerataspis démontre de la façon la plus 
nette qu'ils appartiennent au groupe des Décapodes et présentent à peu 
près tous les caractères des Pénéides typiques. 

Les antennules, les antennes sont absolument celles des Pénéides ; la 
seconde maxille possède les quatre lames caractéristiques ; l’endopo- 
dite du premier maxillipède comprend cinq articles ; le second maxillipède 
est coudé; le troisième est transformé en appendice locomoteur ; les pattes 
thoraciques sont pourvues de longues rames natatoires (exopodites) ; les 
trois premières paires sont terminées en pinces ; les deux dernières sont 
simples, etc. 

Enfin, la disposition des branchies est bien différente de celle des 
Schizopodes et rappelle celle des Décapodes inférieurs. L'importante 
découverte de l'embryon nauplien due à P. J. Van Beneden, vient encore 
confirmer notre opinion, Gar l'embryon nauplien n'a été observé que 
chez les Æuphausia parmi les Schizopodes, tandis qu'il est au contraire 
très fréquent chez les Pénéides. 

L'on peut dire que les Cerataspis sont vis-à-vis des Penæus dans lé 


(1) Dohrn. Zeütschr. f, wiss. Zool., t, XXI, p. 362-372, pl. 28 et 29. 


AALTNS “à ENTER ji 


32 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


même rapport que les Zithodes comparés aux Pagures, les Porcellanes 
comparées aux Galathées, les Brachyoures comparés aux Macroures; en 
un mot, les Cerataspis sont des Penæus tendant à l’état brachyoure. Nous 
pouvons ajouler qu'ils sont adaptés à la vie pélagique et qu’ils ont con- 
servé pâr suite un certain nombre de caractères embryonnaires. Beaucoup 
de formes pélagiques sont, comme on sait, progénétiques. 

Le premier naturaliste qui ait entrevu cette parenté des Cerataspis el 
des Pénéides est H. Milne-Edwards. 

Dans l'édition Fortin-Masson du Règne animal (1849), l'illustre zoolo- 
giste a donné (Crustacés, pl. 54 bis, fig. 4 a-i) d'excellents dessins anato- 
miques de C. monstrosa concordant parfaitement avec ce que nous avons 
observé chez C. Petili (1). 
= L’explication de la planche porte cette note : « Je me suis assuré que 
ce petit Crustacé est pourvu de branchies fixées à la voûte des flancs 
comme chez les Salicoques et je suis porté à croire que ce n’est pas un 
type générique mais la larve de quelque Salicoque, probablement d'un 
Pénée, » 

Comme on le voit, H. Milne-Edwards corrige et précise l'opinion en 
partie erronée qu'il avait émise en 4837 dans le deuxième volume de 
l'Histoire naturelle des Crustacés. Mais tout en approchant de la vérité, il 
est encore dans l'erreur lorsqu'il considère les Cerataspis comme des 
larves. 

Depuis, J. E. V. Boas, dans ses belles recherches sur {es Décapodes, est 
arrivé par l'étude de C. longiremis et de C. monstrosa à des conclusions 
identiques à celles de Milne-Edwards (2). 

Il est regrettable que M. P. J. Van Beneden ait ignoré les mémoires de 
Dohrn et de Boas et qu'il ait négligé de consulter la planche 54 bis du 
Règne animal, ce qui l'aurait dispensé de fournir de nouvelles figures du 
Cryptopus Defrancii beaucoup moins complètes et surtout moins exactes 
que celles dessinées, il y a quarante ans, par H. Milne-Edwards. 

En effet, le professeur P. J. Van Beneden n’a pas vu la première paire 
de pattes-mâchoires. Les appendices qu’il appelle premier et deuxième 
appendice thoracique correspondent respectivement à la deuxième et à 
la troisième paire de pattes-mâchoires. Il y a longtemps que Claus a fait 
remarquer (3) que chez les Carides et, en particulier,chez les Pénéides, 


(1) Seul le dessin de la deuxième mâchoire (4 d) est légèrement inexact; 
mais il est évident qu'une des quatre lames (la seconde) était brisée dans 
l’exemplaire étudié par Milne-Edwards. Sur la figure d'ensemble, l'abdomen 
est trop écarté du thorax. 

(2) 3. E. V. Boas. Studier over Decapodernes Slægtskabs forhold, 1880, p. 42- 
45 et 169-170, pl. L, fig. 4,37 et 38; pl. I, fig. 70; pl. IL, fig. 100 et pl. VI, 
fig. 189. 

(3) Voir notamment Crustaceen-System, 1876, p. #3. 


SÉANCE DU 30 AVRIL 393 


la troisième paire de maxillipèdes est conformée pour la locomotion, ce 
qui rend impropre le nom sous lequel on désigne ces appendices, et illu- 
soire la distinction établie par les auteurs anglais entre les gnathopodes 
et les pereiopodes, Lorsque Gray altribuait cinq paires de pattes thora- 
ciques seulement aux Cerataspis, il était dans l'erreur sans doute au point 
de vue physiologique, mais, au point de vue morphologique, il avait rai- 
son, quoiqu'on en ait dit, de n’envisager que les cinq derniers appendices 
thoraciques pour les comparer aux pattes des Décapodes supérieurs. 

C'est aussi par erreur que Van Beneden considère tous les derniers 
appendices thoraciques comme terminés en pinces. En réalité, les trois 
premières paires seules sont chélifères ; les deux dernières sont simples à 
leur extrémité, comme l’a parfaitement indiqué Milne-Edwards, et comme 
Quoy et Guérin paraissent l’avoir vu également. 

Dans tout ce qui précèlle, nous avons constamment employé le nom de 
Cerataspis Gray de préférence à celui de Cryptopus Latreille et nous 
avons désigné le Cryptopus Defrancii Latreille sous le nom de C'erataspis 
monstrosa Gray. C'est qu’en effet le mémoire de Gray, Spicileqia zoologica 
(fase. 1), est de 1828. Lesson en a rendu compte dans le Bulletin des scien- 
ces naturelles de Férussac en 4829 (p. 471 et non p. 115). Le tome IV du 
Règne animal, nouvelle édition, est de 1829. J.-E. Gray a donc incontes- 
tablement la priorité. En reportant à 1830 la date de publication de 
Spicilegia, Van Beneden a réédité une ancienne erreur de Guérin (Magazin 
de zoologie, Crustacés, 1839, p. 1), erreur purement typographique 
d’ailleurs puisque Guérin maintient le genre Cerataspis. Au surplus, pas 
une des dates citées dansle mémoire de P. J. Van Beneden n’est exacte, 
et, comme l'indication des pages est aussi généralement fautive, il faut 
en conclure que la bibliographie de ce travail aété faite de seconde main. 

La distribution géographique du genre Cerataspis est très étendue. 

Le C, monstrosa Gray a été rencontré sur la côte du Brésil (Gray), dans 
la Méditerranée (Latreille), aux Açores (Chaves), dans l'océan Indien 
(exernplaires du musée de Hambourg recueillis par le capitaine Schnee- 
hagen et étudiés par A. Dohrn); au sud de Madagascar (exemplaires du 
musée de Copenhague étudiés par Boas). 

Le C. longiremis A. Dohrn a élé trouvé au nord des îles du Cap Vert 
(exemplaires du musée de Copenhague étudiés par Boas). Gette espèce 
présente beaucoup de caractères embryonnaires et n'est peut-être qu'une 
larve (de C. monstrosa ?). 

Enfin les C. Petiti Guérin de provenance connue ont été pêchés dans 
l'océan Indien. 

La curieuse larve Protozoea, décrite par A. Dohrn (1. c., p. 377-378, 
pl. XXIX et XXX, fig. 62-67) et depuis par Claus (Crustaceen-System, 
p.17, pl. IV, fig. 2-7) appartient peut-être au cycle évolutif d’un Cerataspis. 
M. P.J. Van Beneden qui possède des embryons naupliens de C. monstrosa 
pourra sans donte élucider ce point intéressant. 


‘A 


204 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Nous n'avons pas cru devoir tenir compte,dans la présente note, d'une 
communication faite avec un certain Æumbug à la Société entomologique 
de France dans la séance du 24 février 1892. (C. À., p. Lvi-Lvim). Cette 
communication n’est en effet qu'une traduction (du belge en monégasque) 
du travail de M. P.J. Van Beneden. Aucune des erreurs de ce travail 
n’est corrigée, et le traducteur en a ajouté quelques-unes de son cru, 


RECHERCHES GOMPARATIVES SUR L'ORGANISATION DU CERVEAU DANS LES 
PRINCIPAUX GROUPES D ARTHROPODES, 


par M. H. VIALLANES (1). 


J'ai l'honneur de communiquer à la Société de Biologie les résultats 
principaux de recherches que je poursuis depuis plusieurs années sur 
l'organisation du système nerveux des Arthropodes, et dont je n'ai encore 
publié que des fragments détachés, insérés les uns dans les Annules des 
sciences naturelles, les autres dans les Comptes rendus de l'Académie des 
sciences. 

Organisation du cerveau des Insectes. — Chez les Insectes, le cerveau 
est formé de trois segments répondant aux trois premiers zoonites cépha- 
liques. Le premier segment ou protocérébron innerve les yeux, c'est le 
siège des perceptions visuelles et c’est aussi en lui que résident les centres 
psychiques. Le deuxième segment ou deutocérébron innerve les antennes ; 
il est le siège des perceptions olfactives. Le troisième segment ou #rito- 
cérébron innerve le labre et les parties initiales du tube digestif; en lui 
réside le centre des perceptions gustatives. 

Avant d'entrer dans plus de détails sur la constilution des segments 
cérébraux, disons que les deux premiers sont entièrement pré-œæsopha- 
giens ; c'est-à-dire que les commissures qui réunissent leurs parties symé- 
triques sont situées en avant de l’œsophage. Il n’en est point de même 
pour le troisième segment ; ici toutes les fibres commissurales passent 
en arrière de l’œsophage où elles constituent la commissure connue sous 
1e nom de commissure transverse de l’anneau æsophagien. 

Le protocérébron se compose d’une paire de masses latérales désignées 
sous le nom de ganglions optiques et d’une masse moyenne intermédiaire. 
Les ganglions optiques ont une constitution des plus remarquables et 
des plus constantes; ils sont formés par une série de trois masses gan- 
glionnaires unies l’une à l’autre par des fibres entrecroisées. La masse 
protocérébrale moyenne est formée d'une paire de lobes intimement 


(1) Travail de la station zoologique d'Arcachon. 


ARE a 


SÉANCE DU 30 AVRIL 359 


D 


soudés, englobant dans leur intérieur : 4° les corps pédonculés qui sont 
le siège des fonctions psychiques; 2° le corps central, organe où conver- 
gent des fibres venant de tous les points du cerveau ; 3° le pont des lobes 
protocérébraux, partie découverte par moi et de signification encore 
inconnue. 

Le deutocérébron se compose d’une partie dorsale dont la structure 
n'a rien de particulier et de deux lobes olfactifs hautement différenciés 
en vue de leurs fonctions spéciales et caractérisés surtout par la présence 
d'organes connus sous le nom de glomérules olfactifs. Les lobes olfactifs, 
d'où les fibres sensitives du nerf antennaire tirent leur origine, sont unis 
aux ganglions optiques et aux corps pédonculés par des fibres croisées 
sur la ligne médiane ; cette connexion absolument constante semble être 
liée à des nécessités physiologiques. En outre des nerfs des antennes, le 
deutocérébron donne naissance à une paire de nerfs tégumentaires et à 
une paire de racines destinées au système nerveux viscéral. 

Le tritocérébron est représenté chez l'Insecte seulement par une paire 
de masses ganglionnaires que nous désignerons sous le nom de ganglions 
œæsophagiens, ceux-ci sont écartés de la ligne médiane et reliés l’un à 
l’autre en arrière de l’œsophage par la commissure transverse de l’an- 
neau œsophagien. Chacun des ganglions œsophagiens donne naissance 
par un tronc commun à un nerf destiné au labre et à une racine du sys- 
tème nerveux viscéral. 

Chez les Insectes, le système nerveux viscéral se compose: 1° d’une 
série de trois ganglions médians reliés les uns aux autres et dont le pre- 
mier, connu sous le nom de « ganglion frontal » s’unit aux ganglions 
œæsophagiens par une paire de racines souvent dédoublées ; 2° d’une paire 
de ganglions latéraux (1). Chacun de ces derniers s’unit, d’une part, à 
l’un des ganglions médians; d'autre part, au deutocérébron par une 
racine nerveuse déjà mentionnée. 

Le cerveau des Myriapodes est rigoureusement construit comme celui 
des Insectes. Mais le système viscéral de ces mêmes animaux présente une 
condition remarquable, car il conserve durant toute la vie des caractères 
qui, chez l’Insecte, se présentent seulement au cours du développement 
embryonnaire. 

Quant au Péripate, dont la structure cérébrale nous est connue grâce 
aux recherches de M. Saint-Rémy (1), il se relie de la manière la plus 
étroite aux Myriapodes et aux Insectes. 


(1) Les ganglions latéraux sont généralement dédoublés chacun en deux 
petites masses désignées par M. Blanchard sous les noms de ganglions angien 
et trachéen. 

(1) M. Saint-Rémy a publié sur la structure du cerveau des Arachnides, des 
Myriapodes et du Péripate, un travail des plus consciencieux ge qui m'a été 
d’un grand secours (Arch. zool. exp., vol, IIT bis). 


396 ? SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE: 


Cerveau des Crustacés. — Ces animaux ont, comme les Insectes et les 
Myriapodes, un cerveau formé de trois segments : protocérébron, deutocé- 
rébron et tritocérébron. 

Le protocérébron des Crustacés est construit sur le même plan que 
celui des Insectes; on y trouve un ganglion optique formé des mêmes 
parlies, des corps: pédonculés, un corps central, un pont des lobes proto- 
cérébraux. De même leur deutocérébron est à tous les points de vue sem- 
blable à celui des Insectes et des Myriapodes. 

Chez les Insectes et les Myriapodes, le troisième zoonite céphalique est 
dépourvu de membres, et porte seulement le labre; chez les Crustacés 
au contraire, ce même zoonite, outre le labre, porte les antennes de la 
seconde paire. Cette différence entraîne une légère modification dans la 
structure du tritocérébron. Tandis que chez les Insectes et les Myriapodes 
le tritocérébron est représenté seulement par une paire de ganglions œso- 
phagiens, chez le Crustacés ce même segment cérébral est formé par une 
paire de ganglions Ͼsophagiens et, de plus, par une paire delobes anten- 
naires intercalés entre ceux-ci et le deulocérébron. 

Les ganglions œsophagiens chez les Cruslacés, comme chez les 
Insectes et les Myriapodes, sont réunis l’un à l’autre en arrière de l'œso- 
phage par la commissure transverse de l'anneau œsophagien et chacun 
d'eux donne naissance par un lrone commun au nerf du labre et à une 
racine du système nerveux viscéral. 

Les lobes antennaires dont les fibres commissurales passent avec celles 
des ganglions œsophagiens en arrière de l’œsophage donnent naissance 
aux nerfs.des secondes antennes, à une paire de nerfs tégumentaires, et 
aux nerfs moteurs du pédoncule oculifère, 

Le système nerveux viscéral des Crustacés supérieurs diffère de celui 
des Insectes par un seul point peu important d’ailleurs. Chez les Crus- 
tacés, les ganglions impairs et les ganglions latéraux, au lieu d’être écartés 
comme chez les Insectes, se fusionnent tous en une masse médiane appli- 
quée contre la paroi de l’estemac et connue sous le nom de ganglion sto- 
matogastrique. Cette masse s’unil au cerveau par des racines rigoureuse- 
ment homologues à celles qu'on observe chez les Insectes. Comme le 
ganglion frontal des Insectes, le ganglion stomatogastrique des Crustacés 
s’unit aux ganglions œsophagiens par une paire de racines généralement 
dédoublées ; comme les ganglions laléraux de ces mêmes animaux, il se 
relie au deutocérébron. 

En résumé, au point de vue de la structure cérébrale, il existe une 
parenté des plus étroites entre les Crustacés, les Insectes, les Myriapodes 
et le Péripate. 

Les Limules et les Arachnides, dont d’ailleurs plusieurs zoologistes 
reconnaissent les affinités, constituent, quant à l’organisation de leur 
cerveau, un groupe des plus homogènes, mais s'éloignant beaucoup des 
autres Arthropodes. 


RE 


: 


SÉANCE DU 90 AVRIL 337 


Chez les Limules et les Arachnides, le cerveau se compose seulement 
de deux segments, protocérébron et deutocérébron, l’un et l'autre 
pourvus de commissures pré-œæsophagiennes. Le protocérébron qui 
innerve les veux est assimilable au protocérébron des Crustacés et des 
Insectes; il est toutefois à remarquer que chez la Limule, le corps pédon- 
culé atteint des proportions vraiment colossales. Ce même organe, bien 
que assez modifié, est encore reconnaissable chez les Arachnides, où 
M. Saint-Rémy l'a décrit sous le nom d’organe stratifié. 

Chez les Limules et les Arachnides, le deutocérébron, au lieu d’innerver 
des antennes olfactives, comme chez les Crustacés et les Insectes, innerve 
les chélicères, appendices simplement tactiles, aussi ne se différencie-t-il 
pas en vue des perceptions sensorielles spéciales. Le tritocérébron fait 
défaut chez les Limules et les Arachnides, et la première masse ganglion- 
naire qui suit le deutocérébron est affectée exclusivement à l'innervation 
de la première patte-mâchoire ou mandibule (1). 

Le système nerveux viscéral des Limules et des Arachnides est repré- 
senté seulement par des ganglions latéraux, tirant, comme chez les 
Insectes, leurs racines du deulocérébron; mais les ganglions médians 
font défaut; l'absence de ces centres étant évidemment corrélative à celle 
du tritocérébron. 

En résumé, on peut exprimer les différences et les ressemblances que 
présentent les différents types d’Arthropodes quant à l’organisation du 
cerveau en divisant ces animaux en deux grands groupes. 

Le premier, renfermant les Arachnides et les Limules, est caractérisé 
par l'absence du tritocérébron, et la non-différenciation du deutocérébron 
en un centre olfactif, 

Le second, renfermant les Crustacés et les Insectes, les Myriapodes et le 
Péripate, est caractérisé par la présence d'un tritocérébron et la différen- 
cialion du deulocérébron en un centre olfactif. 

Ce groupe peut lui-même se subdiviser en deux sections : la première 
comprenant seulement les Crustacés, qui sont pourvus de deux paires 
d'antennes; la deuxième renfermant les Myriapodes, les Insectes et le 
Péripate, qui possèdent une seule paire d'antennes. 


(1) Le rostre des Arachnides est analogue au labre des Crustacés et des. 
Insectes, mais il appartient au deuxième zoonite et est innervé par le deuto- 
cérébron. 


358 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


LE NERF DU BALANCIER CHEZ QUELQUES DIPTÈRES, 


par M. ALFRED BINET. 


Après avoir établi, dans une série de communications précédentes, la 
structure normale des racines du nerf alaire chez les Insectes qui possè- 
dent la faculté du vol, nous avons entrepris d'étudier si certaines modifi- 
cations physiologiques qui se produisent dans la faculté du vol influent 
sur la structure des racines du nerf alaire. 

Nous avons vu déjà chez quelques Coléoptères aptésiques, dont les 
élytres s’immobilisent, que le nerf alaire du deuxième ganglion thora- 
cique perd une de ses racines, la racine dorsale inférieure, d’où nous 
avons cru légitime de conclure, au moins provisoirement, que cette 
racine a une fonction motrice. La suite de nos études nous conduit 
aujourd’hui à examiner le nerfs des balanciers chez les Diptères. 


On sait que les balanciers sont des organes homologues de la deuxième 


paire d'ailes, qui présentent cette propriété importante que toute lésion 
de leur lige ou de leur extrémité détermine une incoordination dans le 
vol de l’insecte. Comme chez les insectes pourvus de quatre ailes, les 
Hyménoplères par exemple, une lésion des ailes de la deuxième paire ne 
produit point cet effet caractéristique, on en a conclu que les balanciers 
sont des organes qui ne servent pas directement au vol, mais les auteurs 
ne se sont pas mis d'accord sur les propriétés qu'il convient de leur 
attribuer. Les uns considèrent le balancier comme un organe destiné à 
recueillir des sensations particulières (sensation d'espace?) qui permettent 
à l’insecte de coordonner ses mouvements. Les autres, repoussant cette 
première opinion, ne voient dans le balancier qu’un appareil mécanique, 
fonctionnant.à la manière d’un taquet, qui aurait pour but de limiter 
le champ de vibration de l'aile (Jousset de Bellesme.) 

Nous ne pensons point que la structure des centres nerveux du balan- 
cier permette d’élucider une question aussi délicate, qui est avant tout 
du ressort de l’expérimentation. Cependant nous avons cru qu’il serait 
utile de comparer, au point de vue de la distribution de ses racines, le 
nerf du balancier au nerf alaire, pensant que cette comparaison pourrait 
donner au moins quelques indications sur le rôle physiologique de cet 
organe énigmatique. 

Le Nerf alaire, que nous avons étudié spécialement chez différentes 
espèces de Mouches et chez la Volucelle, est remarquable par le nombre 
et le volume de ses racines; la majeure partie de ces racines se rend dans 
le second ganglion thoracique; il y en a de dorsales supérieures, de 
dorsales inférieures et de ventrales. Il convient de remarquer que les 
parties supérieures du lobe dorsal présentent des amas de substance 
ponctuée très dense. Ces différentes dispositions, si nous les interprétons 


SÉANCE DU 30 AVRIL 359 


se 


au moyen de nos études précédentes sur les Coléoptères, indiquent que 
l’aile du Diptère présente à la fois des propriélés motrices et sensitives 
{très développées. En outre, si on étudie le nerf alaire sur des coupes hori- 
zontales, on le voit émettre deux racines très grêles, dont l’une se rend 
dans le troisième ganglion thoracique et dont l’autre traverse le premier 
ganglion thoracique et se dirige vers les ganglions céphaliques. 

Le Nerf des balanciers se présente tout différemment à l’observation ; 
il pénètre dans la masse thoracique d’arrière en avant; à la différence du 
nerf alaire, il ne distribue qu’une très petite part de ses fibres au ganglion 
lacal, qui, est dans l'espèce, le troisième ganglion thoracique ; un petit 
nombre de ses fibres pénètrent dans ce ganglion ; et parmi ces fibres, la 
majeure partie se rendent dans la région dorsale supérieure, qui présente, 
comme celle du deuxième ganglion thoracique, des amas très denses de 
substance ponctuée ; le nerf des balanciers ne fournit presque rien à la 
région ventrale, c’est-à-dire sensitive du ganglion. En revanche, la 
grande majorité du nerftraverse d’arrière en avant toute la masse thora- 
cique, et on peut, sur des coupes longitudinales un peu obliques, suivre 
ce gros faisceau jusqu'aux connectifs qui partent du premier thoracique 
et se rendent dans la tête. Il est donc bien démontré que le nerf des 
balanciers se met spécialement en rapport avec les centres encéphaliques. 
Tels sont les deux faits importants que l'observation microscopique nous 
révèle sur le nerf du balancier ; il distribue un petit nombre de ses fibres 
au ganglion métathoracique et dirige la plupart de ses fibres vers les 
ganglions de la tête. Il semble légitime d'en conclure que le nerf des 
balanciers est principalement un nerf de sensibilité spéciale. 

Les recherches récentes de Graber (1882), Bolles Lee (1885) et Weinland 
(1890), sur les organes sensitifs qui sont situés à la base des balanciers, 
viennent confirmer cette interprétation. 


(Travail du laboratoire de M. Balbiani, au Collège de France.) 


SUR DES ANNEAUX INTERCALAIRES DES TUBES NERVEUX, 
PRODUITS PAR IMPRÉGNATION D'ARGENT, 


par M. BENJAMIN SÉGALL, 
Travail fait dans le laboratoire de M. le professeur Cornil. 
Au lieu d'étudier isolément l’action de l'acide osmique el du nitrate 


d'argent sur les nerfs, nous avons associé ces deux réactifs : Un nerf de 
grenouille, fraichement détaché, est rapilement dissocié à l'œil nu ou à 


360 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


la loupe, dans quelques gouttes d'acide osmique à 1/100*; la dissociation 
dure jusqu’à ce que le nerf commence à passer du blanc au brun. La colo- 
ration brune étant produite, on porte les fibres nerveuses dans de l'eau 
distillée, pour enlever l'excès d'acide osmique, puis dans une solution de 
nitrate d'argent à 2/100° où l'on continue de les dissocier. On les y laisse 
séjourner à la lumière solaire, pendant un temps variant de vingt minutes 
à une demie et trois quarts d'heure, en les agitant de temps en temps. 
On les porte de nouveau dans de l'eau distillée pour enlever l'excès de 
nitrate d'argent, on en fait ensuite des préparations dans la glycérine. 
L'imprégnation est facilitée, en passant les fibres nerveuses, après les 
avoir relirées du nitrate d'argent et après les avoir lavées, par le carmin 
veutre, ou l'éosine à 4/100° de solution aqueuse. Les préparations doivent 
ètre conservées à l'abri de la lumière. 

Dans ces préparations, on n'observe pas, au niveau des étranglements 
annulaires, la croix latine tout entière, décrite par M. Ranvier, mais seule- 
ment la barre transversale de la croix. 

Entre deux étranglements annulaires, on voit une série d’anneaux 
inlercalaires, qui semblent situés sous la gaine de Schwann. Ces anneaux 
se trouvent au niveau du la jonction de deux segments cylindro-coni- 
ques. 

La couleur de ces anneaux varie du brun au noir, suivant le degré 
d'imprégnation. La distance qui sépare deux anneaux varie suivant la 
longueur des segments cylindro-coniques. Leur nombre est, par consé- 
quent, variable comme celui des segments cylindro-coniques entre lesquels 
ils sont compris. 

Si l’imprégnation est forte, elle s'étend à l'incisure tout entière et, au 
lieu d'anneaux, il se produit des disques percés à leur centre pour donner 
passage au cylindre-axe. 


L'Hisroire DES NÉMERTIENS D'EAU DOUCE, 
LEUR DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE ET LEUR ORIGINE. 


Note de M. JULES DE GUERKNE. 


Un savant naturaliste suisse, le D' du Plessis, annonçait dernièrement 
dans un journal zoologique des plus répandus (1) qu'il venait de faire 
une découverte bien surprenante. Le 29 octobre 1891, un Némertien avait 
élé trouvé par lui sur les bords du lac de Genève. La présence de ce Ver 
marin était si invraisemblable, dit l’auteur, que nous n'en pouvions croire 
nos yeux. 


(4) Zoolog. Anzeig., vol. XV, n° 384, 15 février 1892. 


SÉANCE DU 830 AVRIL 361 


Quelque curieux que puisse paraître le fait signalé par le D' du Plessis, 
il n’est cependant pas nouveau. Des Némertiens ont été observés dans 
l’eau douce assez fréquemment pour que leur existence hors de la mer ne 
doive plus être aujourd’hui l'objet d’une grande surprise (1). Déjà le pro- 
fesseur Vaillant a rappelé, dans le recueil même où a paru l’article du 
D' du Plessis, plusieurs faits analogues connus depuis très longtemps (2). 

Si je reviens à mon tour sur la question, c'est d'abord pour compléter 
la note de M. Vaillant, auquel divers cas remarquables semblent avoir 
échappé; c'est ensuite et particulièrement pour appeler l'attention des 
naturalistes français sur les Némertiens d’eau douce que le hasard peut 
fort bien amener entre leurs mains. - 

En effet, c'est en France que ces animaux ont été découverts, aux envi- 
rons de Montpellier, par Dugès, qui les décrivit et les figura dès 1828 (3). 

Le professeur Vaillant parait avoir revu ces Vers dans la même région, 
il y a une quinzaine d'années (4). Toutefois, comme aucune étude n'en fut 
entreprise par lui et que les travaux, déjà anciens, de Dugès, sont fort in- 
complets, il reste quelque doute sur la valeur et l'identité des espèces. 

Quoi qu’il en soit, ce fut de Quatrefages qui donna, en 1847, les pre- 
miers renseignements précis sur un Némertien d'eau douce, appelé par 
lui Polia Dugesi. L'animal vivait à Paris même, dans le canal Saint- 
Martin, et s'il ne faut guère espérer le retrouver dans ce milieu souillé 
aujourd'hui par toutes sortes d’impuretés, on peut du moins le chercher 
dans certaines eaux plus limpides du bassin de la Seine. Trois figures 
accompagnent la description de Polia Dugesi dont la découverte passa 
cerlainement inaperçue à cause de sa publication dansles Recherches ana- 
tomiques et zoologiques faites pendant un voyage sur les côtes de Sicile (5). 

Aussi n’y est-il fait aucune allusion quatre ans plus tard par Max 
Schultze qui signale, d'après F. Müller, l’existence à Berlin, d'une des 
espèces de Dugès. En même temps, un autre Némertien d’eau douce, non 
déterminé, est indiqué dans une tourbière à Greifswald (6). 

Sur ces entrefaites, Leidy décrivait d’une façon incomplèle, aux États- 
Unis, sous le nom d'£mea rubra, un Némertien d’eau douce pris aux 


(4) La petile taille de ces animaux est probablement l’une des causes qui 
les font méconnaître. Ils sont filiformes et ne dépassent guère 15 millimètres 
de longueur en extension. 

(2) Zoolog. Anzeig., vol. XX, n° 387, 28 mars 1892. 

(3) Ann. des Sc. nat., vol. XV, 1828, et vol. XXI, 1830. Dugès établit pour ces 
Vers le genre Prostoma dont le type est P. clepsinoides trouvé dans les eaux 
courantes, sous les pierres (1828). Plus tard, trois autres espèces : P. lumbri- 
coideum, P, candidum et P. armatum, vinrent s'ajouter à la précédente, De 
celles-ci, la première seule est fluviatile, les deux autres ont été recueillies au 
bord de la Méditerranée (1830). 

(4) Hist. nat. des Annelés mar. et d'eau douce, vol. III, 1889. 

(5) 2 partie, note de la page 211, dans l'explication des planches. Les 
et 7 Polia Dugesi se trouvent sur la planche XIE, sous les n°* 11, 

2uettdan 

(6) Beiträge zur Naturgeschichte der Turbellarien, 1851. 


362 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


environs de Philadelphie (1). C’est pour le même Ver que Diesing, en 
1862, créa, sans avoir d’ailleurs observé les animaux qu’il y rangeait, la 
famille des £'meidæ (2). 

Peu avant l'apparition de l’ouvrage de Diesing, le professeur Schmarda 
avait fait connaître, sous le nom de ÂVemertes polyhopla, un Némertien 
nouveau du lac de Nicaragua et qui paraît bien appartenir à un type dif- 
férent de tous ceux dont il vient d’être question (3). 

Dès lors, pendant une dizaine d’années, aucun naturaliste ne parait 
avoir rencontré de Némertiens d’eau douce. En 1869, un zoologiste russe, 
Czerniavsky, sighale dans les eaux douces (ou du moins potables), du lac 
Paléotom, situé sur la côte orientale de la mer Noire, tout une faune de 
caractère marin et notamment des Némertes (4). Peu après, en 1872, 
Fedtschenko publie une intéressante étude sur un Zetrastemma trouvé 
par lui aux environs de Tachkent, dans le Turkestan, et qu’il appelle 
T. turanicum. Fedtschenko, fort au courant des recherches de ses de- 
vanciers, écrit malheureusement, comme Czerniavsky, son mémoire en 
russe, ce qui le fait négliger à peu près par tout le monde, bien qu'il soit 
accompagné d'une planche (5). 

Le premier travail, après celui-ci, où se trouve mentionné derechef un 
Némertien d’eau douce, paraît en 1884(6). W. A. Silliman y étudie (sous 
le nom de Z'elrastemma aquarum dulcium), un Ver répandu partout, bien 
que toujours en faible quantité, dans le comté de Monroe (État de New 
York), et qu’il regarde comme identique à fous ceux qui ont été menlion- 
nés ci-dessus — excepté toutefois Vemertes polyhopla Schmarda. 

Le D' von Marenzeller (7) adopte cette opinion et croit que les Némer- 
tiens signalés par Kræpelin (8) dans la distribution d’eau de Hambourg, 
appartiennent à la même espèce. 

C’est probablement encore ce Ver qui a été rencontré autrefois à Wurz- 


(1) Proceed. Acad. nat. Sc. Philadelphia, vol. V, décembre 1850 et octobre 1851. 

(2) Sitzungsb. K. K. Akad. wiss. Wien, math. nat. Clas., vol. XLV, 1862. 

(3) Neue Turbellarien, Rotatorien, etc., vol. I, 4'° partie, 1859. Le grand lac 
de Nicaragua (Cocibolco), dont les eaux, complètement douces, couvrent plus 
de 9,000 kilumetres carrés, renferme une faune très intéressante. On y trouve, 
entre autres Poissons, des Plagiostomes à facies marin caractérisé, notam- 
ment des Pristis ou Poissons Scie. 

(4) Je ne connais le travail de Czerniavsky, publié à Moscou dans une bro- 
chure si peu répandue qu’elle a échappé même à Fedtschenko et à von Kennel, 
que par uue indication de Leuckart (Bericht üb. wiss. Leist... in die Jahre 1868 
und 1869, Arch. f. Naturg., 33° an., 1869, vol. IN, p. 212). L'étude de la faune 
du lac Paléotom, séparé de la mer Noire à une époque récente, fournirait des 
arguments analogues à ceux qui ressortent des travaux de von Kennel, relatés 
ci-après. 

(5) Procès-verb. Soc. imp. amis Sc. nat. Anthrop. et Ethnogr. Université de 
Moscou, vol. X. 

(6) Zeitschr. f. wiss. Zoolog., vol. XEI, 1'° partie. 

(7) Zoolog. Jahrb. (Systematik), vol. IT. 

(8) Abhandl. a. d. Geb. der Naturw. herausg. vom Naturw. Ver. in Hamburg, 
vol. IX, 1r° partie. 


SÉANCE DU 30 AVRIL 303 


bourg, puis en Livonie par von Kennel (1), dans le lac de Genève par du 
Plessis, peut-êre même aux environs de Bagamoyo, côte orientale d'Afrique, 
près de Zanzibar, par le D° Stuhlman (2). | 

Une pareille distribution géographique n’a rien qui doive étonner si 
l'on songe à bien des faits analogues connus pour un certain nombre de 
Rhabdocèles d’eau douce. Beaucoup d'Hirudinées sont sans doute plus 
répandues qu’on ne le croyait jusqu'ici (3). Il en est de même des Hydres 
que les naturalistes voyageurs retrouvent dans des contrées fort éloignées 
les unes des autres, pour peu qu'ils prennent soin de les rechercher (4). 
Une foule de Rotifères sont dans le même cas. Enfin les Crustacés d’eau 
douce fournissent à cet égard des exemples très remarquables, C'est 
ainsi que Cyclops Leuckarti G. O. Sars, si répandu en Europe, se ren- 
contre au Sénégal, à Madagascar, à Ceylan, à Sumatra, aux Gélèbes, 
en Australie (5). Branchipus auritus Koch, dont j'ai signalé dernière- 
ment la présence à Madagascar (6), vit également dans l’Europe centrale 
et orientale, en Égypte, dans le Sahara, dans l’Amérique du Nord, en 
Floride, au Texas, au Mexique, aux Antilles (Saint-Domingue) et à Port- 
Natal, Ainsi se confirment de plus en plus les idées si justes de Darwin 
sur la dispersion des formes d’eau douce (7). 

Quoi qu'il en soit, le Némertien fluviatile observé par von Kennel en 
Livonie offre un intérêt particulier. Ce cas montre en effet, d’une manière 
saisissante, le mode de pénétration d’un Ver marin dans l’eau douce. 
C’est dans une branche morte de l'Embach, affluent du lac Peïpous, qu’a 
été trouvé le Némertien dont il s'agit. Or le Peïpous est, à n’en pas douter 
(comme le lac Paléotom, mentionné ci-dessus), un ancien bras de mer 
séparé du golfe de Finlande et dont les eaux ont peu à peu perdu leur 
salure. D'après von Kennel, le Némertien recueilli par lui dans l’Embach 
serait très voisin de Z'etrastemma obscurum Max Schultze, espèce franche- 
ment marine dans la mer du Nord, mais qui, d'autre part, se trouve être 
la seule capable de supporter l'extrême réduction de salure des eaux du 
golfe de Finlande. On a rencontré cette espèce jusqu’à Revel et à Hel- 
singfors. Elle vit en ces parages, dans un milieu à peine saumâtre, avec 


(4) Sitzungsb. der Naturf. Gesells, bei der Univ. Dorpat, vol, VIIL, 3° partie. 

(2) Sitzungsb. d. K. Akad. d. Wiss. Berlin, vol. XLIX, 6 décembre 1888, 

(3) Une obligeante communication du D' Raphaël Blanchard me permet 
d'annoncer la présence au Chili de Glossiphonia tessellata O. F. Müller, cette 
Sangsue précisément, dont j'ai mis en évidence la dissémination par les Pal- 
mipèdes. — (Soc. de Biol., 30 janvier 1892.) ù 

(4) Les Hydres, si connues en Europe et aux Etats-Unis, se retrouvent par- 
tout, sans qu'il soit guère possible de distinguer les espèces. Victoria, Aus- 
tralie (von Lendenfeld), Nouvelle-Zélande (Conghtrey), Zanzibar (Stuhimann), 
Acores (Th. Barrois). Je puis également signaler ie genre Hydra au Senégal, 
près de Rufisque, ou il a été pêché par M. Chevreux en 1890. 

db) Bullet. Soc. Entomol. de France, séance du 24 février 1892. 

6) J. de Guerne et J. Richard. Bull. Soc. z0ol, de France, vol. XVI, 27 oc- 
tobre 1891). 

(7) Origine des espèces, chap. xur. 


LE LORS ul 
PS ESROUY ce STI 
b 


364 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


des Planaires, des Oligochètes et divers types nettement fluviatiles (4). 
N'est-il pas légitime d'en conclure que, sinon 7”. obscurum, du moins une 
ou plusieurs formes voisines, se sont peu à peu et définitivement accoutu- 
mées à l’eau douce, s y répandant avec le temps et de proche en proche 
comme c’est la règle pour les animaux fluviatiles ? 

J’ajouterai que les Némertiens semblent jouir d’une plaslicité toute 
spéciale pour s’adapler aux conditions d'existence les plus variées. L'on en 
connaît quatre aujourd'hui qui vivent sur terre. Le premier ((reonemertes 
palaensis) a élé signalé en 1863, dans les îles Palaos, en Micronésie, par 
le professeur GC. Semper. Dix ans plus tard, Willemæs-Suhm en découvrit 
un second {Z'etrastemma agricola), aux Bermudes, pendant l'expédition du 
Challenger. En 1879, G. Gulliver décrivait Zetrastémma rodericianum, 
trouvé par lui à l’île Rodrigue (océan Indien) et presque en même temps, 
le professeur von Graff publiait une excellente étude du Geonemertes 
chalicophora (2). La patrie de cette dernière espèce est encore inconnue; 
comme plusieurs Oligochètes Planaires ou terrestres, comme la fameuse 
Méduse d’eau douce découverte à Londres, dans un bassin de Regents’ 

Park (3), elle a été prise vivante dans la serre des Palmiers du Jardin 
botanique de Francfort-sur-le-Mein, au pied d'un Corypha, venu sans 
doute d'Australie, — nouvelle preuve de la facilité avec laquelle peuvent 
se disséminer les organismes en apparence les plus délicats. 

Ces faits parlent d'eux-mêmes; ils permettent de suivre et de éom- 
prendre le processus, lent sans doute, mais continu, par lequel se sont 
peuplées, dans le cours des siècles, l’eau douce puis la terre ferme. Leur 
portée s'accroît par leur groupement même, et c'est pourquoi je pense 
qu'une note comme celle-ei, dût-elle diminuer la surprise causée par 
certaines découvertes, n’est pas entièrement dénuée d'intérêt à un point 
de vue général. 


(1) Max Braun. Arch.f. Naturkunde Liv. Esthl. u. Kurlands, 2° sér., vol. X, 
1884. — Axel Spoof. Turbellaria, Discophota et Oligochelra fennica, 1889. 

(2) Zeitschr. f. wiss. Zoolog., vol. XIIT, 1863. — Ann. Mag. of Nat. Hist., 4° sér., 
vol. XITI, 1874. — Philos. Trans. of Roy. Soc., vol. CLX VIII, 1879. — Morpholog. 
Jahrb., vol. V, 1879. 

(3) Bipalium Kewense Moseley, des serres du Jardin de Kew, etc. Voir J: de 
Guerne. Excursions zoologiques dans les îles de Fayal et de San Miquel (Açores). 
Paris, 1888, chap. 1x. — Voir également J. de Guerne. Méduses d'eau douce et 
d'eau saumätre, etc. Bull. scient. dép. du Nord, vol. XII, 1880. 


CE PS 


Le Gérant : G. Masson. 


D & 


Paris. — Typographie Gaston Née, 1, rue Cassette. — 6326, 


M < 
A AT 


ii 


365 


SÉANCE DU 7 MAI 1899 


M. Sozes : Sur une nouvelle méthode de coloration générale pour la recherche des 
micro-organismes. — M. le Dr Béparr (de Toulouse) : Ectrodactylie quadruple des 
pieds et des mains se transmeltant pendant trois générations. — M. Paur Ricner : 
La physiologie musculaire par l'inspection du nu. — M. Bosc : Note sur les 
troubles de la nutrition dans l'hystérie. — M. le professeur MarRer : À propos du 
procédé communément employé pour séparer les phosphates terreux dans l'urine. 
M. le Dr A. BrumauLp DE MonTGazon : Monographie iconographique des Protistes 
(Hæckel). Atlas de 20 planches contenant 260 dessins à la plume. — M. H. VaQurz : 
Sur une forme spéciale de cyanose s'accompagnant d'hyperglobulie excessive et 
permanente. — MM. J.-E. Agecous et P. LanGLoirs : Destruction des capsules surré- 
nales chez le cobaye. — M. Turrier : Abcès périnéphrétique à pneumocoques. — 
M. AzouLay : Influence de la position du corps sur le tracé sphygmographique. — 
M. E. GéranD (de Toulouse) : Transformation de l’albumine en propeptones dans la 
maladie de Bright. — MM. A. Roper et GABRIEL Roux : Bacille d'Eberth et bacillus 
coli. Quelques faits relatifs à la fermentation de la galactose et de la lactose. 
(Mémoire.) — M. J. Gauge (du Gers) : De l’albuminaturie carbonatée. — M. CHARRIN : 
Hémorragies infectieuses dans la série. — M. Cnaruin : Lésions intestinales d'ori- 
gine toxique. 


Pneu de M. Chauveau. 


CORRESPONDANCE IMPRIMÉE. 


M. FABRE-DOMERGUE, au nom de l’auteur, fait hommage à la Société 


d’un exemplaire de l'ouvrage sur les Al{érations de la personnalité, de 
M. A. BINET. 


CORRESPONDANCE MANUSCRITE. 


M. le D' G. BoreL, de Neuchâtel (Suisse), à l’occasion de la communi- 


calion de M. Galezowski du 9 avril 1892, réclame la priorité de la des- 


cription de l’astigmatisme hystérique (Voir Bulletin du Congrès d'ophtal- 


mologie, de 1887, 5° année, page 273). 


Demande de congé de M. G. BoNNiEr. 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9° SÉR'E; T, IV. 17 


960 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


OUVERTURE D'UN PLI CACHETÉ. 


M. Sozces, après avoir demandé l'ouverture du pli cacheté qu'il a 
adressé antérieurement à la Société, fait une communication sur une nou- 
velle méthode de coloration générale pour la recherche des micro-orga- 
nismes (1), et termine sa communication par les conclusions suivantes : 


1. — Le bleu de Prusse solubilisé dans l’eau gélatineuse est appelé à rendre 
de très grands services à la bactériologie. Son application à la démons- 
tration des bacilles dans les cultures et les tissus est très facile et très 
rapide. 

IT. — Ses premières applicalions permettent de voir des parasites 
encore inconnus dans le sarcome, le fibrome, le goitre, l’épithéliome, 
dans la papulo-pustule de la variole, du vaccin de génisse, dans le chancre 
induré, dans le névrome plexiforme, dans la rage, dans la cirrhose hépa- 
tique, dans le petit sein scléreux, dans l’érysipèle bacillaire, dans le 
squirrhe, dans l’épithélioma de l'œsophage, de l'estomac et du pylore. 

III. — Les colonies bactériennes forment par leur importance un con- 
tingent considérable dans la constitution des tumeurs. 

IV. — Les cancers doivent être considérés comme des amas formés 
d'éléments cellulaires en voie de destruction, d'éléments microbiens en 
voie de culture florissante mêlés à l’excretum parasitaire plus ou moins 
solide et solubilisable suivant les cas et qui leur sert de gangue com- 
mune. Ces biocs cellulo-bactériens et excrémentitiels se fixent irrémédia- 
blement et colonisent plus ou moins loin et après une durée plus ou 
moins éloignée de leur première fixation pour amener ce que les chirur- 
giens appellent la généralisation des cancers. 

V. — Le mécanisme de l'établissement des colunies plus ou moins 
fixes qui forment les cancers est éclairé par ma méthode qui met en 
valeur ces deux quantités qui vont en sens inverse : 

1° Les éléments anatomiques qui vont en se détruisant, et 2° les élé- 
ments bactériens qui vont en s’accroissant. 

Ce processus d’empoisonnement, de mort et de disparition des cellules 
au profit des colonies bactériennes mérite le nom général de toxicyto- 
phagose, 


(1) Le bleu de Prusse solubilisé à la gélatine a été dénommé Bleu de Solles. 


SÉANCE DU 1 MAI 307 


ECTRODACTYLIÉ QUADRUPLE DES PIEDS ET DES MAINS SE TRANSMETTANT 
PENDANT TROIS GÉNÉRATIONS, 


par M. le D' BéÉpart (de Toulouse). 


L'année dernière, je rencontrai mendiant sur les places publiques de 
Toulouse deux fillettes présentant les malformations des pieds et des mains, 
dites par ectrodactylie: pieds fourchus et doigts absents aux deux mains. 
Les ayant interrogées, j'appris qu’elles étaient non pas les deux sœurs, 
mais les deux cousines germaines; ce degré de parenté m'amena immé- 
diatement à faire un interrogatoire plus complet, lequel m'apprit que 
toute une famille présentant des difformités analogues était campée dans 
une voiture aux portes de Toulouse. 

J'obtins facilement de les faire venir dans mon cabinet et j'en pris 
immédiatement les photographies que vous avez en ce moment sous les 
yeux. 

La partie intéressante de cette observation est la transmission de cette 
double difformité des pieds et des mains à trois générations successives, 
ainsi qu'il résulte de la généalogie de cette famille, originaire du Péri- 
gord. Elle y possède sa résidence fixe, voyage pendant la beile saison, 
revient en hiver y jouir du petit pécule amassé durant la campagne 
d'été; elle ne veut pas être confondue avec les vagabonds qui habitent 
ordinairement les maisons roulantes; j'insiste un peu sur ce point pour 
montrer que nous ne sommes pas en présence d’une généalogie fantai- 
siste ; M. le professeur Testut, de Lyon, connait également cette famille 
dans la localité qu’elle habite ; famille presque fière de posséder un état 
civil présentable remontant jusqu’à la quatrième génération; chose assez 
rare parmi les pauvres habitants des maisons roulantes. 

Mais au point de vue tératologique, cette généalogie est fort intéres- 
sante. Qu'on en juge plutôt. 


PROPORTION DES DIFFORMITÉS. — Les arrière-grand-père et grand'mère, 
tous les deux bien conformés, ontun fils unique Auguste, qui vient au monde 
avec les pieds fourchus et une difformité des mains dont les souvenirs de 
sa fille ne permettent plus de préciser exactement le type ; elle dit qu'il 
lui manquait les phalanges des doigts? ectrodactylie probablement. 

Ce fils, Auguste Faurie, difforme, épouse une femme bien conformée, 
dont il a quatre enfants, savoir : 

1° Louis Faurie, cantonnier, pieds et mains crochus; se marie avec une 
femme indemne; 3 enfants : 1 garçon et 2 filles, {ous difformes ; d’un second 
mariage, il a À garcon indemne. 

9° Élisabeth Faurie, pieds et mains crochus; mariée à un homme bien 
conformé; 2 jumeaux : À garçon indemne; 1 fille difforme, Marie. 


368 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


3° Marie Faurie, pieds efmains crochus; se marie au sieur Fabre indemne, 
en a 7 enfants : 3 filles, Nathalie, Clémentia, Delphine, toutes les trois 
difformes; 4 garçons : Louis difforme, les 3 autres bien conformés. 

4° Michel Faurie, indemne; se marie à une femme indemne et a 
5 enfants indemnes. 

En résumé : l’auteur commun, difforme, le grand-père Auguste Faurie 
a eu 4 enfants : 3 difformes, 1 indemne; qui lui ont donné 48 petits-fils 
ou petites-filles, dont 8 difformes et 10 indemnes. Si nous écartons 
la famille Michel Faurie (où père, mère, et 5 enfants sont bien conformés), 
la proportion des enfants difformes est de 8/13, à peu près les 2/3. 

Voilà pour le nombre. Voyons maintenant la répartition des difformités 
suivant le sexe. 

I*e génération, sur # enfants, 9 Hiponmess DEA IGon ares: 
1 indemne : 1 garcon. 


8 difformes : 6 filles, 2 garcons; 


LT LA 


2° génération, sur 13 enfants. à 
5 indemnes : 5 garçons. 

La chose est claire, la transmission se fait plus facilement par les 
filles : toutes sont difformes ; sur 9 garçons, 6 sont indemnes. 

Première remarque. — Pour les enfants d'Élisabeth, il y a eu grossesse 
gémellaire : le garcon indemne, la fille difforme. On admet que dans le 
cas de jumeaux de sexe différent, les chorions sont séparés et les vais- 
seaux placentaires indépendants; dans ce cas de grossesse gémellaire, où 
les deux embryons évoluant en même temps, un seul, celui du sexe femelle, 
reproduit la difformité, n’y a-t-il pas de quoi corroborer l’idée de la 

ransmission plus facile par les femmes? 

Deuxième remarque. — Influence du sexe du parent difforme sur le sexe 
des enfants difformes. 

Là encore, si on fait les proportions, on voit que la transmission par les 
filles se fait plus facilement, même lorsque c’est le père qui présente les 
difformités. 


TYPES DES DIFFORMITÉS. — Le nombre et la proportion de ces malfor- 
mations étant connus, examinons-en le lype. 

Cette étude n’a pu être faite que sur Marie Faurie (femme Fabre), 2 de 
ses filles : Nathalie et Delphine, et sur sa nièce Marie ; les seules que j'ai 
pu photographier et examiner. 

Pieds. — Toutes présentent aux pieds les mêmes anomalies : le pied 
fourchu, bifide ; avec développement très marqué du gros orteil et du 5e. 
La fente se prolonge jusqu'à la première rangée du tarse séparant le gros 
orteil des 4 autres doigts, dont le 2°,3° et 4° sont réduits à leurs métatar- 
siens plus ou moins développés et sont inclus dans une sorte de bourrelet 
placé en dedans du 5° orteil; les phalanges du 1° et du 5° orteils sont 
incurvées vers l'ouverture de la fente, comme les 2 branches de la pince 


SÉANCE DU 7 MAI 309 


Tathalie F 


lphime F 


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à 


310 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


d’un crabe. C'est par suite d’une luxation traumatique que le gros orteil 
gauche est déjeté en dedans chez la mère Fabre. 

Les tendons de la région dorsale se divisent en 2 groupes; le gros 
orteil est mobile chez toutes, par suite de la déviation du gros orteil vers 
l'ouverture de la pince, la flexion devient de l’adduction par rapport à la 
ligne médiane du pied; mais la pince ne se ferme que très incomplète- 
ment. Je n'ai pas eu le temps de faire l'exploration électrique des groupes 
musculaires ; ayant eu l’occasion de faire ce genre de recherches sur la 
« Femme Homard », qui court les foires et présente la même difformité 
ectrodactylique, je n’ai rien eu de particulier à noter. Et d’ailleurs cette 
difformité, constituée par l'avortement ou ectrodactylie des doigts médians 
2°, 3°, 4° avec conservation du {1# et du 5°, ne se rattache à aucun type de 
différenciation de l’extrémité du membre inférieur dans la série animale. 

Mains. — Tout autre nous paraît, au contraire, le plan suivant lequel 
s’est fait l'avortement des doigts aux membres supérieurs présentant ces 
bizarres anomalies. Il y a ce fait remarquable que : l’ectrodactylie porte 
sur les doigts les plus éloignés de l’axe de la main, laissant intacts le 3° et 
le 4° mélacarpiens avec une ou plusieurs phalanges. Cette réduction du 
nombre des doigts rappelant ainsi l'évolution réductrice pour passer de la 
main heptadactyle à la main pentadactyle et à l'extrémité didactyle des 
périssodactyles paridigités. 

Examinant en effet le squelette de ces mains difformes par transpa- 
rence : A° en mettant ces mains entre le soleil et l’œil; 2 par une palpa- 
tion méthodique de ces sorles de moignon, dont les parties sont très 
mobiles les unes sur les autres, je suis arrivé facilement à établir la con- 
slitution squelettique que figurent les schémas ei-Joints. 

Les 3° et 4° doigts, dont les métacarpiens et phalanges sontteintés en 
noir, montrent, avec les 5°, 2° et 4% doigts avortés et teintés par des 
hachures, un ensemble qui se rapproche étonnamment des réductions de 
doigts qui ont produit l'extrémité antérieure des périssodactyles paridi- 
gités par avortement des doigls correspondants. 

Cette analogie est surtout frappante pour la main gauche de Marie 
Fabre et la droite de sa fille Delphine; leur seconde main s’en rapproche 
beaucoup; mais la première phalange du 3° doigt est seule développée et 
vient s’articuler (?) ou s'appuyer sur le 4e doigt bien développé, limitant 
un espace triangulaire dont les 2 autres côtés sont formés par le 3° et 4° 
métacarpiens écartés. 

L'autre fille, Nathalie, présente également cette disposition du 3° méla- 
carpien avec une première phalange transversale et l’espace triangulaire ; 
mais le pouce est bien développé; ce que l’on remarque aussi à la main 
gauche de sa cousine Marie. 

En terminant, je tiens à faire remarquer que je ne donne pas la chose 
comme une explication ferme du mode de production de ces difformités ; 
j'ai soumis le cas à l'appréciation de l'éminent professeur Dareste : il a été, 


PPCPEE RE D ENT TT TS 


SÉANCE DU T7 MAI at 


lui aussi, frappé de cette analogie. Si l'on explique l'existence de doigts 
surnuméraires, en rappelant que la forme primitive de la main du mam- 
mifère était non pas pentadactyle, mais bien heptadactyle, quand des 
doigtsavortent par réduction au dela de leur nombre 5 chez l'homme, il est 
remarquable de voir cette réduction se faire non pas au hasard, mais sui- 
vant un type qui, par le numéro d'ordre des doigts réduits, rappelle 
absolument le type de réduction des périssodactyles paridigités. 

Je compte d'ailleurs pouvoir continuer ces recherches et les compléter 
en examinant les 10 autres membres de cette famille atteints de la même 
difformité, et pousser plus loin mon enquête pour savoir si cetle transmis- 
sion n’entraîne pas des troubles du côté du système nerveux. Les sujets 
observés étaient tous très intelligents et très adroits de leurs mains : une 
des filles est placée comme domestique, et son père est cantonnier, quoi- 
que porteur de la double difformité. 


LA PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE PAR L'INSPECTION DU NU, 
par M. Paul Ricuer. 


Dans un ouvrage (1) publié il y a déjà deux ans, je me suis attaché à 
décrire minutieusement les formes extérieures du corps humain non 
seulement dans l'état de repos, mais aussi dans les principaux mouve- 
ments que peuventexécuterses diverses parties. Ces premières recherches 
m'ont démontré combien l'observation du nu, dans de certaines condi- 
tions faciles à réaliser, éclairait la physiologie musculaire et comment 
même parfois, elle pouvait à elle seule trancher les questions les plus 
discutées. Cette étude mérite d’être continuée et étendue. 

Si l’on songe, en effel, que le système musculaire compose à lui seul la 
grande masse du corps, qu'il est en grande partie sous-cutané et que 
toute modification dans l’état physiologique d'un muscle se traduit néces- 
sairement par une modification de la forme extérieure de la région 
cutanée qui lui correspond, on comprendra aisément tout le parti qu’on 
peut tirer pour l'étude de la mécanique animale de la simple inspection 
du nu vivant et agissant. Cette méthode fort simple a été cependant peu 
employée jusqu’à présent, peut-être à cause desa simplicité même et peut- 
être aussi à cause de cette idée, née de l'extension de la méthode gra- 
phique, que les recherches physiologiques ne sauraient se passer d'appa- 
reils. C’est elle que nous avons néanmoins fidèlement suivie dans l'ouvrage 


(1) Analomie artistique, description des formes extérieures du corps humain 
au repos et dans les principaux mouvements, par le Dr Paul Richer, Paris, 
1390, 


E 7104 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


déjà cité, où se trouvent consignés les résultats déjà obtenus dans l'étude 

des mouvements partiels. Elle ne sera pas moins utile, pensons-nous, 
pour l'étude des attitudes et des mouvements d'ensemble que nous pour- 
suivons en ce moment. 

Je citerai quelques exemples : 

Le relâchement musculaire général n'existe que dans le décubitus, 
alors que les membres, abandonnés, subissent sans résistance l’action de 
la pesanteur. 

Qu'advient-il dans la station debout, le corps portant également sur les 
deux pieds? On a cru longtemps, conformément à la théorie émise par 
Fabrice d'Aquapendente, que, pour maintenir cette attitude, l'action con- 
tinue et énergique d’un grand nombre de muscles, et en particulier des 
extenseurs, était nécessaire. Or, la seule inspection du nu suffit pour 
mettre hors de doute ce fait contraire, en apparence paradoxal, que dans 
cette attitade d'extension de tout le corps, les gros muscles extenseurs 
sont inactifs. C’est ainsi que les spinaux lombaires, les grands fessiers, et 
les triceps fémoraux sont dans le relâchement le plus complet. Le relä- 
chement des spinaux se reconnait aux plis transversaux qui les traver- 
sent (1), celui des grands fessiers (2) à la forme spéciale de la fesse, et 
celui des triceps fémoraux (3) à la morphologie de la région et, en parti- 
culier, à la présence d’un bourrelet caractéristique à la partie interne et 
supérieure du genou, au niveau de la partie la plus inférieure du vaste 
interne. Il convient d’ajouter que ces muscles, inactifs lorsque l'équilibre 
de la station verticale est complètement établi, se contractent aussitôt 
que, pour une cause quelconque, il est détruit: et leur action n’a d'autre 
but que celui de ramener la ligne de gravité dans une position favorable 
à leur relâchement. Les seuls muscles constamment en activité dans cette 
attitude sont les muscles de la jambe et particulièrement ceux du mollet. 

Sans entrer ici dans l’exposé des diverses théories émises sur le méca- 
nisme de la station, je dirai que ces faits confirment pleinement la théorie 
mécanique émise par les frères Weber en 1836 et adoptée depuis par un 
grand nombre de physiologistes, à l'encontre de la théorie de l’activité 
musculaire des anciens, soutenue encore cependant par Béclard et 
Beaunis. 

Passons maintenant à l'étude de quelques mouvements. 

Duchenne (de Boulogne) a très nettement établi l’action partielle des 
différents muscles à l'aide de la faradisation localisée. Mais l’étude des 
synergies musculaires ne peut êlre achevée que par l'observation des 
mouvements dans les conditions normales et physiologiques. Duchenne 
a montré, par exemple, que le deltoïde n'élevait le bras que jusqu'à la 


(4) Loc. cit., p. 184 et pl. 79. 
(2) Loc-veil./p:M940et pl 94° 
(3) Loc.-cit., p. 231 et suiv., pl. 68, 83 et suiv. 


SÉANCE DU 7 MAI 510 


position horizontale, l’élévation verticale n'étant obtenue que par suite 
du mouvement de bascule de l’omoplate produit par la contraction 
synergique du grand dentelé. Or, l'inspection du nu, tout en confirmant 
cette synergie musculaire, permet de constater que l'action de ces 
deux muscles dans l’élévation du bras n’est pas successive et que le 
grand dentelé ne se borne point dans la première phase du mouvement, 
ainsi que le pensait Duchenne, à fixer l'omoplate contre la paroi thora- 
cique, mais que cette action est simultanée et que, dès le début du mou- 
vement, le grand dentelé exerce son action rotatrice sur l’omoplate (1). 
L’inspection du nu permet, en outre, de constater que, le bras maintenu 
dans le plan horizontal, il s'établit une suppléance du grand dentelé par 
le tiers moyen du trapèze lorsque le bras est ramené en arrière (2). 

Pour les mouvements de rotation du membre supérieur, l'observation 
du nu permet également de constater que, dans l'extension du membre, 
les mouvements de pronation et de supination de l’avant-bras, contraire- 
ment à l'opinion généralement reçue, ne sont point indépendants des 
mouvements de rotalion de l'humérus. Cette rotation du bras ne se pro- 
duit pas seulement à la fin du mouvement pour accentuer et prolonger 
la rotation de l’avant-bras, elle se produit dès le début. Des photogra- 
phies prises aux différents temps du mouvement rendent le fait indiscu- 
table (3). | 

La morphologie d'une partie du corps qui se meut variera beaucoup 
suivant son orientation par rapport à l’action de la pesanteur qui, comme 
on le sait, joue un si grand rôle dans la mécanique animale. Que l'on 
compare, par exemple, la flexion du cou, la flexion du torse, etc..…., dans 
la station verticale avec les mêmes mouvements dans le décubitus dorsal, 
on verra pour un même mouvement l’action musculaire changer de 
place. En variant les conditions de l’expérience et pour d’autres parties 
du corps, la simple inspection du nu permettra de constater maintes fois 
ce fait, d'apparence paradoxal, que la flexion s'accompagne de la contrac- 
tion des extenseurs et du relâchement des fléchisseurs et vice versa ; d'où 
la loi générale que l’on peut formuler ainsi : Lorsque le déplacement 
d'un segment du corps se produit sans effort dans le sens où l'entraine 
son propre poids, l’action des muscles ordinairement destinés à agir dans 
le même sens ne se produit pas, et ce sont au contraire les muscles anta- 
gonistes qui entrent en contraction. 

Si nous considérons maintenant les mouvements de translalion, la 
marche par exemple, on reste surpris en voyant comment l'application 
de la méthode si simple que nous préconisons aurait pu empêcher l'éta- 
blissement de théories erronées dont le règne a élé long. C'est ainsi que 


(1) Loc. cit., p. 196 et 199 et pl. 92. 
(2) Loc. cit., p. 196 et 197 et pl. 93. 
(3) Loc. cit., p. 220 et suiv. et pl. 104, 1402, 103. 


314 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


. 


la fameuse théorie des frères Weber, qui considèrent la jambe oscillante 


comme uniquement mue par l'action de la pesanteur à la manière d’un : 


pendule et qu’en conséquence ils qualifient de passive, ne résiste pas à 
l'examen du nu, lequel démontre péremptoirement que le membre 
oscillant est essentiellement aclif. Je sais bien que cette théorie, déjà 
combattue par Duchenne (de Boulogne), Giraud-Teulon et Carlet, a été 
définitivement ruinée par Marey qui, au moyen d’ingénieux appareils 
graphiques, a montré que le mouvement décrit par le membre oscillant 
n’avait rien de l’oscillation pendulaire. Mais la démonstration de l’activité 
de ce membre pouvait être faile directement et par le procédé le plus 
simple. Il suffisait d’y regarder. On voit, en effet, très clairement, sur le 
membre qui oscille, le droit antérieur et le couturier se contracter au début 
de l’oscillation, et aussi les muscles postérieurs de la cuisse, fléchisseurs 
de la jambe, dont les tendons de chaque côté du jarret se dessinent de la 
manière la plus nette. La contraction du triceps fémoral vient ensuite. 
Enfin, sur le dos du pied, on voit également à chaque oscillation les ten- 
dons des muscles extenseurs faire relief sous la peau. 

Sur le membre portant, l’activité musculaire n’est pas moindre. Mais 
elle est autrement distribuée. Ainsi, au moment où le talon touche le sol, 
la contraction du triceps fémoral est énergique et se prolonge quelque 
peu, pour disparaître et faire place ensuite au relâchement le plus complet. 

Pendant tout le temps que dure la phase de support, on observe, du 
même côlé, une contraction énergique de la moitié supérieure du grand 
fessier et du moyen fessier tout entier. Quant aux muscles de la jambe, ils 
paraissent contractés tout le temps que le pied pose sur le sol, avec une 
exagération de la contraction dans les jumeaux et le soléaire au moment 
où la pointe du pied se prépare à le quitter. 

Mais ces études de morphologie, lorsqu'il s’agit du corps en mouve- 
ment, ont besoin, pour être complètes, du secours de la photographie 
instantanée. J'ajouterai même qu'il est certains mouvements dont l’ana- 
lyse, à cause de leur rapidité, ne saurait être faite sans l'image laissée 
sur la plaque sensible. C’est alors que la photo-chronographie suivant 
la méthode préconisée par M. Marey, par les images successives qu'elle 
fournit d’un même mouvement est appelée à rendre les services les 
plus signalés. 

Ce qui précède suffit, pensons-nous, pour montrer de quelle grande 
utilité peut être pour l'étude de la physiologie musculaire l'observation 
méthodique du nu, et je me bornerai à émettre les quelques conclusions 
suivantes : 

Toute modification dans l’état physiologique d’un muscle s'accompagne 
d’une modification correspondante dans le modelé de la région. 

D'une manière générale, la contraction setraduit extérieurement par des 
saillies accompagnées de sillons et de fossettes ; le relâchement, au con- 
traire, par une uniformité de surface, 


: 
ds 

x 
5 


APR et. 17 


SÉANCE DU 7 MAI 5719 


Les modifications du modelé dépendent de la forme du muscle lui- 
même et aussi de la disposition des bandelettes et enveloppes aponévro- 
tiques dont l'influence sur la forme extérieure est considérable. C'est ainsi 
que dans certaines régions, contrairement à ce qui a lieu d'ordinaire, le 
relâchement musculaire amène la production de saillies fort distinctes, 
disparaissant avec la contraction, comme il arrive, par exemple, pour le 
vaste interne du triceps fémoral et pour le moyen fessier (1). 

On peut poser, en règle générale, que la production de sillons parallèles 
aux fibres du muscle indique la contraction ou la distension, pendant 
que les sillons perpendiculaires à la direction des fibres sont l'indice du 
relâchement. 

Les observations de cette nature ne peuvent être faites avec fruit que 
sur des sujets choisis, remarquables par la finesse de la peau, l’absence 
de panicule adipeux sous-cutané et la puissance de la musculature. 
Elles demandent, de la part de l'observateur, une étude préalable appro- 
fondie de la forme extérieure. 

Pour un même mouvement, le modelé ne sera pas toujours identique, 
mais variera, suivant les circonstances, avec les forces musculaires diverses 
mises en jeu. C’est ainsi que, pour une même attitude, le modelé changera 
suivant le sens dans lequel doivent lutter les muscles pour la maintenir, 
que l'effort s'exerce contre la pesanteur ou contre un obstacle quelconque. 
Par exemple, dans la flexion à angle droit de la cuisse sur la jambe, le 
modelé de tout le membre diffère suivant que le point fixe du mouvement 
se trouve en haut ou en bas, c’est-à-dire que le pied est détaché du sol 
ou bien qu'il y repose (2). La raison en est facile à comprendre, inutile 
d'y insister. De même un membre qui tire ne ressemble pas à un membre 
qui pousse, un membre qui s'élève à un membre qui s’abaisse, un membre 
qui se fléchit à un membre qui s'étend, ainsi que la remarque en à été 
faite, il y a longtemps déjà, par Léonard de Vinei. 

Il s'ensuit que l'étude de la forme extérieure fournit sur la nature et le 
sens du mouvement les indications les plus sûres et que, sur l’image 
immobile d’un membre, il est possible de reconnaitre, d'après le modelé, 
s’il se meut et dans quel sens il se meut. Il me semble inutile, après cela, 
d'insister sur l’intérèêt que présentent ces études pour les artistes, peintres 
ou sculpteurs, appelés à rendre par des lignes et des formes immobiles 
l’image de la vie et du mouvement. 


(A) Loc. cit., p. 246 et pl. 105. 
(2) Loc. cit, pl. 105 et 107. 


NES LITE TRS SN RE 7 AR Q 


370 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


NOTE SUR LES TROUBLES DE LA NUTRITION DANS L'HYSTÉRIE, 


par M. Bosc, 
Chef de clinique médicale à la Faculté de Montpellier. 


(Note présentée par M. Quinquaun.) 


J'ai suivi avec d'autant plus d'intérêt les discussions qui ont eu lieu 
récemment à la Société de Biologie, au sujet de la formule chimique de 
l'hystérie, que depuis quelque temps je cherchais à me rendre compte 
des troubles généraux de la nutrition dans celte névrose. L'étude à 
laquelle je me suis livré n’est pas encore assez avancée pour que je 
puisse en donner une synthèse, mais, considérant la vive actualité de la 
question, j'ai cru pouvoir en détacher quelques chiffres. 


M. Gilles de la Touretle admet, depuis 1890, que la formule des phos- 


phates jointe à l’abaissement du résidu fixe, de l’urée, des phosphates 
eux-mêmes, serait un caractère de l'attaque d'hystérie. 

M. Féré, dans une note à la Société, veut démontrer que l’inversion 
de la formule des phosphates n’est pas propre à certaines manifestations 
hystériques, mais peut se rencontrer à la suite d'attaques d’épilepsie. 
C'est ce qui ressort aussi de certaines des observations publiées par 
M. Mairet. 

M. Voisin prétend, à son tour, que, dans les cas difficiles, on ne peut 
porter un diagnostic d’hystérie, d’après l’analyse des urines, à cause de 
la rareté de l’inversion dans l’hystérie et de son existence dans d’autres 
états. 

M. Gilles de la Tourette abandonnant, semble-t-il, en partie, l’idée de 
la constance absolue de l’inversion donne, comme caractéristique de 
l’attaque d'hystérie, l'ensemble même des transformations chimiques du 
jour du paroxysme. 

Il nous a paru que c'est bien à ce dernier avis qu'il faut se ranger et 
nous espérons pouvoir démontrer que l'attaque d’hystérie bouleverse 
complèlement, par rapport aux jours de repos, la formule urinaire, 
faisant porter les modifications sur chacune des parties constituantes de 
l’urine. Cette {ransformalion est profonde et passagère. 

Je base cette opinion non seulement sur les divers travaux publiés jus- 
qu'à maintenant, mais sur un grand nombre d'analyses des urines de 
plusieurs hystériques, en traitement à l'Hôtel-Dieu Saint-Éloi, dans le 
service de notre maitre M. le professeur Carrieu. 

Nous détachons de nos notes les quatre tableaux suivants, qui ne sont 
peut-être pas les plus complets que nous possédions, mais qui se trou- 
vent établis des premiers. 


SÉANCE DU 7 MAI tte 


TABLEAU N° I. 


Atlaque d'hystérie caractérisée par des contractures généralisées, avec contractures 
et convulsions dans tout le côté gauche de la.face. Cet état a persisté pendant 
quinze heures. Urines des vingt-quatre heures. 


P20ÿ | P205 | P?05 | COEFFICIENT| ALBU- 


‘OULEUR É 2 
So eee TOTAL |ALCALIN| terreux | D'OXYDATION MINE 


QUANTITÉ 


p. 100 

| Attaque .| 850| très pâles | 6.57[0. . 15 18 

| Normale.| 650| ambrées È : ' 24 89 
ambrées : a .45 89.7 
foncées : se .45 91 

très foncées|15.24|1.86 nc : 98 
foncées 123.5512. 90 


TABLEAU N° II. 


Attaque d'hystéro-épilepsie, à grands mouvements. Urines des vingt-qualre heures. 


ACIDE | P20ÿ | P20ë | P20ÿ |COEFFICIENTII 


COULEUR |UREÉE : 
URIQUE | TOTAL |ALCALIN| terreur | D'OXYDATION 


p. 100 
Attaque . ; ï Ë : . 84 
Normale. | e 1.76 À à 93 

: 5 » 
90 
89 


TABLEAU N° III. 
Attaque d'hystéro-épilepsie, à grands mouvements. Urines des vingt-quatre heures. 
QUAN- ACIDE P20 JUS 


TITÉ COULEUR URIQUE SRE TOTAL ALCALIN 


C. C. 
Attaque .| 1250 | très päles 


| Normale.| 1200 foncées 
150 
1400 
1100 
700 
1300 
1050 ambrées 


Ye) 
—1 Q © 
©Ot = 10 


ÿS 


DAS 7 


© © © © 
=Ne=NeNt— 


SSCS 


918 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


TABLEAU N° IV. 
Attaque d’hystéro-épilepsie, à grands mouvements. Urines des vingt-quatre heures. 


P205 MN P205"|MP20°1NCOEREICIENE 


GOUEEUE URBE ALCALIN | TERREUX D'OXYDATION 


Attaque .| 900 très pâles 
Normale.| 1050 | bien colorées |2: 


L'on peut voir, d’après ces tableaux, et surtout d’après le tableau n° Ï, 
qui est typique à cet égard, que le jour de l'attaque, il y eut une trans- 
formation complète des indications de chaque colonne. 

Nous ne pouvons pas ici expliquer certaines particularités contenues 
dans ces tableaux ; nous y reviendrons plus tard. 

Je conclurai non seulement de ces tableaux, mais de ceux que nous 
possédons encore, que : 


4° L’urine qui suit l’attaque a un volume, dans la très grande majorité 
des cas, moindre que pendant une égale période de repos. La quantité 
émise en vingt-quatre heures peut tomber bien au-dessous de la normale. 

2° Qu’elles soient abondantes ou rares, les urines de l'attaque sont 
toujours excessivement pâles. Les matières colorantes, surtout les rouges, 
font entièrement défaut. 

3° l'urée est considérablement diminuée. 

4° L’acide urique augmente brusquement, dans des proportions consi- 
dérables, le jour de l'attaque, pour diminuer les jours suivants et tomber 
fort au-dessous de la normale. Ce n’est pas une décharge. 

5° L’acide phosphorique total est éliminé en quantité bien moindre 
et quelquefois excessivement minime. L’inversion de la formule des 
phosphates est fréquente, mais non constante; parfois, la quantité des 
phosphales lerreux peut dépasser notablement celle des phosphates alca- 
lins. Le tableau I est typique à cet égard. 

Les objections de M. Oliviero tombent ici devant ce fait que ces résul- 
tats ont été soigneusement vérifiés par M. de Girard, professeur agrégé 
de chimie, chef du Laboratoire des Cliniques, comparativement par la 
méthode rigoureuse des pesées et par la méthode volumétrique. 

6° Mais ce qu'il y a de remarquable, c’est l'abaissement brusque du 
coefficient d'oxydation, le jour de l'attaque. L'azole total est non seule- 
ment très diminué, lui-même, mais une bonne partie est elle-même 


SÉANCE DU 7 MAI 319 


incomplètement oxydée. Il y a un rapport inverse entre le taux de l'acide 
urique et le coefficient d’oxydation, le jour de l’attaque et suivants. 

7° Le jour de l'attaque s'isole ainsi complètement des jours de repos: 

En résumé : 1° diminution des oxydations : disparition des matières 
colorantes, diminution de l'urée, acide phosphorique (avec inversion 
fréquente mais non nécessaire), diminution de l’azote total. 

2° Ralentissement de ces oxydations diminuées : diminution brusque du 
coefficient d’oxydation, augmentation de l'acide urique. 


J'ajouterai, comme caractère important, l'énorme abaissement de toxi- 
cité des urines émises le jour de l'attaque, de telle sorte qu’il faut jusqu’à 
plus de 200 centimètres cubes d'urine par kilogramme du poids du corps 
pour tuer un chien ou un lapin. J'y reviendrai prochainement. Il me 
paraît admissible de l’attribuer à l'absence des matières colorantes dont, 
_avec M. le professeur Mairet, nous avons étudié le rôle dans la toxicité 
urinaire. (Toxicité urinaire, Masson, 1892.) 

Je citerai encore, pour aider le diagnostic, les modifications de la 
pupille pendant l'attaque d’hystérie. 

J'ai toujours noté une dilatation moyenne, comme à toutes les phases 
de l’attaque, contrairement aux observalions de Féré, avec persistance 
du réflexe lumineux. Mydriase maxima pendant l’extase. J'étais déjà 
arrivé à de pareils résultats dans un travail paru l’an dernier, intitulé : 
Recherches sur les modifications de la pupille chez l'homme sain, l'épilep- 
hique et l'hystérique, et fait à la Clinique des maladies mentales et ner- 
veuses. 


À PROPOS DU PROCÉDÉ COMMUNÉMENT EMPLOYÉ POUR SÉPARER 
LES PHOSPHATES TERREUX DANS L'URINE, 


par M. le professeur MAïRET. 


(Note présentée par M. Quixquaup.) 

Dans la séance du 23 avril, M. Oliviero, à propos de l'inversion de la 
formule des phosphates dans l'hystérie, met en doute, au nom de la 
chimie, la valeur de la méthode communément employée pour séparer, 
dans l'urine, les phosphates terreux des phosphates alcalins, méthode 
qui consiste, on le sait, à précipiter les phosphates terreux par l’ammo- 
niaque, à les dissoudre par l'acide acétique et à les doser au moyen de 
l’acétate d'urane. 

Divers chimistes et, en particulier, M. Cazeneuve et M. de Girard ont 
déjà dirigé des attaques contre cette méthode. Ces attaques méritent 
d'attirer l'attention des cliniciens, car si elles sont exactes, tous les tra- 


380 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


vaux faits jusqu’à présent sur les deux espèces de phosphates pécheraient 
par la base, et, par suite, seraient sans valeur ; à peu prè tous, en effet, 
sinon tous, ont été faits par le procédé incriminé. 

En est-il bien ainsi? Je ne le crois pas. 

Que ce procédé soit imparfait, qu'il ne donne pas la quantité absolue 
de phosphates terreux que contient l'urine. c'est possible, certain même, 
puisque des chimistes d’une grande autorité scientifique l’affirment; aussi, 
si J'avais à faire œuvre de chimiste, j'emploierais un autre procédé. Mais 
je suis biologiste, c’est-à-dire que j'ai moins besoin d’un procédé qui me 
donne la quantité absolue de phosphates terreux qu'un procédé qui, 
lorsque j'opère dans les mêmes conditions, me donne toujours les mêmes 
résultats. Eh bien, c’est ce qui arrive pour le procédé incriminé, l’expéri- 
mentation le démontre. 

Je prends des individus sains, je les soumets pendant plusieurs jours 


consécutifs à un régime toujours le même par sa qualité et sa quantité 


et aux mêmes conditions d'existence, et j'examine les urines chaque 
vingt-quatre heures. Si le procédé qui nous occupe a la valeur que je lui 
attribue, il est bien certain, étant données les conditions où sont placés 
nos sujets en expérience, que la quantité des phosphates terreux élimi- 
nés doit être, à {rès peu de chose près, quotidiennement la même. 

Les deux expériences qui suivent affirment absolument le bien fondé 
de ce que j'avance. 


ACIDE ACIDE ACIDE 
PHOSPHORIQUE PHOSPHORIQUE PHOSPHORIQUE 
uni uni 
total aux terres aux alcalis 


INDIVIDU N° Î. 
Premier jour. 


Deuxième jour. 
Troisième jour. 


INDIVIDU N° 2. 
Premier Jour. 
Deuxième jour. 
Troisième jour. 


Et je pourrais multiplier les exemples, mais ceux qui précèdent me 
paraissent suffire ; on en trouvera, d’ailleurs, de nombreux dans mon 
travail intitulé « Recherches sur l'élimination de l'acide phosphorique chez 
l’homme sain, l’aliéné, l'épileptique et l'hystérique ». 

Par conséqnent, si le procédé incriminé ne donne pas la quantité 
absolue de phosphates terreux que renferme l'urine, il donne une quan- 
tité relative qui est toujours la mème quand les conditions biologiques 
ne changent pas. 


4 
À 
À 
J 
4 
| 


SÉANCE DU T MAI _ 381 


Voilà un premier point acquis et un-point fondamental. 

Ce n’est pas tout, ce procédé est assez sensible pour que si une des con- 
ditions d'existence vient à changer, les modifications produites sur les 
phosphates terreux se marquent. 

Je le démontre. 

Lorsque l'individu n° 4 rendait la quantité d'acide phosphorique qui 
précède, il était soumis à un régime végétal ; nous le soumettons à un 
régime mixte, et, sous l'influence de ce dernier, nous voyons augmenter 
la quantité des phosphates terreux rendus, quantité qui reste, à peu de 
chose près, quotidiennement la même, ainsi que le prouve le tableau ci- 
dessous : 


ACIDE ACIDE 
PHOSPHORIQUE PHOSPHORIQ UE PHOSPHORIQUE 
uni uni 
total aux terres aux alcalis 


Premier jour. 
Deuxième jour. 
Troisième Jour. 


19 1 1 


L'alimentation marque donc nettement son action sur l'élimination 
des phosphates terreux. 

Je prends ce même individu nourri au régime végétal : je le soumels 
pendant trois Jours à un travail intellectuel de sept heures, et, comme 
l'alimentation, je vois ce travail se marquer d’une manière lrès nelte sur 
les phosphates terreux ; le tableau ci-dessous le démontre. 


ACIDE 
D n} : 
PHOSPHORIQUE | PHOSPHORIQUE PHOSPHORIQUE 
uni uni 


total aux terres aux alcalis 


Premier jour. 
Deuxième jour. 
Troisième jour. 


Eh bien, ce que l'expérimentalion m'a révélé être vrai pour l'alimen- 
tation et pour le travail intellectuel, reste vrai pour le travail musculaire, 
pour l’état de veille et de sommeil; c'est ce dont on pourra aisément se 
rendre compte en se reportant au travail que j'ai déjà signalé, travail 
dans lequel on trouvera des expériences multiples pour tout ce qui con- 
cerne les différentes conditions de vie. 

L'expérimentation démontre donc nettement que le procédé incriminé 

47e 


À 


SRE SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


est assez sensible pour permettre d'étudier biologiquement, les modifica- 
tions que les différentes conditions de vie peuvent faire subir aux échanges 
phosphorés. 

Mais ce qui est vrai pour la vie normale, est vrai aussi pour la vie pa- 
thologique ; c’est là un fait qui ressort de toutes mes recherches sur les 
différentes formes de l’aliénation mentale et sur l’épilepsie. Quand on 
examine par exemple journellement les urines d’un épileptique, on 
voit très neltement se marquer l'influence des attaques par une augmen- 
tation de l’acide phosphorique uni aux terres. Un exemple parmi ceux 
que j'ai publiés suffira pour établir la vérité de ce que j'avance, et ce- 


pendant dans le cas actuel, le malade qui a servi à nos recherches n’était 


pas soumis à un régime quotidiennement le même, mais au régime ordi- 
naire de nos hospices. 


A..., trente ans, épileptique. 


DATES AZOTE OBSERVATIONS 


PHOSPHORIQ UE 
PHOSPHORIQUE 
aux terres 
PHOSPHORIQUE 
uni 
aux alealis 


État ordinaire. 


1 1882 janv. 


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faible égarement || 


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État ordinaire 


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CERTA COM OL 
KR ex 


La démonstration me parait complète, et il me semble que je puis dire ?: 


si le procédé communément employé pour séparer les phosphates terreux 


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_SÉANCE DU 7 MAI 389 


un 


n’est pas orthodoxe au point de vue chimique, l’expérimentation dé- 
montre d’une manière péremptoire qu'il l’est assez pour servir aux 
recherches biologiques. Seulement il faut, bien entendu, que les indi- 


vidus en expérience soient placés dans des conditions telles que 


l'élément biologique dont on veut étudier l'action puisse être seul ineri- 
miné dans les modifications constatées, car l'alimentation, l’activité 
cervicale, etc., peuvent modifier la quantité des phosphates terreux; 
mais ces conditions sont nécessaires avec tous les procédés qu’on pourra 
employer. 

Les recherches biologiques qui ont été faites par ce procédé conservent 
donc toute leur valeur et il peut rester dans nos laboratoires de clinique 
parmi nos moyens d'analyse; ce qui a une grande importance, car il est 


très commode, et c’est de procédés semblables que nous avons besoin, 
nous autres cliniciens. 


MONOGRAPHIE ICONOGRAPHIQUE DES PROTISTES (HÆCKEL). 
ATLAS DE 20 PLANCHES CONTENANT 260 DESSINS A LA PLUME, 


par M. le D' A. BRuMAULD DE MonNTGAZON, 
à Chef des travaux micrographiques 
à l'Ecole secondaire de médecine et pharmacie de Poitiers. 

J'ai l'honneur de soumettre à l'appréciation de Messieurs les membres 
de la Société de Biologie une monographie iconographique des Protistes 
(Hæckel), comprenant 20 planches in-4° et 255 dessins à la plume. 

Nous ne manquons pas, en France, d'ouvrages didactiques sur la 
zoologie et l'anatomie comparées ; mais la plupart de ces traités, quelque 
soit d’ailleurs le mérite de leurs auteurs, et la netteté des descriptions, 
sont ornés de figures peu nombreuses et dont l'exécution première 
remonte parfois à un demi-siècle, et cela malgré les progrès incessants 
accomplis en zoologie depuis une trentaine d'années. Tel grand traité 
d'anatomie et physiologie humaine et comparées, remarquable entre 
tous par l’abondance des détails et la clarté des descriptions qu'on y 
rencontre, inspire à tous ceux qui le lisent, le regret d’être absolument 
dépourvu de figures. 

J'entreprends la tâche, longue et difficile, de combler cette lacune; j'ai 
puisé dans nombre de travaux originaux les documents connus seulement 
jusqu'ici de quelques micrographes et de quelques zoologistes et j'ai 
vérifié beaucoup des faits reproduits dans leurs dessins. 

Au lieu de commencer, comme beaucoup de ceux qui m'ont précédé, 
par la représentation des animaux supérieurs, j'ai préféré m'adresser de 
suite aux organismes les plus inférieurs, à ces Protistes que, malgré leur 


384 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


sagacité et le perfectionnement de leurs moyens d'investigation, les natu- 


ralistes les plus autorisés ne peuvent classer définitivement soit parmi les 
animaux, soit parmi les végétaux. 

C'est le résultat de mes premiers efforts dans cette voie que je présente 
aujourd'hui devant la Société de Biologie. | 


SUR UNE FORME SPÉCIALE 
DE CYANOSE S'ACCOMPAGNANT D'HYPERGLOBULIE EXCESSIVE ET PERSISTANTE, 


par M. H. Vaquez. 


Les recherches poursuivies dans ces dernières années sur les modifica- 
tions du sang et dans les maladies ont porté presque exclusivement sur 
les altérations globulaires, les changements d'aspect des éléments figu- 
rés, la constilution du sérum, étc.; on a noté les différentes conditions 
capables de provoquer la diminution du nombre des globules rouges ou 
l'augmentation de celui des globules blancs, mais c’est à peine si l’on a 
signalé la possibilité de l'hyperglobulie. 

Il y a cependant des cas où le nombre des globules rouges peut être 
considérablement augmenté et, du fait de cette augmentation, il résulte 
un ensemble de symptômes qu'il est intéressant d'étudier. 

Au point de vue physiologique, les auteurs ont déjà noté que le nombre 
des globules rouges pouvait se trouver sensiblement accru à la suite des 
repas (1), et par le séjour dans les hautes altitudes. M. Viault (2) a mon- 


tré que dans ces conditions le nombre des globules rouges pouvait, déjà 


au bout de quelques jours, et suivant les personnes, atteindre 7,300,000 à 
7,900,000. 

Au point de vue pathologique, on avait indiqué depuis longtemps que 
la soustraction rapide de grandes quantités de liquides à l'organisme 
comme il s’en produit, par exemple, dans le choléra, pouvait déterminer 
une concentration telle du sang que le nombre des globules rouges en 
fût considérablement accru. 

M. Malassez, dont l'autorité est si grande en pareille matière, a annoncé 
dans ses leçons que la cyanose persistante chez les cardiaques s’accom- 
pagnait d’une hyperglobulie notable. 

Pour expliquer ce phénomène curieux de l'augmentation du nombre 
des globules rouges, les auteurs ont tour à tour invoqué, soit le simple 


(1) Inaug. Dissert., Erlangen, 1881. 
(2) Comptes rendus de l'Académie des sciences, 15 décembre 1890. 


PART A 


AO A 5 4 


St: 


LT TROT TE M PETER ee 1e 


OR RE PS NEA 


LU D ON nr 


SÉANCE DU 7 MAI 389 


fait de la concentration du sang par déperdition du sérum, soit la produc- 
tion exagérée de globules rouges par suractivité physiologique ou patho- 
logique des organes hématopoiétiques. 

La première hypothèse a été vérifiée dans certains faits, la seconde est 
restée sans démonstration définitive. Quant aux symptômes déterminés 
par l’hyperglobulie soit physiologique, soit pathologique, les auteurs 
restent à peu près muets à leur égard.Il est cependant à noter que les 
différentes observations faites à ce sujet insistent sur deux points impor- 
tants : la sensation vertigineuse accompagnée ou non de vomissements, 
et la tendance aux hémorrhagies. 

Disons aussi en terminant que l’on a considéré jusqu’à présent que 
l’hyperglobulie semblait devoir être un phénomène transitoire, ou qu’en 
tout cas, on n’en avait pas encore signalé la persistance. C’est pour cela 
qu’il nous semble intéressant d'appeler aujourd’hui l’attention sur des cas 
d'hyperglobulie persistante accompagnant ou déterminant peut-être la 
cyanose chronique et produisant un ensemble de symptômes qui paraissent 
se retrouver assez fidèlement dans les différentes observations qui ont 
trait à ce sujet. 

Le cas auquel nous faisons allusion consiste en celui d’un malade entré 
à plusieurs reprises dans le service de notre maître, M.le professeur Potain, 
et que nous avons pu étudier depuis près de deux ans. Cet homme, âgé 
actuellement de quarante ans, n'avait jamais ressenti aucun trouble mor- 
bide, aucune gêne dans la marche, aucun essoufflement, aucune palpita- 
tion jusqu’à il y a dix ans. En 1870, il avait fait la campagne, avait été 
fait prisonnier en Allemagne, et avait, enduré toutes les angoisses et 
les fatigues de la’ captivité sans remarquer rien d’anormal dans sa 
santé. Il y a dix ans, alors qu’il ne subissait aucun surmenage, il s’apereut 
que progressivement ses extrémités bleuissaient, que ses veines gonflaient 
sur toute l’étendue du corps, puis que survenaient à la longue de l’es- 
soufflement et des palpitations. En mème temps, les fonctions de l'esto- 
mac devenaient plus languissantes, des phénomènes dyspeptiques appa- 
raissaient avec de la gêne dans l'hypocondre droit ; le malade s’enrhumait 
plus facilement et avait peine à se débarrasser d’un catarrhe bronchique 
tenace. Les choses restèrent en cet état jusqu’à il y a trois ans. À ce mo- 
ment, commencèrent à apparaitre des vertiges répondant absolument au 
vertige de Ménière, avec bourdonnement, puis sifflement dans l’oreille 
droite, sensation de titubation avec tournoiement des objets et vomisse- 
ments, sans perte de connaissance. À ce moment aussi, les gencives du 
malade se tuméfièrent, devinrent fongueuses, saignant au moindre con- 
tact. Lorsque nous l’examinâmes, nous vimes que nous avions affaire à 
un homme atteint de cyanose chronique sans trace d’œdème, avec dila- 
tation considérable des veines, rougeur vultueuse de la face, injection 
vive des conjonctives, le tout causé vraisemblablement, en l'absence de 
toute autre hypothèse plausible, par.une lésion congénitale du cœur qui, 


300 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


en lout cas, ne donnait aucun signe certain d'auscultation. L'examen 
du sang fait par nous à ce moment donna le chiffre surprenant de 
8,900,000 globules rouges, celui des globules blancs restant à peu près 
normal pour cette proportion. 

Ce malade étant revenu depuis quelques mois dans notre service, nous 
reprimes son examen et nous nous aperçümes que les crises vertigineuses 
présentaient un caractère paroxystique, qu'elles s’accompagnaient de 
douleurs lombaires très pénibles et se terminaient par une décharge de 
globules rouges par la voie rénale, laquelle durait de quatre à six jours. 

Un autre phénomène déjà appréciable il y a deux ans, mais beaucoup 
plus net à l'heure actuelle, nous frappa : c'était l'augmentation considé- 
rable du volume du foie (20 centimètres environ sur la ligne mammaire) et 
de la rate (24 centimètres). Disons, pour terminer, que la quantité d'urine 
rendue égale habituellement 3 litres par jour, quantité très sensiblement 
équivalente à celle des boissons ingérées. Quant à l'examen du sang, voici 
ce qu’il donne actuellement (5 avril) (4) : le nombre des globules rouges 
égale 8,450,000 (sang du doigt); 8,200,000 (sang de la veine du coude). 
La proportion des globules blancs est de 1 p. 300, la densité égale 1080, 
enfin, la valeur en hémoglobine mesurée avec l’hémochromomètre de 
Malassez égale 165. M. le D' Drouin, chef du laboratoire de chimie de la 
Charité, a trouvé dans le sang de ce malade une hyperalcalinité très ma- 
nifeste. Il s’agit donc en résumé, d’une hyperglobulie réelle portant sur 
tout le sang de l’économie avec augmentation proportionnelle de toutes 
ses qualités normales. 


Si nous recherchons dans les auteurs les cas analogues à celui que 
nous venons de rapporter, nous ne trouvons guère qu’une observation de 
Krehl (2) dans laquelle l'hyperglobulie ait été également notée, et, chose 
curieuse, les caractères du sang sont presque identiques à ceux observés 
dans notre cas. En effet, l'examen du sang recueilli par saignée donne : 


H — 8,104,000. 
Hem — 130 p. 100 (appareil de Fleischl). 
Densité — 1071. 


L'observation clinique est malheureusement incomplète, et nous savons 
seulement que le sujet atteint de cyanose chronique était porteur d'une 
lésion congénitale de l'artère pulmonaire que l’on vérifia à l’autopsie. 
D'autre part, MM. Cuffer et Sollier ont publié, en 1889, dans la Revue 
de Médecine, deux observations de congesfion veineuse généralisée qui 


(1) Le 16 avril, une numération donne un chiffre de 9,130,000 globules 
rouges, les signes objectifs de la cyanose ne sont pas accentués. 
(2) Deut. Arch. für klin. Medice.; 1889, p. 4206. 


Li ont da sg  G a dé ee ee 


SÉANCE DU 1 MAI 381 


répondent trait pour trait par leurs symptômes cliniques au cas que nous 
rapportons aujourd'hui. Nous y retrouvons la même dilatation exagérée 
des veines avec rougeur du visage et des conjonctives, état fongueux des 
gencives, vertiges habituels sans perte de connaissance, et tendance aux 
hémorrhagies. Chez un de ces malades, le foie et la rate étaient hypertro- 
phiés, et l’on a noté des douleurs osseuses diffuses. Par malheur, la nu- 
mération des globules n’a pas été faile ; nous avons recherché les malades 
pour compléter l’observalion à ce sujet, mais ceux-ci sont morts 
récemment. 

Que faut-il conclure des faits que nous venons d'exposer? C'est qu'il y 
a, parmi les différentes cyanoses chroniques dont la différenciation n’a 
pas été faite jusqu'à aujourd'hui, une classe tout à fait spéciale caracté- 
risée par un symptôme prédominant, l’hyperglobulie excessive etquel’on 
doit rattacher à cette hyperglobulie toute une série de troubles que l'on 
ne saurait guère expliquer autrement. Ces troubles consistent, pour le 
rappeler brièvement : dans un état de réplétion du système veineux tel 
que c’est à peine, lorsque l’on fait la saignée chez ces malades, si l’on peut 
obtenir un filet de sang de quelque énergie ; dans des crises de vertige 
d’origine auriculaire sans lésions vraies de l'oreille, accompagnées de vo- 
missements et se terminant souvent par des hémorrhagies. Chez ces mala- 
des, on note habituellement une augmentation très marquée, parfois 
considérable, du volume du foie et de la rate. 

Relativement à la pathogénie de la cyanose hyperglobulique, on ne 
peut faire actuellement que des hypothèses. Mais il ne nous semble pas 
cependant que la stase périphérique doive être seule invoquée. Comme 
M. Malassez, nous avons pratiqué des numérations globulaires chez des 
malades asystoliques, depuis longtemps atteints de cyanose presque per- 
sistante. Le chiffre n’a jamais dépassé 6,000,000 de globules. D'autre part, 
il est diflicile d’invoquer comme cause exclusive la déperdition de sérum, 
car chez notre malade les liquides excrétés égalent les liquides ingérés et 
la polyurie que l’on constate chez lui (3 litres) est en rapport avec la 
soif. 

Nous serions, pour notre part, assez porté à croire qu'il y a hyperacti- 


-vité fonctionnelle des organeshématopoiétiques,commele prouve le volume 


exagéré du foie et de la rate. Cette hyperactivité ne se manifeste pas chez 
tous les malades atteints de cyanose chronique. Nous avons, à cet effet, 


grâce à l’obligeance de M. le D' Legroux, pu pratiquer la numération 


globulaire chez deux petits malades atteints de maladie bleue par lésion 
congénitale du cœur. Dans un cas, la numération a accusé 4,550,000 glo- 
bules rouges, dans l’autre 7,200,009. Dans ce dernier cas, la rate était 
également grosse. 

Nous pensons donc qu'il ne faut pas considérer la cyanose chronique 
comme résultant de causes exclusivement mécaniques, et que l’on doit, 
dans un bon nombre de cas, tenir compte de l’altération vitale des orga- 


388 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


nismes hématopoiétiques. On sait depuis longtemps que, pour une même 
lésion congénitale du cœur, la cyanose apparaît à des époques essentiel- 
lement variables, souvent alors que le sujet n'est soumis à aucun surme- 
nage, on sait qu'il y a, comme on dit, des cyanoses tardives. Il est possi- 
ble que la notion de l'hyperglobulie nous rende compte, un jour ou l’autre, 
de ces formes diverses jusqu'ici inexplicables. 


DESTRUCTION DES CAPSULES SURRÉNALES CHEZ LE COBAYE, 
par MM. J.-E. ABEeLous et P. LANGLoIs. 


(Travail du laboratoire de physiologie de la Faculté de médecine.) 


Dans une précédente communication, nous avons montré que la destruc- 
tion des capsules surrénales chez la grenouille entraîne fatalement la 
mort à bref délai; que la mort résulte de l'accumulation dans le sang de 
substances toxiques élaborées au cours des échanges nutritifs. Dans un 
travail paru dans les Archives italiennes de biologie, du 30 avril 1892, 
M. Albanese (1) a confirmé ces résultals de nos recherches et ajouté de 
nouveaux faits relatifs à la fatigue chez les animaux privés de capsules 
surrénales. 

Nous avons indiqué, dans une communication du 26 février 1892, que la 
destruction des deux capsules surrénales chez le cobaye entrainait la mort 
à bref délai, comme l’a vu depuis longtemps M. Brown-Séquard; nous 
avons montré de plus l’action toxique curarisante du sang des cobayes 
morts à la suite de la destruction des capsules injecté à des grenouilles 
normales ou privées de leurs capsules. 

Nos expériences sur le cobaye sont aujourd’hui assez nombreuses pour 
nous permettre de présenter des conclusions plus précises et plus déve- 
loppées. Nous avons opéré, en effet, une centaine de cobayes jusquà 
aujourd'hui. Ce sont les résultats résumés de ces expériences que la 
présente note a pour but d'exposer. 

A. — Destruction complète d’une seule capsule. 

Nous avons détruit presque toujours la capsule droite dont l'ablation 
avait été considérée par Gratiolet comme fatalement mortelle, par suite de 
lésions de voisinage du foie. M. Brown-Séquard a montré le premier que 


(41) M. Albanese, dans ce travail fait dans le laboratoire de M. Mosso, ct 
communiqué à l’'Accademia dei Lincei, le 6 mars 1892, a montré que les ani- 
maux privés des deux capsules ne résislaient pas à la fatigue et que celle-ci 
accélère beaucoup leur mort. Il conclut comme nous au rôle antitoxique des 
capsules surrénales vis-à-vis des substances toxiques produites au cours des 
échanges nutritifs et spécialement du travail musculaire. 


NA TEEN ER 


NP Ve PRET ER 


1 
à 
1 
\ 
3 


SÉANCE DU 7 MAI 389 


cette opération n’était pas toujours mortelle. Nous avons constaté que ces 
cobayes ainsi opérés survivent sans présenter de troubles notables. Les 
uns perdent un peu de leur poids mais recupèrent vite et dépassent leur 
poids primitif. D’autres ne perdent pas du tout de poids. Enfin un très 
petit nombre (2 sur 40 expériences) ont maigri beaucoup et rapidement, 
et sont morts dans un état d'émaciation extrême quelques jours après 
l'opération, sans que l’autopsie ait permis de rattacher à une lésion appa- 
rente ces troubles profonds de la nutrition. C’est ainsi qu'un cobaye 
pesant 473 grammes, opéré le 7 avril, a atteint le poids de 508 grammes 
le 11, et est mort le 24, pesant 320 grammes. Mais, en très grande majo- 
rité, les animaux, après avoir un peu maigri les premiers jours après 
l'opération, récupèrent et dépassent rapidement leur poids initial. 

B. — Destruction complète des deux capsules. 

La mort rapide est la règle. Nous n’avons eu qu’un cas de survie de 
5 jours chez un cobaye dont la deuxième capsule a été opérée 13 jours 
après la première, et encore, à l’autopsie, nous avons constaté que les deux 
tiers des deux capsules étaient intacts. Quand les deux capsules sont 
détruites le même jour à une demi-heure ou 1 heure d'intervalle, la survie 
ne dépasse pas 9 heures et elle est en moyenne de 5 heures. Les animaux 
meurent en présentant des phénomènes de paralysie progressive et 
en même temps un abaissement progressif de température, bien qu'on les 
laisse à l’étuve à 32 degrés après l’opération. 

Les animaux meurent fatalement, alors même qu’on espace de 8 à 
15 jours les deux opérations; alors quelquefois, mais pas toujours, on 
observe une survie moyenne un peu plus longue, 12 heures environ. 

Pour détruire les capsules, nous avons toujours fait une double la paro- 
tomie latérale en prenant naturellement toutes les précautions antisepti- 
ques. Nous avons détruit les capsules tantôt par ligature du hile, tantôt 
par écrasement, mais le plus souvent par la cautérisation ignée. Les ani- 
maux n'ont présenté après l'opération aucun symptôme de choc. D’ail- 
leurs, pour éviter toute objection relative aux phénomènes inhibitoires 
consécutifs au traumatisme, nous avons souvent attendu, pour détruire 
la deuxième capsule, que l’animal fût complètement rétabli et eût dépassé 
même son poids initial. C’est ainsi que nous avons opéré nombre d’ani- 
maux 12 el 15 jours après la destruction de la première capsule. 

Au début de nos recherches, nous avons anesthésié nos animaux par 
l’éther ou la morphine. Mais nous avons constaté une mortalité très con- 
sidérable même après l’ablation d’une seule capsule. Aussi depuis long- 
temps avons nous renoncé à l’emploi des anesthésiques. 

C. — Destruction partielle des deux capsules. 

1° Quand on ne détruit qu’une portion minime des deux capsules, un 
1/5° environ, à peu de jours d'intervalle (1 à 2 jours}, les animaux 
survivent, mais la plupart maigrissent beaucoup après celte opération. 
Nous avons actuellement en observation des animaux ainsi opérés, qui 


390 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


mangent bien, qui se comportent normalement mais qui continuent à 
maigrir. 

2° Quand en espace de quelques jours (8 à 15 jours) les deux cautéri- 
sations partielles, les animaux ne présentent pas de lroubles notables, 
une simple diminution de poids passagère. 

3° Quand les cautérisations partielles portent sur la majeure partie des 
capsules, la moitié au moins, les animaux meurent en présentant un 
amaigrissement rapide, mais la survie est beaucoup plus longne qu'après 
la destruction totale des deux capsules (4 à 5 jours environ). 

D. — Injection d'extrait aqueux de capsules surrénales. 

Nous avons voulu voir si l'injection sous-cutanée d'extrait aqueux de 
capsules, faite immédiatement après la destruction de la deuxième cap- 
sule, pouvait prolonger la survie de l’animal. Nous avons constaté que 
la survie moyenne augmente seulement de quelques heures, quelquefois 
du double. Par contre, nous avons vu l'injection de 10 centimètres cubes 
d'extrait supprimer les secousses convulsives qui se produisent quel- 
quefois chez l’animal avant la mort. 

Ces faits nous permettent de confirmer les vues de M. Brown-Séquard 
sur l'importance fonctionnelle très grande des capsules surrénales puisque 
la cautérisation partielle des deux capsules suffit, à elle seule, pour 
entrainer de grands troubles de la nutrition. 

Dans une prochaine communication, nousexposerons les résultats de nos 
recherches actuellement en cours, sur les effets des injections de sang et 
d'extrait musculaire des cobayes morts à la suite de la destruction des 
deux capsules à des cobayes normaux et à des cobayes récemment opérés. 


EXPÉRIENCES 
Destruction d'une seule capsule (capsule droite). 


Exp. LV. — Cobaye femelle, poids : 410 grammes. Le 31 mars au matin, 
destruction de la capsule droite. L'animal réagit vigoureusement après l’opé- 
ration ; on le met dans l’étuve à 30 degrés, jusqu’au lendemain. Le lendemain, 
l'animal mange bien, va très bien. Le 4 avril, il pèse 373 grammes; le 12, 
394 grammes; le 16, 350 grammes seulement (on note que la plaie suppure 
un peu). À partir de ce jour, l'animal augmente à peu près régulièrement de 
poids, et aujourd’hui 7 mai, c’est-à-dire près de 40 jours après l'opération, 11 
pèse 463 grammes. 

Exp. XX. — Cobaye mâle, poids : 415 grammes. Le 22 janvier, destruction 
de la capsule droite. L'animal maigrit pendant les premiers jours qui suivent 
l'opération; la plaie abdominale à suppuré; mais, l'animal se rétablit et 
augmente régulièrement de poids ; aujourd'hui, il pèse 505 grammes. 

Exp. LVIII. — Cobaye màle, poids : 441 grammes. Destruction de la capsule 
droite le 7 avril; le 40, il pèse 470 grammes; le 15, 500 grammes; le 16, il 
subit la destruction de la deuxième capsule. 


SÉANCE DU 7 MAI 391 


Destruction complète des deux capsules. 


Exp. XXXIIL. — Cobaye mâle, poids : 500 grammes. Le 5 février, à onze heures 
du matin, destruction des deux capsules, en espaçant d'une demi-heure les 
deux opérations ; à cinq heures et demie du soir, parésie très marquée des mem- 
bres postérieures; à cinq heures quarante-cinq minutes, paralysie complète 
des pattes postérieurs. Respiration dyspnéique. L'animal est mourant. À ce 
moment, on met à nu un sciatique et on l'excite par des courants fara- 
diques de moyenne intensité. Pas de contractions musculaires. L'animal mani- 
feste dela douleur par des mouvements réactionnels de sa tête et de son train 
antérieur. Les muscles du membre postérieur réagissent sous l'influence de 
faibles courants directement appliqués sur eux. A six heures, l'animal meurt. 
On ouvre rapidement le thorax et on excite le phrénique. Pas de contractions. 
du diaphragme. Le diaphragme se contracte énergiquement quand on l'excite 
directement. 

Exp. LVI. — Cobaye mâle, poids : 313 grammes. Destruction de la première 
capsule (droite), le 31 mars; le 14 avril, à dix heures, l'animal pèse 400 grammes. 
On détruit la deuxième capsule. Mort à cinq heures et demie du soir. 


Destruction partielle des deux capsules. 


Exp. XLVIIL.— Cobaye femelle, poids : 475 grammes, le 31 mars, destruc- 
tion partielle de la capsule droite (1/4 externe environ), le 42 avril, poids : 
550 grammes ; le 13, destruction partielle de la deuxième capsule (1/3 environ); 
le 15 avril, poids : 475 grammes; le 18, 495 grammes; le 28, 501 grammes; 
le 4e mai, 422 grammes; le 7 mai, 503 grammes. 

Exe. LXIL — Le 21 avril, cobaye femelle, poids : 395 grammes, destruction 
partielle de deux capsules, un quart environ; le 27 avril, poids : 230 grammes. 
Mort. Émaciation extrême. Pas de lésions péritonéales. 

Exp. LXIIL — Le 21 avril, cobaye femelle, poids : 680 grammes, destruc- 
tion partielle des deux capsules (1/5° environ) ; le 8 avril, poids : 505 grammes. 
L’animal mange bien et, malgré cette perte de poids énorme, n'est pas sen- 
siblement affaibli. 


DES SUPPURATIONS RÉNALES CONSÉCUTIVES AUX AFFECTIONS 
PLEURO-PULMONAIRES, 
ABCÈS PÉRINÉPHRÉTIQUE A PNEUMOCOQUES, 


par M. TUFFIER. 


Les suppuralions de l'atmosphère péri-rénale consécutives aux aflections 
pleuro-pulmonairessontrelativement rares. Le processus qui en est l'origine 
n’a pas été établi, et les études bactériologiques à cet égard font presque 
défaut. 

Les phlegmons périnéphrétiques consécutifs à une suppuration d'ori- 
gine pleuro-pulmonique avaient déjà été signalés par Rayer (1) qui a vu 
un abcès péri-rénal consécutif à l'ouverture d’une caverne pulmonaire 
dans le tissu péri-rénal. 


(1) Rayer. Maladies des reins, t. IL. 


392 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Quant aux suppurations primitives de l’atmosphère cellulo-adipeuse du 
rein, survenant à la suite de broncho-pneumonies ou de pleurésies, elles 
ont été signalées par Lancereaux (1), Neiden (2) et Fischer (3). Mais dans 
aucun des faits rapportés par ces auteurs, l'examen bactériologique n'a 
été pratiqué, et je ne connais à cet égard que l'observation de Lanotti (4), 
dans laquelle le malade, au cours d’une broncho-pneumonie chro- 
nique, fut atteint d'un phlegmon périnéphrétique à pneumocoques. 

J'ai eu l’occasion d’en observer un exemple dans lequel nous avons 
pu suivre l’évolution du processus et déterminer son origine pneumococ- 
cique. 


Une femme de trente-quatre ans, M. L..., entre dans le service de M. Fer- 
net, à l'hôpital Beaujon, le 14 octobre 1891. 

Elle a été prise, quinze jours avant son entrée, de tous les signes d’une 
broncho-pneumonie, caractérisée, à son arrivée à l'hôpital, par des râles dissé- 
minés dans toute la hauteur des deux poumons, avec des foyers de râles fins 
surtout groupés à la base du poumon gauche; dyspnée assez marquée; dou- 
leurs assez vives au niveau des derniers espaces intercostaux du côté gauche. 

M. Fernet prescrit: repos absolu, régime lacté, révulsions iodées, ventouses 
sèches, vésicatoires, potion de Todd. Sous l'influence de ce traitement, les 
lésions se localisent à la base du poumon gauche. Mais la malade perd ses 
forces progressivement, s’affaiblit, et la douleur intercostale augmente d'in- 
tensité. 

Quinze jours après son entrée, on trouvait à la base du côté gauche, de la 
matité, un souffle doux, léger, une diminution des vibrations vocales, indi- 
quant un épanchement pleurétique. Un traitement approprié ne modifie en 
rien ces symplômes : la température oscille entre 38 et 39 degrés; les sueurs 
nocturnes, l’amaigrissement, amènent en six semaines la malade à un véri- 
table état de cachexie. En même temps, elle accuse une douleur très vive 
dans la région lombaire qui paraît bombée. C’est alors que M. Fernet nous 
montre la malade et la fait passer dans le service de N. Th. Anger, où nous 
l’examinons. 

La tuméfaction s'étend depuis le bord inférieur du thorax jusqu'à la crête 
iliaque ; la peau n'a pas changé de couleur, mais on sent une rénitence, une 
induration douloureuse, et profondément une fluctuation assez obscure. Le 
palper abdominal permet d'apprécier le siège nettement lombaire de la 
tumeur et sa saillie du côté de l'abdomen; à la percussion, on entend une 
sonorité qui indique que l'intestin passe au-devant d'elle. 

En présence de ces symptômes, M. Fernet el nous-même portons le dia- 
gnostic de phlegmon périphérique métapneumonique dù à la propagation des 
micro-organismes du poumon et de la plèvre à l'atmosphère celluleuse du 
rein. 


(1) Lancereaux. Dict. Dechambre, « art. Rein ». 

(2) Neiden. Deutsche Archiv f. klin. Medicin., 1878, t. XX VIT, p. 451. 
(3) Fischer. Sammlung klin. Vortrage, n°5 2, 83, p. 2153. 

(4) Lanotti. Lo Sperimentale, 1891. 


SÉANCE DU 1 MAI 393 


Le 28 novembre, j'ouvre la collection par une large incision lombaire pas- 
sant en dehors de la masse commune : issue de plus d'un litre et demi d’un 
pus verdâtre et phlegmoneux. En introduisant deux doigts dans la plaie, je 
reconnais que la cavité descend jusqu'au niveau de la crête iliaque, et re- 
monte surtout très haut sous le diaphragme. L’exploration minutieuse avec 
un instrument métallique ne fait découvrir aucune perforation de ce muscle; 
la percussion de la cavité thoracique révèle d’ailleurs une sonorité normale. 
En même temps, j'ai cherché la situation du rein, que j'ai trouvé refoulé en 
avant de la cavité purulente. 

Lavage au sublimé, drainage, pansement à la gaze iodoformée. Pendant 
toute la durée du traitement, les injections quotidiennes dans la plaie n'ont 
jamais révélé de communication de cette cavité avec les bronches. 

Au point de vue local, la plaie évolua vers la guérison ; elle se combla len- 
tement, et le 28 décembre il ne restait plus qu’un petit trajet fistuleux. La 
fièvre avait disparu depuis le jour de l’incision, l'appétit était revenu, et la 
guérison ne paraissait qu’une question de temps. 

Mais au point de vue de son état général, la malade conservait des râles 


dans le tiers inférieur du poumon et, à intervalles variables, du souffle et de 


la submatité. À partir de cette époque, les signes de lésions pulmonaires de la 
base du poumon gauche persistèrent, l’état général s’affaiblit, si bien que 
dans les premiers jours de février, la malade n’ayant plus besoin de soins 
chirurgicaux, nous la renvoyons dans le service de M. Fernet. 

L'intermittence des signes de pleurésie coïncide alors avec des expectora- 
tions purulentes ou une suppuration plus abondanle du trajet fistuleux, ce 
qui autorise M. Fernet à penser qu'il s’agit là d’une collection purulente 
ouverte, d'une part, dans la région lombaire; d'autre part, dans les bronches. 
La démonstration en est faite par une injection de naphtol camphré dans le 
trajet fistuleux, injection qui s'accompagne d’une brusque dyspnée et d’une 
expectoration contenant manifestement la substance injectée par la fistule 
lombaire. 

L'état général de cette femme est trop précaire pour permettre une nouvelle 
intervention, et elle succombe le 7 mars 1892. 

Au moment de l'ouverture de l’abcès, le pus a été recueilli par M. Girode 
avec toutes les précautions habituelles, et l'examen microscopique et bacté- 
riologique a donné les résultats suivants : 

Ce liquide, un peu mélangé de sang, est très consistant, épais, un peu ver- 
dâtre dans les parties non hématiques. 

A l'examen direct avec un grossissement moyen, on constate les caractères 
ordinaires du pus, avec présence d’un grand nombre de grumeaux qui se 
trouvent constilués par de gros leucocytes englués dans de la fibrine fibrillaire. 

Les préparations colorées montrent partoul, mais de préférence dans les 
précédents grumeaux, un peu dilacérés, des diplocoques lancéolés encapsulés 
caractéristiques. Il n’existe ni forme bacillaire ni même d'éléments en chai- 
nettes, 

Par la méthode de Gram, on retrouve exclusivement les mêmes diplocoques, 
avec la forme lancéolée, seulement un peu moins nette. 

La culture sur gélose inclinée et sur plaque de gélose a fourni exclusive- 
ment les colonies caractéristiques du pneumocoque. Une de ces colonies, 


394 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


reprise en bouillon, a donné un milieu très virulent pour la souris blanche et 
le lapin. 

Il s’agit donc d’un abcès post-pneumonique d'origine purement pneumo- 
coccique. 

Autopsie. — Le poumon gauche, atteint d’inflammation chronique avec sclé- 
rose, est adhérent, surtout à la base. En décollant ces adhérences, on arrive 
dans une cavité à parois épaisses de 2 centimètres environ, et située en bas et 
en arrière dans le cul-de-sac pleural. Cette cavité, formée par les adhérences 
des plèvres pariétale et viscérale, du volume d’un œuf de poule, ne contient 
pas de pus, et présente à sa partie supérieure deux orifices punctiformes 
allant s'ouvrir chacun dans une bronchiole. Un autre orifice plus large siège 
en bas et en arrière de cette cavité. Une sonde cannelée ordinaire, facilement 
introduite par cet orifice, conduit à travers le diaphragme dans un foyer puru- 
lent rétro-péritonéal dont les parois sont constituées en haut par le dia- 
phragme, en avant par le rein et la capsule surrénale, en arrière par la paroi 
lombaire, en bas des adhérences du tissu cellulaire. Cette cavité contient à 
peine une cuillerée à café de pus, et sa paroi interne bourgeonnante témoigne 


de sa téndance à la cicatrisation. Ce foyer purulent s’ouvre à l'extérieur par 


la plaie lombaire restée fistuleuse. 

Etat des organes voisins. — Le poumon gauche adhérent présentait une 
inflammation chronique du lobe inférieur. 

La plèvre diaphragmatique était épaissie. 
- La capsule surrénale gauche, très augmentée de volume, était farcie d’abcès 
miliaires. 1 

Le rein gauche, de volume normal, ne contenait ni collection purulente, ni 
calculs ; le parenchyme était atteint de dégénérescence amyloïde, comme le 
rein droit et le foie, ce dernier très augmenté de volume. 

Du côté de la vessie, rien d’anormal, ainsi que du côté des organes génitaux. 

Le poumon droit atteint de pneumonie, présentait une hépatisation rouge 
des lobes inférieur et moyen. 

Le cœur est normal. 


Nous pouvons conclure de ce fait, qu'il existe des phlegmons périné- 
phrétiques dus exclusivement à la présence du pneumocoque : ces sup- 
purations sont consécutives à des lésions pleuro-pulmonaires. 

Le mécanisme de la propagation est le suivant : lésions pulmonaires, 
lésions pleurales consécutives, et propagation à l'atmosphère péri-rénale. 
Cette propagation se ferait dans une région où la plèvre est en commu- 
nication directe avec l'atmosphère celluleuse du rein. 

M, Farabeufnous a montré autrefois cette région. Nous avons disséqué 
et représenté, mon distingué collègue M. Lejars (4) et moi, cet orifice, 
véritable hiatus costo-lombaire, formé par des éraillures du diaphragme 


au point où il s’insère sur l’arcade du psoas.Cet orifice est même traversé 


par des veines et peut-être par des lymphatiques: il joue certainement 
un rôle dans la marche de ces suppurations. 


(1) Tuffier et‘Lejars. Arch. de Physiologie, 1891 (janvier). 


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SÉANCE DU 7 MAI 399 


. INFLUENCE DE LA POSITION DU CORPS SUR LE TRACÉ SPHYGMOGRAPHIQUE, 


par M. Azouray. 


Dans le cours des recherches que nous avons entreprises sur les modi- 
fications d'intensité des bruits physiologiques et pathologiques du cœur 
quand l'attitude du malade est changée, nous avons eu l'occasion de 
constater les variations de force, de nombre, de caractère des pulsations 
suivant l'attitude de l’individu examiné. Les résultats déjà obtenus font 
voir que la question est plus complexe que les livres de physiologie ne le 
font présumer. On lit par exemple dans Beaunis, que la compression 
d’artères importantes en augmentant la tension sanguine, diminue l’am- 
plitude du tracé et fait disparaître le dicrotisme ; et plus bas : l’augmen- 
tation de pression sanguine diminue l'amplitude de la pulsation ; en même 
temps le niveau général de la courbe s'élève. D’après Landois, le soulè- 


-vement prédicrotique serait plus are tandis que le dicrotisme, au 


contraire, disparaît. 

Au lieu de prendre le tracé sphygmographique sur le bras horizontal, 
élevé ou abaissé, ce qui différencie très peu la tension artérielle de la 
radiale, nous avons laissé le bras examiné toujours dans la même position 
horizontale ; mais nous avons fait l'examen, le malade étant debout, demi- 
couché, et horizontal, les jambes et bras relevés. Nous avons conservé le 
bras et la main dans la même position, et quant au sphygmographe, une 
fois l'amplitude maximum obtenue dans la position debout, nousn’y tou- 
chons plus. Après chaque changement de position du corps, nous laissons 
s’écouler 5 à 10 minutes pour que les efforts aussi atténués que possible ne 
puissent plus agir sur la cireulation. Il faut vous dire qu'avant d'appliquer 
le sphygmographe en position debout, et après l’avoir enlevé en position 
relevée, nous prenons la tension artérielle sur la radiale dont nous vou- 
lons avoir le tracé, à l’aide d’un sphygmomanomètre de Potain ou d’un 
sphygmomanomètre à mercure. Comme. nous ne cherchons pas à faire 
des comparaisons de tension entre différents individus, maïs bien chez 
le même individu, les chiffres obtenus ont une signification absolue. 

Ayant opéré ainsi sur un assez grand nombre de malades, nous avons 
vu qu’en général l'amplitude, loin de diminuer avec l’augmentation de 
tension, augmenlait,ce que M. Laborde avait déjà remarqué (fig. 1). Si 
dans certains casle dicrotisme diminue, dans d’autres, il reste le même, ou 
s’accentue. Le soulèvement prédicrotique apparaît plus net, et assez 
souvent, le pouls devient polychrote quand la tension augmente. De sorte 
qu’en général, le tracé est plus détaillé, à mesure que la tension augmente. 
Mais ce qui est bien plus intéressant ce sont les modifications dues aux 


changements de position suivant la lésion cardiaque dont l'individu est 


atteint. D'une manière générale, les tracés des lésions mitrales (fig. 2) et du 


390 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Frc. 4. — Cœur sAIN. 


Debout, tension : 16 centimètres. 


Relevé, tension : 22 centimètres. 


F1G. 2. — DouBLE MITRAL. 


Debout, tension : 13 centimètres de mercure. 


Relevé, tension : 18 centimètres. 


SÉANCE DU 7 MAI 397 


rétrécissement aortique sont beaucoup plus caractéristiques en position 
demi-couchée qu’en position debout, et en position relevée qu’en position 
demi-couchée. Ceux de l'insuffisance aortique, en tant qu’ils indiquent 
le reflux du sang dans le ventricule, semblent plus caractéristiques 


F1G. 3. — DOUBLE AORTIQUE. 


Debout, tension : 15 centimètres. 


Demi-couché, tension : 17 centimètres. 


Relevé, tension : 21 centimètres. 


(fig. 3) quand au contraire la tension diminue, c’est-à-dire en position 
demi-couchée, assise et surtout debout. Cela se conçoit aisément, si l’on 
réfléchit que l’élasticité des parois artérielles intervient plus activement 
quand la tension s’exagère si cette tension était primitivement faible. 

De plus, ainsi que l’a fait savoir Marey, à mesure que la tension 
augmente, les pulsations deviennent moins fréquentes, et deux ou trois 
malades ont présenté ce phénomène d’une façon tout à fait remarquable, 
au point que quelqu'un qui les aurait examinés alors les aurait crus atteints 
de pouls lent. 

Il ressort de cela une conséquence pratique assez importante, celle de 
la meilleure manière d'utiliser le sphygmographe dans le but de contrôler 
un diagnostic, à l'hôpital en particulier, où on a l'habitude d'appliquer 
le sphygmographe dans la seule position demi-couchée et sans s'occuper 
de l'attitude du bras, et de la main. Il nous semble que de même qu’on 
ne doit se prononcer sur un individu au point de vue cardiaque qu'après 
avoir fait l'examen debout, couché et horizontal, les extrémités étant 
relevées, de même on doit prendre le tracé dans ces différentes positions, 


AE 


398 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


ou du moins dans celle qui, d’après nos expériences, semble devoir 
donner un tracé plus pathognomonique, bien entendu, en s'inspirant de 
la possibilité d’agir ainsi suivant l’état du malade. 


——_—_— 


TRANSFORMATION DE L'ALBUMINE 
EN PROPEPTONES DANS LA MALADIE DE BRIGHT, 


par M. E. GÉRaRD (de Toulouse). 


J'ai déjà signalé, en 1889 (1), la transformation de l’albumine des 
urines, dans la maladie de Bright, en propeptones ou albumoses, produits 
intermédiaires entre les syntonines et les peptones. Cette digestion impar- 
faite de l’albumine sécrétée se fait surtout sous l'influence du régime 
lacté ordonné aux malades. 

Une nouvelle observation d’un sujet atteint du mal de Bright m'a 
permis de confirmer cette manière de voir. 


Un homme de trente-trois ans entre à l'hôpital avec tous les phénomènes 
de néphrite albumineuse. Les urines des vingt-quatre heures renferment, dès 
les premiers jours, de 10 à 16 grammes d’albumine. Le malade est soumis au 
régime lacté. Deux jours après, les urines ne renferment plus d'albumine 


eoagulable par la chaleur; mais l’acide azotique donne un précipité abondant 


qu'un excès de réactif redissout. Une solution saturée de sel marin y donne un 
dépôt abondant, floconneux que l’addition d’acide acétique augmente encore. 
Ces diverses réactions sont caractéristiques des propeptones. De plus, il m'a 
été possible de mettre en évidence les différents composés qui, suivant 
Khüne (2), composent les propeptones, à savoir : l’héféroalbumose et la protalbu- 
mose, précipitables par le sel marin, et la deutéroalbumose, seulement précipi- 
table par le sulfate d'ammoniaque. Après quelque temps d’un régime lacté, le 
malade est nourri avec des jaunes d'œufs et enfin il est soumis à une alimen- 
tation ordinaire. Néanmoins, les urines ne renferment pas d’albumine coagu- 
Jable par la chaleur, mais renferment toujours des propeptones. 


Tel est encore l’état actuel du malade, qui a quitté l'hôpital et se livre 
à ses occupations habituelles. 

Peut-être verra-t-on se produire, comme dans le cas que j'ai observé en 
4889 dans le service du D' Damaschino, la seconde phase de digestion des 
matières albuminoïdes, c’est-à-dire l’apparition des peptones. 

Toutefois, que doit-on conclure de ce fait? C’est que, sous l'influence 
du régime lacté, l'albumine des urines des brightiques peut être remplacée 
par de l’albumine partiellement digérée. 


(1) In Thèse Martha, Paris, 1889. 
(2) Khüne et Chittenden. Bull. Soc. Chim., XLI, 261, 


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SÉANCE DU 1 MAI 399 


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Je me suis assuré que cette transformation ne se faisait pas ultérieure- 
ment, après l'émission de l'urine, comme je l'avais présumé autrefois, sous 
l’action des ferments digestifs habituellement contenus dans ce liquide. 


DE L'ALBUMINATURIE CARBONATÉE, 
par M. J. Gauge (du Gers). 


I. — « Il n’est pas besoin d’être fort avancé en chimie pour comprendre 
que l’élucidation des rapports de dépendance qui existent entre les fonc- 
tions du sang et les principes minéraux forme la première base de l’art 
de guérir et de la physiologie. » (Liebig, Trente-quatrième lettre, p. 171.) 

« Nulle part on ne rencontre d’albumine vivante sans Substrätum 
minéral, et, c'est dans cette minéralisation de l’albumine que réside le 
Sol de l'être vivant. » (J. Gaubet. Les Sciences biologiques, p.364, 12 li- 
vraison.) 

Nous avons démontré dans un mémoire précédent (1) que la matière 
protéique formait avec le phosphate bibasique de chaux une combinaison 
définie, ayant un pouvoir rotatoire fixe, combinaison dans laquelle la 
matière protéique entrait dans la proportion de 33 p. 100; nous avons 
dit que cette combinaison de l’albumine avec le phosphate de chaux pou- 
vait être désignée, sans choquer le langage chimique, par l’expression 
albumino-phosphate de chaux. 

Nous avons dit que l’albuminaturie phosphatée (2) pouvait être expéri- 
mentale ou pathologique et que dans l’un comme dans l’autre cas, la 
combinaison albumino-phosphatée était identique. 

Nous entendons par albuminaturie carbonatée, l’excrétion par les reins 
de minimes quantités d’albumine combinée avec des carbonates alcalins. 

L'albuminaturie carbonatée apparaît dès que les urines deviennent 
alcalines à la suite de l’ingestion, en excès, de carbonates alcalins, de 
benzoates alcalins. 

En hiver, les urines sont plus carbonatées qu’en été. 

Indépendamment de toute autre cause, l'albuminaturie carbonatée, dans 
le cours d’une maladie, est d’un fâcheux augure. 

Le plus souvent l’albuminalurie carbonatée est provoquée, c'est-à-dire 
expérimentale chez l'homme et les carnivores. 

Nous avons cru remarquer que l'usage de l’antipyrine alcalinisait rapi- 
dement les urines et augmentait la quantité des carbonates excrétés. 


IL. — Toutes les personnes familiarisées avec la dialyse de l’albumine, 


(1) De l’albuminaturie. Société de Biologie, séance du 30 mai 1891. 
(2) Loco citato. 


400 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


savent qu'elle dialyse en raison inverse de la solubilité des bases ou des 
combinaisons salines auxquelles elle est susceptible de se lier; ainsi une 
solution albumineuse de carbonate de soude, par exemple, entraînera 
moins d’albumine à travers le septum du dialyseur qu'une solution de 
bicarbonate de soude, et, celle-ci entraînera encore moins d’albumine 
qu'une solution albumineuse de phosphate de chaux. Aussi l’albumino- 
phosphate de chaux nous donnera 0,33 p. 100 d’albumine et l’albumino- 
carbonate de soude à peine 0,09 p. 100 d’albumine. 

Mais encore quelle est cette albumine entraînée par les carbonates et 
les phosphates? L’albumine entrainée par les carbonates est l’albumine 
du sérum, non pas l’albumine du sérum tout entière, mais cette partie 
de l’albumine la plus apte aux transformations vitales, la plus accessible 
aux ferments diastasiques, celle qui n’est pas en solution dans le chlorure 
de sodium, celle qui n’est pas liée à la chaux ; l‘albumine entrainée par 
les phosphates calciques est également de l’albumine du sérum, mais 
cette partie de l’albumine liée à la chaux et destinée à former la fibrine 
(Gaube. De l’état de l’Albumine, in Académie de médecine, 1889). De fait 
toutes les albuminaturies phosphatées pathologiques sont concomitantes 
avec une diminution de la fibrine du sang. 

Les objections que l’on peut faire aux albuminaturies sont d'ordre chi- 
mique et d'ordre physiologique. La plus spécieuse parmi les premières 
consiste à dire que l’albumine ne se combine pas avec la matière minérale. 

Cependant l’albumine, telle qu’on la rencontre dans le blanc d'œuf et 
le sérum du sang, se combine avec la matière minérale. 

L'expérience suivante nous paraît décisive : 

Nous brassons pendant plusieurs minutes du phosphate bi-calcique 
insoluble, avec de l’eau distillée. Nous laissons le mélange au repos pen- 
dant trois jours, le phosphate insoluble s’est déposé au fond du vase et 
sur les parois; nous aspirons une certaine quantité de l’eau surnageant 
et nous chauffons dans un tube à essai; il ne se produit aucun précipité, 
nous placons le mélange sur le septum d'un dialyseur plongeant dans 
une solution très diluée d’ovo-albumine ou de sérum lavés à l’éther; au 
bout de quarante-huit heures, nous aspirons une partie du liquide sur- 
nageant dans le dialyseur; le liquide précipite par la chaleur et le pré- 
cipité disparait momentanément au contact d'un acide, pour reparaître 
moins dense tout aussitôt : l’albumine a donc solubilisé une certaine quan- 
tité de phosphate bicalcique insoluble, il s’est formé un albumino-sel, un 
albumino-phosphate ayant entre autres qualités un pouvoir rotatoire 
propre différent des solutions de l’albumine ordinaire. 

On pourrait arguer d’une irritation produite par le passage inaccou- 
tumé à travers le rein d’un excès de carbonates ou de phosphates, et 
assimiler ainsi l’albuminaturie à l’albuminurie occasionnée par la pré- 
sence dans le rein d’un excès d’acide urique, par exemple; il n’y a aucun 
rapport de causalité; et, l’albuminaturie se distingue si nettement de 


SÉANCE DU T1 MAI 401 


l’albuminurie la plus légère qu'il n’est pas possible de les confondre 
l’une avec l'autre. 

Dans l’albuminaturie, l'urine portée à l’ébullition se trouble; elle 
s’éclaircit par l'addition de quelques gouttes d'acide, puis se trouble de 
nouveau mais sans que le précipité produit par l’acide atteigne jamais 
l'intensité du précipité produit par la chaleur; dans l’albuminurie, si 
faible qu’elle soit, l’urine se trouble par la chaleur et, loin d'en diminuer 
le trouble, l'addition de quelques gouttes d'acide l’augmente. 

La succession et la netteté de ces réactions semblerait nous dispenser 
de toute nouvelle démonstration; il y a en a une, cependant, dont la portée 
est autrement grande. 

L’aptitude fonctionnelle de l'individu peut se modifier de différentes 
manières compatibles avec la vie, à condition que le mode fonctionnel 
intercurrent se rencontre dans la série zoïque. Il en est de même de l’ap- 
titude des organes en particulier. Le rein peut indifféremment excréter 
une urine neutre, alcaline ou acide, parce qu’il existe, dans la série ani- 
male, des êtres dont les urines sont normalement alcalines ou normale- 
ment acides, et que les urines passent, par transition, de l'acidité à 
l’alcalinité et réciproquement. 1] s’ensuit que toutes les urines normale- 
ment acides ou alcalines doivent se rencontrer dans la série zoïque avec 
tous les caractères que leur état comporte. Or, le propre des urines 
alcalines récentes, inaltérées, c'est de précipiter par la chaleur. 

Les urines des herbivores adultes sont alcalines, précipitent par la 
chaleur et le précipité est composé de carbonates alcalins et d’albumine; 
les herbivores sont naturellement atteints d’'albuminaturie carbonatée. Le 
rein peut donc excréter naturellement une urine alcaline, albumino- 
carbonatée et demeurer sain. 


Nous n’avons pas retrouvé l’albuminaturie phosphatée dans l’ordre des 
vertébrés; les reins et les urelères des poissons sont acides ; nous sommes 
persuadé que l’albuminalurie phosphatée naturelle, normale, existe, 
comme l’albuminalurie carbonatée, dans certaines espèces et nous ne 
désespérons pas de la rencontrer. 

Boussingaull avait remarqué la grande alcalinité des urines des Suidés, 
nous avons fait la même remarque; en général, l'urine du porc est plus 
alcaline que l'urine des herbivores. 

Nous avons trouvé dans la vessie d’une coche âgée de quatre ans et 
demi, fatiguée par de nombreuses et fertiles portées, une quantité con- 
sidérable de concrétions et d’une sorte de mortier composés presque 
exclusivement de carbonate de chaux et de cinq grammes de magnésie 
(Mg0) pour 1,000 grammes de matière sèche. Les portées fréquentes 
avaient épuisé la magnésie dans le corps de cette coche féconde. 

L'albuminurie est fréquente chez le porc et chez le mouton; nous l’a- 
vons rencontrée dans le cours de certaines expériences trois fois sur cinq 


402 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


moutons examinés, et deux fois sur trois cochons dont nous avons ana- 
lysé les urines; toujours, chez le porc comme chez le mouton, les urines 
albumineuses étaient fortement acides. 

Nous avons élé heureux de pouvoir contrôler, chez des animaux d’une 
même espèce, ces deux qualités opposées des urines ; les unes alcalines 
normales, albumino-carbonatées, les autres acides, pathologiques, albu- 
mineuses. : 

. Les urines alcalines, albumino-carbonatées, sont normales chez les 
herbivores adultes; les urines alcalines albumino-carbonatées sont patho- 
logiques chez l’homme adulte; les urines alcalines sont albumineuses 
chez l’homme: les urines acides sont albumineuses chez les herbivores. 


III. — Le précipité produit par la chaleur dans 1,000 centimèires 
cubes d'urine albumino-carbonatée pèse 1 gr. 7125; ce précipité est 
composé de : 

Carbonater dés oude A PERS EME te ES SH 
Albüminershn te ten ReRPs. a ie matter 
L'albumino-carbonate est lévogyre, et son pouvoir rotatoire est 

de : — 58°,4. 

Le pouvoir rotatoire de l’albumine du sérum est de : — 56 degrés; le 
pouvoir rotatoire de l’albumine coagulée et dissoute dans la potasse con- 
centrée est de : — 589,5 (1). 

Dans nos essais sur la chaleur de formation de quelques composés 
minéro-protéiques, nous avons remarqué que la concentration des solu- 
tions de potasse ou de soude caustiques ne paraissait pas modifier beau- 
coup le résultat calorimétrique, comme si l’aibumine se combinait en 
partie seulement avec ces bases puissantes ou pour mieux dire comme si 
une partie seulement de l’albumine entrait en combinaison pendant que 
l’autre partie se dissoudrait simplement. Le pouvoir rotatoire si rap- 
proché de l’albumine dissoute dans la potasse et de l’albumino-carbonate 
semblerait confirmer notre observation (2). 


HÉMORRAGIES INFECTIEUSES DANS LA SÉRIE, 


par M. CHARRIN. 


Les maladies virulentes, on le sait, changent habituellement de physio- 
nomie en changeant de terrain. Les désordres causés par le bacille du 
pus bleu n’échappent pas à cette règle; c’est là un point sur lequel j'ai 
insisté. 

(1) Wurtz. Dictionnaire de Chimie, t. LT, p. 77%. 

(2) Gaube. Du sol animal; Chaleur de formation de quelques composés 
minéro-protéiques, in Académie des sciences, 9 mai 1892. 


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SÉANCE DU T MAI 405 


Toutefois, j'ai réussi à saisir, au milieu de ces effets disparates, une 
lésion que l’on peut retrouver à divers degrés de l’échelle animale; cette 
lésion n’est autre que la production des hémorragies, dont je vais parler. 
Dans les observations d'infection pyocyanique, chez l’homme, les extra- 
vasations sanguines ne font pas défaut. On aboutit à un pareil résultat, 
j'en fournis aujourd’hui encore les preuves (1), chez le lapin, puis, chez 
le cobaye. De plus, à une autre extrémité, l'agent pyocyanogène, inoculé 
à l’anguille, est capable de provoquer, quoique rarement, l'apparition 
de taches de purpura. 

Ainsi, le parallèle se poursuit entre les poisons d’origine microbienne et 
ceux qui proviennen de sources distinctes. Dans les premiers, comme 
dans les seconds, il en est qui influencent un grand nombre d'espèces, 
sensiblement d’une facon identique; il en est, en revanche, qui se com- 
portent différemment, suivant les sujets auxquels on les injecte. Avec 
la même culture de la même bactérie, on obtient des phénomènes qui 
démontrent ces deux ordres d’actions toxiques. 

À propos de cette maladie pyocyanique des poissons, il existe plusieurs 
détails, tel que celui de la lésion locale, tel que l’accoutumance pour 
un germe à vivre sur un milieu jusque-là réfractaire, sur lesquels je 
reviendrai, car ces détails prêtent à d'intéressantes considérations, sou- 
lèvent des problèmes multiples, apportent quelques solutions. 


LÉSIONS INTESTINALES D'ORIGINE TOXIQUE, 


par M. CHARRIN. 


Les pièces présentées à la Société sont des intestins recueillis sur des 
lapins, dont les uns ont succombé à des injections intra-veineuses de 
solution de sublimé à { gramme pour 4,000 d’eau; les autres, à la péné- 
tration, dans les vaisseaux, des toxines pyocyaniques. 

Ces intestins sont le siège, on le voit aisément, d’une congestion, d’une 
inflammation des plus intenses, d’une gangrène ulcéreuse; en plusieurs 
zones, le sang est extravasé; du reste, dans ces cas, l’autopsie révèle, 
parfois des hémorragies dans les ganglions, dans les muscles, dans le 
cœur, dans les yeux, etc., surtout chez les sujets qui recoivent les sécré- 
tions bactériennes. 

Il résulte de ces recherches que des sels de mercure, en circula- 
tion, sont capables de provoquer de la diarrhée, des ulcérations, de 
l'iléon, du cæcum, etc. Dès 1886 (1), nous avons, M. Roger et moi, 
insisté sur ces faits, au point de vue expérimental; à différentes reprises, 


(4) Voir même séance : « Lésions intestinales d’origine toxique ». 
(1) Soc. Biologie. 


404 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Virchow est revenu sur ces données. D'ailleurs, la clinique nous apprend 
que des accouchées, trop largement irriguées par des lavages au bichlo- 
rure d'hydrargyre, présentent quelquefois des signes d’une colite non 
douteuse. Enfin, on a pu constater, au cours de nécropsies, des altéra- 
tions plus ou moins profondes, correspondant à ces coliles. 

Peut-être serait-il bon de recourir plus fréquemment à d’autres artisep- 
tiques, un peu moins microbicides, à coup sûr mieux tolérés par nos cel- 
lules. On ne sait pas toujours exactement la capacité d'absorption de la 
plaie utérine, d'autant que les nécessités placent, de lemps à autre, les 
médicaments dans des mains imprudentes ou malhabiles. De plus, le 
sublimé modifie la crase sanguine; celte modification doit être prise en 
considération à raison de la phlegmatia alba dolens, complication qui 
est loin d’avoir disparu. 

De l'examen des viscères des animaux soumis à l'influence des subs- 
tances fabriquées par le bacille du pus bleu, il est permis de tirer quelques 
conclusions. Les congestions, les hémorragies, le catarrhe intestinal, réa- 
lisés au cours de l'infection, peuvent relever d'un processus toxique. — 
Il est clair que nous ne rejetons en rien l’aclion directe des germes, leur 
intervention, grâce à la circulation, le rôle des thromboses, des embolies 
parasitaires, etc. Nous avons nous-mêmes fourni des preuves en faveur de 
ces modes pathogéniques. Mais, ici, il ne saurait être question de pareilles 
explications, par ce motif, unique et suffisant, que les lapins ont reçu 


des cultures stérilisées. — Ainsi, un poison d'origine végétale aboutit à 
des effets comparables à ceux que produit un corps de provenance 
inorganique. 


Ajoutons que si le choix de la porte d’entrée a ordinairement une 
grande importance, personne ne l’ignore, lorsqu'il s’agit d’inoculations 
de germes vivants, virulents, nous trouvons ici la preuve, apportée de- 
rechef, de l'influence de cette même porte d'entrée, quand on s’adresse, 
non plus aux agents pathogènes, mais aux corps qu'ils fabriquent. — 
Introduisez, avant ou après neutralisation, alcalinisation, ces toxines 
pyocyaniques dans le tube digestif; avec 30, 50 centimètres cubes, vous 
aurez habituellement beaucoup de difficultés à solliciter des accidents 
marqués: Ces accidents surviendront rapidement, si vous usez de la veine 
de l'oreille. 

Ces principes mettent-ils en jeu, comme dans d'autres circonstances, 
l'appareil vaso-moteur, ou bien font-ils effraction, en quelque sorte, 
pour s’éliminer, à la manière de ce qui a lieu chez certains urémiques? 
C'est là un point que nous réservons. — Cependant, l'apparition de 
l'œdème, dans quelques cas, plaide en faveur d’une intervention ner- 
veuse. 

Le Gérant : G. Masson. 


Paris. — Typographie Gaston Née, 1, rue Cassette. — 6367. : 


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405 


SÉANCE DU 14 MAI 1899 


M. Dasmre : Notice biographique sur Ernest von Brücke. — M. FABRE-DOMERGUE : 
Note à propos de la méthode bactériologique au bleu de Prusse de M. Solles. — 
M. Cu. Féré : Remarques sur le diagnostic de l'hystérie et de l'épilepsie, à propos 
de la note de M. Bosc. — M. Cx. FÉRé : Note sur la provocation des accès d'épi- 
lepsie par la pilocarpine. — M. Brown-SéQuar» : Influence de l'extrait aqueux de 
capsules surrénales sur des cobayes presque mourants à la suite de l’ablation de 
ces organes. — M. le Dr Griaorescu (de Bucarest) : Accélération de la vitesse de la 
transmission nerveuse sensitive chez l'homme par le liquide Brown-Séquard. — 
M. le Dr GELré : Valeur symptomatique du réflexe de l’accommodation binauricu- 
laire. — M. le Dr Gezré : « Suum cuique ». — M. le D' Béparr (de Toulouse) : 
Étude expérimentale sur le mécanisme de l’élévation du poids total du corps sur 
la pointe des pieds. — M. G. Poucuer : Note sur la baleine observée var Néarque. 
— MM. Poucuer et Bérnix : Sur des sardines présentant des œufs à maturité. — 
M. CaaRRiN : Purpura expérimental. — M. le Dr C. Cowre : Des résultats obtenus 
par la méthode de Golgi, appliquée à l’étude du bulbe olfactif (Mémoires\. — 
M. A. Dasrre: Sur la préparation de la fibrine du sang par le battage. 


Présidence de M. Chauveau. 


ERNEST VON BRUCKE. 


M. Dasrre donne lecture de la note biographique qu’il a rédigée pour 
la Société de Biologie, dont Ernest von Brücke était membre correspon- 
dant : 


La Société de Biologie a perdu, au commencement de cette année, l’un 
de ses membres étrangers les plus illustres. M. E. W. von Brücke est mort 
à Vienne le 7 janvier 1892 dans sa soixante-treizième année. Il était né 
à Berlin le 6 juin 1819. Il avait d’abord éludié, sous la direction de 
Johannes Müller, l'anatomie, la physiologie et l'histoire naturelle, comme 
c'était l'ordinaire en ces temps où la physiologie ne s'était pas encore 
dégagée du tronc commun des sciences morphologiques. En 1843, Brücke 
devenait l'assistant de son maitre ; en 1848, il prenait à Kœnigsberg la 
succession de Burdach. Cette même année, il était appelé à l'Université 
de Vienne pour occuper la chaire commune d’anatomie et physiologie. 


C'est là que s’est écoulée sa carrière et qu'il a exécuté ses principales 


recherches. 

Son activité se caractérise surtout par le grand nombre d'objets auxquels 
elle s'est étendue. Brücke a été un encyclopédiste ou au moins un 
polygraphe. Une courte énumération de ses travaux en fournira la 
preuve. Dans cette liste, on compte sept mémoires de physique, dont 
deux sur l'éclat métallique et sur la couleur des milieux non transparents. 
Il a laissé quatre mémoires de physiologie botanique dont l’un, très connu, 
sur les mouvements de la sensitive. Son œuvre comprend, en physiologie 
expérimentale, trente et une publications dont les principales sont rela- 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9° SÉRIE, T, IV. 18 


406 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


tives à physiologie comparée des organes de la circulation ; à la coagulation 
du sang; à la digestion gastrique des albuminoïdes et aux peptones; à la 
bile; aux mouvements musculaires ; à l'excitalion électrique des muscles. 

En anatomie microscopique, Brücke a laissé vingt-cinq mémoires, 
trente-quatre en chimie physiologique, parmi lesquels il faut noter ceux 
qui sont relatifs à l'oxydation des albuminoïdes et aux réactions chimiques 
des sucres. Enfin, il a consacré seize notes ou communications à l'optique 
physiologique et en particulier aux sujels suivants : sur le muscle accom- 
modateur ; des propriétés caloptriques de la rétine ; du contraste des cou- 
leurs ; de la photométrie. 

Tous ces travaux ont été publiés, dans les Archives de Müller pour les 
premiers, pour les autres dans les Comptes rendus de l’Académie de 
Vienne. — Ajoutons que Brücke, fils d’un peintre distingué, ne s’est 
jamais désintéressé des applications possibles de la physiologie ou de 
l'anatomie aux beaux-arts. IL est l’auteur d’un ouvrage estimé en Alle- 
magne sur Ja physiologie des couleurs appliquées aux arts décoratifs, d’une 
esthétique des couleurs et d’un livre sur les principes scientifiques des 
beaux-arts. 

Dans un autre ordre d'idées, il a publié une étude sur les fonde- 
ments physiologiques de la versification et un volume sur la physiologie 
du langage, où se trouvent posés les principes d’une phonétique vraiment 
scientifique. 

On voit sur combien de domaines s’est exercée l’activité du physiologiste 
viennois. À son nom resteront attachés un grand nombre d’acquisitions 
ou de découvertes et tout au moins de procédés et de méthodes de pré- 
paration. Nous rappellerons seulement pour mémoire : la découverte du 
muscle ciliaire, le procédé de préparation du glycogène, un procédé de 
préparation des ferments digestifs, l’action de la lumière polarisée sur Les 
muscles, la théorie du rôle digital des bâtonnets et des cônes : le fait de 
l'absorption par les milieux de l'œil, des rayons ultra-rouges expliquant 
l'invisibilité de cette partie du spectre. 

E. von Brücke a laissé la réputation d’un professeur écouté ; son carac- 
tére lui a mérité l’estime de tous ceux qui l'ont approché et l'affection de 
ceux qui l'ont connu de plus près. 

La Société physiologique de Vienne, pour honorer tous ces mérites, a 
décidé d'élever au savant physiologiste un monument dans la Cour des 
Arcades de ! Université. Elle fait un appel aux collègues de Brücke et à 
tous les représentants de la même science en dehors de l'Autriche. Nous 
estimons que cet appel doit être entendu. La Société de Biologie s hono- 
rera, elle donnera un exemple excellent en s’associant elle-même, en 
tant que corps savant, et par une souscriplion générale, à un hommage 
qui s'adresse à l’un de ses membres et par delà, à la science même. 


SÉANCE DU 14 MAI 407 


NOTE A PROPOS DE LA MÉTHODE BACTÉRIOLOGIQUE 
AU BLEU DE PRUSSE DE M. SOLLES, 


par M. FABRE-DOMERGUE. 


Grâce à l'emploi du bleu de Prusse solubilisé dans la gélatine et 
désigné par l’auteur sous le nom de bleu de Solles, il aurait été possible 
de déceler des « parasites encore inconnus » dans le sarcome, le 
fibrome, le goitre, l’épithéliome, la papulo-pustule de la variole, du vac- 
cin, le névrome plexiforme, la rage, etc. 

Le découverte d’une technique d’application aussi variée et aussi 
nouvelle était bien faite pour attirer l'attention des microbiologistes qui 
ont été heureux de pouvoir examiner les nombreuses préparations pré- 
sentées par l’auteur et sans l’aide desquelles la démonstration de son 
procédé eût été évidemment incomplète. En ce qui nous concerne cepen- 
dant, ces préparations n'ont point paru correspondre exactement aux 
conclusions du travail de M. Solles. Dans tous les cas, nous avons pu 
voir, superposé au tissu ou incorporé dans sa masse, un précipité bleu 
creusé de vacuoles plus ou moins grandes que l’auteur considère comme 
des parasites réservés en clair sur fond coloré. Les préparations présen- 
tant un aspect à peu près uniforme sans autre différence que celles que 
peut donner un précipité granuleux déposé sur une surface irrégulière, 
nous pensons qu'il pourrait y avoir là une erreur d'interprétation compa- 
rable à celle qui a souvent fait considérer comme des microcoques certains 
dépôts fournis par les couleurs d’aniline, erreur bien compréhensible 
d’ailleurs quand elle porte sur un sujet aussi délicat que la technique 
bactériologique. 


REMARQUES SUR LE DIAGNOSTIC DE L'HYSTÉRIE ET DE L'ÉPILEPSIE 
A PROPOS DE LA NOTE DE M. Bosc(l), 


par M. Cu. FéRé. 


M. Bose reconnait que l'inversion de la formule des phosphates n’est 
pas constante dans l’hystérie et qu’elle se rencontre dans l’épilepsie. {1 
considère comme un caractère des urines des hystériques leur diminulion 
de volume après l'attaque; les exemples qu'il donne sont assez mal 
choisis à cet égard, car trois fois sur quatre l'urine s’y trouve plus abon- 
dante le jour de l'attaque. Il attache aussi une grande importance à la 


(1) Comptes rendus de la Société de Biologie, 1892, p. 376. 


408 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE 


diminution de l’urée et de l'acide phosphorique total. Pour que ces carac- 
tères puissent servir au diagnostic, il faudrait qu'ils fussent constants. 
Or, il s’en faut qu'il en soit ainsi. Voici par exemple deux analyses faites 
par M. F. Peyrot sur les urines d’un hystérique, dûment certifié et qui 
a passé par la Salpètrière. 


ACIDE ACIDE ACIDE 
VOLUME phosp. phosp. phosp. 
DAPES. de total. uni uni CHLORURES.  URÉE. 
l'urine. aux alcalis. aux terres. 


5imai (attaque). . . 1650 ‘0,735 ‘ 0,153 0,205 14,155 23,06 
7-mai (état normal. 4525 0,730 (0,46 “(0,175 15,025 22,50 


On n'y trouve ni la diminution relative de volume, ni l'augmentation 
des chlorures, ni la diminution de l’urée, nila diminution de l'acide phos- 
phorique total, le jour de l'attaque, qui n’est caractérisé chez ce malade 
que par l’inversion de la formule des phosphates. 

Quant à l’abaissement de la toxicité que M. Bose admet aussi comme 
caractéristique, il y a lieu de faire des réserves. Dans un fait que j'ai 
étudié à ce point de vue (1), la toxicité était de peu au-dessous de la nor- 
male. 

A la note qui a pour titre « la nutrition dans l’'hystérie », M. Bosc an- 
nexe, au risque de le laisser passer inaperçu, un appendice sur la dilata- 
tion moyenne (?) de la pupille, qui serait pour lui un caractère de l'attaque 
épileptique. de n’ai pas besoin de rappeler que l’état de la pupille dans 
l'attaque d’épilepsie est un point sur lequel ont cours les opinionsles plus 
diverses et qu'il n’y a pas de bonnes raisonspour admettre exclusivement 
celle de M. Bosc, qui n'a pour base, comme les autres, que son observation 
personnelle. 

Parmi les autres signes diagnostiques de l’épilepsie et de l’hystérie, on 
a disculé récemment sur les troubles permanents de la sensibilité. J'ai 
contribué à montrer qu'ils sont plus fréquents qu’on ne le pensait il y a 
peu de temps encore, dans l’épilepsie : les épileptiques peuvent présenter 
tous les troubles sensoriels décrits chez les hystériques, y compris le rétré- 
cissement du champ visuel. C’est à tort qu’on m'a attribué une opinion 
contraire sur ce point spécial (2,; J'ai trouvé le rétrécissement chez un 
quart des sujets examinés (3). 

Si je suis resté sur la réserve relativement au diagnostic entre l'hystérie 
et l'épilepsie dans une zone limitrophe, je erois que j'y étais autorisé par 
les faits. 


(1) Comptes rendus de la Société de Biologie, 1890, p. 259. 

(2) Gilles de la Tourette. Traité clinique el thérapeutique de l'hystérie, 1891, 
p. 369. 

(3) Ch. Féré. Les épilepsies et les épileptiques, 1890, p. 416. 


SEANCE DU 14 MAI 409 


NOTE SUR LA PROVOCATION DES ACCÈS D'ÉPILEPSIE PAR LA PILOCARPINE, 


par M. Cu. FÉRé. 


Les sels de pilocarpine ont été expérimentés par plusieurs médecins 
dans le traitement de l’épilepsie. Tout récemment encore un médecin 
russe, M. Kernig (1), a annoncé un succès dans un cas d'état de mal par 
l'injection de 2 centigrammes de chlorhydrate de pilocarpine. J'ai fait 
quelques essais de ce médicament, et j'ai été loin d’en oblenir de bons 
effets. Avec des doses relativement faibles de 1 centigramme à 1 cent. 4/2 
-en injections sous-cutanées, on voyait se sroduire, en même temps que la 
sueur et même souvent un peu avant, une érection très marquée des 
poils, la chair de poule étendue à tout le corps, puis un tremblement 
généralisé et enfin au bout de quelques minutes, un accès d’épilepsie; j'ai 
cru devoir suspendre ces essais (2). 

J'ai eu l’occasion de vérifier encore récemment les conséquences 
néfastes de l'emploi de ce médicament chez les épileptiques. En cherchant 
à utiliser les propriétés de la pilocarpine pour précipiter l'élimination 
dans le bromisme, j'avais remarqué que souvent dans la stupeur bro- 
mique, l’action de ce médicament, même à la dose de 2 centigrammes en 
injections sous-cutanées, était considérablement alténuée et quelquefois 
nulle. Pour bien mettre le faït en évidence, j'avais prié linterne de faire 
une injection semblable à un malade qui n’eût pas d'accès d’épilepsie et 
qui ne füt pas sous l'influence du bromure. Il a choisi par malheur un 
malade qui avait eu autrefois des attaques, mais qui n’en avait plus 
depuis plusieurs mois et qui est traité par les pointes de feu sur le cuir 
chevelu. À la suite de l'injection, ce malade a été pris de tremblement, et 
au bout d'une demi-heure, il avait un accès d’épilepsie, il en a eu trois 
autres dans les trois heures qui ont suivi; or, ce malade affirme qu'il n’a 
jamais eu d'accès sériels, et à coup sûr, il n’en a pas eu depuis plus de 
cinq ans qu'il est sous mon observation. 

La conclusion à tirer de ce fait, c’est que non seulement la pilocarpine 
n’est pas un médicament à préconiser contre l'épilepsie, mais qu'il faut 
en éviter l'emploi chez les épileptiques en dehors du bromisme. 

Les soi-disant guérisons d'état de mal n’ont aucune valeur, par la 
simple raison qu'il n'y aucun signe qui permette d'affirmer qu'elles n’ont 
pas été spontanées. 


(4) La Semaine médicale, 1892, p. XLII. 
(2) Ch. Féré. Les épilepsies et les épileptiques, 1890, p. 550. 


410 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


INFLUENCE DE L’EXTRAIT AQUEUX DE CAPSULES SURRÉNALES SUR DES COBAYES 
PRESQUE MOURANTS A LA SUITE DE L'ABLATION DE CES ORGANES, 


par M. BROWN-SÉQUARD. 


On sait que j'ai trouvé que les Mammifères, privés simultanément ou 
à peu près des deux capsules surrénales, meurent tous très rapidement 
après celte opération. Le tableau suivant que j'ai publié dans le numéro 
d'octobre 1856 des Archives générales de Médecine de Paris, montre l’exac- 
titude de cette assertion. 


ESPÈCE ET NOMBRE SURVIE SURVIE SURVIE 
D'ANIMAUX OPÉRÉS MOYENNE MINIMUM MAXIMUM 


HAINE MEET 
11 Chiens ou chats adul- 
LES Er RM 14 heures. heures 1/2 17 heures. 
RISOURISH MINS NTEENT Sie heures 1/2 8 heures 1/2 
11 Cobayes de plus d’un 13  — 9 heures. 23 heures. 
CET ee te ee 
2 Cobayes d’un à #mois. 23 14 
11 Chiens ou chats de 2 
dMRÉOUTS SES" 31 


9h.qq.minutes.| 5 heures 1/2 14 heures 1/2 


si 
7 


De nombreuses expériences que j'ai faites depuis 1856 ont donné des 
résultats confirmant les précédents, au moins quant à la durée moyenne 
de la vie après l’ablation des deux capsules. Mais la durée de la vie a été 
quelquefois un peu moindre ou un peu plus considérable, surtout chez 
les chiens et les chats âgés de 10 à 15 jours. 

Sur 5 cobayes de plus d’un an ayant eu les deux capsules enlevées 
immédialement l’une après l’autre, j'ai attendu l’approche de la mort, 
qui s'est montrée par les signes ordinaires : faiblesse paralytique très 
considérable, gêne de la respiration, affaiblissement du cœur, abaisse- 
ment de température. À en juger par ce que l'expérience m'a appris, ces 
3 cobayes ne pouvaient pas survivre plus d’une demi-heure. Chez l’un 
d'eux des convulsions avaient eu lieu et un état semi-comateux s'était 
montré. J'ai injecté en deux endroits, chez chacun de ces animaux, la 
totalité d'extrait aqueux obtenu de 4 capsules surrénales de cobayes 
âgés de trois à six mois, la quantité d'eau employée n’ayant été que d’un 
gramme par capsule. L’extrait avait été passé à travers un filtre en pa- 
pier. L’un de ces animaux a survécu 3 h. 1/4 après l’injection (c’est celui 
qui avait eu des convulsions); les 4 autres ont survécu 4 h. 1/2, 4 h. 3/4, 
5 h. 1/2. Chez tous, même chez celui qui avait eu des convulsions, une 


SÉANCE DU 14 MAI 411 


amélioration considérable à l'égard de tous les symptômes, avait eu lieu 
et deux d’entre eux non seulement s'étaient remis sur leurs pattes, mais 
ils ont pu courir et manger. Ce dernier point est extrêmement important, 
puisque, comme je l'ai montré, les animaux privés de leurs capsules sur- 
rénales refusent de manger. 

J'ai obtenu cette amélioration chez 3 autres cobayes sur 5, mais je ne 
sais pas combien la survie a duré, car, la nuit étant survenue, j'ai cessé de 
les observer et le lendemain matin je les ai trouvés morts et rigides ayant 
perdu toute trace d'irritabilité musculaire, au galvanisme. Mais ils 
avaient recouvré de la force et presque l'apparence de la santé et leur 
survie avait élé de 2 à 3 heures à l'heure où je les ai quittés. 

Chez 2 de ces 5 derniers cobayes, l'effet produit par l'injection a été 
nul et la mort est survenue chez l’un 5 ou 6 minutes après l'injection, 
chez l’autre après 7 ou 8 minutes. L'un d’eux avait eu des convulsions et 
était agonisant au moment de l'injection. Tous les deux n’ont survécu à 
l’ablation des capsules qu'environ dix heures, c’est-à-dire deux heures 
de moins que la moyenne de la survie pour des cobayes de leur âge. 

_ Comptant reprendre bientôt ces recherches avec d’Arsonval, je me 
bornerai à dire qu’elles montrent, comme les très intéressantes et origi- 
nales expériences de MM. Abelous et Langlois (C. À. de la Soc. de Biol., 
séance du 7 mai 1892, p. 390) que si par une injection sous-cutanée d’un 
extrait aqueux de capsules surrénales, on donne au sang des cobayes 
privés de ces organes, ce qui lui manque, on peut améliorer considéra- 
blement, au moins temporairement, l’état de ces animaux. 

Ce que les belles recherches de quelques physiologistes et surtout de 
M. Gley ont si bien établi pour la thyroïde a donc lieu aussi pour les 
capsules surrénales. Je suis profondément surpris que des médecins 
n'aient pas encore (autant que je sache) employé contre la maladie d’Ad- 
dison des injections de liquide des capsules, comme plusieurs praticiens 
l'ont fait avec tant de profit, à l’aide de liquide thyroïdien contre la ea- 
chexie strumiprive. 


ACCÉLÉRATION DE LA VITESSE DE LA TRANSMISSION NERVEUSE SENSITIVE 
CHEZ L'HOMME PAR LE LIQUIDE BROWN-SÉQUARD, 


par M. le D' Gricorescu (de Bucarest). 


Nous avons entrepris une étude plus ou moins détaillée sur l’actior 
physiologique et l'application thérapeutique du liquide Brown-Séquard. 
Nous laissons de côté, pour le moment, les autres faits cliniques, dont 
nous sommes plus ou moins surpris ; nous voulons rapporter ici seule- 
ment le fait de l'accélération de la vitesse de transmission nerveuse sen- 


412 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


sitive, après le traitement fait par le liquide contenant l'extrait aqueux 
des glandes séminales des cobayes. Nous rapporterons donc brièvement 
deux observations. 


IL. — E... P.., âgé de quarante-quatre ans. Paraplégie assez avancée : la 
marche très difficile, les pieds sont trainants, la plante donne le sentiment de 
mollesse pour tout le corps, etc. 

La vitesse de la transmission nerveuse sensitive, mesuré par l'appareil de 
M. d’Arsonval (méthode Schelske) sur deux points distanciés : talon et nuque» 
a donné le chiffre de 27,83 mètres par seconde. Par l’esthésiomètre, le malade 
distingue les deux pointes à la distance de 16 millimètres, sur la région plan- 
taire du gros orteil droil; à l’orteil gauche, la distance esthésiométrique est 
de 2 millimètres. : 

Après onze jours de traitement par le liquide en question, une amélioration 
sensible survient, et la vitesse de la transmission nerveuse sensitive, constatée 
absolument dans les mêmes conditions, est de 33,40 mètres par seconde, c'est-à- 
dire elle est accrue de 5,57 mètres par seconde. En plus, l’esthésiométrie du 
gros orteil droit de 16 millimètres est descendue à # millimètres, c’est-à-dire 
la sensibilité est devenue quatre fois plus aiguë. 

IT. — C... C.…, âgé de trente-six ans. Ataxie locomotrice très avancée : 
impossibilité de se lever, marcher seul, etc; maigreur extrême; fièvre vespé- 
rale de 38-38°,5. Très grande ataxie des mouvements, ele. 

La vitesse de la transmission nerveuse sensitive, mesurée dans les mêmes 
conditions, a donné le chiffre de 26,66 mètres par seconde. La mesure esthé- 
siométrique, à la région plantaire du gros orteil droit, donne la distance de 
1 millimètres. 

Après dix-huit jours de traitement, par lamème méthode, une amélioration 
notable se manifeste pour tous les phénomènes de la maladie. La vitesse de la 
transmission nerveuse sensitive se fait 34,32 mètres par seconde, c’est-à-dire, 
elle est accrue de 7,66 mètres par seconde. L’esthésiomètre montre aussi une 
amélioration de la sensibilité tactile de la région plantaire du gros orteil. 


Il résulte donc de ces deux cas, que le liquide Brown-Séquard a 
ramené la vitesse de la transmission nerveuse sensitive, altérée par les 
maladies de la moelle, à l’état de 30-35 mètres par seconde (méthode 
Schelske). Il est probable par conséquent que la même chose doit se pas- 
ser aussi dans les nerfs moteurs. 

Nous avons pris toutes les précautions possibles pour éviter l’erreur 
dans ces déterminations (1) et nous espérons avoir réussi. Cependant, 
nous reconnaissons que de nouvelles épreuves, que nous présenterons 
prochainement, sont nécessaires pour vérifier ces premiers résultats. Par 
cette note, nous avons voulu établir la priorité scientifique du fait. 


(1) Comp. R. Société Biologie, 1891. 


NAS . Le LE e 
; - 


ps 
: 


SÉANCE DU 14 MAI 413 


VALEUR SYMPTOMATIQUE DU RÉFLEXE DE L'ACCOMMODATION BINAURICULAIRE, 


par M. le D' GEecté. 


Sur des oreilles saines, on peut, en agissant par une pression légère 
sur le tympan gauche, modifier l'audition du côté droit. Dans cette expé- 
rience on a fait agir le réflexe qui amène les mouvements synergiquement 
associés des deux organes de l’ouïe. 

J'ai cherché les affections dans lesquelles ce réflexe physiologique a 
disparu. Dans un premier travail déjà lu ici, j'ai essayé de montrer que 
la perte de ce réflexe binauriculaire avait été observée souvent dans les 
cas de méningite hypertrophique cervicale, les oreilles restant saines et 
l’audition excellente. (V. £'tudes d'otologie, t. II, p. 60.) 

J'ai pu observer le fait deux fois encore depuis lors dans les mêmes 
circonstances pathologiques. Un de mes élèves publie en ce moment une 
élude de ce signe à propos d’un cas analogue. 

Le réflexe est le plus souvent perdu quand il existe des lésions spon- 
tanées ou traumatiques du labyrinthe entraînant la surdité. Deux faits 
récents m'ont confirmé dans cette opinion (un traumatisme du crâne, 
une hémorragie labvrinthique goutteuse). 

La perte de ce réflexe dans la sclérose auriculaire s'explique par 
l'immobilité même des parties, le mode d’éveil du réflexe n’a plus 
d'action si l’étrier est fixe; c’est un signe d'’immobilité de cet osselet. 

Dans les hémisurdités hystériques, le réflexe est conservé et caractéris= 
tique ; Le nerf sensoriel est anesthésié, mais les rameaux excito-moteurs 
ampullaires fonctionnent toujours. 

Dans les lésions intra-craniennes, [dans les tumeurs, les néoplasmes, 
dans les hémorragies cérébrales, si j'en juge par mes observations, 
en général le réflexe persiste; un aphasique l'avait intact; ure syphi- 
litique cérébrale de même; une surdité suite de méningite, aussi. 

Mais il n’en est plus de même quand la lésion siège sur le trajet des 
conducteurs, sur le nerf auditif, et dans la moelle allongée, sur le che- 
min du réflexe à son foyer. 

L'analyse de quelques faits très clairs, dans lesquels l’état de l'audition 
était absolumentnormal, malgré quelques troubles subjectifs (battements), 
m'a montré que, dans cet ordre de lésions, on trouve le réflexe perdu 
absolument. 

Le diagnostic du siège de la lésion n’est pas douteux dans aucune de 
ces observations. 

D'abord, ce sont deux cas de paralysie de la face complète avec para- 
lysie du moteur oculaire externe du même côté. Dans le troisième fait, il 
y avait paralysie croisée; paralysie faciale gauche et hémiplégie droite. 

Ici il y avait de plus surdité à gauche. 


414 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


L'existence d'une lésion protubérantielle ou proche de cette région ne 
fait point doute dans ces cas. 

Le signe auriculaire vient s'ajouter aux autres symptômes d’une lésion 
centrale proche des centres réflexes, sur le trajet du réflexe vers le foyer | 
cervical. 1 

La valeur symptomatique du réflexe binauriculaire se déduit de celte 
analyse pathologique. 


« SUUM CUIQUE ». 


Note présentée par M. le D' GeLré. 


Je lis dans les Archives of otology de Knapp et Moos, à propos des- 
fonctions du labyrinthe, un article signé Moos (p. 190, avril 1892), dans 
lequel il est dit ceci : 

« La membrane basilaire ne peut être considérée comme une mem- 
brane vibrante, comme l’admet Hensen-Helmoltz. L’endolymphe mise 
en vibration, agite les cellules spécifiques directement, etc. » On a oublié 
d'ajouter que le premier j'ai développé en opposition à la théorie admise 
d'Helmoltz que le mouvement vibratoire est transmis aux liquides inclus 
dans le labyrinthe et frappe directement les cellules ciliées et les extré- , 
mités des cellules fusiformes de Deiters qui y baignent. Les fibres ra- 
diales de la membrane striée sont bien loin de la surface sensible de la 
crête sensorielle et n’ont pas le rôle important que leur a donné 
Helmollz. Ces idées ont été exposées depuis 1884 et publiées en 1888 
(t. IL, Études d'otologie, p. 221). 

L’adoplion de nos idées par Moos a son oran Je rappellerai 
qu'elles ont depuis deux années été admises et vulgarisées par le D° Gley 
à son cours de la Faculté et développées par le D' Bonnier qui ignorait 
cependant mes travaux (Thèse de Paris, 1890, Du sens de l’espace). 


ETUDE EXPÉRIMENTALE SUR LE MÉCANISME DE L'ÉLÉVATION DU POIDS TOTAL 1 
DU CORPS SUR LA POINTE DES PIEDS, 


par M. le D' Bépart (de Toulouse). - 


Dans les annotations faites par M. le D' Imbert à la traduction de la 
Physique médicale de Wundt, l'existence d’un levier du deuxième genre 
ou inter-résistant dans l’économie humaine est fortement mise en doute 


SÉANCE DU 14 MAI 415 


et l’annotateur rappelle que c'est une erreur des frères Weber partagée 
par Béclard et Giraud-Teulon de voir un semblable levier dans le pied 
de l’homme se sontenant sur sa pointe en soulevant le poids du corps. 

La plupart des manuels et traités classiques de physiologie français 
reproduisent l'opinion des Weber et de Giraud-Teulon en admettant le 
mécanisme de l'élévation du poids du corps sur la pointe par un levier 
du deuxième genre; lorsqu'ils ne le disent pas expressément, les figures 
qui accompagnent les descriptions représentent toujours un levier du 
deuxième genre. La Physiologie de Landois, traduction annotée de Stir- 
ling, contient la même affirmation, la Physiologie belge de Lahousse, 
l'excellent traité de Frédéricq et Nuel également. 

Dans l’espèce, d’ailleurs, il y a peu d'expériences et parmi les inté- 
ressantes questions que pose la mécanique animale à propos de la station 
et de la locomotion, les physiologistes ont négligé de vérifier expérimen- 
talement la théorie qu'ils donnent du soulèvement du poids du corps sur 
le boul des orteils par un levier du deuxième genre. Nous y avons été 
conduit par des considérations bien simples que nous allons reproduire 
et dont l'évidence est manifeste. 

Le corps étant dans la station verticale Ia plante des pieds reposant à 
terre (fig. 1), si l’on contracte les gastro-cnémiens, cetle contraction 
aura pour premier résultat de rapprocher les deux points d'insertions 
A et B du muscle, c'est-à-dire de diminuer la longueur AB et l'ouverture 
de l’angle AOB, ceci est évident. Mais pourquoi dans ce mouvement le 
point À ne se rapprocherait-il pas, a priori, du point B, autant que le 
point B se rapproche de lui? Pourquoi au contrairele point B quitterait-il 
le sol, altiré par le point À, qui lui-même s’éloignerait de plus en plus du 
sol, par le seul fait de la contraction d’un muscle dont l'effet (considéré 
en lui-même) ne peut que rapprocher À de B? En ne considérant que la 
contraction du musele, ces questions sont embarrassantes, la deuxième 
hypothèse est inadmissible; l'expérience faite devant vous démontrera en 
effet; 1° que les points A et B se rapprochent mais 2° que le raccourcisse- 
ment de AB n'implique pas comme conséquence forcée le soulèvement de 
terre de B. Il faut introduire, à côté de la contraction musculaire, une 
condition nouvelle pour que le raccourcissement de AB amène l’éléva- 
tion de À au-dessus du sol et que le point B quitte terre. 

Lorsqu'on schématise l’action des muscles du mollet en les comparant 
à un levier du deuxième genre, on applique la puissance au bout du 
levier à l'insertion T du tendon d'Achille (3, fig. 1) mais on ne mentionne 
pas le point sur lequel l’autre bout du muscle s’insère, ou plutôt on rai- 
sônne comme si le point supérieur d'attache du muscle était extérieur au 
système à soulever en h. Alors tout va très bien ; dans ce cas, on a un 
levier du second genre (2, fig. 1); supposez en effet les insertions supé- 
rieures des muscles du mollet détachées de la jambe et fixées à un point 
F extérieur (i, fig. 1); nul doute dans ces conditions, si le muscle est 


416 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


assez fort, quand il se raccourcira, le point F étant fixe, il faudra abso- 
lument que le point T quitte terre: absolument comme le poids P avec 
une poulie atlachée en un point fixe , extérieur au système (5, fig. 1), 
soulève le point T de terre et avec lui tout le système. Mais supposez la 
poulie attachée sur l’objet même à soulever en g(6, fig. 1) quel sera l'effet 
du poids P? soulèvera-t-il le point T de terre ? non, il rapprochera seule- 
ment g de T'en g’. Geci a toujours lieu ; faites le même raisonnement pour 
le muscle s’insérant en haut, non plus sur un point fixe extérieur, mais 


Eu 


sur la jamhe elle-même qu'il doit soulever; là encore impossibilité de 
détacher le talon du sol. 

Pour soulever le système, il faut introduire une nouvelle condition 
comme nous allons le voir. 

En passant, faisons remarquer Ja trompeuse analogie qui a fait rap- 
peler dans certains traités de physiologie le mécanisme de la brouette à 
propos du prétendu levier du deuxième genre, dans l'élévation du poids 
du corps sur la pointe des pieds. 

Le cas de la brouette (7, fig. 1) est celui du schéma n° 5; elle ne se 
soulève que parce que la puissance appliquée au bout des brancards R 
est extérieure à la brouette elle-même. Supposez le pied de la brouette 
articulé en O et prolongé jusqu’en M ; rapprochez le point R du point M 


FAITS 


SÉANCE DU 14 MAI 417 


par une puissance quelconque : palan, vis, ressort tendu, croit-on que la 
brouette se soulèvera de terre? 

Cependant, c’est par la contraction des muscles des mollets que Le talon 
quitte terre; oui, mais il y a un principe de mécanique générale auquel 
on ne peut échapper : Un corps uniquement sollicité par des forces inté- 


ñ 
RE 


= Tube dn caocvt ose : 


ge hos cher, 


iporhon 


ES 
Fiov2. 


rieures est impuissant à modifier en quoi que ce soit la position de son 
centre de gravité. 

Comme le fait remarquer Giraud-Teulon dans sa Mécanique animale, 
il faut accorder ce principe mathématique avec un fait physiologique 
évident : La force motrice de l’homme est lout entière en lui el on ne peut 
la rechercher que dans l'action de ses différents muscles. 

Eh bien! cet accord ne peut se faire qu’en faisant intervenir une autre 
force toujours présente, celle développée par la pression du corps sur son 
appui. 

Comme cette force constante, celle de la pesanteur, a sa résultante 
dirigée suivant la verticale passant par le centre de gravité du corps, il 


418 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


nous faudra pour combiner celte force avec celle des muscles tenir 
comple de sa direction et de son point d'application, ce qui revient à 
tenir compte de la position du centre de gravité du corps au moment où 
les muscles se contractent. 

L'intervention de la pesanteur peal être démontrée par des construc- 
tions géométriques et des décompositions de forces; ce moyen abstrait, 
sans être d’un ordre mathémalique bien élevé, offre cependant des diffi- 
cultés réelles pour ceux qui ne sont pas familiarisés avec la méthode; elle 
a un avantage, son exactitude, si l’on recherche des chiffres exacts; mais 
tel n’est pas notre but, et pour montrer très nettement les conditions 
dans lesquelles intervient la pesanteur, j'ai choisi la méthode expérimen- 
tale ; elle parle aux yeux et donne des résultats très suffisants. 

Dans ce but j'ai construit, très simplement, comme vous le voyez, un 
schéma de l'articulation tibio-tarsienne, de la voûte plantaire, des orteils 
et de la jambe (fig 2;. 

Une première pièce P représente la voüle plantaire sur laquelle repose 
le corps dans la station verticale, elle correspond en arrière en T au 
talon, en avant à l'articulation mélalarso-phalangienne ; où elle est arti- 
culée en M avec la pièce ph qui représente les phalanges des orteils. Il y 
a deux pieds ainsi construits. 

Ces pieds schématiques sont surmontés de deux jambes en bois arti- 
culées avec eux en D; ces jambes sont réunies en haut par une traverse 
qui supporte des poids en fer, destinés à élever le centre de gravité de 
tout l’ensemble et à le placer (comme chez l’homme vivant dans la sta- 
tion droite) assez haut pour que des écarts faibles de sa position aient 
une influence marquée sur le mouvement du système. 

La traverse inférieure placée entre les jambes juste au-dessus de l’arli- 
culation tibio-tarsienne a simplement pour but de donner de la rigidité 
au système et d’en empêcher la déformation sous l'influence de la trac- 
tion des muscles artificiels. 

Les muscles artificiels représentant les gastro-cnémiens sont constitués 
par des tubes de caoutchouc fixés en 7 sur la jambe et par leur extrémité 
inférieure € au talon T du pied schématique. Mais pour pouvoir utiliser 
la puissance du caoutchouc tendu, la longueur de ces muscles-tubes est 
telle qu’au repos, ils sont plus courts que la distance 7 T, lorsque le talon 
touche à terre et que la jambe est verticale; et alors si on accroche t à T 
en maintenant la jambe verticale, les caoutchoucs se trouvent tendus et 
tendent à rapprocher le talon de la jambe, comme les muscles du mollet 
sur le vivant. 

Ceci étant connu, et les muscles accrochés aux talons, l'appareil étant 
tenu à la main, l'angle jambe-talon se ferme; si on le pose à terre de 
façon que le centre de gravité passe par la base de sustentalion formée 
par les phalanges, l’appareil se tient en équilibre sur la pointe des pieds, 
les talons relevés. 


SÉANCE DU 14 MAI 419 


4 EXPÉRIENCE. — Si maintenant on appuie sur le haut de l'appareil 
de façon à ramener le talon à terre et à mettre la jambe verticale, la dis- 
tance y T augmente, l’angle jambe-talon s'ouvre, devient droit; dans cette 
position, le caoutchouc, plus fortement tendu, cherche à rapprocher ses 
points d'insertion et à fermer l'angle jambe-talon (1"° position, fig. 2). 

L'appareil à ce momeut est absolument dans les conditions d’un sujet 
dans la position droite qui contracte des mollets; si alors nous cessons 
d'appuyer sur le système, le jeu des muscles artificiels va se produire et 
rapprochera 7 de T, mais le talon ne quitte pas terre pour cela, le centre 
de gravité ramené en arrière passe en dehors de la base de sustentation et 
tout le système bascule (2° position, fig. 2) et tombe en arrière ! 


1° Conclusion, le prétendu mécanisme du levier du deuxième genre avec 
le poids du corps passant par l'articulation tibio-tarsienne, le point fixe à 
l'articulation métatarso-phalangienne et la puissance musculaire appliquée 
au talon n'est pas applicable, car le talon ne quitte pas la terre. 


2e EXPÉRIENCE. — Revenons à la position précédente, ia jambe verti- 
cale, le pied reposant à terre et, avant de lâcher, inclinons suffisamment 
les jambes en avant pour que le centre de gravité (3° position) tombe en 
dehors de la ligne qui rejoint les deux articulations métatarso-phalan- 
giennes. Si nous lâchons l’appareil dans cette position penchée en avant : 
les muscles se contractent, le point se rapproche de T, comme tout à 
l'heure; l'angle jambe-talon se ferme comme tout à l'heure; mais au lieu 
de basculer en arrière, le système se dresse sur la pointe des pieds (4° posi- 
tion): Comme-dans le déplacement préalable du centre de gravité en 
avant, il y a eu augmentation dela distance T, et par suite un allongement 
plus considérable du caoutchouc, dont l’élasticité est plus fortement solli- 
citée; le muscle artificiel se contracte très brusquement et le mouvement 
produit est tellement vif qu'en vertu de l’inertie et du mouvement pris 
par l'appareil, le syslème a une tendance à être entraîné en avant, ce 
qu'on peut éviter en ne lâchant pas tout d’un coup et diminuant graduel- 
lement la pression. 

L'expérience est claire, nette, simple, parle aux yeux, elle impose la 
conclusion suivante. 


2° Conclusion: Pour que la contraction des muscles du mollet (qui 
amène toujours la fermeture de l'angle jambe-talon) soit compatible avec 
l'élévalion du talon qui se détache du sol, il faut que le centre de gravité 
du corps soit d’abord déplacé de facon à venir tomber dans la nouvelle base 
de suslentation formée par les phalanges sur laquelle il reposera dans la 
position dite sur la pointe des pieds. 

Si au contraire ce mouvement préalable n’est pas fait, la contraction 
des mollets amènera toujours la fermeture de l’angle jambe-talon, mais 


490 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


celui-ci ne quittera pas la terre, la jambe s’inclinera en arrière et si la 
contraction des mollets est assez prolongée pour amener le centre de gra- 
vité en dehors de la base de sustentation, le corps tombera en arrière. 

La vérification expérimentale est facile à faire sur soi-même et cela de 
deux façons. 

À — Placez horizontalement sur une table, à la hauteur du nombril, 
une régle qui la dépasse, approchez-vous le corps bien droit jusqu’au con- 
tact avec le bout de la règle ; à ce moment, essayez de vous dresser sur la 
pointe des pieds: la règle sera repoussée, car instinctivement, +eus aurez, 
avant de contracter vos gastro-cnémiens, déplacé votre corps en avant 
pour faire tomber le centre de gravité dans la nouvelle base de susten- 
talion. 

B — Placez-vous le corps bien droit, la face, la poitrine et l’abdomen 
tout contre un mur, la pointe des pieds touchant le mur également; 
maintenant essayez de vous lever sur la pointe des pieds ; /e mouvement 
est impossible, car le mur vous empêche de projeter d’abord votre centre 
de gravité en avant, condition nécessaire; vous n’y arriverez qu’en éloi- 
gnant peu à peu la pointe des pieds du mur jusqu’à ce que ce mouvement 
de recul permette un projection suffisante du corps en avant. 

L'appareil, quelque imparfaitement qu'il soit construit, permet encore 
la vénfication expérimentale d'un autre fait que j'ai toujours considéré 
comme une objection à la théorie du levier du deuxième genre dans le 
cas qui nous occupe. . 

Lorsque certains clowns chaussent des souliers démesurément longs et 
rigides de façon à prolonger d'autant leur de base sustentation en avant 
des orteils, ils peuvent pencher leur corps sans basculer en avant; et cela 
d'une façon invraisemblable, si l’on ne remarque pas que dans cette posi- 
tion penchée en avant leur centre de gravité tombe encore dans la base 
de sustentalion ainsi prolongée. Mais de plus, lorsque de cette position 
inclinée, ils repassent à la position verticale du corps, sans autre moyen 
que la contraction de leurs gastro-cnémiens, les talons ne se détachent pas du 
sol. C'est que pendant celte contraction de leurs muscles, le centre de gra- 
vité s’est déplacé à l'intérieur de la même base de sustentalion. Nouvelle 
preuve que les muscles du mollet n’agissent pas comme la puissance d’un 
levier du deuxième genre. J’ai connu des personnes qui avaient chaussé des 
raquettes à neige (les mettant par suite du prolongement antérieur de la 
semelle dans des conditions analogues à celles indiquées ci-dessus); ainsi 
chaussées, leur corps pouvait prendre, sans tomber en avant, des inclinai- 
sons considérables, ce qui au début produit une impression très bizarre, 
une sorte de vertige qui disparait ensuite par l'éducation. 

Pour reproduire cette expérience avec mon appareil schématique, je 
supprime l'articulation métatarso-phalangienne au moyen d’un crochet 
qui rend tout le pied rigide ; j'allonge un peu les caoutchoucs afin qu'ils 
ne soient pas trop tendus par une inclinaison considérable des jambes en 


TNT 


SÉANCE DU 14 MAI 491 


avant, ce qui aurait pour résultat un rappel trop brusque en arrière ; si 
alors on laisse les jambes inclinées revenir à la position verticale, on ne 
voit pas le talon se soulever du sol, il ne cesse pas de toucher terre 
durant tout le mouvement de relèvement. 


Conclusions. — Tels sont les résultats déjà très nets et intéressants que 
donne cet appareil grossièrement construit : il démontre que la contrac- 
tion des muscles gastro-cnémiens considérée en soi n'est pas suffisante pour 
opérer le soulèvement total du poids du corps sur la pointe du pied; ‘pour 
être efficace, il faut qu'elle soit combinée avec une certaine position du 
centre de gravité du corps prise au préalable par celui-ci par rapport à la 
nouvelle base de sustentation. 

Comme le fait remarquer M. Imbert (page 121, Physique de Wundt,1884), 
le pied représente alors un levier du premier genre, dont le centre de 
rotalion se trouve dans l'articulation tibio-tarsienne ; la puissance mus- 
culaire, due à la contraction des muscles du mollet est appliquée au talon 
à l'extrémité du calcanéum ; la résistance égaie au poids du corps est 
représentée par la réaction du sol contre ce poids, elle s'exerce à l’extré- 
milé antérieure des métatarsiens, altendu que le corps ne pourrait se 
tenir en équilibre si le centre de gravité se projetait en dehors de la base 
de sustentation. Une interprétation très subtile permet de ramener à la 
rigueur le cas à un levier dit du deuxième genre, mais celte assimilation 
exige des conditions nouvelles : il faut expressément faire passer la résis- 
tance par le centre de l'articulation tibio-tarsienne et lui douner la gran- 
deur et la direction de la résultante du poids du corps et de la puissance 
musculaire. 

Ce sont là des conditions auxquelles n’ont point songé les auteurs 
cités plus haut en expliquant le soulèvement total du poids du corps sur 
la pointe des pieds par le simple levier du deuxième genre. 

Dès que nous en aurons le temps, nous reprendrons ces expériences 
avec un appareil mieux construit dont nous délerminerons avec soin le 
centre de gravité. Nous pourrons alors faire tracer par l'appareil lui- 
même le déplacement de son centre de gravité dans ces divers mouve- 
ments; nous complèterons cette étude par l'application de la méthode 
photochronographique de Marey à l’appareil en mouvement et à un sujet 
vivant s’élevant sur la pointe des pieds. 


18. 


49292 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


NOTE SUR LA BALEINE OBSERVÉE PAR NÉARQUE, 


par M. G. Poucuer. 


J'ai fait connaître à la Société de Biologie (6 décembre 1890) deux 
échouements de grands Gétacés remontant au vire et au 1x° siècles. On en 
connaît un plus ancien, c’est celui que signale Néarque dans un passage 
de son Journal qu'Arrien semble avoir simplement copié. Néarque suivait 
la côte septentrionale du golfe Persique, il avait dépassé le fleuve Granis 
(aujourd’hui le Kisht); il vit sur la rive une Baleine échouée et il envoya 
des hommes de ses équipages pour la mesurer. Ils lui trouvèrent, dit-il, 
quatre-vingt-dix coudées de long. De plus, elle avait la peau rugueuse et 
tellement vieille, qu'en certains endroits elle mesurait une coudée 
d'épaisseur. En outre, des coquilles et des varechs avaient poussé sur 
elle. 

Ce détail est précieux, il nous permet de déterminer l'espèce. C'était 
certainement une Mégaptère (Megaplera Bocps) dont la peau est tou- 
jours couverte de Coronules et d'une abondante végétation de Concho- 
derme aurita. 

Ce que les hommes de Néarque prennent pour des coquilles (huîtres et 
patelles, selon le texte), ce sont évidemment les Coronules et de même ils 
ont dû confondre les Conchoderma avec des herbes marines. Faut-il rap- 
peler que jusqu’après la Renaissance les Anatifes ont été figurés comme 
fruits d'arbres? Quant aux dimensions de l’individu observé par Néarque, 
il est peu probable que M. Boops ait jamais atteint 48 mètres (si l'on 
fait la coudée égale à 0",462), mais remarquons de suite que Strabon, 
faisant allusion au même passage de Néarque (XVI, p. 766, sq.), dit seu- 
{ement cinquante coudées et qu’une autre lecture d’Arrien (Script. rer. 
Alex. Magni. Ed. Müller, Didot, 1846), donne également ce chiffre. La 
longueur indiquée serait alors 23 mètres, ce qui n’a rien d'exagéré, sur- 
tout si l’on réfléchit que les Cétacés à cette époque n'étaient point chassés 
même dans la Méditerranée et devaient atteindre une taille plus grande 
que de nos jours (1). 

Sur une Megaptera Boops de cette dimension, la peau (en y compre- 
nant le lard), pouvait atteindre, à la rigueur, en certaines places, près 
d'une coudée. Il convient, d’ailleurs, de faire ici la part bien naturelle 
de l’exagération. 

On avait cru longtemps que la Mégaptère était une bête des mers 
froides quand j’eus l’occasion d'acquérir en 1883 pour le Muséum le sque- 
lette d’une Mégaptère échouée au fond du golfe Persique, à moins d'une 


(1) Ce fait, bien connu, s'est vérifié en particulier pour la Balænoptera Sib- 


baldii depuis qu'on la chasse dans le Nord. 


RATER EEE 


F 


SÉANCE DU 14 MAI 493 


centaine de milles de l'embouchure du Kisht (4). Cette Baleine fut alors 
décrite comme étant le premier individu de l’espèce, trouvé dans ces 
régions. C’est Néarque en réalité qui nous signale sa présence pour la 


première fois dans le courant de la 113° Olympiade. 


Les Grecs ignoraient la pêche de la Baleine, que les Tbériens ont été 
les premiers à pratiquer dans l'Atlantique. Il est certain qu’au temps 
d'Alexandre les grands Cétacés n'étaient pas rares comme de nos jours 
dans la Méditerranée, mais quelques détails donnés également par 
Néarque nous montrent qu'ils devaient être encore bien plus abondants 
dans la mer des Indes. Il semble en avoir rencontré au moins une fois 
une troupe nombreuse (Arr. Aist. Ind., ch. xxx) et les a vues produire 
leur expiration au moment où elles remontent à la surface. Si le passage 
d’Arrien où cette rencontre est relatée n’a peut-être pas le même carac- 
tère d'authenticité que celui relatif à la Baleine échouée près de l’embou- 
chure du Granis, il semble tout au moins qu'on doive regarder comme 
certain cet autre renseignement donné par Néarque (Cf. ist. Ind., 
ch. xxx), que les habitants de la côte de l'océan Indien aux environs 
du cap Malana (aujourd’hui Ras Malin) se servaient des ossements des 
Baleines échouées comme de pièces de charpente pour leurs habitations; 
il dit même qu'avec leur mâchoire on faisait des portiques, exactement 
comme cela se pratiquait naguère chez les peuples des pays septentrio- 
naux où les baleines, il y a encore quelques années, étaient abondantes. 

Historique. — Bonaterre (Cétologie, in-4°, 1789, p. 19), faisant allusion 
sans doute aux passages que nous avons cités, s'exprime ainsi : « Néarchus 
dit que les Baleines ont ordinairement vingt-trois pas de longueur, et 
qu’il en a vu une de cent cinquante coudées, qui échoua dans ces îles qui” 
sont devant l’Euphrate. » Les autres cétologues ne paraissent point avoir 
donné plus d’attention que Bonaterre aux faits signalés par le navigateur 
grec. 


SUR DES SARDINES PRÉSENTANT DES OEUFS A MATURITÉ, 


par MM. Poucuer et BIÉrRIx. 


Dans le Æapport sur le fonctionnement du Laboratoire de Concar- 
neau (2) pour 1879, nous disions (p. 9): « Les sardines en état de 
« pondre, avec les œufs à maturité, ne se sont montrées à nous jusqu'ici 
«qu'en mai 1888 (3) et en avril 1890. » Les faits se sont passés cette 
année comme en 1888 et en 1890. Au commencement d'avril, les pêcheurs 
purent remarquer que quelques sardines de grande taille laissaient 


(4) Voy. sur cette Baleine, Denis de Rivoire, Les vrais Arabes, in-8°, Paris, 
Plon, 1884, p. 289. S. 

(2) In Journ. de l'Anat., nov.-déc. 1890. 

(3) Rapport pour 1888, Annexe C. 


424 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


« couler leur graine » dans le bateau, ce qui est en somme le seul signe 
certain de Ja maturité des œufs. Et en effet le 11 et le 12 avril, l’un de 
nous put vérifier qu’il en était bien ainsi. En examinant la pêche entière 
d’un bateau pendant deux jours on trouva chaque fois 4 à 5 femelles 
mûres sur 300 individus. 

Les dimensions de ces femelles étaient les suivantes : 

11 avril. — 6 sardines pêchées à la dérive. Poids total : 365 grammes; 
poids moyen : 68 gr. 3 

Trois sont mesurées : 


a. Longueur : 187 millimètres. Hauteur : 39 millimètres. 
b. = 187 — — 39 — 
c. — 199 — — 41 — 


Les ovaires, volumineux, mesurent 75 à 80 millimètres de long sur 20 à 
22 de large. Le tissu en est en général transparent par la grande quan- 
tité des œufs mürs. Ceux-ci répondent à la description que nous en avons 
donné ailleurs et mesurent 1,100 x de diamètre. 

12 avril. — 4 sardines. Poids total : 290 grammes ; poids moyen : 72 gr. 5. 


d. Longueur : 230 millimètres. Hauteur : 42 millimètres. 
e. — 1385 — 
A 185 ss 
UE — 185 — 


Les ovaires sont dans le même état que sur les sardines examinées la 
veille. 

Le temps devient mauvais et la pêche cesse. Mais l'observation n’en 
est pas moins intéressante par la confirmation qu'elle apporte à la règle 
que nous avions indiquée déjà sans en pouvoir donner aucune explication. 
Ils montrent, contrairement aux allégations de MM. Cunningham et 
Marion, que la sardine océanique, la seule que nous ayons étudiée, ne 
se présente que très rarement et d’une manière tout à fait sporadique à 
la côte avec les œufs à maturité, et de plus que l’apparition de ces rares 
femelles à maturité, — quand elle a lieu, — se produit aux mois d'avril et 
de mai. 

Il est impossible, dans l’état actuel des sciences, de justifier par aucune 
considération théorique, à la fois cette périodicité et le petit nombre des 
individus qui la présentent. Il y a là un problème zoologique sur lequel 
nous avons appelé depuis longtemps l'attention et s’il n’est pas résolu, le 
fait même de l'avoir posé indique le peu de fondement des prétendues 
indications positives qu’on avait données sur l’époque et le lieu de ponte 
d’une espèce animale dont l’histoire demeure absolument obscure. 


Ds. ES 


SÉANCE DU 14 MAI 425 


pr M ee 


PURPURA EXPÉRIMENTAL, 


par M. CHARRIN. 


En poursuivant l'étude des hémorragies qui surviennent au cours de 
l'infection, j'ai réussi à provoquer la formation de foyers d'extravasations 


_ sanguines dans divers organes, systèmes ou tissus (cerveau, œil, muscles, 


poumons, myocarde, estomac, intestin, reins, etc.). Dans la mesure du 
possible, j’ai soumis à la Société des pièces justificatives des fails que 
j'avancais devant elle. 

Il me restait, en particulier, à produire ces foyers dans le tissu cellu- 
laire sous-cutané. Car, personne n'ignore que, durant l'évolution des 
pyrexies bactériennes, soit nommées, connues, comme la variole, soit 
désignées, uniquement, sous l'étiquette provisoire de fièvres malignes, de 
purpura infectieux, on peut voir se développer des épanchements de sang 
au niveau de la peau. Sans doute, en raison de la texture de leur tégu- 
ment externe, les animaux habituels des laboratoires de médecine expé- 
rimentale (chiens, chats, singes, lapins, cubayes, souris, etc.,) se prêtent 
difficilement à cette étude. J’ai, heureusement, rencontré, dans les 
anguilles, un terrain qui m’a permis de combler la lacune. 


Il est aisé de constater, sur celles que je montre, que les unes ont le 
dos, plus encore l’abdomen, parsemés de taches rouges, ne s'effaçant pas 
à la pression; les autres, les témoins, celles qui n’ont rien reçu, tandis 
que les précédentes ont été inoculées avec de fortes doses de virus pyo- 
cyanique, ne comportent rien d’anormal. 

Chez l'homme, la clinique nous apprend que, dans des cas analogues, 
on décèle le streptocoque, le pneumocoque, les staphylocoques, etc. ; 
j'ai, moi-même, dans une observation de ce genre, isolé l’aureus. Toute- 
fois, retirer d’une lésion un microbe, ce n’est pas prouver que ce microbe 
est l’agent primitif, unique, de cette lésion (pleurésie, arthrite, gangrène, 
suppuration, etc.). Assurément, agir de la sorte, c’est apporter des pro- 
babilités en faveur de la nature parasitaire du mal, ce n’est point en 
fournir une démonstration sans réplique. Pour penser autrement, il fau- 
drait méconnaître la nécessité des règles fondamentales de la doctrine 
pastorienne, règles qui exigent la création de l’affection par l'introduction 
de la culture pure du germe soupconné dans une économie propice ; il 
faudrait mettre en oubli les enseignements du bistournage et beaucoup 
d'autres. 

Ici, nous faisons apparaitre, à volonté, ce purpura, tantôt en utilisant 
le ferment pyocyanogène, tantôt en nous servant de ses sécrétions. Il 
en résulte que l'élément toxique accompagne l'élément figuré, vivant. 


426 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Nous savons, du reste (1), que ces sécrétions modifient la crase sanguine: 
nous savons également qu'elles sont capables d’intéresser les vaso- 
moteurs, les resserrant, les dilatant, suivant les doses, de même que, sui- 
vant ces doses, on amène l’hyperthermie ou l’hypothermie. 

On saisit par là, une fois de plus, combien est complexe le moindre 
phénomène. Dans ce purpura infectieux expérimental, décomposé, 
analysé, disséqué, il est légitime, puisque les expériences sont là pour 
prêter leur appui, d'invoquer, à titre de pathogénie, les altérations humo- 
rales (purpura diathésique de l’homme), les actions vaso-motrices (2) (pur- 
pura nerveux, purpura mécanique par variations de tension, de pression), 
les produits solubles (purpura (oxique), l'influence directe de l'agent 
morbigène (purpura microbien proprement dit). 


DES RÉSULTATS OBTENUS PAR LA MÉTHODE DE GOLGI APPLIQUÉE A L'ÉTUDE DU 
BULBE OLFACTIF, par M. le D' Coniz. Mémoire présenté dans la séance du 
7 mai 1892. (Voir Mémoires du présent volume, p. 179.) 


SUR LA PRÉPARATION DE LA FIBRINE DU SANG PAR LE BATTAGE, 
par M. A. DASTRE. 


On prépare la fibrine du sang par le battage. On agite le liquide sor- 
tant du vaisseau avec des fragments de verre dans un vase fermé, ou on 
le bat avec un balai de crin, de brins de paille, de baleine, ou avec des 
agitateurs de verre. C'est le procédé indiqué par Ruysch (1707). 

La fibrine est obtenue alors, comme l’on sait, à l’état de filaments élas- 
tiques, adhérant entre eux et adhérant aux aspérités du balai. 

D'autre part, le même sang, abandonné à lui-même, coagulerait sponta- 
nément. Il fournira un caillot de fibrine emprisonnant les globules. La 
fibrine est là sous forme de gelée. 

On admet implicitement que la quantité de fibrine obtenue par battage 
est égale à celle qui apparaïtrait spontanément dans le caillot. De telle 
sorte que le battage ne changerait rien à la quantité de fibrine; il aurait 


(1) Voir Gley, Lapicque, Charrin, Soc. Biol., 1891 — II est clair que nous ne 
faisons pas de celte propriété hémorragique l'apanage exclusif du germe du 
pus bleu. Sans rappeler les agents que nous avons nommés, il y a le bacille 
de Hlava, le bacille décrit par Babes, etc. 

(2) Gley et Charrin. Congrès de Berlin et Archiv Phys., 1890. 


SÉANCE DU 14 MAI 427 


pour seuls résultats : 1° de hâter le dépôt ; 2° de modifier l’état physique 
de la fibrine. 

Je me suis proposé, au cours d’une série particulière de recherches sur 
ce que j'appelle la Physiologie de l’animal défibriné, de soumettre cette 
supposition à la vérification expérimentale. 

Il est évident que les mesures directes et leur comparaison sont impos- 
sibles, parce que les impuretés, sels et globules, mêlées au caillot sont 
de l’ordre même des différences que l’on peut supposer. 

Mes expériences m'ont fourni une autre manière détournée de faire la 
vérification. Rien n’est plus variable que la quantité de fibrine obtenue 
d’un sang donné, suivant le lieu où il est recueilli et suivant les circons- 
tances. C’est la loi qui règle quelques-unes de ces variations que j'espère 
faire connaître prochainement. Quoi qu'il en soit, on peut, sans employer 
aucune substance étrangère, amener un animal (chien) à n’avoir plus que 
des quantités de fibrine extrêmement faibles. Or, il m'est arrivé souvent 
d’avoir des sangs qui ne coagulaient pas spontanément, et d’où cependant 
le battage extrayait des quantités appréciables de fibrine. 

Par exemple, des sangs artériels d’où le battage a extrait Ogr.012 par 
litre ; Ogr.037 ; et même 0gr.630, n’ont point coagulé spontanément, c’est- 
à-dire que je n'observais ni après vingt-quatre heures, ni après quarante- 
huit heures de repos, de prise en gelée ni de flocons appréciables au 
microscope. 

L'équivalence quantitative entre la fibrine du battage et celle de la 
coagulation spontanée n’est donc pas absolument exacte. 

Le mécanisme de l’action du battage pourrait être éclairci par une 
observation que M. Arthus a faite (ou reproduite tout au moins) dans mon 
laboratoire. Lorsque l’on a une solution de la globuline fibrinogène 
dans l’eau salée, on peut, comme l’on sait, l’en précipiter en ajoutant de 
l'eau distillée en quantité suffisante. Le dépôt ne se forme pas instanta- 
nément : il se fait ientement et sous forme grumeleuse. Si l’on agite avec 
une baguette le liquide clair, le dépôt se montre aussitôt sous forme de 
filaments fibrineux autour de la baguette de verre. 

Ce n’est pourtant qu'une simple analogie et non pas une ressemblance 
complète qui existe entre les deux phénomènes, car dans le sang la 
fibrine ne préexiste point et doit sa formation à un veritable phénomène 
de combinaison chimique, tandis que, dans le cas du fibrinogène, il n’y a 
qu’un changement physique. 


Le Gérant : G. Masson. 


Paris. — Typographie Gaston Née, 1, rue Cassette. — 6402. 


TO 


429. 


SÉANCE DU 21 MAI (1899 


M. Soczes: Remarques sur la critique de M. Fabre-Domergue. — M: CHARPENTIER : 
Influence de la durée de l'excitation sur la persistance totale des impressions 
lumineuses. — M. Cu. FéÉré: Le travail et le temps de réaction. — M. LauLanté : 
Recherches expérimentales sur les variations corrélatives de l'intensité de la ther- 
mogenèse et des échanges respiratoires (Mémoires). — M. Acrrep Grarp : Sur 
quelques Isariées entomophytes. — MM. Cuarrin et LanGLors : Modifications de la 
thermogenèse dans la maladie pyocyanique. — M. le Dr Princereau : Note pour 

\ servir à l’histoire des anomalies musculaires du creux de l’aisselle (Mémoires). — 
M. Rémy Sanr-Loup : Sur une réaction physiologique du tannin (contribulion à 
l'étude des pigments animaux. — M. le Dr C. Paisazix : Note sur les Chromato- 
phores des Céphalopodes. — M. Jacques Passy : L’odeur dans la série des alcools. 
— M. Tissié : Influence du vélocipède sur quelques fonctions organiques. — 
MM. B. De NaBras et J. SABrazës : Sur les embryons de la filaire du sang de 
l'homme. 


Présidence de MM. Chauveau et Laveran. 


CORRESPONDANCE MANUSCRITE. 


M. Solles, à propos du procès-verbal de la séance de 14 mai, présente 
la note manuscrite ci-jointe : 


« M. Fabre-Domergue émet l'avis que les corps mis en lumière par 
ma méthode dans l'épaisseur des coupes sont des vacuoles microscopi- 
ques. Si M. Fabre-Domergue m'avait fait cette observation pendant la 
séance où J'assislais, je lui aurais répondu que les vacuoles qui sont :i 
nombreuses dans les coupes en constituent au contraire les points les 
plus obscurs. C'est là que le bleu se dépose en plus grande quantité et. 
forme une ligne sombre par la chaleur sur le fond obscur de laquelle se 
détache en clair les bactéries, comme on a pu le voir pour la tuberculose. 

« D'abord si M. Fabre-Domergue n’a examiné mes préparations qu’à 
la suite de la séance du 7 mai, je ne suis pas trop étonné de son erreur, 
car ce jour-là, pour bien voir et bien juger ma méthode, il eût fallu un 
meilleur jour et un plus fort grossissement. » 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9° SÉR'E, T. IV. 19 


430 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


INFLUENCE DE LA DURÉE DE L'EXCITATION SUR LA PERSISTANGE TOTALE 
DES IMPRESSIONS LUMINEUSES, 


Note de M. Auc. CnARPENTIER, présentée par M. D’ARSONVAL. 


Dans une précédente communication (du 18 juillet 1891), j'ai distingué 
de ce qu'on appelle ordinairement la persistance des impressions lumi- 
neuses, un phénomène qu'on ne peut guère désigner par un nom différent 
et qui est cependant distinct du premier : c’est la persistance {otale. Tan- 
dis que dans mes premières expériences, j'avais étudié le temps pendant 
lequel, après une excitation lamineuse, l’œil continue à la percevoir avec 
la même intensité apparente, il restait à déterminer le temps pendant 
lequel l'impression reste perçue à un degré quelconque, temps évidem- 
ment plus long que le précédent, qui n’en est que la première phase : on 
sait, en effet, que l'impression consécutive à une excitation, après cette 
phase, diminue graduellement d'intensité et finit par disparaître. Nous 
appellerons donc persistance totale de l'impression cette durée entière de 
l'impression consécutive; et pour faire cesser toute cause de confusion, 
nous proposerons le nom de prolongalion apparente de l'excitation ou 
d'homo-persistance pour le phénomène étudié en premier lieu et dans 
lequel cette excitation semble rester constante. 

Ces deux phénomènes ne se comportent pas de la même facon quand 
on varie les conditions de l'excitation qui leur donne naissance; tandis 
que la prolongation apparente de l'excitation varie en sens inverse de 
l'intensité de celte dernière, nous avons vu précédemment que la persis- 
tance totale varie, au contraire, dans le même sens que l'intensité de la 
lumière excitatrice. 

Je me suis demandé, depuis ces premiers résultats, si la durée de l’exci- 
tation avait une influence analogue ou différente. On sait que, dans de 
cerlaines limites, cette durée a une influence directe sur l'intensité de 
l'impression lumineuse qui varie proportionnellement au temps d'excita- 
tion. J'ai prouvé, de plus, que la prolongation apparente de l'excitation 
varie en sens inverse de la durée de cette dernière; la durée agit donc ici 
dans le même sens que l'intensité lumineuse, et suivant la même loi que 
celle-ci. Il y avait à rechercher si l'assimilation ainsi établie subsiste en 
ce qui concerne la persistance lotale. 

Pour faire cette recherche, je me suis servit tout d’abord d’un disque de 
carton noir mat sur lequel j'avais collé plusieurs secteurs blancs de largeur 
inégale, ou plulôt plusieurs portions de secteurs saperposées à des distances 
différentes du centre de façon à ce que leur bord lerminal se trouvâl sur 
un méme rayon; le bord initial, au contraire, ne coïncidait pas pour tous 
les secteurs : il se présentait au regard à des moments différents, et d’au- 
tant plus tard que le secteur correspondant était plus étroit et que, par 


SÉANCE DU 21 MAI 431 


suite, le temps du passage devant le regard ou la durée de l'excitation 
était plus faible. En un mot, la disque étant animé d’un mouvement de 
rotation uniforme et le regard élant immobile, l'excitation correspondant 
au passage de chaque secteur commençait à des moments différents, 
mais finissait en même temps pour tous les secteurs. 

Les secteurs blancs paraissant élargis du côté terminal par le fait de la 
persistance apparente de la lumière qu'ils émettaient, il était aisé de voir 
si celle largeur apparente élait la même pour tous. 

Ces premières expériences ne donnèrent pas de résultats bien précis à 
cause de la lumière diffusée par le fond du disque, choisi cependant aussi 
noir que possible. 

Je répélai alors mes recherches en ayant recours à des secteurs lumi- 
neux disposés de la même facon, mais éclairés par transmission au lieu de 
l'être par réflexion diffuse comme les précédents. Le disque employé était 
noir et opaque; les secteurs élaient découpés dans sa continuité; il était 
disposé au-devant d’une surface bien éclairée et uniforme (ciel, large verre 
dépoli, etc.); son étendue était plus considérable que dans le cas précé- 
dent, et on le regardait à travers un tube assez large, noirci intérieure- 
ment, afin d’empècher l’éblouissement par la lumière extérieure. Dans 
ces condilions, le fond était complètement noir et les secteurs lumineux 
se détachaient nettement. 

Il devint, dès lors, évident que les secteurs paraïssaient d'autant plus se 
prolonger (tout en présentant un éclairement décroissant) qu'ils étaient 
plus étendus, et inversement. 

Le doute n'est pas possible à cet égard, et l'expérience est des plus 
nettes. Elle montre que la durée de la persistance totale de l’impression 
augmente avec la durée de l'excitation et diminue avec elle. Quant à 
l’affaiblissement graduel de l'impression consécutive, il est très visible 
avec ce mode d'expérience, où il ressort par contraste avec l’affaiblisse- 
ment plus ou moins grand, mais toujours différent, que montrent les 
secteurs voisins. 

La persistance totale est donc influencée de la même façon par la durée 
de l'excitation que par son intensité. Malheureusement, on n’a pu obtenir 
de résultats quantitatifs, à cause de la nécessité de la fixité du regard, 
condilion qui est incompatible avec la mesure de la largeur d’un objet 
qui se déplace constamment dans le champ visuel. 

Dans quelques-unes de mes premières expériences, les secteurs parais- 
saient se recourber par leur extrémilé périphérique en sens inverse du 
mouvement, ce qui pourrait faire croire à un résultat contraire du précé- 
dent, mais j'ai pu m’assurer que cette apparence était causée alors par un 
déplacement involontaire du regard dans le sens du mouvement et dispa- 
raissait quand le regard redevenait fixe, ce qui est un point capital de 
l'expérience. 


Ges phénomènes, rapprochés de la façon dont varie la première phase 


432 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


homogène de la persistance, montrent que la période de décroissance de 
l'impression dure d'autant moins longtemps, et que cette décroissance est 
d’autant plus rapide, que l'excitation est plus courte ou moins intense. 


LE TRAVAIL ET LE TEMPS DE RÉACTION, 


par M. Ca. FéRé. 


Lorsqu'on étud'e le temps de réaction simple, motrice, sur un sujet qui 
soulève un poids, on observe des différences notables suivant qu'il est ou 
qu'il n’est pas prévenu du poids qu'il aura à soulever. Ces différences ne 
sont pas sans intérêt au point de vue de la physiologie de l'attention. 

1° L'expérience est disposée de la façon suivante : le sujet assis les 
yeux bandés devant une table; sa main est placée le dos sur la table, et 
la dernière phalange de l’index est introduite dans un anneau muni à sa 
partie supérieure d’un large chaton qui sert de point d'appui à la pulpe 
du doigt. La partie inférieure de l'anneau repose sur la table qui est à 
cel endroit percée d’un trou pour laisser passer une corde attachée à l'an- 
neau et destinée à soutenir le poids. Un tambour récepteur est placé au 
contact de la partie supérieure de l’anneau. A l'aide de ce dispositif, le 
sujet ne peul pas sentir le poids qui est suspendu à l'anneau qui se trouve 
immobilisé en bas; et s’il tente un mouvement d'exploration, ce mouve- 
ment s'inscrit nécessairement. Voici quelques exemples : 


NOM DU SUJET. POIDS SOULEVÉ. TEMPS DE RÉACTION. 

Grammes. En secondes. 

Bad xO i 0,19 

Le 1,000 0,44 

es 500 0,33 

ce 100 0,22 

no 9,000 0,48 

ae 200 0,23 

2 300 0,30 

S 50 0,13 

(Panes 1,000 0,31 

Er 5,000 0,57 

as 100 0,16 

ONE 1,000 0,26 
5,000 ‘0,55 

ke 500 0,15 


se 2,000 0,28 


SÉANCE DU 24 MAI 433 


Ces chiffres montrent clairement que, pour un même individu, le temps 

de réaction s'allonge à mesure que le poids à soulever est plus lourd, à 
condition que le poids ne soit pas connu d'avance. 
- Lorsque le poids est connu, le temps de réaction subit encore des varia- 
tions, mais beaucoup moindres; au lieu de varier de plus du double, ils 
ne varient pas de moitié pour les mêmes séries de poids; et en outre, il 
peut arriver que les poids les plus lourds soient soulevés dans le même 
temps que les poids les plus légers. L'aptitude à égaliser le temps pour 
des efforts différents me parait assez propre à donner une mesure de 
l'attention. 


NOM DU SUJET. POIDS SOULEVYÉ. TEMPS DE RÉACTION. 
Grammes. En secondes. 

pie. 50 0,19. 
— © 400 0,24 
= 200 0,17 
— 500 0,19 
= 1,000 RTE 
_ 2,000 0,22 
_ 5,000 0,23 
ee 2,000 0,29 
2 50 0,18 
Le 500 0,24 
200 0,16 
= 100 0,17 
== 1,000 0,25 

- Ein 50 0,13 
= 100 0,12 
— 200 0,13 
25 2,000 0,15 


_ l 1,000 0,19 


Ces exemples suffisent à moatrer que lorsque le sujet est prévenu du 
poids qu'il aura à soulever, la durée du temps perdu ne varie plus régu- 
lièrement avec le poids, mais avec l’aptitude du sujet à adapter son 
attention. 

Du reste, si au lieu d’avertir le sujet du poids réel qu'il aura à soule- 
ver, on lui fait une annonce fausse, le trouble est à son comble et on voit 
mieux encore le rôle de l'attention. Si on annonce un poids plus faible, 
le temps perdu est allongé; si on annonce un temps plus fort, il est au 
contraire raccourci; et tandis que dans le premier cas la courbe d’ascen- 
sion est très oblique, dans le second, au contraire, elle peut être presque 
verticale. 

2° Orchansky [a déjà vu que lorsqu'il s’agit d'arrêter un mouvement, 
le temps de réaction est à peu près le même que lorsqu'il s’agit de le 


434 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


commencer. Lorsqu'il s’agit de lâcher des poids divers, on oblient des 
résultats différents; en général, le temps est beaucoup moins long que 
lorsqu'il s'agit de soulever le même poids. 

L'expérience est disposée de la facon suivante : la maïn du sujet repose 
la paume sur la table. La dernière phalange de l'index est introduite dans 
le même anneau que précédemment, mais dont le chaton est tourné en 
bas et repose sur la membrane d’un tambour récepteur. À la partie 
supérieure de l'anneau s'attache une corde qui se réfléchit sur deux pou- 
lies et soutient le poids. La corde qui soutient le poids traverse la table 
par un orifice qui ne permet aucun frottement maïs muni d’une armature 
qui permet de saisir la corde et de l’arrêter net. Le signal de « lâcher » 
est donné par le bruit que fait la percussion de l’armature qui fixe le 
poids; sans cet artifice, la chute du poids troublerait le résultat. 


NOM DU SUJET. POIDS SOUTENU. TEMPS DE RÉACTION. 
Grammes. En secondes. 
LES 5,000 0,51 
— 2,000 0,30 
— 1,000 0,18 
— 500 0,16 
— 200 0,12 
— 100 0,12 
— 50 0,11 


Si au lieu de donner le signal de « lâcher » au bout de peu de temps 
pour éviter la fatigue, comme dans l'expérience précédente, on laisse sou- 
tenir le poids pendant un certain Lemps, même sans prendre la précaution 
d'arrêter la chute du poids, on voit que le temps de réaction s'allonge: 
avec la durée du travail. Exemple : 


NOM DU SUJET. POIDS SOUTENU. DURÉE DU TRAVAIL, TEMPS DE RÉACTION.. 
Grammes. En minutes. En secondes. 
B:6! 2,000 1 0,20 
ct Æ 1,30" 0,33 
=- — 2 0,47 


Toutefois, lorsque la fatigue se produit, le temps de réaction tend à 
se raccourcir par la simple raison que ie sujet a déjà commencé à lâcher 
quand il entend le signal. 

3° Lorsque chez un hémiplégique incomplet ou chez un hystérique 
hémiamyosthénique, on fait exéculer avec les deux mains un mouve- 
ment que le sujet veut simullané, on observe un relard de la main hémi- 
plégique à la fois au début et à la fin de l'acte et le graphique montre 


SÉANCE DU 21 MAI 435 


que du même côté l’ascension et la descente sont plus lentes et plus gra- 
duelles (1). M. Waller a observé la même particularité dans la fatigue 
unilatérale (2). 

k Dans les expériences que je viens de rapporter le même fait se retrouve, 
les courbes sont d’autant plus graduelles que le temps de réaction est 
plus long. 

Dans un grand nombre de maladies nerveuses et mentales le temps de 
réaction pour « lâcher » présente des variations qui mériteront une 
étude spéciale. 


RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LES VARIATIONS CORRÉLATIVES DE L'INTEN- 
SITÉ DE LA THERMOGENÈSE ET DES ÉCHANGES RESPIRATOIRES, par M. LAULANIÉ. 
(Voir Mémoires du présent volume, p. 191.) 


SUR QUELQUES ISARIÉES ENTOMOPHYTES, 


par M. ALFRED GraRp. 


Depuis que j'ai présenté à la Société de Biologie {11 avril 1891), les 
premières cullures d'/saria densa Link parasite du Ver blanc, des essais en 
grand de destruction de la larve de hanneton par ce cryptogame ont été 
tentés avec des succès variables en plusieurs localités. Cette incertitude 
des résultats tient surtout à ce que l'Etat s'est complètement désintéressé 
de la question. La production des spores a été laissée sans aucun contrôle 
à l’industrie privée, qui a mis en circulation des produits de valeur fort 
inégale, parfois même des poudres inertes vendues comme spores pures 
d'/saria à des prix très élevés. Enfin, les agriculteurs n'ont pas été suffi- 
samment éclairés sur la facon dont ils devaient appliquer le procédé 
suivant la conslilution du sol, l’état des récoltes, etc. 

Bien différente est la conduite des Américains dans les questions de ce 
_ genre. Je mets sous les yeux de la Société un certain nombre de lubes de 
cultures sur gélatine peptonisée et sur pomme de terre d’un champignon 
employé dans l'Illinois et le Kansas pour combatiré la lerrible punaise 
des blés, le Chinch-bug (Blissus leucopterus Say). Ge cryptogame découvert, 
il y a quelques années (1887), dans l'Illinois où il occasionnait des épidé- 


(1) Ch. Féré. Études physiologiques de quelques troubles d'articulations 
(Nouv. icon. de lu Salpétrière, 1890, p. 169). 
(2) A. Waller. The sense of effort (Brain, 1891, t. XIV, 222). 


436 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


-mies très meurtrières pour le Chinch-bug, fut d’abord considéré par Burrill 
comme un Botrytis. Les premières cultures pures ont été obtenues en 
mai 1891, par R. Thaxter quiidentifia provisoirement le champignon du 


Blissus avec le Sporotrichum globuliferum Spegazzini. Les professeurs 


Burril. $S. A. Forbes et F. H. Snow ont cherché immédiatement à rendre 
pratique l’emploi de ce précieux auxiliaire de l’agriculture. C’est à l’obli- 
geance du professeur $. A. Forbes, de Champaign (Illinois), que je dois 
les spores qui m'ont permis d'obtenir les belles cultures soumises à la 
Société. Dès le mois de février 1891, l'État de Kansas accordait à H. Snow 
un crédit de 3,500 dollars pour lui permettre de continuer ses expé- 
riences sur une plus vaste échelle. Grâce à cette subvention et aux ins- 
tructions données aux fermiers, 2,000 expériences en pleins champs 
furent instituées, soit dans l'État de Kansas, soit dans les autres États de 
l'Ouest envahis par le Chinch-bua; 1,390 fermiers ont envoyé des rap- 
ports sur les expériences faites sur leurs terres. Parmi ces expériences, 
1,050 ont eu un plein succès, 187 n’ont pas réussi, 153 ont donné des 
résultats douteux. En outre, 495 fermiers ont cherché à évaluer la quan- 
tité de blé qu'ils considéraient comme sauvée par cette méthode et le 
prix de ce blé. La somme de leurs évaluations monte à 89,176 dollars, 
soit une moyenne de 480 dollars par expérience. Le nombre des expé- 
riences satisfaisantes étant de 4,050, on peut compter que le Sporo- 
trichum a sauvé pour 189,000 dollars de blé. Et, si l’on tient compte du 
profit que cela a occasionné pour les chemins de fer et les meuniers, le 
bénéfice total peut être estimé à 200,000 dollars environ pour la seule 
année 1891 (1). 
. Le Sporotrichum globuliferum a été trouvé à l'état spontané sur beau- 
coup d’autres insectes que le Chinch-bug. On peut citer : Monocrepidius 
el Naupactus xanthographus, Copipanolis vernalis, Disonycha pennsylva- 
nica, Parandra brunnea, Lachnosterna inversa et Lachnosterna hirticula, 
. Paria canella, Diabrotica vittata et un petit Myriapode (Polydesmus sp.). 
Cette grande variété d’habitat permet d'espérer que ce champignon 
-pourra être utilisé contre un certain nombre de nos insectes nuisibles 
européens, et déjà les expériences que j’ai pu faire en petit justifient ces 
espérances. Dès aujourd'hui, je mets des cultures de Sporotrichum à la 
disposition des personnes qui voudraient expérimenter ce cryptogame. Je 
dois dire que les expériences de Snow ont été faites surtout par la con- 
tagion d’insecte à insecte au moyen de Plissus infestés expérimentalement 
au contact. 


(4) Voir pour plus de détails sur cette question du « Sporotrichum » : S. À. 
Forbes, Notes on the diseases of the Chinch-bug (17 th. Report of the stale ento- 
mologist (Illinois) for the years 1889 and 1890, pp. 78-87) et F. H. Snow, Expe- 
riments for the destruction of Chinch-bug by infection (Psyche, vol. VI, n° 191, 
march 1892, pp. 225-233.) 


SÉANCE DU 21 MAI 4317 


Le second entomophyte que je présente en cultures pures à la Société 
est un /saria que je crois pouvoir identifier à l’Zsaria farinosa de Fries 
et de Bail (/saria crassa Persoon). Tandis que les cultures d’/saria densa 
Link ne présentent jamais, quel que soit le milieu que la forme gazon- 
nante (Botrylis tenella de certains auteurs), les cultures d’/saria farinosa 
sur pomme de terre et sur navet donnent au bout d’une quinzaine de 
jours des formes agrégées, dont les principales correspondent à Z. crassa 
Perscon (crassa, stipite glabro, dilute flavescente, clava indivisa) à I. velu- 
tipes Link (velutipes, shipite floccoso, clava integra), et à I. truncata 
Pers. (s/runcata, clava apice indiviso dein ramuloso). | 

Les cullures sur gélatine peptonisée ne donnent qu'une forme gazon- 
nante. La gélatine prend une teinte jaune-citron. Je partage l'opinion de 
Bail et je considère ces formes primitives d’/saria farinosa à conidies 
toutes sphériques comme bien distinctes de l’étal primordial de Cordy- 
ceps mililaris, désigné également par certains cryptogamistes sous le 
nom d'/saria farinosa. 

Les cultures d’Z. farinosa, bien que parfaitement identiques entre elles, 
proviennent de deux sources très différentes : les unes viennent de larves 
de Tenthrèdes(Zyda hypotrophica), recueillies à Eberswald (Brandebourg), 
par le D’ Eckstein et que je dois à l’obligeance du D' Hofmann, de Ratis- 
bonne, bien connu par ses intéressantes recherches sur les champignons 
parasites de la Nonne (Bombyx monacha); les autres ont élé ensemencées 
avec des spores prises sur des larves de Bibio marci, recueillies à Presles 
(Seine-et-Oise). Dans un cas comme dans l’autre, le champignon à l’état 
nalurel végétait sous la forme gazonnante. 

Le troisième groupe de cultures que je présente à la Société, provient 
d’un Sporotrichum trouvé aux environs de Boulogne-sur-Mer, sur une 
chrysalide de Noctuelle placée sous l'écorce d’un orme. C’est un Sporotri- 
chum à spores rondes voisin du S. globuliferum, dont il se distingue faci- 
Jement à l’œil nu par sa surface moins régulièrement mamelonnée sur- 
tout dans les cultures sur pomme de terre et par sa tendance à dépasser 
largement le substratum et à végéter sur le verre du tube, ce que ne fait 
pas le S. globuliferum. 

Ce cryptogame pousse très vigoureusement et envahit rapidement 
même le Penicillium glaucum, quand celui-ci se rencontre dans les eul- 
tures à l’état d’impureté. 

IL est, je crois, très utile de faire connaître ces différentes sortes d'Ento- 
mophytes, faciles à cultiver et d'en essayer l'usage contre les divers 
insectes nuisibles. Il serait illogique et peu scientifique de croire à l’exis- 
tence d’une panacée applicable à tous les cas possibles. C’est à tort, par 
exemple, qu'on a voulu employer l’/saria densa contre des insectes 
vivant à l'air libre, alors que ce cryptogame à l’état naturel végète 
sous terre et à l'abri du jour. Au contraire, l’/saria farinosa se développe 
beaucoup mieux à la lumière que dans l'obscurité et y fructifie plus 


438 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


abondamment. On pourra sans doute l’uliliser avec succès contre beau- 
coup de chenilles et de fausses chenilles (larves de Tenthrèdes ou de Dip- 
tères). Enfin, comme je l'ai déjà dit et comme je ne saurais trop le répéter, 
chaque cas d'infestation par un cryptogame déterminé doit être étudié 
d'une facon spéciale et soumis à.une critique expérimentale très rigou- 
reuse. 


MODIFICATIONS DE LA THERMOGENÈSE DANS LA MALADIE PYOCYANIQUE, 
par MM. Cnarrin et P. LanGrots (1). 


Si l’on possède de nombreuses données sur les variations de la tem- 
pérature centrale dans les maladies infectieuses expérimentales, il n’en 
est pas de même en ce qui concerne les variations dans la thermoge- 
nèse. Les observalions calorimélriques de Henrijean, de Sigalas, sur les 
lapins rendus fébricitants par des liquides septiques ont donné des résul- 
tats assez variables. Il nous a paru intéressant de reprendre cette étude, 
en ulilisant tantôt le virus pyocyanique, tantôt ses toxines. 

On sait, en effet, que ce virus présente cet avantage très appréciable, 
que, suivant les doses, suivant les produits solubles employés, on peut 
obtenir chez les animaux soit une élévation, soit un abaissement ther- 
mique. 

Ces observations sont-elles en rapport avec une modification dans la 
thermogenèse, dans la radiation calorique? c’est ce que seule la déter- 
mination de ce que Laulanié a appelé, avec beaucoup d’à-propos, les 
caractéristiques biologiques, c’est-à-dire les rapports entre la chaleur 
dégagée, les quantités d'oxygène utilisé, les volumes d’acide carbonique 
produit, permettront d'apprécier exactement. | 

Nos recherches actuelles n'ont porté que sur les variations de la radia- 
tion thermique, après injections de cultures virulentes du bacille pyo- 
cyanique. 

Nous avons utilisé le calorimètre à air, avec l'appareil enregistreur de 
d’Arsonval ; il est inutile de revenir sur les critiques adressées à cette 
technique. Néanmoins, en se plaçant dans un milieu à température 
constante (la cave où est disposé l'appareil est à 9°,2, avec une oscilla- 
tion maxima de quatre dixièmes, corrigée, eu partie, par un réservoir 
compensateur), en prenant quelques précautions dans le réglage de l’ins- 
trument, on obtient sinon des chiffres absolus, tout au moins des données 
comparables entre elles. 

Les recherches ont porté sur des lapins de six mois, appartenant à 


(1) Travail des laboratoires de physiologie et de pathologie générale de la 
Faculté de médecine. 


«4 


SÉANCE DU 21 MAI 439 


une même portée, placés dans des conditions identiques d'alimentation, 
d'habitat; leur poids moyen était de 2 kil. 459. 

_ Un de ces animaux introduits dans le calorimètre, donne avec l'appareil 
enregistreur, en nég'igeant la période de coup de fouet, un dénivellement 
de 40 centimètres, ce qui correspond à un dégagement de 4,000 calories 
environ par kilogramme, par heure. Le tracé, pendant toute la durée 
de l’observation, ne présente que des oscillalions très faibles. Nous avons 
pris, à l’aide d’un certain nombre de sujets normaux, une série de tracés, 
tous identiques entre eux. 

Les mêmes lapins, ayant reçu 4 centimètres cubes d’une culture viru- 
lente du bacille pyocyanique, dans la veine de l'oreille, sont placés immé- 
diatement dans l'appareil. De temps en temps, on les sort pour prendre 
leur température. Les tracés indiquent, par une chute brusque de la 
courbe, les moments où l’on retire l'animal. Mais, ces arrêts, fort courts, 
ne modifient pas la marche générale. 

Après l'injection, on constate parfois une légère hyperthermie ; dans 
le tracé, nous avons constaté une élévation unique et notable, au début; 
toutefois, comme il s'agit de cette période que nous appelons période 
du coup de fouet, nous ne saurions insister aujourd'hui sur ce point. Le 
fait le plus marqué, le plus intéressant, c’est la diminution dans la radia- 
tion calorique, durant les premières heures, alors que la température 
rectale indique un chiffre normal, 39 degrés, 38°,75. Vers la douzième 
heure qui suit l'injection, l’abaissement thermique devient manifeste; il 
en est de même de la radiation. 

Nous nous bornons, dans celte note préliminaire, à signaler nos pre- 
mières mesures calorimétriques. C’est une étude que nous poursuivrons, 
en étudiant le mécanisme physiologique qui intervient dans les diffé- 
rents cas. | 

Quoi qu’il en soit, on voit que, chez les animaux ayant reçu du virus 
du pus bleu, la radiation calorique est fortement diminuée. 

Un animal sain qui, dans dix-huit heures, avait fourni 72,000 micro- 
calories par kilogramme, n’a donné après l'injection que 62,000 ; au 
cours d’une autre expérience, un lapin a émis un chiffre inférieur à 55,000, 
soit une diminution de 44 p. 100, dans un cas, de 24 p. 100, dans le 
second, 

Si l’on prend la radiation vers la quinzième heure, on note que de 
4,000 calories, chiffre normal, cette radiation tombe à 3,200, soit 20 p. 100 
de pertes, tandis que la température rectale est encore à 39 degrés. 


NOTE POUR SERVIR A L'HISTOIRE DES ANOMALIES MUSCULAIRES DU CREUX DE 
L’AISSELLE, par M. le D' PrinceTeau. (Voir Mémoires du présent volume, 
p. 202.) 


440 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


SUR UNE RÉACTION PHYSIOLOGIQUE DU TANNIN 


(CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES PIGMENTS ANIMAUX) (1), 


par M. Réuy Sarnr-Lour. 


Ilest généralement admis que la plupart des pigments mélaniques 
contiennent du fer ; l’origine de ces pigments est attribuée à l'hématine, 
mais la migration du fer dans l'organisme, sa conservation ou son élimi- 
nation n’ont pas été démontrées. 

Pour rechercher si le fer du pigment noir du Triton cristatus est éli- 
miné par desquamation, par suite des mues ou par sécrélion, j'ai placé 
un Triton dans de l’eau tenant en dissolution des traces de tannin. 

J'espérais obtenir ainsi la réaction caractéristique qui se produit lors- 
qu'on met en présence l'acide tannique et un sel de sesquioxyde de fer, 
la coloration bleu sombre du liquide ou du précipité. 

Au bout de six heures environ, le bain du Triton commençait à se 
colorer en bleu ; la coloration augmentait peu à peu, de manière qu’au 
bout de dix-huit heures, elle était assez intense pour qu'il füt difficile de 
distinguer l'animal dans la solution. 

Il semblait donc que l'élimination de substance animale contenant du 
fer était probable ; plusieurs échantillons du liquide du bain furent trai- 
tés par le ferrocyanure de potassium, mais aucun précipité ne se produisit. 
L'analyse sous le microscope démontra de même qu'il n’y avait pas trace 
de fer dans le liquide bleu. 

Une question se posait immédiatement. La coloration bleue du bain 
n'était-elle pas accidentelle, due peut-être à une erreur ou à une négli- 
gence de manipulalion. 

Pour lever ce doute, trois Tritons furent placés séparément dans trois 
bocaux contenant chacun un bain de tannin. 

L'un des bocaux recevait un T. cristatus mâle, l’autre une femelle de 
même espèce, le troisième, une femelle de T. marmoratus. 

Au bout de douze heures, les trois bains étaient colorés de la même 
manière et aucune des prises faites dans les différents liquides ne conte- 
nait du fer. 

Avant de rechercher quelle pouvait être la nature chimique de la 
matière colorante bleue, il convenait de déterminer son origine en res- 
tant dans le domaine de l'expérience physiologique. 

Les essais et leurs résultats furent les suivants : 

L'eau qui servait au bain mise seule en présence du tannin ne donna 


(4) Travaux de l'Ecole pratique des Hautes-Etudes. — Laboratoire dirigé 
par M. le professeur Pouchet. > 


SÉANCE DU 21 MaAï 44 


aucune coloration. Elle ne tenait donc en suspension ni substance chi- 
mique ni ferment capables de provoquer la réaction du bleu et, en outre, 
les microbes provenant de l'air et venant s'ajouter à la solution ne provo- 
quaient pas davantage cette réaction. 

L’eau prise dans un aquarium de 6 litres dans lesquels plusieurs Tri- 
tons vivaient depuis huit jours, donna au bout de six heures en présence 
du tannin, un commencement de coloration bleu noir intense. Il devenait 
donc admissible que les excrétions fournies par les Tritons contenaient la 
substance chimique ou le ferment nécessaire à la réaction. 

Enfin l’eau d'un bain dans lequel un Triton séjournait dix minutes, 
excité à l’aide d’une tige de verre, de manière à activer ses sécrétions 
cutanées, se colora de même très promptement en l'absence de l'animal. 

Il devenait nécessaire de rechercher quelles sécrétions présidaient au 
phénomène. 

L’urine recueillie dans la vessie d’un Triton vivisectionné ne donna 
aucune réaction. 

Mais les lambeaux du foie de l'intestin, de la peau, quelques gouttes 
de sang frais donnèrent, en présence du tannin, une coloration variant du 
jaune sale au rouge brun. 

Evidemment dans les cas où des lambeaux d'organes étaient enlevés 
par dissection, des substances nouvelles intervenaient dont la réaction 
pouvait masquer ou détruire le chromogène bleu ; toutefois cependant 
l'urine n’était certainement pas le véhicule du chromogène. 

La matière colorante bleue me paraît avoir des analogies avec les indi- 
gos. Elle forme avec les acides une liqueur d’un rouge carminé, avec les 
bases une liqueur jaune. Abandonnée à elle-même, elle devient vert 
bouteille. On sait que de l’indigo blanc ou indican peut être démontré 
dans les urines dans certains cas pathologiques, et normaiement? dans 
les urines de quelques reptiles. 

On sait aussi que l’indigo se forme dans les plantes, que le tannin est 
un produit végétal ; les rapports deces substances peuvent être importants 
pour la coloration des fleurs. Mais si ces faits peuvent être rapprochés 
de ceux que je signale, je crois cependant devoir réserver tout essai d’ex- 
plication jusqu'à plus amples recherches. Pour le moment, nous restons 
à l'énoncé de ce fait: «L’eau contenant en suspension des produits de 
sécrétion du Triton ou d’autres animaux (j'ai répété l'expérience avec 
des cyprins) devient en présence du tannin un milieu favorable au déve- 
loppement d’un chromogène. La couleur formée manifeste les propriétés 
principales de l’indigo. 


449 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


NOTE SUR LES CHROMATOPHORES DES CÉPHALOPODES. 
RÉPONSE À M. JouBin, 


par M. le D' C. Puisazix. 


Dans un Mémoire paru récemment dans les Archives de zoologie expé- 
rimentale (1), M. Joubin attaque une note (2) que j'ai publiée il y a six 
ans dans les Comptes rendus de l'Académie et intitulée : « Sur le mode 
de formation des Chromatophores chez les Céphalopodes. » Depuis cette 
époque, j'ai continué mes recherches sur les chromatophores et J'ai 
recueilli des documents anatomiques etembryologiques qui vont être en 
partie publiés dans le numéro de juillet des Archives de physiologie. Déjà, 
dans ces mêmes Archives, j'ai publié un mémoire sur la « Physiologie des 
Chromatophores » comme complément d'une note à l'Académie du 
19 octobre 1891. M. Joubin ne parle pas de ces deux derniers travaux et 
cependant il a certainement eu connaissance, au moins de la note à l’Aca- 
démie, avant la publication de son travail. Il est vrai que les résultats 
physiologiques auxquels je suis arrivé ne peuvent pas être contrôlés par 
des faits d’embryologie. Les faits anatomiques que J'ai décrits dans ma 
note de 1886 ne peuvent pas davantage être infirmés par des observations 
sur l'Embryon d’Argonaute. Il s'agissait en effet de la formation des 
chromatophores chez l'animal adulte, ce qui ne préjuge en rien la ques- 
tion de l’origine embryonnaire et du mode de développement. C'est 
pourquoi j'ai voulu suivre M. Joubin sur son terrain. Les pontes de 
seiche qu'il est si facile de se procurer à Roscoff m'ont fourni un riche 
matériel pour des recherches embryologiques que j'ai complétées l’année 
dernière à Arcachon. 

Toutes mes observations ont été faites sur des coupes d’embryon entiers 
le plus souvent fixés par l’acide picro-sulfurique et colorés au carmin 
boracique. Voici les faits que j'ai observés : : 

Les chromatophores apparaissent assez tardivement chez des embryons 
dont la longueur dépasse 2"®,8 à 3 millimètres et chez lesquels le vitel- 
lus a pénétré profondément dans l’intérieur du corps. A æ&ette période du 
développement, on ne trouve de chromatophores embryonnaires que 
dans la région dorsale. Toute la partie ventrale de l'animal reste dépour- 
vue de cellules pigmentaires, alors que leur évolution est déjà très 
avancée dans le dos. Au-dessous de l’ectoderme, les cellules mésoder- 
miques s’anastomosent entre elles par leurs prolongements et forment 
un réseau plus ou moins serré. On y voit de distance en distance des 
cellules qui se distinguent nettement des autres par leurs dimensions plus 


(4) Arch. zool. expériment., 1892, fase. 2. 
(2) Comptes rendus, 29 mars 1886. 


SÉANCE DU 21 MAI 443 


grandes et par leurs caractères. Tandis que le noyau des cellules ordinaires 
est souvent anguleux, réfringent, granuleux et bien imprégné par les 
malières colorantes, celui des cellules chromatophoriques est ovalaire, 
peu réfringent, clair et peu coloré. En outre, il est situé au centre de la 
cellule, paraît homogène et renferme de deux à quatre nucléoles très 
réfringents et très fortement colorés par le carmin; il est aplati suivant 
son grand axe. Entre lui et le protoplasma existe un espace clair: c’est 
une cavité annulaire qui augmente avec les progrès du développement. 
Grâce à ces caractères, on peut reconnaitre la future cellule chromato- 
phorique avant même que les granulations pigmentaires aient apparu. 
Cela est du reste absolument conforme à la description de P. Girod. 

En même temps que le pigment se forme, les cellules périphériques, 
d'abord disposées sans ordre, commencent, sur quelques points seule- 
ment, à s'orienter dans une direction déterminée de telle sorte que le 
grand diamètre de leur noyau est situé dans l’axe du noyau qui aboutit 
au centre. Ce noyau, dont la base appliquée sur la cellule chromato- 
phorique est séparée du pigment par un léger espace clair, devient plus 
réfringent et se continue à son sommet par un prolongement proto- 
plasmique de plus en plus différencié. Les fibres radiées ne sont pas 
autre chose que les cellules primitivement anastomosées avec la cellule 
initiale du chromatophore et qui se transforment insensiblement en 
fibres musculaires. En somme, cellule chromatophorique, et cellules 
radiaires sont d'origine mésodermique. Jamais, malgré toute l’atten- 
tion dirigée sur ce point depuis les publications de M. Joubin, je n'ai 
pu trouver, chez l'embryon de seiche, une invagina'ion de cellule 
ectodermique correspondant à celle qu’il a décrite et figurée chez l’em- 
bryon d'Argonaute. Cet animal est si rare et si extraordinaire qu'il cons- 
titue pent-être à cet égard comme à beaucoup d'autres, une remarquable 
exception. Cependant si M. Joubin avait montré sur des coupes les phases 
successives de l’enchâssement de la cellule ectodermique au milieu de la 
couronne de cellules équatoriales, cela eût été un complément utile à sa 
description. Quant à la multiplication de ces cellules équatoriales, le 
dessin qu'il en donne (fig. 16), indique non pas une multiplication karyc- 
kinélique, comme le dit cet auteur, mais une division directe. Aucun his- 
tologiste n’y reconnaitra les formes si caractéristiques des cellules en voie 
de divison karyokinétique. Pour ma part, j'ai rencontré dans l'embryon 
de seiche des cellules mésodermiques à toutes les phases de la division 
indirecte, mais jamais Je n’ai vu les cellules radiées du chromatophore se 
multiplier'de cette manière. 

Le chromatophore embryonnaire, une fois constitué, est entouré par 


une couronne de fibres musculaires lisses qui, chez l’Argonauie d'après 


la figure 20 du travail de M. Joubin, sont très bien dévelnppées et très 
nombreuses. 


Or, d'après cet auteur, ces fibres musculaires sont douées d'une pro- 


444 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


priété singulière : en se mouvant dans la couche conjonctive, elles servi- 
raient à transporter le chromatophore de la région dorso-céphalique, 
interorbitaire, dans les régions voisines. Il y aurait ainsi, grâce à des 
déplacements considérables, une véritable émigration de chromatophores 
vers les régions où ils sont plus rares. Le fait sur lequel est basée cette 
hypothèse est le suivant : quand on examine le tégument d’un embryon 
vivant, on voit, sur certains chromatophores, des mouvements de dépla- 
cement dans un sens, tantôt d'un côté, tantôt de l’autre, ce qui indique 
des mouvements isolés des fibres musculaires de la couronne, sans coor- 
dination aucune. Si ces fibres musculaires servaient uniquement au trans- 
port de la cellule, il ÿ aurait tout avantage à ce qu'elles n'existent que 
du côté où doit s'effectuer le transport. Du reste, ces mouvements isolés 
ne s’observent pas seulement chez l'embryon, mais encore chez l'adulte, 
après la mort de l’animal (1). Dans ce cas, ilfaudrait aussi admettre, pour 
être logique, que ces mouvements sont dus à des fibres musculaires. Or, 
M. Joubin est très affirmatif à cet égard : les fibres musculaires qui 
formaient une couronne au chromatophore embryonnaire se sont trans- 
formées chez l’adulte en fibres conjonctives inertes dont la fonction est 
de fixer la cellule principale aux tissus environnants. C’est ici le moment 
d'indiquer comment M. Joubin conçoit la constitution du chromatophore 
adulte. Pour lui, la paroi de la cellule pigmentaire séparée de son contenu 
protoplasmique est absolument fixe, « les fibres radiaires la maintiennent 
toujours bien tendue comme le font les piquets d’une tente et donnent à 
la cellule, devenue très large et très plate, une forme étoilée ». Dans la 
cavité de cette cellule, le protoplasma se partage en deux portions bien 
distinctes : une masse centrale périnucléaire, colorée, et une partie 
liquide, sans doute incolore, si j’en juge par la figure 20 de la planche 
de M. Joubin. La masse centrale colorée flotte dans ce liquide « et sy 
meut à la facon d'une gouttelette de protoplasma amiboïde dans une capsule 
pleine d'eau ». Le noyau est peu distinct. Cependant, à un autre endroit 
de son Mémoire, M. Joubin dit qu’on le retrouve chez l'adulte sous forme 
d’une petite masse claire. Le chromatophore est donc une véritable cellule 
dans le sens primitif du mot; cellule à paroi épaisse et immobile contre 
laquelle le protoplasma coloré, rétracté au centre à l'état de repos, vien- 
drait frapper par un mouvement d'expansion rapide, bien différent du 
mouvement amiboïde, tel qu’on le définit généralement. La surface que 
recouvre le protoplasma coloré en se dilatant, a un maximum d’'étendue 
invariable. 

Il me semble qu'il n’y a pas d'autre explication possible du texte de 
M. Joubin, mais c’est là une théorie tellement étrange que j'ai dû le relire 
plusieurs fois pour m'assurer de sa signification précise. 

Je vais démontrer que cette théorie ne résiste pas à l'observation des 


(1) Voir mon précédent mémoire in Arch. de Phyiologie, 2° fasc., 1892. 


SÉANCE DU 21 MAI 445 


faits anatomiques. J'ai déjà montré ailleurs qu'elle est en désaccord avec 
les’ résultats physiologiques. L'espace vide que M. Joubin représente 
entre la masse centrale colorée et la paroi cellulaire entourée de sa cou- 
ronne équatoriale de muscles n'existe pas en réalité. C’est un artfice de 


FiG. À. — Coupe d'un Chromatophore de Theutis subulata à l'état de demi-rétraction. 
Fort grossissement. 


préparation dù à l’action des réactifs. Il se produit à coup sûr dans les 
jeunes chromalophores du Calmar adulte (T'heutis subulata). La masse 
pigmentaire homogène est rétractée au centre de la celiule et laisse un 
espace; clair entre elle et la paroi. Mais cet accident n'arrive pas sur les 
chromalophores ordinaires. Du reste, cet espace ne représente certaine- 


19. 


446 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


ment pas le quart de la surface que vient recouvrir le chromatophore 
dilaté. 

D'autre part, dans la théorie de M. Joubin, la paroi cellulaire et les 
prolongements radiaires qui la maintiennent toujours bien tendue, 
devraient rester constamment dans la même position et les mêmes rap- 
ports, quel que soit l’état d'activité ou de repos du protoplasma coloré. 
Dans la figure À (voir p. #15), par exemple, le muscle vadié mr devrait 
s’insérer en p, au lieu de rester appliqué sur la masse pigmentaire. 

Or, il n’en est absolument rien. Dans la phase de rétraction, comme 
dans celle de dilatation, le prolongement radiaire (mr, fig. A) avec son 
noyau basilaire est toujours directement appliqué sur la mince membrane 
d’enveloppe de la cellule, en contact avec les granulations pigmentaires. 
En outre, ces prolongements sont beaucoup plus rapprochés l’un de l’autre 
quand le chromatophore est rétracté en boule, que quand il est dilaté et 
aplati. Cela résulte nécessairement de ce que la corde de l'are qui réunit 
deux rayons divergents est de plus en plus grande, à mesure que le cercle 
s'élargit. Tous les auteurs sont d'accord sur ce point; les figures données 
par Girod et Klemensiewicz ne laissent aucun doute à cet égard. Rien 
n’est plus facile que de le vérifier, sur les coupes comme sur les prépara- 
tions de peau étalées à plat, principalement chez la sépiole et le calmar. 
La théorie de M. Joubin est donc fausse. J'ajouterai que dans toutes les 
positions du chromatophore, le prolongement radiaire reste rectiligne, 
ce qui n'aurait pas lieu s’il jouait un rôle purement passif. 

Quant à l’espace périphérique (ee, fig. A), ainsi désigné par Girod qui 
l’a très bien décrit et figuré, il aété signaléen premier lieu par Klemensie- 
wicz qui en donne un très bon schéma. M. Joubin n’en fait non seulement 
aucune mention, mais il critique la description de Girod et prétend que 
par l'emploi d’une technique défectueuse, cet auteur n’a obtenu qu'une 
fixalion très insuffisante des éléments histologiques. IL est étonnant que 
M. Joubin, qui dit avoir employé une technique plus perfectionnée que 
ses contradicteurs, ait complètement méconnu cette disposition analo- 
mique. 

Sauf quelques inexactitudes de détail, difficiles à éviter, quand on 
examine des préparations à plat, la description de Girod est tellement 
nette et précise qu'il est obligé de faire une hypothèse pour ne pas con- 
clure des faits qu'il a observés, au raccourcissement réel de la fibre et, 
par conséquent, à sa nature musculaire. 

Cette hypothèse n’a, au premier abord, rien d° invraisemblable. Aussi, 
dans ma première note à l'Académie, j'avais admis la nature conjonctive 
desfibres radiaires. Tout en reconnaissant, avec les physiologistes, lecarac- 
tère musculaire du mouvement dont je localisais la cause dans la couche 
des muscles lisses qui se trouvent au-dessus ou au-dessous du chromato- 
phore. Cette opinion ne résiste pas au contrôle expérimental, J'a ais, il 
est vrai, observé un détail anatomique qui aurait dû me mettre plus Lôt 


SÉANCE DU 21 MAI 447 


a ————_——_—_—_—_—_—_—_—_—]——…—…—…—…—…—…"…"…"…"…—…"…"…"…—"—…"———.————————————— 


sur la voie de la vérité : c'est la présence, au centre de chaque fibre 
radiaire, d’un axe protoplasmique. Le fait est bien réel; je l’avais mal 
interprété, mais il n’en subsiste pas moins et démontre la nature muscu- 
laire de la fibre radiaire. 

J'ai donc abandonné mon hypothèse, bien longtemps avant que 
M. Joubin l’ait attaquée d'une manière assez peu courtoise, du reste. S'il 
n'avait pas systémaliquement passé sous silence mon dernier travail, cela 
Jui aurait épargné une peine inutile, et à moi l'obligation de répondre à 
une attaque injustifiée. 

Quand M. Joubin aura soumis ses théories à une vérification expérimen- 
tale, je suis convaincu qu'il n’hésitera pas à en reconnaître le peu de fon- 
dement. En attendant, deux constatations importantes de son Mémoire 
semblent acquises : 1° la présence autour du chromatophore embryonnaire 
de l’Argonaule, d’une couronne de muscles extraordinairement bien déve - 
loppée; 2° l'existence d un réseau nerveux qui envoie un rameau à chaque 
chromatophore. Je l'ai constaté aussi pour le Pôulpe et le Calmar. Toute- 
fois, J'ai vu, en outre, la terminaison de ces nerfs dans le chromatophore 
adulte. Chaque chromatophore reçoit généralement plusieurs filets ner- 
veux. Ces nerfs sont presque toujours repliés et contournés sur eux- 
mêmes ; leurs branches terminales affectent une disposition moniliforme 
et s’épanouissent en une espèce d’arborisation dont les grains ovoïdes 
ou triangulaires arrivent au contact de la tache pigmentaire. (Voy. 
fig. Ann.) 


L'ODEUR DANS LA SÉRIE DES ALCOOLS, 


par M. Jacques Passy. 


Pour déterminer le lien qui existe entre l'odeur et la composition 
chimique, j'ai pensé que le mieux était d'étudier une série organique 
comme celle que forment les alcools méthylique, éthylique, propylique, etc. 
On sait que tous ces alcools possèdent la même fonction et les mêmes 
propriétés chimiques, que chacun d’eux a la même composition et la 
même formule que celui qui le précède + G H ? et qu’on peut les repré- 
senter tous par la formule générale G* H°" +? ; dans cette série, les 
propriétés physiques, densité, solubilité, point d'ébullition, etc., suivent 
une progression régulière, et je me suis demandé s'il n’y avait pas une 
progression semblable dans les propriétés odorantes. L'expérience a 
pleinement confirmé cetle supposition. En définissant, comme je l'ai fait 
précédemment, le pouvoir odorant par l'inverse du minimum perceptible 
et en rapportant tous les nombres à l'alcool méthylique pris comme 
unité, on oblient la série suivante : 


448 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


— 


Alcool méthylique G H* ©. . . fl Alc. amylique ÇH?Q. 10000 
(isoamylique inactif). 
- —  éthylique GO... 4 
—  propylique G° HO... 100 à 200 
—  butylique G'H°O.. 1000 — caprylique G$ H!'8 Q: 200000 


(octylique). 


Il y a dans ces chiffres un accroissement tout à fait remarquable ; le 
sens du phénomène est constant, et sa valeur même le devient sensible- 
ment à partir du troisième terme autant que la régularité et la précision 
sont possibles dans un phénomène physiologique. Ainsi : 

La puissance odorante croît régulièrement avec le poids moléculaire. 

Cette conclusion n’est vraie qu'’autant qu’on considère des alcools 
faisant partie de la même série homologue, Chacun de ces alcools, à 
partir du troisième, présente en effet des isomères, dont la composition 
globale, la formule brute sont les mêmes, mais dont l'arrangement molé- 
culaire difère ; ces isomères n’ont pas le même pouvoir odorant. Exemple : 


4 Normal. 
Alcool propylique (CHÉPCHES CH OID RP ERT OO 
(G°H$ 0) Isopropylique. 
propynq 
(CS SCO) CIS) RER 25 
Primaire. 
Alcool butylique CHÉCREGRSCNEOUE CDR At ue ne 1000 
(G'HtO) À Tertiaire. 
ee COR OH. Le N200 


En outre, ces isomères diffèrent profondément par la qualité. 

Je n'insiste pas sur ce terme que chacun comprend; la qualité, c'est 
ce qui distingue la rose de la vanille ou du citron. La comparaison atten- 
live des alcools isomères et homologues jette beaucoup de jour sur cette 
troisième propriété, qui, avec l'intensité et la puissance paraît définir 
d’une manière complète l’action physiologique d’un corps odorant. — 
On remarque : 

1° Que les corps ayant même formule brute, mais une constitution 
différente, ont une odeur très dissemblable. Ainsi les deux alcools propy- 
liques, les trois alcools butyliques. 

2 Les alcools homologues, c’est-à-dire ayant même structure molécu- 
laire et ne différant entre eux que par G H° en plus ou en moins, présen- 
tent la plus grande analogie. C’est à ce point qu'à dose équivalente, il est 
à peu près impossible de distinguer l'alcool méthylique de l'alcool éthy- 
lique (parfaitement purs) ainsi que l'alcool isobutylique et l'alcool isoamy- 
lique. 

3° Tandis que la qualité change complètement d’un alcool à ses 


SÉANCE DU 21 Mal 449 


isomères, elle se conserve partiellement dans ses dérivés. Exemple : 
l'alcool isopropylique et l'acétone. 

De tout cela il est permis de conclure : 

La qualité de l’odeur est liée à la structure moléculaire. 

L'accroissement des propriétés physiologiques, avec le poids molécu- 
laire n’est pas un fait nouveau; on sait qu’il a été signalé pour l’action de 
certains alcaloïdes. En ce qui concerne, les alcools il y a concordance 
remarquable entre la puissance odorante et les propriétés toxiques. 
MM. Dujardin-Beaumetz et Audigé ont déterminé la dose toxique par kilo- 
gramme d'animal des alcools de la série éthylique; nous mettons en regard 
les deux tableaux. 


DOSES TOXIQUES, POUVOIR ODORANT. 


Alcool éthylique . 1875 Alcool méthylique . . . 1 
—  méthylique À — réthylique : 
=éipropylique.s: «2: n°15 Supropyliquers cn: 100 
—  butylique . 1 85 = Dutylique sr 1000 
—  amylique 150 = OMDQUE ES O0OD 


On voit que le parallélisme est presque absolu; le pouvoir odorant 
augmente seulement beaucoup plus rapidement que le pouvoir toxique ; 
il n’y a de contradiction que pour l'alcool méthylique, plus toxique quoique 
moins odorant que l'alcool ordinaire ; encore l'écart numérique est-il très 
faible de part et d’autre. 


INFLUENCE DU VÉLOCIPÈDE SUR QUELQUES FONCTIONS ORGANIQUES, 


Note de M. le D' Pa. Tissié (de Bordeaux), présentée par M. D'ARSONVAL. 


On a accusé le vélocipède de beaucoup de méfaits et, à l’Académie de 
médecine, il a été l’objet d’une communication intéressante à propos 
d’une maladie spéciale qu’il déterminerail : l’arthrite médio-tarsienne. 

Ayant été un des premiers médecins en France à m’occuper du vélo- 
cipède, j'ai voulu savoir si vraiment cette affection était particulière à ce 
sport. 

Outre que je sois un vélocipédiste de longue date et que par ma situa- 
tion j'aie pu examiner beaucoup de coureurs et de touristes, j'ai ouvert 
par deux fois une enquête à quatre ans de distance dans un des plus 
grands journaux vélocipédiques de France. J'ai reçu beaucoup de réponses 
au questionnaire que j'ai posé. Les observations que j'ai prises sur moi- 


450 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


même, celles que j'ai prises directement sur les vélocipédistes que j’ap- 
proche ou qui viennent me consulter et celles que j'ai reçues de mes 
correspondants m'engagent à présenter la note suivante à la Société de 
Biologie. 

Respiration. — Au point de vue de la respiration, le vélocipède est un 
excellent exercice, à condition d'être modéré, il ne faut pas que l'allure 
dépasse 18 à 20 kilomètres à l'heure en pays de plaine pour les personnes 
entraînées, et 12 à 15 kilomètres à l'heure pour les vélocipédistes d’un 
certain âge ou non entraînés. En pays de montagne, l'allure sera modifiée 
selon l'élévation de la côte. 

L'usage du vélocipède ne doit pas être permis aux enfants jusqu'à 
l’âge de douze à treize ans. De douze à seize ans, la vitesse atteinte ne 
devra pas dépasser 45 kilomètres à l'heure au maximum, la moyenne 
étant de 12 kilomètres. 

La respiration nasale doit être conseillée ; toutefois quand l’essouf- 
flement arrive, la prise d’air par la bouche s'impose. L'inspiration nasale 
et l'expiration buccale donnent d'excellents résultats, maisle jeu du voile 
du palais qui s'abaisse et se relève dans ce mode de respiration est quel- 
quefois difticile ou pénible, selon la conformation ou l'épaisseur du 
voile du palais, de la luette, etc. Il ne faut pas inspirer par la bouche, 
à moins d’avoir à lutter contre l'essoufflement. Il faut que l'intégrité du 
canal nasal soit complète pour tous les exercices de plein air et pour 
celui du vélocipède en particulier. Cependant, une des causes fréquentes 
d'une prise d'air restreinte n’est pas tant dans l’oblitération des fosses 
nasales par une déviation de la cloison, un polype, une hypertrophie des 
cornets, etc., etc., que dans l’atonie des muscles des narines et le peu 
de développement de l'ouverture externe des fosses nasales. Il semble en 
effet que les grandes provocatrices de l’essoufflement soient les ailes du 
nez. La fermeture des narines est d'autant plus prononcée que l'essouf- 
flement est plus grand ou que la pression aérienne extérieure est plus 
forte par la vitesse acquise, puisque les couches d'air dépassées succes- 
sivement forment un tampon élastique sur les ailes du nez et à l'ouver- 
-ture nasale, d’où une des causes de la position baissée de la lête prise 
instinctivement par le coureur ou par le marcheur quand il fait grand 
vent, afin de déplacer les axes respiratoires du nez et de la bouche. Il 
- faut donc permettre à l'air de passer librement par le nez. Le docteur 
Schmitt, de Francfort-sur-Mein, a inventé un petit instrument, un dilata- 
teur des ailes du nez, que le docteur Lichtwitz (de Bordeaux) a importé 
dernièrement en France. 

Cet instrument, que j'ai l'honneur de vous présenter, est fait d’une 
pelite tige d'acier nickelé tournée en V dont les branches sont repliées 
sur elles-mêmes, leur sommet est tamponné par une pelite boule. Le 
- dilalateur s'introduit dans le nez, en faisant passer la cloison dans l’écar- 
tement des deux tiges montantes, un léger mouvement de bascule ap- 


SÉANCE DU: 21 MAI 451 


plique la base de l’'U à la naissance de la cloison nasale entre le nez et la 
partie supérieure de la lèvre. 

La prise d’air est Lelle qu’à peine le dilatateur est en place on éprouve 
une sensation de bien-être, on respire mieux. J'entends parler seulement 
des personnes dont la prise d’air par l’ouverture nasale est faible. 

Ici j'appelle l'attention de la Société. Y a-t-il une relation directe entre 
le développement des narines et celui de la capacité vitale? l'intégrité des 
fosses nasales étant naturellement absolue. J'ai remarqué que chez les 
grands coureurs les narines étaient très développées et que la base du cou 
était très large. Ziem (1) ayant oblitéré une fosse nasale sur des lapins, vit 
se développer des déviations de la colonne vertébrale, et surtout de la 
scoliose. On connaît la poitrine de poulet des enfants atteints d'hypertro- 
phie des amygdales. Lesshaft, de Saint-Pétersbourg, à remarqué que des 
poids légers appliqués sur la moitié de la tête d'un lapin pendant deux ou 
trois mois, provoquaient de la scoliose. La lête de l’adulte, d’après Krause, 
est du 1/17 au 1/11° du poids du corps, chez les nouveau-nés; d’après 
Valentin, elle est du 7/25 du poids total du corps. On comprend que 
le surcroît de poids sur une moitié de la tête ait une influence sur la 
déviation de la colonne vertébrale. Pour Ziem, l’oblitération d’une narine 
jouerait le même rôle que le poids appliqué sur une partie du crâne. À 
priori, il semble donc que plus la prise d’air initiale est grande, plus grande 
est la capacité vitale du sujet. Les Gauchos de la République Argentine 
ont fait cette observation depuis longtemps. Quand ils ont besoin d’un 
cheval pour faire une course de vitesse et de fond, ils ne regardent ni les 
jambes ni le poitrail, mais ils enfoncent la main dans les naseaux; si elle 
passe, ils prennent l'animal, car, disent-ils, « un cheval de fond doit avoir 
du nez ». Ce qui revient à dire avec Bouley que le cheval court avec ses 
jambes et galope avec ses poumons. La proposition est la même pour 
l'homme. Je citerai en passant les travaux de MM. Marey et Demeny (2), 
les conclusions de M. Maurel (de Toulouse) sur l'hypo-hématose et celles 
de M. Hénocque sur l’activité de la réduction et sur la quantité d'oxy- 
hémoglobine à la suite de courses vélocipédiques (3). La pratique confirme 
les conclusions de ces savants observateurs. J'ai souvent vu la poitrine se 
développer considérablement chez les vélocipédistes. Je citerai le cas 
d'un vélocipédiste âgé aujourd'hui de vingt et un ans, huitième fils d’une 
famille d'ouvriers de onze enfants, dont trois sont morts de tuberculose 
qui a été atteint d'olite tuberculeuse qui l’a laissé sourd, il resta faible de 
constitution jusqu’à dix-huit ans et demi, il dormait mal, il avait des 
sueurs nocturnes, il contractait facilement des rhumes (4). 


1) Monatsschrift für Ohrenkunde, 1890, p. 134. 

2) Comptes rendus des séances de la Société de Biologie, séance du 13 avril 1888. 
3) Bulletin de l’Académie de médecine, 5 novembre 1889, p. 454. 
4) 


dl 
( 
( 
(4) Gazette hebdomadaire de méd. et de chir., 5 juillet 4889, p. 439. 


452 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Il commença à monter à vélocipède à cet âge, il y a deux ans et demi, 
abandonna la posilion sédentaire qu’il avait dans un bureau et vécut au 
plein air en parcourant le pays de montagne qu’il habite pour le com- 
merce de vélocipède auquel il s’estlivré. Au début la taille était de 1",68 
et il avait 0,80 de tour de poitrine; depuis il a grandi, sa taille est de 

»,70 et il a 0,91 de tour de poitrine. Je dois dire qu’il n’a pas engraissé 
et que les muscles du thorax n’ont pas grossi comme ceux des jambes, la 
capacité pulmonaire n’a pu être prise faute de gazomètre. Mais ce vélo- 
cipédiste ne souffre plus des bronches, il n’a plus d’enrouement ou de 
rhumes et l’année dernière il a établi le record de 269 kilomètres en 
douze heures et celui de 300 kilomètres en 13 h. 29 minutes et cela sur 
mauvaise route, avec vent debout et pluie. 

Les tracés que j'ai pris au pneumographe de Marey sur les vélocipé- 
distes, avant et après la course, m'ont permis de désigner à l’avance les 
coureurs qui arriveraient les premiers dans les courses. 

En résumé, l'exercice du vélocipède, en activant l’hématose, développe 
la capacité vitale. 

En raison du gavage aérien qu'il facilite, iln’est pas bon que les enfants 
se livrent à cet exercice avant douze ou treize ans, les organes respira- 
toires et le cœur pouvant ne pas supporter une alimentation gazeuze 
intensive. 

Il peut y avoir une relation directe entre l'ouverture externe des fosses 
nasales et la capacité vitale des sujets. L’usage d’un dilatateur est 
indiqué dans les cas d’atonie des narines. 

Circulation. — Comme tous les exercices de plein air, le vélocipède 
active la circulation. Cependant, il augmente l'émission des urines plus 
que tout autre exercice, surtout quand l'exercice est pratiqué sous bois et 
surtout sous bois de pins. L'émission est plus abondante et plus fréquente 
que sur route en pleine campagne. 

Le vélocipède doit être interdit aux personnes eut une maladie 
organique du cœur quand elle a dépassé la période de compensation. 
Cependant, avant cette période, un usage méthodique du vélocipède 
pourra être conseillé à condition de ne jamais pousser l'exercice jusqu’à 
l'essoufflement (1). 

Les bruits de souffle provoqués par l’anémie disparaissent par l'exer- 
cice du vélocipède qui est un excellent adjuvant dans le traitement de 
cette maladie, de la chlorose, de la scrofulose, etc., en permettant une 
hématose plus entière et plus rapide du sang et en excitant les échanges 
gazeux, solides et liquides de l’économie. Les personnes à tempérament 
congestif se trouveront bien d’un exercice modéré sur vélocipède et fort 
mal de son abus. Dans le premier cas, il décongestionne ; dans le second, 
il congestionne. 


(1) Hygiène du vélocipédiste. Paris, Doin. 


DT 


SÉANCE DU 21 MAI 453 


Vélocipédie féminine. — La fabrication des nouvelles machines permet 
à la femme de faire du vélocipède sans qu'aucun accident soit à redouter, 
à condition toutefois que la selle et que la position sur la machine soient 
bonnes. La selle doit être légèrement élastique; la position : celle d’une 
personne assise sur une chaise les bras légèrement allongés, le buste 
droit, la jambe déployée complètement quand le pied arrive au point 
mort de la pédale et à angle droit quand la pédale arrive au point opposé. 
_ Le bec de la selle doit être supprimé, la station doit être large. 

On ne peut comparer le mouvement de pédale à vélocipède avec celui 
de la machine à coudre, la pression se fait en plein air, l’autre dans un 
lieu souvent confiné. Dans la machine à coudre, c'est l'articulation 
tibio-tarsienne qui joue la plus ; en vélocipède, ce sont les articulations 
du genou et coxo-fémorale. 

Les trépidations communiquées au corps par les bras sont plus rapides 
et les secousses sont plus aiguës que celles qui sont communiquées par 
le guidon sur lequel, d’ailleurs, on n’a pas besoin de s'appuyer pour 
diriger la machine. 

La femme ne doit pas faire de course en vitesse, elle ne doit marcher 
qu’à une allure de 12 à 45 kilomètres à l’heure. 

Je connais une vélocipédiste qui pendant les années de 1888, 1889 et 
1890 a parcouru avec son mari 8,973 kilomètres, En 1888, elle parcourut 
2,200 kilomètres ; en 1889, 4,923 kilomètres, etc., et cela en France, en 
Suisse et en Italie. Elle se porte fort bien. 

Un costume spécial, sans corset autant que possible, avec pantalon à la 
zouave et jupe courte, faite de laine ou de jersey, est nécessaire. Le trai- 
tement de l’anémie, de la chlorose des jeunes filles, peut trouver dans 
l'emploi médical du vélocipède un excellent adjuvant. 

D'autre part, le jeu du psoas-iliaque placé derrière les ovaires et les 
_ ligaments ronds provoque le massage lent et doux des organes génitaux 
internes. 

Toutefois, si avec les nouvelles machines la femme peut se livrer à 
l'exercice du vélocipède, elle doit être néanmoins considérée comme un 
objet d’art délicat et précieux que le moindre choc peut briser et auprès 
duquel devra toujours veiller un gardien prudent et attentionné. 

Digestion. — La digestion est activée par l'usage du vélocipède qui 
combat avec succès l’arthritisme, la goutte, le rhumatisme, l'obésité, la 
constipation opiniâtre, le diabète, la dilatation de l'estomac, etc. 

Les légères trépidations du vélocipède et surtout la suractivité qu'il 
provoque dans les divers échanges de l’économie peut faire utiliser le 
vélocipède dans les cas d’ictère dü à la présence de calculs biliaires dans 
les canaux hépatiques. 

Le vélocipède combat les hémorroïdes et peut guérir des cas d’hémor- 
ragie intestinale. Le vélocipède doit être utilisé comme un adjuvant 
sérieux dans le traitement des maladies de la nutrition. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


CS 
OX 
re 


Système nerveux. — L'exercice modéré du vélocipède est un excellent 
sédatif du système nerveux, surtout pour les personnes qui sont obligées 
de produire un grand travail cérébral. 

Il a été employé avec quelques succès dans certaines formes de folie 
(mélancolie, hypocondrie, obsessions, neurasthénie, démence hysté- 
rique, etc.). Il serait intéressant de contrôler à ce sujet par les urines si 
le rapport des phosphates terreux et alcalins chez les hystériques est 
modifié par l'exercice du vélocipède. 

Le vélocipède peut provoquer une paralysie passagère d’ailleurs, des 
deux mains, précédée et suivie de fourmillements, d'anesthésie ou d'hypo- 
esthésie. Cette modification de la sensibilité et du mouvement dure de 
huit jours à trois semaines, elle est surtout localisée dans toute la région 
innervée par cubital. 

L'anesthésie est en forme de dé au bout des doigts et le plus souvent 
au bout des annulaires et des auriculaires. Les fourmillements peuvent 
remonter jusque dans les bras. Cependant l'affection n’est pas grave, la 
sensibilité est la dernière à revenir. Cette névrite du cubital est due : 
4° à l'extension du eubital par la flexion prolongée des bras; 2° à la 
pression de la région hypothénar sur le guidon, les mains ayant une 
tendance à se placer en adduction ; 3° aux trépidations de la ma- 
chine. 

Le tricycle peut être utilisé chez les hémiplégiques. 

Locomotion. — L'usage immodéré du vélocipède peut allonger le pied. 

Ce sont les muscles de la région lombaire et ceux de la partie anté- 
rieure de la cuisse qui fatiguent le plus dans la montée des côtes. 

Avec les caoutchoucs pneumatiques, la faligue se répartit également 

dans tout le corps et non aux articulations du pied et des genoux comme 
avec les machines à caoutchoucs pleins. 
* De l'enquête que j'ai ouverte il résulte que les deux cas d’arthrite 
médio-larsienne présentés à l’Académie de médecine sont uniques et 
qu'ils n’ont pas été provoqués par le vélocipède. L'arthrite médio- 
tarsienne n’est pas une maladie due au vélocipède, maïs à une diathèse. 
J'ai recueilli de nombreuses observations de guérison d’arthrites coxo- 
fémorales et tibio-tarsiennes, guéries par l’usage du vélocipède chez 
l’homme et chez la femme. 

Le vélocipède développe surtout les muscles extenseurs du train infé- 
rieur; un bon alpiniste peut être un bon vélocipédiste et vice versa. 

Le vélocipède peut être conseillé dans tous les cas d’arthrite provoquée 
par une maladie de la nutrition. 

Il n’est pas rare d'éprouver de la tenosite, de la tendinite aux ligaments 
de la patte d’oie après un exercice prolongé à vélocipède, les douleurs 
passent rapidement avec le repos. 

Entraînement. — L'exercice du vélocipède, étant très suggestif, peut 
provoquer le surmenage chez les débutants. Le surmenage arrive surtout 


SÉANCE DU 21 Mai 455 


quand on marche par à-coups. On ne doit pas abuser des aliments excito- 
moteurs. 
- À force musculaire égale, c’est le vélocipédiste qui a le plus de volonté, 
qui l’emporte sur l’autre. 

L'entrainement doit êlre progressif, même pour les vélocipédistes expé- 
rimentés. 

Les enfants ne doivent pas faire de vélocipédie jusqu’à l'âge de douze à 
treize ans. Les excursions, à partir de treize ans, ne devront pas dépasser 
30 à 50 kilomètres par jour, on augmentera de 15 à 20 kilomètres environ 
par an jusqu’à vingt et un ans. 

Le vélocipédiste doit être assis sur sa machine comme sur une chaise ; 
pour cela, la selle doit être placée à la hauteur d'une des pédales à son 
point mort, de toute la longueur qui existe entre le périnée et la plante 
du pied posée à plat sur cette pédale. 


SUR LES EMBRYONS DE LA FILAIRE DU SANG CHEZ L'HOMME, 


par MM. B. DE Nagras et J. SABRAZES. 


Ayant eu l’occasion d'examiner le liquide d'une hydrocèle chyleuse (1) 
envoyé par M. le médecin principal Ferron au laboratoire de M. le pro- 
fesseur Pitres, nous avons pu faire les observations suivantes qui nous 
paraissent dignes d’être mentionnées : 


À. — Recherche des embryons dans le liquide chyleux. 


Les parasites étaient très nombreux. Ceux-ci auraient pu passer ina- 
perçus, si l’on s'était contenté de prendre le liquide avec une pipette 
‘comme cela se fait d'habitude dans ce genre d'examens. C’est ainsi que 
-nous avons fait plusieurs préparations sans résultat et ce n’est qu'à la 
dixième environ que nous avons fini par trouver un embryon. Or, on 
‘peut mellre dans une même préparation un nombre d'embryons tel qu'il 
devient impossible de les compter. Il suffit de prendre les grumeaux ou 
flocons solides, sortes de coagulums blanñchâtres et filants, qui se trouvent 
répandus dans le liquide ou collés contre la paroi du récipient. On en 
met un fragment dans une goutte du liquide et on recouvre avec une 
lamelle en écrasant légèrement. En examinant à un faible grossissement, 
on peut voir alors un nombre considérable d'embryons incolores empri- 
sonnés dans un coagulum fibrineux. Quelques-uns de ces embryons res- 


(1) Le malade, âgé de quarante-sept ans, arrivait de la Guadeloupe, où il 
habitait depuis une dizaine d'années. 


456 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


tent immobiles et sont déjà morts, d’autres accusent leur vitalilé par des 
mouvements plus ou moins énergiques (1). Si l’on fixe les embryons ainsi 
agglomérés en les exposant aux vapeurs d’une solution d’acide osmique 
à 4 p. 100, on peut les conserver sans coloration dans la gélatine glycé- 
rinée de Braun (2), mais ce procédé de conservation n'est pas d’une fidé- 
lité absolue. 

(Voir préparation n° {, et dessin n° 1.) 


B. — Vitalité des embryons. — Action de quelques substances. — Expé- 
riences sur le cobaye et sur la sangsue. 


Dans le liquide chyleux normal, conservé à la température du labora- 
toire (20 degrés environ), les embryons ont été observés vivants pen- 


dant deux jours seulement. Deux facteurs nous paraissent devoir entrer 
en ligne de compte pour expliquer cette mort relativement rapide : 1° la 
formation d'un reticulum fibrineux englobant les embryons et les empé- 
chant de se mouvoir et de respirer librement dans le liquide; 2° la pré- 
sence de bactéries. Nul doute que ces dernières n'aient joué un rôle 
important, car, le liquide, excellent milieu de culture, était absolument 
infecté au deuxième jour, et, entre autres microbes, nous avons isolé le 
vibrion septique qui a donné par piqûre sur gélose des cultures caracté- 
ristiques avec production abondante de gaz et fragmentation du milieu. 


(4) Nos préparations ont été faites sept heures environ après l'extraction du 
liquide. 

(2) Braun. Die thier. Parasiten d. Menschen, etc.; Journ. Roy. Mic. Soc., 
1885, p. 897) — et Traité d'Anatomie microscopique de MM. Bolles Lee et Hen- 
neguy. 


SÉANCE DU 21 MAI 451 


En outre, l’inoculation au cobaye a déterminé une septicémie mor- 
telle (1). 

Voici une curieuse expérience qui vient à l'appui de notre double asser- 
tion : 

Nous mettons dans un petit cristallisoir 15 centimètres cubes environ 
du liquide chyleux frais (sept heures après la ponction), et nous ajoutons 
approximativement une quantité égale d’une solution d'acide osmique à 
A p. 100. Notre intention est d'essayer par ce procédé la fixation des 
embryons de filaire pour en faire à loisir des préparations persistantes. 
Ce mélange, examiné au bout de deux jours, ressemble à du lait écrémé 
dans lequel on aurait répandu de la suie. Pas de caïllot. C’est à peine si 
l'on trouve de ei de là quelques grumeaux blanchâtres, filants, et par- 
semés d’un pointillé noir, témoignage évident de l’action de l'acide 
osmique sur les particules graisseuses du liquide. Un de ces grumeaux, 
regardé au microscope, montre, contre notre attente, un nombre considé- 
rable d'embryons vivants. Ceux-ci étaient déjà morts dans le liquide 
normal. Bien plus, pendant cinq jours consécutifs, à la température du 
laboratoire, ces embryons sont restés vivants dans le mélange; et nous 
avons pu ainsi en avoir à discrétion pour faire leur étude. Au bout du 
cinquième jour, le mélange fut porté dans une étuve chauffée où les 
embryons ne tardèrent pas à périr. 

L’acide osmique a pu agir dans ce cas en empêchant la formation 
rapide du coagulum et aussi comme antiseptique en empêchant les bac- 
téries de pulluler dans le liquide. 

Il ressort en même temps de ce qui précède que l’acide osmique en 
solution est un mauvais fixateur pour les embryons de filaire. Ce fait est 
d'autant plus intéressant à signaler que les embryons meurent dans un 
laps de temps qui varie de une à trois minutes quand on les expose aux 
vapeurs d'une solution à 2 p. 100 du même acide. 

* Nous avons déterminé, en outre, l'action de quelques substances, en 
mettant deux gouttes de leur solution sur la lame où baignaient les para- 
sites et en calculant la durée de la vie dans ces nouvelles conditions : 


Sublimé corrosif. Solution au 1/1000°. Mort des embryons en 2 minules 
Acide phénique. .  — 25/1000. — = FÈk  — 
— borique .. .— 40 p. 100. — — 3 à 4 — 
Liq. de Fowler . — — — 1/2 heure 
Santonine . ... Une pincée dans le liquide qui les contenait. 1 heure 


Les vapeurs de chloroforme paralysent leurs mouvements et les arrèlent 
définitivement au bout de cinq minutes. Les vapeurs d'éther agissent 


(1) Ce fait est en rapport avec la gravité des opéralions pratiquées dans 
les cas de filariose, lorsque l’antisepsie n’est pas rigoureuse: 


458 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


moins énergiquement. Il faut plus d’un quart d'heure pour que la mort 
s’ensuive. ; 
Quant à l’action de la chaleur, nous avons remarqué que les embryons 
résistent pendant plus de vingt minutes à une température de 55 degrés. 
La chaleur active même leurs mouvements. A 65 degrés, le liquide chyleux 
se prend en masse. Les filaires meurent enserrées dans le coagulum. Ces 
divers résultats ont été obtenus vingt-quatre heures après la ponction de 
l'hydrocèle. 
. Nous avons fait, en outre, les deux expériences suivantes : 

1° Dans la cavité péritonéale d’un cobaye, nous avons injecté 10 centi- 
mètres cubes du liquide frais et non encore infecté. L'animal ayant survécu 
a été sacrifié après un mois. Les recherches les plus méticuleuses de l’au- 
topsie n’ont pas permis de déceler un seul embryon dans les replis du 
péritoine ni ailleurs. Ceux-ci ne s'étaient pas conservés ; 

2° Une sangsue appliquée la nuit sur l'hypocondre droit du malade, en 
un point où le sang contenait des parasites, nous a été remise. L’examen 
du sang de la sangsue, pratiqué douze jours après, n’a pas révélé la pré- 
sence d’'embryons. On sait que MM. O. Rosenbach (1) et A. Labbé (2) ont 
indiqué les sangsues comme un moyen pratique de cultiver les hémato- 
zoaires. 


C. — Méthode de coloration et structure des embryons. 


L'étui transparent, cuticulaire, qui entoure les embryons, s'oppose à 
leur coloration. L'emploi de l'eau de Javelle que Looss (3) a recommandé 
pour rendre perméable aux réactifs la cuticule des nématodes nous a 
médiocrement réussi. Les meilleurs résultats ont été obtenus par la mé- 
thode suivante : on recueille dans le liquide chyleux un petit grumeau 
qu'on étale sur une lame. Après l’avoir exposé aux vapeurs d’une solulion 
d'acide osmique à 2 p. 400 jusqu’à dessiccation, on chauffe légèrement 
durant quelques secondes au-dessus de la flamme du bec Bunsen. On 
traite la préparation par le carmin boraté de Gibbes pendant an quart 
d'heure, on fait agir alors très rapidement un mélange d'alcool et d'acide 
chlorhydrique suivant la formule : 


ACOULAMDdeSRES RAR ARE Te 400 
AAUeICHLOENyATIqUe AMENER En 4 


on lave à grande eau, puis on plonge la lame dans une solution aqueuse 


(1) D. Rosenbach. Bert. Klin. Wochensch., 24 août 1891. 

(2) A. Labbé. Bulletin de la Soc. Zool. de France, octobre 1891. 

(3) Looss. Zool. Anzeiger, 1885, et Traité d'anatomie microscopique de Bolles 
Lee et Henneguy. 


e: 
_æ 


à 
E.. 
E. 


SÉANCE DU 24 Mar 459 


concentrée de bleu de méthylène ; on colore pendant vingt minutes; on 
lave, on déshydrate par des alcools progressivement concentrés et finale- 
ment par l'alcool absolu et on monte dans le baume après éclaircisse- 
ment à l'essence de girofle. 

Par celte méthode, les embryons sont colorés en bleu, tandis que la 
cuticule qui forme l’élui transparent sur le vivant, présente des reflets 
roses. Les contours de cet étui deviennent moins nets que sur le vivant 
lorsque l’action de l’alcool chlorh ydrique a été trop prolongée. A l'examen 
microscopique, on remarque que ces embryons ne présentent pas de tube 
digestif, ni d'appareils reproducteurs différenciés. Mais on voit nettement 
qu'ils sont bien constitués par une colonne de très petites cellules à noyau 
bien coloré par le bleu de méthylène. Cette colonne cellulaire qui cons- 
tiltue essentiellement le corps de l'embryon ne remplit pas entièrement 
la gaine d'enveloppe, surtout en avant, et elle est interrompue vers le 
tiers antérieur par un espace clair qui correspond peut-être à la place de 
la vulve de la femelle adulte ou à une particularité du tube digestif. 
Cylindrique dans les régions médiane et antérieure, la colonne des petites 
cellules bleues va en diminuant progressivement d'épaisseur vers l’extré- 
mité de la queue de l'embryon. 

(Voir les préparations 2 et 3, ainsi que le dessin n° 2.) 


D. — Analyse du liquide. 


L'analyse chimique du liquide de l'hydrocèle chyleuse n'ayant jamais 
été faite d'une manière complète, à notre connaissance, nous reproduisons 
celle qu'a bien voulu faire M. le professeur Deniges. 


DEEE ET TOR PE PEER RE RE TP 


Composition par kilogramme. 


ÉQU PRES RRT  AP Rte tes Ma 2e Die et EN QUES eo Ro or 9545r [0 


DTAISS EN ARS ED 


Matières albuminoides "MS 055 ST er 5 
organiques : ) urée et carbonate $ k 
Matières d’ammoniaque . . 41 145 
solid 66Er 90 
CUNESE chlorures (en CINa). 7 60 
Matières sulfates (en SO*Na?). 0 15 Der 05 


minérales : ) phosphates alcalins et 
alcalino-terreux. . 1 30 


400 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Extrait sec par kilogramme : 


Trouvé par addition directe des éléments dosés . . . . 66890 

Trouvé par évaporation à l’étuve à eau bouillante pen- 

dant eenres er RL EE 07 07 
Pernlels fine te OO el 1 


La graisse a été dosée comme le beurre du lait par le galactotimètre 
d'Adam; la liqueur aqueuse résultant de la séparation de la couche 
éthéro-graisseuse a été précipitée par l'acide trichloracétique et a donné 
la totalité des albuminoïdes. Enfin la graisse obtenue dissoute dans l’éther 
a fourni une solution jaune donnant au speclroscope dans le bleu et l’in- 
digo les deux bandes d'absorption, l’une vers F, l’autre entre F et G, de 
l'hémolutéine. 

A l'examen microscopique, nous avons trouvé en abondance des corpus- 
cules graisseux et des leucocytes, quelques globules rouges et des cellules 
endothéliales. 


Le Gérant : G. MAsson. 


Paris. — Typographie Gaston Née, 1, rue Cassette. — 6402. 


AGT 


SÉANCE DU 28 MAI 1899 


M. le Dr Luys : De la visibilité des effluves magnétiques et électriques chez des 
sujets en état hypnotique. — M. Joannès Cnam : Sur la membrane basilaire. — 
M. P. Giis (de Montpellier) : Anatomie des scalènes (costo-trachéliens) chez les 
Ruminants, les Solipèdes et les Carnassiers. — M. le Dr Dewèvre : Étude sur le 
rôle de l'élasticité de la voûte plantaire dans le mécanisme de la marche et sur la 
physiologie du pied plat (Mémoires). — M. le Dr F. Hem : Sur les pigments des 
œufs des Crustacés. — M, le Dr BéÉparr : Pesanteur apparente, verticale appa- 
rente et mal de mer (Mémoires). — M. P. Recnarp : Les anémiques sur les mon- 
tagnes. Influence de l'altitude sur la formation de l’hémoglobine. — M. Nicoras : 
Les sphères attractives et le fuseau achromatique dans le testicule adulte, dans la 
glande génitale et le rein embryonnaires de la salamandre. — MM. F. Jocyer et 
C. Srcaas : Expérience simple montrant que l'excitation nerveuse de fermeture 
naît au pôle négatif, celle de rupture au pôle positif. — M. ResourGeon : La fièvre 


jaune en 1891-1892. — M. E. Guiocner : Contribution à l’étude de Ja toxine du 
bacille de la diphtérie. — MM. Rarzzrer et Capror : Strongylose du cœur et du 
poumon chez un chien, — M. AucusrTin CHARPENTIER : Action successive, sur l'œil, 


des différents rayons spectraux. 
Présidence de M. Chauveau. 


CORRESPONDANCE  IMPRIMÉE. 


MM. DecamorrE et CHARON font hommage à la Sociélé de leur Mémoire 
intitulé : Revue analytique de la bactériologie du Tétanos. 


MM. Capéac et MEUNIER offrent à la Société un exemplaire de leur 
ouvrage ayant pour litre : Contribution à l'étude de l'alcoolisme. 


DE LA VISIBILITÉ DES EFFLUVES MAGNÉTIQUES ET ÉLECTRIQUES 
CHEZ LES SUJETS EN ÉTAT HYPNOTIQUE, 


par M. le D' Luys. 


(Communication faite dans la séance du 21 mai 1892.) 


J'ai noté depuis quelques années que, parmi les aplitudes nouvelles 
que l’on peut développer dans le système nerveux des sujets placés en 
état hypuotique, il en existait une très remarquable : c’est de devenir 
sensibles à l’action des barreaux aimantés, d’être attirés et répulsés par 
leurs effluves, et surtout de percevoir les différences de coloration des 
effluves qui se dégagent, soit du pôle positif, soit du pôle négatif. 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9° SÉR'E, T. LV. 20 


462 SOCIÊTÉ DE BIOLOGIE 


—— 


J'ai constaté, en outre, que non seulement ces sujets étaient aptes à 
signaler la coloration des courants magnéliqnes, mais encore à recon- 
naître celle des courants électriques, des courants électro-magnétiques et 
des courants qui s’accumulent dans les bobines d’induction. 

Pour mettre en évidence cette curieuse propriété, j'ai recours à la 
technique suivante : 

Je place d’abord le sujet en léthargie, et l'amène rapidement à l’état 
somnambulique. — En ces conditions, je présente successivement devant 
lui les deux pôles d’un gros barreau aimanté à quatre ou einq branches. 

A ce moment, quand il s’agit du pôle nord, il dit-qu’il voit s'en dégager 
des effluves bleues comme des flammes d’un bouquet d'artifice; — s’il 
s’agit du pôle sud, ce sont, au contraire des flammes rouges qu'il signale 
et l’on constate en même temps que l’action des effluves du pôle nord lui 
sont agréables, et que ceux du pôle sud lui sont pénibles et qu'il les voit 
avec peine (1). 

Si on met le sujet en face d’une pile Trouvé, d’un appareil électrique 
quelconque non muni de ses rhéophores, il signale dans la bouteille une 
nuance jaune diffuse, et, si on met les rhéophores en place, 1l voit les fils 
avec chacun une coloration spéciale; — le pôle négatif, ou pôle nord, 
dégage des effluves colorés en bleu, le pôle positif en rouge, et s’il y a 
une bobine d'induction, elle lui paraît colorée en Jaune. 

Certains sujels sont tellement sensibles à l’action des effluves magné- 
tiques qu’un d’eux, un sujet mâle, a pu reconnaître au bout de deux ans 
les traces d’effluves magnétiques accumulées sur un papier photogra- 
phique, impressionné depuis ce temps par les effluves magnétiques éma- 
nés du pôle nord d'un barreau aimanté et qui était resté une demi-heure 
devant l'objectif photographique. 

On peut dire que chez les sujets hypnotiques méthodiquement dirigés, 
ces aptitudes se révèlent d’une façon régulière, avec plus où moins de 
netteté. Les cas exceptionnels de non-sensibilité aux couleurs fluidiques 
sont rares, et avec un peu d'attention, on arrive à reconnaitre qu'ils 
rentrent dans la règle générale. 

Un procédé plus simple consiste à re mettre seulement que la rétine en 
état d'hypnotisation (le cerveau reslant ainsi en dehors de l'opération). 
Voici comment on procède : — le sujet sensitif se place devant l’opéra- 
teur, qui promène transversalement ses deux doigts au-devant de ses 
yeux. — Il se produit alors un état d'éréthisme de la réline qui se carac- 
térise à l’ophtalmoscope par une vascularisation instantanée qui donne 
à là surface nerveuse une suractivité extra-physiologique tout à fait 
spéciale. 

On a eu soin à l'avance de faire dessiner les objets divers dont on veut 


(4) C'est ce que j'ai déjà signalé dans une précédente communication, à 
propos de l’action psychique des aimants (Bulletins de la Société de Biologie, 1890). 


SÉANCE DU 28 MAI 463 


étudier la coloration des effluves, et le sujet ayant eu au préalable les 
yeux ainsi préparés artificiellement, son cerveau demeurant intact non 
hypnotisé, on lui présente un pinceau avec différentes couleurs, et on lui 
enjoint de traiter comme il les voit les différents points qu’on désire con- 
naître. — C’est ainsi qu’on le voit, sans aucune sollicitation extérieure, 
s’il s’agit d’un barreau aimanté, mettre des colorations bleues au pôle 
nord et des colorations rouges au pôle sud : — s'il s'agit des rhéo- 
phores d’une pile, les colorer d’une façon similaire, le bleu sur le fil 
négatif, le rouge sur le pôle positif, le jaune sur les bobines d’induction. 
En un mot, il rend visibles et apparentes une multliude d'actions flui- 
diques qu'avec les seules ressources de nos yeux nous sommes complète- 
ment incapables de reconnaitre. 

Au bout de quelques minutes, le sujet se sent fatigué et demande par 
signes qu’on lui remetle les yeux dans les conditions normales. Il suffit 
alors de faire devant les yeux quelques passes dans le sens vertical pour 
rétablir l’état physiologique et amener la décongestion de la rétine; ce 
dont on peut s’assurer au bout de quelques minutes par un nouvel examen 
à l’ophtalmoscope. 

Cette aptitude des sujets hypnotisés à dépister des colorations qui 
échappent à nos yeux donne une confirmation complète à la découverte 
de Dècle sur la polarité humaine. Le sujet hypnotique mis en action, l’être 
vivant peut être employé comme un réactif, pour révéler les différentes 
colorations qui existent à l’état normal chez l’homme, soit qu’on examine 
les organes des sens du côté gauche ou ceux du côté droit. — Ainsi, on 
peut constater que l'œil, l'oreille, les narines, les lèvres du côté droit 
dégagent des effluves rouges, tandis que l’œil, l'oreille, la narine, les 
les lèvres du côté gauche, produisent des effluves bleus, — que l'’inten- 
sité de ces effluves est proportionnelle à l'énergie des forces vitales, — 
qu'elle est atténuée considérablement dans le côté frappé d'une hémi- 
plégie par exemple, et qu’elle est réduite des deux côtés à de petites 
lueurs chez les tabétiques chroniques, — et qu’enfin, chez les névropa- 
thiques, chez les hystériques des deux sexes, la coloration des effluves 
rouges du côté droit devient violette; ce qui peut, dans certains cas, 
devenir un précieux élément de diagnostic. 


SUR LA MEMBRANE BASILAIRE, 


par M. JoANNÈS CHATIN. 


Diverses publications viennent de ramener l’attention sur la membrane 
basilaire ; qu'il me soit permis de rappeler que j'ai été l’un des premiers, 
peut-être le premier, à combattre la théorie qui lui attribuait une fonc- 


464 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


tion sensorielle directe et à revendiquer ce rôle pour les cellules ciliées. 


Les observations qui m'avaient conduit à formuler cette opinion se 


trouvent résumées dans une communication faite à la Société Philo- 
mathique le 9 novembre 1878 (1). Je suis fort heureux de constater que 
l’on est aujourd'hui d'accord, tant en France qu'à l'étranger, pour 
adopter mes conclusions et confirmer les résultats de mes recherches 
d'histologie zoologique; ainsi qu'on peut en juger par leur date, ces 
recherches sont très notablement antérieures aux travaux qui ont été 
récemment cités et entre lesquels s'est même élevée une question de 
priorité. 


ANATOMIE DES SCALÈNES (COSTO-TRACHÉLIENS) CHEZ LES RUMINANTS, LES SOLI- 
PÈDES ET LES CARNASSIERS, 


par M. P. Gzis (de Montpellier). 


Dans nos communications antérieures sur les scalènes chez l’homme (2), 
nous avons essayé d'établir que le scalène moyen devait être rattaché au 
scalène antérieur et que le scalène postérieur avait une individualité 
anatomique que rendaient incontestable ses insertions vertébrales. 

Après cette étude sur l’homme, nous avons entrepris d'étudier les sca- 
lènes par l'anatomie comparée et de rechercher ainsi la loi qui préside 
aux insertions et aux rapports des faisceaux scaléniques. Voici le résultat 
de nos premières recherches qui ont porté sur les types domestiqués 
parmi les Ruminants, les Solipèdes et les Carnassiers. 


A. Les RumiNANTs. — La région scalénique mise à nu, on voit le plexus 
brachial sortir entre le scalène supérieur et le scalène inférieur, au- 
dessous du premier, au-dessus du second. Si on soulève le scalène 
supérieur, on voit au-dessous de lui un faisceau sous-jacent, séparé 
du scalène inférieur par les deux branches les plus postérieures du 
plexus brachial. — Précisons. 

4° Veau. — Le scalène supérieur s'insère en arrière, en s'élargissant, 
sur les (quatre premières côles. Il reçoit aussi un faisceau qui vient de la 
première côte, puis il va s'insérer, en avant, aux extrémités postérieures 
des apophyses transverses de la quatrième vertèbre cervicale par un 


(4) Joannès Chatin. Sur la valeur fonctionnelle de la membrane basilaire, 
Bulletin de la Société Philomathique, 7e série, t. II, séance du 9 novembre 1878, 
p. 28-30. 

(2) Voir Mémoires de la Soc. de Biol., 26 déc. 1891, et Comptes rendus des 
séances, 21 nov. et 26 déc. 1891. 


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SÉANCE DU 28 MAI 465 


tendon large, de la cinquième vertèbre cervicale par un tendon grêle. 
Au niveau de leurs insertions osseuses, ces deux tendons s'unissent avec 
les tendons correspondants du scalène inférieur. 

Le scalène inférieur, parti du bord antérieur de la première côte, se 
divise, en avant, en cinq faisceaux qui passent au-dessous des racines 
nerveuses correspondantes et vont s’altacher à la face inférieure de 
l'extrémité postérieure des apophyses transverses des 3°, 4°, 5°, 6° et 
7e vertèbres cervicales. 

Le scaléne moyen est seulement représenté par ce faisceau, sous-jacent 
au scalène supérieur, séparé du scalène inférieur par le plexus brachial 
et qui s’insère, d’un côté, à la partie la plus reculée de la 1 côte, de 
l’autre, à l’apophyse transverse de la 7° vertèbre cervicale. 

29 Chèvre; Bouc. — Le scalène supérieur, plus aminci et plus grêle que 
chez le veau, s’épanouit, par sa base, sur la face externe des 4 premières 
côtes, tandis qu'il s'insère, par son sommet, sur l'extrémité postérieure 
de l’apophyse transverse de la 5° vertèbre cervicale, après avoir reçu un 
faisceau important de la première côte. A son insertion le tendon s’unit 
avec le tendon correspondant du scalène inférieur. 

Le scalène inférieur est remarquable par sa largeur et son épaisseur. Il 
s'attache à la 4'° côte sur une étendue de 5 centimètres; de là, il se porte 
en avant et en haut et se divise en 5 faisceaux dont un grêle, le plus 
antérieur et # volumineux. De ceux-ci naissent autant de tendons qui 
vont s'attacher à la face inférieure de l'extrémité postérieure des apophyses 
transverses des 3°, 4°, 5°, 6° et 7° cervicales. 

Le faisceau que nous avons assimilé au scalène moyen se retrouve avec 
les mêmes dispositions que chez le veau. 

3° Mouton. — Le scalène supérieur est très réduit de volume. Il s’insère, 
en arrière, à la partie la plus reculée de la 1"° côte qu'il ne dépasse pas; 
en avant, aux extrémités postérieures des apophyses transverses des 
4°, 5° et 6° vertèbres cervicales. 

Le scalène inférienr large, épais, au niveau de son insertion à la 
4" côte, s’insère, en avant, à la face inférieure des extrémités postérieures 
des apophyses transverses des 3°, 4e, 5, 6° et 7° vertèbres cervicales en 
s’unissant aux tendons correspondants du scalène supérieur. 

Le faisceau représentant le scalène moyen est tel que nous l'avons 
décrit chez le veau et la chèvre. 

Ainsi, chez les Ruminants, le plexus brachial traverse la masse scalé- 
nique, mais l'artère et la veine axillaires ne suivent pas le plexus nerveux 
dans cette première partie de son trajet. Les vaisseaux sont d’abord 
séparés des nerfs par toute l'épaisseur du scalène inférieur; ils glissent 


sur la 1" côte au-dessous du scalène inférieur et ne rejoignent le plexus 


brachial qu’en dehors des scalènes. 


B. Les Sorrrènes. Cheval; Ane. — Nous trouvons ici une très grande 


466 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


inégalilé entre les deux scalènes. Le scalène supérieur relativement grêle 
s’insère, en arrière, sur la 1° côte qu'il ne dépasse pas; en avant, après 
avoir envoyé un faisceau à l’apophyse transverse de la 7° vertèbre cervi- 
cale, il va s'attacher à l'extrémité postérieure de l’apophyse transverse 
de la 5° vertèbre cervicale. 

Le scalène inférieur, volumineux, puissant, part de la 1'° côte et va 
s'attacher aux 5°, 6° et 7° vertèbres cervicales. Le tendon le plus posté- 
rieur passe entre les racines les plus antérieures du plexus brachial pour 
s'insérer à la face inférieure de l’apophyse transverse de la 7° vertèbre; le 
tendon de la 6° vertèbre, large, s'attache à la face inférieure du tubercule 
postéro-supérieur et à la face supéro-externe de la longue lameïinférieure 
de l’apophyse transverse. Le tendon qui va à la 5° vertèbre cervicale se 
rencontre avec le tendon correspondant du scalène supérieur à l’extré- 
mité postérieure de l’apophyse transverse. 

Le plexus brachial sépare, du scalène inférieur, un faisceau sous-jacent 
au scalène supérieur, allant de la 1"° côte à la 7° vertèbre cervicale, et 
que nous assimilons encore au scalène moyen. Comme chez les Rumi- 
nants, le plexus nerveux traverse les muscles scalènes, tandis que les 


vaisseaux sont d’abord séparés du plexus par toute l’épaisseur du scalène 
inférieur. 


C. Les CARNASSIERS. — Le plexus brachial ne traverse plus les fais- 
ceaux scaléniques; il est situé, à son origine, entre ceux-ci et le muscle 
long du eou et il sort du thorax accolé aux vaisseaux axillaires. 

1° Chien. — Le scalène supérieur s'épanouit sur la face externe des 
5 premières côtes et va s'attacher, en avant, par deux tendons à la face 
inférieure de l'extrémité postérieure des apophyses transverses des 4° 
et 5° vertèbres cervicales. Chacun de ces tendons recoit un tendon prove- 
nant d’un faisceau sous-jacent venant de la 1° côte, puis s’unit, avant 
son insertion, avec le tendon correspondant du scalène inférieur. 

Le scalène inférieur, parti du bord antérieur de la 1° côte, se divise en 
L faisceaux qui vont: aux extrémités postérieures des apophyses 
transverses des 4° et 5° vertèbres cervicales, à la face externe de la lame 
inférieure de la 6° vertèbre cervicale et au tubercule supéro-postérieur 
de la même vertèbre, enfin, par son faisceau le plus supérieur, à l’apo- 
physe transverse de la 7° vertèbre cervicale. ’ 

Ce dernier faisceau, chez les Ruminants et les Solipèdes, était séparé: 
de la masse principale du scalène inférieur par le plexus brachial. Ii, il 
n’en est distinct que par un mince interslice musculaire laissant passer: 
quelques branches collatérales du plexus. Aussi le scalène inférieur offre 
l’aspect d’une aire musculaire homogène; il n’y a plus lieu de distinguer 
un scalène moyen. 

2° Chat. — Quelques différences de détail. Le scalène supérieur s’épa- 
nouit, en arrière, jusqu’à la 3° côte et s'attache en avant aux apophyses 


— 


SÉANCE DU 28 MAI 461 


transverses des 3°, 4°, 5° vertèbres cervicales. Le scalène inférieur, plus 
épais, va de la 1'®° côte aux extrémités postérieures des apophyses trans- 
verses des 5°, 6°, 7° vertèbres cervicales. 

Des descriptions qui précèdent se dégagent les faits suivants : 

Tandis que, chez l’homme, l'artère sous-clavière et le plexus brachial 
déterminent, en traversant le scalène antérieur (inférieur), l'apparition 
d’un scalène moyen très volumineuse, chez les Ruminants et les Solipèdes, 
le plexus brachial seul traverse le scalène inférieur et le divise en deux 
parties inégales, l’une inférieure, plus volumineuse {scalène inférieur pro- 
prement dit), l’autre supérieure, réduite à un faisceau qui va de la 1*° côte 
à la 7° vertèbre cervicale (scalène moyen). 

Chez les Carnassiers, le scalène inférieur n'est plus traversé par le 
plexus brachial qui est situé, avec les vaisseaux axillaires, en dedans et 
en-dessous de toute la masse scalénique. Il n’y a plus lieu de distinguer 
un scalène moyen. 

Le scalène supérieur, très réduit chez les Solipèdes (âne, cheval) et chez 
quelques Ruminants (mouton) où il ne dépasse pas la 1'° côte, s’épanouit 
sur les 4 premières côtes chez d’autres Ruminants (veau, chèvre), devient 
plus puissant chez les Carnassiers où il s'étend sur les 5 premières côtes 
(chien), sur les 8 premières (chat), tandis qu’en avant, il tend à dépasser 
le scalène inférieur. 

Bien distincts par leur base et leurs insertions costales, les scalènes 
supérieur et inférieur unissent leurs tendons correspondants à leurs inser- 
tions sur les apophyses transverses cervicales. 


ÊTUDE SUR LE ROLE DE L'ÉLASTICITÉ DE LA VOUTE PLANTAIRE DANS LE MÉCA- 
NISME DE LA MARCHE ET SUR LA PHYSIOLOGIE DU PIED PLAT, par M. le D' DE- 
WÈvRE. (Voir Mémoires du présent volume, p. 207.) 


® 


SUR LES PIGMENTS DES OEUFS DES CRUSTACÉS, 
par M. le D'F. Her. 


(Travail du laboratorre de physiologie de la Faculté de médecine.) 


Les œufs des Crustacés décapodes sont, pour la plupart,doués de colo- 
rations intenses : brunes, rouges, verdâtres. L'étude de leurs pigments 
n'a été encore, à notre connaissance, poursuivie par personne. Les faits 


468 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


qu’elle révèle sont cependant d’un réel intérêt au point de vue de la 
- physiologie générale. 

Les œufs de Maia Squinada peuvent être pris comme types des œufs à 
pigments rouges. [Il y a déjà longtemps que Maly y a décrit deux pigments 
nommés par lui: vitellarubine et vitellolutéine. Ces pigments sont 
solubles dans l'alcool, l’éther, le sulfure de carbone, les essences végé- 
tales, et donnent dans ces dissolvants des colorations d’un rouge plus ou 
moins intense. L’acide sulfurique concentré les colore en indigo fontcé, 
l'acide nitrique en vert pâle, l’iodure de potassium ioduré ne donne pas 
de coloration. Les deux premières réaclions sont caractéristiques de ce 
groupe mal connu de corps, connus sous le nom général de lutéines lipo- 
chromes chez les animaux, et plus souvent carottines chez les végétaux; 
la réaction par l'iodure différencie ces pigments de Crustacés de la plu- 
part des luléines végétales quise colorent en brun par ce réactif. 

Les lutéines sont abondamment répandues daus le règne animal, c’est 
un de ces corps dont Mérijkowsky a signalé l’extrème diffusion chez les 
Invertébrés et même chez les Poissons, sous le nom de zoonérythrine. Les 
corps jaunes de l'ovaire, le vitellus de l'œuf des Oiseaux et des Reptiles, le 
sérum sanguin, le pied de certains Acéphales, et probablement d’une 
manière générale, les éléments anatomiques sensibles à la lumière {cônes 
et bâtonnets de la rétine, taches pigmentaires oculiformes des Inveriébrés; 
chromatophores) contiennent tous des lutéines ou des corps voisins. 
L'extrème diffusion de ces corps semble indiquer un rôle physiologique 
de première importance, et leur abondance dans les œufs indique tout 
nalurellement ces derniers comme sujets d'étude. 

Chez les Crustacés, lorsque les lutéines jaunes ou rouges manquent 
dans les œufs, elles sont remplacées par des corps voisins. Un bon 
exemple nous est fourni par les œufs verdâtres du Homard. On peut, en 
broyaut simplement ces œufs dans l’eau, obtenir des solalions du pigment 

-d'un vért foncé et sale, très intense. Ce pigment est d’une instabilité 
remarquable. La chaleur, la lumière et une foule de réactifs le décom- 
posent, en mettant en liberté une luléine d’un rouge cramoisi intense. 
Par suite de quel processus chimique, celte décomposition s’est-elle 
effectuée? 

Nous serions tenté d’y voir un phénomène de saponification, car les 
acides et les bases jouissent de la propriété d'effectuer cette décomposition. 
Les alcools et les corps jouissant de la propriété de dissoudre très facile- 
ment les lutéines suffisent aussi à décomposer très rapidement le pigment 
vert lutéogène. Nous avons cherché quels étaient les rayons du spectre 
capables deffectuer la même décomposition. Les radiations absorbées par 
le pigment (dans te cas actuel, les radiations extrêmes des deux bouts du 
-speclre) jouissent seules de la propriété de le décomposer, surtout les 
rayons violets dont l'absorption est plus forte. La constatation de ce fait 
nous semble fondamentale et permet immédiatement un parallèle avec 


SÉANCE DU 28 MAI 469 


a — —  —————— 


l'action chlorophyllienne. Mais la force vive empruntée par la chloro- 
phyile aux radiations solaires sert à décomposer C0*, tandis que la force 
vive empruntée par les substances lutéogènes doit servir à des actes 
chimiques tout différents. La saponification produite par la lumière sur 
les substances lutéogènes, revient en somme à une hydratation. Les 
molécules d’eau qui servent à cette hydratation peuvent être empruntées 
au corps en contact, d’où une série très importante d'actes de déshydra- 
tation dans les tissus pigmentés. 

Inversement, à l’obscurité, les lutéines semblent capables de régénérer 
les substances lutéogènes, et il est logique d'admettre que des actes 
d'hydratation portant sur les corps voisins doivent être le résultat de 
cette métamorphose. Il y a, semble-t-il, là en général toute une théorie 
nouvelle du rôle capital des pigments chez les êtres vivants, et nous 
pouvons dès maintenant soupçonner par quels processus chimiques, ils 
sont directement ou indirectement capables d'imprimer de profondes 
modifications aux corps organiques (glycogène, matières grasses albu- 
miuoïdes). 

Quoi qu'il en soit de cette théorie, qui demandera pour être édifiée de 
longues et pénibles recherches, on peut affirmer dès maintenant que les 
pigments des œufs des Crustacés ne jouent aucun rôle respiratoire. 

Leurs solutions n’ont pas un pouvoir absorbant pour l'oxygène plus 
considérable que celui du dissolvant. 

La décomposition des lutéogènes en lutéines, la décomposition de ces 
dernières à la lumière et à la chaleur, ne donnent pas naissance, comme 
certains auteurs étrangers semblent l'avoir supposé, à un dégagement 
d’ozone; l'épreuve par la teinture d'amidon et l’iodure de potassium le 
démontre nettement. 

L'étude de ces pigments peut aussi nous permettre d’énoncer plusieurs 
lois générales : 

Chez les Crustacés décapodes, il y a nelblene constant entre la 
couleur des œufs et celle de l’exosquelette : brune (Portunus puber Asta- 
cus fluviatilis, rouge (Maïa), verte (Homard). Le rôle des pigments doit 
donc être le même dans l’hypoderme et dans les œufs. 

Les pigments ne se forment pas dans l'ovaire; ils y sont charriés par 
le sang et toujours à l’état de lutéine rouge. Ceci explique les diver- 
gences existant entre Les auteurs au sujet de la couleur rouge du sang. 
Le sang des femelles seules est rouge et cela au moment du gonflement 
de l'ovaire et jamais en une autre saison. Le sang des mâles ne contient 
jamais de pigment rouge. La lutéine du sang n’y joue donc aucun rôle 
essentiel, elle n’y est qu’à l’état transitoire. 

Une fois arrivée dans l’ovaire, la lutéine rouge s’y fixe sans métamor- 
phoses, en cunservant sa coloration {Maïa, Tourteau), ou bien en prenant 
la coloration de l'hypoderme (Ecrevisse, Homard), c’est-à-dire en repas- 
sant à l’état de lutéogène. 


4170 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Cette migration des lutéines, de divers organes dans les œufs, est un 
fait d’une portée peut-être générale. Nous l'avons déjà signalé à la 
Société chez les Astéries, tout le monde sait que les muscles des Salmo- 
nides, normalement colorés en rose par une lutéine, sont privés de cette 
substance, au moment de la ponte, car elle passe dans les œufs, à la suite 
d’un phénomène d'histolyse musculaire bien étudiée dans ces derniers 
temps en Allemagne. 

Disons enfin que les lutéogènes sont répandues d’une manière presque 
générale, semble-t-il, même chez les Crustacés en apparence incolores. 
Ainsi nos crevettes (Paloemon, Crangon), les Stenorhynques qui semblent 
incolores, possèdent dans leur hypoderme et leurs œufs des lutéogènes 
incolores qui donnent naissance à des lutéines parfaitement colorées. 
Une macération de ces parties dans l’alcool, la cuisson suffit à développer 
une teinte rose plus ou moins intense. 

M. Künckel d'Herculais a signalé, il y a quelques mois, les curieux 
changements de coloration des Acridiens, où il a trouvé des pigments 
lutéiques. Disons, comme résultat de longues recherches encore inédites 
sur les pigments des insectes, que les colorations vertes, bleutées, jau- 
nâtres de leur hypoderme sont dues, d’une manière générale, à des corps 
lutéogènes, donnant avec certains réactifs et suivant l’âge de l’animail, 
naissance à des lutéines rougeâtres, parfaitement caractérisées. L’extrème 
diffusion de ces corps indique un rôle physiologique de première impor- 
tance, et ce rôle ne peut être que photochimique. 


_PESANTEUR APPARENTE, — VERTICALE APPARENTE, — ET MAL DE MER, 
par M. le D' BéparT. (Voir Mémoires du présent volume, p. 219.) 


LES ANÉMIQUES SUR LES MONTAGNES ; 
INFLUENCE DE L'ALTITUDE SUR LA FORMATION DE L'HÉMOGLOBINE, 


par M. P. REGNAR». 


Il y a vingt ans environ, un homme que la science vient de perdre 
récemment, Jourdanet, remarquait que les Européens qui se rendaient 
rapidement sur les hauts plateaux des Cordillères ou du Mexique y tom- 
baient vite malade d’une affection qui ressemblait à une asphyxie lente. 
Ceux qui résistaient ou qui persistaient à habiter les régions élevées ne 
tardaient pas à ne plus souffrir de la puna, comme disent les habitants; 


SÉANCE DU 28 MAI 471 


ils s’acclimataient et continuaient à vivre en aussi bonne santé que les 
autochtones. Il en était toujours de même pour les animaux qu'ils 
amenaient avec eux. 
 Jourdanet expliquait ainsi le mécanisme de cet acclimatement. Arrivés 
sur les plateaux élevés, les hommes de la plaine ne trouvaient plus qu’une 
faible pression d'oxygène pour produire la solution de ce gaz dans leur 
sang. Ils étaient dans l’état d'un animal qu’on place sous la cloche de la 
machine pneumatique, ils étaient anoxyhémiés. 
Si le malaise était supportable, s'ils demeuraient en l’état, leur sang 
fabriquait de nouveaux globules, en quantité suffisante pour compenser 
la faible tension de l’oxygène; dès lors, ayant plus de dissolvant pour 


l'oxygène, ils en dissolvaient davantage et se trouvaient acclimatés. 


Jourdanet a toujours voulu démontrer expérimentalement ce fait : il n’y 
a pas réussi, et c’est Paul Bert qui a trouvé qu'il avait bien eu raison. Il a 
fait venir, en effet, du sang de lama et de vigogne des hauts plateaux 
du Pérou et il a démontré que 100 centimètres cubes du sang d’une 
vigogne absorbaient 19 centimètres cubes d'oxygène; chez le lama, l’ab- 
sorption allait à 21 centimètres cubes, ainsi que chez un cerf tué près de 
la Paz et chez un porc élevé à Quito, et à 17 centimètres cubes chez les 
viscaches et les moutons tués sur les hauts plateaux. 

Chez les herbivores des régions basses, le chiffre ordinaire de la capa- 
cité respiratoire du sang ne dépasse guère 12 à 15 p. 100. 

Les recherches de Bert ont été reproduites sur place même par le pro- 
fesseur Viault, de Bordeaux, qui est arrivé aux mêmes résultats, et par 
mon collègue Müntz, qui a procédé très originalement. Il a lâché en effet 
sur le Pic du Midi, des lapins de choux qui se sont mis à vivre très à 
l'aise sur celte hauteur, après avoir pourtant manifesté quelque gène 
pendant les premiers temps. 

Au bout d’un an, Müntz sacrifia ses animaux et dit que leur hémoglo- 
bine était bien plus abondante que chez leurs frères, laissés à Bagnères- 
de-Bigorre. Il s'était fait là une adaptation des plus rapides aux lieux 
élevés. 

J’ai voulu reproduire à Paris même ces diverses recherches dans des 
conditions qui ne prêtassent à aucune critique sur l'interprétation des phé- 
nomènes. On pouvait objecter en effet aux expériences de Viault et de 
Müntz ce fait que leurs animaux avaient vécu au grand air, au froid, sous 
la bise venant des glaciers : toutes conditions capables d'augmenter leur 
appétit et par contre-coup leur hémoglobine, grâce à leur riche alimenta- 
tion. 

J'ai tenu à voir si Le fait seul de vivre sous dépression était capable de 
produire le résultat. 

J'ai donc emprisonné un cobaye sous une cloche où une trompe spé- 
ciale faisait le vide; un régulateur imaginé pour la circonstance et que je 
décrirai plus tard, entretenait la dépression toujours identique, quelque 


472 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


fût d’ailleurs la force d'écoulement très variable des eaux de la ville. J'ai 
maintenu ce cobaye pendant un mois sous sa cloche. 

Si on faisait simplement l'expérience ainsi, l'animal succomberait en 
quelques jours intoxiqué par ses urines, ses excréments, et les débris fer- 
mentés de ses aliments. Il faut avoir soin d’avoir deux appareils et de 
changer la bête tous les jours de cloche en netloyant et en aseptiant 
soigneusement l'appareil d’où il sort. 

Le cobaye, dans ces conditions, ne jouit pas de l’air vif et excitant de la 
montagne, son appétit est plutôt un peu languissant (en un mois il n’a 
engraissé que de 17 grammes). Il ne subit qu’une condition : il est soumis 
à une dépression qui équivaut à celle qu'on éprouve au col du Saint- 
Bernard ou à Santa-Fé de Bogota (3,000 mètres environ). 

Au bout du mois il est sacrifié. Son sang absorbe 21 centimètres cubes 
pour 100 d'oxygène (le même chiffre que chez les lamas de la Paz). Les co- 
bayes laissés libres à côté de lui, dans de bien meilleures conditions hygié- 
niques, ont un sang qui n’absorbe que de 1% à 17 centimètres cubes pour 100. 

Ici la certitude est complète ; c’est la vie sous dépression et pendant un 
mois seulement qui a produit le résultat. 

Ceci nous explique l'influence certaine sur les anémiques de la vie dans 
les stations climatériques de la Suisse. On voit là en quelques semaines 
des anémiques, des chlorotiques, la cohorte immense des neurasthé- 
niques se métamorphoser d'autant plus vite que toutes les autres bonnes 
conditions hygiéniques concourent au bien général. 

Il est fâcheux de constater que ces stations ne contiennent guère que 
des étrangers, le Français y est des plus rares. Nos compatriotes pré- 
fèrent les villes d'eaux à sources problématiques mais à casinos éblouis- 
sants. Ils recherchent dans les lieux de cure les conditions d’étiolement 
quiles ont déjà usés dans les villes. Le Dauphiné, les Pyrénées, les Vosges 
devraient être remplis d'établissements climatériques. Il y en a déjà 
quelques-uns : ils végètent pendant que la foule des malades ou soi-disant 
tels s’étouffe dans des salons inaérés où dans des villages mal situés qui 
suent l'ennui. 


LES SPHÈRES ATTRACTIVES ET LE FUSEAU ACHROMATIQUE 
DANS LE TESTICULE ADULTE, DANS LA GLANDE GÉNITALE ET LE REIN 
EMBRYONNAIRES DE LA SALAMANDRE, 


par M. A. Nicozas. 


Les faits que j'ai pu constater par l’élude de la division indirecte dans 
les spermatogonies et les spermatocytes de la salamandre adulte (1), 


(1) Les salamandres que j’ai eues à ma disposition ont été capturées pen- 
dant les mois de mars et avril. 


SÉANCE DU 28 MAI 4173 


dans les œufs primordiaux de la glande génitale et dans les cellules épi- 
théliales du rein de la larve du même animal, se rapportent : 4° aux 
sphères attractives ; 2° à la formation du fuseau achromatique et enfin, 
3° à la plasmodiérèse des éléments du rein. Le résumé qui suit ne renfer- 
mera pas d’'exposé historique que je réserve pour un travail détaillé. 


I. — Diverses causes rendent extrêmement difficile la découverte des 
sphères attractives dans les cellules épithéliales, au stade de repos, des 
canalicules rénaux de la larve de salamandre : en premier lieu, la conden- 
sation du cytoplasme et la présence dans son intérieur de granulations 
(produits de sécrétion) et de vacuoles nombreuses; ensuite, la petitesse 
extrême de ces formations, petitesse constatée sur des images cinétiques; 
enfin leur situation habituelle toute spéciale, révélée également dès le 
début de la division. Malgré ces condilions défavorables, j'ai réussi à voir 
à plusieurs reprises tout contre la membrane nucléaire une sorte de 
croissant mince, clair et homogène, dont la concavité se moulait en 
quelque sorte sur la périphérie du noyau. Chacune de ses extrémités 
aboutissait à un petit grain sombre qui m'a paru souvent coloré en rouge 
(procédé de coloration de Flemming). et autour duquel règne parfois une 
étroite auréole claire. La zone avoisinante du cytoplasme est plus com- 
pacte que dans les autres régions du corps cellulaire. Dans d’autres cas, 
il existe, toujours en un endroit très rapproché de la surface du noyau, 
une petite masse sombre de protoplasma renfermant un, deux ou même 
plusieurs granules rouges entourés ou non chacun d’une auréole claire, 
et orientés d’une facon variable les uns par rapport aux autres et par 
rapport au noyau. 

Ces formations sont Les seules qui me paraissent devoir être interprétées 
comme sphères attractives. Elles seraient alors représentées, tantôt par 
des corpuscules centraux au nombre de deux (du moins dans la majorité 
des cas), écartés l’un de l’autre et logés respectivement au milieu d’une 
auréole claire (zone médullaire d’E. van Beneden) circonscrite elle-même 
par une couche annulaire dense de protoplasma (zone corticale d'E. van 
Beneden); tantôt par un, deux ou plusieurs corpuscules centraux groupés 
dans un amas archoplasmique indivis. 4 

Ces aspects différents correspondent-ils, ainsi que le fait remarquer 
Prenant qui tout récemment a signalé ce polymorphisme dans les 
cellules séminales de la scolopendre, à des états successifs? c'est ce que 
je ne saurais dire. 

Jamais je n’ai distingué d’irradiations autour de ces centres, mais, dans 
le premier cas, les deux corpuscules centraux sont unis par un pont clair 
renflé en un fuseau incurvé contigu à la membrane nucléaire. Gelte 
union des sphères attractives, sous une forme plus ou moins semblable à 
celle-ci, a déjà été constatée par divers observateurs dans d’autres élé- 
ments soit à un moment où le noyau était, ou du moins paraissait, au 


474 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


repos parfait, soit au début de la cinèse (E. van Beneden, Platner, Flem- 
ming, Hermann, Prenant, van der Stricht). On sait, d'autre part, que la 
duplicité des corps centraux dans des cellules à l’état quiescent a été 
reconnue par un grand nombre d'auteurs (E. van Beneden, Boveri, Hen- 
neguy, O. Schultze, V. Külliker, Flemming, Hansemann, van Bambeke 
et O. van der Stricht, Guignara, Bürger, Prenant). 

Je ne parlerai pas des sphères attractives dans les cellules au repos du 
testicule et de la glande génitale indifférente. 

Dès que le noyau entre en division, dans les diverses variétés de 
cellules indiquées plus haut, au stade de pelotonnement l'existence de 
deux sphères devient plus aisée à reconnaître. On aperçoit sur l’un des 
côtés du noyau deux taches plus foncées que le protoplasma ambiant et 
au centre de chacune d’elles un grain sombre, rougeûtre. Ces taches sont 
réunies l'une à l’autre, soit par une bande claire, étroite, à bords paral- 
lèles, soit par une zone également claire renflée en un petit fuseau dont 
la forme n’est d’ailleurs pas toujours la même. J’appellerai ce fuseau, 
fuseau primitif. Sa ténuité extrême ne m'a pas permis de voir s’il est 
structuré. L'impression qu'il donne est celle de deux fibrilles plus ou 
moins incurvées reliant les deux corps centraux et circonscrivant un 
espace moins foncé que le cytoplasme environnant. 

En outre, de chacun de ces centres irradient de courts filaments ; les 
uns vont se perdre dans les corps cellulaires, les autres se dirigent vers 
le noyau. Plusieurs, parmi ceux-ci, s’attachent par un épaississement 
formant épine sur la surface des anses chromatiques les plus rapprochées. 
A ce stade, la membrane nucléaire commence à disparaitre; elle fait 
habituellement défaut en regard du fuseau primitif, mais peut manquer 
également en d’autres points. 

L'union directe des deux sphères attractives persiste pendant toutes les 
phases suivantes. Au stade de spirème et d’aster, elle est assurée par les 
fibrilles du fuseau primitif (voir plus loin), pendant la métakinèse et la 
phase de dyaster, par les filaments de ce dernier devenu fuseau central 
(Hermann) ou axial. L'observation permet de constater d’nne manière 
certaine ces connexions qui même, dans certains cas, paraissent se main- 
tenir plus longtemps encore, à la phase de dispirème. Habituellement 
cependant les phénomènes se compliquent, et cette complication a pour 
cause un fait important signalé déjà par Hermann, tout récemment 
encore par van der Stricht, qui consiste dans la division précoce de cha- 
cun des corpuscules polaires, au stade de la plaque équatoriale, avant 
même que celle-ci ne soit complètement régularisée. J'ai constaté plu- 
sieurs fois dans les éléments du rein des fuseaux achromatiques pourvus 
à chaque pôle de deux grains fortement colorés, entourés d’une étroite 
auréole foncée et quelquefois assez écartés l’un de l’autre. Ces corpuscules 
polaires dédoublés restent unis par un petit fuseau ou par un pont étroit 
à bords rectilignes. IL en résulte donc que, de très bonne heure, alors 


SÉANCE DU 28 MAI 479 


même que la séparation des noyaux-filles n’a pas encore commencé à se 
faire, chacune des futures cellules se trouve munie de deux corps. cen- 
traux reliés entre eux. À partir du stade de dispirème jusqu'au moment 
de la reconstitution du noyau, il devient pariiculièrement difficile de 
retrouver les corpuscules polaires et la partie juxtapolaire du fuseau, 
logés qu'ils sont plus ou moins profondément dans la dépression polaire 
circonscrite par les chromosomes. C'est sur des vues de face du champ 
polaire qu’on peut le mieux apercevoir les deux corpuscules. 


Il. — Les images relatives à la formation du fuseau achromatique dans 
les espèces cellulaires que j’ai étudiées sont presque superposables à 
celles qu'Hermann a décrites et figurées dans les spermatocytes de la 
première génération chez la salamandre. Elles se résument en ceci. De 
chacun des centres unis par le fuseau primitif, et du même côté, part une 
gerbe d'irradiations (indépendamment des irradiations périphériques qui 
se perdent dans le cytoplasme) dirigées vers les segments chromaliques. 
Ces irradiations s’entrecroisent avant de se fixer sur les chromosomes, 
de telle sorte que chacun de ceux-ci en reçoit un grand nombre venues à 
la fois des deux centres. Puis les deux sphères attractives s’écartent tou- 
jours davantage, les irradiations latérales deviennent tangentes au fuseau 
primitif dont la longueur s’est accrue considérablement. Les segments 
chromatiques se trouvent par suite attirés dans le plan équatorial, et 
finalement le fuseau définitif se trouve constitué par le fuseau primitif 
qui forme son axe et par les irradiations latérales appliquées sur ce dér- 
nier comme une écorce. 

Telles sont les dispositions essentielles. J'ajouterai quelques remarques. 
Au stade considéré, précédant la métakinèse, le fuseau primitif est non 
pas seulement fibrillaire mais netlemeñt réticulé, seulement les fibrilles 
longitudinales, tendues entre les pôles, interpolaires par conséquent, sont 
plus puissantes que les fibrilles transversales ou obliques. En outre Îles 
limites de ce fuseau sont beaucoup plus nettes du côté opposé à celui 
d’où partent les irradiations latérales, accusées parfois par une bande 
sombre incurvée. Il n’est pas rare enfin de conslater des grains sur le 
trajet des fibrillaires interpolaires. 

Les irradiations latérales, elles aussi, sont positivement réticulées, les 
rayons étant anastomosés entre eux par des fibrilles obliques. Cet état 
réliculé, déjà signalé du reste, s’observe pendant les phases ultérieures 
de la cinèse dans les diverses parties du fuseau définitif. 

Pour ce qui en est des segments chromatiques, ils se trouvent, ainsi 
que l’ont observé Hermann, Flemming et d’autres, refoulés du côté 
opposé à celui où se trouve le fuseau primitif. Mais si l’on étudie soigneu- 
sement des coupes sériées, on se convainct que ces segments considérés 
dans leur ensemble forment autour de l’espace (d’origine nucléaire) 
occupé par les irradiations polaires et par le fuseau primitif une sorte de 


476 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


calotte, de telle sorte que la masse des filaments achromatiques est non 
seulement placée latéralement par rapport à celle des éléments chroma- 
tiques, mais encore plus ou moins entourée par ceux-ci, ainsi que 
Flemming l'indique à propos des cellules épithéliales du poumon et 
endothéliales du péritoine de la larve de salamandre. 

_orsque l'étoile mère est constituée et quand les deux corpuscüles 
polaires se sont divisés, il semble se faire une séparation de chacun 
des demi-fuseaux périphériques en deux moitiés correspondant chacun à 
l’un des nouveaux centres polaires. Comme ceux-ci sont unis dès main- 
tenant par un petit fuseau (ébauche du fuseau primilif), il s'ensuit qu’au 
moment de la métakinèse, la disposition réalisée plus haut à un stade 
antérieur se trouve reproduite. 

La place me manque pour indiquer les conséquences théoriques qui 
me paraissent découler de ces faits dont je ne puis décrire que les prin- 
cipaux. Je n'en tirerai qu’une conclusion relative à l’origine du fuseau. Il 
ne me parait pas douteux que le fuseau primitif soit d'origine cytoplas- 
mique; les irradiations latérales, au contraire, d’origine nucléaire, sauf 
peut-être dans leur partie juxtapolaire. Le fait que les sphères attractives 
sont, au stade de repos, tangentes à la périphérie du noyau, permet de 
croire que celte partie est en tout cas très réduite. Le fuseau achroma- 
tique aurait donc, dans les cellules que j'ai étudiées, une origine mixte, 
conformément à l'opinion défendue par E. van Beneden, Platner, Her- 
mann, Flemming, Prenant, O. van der Stricht. 

III. — Dans le rein de la larve de salamandre, la plasmodiérèse se fait 
d’une façon particulière. L’étranglement du corps cellulaire débute dans 
la profondeur, c’est-à-dire à parlir de la face périphérique de la cellule 
mère et progresse de là vers la surface. J'avais déjà observé ce phéno- 
mène dans les éléments des canalicules du corps de Wolf chez le lapin et 
je l'ai décrit dans un travail paru récemment. J’ignorais à ce moment 
qu'il ait été signalé, tandis qu’en réalité Platner l'avait déjà constaté 
dans l’épithélium cilié de l’épididyme de la souris. Par suite de ce pro- 
cessus, Le reste fusorial se trouve déplacé petit à petit, sa partie moyenne 
correspondant à l’étranglement étant refoulée de plus en plus vers la 
surface libre de l’épithélium. Lorsque la séparation des deux cellules- 
filles est presque complète, on trouve alors un pont d'union coudé qui les 
unit dans la partie la plus rapprochée de la lumière du canalicule et qui 
est formé par les vestiges du fuseau. Dans plusieurs cas, j'ai reconnu à cet 
endroit l'exislence d’un ou de deux gros grains sombres vaguement 
colorés en rouge et parfois assez mal limités qui représentent vraisem- 
blablement le « corps intermédiaire » de Flemming vu ailleurs par 
L. Gerlach, Solger, Geberg, E. van Beneden, Prenant, v. Kostanecki et 
Ô. van der Stricht. 

Le déplacement du reste fusorial en même temps que celui des noyaux- 
filles l’un par rapport à l’autre se rencontrent fréquemment dans les 


re À À 1 


PRET PSM à 


SÉANCE DU 28 MAI 417 


spermatogonies et les spermatocytes, mais je ne saurais dire s’ils se font 
suivant une direction spéciale. La présence du corps intermédiaire est 
évidente également dans ces éléments. 


EXPÉRIENCE SIMPLE MONTRANT QUE L'EXCITATION NERVEUSE 
DE FERMETURE NAIT AU POLE NÉGATIF, CELLE DE RUPTURE AU POLE POSITIF, 


par MM. F. Joryer et C. Sicaras. 


L’excitation produite sur les nerfs et sur les muscles par la fermeture 
et la rupture des courants a été étudiée par beaucoup de physiologistes ; 
et l’on admet que, pour le muscle comme pour le nerf, l'excitation de 
fermeture naît au pôle négatif, celle de rupture au pôle positif. 

Pour le tissu musculaire, on met le fait en évidence en prenant un 
muscle à fibres parallèles et en inscrivant, en deux points du muscle. 
l’onde produite par un courant constant qu'on ouvre et qu’on ferme suc- 
cessivement. À chaque excitation, les deux graphiques retardent l’un sur 
l’autre dans le sens de la loi énoncée. 

Pour le nerf, on emploie le dispositif plus compliqué de Von Bezold : 
on excite un nerf moteur à l’aide d’un courant constant amené à deux 
électrodes assez éloignées l’une de l’autre et l’on constate que les temps 
perdus ne sont pas les mêmes pour la secousse de fermeture et pour celle 
de rupture. Si l’électrode positive est plus éloignée du muscle que l’élee- 
trode négative, le temps perdu de la secousse de fermeture est plus court 
que celui de la secousse de rupture. L’inverse a lieu si le courant est 
ascendant dans le nerf. 

Le dispositif suivant permet, dans une expérience de cours, de démon- 
tirer plus simplement la même loi : 


Une grenouille, étant préparée à la façon de Marianini (section de la 
colonne vertébrale au niveau du point d'émergence des nerfs lombaires 
et section du pont de chair réunissant les cuisses), est mise à cheval sur 
un cylindre en ivoire ou en ébonite muni, aux extrémités d’un diamètre 
horizontal, de deux pièces en platine auxquelles aboutiront les deux rhéo- 
phores et sur lesquelles reposeront en un point, respectivement, les nerfs 
se rendant aux deux pattes droite et gauche. On a soin d'intercaler dans 
le circuit un rhéostat et un commutateur. 

Dans ces conditions, on trouve toujours un courant d'intensité telle que 
la secousse de fermeture se produise constamment et uniquement au pôle 
négatif, et la secousse de rupture au pôle positif. 

Si nous supposons, par exemple, que le pôle positif soit au contact des 


20. 


478 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


nerfs de la patte gauche et le pôle négatif au contact des nerfs de la patte 
droite, à la fermeture, la patte droite se contracte seule; à la rupture, c'est 
la gauche qui entre seule en contraction. 


LA FIÈVRE JAUNE EN 1891-1899, 


par M. REBOURGEON. 


Saison épidémique due chaque année à l'élévation de la température, 
commençant en décémbre pour finir en mai. Conditions climatériques 
nettement affirmatives. Leur effet sur les cultures. Moyens et facilité de 
pronostiquer l'intensité de l'épidémie par le développement plus ou 
moins rapide de ces cultures. Pronostic pour 1892. Commencement de 
l'épidémie en décembre 1891, augmentation progressive de la mortalité 
coïncidant exactement avec l'élévation de la température. Celle-ci a 
— 35 + 37. Pluies en janvier, abaissement de température, diminution 
de la mortalité. Puis nouvelle élévation et sa conséquence directe. 

Autre cause qui a favorisé le développement de l'épidémie en 1892. 
Emigration argentine. Détails, agglomération ouvrière dans des logements 
insalubres, cherté des loyers, défaut d’approvisionnement, manque 
d'hygiène. Difficulté d'établir des règles auprès des émigrants, principa- 
lement des Italiens. Une sorte de misère physiologique s’est répandue 
sur Rio et la banlieue, qui n’a pas peu contribué au développement de 
l'épidémie. 

Les voies de communications ouvertes ont amené la création de 
foyers dans l'intérieur. 

La fièvre jaune n’est plus localisée sur le littoral, elle se développe à 
des distances considérables de Rio : 

San Paulo, 565 kilomètres de Rio, 80 kilomètres de Santos; 

Campinas, 645 — — 160 — — 

Rio Claro, 700 _ — 240 — — 

Leopoldina, 300 — —— 

Cantagallo, 150 == —= 

Foyers d’indemnité où chaque année reparaît la forme épidémique 
due à l'élévation de la température. 

Sénégal et Haut-Fleuve. 


Cultures et vaccinations. 


Autopsies. — Liquide stomacal, aspect et culture. Plusieurs microbes, 
un seul pathogène se continuant indéfiniment par les cultures. Sa forme, 
son aspect, ses mouvements, rapidité de son développement surtout 


SEANCE. DU 28 MAI 419 


pendant la saison épidémique. Apparition des cultures six heures après 
l’ensemencement. Durée des cultures, résistance à la destruction et aux 


-antiseptiques. Bichlorure de Hg. Dépôt des ptomaïnes, leur coloration 


en vieillissant, leur odeur spécifique. Coloration du microbe. Milieux de 
culture, bouillons, glycérine. 

Atténuation, 1", 2, 3° et 4° culture. Cette dernière sert aux vaccina- 
tions. 

Inoculations, région, seringue de Straus, antisepsie de la peau, quan- 
tité inoculée. 

Symptômes observés à la suite. Trois ou quatre heures après l’inocu- 
lation, douleurs cervicales intra et sus-orbiculaires, lombaires. Elévation 
de la température, anxiété épigastrique, hyperhémie et sécheresse de la 
peau, odeur caractéristique, nausées, vomissements, quelquefois ictère se 
généralisant, urines diminuées, albumineuses, augmentation de la tem- 
pérature jusqu'à + 39. Lésions locales, rougeur, tuméfaction, teinte jau- 
nâtre au point inoculé. Durée des symptômes, leur uniformité ne diffé- 
rant que par leur intensité. Disparition rapide, convalescence. Jamais 
d'accidents. Mesures prises pour surveiller les vaccinés et enregistrer le 
résultat au bout de quatre jours. Réactions faibles régulières ou fortes, 
les premières sont insuffisantes. Certains tempéraments sont réfractai- 
res à la quatrième culture, il faudrait une seconde vaccination avec un 
liquide moins atténué; nos statistiques à ce sujet sont sincères quand nous 
consultons nos registres. Difficultés de la revaccination, puissance 
d'inertie à soulever. La terreur seule nous amène des gens à vacciner. 
Tous ces inoculés proviennent de foyers fortement contaminés, la vacci- 
nation est donc une preuve de plus de la réalité de son action. 

Durée de l'immunité, quelques faits observés nous permettent d'affirmer 
trois ans et plus, mais il est préférable de renouveler les inoculations 
dont l’action se fait toujours sentir. Expérience sur moi en janvier der- 
nier, introduction du liquide de culture atténuée par la bouche. Accidents. 

Familles ayant subi une seconde vaccination trois ans après la pre- 
mière; symptômes légers. 

Je dois dire qu'au début de nos travaux, nous avons expérimenté sur 
une quantité considérable d'animaux, cobayes, lapins, etc., puis sur 
nous-même. Craintes illusoires de M. | Cornil et autres. Nous n’avons pu 
faire contrôler nos expériences par les maîtres, mais nous avons 
apporté toute la rigueur scientifique nécessaire et s’il y avait dû y avoir 
des victimes, nous aurions été les premiers. 

Influences climatériques sur le développement du microbe de la fièvre 
jaune. Expériences de 1887. Cultures virulentes à Rio, non virulentes à 
Paris. Culture se continuant indéfiniment à Rio, se perdant à Paris après 
le 6° ensemencement. Rappel de la virulence à Rio, en faisant passer suc- 
cessivement les cultures atténuées dans l’économie des pigeons. Résultat 
négalif à Paris même en se plaçant dans des conditions identiques de 


480 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


température. Etuves, etc. Autres preuves à l'appui. Importation des 
cafés, leur provenance : ports de Santos et de Rio, absolument infectés. 
Dans les cas de fièvre jaune signalés à bord des navires arrivant en 
France, l'infection avait eu lieu chaque fois au commencement du 
voyage. L'infection n’a pas lieu pour une seconde génération. Même 
exemple pour les cultures. Même remarque pour le bériberi. Analogie 
avec d’autres maladies virulentes. La morve est aiguë chez nous pour 
les ânes et les mulets; au Brésil, sa forme est toujours chronique chez 
ces derniers. 

Mesures efficaces prises dernièrement par le gouvernement. Les doc- 
trines parasitaires se font jaur, éclairant la situation, et grâce à l'énergie 
du pouvoir, on verra disparaître le mal. Éloges de M. Lerzedello, ministre 
de l'intérieur. Institut bactériologique, sa fondation, son but et ses moyens 
d'action. 


CONTRIBUTION 
A L'ÉTUDE DE LA TOXINE DU BACILLE DE LA DIPHTÉRIE (1), 


par M. E. Guiocuer, 


Pharmacien en chef de la Charité. 


4. — Depuis quelques années, on tend de plus en plus à admettre que 
les microbes pathogènes agissent, non par leur simple présence, mais 
par les produits qu'ils élaborent. Aussi l'étude de ces produits a-t-elle 
déjà suscité un grand nombre de travaux. A part les propriétés physio- 
logiques de ces substances, deux points surtout ont attiré l'attention: 
d’une part, la nature chimique de ces corps parfois si actifs, d'autre 
part, le mécanisme de leur formation. 

2. — En ce qui concerne le premier point, on était enclin tout d'abord 
à les ranger parmi les alcaloïdes ; s’il est incontestable que les milieux 
dans lesquels ont vécu les microbes pathogènes contiennent souvent des 


alcaloïdes, on sait aujourd'hui que ce ne sont pas ces alcaloïdes qui 


constituent les produits pathogènes spécifiques des différents microbes; 
ces alcaloïdes ne reproduisent pas les principaux symptômes de la 
maladie causée par le microbe lui-même ou par les bouillons où il s’est 
cultivé. On chercha done dans une autre direction; et l’on admet aujour- 
d’'hui que ces produits sont des matières albuminoïdes, soit des diastases 
(Roux et Yersin), soit des albumines (toxalbumines de Brieger et Fraen- 
kel), soit des nucléines (Gamaleïa). 

3. — Le second point à élucider est celui de savoir d’où dérivent ces 


(1) Travail fait au laboratoire de M. le professeur Straus. 


big, ds 


SÉANCE DU 28 MAI 481 


produits toxiques. Sont-ce des produits de décomposition des matières 
albuminoïdes ayant servi d’aliment au microbe, comme on l’admet en 


- Allemagne (Brieger, Hüppe); ou, au contraire, les microbes possèdent- 


ils la faculté de les produire par un processus synthétique à l’aide de 
corps plus simples? 

4. — Afin d'apporter quelque éclaircissement dans ce problème, j'ai 
pensé qu il serait intéressant de cultiver le microbe de la diphtérie dans 
un liquide ne contenant pas de matière albuminoïde, et de voir si, après 
développement, le milieu de culture renfermerait ou non la même toxine 
qui se produit dans les bouillons ordinaires de culture. On savait déjà 
(d'Espine et Marignac) que le bacille de Lôffler peut vivre dans l'urine ; 
mais ces auteurs ne se sont pas occupés de la toxicité de cette urine; il 
aurait pu se faire que celle-ci, tout en maintenant le microbe vivant, ne 
füt pas toxique. Dans ce cas, l'hypothèse qui attribue une origine albu- 
minoïde à cette {oxine aurait été confirmée. Or, l'expérience m'a montré 
que si on injecte à des cobayes soit des cultures du bacille de Lôffler 
dans l’urine, soit cette même urine débarrassée des microbes par le filtre 
Chamberland, ces animaux périssent en présentant les mêmes lésions 
que des cobayes témoins inoculés avec une culture sur bouillons de bœuf 
ou de veau. La seule différence consiste en ce que, pour obtenir la mort 
dans le même laps de temps, il faut injecter une dose deux à trois fois 
plus forte d'urine que de bouillon, ce qui semblerait étabiir que la toxine 
formée est moins abondante dans l'urine. 

Il résulte de ce qui précède que la toxine bactérienne la plus connue, 
celle de la diphtérie, ne dérive pas nécessairement de matières albumi- 
noïdes; ou au moins, pour ne pas empiéler sur les faits strictement 
observés, que cette toxine peut êlre élaborée par la bacille de Lôffler en 
l’absence de toute matière albuminoïde. 

5. — Ce premier point résolu, il s’agit de savoir si cette toxine, non 
dérivée d’une matière albuminoïde, est elle-même une albumine. Or, il 
m'a été impossible de constater dans l'urine de culture la trace d’une 
malère albuminoïde, par les réactifs ordinaires de ces substances (fer- 
rocyanure acétique, réactif de Tauret, réaction du biuret, etc.), même en 
opérant sur À Htre d'urine réduite à un petit volume dans le vide, soit 
à 30 degrés, soit à 10 degrés. 

Faut-il en conclure que le poison sécrélé par le microbe diphtérique 
n'est pas une matière aibuminoïde? Je ne crois pas pouvoir émettre une 
assertion aussi absolue, parce que ce poison agit à des doses tellement 
faibles {des fractions de milligramme) et est si altérable, que les réactifs 
des malières albumiroïdes ne sont ni assez sensibles ni assez certains 
pour permettre d'affirmer dans un liquide l’absence de traces aussi 
minimes de ces matières. 

6. — Il me semble résulter de ce qui précède qu'il est tout à fait pré- 
maturé de vouloir ranger les substances pathogènes spécifiques élaborées 


482 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


—_——_—————————————————@—pZpZpZa 


par les microbes dans un groupe chimique déterminé: diastase, albumine, 
nucléine ; et que l’on devrait se contenter de les désigner par un nom 
vague, comme celui de toxine, qui répond bien à leur principale pro- 
priété physiologique, la seule dûment constatée. 


————_——_— 


STRONGYLOSE DU CŒUR ET DU POUMON CHEZ UN CHIEN, 


par MM. Raïczier et Capior. 


En 1854, Serres avait trouvé dans le cœur droit et l’artère pulmonaire 
d’un chien mort à l'École vétérinaire de Toulouse, des Nématodes qui 
furent examinés par C. Baillet et rapportés d’abord à l’Uncinaria trigo- 
nocephala Rud. Quelques années plus tard, Baillet eut l’occasion d'étu- 
dier à nouveau, et d'une facon plus complète, le même parasite, qu’il 
reconnut pour une espèce nouvelle de Strongle, à faquelle il donna, 
en 1866, le nom de Strongylus vasorum. 

Mais on s’est demandé si ce ver n'avait pas été déjà vu avant ces obser- 
vations, et confondu avec quelque autre Nématode. Dujardin dit en effet 
que le catalogue du musée de Vienne signale le Strongylus trigonoce- 
phalus comme ayant été trouvé dans le cœur d’un chien, à Paris, en 1813. 
Cependant, comme le fait remarquer Davaine, il est probable que cette 
mention se rapporte à une observation de Bobe-Moreau, médecin à 
Rochefort, qui dit simplement avoir trouvé des crinons (Ascaris crino) 
dans le cœur d'un chien; et il est impossible de savoir.exactement ce que 
pouvaient êlre ces erinons. 

Gurlt, en 1831, a aussi indiqué le Strongylus trigonocephalus dans le 
cœur du chien; mais nous avons pu nous assurer que cette indication est 
basée sur une observation du D' Peysson, de Montpellier, laquelle est 
bien évidemment relative à une autre espèce de Nématode, la Filaire 
cruelle (Filaria immitis Leidy). 

Enfin, un auteur italien, Bossi, a signalé en 1870 deux cas de « cardite 
verminosa », déterminée par des vers qu’il rapporte au genre Âilaria, en 
proposant de les appeler Æ'matozoa filaria cardiaca. Mais la description 
qu'il en donne est incomplète, et si le caractère tiré de la présence de la 
vulve au voisinage de l’anus tend à les rapprocher du Strongylus vaso- 
rum, par contre la longueur des femelles (jusqu’à 30 et 35 millimètres) et 
le spicule unique observé chez le mâle semblent devoir les en distin- 
guer. 

Depuis cette époque, le Strongle du cœur et des vaisseaux du chien a 
été étudié par Mauri, Labat et surtout Laulanié. On sait les intéressantes 
recherches que ce dernier observateur a publiées sur les migrations de ce 


SÉANCE DU 28 MAI 483 


ver et sur les lésions qu'il provoque. Mais, en somme, le parasite 
dont il s’agit n’a été vu jusqu’à présent, d’une façon certaine, qu'à Tou- 
louse. 

Nous l'avons tout récemment rencontré à Paris, et nous pensions tout 
d’abord avoir la preuve d’une extension de son aire de dissémination ; 
mais dans ce cas, comme on va le voir, il était vraisemblablement encore 
d’origine toulousaine. 

Le 19 avril dernier, un pharmacien de Paris présente à la consultation 
de l’École d’Alfort un braque Saint-Germain, âgé de six ans. Il déclare 
que depuis un mois, cet animal auparavant très gai, se montre triste et 
abattu. La respiration, qui depuis environ deux ans avait toujours paru 
un peu gênée, est devenue plus pénible et présente une accélération 
anormale. À l’époque de la chasse, le chien élait pourtant d'une ardeur 
excessive et s'adonnait jusqu’à épuisement à la recherche du gibier; 
mais depuis trois mois il avait été laissé au repos et entretenu avec les 
plus grands soins. Jamais il n’a eu ni toux, ni jetage. 

Au premier examen, on constate que le sujet, dans un état de mai- 
greur très avancé, est sous le coup d'une dyspnée intense. Il tient la tête 
basse et ne se déplace qu'avec difficulté ; il est du reste immédiatement 
essoufflé et comme menacé de suffocation ; la respiration, précipitée et 
discordanle, est accompagnée de souffle labial. 

La percussion et l'auscultation de la poitrine ne fournissent aucun 
signe notable, sauf un peu de submatité à la base ; les battements du cœur 
sont tumultueux. 

Mais il existe une ascite manifeste : le ventre est fortement dilaté dans 
les parties déclives, et la palpation permet de reconnaitre l’existence d'une 
accumulation considérable de liquide dans la cavité péritonéale. 

Le 20 avril, l'examen de l’animal au repos fournit les renseignements 
suivants : température 38°,5, respirations 36, pulsations 170. 

Une ponction pratiquée sur l'abdomen donne issue à un litre de liquide 
légèrement ambré. On adminislre ensuite du calomel, à la dose de 
20 cenligrammes par jour, jusqu'à purgation. Les jours suivants, l’état 
général s'améliore ; l'animal devient plus gai et reprend un peu d'appétit; 
la température oscille entre 38°,6 et 39°. 

Le 25 avril, une légère diarrhée s'étant manifestée, on cesse l'emploi 
du calomel ; mais, comme l’ascite s’est reproduile, on a recours au vin 
scillitique. La température tend un peu à s'abaiïsser ; la respiration est 
toujours pénible, quoique moins accélérée; on observe une légère épis- 
taxis. La miction est normale. 

A partir du 28, le chien se montre plus triste et ne se déplace plus qu'avec 
peine ; cependant il mange encore toute la viande de sa ration. Malgré le 
peu d'indications fournies par l'exploration du thorax, on est conduit à 
admettre l'existence d’une affection pulmonaire, et on prescrit l’iodure 
de potassium, à dose modérée. 


484 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Une diarrhée assez intense et sanguinolente se manifeste le 30 ; l’ap- 
pétit disparaît complètement; enfin, l’animal tombe dans le coma et 
succombe le 2 mai dans la matinée. 

En résumé, la maladie s’est traduite par un amaigrissement assez 
rapide, un affaiblissement profond, de la dyspnée, de l’ascite et un peu 
d’épistaxis. Jamais on n’a observé de toux ni de jetage, jamais d’hyper- 
thermie. 

L’autopsie est pratiquée immédiatement. À l'ouverture de la cavité. 
abdominale, il s'écoule environ 4 litres de sérosité rougeâtre. Le foie offre 
un fort volume, mais on n’y découvre aucune altération particulière. La 
couche médullaire des reins est légèrement congestionnée. Dans le tube 
digestif, on note seulement une congestion intense de la muqueuse rec- 
tale. La rate est parfaitement saine. 

Le cœur paraît un peu augmenté de volume. L’oreillette et le ventri- 
cule droits, ainsi que l'artère pulmonaire, sont occupés par des caillots 
sanguins récents, à la surface desquels on remarque un certain nombre 
de Strongles (Sirongylus vasorum Baillet). 


Le poumon est de teinte grisâtre. Le tissu en est compact, coriace 
même, ne se laissant entamer qu'avec quelque difficulté par l'instrument 
tranchant. Il présente çà et là un certain nombre de granulations 
miliaires qui font penser tout d’abord à la tuberculose; mais on perçoit 
en outre, au toucher, des nodules du volume d’un pois ou d’une noisette. 
Par la dissociation du tissu pulmonaire, on trouve un assez grand 
nombre d'œufs ellipsoïdes, à coque mince, et des embryons de Strongle. 
D'autre part, des coupes praliquées au niveau des gros nodules montrent 
qu'ils correspondent chacun à un caillot siégeant dans une petite branche 
de l’artère pulmonaire et constitué par des couches fibrineuses concen- 
triques, dont les plus extérieures adhèrent intimement à la tunique interne 
du vaisseau. 

Au-dessus du caillot, on trouve, toujours rassemblés, plusieurs Stron- 
gles, quelques-uns sont engagés dans son épaisseur. 

Le chien avait donc succombé à une strongylose du cœur et de l'artère 
pulmonaire, dont l’ascite n’était qu'un aceident secondaire. 

Ce fait offrait pour nous un intérêt d'autant plus grand que, comme 
nous l'avons montré, le Strongylus vasorum paraît être limité jusqu’à 
présent à la faune toulousaine. Aussi nous sommes-nous empressés de 
demander au propriétaire des renseignements sur l’origine de son chien. 
Nous avons alors appris quil était en sa possession seulement depuis deux 
ans et demi, mais qu'il provenait de Toulouse, où il avait même obtenu 
un prix dans une exposition canine. 

Comme la gêne de la respiration avail été constatée peu de temps après 
l'acquisition, il nous semble rationnel d'admettre que c’est à Toulouse que 
l'animal avait contracté le parasite. Mais, dans ce cas même, il y a un 


SÉANCE UU 28 MAI 485 


fait important à relever, à savoir la longue durée de l’évolution de la 
maladie. 

Au point de vue des symptômes, nous ferons remarquer que le cas ci- 
dessus rapporté, offre une très grande analogie avec deux autres publiés 
par Mauri, de Toulouse, en 1889, notamment en ce qui concerne la pro- 
duction de l’ascite. Toutefois, il est à noter que, depuis l’observation de 
Serres (1854), on n'avait pas signalé un seul cas de terminaison mortelle 
de cette affection. 

Nous avons, d’ailleurs, mis à profit l’occasion qui nous était offerte pour 
faire quelques recherches sur le Strongylus vasorum et sur son embryon. 

En ce qui concerne la morphologie du ver, nous avons peu de remar- 
ques à ajouter à l'étude qu’en a faite C. Baillet. Les vers que nous avons 
recueillis mesuraient, les mâles 14 à 18 millimètres, les femelles 18 à 
21 millimètres. Pendant la vie, l'extrémité antérieure se montre nue, mais 
après la mort, elle offre souvent des expansions cuticulaires qui simulent, 
tantôt des lèvres, tantôt des ailes latérales. Tous les exemplaires que 
nous avons recueillis sont de teinte rouge plus ou moins foncée; dans ceux 
où cette teinte est le plus pâle, on remarque à travers le segment trans- 
parent, une ligne sinueuse rouge formée par l'intestin, autour duquel s’en- 
roulent les tubes génitaux. Les femelles émettent des œufs qui n’ont pas 
encore subi la segmentation. 

L’embryon est long de 300 à 360 y, sur une largeur maximum de 13 pu; 
il est très légèrement atténué en avant, mais graduellement aminci en 
arrière; l'extrémité antérieure est obtuse, un peu tronquée; l'extrémité 
postérieure est terminée par une sorte de petit appendice ondulé, comme 
celui des Strongylus rufescens et pusillus. L'œsophage mesure plus du 
tiers de la longueur du corps; il est très dilatable à son extrémité anté- 
rieure, où l’on remarque souvent, pendant la vie, des sortes de vacuoles. 

Ces embryons se rencontraient en très grand nombre dans le mucus 
bronchique, qui était cependant assez peu abondant, mais épais et adhé- 
rent. On les trouvait également dans le mucus de la trachée, mais non 
dans les cavités nasales. Surpris de ce fait, nous les avons recherchés 
dans l’œsophage, où nous Les avons trouvés encore très actifs au bout de 
vingt-quatre heures. Au lieu d’être rejetés à l'extérieur, ils étaient donc 
déglutis en arrivant dans le pharynx. 

Nous attachons une importance particulière à cette observation. Les 
recherches de Laulanié ayant établi, en effet, que le développement du 
Strongylus vasorum s'effectue directement, par l’ingestion des embryons, 
il nous paraît qu'une auto-infestation est possible dans ces conditions. 
Peut-être même est-ce cette auto-inféstation qui précipite la marche de la 
maladie dans sa dernière période. 

D'autre part, nous avons cherché à déterminer la résistance vitale des 
embryons. Conservés dans l’eau ordinaire, au milieu du mucus qui les 
englobe, ils continuent à vivre plusieurs jours, mais sans subir ni accrois- 


486 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


sement, ni autre modification notable. Au bout de cinq jours, presque 
tous sont encore très actifs. Après dix jours, la plupart sont morts, 
déroulés, granuleux, et les tissus sous-cuticulaires sont occupés par de 
grandes vacuoles. Après quinze jours enfin, on en retrouve à peine 
quelques-uns manifestant encore une certaine activité. En tout cas, ce 
laps de temps est suffisant pour fournir aux sujets sains des chances 
d'infestation dans les mares et les flaques d’eau où les malades ont pu 
laisser échapper leurs mucosités bronchiques. 

Mais la résistance à la dessiceation est extrèmement faible. Après cinq 
jours, aucun embryon ne reprenant ni son activité, ni même son aspect 
primitif, nous avons cru prudent, surtout en raison du peu de matériaux 
dont nous disposions, de réduire d'emblée la période de dessiccation à 
cinq minutes: le résultat a été tout auss' nettement négatif. De même 
au bout d’une minute seulement. 

Après une dessiccation de trente secondes, les tissus sous-cuticulaires 
sont déjà déformés et comme creusés de vacuoles: l’embryon ne reprend 
d’abord qu'une très faible activité, et n'offre de mouvements serpenti- 
formes qu’au bout d’un quart d'heure; il cesse définitivement de s’agiter 
une heure plus tard. 

Enfin, il reprend immédiatement toute son activité et ne parait pas 
altéré après une dessiccalion de quinze secondes. 

Il est bien évident, d’après cela, que les chances de contagion sont 
extrèmement restreintes dans un milieu sec. 

Nous signalerons, en terminant, les différences profondes qui existent 
entre ces résultats et ceux obtenus par l’un de nous en opérant avec le 
Strongylus rufescens du mouton. Les embryons de ce ver, en effet, 
reprennent en quelques minutes leur activité primitive après trois, cinq, 
dix, quinze et vingt-trois jours de dessiccation. Un seul essai à élé 
fait au bout de deux ans : il est resté négatif. 


ACTION SUCCESSIVE, SUR L'OEIL, DES DIFFÉRENTS 
RAYONS SPEGTRAUX. 


Note de M. AuGusTiN CHARPENTIER, présentée par M. D’ARSONVAL. 


Dans de précédentes publications, j'ai été amené à donner de la percep- 
tion des couleurs une théorie basée sur une double action de la lumière 
sur la rétine, et sur ce fait que, pour l’un des deux processus en jeu, les 
divers rayons n’agiraient pas en même temps, mais subiraient un retard 
croissant avec la réfrangibilité: 

Ce retard, je ne l'avais pas encore démontré directement, mais je 


SÉANCE DU 28 MAI 487 


l'avais déduit de deux ordres de faits concordants : en premier lieu, j'ai 
démontré que pour mettre en jeu la sensibilité lumineuse, il y a une 
certaine perte de lumière que j'ai pu déterminer et qui croît des rayons 
les moins réfrangibles aux rayons les plus réfrangibles (Ac. des sciences, 
27 janvier 1879 et 8 décembre 1884). Dans des expériences d’un autre 
ordre et relatives à la persistance des impressions lumineuses, j'ai cons- 
taté pour la première excitation d’une série d’excitations successives un 
allongement apparent de la persistance qui ne peut s'expliquer que par 
un retard variant avec la couleur dans le même sens que ci-dessus, c’est- 
à-dire croissant du rouge au bleu (Soc. de Biol., 24 mars 1888). 

Une démonstration tout à fait directe de cette manière de voir peut 
être donnée d’une manière bien plus simple : lorsqu'on éclaire la fente 
d'un spectroscope avec une lumière instantanée, blanche ou un peu 
colorée, mais contenant des rayons de toutes les couleurs, on voit, en 
dirigeant l’attention dans ce sens, que l'éclair ne parait pas jaillir en 
même temps dans toute l'étendue du spectre, mais qu’il semble parcourir 
successivement avec une grande vitesse les différentes couleurs à partir 
du rouge jusqu'au violet. 

Une décharge unique d’induction suffisamment intense est la meilleure 
source de lumière à employer dans ce cas; mais on peut aussi utiliser 
des disques rotatifs à grande vitesse et portant sur fond noir un secteur 
blanc bien éclairé et ne dépassant pas 2 à 3 degrés, ou mieux un secteur 
blanc de cette étendue que l’on fait tourner au-devant d’un fond noir 
absolu (boîte tapissée de velours noir). 

Le phénomène est plus facilement visible dans la vision indirecte, en 
fixant un point hors du spectre ou bien l’une des extrémités de ce spectre, 
soit la rouge, soit la violette. L’éclair parait toujours jaillir en se précipi- 
tant du rouge au violet. 

Il est bon de ne pas fatiguer l’œil par des observations trop rap- 
prochées : l'impression est plus nette pour des excitations isolées ou au 
moins suffisamment distantes. 


Le Gérant : G. MASSON. 


Paris. — Typographie Gaston Née, 1, rue Cassette. — 6181. 


COR R 


3 


" 
" 


489 


. 


SÉANCE DU 4 JUIN 1892 


M. Gecré : Réponse à la communication de M. Chatin. — MM. J.-E. Aperous et 
P. LanaLors : Toxicité de l'extrait alcoolique du muscle de grenouilles privées de 
capsules surrénales, — M. Ricuer : Note sur la mensuration de l'épaisseur du pan- 
nicule adipeux sous-cutané. — MM. les Drs Azezais et n’Astros : Les artères nour- 
ricières des noyaux du moteur oculaire commun et du pathétique. -— M. Cn. F£Ré : 
Note sur l'influence des maladies infectieuses sur la marche de l’épilepsie. — 
MM. Arnaup et CHARRIN : Sécrétions microbiennes, à propos de la note de M. Gui- 
nochet. — MM. L. Larrcque et A. Marsec : Action de l’iodure de strontium sur la 
circulation. 


Présidence de M. Chauveau. 


RÉPONSE A LA COMMUNICATION DE M. CHATIN, 


par M. GELLÉ. 


J'ai lu la communication faite par notre collègue M. Chatin à la 
Société philomathique. Dans ce travail, il n’est question absolument que 
du rôle primaire que l’auteur revendique pour les cellules ciliées dans la 
fonction auditive, à l'exclusion des fibres de la membrane striée, du 
célèbre clavier d'Helmoltz. 

Or, tout autre est l’objet de ma revendication de priorité. 

Je ne m'occupe que de la propagation des ondes sonores de la platine 
de l’étrier aux cellules auditives; et j'émets cette opinion personnelle et 
neuve, que c’est par les vibrations du liquide inclus dans le labyrinthe 
dont le courant roule sur la crête acoustique en hélice, que les cellules 
sont excitées et les nerfs impressionnés. C'est cette propagation des 
ébran!ements par l’endolymple et la périlymphe que le premier je crois 
avoir énoncée. Il est clair que l’action des cellules ciliées était admise 
tout d’abord; mais je me borne à marquer le rôle du liquide dans la 
transmission des ondes sonores et dans l’excitation des cellules auditives. 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9° SÉR!'E, T, 1V. 21 


490 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


— 


ToXxICITÉ DE L'EXTRAIT ALCOOLIQUE 
DU MUSCLE DE GRENOUILLES PRIVÉES DE CAPSULES SURRÉNALES, 


par MM. J.-E. Aperous et P. LanGLots. 

Continuant nos recherches sur les fonctions des capsules surrénales, 
nous avons cherché si les substances toxiques dont nous avions reconnu 
l’existence dans le sang des animaux privés de capsules, ne se rencon- 
iraient pas dans d’autres parties de l'organisme et notamment dans le 
tissu musculaire. 

L’extrait alcoolique de muscle de grenouille normale évaporé à siccité, 
puis redissous dans une solution du sérum arlificiel, injecté à une gre- 
nouille acapsulée n’a produit aucun trouble appréciable (extrait prove- 
nant de 40 grammes de muscles, redissous dans 10 centimètres cubes de 
sérum), même quand nous avons injecté 6 et 8 centimètres cubes. 
L’extrait fait dans les mêmes conditions, mais provenant de grenouilles 
mortes à la suite de la destruction des capsules, injecté à la dose de 
& centimètres cubes, à des grenouilles opérées récemment de leurs 
capsules, détermine chez ces animaux le syndrome signalé par nous, 
chez les grenouilles qui meurent par auto-intoxication à la suite de la 
destruction de leurs capsules: parésie des membres aboutissant à la 
paralysie généralisée et à la mort. Signalons toutefois une exagéralion au 
début des mouvements respiratoires, qui constitue une véritable polypnée. 
Nous avons également étudié l'extrait des muscles de grenouilles nor- 
males et tétanisées jusqu’à épuisement, après arrêt de la circulation. Les 
résultats obtenus ont été analogues. Quand la destruction des capsules n'a 
pas été totale, les phénomènes de paralysie sont passagers, c'est ainsi que 
sur une grenouille, qui, après avoir présenté les symptômes habituels, 
après injection de 4 centimètres cubes, s'était complètement rétablie, une 
nouvelle injection de 4 centimètre cube a déterminé immédiatement une 
nouvelle attaque de paralysie. Nous avons pu constater que cet extrait 
alcoolique ne perdail pas ses propriétés même en l'évaporant à 100 de- 
grés. 

Il nous a paru important de signaler dès maintenant l'existence dans 
le muscle, soit de grenouilles privées de capsule, soit de grenouilles téta- 
nisées jusqu'à épuisement, de substances solubles dans l'alcool, que l’on 
peut considérer par conséquent comme appartenant au groupe des 
malières extractives et qui sont toxiques pour les grenouilles privées de 
capsules surrénales. 


(Travail du laboratoire de Physiologie de la Faculté de médecine.) 


SÉANCE DU À JUIN 491 


NoTe 
SUR LA MENSURATION DE L'ÉPAISSEUR DU PANNICULE ADIPEUX SOUS-CUTANÉ, 


par M. Pau Ricuer. 

Dans mes recherches sur la morphologie humaine, j'ai été conduit à 
attribuer un rôle important au pannicule adipeux qui double le tégu- 
ment. La graisse, en effet, n’est point élendue en couche uniforme à la face 
profonde de la peau. Elle s’accumule de préférence en certains points où 
par sa constance et son abondance relative, même chez les maigres, elle 
acquiert une sorte d'autonomie et entre comme facteur principal dans la 
conformation exlérieure de la région. Il me suffira de citer à ütre 
d'exemple, la région des fesses en particulier chez la femme, ainsi que la 
région latérale externe et supérieure de la cuisse, la région des lombes, 
la région pectorale. J'ai traité d’ailleurs celte question avec détails dans 
mon « Anatomie arlhistique ». 

Pour apprécier aussi exactement que possible les différences d’épais- 
seur du pannieule adipeux suivant les régions sur le vivant, j'ai fait con- 
struire un instrument que je demande la permission de présenter à la 
Société, pensant qu'il pourrait être utile à d’autres observateurs, dans les 
cas, par exemple, de troubles trophiques localisés avec épaississement de 
la couche graisseuse sous-cutanée. 

Cet instrument est une sorte de compas d'épaisseur et son application 
repose sur les données suivantes. L'on sait que le pannicule adipeux 
est intimement uni à la face profonde de la peau, et qu’il glisse au con- 
traire sur les parties situées au-dessous de Jui. Lorsque la peau glisse sar 
les parties profondes, elle entraîne avec elle la graisse qui la double, el le 
glissement s'opère non à la face de la peau, mais au-dessous du panni- 
cule adipeux dans le fascia superficialis. Lorsqu'on fait un pli à la peau 
en la pincant largement, l'épaisseur de ce pli varie donc en raison 
directe de l'épaisseur du pannicule quila double. En mesurant l'épais- 
_seur de ces replis et en divisant par moitié les chiffres obtenus, on a 
l'épaisseur du pannicule adipeux y compris, bien entendu, celle de la 
peau. Mais comme les variations de la peau elle-même sont relativement 
fort minimes, on peut, sans trop s’écarter de la vérité, la considérer 
comme une quantité constante, et mettre sur le compte du pannieule 
adipeux sous-cutané, les varialions observées dans les chiffres. Il est bien 
entendu que ce procédé ne peut être employé que sur les parties mobiles 
de la peau qui sont d'ailleurs les plus étendues. 

Des mensuralions faites sur une vingtaine de sujets dont aucun ne pré- 
sentait d'embonpoint, nous ont donné les résultats suivants. 

Le pannicule adipeux est très mince au dos de la main, du pied, au 
niveau des clavicules (4 à 2? millimètres); c’est sur le torse qu'il est le plus: 


492 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


épais et il y est répandu inégalement. Le maximum d'épaisseur est aux 
fesses (1 centimètre à 3 centimètres); puis vient la partie postérieure du 
flanc (8 millimètres à 4 cent. 1/2), puis la région mammaire, dans sa 
moilié inférieure, aux environs du mamelon (6 millimètre à 1 cent. 4/2). 
À l'abdomen, il est plus abondant au-dessus qu'au-dessous de l’ombilic 
(6 millimètres au-dessus, 4 millimètres au-dessous). Au cou, son épais- 
seur est en arrière, à la nuque, environ double de ce qu'elle est en avant, 
au niveau de la pomme d'Adam. Aux membres, il diminue d'épaisseur de 
haut en bas. Au bras, il est plus épais en arrière qu'en avant. Au membre 
inférieur, la différence est notable entre la cuisse et la jambe, de même 
qu'entre le haut et le bas de la jambe, où il acquiert son minimum 
d'épaisseur. 


LES ARTÈRES NOURRICIÈRES DES NOYAUX DU MOTEUR OCULAIRE COMMUN 
ET DU PATHÉTIQUE, 


par MM. les D'° ALezais et D’ASTROS. 
(Note présentée par M. E. Gleu.) 


Dans une précédente note sur la circulation artérielle du pédoncule 
cérébral, nous avons divisé en cinq groupes les artères du pédoncule. 

Au premier groupe, artères pédonculaires internes, la plupart destinées 
à la partie interne de l'étage inférieur du pédoncule, nous avons rattaché, 
d’une part, les artères optiques internes, qui ne sont que de passage, 
d'autre part l'artère radiculaire de l’oculo-moteur commun de Duret. 

Les artères nourricières des royaux de ce nerf nous paraissent mériter 
une description plus détaillée au point de vue de leur origine, de leur 
trajet et de leur terminaison. 

Duret indique le tronc basilaire comme l'origine de l'artère radiculaire 
de l'oculo-moteur commun. Nous avons déjà signalé que cette artère 
naissait de la cérébrale postérieure. Nos nouvelles injections nous ont 
toujours montré que les artères de la troisième paire et de ses noyaux 
venaient de la cérébrale postérieure et non du tronc basilaire. 

Nous sommes amenés à conclure que la disposition indiquée par Duret 
est au moins exceptionnelle. 

Du tronc de la cérébrale postérieure, peu après son origine, naissent 
en dedans de l'émergence du moteur oculaire commun, une ou plusieurs 
artérioles qui pénètrent dans le pédoncule en dedans du nerf. 

Dans leur {rajét extra-pédonculaire, elles fournissent des ramuscules 
qui se portent sur le nerf au-dessous de son origine apparente, et lui sont 
destinées. 


SÉANCE DU À JUIN 493 


Quant à leur trajet intra-pédonculaire, on le suit facilement sur une 
coupe médiane du mésocéphale. Ces artères remontent dans la partie 
interne du pédoncule cérébral, près de la ligne médiane, en suivant 
la direction générale des fibres intra-pédonculaires du nerf de la 
troisième paire. Au nombre de six à sept, après subdivision des troncs 
principaux, elles divergent en éventail dans le plan sagittal, les anté- 
rieures horizontales, les moyennes verticales, les postérieures obliques 
en haut et en arrière. 

Ces artérioles dont le calibre est très notable, se portent à cette longue 
série de noyaux gris, silués sous la partie postérieure du plancher du 
troisième ventricule et au-dessous de l’aqueduc de Sylvius, et que les 
auteurs récents décrivent comme les centres distincts des fibres de la 
troisième paire. 

Les artérioles les plus antérieures viennent se terminer dans les noyaux 
du plancher du troisième ventricule qui président à l’accommodation et 
aux fonctions de l'iris, jusqu’au voisinage des tubercules mamillaires. 

Parmi elles, se trouve l'artère optique interne postérieure, qui, tantôt 
naît de la cérébrale postérieure par une origine indépendante, tantôt 
n’est qu'une branche du groupe que nous étudions, et fournit, avant de 
pénétrer dans la couche optique, à l’un de ces noyaux antérieurs. 

Les artérioles moyennes et postérieures se rendent successivement aux 
divers centres des muscles de l’œil innervés par l’oculo-moteur commun. 

Plus en arrière, se trouve une artériole, à peu près du même calibre 
que les précédentes, qui se porte obliquement en haut et en arrière, 
pour aboutir au-dessous du tubercule quadrijumeau postérieur à cette 
région du plancher de l’aqueduc de Sylvius, qui, d'après les auteurs, 
correspond au noyau du pathétique. 

Ces diverses artères, dans leur portion intra-pédonculaire et rayon- 
nante, ne présentent entre elles aucune anastomose : ce n’est qu’à leur 
terminaison, qu’elles se ramifient dans un espace restreint. 

Tel est, dans son ensemble, le système des artères nourricières du 
moteur oculaire commun et du pathétique. 

Par la fixité de leur origine sur la première partie de la cérébrale 
postérieure, par leur trajet et leur terminaison, ces artères se distinguent 
nettement, dans le groupe des artères pédonculaires internes, de celles 
qui s’épuisent dans l’étage inférieur du pédoncule. 

D'autre part, elles constituent un système absolument indénendant des 
autres artères pédonculaires, notamment des pédonculaires supérieures, 
et sont l’unique source artérielle des noyaux gris de l'oculo-moteur com- 
mun et du pathétique. 


494 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


NOTE SUR L'INFLUENCE DES MALADIES INFECTIEUSES 
SUR LA MARCHE DE L'ÉPILEPSIE, 


par M. Cu. FÉRÉ. 


C'est une nolion très ancienne que l'épilepsie est influencée par les 
maladies intercurrentes, et en particulier par les maladies infectieuses; 
quaterna epilepsiæ vindex est une observation qui remonte à l’époque 
hippocratique. Cette influence des maladies infectieuses sur l’épilepsie est 
signalée par un grand nombre d'auteurs, el elle lient une grande place 
dans les monographies qui traitent des maladies intercurrentes chez les 
épileptiques (1). 

Cette influence est d’ailleurs très variable : tantôt elle détermine 
pendant sa durée une diminulion ou une suspension du nombre des 
attaques; tantôt elle produit une suspension ou une diminution qui 
se prolonge après la guérison de la maladie pendant un temps plus ou 
moins long. Cette action peut s’exercer aussi bien sur l’épilepsie psychique 
que sur l'épilepsie convulsive (Gray), aussi bien dans l’épilepsie hémiplé- 
gique que dans l'épilepsie générale : un hémiplégique à attaques par- 
tielles a été dans mon service pendant sept mois sans accès à la suite 
d’une pneumonie. 

Mais cette action suspensive n’est pas la règle; il s'en faut que l'ancien 
adage : Spasmos febris solvit, soit l'expression d’une loi dans le cas parli- 
culier de l’épilepsie : souvent les épileptiques ont des attaques au cours 
de maladies infectieuses, j'en puis citer quelques exemples pour la pneu- 
monie, l’érysipèle, et chez quelques-uns les attaques deviennent plus fré- 
quentes dans la suite. D'autre part, il n’est pas rare que l’épilepsie soit 
éveillée par une maladie infectieuse (pneumonie, puerpéralité, ete.). 

Aujourd'hui, les effets des maladies infectieuses comme, du reste, des 
autres maladies aiguës, sont assez incertains pour qu'il soit impossible 
d’en tirer un élément du pronostic de l’épilepsie. 

Parmi les maladies qui ont Le plus souvent déterminé la suspension des 
accès, il faut citer la fièvre typhoïde, l’érysipèle, la variole, la rou- 
geole, etc.; mais le même effet s’est produit à la suile de brülures éten- 
dues, de suppuralions prolongées, d'éruptions cutanées, de lésions 
traumatiques dans lesquelles la part de l'infection n'est pas nettement 
établie. 


On a signalé la suspension d'accès d'épilepsie à la suite d’affections 


(1) Séglas. De l'influence des maladies intereurrentes sur la marche de 
l’épilepsie. Th. Paris, 1881. — Quériaud. De l’épilepsie idiopathique, ses 
modifications sous l'influence des maladies intercurrentes, etc. Th. Bordeaux, 
1884. 


SÉANCE DU 4 JUIN 495 


extrémement bénignes, comme un abcès dentaire (Wilks), et c'est juste- 
ment sur des faits de ce genre que je veux appeler l'attention. Dans ces 
dernières années, j'ai fait un grand nombre de vaccinations Jennériennes 
et de revaccinations dans un but expérimental chez des épileptiques : 
dans quarante-deux cas seulement il s’est produit une franche éruption 
vaccinale. Chez trois de ces malades qui avaient auparavant eu plusieurs 
accès par semaine, il s’est produit une suspension de trois semaines, 
de six semaines el de deux mois ; chez deux autres, il y a eu au contraire 
une recrudescence très manifeste. Dans les autres, la vaccine ne parait 
avoir eu aucune action. Celte différence ne doit pas étonner, l’épilepsie 
est un symptôme, qui peut être provoqué par une infinité de conditions 
physiques, et qui ne peut guère être soumis aux mêmes influences dans 
des cas dissemblables. 

Les quelques faits favorables auxquels j'ai fait allusion sont-ils capa- 
bles de légitimer la provocation de maladies inlercurrentes? De tout temps 
les médecins ont répondu affirmativement, en provoquant des éruptions 
artificielles, des suppurations, etc. Au commencement du siècle, on a 
même inoculé la gale, et avec succès, soi-disant. 

Mais les chances à peu près aussi grandes d’aggravation que d’amélio- 
ration doivent faire réserver ce genre d'intervention aux cas graves qui 
n'ont rien à perdre. 

La réserve se recommande encore par un autre fait : les lésions du sys- 
tème nerveux qui se développent au cours ou à la suite des maladies 
se montrent surtout, d’aucuns diraient même exclusivement, chez des 
sujets doués d’une prédisposilion spéciale, appartenant à un titre quel- 
conque à la famille névropathique ; ces effets peuvent être redoutés à bon 
droit chez des névropathes officiels comme les épileptiques. Les craintes 
me paraissent encore plus justifiées lorsqu'il s’agit d’un-agent infectieux 
qui paraît avoir. une prédilection marquée pour:les éléments nerveux. 
M. Grancher a déjà fait remarquer que l’alcoolisme, le‘ nervosisme et 
l’épilepsie sont des conditions défavorables au traitement antirabique (1). 


SÉCRÉTIONS MICROBIENNES. — LEUR FORMATION. 
A PROPOS DE LA NOTE DE M. GuiNocuET (2), 


par MM. ARNAUD ET CHARRIN. 


Dans la précédente séance, M. Straus a présenté, au nom de M. Gui- 
nochet, pharmacien en chef de la Charité, un travail intitulé: « Gontri- 
bution à l'étude de la toxine du bacille de la diphtérie. » 


(1) Bull. Acad. méd., 1887, p. 31. 
(2) V. Soc. biologie, 28 mai 1892. 


496 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Dans ce travail, l’auteur, entre autres choses, se préoccupe de la 
nature chimique (alcaloïdes, toxalbumines, diastases, nucléines, etc.), des 
substances d’origine bactérienne, du mécanisme de leur formation. À ce 
sujet, il se demande si ce sont des produits de décomposition de matières 
albuminoïdes, ayant servi d’aliment au microbe; ou, si, au contraire, les 
agents pathogènes possèdent la faculté de les fabriquer, par un proces- 
sus synthétique, à l’aide de corps plus simples. 

Pour éclaircir la question, M. Guinochet s’est adressé au bacille de 
Lôffler, bacille qui passe pour donner naissance à une albumine toxique. 
Il a cultivé ce germe dans une urine dépourvue de principes albumi- 
noïdes (1). Puis, il a constaté que l'injection de cette urine, après 
pullulation du ferment figuré, provoquait, chez le cobaye, des accidents 
analogues à ceux qui surviennent, lorsqu'on introduit, chez le même 
animal, la même culture faite dans du bouillon de bœuf vu de veau; il 
n’y a de différence que dans l'intensité. — Ajoutons que les liquides 
sont utilisés après avoir été privés de bactéries par filtration à la bougie 
Chamberland. 

Cette nole nous amène à rappeler que, dès le 6 avril et 19 mai 1891, 
nous avions procédé, M. Arnaud et moi, à des études qui conduisent à 
des conclusions sensiblement identiques. 

Le bouillon de bœuf est un milieu dont la complexité rend difficiles 
les observations relatives aux modifications qu’un microbe est capable 
d'imprimer à {a malière organique. Aussi, avons-nous eu recours, afin 
de simplifier les recherches, à un liquide de culture de composition chi- 
mique précise, déterminée, renfermant les principes introduits par nous, 
et rien autre. Voici, du reste, la constitution de ce liquide : 


POI KA none tn dense 11010041 da CRD ele stone dem 0) 

PONT HE ELA QUE. DOM SOA 0000 

COR M 00/13: AS parasine CSS 15000 
Eau q. s. pour un litre. 


C'est, dans ce milieu, que nous avons étudié les changements qui 
surviennent, du côté des éléments préexistants, lorsque le bacille 
pyocyanogène s’y multiplie, à son aise, au voisinage de 30 degrés. 

Plusieurs substances s’y forment. On y décèle les produits habituels du 
mouvement nutritif (acide carbonique, bicarbonate d'ammoniaque, qu’il 
faut artificiellement transformer en oxalate, si on veut le conserver plus 
facilement, pyocyanine, etc.). 


(1) Le bacille de la diphtérie cultive plus aisément dans l'urine que dans la 
plupart des milieux artificiels pauvres en matières organiques, d’après 
M. Guinochet (communication orale). Cette particularité explique, en partie, 
le choix de l’auteur. 


SÉANCE DU À JUIN 497 


A côté de ces corps, il en est d’autres, moins abondants, dont la con- 
naissance exacte est rendue singulièrement malaisée par la faiblesse du 
rendement; aussi, a-t-il été impossible, pour cette raison, de les analyser, 
d'établir leur formule; un litre de culture en fournit quelques centi- 
grammes. Pourtant, leur intérêt physiologique est considérable; ce sont 
eux surtout qui agissent sur l'animal. 

En tentant quelques groupements, nous avons vu que, parmi ces prin- 
cipes, ceux qui influencent le plus l’économie, ceux qui, suivant les doses, 
suivant la technique, fprovoquent la vaccination, la fièvre, la diarrhée, 
Palbuminurie, etc., sont insolubles dans l’alcool; en outre, ia chaleur 
atténue leur toxicité. 

Ces caractères, assurément, sont rudimentaires; personne n’a à nous 
apprendre les lacunes de ces recherches; nous ne les ignorons pas; nous 
en avons exposé les causes. Toutefois, nous noterons que la plupart des 
auteurs ne sont pas allés plus loin. M. Guinochet, en particulier, s’est 
borné à expérimenter sur le cobaye; c'est également ce que nous avons 
exécuté, en utilisant le lapin. Nous avons fait plus, en démontrant 
l'existence de matières, les unes solubles, les autres insolubles dans 
l'alcool, tandis que d’autres sont volatiles. 

Nous estimons même avoir dépassé ces limites, en mettant en évidence, 
d’une façon indéniable, une diastase, corps que l’on peut rattacher, jus- 
qu'à preuve du contraire, aux albuminoïdes. Grâce à elle, nous avons 
réussi à dédoubler l’asparagine, à obtenir de l'acide aspartique ; ce dédou- 
blement a eu lieu, conformément à la formule connue (1), en l’absence 
de toute intervention vitale dérivant du bacille; d’une part, en effet, le 
phénomène s’est passé en présence du chloroforme ; d’autre part, aucune 
trace d'ammoniaque, indice inévitable de la nut“iltion du germe, ne s’est 
dégagée. 

IL y a donc bien là production de substances albuminoïdes, substances 

qui ne préexistaient pas, qui sont nées par suite de la pullulation d’un 
ferment figuré, au sein d’un bouillon privé d’albumines. 
- Si nous savons, très exactement, ce que renferme notre liquide, attendu 
qu'il n'y a que les éléments volontairement introduits par nous, peut-on 
en dire autant de l'urine? Qui donc oserait soutenir que nous n’ignorons 
aucune des parties de cette humeur? 

La sécrétion rénale, à l'exemple de la plupart des sécrétions organiques, 
est éminemment complexe. Senator va jusqu’à soutenir que, normale- 
ment, l’albumine est présente; nos constatations sont vaines, parce que 
nos techniques les meilleures sont impuissantes. 

Une chose impossible à nier, c’est que, sans parler des matières exlrac- 
tives, certains composés, tels que la mucine, les ferments solubles, etc., 
sont infiniment plus voisins du groupe des albuminoïdes, considérés en 


(4) Voir Acad. sciences. 


498 SOCIËTÉ DE BIOLOGIE 


général, que l'asparagine. En outre, combien rares sont les dépôts 
urinaires dépourvus de cellules épithéliales, dont le protoplasma contient 
des granulalions albumineuses, granulations qui pourront servir d’ali- 
ments aux bactéries, être transformées par elles (1). 

M. Guinochet, s’efforcant de déceler dans la culture, la toxalbumine, 
n’y parvient pas. Cependant, il garde une sage réserve; il suppose que 
les moyens à sa disposition ne sont point assez sensibles. 

Mais, alors, puisque ces moyens sont incapables de mettre en évidence 
ces productions albumineuses, comment feront-ils donc pour acquérir 
soudain cette propriété, autrement dit, sur quels procédés s’appuiera l’au- 
teur, en vue de pouvoir affirmer que l'urine employée est indemne d’albu- 
mine? On voit que les objections ne manquent point. Néanmoins, passons 
outre ; supposons que le bouillon choisi est réellement privé de ces prin- 
cipes albuminoïdes. Malgré tout cela, la conclusion de M. Guinochet est 
loin d’être inattaquable ; nous allons en donner la raison, raison qui 
nous a jadis empêché de tirer prématurément la déduction en ce moment 
discutée. 

À la minute où on dépose le bacille dans le liquide, urine ou solution 
à l’asparagine (2), peu importe, ce liquide ne renferme pas d’albu- 
mines; soit. Or, qu'est-ce qu’an microbe, au point de vue chimique? C'est, 
partiellement du moins, une petite masse à granulations albumineuses, 
tout comme les cellules dont nous avons parlé. Donc ces granulations 
seront très abondantes, au bout de quelques heures, car, si le terrain est 
favorable, la multiplication s'opère avec une surprenante rapidité. Qui 
prouvera que la Loxine ne provient pas de ces granulations, elles-mêmes, 
il est vrai, nées en l'absence de ces albumines. Lorsqu'on colore les 
êtres en pleine évolution, dans une culture, tous n’ont pas un aspecl 
unique, tous ne fixent pas uniformément les matières d’aniline ; çà et là 
se distinguent des espaces clairs, des zones réfringentes. Ces apparences 
éveillent l’idée de germes en dégénérescence. Dès lors, pourquoi leurs 
cadavres ne seraient-ils pas utilisés par ceux qui sont en possession de 
leur entière vitalité. — JL y a une série de considérations que nous pour- 
rions développer à l'infini; mais nous désirons nous limiter. 

Si nous sommes intervenus dans cette question, c’est parce que nous 
estimons que les recherches publiées par nous, le 6 avril etle 19 rai 1891, 
à l'Académie des sciences, plus tard, dans le Traité de Médecine (3), éta- 
blissaient, comme elles l’établissent encore (4), que le bacille pyocya- 


(4) Il faul avoir soin, comme l’a fait M. Guinochet, de filtrer à la bougie 
pour se débarrasser de ces éléments. 

(2) Ces recherches ont été poursuivies dans des milieux à la gélatine, etc. 
1 (3) Traité de médecine de MM. Charcot et Bouchard, {°° volume, pages 195, . 
194, 195, etc. 

(4) D'autres germes pullulent, sécrètent, dans des milieux non albumineux; 
notre fait est loin d’être isolé. 


SÉANCE DU # JUIN 499 


nogène, en vivant dans un milieu dépourvu, à l’origine, de substances 
albuminoïdes, provoque, dans ce milieu, l’apparilion de corps actifs, qui 
offrent certains caractères des albumines ; ce bacille détermine, en parti- 
culier, la formation d’une diastase. 

Rappelons, en terminant que, dans ce genre de travaux, le meilleur est 
d’user de bouillons aussi simples que possible, composés à la guise de 
l'expérimentateur, qui, dès lors, connaîtra, d'une façon précise, tous leurs 
éléments constitutifs. La complexité des humeurs de l’économie, en dehors 
de circonstances spéciales, doit les faire éliminer (1). 


ACTION DE L'IODURE DE STRONTIUM SUR LA CIRCULATION, 


par MM. L. LaricQuE et A. MALBEC. 


Nous avons étudié l’action de l’iodure de strontium sur la cireulation 
de la même manière que l’un de nous avait étudié, en 1889, avec M. G. Sée, 
l’action des iodures de potassium et de sodium. ; 

Nous ävons opéré sur des chiens qui avaient recu la dose de curare 
juste suffisante pour paralyser leurs muscles volontaires et qui étaient 
soumis à la respiration artificielle. Un manomètre inscripteur de François- 
Franck était mis en relation avec le bout central d'une carotide, et le 
tracé était pris d’une façon continue pendant une heure ou davantage sur 
l’enregistreur de Marey à deux cylindres et à papier sans fin. 

Nous avons employé un iodure de strontium cristallisé, qui contenait, 
d'après une analyse que nous en avons faite, 0,513 d’iode (la formule 
Sr I + 6 Aq exigerait 0,566). La solution était faite à 1 partie du sel 
cristallisé pour 10 d'eau et elle était injectée dans la saphène par 5 cen- 
timètres cubes à la fois. On peut résumer de la façon suivante le résultat 
de nos expériences : 

Immédiatement à la suite de chaque injection, mais d’une façon irré- 
gulière, c’est-à-dire à des degrés très divers pour des injections égales, 
sans que l’on puisse saisir la raison de ces différences d'intensité, on voit 
se produire une élévation considérable de la pression avec ralentissement 
du cœur. Cette action est l’effet du strontium, comme le montre la com- 
paraison avec l’action du chlorure de strontium. Plus lard (dans une de 
nos expériences, trente-cinq minutes après la dernière injection) si la 
dose a été suffisante (dans la même expérience, 46 centigrammes de sel 
cristallisé — 24 centigrammes d'iode par kilogramme d'animal), on voit 
la pression tomber aux deux tiers de sa valeur primilive, avec un cœur 
faible et rapide. 


(1) M. Grimaux fournit des arguments à l'appui de la thèse, soutenue par 
MM. Arnaud et Charrin, 


500 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


à 


En somme, l'action de l'iodure de strontium est très analogue à celle 
de l'iodure de potassium, telle que l'ont décrite MM. G. Sée et Lapicque. 
L'iode agit de la même façon combiné au strontium que combiné à un 
métal alcalin ; en outre, le strontium manifeste d’abord une action qui lui 
est propre, comme le fait le potassium de l'iodure de potassium. Mais on 
retrouve dans les phénomènes circulatoires des différences caractéristiques 
entre les propriétés physiologiques de ces deux métaux, comme on devait 
s’y attendre d'après la comparaison d'ensemble qu’en a faite M. Laborde. 
Pour le détail de ces différences, nous renverrons à la thèse que l’un de 
nous a soutenue cette semaine devant la Faculté de médecine de Paris. 


Le Gérant : G. MASSON. 


© —— —— 


Paris. — Typographie Gaston Née, 1, rue Cassette. — 6522. 


901 


SÉANCE DU {I JUIN 1892 


M. Deroux : Observation d’ataxie locomotrice traitée au moyen du suc testiculaire. 
— M. Brown-Séquarp : Influence curative du liquide testiculaire dans l’ataxie 
locomotrice. — MM. CLauprus Nourryx et Cn. Micnez : lmmunisation contre la 
tuberculose par les injections sous-cutanées du liquide testiculaire. — M. BRow\N- 
SéquARD : Remarques sur la communication précédente. — M. G. Marmesco : De 
la destruction de la glande pituitaire chez le chat. — M. Turrrer : Note sur la sté- 
rilité de certaines suppurations rénales. — MM. Cu. Féré, L. Hergert et K. PEYROT : 
Note sur l'accumulation et l'élimination du bromure de strontium. — M. G. Pou- 
cer : Sur la formation du pigment mélanique. — M. G. Poucuer : De la couleur 
des préparations anatomiques conservées dans l'alcool. — M. J.-B. Cnarcor : 
Sur un appareil desliné à évoquer les images motrices graphiques chez les sujets 
atteints de cécité verbale; application à la démonstration d'un centre moteur 
graphique fonctionnellement distinct (Mémoires). — M. le D' D.-M. OusPEensky : 
Action exercée par l’émulsion testiculaire sur l'évolution de la tuberculose. — 
M. H. BeaureGanrp : Note sur le rôle de l'appareil de Corti dans l’audition. — 
M. ALcine Tree (d'Alger) : Sur les corps flagellés et les flagella du sang. — 
M. Rocer : Extirpation totale du foie chez la grenouille; durée de la survie à la 


suite de cette opération. — M. le Dr Dewèvre : Note sur la contracture plantaire 
produite par le surmenage. — Au. CHARPENTIER : Isolement des couleurs dans 
la lumière blanche par leur action successive. — M. L. LapicouE : Action com- 


parée des iodures alcalins et alcalino-terreux. Action des iodures sur le cœur. 


Présidence de M. Chauveau. 


CORRESPONDANCE IMPRIMÉE. 


Envoi de M. le professeur NepPveu (de Marseille) d’une note avec plan- 
ches sur la Pathogénie du cancer. 


OBSERVATION D ATAXIE LOCOMOTRICE 
TRAITÉE AU MOYEN DU SUC TESTICULAIRE, 


par M. Deroux. 


(Communication faite dans la séance du & juin 1892.) 


M. M..., adjudant dans un régiment de cavalerie, se présente à moi le 
6 août 1891. IL est sorli deux jours auparavant de l'hôpital militaire du 
Val-de-Grâce où il était traité par M. le professeur Laveran qui avait 
diagnostiqué l’ataxie locomotrice. Ce malade est envoyé en congé de con- 
valescence pour deux mois. 

- Antécédents hérédilaires. — Père et mère vivants et bien portants. Trois 
frères et une sœur, tous vivants et bien portants. Aucune trace d’hérédité 
au point de vue nerveux. 

Antécédents personnels. — En 1885, le malade contracte un chancre 
qui siège à la partie supérieure du prépuce. Deux mois après l’appari- 
tion de cet accident, la roséole se déclare. Elle est peu abondante, n'oc- 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9° SÉRIE, T. IV. 22 


502 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


cupe que la partie antérieure du tronc et ne dure qu’un mois environ. 
En même temps le malade perd un peu les cheveux au niveau des 
tempes, et des plaques muqueuses apparaissent à la bouche et à l’anus. 

Ce malade est traité à ce moment au moyen des pilules de protoiodure 
de mercure et de l’iodure de potassium. Aw bout de quatre mois de ce 
traitement, il apparaît une fistule à l'anus sur laquelle on pratique la sec- 
tion progressive au moyen d’un fil en caoutchouc. A partir de ce moment 
jusqu’en 1890 le traitement antisyphilitique est repris mollement et à de 
rares intervalles. 

En juin 1890, le malade éprouve des douleurs rectales, quoique la fistule 
soit complètement guérie. El compare ces douleurs à un broiïement de la 
partie ; elles lui rappellent les douleurs qu'il ressentait après une cauté- 
risalion au nitraté d'argent qu'on lui faisait en pansant sa fistule. La 
durée de ces douleurs, si vives qu'elles le forçaient à se rouler sur le 
plancher, était de dix à trente minutes. Ces douleurs apparaïssaïen 
surtout après les garde-robes. Le malade dit que plus il était constipé, 
plus les douleurs étaient vives. Néanmoins elles apparaissaient quel- 
quefois en dehors de la défécation. 

Le 10 octobre de la même année (1890) survient le ptosis de la pau- 
pière de l’œil droit. La vue s’affaiblit, le malade voit double. Le 20 du 
même mois il entre au Val-de-Grâce dans le service d'opthalmologie. En 
outre du ptosis, on constate une déviation en haut et en dehors de l'œil 
droit, de l’astigmatisme de l'œil gauche qui était, selon le malade, anté- 
rieur à sa maladie syphilitique. 

Le D' Nimier, médecin traitant, prescrit Piodure de potassium jusqu’ à l& 
dose onto de 12 grammes et deux séries de vingt-cinq frictions 
mercurielles. On fait aussi des applications de courant continu sur le 
globe oculaire et de courants faradiques sur le releveur de la paupière 
droile supérieure. Presque au début de ce traitement, apparaissent des 
crampes d'estomac qui ne sont pas du tout améliorées par l’administra- 
tion de la strychnine et le régime lacté. 

Le malade sort de l'hôpital le 8 janvier 1891. Au mois d'avril de cette 
même année le malade s'aperçoit qu’il a les jambes raides, qu’il marche 
mal, qu’il est rapidement fatigué, qu'il éprouve des douleurs dans les 
mollets, douleurs qu’il compare à celles produites par une piqûre où une 
étincelle électrique. Les jambes fléchissent. Cependant ce militaire monte 
encore à cheval et fait son service. L'incoordination commence. 

Le malade entre de nouveau à l'hôpital militaire du Val-de-Gràce, 
dans le service du D’ Laveran, le 21 mai 1891. Le diagnostic ataxie loco- 
motrice est porté. Le malade a été soumis au traitement par l’iodure de 
potassium, les frictions mercurielles et les douches. Il quitte l'hôpital Le 
k août suivant et deux jours plus tard vient réclamer nos soins. 

- Etat du malade, e 6 août 1892, au moment où j'ai commencé à le soi- 
gner à l’aide des ir jections de liquide testiculaire : 


SÉANCE DU 414 JUIN 503 


4° Système nerveux : Mouvements. — Le malade se fatigue très vite 
en marchant. Quand il monte les escaliers, les jambes fléchissent et 
des palpitations surviennent. Le malade se balance en marchant; il pré- 
cipile le pas; il frappe le sol du talon et projette les pieds en avant et 
en dehors. Il ne sent pas la différence des corps sur lesquels il marche 
et il a sous les pieds la sensation d’un tapis d'ouate uniforme. Les yeux 
ouverts ou fermés, il ne peut pas se tenir debout sur une jambe. Sur les 
deux jambes, il ne peut essayer de se tenir debout sans que le haut de 
son corps exécute un mouvement d'avant en arrière et vice versa, c'est-à- 
dire qu'il chancelle. En outre, il y a plus que de lincoordination des 
mouvements, il y a faiblesse musculaire. 

9 Sensibilité. — Les membres inférieurs sont insensibles, surtout à l& 
partie interne, au niveau du mollet et du genou. Les réflexes rotuliens 
sont abolis. Lorsqu'il est couché sur le dos, les deux jambes pliées, elles 
tombent sur le lit sans que le malade s’en aperçcoive. C'est ce qui 
explique pourquoi cet adjudant ne peut plus se tenir en selle. Après 
avoir marché quelques minutes, il lui semble que les mollets sont entlés. 

La sensibilité est normale aux membres supérieurs excepté aux mains 
et surtout à l’extrémité des doigts. Le malade éprouve dans les doigts de 
l’engourdissement et dit qu'il sent comme des cordons qui tirent sur ses 
doigts. Cette sensation se prolonge jusque sur l’avant-bras. 

Organe des sens. — Vue. — La paupière de l'œil droit est pendante. Le 
sourcil de l'œil droit est froncé pour aider à soutenir la paupière. Il y a 
à cet œil du strabisme en haut et en dehors. 

Les pupilles réagissent bien à la lumière. La pupille gauche est un peu 
aplatie dans le sens vertical. 

Ouie, Odorat, Goût. — Ces trois sens sont intacts. 

Appareil respiratoire. — Rien de particulier. 

Appareil circulatoire. — Bruit de souffle anémique. 

Appareil digestif. — Le malade mange avec appétit. Les selles ne sont 
pas régulières. El a assez souvent des douleurs au niveau de l'estomac et à 
l’anus. Ces dernières surtout sont excessivement pénibles. 

Appareil génito-urinaire. — Le malade ne souffre pas en urinant. Mais 
quelquefois il a son jet d'urine arrêlé brusquement deux ou trois fois 
dans le cours de la mietion. El urine littéralement sur ses éperons et il est 
entièrement impuissant. Les urines ne contiennent ni sucre ni albumine. 

Diagnostic. — L'examen que je viens de faire me force à me ranger à 
l'opinion de M. le professeur Laveran. Pour moi, comme pour lui, l’adju- 
dant M... est ataxique. 


Traitement par les injections sous-cutanées de suc testiculaire. 


Du 6 au 10 août, 2 centimètres cubes sont injectés chaque jour en une 
fois. 


504 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


EE 


Du 10 au 30 août, 4 centimètres cubes chaque jour en une seule fois 
aussi. 

Du 30 août au 10 septembre, 6 centimètres cubes sont injectés quoti- 
diennement. La sensibilité commence à s'améliorer. Le malade se rend un 
peu compte de la nature du sol sur lequel il marche, il se tient mieux 
debout. Le ptosis de la paupière droite a presque totalement disparu. Le 
strabisme est moins accentué. 

Du 10 au 28 septembre, j'injecte 6 centimètres cubes chaque jour. La 
sensibilité des membres inférieurs (surtout à la partie interne des genoux) 
s'améliore au point que le malade dit qu'il se sent capable de monter à 
cheval et de reprendre son service à l’expiration de son congé de conva- 
lescence. L’ataxie a notablement diminué. 

Du 28 septembre au 4 octobre, jour où cet adjudant doit rentrer à son 
régiment, le traitement est suspendu. Le malade va faire un voyage en 
Normandie. 

Du 5 octobre au 24 novembre 1891, mon client vient me voir chaque 
jour, à cheval, pour se faire soigner. Je lui injecte chaque fois 12 centi- 
mètres cubes de suc testiculaire. Il satisfait, sans être fatigué, à toutes les 
exigences de son service. De jour en jour, l’amélioration fait de si rapides 
progrès, que le 24 nozembre, il se trouve dans l’état où il est en ce mo- 
ment, et il se croit complètement guéri. 

État actuel. — Tous les symptômes que j'ai décrits ont disparu, à part 
l’absence du réflexe rotulien et le fait que lorsqu'il est ému, il titube un 
peu en marchant. M. M... fait très bien son service à son régiment, ser- 
vice qui, pourtant, est des plus pénibles. Quand il est de semaine, il 
monte parfaitement à cheval, à toutes les allures etsans étriers, etil peut, 
comme avant, aborder avec sécurité les obstacles: Sans le concours des 
étriers, rien que par la force des bras, il se met en selle sur un cheval qui 
mesure 1,65. 


Après avoir présenté le malade dont l’histoire est ci-dessus : 

M. Depoux soumet de nouveau à l'examen de la Société Le sergent- 
maître d'armes, qu’il lui a présenté le 30 mai 1891 et qui est ici présent. 
On a constaté l’année dernière, que ce militaire, réformé pour une ataxie 
locomotrice grave, avait été complètement guéri par les injections sous- 
cutanées de suc testiculaire. Non seulement, ainsi que vous pouvez le voir 
par vous-mêmes, la guérison s’esl maintenue entière, mais encore la force 
et le développement musculaire, la précision et la vitesse des mouvements 
sont des pius remarquables, il en est de même de la résistance à la fatigue. 
En un mot, la guérison complète a persisié déjà plus d’un an. 


SÉANCE DU À JUIN 505 


INFLUENCE CURATIVE DU LIQUIDE TESTICULAIRE DANS L'ATAXIE LOCOMOTRICE, 


par M. BROwN-SÉQUARD. 


Je rapporterai aujourd’hui deux faits en addition à ceux que M. Depoux 
a fait connaître à la Société. 

Le D' Gibert, un médecin très distingué du Havre, m'a adressé les 
lignes suivantes à propos d’un cas d’ataxie qu'il a traité. Voici ce qu'il 
m'écrit : 

« Il s’agit d’un ataxique de trente-trois ans. Il est marié et a présenté la 
forme classique du tabes dorsalis. Aucun des signes ne manquait au lableau. 
Au moment où le traitement a été commencé, ce malheureux ne pouvait plus 
marcher. Depuis longtemps il avait perdu toute puissance génésique. C’est 
dans cet état de misère physiologique qu'il m'a été envoyé par le D' Courbet, 
auquel j'ai conseillé l'emploi des injections de liquide testiculaire. Ge liquide, 
préparé par le D: Béchamp fils et provenant de testicules de taureau, avait 
été filtré et stérilisé. 

Le malade a été soumis à deux séries d’injections, à un mois d'intervalle 
el chacune de douze injections, dont trois par jour. Le résultat a été surpre- 
nant el si rapide que le Dr Courbet et moi n'osions pas croire à sa durée. 
Mais la guérison, au bout d'un an, se maintient. Il faut s’entendre pourtant 
sur le mot guérison. Le malade se déclare guéri, parce qu'il a repris son tra- 
vail d’ajusteur, parce qu'il marche sans canne et surtout parce qu'il court 
comme un jeune homme et enfin parce qu'il est redevenu un excellent mari. 
Mais, pour nous médecins, nous constatons : 

19 Que les réflexes rotuliens restent absolument abolis; 

20 Que les yeux bandés, la marche est encore trébuchante. 

Mais tous les autres signes ont disparu et, entre autres, les douleurs dont il 
n’a plus aucune attaque ». 


L'autre cas m’a été communiqué par le D' Ouspensky, de Saint-Péters- 
bourg. Ce praticien a traité quatre ataxiques par les injections testi- 
culaires, et trois ont été considérablement améliorés. Voici l'un de ces 
derniers cas. 


« J.-J. S..., trente-huit ans, ingénieur. La maladie était déjà caractérisée en 
1881 et depuis lors elle s’'augmenta progressivement. Le malade se plaint de 
douleurs intenses, lancinantes, se répétant fréquemment, surtout dans les 
Jambes et au tronc; il marche avec une difficulté extrême en se balançant, en 
écartant les jambes et en déjetant les pieds. Dans la rue, il lui est impossible 
de marckier sans guide, même avec une canne; il ne peut se tenir debout les 
yeux fermés. Dans l'obscurité, il se sent tout à fait misérable. Ses mains trem- 
blent. Il écrit avec peine et très mal, s’aidant.de la main gauche. Les réflexes 
tendineux font défaut. Depuis deux ans déjà, l'urine s'écoule difficilement et 
la défécation ne peut avoir lieu qu'à la suite de lavements répétés, et cela avec 
des efforts considérables. Les pupilles sont rétrécies et réagissent faiblement 
à la lumière. Les téguments des mains et des deux genoux sont peu sensibles 


506 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


aux irritations de douleur et de température. Les fonctions génitales sont très 
affaiblies. Le sommeil n'est pas bon, l'appétit à peu près nul, les forces 
décroissent; l'esprit est abattu, quoique le malade fasse beaucoup de travail 
intellectuel. Douze injections ont été pratiquées du 28 novembre 1890 au 2 jan- 
vier 1891. Après la cinquième injection, déjà le malade se sentait beaucoup 
mieux : il marchait avec moins d'hésitation, avec plus de fermeté, même dans 
la rue; il écrivait plus librement; la difficulté pendant l'émission de l’urine et 
la défécation avait complètement disparu. Du 6 mars au 20 juin ont été pra- 
tiquées encore dix-neuf injections. Leur action a complété celle des précé- 
dentes. Vers la fin du traitement, le malade marchait dans les rues où il y 
avait le plus de monde tout à fait librement, sans bâton, d'un pas ferme et 
assuré; il pouvait se tenir debout et marcher les yeux fermés; les pupilles 
sont devenues plus sensibles à la lumière, les douleurs tabétiques ont dis- 
paru complètement: les fonctions de la vessie, du rectum et des organes 
génitaux sont tout à fait normales. Le malade se plaint encore d’une certaine 
difficulté à écrire et les réflexes tendineux font encore défaut. L’'amendement 
se maintient jusqu'à présent, c’est-à-dire depuis plus de neuf mois. 


Il est bon de mettre ces deux cas d’ataxie grave, améliorés considéra- 

blement sinon guéris, en présence de ceux du D' Depoux. A part le cas 
du maître d'armes montré l'an dernier et encore la semaine dernière par 
M. Depoux, cas où la guérison a été plus parfaite que dans presque 
tous les cas dont je connais les détails, il y a eu cette remarquable par- 
ticeularité chez les autres individus (dernier cas de M. Depoux et les cas 
de M. Gibert et du D' Ouspensky) qu’ils sont restés privés du réflexe 
rotulien. L'absence de ce réflexe qui se montre de si bonne heure dans 
l’ataxie, semble être aussi le symptôme le plus persistant. 
._ Je crois devoir dire qu'aucune espèce de traitement n’a donné jusqu’iet 
autant de cas de guérison ou d'amélioration de l’ataxie locomotrice que 
les injections de liquide testiculaire. Je connais aujourd'hui trente-six cas 
où ce procédé thérapeutique a été employé. Sur ce nombre il y en a 
vingt-neuf où la guérison ou une amélioration notabie ont été obtenues. 
C'est là une énorme proportion : 80 p. 100. Il m'est impossible d'accepter 
que cette proportion n’aille pas au delà de la réalité. Je considère comme 
certain que l’on s’est empressé de me faire connaître les succès et qu'on 
ne m'a pas signalé les insuccès. Quoi qu’il en soit, on pourra voir par le 
tableau suivant, que les médecins qui ont soigné le plus d’ataxiques ont 
eu une grande proportion d'améliorations ou de guérisons. 


NOMBRE FAITS FAITS 

AUTEURS DE CAS FAVORABLES NULS 

Victoro ae eat e.iLrs rl 5) à 
Ouepensk ee re 4 3 1 
DeDOUXE MR PER 4 Le 0 
BTAMETA SES 3 3 0 
Diversité CRISE ts 18 1% 4 
Totauxs 0 EN 36 29 “ 


SÉANCE DU {1 JUIN 507 


Je ferai remarquer que tout en admettant qu'on ait négligé de me 
faire connaître les cas d'insuccès il serait difficile d'admettre qu'il n’y a 
pas une proportion énorme de cas de succès, 30, 40, 50 p. 100, si nous 
rejetons, comme je crois que nous devons le faire, la proporlion de 
80 p. 100 que donnent les chiffres ci-dessus, d'autant plus que pour les 
cas du D’ Depoux que j'ai vus, la proportion a été de 100 p. 100 (4 cas 
de guérison ou d'amélioration sur quatre cas traités). 


IMMUNISATION CONTRE LA TUBERCULOSE PAR LES INJECTIONS SOUS-CUTANÉES 
DE LIQUIDE TESTICULAIRE, 


par MM. Ccaupius Nourry et C. Micnez. 


(Communication faite dans la séance du & juin 1892;. 


Partant de ce principe que toute maladie microbienne est une lutte 
entre le microbe envahisseur et l'organisme, et de ce fait que le microbe ne 
pourra s’établir et se développer qu’autant que l’état idiosyncrasique de 
l'organisme le lui permettra, en ne réagissant pas en vertu du principe du 
moindre effort; il nous a semblé que la prophylaxie des maladies conta- 
gieuses résidait tout entière dans les moyens capables d'augmenter la 
puissance de réaction organique et non dans la chasse au microbe, 
comme la science contemporaine semble le croire. 

En un mot, ce qu’il faut, c'est communiquer à l'organisme l’immunité 
naturelle contre les agents infectieux. Bien entendu, c’est là une opinion 
particulière et nous n'en ferions pas mention si elle n’expliquait la genèse 
de nos recherches, car si elle nous semble vraie, la vérité n'appartient à 
personne, et personne ne peut avoir la prétention de la formuler. 

Poussés, donc, par ces considérations, nous cherchions quelles subs- 
tances seraient capables de réparer rapidement ce que l’applicalion 
d’une hygiène rigoureuse eût valu à l'organisme, quand nous avons songé 
à essayer le liquide testiculaire dont M. Brown-Séquard avait révélé les 
propriétés. Il nous à paru, en outre. que la tuberculose étant la maladie 
des individus dégénérés, comme l’a si bien dit le D' Leudet, les effets du 
liquide testiculaire seraient plus curieux à étudier avec cette maladie. 

Le 10 juillet 1891, nous avons commencé sur deux chiennes des injec- 
tions de liquide à la dose de 5 centigrammes, portée le lendemain à 
10 centigrammes et le surlendemain et les jours suivants jusqu’au 19 
inclus à 45 centigrammes. 

Le 9 août suivant, nous avons prélevé un morceau du poumon d’une 
vache atteinte de tuberculose généralisée au dernier degré et le 40 au 


508 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


LL 


matin, ayant réuni deux chiens témoins nous avons inoculé à l’aide de la 
seringue, aux quatre chiens, une quantité d’un centimètre cube du virus 
actif recueilli la veille. 

Le 14 août, le dos de chaque chien présentait un œdème dont il est 
sorti du pus à la pression. Cet œdème était juste au point d’inoculation. 
Les deux témoins étaient plus tristes que de coutume. Les deux autres, 
au contraire, ne présentaient aucun trouble. | 

Le 20, la tristesse des chiens témoins s’augmentait d’inappétence. Les 
autres avaient toutes les apparences de la santé. 

Le 4 septembre, l’un des chiens témoins mourait, présentant les lésions 
caractéristiques de la tuberculisation par inoculation. On le pesa. Son 
poids, qui était de 41 kil. 300 à l’origine des expériences, le 9 août, était 
tombé à 6 kil. 200. 

Le 10 septembre, l’autre témoin mourait dans les mêmes conditions. 
Son poids, qui était de 13 kil. 100, était tombé à 6 kil. 800. 

Quant aux deux chiens immunisés, ils vivent encore aujourd'hui 
1e" juin 1892. Leurs poids, qui étaient, le 10 juillet 1891, de 6 kil. 500 
et 7 kilogrammes, sont maintenant de 7 kilogrammes et de 8 kilogrammes. 

Ainsi, les injections sous-cutanées de liquide testiculaire ont donné à 
deux chiens, contre la tuberculose bovine, une immunité absolue. 


REMARQUES SUR LA COMMUNICATION PRÉCÉDENTE, 
par M. Brown-SÉQuARD. 


Tout le monde sait que le chien résiste souvent aux inoculations de 
matière tuberculeuse. Les expériences de MM. Nourry et Michel n’ont, 
conséquemment, pas toute la valeur désirable, d’autant plus qu’elles n’ont 
été faites que sur un très petit nombre de chiens. Je dois faire remarquer 
cependant que la quantité de matière tuberculeuse inoculée a été assez 
considérable et surtout que les deux chiens témoins sont rapidement 
morts de tuberculose. Je crois qu'il est utile d'appeler l'attention sur ce 
mode d’expérimentation, au moment de la publication des faits si extra- 
ordinaires de M. Ouspensky, sur l’immunité au charbon malin et à la 
morve, à l’aide d’injections préventives de liquide testiculaire. Les faits de 
MM. Nourry et Michel sont, du reste, du même ordre que ceux de 
M. Ouspensky, et si vraiment le liquide testiculaire a pu dans ces différents 
cas donner l’immunité aux animaux mis en expérience, cela ne prouve 
rien autre chose que ce que j'ai montré, à savoir que ce liquide augmente 
considérablement la puissance d’action des centres nerveux. 


SÉANCE DU A1 JUIN 509 


DE LA DESTRUCTION DE LA GLANDE PITUITAIRE CHEZ LE CHAT, 
par M. G. MARINESCO. 


(Communication faite dans la séance du 4 juin 1892.) 


Dans un travail antérieur fait en commun avec M. P. Marie sur l’ana- 
tomie pathologique de l’acromégalie (1), la constance de l’hypertrophie 
de la glande pituitaire nous avait amenés à supposer que les altérations 
de l’hypophyse seraient peut-être susceptibles de jouer un rôle dans la 
pathogénie de la maladie de Marie. L’ignorance du rôle physiologique 
dévolu à la glande pituitaire enlevait, il est vrai, tout fondement solide à 
cette hypothèse présentée du reste sous toutes réserves. 

W. Rath, un auteur allemand, avait conciu de son étude sur les tu- 

meurs de la glande pituitaire, que cette glande estun organe indifférent, 
qu’elle n’a plus de rôle à remplir dans la vie extra-fœtale. Cependant 
certaines considérations d'ordre histologique, physiologique et patholo- 
gique semblent démontrer le contraire. 
Hi On sait que l’hypophyse comprend deux lobes ; l’un, postérieur, dérivant 
du cerveau ; Pautre, antérieur, de nature épithéliale; ce dernier est cons- 
titué par deux espèces de cellules : certaines d’entre elles possèdent, con- 
trairement aux autres, une propriété chimique spéciale, elles réduisent 
l’acide osmique, se colorent d’une manière plus intense, par la méthode 
de Weigest, et les couleurs d’aniline. C’est pour cette raison qu'on les a 
appelées cellules chromophiles. Celles-ci se transforment en matière col- 
loïde ou bien sécréteraient cette substance, qui serait absorbée ensuite 
par les vaisseaux sanguins et lymphatiques, dans lesquels on trouve en 
effet, des bouchons de cette matière. 

Au point de vue physiologique, nous rappelons qu'à la suite de l'extir- 
pation du corps thyroïde, Ragowitz a observé une exagération fonction- 
nelle du corps pituitaire; que, de plus, dans quelques cas de goitre, il 
existe une augmentation de la malière colloïde du corps pituitaire. 

Je passe sous silence les altérations de cette glande que nous avons 
décrite longuement avec M. P. Marie dans le travail mentionné ci-dessus. 

Les considérations qui précèdent,les faits que nous venons de rapporter 
suffisent à établir, il nous semble, l’activité, la non-indifférence physio- 
logique du corps pituitaire. 

Mais quelle est sa fonction ? C'est dans le but de se rendre compte de 
l'influence exercée par le corps pituitaire, car j'ai entrepris à l'Institut 
physiologique de Berlin, les recherches expérimentales dont je désire 
entretenir la Société. 


(1) Archives de médecine expérimentale, 1% juillet 1891. P. Marie et G. Mari- 
nesco, Sur l'anatomie pathologique de l’acromégalie. 


510 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Le procédé opératoire comprend plusieurs temps. Après avoir perforé 
la voûte du palais à l’aide du thermocautère, je m’assure, avec l'indicateur, 
du siège des deux apophyses ptérygoïdes, et au milieu de l’espace qu’elles 
limitent, j'applique une couronne de trépan de 5 millimètres de diamètre. 
Faisant sauter alors la rondelle osseuse, je puis détruire directement la 
glande pituitaire avec une baguette de fer recourbée en crochet et préa- 
lablement rougie au feu. 

Les opérations ont été faites sur des chats; deux fois j'ai répété la 
même expérience sur des chiens chez lesquels l'opération est plus difficile. 

[vaudrait mieux employer des animaux qui possèdent une hypophyse 
très développée. Sur les 8 animaux qui ont servi à ces expériences, 2 sont 
morts presque immédiatement d'hémorragie, 2 autres sont morts 24 heures 
après, un autre a survécu #4 Jours, le septième 5 jours, enfin le dernier 
18 jours. 

Sur les 3 derniers animaux qui seuls ont survécu un certain temps, j'ai 
pu constater les phénomènes suivants : localement la plaie de la voûie du 
palais s’est rapidement cicatrisée, les animaux ont été alimentés au début 
avec la sonde et ont pu se nourrir ensuite: cependant ils ont maigri pro- 
gressivement ; en même temps les 2 derniers ont présenté un léger abais- 
sement de température. Pour les 3 derniers animaux la mort est survenue 
sans qu'il fût possible d’en déterminer la cause. Comme il reste un petit 
orifice à la base du crâne, la place de la rondelle osseuse enlevée, j'avais 
pensé tout d'abord à une infection déterminée par la voie buccale; mais 
l'examen attentif ultérieur n’a pas confirmé cette hypothèse. Du reste je 
ne veux pas émettre d'opinion à cet égard. 

Deux de mes animaux ont présenté immédiatement après l'opération 
une amaurose transitoire. Nous croyons devoir rappeler que des tenta- 
tives dans le but de détruire la glande pituitaire, ont été entreprises par 
M. Gley, qui a employé un procédé opératoire tout à fait différent du 
mien. Ce physiologiste a consigné les résultats de ces recherches sur cette 
question dans une intéressante communication faite à la Société de Bio- 
logie, le 19 décembre 1891 ; M. le professeur Dastre, a de son côté, exposé 
en 1889, un instrument, sorte de trépan, à l’aide duquel il a cherché à 
atteindre la glande pituitaire par la voie buccale. Dans les expériences 
préliminaires, les animaux ont toujours succombé. Mes recherches prou- 
vent qu'il est possible de détruire l’'hypophyse chez le chat par la voie 
buccale et que cette mutilation est compatible avec une survie de quel- 
ques semaines. 


à 


SÉANCE BU Â1 JUIN 511 


NOTE SUR LA STÉRILITÉ DE CERTAINES SUPPURATIONS RÉNALES, 


par M. Turrier, 


Professeur agrégé, chirurgien des hôpitaux. 


L'examen hbactériologique des collections purulentes donne un résultat 
positif quand la suppuration est récente, mais s’il s’agit d’abcès anciens, 
il montre une vitalité très amoindrie des micro-organismes pathogènes, 
souvent même leur absence est complète, le pus est stérile. Ges examens 
ont été pratiqués dans nombre de suppurations, dans les abcès du foie, 
dans les collections purulentes salpingiennes par exemple. Dans quatre 
cas d’abcès du foie et dans septsalpingites de date ancienne, examinés par 
M. Girode et par M. Papillon, nous avons pu reconnaître la réalité de ces 
faits. Au contraire, les suppurations du rein, même très anciennes, sont 
presque toujours fertiles; toutes celles que nous avons examinées conte- 
naient le coli-bacille ou les microbes vulgaires de la suppuration, et je ne 
sache pas qu'on ait signalé des abcès rénaux stériles. Peut-être cette 
exceplion est-elle due au renouvellement incessant du liquide urinaire 
dans la poche rénale, renouvellement qui permet l'absorption des pro- 
duits bactéricides et l'apport de nouveaux matériaux de culture. 

Dans tous les cas, la présente note n’a d’autre but que de vous apporter 
un fait de suppuration stérile du rein ; il s'agit d’une pyélonéphrite caleu- 
leuse. 

Un homme de trente-trois ans entre le 4% avril, à l'hôpital Beaujon 
dans le service de M. Fernet pour des accidents fébriles avec urines 
purulentes. M. Fernet, reconnaissant la nécessité d’une intervention, 
nous confia le malade. 

C'est un homme pâle, amaigri, cachectique, qui souffrait de la région 
lombaire droite depuis six années. Ces douleurs, accentuées par la marche 
et le mouvement, irradiées le long de l’uretère, calmées par le repos, 
rappellent en tous points les névralgies d’origine calculeuse, mais il ry 
a jamais eu ni expulsion de graviers, ni coliques néphrétiques. Malgré 
ces accidents, K... était robuste et pouvait travailler, quand, il y a quinze 


-mois, il prit une blennorrhagie, et la scène changea alors complètement. 


Des fréquences de miction, vers le quinzième jour, témoignèrent de 
l’envahissement de la vessie, puis des urines purulentes et des mouve- 
ments fébriles avec leurs trois stades bien nets indiquèrent l'entrée en 
scène d’une pyélonéphrite. 

Les douleurs lombaires devinrent aiguës, permanentes, avec irradia- 
tions urétérales ; l’état général faiblit, l'appétit diminue; l'amaigrissement, 
d'abord peu marqué, s’accentue rapidement depuis le mois de février 
dernier et amène le malade à l'état cachectique actuel. 

Les téguments sont décolorés, la peau est sèche, écailleuse, la langue 


512 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


rouge vif, l'appétit nul, seulsles aliments liquides sont facilement ingérés; 
la température oscille entre 38 et 39 degrés. Les urines, de quantité au- 
dessous de la normale (800 à 1000), sont uniformément troubles et laissent 
déposer dans un bocal, la hauteur de trois doigts de pus. 

L'examen des régions lombaires fait constater à droite une tumeur 
rénale du volume d’une petite tête de fœtus, tumeur lisse et douloureuse. 

Du côté gauche, le rein n’est pas perceptible, mais la palpation est 
douloureuse. Je portai le diagnostic de pyélonéphrite droite avec disten- 
sion consécutive à une blennorrhagie, le tout greffé sur un rein antérieu- 
rement malade. 

L'état cachectique du malade me paraissant menäçant, l'ouverture 
large du foyer de suppuration intra-rénale s’imposait. 

Opération le 2 avril. Incision lombaire, décortication de la capsule 
graisseuse sclérosée du rein. 

Néphrotomie. — Un pus verdâtre très fétide jaillit dès que le rein est 
incisé; sa quantité peut être évaluée à un litre; quelques concrétions 
calculeuses sont extraites, le rein est gros et remonte sous les fausses 
côtes, la paroi de la cavité est suturée à la peau, tamponnée à la gaze 
iodoformée et drainée. 

Le pus est recueilli pour l'examen bactériologique avec toutes les pré- 
cautions habituelles au moment de l’incision par M. Papillon (interne de 
service de M. Fernet). L'examen en a été fait au laboratoire de M. Malassez, 
et c’est sur ce seul point que je désire attirer l'attention. 


Examen bactériologique du liquide recueilli pendant l'opération. 


L'examen direct sur lamelles, après coloration par le bleu de methylène 
en solulion alcaline, décèle un grand nombre de microorganismes de 
formes variées. Les bâtonnets sont prédominants; ils sont accompagnés 
de microbes ponctués isolés ou réunis de façons diverses, de longs fila- 
ments analogues aux moisissures et de grosses cellules rondes, quelques- 
unes, bourgeonnantes, ressemblent aux levures. Les éléments histologiques 
sont assez rares dans ce liquide; ce sont surtout des globules blancs 
polynucléés. 

Les cultures tentées avec le liquide n’ont donné qu’un résultat négatif. 
Les plaques de gélatine, les tubes d’agar ensemencés en strie pour isoler 
les germes sont restés stériles; après un séjour de vingt jours à l’étuve, 
il n'y a pas trace de développement. Les essais de culture à l'abri de 
l'oxygène n'ont pas eu plus des succès. 

Il s’agit donc d'un liquide purulent à espèces microbiennes variées et 
nombreuses, et stérile non par l’absence, maïs par la mort ou la vita- 
lité très amoindrie de microbes. | 

Le lendemain, la température continue à osciller entre 38°,5 et 39°,5 
sans aucune modification, l’état cachectique persiste, l'appétit est nul. Le 


+ \ 
LE 
D 


SÉANCE DU 41 JUIN 013 


surlendemain, la température reste à 38 degrés, mais l’affaiblissement 
progresse ; le troisième jour, elle est à 37 degrés et le malade succombe au 
quatrième jour sans aucun accident impulable à. son opération. Les 
quantités d'urine émises après l’opération sont les suivantes : 250 grammes 
le premier jour, 500, 1,000, 1,100, 2,100, 250. 


L’autopsie fait constater une pyélonéphrite à droite avec distension 
considérable et nombreuses concrétions calculeuses; mais, fait intéressant, 
l’atmosphère graisseuse adhère de tous côtés, surtout au niveau de la 
veine cave ; le rein, ainsi maintenu, n'a pas subi d’abaissement, son ex- 
trémité supérieure remonte très haut sous le diaphragme. Dans sa cavité, 
plusieurs concrétiôns calculeuses à prolongements ramifiés, dont l’une 
obstrue complètement l’uretère qui est dilaté et rempli de pus au-dessous 
du bassinet. RTE es 

_ Du côté gauche existe une pyélonéphrite sans distension et sans calcul. 


Cette stérilité du pus recueilli au moment de l'opération prouve bien 
que dans le rein comme dans les autres organes les collections purulentes 
peuvent devenir stériles. Mais dans le cas présent, l’uretère était oblitéré 
par un calcul, et, de ce fait, la collection intra-rénale était réduite à l’état 
de véritable abcès. Seuls, les phénomènes d’osmose étaient différents, 
car la paroi de l’abcès est formée par un parenchyme rénal qui, bien 
qu’alléré, fonctionne dans une certaine mesure et renouvelle incessam- 
ment la composition de son contenu. La date ancienne de l'affection est 
encore un élément important qui cadre avec ce que nous savons des 
suppurations stériles. En tous cas, nous avons ici la démonstration 
matérielle du processus de guérison spontanée de certaines pyélo- 
néphrites, et c’est à ce seul titre que j’ai cru devoir présenter cette obser- 
valion. 


NOTE SUR L'ACCUMULATION ET L'ÉLIMINATION DU BROMURE DE STRONTIUM, 


par MM. Cu. FÉRÉ, L. HERBERT et F. PEYROT. , 


Les recherches du bromure de strontium dans les tissus d'individus 
morts au cours d’un traitement nous ont montré que ce sel s’accumule 
chez l'homme en quantité assez considérable. 


D..., trente-trois ans, 56 kil. 500, preud 13 grammes de bromure de stron- 
tium depuis le 42 novembre 1891, et 14 grammes depuis le 16 janvier 1892; 
il meurt de pneumonie le 8 février. L'analyse a donné les quantités suivantes 
de bromure de strontium pour 100 grammes de tissu : 


Qt 
=> 
rs 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


HORS LETTRE SEP TRE ER ET ENT AE EME 
Muscle: (psoas) 2: 153 ESTON.LEne MAN AIN AMEN, NAME RIOOS 
Peauino ne: foetue Poele NAS is LE eee AO 
Cerveau:(lobes frontal); Ne. 2010098 


J.., trente-six ans, 50 kilogrammes, prend 10 grammes de bromure de 
strontium depuis le 17 décembre; il meurt de pneumonie le 6 février. L’ana- 
lyse a donné les quantités suivantes de bromure de strontium pour 100 gram- 
mes de tissu : 


Foret: EN AE A PR A ee | Ed en NES ED EN 1224 
Muscle . . D Ste OM M TS EE IS DO OS 
FO RM de à TER Te et EU Re NE rt ICO 
FAT PR Re ES RE RE RTE ER NE AN RONA ONE 
CGérveausr be er Rene RE Re pr DOS 


Ces faits, pas plus que les faits expérimentaux que nous avons rapportés 
antérieurement (1), ne sont guère de nature à nous éclairer sur les quel- 
ques différences que l’on observe dans les effets comparés de l’accumu- 
lation du bromure de strontium et du bromure de potassium, différences 
qui consistent principalement en ce que, aux mêmes doses et chez un 
même malade, les effets généraux de l’intoxication, et surtout les accidents 
cutanés paraissent beaucoup moindres avec le bromure de strontium. 

Nous avons pensé que l’étude de l'élimination par les urines pourrait 
nous donner quelque éclaircissement. 


_G..., vingt-huit ans, 55 kilogrammes, a pris le 25 janvier 4 grammes de 
bromure de potassium, il en a éliminé le 1e* jour 0,72 pour 1,650 centimètres 
cubes d'urine ; le 2° jour, 0,52 pour 1,200 centimètres cubes. Ce n'est que le 
20° jour (15 février) que le bromure n’a plus été trouvé dans les urines. 


D..., vingt-deux ans, 59 kilogrammes, a pris le 25 janvier 4 grammes de 
bromure de strontium, il en a éliminé le 1°" jour 0,83 pour 2,000 centimètres 
cubes d'urine ; le 2° jour 0,573 pour 1,300 centimètres cubes. Le bromure avait 
complètement disparu des urines le 7 février, c'est-à-dire huit jours plus tôt 
que.le bromure de potassium. 


Le 19 avril, l'expérience a été reprise, mais c’est D... qui a pris le bro- 
mure de potassium et G... le bromure de strontium. 
L'analyse a donné les résultats suivants : 


(4) Ch. Féré et L. Herbert. Recherches expérimentales sur l'accumulation du 
bromure de strontium dans l'organisme, Comptes rendus Soc. de biologie, 1892, 
p. 45. 


SÉANCE DU Î{ JUIN 545. 
G... D&: 
VOLUME BROMURE VOLUME BROMURE 
DATES DE DE DATES DE DE 

L'URINE  STRONTIUM L'URINE  POTASSIUM 
20 avril. 1540 0 — 20 avril. 600 0,15 
2  — 1600 0,16 CURE 1000 0,25 
Me 1800 0,23 23% — 830 0,259 
D — 1193 0,28 23 — 1150 0,40 
Au — 1350 0,43 2% — 150 0,225 
25  — 1805 0,68 2e = 900 0,21 
AO 1320 0,22 AO — 1275 0,16 
27 — 1280 0,10 217 — 1100 traces 
28 — 1700 traces 2 — 1150 traces 
29  — 1650 0 29 — 180 traces 
30 — 2050 0 30 — 1225 traces 
2 A mn GET 


L'expérience a été reprise le 8 mai sur deux autres malades. 


L.., vingt-cinq ans, 57 kilogrammes, a pris # grammes de bromure de 
strontium ; et À..., dix-neuf ans, 49 kilogrammes, à pris 4 gränimes de bro- 
mure de potassium. Les analyses ont donné les résultals suivants : 


Lie À... 
VOLUME BROMURE Ë VOLUME BROMURE 
DATES DE DE DATES DE DE 
L’URINE STRONTIUM L'URINE POTASSIUM 
9 mai, 1080 traces 9 mai. 975 0,40 
10 — 1160 0,53 10 — 1060 0,375 
Nr = 893 0,47 ht 1000 0,25 
12 — 1370 0,355 12 — 1125 0,40 
13 — 1076 0,205 13 — 1055 0,16 
14 — 995 0,18 14 — 980 0,155 
15 — 1125 0,16 15 — 898 0,12 
16 — 1300 0,10 16 — 1020 0,115 
17 — 1228 0,06 A7 — 975 0.09 
48 — 1605 0,055 18 — 1075 0075 
19 — 1500 0,04 19 — 1160 0,065 
20 — 1320 0,025 20 — 1220 0,0% 
24 — 1410 traces PA 1675 0,025 
22 — 1290 0 22 — 1725 traces 
23 — 1180 0 23 — 1370 traces 
12 — 4070 0 24 — 1425 traces 
25 — 4125 0 25. — 1260. () 
26 — 1075 0 26 — 1120 0 
2,18 2,07 


516 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Ces observations indiquent que le bromure de strontium s'élimine plus 
rapidement et en quantité un peu plus grande par l'urine. Ces différences 
d'élimination sont-elles suffisantes pour expliquer les différences cliniques 
signalées ? | à 

Dans les deux dernières analyses, nous avons relevé un fait fort inté- 
ressant. C'est, Le retard de l'élimination du bromure de strontium qui 
n'apparaît guère dans l’urine le premier jour. Ge fait méritait confirma- 
tion. 

Le 8 juin, nous avons fait prendre 2 grammes de bromure de strontium 
à sept individus dont nous avons recueilli les urines de vingt-quatre 
heures. Voici le résultat de l'expérience : 


QUANTITÉ 

NOMS VOLUME DE BROMURE 

ET AGE DE L URINE DE STRONTIUM 
Fe ON AIS EE RES 1110 0 
Fees OR En 1550 0,17 
AO PAU SA UE PE 1140 0 
Res RO ONE IS ere 1320 0,23 
Ce AN EE UE 1460 0 
RE DE RU 2020 0 
D DO PRE eo ere 990 traces 


En réalité, l'élimination du bromure de strontium par l’urine commence 
plus tard que celle du bromure de potassium, bien qu’elle se termine plus 
vite et semble plus abondante. 


SUR LA FORMATION DU PIGMENT MÉLANIQUE 
(Quatrième note) (1), 


par M. G. Pouce”. 


Sans revenir sur ce que j'ai dit antérieurement des conditions dans 
lesquelles se produit la mélanine artificielle, je signalerai le fait suivant, 
particulièrement caractéristique. Sur la Baleine (Balænoptera rostrata 
jeune) vendue aux Halles de Paris il y a quelques semaines, j'ai recueilli, 
aidé de mon assistant, M. Biétrix, une certaine quantité de sang. Celui-ci 
a été distribué dans plusieurs tubes. Dans un de ces tubes, nous avons 
ajouté d’après le procédé antérieurement indiqué, du bichlorure de mer-. 
cure en poudre et de l'alcool. Le sang, comme toujours sous l'influence 


(1) Voy. 23 oct. 1880, 19 mars 1887, 18 avril 1891. 


ET, 


SÉANCE DU 11 JUIN 917 


de cette réaction a perdu sa couleur rouge, est devenu grisàätre. Il laisse 
voir au microscope, ainsi qu'on peut en juger par la préparation micros- 
copique que je mets sous les yeux de la Société, une abondance extraor- 
diraire de sphères de mélanine, les unes isolées, les autres groupées, 
mesurant de 1 à 10 et 12 vw de diamètre. La plupart de ces sphères ont 
la coloration brune ordinaire, quelques-unes laissent transparaître une 
nuance rouge très rabattue. Je n'ai pas besoin d'ajouter que des tubes 
témoins n’ont rien présenté de semblable. 

Le sang des Cétacés offre certaines particularités. C'est ainsi qu’on 
obtient très difficilement, avec lui, des cristaux d’hémoglobine. Il est 
possible qu’il soit particulièrement favorable à la réaction que j'ai empi- 
Teener indiquée pour la production de la mélanine artificielle, et 
qu'on puisse ainsi mieux l’étudier et produire celle-ci en quantité sur. 
sante pour l’analyse élémentaire. 

Je persiste à considérer cette production, in vitro, d’un principe 
immédiat organique dérivé du sang, comme un fait de grande importance 

our la chimie biologique. 


DE LA COULEUR 
DES PRÉPARATIONS ANATOMIQUES CONSERVÉES DANS L'ALCOOL, 


par M. G. Poucxer. 


On sait que jamais les préparations anatomiques conservées dans 
l’alcool ne présentent la coloration rouge ou rosée que beaucoup de 
tissus doivent au sang dont ils sont baignés. On ne retrouve jamais sur 
une préparation anatomique un vaisseau quelconque encore plein de 
sang qui ait conservé sa couleur. Toutes les pièces anatomiques prennent 
dans l'alcool, rapidement, une celoration grise uniforme bien connue. 
L'expérience dont je mets le résultat sous les yeux de la Société semble 
indiquer que le contact de l'air, renouvelé au moins à certaines re- 
prises, est nécessaire pour cette réaction. 

En 1880, ayant découvert sur un fœtus d’éléphant la mélanine arlifi- 
cielle précipitée surtout au voisinage et à l'intérieur du tissu cartilagi- 
neux, et ne soupconnant pas encore le rôle nécessaire du bichlorure 
métallique pour cette réaction, j'avais mis en présence dans des tubes : 
4° du sang de fœtus de brebis, 2 un fragment de cartilage, 3° de l’alcool ; 
puis ces tubes avaient été scellés à la lampe. Un de ces tubes ouvert, il v 
a trois ans, ne présentait point de mélanine artificielle; on eut pu au 
reste s’en douter à ce fait qu’il ne présentait pas la couleur grise ordi- 
naire. Je mets sous les yeux de la Société un autre tube tout pareil. On 


22 


518 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


peut voir que le sang, passé à l'état finement grumeleux, a conservé une 
coloration rouge très belle qu’on n’observe jamais dans les préparations 
des Cabinets d'anatomie; l’alcool n’a de son côté pris aucune coloration. 
On peut dire que depuis presque le premier moment, l'aspect du contenu 
du tube n’a pas varié. Or il a été scellé, voilà douze ans, le 11 novembre 
1880. 


SUR UN APPAREIL DESTINÉ A ÉVOQUER LES IMAGES MOTRICES GRAPHIQUES 
CHEZ LES SUJETS ATTEINTS DE CÉCITÉ VERBALE, APPLICATION À LA DÉMONSTRA- 
TION D'UN CENTRE MOTEUR GRAPHIQUE FONCTIONNELLEMENT DISTINCT, par 
M. J.-B. CHARCOT, INTERNE DES HOPITAUX. (Voir Mémoires du présent vo- 
lume, p. 225.) 


ACTION EXERCÉE 
PAR L'ÉMULSION TESTICULAIRE SUR L'ÉVOLUTION DE LA TUBERCULOSE, 


par M. le D' D.-M. OusrEnsxy. 


Extrait d’un travail communiqué à la Société des médecins russes 
le 6 février 1892, à Saint-Pétersbourg.) 


Dans ces derniers temps, la thérapeutique est entrée dans une nouvelle 
voie pour lutter contre les diverses affections, en dirigeant ses efforts à 
l'adaptation pour leur traitement des moyens élaborés dans l'organisme 
animal même. C’est précisément à ces moyens qu’appartient ce principe 
vivifiant, qui est élaboré par les glandes séminales et constitue ce qui est 
actif dans l'extrait liquide des testicules, que j'appelle émulsion. 

L’indication directe de l’emploi de ce moyen chez les malades affectés 
de tuberculose et dans tous les processus consomptifs en général ressor- 
tait déjà. des expériences primordiales du précurseur de ce procédé, 
M. Brown-Séquard (1). Ce moyen rehausse le fonus de tout le système 
nerveux, concourt à la régularisation de l’activité du cœur, augmente 
l'ampleur du pouls, répare toutes les fonctions de l’organisme et, par 
conséquent, il est indiqué lorsqu'il y a diminution notable de la nutrition 
et épuisement, quelles qu’en soient les causes déterminantes. 

C’est précisément à ces processus consomplifs qu'appartient avant tout 
le processus de la tuberculose. Or, il a été depuis longtemps avéré qu'un 
organisme sain et robuste peut résister à l'infection tuberculeuse, abon- 
damment disséminée par les sujets tuberculeux que nous eoudoyons jour- 


(4) Comptes rendus de la Société de Biologie, 1889, n° 24, p. 416-419. 


A RC EE ER Etes ee Se € ons MAUR N VTT : 


SÉANCE DU 41 JUIN 519 


nellement, vu que les bacilles tuberculeux n’y trouvent pas de conditions 
favorables à leur développement et à leur multiplication: c’est, en 
général, un organisme ayant une prédisposition héréditaire ou acquise 
qui en est affecté, et cette prédisposition consiste en une certaine fai- 
blesse, en un manque de résistance, en un affaiblissement de son énergie 
vitale. Les expériences sur les animaux en donnent des preuves incon- 
testables. Ainsi, par exemple, des chiens robustes subissent impunément 
l'inoculation de bactéries tuberculeuses et ne sont affectés par la maladie 
que lorsque leur organisme s’affaiblit par la saignée ou les laxatifs 
(D' A. Tehpuropzebt). C'est ainsi que chacun de nous résiste pendant un 
temps plus ou moins long à l'infection tuberculeuse jusqu’à ce qu’une 
cause fortuite quelconque, la misère, le chagrin ou la maladie n’épuisent 
l'organisme et ne le rendent susceptible à l'infection. 

Cette prédisposition, dans le sens d’affaiblissement de l'organisme, de 
préparation du terrain, existe sans doute pour toutes les autres maladies 
infectieuses ; ce fait est confirmé, en dehors d'observations nombreuses 
chez les hommes, par des expériences démonstratives sur les animaux. 
Ainsi, par exemple, il a été démontré que la résistance naturelle au 
charbon peut être anéantie par l'inanition, la privation d’eau, etc. (1). 

Ainsi la sauvegarde la plus solide contre l'influence mortelle due non 
seulement aux microbes iuberculeux, mais très probablement à Lous les 
autres microbes infectieux réside dans les forces réparatrices de l’or- 
ganisme vivant. Ces forces, qui varient chez les différents individus, à 
égalité d'intensité de l'infection, jouent un rôle considérable dans l’évo- 
lution du processus morbide. Tel organisme individuel cède rapidement 
à la tubercuiose aiguë galopante et succombe sous l'attaque du mail, tel 
autre lutte contre l'invasion du principe infectieux pendant très long- 
temps, quelquefois pendant de longues années et même, — quoique cela 
ne se voie que très rarement — parvient à une guérison parfaite. Ceite 
résistance de l’organisme animal à toute infection, cette aplitude de 
lutter contre les microorganismes après leur invasion, d'en devenir 
souvent victorieux, n'est-elle pas bien due à la provision des forces pro- 
pres à l'organisme même ? Jusqu'à présent, nous manquons à peu près 
complètement de moyens pour détruire les microbes morbides dans le 
sang et les organes internes des malades et néanmoins nous observons 
tous les jours des cas de guérison de la petite vérole, de la scarlatine, de 
toutes les variétés de typhus, du choléra-morbus et quelquefois de la 
tuberculose même. 

Ce processus curalif, pour ainsi dire naturel, qui a lieu en dépit de 
notre attente et sans qu'il y ait intervention de notre part, donne à penser 
que ce n'est point contre les microbes que nous avons à lutter, vu que 


4) P. Canalis und B. Morpurgo. Centralblatt f. der Med. Wissenschaft, 1891 
P O ? 
n° 2. 


520 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


leur destruction ne peut être obtenue aisément, mais que nous devons 
subvenir aux conditions défavorables à leur développement et à leur 
multiplication, tout en contribuant à leur extinction. 

. Nous serions près d’alteindre au but si nous réussissions à trouver un 
moyen qui serait un fortifiant de l'organisme sous tous les rapports et par 
cela même jouerait le rôle d’un préservatif contre l’action nuisible des 
microorganismes morbides. Selon ma profonde conviction, l’émulsion tes- 
ticulaire constitue précisément un de ces moyens prophylactiques, et je 
l'ai proposée pour le traitementde la tubereulose après l'examen de toutes 
les considérations ci-dessus énoncées. 

Dans ma première communication, qui a été faite à la Société pour la 
protection de la santé du peuple le 19 novembre 1890, j'ai cité dix-huit 
cas de tuberculose à des degrés différents de son évolution, traités par 
les injections d'émulsion testiculaire. Ges injections avaient parfaite- 
ment confirmé les considérations ci-dessus énoncées, car ce moyen 
même exerçait une action on ne peut plus favorable sur l'évolution 
de la tuberculose dans les stades les plus avancés de cette affection. 

Cette communication avait provoqué une note de M. Brown-Séquard {1}, 
qui, bien qu'il ne regardät pas son moyen comme un remède spécifique 
de la tuberculose, admettait néanmoins que sous l’action dynamogène de 
l'émulsion testiculaire sur les centres nerveux, on peut : 1° relever consi- 
dérablement les forces du malade, 2 faire disparaître la fièvre et les 
sueurs, et 3° améliorer considérablement la digestion, la. nutrition et les 
sécrétions. 

Conime on Je voit, la méthode que j'avais proposée pour le traitement 
de la tuberculose ne présentait rien d’ahsurde, ce qui n’a pas empêché le 
D' Zénetz de déclarer publiquement qu'il admet difficilement com- 
ment certains auteurs aient pu avoir l’idée d’expérimenter ce moyen dans 
la tuberculose. Le D' Zénelz lui-même avait employé l’'émulsion testicu- 
laire dans le traitement de quatre cas de tuberculose des poumons très 
grave (c'étaient des moribonds, des malades dont quelques-uns, d’après 
l’aveu de l’auteur même, n'avaient pas la force de retenir dans leurs 
mains le dynamomètre) et ne voyant pas ces individus presque morts 
ressusciter par l'influence de quatre ou neuf injections, faites de plus à 
des intervalles de sept à neuf jours (dans deux cas), il en vint à cette con- 
clusion qu'il serait inutile de procéder à d’autres expériences, bien qu'il 
ait observé lui-même une certaine amélioration des symptômes sub- 
jectifs chez ces malades si gravement atteints. 

Le D: Victoroff, qui avait aussi employé l’émulsion testiculaire dans 
le traitement de quatre cas de tuberculose, exprime une opinion plus 
optimiste sur le sujet en question. Ces observations, qui restèrent 


(1) Comptes rendus de la Société de Biologie, 1890, p. 718 et surtout Archives 
de Physiologie, 1891, p. 225. 


> 


SÉANCE DU 11 JUIN 521 


cependant inachevées, ont fait croire à l’auteur que l’émulsion testiculaire 
exerce une action très certaine sur le relèvement de la nutrition et de 
l'appétit chez les tuberculeux ; il a vu que le pouls, faible et fréquent, 
devient plus fort, moins fréquent et plus ample et qu'il se produit une 
amélioration dans le processus local (/es räles disparaissent), que la tem- 
pérature tend à baisser, que les sueurs diminuent, qu’on observe une 
amélioration notable de la sensibililé subjective et que les forces phy- 
siques du malade sont relevées (1). 

A ces résultats le D' Maksimowitch vient d’ajouter dans ces derniers 
temps des expériences présentant une sérieuse valeur, qu'il avait faites 
conjointement avec le D' Andreyeff et le D’ Kissel à l'hôpital militaire 
Ujasdowski, de Varsovie. Ces médecins avaient pratiqué des injections 
d'émulsion testiculaire de lapin à 32 sujets tuberculeux ; la quantité 
des injections a été de 8 au minimum et de 14 au maximum; en 
moyenne chaque malade avait eu près de 40 injections. Généralement 
l’action se produisait 3 à 5 heures après l'injection etse manifestait par 
une sensation de pesanteur dans la tête et un peu d'accélération des bat- 
tements de cœur. En même temps les malades éprouvaient un senti- 
ment de bien-être, un accroissement de forces ; les officiers affirmaient 
qu'ils se sentaient forts et courageux, les soldats et les sous-officiers 
disaient qu'ils se sentaient de meilleure humeur. Dans 12 cas après les 
premières injections on a observé que la température, qui était fébrile, est 
devenue normale; en même temps, pendant 2 à 3 semaines il s’est 
manifesté un gain notable de poids du corps, de 3 à 7 livres, la sensibilité 
est demeurée bonne, ia toux a été insignifiante, les sueurs ont disparu 
et il se fit un arrêt passager du processus morbide. Quelquefois, la tem- 
pérature s'estélevée de 0°,5 à 1 degré après les injections, mais après 3 à 
5 injections elle a commencé à baisser et le poids du corps a augmenté 
de 3 à: 10 livres. Toutes ces particularités ont permis au D° Maksimowiteh 
de réparer les forces de ses malades et de renvoyer dans leur pays 
presque tous les soldats auxquels on a pratiqué des injections. Sur le 
nombre de 6 officiers, 5 quittèrent l'hôpital dans un état d'amélioration 
notable. Des 26 soldats malades 2 succombèrent ; 3 soldats seulement 
restèrent à l'hôpital principalement à cause du danger qu'ils auraient 
couru, si on les avait laissé aller chez eux pendant le froiû d’hiver 
dans les provinces éloignées. Tous ces malades présentaient des sym- 
ptômes physiques très prononcés du côté des poumons, des bâtons 
tuberculeux dans les crachats et un épuisement plus ou moins considé- 
rable de tout le corps. Bien que l’auteur soit loin d’attribuer cette action 
favorable sur l’évolution de la tuberculose à l'émulsion testiculaire 
seule, vu que plusieurs malades prenaient en même temps de l'huile 


(1) Des faits tout à fait semblables ont été constatés par MM. Cornil, Hénocque, 
Dumontpallier, Variot, à Paris et Lemoine, à Lille (Note de M. Brown-Séquard). 


522 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


de foie de morue et de la créosote, il est convaincu que la sensibilité 
subjective des malades et les autres phénomènes objectifs s'étaient 
amendés sous l'influence de ces injections à un tel degré, que tout 
doute sur la valeur de ce traitement est impossible. 

Enfin le D' A. Hénocque (1) étudia la question des variations de la 
quantité d'oxyhémoglobine et de sa propriété de réduction chez les tuber- 
culeux traités par les injections d’émulsions tesliculaires. En observant ses 
quatre malades, l’auteur s'était convaincu que les injections d'émulsion 
testiculaire augmentent chez les tuberculeux la quantité d'oxyhémo- 
globine et sa propriété de réduction; celte augmentation, contrairement 
à ce que l’on observe dans les injections de la tuberculine, demeure cons- 
tante et se maintient alors même qu'on a cessé les injections, sans être 
suivie, comme cela a lieu avec la tuberculine, d’une diminulion crois- 
sante de la quantité d’oxyhémoglobine et de sa réduction. Dans un de 
ses travaux précédents sur la constitution chimique du sang, le D' Hénoc- 
que avait démontré que le contenu d’oxyhémoglobine dans le sang des 
tuberculeux et la propriété de réduction de celte dernière est d'autant 
moindre, que le processus tuberculeux est plus intense, et que tout amen- 
dement dans l’état du malade est accompagné d'une augmentation 
simultanée de la quantité d’oxyhémoglobine dans le sang est d'une aug- 
mentation de sa réductibilité. En comparant ces données avec les résul- 
tats des observations ci-dessus mentionnées, M. Hénocque pense que l’ex- 
trait testiculaire peut être d’une grande utilité aux tuberculeux, comme un 
moyen qui donne de la force (dynamogène.) 

Par conséquent, les observations desexpérimentateurs impartiaux,prises 
sur 43 sujets tuberculeux (le cas de M. Zénetz excepté), confirment les 
conclusions de ma première communication concernant l’action on ne peul 
plus favorable de l’émulsion testiculaire sur le processus de la tuberculose. 

A l'appui des mêmes faits peuvent servir les 18 nouveaux cas que j'ai 
étudiés, dont 7 cas de tuberculose pulmonaire au deuxième stade, 11 cas 
au troisième stade (comprenant aussi 3 cas de tuberculose aiguë). 

Ainsi, en tenant compte des malades qui ont été mentionnés dans mon 
premier travail, j'ai observé en tout 36 cas de luberculose pulmonaire 
et dans tous ces cas mes malades avaient été traités par des injections 
d’émulsion testiculaire; 18 étaient au deuxième stade de la maladie, 13 au 
troisième et 5 étaient affectés de tuberculose aiguë. En passant en revue 
tous ces cas on constate que l’émulsion resta sans action dans 5 cas seule- 
ment de lubereulose excessivement grave; dans tous les autres cas, sans 
en excepter les 5 cas de tuberculose aiguë, son action avaitété on ne peut 
plus favorable. 

Si nous y ajoutons les observations d’autres auteurs, nous aurons en 
tout 83 cas de tuberculose où le traitement a consisté en injections d’émul- 


(1) Archives de Physiol. normale et Pathol. Paris, 1892, p. 45. 


SÉANCE DU 41 JUIN 523 


sion testiculaire; or, dans 9 cas seulement (y compris ceux du D' Zénetz), 
où les malades étaient in extremis, ces injections n’ont produit aucun effet. 

L'effet de l’émulsion chez les tuberculeux présentait les caractères sui- 
vants : 

La sensibilité subjective devenail meilleure, le sommeil était plus calme 
et l’état général des malades s’amendait; l’appétit revenait, les selles 
étaient plus régulières, le tube gastro-intestinal supportait de plus grandes 
quantités de nourriture et son assimilation s’effectuait mieux. En même 
temps le poids du corps augmentait à peu près toujours; les forces aug- 
mentaient aussi; même dans les cas très graves on réussissait à maintenir 
l'équilibre de la nutrition pendant plusieurs mois, en dépit des tempéra- 
tures élevées de tous les jours. 

Immédiatement après les premières injections les sueurs nocturnes qui 
épuisent les malades disparaissaient, elles diminuaient dans les cas gra- 
ves; en même temps ii n’y avait plus de frissons alors même qu’on ne 
parvenait pas à faire baisser la température. 

Généralement on voyait la température baisser sans recourir aux 
moyens antifébriles et dans les cas favorables elle devenait normale 
après 6 à 12 injections ; il n’y avait plus de récidive, bien que plusieurs 
mois s'étaient écoulés depuis, et que plus d’une année même s'était passée, 
ainsi que cela est constaté pour les 6 cas de tuberculose au deuxième stade 
de l’évolution. Dans les cas de tuberculose au troisième stade ainsi que dans 
la tuberculose aiguë, la température baïissait plus lentement. Elle s’obsti- 
nait même à être assez élevée, malgré un accroissement considérable de 
poids du malade, un arrêt du processus local et un état général satisfai- 
sant. Ainsi par exemple dans le 1°° cas de la tuberculose aiguë (le malade 
Goguel), la température tomba à sa hauteur normale après la 13° injec- 
tion, alors que le poids du malade s’accrut de 14 livres, c’est-à-dire au 
commencement de la sixième semaine du traitement; dans le 2° cas, la 
température devint normale après la 48° et dernière injection; dans le 
3° cas (jeune fille de vingt-deux ans), la température commenca à se rap- 
procher de sa valeur normale après la 16°. injection; dans le 4° cas la 
température devint normale dans le courant de deux semaines, avec des 
injections répétées à plusieurs reprises (au lieu de 2 injections dans ce 
cas le malade recevait tous les jours 4 injections d’une émulsion, étendue 
de 5 parties de solution du sel de cuisine, mais, dans Le 5° cas, la tempé- 
rature ne baissa pas; il n’y eut qu'une réduction de la période fébrile. 

En même temps que les sueurs diminuaient et la température baissait, 
il y avait généralement amendement des symptômes catarrhaux dans les 
poumons; les râles diminuaient et disparaissaient à la fin complètement 
pour ne plus reparaître, comme cela avait lieu pour les cas de la seconde 
catégorie, ou pour un temps plus ou moins long (dans les cas favorables 
de la troisième catégorie ou dans la tuberculose aiguë). Dans les cas les 
plus graves les phénomènes physiques dans les poumons ne présentaient 


524 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


pas de changement appréciable. Les crachats diminuaient aussi graduel- 
lement, l’expectoration prenait un caractère muqueux et se faisait plus 
facilement; en même temps le nombre de bacilles tuberculeux y dimi- 
nuait visiblement; dans les cas favorables ils finissaient par disparaitre 
tout à fait. En même temps le son de la percussion à l'endroit de la 
matité se dégagea plus ou moins, bien que la matité n’ait disparu dans 
aucun des cas complètement. 

Je n’ai pas pu suivre tous mes malades, dont le traitement avait amene un 
état de santé tout à fait satisfaisant, jusqu'au dernier moment, c’est pour- 
quoi je dois me borner à quelques cniffres seulement : six de mes malades, 
qui se trouvaient au deuxième stade du processus tuberculeux, sont 
jusqu’à présent dans un état de santé très satisfaisant, c’est-à-dire que voilà 
à peu près 12 à 18 mois, n’ayant plus besoin de traitement, vaquant à leurs 
occupations de tous les jours. Leur guérison, par conséquent, Heu être 
regardée comme définitive. 

Ici je ne saurais m'empêcher de remarquer que très souvent — dans 
tous les cas de tuberculose aiguë par exemple — il me fallait interrompre 
le traitement par force majeure, au moment même où la température 
redevenait normale, où presque tous les symplômes morbides disparais- 
saient, où le processus des poumons s’arrêtait, où, par conséquent, lé 
moment était le plus propice à la résorption des ulcères dans les poumons. 
Tous ces cas ne sauraient être jugés en définitive et nous ignorons s'il 
aurait été possible, en prolongeant les injections, d’obtenir une guérison 
complète, du moins dans les cas où leur action élait le plus favorable. 

Quant aux autres maladies des organes respiratoires, it y eut un succès 
surprenant dans un cas d'asthme bronchial invétéré, dont souffrait dès son 
enfance un malade âgé de cinquante-deux ans (il était asthmateux depuis 
quarante ans, comme il le disait); cette affection pendant les dernières 
années avait atteint un tel degré d'intensité, que le malade ne pouvait 
plus se coucher au lit durant des semaines entières, pendant la saison 
froide ; il lui était tout à fait impossible de faire le plus léger effort phy- 
sique ou de monter l'escalier. Après 18 injections, ce malade se vit com- 
plèlement rétabli. 


NOTE SUR LE ROLE DE L'APPAREIL DE CORTI DANS L’AUDITION, 


par M. H. BEAUREGARD. 


A la suite de mes recherches sur l’anatomie comparée de l'oreille chez 
les mammifères, que l’Académie des sciences a bien voulu honorer du 
prix Bordin en décembre dernier, je comptais faire part à la Société de 
Biologie des résultats auxquels j'étais arrivé. Un fâcheux accident, l'in- 


ie MT VIERGE Le Æ - ° 4 _…, 


SÉANCE DU 41 JUIN 5925 


cendie du laboratoire de M. de Lacaze-Duthiers, à la Sorbonne, où mes 
préparations ont été détruites, m'a empêché de faire ici les communica- 
tions que je me proposais de donner; j'attendais qu'il m'eût été possible 
de reconstituer mes séries de coupes, afin de les montrer à mes collègues. 
Quelques semaines me sont encore nécessaires avant que je puisse ter- 
miner ces préparations; tous ceux quise sont livrés à des recherches de 
cet ordre savent qu'il est très difficile de retrouver réunies les bonnes 
conditions de fixation, de coloration, de réussite dans les coupes, qui 
avaient pu se rencontrer dans des recherches de longue haleine, el on 
ne sera pas étonné du retard apporté à la reconstitution de séries de 
préparations aussi délicates. 

Cependant, depuis quelques temps, il a été fait à la Société de Biologie, 
sur les fonctions de l’oreille interne, un certain nombre de communica- 
tions qui constituent un moment psychologique que je ne saurais laisser 
passer sans prendre la parole; c’est pourquoi, j'ai cru devoir intervenir 
aujourd’hui. 

Dans la séance du 14 mai 1892, M. Gellé a très judicieusement réclamé 
la priorité en faveur d’une opinion qui tend à s’établir parmi les physio- 
logistes et d’après laquelle la théorie de Helmoltz-Hensen qui considère 
la membrane basilaire comme une membrane vibrante transmettant les 
vibrations sonores aux éléments sensoriels, doit être rejetée et remplacée 
par une autre manière de voir, suivant laquelle le mouvement vibratoire 
est transmis aux liquides inclus dans le labyrinthe et frappe directement 
les cellules ciliées et les extrémités des cellules fusiformes de Deiters qui 
y baignent. » Ces idées, exposées par M. Gellé dès 1884, semblent en faveur 
aujourd’hui, et nous voyons Moos, dans Archives of Olology et G. Bonnier, 
dans le Bulletin Scientifique de la France et de la Belgique(t. XXTIT, 1891), 
les avancer à leur tour et les soutenir chacun à sa manière. 

À la suite de la communication de M. Gellé, M. J. Chatin est intervenu 
pour faire une réclamation de priorité assez inattendue. « Diverses publi- 
cations, dit-il (C. 2. Soc. de Biologie, séance du 28 mai 1892) viennent de 
ramener l'attention sur la membrane basilaire, qu’il me soit permis de 
rappeler que j'ai été l’un des premiers, peut-être le premier à combattre 
la théorie qui lui attribuait une fonction sensorielle directe et à revendiquer 
ce rôle pour les cellules ciliées. » 

Il me paraît impossible de laisser passer sans protestation cette singu- 
lière réclamation, surtout lorsque l’auteur termine sa note en disant : « Je 
suis fort heureux de constater que l’on est aujourd’hui d'accord, tant en 
France qu’à l'étranger, pour adopter mes conclusions et confirmer mes 
recherches d’histologie zoologique. » 

On remarquera d'abord, que jamais Helmollz, auquel M. J. Chatin fait 
allusion, n’a attribué un rôle sensoriel à la membrane basilaire. I] faut 
que notre collègue n'ait entendu parler de la théorie d'Helmollz que par 
oui-dire, ou qu'il ne l’ait pas comprise pour lui faire dire semblable 


5926 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


—— 


chose. Voici textuellement l’idée de Helmoltz (1). « D'après cette manière 
de voir, ce seraient en dernière analyse les ares de Corti dont les vibra- 
tions reçues de la membrane basilaire, se communiqueraient aux organes 
terminaux de l'appareil nerveux. C’est dans ce sens que je prie d’inter- 
préter tout ce qui va suivre, toutes les fois qu'il sera question des vibra- 
tions, du son propre, de la hauteur des arcs de Corti; il faut toujours 
l’entendre de la hauteur du son qu'ils donnent par leur union avec les 
parties correspondantes de la membrane de Corti. » 

Rien, semble-t-il, n’est plus clair, et je cherche en vain comment 
M. Chatin a pu admettre que Helmollz envisageait les fibres de la mem- 
brane basilaire comme des fibres nerveuses. « Ges formations (fibres de 
la membrane basilaire) sont-elles de nature nerveuse, peuvent-elles être 
regardées comme constituées par des éléments excitables ? » C'est la 
queslion fondamentale, dit M. Chatin dans sa note à la Société Philoma- 
tique (2) à laquelle il nous renvoie. « Les résultats fournis par l'observation 
directe, ajoute-t-il, sont entièrement défavorables à cetle interprétation. 
les fibres de la membrane basilaire doivent être rapportées à une des in- 
nombrables modifications du tissu conjonctif et ne peuvent aucunement 
remplir la fonction que leur assigne l’école d'Heidelberg et qui doit être 
attribuée aux cellules ciliées seules capables de recueillir les impressions 
acoustiques. » 

, 

J'ai démontré par des textes que c’est par une erreur inexplicable que 
M. J. Chalin attribue à Helmoltz (école d'Heidelberg) une opinion qu'il 
n’a jamais exprimée et que dès lors l'intervention de M. J. Chatin dans 
le débat actuel ne fait qu'embrouiller la question et ne se justifie pas. 

En réalité le débat se réduit à ceci : les éléments normaux, cellules 
ciliées ou mieux à bâtonnets, sont-elles impressionnées par l’intermé- 
diaire de la membrane basilaire et des arcs de Corti qui entrent en 
vibrations du fait des vibrations communiquées par le liquide ambiant 
(théorie de Helmoltz), ou bien sont-elles impressionnées directement par 
les vibrations du liquide (théorie de M. Gellé, également soutenue par 
M. Bonnier). 

Les recherches auxquelles je me suis livré et qui seront l'objet d'un 
certain nombre de communications me conduisent à une manière de voir 
différente des deux précédentes. L'examen que j'ai fait de l'appareil de 
Corti (membrane basilaire, arcs de Corti, cellules à bâtonnets, cellules de 
soutien, membrane de Corti ou Tectoria, etc.) chez des animaux présen- 
tant au point de vue de l’acuité de l’ouïe des différences considérables 
(Ghauves-souris insectivores et mouton) m'ont montré dans la structure 
des diverses parties de l'appareil de Corti des différences telles qu’il me 


(1) Théorie physiologique de la musique. Traduct. par M. G. Guéroult, p. 563, 
(2) Bull. de la Soc. Philomathique, 1878, 7° série, t. III, p. 28. 


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SÉANCE DU 11 JUIN 927 


paraît impossible de nier que toutes les parties de cet appareil sont 
appelées à jouer un certain rôle dans l'audition. 

_ Sans insister sur les détails que je reprendrai plus tard, je dois dire 
dès aujourd’hui que chez les animaux dont l’ouïe a une acuité remar- 
quable (chauves-souris), l'ensemble des parties de l’appareil de Gorti pré- 
sente un épaississement et une rigidité qui en font incontestablement une 
sorte de sommier élastique, d’une grande élasticité, sur lequel reposent 
les cellules à bâtonnet. Une telle disposition est spécialement favorable 
à la réception de vibrations de petite amplitude, correspondant à des 
sons aigus. Les vibrations du liquide de l’oreille interne se transmettent 
à tout l'appareil de Corli et Les bâlonnets des cellules sensorielles viennent 
dans ces mouvements d'ensemble frapper la membrane de Corti ou 
sont frappés par elle et ce sont les chocs ainsi produits qui déterminent 
l'impression. On ne fait généralement jouer aucun rôle à la membrane 
de Corti ou seulement celui d’étouffoir. Il ne me paraît pas logique de 
la négliger ainsi, d'autant qu’elle est constante même chez les Oiseaux 
et les Reptiles qui n'ont pas d’arcs de Corti. D’autre part, il ne me 
paraît pas possible d'admettre que les vibrations du liquide de l'oreille 
interne suffisent à tout expliquer. Les bâtonnets des cellules sensorielles 
sont courts, épais, coniques, ce ne sont pas des cils en réalité; ils n'ont, 
quand on les connaît bien, nullement l'aspect de tiges susceptibles de 
vibrer. Ce sont bien plutôt des organes propres à recevoir des chocs, 
plus ou moins fréquents, suivant la rapidité des mouvements que les 
cellules qui les portent peuvent avoir grâce au support plus ou moins 
élastique où elles reposent. D'ailleurs chez les animaux dont l’ouïe est 
moins aiguë, chez le mouton, en particulier, l'appareil de Gorti est loin 
d’avoir la même élasticité. Il est plus lâche ; la membrane basilaire et 
les arcs de Corti qui forment la partie principale de son squelette sont 
beaucoup plus minces et incapables, semble-t-il, de s’accorder à des vibra- 
tions de très faible amplitude. Par contre elles répondront bien à des 
vibrations de grande amplitude. J'ajouterai que dans ces deux cas 
(chauves-souris et mouton), il y a dans toute la longueur de l'appareil 
de Corti des différences de structure qui, en adoptant la même inter- 
prétation, semblent indiquer que certaines parties de cet appareil sont 
organisées pour la réception des vibrations de petite amplitude, et 
d’autres pour la réception des vibrations de grande amplitude. 


528 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


SUR LES CORPS FLAGELLÉS ET LES FLAGELLA DU SANG, 


par M. ALGDE TREILLE (d'Alger). 


J'observe dans le service de la prison d'Alger, depuis le 17 novembre 
1891, un indigène d'une quarantaine d'année, atteint d’une hématurie 
rénale longtemps rebelle, survenue, d’après ses déclarations, au pénitencier 
de Castelluceio, en Corse, il y a environ un an et demi, à la suite d’un vio- 
lent effort. L’écoulement de sang n’a pas cessé d’être constant jusqu’au 
29 mai dernier, jour où, sous l'influence de doses de tannin, il a enfin 
disparu. L’hématurie n’a jamais présenté le caractère intermittent. Le 
malade, pendant cette longue période d'observation, n’a pas eu un seul 
accès de fièvre. Aucun signe ne permet de le qualifier de paludéen. 
La rate est absolument normale. 

À partir du 9 avril dernier, en examinant les urines au microscope, 
J'ai trouvé, revu fréquemment, parfois en quantité considérable, et 
montré à des confrères, les flagella libres, les corps flagellés que l’on a 
représentés par exemple comme pathognomoniques de maladies très 
diverses confondues sous le nom de maladies de paludisme, mais entre 
lesquelles existent par ailleurs des différences si radicales et si nombreuses 
qu'on ne peut leur reconnaitre la même origine. 

Mes exämens ont été longtemps infructueux parce qu'ils ne portaient 
que sur les urines des vingt-quatre heures. Ils n’ont abouti qu’en prenant 
des urines fraîchement émises. Les phénomènes pouvaient cependant 
s’observer pendant une heure et demie, deux heures. Les urines ne conte- 
naient aucun autre élément que le sang, souvent en quantité notable. Je 
me servais pour mes recherches d’un objectif à sec n° 9 de Verick. 

Dans le cas dont il s’agit, aucune confusion n'était possible. A côté de 
corps arrondis pourvus de un à quatre, six, huit flagella trèe mobiles, 
écartant les globules sanguins comme l’auraient fait des pseudopodes, à 
côté de flagella libres traversant les préparations comme des anguillules 
et pouvant donner l'illusion des protozoaires contenus dans le sang, il y 
avait une série d’autres éléments mettant aussitôt sur la voie du mode de 
formation de ces faux parasites. 

Des globules ou microcytes de dimensions très variées existaient géné- 
ralement en quantité dans l’urine et jouissaient d’une activité, d’une mobi- 
lité qu'on ne peut comparer qu'à celle de certains microbes. Je rappel- 
lerai que ces microcytes sont très fréquents et souvent lrès nombreux au 
début d'accès de fièvres. 

L'élément actif du flagellum était constitué par un globulin, un miero- 
cyte formant le renflement signalé par différents auteurs et entraînant 
avec lui dans la préparation une substance filamenteuse qui me parait 
venir du noyau même des leucocytes. Parfois sur la Lige du flagellum on 


SÉANCE DU 14 JUIN 529 


constatait un ou plusieurs renflements correspondant à autant de micro- 
cytes, ou bien ceux-ci étaient accolés les uns aux autres en forme de 
chaïînettes, donnant également sous un certain éclairage, l'illusion de 
flagella s’allangeant, revenant sur eux-mêmes, paraissant attaquer les 
globules sanguins, mais il suffisait d’un peu d’atlention pour reconnaître 
la segmentation globulaire ou microcytaire. : 

Dans le sang de mon malade, pris au doigt par exemple, rien de 
pareil. Les flagella et les corps flagellés ne se formaient donc que par le 
passage du sang dans l'urine, mais manquaient à certains jours sous l’in- 
fluence de médications dont les préparations de quinquina étaient pros- 
crites ou de causes difficiles du reste à déterminer. 

Je ferai remarquer que ces flagella et ces corps flagellés ont été ren- 
contrés déjà dans un grand nombre de maladies. 

Il suffit de se reporter aux descriptions qui en ont été faites pour le 
typhus, les maladies variées indüment rangées sous le nom de paludisme, 
les anémies pernicieuses, la grippe, ete., pour reconnaître qu'aucune 
distinction ne peut être établie entre eux. Ce sont de faux parasites du 
sang comme beaucoup d’autres raisons l'indiquent. On ne saurait les 
considérer comme pathognomoniques pour quelque affection que ce 
soit. 

Une dernière remarque. Ces formes se confondent avec les éléments du 
sang dans les préparations séchées et colorées que l’on a tentées. Je n’ai 
guère été plus heureux à cet égard que tous ceux qui les ont observées et 
décrites en se plaçant à des points de vue différents. Il faut voir les pré- 
parations fraiches pour en avoir une perception nette. 


EXTIRPATION TOTALE DU FOIE CHEZ LA GRENOUILLE ; DURÉE DE LA SURVIE 
A LA SUITE DE CETTE OPÉRATION, 


par M. RoGER. 


On sait que l’extirpation totale du foie, chez la grenouille, n’entraîne 
pas la mort immédiate; les anastomoses qui, chez les batraciens, relient 
le système porte hépatique au système porte rénal, permettent le réta- 
blissement de la circulation sanguine à la suite de cette opération. 
L'étude des phénomènes qui suivent l’ablation du foie, est done beau- 
coup plus simple que chez les mammifères, où la ligature de la veine 
porte détermine une congestion énorme dans les branches d'origine de 
ce vaisseau. 

Mais si tout le monde reconnait que les grenouilles, privées de leur 
foie, survivent quelque temps, la durée de cette survie esi appréciée dif- 


530 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


féremment par les expérimentateurs : tandis que Moleschott (1) l’évalue 
à deux ou trois semaines, la plupart des physiologistes, avec J. Müller (2) 
et Kunde (3) soutiennent qu'elle ne dépasse pas trois ou quatre jours. 

À partir de 1885, jai pratiqué l’extirpation du foie sur un grand 
nombre de grenouilles (4); jusqu’en novembre 1894, j'ai toujours vu les ani- 
maux succomber en trois ou quatre jours,exceptionnellementen cinq jours; 
à partir de cette époque, l’évolution fut bien différente et j'obtins souvent 
des survies de deux et trois semaines, comme dans les expériences de 
Moleschott. 

Je ne tardai pas à découvrir la raison de ces divergences. Dans mes 
premières recherches, je maintenais les animaux opérés dans un cristal- 
lisoir contenant de l’eau ou du foin mouillé et recouvert d’un entonnoir; 
dans ces conditions, ils succombaient en trois ou quatre jours. A partir 
de novembre 1891, je laissais les grenouilies dans un grand bac dont 
l’eau était constamment renouvelée; c'est alors que je les vis survivre 
deux ou trois semaines. 

Il était donc tout naturel d'admettre que la survie était plus longue 
parce que les animaux étaient dans de l’eau courante. L'expérience sui- 
vante, maintes fois répétée, confirme cette hypothèse : deux grenouilles 
sont privées de leur foie; l’une est placée dans un cristallisoir dont on ne 
renouvelle pas l’eau : elle meurt en trois ou quatre jours (5); l’autre est 
mise dans un cristallisoir semblable, contenant la même quantité d’eau et 
maintenu à la même température; la seule différence, c’est que l’eau est 
constamment et abondamment renouvelée; dans ces conditions, la survie 
varie de huit à quatorze jours et parfois atteint vingt jours. 

J’ai rapporté ces faits parce qu'ils me semblent représenter un exemple 
saisissant de déterminisme expérimental; ils montrent une fois de plus 
combien il faut tenir compte des moindres circonstances avant de nier un 
résultat ou de critiquer une expérience. 


L'évolution différente des accidents, suivant les condilions dans 
lesquelles on place les animaux, dépend de facteurs multiples : l'eau cou- 
rante doit agir en favorisant la respiration cutanée; mais son action se 
comprend encore mieux, si l’on tient compte de ce que nous savons sur 
le rôle du foie dans les auto-intoxications : cet organe étant supprimé, 
les reins, et probablement les glandes cutanées, éliminent en excès les 


V. notamment ma thèse de doctorat : Action du foie sur les poisons, 1887 
et un récent mémoire publié dans les Archives de Physiologie, janvier 1892. 

(5) Une grenouille normale, placée dans les mêmes conditions, est encore 
vivante au bout de trois semaines. 


SÉANCE DU 41 JUIN 531 


produits toxiques formés dans l'organisme : chez l’animal, qui est placé 
dans de l’eau stagnante, la résorption de ces produits doit se faire con- 
stamment et vient hâter la terminaison fatale. 


NOTE SUR LA CONTRACTURE PLANTAIRE PRODUITE PAR LE SURMENAGE, 


par M. le D' DEWÈVRE. 


J'ai eu l'honneur d’exposer à la Société, il y a quinze jours, les résul- 
tats de mes recherches sur le rôle de l’élasticité de la voûte plantaire 
dans le mécanisme de la marche. J'avais expliqué la fatigue de la 
marche par le relâchement de l'élasticité du muscle plantaire, néces- 
sitant une plus grande dépense de forces au moment du soulève- 
ment. Or, je viens de constater un fait me démontrant que s’il en est 
bien ainsi le plus souvent, et dans la marche ordinaire, une autre cause 
peut entraver la lucomotion, quand la marche est accélérée et qu'il y a 
surmenage. J'ai eu l’occasion d'examiner hier un homme atteint d’une 
véritable contracture des muscles plantaires, contracture survenue après 
une marche forcée de 250 kilomètres environ. Cet homme, qui prenait 
part à un concours, avait couvert cetle énorme distance à une allure de 
8 kilomètres à l'heure en moyenne alternant le trot avec la marche au 
pas allongé, et sans prendre une heure de repos. 

Vers le deux-centième kilomètre, il avait commencé à ressentir dans la 
plante du pied un resserrement, une espèce de crampe, suivant son 
expression. Cette crampe devint bientôt douloureuse, et malgré toute 
l'énergie de sa volonté, notre marcheur dut interrompre son concoars. IL 
m'a été rapporté que beaucoup d’autres marcheurs se sont trouvés dans 
des condilions identiques. 

Le pied ainsi contracturé a diminué de longueur et la pression au 
niveau de la plante du pied est entièrement douloureuse. La voûte plan- 
taire est exagérée et si l’on fait marcher le malade on constate qu'il 
porte Le pied dans l’adduction extrême, le renversant complètement en 
dedans, n’appuyant que sur le bord externe de facon à ne pas mettre en 
jeu l’élasticité de la voûte. Toute tentative de redressement du pied et 
d’effacement de la voûte est en effet fort pénible. Cet état du pied est 
absolument en rapport avec celui que j'ai relevé dans la marche au cours 
de mes études précédentes. J'ai pu constater en effet à l’aide d’observa- 
tions qui n'ont pu trouver place dans le mémoire réduit présenté à la 
Société et en me servant de la photographie, qu'au moment où le pied 
quitte le sol, il subit un véritable contraction. J'avais remarqué que 
l’écartement des deux points de repère fixés sur le bord externe du pied, 


532 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


l'un au niveau de la tête du métatarsien, l’autre au niveau du seaphoïde 
ne présentaient point le même écartement au repos complet et pendant 
la marche à la période du lever. 

Ce raccourcissement du pied au moment du lever peut s'expliquer de 
deux facons — ou bien il ne s'agit que d’un phénomène d'élasticité, du 
retour à la normale et un peu au delà de l’élasticité plantaire mise en 
jeu au moment de l'appui. | 

Dans cette hypothèse, la voûte plantaire élirée reviendrait sur elle- 
même comme une lame élastique. 

Je crois qu'il en est bien ainsi en réalité, maïs je crois aussi que la con- 
traction des muscles plantaires intervient également dans ce raccourcis- 
sement du pied. Presque nulle pendant la marche ordinaire et régulière 
où l’élasticité musculaire est surtout mise en jeu, la contractilité n'inter- 
viendrait que dans la marche forcée et surtout dans la course. Nous 
agirions en somme comme des bateleurs qui donnent à la corde sur 
laquelle ils se meuvent une tension d'autant plus grande qu'ils veulent 
obtenir un soulèvement plus énergique et plus rapide. 

On s'explique ainsi facilement la contracture plantaire qui survient 
lorsqu'on se livre à une marche exagérée comme durée et comme allure, 
et entrecoupée de pas de course. 

Les muscles plantaires se comportent en somme comme tous les autres 
muscles et entrent en quelque sorte en tétanos sous l'influence de la 
fatigue et du surmenage. La diminution de la contractilhité entraîne celle 
de l’élasticité et c’est ainsi que la fatigue devient rapidement extrême et 
que la marche au pas qui met précisément surtout en Jeu cette élasticité, 
devient à son tour impossible. Il ne parait donc pas très logique d’al- 
terner le pas de course et le pas de marche, lorsqu'on a une longue dis- 
tance à parcourir et on ne doit tout au moins recourir à la course qu'avec 
une très grande prudence et beaucoup de parcimonie. 

L'élasticité du muscle disparaît moins vite que sa contractilité; la 
marche au pas qui ne met en jeu que la première pourra done être sou- 
tenue plus longtemps que le pas de course qui met surtout en œuvre la 
seconde. Ainsi s'explique pourquoi les coureurs de profession ne peuvent 
lutter sur un long parcours avec ceux qui marchent au pas. On peut 
donc dire, en modifiant un peu la phrase célèbre de La Fontaine, que pour 
une longue dislance « rien ne sert de courir, il faut marcher au pas ». 


3 


OUR OT OS SON PNR PTE ON PPS LE ET PE ENS 


SÉANCE DU 11 JUIN 533 


ISOLEMENT DES COULEURS DANS LA LUMIÈRE BLANCHE 
PAR LEUR ACTION SUCCESSIVE, 


Note de M. Auc. CHARPENTIER, présentée par M. d'ARSONvAL. 


Depuis le jour où j'ai été amené à penser, à la suite d'expériences de 
plusieurs sortes, que les couleurs correspondaient physiologiquement à 
des vibrations rétiniennes naissant à des moments différents les unes par 
rapport aux autres, j'ai cherché à réaliser ce qui devait logiquement 
résulter de cette théorie, c'est-à-dire une décomposition de la lumière 
blanche suivant le temps comme elle a été déjà réalisée suivant l’espace. 

Déjà l’année dernière (Soc. Biol., 18 juillet 1891) j'avais découvert dans 
cet ordre d'idées un phénomène des plus curieux, l'aspect coloré que 
prennent dans certaines conditions de petites excitations blanches instan- 
tanées. Malheureusement le déterminisme complet de ce phénomène 
échappe jusqu'à présent, et on ne peut pas produire à volonté une colo- 
ration donnée (sauf la coloration pourpre violette qui a un mode de pro- 
duction tout à fait particulier), ce n’était donc qu'un premier pas insuff- 
sant dans la direction indiquée. 

Le problème n'est d’ailleurs pas facile à résoudre directement. On peut 
se proposer de déplacer dans l'obscurité une lumière de dimensions très 
limitées et avec assez de vitesse pour que sur son passage les diverses 
vibrations colorées n'aient pas le temps de naître au même endroit de la 
rétine, mais puissent se produire sur des points contigus. Alors devaient 
paraître successivement, dans le sens du mouvement, d’abord la couleur 
rouge, puis l’orangée, la jaune, la verte, et ainsi de suite. 

Mais il y a un obstacle très sérieux à prévoir, consistant dans la per- 
sistance des premières radiations parues, persistance qui devrait empé- 
cher que les radiations suivantes ne se manifestent isolément. 

Il faudrait donc d’abord que la persistance de chaque couleur füt très 
courte, ce qui ne peut être obtenu qu'avec une excitation très faible, 
puisque J'ai démontré que la persistance totale augmente suivant l’inten- 
sité lumineuse. 

D'autre part, si l'on opère avec une lumière trop faible, les couleurs 
isolées et par cela même encore affaiblies pourront à peine dépasser ie 
minimum perceptible et ne pas être vues. Tout au moins, les plus faibles 
ne seront pas alors perçues, el seuls pourront apparaître par exemple 
jaune et le vert, qui ont le plus d'intensité dans le spectre et par suite la 
plus longue persistance. 

Donc il y a une certaine intensité lumineuse moyenne assez limitée, 
qui seule permettra la production du phénomène, si les autres conditions 
sont réalisées. 


22. 


ee 0 2 rt oc 20 mdrr 


594 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Il faudra d’autre part une certaine durée définie de l'excitation, et une 
certaine vitesse définie de son déplacement. 

La durée de l'excitation devra être très faible, car autrement les vibra- 
tions des diverses couleurs successivement parues seraient couvertes et 
masquées par l'addition de nouvelles vibrations dues à la continuation 
de l’activité des couleurs les premières parues, vibrations qui se mélan- 
geraient avec les suivantes. 

Cette durée ne doit pas cependant être par trop faible, sans cela l’exci- 
tation ne serait pas assez intense pour faire naître la perception de la 
couleur. 

Quant à la vitesse du déplacemant de la lumière excitatrice, elle doit, 
elle aussi, avoir une certaine valeur en rapport avec plusieurs conditions. 

Si elle est trop faible, les couleurs se juxtaposeront sur un espace trop 
resserré et se détruiront par leur mélange. 

Ce mèlange sera d'ailleurs favorisé par la diffusion optique, si faible 
qu’elle soit, et aussi par la diffusion physiologique déjà étudiée de l’im- 
pression lumineuse sur Ja rétine. 

D'autre part, la vitesse de déplacement ne doit pas être excessive, car 
autrement l'intensité lumineuse en chaque point du parcours pourrait être 
trop réduite pour que la perception füt possible. 

Enfin il y a à compter avec la fatigue de l'œil, qu'il faut éviter à tout 
prix : pour cela, il est nécessaire de reproduire le phénomène seulement à 
des intervalles assez éloignés. 

On voit quelle multiplicité de conditions il y avait à concilier pour 
réussir à produire la décomposition de la lumière, si toutefois elle était 
possible. 

Je suis arrivé depuis un certain temps à une méthode qui permet l’ob- 
servation du phénomène dont il s’agit. 

Je fais tourner au devant d’un champ complètement obscur (boîte 
tapissée de velours noir) et par l'intermédiaire du moteur qui me sert pour 
les disques rotatifs, un secteur blanc disposé de la façon suivante : ce 
secteur, au lieu d’avoir un angle constant, et par conséquent une largeur 
croissante depuis le centre jusqu’à la périphérie, est pour ainsi dire 
retourné : il a un angle maximum au centre et cet angle décroît réguliè- 
rement jusqu’à l'extrémité opposée où il devient nul; sa largeur corres- 
pondant, à son origine centrale, à un angle d'environ 30 degrés, diminue 
peu à peu jusqu'à la périphérie où il se termine en pointe, figurant ainsi 
une sorte de branche d'étoile. 

Pour fixer les idées, on peut donner par exemple au secteur une lon- 
gueur de 8 à 10 centimètres el une largeur à la base de 1 centimètre à 
1 cent. 1/2, cette base est supportée par un petit cercle plein avec lequel 
elle se continue, et c’est ce petit cercle (de 2 ou 3 centimètres de diamètre) 
qui se fixe par son centre sur l’axe qui doit entraîner le secteur. ; 

Par suile de l'augmentation de largeur du secteur et de la diminution 


SÉANCE DU 11 JUIN JP 


de la vitesse absolue du déplacement de ses points de la périphérie au 
centre, la durée de l'excitation des points correspondants de la rétine 
croît dans le même sens; l’étalement des couleurs est ainsi favorisé en se 
rapprochant de la périphérie. 

En effet, lorsqu'on fait tourner le secteur avec une vitesse convenable 
(un tour en deux ou trois secondes en moyenne) et qu’on opère à un 
éclairage moyen (bon jour sans soleil direct), on voit nettement se colo- 
rer la partie terminale de l'étoile. Cette partie paraît élargie, et des cou- 
leurs différentes se distribuent sur son étendue. 

La distribution en est difficile à analyser ; au premier abord elle parait 
verte ou jaune verte. Mais si l’on sait maintenir sou regard absolument 
immobile, chose pénible et qui ne s’acquiert que par une longue habi- 
tude, et si l’on fixe uniformément un point assez voisin du bord libre du 
secteur, mais plutôt situé en dehors, on arrive à reconnaître que le bord 
initial du secteur est rouge, que cette zone se fond graduellement dans 
une zone jaune et celle-ci dans une zone verte un peu plus étendue qui 
s’assombrit à la fin là se borne Le plus souvent la succession des couleurs 
visibles dans cette expérience. 

L’étalement des couleurs ne dépasse guère 1 centimètre, elles sont loin 
d'être aussi belles que dans le spectre; leur intensité est pour cela beau- 
coup trop faible, leur isolement ne peut être complet, et elles reposent 
d’ailleurs sur le fond gris ou incolore dont j'ai démontré l'existence dans 
toute sensation visuelle. Cependant elles sont visibles et nettes dans les 
conditions ci-dessus. 

Un peu plus bas que la pointe du secteur, les zones colorées se mélan- 
gent et deviennent plus difficiles à analyser, à cause de l'élargissement et 
de la diminution de vitesse des parties inférieures du secteur, influences 
qui jouent, dans de plus grandes proportions, un rôle comparable à celui 
de l'élargissement de la fente dans le spectroscope. J'ai reconnu que les 
couleurs isolées disparaissent sur le secteur à un niveau qui correspond 
à une durée d’excitation de 4 à 5 millièmes de seconde environ. Ces nom- 
bres ne sont qu'approximatifs, à cause de la difficulté de l’observation 
pendant la durée du retour. 

Les couleurs les plus réfrangibles, bleu et violet, ne font pas toujours 
défaut, et il suffit parfois d'ouvrir brusquement l'œil fermé pour les 
apercevoir, seulement elles sont plus sombres, et elles peuvent être mas- 
quées ordinairement par le vert, plus persistant, et par conséquent em- 
piétant sur elles. 

On peut d’ailleurs expliquer autrement l'absence habituelle du bleu et 
du violet. 

Il faut remarquer que les couleurs manquantes sont précisément les 
complémentaires des couleurs vbservées. Ainsi après le vert devrait venir 
le vert bleu, complémentaire du rouge visible, puis le bleu et le violet, 
complémentaires des autres couleurs perçues. 


536 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Or, j'admets, dans la théorie que j'ai exprimée il y a plusieurs années 
et qui m'a guidé ici, que les couleurs complémentaires l’une de l’autre 
prennent naissance respectivement à deux moments différant entre eux 
d'une demi-vibration complète ; elles donnent donc en même temps deux 
phases vibratoires inverses, lesquelles se détruisent par interférence. 
Ainsi le vert bleu prendrait naissance au moment où commence la phase 
négative du rouge, et ainsi de suite. 

Quoi qu'il en soit de cette explication, dans laquelle il faudrait admet- 
tre un certain degré de persistance des premières couleurs, les phéno- 
mènes en question concordent très bien avec ma théorie, tandis que je ne 
vois pas comment on pourrait les expliquer dans les idées classiques. Il 
faut bien remarquer qu’il ne s’agit pas ici de couleurs de fatigue, ni d’un 
aspect spécial des images consécutives, car elles devraient alors êlre bien 
marquées pour les parties les plus larges du secteur, tandis qu'au con- 
traire celles-ci, dans les conditions de nos expériences, paraissent limitées 
par un bord terminal net et à peu près incolore. 


ACTiON COMPARÉE DES IODURES ALCALINS ET ALCALINO-TERREUX. 
ACTION DES IODURES SUR LE COEUR, 


par M. L. LAPICQUE. 


(Laboratoire de la Faculté de médecine à l’Hôtel-Dieu, Clinique médicale.) 


J'ai repris l'étude physiologique de l’action des iodures alcalins sur la 
circulation, étude que j'avais commencée en 1889 avec M. G. Sée. Ce pre- 
mier travail a été communiqué à l’Académie de médecine au mois d’oc- 
tobre 1889 ; nous y comparions qualitativement l’iodure de potassium et 
l’iodure de sodium, et nous établissions que ces deux sels ont une action 
commune sur la circulation, action consistant en un abaiïssement de la 
tension artérielle avec accélération du cœur; l’iodure de potassium a en 
plus une action opposée à celle-là ; il détermine d’abord une élévation de 
pression avec ralentissement du cœur, imputable au radical potassium, 
comme le montre la comparaison avec le chlorure de potassium, ensuite 
vient la chute de pression avec accélération, phénomène qui lui est com- 
mun avec l’iodure de sodium, et qui est imputable par conséquent au 
radical 1ode. 

Dans une note communiquée récemment à la Société, j'ai montré que 
l'iode libre et les iodates, en injections intraveineuses, produisent aussi 
ce dernier effet; qu'ils le produisent plus rapidement et à plus petite dose, 
l’ordre d'activité des diverses formes sous lesquelles l’iode est introduit 
dans l'organisme étant inverse dans l'ordre de stabilité des combinaisons 


SÉANCE DU 11 JUIN 531 


qu'il forme dans le sang. Cette modification de la circulation peut donc 
être considérée comme caractéristique de l’iode. 

J'ai songé à m'en servir comme de point de repère pour comparer entre 
eux quantitativement les divers iodures employés en thérapeutique, qui 
ont donné lieu à de nombreuses discussions médicales relativement à 
leurs valeurs respectives. Je dirai tout de suite qu'à ce point de vue, je 
n’ai pas obtenu des résultats bien nets; quoique j'aie fait un assez grand 
nombre d’expériences, il m'est impossible, soit d'affirmer que tous les 
iodures s’équivalent, soit d'établir entre eux une échelle d’activité, quant 
à cette action particulière sur la circulation. À coup sûr, s’il y a une 
différence, elle est faible. 

Les iodures que j’ai étudiés sont au nombre de quatre, iodure de sodium, 
de potassium, de calcium et de strontium (ce dernier en commun avec 
M. Malbec). J'ai retrouvé dans les deux iodures alcalino-terreux, comme 
il fallait s’y attendre, la propriété de l’iode que j'indiquais plus haut. J’ai 
donc cherché la dose minima de chacun de ces iodures pour laquelle se 
manifeste celte propriété. 


Les expériences ont été faites sur le chien, ayani son système nerveux 
intact, immobilisé avec une dose de curare aussi faible que possible, et soumis 
à la respiration artificielle. Les variations de pression étaient enregistrées gra- 
phiquement pendant toute la durée de l'expérience. 

La substance était injectée dans la veine saphène, en solution tantôt à un 
dixième, tantôt à un vingtième du produit employé; chaque injection de 5 cen 
timètres cubes durait deux à trois minutes, et les injections étaient répétées à 
court intervalle jusqu’à la totalité de la dose, J'ai analysé, en y dosant l’iode 
par l’iodure d'argent, tous Les iodures commerciaux dont je me suis servi, après 
m'être assuré qu'ils ne contenaient pas d'iodate. Les chiffres qui vont suivre 
se rapportent aux quantités réelles d’iode et d'iodure injectées, calculées 
d’après l’analyse. 


Voici les doses d'iodure par kilogramme d'animal qui se sont montrées 
efficaces, c’est-à-dire qui ont fait tomber la pression aux deux tiers à peu 
près de sa valeur primitive {soit en général, de 16-18 à 12 centimètres de 
de mercure) avec un nombre de pulsations voisin de 200 par minute. 


Todure de sodium . . . . . . . Osr,32 d'iodure — 08,27 d'iode 
er — Piece O0 30 — OM 
lodure de strontium . . . . . 0 32 — —=,0 124, :— 
lodure de calcium . 0 24 — DATES 
lodure de potassium . 0 27 — — 0 20, — 
— — 0 23 — —Q 17 — 


Voici des doses qui ont été insuffisantes, mais ont eu un commencement 
d'action, c’est-à-dire qu’elles ont un peu abaissé la pression, en général 
pour un instant seulement, et qu’elles ont un peu accéléré le cœur sans 


538 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


l’amener à un rythme aussi rapide que dans le cas précédent. Fréquem- 
ment en outre, avec ces doses, le rythme cardiaque présente des variations 
périodiques sur lesquelles je reviendrai plus loin. 


Jodure de sodium: . . . 05,20 d’iodure = 0£',17d'iode (2 exp.) 
— RS A UT — . —=0 16 — 
Iodure de strontium. . . © 23 ONE 


La dose suivante d’iodure de potassium a été tout à fait inefficace. 


Jodure de potassium . OA LOMME — 0 MAT 


On voit que ces chiffres semblent indiquer une gradation dans l’acti- 
vité des iodures considérés, l'iodure de sodium et celui de strontium étant 
moins actifs que ceux de calcium et de potassium. Mais comme les 
valeurs minima trouvées sont en somme assez voisines, et que des expé- 
riences de ce genre ne comportent pas un très haut degré de précision, 
je m'abetiendrai de me prononcer. Je ferai remarquer pourtant, que les 
résultats, obtenus dans des conditions aussi identiques que possible, sont 
assez constants d'une expérience à l’autre et que je n’ai pas eu de che- 
vauchement entre les doses efficaces et les doses inefficaces. 

Il faut faire une exception (c’est la seule que j'ai rencontrée) pour r ex- 
périence suivante dont je donne le résumé à cause de son allure très par- 
ticulière. 


Expérience du 6 mai. Chien pesant 10 kil. 500.— 2 centigrammes de curare 
dans la plèvre droite. Respiration artificielle. Manomètre inscripteur de 
Francois-Franck avec sphygmoscope dans le bout central de la carotide 
gauche. Pression : 18 centimètres, 120 pulsations par minute. Injection dans 
la saphène d’une solution d'iodure de sodium à 10 p. 100.40 centimètres cubes 
soit 1 gramme d’iodure en trois minutes, de 3 h. 46 à 3 h. 49. Pas de variation 
brusque de la pression immédiatement après l'injection, mais on remarque 
presque aussitôt une tendance de la pression à baisser, et on ne fait pas de 
nouvelle injection. À 3 h. 55, pression : 15.5, 160 pulsations à la minute; l’am- 
plitude du tracé sphygmoscopique est tombé de 3 millimètres à 4 millimètre. 
À 3 h. 58, pression : 13 centimètres, 180 pulsations à la minute, le tracé 
sphygmoscopique est encore plus faible. 

L'effet habituel de l’iodure sur la circulation s’est donc produit ici avec une 
dose exceptionnellement faible, comme aussi dans un temps exceptionnelle- 
ment court. Je n'ai pas pu déterminer les conditions sous lesquelles l'intoxi- 
cation avait pris cette forme extraordinaire, j'ai vérifié l’état anatomique du 
cœur, de l'aorte et des gros vaisseaux pulmonaires sans y relever rien d’anor- 
mal. Peut-être cela tient-il à ce que l'injection a été un peu plus rapide que 
d'habitude? Peut-être est-ce le sujet qui présentait une sensibilité particulière 
à l’iode, comme cela s’observe dans l’espèce humaine? Ce cas est unique dans 
la série de mes expériences. 


SÉANCE DU 11 JUIN 539 


Dans mes communications précédentes, je ne m'étais pas occupé de 
déterminer le mécanisme de la perturbation circulatoire que produisent 
les combinaisons de l'iode. Les faits que j'ai observés au cours de ces der- 
nières expériences, m'ont amené à considérer cette perturbation comme 
étant surtout cardiaque. En effet, l'examen des tracés fournis par le 
sphygmoscope montre, lors de la chute de pression, un affaiblissement 
considérable de l’impulsion systolique. De plus, dans les expériences où 
la pression a été enregistrée simultanément dans les deux bouts de l’ar- 
tère, les deux tracés ont toujours marché parallèlement. Enfin, si l'on 
sacrifie l'animal après que la chute de pression s’est produite, et qu'on 
examine les poumons, les organes abdominaux, etc., on n’observe pas la 
congestion généralisée qui a été signalée par tous les pharmacologistes et 
que j'ai observée de mon côté, mais à une phase plus avancée de l’in- 
toxication. Il me semble donc que l’on peut rapporter la chute de pres- 
sion à un affaiblissement du cœur par l’intoxication iodique. Ce qui me 
confirme encore dans cette idée, c’est que j'ai observé plusieurs fois, soit 
avec les doses d’iodures que j’ai indiquées comme n'ayant agi qu’à moitié, 
soit avec des doses suffisantes, mais alors dans les phases de début ou de 
réparation, de toute façon, dans l’état intermédiaire entre la circulation 
normale et la modification que nous étudions, j'ai observé, dis-je, des 
variations périodiques dans la force du cœur; sur le tracé sphygmosco- 
pique, on voit de distance en distance une dizaine de systoles plus fortes 
que dans le reste du tracé, et à chacun de ces groupes correspond une 
élévation de la pression. Ici, l’action cardiaque n’est guère douteuse. 

Je me suis demandé alors si, à l’affaiblissement du cœur dont j'ai parlé 
ne correspondrait pas, pour des doses moindres, une action inverse, et si 
je ne pourrais pas mettre en relief l’action tonique que semble indiquer 
l’emploi des iodures dans la thérapeutique cardiaque. Cette action existe 
réellement, et j'ai pu la mettre en évidence dans les conditions suivantes. 
J'ai étudié l’effet de l’iodure de sodium sur un chien dont le bulbe était 
détruit, chez lequel par conséquent les phénomènes de régulation vaso- 
motrice ne pouvaient pas venir masquer les variations dans la force du 
cœur. Dans ces conditions, j'ai vu, peu de temps après l’injection, le 
tracé sphygmoscopique augmenter considérablement d'amplitude, et la 
pression, très basse, naturellement, se relever de près de 2 centimètres ; 
le rythme du cœur s’est ralenti, mais à peine. 

Un tel effet suppose que l’iode est pour le cœur de la grenouille un 
poison systolique. Il en est bien ainsi en effet. L’iodure de sodium est peu 
propre à montrer cette action; avec ce sel, on n'obtient sur la grenouille, 
soit qu’on l’injecte sous la peau, soit qu'on l’instille directement sur le 
cœur, autre chose qu'une légère tendance au plateau systolique. Mais si 
on a recours à l'iodate de sodium, composé qui doit jouir, d’après mes 
observations antérieures, des mêmes propriétés que l’iodure avec plus 
d'intensité, on obtient très nettement le plateau systolique. Je n’ai pas 


540 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


EEE EEEEEEEEEEEa_—_—_—…—— ER 


pu arriver à l’arrêt systolique complet du cœur, même avec des instilla- 
tions répétées d’une solution à 5 p. 400 ; le ventricule pâlit, reste petit, 
mais continue à battre rythmiquement pendant plusieurs heures avec une 
diastole à la vérité très peu marquée. Ce dernier fait, rapproché de l’ineffi- 
cacité de l’iodure, montre que le cœur de la grenouille est, par rapport 
au cœur du chien, relativement réfractaire à l’action de l'iode. Cette 
différence de sensibilité justifie le rapprochement entre la première 
phase de l’intoxication chez le chien et l'action totale chez la gre- 
nouille. 

Les faits que je viens de rapporter me paraissent donc s’accorder pour 
faire admettre que l’iode exerce sur le cœur une action d’abord tonique, 
puis déprimante. Cette action doit être considérée comme indéperidante des 
centres médullaires (j'avais déjà cité antérieurement divers faits qui plai- 
daient pour cette indépendance); l’action tonique cardiaque a été obtenue 
le plus nettement sur un chien à bulbe sectionné, et qui n'avait pour ainsi 
dire plus de réaction vaso-motrice, comme je m’en suis assuré en consta- 
tant que l’asphyxie modifiait à peine sa pression jusqu'à la mort du 
c œur ; enfin les expériences sur la grenouille, dont j'ai relaté plus haut 
les résultats, ont été faites après destruction non seulement du bulbe, 
mais de la moelle. 


9 


Le Gérant : G. Masson. 


—_—_——————_———@ 
Paris. — Typographie Gaston Née, 1, rue Cassette. — 6539. 


544: 


SÉANCE DU (8 JUIN 1892 


M. Laveran : Note à l’occasion du procès-verbal. — M. I. Srraus : Sur un procédé 
de coloration, à l’état vivant des cils ou flagella de certaines Hariéntes mobiles. — 
M. R. Lépine : Sur le mécanisme de la glycosurie consécutive à l’intoxication par 
la vératrine. — MM. Razer et Moussu : La Filaire des boutons hémorragiques 
observée chez l'âne; découverte du mâle. — M. le Dr Gricorescu (de Bucharest) : 
Accélération de la vitesse des transmissions sensitives chez un ataxique traité 
par des injections de liquide testiculaire de cobaye. — M. Brown-Séquarn : Re- 
marques sur l'influence du liquide testiculaire dans plusieurs cas nouveaux d’ataxie 
locomotrice et dans un cas de paraplégie de cause organique. — M. A. p'Ar- 
SONVAL : Observation à l'occasion de la communication de M. Brown-Séquard. — 
MM. GLEy et CHaRRin : Les habitats des microbes. — M. A. DasrRe: Fibrine de 
battage et fibrine de caillot. — M. H. Braurecanp : Note sur le rôle de la fenêtre 
ronde. — M. LAuLANÉ : Sur les systoles stériles et la nature de la contraction 
cardiaque. — M. LauLanié : Sur un appareil pour l'étude des échanges respira- 
toires. — M. Louis BLanc : Un cas d’ovule à deux noyaux chez un mammifère. 


Présidence de M. Chauveau. 


NOTE A L'OCCASION DU PROCÈS-VERBAL 


M. Lavera. — Je désire dire quelques mots seulement au sujet de la 
communication qui nous a été faite dans la dernière séance par M. Alcide 
Treille. 

. M. Alcide Treille a repris une vieille objection qui m'avait été adressée 
autrefois et qui avait été abandonnée; d'après lui, l'hématozoaire du palu- 
disme n'existe pas et je n’ai décrit sous ce nom que des altérations des 
éléments normaux du sang ; tous les observateurs qui ont vu et décrit 
après moi cet hématozoaire se sont également trompés. 

Je tiens à constater que ces assertions ne reposent absolument sur 
aucune preuve et que M. Alcide Treille conteste des faits innombrables 
observés depuis dix ans par des centaines d’observateurs, sans fournir 
d'autre argument que celui-ci: j'ai vu des flagella ou des corps en crois= 
sant dans de l'urine hématurique ou dans le sang de sujets non palustres.: 

M. Alcide Treille, qui n'hésite pas à s'inscrire en faux contre des faits con= 
trôlés par des observateurs telsque MM. Bouchard, Straus, Sternberg, Coun- 
cilman, W. Osler, Golgi, Metchnikof, Danilewsky, Grassi et tant d’autres, ne 
paraît. pas supposer.qu'on puisse douter de ses assertions et il a négligé 
absolument jusqu'ici de faire la preuve de ce qu'il avance. Puisqu’ il trouve: 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9° SÉR'E. T. 1V. 
: 23 


D42 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


des flagella identiques à ceux du paludisme dans l'urine hématurique et 
des corps en croissant dans le sang normal, M. Alcide Treille doit pouvoir 
facilement faire constater ces faits par des personnes compétentes, je 
veux dire par des histologistes au courant de ces questions et ayant 
observé les éléments parasitaires que j'ai décrits. Les corps en croissant 
sont faciles à conserver et je ne comprends pas ce qui a empêché 
M. Alcide Treille de nous apporter des préparations des corps en crois- 
sant qu'il dit avoir observés, en dehors du paludisme. Tant que M. Alcide 
Treille se contentera de procéder par affirmations et de dire j'ai vu, je 
considérerai comme non avenues des assertions qui sont en contradiction 
absolue avec tout ce que j'ai vu et avec tout ce qui a été vu par tous 
ceux qui depuis dix ans étudient l'hématozoaire du paludisme. 


SUR UN PROCÉDÉ DE COLORATION, 
A L'ÉTAT VIVANT DES CILS OU FLAGELLA DE CERTAINES BACTÉRIES MOBILES, 


par M. I. Srraus. 


On sait aujourd’hui que toutes les bactéries mobiles sont munies d’un 
ou de plusieurs cils. Ces cils ou flagella ne peuvent être décelés que par 
des procédés spéciaux de coloration, surtout bien étudiés par Loœætffler. 
Mais ces procédés sont assez compliqués, ils nécessitent l’emploi de mor- 
dants particuliers et demandent de la patience et de la dextérité. 

J'ai réussi, par un procédé beaucoup plus simple et plus rapide, à 
mettre en évidence l'existence de ces cils sur certaines bactéries mobiles. 
Mes essais ont porté, jusqu'ici, sur trois micro-organismes : le bacille du 
choléra asiatique, le vibrio avicide de Gamaléia (V. Metschnikowi) et le 
bacille de Finkler-Prior. Sur ces trois bactéries, Lœæffler a constaté, à 
l’aide de sa méthode, la présence d’un flagellum unique, placé à une 
des extrémités du bacille. 

Ce flagellum peut être nettement décelé par le procédé suivant : On 
prélève, avec l’anse de platine, une goutte de la culture récente (âgée 
d’un à trois jours) dans du bouillon et on la dépose sur une lame de 
verre. On y ajoute, en bien mélangeant, une goutte de la solution fuch- 
sinée de Ziehl (1), étendue de trois à quatre parties d’eau ; on recouvre 
avec la lamelle et on examine aussitôt et le plus rapidement que possible 
avec un bon objectif à immersion homogène. (Je me suis servi avec le 


(4) La composition de ce liquide est la suivante : fuchsine, 1 gramme; acide 
phénique, 5 grammes; eau distillée, 100 grammes. 


SÉANCE DU 18 JUIN 043 


a 


plus d'avantage de l'objectif apochromatique de 3 millimètres de foyer 
de Zeiss, avec l’oculaire compensateur n° 8.) 

Sur la préparation ainsi faile, on voit les bacilles colorés en rouge 
intense, presque instantanément, à l’état vivant, ainsi que le témoignent 
beaucoup d’entre eux qui conservent leurs mouvements. Ce sont ceux-ci 
qu'il faut surtout examiner avec altention. On voit alors à l’une des 
extrémités un flagellum unique, extrêmement mince, de longueur va- 
riable, contourné en hélice ou légèrement onduleux, coloré en rouge très 
pâle, mais surtout accusé par des grains rouges plus foncés, disposés en 
série le long du flagellum. Il est difficile de décider, vu l'extrême 
petitesse des objets, si ces grains sont contenus dans l'intérieur du 
flagellum ou simplement fixés à sa surface. 

Une fois qu’on s’est assuré, ce qui est chose facile, de l'existence et de 
l’aspect de ce flagellum sur les bactéries encore animées de mouvement, 
on le retrouve aussi, quoique moins aisément, sur les bactéries au repos. 
Dans les préparations, on trouve en outre un certain nombre de flagella 
détachés, ondulant librement et vivement dans le liquide. Ces résultats 
ont été observés avec les trois bacilles que j'ai nommés ; mais c'est pour 
le bacille du choléra qu'ils réussissent le mieux ; le bacille de Finkler- 
Prior est celui qui donne les résultats les moins satisfaisants. 

Au bout d’un quart d'heure environ, tout mouvement des bacilles 
s'éteint; les bacilles sont morts, et les flagella, immobiles, perdent gra- 
duellement de leur netteté. 

Les préparations ainsi obtenues sont assurément moins belles que 
les préparations persistantes faites, après fixation et mordancage préa- 
lables, par la méthode de Loœæffler. Mais les images sont peut-être plus 
saisissantes, car elles montrent le flagellum coloré et vibrant à l’une des 
extrémités du bacille encore vivant et en mouvement. En outre, ce 
résultat si démonstratif est obtenu extemporanément et avec la plus 
grande facilité. 

J'ai essayé d’autres liquides colorants, les solulions aqueuses ou hydro- 
alcooliques de fuchsine et de violet de gentiane, la solution d’Ehrlich 
(violet de gentiane et eau d’aniline) étendue d’eau, la solution de fuchsine 
dans l’eau d’aniline, les solutions de bleu de méthylène ; toutes m'ont 
donné des résultats nuls ou beaucoup moins avantageux que la solution 
de Ziehl. Il est probable que l’acide phénique contenu dans celle-ci faci- 
lite la coloration des cils en agissant à la façon d’un mordant. 

Jusqu'ici, ce procédé de coloration des cils ou flagella des bactéries 
vivantes ne m’a pas réussi, d'une façon satisfaisante, pour d’autres bacté- 
ries mobiles (bacille typhique, bacterium coli, bacillus subtilis). Mais peut- 
être arrivera-t-on ainsi à une méthode générale, applicable à l'ensemble 
des bactéries mobiles. 


044 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


SUR LE : MÉCANISME nu ta NU 
DE LA GLYCOSURIE CONSÉCUTIVE A L'INTOXICATION PAR LA VÉRATRINE, 


par M. R. LÉPINE. 


- M. Araki (Zeitschrift für phys. Chemie, XVI, 6e fascicule) vient tout 
récemment d'annoncer que l'intoxication par la vératrine détermine chez 
les grenouilles de la glycosurie, mais il-n’a pas donné le mécanisme de 
cette dernière. L'expérience suivante servira à l’élucider: 

* Expérience. — Chienne de 17 kilogrammes. Après avoir vidé sa vessieet 
déterminé, au moyen d’une petite saignée, le pouvoir glycolytique de 
son sang (voir Lépine et Barral, Comptes rendus, 25 mai 1891), lequel a été 
trouvé normal, je lui ingère, à huit heures du matin, { centigramme de 
vératrine dissous dans 80 centimètres cubes de liquide. Une heure après, 
les symptômes de l'intoxication sont déjà bien accusés : vomissements et 
diarrhée sanguinolente, cœur très faible, peau très froide; abaissement de 
plus d’un degré de la température centrale, etc. Une heure plus tard, ces. 
symptômes persistant, une petile saignée permet de constater une très 
notable augmentation de la teneur du sang en sucre. Cette augmentation 
ne tient pas à une diminution du pouvoir glycolÿtique, car ce dernier 
est même légèrement augmenté (en raison de la première saignée). Mais 
le pouvoir saccharifiant du sang est beaucoup plus intense que le matin, 
ce qui, vu la conservation du pouvoir glycolytique, permet de penser que 
l'hyperglycémie lient à une augmentation de la production du sucre, 
ainsi que je l'ai déjà indiqué pour la glycosurie due à la phloridzine (1). 
- Chez cette chienne, l'intoxication n’était pas très grave : une heure après 
la deuxième saignée, les symptômes étaient déjà très atténuéset l’animat 
s’est parfaitement rélabli. Il n’a pas eu de glycosurie. 

L'urine a été soigneusement examinée de trois heures en trois heures, 
non seulement quant à la recherche du sucre qui a été négative, comme 
je viens de ‘dire, mais au point de vue de sa teneur en urée et en ferment 
saccharifiant. La proportion de ce dernier a’été évaluée en ajoutant 
20 centimètres cubes d’empois d’amidon à 2 p: 100, à 5 centimètres 
cubes d'urine neutralisée et ‘en dosant le sucre produit au bout d’une 
heure, le mélange ayant été maintenu à 39° C. Voici les résultats obtenus, 


calculés par heure : 


QUANTITÉ SUCRE 
D URINE URÉE PRODUIT 
Yré : CEUCE gr. er 
“De Sfheures a Mäheures:t. 10 HOT Ino, 0258 0,04  . 0,024 
itDeslh'heuxespa/2pheurestns Si ae Cr 10722 0,052 
De 2 heures a bMEeNteS MEN CU POS (DES en 0,036 
De 5 heures au lendemain matin. . . . 11, 28082 0,014 


(1) Lépine et Barral. Comptes rendus, 28 déc. 1891. 


: SÉANCE DU 48 JUIN 545 


On voit qu’au bout de peu d'heures le ferment saccharifiant, en excès 
.dans le sang, est éliminé par l'urine; on notera de plus que tout à fait 
-au début de l’intoxication l’excrétion de l’urée est faible. 

-_ Cette expérience a été faite avec la collaboration de MM. Metroz et 
-Regaud. 


LA FILAIRE DES BOUTONS HÉMORRAGIQUES OBSERVÉE CHEZ L'ANE; 
< DÉCOUVERTE DU MALE, 


par MM. Rarzuer et Moussu. 


Il y a longtemps déjà qu'on a signalé chez le cheval de petites 
hémorragies locales se produisant sur divers points de la surface cutanée. 
-On assure même que, depuis une haute antiquité, les Chinois connaissent 
une race de chevaux du Khodang « suant » le sang. Parmi les auteurs qui 
se sont occupés de cetle affeclicn, les uns, commeSibald, affirment qu’elle 
est commune chez les chevaux blancs de la Tartarie: d’autres, comme 
Spinola, la considèrent comme spéciale à la race des steppes ; Leblanc l’a 
observée sur des chevaux russes ; mais on ne la connaît sérieusement en 
France que depuis les achats de chevaux de troupe effectués en Hongrie 
par le gouvernement français. Elle serait donc propre aux chevaux 
d’origine orientale, bien que Bernard et Liautard aient prétendu l’observer 
en Algérie sur des chevaux et des mulets venant d’Espagne. 

Les symptômes de ces hémorragies cutanées sont aujourd'hui clas- 
siques. Nous nous bornerons à les résumer en quelques mots. L’éruption 
est d'ordinaire localisée aux côtés du garrot, aux épaules, aux faces de 
l’encolure,aux côtes et à la région dorsale. Elle se manifeste au printemps, 
persiste quelquefois une grande partie de la belle saison,et disparaît com- 
plètement en hiver pour se reproduire l’année suivante. Dans nos pays, 
l'affection cesse d'elle-même et d’une facon définitive au bout de trois ou 
-quatre ans. 

On voit apparaître à la fois plusieurs élevures hémisphériques, de la 
grosseur d'un pois ou d’une noisette, indolores, un peu œdémateuses à la 
périphérie. Une heure ou deux après la formation de ces boutons, leur 
sommet s'ouvre elil se produit un écoulement plus ou moins abondant de 
sang qui forme des traînées sur les poils et se coagule. Puis la tuméfac- 
-tion s’affaisse et le bouton disparaît; dans quelques cas cependant il sur- 
vient de la sunpuration. Mais, vingt-quatre ou quarante-huit heures plus 
tard, on voit souvent un nouveau bouton se développer à quelques centi- 
mètres du premier. 

L'origine de ces hémorragies était reslée inconnue et avait donné lieu 
aux suppositions les plus variées lorsque, en 1877, le vétérinaire militaire 


5460 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Drouilly annonça qu’elles étaient occasionnées par une Filaire longue de 
5 à 7 centimètres, qu'il croyait appartenir à l’espèce Æilaria papillosa. 
Peu après,cette découverte était confirmée par Trasbot. L'année suivante, 
Condamine et Drouilly publièrent une étude spéciale de ce Ver, qu'ils 
reconnurent comme représentant une espèce nouvelle, à laquelle ils don- 
nèrent le nom de #ilaria multipapillosa, nom que nous avons dû chan- 
ger, le même qualificatif ayant été appliqué, en 1857, par Molin, à une 
Filaire trouvée dans la cavité abdominale de plusieurs Sauriens: nous 
l'avons remplacé, en 1885, par celui de lilaria hæmorrhagica Raill. 

Mais, les auteurs que nous venons de citer, et tous ceux qui les ont sui- 
vis, n'avaient vu que des femelles de celte Filaire, rampant dans le tissu 
conjonctif sous-cutané pour venir percer le tégument. 

Il restait même un doute sur l'habitat réel du parasite, et Davaine 
paraissait disposé à croire que celui-ci devait vivre dans les vaisseaux. 

Or, nous sommes à même aujourd'hui, non seulement de préciser cet 
habilat, mais en même temps de faire connaître le mâle de la Filaire. 
Il y aun mois, nous! avons eu l’occasion d'observer un âne alteint de 
cette filariose hémorragique. Get animal, âgé de cinq ans, de fort belle 
apparence, appartenait à un habitant de Vincennes, qui l'avait acheté 
peu auparavant à des bohémiens. Il présentait uneér uption sur le garrot, 
le dos, les flancs et les faces latérales de l’encolure. 

Comme nous n'avions jamais observé cetle affection chez l'âne, et qu il 
n’est pas fait mention de cet animal dans les ouvrages spéciaux, nous 
“exprimâmes au propriétaire le désir d'être prévenus dans le eas où ce 
sujet viendrait à périr entre ses mains. 

Le 4 juin, il tomba brusquement, atteint d’une paralysie incomplète, 
portant plus spécialement-sur le train postérieur. La sensibilité et les 
mouvements étaient cependant conservés dans une certaine mesure, mais 
l'animal ne put jamais se relever, malgré les moyens de traitement les 
-plus actifs mis en usage par un de nos collègues, et son propriétaire nous 
l’abandonna. On le fit transporter à Alfort, où il fut gardé quelques jours; 
et comme il était profondément anémique, qu’il ne prenait plus aucun 
aliment, et que, par le fait des escarres résultant du décubitus, il mena- 
çait de succomber à une infection purulente, il fut sacrifié le 14 juin, 
pair cffusion de sang. 

L’autopsie, pratiquée immédiatement, nous fit découvrir un certain 
nombre de Filaires, non seulement dans les points correspondant aux 
boutons hémorragiques, mais aussi dans des endroits plus ou moins 
“éloignés. L’habitat normal de ces vers est bien le tissu conjonctif: 
on les observe surtout dans le lissu conjonctif sous-cutané, mais il 
-est possible de les rencontrer en outre plus profondément, et c’est 
ainsi que nous en avons trouvé dans l'épaisseur du pectoral superficiel, 


ainsi qu'à la surface du grand oblique de l’abdomen, sous le panicule 
charnu. 


VO 


SÉANCE DU 18 JUIN 041 


Nous n'avons pu en découvrir aucun dans le cœur, les vaisseaux arté- 
riels ou veineux, les ganglions lymphatiques, etc. : 

Par contre, nous avons observé dans la moelle épinière, au niveau de 
la région dorso-lombaire et jusque vers le milieu de la région cervicale, 
des trajets filiformes, sinueux, enflammés, marqués sur les coupes trans- 
versales par un ou deux pertuis rougeâtres, entourés d’une légère zone 
diffuse et occupant des points très variés de la substance blanche. D’après 
leur aspect et leurs dimensions, ces trajets, que nous avons soumis à 
l'examen de M. Féré, ne paraissent pouvoir s'expliquer que par le pas- 
sage de vers filiformes. Nous n'avons cependant pu, jusqu’à présent, y 
découvrir de Filaires, soit que celles-ci aient abandonné la moelle à un 
moment donné, soit qu'elles aient occupé lors de l’autopsie une portion 
de la région dorso-cervicale qui a échappé à notre examen. Les trajets, 
d’ailleurs, ne franchissaient pas le bulbe, et nous n’en avons pas 
retrouvé la moindre trace dans le cerveau. En tout cas, il est à peu près 
certain qu’ils ont été produits par des Filaires erratiques, auxquelles 
devrait être ainsi rapportée la paralysie incomplète du sujet. 

Quant aux parasites superficiels, ils étaient logés entre les faisceaux 
du tissu conjonctif et souvent difficiles à dégager sans rupture ; cepen- 
dant, nous avons pu en obtenir plusieurs exemplaires entiers. 

L'examen des vers ainsi recueillis nous a procuré la satisfaction de 
constater que plusieurs étaient des mâles, dont un bien complet. Tou- 
tefois, comme il est de règle chez la plupart des Nématodes, le nombre 
des mâles était manifestement inférieur à celui des femelles, la proportion 
‘étant de 3 pour 7. 6 

En tout cas, cette observation va nous permettre de fournir une diag- 
nose à peu près complète de la Filaire hémorragique. 

Le corps est blanc, cylindrique, à peine atténué aux extrémités, un 
peu plus en arrière qu’en avant. L'extrémité céphalique représente un 
cône assez fortement rétractile, montrant fréquemment, pendant la vie, 
plusieurs étages successifs ; lorsqu'elle est en état d'extension, elle forme 
un cône simple, au sommet duquel s'ouvre la bouche, qui a l'aspect 
d’une petite ouverture circulaire inerme. La cuticule est garnie de stries 
transversales extrèmement délicates et serrées. À la base du cône cépha- 
lique, ces stries s’écartent davantage et se montrent moins régulières, 
limitant bientôt des espaces en saillie, les uns allongés transversalement, 
les autres plus courts, elliptiques ou circulaires, représentant en défini- 
tive des saillies papilliformes très nombreuses. 

A la bouche fait suite un œsophage court et grêle, entouré vers le 
tiers postérieur par l’anneau nerveux. Cet œsophage, à peu près cylin- 
drique, débouche dans un intestin immédiatement très large, qui par- 
court toute la longueur du corps sans décrire de sinuosités. À quelque 
distance de l’extrémité caudale, il se rétrécit et se termine par un court 
rectum. L’anus est situé sur la face ventrale. 


548 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


————— — 


- Le mâle est long de 28 millimètres, large dans son milieu de 072,960 à 
0m2,980. Immédiatement en arrière du cône céphalique, il présente son 
maximum de diamètre, qu'il conserve jusque vers les deux tiers de sa 
longueur ; il s’atténue alors graduellement et n’a plus que 75 à 80 w au 
niveau de l’orifice cloacal. Son extrémité postérieure est largement arron- 
die. Il possède un seul tube testiculaire à peine sinueux qui se termine en 
arrière par un canal déférent venant déboucher, en commun avec le 
rectum, dans un vaste cloaque, dont le centre est silué à environ 60 & de 
l'extrémité caudale. Par cet orifice font saillie en même temps deux spi- 
cules très différents par leur aspect et par leurs dimensions : l’un d’eux est, 
en effet, grêle et allongé, terminé en pointe fine; il mesure 680 à 750 w de 
long, sur une largeur de 12 x à la base et de 8 & vers le milieu de la lon- 
gueur; l’autre est épais et court, arrondi à son extrémité; il mesure 
130 à 140 uv de long, sur 17 : de large à la base et 14 & à peu de distance 
du sommet. En outre, l'extrémité caudale est pourvue de papilles, qui 
nous ont paru présenter la disposition suivante : d’abord, de chaque côté, 
et en arrière du cloaque, trois petites papilles simples assez rapprochées 
de la ligne médiane, puis, d’autres plus latérales, plus développées, ailées 
ou vésiculeuses. Nous décrirons celles-ci d'arrière en avant. À gauche : 
n° À isolée: 2et 3 réunies; 4 isolée; ces quatre papilles forment un même 
groupe, et le cloaque s'ouvre au niveau du n°2; un peu plus en avant, 
5 et 6 plus rapprochées de la ligne médiane; 7 latérale, 8 latérale et rela- 
tivement faible. A droite, 4, 2 et 3 réunies, 4 isolée; 5, 6, 7 et 8 comme à 
gauche; une dernière très petite, reportée à une assez grande distance des 
précédentes. 

La femelle est longue de 40 à 56 millimètres, large dans son milieu de 
0"m,420 à 0m", 440: elle est à peu près également atténuée en avant et en 
arrière. Son extrémité caudale est plus largement arrondie encore que 
celle du mâle. Elle possède deux ovaires, qui se replient un certain nom- 
bre de fois autour de l'intestin et se dilatent en deux oviductes et utérus, 
lesquels se réunissent en un canal commun qui se dirige en avant, puis se 
rétrécit pour former un vagin aboutissant à la vulve, orifice saillant au 
voisinage de la bouche, sur le cône céphalique. Les tubes génitaux ren- 
ferment des œufs à tous les stades de l’évolution; on trouve en définitive, 
dans les utérus, des œufs à coque très mince et très souple, contenant un 
embryon enroulé en cercle ou plus rarement en 8. Ces œufs mesurent 
52 à 58 L de long sur 24 à 33 y de large; leur coque présente du reste un 
aspect variable, suivant les mouvements de l'embryon. 

La fécondation a lieu vraisemblablement sur place, c’est-à-dire dans le 
tissu conjonctif. 

Lorsqu'on maintient les femelles dans le sérum, elles continuent à y 
vivre, même lorsqu'ellés ne se trouvent qu’à l’état de fragments, pendant 
deux et trois jours; au bout de ce temps, elles effectuent encore, à 
la température ordinaire, des mouvements manifestes. On constate en 


! SÉANCE DU 48 JUIN ‘549 


outre qu’une partie des œufs embryonnés renfermés dans les utérus sont 
éclos, et que les embryons libres s’agitent à l’intérieur de ces tubes. Ges 
embryons sont longs de 220 à 230 y, larges au maximum de 9 à 41 u; ils 


ont la tête assez épaisse, tronquée, suivie d’une partie un peu plus 


mince: le corps se renfle ensuite pour atteindre son diamètre maximum 
vers le milieu de la longueur, puis il s’atténue graduellement en arrière, 
où il se termine par une DEUSE, légèrement coudée aboutissant à une 
pointe caudale mousse. 

Nous avons rencontré plusieurs fois ces embryons parmi les fragments 
de tissu conjonctif détachés avec le corps des femelles; mais il nous 


serait impossible de décider s’ils avaient été mis en liberté par une ponte 


normale ou par la déchirure des tissus du ver. 

Si l’on extrait des utérus les œufs embryonnés, et qu’on les place dans 
l'eau, ils n'y éclosent pas, et ne tardent pas à s’altérer. Il semble donc que 
l’éclosion doive s'effectuer dans le corps même de la femelle, quoiqu'on 
trouve des œufs embryonnés dans l'utérus commun, à l’origine même du 
vagin. 

Il était intéressant de connaître le degré de résistance des embryons à 
la dessiccation. Nous avons essayé une dessiccation de 15 minutes : 
aucun d’eux n'a repris son activité. Il en a été de même au bout d'une 
minute seulement. ; 

On peut conclure de là que ces embryons doivent passer directement 
dans un milieu humide; encore ne doivent-ils pas y séjourner longtemps, 
car ils s’altèrent assez vite dans l'eau. ù 

Au sujet de l’évolution de la Filaire, nous sommes donc encore réduits 
à des hypothèses, mais la voie des recherches à poursuivre nous semble 
pourtant commencer à se dégager. 

Bien que nous n'ayons jamais trouvé, pas plus d’ailleurs que Condamine 
et Drouilly, d'œufs et d'embryons dans le sang recueilli à la sunece des 
boutons hémorragiques, nous ne voyons guère d’autre raison à ces perfo- 
rations cutanées périodiques que la nécessité pour les femelles d'amener 
leur progéniture à l'extérieur. On n'a jamais trouvé, en effet, que des 
femelles au niveau des boutons, et ces femelles se déplacent dans le üissu 
conjonctif sous-cutané pour perforer le tégument de place en place dans 
l’espace de quelques jours. D'autre part, la situation de la vulve au voi- 
sinage:de la bouche est très favorable à cette supposition d’une ponte 
s’effectuant à l'extérieur. — Il serait donc utile de répéter les examens du 
sang des boutons, et surtout, ce qui est assez difficile, d’en recueillir les 
premières gouttes. 

Un autre point qui doit appeler l'attention pour les recherches ulté- 
rieures, c’est ce fait que l’hémorragie cutanée parasitaire est une affection 
saisonnière. Si, en effet, la Filaire vient réellement pondre à la surface du 
corps, il est probable que les œufs ou les embryons qu'elle rejette passent 
dans un hôte intermédiaire, comme chez la plupart des Filaridés. Or, 


550 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


‘étant donné le peu de résistance ‘des embryons à la dessiccation, il faut 
admettre que cet hôte intermédiaire doit ingérer les embryons aussitôt 
après leur expulsion, et nous pensons que les helminthologistes russes 
ou hongrois devraient expérimenter à cet égard sur les mouches à 
trompe molle, qui, pendant la belle saison, sucent les produits liquides 


déposés à la surface de la peau. 


En résumé, la présente Note établit : 

1° Que la Filaire hémorragique peut se développer chez l'âne comme 
chez le cheval. 

2 Qu’elle habite le tissu conjonctif sous-cutané et même le tissu con- 
Jonctif intermusculaire ou interfasciculaire. 

3° Que le mâle, jusqu'à présent inconnu, se rencontre dans le même 
habitat que les femelles. 

4° Que les embryons sont incapables de résister à la moindre dessicca- 
tion. 

5° Que les adultes semblent pouvoir pénétrer dans la profondeur des 
tissus jusqu'à la moelle épinière. 


ACCÉLÉRATION DE LA VITESSE DES TRANSMISSIONS SENSITIVES CHEZ UN ATAXIQUE 
‘TRAITÉ PAR DÉS INJEGTIONS DE LIQUIDE TESTICULAIRE DE COBAYE, 


par M. le D' Gricorescu (de Bucharest). 
Note présentée par M. BRowN-SÉQUARD. 


C. G., âgé de quarante-deux ans ; souffrant d’ataxie locomotrice. La 
maladie a commencé depuis dix ans et s’est bien confirmée depuis trois 
ou quatre ans. 

Pendant ce temps il a essayé presque tous les moyens pharmaceutiques 
et en 1889 a consulté M. Charcot. Maïs, la maladie a fait des progrès et 
elle n'a présenté qu'une amélioration passagère après le traitement 
ordonné par ce médecin. 

. Le 93 février, M. C. G. est venu me prier de lui appliquer le traitement 
au suc testiculaire. L'état de la maladie élait alors comme il suit : 

Epuisement général assez prononcé. Marche très difficile et fatigante; 
l'ataxie assez avancée; tremblement des pieds; le talon frappe fortement 
la terre; la base de sustentation est très large; le malade ne peut pas 
-s’asseoir ou se lever sans s’aider considérablement de ses mains, etc. Les 
douleurs fulgurantes sont très graves. La sensibilité de la plante des 
pieds et de la paume des maïns est très anormale, les réflexes tendineux 
sont abolis, etc. Appétit alléré, constipation rebelle; rétention de l'urine 
avec miction très difficile et non sentie. 


«RÉ 


SÉANCE DU Â8 JUIN 551 


Après un traitement au suc testiculaire de cobaye (extrait aqueux, 


- filtré à la bougie) continué pendant vingt jours, il est survenu une amé- 


lioration surprenante dans tous les symptômes et j'ai été obligé de la 
reconnaître, malgré mes idées plus ou moins défavorables à cet égard. 
L'état général était très bon aussi. — Ce traitement a été continué 
jusqu'au 12 avril avec des interruptions successives durant quelques jours 
et l'amélioration s’est encore accentuée. À cette date, nous avons sus- 
pendu le traitement pendant quinze ou vingt jours et, malheureusement 
nous avons remarqué que la maladie avait légèrement empiré; les dou- 
leurs surtout étaient en partie revenues. Mais il est à noter que pendant 
ces quinze ou vingt jours, il a fait presque toujours mauvais temps. 

C'est à cette époque que nous avons mesuré la vitesse de l’activité ner- 
veuse sensitive (appareil d'Arsonval) et elle a été de 27,40 par seconde. 
Nous avons recommencé le traitement et après dix-huit jours l’améliora- 
tion antérieure est revenue; la vitesse de transmission des impressions 
sensitives est devenue de 32,50 par seconde; elle s'était donc accrue de 
52,10 par seconde. 

Enfin, depuis douze jours, le traitement est interrompu et pourtant le 


- malade se sent toujours bien, mieux même qu'auparavant. 


REMARQUES SUR L'INFLUENCE DU LIQUIDE TESTICULAIRE 
DANS PLUSIEURS CAS NOUVEAUX D'ATAXIE LOCOMOTRICE ET DANS UN CAS 
DE PARAPLÉGIE DE CAUSE ORGANIQUE, 


par M. Brown-Séouarn. 


Dans la séance dernière après avoir rapporté deux cas d'amélioration 


-très considérable d’ataxie, j'ai donné un tableau montrant que sur 36 cas 
traités par le liquide testiculaire il y en avait eu 29 de guérison ou d’amé- 


lioration très notable et 7 sans amélioration. Depuis lors j'ai appris que 
dans deux autres cas il y a eu aussi une amélioration très considérable et 
que dans un troisième cas le traitement n’a produit de bons effets qu’à un 
faible degré et temporairement. L'un des cas favorables est de M. d’Ar- 
sonval et il en parlera aujourd’hui, mais il ne publiera l'observation 
qu'après avoir revu le malade qui reviendra bientôt d’un long voyage. Le 
second cas d'amélioration très considérable est celui que je présente de 
la part de M. Grigorescu. Quant au cas où le traitement a échoué, le 
malade, un médecin vétérinaire distingué de Bucharest, me l’a fait con- 
naître. Il a été soumis par le D’ Grigoreseu aux injections testiculaires et 
n'en a reliré qu un profit temporaire et très léger. 

Ma statistique de faits connus donne donc maintenant 39 cas, sur les- 
quels il y à eu 31 cas d'amélioration ou de guérison et 8 insuccès. 


552 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Dans un travail récemment présenté à la Sociélé par M. Grigorescu (1), 
-cet habile physiologiste et praticien a signalé une particularité remar- 
quable constatée par lui chez un paraplégique et un ataxique. Il s’agit de 
l'augmentation de vitesse de transmission des impressions sensitives chez 
ces deux malades, coexistant avec l'amélioration de leurs symptômes 
paralvtiques ou ataxiques sous l'influence du liquide testiculaire. Le 
malade dont le cas est publié aujourd’hui (voyez ci-dessus) par ce jeune 
médecin roumain est semblable aux deux publiés il y a un mois. 

La vitesse des impressions sensitives dans les membres inférieurs est 
. en moyenne de 34", 72 par seconde, d’après M. Rémond qui a fait à ce 
sujet de nombreuses recherches, à l’aide de l’appareil de d’Arsonval (2). 
Dans le premier cas (paraplégie), la vitesse est montée de 27%, 83 à 
33”, 40 par seconde; dans le deuxième cas, elle est montée de 26, 66 à 
34", 22 par seconde et enfin dans le troisième de 27", 40 à 32", 50. 

Deux fois, conséquemment, la vitesse est arrivée à être à bien peu près 
celle de l’état normal. 

Dans les trois cas, il y a eu à la fois une amélioration considérable de 
cette vitesse et des autres symptômes, ce qui montre combien est grande 
l'influence favorable du liquide testiculaire dans des cas de lésion orga- 
nique de la moelle épinière. 


OBSERVATION A L'OCCASION DE LA COMMUNICATION DE M. BROWN-SÉQUARD, : 


par M. A. D'ARSONVAL. 


À l'appui des faits présentés par M. Brown-Séquard, je tiens à dire à la 
Société que j'ai été témoin du cas suivant d'amélioration considérable 
d’ataxie locomotrice. M. X. me fut amené au laboratoire en février dernier 
dans un état tel qu’il dut être conduit par deux de ses amis jusqu'à mon 
cabinet. M. X., un de nos grands manufacturiers du Nord, est ataxique 
depuis plusieurs années. Il a vu pour sa maladie les célébrités médicales de 
nombre de capitales. Son état avait empiré au point qu'il avait dû renoncer 

-à ses affaires et ne sortait pas de chez lui. C’est dans cet état que son parent, 
un de nos électriciens les plus celèbres avec qui je suis trèslié, me pria de 
le mettre à même d'essayer l'effet des injections de liquide testiculaire. Je 
montrai au malade, qui est très intelligent, comment il devait se faire lui- 
même les piqûres deux fois par jour et je lui remis 50 grammes de 
liquide. Le malade repartit pour le Nord. Après le premier flacon, les 


(1) Voy. Comptes rendus de la Soc. de Biol., numéro du 20 mai 1892, p. #11. 
(2) Voy. Rech. expér. sur la durée des actes psychiques les plus simples et sur 
la vitesse du courant nerveux, par A. Rémond (de Metz), Paris, 1888. ) 


4 
F 
+ 
\ 
: 


SÉANCE DU À8: JUIN: Dh 


troubles oculaires avaient disparu, le malade pouvait lire et faire son 
courrier, de plus il sentait revenir ses forces. Deux nouveaux envois amé- 
liorèrent son état au point qu'il se sentit le courage d'entreprendre un 


long voyage en Espagne pour son industrie. A son passage à Paris, il y a 


un mois, il vint me voir et je constatai qu'il put venir de sa voiture à 
mon cabinet en s'appuyant simplement sur sa canne. 
Son séjour en Espagne, malgré les fatigues qu'il s’est imposées, lui a 
été très favorable. Il n’a pu me rencontrer ces jours derniers, lors de son 
passage à Paris; mais son parent m’a dit que le mieux allait en s’accen- 
tuant. M. X. me donnera ultérieurement son observation détaillée avec 
Fhistorique et la marche de son affection. J'ai tenu à signaler ce cas 
quoique, ou plutôt parce que étant étranger à la pratique médicale, il a 
eu pour moi la valeur d'une démonstration personnelle. 


: LES HABITATS DES MICROBES, 


par MM. GLEY et CHARRIN. 


- Il y a quelques mois, l’un de nous a rencontré le bacille pyocyanique 
dans les ganglions d’un porc mort de broncho-pneumonie. Plus récem- 
ment, un chien a été sacrifié au cours d’une expérience relative à des. 
recherches sur la circulation. Le ventricule gauche de cet animal était 
manifestement hypertrophié; de très nombreuses hémorragies siégeaient 
sous son péricarde. En semant le sang épanché, nous avons vu se déve- 
lopper le mierobe du pus bleu. 

Ces deux faits méritent peut-être d'être enregistrés ; ils comportent plu- 
sieurs enseignements; en particulier, ils se rattachent à la question des 
habitats des agents pathogènes. 

Plus la doctrine infectieuse évolue, plus on se  Hermade que nombre de 
ces agents pathogènes existent dans les milieux extérieurs, assurément, 


mais aussi dans les organismes vivants. Ce bacille pyocyanique a été 


plusieurs fois décelé dans l’air, alors même qu’on ne le poursuivait pas; 
le sol, l’eau, sont capables de le contenir, à l’état latent, durant un temps 
variable. 5 2 
:- À côté de ces habitats, il en a d’autres dans le corps de rer animaux. 
On l’a isolé des tissus, des humeurs, du chien, du porc (nous venons de le 
rappeler), de l’âne, du chat, du lapin, du cobaye, de la souris, de la: 
poule, de la grenouille, de différents poissons, plus spécialement de l’an-. 
guille, de l’homme, etc: On compte, jusqu'à présent, quatorze espèces, 
très éloignées les unes des autres, dans lesquelles on l’a rencontré. Chez 
les premières, sa découverte est due.âu hasard de l'observation; chez les 


554 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


secondes, on est arrivé à l’acclimater artificiellement, volontairement. 


Tantôt, il à paru ne jouer aucun rôle; lantôt, il a causé des infections. 


soit primitives, soit secondaires. 
Il peut, sur homme, séjourner en den points multiples. Des auteurs 


ont constaté sa présence dans la bouche, dans l'estomac, dans l'intestin, 


dans le sang, dans le poumon, dans les ganglions, dans l'oreille, dans les 
articulations, sur la peau (Teissier, Capitan, Abelous, Maïora, Ebhlers, 


Neumann, Calmettes, Lemoine, Cadéac, Martha, Pawlowsky, OEttin- 


ger, etc.). 

Si on sort du règne animal, les notions deviennent rares. — Des tenta- 
tives répétées ont montré (1) que les végétaux étaient assez résistants 
tant vis-à-vis du germe que de ses produits. Ce germe introduit dans les 
tiges, les feuilles, les racines, a peu survécu. Les toxines, mélangées aux 
éléments de nutrition, ont à peine influencé la vitalité des plantes. 

Il ne découle pas moins des faits signalés que l’histoire de cette bac- 
térie prouve, une fois de plus, que si cet agent habite les milieux exté- 
rieurs (air, eau, sol), il habite également les milieux vivants. 

Notons que le nombre des espèces indiquées est inférieur à la vérité. 
D'abord, il va sans dire que les travaux sont insuffisants. En second lieu, 
ce bacille doit être fréquemment méconnu. 

Dans les observations sur lesquelles nous nous sommes appuyés, le 
ferment existait avec toutes ses fonctions, en particulier avec son pou- 
voir chromogène; dès lors, on le sait, l'erreur devient difficile. Malheu- 
reusement, ce pouvoir chromogène disparaît aisément ; il est probable, 
en raison de ces modifications, que la présence de ce microbe échappe 
souvent aux investigations. 


FIBRINE DE BATTAGE ET FIBRINE DE CAILLOT, 


par M. A. DASTRE. 


Dans une note précédente (Soc. de Biol.), j'ai fait connaître cette parti- 
cularité que le battage du sang peut en retirer de la fibrine, alors qu’il ne 
se produit pas de coagulation spontanée du même sang abandonné à lui- 
même. Les cas de ce genre sont rares, mal précisés {animal refroidi, etc.) 

Aujourd’hui, je signalerai le cas inverse. Le battage ne relire point de 
fibrine d’un échantillon de sang, alors que ce liquide abandonné à lui- 
même, se coagule lentement et fournit un caillot très net. 

Cette seconde catégorie de faits constitue en quelque sorte la règle; 


(1) Expériences inédites de MM. Guignard et Charrin. 


LE 


SÉANCE DU 18 JUIN 555: 


tandis que la première est l’exception. Les conditions en sont bien déter- 
minées. : 
Pour observer le fait d’un sang qui coagule spontanément alors que le 


battage n’en retire point de fibrine, on peut procéder de deux manières : 


1° La première, c’est ce que j'ai appelé l'artifice de la défibrination 
presque totale. J'ai expliqué en quoi il consiste. Un animal (chien) est 
soumis à des saignées coup sur coup; chaque fois on réinjecte le sang 
défibriné. Après plusieurs opérations de ce genre (quatre ou cinq saignées 
de 250 centimètres cubes chez un chien de 10 kilogrammes), le sang ne 
fournit presque plus de fibrine par le battage. Il est dans l’état de défibri- 
nation presque totale. 

Une saignée de plus, et le sang filtré, après avoir été battu, ne laisse 
aucun filament de fibrine ni sur les baguettes de verre ni sur la fine éta- 
mine filtrante. 

Or, si l’on conserve ce sang dans un vase, à la température de 20-24 de- 
grés, on ne tarde pas à apercevoir (au bout d’une heure et demie) un 
caillot qui s'organise, mou et lâche d’abord, puis se complétant et se 
condensant successivement. Il échappe souvent à l’observateur, à cause 
de sa diffluence et surtout parce qu’il est dissimulé au milieu du dépôt 
des globules. On peut l’en séparer en faisant couler un mince filet d’eau 
dans le vase, en décantant avec précaution, et remplaçant finalement 
l’eau par de l’alcool. 

2° Sang défibriné normal. 

Il n’est pas nécessaire d’opérer sur un animal en état de défibrination 
totale. On sera dans de bonnes conditions, avec un animal encore loin 
de cet état, après deux ou trois prises et réinjections du sang. La cons- 
tatation est souvent encore possible sur du sang tout à fait normal. Ce 
sang que l’on a battu et que l’on croit défibriné ne l’est pas toujours 
d’une manière définitive. Il n’est pas toujours à l'abri de la coagulation. 
Dans les premiers temps, il paraît lout à fait fluide : mais si l’on attend 
quelque temps (de une heure à quelques heures), on peut, comme dans 
le cas précédent, constater la formation d’un caillot. 

Je donnerai dans une note prochaine l'explication de ces phénomènes 
et j'indiquerai l'importance qu'ils peuvent avoir pour la connaissance 
des mutations intimes qui s’accomplissent normalement dans le liquide 
sanguin. La défibrination totale n’est qu’un cas extrême qui nous sert 
seulement à nous renseigner sur le cas normal et physiologique. 


NOTE SUR LE RÔLE DE LA FENÊTRE RONDE, 
par M. H. BEAUREGARD. 


Quelques physiologistes out supposé que la fenêtre ronde avait pour 
but de recueillir les vibrations transmises par la membrane du tympan à 


550 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


—————_—_—_—_—_—_—_—_—_—.——————— 


l'air de la cavité tympanique. « Dans la caisse tympanique, dit Colin (4), 
les ondes sonores sont propagées par l'air et surtout par la chaîne des, 
osselets aux cavités labyrinthiques. La chaîne les transmet à la fenêtre 
avale, et l'air à la fenétre ronde. Ces deux ouvertures ont donc chacune un 
office bien déterminé... À la deuxième, c'est l'air qui fait vibrer une 
membrane mince, appelée par Scarpa {tympan secondaire. Gette dernière 
paraît moins importante que l’autre, puisque les ondes sonores sont sur- 
tout transmises par les osselets et qu’elle manque dans les grenouilles, 
pourvues cependant d'une cavité tympanique. » 

On paraît d'accord aujourd’hui, en prenant pour base l° expérience de 

Politzer à considérer la fenêlre ronde avec sa membrane comme un appa- 
reil destiné à permettre au liquide du labyrinthe d'entrer en vibration 
sous l'influence de la chaîne des osselets. En effet, le liquide n'étant pas 
compressible, ne peut vibrer qu’à la condition de n'être pas renfermé 
dans une cavité à parois rigides. Cette interprétation me semble égale- 
ment ressortir de l'étude comparative que j'ai faite de la fenêtre ronde 
chez un certain nombre de mammifères. J'ai remarqué que chez certains 
d’entre eux, et particulièrement chez les chauves-souris insectivores, la 
fenêtre ronde est située tout à fait à la limite postérieure de la cavité 
tympanique, et recouverte même en partie par le bord adhérent de la 
paroi de la bulle tympanique; elle est, en un mot, dans une situation. 
tout à fait défavorable pour recevoir les ondes sonores que l'air de Ja 
cavité tympanique serait supposé lui transmettre. Il y a plus : chez les 
cétacés, la fenêtre ronde est tout à fait en dehors de la cavité tympa- 
nique. 
. J'ai observé, d'autre part, de très grandes différences dans les dimen- 
sions de la fenêtre ronde chez des animaux d’un même groupe zoologique 
dont l'oreille, sous beaucoup d’autres rapports, offre les mêmes carac- 
tères de structure, bien que leur aptitude à percevoir les sons soit évi- 
demment très différente. Ainsi, chez les chauves-souris insectivores 
(Murin) qui perçoivent des sons d'une très faible intensité et d’une 
grande hauteur répondant à des vibrations de petite amplitude (le grand 
nombre des vibrations correspondant aux sons très aigus n’admettent, en 
effet, que des amplitudes très minimes), la fenêtre ronde est extrêmement 
petite, alors au contraire que le limaçon, toutes choses égales d’ailleurs, 
est très grand. C’est une fente linéaire qu'il faut chercher avec soin, en. 
s'aidant de la loupe, pour l’observer. Son exiguïté ne permet évidem- 
ment que très peu de compressibilité au liquide du labyrinthe qui gagne 
ainsi en rigidité; mais cette rigidité est parfaitement en rapport avec les 
amplitudes très petites des vibrations transmises à celte oreille. 

Chez les chauves-souris frugivores (Rousseltes) au contraire qui n’ont 
pas besoin, vu leur régime très différent, de semblable aptitude à l’audi- 


(1) Traité de physiologie des animaux, 1871, p. 319. 


Ab 


SÉANCE DU Â8 JUIN 551 


tion des sons très élevés et de peu d'intensité, la fenêtre ronde est relati- 
vement grande, le liquide du labyrinthe doit, par conséquent, offrir plus 


d’élasticité. Nous en dirons autant du mouton. 


Il résulte de là que le rôle de la fenêtre ronde est bien celui qu’on lui 
assigne actuellement, puisque les variations dans sa dimension parais- 
sent en rapport avec la rigidité plus ou moins accusée que doit présenter 
le milieu vibrant du labyrinthe. Or, on sait, d’après les expériences des 
physiologistes et de Wertheim en particulier, que moins un liquide est 
compressible, plus est grande la vitesse du son qui le traverse. Les 
chauves-souris insectivores nous apparaîtraient donc comme des animaux 
organisés pour recevoir des vibrations se succédant avec une très grande 
rapidité, ce qui implique encore leur très faible amplitude et dès lors 
leur intensité minima et leur grande hauteur. 


SUR LES SYSTOLES STÉRILES ET LA NATURE DE LA CONTRACTION CGARDIAQUE, 


par M. LAULANIÉ. 


On observe parfois chez le chien, au cours d’une expérience de cardio- 
graphie, des systoles qui ont ce double caractère : de ne pas produire de 
pulsation artérielle, et de revêtir la forme simple d’une secousse muscu- 
laire. 

Nous constatons très fréquemment. ces phénomènes, depuis que nous 
appliquons notre cardiographe à aiguille à l'exploration du cœur de 
chien (1). 

Ils s'expriment par des graphiques, comme ceux que nous reprodui- 
sons dans la figure qui accompagne cette note et qui expriment en A les 
contractions du cœur, en B les pulsations artérielles : on y voit en b une 
systole à forme simple et dont la stérilité s’accuse par la pulsation arté- 
rielle correspondante. 

A l'instant é où cette pulsation devrait se produire, la pression en effet 
continue sa chute jusqu’à la pulsation suivante. On s'explique aisément 
la stérilité de semblables systoles. Le cœur se contracte au début même 
d’une diastole, sans laisser à la réplétion ventriculaire le temps de se 
produire. ni 

Il n'y a pas autre chose ici que la suppression de la phase diastolique 
ayant pour conséquence la production d’une systole vide et inutile. 

On pourrait fort aisément sans aucun doute obtenir à volonté la pro- 
duction de ce fait à l’aide d’un grand nombre d’excitations artificielles 
dirigées sur le cœur, mais on n'ajouterait rien à sa signification qui touche 
précisément à la reture de la contraction cardiaque. # 


(1) Sur un cardiographe direct à aiguille, in C. R. des séances de la Sociélé de. 
Biologie, Paris, 1889. 


23. 


598 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


—_— 


On voit, en effet, que la courbe des systoles vides telles que à est une 
courbe simple absolument dépourvue des ondulations qui accidentent le 
plateau des systoles normales et qu'elle ne diffère en aucune manière de 
la courbe d’une secousse (1). 

Les ondulations du plateau systolique disparaissant quand le cœur 
fonctionne à vide, il en résulte qu'elles sont exclusivement liées à une 
circonstance purement mécanique, la présence du sang à l’intérieur du 


A, Pulsation cardiaque du chien (cardiographe à aiguille, anesthésie par le chloro- 
forme et la morphine), rythme lent résultant de l'anesthésie. 

B, Pulsation artérielle de la fémorale (manomètre à mercure dont les variations de 
niveau se transmettent à un tambour inscripteur). 

S, Secondes. 


cœur. On peut inférer logiquement de cette dépendance que les ondula- 
tions du plateau systolique dépendent exlcusivement des effels méca- 
niques de la contraction cardiaque et ne peuvent pas être interprétées 
comme l’expression de secousses imparfaitement fusionnées. 

Le fait principal sur lequel repose la théorie qui voit dans la contrac- 
tion cardiaque une contraction multiple (2) est ainsi dépouillé de la signi- 
ficalion qui lui était attribuée inexactement et ramené à sa véritable 
Caus 
. E. ce qui touche le fond de la question, nous avons acquis jusqu à 
présent deux points incontestables : 

1° La contraction stérile du cœur est une secousse; 2° la pluralité 


(1) M: Meyer (de Toulouse), avec qui nous nous entretenions tout récem- 
ment de ces faits, les avait également observés dans son laboratoire. 

(2) Consulter, pour tout ce qui touche à cette question le beau mémoire de 
- M. Frédéricq, «la Pulsation du cœur chez le chien », in Arch. de Biologie, t. VII, 
1888, et t. X, 1890. 


SÉANGE DU ÀÂ8 JUIN 099 


apparente de la contraction normale n’est que le résultat et i'expression 
de ses effets hydrauliques. 

Mais nous ne pouvons encore conclure à l'identité de nature des deux 
actes. Un cœur qui travaille peut ne pas se contracter à la manière d’un 
cœur qui ne fait rien. 

C'est là une objection très grave, que voulait bien me faire tout récem- 
ment M. Chauveau, et il est très important d'étudier comparativement la 
systole stérile et la systole normale. 

Et d'abord les deux contractions ont la même intensité, car elles ont 
la même hauteur au niveau c, d, c’est-à-dire à l'instant précis où le cœur 
vide, dans les deux cas, de tout liquide, va se relâcher. Tout ce qui excède 
le niveau c. d, dans la systole normale n’exprime par conséquent que le 
volume du sang que le cœur contenait au début de sa contraction, et dont 
l'effet s’ajoute à l'accroissement du diamètre transversal de l’organe pen- 
dant la contraction (1). 

Ainsi la hauteur supplémentaire de la systole physiologique et les 
ondulations de son plateau sont l'effet purement mécanique de la présence 
du liquide sanguin. Ce ne sont là que des détails superficiels qui ne suffi- 
sent pas à distinguer la systole normale de la systole vide et stérile. 

Le seul caractère qui soit propre à la systole physiologique, c'est sa 
durée, qui, comme le montre la figure, est manifestement plus grande 
que la durée de la systole stérile. Get élément particulier est fonction du 
travail mécanique accompli par le cœur et du déplacement de la masse 
de sang qu'il jette dans les artères. Le cœur demeure contracté pendant 
toute la durée de son évacuation, c’est-à-dire lant qu’il y a quelque chose 
à faire. C'est le travail à effectuer qui décide de la durée de la contraction. 

Les deux systoles ne diffèrent donc que par leur durée, c’est-à-dire un 
élément très variable de la secousse. s 

L’unique différence qui les sépare ne suffit donc pas à établir une diffé- 
rence de nature entre les deux actes. Il-est vrai qu’elle ne l’exclut pas. 

En montrant que la pluralité apparente de la contraction eardiaque 
du chien n’est que le résultat et l'expression de ses effets hydrauliques, 
nous n'avons fait que ramener sa forme graphique à celle que revêt le 
même acte chez les vertébrés supérieurs. 

La question reste donc ouverte, car les caractères graphiques ne 
suffisent pas à distinguer un court tétanos d’une secousse de même durée. 
L'uniformité et la continuité du plateau systolique dans le premier cas 
peuvent cacher la discontinuité réelle de la contraction. 

La solution demeurera incertaine tant qu’on ignorera le procédé intime 
de l’innervation accélératrice du cœur et la vraie question est de savoir 


(1) Notre cardiographe est en réalité un myographe dont l'organe explora- 
teur repose directement sur la partie moyenne du cœur et en recueille les 
oscillations. 


560 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


si celte innervation est toujours présente ou si elle obéit comme le muscle 
cardiaque à la loi du rythme et procède à des excitations uniques au 
début de chaque systole. 


SUR UN APPAREIL POUR L'ÉTUDE DES ÉCHANGES RESPIRATOIRES, - 


par M. LAULANIÉ. 


En réalité, il ne s’agit ici que d’une meilleure utilisation du principe 
_sur lequel repose la construction de l'appareil de Pettenkofer et Voit. 

Les appareils destinés à l'étude des échanges respiratoires chez les ani- 
maux se ramènent en somme à deux types. Le type de Pettenkofer et Voit 
ou à ventilation ouverte et le type de Regnault et Reiset ou à ventilation 
fermée. 

Or, pour s'adapter à des espèces de grande taille, celui-ei réclamerait 
un condenseur d’une telle puissance qu’on n’a même pas tenté d'aborder 
le problème. 

La méthode de la ventilation ouverte dans quelle l'atmosphère de 
l'enceinte habitée par l'animal est renouvelée par un courant d’air assez 
puissant, peut au contraire s'étendre à toutes les espèces animales et on 
a déjà construit sur ce principe des appareils convenant à tous les 
cas. 

Aussi ai-je dû songer à une installation de ce genre, quand jai voulu 
tenter d'étendre au chien les recherches que j'ai entreprises sur les va- 
riations des quotients thermiques de l'oxygène et du carbone. 

Mais la disposition adoptée par Pettenkofer et Voit et par tous ceux 


qui se sont inspirés de ces- expérimentateurs, laisse subsister dans les 


résultats une lacune très graye et à laquelle je ne pouvais me rési- 
gner. 

L'appareil ne fours pas, en effet, la mesure directe de l'oxygène c con- 
sommé par les animaux et les initiateurs de la méthode calculaient direc- 
tement ce gaz par la différence de poids entre les ingesta et les excreta 
de l’animal au cours de l'expérience, le poids de l’animal étant supposé 


constant. Outre que cette dernière condition est très difficilement réali- 


sable, l’exacte mesure des entrées et des sorties semble très difficile et 
environnée de nombreuses causes d’erreur. 

La méthode instituée pour l'étude des échanges respiratoires perdait 
d'ailleurs, et par là même l’unité qui conviendrait et une grande partie de 
son SIÉROGE 

Elle n’a donné jusqu'ici d’une manière directe que l'acide carbonique 
produit et il importait d'obtenir l'oxygène d’uné façon aussi immédiate 


SÉANCE DU 18 JUIN 561 


et aussi rigoureuse. J'y suis parvenu très aisément de la manière sui- 
vante : | 

Le problème donné immédiatement par l’état des choses est de déter- 
miner le taux des altérations présentées par l’air de ventilation à sa sortie 
de l'enceinte respiratoire. 

La question comporte les deux de Herata suivants : 

1° Prélever sur le trajet du courant de sortie un échantillon chimique- 
ment identique à la masse totale de l’air entrainé. 

2° Déterminer la composition centésimale de l'échantillon. 

Pour résoudre la première partie du problème, il faut etilsuffit que la 
récolte de l'échantillon se fasse d'une manière continue et uniforme pen- 
dant toute la durée de l'expérience. 

Le dispositif suivant permet de réunir ces conditions multiples. Il con- 


siste en une pompe aspirante et foulante communiquant avec le courant 
d’air de sortie à son origine même. Comme elle est actionnée par le mo- 
teur à gaz du laboratoire, elle fonctionne d’une manière uniforme et puise, 
à intervalles égaux et très rapprochés, un certain volume d’air pour le 
refouler dans un sac imperméable. 

Celte pompe est faite d’un tube en U rempli de mercure à mi-hauteur 
et soumis à un mouvement régulier d’oscillation. Ce mouvement est 
assuré par le mode de suspension du tube qui est fixé sur une planchette 
verticale mobile autour du point O et rattaché par cet intermédiaire à 
la manivelle À B. 

Un simple coup d'œil jeté sur ë figure fait aisément saisir ce petit 
mécanisme. 

On devine non moins aisément le fonctionnement de la pompe. 

Le mercure, par son inertie, constitue un piston immobile sur lequel 
glisse le corps de pompe ; chaque oscillation est donc suivie de variations 
corrélatives dans le niveau du mercure et dans la capacité des branches 
du tube en U. Pour faire du système une pompe aspirante et foulante, il 
a suffi de relier l’une quelconque de ces branches avec un groupe de 
soupapes de Müller à mercure. 


562 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


- Dès que ce groupe est interposé par des tubes de communication entre 
l’origine du courant d'air entrainé hors de l'enceinte, et le sac de caout- 
chouc la récolte de l’échantillon se fait dans les conditions de continuité 
et d’uniformité indispensables, et, circonstance capitale, elle se POSE 
pendant toute la durée de l'expérience. 

Dans les conditions où j'ai installé ce petit face la pompe débile 
6 litres 500 à l'heure et produit 20 coups de piston par minute. 

Il en résulte que toutes les trois secondes elle effectue une prise de 
5 centimètres cubes environ et la refoule dans le sac dont la contenance 
totale est de 15 litres. 

La récolte totale se compose ainsi d’une série régulière de prises par- 
tielles très faibles, trèsrapprochées et régulièrement échelonnées sur toute 
la durée de l'expérience ; chacune d'elles étant, au moment même où elle 
s'effectue, chimiquement identique à l’air qui passe, leur somme accu- 
mulée dans le sac est chimiquement identique à la masse totale de l’air 
qui a traversé l'enceinte, et le problème est résolu. 

Il n’y a plus qu’à faire l'analyse quantitative d’un échantillon recueilli 
dans les conditions les plus propres à en garantir la fidélité. 

La disposition qui précède soulève, il est vrai, une objection. Le fonc- 
tionnement de la pompe est intermittent et les prises n’ont lieu que toutes 
les trois secondes, mais ce temps est employé à l'appel et au refoulemens 
de l’air récolté et il en résulte que l” interruption ne dure en réalité qu’une 
seconde et demi. 

Or, j'ai la démonstration que ce très faible intervalle est insuffisant pour 
altérer les résultats. D'ailleurs, on peut en réduire indéfiniment l’impor- 
tance ; il suffirait d'augmenter le nombre des oscillations de la pompe en 
diminuant le diamètre de la poulie qui porte la manivelle. La fréquence 
des prises équivaudrait ainsi à une continuité réelle. 

J'ai l'expérience que les limites auxquelles je me suis arrêté convien- 
nent très exactement au but poursuivi. 

Les prises sont tellement rapprochées, en somme, qu’elles reflètent 
très exactement toules les variations qui peuvent se produire et dans 
l'intensité de la respiration de l’animal en expérience, et dans le débit de 
l'appareil de ventilation. 

Quant à l’analyse de l’air, je ne m'y arrêterai pas dans cette Note, je 
ne ferai qu’une remarque relative aux circonstances particulières de la 
méthode et qu’il importe de pienAte eu considération pour instituer les 
analyses. 

Dans un appareil à ventilation ouverte, le courant 5 air est par défini- 
tion très rapide et les altérations de l'atmosphère qui a traversé l’enceinte 
sont très faibles. Elles ne deviennent saisissables et mesurables que sur 
un volume d’air assez considérable et il faut que l’eudiomètre puisse 
admettre ce volume. L'appareil improvisé dont je me sers, en attendant 
celui que me construit M. Chabaud, admet 100 centimètres cubes. 


CT EP ET, 


SÉANCE DU 18 JUIN 503 


J'ai d’ailleurs obtenu des résultats qui sont de nature à me rassurer 


sur la valeur de la méthode à prise continue que j'ai souhaité exquisser 


dans cette communication. Les coefficients respiratoires que j'obtiens 


sur des chiens de taille moyenne ne diffèrent pas sensiblement de ceux 
-que me fournit l'appareil de Regnault et Reisel. 


D'autre part, si, à la place de l'animal, on introduit dans une enceinte 
convenable une lampe garnie d'alcool absolu, je retrouve à l'analyse à 
peu près exactement tout le carbone brûlé ; je suis moins satisfait du 
côté de l'oxygène. 

Mais pour donner la mesure de l'écart que j'obtiens de ce côté, il me 
suffira de constater que le quotient respiratoire théorique de l'alcool 
étant 0,690, j'obtiens un quotient qui oscille entre 0,699 et 0,710. 

J'ai donc encore quelques améliorations à introduire pour atteindre à 
toute la précision désirable, mais je ne doute pas d'y parvenir, car la 
méthode me semble théoriquemsnt irréprochable. 


UN cAS D'OVULE A DEUX NOYAUX CHEZ UN MAMMIFÈRE, 


par M. Louis BLANC. 


En examinant une série de coupes faites dans l'ovaire de Mus decuma- 
nus, nous avons rencontré un ovule renfermant deux noyaux parfaite- 
ment distincts. 

L'existence d’ovules binucléés est connue depuis assez longtemps. La 
plupart des observations ont été faites sur des œufs d'oiseaux, dont le 
vitellus portait deux cicatricules, deux blastodermes, qui provenaient 
évidemment de deux noyaux ayant évolué à quelque distance l'un de 
l’autre. Chez les mammifères, on a vu également des ovules renfermant 
deux vésicules germinatives : on en connaît actuellement trois cas obser- 
vés par Thomson chez la chatte, Kôlliker chez la femme, et Coste sur 
la lapine. 

La rareté des faits de cet ordre chez les mammifères, el leur importance 
au point de la théorie de la formation des monstres doubles nous a déter- 
miné à donner la description précise de l’ovule que le hasard nous a fait 
rencontrer. 

L'ovaire avait été coloré en masse par le carmin aluné, inclus à la 
celloïdine, coupé et monté au baume. Dans l’une des coupes se trouvait 
un ovule, ayant un diamètre de 400 p, c’est-à-dire le volume normal 
de l’ovule complètement développé. Le protoplasme, légèrement coloré 
en rose, chargé de volumineuses granulations vitellines, était entouré par 
une membrane très nette. Au sein de ce protoplasme, on voyait deux 


564 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


noyaux d'aspect identique, ayant 17 à 18 w de diamètre, régulièrement 
arrondis, et d'autant plus nettement délimilés par leur membrane d’en- 
veloppe que le vitellus s’était rétracté et détaché sur une grande partie 
de leur contour. Les noyaux, d'une teinte plus accentuée que celle du 
vitellus, renfermaient un certain nembre de grains de chromatine, vive- 
ment colorés, et de volume variable. Séparés l’un de l’autre par un 
espace de 10 u, ils étaient peu distants de la surface de l’ovule. 

Outre ces deux noyaux, on voyait dans le protoplasme une masse très 
granuleuse, mamelonnée, bouillonnée, sans enveloppe, et plus fortement 
colorée que le vitellus qui l’entourait. C'était, probablement, la vésicule 
embryogène de Balbiani. 

En somme, l'ovule qui vient d’être décrit présentait toutes les parties 
qu'on rencontre normalement dans les cellules de cette nature, et en 
outre il renfermait un noyau supplémentaire parfaitement constitué. 

Quant à l’origine possible de cette anomalie, il semble qu’on doive la 
chercher dans le fait signalé par Balfour et van Beneden; assez souvent 
les ovules primordiaux se réunissent el se fusionnent pour constituer une 
masse protoplasmique commune plurinucléée, dans laquelle cependant un 
seul noyau continue à se développer, tandis que les autres se résorbent. 

L’ovule décrit ci-dessus résulterait donc de la persistance de l’un 
des noyaux qui disparaissent dans les cas normaux. 


Le Gérant. :-G. MASsoN. 


Paris. — Typographie Gaston N£r, 1, rue Cassette.” 


SÉANCE DU 25 JUIN 1899 


M. Joanxes Can : Sur l'organe de Corti. — M. Es. Rerrerer : Évolution de l’épi- 
théliam du vagin. — M. Desrerre (de Lille) : Photographies stéréoscopiques de 
pièces anatomiques. — M. Vraucr : Action physiologique des climats de mon- 
tagne. — M. Caurer : Note sur les œufs et l'embryon du Bilharzia hœmatobia. — 
MM. Cuarrin et Paisarix : Abolition persistante de la fonction chromogène du 
Bacillus pyocyaneus. — M. et Mme J. Deere : Contribution à l'étude de la dégé- 
nérescence des fibres du corps calleux. — MM. F. Hennecuy et P. TaéLonan : Sur 
un sporozoaire parasite des muscles des crustacés décapodes. — MM. Povcuer et 
BeaureGaRD : Note sur l’ambre gris. — M. A. Nicoras : Les spermatogonies chez 
la Salamandre d'hiver (noyaux polymorphes; sphère attractive, division directe). 


Présidence de M. Chauveau. 


CORRESPONDANCE 
(Deuxième Congrès international de physiologie. Liège, 29-31 août 1892). 


M. Dastre dépose sur le bureau l'invitation officielle du Congrès inter- 
national de physiologie qui se tiendra à Liège du 29 au 30 août 1892. 

— 1l y aura en même temps une exposition d'instruments et d'appareils 
de physiologie du 27 août au 2 septembre. Les appareils scientifiques ne 
sont soumis à aucun droit d'entrée en Belgique. L'emplacement est mis 
gratuitement à la disposition des exposants. 


SUR L'ORGANE DE CoRTI, par M. Jones CHATIN. 


De récentes communications m'obligent à évoquer de nouveau le sou- 
venir d'un travail (1) qu’on ne tarderait pas à dénaturer complètement en 
le citant, par fragments, au milieu d'interprétations personnelles qui 
varient avec chaque auteur et sur lesquelles je n’ai pas à m'’arrêter. Je me 
borne préciser les faits en quelques mots. 

Dans la publication que je viens de rappeler se trouvaient exposées des 
recherches d’histologie zoologique dont les résultats pouvaient se résumer 
ainsi : 4° les cellules ciliées sont des éléments sensoriels; 2° la membrane 
basilaire est de nature conjonctive. 

A cette époque, une grande incertitude planaïit encore sur les éléments 
de l'organe de Corti. Leur structure était à peine esquissée et diversement 
interprétée, on modifiait sans cesse leur signification pour l’adapter aux 
hypothèses fonctionnelles; les idées régnantes se montraient peu favo- 
rables aux notions que je formulais et qui, durant quelque temps, 


(1) Joannes Chatin. In Bullelin de la Société philomalhique, p. 28, 1878. 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9° SÉR'E, T. 1V. 2% 


906 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


furent combatlues en Allemagne. Elles sont aujourd’hui partout admises; 
on n’a, pour s’en convaincre, qu’à ouvrir un traité d’histologie. 

Je n'ai pas à rechercher quelle part revient à mes observations dans 
l'évolution qui s’est ainsi produite ; il me suffit d'établir que mes conclu- 
sions sont demeurées exactes. Cette preuve étant faite, je considère le 
débat comme clos en ce qui me concerne. 


ÉVOLUTION DE L'ÉPITHÉLIUM DU VAGIN 
(Deuxième note), 


par M. Ep. RETTERER. 


Dans une communication précédente (1), j'ai montré que chez la 
femelle adulte des mammifères quadrupèdes, la gestation seule exerce 
une influence sur les modifications de forme et de structure des cellules 
épithéliales du vagin. Toutefois les Rongeurs semblent faire exception. 
Longtemps, en effet, avant qu’elle soit apte à la reproduction, la femelle 
du cobaye possède un revêtement vaginal de cellules muqueuses. Plus 
tard, lorsqu'on pralique l'examen dans les conditions ordinaires, on trouve 
constamment un épithélium vaginal, dont les cellules superficielles sont 
cylindriques et muqueuses. 

D'autre part, I. Sazviozt (loc. cit. dans ma communication précédente), 
décrit, chez la lapine, un épithélium ayant toujours une forme cylin- 
drique dans le segment proximal du vagin. 


I. —- j'ai tenté de déterminer les conditions de cette exception présentée 
par les Rongeurs. 

A. Cobaye. — On sait que la femelle du cobaye, comme la plupart des 
Rongeurs, d’ailleurs reçoit le mâle aussitôt qu'elle a mis bas ; c'est même 
le moment le plus favorable pour la fécondation. Dans les laboratoires, 
où les cobayes mâles et femelles vivent en troupe, la femelle est, pour ce 
motif, constamment à l’état de gestation. | 

Afin de savoir ce que devient le vagin en dehors de la gestation, j'ai 
isolé et séparé du mâle un certain nombre de femelles pleines, et je les 
ai sacrifiées de un à vingt jours après la parturition. 

Voici ce que j'ai observé dans ces conditions : 

L'épithélium du segment proximal du vagin continue à présenter des 
cellules superficielles muqueuses jusque vers le quinzième jour. À partir 


(1) Mémoires de la Société de Biologie, 26 mars 1892. 


SÉANCE DU 29 JUIN 907 


de cette époque, on voit les cellules profondes de la couche de Malpighi 
modifier leur évolution : au-dessous de la couche toute superficielle, 
apparaît ainsi une couche cornée (épaisse de 0®",04 au vingtième jour). 
Le protoplasma des cellules malpighiennes, au lieu de subir la modifica- 
tion muqueuse, se kératinise. La consistance de cette couche cornée est si 
différente de celle des couches sous-jacentes, qu'elle s’en détache pendant 
les manipulations, et, qu’il faut inclure toute la muqueuse dans la pa- 
raffine ou le collodion pour la conserver en place. 

Ces observations montrent que la femelle adulte du cobaye, soustraite 
à l'influence de la gestation, présente un revêtement vaginal dont l’évo- 
lution est semblable à celle de la chienne, par exemple. Z/ suffit donc 
_d’éloigner du mâle la femelle adulte du cobaye pour provoquer la transfor- 
mation cornée des cellules épithéliales du vagin. 

B. Lapine. — Sur une lapine nullipare, âgée de cinq mois environ, 
l’épithélium du vagin (segment proximal) est mince (son épaisseur n’est 
que de 0,042). Il est formé de petites cellules cylindriques dont 
l'extrémité libre présente la transformation muqueuse. 

Une lapine arrivée au quinzième Jour de la gestation a un épithélium 
du vagin (segment proximal) plus épais (0"%,02). Les cellules superfi- 
cielles sont cylindriques avec modification muqueuse de l'extrémité 
libre. 

Sur une lapine examinée un mois après la parturition et tenue pen- 
dant tout ce Lemps loin du mâle, l’épithélium du segment proximal du 
vagin est bien plus épais (02",120) que précédemment. Il est formé de 
nombreuses assises de cellules polyédriques ; il est devenu pavimenteux 
stratifié. Sur les plis de la muqueuse, on aperçoit par place une ou deux 
assises de cellules aplaties selon la surface. 

On n’observe ni transformation cornée, ni muqueuse. 

Il importe d'ajouter que, chez cette dernière lapine, l’épithélium du 
segment distal du vagin a la même constitution que celui du segment 
proximal. Trente jours de repos, au point de vue de la gestation, ne pro- 
duisent chez la lapine ni kératinisation ni modification muqueuse dansles 
cellules épithéliales du vagin. 

Il suffit, en un mot, de mettre la lapine en dehors de l'influence de la 
gestation pour que l’épithélium de son vagin se dispose, sur toute l’éten- 
due de l'organe, en nombreuses assises de cellules pavimenteuses stra- 
tifiées. 

En résumé, les Rongeurs, que j'ai examinés, rentrent ainsi dans la règle 
commune pour ce qui concerne l’ évolution de l’épithélium vaginal : pla- 
cées dans les mêmes conditions que les femelles des autres mammifères, les 
femelles des Rongeurs acquièrent un épithélium vaginal, dont la forme et le 
type reproduisent ce qu'on observe chez les autres mammifères. 

II. — Afin de déterminer l'influence du rut et de l’ovulation sur l’évo- 
lution de la muqueuse vaginale, je me suis procuré une chienne et une 


508 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


chatte en rut. Cet élat était nettement caractérisé par la turgescence de la 
vulve, l'écoulement de mucosités et surtout la disposition de ces animaux 
à recevoir le mâle. 

Voici quelle était la structure du vagin (segment proximal) de ces 
animaux : 

Le vagin de la chienne en rut a un épithélium épais de 0,01 à 0"®,16, 
dont la courbe cornée atteint 0"",04 d'épaisseur. Celui de la chatte en 
rut a un épithélium pavimenteux stratifié, non muqueux, dont les 
couches superficielles sont aplaties, même dans le segment proximal du 
vagin. 

Les faits que je viens de décrire brièvement non seulement confirment 
mes premiers résultats (loc. cit., p. 107), mais ils me permettent de for- 
muler cette conclusion plus générale : 

Chez l'animal adulte et en dehors de toute influence de la gestation, 
l'épithélium du vagin est pavimenteux stratifié. Chez quelques espèces 
(chienne, cobaye) les cellules du corps muqueux de Malpighi évoluent de 
façon à former une épaisse couche cornée. La gestation seule produit chez 
la femelle adulte de certaines espèces (chienne, lapine, cobaye) la modifica- 
lion muqueuse de l’épithélium vaginal. 


PHOTOGRAPHIES STÉRÉOSCOPIQUES DE PIÈCES ANATOMIQUES, 


par M. Dgpierre (de Lille). 


Messieurs, je demande la permission de vous présenter une nouvelle 
série de photographies stéréoscopiques d'anatomie. Je dis nouvelle série, 
puisque mon maître, M. Mathias Duval, a bien voulu me faire l'honneur 
d'en présenter à la Société une première série il y a quelques mois. 

Si je présente cette nouvelle série de photographies, c'est parce que je 
crois qu’elles sont beaucoup plus parfaites que les premières, et que 
d'autre part elles représentent de nouveaux organes. Les premières repré- 
sentaient exclusivement le système nerveux central, celles-ci représen- 
tent, outre de nombreuses images du système nerveux central, les vis- 
cères de la cavité thoracique, ceux de la cavité abdominale, et une série 
de pièces anatomiques provenant de dissections (pièces fraiches et sèches). 
La vue de ces nouvelles photographies convaincra les membres de la 
Société, j'en ai la conviction, que nous avons fait de sensibles progrès, 
et aussi, que la photographie stéréoscopique est non seulement précieuse 
et applicable en anatomie normale, mais que ce procédé de reproduction 
des objets est aussi précieux en anatomie pathologique, en Histoire natu- 
relle, en médecine (déformations, luxations, monstruosités, etc.), et en 
médecine légale. 


SÉANCE DU 29 JUIN 569 


Je ne veux pas abuser de l’attention des membres de la Société en rap- 
pelant la valeur de la stéréoscopie. Alors que la photographie ordinaire ne 
permet de voir les objets que sous la forme d’un plan, la photographie 
stéréoscopique nous permet de les observer tels que nous les voyons 
devant nous dans l’espace, avec leur contour et leur relief. C’est ce que 
vous pouvez voir, messieurs, sur les photographies que je fais passer 
devant vos yeux. 

Je n’ajouterai qu'un mot concernant la technique. Pour obtenir une 
bonne photographie, il faut une bonne pièce, ayant conservé sa forme et 
sa coloration normales. Sans entrer dans les détails, je dirai que j'ai 
obtenu les meilleurs résultats, en ce qui concerne le système nerveux 
central, avec les pièces durcies dans une solution concentrée (22° à l’aé- 
romètre de Baumé) de chlorure de zine (séjour pendant quarante-huit 
heures) ou à l’aide de la congélation dans l'alcool. Enfin, pour bien voir 
la photographie stéréoscopique, il faut un stéréoscope facile à manier et 
transportable, ce que l’on ne trouve pas actuellement dans le commerce. 
J'en ai fait construire un à ciel ouvert qui permet d'examiner les photo- 
graphies dans toutes les positions, à la lumière du jour, à la lumière 
d’une bougie, d’une lampe, d’un bec de gaz, etc., sans se déplacer, et 
qui donne de plus le grossissement que l’on désire à l’aide d’un écrou qui 
fait avancer ou reculer la photographie. 


ACTION PHYSIOLOGIQUE DES CLIMATS DE MONTAGNE, 


par M. VrauLt. 


M. Viault résume les nouveaux résultats obtenus par lui concernant 
linfluenza des altitudes sur le pouvoir respiratoire du sang. À la suite 
d'expériences pratiquées à l'Observatoire du Pic du Midi (2,877 mètres), il 
a obtenu la confirmation des faits constatés par lui précédemment dans les 
Cordillères du Pérou. 

Sur des animaux de Ja plaine préalablement examinés au point de vue 
de leur richesse globulaire, de leur capacité respiratoire, et transportés 
au sommet du Pie, il a pu reconnaître, au bout d'une quinzaine de jours, 
une augmentation notable dans le nombre des globules rouges qui s’est 
élevé de près de 2 millions de globules par millimètre cube pour les 
lapins, de près de 4 million pour les poules. La capacité respiratoire du 
sang, évaluée au moyen du colorimètre de Jolyet, s’est aussi élevée dans 
les mêmes proportions. Le sang de ces animaux était remarquable par 
l'abondance prodigieuse des petits globules en voie de formation. 

L'auteur en conclut que l’anoxyhémie des montagnes, si longtemps 


510 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


admise, n'existe pas sauf pendant une très courte période d'accoutu- 
mance, et que l'organisme, loin de subir passivement l'influence de la 
raréfaction de l'oxygène, se remet rapidement en équilibre au moyen 
d’une simple augmentation du travail normal de l'hématopoièse. 

Cette action est exclusivement due à l'influence de la raréfaction de 
l'oxygène et nullement à l'augmentation d’appétit et d'alimentation que 
peut produire, dans certains cas, le séjour dans la montagne. Le régime 
alimentaire de l’homme dans la Cordillère où M. Viauit a fait ses pre-- 
mières recherches est des plus insuffisants et des plus pauvres, car on y 
manque de tout, au moins aux grandes aititudes. On sait d’ailleurs que 
les [Indiens conducteurs de lamas ou mineurs ne mangent que des pommes 
de terre et du maïs grillé. 

Rectifiant, en passant, une opinion prètée à M. Jourdanet par 
M. Regnard, il établit que cet observateur n’a jamais admis qu’on pouvait 
s’acclimater aux grandes altitudes par une augmentation de la capacité 
respiratoire du sang, ce qui eût été contradictoire avec sa doctrine de 
l’anoxyhémie. 

L'auteur discute ensuite l’application de cette action hématogène des 
altitudes au traitement de l’anémie. Pour les allitudes moyennes (600 à 
1,600 mètres), le résultat d’une cure de montagne est souvent favorabie 
mais doit être attribué à des causes complexes où l'altitude joue peut- 
être le moindre rôle. Pour les grandes altitudes (2,500 mètres environ et 
au-dessus), inhabitable d’ailleurs en Europe, leur emploi doit être res- 
treint à certains cas bien déterminés. 


NOTE SUR LES ŒUFS ET L'EMBRYON DU BILHARZIA HÆMATOBIA, 


par M. CAHIER, 


Médecin-major, professeur agrégé au Val-de-Gràce. 


J'ai actuellement en traitement dans mon service hospitalier au Val- 
de-Grâce, un soldat qui a tenu, il y a dix ans, garnison dans le sud de la 
Tunisie, à Gabès, et en est revenu atteint d’une hématlurie que j'ai reconnue 
due à la présence du Bilharzia Hæmatobia dans les veines vésico-prosta- 
tiques du porteur. Incidemment, je prends la liberté d'appeler votre 
attention sur la présence du distome dans le sud de notre colonie tuni- 
sienne, constatation faite une première fois l’an dernier par M. le méde- 
cin aide-major Brault, alors que jusque-là l'affection bilharzienne parais- 
sait exclusive à l'Égypte, au Soudan et au Cap. Des renseignements que 
J'ai recueillis il résulte que la maladie est fréquente chez les tribus arabes 
habitant Gabès, Gafsa et leurs environs et qu'un certain nombre de nos 


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SÉANCE DU 29 JUIN pi 


RE  — 


soldats qui ont séjourné dans ces postes en sont partis atteints d’héma- 
turie, mais personne ne songeail à rapporter le pissement de sang à sa 


_ véritable cause. Nous aurons sans doute maintenant en France des occa- 


sions plus fréquentes qu’autrefois d'étudier les habitudes et les mœurs du 
Bilharzia. 

Le malade que j'observe depuis deux mois tous les jours, urinait en 
moyenne, dans le début de la période estivale, au commencement de mai 
dernier, deux ou trois cents œufs par jour. Actuellement il n’en rend 
plus que quarante à cinquante, bien que certains Jours, le total puisse 
remonter à quelques centaines. Le meilleur moyen, à ce qu’il m'a semblé, 
pour trouver les œufs, c'est de cueillir à la pipette les petites concrétions 
grisâtres, opaques, grosses comme un grain de sable et munies d’un fila- 
ment de mucus ou de fibrine qui restent suspendues dans le tiers inférieur 
du liquide urinaire recueilli dans un bocal ou un grand verre à pied ; 
plus rarement elles se déposent au fond du récipient. Parfois les œufs 
sont réunis au nombre de quarante ou cinquante sur des espèces de 
petites membranes Jaunâtres et opaques, flottant parmi les concrétions 
et formées d'une agglomération de globules blancs constituant une gangue 
dans laquelle les œufs sont incrustés. On peut aussi filtrer le liquide 
urinaire des vingt-quatre heures et laver le filtre dans un demi-verre 
d'urine où ils se conservent intacts plusieurs jours, tandis que si on vient 
à laver dans l’eau pure, les embryons éclosent très vite et il est difficile 
alors de les retrouver, isolés qu'ils sont dans la masse du liquide où l’on 
puise au hasard; les concrétions ne contiennent plus alors que des œufs 
vides. Pour l'étude microscopique, il suffit de déposer la petite fausse 
membrane ou la concrétion sur une lame de verre avec une goutte 
d'urine et de recouvrir avec une lamelle en ayant soin de ne pas appuyer 
dessus, car la coque des œufs est très fragile; on peut colorer avec le 
picro-carmin, mais cela n’est nullement nécessaire. L’oculaire 4 et l’ob- 
jectif 6 permettent de voir déjà nettement les œufs, l'objectif 2 est suffi- 
sant pour l'étude de la formation de l'embryon, les objectifs 6 et 8 per- 
mettent de distinguer les plus petits détails. 

Les œufs ont la forme d’un fuseau ou d’une toupie d'enfant, et présen- 
tent un éperon très pointu sur le prolongement de leur plus grand 
diamètre. Je n'ai jamais rencontré l’éperon latéral. Ils sont tous de même 
grandeur, 150 y environ de long sur 60 de large. 

La membrane d’'enveloppe présente un double contour et contient une 
masse transparente, granuleuse, rarement amorphe ;le plus souvent même, 
quand les œufs sont fraichement rendus, leur coque renferme l’embryon 
déjà formé avec son rostre ou proboscide dirigé du côlé de l’éperon, et 
se présentant sous l’apparence d’un corps ovoïde à double contour aussi, 
séparé de la coque par une couche de liquide granuleux dans lequel il 
flotie. L'embryon parait d’abord immobile et dépourvu de revêtement 
ciliaire ; sitôt ce dernier formé, les mouvements des cils débutant à la 


512 : SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


parlie antérieure, puis postérieure de l'animal, impriment des mouve- 
ments de rotation. et de déplacement des plus rapides à une foule de 
pelits globules transparents accumulés surtout aux deux extrémités de 
l'œuf et maintenus en suspension, non dans le corps de l'embryon, mais 
dans le liquide amniotique, si je puis dire, au sein duquel il évolue. 

Au milieu de ces globules, moins gros que les hématies, ressortent 


F6. 1. — OEufs et Embryon de Bilharzia hæmatobia. 
(Ocul. 1, obj. 6.) 


1, œuf granuleux. — 2, œuf contenant l'embryon formé.— 3, œuf brisé ayant laissé 
échapper 4 (embryous\ et 5 (globules) petits et gros, réfringents et pointillés. 


quatre ou cinq glomérules pointillés plus gros qu'un leucocyte, le double 
environ. 

Tant qu'il est maintenu dans le liquide urinaire, l'embryon peut rester 
au moins quarante-huit heures sans sortir de sa coque et même ne pas 
en sortir du tout. Si, au contraire, on dépose dans une goutte d’eau pure 
les œufs recueillis dans une urine fraiche, on voit au bout de quelques 
minules, au milieu de l'agitation globulaire, l'animal remuer d’abord son 
rostre qu'il porte alternativemennt à droite et à gauche comme s'il tàtait 
la paroi de sa prison ; puis il se secoue à plusieurs reprises dans une 
sorte de frisson qui court lout le long du corps, se met ensuite à tourbil- 
lonner sur son grand axe, reproduisant toute la mimique d’un chien 
mouillé qui se secoue, s'allonge, s’enfle, s’arrondit comme pour faire 
éclater sa cellule trop étroite, prend alors quelques minutes de repos et 
finalement se livre à une succession ininterrompue de mouvements de 


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SÉANCE DU 25 JUIN 013 


tête à queue; on dirait véritablement un animal conscient cherchant une 
issue dans la cage où on l'aurait enfermé. 
_ Le rostre commençant toujours le mouvement et appuyant sur les 
parois de la coque finit par la déchirer brusquement vers sa partie 
moyenne, déterminant ainsi une large brèche par laquelle s'échappent, 
en même temps que l’animal, les glomérules et globules protoplasmiques 
encore animés de mouvement de rotation. Tous ces phénomènes ont 
évolué dans une durée de cinq à dix minutes. L’embryon en liberté se 
met alors à nager avec une vigueur et une rapidité remarquables, par- 
courant environ 20 millimètres en six secondes, soit 20 centimètres à la 
minute. 

Tantôt filant avec un mouvement précipilé des cils, en ligne droite 
d'un bout de la lamelle à l’autre, tantôt évoluant en cercle dans le champ 
du microscope, il tourbillonne en même temps sur lui-même comme en 


FiG. 2. — Formes diverses de l'embryon nageant. 
(Ocul. 1, ob]. 6.) 


un mouvement d'hélice, ou se contourne à la manière d’un chien qui 
voudrait se mordre la queue, écartant dans son sillage les globules blancs 
ou rouges qu'il rencontre sur sa route. IL subit dans sa course de mul- 
tiples métamorphoses : tantôt ovalaire, Lantôt allongé comme un mille: 
pattes, il prend aussi la forme d’une larme, d'un cône, d'un sablier à deux 
ou trois renflements, d'un cerf-volant d'enfant muni d'une queue, ou 
d'un cercle; quand, après avoir plongé, il remonte directement du fond 
vers la surface du liquide, il allonge en même temps son rostre en 
museau de cochon, en trompe, ou le rentre dans l'intérieur du corps dont 
la transparence permet de l’apercevoir vers la partie moyenne. 

Les phénomènes ne sont pas toujours identiques. 

Si les œufs ont été placés dans une goutte d’eau mélangée d'urine ou 
un liquide alcalin, ou s’ils ont été pris dans une urine recueillie depuis 
vingt-qualre ou quarante-huit heures et déposés après ce temps seule- 
ment dans de l’eau pure, les embryons ne se décident que difficilement à 
sortir. Le plus souvent, ils ne montrent que de très légers mouvements 


574 SOCIÊTÉ DE BIOLOGIE 


du rostre ou des cils de la partie antérieure et ne cherchent pas à briser 
leur coque, mais celle-ci, très souvent, sous l'influence du contact de l’eau, 
éclate d'elle-même, chassant, en même temps qu’elle s'ouvre, l'embryon 
immobile qui reste souvent encapuchonné ou étranglé par la cuticule. 


Erc. 3. — Bilharzia hæmatobia. 


1, crinière ciliaire de l'embryon. — ?, cils du cou très grossis. — 3, embryon lâchant 
ses globules ou rédies. — 4%, embryon à cabochons. — 5, cellule? renfermant un 
corps animé de mouvements d’oriflamme trouvé dans l'embryon. 


à 


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ai 


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Fric. 4. — Bilharzia hæmatobia. 


1, embryon nageant, très grossi. — 2, 3 ou 4 cæcums de l'embryon. — 3, tubes 
flexueux contractiles. — 4, cellules poiutillées nageant dans le liquide interne. — 
5, rostre avec ses 4 arêtes ou canaux. 


Cependant, au bout de quelques minutes, l'animal se met à remuer pares- 
seusement, ses cils et ses mouvements allant progressivement en augmen- 
tant finissent par l’extraire complètement de sa coque. 

Il est facile de déterminer l'éclosion en appuyant très légèrement et à 
petils coups avec une aiguille sur la lamelle qui recouvre les œufs, tout | 
en les examinant avec l'objectif 2. On brise de cetle façon la cuticule et 


SÉANCE DU 25 JUIN 519 


——_ 


on exprime pour ainsi dire l’animal de son enveloppe, mais il faut pro- 
céder avec beaucoup de ménagements. Pour bien étudier la morphologie 

et la constitution extérieure, les cils, le rostre de l'embryon, il est néces- 
saire qu'il soit immobile, et l’éclosion forcée permet d’avoir à volonté des 
embryons qui restent pendant plusieurs minutes fixes sur le champ du 
microscope. 

Mais pour bien voir les détails et les rapports des organes internes, il 
faut observer l'animal quand il nage doucement dans une lame assez 
mince de liquide, qu’il se présente en remontant obliquement du fond à 
la surface et en tournant en même temps sur lui-même, exposant ainsi 
tour à tour à l'observateur les différents points de son corps. 

Comme dimensions, il a environ 490 & de long sur 80 de large quand 
il est vvalaire seulement, car dans les nombreuses métamorphoses qu'il 
subit, ses dimensions diamétrales varient considérablement. Il est constitué 
par une enveloppe à double paroi munie d’une proboscide susceptible 
d’allongement et de rétraction. 

La surface externe est garnie sur toute son étendue, excepté au niveau 
du rostre, de cils triangulaires à base implantée sur le tégument, dirigés 
d'avant en arrière, de longueur sensiblement égale, plus larges et plus 
fournis dans la portion cervicale, où ils forment une véritable crinière. Le 
rostre présente quatre arêtes ou canaux qui partent en divergeant de sa 
pointe et se dirigeant en arrière, aboutissant à trois ou quatre cavités ou 
cæcums silués vers la partie moyenne de l’animal et flottant au sein d'un 
liquide dans lequel ils oscillent avec aisance sous l'influence des mouve- 
ments ou des modificalions morphologiques de l'embryon. J'ai dit trois 
ou quatre cavités, parce qu'un des cæcums peut être considéré comme 
unique, mais il est le double des autres et paraît nettement biloculaire. 
Toute leur surface est parsemée de ponctuations fixes et régulièrement 
espacées. En arrière des dilatations cæcales, on devine plutôt qu'on ne 
distingue nettement, quand l'animal est très allongé, une série de canaux 
sinueux et flexueux, ou d'espaces lacunaires, terminaison de tubes recti- 
lignes qui prendraient naissance sur le pourtour du rostre près de labou- 
chement des cæcums. Les points si nombreux parsemant les cavités 
seraient peut-être les orifices d’'embouchure de ces canaux ou des espaces 
lacunaires. 

Tous ces organes flottent dans un liquide amorphe renfermant des 
quantités considérables de globules libres, les uns petits, les autres gros; 
ces derniers réfringents et remplis de petils noyaux animés de mouve- 
ments propres, tournant et se déplaçant avec rapidité dans l’intérieur de 
leur enveloppe. À un moment donné, celle-ci se brise et les noyaux 
s'échappent dans différentes directions, en gardant quelques minutes un 
mouvement en apparence conscient. Quand l'animal, sous l'influence 
d'une cause quelconque, vient à s'arrêter définitivement, il lâche le plus 
souvent, mais pas toujours, par les différents points de sa surface ces 


510 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


globules internes dont quelques-uns, restant accolés à lui comme de 
petites tumeurs, le déforment au point de le rendre méconnaissable; c’est 
seulement quand ces corps globulaires ont quitté l'embryon que leurs 
noyaux s’échappent. Ainsi, l'œuf lâche un embryon, celui-ci des globules 
et ces derniers des noyaux gros comme le quart d’une hématie et pareils 
à des animalcules ; peut-être ces derniers sont-ils l'ultime métamorphose 
de l’animal et son véritable reproducteur. 

Certains embryons paraissent tapissés à leur surface interne d’une 
rangée de gros globules comme d’un revêtement de cabochons. J'ai ren- 
contré aussi en faisant de l’éclosion prématurée des animaux non ciliés, 
mais présentant déjà les mêmes détails de structure morphologique que 
les embryons parfaits. 

Comme particularités à signaler pour finir, je noterai que l’eau aci- 
dulée donne de la vitalité aux embryons ou active leur éclosion, que 
l'eau croupie est très riche en matières organiques, les lue ou les empêche 
d'éclore. D'où il est permis de conclure que c’est dans l’eau courante des 
fleuves, des rivières, etc., que doit se tenir et se développer l'animal. Je 
terminerai en signalant la difficulté qu’on rencontre à conserver intacts 
les embryons dans une préparation microscopique; dans l’eau pure, ils 
vivent dix à douze heures. L’acide osmique et la glycérine m'ont paru 
constituer les meilleurs milieux de conservation. 


ABOLITION PERSISTANTE DE LA FONCTION CHROMOGÈNE DU Bacillus pyocyaneus, 


par MM. CHarRiN et PuisALix. 


De même que la virulence, la fonction chromogène est essentiellement 
variable suivant les conditions physiques et biologiques dans lesquelles 
végèlent les microbes qui la possèdent. Aussi plusieurs expérimentateurs, 
sur divers microbes, ont-ils cherché à modifier ou à faire disparaitre la 
propriété de sécréter une matière colorante. C'est ainsi que M. Bouchard, 
sur un bacille fluorescent de l'intestin ; MM. Charrin et Roger,sur le Bacil- 


lus pyocyaneus; M. Wasserzug, sur le même bacille ; M. Schottelius, sur le: 


PB. prodigiosus ; MM. Rodet et Courmont, sur le Staphylococcus aureus, et 
récemment M. Gessard sur le Bacillus pyocyaneus ont réussi à suspendre 
la fonction chromogène. Ils n’ont obtenu, en effet, qu'une suspension 
momentanée. Dès que le microbe a été replacé dans des conditions de cul- 
ture favorables, il a recouvert ses propriétés primitives. La fonction chro- 
mogène n’a donc pas été détruite. Malgré l’insuccès relatif de ces tentatives, 
nous avons entrepris dans le même but de nouvelles expériences, et nous 
sommes arrivés à des résultats tout à fait concluants. Parmi les conditions 


= 


SÉANCE DU 25 JUIN SET 


——— 


physiques qui entravent la sécrétion de matière colorante chez le Bacil- 
lus pyocyaneus, il en est une, non encore étudiée à notre connaissance, 
qui favorise éminemment la disparition de la propriété chromogène : 
c’est la culture à une température élevée voisine de 43 degrés. 

A cette température, en effet, les cultures du Bacillus pyocyaneus pro- 
lifèrent abondamment, mais ne donnent plus ni couleur, ni l'odeur carac- 
térislique. Si on les réensemence avant que la végétabilité du microbe soit 
trop fortement amoindrie, et qu’on les repläce à une température eugé- 
nésique, elles récupèrent leurs caractères normaux. Il n’en est plus de 
même quand on a cultivé le microbe à la température de 42°,5 pendant 
plusieurs générations successives. Dans ce cas, les modifications acquises se 
transmettent héréditairement et persistent dans les cullures filles placées 
dans les conditions les plus favorables de température et de milieu. 

Ces faits constatés, nous avons cherché à obtenir d’une facon métho- 
dique une race de À. pyocyaneus sans couleur, dont la fixité soit réelle 
et durable. Voici comment l'expérience a été exécutée. Avec une semence 
de B. pyocyaneus douée de toutes ses propriétés virulentes et chromo- 
gènes, on fait dans du bouillon de veau non peptonisé une première cul- 
ture à la température de 420,5. Au bout de cinq jours, cette dernière est 
réensemencée dans deux matras, dont l’un est laissé à la température de 
42°,5 et l’autre placé dans l’étuve à 30 degrés. La culture à 42°,5 sert à 
deux nouveaux ensemencements et ainsi de suite. 

Les premières cultures à 30 degrés ainsi obtenues après chauffage de 
la semence ne sont pas sensiblement modifiées ni dans leurs caractères 
végétatifs ni dans leur virulence. 

La couleur et l'odeur des cultures apparaissent sans changement et 
sans retard apparents. Mais, à la quatrième génération, après chauffage 
à 420,5, les cultures filles replacées à la température eugénésique ont subi 
des modifications importantes. La coloration et l’odeur ont disparu, etla 
culture en milieux propices (sérum, agar peptonisé, glycériné, sucré; 
bouillon peptonisé) a été impuissante à faire réapparaître ces carac- 
tères. Toutefois, cette modification est loin d’être complète et définitive. 
Un seul passage à travers l'organisme du lapin a suffi pour rendre au 
microbe ses propriétés caractéristiques. 


Expérience. — Le 30 mai 1892, on inocule dans la veine de l'oreille d'un lapin 
4 centimètres cubes d'une culture pyocyanique décolorée (provenant de la 
quatrième génération après chauffage à 420,5). L'animal meurt le 1° juin. 
Prqueté hémorragique de deux ganglions de l'intestin. On ensemence le rein 
et un ganglion. Le 3, les cultures présentent une belle coloration qui augmente 
encore le 5. Peut-être léger retard dans son apparilion. 


S'il est vrai, que par hérédité, les modifications imprimées par la cha- 
leur deviennent de plus en plus complètes et stables, à mesure que le 


Lu à MN APN Fe à 3 2 PE A ER e 5 paie LE Dr 


518 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


nombre des générations successives augmente, on devait nécessairement 
obtenir des cultures décolorées à un degré tel que le retour à la colo- 
ration primitive füt impossible, même après des inoculations en série. 
C'est en effet ce qui a lieu, comme on va le voir. 


Expérience. — Le 3 juin 1892, on injecte dans la veine de l'oreille d’un 
lapin n° 1, 3 centimètres cubes d’une nouvelle culture pyocyanique décolorée 
(provenant de la sixième génération après chauffage à 429,5). L'animal meurt 
le 5 juin avec de la diarrhée et de l’albuminurie. On ensemence le rein. La 


culture reste incolore. 
Le 7 juin, on inocule 2 c. c. 5 de cette culture demeurée incolore à un lapin 


n° 2 qui meurt le 9 avec de la diarrhée et de l’albuminurie. Hémorragie 
caractéristique dans les parois du cæcum. On ensemence le rein. Les cultures 
des lapins 1 et 2 restent incolores. 

Le 14 juin, on inocule les cultures du lapin n° 2 à un cobaye qui meurt 
le 18. On sème le rein sur agar peptonisé et dans du sérum de lapin. 
Le 21 juin, ces cultures sont actives, mais ne renferment pas de pigment. 

Le 15 juin, une grenouille est inoculée avec les cultures du lapin n° 2; elle 
résiste, et le 18 juin on fait des cultures avec l’œdème sous-cutanée : ces cul- 


tures restent incolores (1). 
Le 22 juin, on injecte à une grenouille la culture du rein du cobaye mort 


le 18 juin (2.c.c. 1/2 de culture en sérum). 
Des cultures faites avec l’ædème de cette grenouille, restent également 
incolores. 


Pour démontrer que ces cultures décolorées sont bien dues au 
B. pyocyaneus, il suffit d'indiquer les symplômes et les lésions engendrés 
par l’inoculation aux animaux. En outre, nous avons fait six séries de 
cultures parallèles dans des conditions absolument identiques, et toujours 
nous avons obtenu la même marche et les mêmes résultats. 

La meilleure démonstration serait de revenir à la produetion du pig- 
ment, comme l'ont fait les auteurs qui nous ont précédé. Mais ce retour 
est en contradiction avec le fond même de la question. Il ne peut être 
utilisé que dans les modifications passagères, 

De toutes ces expériences, il ressort clairement que, sous l'influence 
de la chaleur et de l'air, la fonction chromogène du PB. pyocyaneus 
peut être détruite d’une manière durable et que les circonstances recon- 
nues jusqu'ici comme les plus favorables à la sécrétion de la matière 
colorante ont été impuissantes à faire renaître cette fonction. Faut-il en 
conclure que cette modification est permanente, définitive ? Assurément 
non. Peut-être, par des moyens mieux appropriés, réussira-t-on à 
remonter en sens inverse l’échelle des modifications et à restituer au 


(1) Nous savons que, chez la grenouille, le bacille pyocyanique parait 
acquérir, à un degré très élevé, sa propriété chromogène. 


Es 


SÉANCE DU 23 JUIN 019 


microbe qui l’a perdue sa fonction chromogène. En attendant, nous avons 
franchi une nouvelle limite dans l'étude de la variabilité des espèces en 
microbiologie. C'est là un nouvel exemple du danger des déterminalions 
basées sur un seul caractère, eût-il l'apparence d’un caractère des plus 
importants. 


CONTRIBUTION A L'ÉTUDE 
DE LA DÉGÉNÉRESCENCE DES FIBRES DU CORPS CALLEUX, 


par M. et M"° J. DEJERINE. 


L'étude de la dégénérescence des fibres d'association intra et inter- 
hémisphériques est encore tout entière à faire. Nous nous proposons 
de communiquer à la Société le résultat de quelques-unes des recherches 
que nous poursuivons depuis plusieurs années sur ce sujet. Dans la pré- 
sente communication, nous ne nous occuperons que du corps calleux et en 
particulier des fibres calleuses appartenant à la zone visuelle en laissant 
pour le moment de côté toutes les dégénérescences des faisceaux d’asso- 
cialion d'ordre intra-hémisphérique. Les résultats auxquels nous sommes 
arrivés sont basés sur trois autopsies de lésions unilatérales siégeant dans 
ie domaine de la zone visuelle corticale (cuneus, pointe occipitale, lobule 
lingual et lobule fusiforme). Deux de ces cas concernent des trouvailles 
d’autopsie, le troisième à trait à un cas de cécité verbale pure que l’un 
de nous a rapporté dernièrement à la Société. 


Cas I. — Cécilé d’origine corticale. — Plaque jaune ancienne du cuneus, du lobule 
lingual ebdu lobule fusiforme gauches.— Dégénérescence secondaire des radiations 
optiques de Gratiolet, de la partie postérieure de la couche optique, du corps 
genouillé externe, du tubercule quadrijumeau antérieur gauches et de la bandelette 
optique du méme côté. — Atrophie très marquée du nerf optique droit, et atrophie 
légère du nerf optique gauche. — Dégénérescence secondaire des fibres du bour- 
relet du corps calleux. 


R..., soixante-huit ans, à Bicètre depuis six ans dans la section des vieil- 
lards, entre à l'infirmerie le 12 février 1891 pour une congestion pulmonaire, 
Le malade ne présente pas d'hémiplégie, ni de troubles de la sensibilité. 
Depuis quinze jours, à la suite d’une légère attaque sans perte de connaissance 
ni paralysie, il est complètement aveugle; auparavant, dit-il, depuis six ans, 
il avait une très mauvaise vue. 

Le malade succombe deux jours après son entrée à l’infirmerie. 

Aulopsie. — A la face inférieure de l'hémisphère gauche, il existe un vaste 
et ancien foyer de ramollissement ayant détruit l'écorce grise et déprimant 
fortement la superficie du cerveau à ce niveau. Cette plaque jaune est recou- 


580 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE 


verte par les méninges; elle a détruit le cuneus, le lobule lingual et le lobule 
fusiforme. Le cuneus est lésé jusqu’au niveau de la grande scissure hémi- 
sphérique, la plaque jaune ne s'étend pas sur la face externe de l'hémisphère. 
Au niveau du lobule lingual, la plaque n’atteint pas en arrière la pointe du 
lobe occipital; au niveau du lobe fusiforme, elle ne s’étend pas au delà du 
silion collatéral. Le pied d'insertion du lobule lingual sur le grand lobe lim- 
bique, ainsi que la circonvolution de l’hippocampe sont absolument intacts 
(fige): 

Ge foyer présente donc en somme une direction antéro-postérieure, il esL 
limité en haut par la scissure perpendiculaire interne, en dedans par le sillon 


Jane Z\ 


Hicde 


collatéral. En avant, il se rétrécit et n’atteint pas l’extrémité antérieure du lobe 
temporal. 

Une coupe de Flechsig montre une dégénérescence descendante très mani- 
feste des radiations optiques de Gratiolet. La cavité ventriculaire est distendue. 
On constate en outre, en examinant la base des hémisphères, une atrophie 
très manifeste du corps genouillé externe du brachium conjonctivum et du 
tubercule quadrijumeau antérieur gauches. La bandelette optique gauche est 
manifestement plus mince, plus maigre que sa congénère. Le chiasma est 
dégénéré ainsi que le nerf optique droit. Ge nerf est translucide et présente 
une coloration gris rosé, qui tranche nettement sur la coloration blanche du 
ñerf cptique gauche. L'examen microscopique montre cependant des fibres 
dégénérées dans le nerf optique gauche. 

Dans l'hémisphère droit on trouve un foyer d’hémorragie récent siégeant 
dans le cuneus et n’atteignant pas en avant l'union de la scissure calcarine et 
de la scissure perpendiculaire interne. Ce foyer date à peu près de dix à quinze 
jours. Il n’est pas diffus et ses parois assez nettes sont tapissées par une 
couche épaisse de fibrine jaunâtre se moulant sur les anfractuosités de la 
cavité à latacon des couches concentriques de fibrine d’un sac anévrismal. La 
cavité est remplie par un caillot sanguin couleur gelée de groseille. Sur une 


SÉANCE DU 25 JUIN 581 


coupe de Flechsig, rien de particulier à noter, si ce n’est l'éclat, la blancheur 
des radiations optiques de Gratiolet lorsqu'on les compare aux radiations 
optiques de l'hémisphère gauche. 

Dans le bourrelet du corps calleux, on trouve une zone très manifeste de 
dégénérescence secondaire occupant la partie inférieure du bourrelet, qui 
présente un aspect translucide et une coloration gris jaunâtre. 


Cas IT. — Cécilé verbale pure sans troubles de l'écrilure spontanée ou sans dictée. 
— Cécité musicale. — Hémianopsie homonyme latérale droite avec hémiachroma- 
tonsie du même côté. — Plaques jaunes atrophiques siégeant duns le lobule lin- 


gual, le lobule fusiforme, le cuneus et la pointe du lobe occipital gauche. — Atro- 
phie très prononcée des radiations optiques gauches et des fibres du bourrelet du 
corps calleux. 


Nous ne revenons pas sur l’histoire clinique de ce malade, dont l'observation 
détaillée a été rapportée dans les Mémoires de la Société de Biologie, séance du 
27 février 1892. Nous tenons simplement à rappeler brièvement les lésions 
constatées à l’aulopsie. 

11 ne s'agissait pas dans ce cas, comme dans le cas précédent, d’une lésion 
unique plus ou moins étendue; mais de quatre plaques jaunes atrophiques, 
dont la topographie est la suivante : 


1° Une plaque jaune atrophique dans Îe sillon collatéral ou occipito-tem- 
poral de à cent. 1/2 de longueur mesurant 1 cent. 1/2 dans sa plus grande 
largeur. Cette plaque s’effile en arrière, au niveau de l'extrémité du lobe occi- 
pital ; en avant, elleïne dépasse pas une ligne verticale passant par l'union des. 
scissures calcarine et perpendiculaire interne. 

2° Une plaque jaune atrophique de 2 cent. 1/2 de longueur occupe l'extré- 
mité postérieure de la scissure calcarine et intéresse la face supérieure du lobe 
lingual et la face inférieure du cuneus. 

3° Une troisième petite plaque jaune, de 1 centimètre de longueur sur 
5 millimètres de largeur, occupe le cuneus et plus particulièrement la face 
interne de la circonvolution qui borde à ce niveau la scissure inter-hémisphé- 
rique. À son niveau, la substance grise est atrophiée. Tout le sommet du cu- 
neus, y compris le pli cunéo-limbique, est intact. | 

4 Un quatrième foyer ancien de 1 centimètre de long sur 5 millimètres de 
large, existe à la pointe du lobe occipital et siège sur le gyrus descendant 
d'Ecker. Ce foyer s’élend à la face externe du lobe occipital et recoit l’extré- 
mité postérieure effilée des deux premières plaques. 

Les radiations optiques de Gratiolet sont extrêmement atrophiées et se pré- 
sentent sous l'aspect d’un faisceau gris dégénéré mince et étroit. A l’œil nu, la 
couche optique, le pulvinar, le corps genouillé externe, le tubercule quadri- 
jumeau antérieur gauche paraissent intacts. 

À la partie inférieure du bourrelet du corps calleux, on constate une zone 
de fibres dégénérées de 1 centimètre de long sur 3 millimètres de large. Ces 
fibres dégénérées remarquables par leur aspect translucide et leur coloration 
grisàtre occupent la partie postérieure et inférieure libre du bourrelet, elles 
décrivent une couche à concavité supérieure et leur surface de section se pré- 


24. 


582 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


sente sous la forme d’un coin, dont le sommet serait dirigé en huit vers la 
face inférieure du corps Calle et dont la base correspond au bourrelet pes 
prement dit du corps calleux (fig. 2). 


> g 


SE 


Fig. 3. 


Cas IIT, — Ramollissement de la partie antéro-inférieure du cuneus. — REGRREr 
rescence des fibres du bourrelet du corps calleux. 


Er. soixante-quatre ans, est depuis de longues années à Bicètre dans la 
section des vieillards. Il entre à l’infirmerie pour une pneumonie gauche et 
succombe le troisième jour de son entrée, le 12 mai 1892. 


SÉANCE DU 25 JUIN 583 


A l'autopsie, on constate dans l'hémisphère droit, une plaque jaune atro- 
phique, ancienne, siégeant dans le sillon perpendiculaire interne et ayant 
détruit toute la force du cuneus qui forme la lèvre postérieure de cette scis- 
sure. Cette plaque s'étend en haut sur la face externe de l'hémisphère où elle 
occupe sur la première circonvolution occipitale la partie avoisinant le sillon 
perpendiculaire externe. En bas, elle contourne le pli cunéo-limbique qui est 
lésé et atteint l’origine de la scissure calcarine (fig. 3). 

Dans le bourrelet du corps calleux, on constate de la facon la plus nette 
une zone de fibres dégénérées parfaitement visible sur l'épreuve photogra- 
phique que nous soumettons à la Société. Cette zone, d’aspect translucide et 
de coloration gris jaunàtre, est entourée de toutes parts de fibres saines. Elle 
n’atteint nulle part la superficie du corps calleux et se présente sur la coupe 
vertico-sagittale qui sépare les deux hémisphères sous l’aspect d’un croissant 
à concavité supérieure, qu’une mince couche de fibres blanches, normales, 
sépare du bord postérieur du corps calleux, tandis qu’il est séparé de la face 


inférieure du bourrelet par une zone de fibres saine beaucoup plus épaisse 
(fig. 3). 


Dans ces trois cas, les lésions étaient constituées par des plaques jaunes 
anciennes. La topographie de ces lésions était la suivante : dans le pre- 
mier cas, la lésion siégeait sur le cuneus, le lobe lingual et le lobe fusi- 
forme du côté gauche. Cette lésion d'ordre très ancien avait entrainé 
dans le domaine des voies visuelles la dégénérescence que l’on observe 
en pareil cas, bien connue en pathologie expérimentale depuis les tra- 
vaux de Gudden, Munk, Forel, Monakow, etc., et que le bel ouvrage de 
Henschen et le dernier travail de Monakow viennent de bien remettre en 
relief chez l'homme, — à savoir une dégénérescence secondaire des radia- 
tions optiques de Gratiolet, de la partie postérieure de la couche optique, 
du corps genouillé externe, du tubercule quadrijumeau antérieur. Il 
existait en outre une atrophie de la bandelette optique du côté correspon- 
dant — atrophie plus rarement observée dans ces conditions — et enfin 
une atrophie très marquée du nerf oplique du côté opposé, et très peu 
marquée dans celui du même côté. En examinant avec soin la surface de 
section vertico-sagittale du corps calleux, des deux côtés on trouvait 
dans le bourrelet de ce dernier et à sa partie inférieure une tache gris jau- 
nâtre de dégénérescence secondaire. 

Dans le deuxième cas — cécité verbale pure — les plaques jaunes sié- 
geaient dans le territoire suivant: pointe occipitale, base du cuneus, base 
des lobes lingual et fusiforme. Ici encore on trouvait à la partie inférieure 
du bourrelet du corps calleux, une tache gris jaunâtre de dégénérescence 
secondaire de 3 millimètres de large sur 1 centimètre de long. 

Dans le troisième cas enfin, la lésion corticale, beaucoup plus localisée 
que dans les deux précédents, siégeait sur la face du cuneus qui forme la 
lèvre postérieure de la scissure perpendiculaire interne empiétant très 
légèrement sur la face externe de l'hémisphère. Comme dans les cas 


584 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


précédents, les fibres calleuses dégénérées siégeaient dans le bourrelet du 
corps calleux; elles affectaient la forme d’un croissant à concavité supé- 
rieure, ainsi qu’on le voit très neltement sur la photographie que nous 
présentons à la Société. 

En résumé, dans ces trois cas, nous avons constaté une dégénérescence 
des fibres du bourrelet du corps calleux à la suite des lésions de la zone 
corticale visuelle ; mais, chose intéressante, le siège exact occupé par les 
fibres dégénérées dans le bourrelet, variail suivant le siège occupé par la 
lésion corlicale. C'est ainsi que dans le deuxième cas, où la pointe occi- 
pitale était intéressée ainsi que les bases du cuneus, des lobes lingual et 
fusiforme, la zone de dégénérescence dans le bourrelet, occupait la face 
inférieure et le « bec » de ce dernier, (Voir fig. 2.) Dans le troisième cas, 


Fig. 4. 


au contraire, où la lésion n’occupait que la partie supéro-antérieure du 
cuneus, la zone de dégénérescence dans le bourrelet, n’atteignait pas la 
périphérie de ce dernier et était de toutes parts entourée d’une zone de 
fibres blanches normale. (Voir fig. 3.) 

Les faits que nous venons de rapporter prouvent donc que les fibres 
calleuses du lobe occipital dégénèrent chez l'homme à la suite de lésions 
de la zone visuelle et confirment les résultats expérimentaux obtenus par 
Monakow. On sait en outre que l'extrémité postérieure du corps calleux 
présente à peu près la même disposition que son extrémité antérieure; 


comme cette dernière, elle se recourbe et s’effile, de telle sorte que l’on. 


pourrait lui distinguer un vérilable genou et un bec (fig. k). 

_ Mais comme le seplum lucidum ne se prolonge guère au delà des 
deux tiers antérieurs du corps calleux, l'extrémité postérieure recourbée 
et effilée du corps calleux s'applique directement sur sa face infé”ieure 
et il en résulte l’épaississement considérable connu sous le nom de bour- 
relet. Cette constitution du corps calleux est encore démontrée par l’ana- 
tomie comparée; chez certains animaux, en effet, le septum lucidum se 
prolonge en arrière jusque dans l'épaisseur du bourrelet du corps calleux, 
séparant aussi nettement le bec postérieur de la face inférieure du corps 


AT PE 


ee 


SÉANCE DU 25 JUIN ER 


calleux. Mais l'intervalle rempli par le prolongement postérieur du 
septum qui sépare chez ces animaux la face inférieure du corps calleux 
de la face supérieure du bec postérieur n'est jamais aussi considérable 
que celle que l’on observe au niveau de l'extrémité antérieure du corps 
calleux. Il s'ensuit que la forme générale du septum lucidum ne change 
guère. 

Nos deux derniers cas montrent encore de la façon la plus péremptoire 
— ce que l'anatomie faisait du reste déjà présumer — à savoir que les 
fibres calleuses provenant de la pointe occipitale du lobule lingual et du 
lobule fusiforme passent par le bec postérieur et le genou du bourrelet, 
tandis que celles qui proviennent de la partie antéro-inférieure du cuneus 
passent dans l’épaisseur du bourrelet proprement dit. 

Nous nous réservons dans un travail ultérieur de déterminer le trajet 
dans l'hémisphère du côté opposé, des fibres calleuses dégénérées. 


SUR UN SPOROZOAIRE PARASITE DES MUSCLES DES CRUSTACÉS DÉCAPODES, 
par MM. F. HenneGuy et P. TnéLonan. 


(Travail du laboratoire de M. le professeur Balbiani 
au Collège de France.) 


En 1888, l’un de nous (1) a signalé l'existence de Sporozoaires parasites 
des muscles chez le Palæmon rectirostris et le P. serratus. Les individus 
infectés se distinguent à première vue par leur opacité; ils sont d’un 
blanc crayeux qui contraste avec la transparence que présentent norma- 
lement ces Crustacés. Cette opacité est due à l'existence dans les faisceaux 
musculaires d’un nombre considérable de petites masses granuleuses. 
Chacune de ces masses représente une petite vésicule de 10 & de diamètre, 
entourée d’une membrane très mince et renfermant huil corpuseules 
réfringents. Ceux-ci, légèrement piriformes, mesurent 3 à 4 & dans leur 
plus grand diamètre. Leur partie la plus renflée contient une vacuole 
claire qui occupe plus de la moitié du corpuscule; la petite extrémité est 
constiluée par une substance réfringente. Ces corpuscules, par leur 
aspect, rappellent ceux de la Pébrine et les spores de certaines Myxospo- 
ridies, telles que celles des Gobies et de l'Epinoche. Leur siège exclusif 
dans les fibres musculaires des Palémons infectés nous avait conduit à 


(1) Henneguy. Note sur un parasite des muscles du Palæmon rectirostris 
Mémoires publiés par la Sociélé philomathique à l'occasion du centenaire de sa 
fondation, 1888. 


586 SOCIÉTÉ. DE BIOLOGIE 


RE ——— —— — —————  ——————— 


ranger ces productions parasitaires parmi les Sarcosporidies, tout en les 
considérant comme une forme de passage entre celles-ci d’une part, et, 
d'autre part, les Microsporidies et les Myxosporidies. 

Malheureusement, tous les Palémons que nous avions examinés pré- 
sentaient le parasite arrivé au terme de son évolution, à l’état sporifère, 
et nous n'avions aucune notion sur son mode de développement. 

Garbini (4), en 1891 a trouvé dans les muscles de Palæmonetes varians 
récoltés dans les environs de Vérone, un Sporozoaire très voisin de celui 
du Palzæmon rectirostris ; il se présentait sous forme de vésicules allongées 
en fuseaux renfermant huit spores piriformes. £’auteur n’a pu observer 
les premières phrases du développement de ce parasite, qu'il regarde 
comme une Sarcosporidie. 

À la même époque, l’un de nous (2) signalait l'existence de parasites 
dans les muscles du Callionynius lyra et du Cotlus scorpius et attirait l’at- 
tention sur les rapports que présentent ces organismes avec le parasite 
du Palémon et celui découvert par Gluge chez l'Épinoche et pour lequel 
il proposait le nom de Glugea microspora. En continuant l'étude de ces 
Sporozoaires, il a pu constaler dans les spores de la Glugea l'existence 
d’une capsule à filament spiral (3), élément qui, comme on le sait, carac- 
térise les Myxosporidies. Depuis il a pu faire la même observation relati- 
vement aux spores du parasite des muscles du Coétus. 

Il était dès lors à présumer que le parasite des muscles des Palémons 
présentait également ce caractère et devait également être classé parmi 
les Myxosporidies. 

Une observation toute récente est venue confirmer celte hypothèse et 
nous permettre d'étudier le développement des spores. 

Grace à l’obligeance de M. le professeur Giard, nous avons pu examiner 
un Crangon vulgaris, provenant de Boulogne et qui présentait l'aspect 
crayeux déjà signalé à propos des Palémons infestés. A l’examen micros- 
copique, nous avons trouvé tous les muscies envahis par un parasite 
d'aspect identique à celui du Palémon, dont il ne diffère que par des 
dimensions plus considérables, les spores mesurant 5 à 6 & au lieu de 
3àa4u. 

Ces spores sont également ici groupées par huit dans une vésicule à 
parois très minces. Elles sont piriformes, possèdent une enveloppe résis- 
tante à la potasse, et leur grosse extrémité est occupée par une vacuole 
claire, comme dans celles du parasite du Palæmon, du Cottus, etc. 


(1) Garbini. Contributo alla conoscenza dei Sarcosporidi. Recediconti della 
R. Accad. de Linnei, vol. VIE, février 1891. 

(2) Thélohan. Sur deux Sporozoaires nouveaux, parasites des muscles des 
Poissons. Comptes rendus de l’Académie des sciences, janvier 1891. 

(3) Thélohan. Note sur la « Glugea microspora ». Comptes rendus de la 
Société de Biologie, 30 janvier 1892. 


SÉANCE DU 25 JUIN 087 


"| "|__| —|—|— "—"—"—""—"— —— 


En les traitant par l'acide chlorhydrique ou par l’acide nitrique, nous 
avons pu constater la sortie d’un filament au niveau de la petite extrémité. 
Cette sortie est toutefois très difficile à provoquer, et nous ne l'avons 


observée qu’un très petit nombre de fois, malgré des efforts répétés dans 


ce but. 

Outre les vésicules contenant huit spores, et qui représentent le terme 
ultime de l'évolution du parasite, nous avons rencontré toute une série 
d'états plus jeunes qui nous a permis de suivre le développement des 
spores et de combler ainsi la lacune qui existait dans l'histoire du parasite 
du Palémon. 

Ici, en effet, à côté des spores müres, nous avons observé de petites 
sphères plasmiques munies d'un noyau. Ces petits éléments s'entourent 
d'une mince enveloppe d’une substance hyaline, résistant à l’action de la 
potasse. Elles mesurent environ 12 & à 14 y de diamètre. 

On voit bientôt le noyau perdre sa membrane et affecter la disposition 
connue sous le nom de peloton chromatique. On assiste ensuite à la for- 
mation d’une plaque équatoriale, à son dédoublement, etc. 

Il s’agit done bien là d’une division par karyokinèse. Nous n'avons pas 
réussi à voir nettement les filaments achromatiques, probablement à 
cause des petites dimensions des éléments. La division indirecte du 
noyau chez les Myxosporidies a d’ailleurs été déjà signalée par l'un de 
nous (1). 

Après la division du noyau, la plasma ne tarde pas à se diviser à son 
tour et dans l'enveloppe on observe deux petites masses nucléées. Les 
mêmes phénomènes de division se répètent, et, par bipartitions succes- 
sives, on arrive à avoir dans l'enveloppe huit petites masses munies d’un 
noyau, aux dépens de chacune desquelles va se former une spore. La 
formation de celle-ci est impossible à suivre en détail à cause de ses 
petites dimensions. 


En résumé, l'organisme que nous avons observé chez le Crangon doit 
être rangé parmi les Myxosporidies, puisque ses spores renferment un 
filament déroulable. 

Il est intéressant par son habitat, car la présence de Myxosporidies 
n'avait encore été signalée chez les Arthropodes que chez la Z'ortrix 
viridana par M. le professeur Balbiani. 

Ce parasite est très voisin de la Glugea et des parasites du Cotte et du 
Callionyme : il en diffère par le nombre constant (8) de spores qui se 
développent dans chaque vésicule mère. 

Il nous a permis de confirmer les observations de l’un de nous relatives 


à la karyokinèse chez les Myxosporidies. 


(1) Thélohan. Recherches sur le développement des spores chez les Myxo- 
sporidies. Comptes rendus de l'Académie des sciences, novembre 1890. 


588 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Enfin ses rapports avec le parasite du Palémon sont tellement étroits 
que l'on peut, croyons-nous, étendre à ce dernier les résultats de nos 
observations. 


NOTE SUR L’AMBRE GRIS, 


par MM. Poucuer et BEAUREGARD. 


Grâce à l’extrème obligeance de M. Klotz, propriétaire de la maison de 
parfumerie Pinaud, nous avons pu examiner et étudier à loisir des quan- 
lités considérables d’ambre gris authentique représentant une valeur mar- 
chande de plus de 100,000 francs. 

Nous faisons passer sous les yeux de la Société de belles photographies, 
des échantillons en question, d’après les clichés qui nous ont été gracieuse- 
ment communiqués par M. Klotz. 

On peut voir que l’ambris gris se présente sous la forme de masses ovoï- 
des ou sphériques, parfois rendues irrégulières comme par addition de 
masses plus petites à leur surface. A la cassure, l’ambre gris offre net- 
tement la structure de calculs à couches concentriques. Une des photo- 
graphies montre cette structure. Les couches sont d'épaisseur inégale. 
Leurs surfaces de séparation, par la couleur et par l’état de dessiccation, 
rappelent assez l'aspect de la surface extérieure, ce qui laisse à penser que 
les recouvrements se sont opérés à des intervalles plus ou moins éloignés. 

La couleur et la consistance de l’ambre gris varient suivant qu'il est 
d’origine plus ou moins récente. Les morceaux les plus frais sont ordi- 
nairement noirs à la surface, quelques-uns comme goudronnés; à l’inté- 
rieur, ils ont une teinte jaune-chamois plus ou moins foncée, Une aqua- 
relle, déposée dans la collection des vélins du Muséum, en a été faite par 
notre dessinateur, M. Millot. Leur consistance, assez ferme, rappelle celle 
d’un raisiné très dense avec une cerlaine élasticité; le couteau n’y 
pénètre que difficilement et il en est retiré plus difficilement encore, 
englué qu'il est dans la masse. Pour faire une section, il faut employer le 
couteau chauffé et agir très rapidement. L’odeur de cet ambre frais est 
tout à fait désagréable et dominée par un relent stercoral prononcé. 

Les échantillons desséchés prennent une teinte généralement jaunâtre, 
une plus grande dureté qui permet de les casser, et la cassure est sensi- 
blement conchoïdale. Le couteau les entame encore difficilement et lors- 
qu'il s’'échauffe par l'effort et le mouvement de va-et-vient, il fond 


l’ambre à son contact et la section revêt une teinte noire. Le relent ster-. 


coral disparaît complètement dans les morceaux les plus secs pour faire 
place à une odeur d’ambre qui ne prend, d’ailleurs, sa finesse que par 
dissociation. 


se 


SÉANCE DU 25 JUIN 589 


Certains morceaux, qui nous paraissent avoir flotlé ou avoir été dessé- 
chés à l’air libre, présentent à leur surface une couleur d’un gris cendré, 
très différente des précédents, avec apparence d’un revêtement pulvéru- 
lent et tendance à s’effriter. C’est le cas dela masse irrégulière que montre 
une de nos photographies. Il peut arriver aussi que ces morceaux 
prennent l'aspect d’une sorte de ponce. Enfin, il existe de l'ambre com- 
plètement blanc; M. Klotz, depuis la communication que l’un de nous a 
faite à l'Académie des sciences (C. À. Ac. des sc., 20 juin 1892), a bien 
voulu nous communiquer un de ces morceaux d’ambre complètement 
blanc. Il ressemble assez bien à un bloc de plâtre d’un blanc très légère- 
ment teinté de jaune. 

La belle collection de petits échantillons types que nous présentons 
en même temps que cette note montre ces divers caractères de l’ambre. 
Nous exprimons notre vive reconnaissance à M. Klotz qui a bien voulu 
en faire don au Cabinet d'anatomie comparée du Muséum. 

Les coupes, dont les dessins et photographies de M. Biétrix donnent une 
excellente idée, nous ont révélé dans la composition de l’ambre un fait 
nouveau qui permettra dorénavant de distinguer aisément l’ambre de 
tout autre produit et qui dès lors pourra être utilisé par l’industrie: Ges 
masses considérables qui peuvent peser jusqu’à 1 kilogramme et plus sont 
constituées presque uniquement par de longues aiguilles cristallines 
d’ambréine dont la disposition nous a paru revêlir deux modes distincts. 
Dans certains échantillons, les aiguilles forment des amas sphériques, 
sortes de sphéro-cristaux séparés par une gangue de cristaux enchevé- 
trés. La périphérie de ces sphéro-cristaux est fortement pigmentée en 
noir et sur les coupes microscopiques, ces cercles de pigment enveloppant 
les cristaux forment une structure très caractéristique. Dans d’autres 
échantillons, toutes les aiguilles d’ambréine sont enchevêtrées irréguliè- 
rement dans la masse commune, le pigment est alors réparti sans ordre. 
Quoi qu'il en soit, c’est le mélange de ce pigment qui donne à l’ambre sa 
couleur grise ou noire plus ou moins foncée. 

L'examen de l’ambréine aciculaire à la lumière polarisée ne laisse 
aucun doute sur sa nature cristalline. M. Biétrix a bien voulu faire une 
aquarelle qui montre très bien les magnifiques colorations que revêt alors 
la préparation. 

Somme toute, l'ambre gris doit être considéré comme formé de calculs 
d’ambréine avec une grande quantité de pigment noir et quelques 
malières étrangères, telles que becs de céphalopodes, etc., qui montrent 
bien son origine intestinale. Quant au siège de cette production, il ne 
nous paraît pas douteux qu'il occupe la première portion du rectum, 
bien que personne n’ait encore vu et décrit l'ambre gris en place. Mais 
les pêcheurs n'ignorent pas que c'est en cette région qu'il se trouve, car 
ils ont toujours soin de sonder le rectum avec de longs bâtons avant de 
procéder au dépècement d'un cachalot et, d'autre part, l'étude que nous 


590 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


avons faite de la muqueuse rectale du cachalot sur diverses pièces 
recueillies aux Açores nous a montré l'existence, dans cette muqueuse, 
d'une grande quantité de pigment noir. 

Pour terminer, nous ajouterons que certains échantillons d’ambre des- 
séché présentent à leur surface une sorte d’efflorescence considérée par 
Guibourt comme formée d’ambréine. Il est certain qu'on trouve des cris- 
taux d’ambréine dans ces efflorescences; ils y sont même complètement 
dégagés de toute gangue et à l’état de pureté, sauf qu'ils sont accompa- 
gnés de nombreuses végétations cryptogamiques que l’un de nous étudie 
en ce moment et particulièrement de filaments mycéliens. Ceux-ci pa- 
raissent avoir dissocié l’ambréine et ils prennent aussi une large part à la 
formation de ces efflorescences. 


LES SPERMATOGONIES CHEZ LA SALAMANDRE D'HIVER 
(NOYAUX POLYMORPHES; SPHÈRE ATTRACTIVE, DIVISION DIRECTE), 


par M. A. NicoLas. 


Le testicule de la Salamandre présente de grandes variations, quant à 
ses dimensions et à sa forme, non seulement chez des individus différents, 
mais encore, d’un côté à l’autre, chez le même individu. C’est là un fait 
connu depuis longtemps. On sait en oulre que sa constitution histologique 
se modifie dans ses divers segments suivant les époques de l’année. La 
forme que j'ai rencontrée le plus fréquemment depuis le mois de janvier 
jusqu’au mois d'avril inclus est la suivante : deux lobes piriformes unis 
l’un à l’autre par un mince cordon allant de l'extrémité distale, ou base, 
du jobe le plus rapproché de l'extrémité céphalique, à l'extrémité proxi- 
male, ou sommet, du lobe voisin de l'extrémité caudale. J’appellerai ce 
cordon, cordon intermédiaire. Sa couleur est d’un blanc grisâtre translu- 
cide. Chacun des lobes est composé de deux segments. L'un, de beaucoup 
le plus volumineux, est silué du côté céphalique: celui qui appartient au 
lobe proximal se prolonge par une extrémité effilée, parfois très réduite, 
ailleurs allongée en un cordon qui court le long du poumon et que je dési- 
gnerai sous le nom de cordon proximal; celui du lobe distal se continue 
par le cordon intermédiaire. La coloration de ce segment est blanc mat. 
L'autre segment est situé au côté distal du précédent, dont il esl séparé 
par un étranglement : celui du lobe proximal se prolonge en arrière (du 
côté de la queue) par le cordon intermédiaire ; celui du lobe distal s’effile 
en pointe plus ou moins allongée, cordon distal. Ce segment est gris clair, 
légèrement jaunâtre. La constitution histologique de ces segments est 
la suivante : celui qui, dans chaque lobe, est placé du côté de l'extrémité 


SÉANCE DU 29 JUIN 591 


céphalique et a une couleur blanche renferme essentiellement, en tant 
qu’éléments sexuels, des spermatozoïdes mürs ou presque mürs. Celui 
_ qui est logé au côté distal du précédent est composé de spermatocystes 
à différents stades. Enfin les cordons intermédiaires, proximal et distal, ne 
sont formés, à part le tissu conjonctif, que de spermatogonies et de cel- 
lules folliculeuses. Les divers segments du testicule et leur aspect diffé- 
rent répondent donc aux phases suecessives de l’évolution de l'élément 
sexuel mâle depuis le stade initial, spermatogonie, jusqu'au stade 
terminal, spermatozoïde. 

Ce sont les trois cordons dont on vient de voir les rapports qui m'ont 
servi d'objet d'étude. Je ne m’occuperai que des spermatogonies qu’on y 
rencontre, négligeant les cellules folliculeuses qui les accompagnent. Ces 
éléments, étudiés déjà par un certain nombre d'auteurs parmi lesquels 
Flemming (1), Hermann (2), qui ont établi leur véritable signification, et 
tout récemment par Meves (3), présentent des caractères particuliers que 
ces observateurs ont signalés et qu’il est facile de constater. Divers points 
seulement seront signalés ici. 


I. — Les noyaux se montrent sous deux formes différentes bien tran- 
chées, les uns sont sphériques ou légèrement allongés dans un sens, en 
tout cas possèdent un contour bien régulier ; les autres, au contraire, sont 
profondément et irrégulièrement échanerés, lobulés, müriformes, en un 
mot possèdent une configuration extrêmement capricieuse. Ces der- 
niers ont été décrits déjà par von La Valette S'-George, Nussbaum, 
Flemming, Hermann et spécialement par Bellonci (4) qui les a désignés 
sous le nom de noyaux polymorphes. Leur existence est constante et leur 
abondance considérable. Pendant la période hivernale et tout au com- 
mencement du printemps, ils sont de beaucoup plus nombreux que les 
noyaux sphériques. En avril il y a en général presque autant des uns 
que des autres, et il paraît que plus tard Ja proportion est renversée. Au 
début de la période de reproduction (juillet) on ne retrouverait (Flemming, 
Meves) pour ainsi dire plus de cellules à noyau polymorphe. 

Ces faits ont conduit Meves à admettre « qu'au printemps il se fait une 
transformation des noyaux polymorphes en noyaux arrondis » et cette 


(1) Flemming. Neue Beiträge zur Kenntniss der Zelle, Arch. f. mik. Anat., 
Bd XXIX, 1887, p. 391. 

(2) Hermann. Beiträge zur Histologie des Hodens, Arch. f. mik. Anat., 
Bd XXXIV, 1889, p. 89. 

(3) Meves. Ueber amitotische Kernteilung in den Spermatogonien des Sala- 
manders und Verhalten der Attraklionssphäre bei derselben, Anat. Anzriger, 
décembre 1891, p. 626. 

(4) G. Bellonci. Sui nuclei polimorfi delle cellule sessuali degli Anfibii, 
Memor. d. real. Accad. delle Scienze dell'Istituto di Bologna, 1886. 


AR) ES ce Rs CT dre OTR A PE Re LÉ RES 


5992 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


opinion me semble bien fondée. Je ferai observer toutefois que la forme 
primitive, initiale, est la forme sphérique. C’est le cas des œufs primor- 
diaux chez la larve, dans la glande génitale indifférente. Ici, les noyaux 
polymorphes sont très rares, presque exceptionnels quand le têtard est 
bien nourri. Lorsqu'on parle des spermatogonies chez l’adulte, il faudrait 
alors prendre comme point de départ une autre période de l’année et dire 
qu'en automne les noyaux sphériques commencent à se transformer en 
noyaux polymorphes pour redevenir sphériques au printemps. Ceci 
d’ailleurs est d'accord avec l'hypothèse qu'Hermann a proposée pour 
expliquer la formation des noyaux polymorphes en général, 

Dans les noyaux sphériques et plus rarement dans les noyaux poly- 
morphes, j'ai observé un détail de structure remarquable. On voit très 
souvent en un point quelconque, ou même en plusieurs endroits, de l'aire 
nucléaire (il s’agit de coupes), un espace clair, de forme généralement 
ovalaire, apparemment vide, et dans cet espace une strie sombre, épaisse 
et à double contour, qui occupe le grand axe. Sans vouloir décrire cette 
formation avec plus de détails je suis tenté de croire, Jusqu'à plus ample 
informé, que cette strie est la coupe d’une cloison qui part de la péri- 
phérie du noyau et s'enfonce plus ou moins profondément dans son 
épaisseur. L’aire claire dans laquelle elle est située tient peut-être au 
retrait de la substance nucléaire qui l’avoisine. La présence de cette 
cloison, ou de ces cloisons puisqu'il peut y en avoir plusieurs dans le 
même noyau, est en rapport sans doute avec le développement des 
encoches profondes et étroites qui entaillent la surface des noyaux poly- 
morphes. Il est possible qu’elle se clive en deux lamelles, une pour 
chacune des parois de l’encoche, celle-ci résultant alors de l’écartement 
de ces lamelles. 


Il. — Le corps cellulaire renferme un corpuscule volumineux, bien 
limité, teinté en gris jaunâtre par Le procédé de Flemming(1} généralement 
sphérique, quelquefois aplati, de forme variable en un mot. Sa situation 
paraît quelconque; lantôt contigu au noyau, il est d’autres fois tout à 
fait à la périphérie de la cellule. Meves qui décrit ce corpuseule le consi- 
dère comme la sphère attractive. Il n'a apercu que rarement un corps 
central dans son intérieur. J’adopte l'opinion de Meves, mais, plus heu- 
reux que lui, c'est dans la majorité des cas qu'il m'est arrivé de cons- 


taler la présence d’un et plus souvent de deux corpuscules centraux 


(1) Outre ce corpuscule à caractères bien tranchés, il en existe parfois d’au- 
tres en nombre variable, plus petits, également jaunâtres. Je ne sais si ce 
sont là aussi des sphères attractives. Je ferai remarquer seulement qu'à l'épo- 
que où les spermatogonies se divisent mitotiquement, on trouve des figures 
pluripolaires. On observe en outre des grains chromatiques issus manifeste- 
ment du noyau. ë 


Ÿ 
À 


SÉANCE DU 25 JUIN 593 


entourés chacun d’une zone médullaire claire. Par contre les irradia- 
tions protoplasmiques, fréquentes au dire de Meves, m'ont paru extrême- 
_ment rares (dans les noyaux au repos). 

Dans les cellules à noyau polymorphe on ne trouverait jamais, selon 
Meves, « de corps aussi clair, bien circonscrit, qui puisse sans con- 
testation être interprélé comme sphère. On rencontre à sa place une 
formation qui est typique pour les cellules à noyau polymorphe. » Cette 
formation est une masse granuleuse sombre qui entoure tout le noyau, 
comme ferait une sphère creuse, mais incomplètement, car de place en 
place elle présente des solutions de continuité. Meves pense qu'il s’agit 
là d'une transformation de la sphère altractive dont la substance se 
serait pour ainsi dire dissociée, étalée. Au fur et à mesure que le noyau 
polymorphe se régularise pour devenir sphérique, la substance granu- 
leuse se relire vers l’un de ses côtés et s’y condense en un amas plus 
compact. C’est dans cet amas qu’apparaïitrait enfin un corps volumineux, 
nettement délimité qui est la sphère attractive proprement dite. « Ces 
deux processus, régularisation du noyau et reconstitution de la sphère 
altractive, marchent souvent parallèlement », mais il y a des variantes. 
Cette description est vraie en ce qui concerne l'existence de la substance 
granuleuse. Sa disposition en couronne fragmentée autour du noyau 
est une des particularités qui frappe le plus quand on examine des 
coupes. Mais la valeur que lui attribue Meves me semble problématique 
et je me refuse à admettre le rapport qui, d’après cet observateur, exis- 
terait entre elle et la sphère aitractive. La sphère attractive ne fait nul- 
lement défaut dans les cellules à noyau polymorphe et elle s’ÿ présente 
avec les mêmes caractères que dans les cellules à noyau sphérique. C'est 
là un fait facile à vérifier. Elle ne dérive done pas de l’amas granuleux, 
ou inversement, puisque ces deux formations coexistent. Quant à la 
substance granuleuse elle-même on la rencontre presque aussi souvent à 
côté de noyaux sphériques qu’à côté de noyaux polymorphes. Elle se 
trouve d'ailleurs aussi dans des spermatocytes (Hermann) quoiqu’en moins 
grande abondance et moins constamment. Je pense que cette substance 
constitue tout simplement des matériaux nutritifs de réserve qui sont 
employés ultérieurement. 


IL. — J'arrive maintenant à une importante question, celle de la division 
des spermatogonies. Leur multiplication par voie karyokinétique ne fait 
pas de doute, on peut la constater dès la fin du mois de mars, mais en 
outre elle s'opère par voie directe, par simple étranglement. Ce serait 
surtout pendant les mois d'hiver, de mars notamment d’après Meves, 
qu'on observe la division amitotique dans ces éléments. Je ne parle pas 
des noyaux polymorphes qui, pour certains auteurs, seraient des noyaux 
en division (von La Valette St-Georges, Nussbaum), mais de noyaux 
sphériques ou ovoïdes qui s'étranglent régulièrement en un point de 


594 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


leur surface et se trouvent finalement partagés en deux segments sphé- 
riques. Ce mode de division me semble extrêmement rare, je dirais 
presque exceptionnel. Il faut chercher longtemps pour voir des images 
démonstratives, mais on en trouve qui ne laissent aucun doute dans 
l'esprit, surtout si l’on a soin de suivre des coupes sériées. Le plus souvent 
l’étranglement se fait de telle sorte que les deux noyaux-fiiles sont de 
taille inégale, l’un pouvant être de moitié où même des deux tiers plus 
petit que l’autre. Les seules modifications de structure du noyau ainsi en 
voie de division consistent en ce que : 1° l’un des noyaux-filles, et c’est 
d'habitude le moins volumineux, est plus compact, par suite plus coloré 
que le second. Mais il y a simplement condensation du suc nucléaire, et 
l’arrangement ainsi que la quantité des éléments chromatiques n’ont subi 
apparemment aucun changement; 2° on voit dans le pont d'union des 
noyaux-filles, surtout quand il est encore assez large, des fibrilles chro- 
matiques étirées, tendues d’un côté à l’autre, avec des renflements sur 
leur parcours, et en continuité avec la charpente chromatique des 
noyaux-filles. Une fois, dans un cas où les deux noyaux n'étaient plus 
réunis que par un pont très mince, celui-ci était très dense en son milieu, 
coloré par la safranine et comme formé par un faisceau de fibrilles. Il y 
a là peut-être en somme des phénomènes rappelant ceux qui, dans la 
division indirecte, président à la formation des « filaments réunissants » 
lors de l’écartement des noyaux-filles. 

La division du corps cellulaire se fait ou bien progressivement en 
même temps que celle du noyau, ou bien commence seulement après que 
celle-ci est près d’être terminée ou même achevée. 

Dans ces processus de division la sphère attractive jouerait, d'après 
Meves (loc. cit.), un rôle absolument remarquable. Elle formerait à l’en- 
droit de l’étranglement un anneau qui se resserre de plus en plus et finit 
par couper, pour ainsi dire, le noyau en deux. Malgré toute mon attention, 
je n’ai rien pu voir de semblable. Chaque fois, soit dans des cellules à 
noyau polymorphe, soit dans des cellules à noyau en voie de division 
directe, j'ai reconnu la sphère attractive avec ses caractères habituels, 
logée en un endroit quelconque du corps cellulaire, en regard de l’échan- 
crure ou ailleurs; jamais je n’ai constaté quelque particularité assez nette 
qui put faire croire qu’elle avait une relation avec la fragmentation ou 
avec le polymorphisme du noyau. A plusieurs reprises, j'ai cru avoir 
sous les yeux des anneaux ou segments d’anneau comme ceux que Meves 
signale, mais j'ai reconnu que c'était une illusion due à la cause suivante. 
Lorsqu'un noyau est étranglé, le protoplasma s’insinue dans l’échancrure 
annulaire ainsi formée, et, plus l’étranglement s’accentue, plus la lamelle 
protoplasmique qui occupe sa cavité s'amineit. 11 peut arriver alors que, 
sous l’action des réactifs probablement, cette lamelle prenne un aspect 
dense, et en outre se rélracte en rompant sa continuité avec le proto- 
plasma situé à l’orifice de l’échancrure. On conçoit que dans ces conditions 


SÉANCE DU 25 JUIN 595 


on puisse alors apercevoir une bande annulaire isolée autour du pont 
d'union des deux noyaux-filles. En cherchant ailleurs, on trouve la sphère 
__ attractive. Je ne veux pas toutefois mettre en doute les faits annoncés 
_ par Meves et qui, d’après lui, seraient rares. Le hasard m'a sans doute 


_ mal servi (4). 


(1) Martin Heidenhain, dans un travail {out récent (Ueber Kern und Proto- 


plasma, A. von Kôlliker’s Festschrift, Leipzig, 1892, p. 109), déclare que dans 
les leucocytes à noyau en voie d’étranglement, il n’a pu voir la sphère annu- 


laire que décrit Meves. 


Le Gérant : G. MASsoN. 


Paris. — Typographie Gaston Née, 1, rue Cassette. 


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097 


SÉANCE+DAn2 JU ELLE ET 0899 


M. H. Vincenr : Sur les résultats expérimentaux de l'association du streptocoque et 
du bacille typhique. — M. le D' Gacezowskt : Du grossissement de l’image ophtal- 
moscopique dans l'étude de la pathologie des vaisseaux rétiniens. — M. Cnopiner: 
Myxædème ou cachexie pachydermique observée chez une jeune fille de vingt- 
trois ans. Guérison presque complète au moyen des injections sous-cutanées 
d'extrait liquide du corps thyroïde de mouton. — M. Browx-Séquarp : Influence 
dynamogénique du liquide testiculaire chez des animaux que l'on va faire mourir 
par hémorragie. — MM. E. Grimaux et J.-V. Lasoroe : Note préalable sur la 
cupréine et ses dérivés; chimie et physiologie. — MM. A. Granp et A: Brrcer : Sur 
quelques Trématodes des bœufs du Tonkin. — M. P. Gris : Rôle du ligament rond 
dans l'articulation coxo-fémorale. — M. le professeur F. Guyon et E. Reymoxp : 
De l'infection de la muqueuse vésicale par sa face profonde. — MM. CnarriN et 
Rocer : Atténuation des virus dans le sang des animaux vaccinés. — MM. ABeLous, 
LanGLots et CHarmin : Maladie d'Addison. Tracés ergographiques. Diurèse par injec- 

* tions de capsules surrénales. — MM. Tarnier et CHawBrELANT : Sur la toxicité du 
sang des femmes atteintes d'éclampsie ou d’albuminurie puerpérale. — M. A. 
Guépix : Laxité congénitale de l'articulation radio-cubitale inférieure et subluxation 
consécutive de la tête du cubitus en arrière. 


Présidence de M. Chauveau. 


SUR LES RÉSULTATS EXPÉRIMENTAUX 
DE L'ASSOCIATION DU STREPTOCOQUE ET DU BACILLE TYPHIQUE, 


par M. H. ViNcEnr, 


Médecin aide-major de 1re classe. 


Note présentée par M. LAVERAN. 
P P 


I. — Parmi les microorganismes pathogènes susceptibles de s’associer, 
chez l’homme, avec le bacille de la fièvre typhoïde et de déterminer 
ainsi une infection générale mixte, primitive ou secondaire, le strepto- 
coque paraît tenir, de beaucoup, la première place. La prédominance si 
fréquente du streptocoque se retrouve même dans quelques-unes des 
complications locales ou viscérales les plus habituelles de la fièvre 
typhoïde, la pneumonie par exemple, dans laquelle on trouve six fois 
sur neuf cet organisme combiné ou non au bacille d’Eberth (Karlinsky). 

Il semble donc qu'il y ait entre ces deux microbes une certaine affinité 
réciproque sanctionnée par une association également fructueuse pour 
chacun d'eux. C’est qu'en effet, le bacille typhique ne s'accommode pas 
d'une collaboration microbienne quelconque. Get organisme est très 
délicat et peut même être gêné dans son développement par la présence 


BIoLOG1E. COMPTES RENDUS. — 9 SÉRIE, T. IV. 25 


298 SOCIÊTÉ DE BIOLOGIE 


d’un autre germe. Garré, de Freudenreich, ont établi que si l’on ense- 
mence le bacille d’Eberth dans des cultures stérilisées du staphylocoque 
doré, du bacille pyocyanique, du charbon, du bacille de Friedlander, du 
choléra, etc., sa multiplication est faible ou même nulle. Nous avons 
répété ces expériences avec d'autres bactéries et nous avons pu constater 
que le bacille typhique, non seulement ne se développe pas d’une façon 
concomitante avec un grand nombre de microbes, mais encore qu’il peut 
être détruit plus ou moins rapidement par quelques-uns d’entre eux. 

C’est ainsi qu'ensemencé dans le bouillon, à la température ordinaire, 
en même temps que l’un des microorganismes suivants, le bacille typhique 
est détruit : 


Par le Microc. prodigiosus . . . en 3 jours, parfois en 48 heures 
MB OEM eRMOEP APE ENS EMMA |OUES 
—  Bact. coli commune . . . — 5 — à 11 jours 
— Proteus vulgaris, . . . . —17 — 


Avec ce dernier microbe, si la culture mixte est faite à la température 
de 37°,5, le bacille typhique peut être trouvé mort après soixante heures. 

Ensemencé dans du bouillon à la température du laboratoire, en même 
temps que les trois organismes suivants: Bact. termo, Bac. subtilis, 
Microc. prodigiosus, le bacille typhique élait détruit entre le troisième et 
le quatrième jour. 

Or, si l’on ensemence au contraire simultanément le bacille typhique 
et le streptocoque dans un même bouillon, les deux organismes fécondent 
très bien et simultanément le milieu de culture sans se nuire récipro- 
quement. Il y a plus : le bacille peut se conserver plus longtemps vivant 
que son partenaire et au bout d’un mois et demi, une semblable culture 
mixte ne nous a donné par le réensemencement que le bacille typhique 
seul. 

Le bacille d'Eberth se développe très bien dans une culture du strepto- 
coque stérilisée par la chaleur. Enfin nous avons pris une culture du strep- 
tocoque, ancienne de six mois et devenue acide (le streptocoque y était 
encore vivant) et nous y avons ensemencé le bacille typhique. Celui-ci & 
poussé un peu lentement pendant les douze premières heures, mais n'a 
pas tardé ensuite à troubler complètement le bouillon. 

Cette faculté exceptionnelle de végétation parallèle et simultanée du 
bacille d'Eberth et du streptocoque permet d'expliquer, sans doute, d'une 
part, la prédominance de leur association microbienne dans la dothié- 
nenterie, d’autre part, le redoutable pronostic que cette association com- 
porte chez l’homme. 

Dans une communication présentée à la Société médicale des Hôpitaux 
(43 novembre 1891), nous avons relaté une série fortuite de cinq cas 
d'infection mixte strepto-typhique suivis de mort, dans lesquels l'examen 
bactériologique nous a révélé dans les viscères, la moelle osseuse, le sys- 


SÉANCE DU 2 JUILLET 99 


tème nerveux, parfois même le sang, la présence concomitante du bacille 
d’Eberth et du microbe en chainettes. 

_ Ces exemples de symbiose microbienne qui s'étaient accompagnés de 
symptômes d'une gravité foudroyante, nous avons pensé qu'il pouvait 
être utile d'essayer de les reproduire expérimentalement chez les animaux 
et d’en étudier les effets. 


. I. — Quel que soit le siège de l'inoculation, les animaux (cobaye et 
surtout lapin) ne présentent d'habitude qu’une réceptivilé médiocre vis-à- 
vis du bacille typhique en culture récente. Si, en effet, parmi les expéri- 
mentateurs, les uns ont réalisé, par l’inoculation animale, une affection 
s'accompagnant plus ou moins nettement des signes et des lésions de la 
dothiénenterie humaine, les autres (Gaffky) n’ont jamais réussi à provo- 
quer une maladie véritable ou pensent que la mort est due à une intoxi- 


cation par les poisons solubles développés dans les cultures (Sirotinin, 
Beumer, Peiper). 

. Nous avons fréquemment injecté sous la peau, dans le péritoine ou 
dans les veines du lapin une quantité même grande (1 centimètre cube, 
1.centimètre cube et demi) de culture du bacille typhique ensemencé dans 
le bouillon et porté à l’étuve depuis douze et dix-huit heures, sans amener 
le. plus souvent autre chose qu'une fièvre éphémère {0°,5 à 1°,9 d’aug- 
mentation de la température), exceptionnellement la mort. 

Il n’en est pas de même lorsqu’au bacille typhique on associe le strep- 
tocoque. On peut alors, presque à coup sûr, tuer les animaux avec des 
lésions des plaques de Peyer, une hyperhémie de l'intestin, l'hypertrophie 
des ganglions lymphatiques de l'abdomen et de la rate. 

Si l’on prend un lot de trois lapins de même âge ou de même taille et 
qu’on inocule, dans les veines, à l’un, 1 centimètre eube de culture de 
bacille typhique frais; à l’autre, un demi-centimètre cube de culture du 
streptocoque même très virulent; ces deux animaux témoins présentent 
le. lendemain un peu d'inappétence et de tristesse, leur température 
s'élève. Mais le plus habituellement tout rentre dans l’ordre dès le qua- 
trième ou le einquième jour. 

Inoculés sous la peau, les deux organismes amènent une réaction 
locale, mais l’animal en guérit. 

Au contraire, si l’on injecte à un troisième lapin un mélange de strep- 
tocoque et de bacille typhique, on obtient le plus souvent une septicémie 
beaucoup plus sévère; la mort survient entre le troisième et le huitième 
jours, s’accompagnant parfois d’hyperthermie (42°,4 dans un cas), de 
stupeur et de diarrhée. 

- Un lapin qui avait reçu dans le péritoine trois quarts de centimètres 
cubes de bacille typhique extrait la veille de la rate d’un typhoïdique et, 
dans la veine marginale de l'oreille, un tiers de centimètre cube du strep- 
tocoque, a succombé au troisième jour après avoir présenté une diarrhée 


600 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


profuse, de l’écoulement de sérosilé sanguinolente par les narines et une 
prostration complète au point que, pendant les vingt-quatre heures qui 
précédèrent la mort, l’animal resta inerte, couché sur le flanc, ses yeux, 
ses narines et tout son corps recouverts de mouches et de parasites qu'il 
était incapable de chasser. 

A l’autopsie, l'abdomen, très ballonné, fut trouvé distendu par une 
grande quantité de liquide louche peuplé d'innombrables bacilles et de 
rares microcoques en chaînetles. L'intestin grêle offrait quatre volumi- 
neuses plaques exubérantes et hémorragiques. La plaque normalement 
située au voisinage de l’appendice était devenue très saillante. Ganglions 
mésentériques énormes et mous. Rate petite, diffluente. Sang dissous, 
contenant le streptocoque. 

Les deux animaux témoins, inoculés séparément avec les mêmes doses 
du bacille typhique et du streptocoque, étaient quéris après six jours. 

Nous avons pris un lapin guéri, au quatrième jour, d’une inoculation 
typhique et nous lui.avons injecté dans le sang une dose non habituelle- 
ment mortelle du streptocoque. Le lapin a succombé et l'examen bacté- 
riologique a démontré que la mort était due au streptocoque seul; le 
bacille typhique n’a été, en effet, retrouvé exclusivement que dans la 
moelle osseuse. Maïs il avait par son passage dans l’organisme, affaibli 
celui-ci et augmenté considérablement sa réceptivité pour le second microbe. 
Des faits semblables expliquent bien le danger, depuis longtemps signalé, 
de certaines manifestations locales du streptocoque, telles que l’érysi- 
pèle dans le décours ou même la convalescence de la fièvre typhoïde. 

Nous avons réussi une fois, chez un lapin préalablement inoculé avec 
une dose non mortelle du bacille typhique, à amener une infection mixte 
généralisée suivie de mort en arrosant de culture du streptocoque la 
peau du dos préalablement dénudée par la teinture de cantharide et les 
frictions de fpapier verré. Cet exemple montre le danger des révulsifs 
appliqués, chez les typhoïdiques, sans précautions antiseptiques suffi- 
santes. Nous avons (loc. cit.) signalé un cas de mort sans lésions intesti- 
nales par infection mixte strepto-typhique, chez un chiffonnier qui s'était 
appliqué un thapsia sur la poitrine au début de sa maladie : en ce point 
étaient de nombreuses pustules par où s'était faite la porte d'entrée du 
streptocoque. 

La plupart des expériences précitées ont élé reproduites sur des rats 
blancs et des cobayes avec des résultats uniformes à très peu d’exceptions 
près. On sait que le cobaye est à peine accessible à l’inoculation du strep- 
tocoque (Manfredi et Traversa); or l'addition d’une certaine quantité du 
bacille typhique à la culture du streptocoque a eu, un certain nombre de 
fois, raison de cette immunité. L'animal meurt avec des lésions des pla- 
ques de Peyer, mais on retrouve le streptocoque dans son sang et dans 
sa rate. 

Le rat blanc est particulièrement sensible à l'inoculation mixte, à des 


-SÉANCE DU ® JUILLET 601 


doses très minimes (VIT gouttes de chaque microbe). — Deux fois cepen- 
dant les animaux ont résisté ; mais ils ont présenté une sorte d’abcès local 
fort long à guérir, et ont considérablement maigri. Fait assez singulier, 
ces deux animaux ont acquis l’immunité non seulement — comme il 
était facile de le prévoir — contre le bacille typhique, mais encore contre 
le streptocoque. Il a fallu ultérieurement leur inoculer, à deux reprises, 
une quantité six fois plus grande de chaque culture pour amener la mort. 
Celle-ci était due à l’intoxication par les poisons microbiens, car il n’a été 
constaté, dans le sang et les viscères, aucun foyer de multiplication des 
germes inoculés. 

En résumé, l'infection mixte strepto-typhique,qui possède chez l'homme 
un pronostic habituellement fatal et semble se comporter comme une 
sorte d’entité pathologique pouvant évoluer sans lésions intestinales, pré- 
sente, chez les animaux inoculés expérimentalement, la même gravité 
parfois foudroyante. 

Nous ne faisons qu’effleurer ici la question de l’immunité possible de 
cette infection antérieure analogue, nous réservant de voir si ce phéno- 
mène est constant et d’en étudier, le cas échéant, la marche et les condi- 
tions. 


(Laboratoire de Bactériologie de l'hépital militaire du Dey, à Alger.) 


DU GROSSISSEMENT DE L’IMAGE OPHTALMOSCOPIQUE 
DANS L'ÉTUDE DE LA PATHOLOGIE DES VAISSEAUX RÉTINIENS, 


par M. le D' GALEZOWSKI. 


Messieurs, dans une de mes précédentes communications, j'ai attiré 
votre bienveillante attention sur l’état spasmodique des vaisseaux réti- 
niens, pouvant donner lieu à des rétinites séreuses, à des névrites, etc., 
ainsi que je l’ai souvent observé pendant toute la durée de l'épidémie 
d'influenza. 

Je me suis occupé, depuis, de l’aspect ophtalmoscopique des vaisseaux 
rétiniens dans les affections arthritiques. Ces recherches m’ont appris 
que le grossissement habituel ophtalmoscopique n’était pas suffisant pour 
bien juger de l’altération des parois des vaisseaux. Il fallait donc trouver 
un appareil qui permit de voir les moindres détails de la rétine, à un plus 
fort grossissement. Je suis arrivé à ce résultat en modifiant complètement 
le principe de l'examen ophtalmoscopique de l'image droite. , 

Jusqu'à présent, en effet, l'examen à l'image droite se faisait à l’aide 
d’un miroir à court foyer, que l'on tenait tout près de l’œil exploré, l'œil 


602 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


æ 


de l'observateur se plaçant immédiatement derrière le miroir. On avait, 
ainsi, une image à peu près vingt fois grossie. 

J'ai pensé qu'il y aurait avantage à prendre un miroir plan et de s’éloi- 
gner du trou de l’ophtalmoscope et à grossir l’image déjà formée der- 
rière le miroir en la faisant passer d’abord par une lentille convexe de 
10 dioptries, placée à La distance de son foyer, et, ensuite, en la faisant 
passer une deuxième fois à travers une lentille convexe de 15 dioptries, 
et une troisième fois par une lentille de 10 dioptries. L'image ainsi formée, 
après trois grossissements successifs, peut être vue cinquante ou soixante 
fois grossie, comme on peut, du reste, en juger, par la figure ci-jointe. 

C'est à l’aide de cette image, fortement grossie, que j'ai pu reconnaître, 
avec la plus grande précision, des altérations des vaisseaux rétiniens, des 


“péri-artérites, des endartérites, avec thromboses consécutives, qui, à 


l'image droite ordinaire, échappent habituellement à notre investigation. 
Cet ophtalmoscope grossissant, ou ophtalmo-microscope, a été cons- 
truit depuis le mois de novembre dernier, sur mes indications, par 
M. Peuchot, opticien distingué de Paris. Pour obtenir l’image plus nette 
et pour éviter les reflets, j'ai demandé à mon opticien de construire des 
lentilles achromatiques composées de deux lentilles en crown et trois en 
flint glass AeonDIer, système que j'ai, du reste, adopté depuis la com- 
munication que j'ai faite à l'Académie de médecine sur l'examen du cercle 
ciliaire, pour mes lentilles prismatiques et pour les lentilles de mon 
ophtalmoscope portatif à réfraction. De cette communication, que je 
vous remercie, Messieurs, de m'avoir fait l'honneur d'écouter, je tiens à 
tirer les conclusions suivantes : 
4° Qu'en faisant passer l’image droite ophtalmoscopique à travers trois 
lentilles convexes placées à la distance de leurs foyers, on obtient un 
grossissement de cinquante ou soixante fois ; 
9° Que pour avoir des images très nettes dans les examens ophtalmo- 
scopiques, il faut employer des lentilles achromatiques composées de deux 


lentilles en crown et trois en flint glafs, alternativement superposées, et 


collées ensemble. 


 MYXŒDÈME OU CACHEXIE PACHYDERMIQUE OBSERVÉE CHEZ UNE JEUNE FILLE DE 


VINGT-TROIS ANS. GUÉRISON PRESQUE COMPLÈTE AU MOYEN DES INJECTIONS 
SOUS-CUTANÉES D'EXTRAIT LIQUIDE DU CORPS THYROIDE DE MOUTON, 


par M. le D'° Cuoriner. 


(Note présentée par M. BRrownx-SÉQUARD.) 


Me Marie Lab.….., vingt-trois ans, est atteinte dès les premiers mois de 
4890, d'une maladie qui a déterminé une diminution considérable des 


SÉANCE DU 2 JUILLET 603 


forces en même temps qu’une tuméfaclion généralisée des téguments qui 
semblent indurés et épaissis. 


Antécédents héréditaires. — Père arthritique et sujet aux coliques 
_néphrétiques, mère très lymphatique ; grand-père maternel goutteux. 
Antécédents personnels. — Tempérament lymphatique ; rougeole, 


coqueluche, bronchites fréquentes pendant l'enfance; pas de fièvre 
typhoïde. À dix-neuf ans, poussée d’acné rosacée qui n’a jamais complè- 
tement disparu. M'° Lab... jouissail d'une bonne santé lorsque, au mois 
de janvier 4890, elle subit une atteinte de grippe qui dura dix jours envi- 
ron. Pendant le cours de cette maladie, elle commenca à ressentir, à la 
partie latérale gauche de la poitrine, une douleur assez vive qui persista 
ensuite pendant plusieurs jours pour reparaître ensuite à l’occasion d’une 
émotion un peu vive, ou d’un refroidissement de la température. Cette 
douleur fut attribuée par le médecin de la famille à une angine de poi- 
trine liée à l’artério-sclérose. Du bromure de potassium fut prescrit et 
parut soulager la malade. 

Pendant l’été 1890, la santé générale fut néanmoins assez bonne ; mais 
Marie Lab... constatait qu'elle prenait de l’embonpoint et qu'elle se 
trouvait plus lourde. 

Au commencement de novembre, légère bronchite qui coïncida avec 
l'apparition des règles. Peu de jours après, la malade éprouva de fré: 
quentes oppressions, la face était congestionnée et les paupières 

-tuméfiées. 

À la fin novembre, épislaxis très abondantes qui se reproduisirent 
chaque jour pendant deux semaines environ et auxquelles succéda 
un coryza caractérisé par un écoulement incessant de sérosité très claire. 
Ce coryza, qui augmentait d'intensité quand la malade s’exposait au grand 
air, persista jusqu'au mois de mai 1894. 

En même temps l’élat général s'altérait, les forces diminuaient, la 
douleur de la région latérale gauche de la poitrine devenait plus vive el 
s’étendait à l’épaule et au bras du même côté. Constipation habituelle 
très opiniâtre. 

Au mois de décembre, les règles n'apparaissent qu'après un retard de 
douze jours. Lorsqu’elles eurent cessé, la tuméfaction du visage devint 
plus évidente et Marie Lab... commença à éprouver de la gêne dans la 
parole et la déglutition. Puis le gonflement gagna les bras, les avant- 
bras et les mains qui devinrent le siège de raideur et de fourmillements 
conslants. 

À la suite des règles qui se reproduisirent le 5 février, avec un retard 
de trois semaines, la tuméfaction du visage augmenta encore sensible- 
ment et les joues prirent, surtout du côté gauche une teinte violacée. La 
raideur des bras devint plus prononcée et la malade dut à peu près 

renoncer aux travaux manuels. 
Oppressions fréquentes après les repas, sensation de fatigue générale 


604 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


= D mt mA ES 


surtout le soir, marche lente et pénible provoquant rapidement l'essouf- 
flement, gène de plus en plus marquée de la mastication. La malade 
s’affecte beaucoup de son état. 

Ayant eu l’occasion de voir Marie Lab... le 19 avril 1891, je fus frappé 
tout d’abord de la tuméfaction du visage et de la difficulté de sa parole. 
Je constatai un œdème généralisé des téguments de la face et du crâne, 
prédominant surtout aux paupières supérieures et aux lèvres. Il existait 
en outre une tuméfaction très marquée de la nuque, des épaules et des 
deux membres supérieurs. La pression du doigt ne déterminait aucune 
dépression sur les tissus qui étaient le siège de tuméfaction. Pas d’œdème 
des membres inférieurs. La peau de la partie supérieure du corps, et 
surtout des épaules et des membres supérieurs, est dure, épaissie et 
résistante. 

Les urines, normales comme quantité et coloration, ne contiennent 
pas trace d’albumine ni de sucre. 

Je portai tout d’abord le diagnostic de néphrite sans albuminurie et je 
prescrivis le régime lacté et un purgatif deux fois par semaine. Ce traite- 
ment n’amena aucune amélioration. 

Pendant l'été et l'automne de 1891, l’état de la malade alla sans cesse 
en s aggravant, l'œdème envahit la partie inférieure du tronc, les cuisses, 
les jambes et les pieds ; la face s’élargit en forme de pleine lune, les 
paupières étaient tuméfiées et bridées, le nez gros et informe, les lèvres 
épaissies et renversées en dehors, le teint devint blafard, mais les pom- 
mettes élaient le siège d’une rougeur violacée contrastant avec la lividité 
de la face. Le cuir chevelu et les oreilles étaient également empätés et 
bientôt les cheveux tombèrent abondamment. La tuméfaction avait gagné 
les muqueuses de la cavité buccale; la langue, augmentée de volume, 
avait peine à se mouvoir entre les arcades dentaires, ce qui rendait la 
parole et la mastication très difficiles, la malade se mordant la langue à 
chaque instant. Déglutition pénible, accès fréquents de suffocation, dus 
probablement au gonflement de la muqueuse du larynx. Cependant, la 
menstrualion ne fut pas interrompue, les règles apparaissaient assez 
régulièrement, mais toujours avec un retard de huit à quinze jours. A la 
suite de chaque période menstruelle, il se produisait comme une poussée 
congestive qui amenait une augmentation de l'œdème de toutes les 
parties du corps. 

Vers le 25 décembre 1891, la malade avait acquis des proportions 
énormes ; elle pouvait à peine se tenir debout et faire quelques pas en 
écartant les jambes et prenant point d'appui sur les meubles qui l’entou- 
raient. Le gonflement était surtout marqué à la partie supérieure du 
corps, à la tête, au cou, aux épaules, au niveau des hanches et aux 
cuisses. La tuméfaction était telle que la malade avait de la peine à 
tourner la tête ; il existait en outre dans les deux régions sus-clavicu- 
laires deux larges saillies, allongées obliquement, rappelant l'aspect des 


Fr 


SÉANCE DU ® JUILLET 605 


pseudo-lipomes décrits dans le rhumatisme chronique. En avant de la 
trachée, la tuméfaction était peu marquée et une palpation attentive ne 


permettait pas de découvrir la présence du corps thyroïde ; cet organe 


paraissait atrophié ou disparu. 
Les mensurations pratiquées à celte époque, donnèrent les résullats 
suivants : 


Gircontérencenanecou tree AT ET eo FE ON ET 
— de la poitrine au-dessous des seins. . 0,90 
—- du bassin au niveau des épines iliaques 


alférieuresteb supérieures MATE ASS 0) 
— dE DES TMANMOLDE Area sa 0RISR 
— deshévant-bras (ul 4 ner flame le(s 


Les hanches et les fesses étaient développées à tel point que la malade 
arrivait difficilement à s'asseoir dans un fauteuil à bras, large de 0", 43. 

La peau était partout indurée et notablement épaissie; on n’arrivait à 
la plisser entre les doigts qu'avec la plus grande difficullé et elle formait 
ainsi un gros bourrelet semé à sa surface de petites dépressions qui lui 
donnaient l'aspect de la peau d'orange. Sur aucun point il n’était pos- 
sible de produire par la pression du doigt le godet caractéristique de 
l’anasarque. Pas d’altération des angles. 

La constipation persistait, encore plus opiniâtre qu’au début, malgré 
l'emploi des purges et des lavements; Marie Lab... restait souvent dix à 
douze jours sans aller à la selle. Urines normales, 9 litres en moyenne 
par vingt-quatre heures, ne contenant pas d’albumine. 

En présence des symptômes que nous venons de décrire, il nous avait 
été impossible de méconnaïître la nature véritable de la maladie qui, à 
n'en pas douter, était le myxrœædème. 

Ayant appris que le D' Murray avait employé avec succès, chez une 
femme atteinte de cette affection, des injections sous-cutanées d'extrait 
de corps thyroïde de mouton, nous décidâmes d'essayer ce traitement. 
Mais une erreur anatomique nous ayant amené à prélever sur un mouton 
fraîchement tué, le thymus au lieu du corps thyroïde et à faire nos injec- 
tions avec un extrait du premier de ces organes, nous essuyâmes un 
insuccès complet dont la cause nous échappa tout d'abord. La maladie 
continua à progresser et, à la fin du mois de mars, la malade avait atteint 
un développement énorme. Toutefois l'intelligence était restée à peu près 
intacte, sauf une légère diminution de la mémoire et une sensation de 
fatigue cérébrale qui rendait pénible la lecture et même la conversation. 
L'état crétinoïde, si fréquent dans la myxœdème, ne fut pas en somme 
constaté chez notre malade; l'expression d’hébétude qu'offrait le visage 
était simplement due à la déformation et à l'immobilité des traits, consé- 
quence de la tuméfaction des tissus. 

Le 1% avril 1892, un nouveau traitement par le massage et les courants 


606 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


continus fut institué. L’électricité parut donner peu de résultats. Il n’en 
fut pas de même du massage qui amena rapidement une diminulion sen- 
sible de la tuméfaction des extrémités supérieures et inférieures, en même 
temps que les tissus devenaient plus souples et les mouvements plus 
faciles. Mais en même temps les téguments de la tête et du cou, sur 
lesquels le massage n’était pas pratiqué, s’épaissirent encore davantage; 
les accès d'oppression devinrent plus fréquents et parfois tellement vio- 
lents que la malade se crut sur le point d’asphyxier. 

Cependant, ayant été frappé de l’insuccès des injections sous-cutanées 
pratiquées au commencement de janvier et en ayant déterminé la cause, 
nous résolûmes de recourir de nouveau à cette méthode. Un vétérinaire 
voulut bien enlever lui-même sur un mouton tué le jour même, un corps 
thyroïde avec lequel nous préparâmes immédiatement un extrait liquide 
de la manière suivante : 

« Un lobe du corps thyroïde d’un mouton qu'on vient de tuer est débar- 
rassé de tout tissu graisseux et fibreux, puis coupé en petits morceaux 
qu'on place dans un gros tube à réaction. On ajoute À centimètre cube 
d’eau phéniquée à 0 gr. 50 p. 100; on bouche avee un tampon d’ouate 
flambée à l'alcool et on laisse le mélange au frais pendant vingt-quatre 
heures. Au bout de ce temps, le mélange est placé au milieu d’un lingefin 
(bouilli préalablement) et tordu fortement. On obtient par expression et 
filtration 3 centimètres cubes environ d'extrait sous forme d’un liquide 
trouble. Get extrait se conserve bien huit jours dans un flacon bouché à 
l’émeri, » 

La première injection, de | gramme environ, fut pratiquée entre les deux 
épaules le 2 mai; les suivantes furent faites le 4, le 6, le 16, le 48, le 20, 
le 29, le 31 mai, le 2 juin, le 16, le 18, et le 20 juin. Ces injections furent 
peu douloureuses, mais suivies le plus souvent d’un endolorissement de la 
région du dos, siège de la piqûre, avec sensation de fatigue générale per- 
sistant vingt-quatre à trente-six heures. Elles ne provoquèrent jamais de 
suppuralion. 

Vers le 10 mai, on constala pour la première fois une amélioration 
dans l’état de la marche: diminution de la tuméfaction de la face, du cuir 
chevelu, du cou, des lèvres, des paupières, des joues, de la langue, etc. 
Bientôt la constipation cessa et les selles devinrent régulières. À la suite 
de l’époque menstruelle qui survint le 8 mai, la tuméfaction diminua 
encore très sensiblement, à l'inverse de ce qui s’était produit jusqu'alors. 
La parole, la maslication et la déglutition, devinrent plus faciles, les 
accès d'oppression s’éloignèrent et perdirent de leur intensité, pour cesser 
complètement vers le 4° juin; l’appétit fut meilleur et les digestions 
moins laborieuses. 

Le 21 juin, une véritable transformation est constatée dans l'état de la 
malade. La physionomie est presque normale et a repris son expression 
habituelle, le gonflement des paupières, du nez et des lèvres a disparu, il 


SÉANCE DU ® JUILLET 607 


n'existe plus aucun embarras de la parole ni de la déglutition. On con- 
state d’ailleurs sur tous les points du corps une diminution de volume 
très sensible. Les mensurations donnent aujourd’hui les chiffres suivants : 


Giregnfésence duÿtogsistustiretukiendt she 0 06806 
Périmètre thoracique au-dessous des seins . . . . . 07,82 

Circonférence du bassin au niveau des épines iliaques 
AC TO SUDÉHOULCS EE Sr HR pu) nr UT UE 
DIRCOMÉRENCELTES DAS PANNES AE SE 020 
— JESRAVANL DRASS D RTE 2 UE 


La malade se trouve aujourd’hui au large lorsqu'elle est assise dans son 
fauteuil à bras. Les mains sont à peine tuméfiées et l’extrémité des doigts 
a repris sa forme effilée. Les épaules ont beaucoup diminué de volume, la 
paroi abdominale est encore très épaissie. Les cuisses sont beaucoup 
moins tuméfiées qu’au mois de mars, mais, aux jambes et aux pieds, les 
tissus restent durs et engorgés et les orteils sont en forme de boudins. 

La marche est devenue beaucoup plus facile; et la malade peut se pro- 
mener seule dans le jardin pendant une demi-heure sans être fatiguée. 
Elle monte les escaliers sans être arrêtée aussitôt par l’essoufflement. Son 
sommeil est tranquille et n’est plus entrecoupé de cauchemars incessants. 

En résumé, l’état de la malade s’est tellement amélioré que la guérison 
semble prochaine. Les injections d’extrait de corps thyroïde de mouton 
vont être continuées, et il y a lieu d'espérer qu’elles amèneront un réta- 
blissement complet de la santé. 


INFLUENCE DYNAMOGÉNIQUE DU LIQUIDE TESTICULAIRE 
CHEZ DES ANIMAUX QUE L’ON VA FAIRE MOURIR PAR HÉMORRAGIE, 


par M. BROwN-SÉQUARD. 


Jai fait à Nice l'hiver dernier et j'ai répété récemment à Paris, en les 
modifiant un peu, une série d'expériences démontrant de la manière la 
plus formelle que le liquide testiculaire augmente rapidement les puissan- 
ces d'action des centres nerveux en diminuant (suivant la loi que j'ai fait 
connaitre en 1857 dans mon livre sur l’épilepsie) l’excitabilité réflexe de . 
ces centres (1). 

Ne voulant que prendre date aujourd’hui des principaux faits trouvés, 


(4) J'ai montré que la force des actes réflexes est en raison inverse de 
T'excitabilité réflexe ou, en d'autres termes, que plus un individu est fort, 
.moins il a d'excitabilité réflexe. 


608 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


je me bornerai à dire, surtout d’après mes dernières expériences faites 
avec le concours de MM. d’Arsonval et Hénocque, que si l’on fait perdre 
rapidement du sang à des Lapins, des Cobayes et des Grenouilies, on cons- 
tate que les phénomènes diffèrent notablement suivant que l’on a ou non 
injecté, sous la peau, du liquide testiculaire. Non seulement les phéno- 
mènes si bien connus de la mort par hémorragie assez rapide (ou très 
rapide) sont plus lents à se montrer et sont moins violents chez ceux qui 
ont reçu l'injection, mâis encore la mort arrive plus tard et le cœur bat 
plus longtemps après la cessation de la respiration chez ces derniers ani- 
maux. Enfin dans les cas où (à Nice) j'ai cherché si les muscles et les 
nerfs étaient influencés par l’injection sous-cutanée du liquide testiculaire, 
j'ai trouvé que ces organes étaient dynamogéniés par ce liquide. 

J'ai trouvé chez des Cobayes un fait d’un autre ordre, après la section 
d’une carotide pour obtenir une hémorragie. Il y a souvent eu du tour- 
noiement (mouvement de manège) du côté de l'opération. Le manège a 
été quelquefois à rayon très court, exactement comme dans des cas que 
j'ai montrés à la Société il y a près de quarante ans et où il y avait une 
lésion de la protubérance. 


9 


NOTE PRÉALABLE SUR LA CUPRÉINE ET SES DÉRIVÉS ; 
CHIMIE ET PHYSIOLOGIE, 


par MM. E. Grimaux et J.-V. LABORDE. 
I. — Chimie. 


L'un de nous a montré en 1881 que la morphine est un alcaloïde-phé- 
nol dont l'hydrogène phénolique peut être remplacé par des groupes 
alcooliques; la substitution d’un radical CH fournit la codéine, celle d'un 
radical C? H° fournit la codéthyline (1). 

Des recherches récentes ont prouvé que la cupréine extraite du quina 
cuprea est également un alcaloïde-phénol, qui, par substitution du radi- 
cal CH* à l'hydrogène phénolique, donne la quinine, et par substitution du 
radical C? H°, donne un homologue de la quinine, la quinéthyline (2). 
Ces relations sont indiquées par les formules suivantes : 


CH! Az O0, OH CH 21 Az? 01 OH 
Morphine Cupréine 
C11H 17 Az O1 OCHS C1 H?1 Az20, OCHS 
Codéine: Quinine 
CIHI7AzZO, OC2H5 C:#H21Az 0, OC?H7 
Codéthyline Quinéthyline 


(1) G. Grimaux. Annales de chimie et de physique, 5° série, t. XXVII, p. 273. 
(2).C. Grimaux et A. Arnaud. Comptes rendus, 1891, p. 772 et p. 136, t. CXII. 


SÉANCE DU © JUILLET 609 


On sait que la morphine est moins loxique que la codéine qui possède 
un pouvoir convulsivant encore plus marqué dans la codéthyline. La 
_Cupréine ayant avec la quinine et la quinéthyline les mêmes relations de 
formules que la morphine avec la codéine et la codéthyline, ces considé- 
rations d'ordre purement chimique ont amené à supposer qu’on observe- 
rait, au point de vue physiologique, des relations de même ordre. Il était 
à prévoir que la cupréine, tout en ayant des propriétés physiologiques 
analogues, n'aurait pas le pouvoir convulsivant de la quinine, qui serait 
plus marqué encore dans la quinéthyline, et surtout dans la quino-pro- 
phyline ou propylo-cupréine, C'° H°1 A? O, OC? H°. L'expérience a montré 
le bien fondé de ces prévisions. 

Les trois bases, cupréine, quinéthyline et quino-propyline ont été 
étudiées dans les mêmes conditions, ces solutions chlorhydriques renfer- 
mant 5 centigrammes de base par centimètre cube. 


Il. — Physiologie. Résultats généraux de l'étude expérimentale. 
CuPrRÉINE (Chlorhydrate).' 


Nous avons fait l'étude expérimentale de l’action physiologique propre 
de la cupréine, et comparativement avec celle de la quinine. 

La cupréine a été complèlement débarrassée de la quinine qu’elle pou- 
vait contenir; et nous nous sommes servis, pour nos expériences, du 
chlorhydrate de cupréine en solution dosée de telle façon que 1 centi- 
mètre cube représente 5 centigrammes de base. 


1° Chez le jeune cobaye, du poids moyen de 250 à 300 grammes, l’injec- 
tion sous-cutanée ou intra-musculaire (dans l’une des pattes postérieures), 
de 2 centimètres cubes de la solution — 10 centigrammes de base, 
détermine : 

Une insensibilisation presque immédiate et complète du membre in- 
jecté, avec un certain degré de parésie motrice; 

La généralisation de l’anesthésie — sans devenir complète — aux 
autres membres; 

Un peu de stupeur et d'incoordination motrice. 

Pas de tremblement, ni d’autre accident de nature convulsive. 

Un abaissement thermique constant de 1 degré, à 1°,1/2 C. 

(L’anesthésie locale persiste plusieurs jours avec œædème localisé du 
membre.) 


La même dose, soit 10 centigrammes de base quinique, administrée de 
la même manière à un cobaye du même poids, détermine, en moins de 
dix minutes, un tremblement céphalique bilatéral très accentué (tremble- 
ment caractéristique de l’action quinique); puis vers la quinzième ou 
vingtième minute, la chute sur le flanc, avec convulsions cliniques, et état 


610 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


asphyxique entrainant la mort (le cœur en diastole asphyxique et de nom- 
breuses ecchymoses sous-pleurales). 

Il faut presque doubler la dose du sel de cupréine, c’est-à-dire la porter 
à 15 et 20 centigrammes, pour amener, dans les mêmes conditions 
de poids, la mort de l'animal, en état asphyxique terminal, mais sans le. 
tremblement préalable, qui est eonstant avec la quinine (1). 


2° Chez le lapin jeune, du poids moyen de 1,200 à 4,300 grammes, la 
cupréine pure, sous la même forme de chlorhydrate, en injection hypoder- 
mique (dans le dos) à la dose de 3 centimètres cubes — 15 centigrammes, 
amène, au bout de trente à trente-cinq minutes, un abaissement thermique 
(température rectale) de 1° C., lequel peut aller jusqu’à 2 C. avec une 
dose de 5 centimètres cubes = 925 centigrammes. 

Cette dépression thermique coïncide avec un état remarquable de 
vaso-constriction des oreilles, et de refroidissement très appréciable au 
toucher. . 

L'animal présente en même temps un certain degré de parésie de la 
sensibilité, avec ataxie motrice, et léger état de stupeur. 


3° En injection intra-veineuse, lentement effectuée, par doses fraction- 
nées et successives de 2 centimètres cubes = 0,10 centigrammes, chez le 
chien jeune, du poids moyen de 11 kilogrammes, le chlorhydrate de 
cupréine détermine : 


Une analgésie généralisée, absolue, et telle qu’un scalpel peut com- 
plètement traverser la queue, les pulpes digitales; des épingles être im- 
plantées dans les oreilles, sans provoquer le moindre signe réactionnel 
(cetle profonde anesthésie persiste plus de deux heures après l'injection) ; 

La chute de la température rectale de 1° C. en quinze minutes; 

_ Un état de stupeur, avec incoordination ébrieuse, et de somnolence. 


En résumé, la cupréine possède — comme propriété essentielle — une 
action antithermique et analgésique des plus nettes. 

Le mécanisme de cette double action paraît découler (ainsi que nous le 
montrerons plus tard par les détails de l'analyse expérimentale) d’une 
influence primitive et prédominante sur les centres cérébreux sensitifs et 
perceptifs'; et, à ce point de vue, elle se rapproche de la quinine. Mais 
elle en diffère par une activité toxique moindre, notamment par ce fait que 
le tremblement n'appartient pas à son tableau symptomatique; fait parfai- 
tement d'accord avec la prévision suggérée par les considérations d'ordre 
chimique. Mie : 


- (1) La cupréine impure du commerce produit des phénomènes qui se rap- 
prochent de ceux du quinisme proprement dit, et détermine plus facilement 
les accidents mortels et convulsiformes. 


SÉANCE DU © JUILLET 611 


ÊTHYL-CUPRÉINE. 


Nous ne faisons que mentionner, en passant, le résultat de nos expé- 
riences, parallèles, sur l’éfhyl-cupréine (chlorhydrate), qui seront dévelop- 
pés plus tard, à savoir que l’action physiologique de cette substance re- 
produit exactement les traits essentiels de celle de la quinine. 


QUINÉTHYLINE. 


A). Sulfate de quinéthyline. 
Effets primitifs sur la température : 


1° Sur le lapin à la dose de 0,25 à 0, 30 centigrammes en injection sous- 
cutanée : 

Vaso-constriction remarquable des vaisseaux de l'oreille. Refroidisse- 
ment au toucher. Au thermomètre. T. R., abaissement moyen de 2° à 3° C. 
dans le cours de la première heure après l'injection. 

Analgésie persistante de la patte injectée ; 

. Parésie du train postérieur. 
Un peu d'anhélation, accélération cardiaque. Mydriase pupillaire. 
Peu de tremblement. 


: 20 Cobaye du poids de 300 à 400 grammes à la dose de 40 centigrammes 
en injection sous-cutanée ou intra-museulaire : 
- T. R. Abaissement moyen de 2 C. 

Analgésie complète et persistante de la patte injectée. 

Un peu de tremblement. 

Phénomènes asphyxiques terminaux. 

Infiltralion et æœdème locaux. 


B). Chlorhydrate de quinéthyline (solution plus active). 
* Sur le cobaye, à la dose de 15 centigrammes : 

Abaissement thermique constant de 3° C. pouvant aller, à la période 
toxique complète et avant la mort, jusqu’à près de 4° C. 

Ainsi : T. R. initiale, 39° C, 

Au bout de 1 heure, 37°. 

Au bout de ? heures, 35°,5. 
_ Analgésie complète et constante au lieu de l'injection. 

Tremblement bilatéral de la tête d’abord, puis se généralisant. 

Incoordination motrice, ivresse. 

Phénomènes asphyxiques terminaux. 
* État asphyxique du cœur : dilatation des cavités renfermant du sang 
noir, et des caillots passifs ; noyaux ecchymotiques et congestifs des pou- 
mons et emphysème marginal. 


612 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


QuiNo-PRoPYLINE (Ghlorhydro-sulfate). 


Cobaye de 350 à 400 grammes. 

1° A la dose de 25 milligrammes en injection sous-cutanée ou intra- 
musculaire : 

Abaissement thermique en 15 minutes, de %° C. (T. R. intiale. de 
39° descendant à 37°). - 

Abaissement de plus de 5° C. en deux heures (de 39 à 33°,8). 

Analgésie locale constante de la patte injectée. 

Tremblement bilatéral (quinique). 

Incoordination motrice, ivresse. 

Collapsus, stupeur somnolence. 

Remis au bout de vingt-quatre heures et ne conservant que l’anesthésie 
localisée. 


2° A la dose double de la précédente de 5 centigrammes : 

Abaissement thermique, en vingt-cinq minutes, de plus de 2° C. {de 
39° initiaux à 36°,9). 

Analgésie locale d'injection se généralisant ; 

Tremblement bilatéral; incoordination motrice, stupeur et collapsus ; 

Décharges convulsives, épileptiformes, par accès, avec périodes de 
rémission, cris plaintifs ; 

Anhélation et finalement phénomènes asphyxiques amenant la mort; 

Cœur asphyxique : caillots noirs et passifs dans les deux cavités car- 
diaques ; 

Ecchymoses pulmonaires sous-pleurales et noyaux congestifs. 
 Infiltration séro-sanguine au lieu de l'injection. 


3° Effets de l'injection intra-veineuse sur un chien vigoureux, ayant 
subi une expérience préalable (mise à nu de la surface cérébrale dans la 
région du gyrus, après chloralisation) : 

Injection lente et successive de 35 centigrammes en quarante minutes. 

Cris plaintifs douloureux au moment de l'injection. 

Tremblement de la tête. 

Tendance à la somnolence et à la stupeur. 

Contracture des paupières et surtout de la membrane clignotante 
(comme s’il y avait de la photophobie) et myosis considérable. 

T. R. tombée à 34°,5 (de 36° à la suite de la fixation et de la chloralisation). 

L’excitation du gyrus a conservé tous ses effets. 

A l’autopsie de l'animal, tué par piqüre du bulbe, nous constatons des 
ecchymoses très visibles à la surface de l’endocarde, effet de l’action 
locale, dont témoignaient, au moment de l'injection, les cris plaintifs. 


En resumé, les effets physiologiques de ces substances, dont nous 
venons de donner le tableau général, présentent un fond commun de res- 


a Fe 


SÉANCE DU 2 JUILLET 613 


_ 


semblance, ne différant guère que par le degré d'activité, selon une gamme 
ascendante, de la cupréine à la quino-propyline : ce fond est ce qu'on 
peut appeler le fond quinique, mais avec cette différence très accentuée 
que la quinine, à l'état physiologique, ne produit qu'un effet antithermique 
peu marqué, à peine appréciable, tandis que cet effet estremarquablement 
actif, et prédominant avec la série de substances nouvelles ci-dessus : la 
_proéminence à cet égard semble'appartenir à la quino-propyline {chlor- 
hydro-sulfate), dont l’activité physiologique est, toutes choses égales 
d'ailleurs, supérieure à celle de ses congénères. 

Cette action antithermique est, à la fois, puissante et rapide, et sa 
coïncidence constante avec des effets stupéfiants et analgésiques témoigne 
d’une influence simultanée et également prédominante exercée sur les 
centres de sensibilité et de perception, auquel nous avons cru pouvoir 
attribuer, dans nos études précédentes sur les antithermiques en géné- 
ral, un rôle capital dans la genèse des phénomènes thermiques. 

Nous aurons prochainement l’occasion de revenir sur cette partie inter- 
prétative, nous en tenant aujourd’hui aux grandes lignes de Paction phy- 
siologique essentielle de ces nouveaux produits. 


Ces résultats expérimentaux permettent, d’ailleurs, de pressentir, d'ores 
et déjà, des applications thérapeutiques importantes, que les essais pra- 
tiques auxquels nous nous proposons de nous livrer, viendront sans 
doute confirmer : ces essais ont été déjà commencés avec la cupréine, et 
- ils ont été suivis d’un plein succès, surtout dans un cas observé par l’un 
de nous, et que nous ferons incessamment connaître. 


SUR QUELQUES TRÉMATODES PARASITES DES BOEUFS DU TONKIN 
(Note préliminaire), 


par MM. A. Grarp et A. BILLET. 


_ Le matériel de cette note a été recueilli et étudié sommairement sur le 
vif par mon élève et ami le D A. Billet, qui profite de son séjour à la 
frontière du Yunnan pour amasser des collections/zoologiques d’un grand 
intérêt dont nous aurons, j'espère, à entretenir plus d’une fois la Société. 
Chargé du service de surveillance de l’abatage des bœufs livrés à la 
consommation des troupes à Cao-Bang, le D° Billet a eu l'excellente idée 
d'examiner de prèsles parasites qui infestent ces ruminants. Trois espèces 
de Trématodes se rencontrent dans les viscères du bœuf du Tonkin. 
. 4° La douve hépalique (Fasciola hepatica L.), qui ne semble pas différer 
du type européen. Le D' Billet l’a observée dans le foie de fous les bœufs 
qu'il a vu abaltre. Les canalicules biliaires étaient dilatés par la présence 
du parasite et en certains endroits complètement calcifiés.. Le nombre de 


20. 


614 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


ces Distomes est parfois très grand. Un seul foie en renfermait plus de 
150 exemplaires. | 

C'est, je crois, la première fois que la Douve hépatique est signalée dans 
le sud de l’Asie et le fait présente une certaine importance. On sait, en 
effet, d’après les belles recherches de Leuckart et de A.-P. Thomas, que 
l'hôte intermédiaire de Dislomum hepaticum paraît être exclusivement, en 
Europe, Limnæa truncatula Mueller (L. minuta Drap). Or, cette Zimnæa est 
complètement inconnue au Tonkin. Ilreste donc à chercher le mollusque 
sui doit la remplacer dans ce pays comme véhicule de la larve de Fasciola. 

9° Un Distome que nous considérons comme nouveau et que nous dési- 
gnerons sous le nom de D. cœlomaticum Gd. et Bill. Le D° Billet ne l’a 
rencontré encore qu’une seule fois, mais en grand nombre, dans la cavité 
générale, sur la plèvreet sur l’épiploon, Il n'en existait aucun exemplaire 
ni dans le foie ni dans la rate. La forme rappelle celle de D. hepaticum, 
mais le corps est proportionnellement plus large et plus acuminé à l’ex- 
trémité postérieure. L'animal mesure 0",015 environ de long sur 0,005 
de large. La coloration générale du corps est d'un rouge sang rap- 
pelant celle du Distomum Ringeri Gobbold, de telle sorte que ces petites 
douves pourraient facilement être prises pour des caillots sanguins. Les 
ventouses ont la même disposition que celles du Ÿ. hepaticum. Le 
pharynx est globuleux et au-dessous l'intestin se bifurque presque 
immédiatement comme chez les Brachylaimus en deux branches simples 
qui se terminent vers le quart postérieur du corps. La deuxième ven- 
touse est formée de fibresradiées et circulaires puissantes. L'orifice génital, 
situé un peu au-dessous de la ventouse antérieure, reçoit la portion ter- 
minale de l’oviducte gorgé d'œufs à membrane chitineuse épaisse et 
d'autre part la poche du cirrhe avec la vésicule séminale. 

Les deux testicules sont latéraux, à peine lobulés au lieu d’être placés 
l’un au-dessous de l’autre et ramifiés comme chez Ÿ. hepaticum. Ils appa- 
raissent comme deux taches opalines sur le fond rouge sang. 

Au-dessous de la ventouse médiane on aperçoit : 4° les replis tortueux 
de l'utérus avec des œufs plus ou moins avancés dans leur développement, 
suivant la portion qu'ils occupent dans le tube utérin : ces replis tran- 
chent par leur couleur noirâtre sur le reste du corps ; 2° latéralement, les 
deux glandes en grappe vitellogènes avec leur canal excréteur, et un peu 
à droite, l'ovaire avec la glande coquillière. 

À la partie inférieure légèrement acuminée, on distigue nettement le 
pore excréteur et les deux canaux qui viennent y aboutir. 

L'éthologie de cette espèce pose un problème très intéressant, car il est 
impossible de dire jusqu'à présent comment le D. cœælomaticum peut sor- 
tir de la cavité générale pour disséminer ses œufs, et cependant l’abon- 
dance des individus dans le cas observé et leur parfait état de maturité 
sexuelle ne permet pas de supposer qu'il s'agisse de parasites égarés. 

3° Un Amphistomien appartenant certainement au genre Aomalogaster 


SÉANCE DU © JUILLET 61 


Qt 


J. Poirier, et que nous désignerons sous le nom l’/omalogaster Poirieri 
Gd et Bill. Ce Trématode possède une ventouse postérieure très large. 
L'ouverture antérieure buccale est entourée de fines papilles digitées. Du 
pharynx partent deux longs cæcums non ramifiés, presque rectilignes, qui 
s'étendent à peu près jusqu’au niveau de la ventouse postérieure. Dans 
l’espace subquadrangulaire compris entre ces deux cæcums, se trouvent: 
d’abord le pore génital, un peu au-dessous du pharyÿnx, sur la face ven- 
trale, visible à l’œil nu sous forme d’une petite papille saillante; puis, au- 
dessous, les deux canaux déférents courts, gros et tortueux, émanant de 
glandes testiculaires latérales divisées en deux gros lobes égaux à con- 
tours sinueux, de telle sorte qu'il paraît exister quatre masses testiculaires 
occupant les sommets d’un carré; enfin, l'utérus aux replis nombreux et 
serrés, gorgés d'œufs à divers états de maturité. Latéralement en dehors 
des cæcums digestifs, on aperçoit les glandes vitellogènes en grappes 
avec leurs conduits se réunissant à la partie inférieure du corps au-dessus 
de la ventouse et dans l’espace libre, vers le milieu, l'ovaire et la glande 
coquiilière. 

L’Homalogaster Poirieri possède sur toute sa face ventrale des lignes lon- 
gitudinales de papilles agissant sans doute comme ventouses accessoires 
et disposées comme Poirier l’a indiqué pour l'espèce typique du genre. 

Ce parasite est fixé sur la muqueuse du gros intestin du bœuf, à 
laquelle il adhère fortement par sa ventouse postérieure. 

Le D' Billet en a trouvé jusqu'à vingt individus sur une surface de 
quelques cenlimèlres carrés. 

L'espèce type du genre, l’'Æomalogaster paloniæ J. Poir., a été trouvée 
par Poirier au nombre de deux individus seulement chez un bœuf Gayal 
(Palonia frontalis Lamb.) provenant de Java et mort à la ménagerie du 
Muséum (1). Il diffère beaucoup de l'A. Poirieri par l'ouverture buccale, 
qui est dépourvue de papilles, par la disposition des testicules, et par la 
forme générale du corps. Son anatomie interne a d'ailleurs été peu étu- 
diée, en raison de l'insuffisance du matériel. ; 

On n’avait rencontré jusqu’à présent chez le Zébu que l'Amphistomum 
conicum Rud., parasite assez fréquent du bœuf d'Europe, et deux autres 
Amphistomes, l'A. explanatum Créplin et l'A. crumeniferum Créplin (2). 
Ce dernier a été placé avec raison par Poirier dans un genre nouveau, le 
genre Gastrothylax. 

Les découvertes du D' Billet viennent donc enrichir d’une façon no- 
table la faune des Trématodes parasites du Bœuf indien. 


(4) J. Poirier. Description d'Helminthes nouveaux du Palonia frontalis (Bul- 
letin le la Sociélé philomathique de Paris, 21 janvier 1883). 
… (2) Creplin. Bescheïibung zweier neuen Amphistomen Arten aus dem Zebu- 
Ochsen (Archiv f. Naturgesch., 1841, p. 30-34; tab. IT, fig. 1-5). 


NET ie RP LR TT 


SARA EE SN CEE TE 
RTS EN de ME DU 


616 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


ROLE DU LIGAMENT ROND DANS L’ARTICULATION COXO-FÉMORALE, 


par M. P. Grxrs. 


Les opinions émises sur le rôle du ligament rond sont réductibles à 
deux principales : 

- 4s Le ligament rond est porte-vaisseaux à la (ête du fémur (Palelta 
(1820), Cruveilhier (1834), Sappey (1844), Henle, Richet... etc. ; 

2° Le ligament rond est un agent mécanique (Gerdy, Tillaux, Morel et 
Duval, J. Struthers, Morris, Savory, Humphry, etc.). 

Sans discuter ici les arguments favorables ou défavorables à chacune 
de ces deux proposilions, sans nous préoccuper de la signification mor- 
phologique du ligament rond, nous désirons seulement communiquer les 
résultats que nous a fournis l’expérimentation cadavérique. 

Une première série d'expériences a été consacrée à l'étude de Ia force 
et de la résistance du ligament rond. Malgré la multiplicité de nos 
recherches, nous ne l’avons jamais trouvé absent. D'une manière géné- 
rale, son volume et sa force sont en rapport direct avec le volume du 
fémur ; chez les sujets à complexion peu vigoureuse, le ligament est 
petit ; il est également alrophié chez ceux qui, avant la mort, ont séjourné 
longtemps au lit sans marcher. Mais, malgré cette atrophie relative, le 
ligament conserve une résistance considérable, qu'il est facile de mesurer 
exactement. 

La capsule articulaire incisée et réséquée, on enlève, par un trait de 
scie horizontal, la moitié supérieure de la cavité cotyloïde et de l'os 
iliaque. Le fémur étant fixé dans un étau, il suffit d'appliquer contre la 
tête fémorale la moitié inférieure du cotyle, que retient le ligament rond, 
pour que celui-ci soit sensiblement dans sa situation normale. Pendant 
qu'un aide maintient, sans effort, les deux os au contact, des poids sont 
suspendus à la demi-circonférence inférieure du trou obturateur, jusqu’à 
rupture du ligament. Ces expériences, commencées à l'Ecole pratique de 
Paris avec M. Poirier et continuées ensuite à Montpellier avec M. Mouret, 
prosecteur, ont été faites sur une centaine de sujets. Voici les moyennes 
obtenues : 

Chez le nouveau-né, le ligament rond supporte de 7 à 8 kilogrammes; 

Chez l'adulte, le ligament rond supporte de 30 à 45 kilogrammes. 

Si on fixe chacun des fémurs à un étau et que l’on cherche à rompre 
les deux ligaments à la fois en agissant sur les deux trous obturateurs, 
on est obligé, pour arriver à la rupture du ligament, de suspendre des 
poids dont la somme varie de 60 à 70 kilogrammes. 

Ces simples constatations conduisent déjà à penser que cet organe est 
un ligament puissant qui peut jouer un rôle dans la mécanique de l’arti- 
culation coxo-fémorale. Les expérimentateurs sont arrivés à des résultats 
opposés : ainsi, pour ne citer qu'un exemple, tandis que Savory affirme 


SÉANCE DU ® JUILLET 617 


que; dans la station debout, le poids du tronc repose en partie sur le 
ligament rond, Humphry soutient que le ligament rond n'est pas et ne 


_peut pas être tendu dans la station debout. Ces divergences doivent 


provenir de ce que certaines expériences sont trompeuses. Si l’on prend 
une articulation coxo-fémorale à capsule excisée et dans laquelle les 
deux os ne sont plus réunis que par le ligament rond, quand on engage 
la tête du fémur dans la cavité cotyloïde, le ligament est toujours tendu, 
ce qui ne répond pas, comme nous le verrons, à la réalité physiologique. 
Si on expérimente sur une seule articulation, détachée du reste du bas- 
sin, il se produit des inclinaisons de l’os iliaque qui peuvent passer ina- 
perçues et fausser les résultats. IL faut donc, pour bien juger, se rappro- 
cher le plus possible des conditions de la statique normale. Voici com- 
ment nous avons procédé. 

Un bassin entier, avec les deux membres inférieurs appendus, est 
séparé du tronc; on enlève les parties moiles pour que les différents 
segments osseux soient seulement maintenus unis par leurs appareils 
articulaires ; la capsule de l'articulation coxo-fémorale reste intacte; par 
l’intérieur du bassin, les deux cavités cotyloïdes sont trépanées largement 
pour que l'exploration de la cavité articulaire soit facile; sous le ligament 
rond, on passe en anse une ficelle dont les deux bouts ressortent par 
l'orifice de trépanation. La pièce étant ainsi disposée, on la fait reposer 
sur le sol par les pieds; il suffit qu’un aide empêche les genoux de fléchir 
et maintienne légèrement le bassin dans l'extension pour qu’elle se sou- 
tienne dans la station verticale. Le poids du tronc est représenté par un 
poids de 20 à 25 kilogrammes suspendu au bassin soit par ie sacrum, 
soil par la demi-circonférence inférieure des trous obturateurs. 

Il n’y a plus, dès lors, qu'à provoquer des changements de position et 
à noter chaque fois l’état du ligament rond, en l’explorant avec la ficelle, 
avec des pinces et avec les doigts, car il est nécessaire de combiner ces 
différents modes d'examen pour éviter les erreurs. 

En expérimentant dans ces conditions, nous avons obtenu les résultats 
constants que nous présentons : 

j Extension directe du bassin (station debout). 
Le ligamentrond esttrèslâäche À Flexion directe. 
et ramassé sur lui-même € Extension et abduction du fémur (maximum 
(ENS, SANS RE SRE de relàchement). 
È Flexion et abduction. 


= © A 5 E (8 ] t ad fi k 
Le ligament est lâche, mais | xtension et adduction 


ramené à sa oies nor- 
males dans AURA NEC NAT 


Extension et rotation en dedans. 
Extension et rotation en dehors. 
Flexion et rotation en dedans. 
FRE NAS Flexion et adduction. 

Le bennient SL tendu dans: Flexion et rotation en dehors. 
Le ligament est très tendu et 


he ; nu Flexion avec inclinaison latérale du bassin, 
SAtres aplai dans PME MON LUEUR 3e US OU VAN SE L 


618 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


En interprétant ces faits, nous arrivons -aux conclusions suivantes : 

1° Le ligament rond limite les mouvements de flexion et adduction, de 
flexion et de rotation en dehors. 

2° Il devient neltement suspenseur du tronc dans la flexion avec incli- 
naison latérale du bassin, lorsque le poids du tronc porte, presque en 
entier, sur un des fémurs. Ainsi, la tension du ligament rond de l’articu- 
lation coxo-fémorale droite devient extrême lorsque le membre inférieur 
gauche étant fléchi el rejelé en arrière, le bassin se fléchit en avant, tout 
en s'inclinant latéralement du côté gauche; 

3° Le ligament est lâche dans la station verticale; il n’est donc pas 
suspenseur du tronc à ce moment. Il n'intervient pas plus activement 
dans les autres mouvements. 


DE L'INFECTION DE LA MUQUEUSE VÉSICALE PAR SA FACE PROFONDE, 


par M. le Professeur F. Guyon et E. REYMonND. 


L'observation que j'ai i’honneur de communiquer à la Société au nom 
‘de mon maître M. Guyon et au mien, fait partie d’un ensemble de 
recherches entreprises depuis plusieurs mois à l'hôpital Necker au sujet 
de cystites dans lesquelles l’infection de la muqueuse se ferait par la face 
profonde. 

On sait en effet qu'à l'heure actuelle, il est admis que deux voies diffé- 
rentes peuvent laisser pénétrer les microorganismes jusque dans la vessie 
pour déterminer de la cystite quand ils y trouvent des conditions favo- 
rables. La voie la plus habituelle est l’urèthre : infection ascendante ; puis 
vient l’uretère : infection descendante. 

Quant à l'infection du voisinage, on ne l’a jusqu’à présent admise que 
dans le cas où un abcès s’ouvrait dans la vessie, répandant ainsi les 
microorganismes sur la surface libre de la muqueuse vésicale; on a 
toujours nié que l'agent infeclieux püût traverser de dehors en dedans les 
parois du réservoir urinaire, attaquer la muqueuse par sa face profonde 
et déterminer ainsi de la cystite. ES 

L'étude clinique nous avait cependant Déne à à croire que ce mode 
d'infection n’est pas chose rare, chez la femme du moins : les expé- 
riences entreprises sur les animaux paraissent confirmer pleinement 
cette facon de voir. Voici le résullat de la première expérimentation. 
Nous faisons à un lapin une laparotomie scrupuleusement aseptique et 
sous le péritoine du petit bassin, au point où celui-ci quitte ia vessie 
pour gagner la paroi, nous glissons l’extrémité d'un petite pipette con- 
tenant une culture de faible virulence, de l'urobacillus liquefaciens de 


pes 


SÉANCE DU © JUILLET 619 


Krogius ; nous introduisons quelques gouttes sous le péritoine, ayant grand 
soin de ne pas toucher la paroi vésicale, et nous fermons avec une fine 
_ soie la petite ouverture faite à la séreuse. Le ventre du lapin est refermé; 
on pratique immédiatement une ligature de la verge. 

Le lendemain, la ligature est enlevée, et dans l'urine prise aseptique- 
ment avec une sonde on trouve un bacille reconnu bien vite pour être 
l'urobacillus liquefaciens ; en effet, parmi les raisons qui nous avaient 
déterminé à choisir cette espèce pour nos expériences, se trouvent la 
facilité qu’on a à le distinguer des autres bactéries et la rapidité avec 
laquelle ses cullures renseignent sur sa nature. 

Les jours suivants et sans ligature de la verge, le même microbe con- 
tinue à se trouver dans les urines, mais à aucun moment on ne peut en 
découvrir dans le sang de l’animal ce qui déjà écartait la possibilité d’une 
infection généralisée laissant la bactérie passer par le rein et arriver 
dans la vessie. 

L'animal est sacrifié au bout de sept jours. Dans le pelit bassin au 
niveau où a été placée la culture, le péritoine est adhérent à quelques 
änses d'’intestin; il est considérablement épaissi et présente un aspect 
rappelant assez bien celui du péritoine qui se trouve au voisinage de cer- 
taines salpingites purulentes. Cette plaque épaisse et irrégulière s'étend 
sur une partie de la surface externe de la vessie. On ne trouve dans son 
épaisseur aucune collection purulente mais des traîinées de substances 
mi-liquide contenant en petite quantité seulement de l’urobacillus lique- 
faciens. 

La vessie est alors ouverte. Comme vous ponvez le voir, Messieurs, 
elle présente deux points de cystite localisée. — En un de ces points la 
muqueuse est presque intacte, à peine exulcérée; sa couleur est seulement 
d’un rouge vif. 

L'autre plaque de cystite est représentée par une ulcération de 1 centi- 
mètre de diamètre, entourée d’une couronne inflammatoire; l’ulcération 
est masquée par une masse calcaire grosse comme un noyau de cerise 
et très adhérente à la plaque ulcéreuse. 

La formation de cette concrétion est-elle uniquement due à la rétention 
artificielle de l'urine et le caleul s'est-il formé en ce point à cause de l'ir- 
régularité que présentait la muqueuse à ce niveau? Ou bien sa formation 
est-elle due en partie au travail propre des microbes? Peut-être l'analyse 
chimique renseignera-t-elle à cet égard. 

Ce que nous voulons seulement retenir de cette expérience refaite 
depuis, c’est le mode d'infection de la muqueuse vésicale par sa face pro- 
fonde et le passage rapide dans certaines conditions du microorganisme 
à travers les parois. 

La rapidité de ce passage est vraiment extraordinaire. Chez un chien 
(dont les paroïs vésicales sont déjà fort épaisses) qui avait été opéré à 
trois heures d’une facon analogue à celle que nous venons d'indiquer, on 


620 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


trouva qu'à minuit ses urines contenaient déjà de l’urobacillus ; c’est-à- 
dire qu'en neuf heures les microbes avaient traversé successivement 
toutes les parois de la vessie. 


ATTÉNUATION DES VIRUS DANS LE SANG DES ANIMAUX VACCINÉS, 


par MM. Caarrin et ROGER. 


De nombreux travaux ont établi que le sérum sanguin, provenant 
d'animaux vaccinés, possède un pouvoir bactéricide très marqué vis-à- 
vis du microbe contre lequel on a prémuni l'animal, Mais, tout en recon- 
naissant la réalité des faits, quelques auteurs ont prétendu que ce pou- 
voir bactéricide des humeurs ne présente aucune importance, qu’il ne 
joue aucun rôle dans le mécanisme de l’immunité; ce serait une propriété 
artificielle, n’apparaissant qu’en dehors des vaisseaux, manquant dans 
l'organisme vivant. Sans doute il semble étrange, a priori, que cette 
qualité se manifeste ainsi dans le sang extravasé et ne se manifeste que 
dans celui qui provient d'animaux rendus réfractaires. Toutefois, si le rai- 
sonnement tend à annuler l’objection, il faut avouer qu'aucune expérience 
n’établit encore d’une façon indiscutable que le contenu vasculaire est 
véritablement bactéricide dans l’intérieur de l’économie. Cette démons- 
tration ressort, croyons-nous, des faits que nous allons rapporter. 


TI. — Dans une première série de recherches, nous avons opéré sur le 
sang en dehors des tissus; nous nous sommes demandé si ce liquide a le 
pouvoir d’abolir la virulence des microbes qu’on y introduit. 

Nous prenons du sérum d’un lapin neuf et du sérum d’un vacciné contre 
le bacille pyocyanique; à chacun de ces deux échantillons, nous ajou- 
(ons moitié de son volume d’une culture vivante et virulente de ce 
bacille pyocyanique ; puis, les deux mélanges sont mis à la glacière et, 
au bout de vingt-quatre heures, nous recherchons leur degré de viru- 
lence. Un animal recoit dans les veines 3 centimètres cubes du sérum 
normal additionné de la culture, ce qui représente 2 centimètres cubes 
du premier et À de la seconde ; il succombe en moins de vingt-quatre 
heures, en même temps qu’un témoin qui a eu simplement une égale 
quantité de virus. Un autre lapin reçoit 3 centimètres cubes du mélange 
(culture et sérum), sérum du vacciné; on lui injecte par conséquent, 
1 centimètre cube de culture, c’est-à-dire une dose qui devrait être rapi- 
dement mortelle: pourtant, il ne succombe pas; parfois, ne devient 
même pas malade. 

Voilà une première expérience qui démontre qu’un bacille virulent 
perd ses propriétés nocives, quand on le laisse en contact avec du sérum 
provenant de sujets rendus résistants. 1l fallait se demander, dès lors, au 


SÉANCE DU ? JUILLET 621 


bout de combien de jours, d'heures, cette atténuation était produite ; 
des recherches, poursuivies dans ce sens, nous ont montré que le microbe 
_perd sa virulence dès qu’il est déposé dans cette humeur d'un animal 
soumis à la vaccination. 

Si l’on prend, en effet, cette humeur, si l’on y ajoute moitié de son 
volume d'une culture active, et si, après avoir agité le mélange, on 
l’injecte à dose de 3 ou 4 centimètres cubes dans les veines d’un lapin 
peuf, ce lapin survit. Dans quelques-unes de nos expériences, le contact 
n'avait duré que deux minutes; or, ce laps de temps avait suffi pour que 
le microbe fût dépouillé de son pouvoir pathogène. 

On pourrait nous objecter qu’il ne s’agit pas, dans nos constatations, 
d’un affaiblissement par le sang, du germe, mais bien d’une action théra- 
peutique qui augmenterait la résistance du terrain sur lequel on l'intro- 
duit. Cette interprétation est inexacte. En effet, si l’on injecte simulta- 
nément à un animal, par une veine, 1 centimètre cube d’une culture pyo- 
cyanique, par une autre veine, 4 centimètres cubes du sérum d’un vacciné, 
on ne retarde pas sensiblement le moment de la mort. Le sérum n’aceroit 
donc pas la résistance ; il agit sur le microbe, et, pour qu'il agisse, il faut 
qu'il soit mis en contact avec celui-ci. 

Voilà ce qui se passe en dehors de l’organisme; voyons maintenant si, 
pendant la vie, le sang a également la propriété d'atténuer les agents 
pathogènes. 


II. — Pour résoudre ce problème, il suffit d'introduire la culture dans 
la circulation des animaux vivants et de rechercher si la bactérie s’y 
modifie. 

Voici comment nous opérons : 

Nous poussons, dans les veines d’un lapin neuf, 20 centimètres cubes, 
par kilogramme, d’une culture du bacille du pus bleu. Cinq minutes 
après la fin de l'injection, nous retirons d’une artère 8 à 9 centimètres 
cubes de sang; nous les introduisons aussitôt dans les veines d’un autre 
lapin ; cinq minutes plus tard, nous faisons une seconde prise de l’hu- 
meur circulante, prise que nous injectons de la même façon à un deuxième 
lapin ; ces deux animaux meurent dans un laps de temps qui varie de 
dix-huit à soixante-dix heures. On peut donc conclure que, dans les con- 
ditions où nous nous sommes placés, 8 à 9 centimètres cubes de sang 
contiennent une quantité de microbes suïfisante pour infecter un lapin 
pesant de 1,800 à 2,000 grammes. 

Si maintenant nous répétons la même expérience, en faisant passer le 
virus, non plus par l'organisme d’un animal neuf, mais par l'organisme 
d’un vacciné, nous oblenons des résultats différents. 

Nous introduisons, dans les veines d’un réfractaire, 20 centimètres 
cubes pour 1000 en poids de culture pyocyanique ; comme les lapins vac- 
cinés pèsent plus que les normaux, la quantité de microbes ainsi adminis- 


629 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


trée se trouve être plus considérable. Cinq minutes après la fin de cette 
injection, nous prélevons 8 à 9 centimètres cubes de sang artériel que 
nous faisons pénétrer dans les veines d’un sujet neuf; cinq minutes plus 
tard, nous retirons à nouveau 8 à 9 centimètres cubes de sang et, à 
nouveau, nous les injectons à un autre lapin. Les deux animaux ainsi 
inoculés ne succombent pas; quelquefois, ils ne deviennent même pas 
malades. Ainsi, les microbes qui ont séjourné dans la circulation d’un 
vacciné sont devenus inoffensifs, ou à peu près. 

Les résultats sont donc semblables, qu’on opère sur le sang retiré des 
vaisseaux ou sur le sang circulant. Dans les deux cas, les bactéries perdent 
leurs propriétés nuisibles quand elles sont en contact avec les humeurs 
sanguines des êtres devenus résistants; dans les deux cas, l’altténuation 
se produit en quelques minutes. 

Il est vrai que l'expérience exécutée sur le vivant est encore com- 
plexe; elle peut soulever quelques objections. 

On doit se demander si, chez les vaccinés, les microbes introduits dans 
les veines ne vont pas se déposer rapidement dans les organes ou les 
tissus; dans ces conditions, le sang de ces vaccinés contiendrait moins de 
bacilles que celui des normaux, détail qui expliquerait son innocuité. 
Cette interprétation est insoutenable, altendu que, ayant semé le sang 
de ceux qui avaient recu les cultures, nous avons constaté qu'il conte- 
nait sensiblement autant de parasites, qu’il provint d’un animal neuf ou 
d’un réfractaire. 

Enfin, nous avons fait d’autres essais, pour savoir si l’on ne devait pas 
invoquer les propriétés thérapeutiques des humeurs des vaccinés. Nous 
avons inoculé plusieurs lapins, soit directement avec des cultures pyo- 
cyaniques, soit avec du sang provenant de sujets neufs auxquels nous 
avions injecté, par kilogramme, 20 centimètres cubes de ces mêmes cul- 
tures ; les uns ont été gardés comme témoins; les autres ont recu, dans 
les vaisseaux, 9 centimètres cubes du sang d’un réfractaire; ces derniers 
ont succombé de vingt à trente heures après les témoins. On voit donc 
apparaître, dans ces expériences, l’action thérapeutique due à la vacei- 
nation; mais, il ya loin de cette légère survie qui n’atteint que quelques 
heures à cette survie prolongée, parfois indéfinie, des animaux qui ont 
reçu le bacille ayant passé par le sang des vaccinés. 

Il est donc impossible, pour expliquer les résultats que nous avons 
obtenus, d’invoquer cette action thérapeutique ou un dépôt rapide des 
agents infectieux dans les viscères. On est ainsi conduit à admettre qu'il 
s’agit bien d’une atténuation du virus. 

En traversant la circulation d'un animal vacciné, le microbe ne perd 
pas seulement la propriété de tuer, il peut cesser aussi d'être pyréto- 
gène : les animaux, qui reçoivent le sang des lapins neufs auxquels on a 
injecté la culture pyocyanique, présentent, pendant leur survie, une élé- 
vation thermique qui se chiffre par 40°,5 et 41 degrés; les animaux qui 


SÉANCE DU ® JUILLET 693 


reçoivent le sang des vaccinés injectés de la même façon, restent sensi- 
blement apyrétiques; leur température se maintient entre 39°,2 et 399,9. 


III. — Les expériences que nous avons rapportées, dans cette note, 
autorisent, croyons-nous, à poser les conclusions suivantes : 

Le sérum d’un animal vacciné a la propriété d’'atténuer presque instan- 
tanément le microbe contre lequel on a prémuni l'animal ; 

Cette action n'apparaît pas seulement en dehors des vaisseaux; elle 
s'exerce, également, dans l'organisme vivant. 

Nous n'avons pas besoin d'insister longuement sur les déductions qu'on 
peut tirer de ces recherches. 

Ces résultats prouvent que c’est aux propriétés chimiques du sang 
qu'incombe le premier acte de la défense contre l'invasion mierobienne ; 
les agents pathogènes, qui pénètrent dans le sang des réfractaires, 
perdent presque immédiatement leurs qualités nocives; dès lors, ils se 
trouvent livrés sans défense à leurs adversaires, parmi eux aux phago- 
cytes; ces adversaires s’en emparent et achèvent de les détruire. — Ces 
expériences nouvelles viennent donc confirmer la conception de l’immu- 
nilé acquise telle qu'elle a été développée par M. le professeur Bouchard; 


elles établissent que les propriétés bactéricides du sang existent dans le 


corps de l’animal en santé et prennent une part primordiale dans sa 
résistance à l'infection. 

Nous appliquons ces conclusions aux germes utilisés par nous, nous 
gardant d’une généralisation hâtive. 


MALADIE D'ADDISON. — TRACÉS ERGOGRAPHIQUES. 
DIURÈSE PAR INJECTIONS DE CAPSULES SURRÉNALES, 


par MM. ABELous, LANGLois et CHARRIN. 


Nous avons l'honneur de présenter à la Société une série de tracés pris, 
soit à l'Hôtel-Dieu, soit à la Charité (4), sur des sujets atteints de maladie 
d'Addison. Ces tracés ont été recueillis à l’aide de l’ergographe de Mosso ; 
ils établissent clairement, par leur simple lecture, le degré de cette 
asthénie, qui est en partie, du moins, d’origine musculaire, asthénie 
signalée par les cliniciens. 

On voit parallèlement, nos malades étant, suivant la règle, tuber- 
culeux, d’autres tracés provenant de bacillaires nullement addisoniens. 
Ces tuberculeux, choisis parmi les plus avancés, ont fourni des eïforts 
supérieurs à ceux des sujets frappés de l'affection pigmentaire. 

Ajoutons que des injections de capsules surrénales, en solution aqueuse 


(1) Service de M. Le professeur Bouchard. 


624 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


et à hautes doses, ont provoqué une légère diurèse. Il est possible d'en 
observer autant, si on use du corps thyroïde, du moins chez les myxœdé- 
mateux. Il y a là une propriété glandulaire plus ou moins générale. 


SUR LA TOXICITÉ DU SANG DES FEMMES ATTEINTES D ÉCLAMPSIE OU D'ALBUMINURIE 
PUERPÉRALE. 


Notes de MM. TARNIER et CHAMBRELANT. 


J'ai l'honneur de présenter à la Société de Biologie, au nom de M. le 
professeur Tarnier ét en mon nom personnel, Le résultat d’une nouvelle 
série d'expériences entreprises à la clinique obstétricale de la Faculté 
dans le but de déterminer la toxicilé du sang des femmes atteintes 
d'éclampsie où d’albuminurie puerpérale. 

Dans une première note communiquée à la Société au mois de février 
de cette année, nous avions déjà eu l’occasion de signaler les résultats 
que nous avait fournis l'examen de la toxicité du sang de deux femmes 
éclamptiques; dans ces deux cas la toxicité s'était montrée bien plus con- 
sidérable que la toxicité physiologique qui a été fixée (Rummo) à 10 cen- 
timètres cubes par kilogramme de lapin. 

Comme les précédentes, les expériences que nous rapportons aujour- 
d’hui ont consisté à injecter dans la veine auriculaire de lapins des doses 
variables de sérum sanguin, provenant de saignées faites chez deux 
femmes éclamptiques observés la première à la Clinique obstétricale, la 
seconde à l'hôpital Saint-Louis dans le service de M. le D' Bar. 

Nous n'avons pas à insister ici sur le manuel opératoire que nous avons 
déjà fait connaître dans notre première note. 

Quant aux expériences relatives à la toxicité du sang des femmes sim- 
plement albuminuriques, elles ont consisté à injecter de la même facon à 
des lapins le sérum du sang provenant de ventuuses scarifiées appliqués 
dans la région dorsale de ces malades, et recueilli aussi aseptiquement 
que possible. 


Os. I. — Sang provenant d'une femme éclamptique entrée à la clinique 
le 17 juin 1892. 


Cette femme, primipare, est arrivée au terme de sa grossesse. 

L’urine contient 3 gr. 50 d'albumine par litre. La femme urine assez abon- 
damment, il n'a malheureusement pas été possible de recueillir la quantité 
d'urine excrétée pendant les vingt-quatre heures, les mictions étant involon- 
taires. Nous n'avons donc pu calculer le coefficient d'urotoxie de cette malade, 
mais avons cependant pu constater que l'urine était peu toxique, 75 centi- 
mètres cubes ont été nécessaires pour amener la mort d'un kilogramme de 
lapin, l'animal est mort sans convulsions. 22 0 . 2) = $ 


Sa hie à 


SN 
à LE 


SÉANCE DU © JUILLET 625 


La malade avait eu cinq atlaques avant son arrivée à la clinique, et trois 
nouvelles attaques étaient survenues avant le moment où la saignée a été 


pratiquée. Entre les attaques, le coma est peu profond. Température 


maximum, 37,8. 

C’est, on le voit, un cas d'éclampsie modérément grave eu égard à la sécré- 
tion urinaire qui se fait assez abondamment, au nombre limité des attaques 
qui n’a pas dépassé huit, enfin au peu d’élévation de la température. 

La femme est accouchée le lendemain d’un enfant vivant, et a pu quitter la 
clinique au bout de quinze jours complètement rétablie. Enfant en bon état, 
3,900 grammes. 

Première série d'expérience, vingt-quatre heures après la saignée : 

4° Un lapin du poids de 1,700 grammes recoit dans la veine auriculaire 
48 centimètres cubes de sérum, soit un peu plus de 40 centimètres cubes 
par kilogramme. L'animal meurt au bout de quelques minutes, sans avoir 
présenté de convulsions, avec une exophtalmie très prononcée. 

2° Un lapin du poids de 1,690 grammes recoit dans la veine auriculaire 
10 centimètres cubes du même sérum, soit 6 centimètres cubes par kilo- 
gramme. 1l présente bientôt des phénomènes de paralysie, se couche sur le 
côté et succombe trois heures après l'injection. 

3° Un lapin du poids de 1,900 grammes recoit dans la veine auriculaire 

40 centimètres cubes du même sérum, soit 5 c. c. 2 par kilogramme. L'animal 
paraît souffrant après l'injection mais il ne tarde pas à se remettre el ne suc- 
combe pas les jours suivants. 
. &° Un lapin du même poids 1,900 grammes reçoit 12 centimètres cubes de 
ce même sérum, soit environ 6 centimètres cubes par kilogramme et de même 
que le lapin n° 2 qui avait recu la même quantité de sérum il succombe deux 
heures et demi après l’expérience. 


De ces diverses expériences, nous croyons devoir conclure que la toxi- 
cité du sérum sanguin de cette éclamptique était comprise entre 4 cent. 2, 
dose à laquelle a résisté 1 kilogramme de lapin. Et 6 centimètres cubes 
dose ayant amené la mort de 4 kilogramme d’animal chez deux lapins 
différents. . 

C’est là, on le voit, une toxicité bien supérieure à la toxicité normale du 
sérum du sang humain, moindre cependant que celle que nous avions 
fixée pour les deux éclamptiques, sur lesquelles nous avions déjà expéri- 
menté, mais dont les symptômes cliniques étaient plus graves. Nous 
appelerons particulièrement l’attention sur ce fait que notre dernière 
éclamptique urinait assez abondamment contrairement aux deux pre- 
mières. 


Ogs. IT. — Femme éclamptique observée dans le service d'accouchements 
de M. le D' Bar, à l'hôpital Suint-Louis. 


Cette femme, primipare, était arrivée au terme de sa grossesse. 
Elle fut prise le 24 juin, à une heure du matin d'un premier accès d’éclampsie 
qui fut suivi de treize nouvelles attaques jusqu’au moment où ful pratiquée la 


626 SOCIÉÊTÉ DE BIOLOGIE 


saignée à trois heures de l'après-midi. L'accouchement eut lieu à cinq 
heures du soir le même jour et se termina par la naissance d'un enfant 
vivant du poids de 3,800 grammes. 

Depuis son accouchement la malade n'eut plus d'attaques, mais resta dans 
un état demi-comateux, jusqu'au lendemain matin, à ce moment le coma 
devint plus profond et la malade succomba. 

Première expérience. — Un lapin du poids de 1,750 grammes recoit le 25 juin 
à trois heures de l'après-midi, c’est-à-dire vingt-quatre heures après le 
moment de la saignée, 10 centimètres cubes de sérum, soit environ 6 centi- 
mètres cubes par kilogramme. L'animal ne tarde pas à se coucher sur le 
flanc, puis il est pris de convulsions et succombe une demi-heure après le 
début de l'expérience. 

Deuxième expérience. — Un lapin du poids de 1,900 grammes reçoit à trois 
heures de l'après-midi, le même jour, 8 centimètres cubes de sérum, soit 
4 c.c.2 par kilogramme ; l'animal présente bientôt des phénomènes analogues 
au précédent, mais après un temps plus long, et il succombe seulement au 
bout de trois heures. 

Troisième expérience. — Un lapin du poids de 2,270 grammes recoit à trois 
heures et demi de l'après-midi le même jour, 8 centimètres cubes de sérum, 
soit 3 c. ©. 5 par kilogramme. 

L'animal succombe dans la nuit. 

Dans cette seconde observation dans laquelle il s'agissait d’une éelamp- 
sie bien plus grave que la précédente, puisque la malade a succombé en 
vingt-quatre heures, le sérum s’est aussi montré beaucoup plus toxique. 
puisqu'il a suffi de 3 c. c. 5 pour tuer { kilogramme de lapin. 


O8s. III. — Femme atteinte d'albuminurie grave de la grossesse entrée depuis 
quinze jours dans le service de M. le professeur Tarnier où elle a été soumise au 
régime lacté absolu. 


Cette femme est enceinte de 8 mois. 

Malgré ce régime ordinairemsnt si efficace dans l’albuminurie, la présence 
de l’albumine dans l'urine persista, et offrait ce caractère particulier de pré- 
senter, à certains moments, des exacerbations s’accompagnant de violentes 
douleurs de reins et pendant lesquelles la quantité d’albumine augmentait 
considérablement dans l'urine où elle atteignait la dose de 7 à 8 grammes par 
litre. 

C'est pendant une de ces périodes d’exacerbation que l’on applique à la ma- 
lade, des ventouses scarifiées dans la région dorsale et que nous pûmes 
recueillir une certaine quantité de sang et en extraire 12 centimètres cubes de 
sérum. 

Ces 12 centimètres cubes furent injectés le lendemain matin à un lapin de 
1,900 grammes, soit environ 6 centimètres cubes par kilogramme. 

L'animal présente bientôt des phénomènes de paralysie, puis est pris de 
convulsions et succombe au bout d’un quart d’heure. 

La faible quantité de sérum que nous avions à notre disposition ne nous a 
pas permis de faire de nouvelles expériences, mais celle-ci suffit du moins à 


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SÉANCE DU © JUILLET 627 


démontrer qu'il y avait augmentation manifeste de la toxicité du sang chez 
cette femme. 


Ogs. IV. — Service de M. le Professeur Tarnier, 12 juin 1892. 


Femme atteinte d’albuminurie de la grossesse et ayant présenté au hui- 
tième mois de sa grossesse et après l'accouchement des accès d’urémie à 
forme dyspnéique; après l'accouchement, ces accès nécessitèrent l'application 
d'une série de ventouses scarifiées qui nous permirent de recueillir une cer- 
taine quantité de sang. 

Le sérum fut injecté à trois lapins et donna les résultals suivants : 

Première expérience. — Lapin de 2 kil. 100, recoit le 12 juin à six heures et 
demie du soir, 12 centimètres cubes de sérum, soit environ 6 centimètres 
cubes par kilogramme. 

L'animal est bientôt pris de phénomènes de paralysie dans les membres, il 
se couche sur le flanc et succombe dans la nuit. 

Deuxième expérience.— Un lapin du poids de 2,230 grammes recoit à six heures 
45.8 centimètres cubes du même sérum, soit un peu moins de # centimètres 
cubes par kilogramme. 

L'animal a paru malade pendant quelques heures, mais il s’est bientôt 
remis et il n’a pas succombé les jours suivants. 

Troisième expérience. — Un lapin du poids de 4,920 grammes recoit à sept heu- 
res du soir le même jour 4 centimètres cubes du même sérum. 

L'animal n’a présenté aucun phénomène morbide. 

La toxicité du sérum expérimenté nous parait donc devoir être comprise 
entre 6 centimètres cubes et # centimètres cubes. 

Il semble donc résulter de ces expériences que dans l’albuminurie puerpé- 
rale il y a aussi augmentation manifeste de la toxicité du sérum sanguin. 


LAXITÉ CONGÉNITALE DE L'ARTICULATION RADIO-CUBITALE INFÉRIEURE 
ET SUBLUXATION CONSÉCUTIVE DE LA TÊTE DU CUBITUS EN ARRIÈRE, 


par M. A. GuÉPIN, 


Interne lauréat des hôpitaux de Paris. 


J'ai l'honneur de faire connaître à la Société de Biologie le cas remar- 
quable d’une famille dont presque tous les représentants offrent une 
laxité congénitale de l'articulation radio-cubitale inférieure et une 
subluxation consécutive de la tête du cubitus en arrière. Ce moulage 
représente fidèlement la déformation créée par cette subluxation congéni- 
tale. Il a été pris sur Léonie B..., entrée pour une double ovario-salpin- 
gite à l'hôpital Saint-Louis dans le service de notre maître, M. le D’ Just 
Lucas-Championnière. Getle malade accuse, dans son histoire, un 


628 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE- 


traumatisme léger du poignet gauche qui remonterait à l'enfance. Celui-ci 
est en effet très déformé et lorsque, par comparaison, on regarde le poignet 
droit, on voit que ce dernier présente la même difformité bien que moins 
accusée. 

Voici en quelques mots en quoi elle consiste. La face dorsale du poi- 
gnet droit se continue directement avec la face dorsale de l’avant-bras au 
niveau du radius dont les rapports avec le carpe ne sont nullement 
modifiés. Mais au niveau de la tête du cubitus qui fait ordinairement sous 
la peau une saillie très perceptible, surtout chez l'homme, mais à peine 
surélevée, il y a une bosse arrondie qui s’accuse graduellement par une 
pente douce en allant du carpe vers l’avant-bras et qui, du côté de 
l'avant-bras, se termine par un bord beaucoup plus abrupt. C'est, en 
résumé, l’exagération de la disposition normale. Il en résulte que le 
radius paraît déplacé légèrement en avant; mais ce n'est là qu'une appa- 
rence. Dans son ensemble, la face dorsale de l’avant-bras à sa partie infé- 
rieure devient moins arrondie et semble plus volumineuse. Le bord 
interne du poignet est sensiblement élargi et tout cela tient au seul dépla- 
cement de la tête cubitale en arrière et directement en arrière. Le tendon 
du muscle cubital postérieur reste logé dans sa gouttière. La main est un 
peu déjetée sur son bord cubital. 

Si maintenant on examine la face antérieure de l’avant-bras, on 
remarque : 1° une dépression peu profonde située immédiatement au- 
dessus de l’éminence hypothénar et correspondant à la saillie dorsale de 
la tête du cubitus; 2° une exagération très manifeste, mais plus appa- 
rente que réelle de la saillie formée par l'éminence hypothénar. A l’état 
normal, en effet, l'éminence thénar est notablement plus saillante que 
l’éminence hypothénar. Ici, les deux éminences paraissent être sur le 
même plan et cette apparence tient à ce que le sillon qui sépare la partie 
supérieure de l’éminence hypothénar de la terminaison de l’avant-bras, 
est plus marqué, plus profond, qu’il n’est habituellement. C'est une sorte 
de déformation compensatrice. A la partie inférieure de l’avant-bras le 
tendon du muscle cubital antérieur passe dans une petite gouttière, 
limitée en dehors par la saillie des muscles fléchisseurs. Ici la gouttière 
est à peine indiquée et la face antérieure du poignet se trouve être plus 
régulièrement arrondie. 

A première vue, on pouvait croire à l'existence d’une exostose ou d’une 
hyperostose. Mais un examen attentif de la région montra que la tête 
cubitale était simplement subluxée sur le radius d’une part, sur le carpe 
d'autre part. Une légère pression sur la saillie constituée par la tête du 
cubitus la fait disparaître aussitôt. Toutes les déformations susénoncées 
ne sont plus constatables. Mais sitôt que la pression cesse, la tête du 
cubitus se luxe à nouveau. En un mot, elle est mobile sous le doigt 
comme une fouche de piano un peu dure. Cette comparaison nous paraît 
donner une idée exacte de la mobilité de l’os déplacé et de la facilité avec 


SÉANCE DU © JUILLET 629 


laquelle la subluxation à peine réduite, réapparaît aussitôt. Une sem- 
blable disposition a été notée à la suite des arthrites du poignet, des 
-arthrites tuberculeuses tout particulièrement. Nous venons d’en voir un 
cas à la suite d’une arthrite survenue dans le cours de la grossesse et 
peut-être d’origine blennorrhagique. Chez Léonie R., le pyramidal et le 
pisiforme ont conservé leurs rapports respectifs entre eux et avec les 
autres os du carpe. 

A gauche, les lésions sont les mêmes et encore plus accusées pour le 
cubitus qui jouit également de la mobilité d’une touche de piano; mais 
er outre le pyramidal semble un peu entraîné en arrière et le carpe tout 
entier est légèrement subluxé en avant du radius. Ici comme à droite on 
remet facilement les parties en place; mais tout se reproduit sitôt que 
cesse la contention. Des deux côtés les mouvements de l'articulation du 
poignet sont libres et aussi étendus qu’à l’état normal. 

La malade affirme que depuis son enfance ses deux poignets ont pré- 
senté la forme que présente aujourd’hui le poignet droit. « C’est de 
famille »,, dit-elle, et elle en attribue l’origine à la profession qu’exercent 
tous les siens et qu’elle exerça dans son enfance et sa jeunesse. Le père 
était marinier ; sa femme et ses enfants l'aidaient souvent à porter de 
lourds ballots de marchandises. Il avait, dit la malade, les poignets très 
volumineux. Mais cela ne ressemblait pas à la difformité des poignets de 
sa femme, qui elle les avait comme les a notre malade. D'ailleurs tous les 
membres de la famille présentent la même déformation du poignet. 


PÈRE : MÈRE 
HR res e Grau ee Frères et 
Poignets volumineux (?) Déformation du poignet absolu- (| Sœurs de la 


ment semblable à celle que porte | mère, éga- 
notre malade, mais plus accusée | lement. 
encore. à 


TT  ———— 
DOUZE ENFANTS, NEUF VIVANTS, 


Tous ont la tête du cubitus saillante à la face dorsale du 
poignet. Chez tous, elle est mobile comme chez notre malade. 
Cette déformation date de l'enfance. 


TT  — © 
ENFANTS DE LA MALADE, ENFANTS D'UNE SŒUR DE LA MALADE. 
Rien, Même difformité. 


Ces renseignements nous ont été donnés par la malade et confirmés 


par plusieurs de ses parents porteurs de la même difformité (mère, sœur, 
nièces). 


25.. 


630 SOCIÉÈTÉ DE BIOLOGIE 


Les autres articulations ne présentent aucune malformation appré- 
ciable. Il n’y a dans la famille aucun cas de difformité autre qui nous 
ait été avoué, pas de syphilis, ni de rhumatisme. 

En résumé, nous trouvons chez tous une laxité anormale de l’articula- 
tion radio-cubitale inférieure, laxité se traduisant dès l’enfance par une 
subluxation du eubitus sur le radius et sur le carpe. Elle se produit chez 
les filles comme chez les garcons, mais serait d’une facon générale plus 
marquée chez les filles que chez les garçons {au dire de la malade). Nous 
avons en outre cherché à savoir s’il y avait là une prédisposition profes- 
sionnelle et si cette déformation se rencontrait souvent chez les mariniers. 
La famille de la malade n’en connaît pas d'autre exemple qu’elle-même. 
Mais en admettant une laxité évidemment congénitale de l'articulation 
radio-cubitale inférieure, pourquoi le cubitus se luxe-t-il et pourquoi se 
luxe-t-il en arrière. 

La capsule articulaire ou les ligaments qui unissent à leur extrémité 
inférieure-radius et cubitus sont ordinairement lâches,mais fort résistants 
et la fixité du cubitus par rapport au radius est tout à fait relative ; il est, 
en effet, facile de déplacer la tête cubitale d'avant en arrière et inverse- 
ment. La contraction des muscles extenseurs et fléchisseurs du poignet 
et même leur simple tonicité tend à appliquer la convexité du carpe 
dans la concavité de l’extrémité inférieure du radius et du ligament trian- 
gulaire ; cette pression se transmet au cubitus dont la tête arrondie et 
relativement mobile tend à s'échapper comme un noyau de cerise pressé 
entre les doigts. Si normalement elle ne s'échappe point, c'est grâce à la 
tension des ligaments qui l’unissent au radius ; celui-ci est en effet, beau- 
coup plus fixe, beaucoup plus adhérent au carpe pour ainsi dire et en 
outre et surtout, c’est sur lui que porte directement l'effort. De plus, il 
s’emboîte absolument avec la première rangée carpienne. Pour toutes 
ces raisons le cubitus se déplacera toujours avant le radius et quand les 
deux os sont subluxés (comme cela se voit sur le poignet gauche de 
notre malade), le cubitus est plus déplacé que le radius. 

Donc normalement la tête cubitale a une tendance au déplacement, à 
la subluxation en arrière. En arrière, parce que c’est dans ce sens qu'elle 
rencontre le moins de résistances ligamenteuses et tendineuses et peut-être 
aussi parce que les mouvements de flexion du carpe sont plus fréquents 
que les mouvements d'extension ; dans les mouvements de pronation et de 
supination, le radius croise le cubitus vers son tiers supérieur, soit en 
en avant, soit en arrière (supination). Il y a encore icitendance au dépla- 
cement du cubitus et ce qui se déplacera, c’est la tête, la partie la plus 
mobile de l'os; comme précédemment, elle se portera en arrière et pour 
les mêmes raisons. Mais si l’on admet avec Duchenne (de Boulogne) 
que radius et cubitus décrivent dans les mouvements de pronation et de 
supination, deux ares de cercle en sens inverse, il devient plus difficile 
de comprendre cette seconde cause adjuvante “ subluxation. 


SÉANCE DU ® JUILLET 631 


En résumé, la laxité congénitale de l'articulation radio-cubitale infé- 
rieure suffit à expliquer la subluxation de la tête du cubitus en arrière en 
dehors de tout phénomène inflammatoire de l'articulation et de tout 
traumatisme. Elle prépare la subluxation du radius sur le carpe (poignet 
gauche de Léonie R...) D'ailleurs si on doit incriminer les mouvements 
forcés et les efforts musculaires, on doit également trouver le maximum 
des lésions à droite (chez les droitiers). Cela paraît au moins très vrai- 
semblable, et cependant sur cinq cas nous ne l’avons constaté qu’une fois. 
La plus grande régularité et la forme plus arrondie de la tête cubitale 
chez les femmes pourra peut-être servir à expliquer la subluxation plus 
facile chez elles, si toutefois ce qui existe dans la famille de Léonie R..., 
est la règle et non l'exception. 

Au moment où nous écrivions ce qui précède, M. X..…, externe à 
l'hôpital Saint-Louis, nous montra une déformation du poignet dont il 
était porteur depuis sa naissance. Il s’agissait d’un cas absolument ana- 
logue au précédent. Toutefois personne dans sa famille n’offre une sem- 
blable dispcsition. Mais cette coïncidence nous porterait à croire que la 
laxité con ,énitale de l'articulation radio-cubitale inférieure n’est point 
aussi rar: que nous le pensions tout d’abord. 

Par elle-même, elle n’entraine aucune impotence fonctionnelle. Elle 
n’est donc intéressante que par la difformité qu’elle crée et que l’on rap- 
porte souvent à un volume exagéré de la tête du cubitus. Elle est encore 
intéressante parce qu’elle peut ajouter à la gravité des traumatismes du 
poignet en favorisant une luxation qui ne sera plus désormais absolument 
réductible (1). 


(1) Le moulage des poignets de Léonie R..., fait par M. Baretta, est con- 
servé au musée de l'hôpital Saint-Louis (pièce n° 1685). 


Le Gérant : G. MASsson. 


Paris. — Typographie Gaston Née, 1, rue Cassette. 


633 


SÉANCE DU 9 JUILLET 1892 


M. A. RaïzLier : Sur les Amphistomes des animaux domestiques du Tonkin. — 
M. le Dr Gricorescu : Recherches de contrôle sur l'accélération de la conduction 
nerveuse motrice chez la grenouille, après le traitement au suc testiculaire de 


cobaye. — M. W.-M. HaArrKine : Le choléra asiatique chez le cobaye. — M. Eo. 
RETTERER : Sur les modifications de la muqueuse utérine à l'époque du rut. — 
M. Coupe : Aphasie par deshydrémie cérébrale. — MM. J.-P. Morar et MAURICE 


Doxox : Les poisons antagonistes et la calorification. — M. LauLanté : Recherches 
expérimentales sur les variations corrélatives de l'intensité de la thermogenèse et 
des échanges respiratoires. 


Présidence de M. Laveran. 


CORRESPONDANCE IMPRIMÉE. 


M. STRAUS fait hommage à la Société d'un exemplaire (collection Char- 
cot et Debove) du traitement de la phtisie pulmonaire, par G. Daremberg. 


M. LABoRDE dépose sur le bureau un exemplaire de la thèse de M. le 
D' Malbec sur Les sels de strontium (étude chimique, physiologique et 
thérapeutique). 


SUR LES AMPHISTOMES DES ANIMAUX DOMESTIQUES DU TONKIN, 


par M. A. RAILLIET. 


L’intéressante communication faite par M. Giard à la dernière séance, 
sur les parasites des bœufs du Tonkin, m'engage à présenter à la Société 
quelques Trématodes recueillis dans la même contrée, en 1886, par 
M. Bourgès, vétérinaire militaire alors en garnison à Son-Tay. 

Il s’agit d'Amphistomes (Amphistoma conicum) trouvés dans le rumen 
du bœuf. Le fragment de rumen que je fais passer sous vos yeux a élé 
recueilli sur un bœuf qui avait les trois quarts de la surface interne de 
cet organe tapissés par ces parasites. Comme il est facile de le voir, les 
vers étaient extrêmement serrés les uns contre les autres, et c’est peut- 
être pour cette raison que la plupart d’entre eux ont un aspect triquêtre. 
Tous ces petits boutons, de la grosseur d’une graine de pavot, qui revêtent 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9€ SÉRIE, T. IV. 26 


634 | SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


la muqueuse, représentent les points d'implantation des Amphistomes. 
Chacun de ces Trématodes, en effet, se fixe sur la membrane par sa 
ventouse postérieure, et les saillies en question sont développées par l’ac- 
tion de celle-ci. 


Des cas semblables, me disait M. Bourgès, se rencontrent très fréquem- 


ment à Son-Tay. La plupart des bœufs sacrifiés pour la boucherie sont 
infeslés par ces parasites, et chez certains d’entre eux on les trouve 
grouillant en larges plaques à la surface de la muqueuse, qu “elles irritent 
au point d’entrainer un amaigrissement extrême des animaux. 

L'examen de l'échantillon que voici permet de comprendre, en effet, que 
les bœufs puissent souffrir d’une façon sérieuse d’un tel envahissement. 

On avait déjà signalé des faits du même ordre: en Australie. 

Les renseignements, qui m'ont été fournis par M. Sandrin, vétérinaire 
militaire en garnison à Hanoï, concordent avec ceux donnès par M. Bour- 
gès. « Les Amphisiomes de la panse, me disait-il en 1887, foisonnent chez 
presque tous les bœufs du Tonkin. » 

J'avais, d'autre part, demandé à M. Sandrin s’il n'existait pas, chez les 
chevaux du Tonkin, des Amphistomes de couleur rouge-brique, connus 
des Indiens sous le nom de Masuri et décrits par Cobbold sous celui d'Am- 
phistoma Collinsi. Mon jeune confrère et ami m’a répondu qu'il avait en 
effet rencontré ces vers par myriades dans l'intestin des chevaux venant 
des îles de la Sonde, et en particulier de Sumbawa (Java). « Il n’est pas 
rare, ajoutait-il, d'en voir dans toute l'étendue du tube digestif, depuis 
l'origine du duodénum jusque dans les dernières parties du côlon flot- 
tant. D'une façon générale, c'est la muqueuse du cæcum qui en est le plus 
communément couverte. » 

Je ferai remarquer, en terminant, que le Distoma henaticum existe aussi 
à Sontay, car il en existe un bel exemplaire dans l’envoi de M. Bourgès. 


RECHERCHES DE CONTROLE SUR L'ACCÉLÉRATION DE LA CONDUCTION NER- 
VEUSE MOTRICE CHEZ LA GRENOUILLE, APRÈS LE TRAITEMENT AU SUC TES- 
TICULAIRE DE COBAYE, 


par M. le D' Gricoresou, de Bucharest. 


(Note présentée par M. BRowN-SÉQUARD.) 


Nous avons signalé à la Société de Biologie (Comptes rendus du 20 mai 
et du 24 juin) que la conduction nerveuse sensitive, diminuée chez 
l’homme myélitique et ataxique, s'accélère après le traitement au suc 
testiculaire de cobaye. 


a 


Nous avons cherché à contrôler ce fait sur les grenouilles, qui se 


_ 


Re LES 


SÉANCE DU 9 JUILLET 633 


prêtent si bien à cette sorte de recherches. Nous possédions des gre- 
nouilles exténuées par une captivité de dix mois. Nous en avons choisi de 


- la même espèce et semblables aussi quant à la taille, à la maigreur, etc. 


Nous avons fait la mensuration de la conduction nerveuse motrice chez 
les unes avant et chez les autres après un traitement au suc testiculaire. 

1° Deux de ces grenouilles: qui n’avaient subi aucun traitement ont 
présenté une vitesse de conduction nerveuse, dans le sciatique, de 
14,80 par seconde. 

2 Trois autres qui avaient recu plusieurs injections au suc testi- 
culaire, pendant dix jours, ont présenté une vitesse de 222,20 par 
seconde. Il importe de faire remarquer que, six mois auparavant, dans 
nos leçons expérimentales, nous avions trouvé chez des grenouilles de la 
même collection la même vitesse de 22 mètres par seconde. Il y a donc 
eu, sous l'influence du liquide testiculaire, un retour de la vilesse normale 
él transmission nerveuse. 

Par conséquent, le suc testiculaire augmente la vitesse de la conduc- 
tion nerveuse motrice chez la grenouille. Les expériences de contrôle 
que nous venons de rapporter, ont la même signification que les faits 
que nous avons signalés à l'égard de la conduction nérveuse sensitive 
chez l'homme. Dans les deux espèces de cas, le suc testiculaire a augmenté 
la vitesse de la transmission nerveuse. 


LE CHOLÉRA ASIATIQUE CHEZ LE COBAYE, 


par M. W.-M. HAFFKINE. 
(Travail du laboratoire de Microbie technique de l'Institut Pasteur.) 


Les expériences relatées dans cette note constituent l’application au 
choléra asiatique de la méthode d’exaltation et d'atténuation des virus 
qui a servi, dans les travaux précédemment exécutés au laboratoire de 
M. Pasteur, à l'étude du choléra des poules, du charbon, du rouget du 
porc et de la diphtérie. 


I. £'xaltation du virus cholérique par passage de l'animal à l'animal. — 
Des différentes méthodes de donner le choléra aux animaux, celle qui a 
servi pour point de départ dans les présentes expériences, est la méthode 
de Pfeiffer, c’est-à-dire celle qui consiste à introduire dans la cavité péri- 
tonéale des cobayes, des vibrions cholériques cultivés à la surface de la 
gélose nutritive. 

Dans sa forme originale, cette méthode ne permet pas de transmettre 


036 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


la maladie d’un animal à un autre, et le microbe disparait dès les premiers 
passages. | 

Pour produire une exaltation par le moyen de passages continus, nous 
avons eu recours à une méthode qui consiste : 

{4° À injecter dans la cavité péritonéale du premier animal une dose 
plusieurs fois mortelle de virus pris à la surface de gélose; l'animal meurt 
avec un épanchement péritonéal très riche en microbes et dont la quantité 
et la consistance varient suivant la grosseur de l’animal : les animaux de 
forte taille sécrètent un épanchement abondant et fluide, les animaux de 
taille moindre donnent des SHARRERens moins orale et plus con- 
centrés; 

2 Laisser cet épanchement pendant quelques heures exposé au contact 
de l'air, à la température ordinaire ; 

3° L’inoculer ensuite à d’autres animaux, en choisissant, pour des épan- 
chements abondants, des animaux de petite taille, et pour des épanche- 
ments concentrés, des animaux de taille plus grande. 

Une série de passages continus amène le virus à l’état de virus fixe, 
c'est-à-dire que la culture faite avec le microbe tue les animaux à la 
même dose, après un même délai; entre le vingtième et le trentième pas- 
sage nous n’avons plus pu distinguer d'exaltation ultérieure. 

Dans ces expériences, le virus a augmenté de force environ vingt fois, 
et a acquis la faculté de tuer les lapins et les pigeons à des doses qui 
étaient complètement inoffensives au début des passages. 


II. ]noculations intra-musculaire et sous-curanée. — Les animaux inoculés 
avec ce virus exalté dans la profondeur des muscles de la cuisse, succom- 
bent. 

Introduit dans le tissu cellulaire sous-cutané, ce virus produit un large 
œdème qui s'étend loin au delà de la région inoculée et qui finit par la 
mortification complète des tissus directement intéressés. Mais l’état géné- 
ral de l'animal, malgré ce phénomène de destruction, ne subit aucune 
atteinte, et la plaie guérit complètement. 


III. Atténuation du virus cholérique. — Nous avons alténué notre virws, 
au point de lui enlever son pouvoir mortifiant sur le tissu, en le cullivant 
dans du bouillon nutritif, à la température de 39° C., dans une atmos- 
phère constamment aérée (méthode appliquée par MM. Roux et Yersin 
au bacille de la diphtérie). Dans ces conditions, le vibrion cholérique 
périt rapidement; pour prolonger l'expérience pendant un temps suffisant 
pour l'atténuer, on réensemence le microbe dans un nouveau milieu 
de culture tous les deux ou trois jours. 

Nous avons obtenu par cette méthode un virus, qui, inoculé même à 
des doses exagérées sous la peau des animaux, n'y produit plus aucune 
nécrose de tissu. Don 


husin) à © à 


SÉANCE DU 9 JUILLET 631 


IV. Vaccination contre le choléra asiatique. — Une inoculation préalable 


de ce virus atténué permet d'introduire ensuite sous la peau de l’animal, 


notre virus exalté, sans que celui-ci y produise le moindre phénomène de 
mortification. 

Un animal ayant subi l’inoculation du virus atténué et puis du virus 
exalté, est préservé contre toute infection du choléra, de quelque façon 
que l'on essaye de la produire, y compris l'introduction directe du 
microbe dans les intestins, avec injection préalable d’opium dans la 
cavité péritonéale (méthode de Nicati et Rietch, et de;Koch). 

Ces données ont été établies sur les cobayes. Nous sommes à les éprou- 
ver sur d’autres espèces animales. 


SUR LES MODIFICATIONS DE LA MUQUEUSE UTÉRINE A L'ÉPOQUE DU RUT, 


par M. En. RETTERER. 


I. — Muqueuse utérine pendant le rut. 


Chez la chienne et la chatte en rut, l'écoulement de mucosités par les 
organes génitaux ne peut provenir des parois du vagin, puisque cet 
organe manque de glandes et que, pendant cette époque, son épithé- 
lium reste pavimenteux stratifié et même corné (1). 

Les mucosités sanguinolentes se produisent, comme le montre le 
simple examen à l’œil nu, dans la matrice. 

J'ai cherché à déterminer leur mode de formation. W. Ellenberger (2) 
a déjà donné une excellente description générale des modifications qui 
ont lieu dans la muqueuse utérine des mammifères domestiques pendant 
la période du rut. 

L'étude détaillée que j'ai faite des cornes utérines chez la chienne et 
la chatte confirme et complète les données d’Ellenberger. Voici les résul- 
tats principaux auxquels je suis arrivé : 

Afin de maintenir les tissus et les éléments: dans les rapports véci- 
proques où ils se trouvaient au moment où j'ai sacrifié l’animal, j'ai fait 
les coupes en séries et selon deux procédés différents : 4° inclusion dans 
la paraffine et coupes au moyen du microtome oscillant; 2 inclusion 
dans le collodion et coupes après collodionnage des surfaces de section. 
De cette façon, j'ai prévenu tout dérangement dans les rapports des 
éléments, pouvant me conduire à des interprétations erronées. 


(1) Voyez mes Notes précédentes à la Soc. Biol., 26 mars et 25 juin 1892. 
: (2) Vergleichende Physiologie der Haussäugethiere, N° parlie, p. 283, 1892. 


638 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Chez la chienne, par exemple, la muqueuse des cornes utérines, exa- 
minée d’abord dans l'intervalle des époques du rut, est ferme ; sa surface 
est plissée et ondulée ; son épaisseur n’est que de 022,3 à 02,5, Le lcho- 
rion est constitué par des cellules serrées étroitement; la plupart ont un 
aspect fusiforme ou étoilé. L’épithélium cylindrique, à cils vibratiles, est 
très haut. 

Chez la chienne en rut, la muqueuse des cornes utérines atteint une 
épaisseur de 1**,5 en moyenne ; elle est trois à quatre fois plus consi- 
dérable que précédemment. Son chorion, mou et spongieux, présente des 
cellules dont les limites sont peu nettes. Les noyaux des cellules voisines 
sont très écartés les uns des autres, ce qui indique un corps cellulaire très 
large ou l’interposition d’une substance intercellulaire très abondante. 

Dans la muqueuse, à l’état de repos génital, on ne trouve que des 
capillaires rares et très fins. 

Bien différent est l'aspect du système capillaire pendant le rut: de 
nombreuses traînées de vaisseaux rouges se dirigent de la musculeuse 
vers l’épithélium, parallèlement aux glandes utérines ; arrivées vers la 
surface du chorion, elles constituent un réseau dont les derniers rameaux 
sont sous-jacents à l’épithélium. Tous ces vaisseaux sont distendus et 
gorgés de sang : quoique leur structure soit celle des capillaires, la 
pinpant de ces vaisseaux alteignent alors un diamètre variant de 0®,02 

à 0,04. 

Mais fait plus important : de larges et nombreuses taches formées de 
globules rouges extravasés parsèment les portions superficielles du cho- 
rion; par places, on trouve le sang épanché dans la cavité utérine: 
Malgré les précaulions que j'ai prises pour éviter les dissociations et les 
dérangements apportés par les manipulations, l’épithélium a manifeste- 
ment disparu en certains points. Sur d’autres points, l’épithélium existe 
encore, mais il est peu adhérent, puisqu'on en trouve des lambeaux plus 
ou moins soulevés et même détachés du chorion. 

Les observalions précédentes me semblent permettre les conclusions 
suivantes : 


1° Le mucus provient de la chute et de la fonte des cellules épithéliales dé 
l'utérus et de ses glundes ; 

2° La dilatation et la rupture des capillaires ni des foyers hémor- 
ragiques dans le chorion et un épanchement sanguin superficiel, se 
mélant aux mucosités ; 

3° Le chorion de la muqueuse est le siège, à l'époque du rut, d'une proh- 
fération et d'une hypertrophie doublant et triplant l'épaisseur des couches 
qui le constituent. 


Ces faits sont intéressants, quand on les compare aux phénomènes 
analogues qu'on a signalés chez la femme au moment des règles et que 


‘SÉANCE DU 9 JUILLET 639 


certains gynécologistes ont mis en doute ou sur le compte soit des alté- 
rations cadavériques, soit d'hémorragies utérines étrangères au flux 
. menstruel. 

Quel est le sort du sang extravasé ? 

Bonnet, puis J. Kazzander (1) ont étudié chez le mouton, l’extravasa- 
tion sanguine, qui se produit dans la muqueuse utérine pendant le rut, 
ils l'ont vu se transformer en pigment. Antérieurement Solowjeff (cité 
par Kazzander) a vu ce même pigment chez les chiennes en chaleur, mais 
n'ayant pas vu de capillaires rompus dans la muqueuse utérine, cet 
auteur admit que le sang provenait de l’hémorragie qui s'était faite 
sur la vésicule de de Graaf. Sur la chienne et la chatte arrivées à la fin 
du rut, j'ai nettement constaté l'existence de granulations pigmentées au 
centre des foyers hémorragiques ; elles. ont manifestement pris nais- 
sance aux dépens des amas de globules rouges extravasés. 


Il. — Ævolution de la muqueuse utérine et signification du rut. 


Depuis les recherches de F.-A. Pouchet (1847), on a beaucoup discuté 
pour savoir s’il y a une caduque menstruelle. La chute de l’épithélium 
utérin a lieu par places chez la chienne pendant l’époque du rut; mais 
nulle part, je n’ai pu apercevoir de destruction, ni d'élimination dans 
les parties superficielles du chorion. 

A mes yeux, la question a été; mal posée; il s’agit, en effet, de déter- 
miner la structure de la muqueuse : 1° à l’état de repos (en dehors du rut 
et de la gestation); 2 à l'époque du rut; 3° à l’état de gestation. 

Les faits, que j'ai rapportés plus haut, prouvent que, chez la chienne et 
la chatte, on observe à l’époque du rut, outre la congestion des organes 
génitaux externes et l'excitation génitale, une hypertrophie de la mu- 
queuse utérine et un épanchement, de sang dans son chorion. 

Depuis Coste et Pflüger, on sait que chez les femelles des mammifères, 
les ovuies tombent spontanément de l'ovaire à l’époque du rut. 

La ponte ovulaire, la congestion des organes génitaux externes, 
l'épanchement du sang, quoique moins marqué chez les animaux que 
chez la femme, sont des phénomènes ayant la même valeur fonctionnelle 
-que ceux qui se produisent pendant la menstruation chez la femme. 

La menstruation est donc chez la femme ce que le rut est chez les ani- 
maux. 

. Dans ces conditions, il me semble intéressant de rechercher la signifi- 

cation du rut ou de la menstruation, pour ce qui regarde les manifesta- 
tions utérines. 

. ÎLest superflu de récapituler les nombreuses hypothèses émises sur les 


(4) Voy. Archiv f. mik. Anat., t. XXXVI, p. 507. On trouve, dans ce travail, 
les indications bibliographiques antérieures. 


640 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


causes de la menstruation. Leur multiplicité est due aux difficultés d’ob- 
servation que rencontrent les gynécologistes. Je me bornerai, dans l'étude 
qui va suivre, à mettre en relief les phénomènes de même ordre que pré- 
sentent nos mammifères domestiques. Chez ces animaux, il est possible, 
en effet, de surprendre et d'observer, avec les garanties nécessaires, la 
série complète des modifications que subit la muqueuse utérine depuis le 
début du rut jusqu’à la fin de la gestation. 

On connaît les rapports étroits qui existent entre l'ovaire et les contnits 
excréteurs de l’ovule chez les oiseaux. Je rappelle à cet effet les belles 
expériences d’Étienne Geoffroy Saint-Hilaire (1) : si l’on empêche, chez 
la poule, les ovules de pénétrer dans l’oviducte, le jaune tombe dans la 
cavité abdominale et est résorbé. Mais, par un phénomène sympathique, 
l’oviducte continue à sécréter néanmoins la couche d’albumine qui s'en- 
roule sur elle-même, chemine vers le cloaque et est pondu plus tard sous 
forme d'œuf sans jaune ou œuf de coq. 

IL me semble que la congestion de l’utérus ou poche incubatrice des 
mammifères est due à un mécanisme analogue. Nous voyons ordinaire- 
ment, en effet, la maturation et la déhiscence de la vésicule ovarienne 
s'accompagner d’un travail particulier de la muqueuse utérine. 

Ce travail consiste essentiellement en une congestion, une hypertrophie 
de la muqueuse utérine et surtout en un épanchement sanguin. Quoique 
moindre chez les femelles des carnivores, l’extravasation sanguine n’est 
-pas moins réelle et des plus faciles à constater. 

- Quelle est la signification de cette hypertrophie de la muqueuse et de 
l'hémorragie ulérine ? | 

Il est bien démontré que la fécondation a lieu chez les mammifères à 
l'époque du rut. 

D'autre part, les récentes recherches de M. Mathias Duval (2) sur la 
formation du placenta des Rongeurs nous font assister jour par jour aux 
modifications que subit la muqueuse utérine après la fécondation. La 
portion de cette muqueuse qui est en rapport avec l'œuf est le siège d’une 
prolifération adondante; mais point capital, les capillaires utérins 
deviennent plus nombreux et se dilatent en des sortes de sinus. 

Sur ces entrefaites, les éléments cellulaires de provenance embryon- 
naire, qui sont l’ébauche du placenta viennent s’accoler au chorion hyper- 
trophié de la muqueuse utérine, dont l’épithélium disparait. Ils végètent 


(1) Sur les organes sexuels et sur les produits de la génération des poules 
‘dont on a suspendu la ponte en fermant l'oviductus (Mémoires du Muséum 
d'Histoire naturelle, IX, 1, 1822). 

-(2) 4° Comptes rendus de la Société de Biologie, 12 mars 1887; 2 juillet 1887; 
6 octobre 1888; 3 novembre 1888; 25 oclobre 1890; 8 novembre 1890; 13 dé- 


cembre 1890. 
20 Journal de anatomie et de la physiologie, 1889, 1890, 1891, et 1892, 


SÉANCE DU 9 JUILLET 641 


et forment des saillies rappelant les papilles dermiques et pénètrent dans 
le chorion de la muqueuse, dont les éléments disparaissent par résorp- 
tion. Arrivées au contact des vaisseaux maternels, les traînées épithé- 
liales de l'embryon s'étendent le long de la paroi vasculaire maternelle, 
qu'elles débordent et entourent. Les cellules endothéliales du vaisseau 
maternel s’atrophient et disparaissent, de telle façon que le sang de la 
mère n’est plus circonscrit que par les cellules épithéliales de l'embryon. 

Il ya donc dilatation des vaisseaux utérins et endiguement du sang 
maternel par les édifications fœtales. Le sang maternel s’épanche dans 
les canaux établis par le fœtus. 

Tel est le mode suivant lequel se fait l’'épanchement du sang maternel 
chez le lapin, « c’est une hémorragie utérine circonserite et enkystée par 
un tissu fœtal ». 

Le développement du placenta rappelle davantage encore, chez la sou- 
ris et le rat, ce qu’on observe pendant le rut des carnivores; les capil- 
laires utérins ou sinus sanguins viennent s'ouvrir dans un diverticule 
de la cavité utérine où est logé l'œuf, et le sang se répand autour de ce 
dernier : il y a une véritable hémorragie diffuse. 

C’est par un phénomène secondaire que les bourgeons épithéliaux de 
l’embryon viennent circonscrire et enkyster le sang maternel. 

Si nous rapprochons ces faits les uns des autres, nous voyons qu’au 
moment où la vésicule ovarienne arrive à la maturité, la muqueuse uté- 
rine se prépare aux phénomènes qui marquent la formation de la cadu- 
que de la grossesse. Klle s’hypertrophie, ses vaisseaux se dilatent énor- 
mément : déjà, à cette époque, les parois vasculaires cèdent et laissent le 
sang s’épancher soit dans le chorion, soit dans la cavité utérine. Si l’ovule 
détaché n’est point fécondé, l’évolution de la muqueuse s’arrête et elle 
revient au repos, c’est-à-dire à l’état où elle se trouvait avant l’ovulation. 

S'il y a fécondation, au contraire, l'hypertrophie de la muqueuse et la 
dilatation des vaisseaux continuent et aboutissent au développement des 
lacunes sangui-maternelles, qui sont circonscrites par les tissus de l’em- 
bryon et où le sang suit des voies régulières et bien délimitées. 

A ne considérer que les manifestations utérines, le rut des femelles de 
mammifères ou la menstruation de la femme se réduit donc à l’une des 
phases évolutives de la muqueuse utérine. Par un phénomène sympa- 
thique manifeste, la muqueuse de la matrice s’hypertrophie, se conges- 
tionne et devient le siège d’extravasations sanguines, corrélatives de 
l’ovulation. 

Qu'il y ait fécondation ou non, les capillaires utérins se dilatent, et, 
chez certains animaux, se rompent. Si l’ovule est fécondé, et reste dans 
la matrice, la dilatation des vaisseaux et l'hypertrophie de la muqueuse 
utérine se prononcent et s’accentuent davantage : il se forme ainsi des 
sinus sanguins amenant à l'embryon les principes nutritifs et respiratoires. 

Les modifications utérines du rut ou de la menstruation constituent 


6492 SOCIÉTÉ DE: BIOLOGIE: 


donc la première étape de l'histoire de la muqueuse utérine à l’époque 
de l'ovulation. Dès lors, la poussée sanguine aboutit à des dilatations, et, 
chez certains animaux, à des ruptures vasculaires. La source grossit, 
déborde et inonde d’une façon diffuse les éléments de la muqueuse. S'il 
y a fécondation, les digues cellulaires qu'élève l'embryon viennent régu- 
lariser Les voies où s’est épanché le sang maternelet dans lesquelles il cir- 
culera pendant tout le temps de la gestation. 

En résumé, la muqueuse utérine sort de l’état de repos au début du 
rut ; l'ovulation y provoque des modifications qui sont le premier stade 
de son état fonctionnel; le dernier stade, qui n’est que la continuation 
du précédent, est représenté par la muqueuse de plus en plus hypertro- 
phiée sous l'influence de la gestation. Autrement dit, l’évolution de la 
muqueuse est complète, s’il y a fécondation et gestation ; elle est incom=. 
plèteet plus rapide, quand la fécondation ne suit pas l’ovulation. 

Le sang de la menstruation est donc comparable à une source qui 
grossit et coule librement. Si la fécondation se produit, la source grossit 
davantage, et ainsi que l’a prouvé M. M. Duval, elle est captée et endiguée 
par les cellules de l'œuf, qui donnent naissance au placenta. 


APHASIE PAR DESHYDRÉMIE CÉRÉBRALE, 


par M. Caouprpez, 


Les faits signalés dans la dernière séance par MM. Brown-Séquard et 
Chäauveau, relativement aux phénomènes qui peuvent se produire dans 
certains cas, à la suite de modifications dans la circulalion cérébrale, 
m'ont remis en mémoire une observation clinique quipeut présenter, avec 
eux, quelques rapports, tout au moins en ce qui concerne la pathogénie 
des phénomènes constatés. 

Voici ce fait sans commentaires ; 

Un homme fut trouvé étendu sur la voie publique; il uma dormir. 
Avec assez de peine, on le tira de l’engourdissement dans lequel il était 
plongé et il put, soutenu par deux personnnes, pagnepit une pharmacie, 
distante d'environ deux cents mètres. 

Arrivé là, il s’affaissa sur un siège. Il semblait très affaibli, mais son 
intelligence paraissait intacte. Aux questions qu’onlui posait, il répondait 
en faisant des signes négatifs et en portant sa main à sa bouche. Pour 
toutes les personnes qui l’entouraient, c'était un muet, Cependant je 
remarquai qu'il tournait la tête au moindre bruit, que ses yeux s'animaient 
à une certaines questions; il entendait donc, mais il ne pouvait pas parler; 
c'était un aphasique compiet: Comme cet homme ne-présentait pas trace 


SÉANCE DU 9 JUILLET 643 


d'hémiplégie, je me trouvais réduit à des suppositions sans fondement, 
quand il me tira lui-mème d'embarras (1). 

- Voyant qu'il ne pouvait se faire comprendre, il sortit un papier de sa 
poche et me le tendit, c’était un billet constatant qu'il avait quitté la 
veille l'hôpital Saint-Antoine. Sur ce billet était écrit le diagnostic suivant: 
polyurie simple. Ge fut en quelque sorte un trait de lumière; cet homme 
ne serait-il pas aphasique parce qu'il était deshydraté ? 

Je lui fis donner de l’eau; ilen absorba 2 litres immédiatement et, au 
bout de dix à douze minutes, il nous fil le récit suivant, d’une voix faible, 
mais nette et sans aucune hésitation : 

Sorti de l'hôpital sans ressources, il était allé à Courbevoie à pied pour 
chercher de l'ouvrage; il n’en avait pas trouvé. Sans manger, après avoir 
but uniquement un ou deux verres d’eau, il reprit le chemin de Paris. Il 
dut faire la route fort lentement étant très affaibli et tourmenté par une 
soif extrême, qu'il ne trouva pas moven de satisfaire; ceci se passait la 
nuit. Il arriva ainsi jusqu’à la place de l'Étoile, où, s'étant assis pour se 
reposer, il tomba dans la stupeur dont des passants l'avaient tiré au bout 
de plusieurs heures. - 

Le malade ayant bu de nouveau et repris un peu de forces, je le fis 
conduire à l'hôpital Beaujon. Diverses circonstances m'empéchèrent 
d'aller l’y voir et de pousser plus loin mon observation. 


LES POISONS ANTAGONISTES ET LA CALORIFICATION, 


par MM. J.-P. Morar et MAURICE Doyon. 


L'atropine et la pilocarpine sont considérées comme types de subs- 
tances antagonistes. Aux exemples primitivement connus de cet anlago- 
nisme réciproque dit encore reversible ou bilatéral, l’un de nous a ajouté 
quelques exemples nouveaux analogues aux précédents (Lyon médical, 
1882-1883). La présente note en en signalant un nouvel exemple relatif à 
l’action de ces substances sur la FRIORIÉERID A nous parait propre à mon- 
trer la généralité du phénomène. 

Les expériences ont été faites sur le chien et sur Le lapin. Les effets s’y 
montrent de même sens d'une manière générale avec quelques différences 
toutefois Les modifications imprimées à la température centrale soit par 


(1) Je ferai remarquer que cette observation a été recueillie en 1881 et que, 
par conséquent, toute interprétation attribuant le mutisme à une cause psy- 
chique était alors impossible. :: 


644 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


l'un soit par l’autre agent, sont exprimées graphiquement dans les deux 
tableaux ci-après : les constatations étaient faites toutes les dix, toutes 
les quinze ou toutes les trente minutes suivant les cas, ainsi que l’indi- 
quent les nombres placés en haut et au début de chaque tracé. On y voit 
clairement que l'atropine élève la température centrale tandis que la pilo- 
carpine l'abaisse. 

Le fait de l'élévation avec l’atropine était connu; les physiologistes 
l’ont noté à plusieurs reprises (Schiff, Richet, ete.), les cliniciens l'avaient 


Tableau 1 


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Expériences sur le chien. 


Premier tracé : 5 centigrammes d’atropine en injection dans la plèvre. — Deuxième 
tracé : 10 centigrammes de pilocarpine dans la plèvre. 


également noté dans les cas d'empoisonnement par la Déladone ou par 
son alcaloïde. L'action hypothermisante de la pilocurpine est moins 
connue: nous voulons d’ailleurs surtout APE l'attention sur l’effet an- 
tagonisie des deux substances. 

Après avoir exprimé ainsi le sens général des phénomènes, il faut indi- 
quer quelques particularités : 4° la déséquilibration du mécanisme régu- 
lateur de la température est surtout bien accusée au début de l’action du 
poison, mais bientôt l'effet tend à s’atténuer : néanmoins il peut en rester 
quelque chose pendant plusieurs jours; ceci est surtout bien net chez le 


Ce 


Tableau 1! 


SÉANCE DU 9 JUILLET 645 


ns RS ES 
HU ae 

| 
bEde 
ls 
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JA 
Ü + 


&0 


Expérienc?s sur le lapin. 


Premier tracé : 9 centigrammes de pilocarpine dans le péritoine; apparition du 
sucre dans l'urine. Mort. — Deuxième tracé : 1 centigramme de pilocarpine dans la 
veine auriculaire. — Troisième tracé : 4 centigrammes de pilocarpine dans le tissu 


cellulaire du dos. Mort. — Quatrième tracé : 1 centigramme de pilocarpine dans la 
veine auriculaire. 


646 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


lapin avec l’atropine; chez le chien, le retour à l’état normal est beaucoup 
plus prompt; 2° la montée ou la descente ne se fait pas d’une façon abso- 
lument uniforme, mais souvent avec oscillations; le quatrième tracé du 
tableau II, est un type qui revient souvent et exprime bien l'effet de l’a- 
tropine sur la température centrale ; 3° point important, l’atropine à dose 
élevée (à partir de 6 à 10 centigrammes chez le chien), amène non plus 
une élévation mais une baisse de la température et c’est encore là une 
observation qui a été faite également par les cliniciens ; 4° il ne paraît 
pas s'établir de tolérance ou d’accoutumance comme pour la morphine; 
car sur le même animal les effets étant une fois disparus, on les fait 
renaître avec une dose de poison sensiblement égale à celle qui les avait 
produits; 5° la toxicité de l’atropine est extraordinairement faible; celle 
de la pilocarpine est considérablement plus élevée bien que les effets 
visibles produits par cette substance n'apparaissent oräinairement 
qu'avec des doses moindres que celles nécessaires à l'apparition des effets 
inverses dus à l’atropine. 

Par quel mécanisme se produit dans l’un et l'autre cas la dérégulation 
de la température? La réponse à cette question ne saurait être simple, 
parce que la fixité de la température dépend elle-même des conditions 
assez nombreuses quiindividuellement peuvent être influencées par les deux 
poisons en question. Leur action dans tous les cas reste confinée dans 
le système nerveux, mais au point de vue de la calorification, le système 
nerveux est double; une partie règle la déperdition de la chaleur (vaso- 
moteurs), une autre partie règle sa production (nerfs moteurs proprement 
dits, nerfs thermiques si l’on veut). Le premier de ces deux systèmes n’est 
pas seul atteint, le second l'est certainement aussi dans quelqu’une de 
ses régions. Cette facon de voir peut dans tous les cas s'appuyer sur les 
faits suivants. 

Dans l’intoxication par l’atropine, on constate de l’agitation, du délire 
une grande tendance au mouvement (convulsions chez les enfants); l’ani- 
mal est vif, éveillé, sensible au bruit. Avec la pilocarpine, c’est l'effet 
inverse ; l'animal est immobile, morne, torpide. 

Ces observations sont à rapprocher du fait signalé antérieurement par 
l’un de nous que la pilocarpine relève la proportion de glycose contenue 
dans le sang, élévation qui peut même aller jusqu’à la glycosurie comme 
il est noté plus haut sur un des tracés, tandis que l’atropine abaisse cette 
proportion. Ce retentissement sur la fonction glycogénique peut tenir 
dans le premier cas à une consommation moindre et dans le second à 
une consommation plus grande de sucre du sang par les muscles, d'où 
abaissement de la température dans un cas et élévation dans l’autre. 


ss 


SÉANCE DÜ 9 JUILLET 647 


RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR. LES VARIATIONS. CORRÉLATIVES DE L'IN- 
TENSITÉ DE LA THERMOGENÈSE ET DES ÉCHANGES RESPIRATOIRES, 


par M. Lauranié. 


UT. — /nfluence de l'inanition.. 


Les changements apportés par l’inanition dans la production de la 
chaleur et l'intensité du chimisme respiratoire n’ont pas, contrairement 
aux présomption que pouvait suggérer le sujet, une direction exclusive 
et constante. 

La diversité des résultats qu’elle entraîne contraste de la manière la 


_plus inattendue avec la puissance et l’uniformité probable de ses effets. 


Mais il faut compter avec la diversité des conditions intérieures offertes 
par les sujets d'expériences et dont l’état primaire pèse sans doute d’un 
poids considérable sur le sens des phénomènes nutritifs liés à l’inanition. 

La question présente ainsi deux aspects et comporte deux phases : 
1° déterminer les divers changements apportés par l'inanition dans les 
rapports de la calorification et du chimisme respiratoire ; 2° fixer les 
conditions préalables qui décident de la direction et de la forme de ces 
changements. 

Dans les précédentes recherches nous nous bornons au premier de ces 
points de vue. Elles embrassent neuf expériences portant sur un chien et 
huit lapins privés d’aliments solides mais ayant de l’eau à discrétion. 

Ces expériences ont chacune une durée moyenne de douze jours et ont 

réclamé plus de trois cents déterminations portant sur les valeurs quoti- 
diennes des coefficients respiratoires et du coefficient thermique. 
- Il résulte de l’ensemble de ces faits un certain nombre d'indications 
générales qui s’introduisent comme un préliminaire indispensable aux 
recherches plus approfondies que réclame Îa solution entière de Ja 
question. 

La direction des changements infligés par l’inanition à l'intensité de la 
calorification et de la respiration s'exprime par les courbes construites 
sur les valeurs réelles prises successivement par les trois coefficients et la 
forme de ces courbes contient la loi des changements survenus. 

Elles prennent par là même une valeur typique et peuvent être facile- 
ment désignées par la circonstance la plus saillante de leur forme. 

A cet égard, elles constituent trois types principaux : le type descen- 
dant, le type convexe et le type concave. 

Chacune de ces expressions contient tout un ordre de faits complexes 
qu’il serait malaisé d'introduire dans le langage autrement que par des 
dénominations synthétiques, 


648 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Le type descendant exprime une loi simple immédiatement saisissable 
dans le graphique n° 1 fourni par !e lapin n° 7, cet animal avait été rasé, 
et la tonte a eu pour effet de précipiter les effets de l'inanition. 


3 


Fc. 1, — Graphique de la marche des (rois coefficients chez un lapin rasé 
soumis à l'inanition. 


C.R.O, Coefficient respiratoire en oxygène; 
C.R. CO“, Coefficient respiratoire en CO*; 
C. Th., Coefficient thermique. 


Nota : Le centimètre représente 1,000 microcularies et 100 centimètres cubes.l 
À, Valeurs des coefficients à l’état normal; 
B, — — à la fin de l’inanition. 


Mis en abstinence le 8 ; mort le 16 avril. Poidsinitial, 2 kil. 250. Poids 
final, 4 kil. 400. 

Pendant l’inanition, les coefficients respiratoires et thermique tombent 
régulièrement aux valeurs extrêmes indiquées ci-après. ( 


Cor - 


SÉANCE DU 9 JUILLET 649 


L'inanition a donc ici des effets très simples. Les trois coefficients des- 
cendent avec une vitesse inégale et à ce point de vue ils se placent dans 
l’ordre décroissant suivant : coefficient respiratoire en Co’, coefficient 
respiraloire en oxygène, coefficient thermique. 

Ils obéissent dans leur chute à une loi simple qu’on pourrait appeler la 


TABLEAU N° À 


ÉTAT A LA FIN | MOYENNE 
. NORMAL de de 
animal rasé | L'INANITION | L’INANITION 


a 


| 
Resp'en oxygène. 0! 926 01716 0 786 


Coelierent SR tResp ren to PEL. EEE 0 918 0 500 0 617 
Thermique-£e 4 Je > 191 4 183 4 634 

ni 
Mu ESS Re OROD TE MONS 0 785 
Quotients. .4 Thermique de l'oxygène. 3181800 NE 00 4 137 
| Thermique du carb. . . .| 10 446 15 608 14 030 


La consommation de l'oxygène tombe de 41 à 01771 
La production de Co? ... . . . . . de 41 à 0 544 


La thermogenèse . . . . . . des rar 0805 


loi d’inégale vitesse en faisant entrer dans l'expression l’ordre des vitesses 
propres à chacun des coefficients. 

La chute inégale des trois coefficients amène dans les trois quotients 
des changements corrélatifs qui ressortent des valeurs consignées au 
tableau précédent. 

Ces valeurs traduisent : 1° l’abaissement bien connu du quotient respi- 
raloire ; 2° l'accroissement inégal des deux quotients thermiques. Cette 
dernière inégalité se rattache précisément à la diminution du quotient 
respiratoire. 

Dans le cas particulier de cette expérience qui porte sur un animal 
rasé, l'accroissement des quotients thermiques contient un intérêt spécial. 
Nous avons montré dans un précédent travail que la tonte a pour effet 
de diminuer la valeur de ces rapports; aussi sont-ils très faibles au début 
dans la présente expérience quoiquel’animal fût rasé depuis plus d’un mois. 

Mais l’inanition les relève dans la mesure qui lui est propre et la com- 
pensalion est telle qu'ils se fixent à une valeur très voisine de celle qui 


26. 


650: SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Le 


z = rte Er RE 


caractérise l’état normal ‘en fonction du régime azoté (consulter surtout 
les chiffres de la dernière colonne dans le tableau n°1, qui contient les or 
tats moyens de l'inanition.) 

Ainsi sous l'influence de. ces deux nuits antagonistes, la tonte et 
l'inanition, on impose aux quotients thermiques des changements de sens 
inverses qui se compensent et les rapprochent des valeurs caractéristiques 
du régime carnivore. 

Il y a, dans cette neutralisation réciproque des deux influences que nous 
avons étudiées, une circonstance qui nous semble de nature à confirmer 
les lois que nous posons sur leurs effets isolés. Si ces lois résultaient d'une 


TABLEAU N° 9 


— 


Thermique . 


Resp. en oxyg. 


Resp. en CO? . 


2 HEURES 


après 
LE REPAS 


3 HEURES 
après 


: LE REPAS 


11065 
0 836 


24 HEURES| MOYENNE 
après de 


LE REPAS L'INANITION 


0! 805 0! 664 


0 636 0 510. 


4 716 4 320 


6 334 


| 
Coefficients, . 
| 


pes fa toSEe 0 784 


‘Quotients. Therm. de l’ox. 4 167 


Therm. du car. : 143 887 


erreur de méthode dans la détenir des faits, l'erreur produirait des 
résultats du. même sens. 

Le lapin n° | rentre également dans le type descendant. 

Privé de tout aliment solide à partir du 27 décembre l'animal est mort 
le 8 janvier après avoir perdu seulement 30 p: 100 de son poids initial et 
s'être refroidi de un degré. Ces chiffres autorisent à présumer quel’inanition 
n’avait pas épuisé tous ses effets et que la mort du sujet a été prématurée. 

Quoi qu’il en soit, les résuitats ont une grande netteté et une très grande 
simplicité. Nous les indiquons dans le tableau ci-dessus (n° 2) et pour 
ne pas multiplier les chiffres nous résumons dans la dernière colonne de 
ce tableau la moyenne des valeurs prises par chaque coefficient et par 
chaque quotient pendant la durée de l’abstinence. 

La simplification est ici d'autant plus légitime que l'inanition a eu pour 
effet, chez notre animal, d’abaisser brusquement les trois coefficients à 
une valeur qui n’a subi que des fluctuations sans importance. 


SÉANCE : DU: 9 JUILLET 651 


:: Le graphique n° 2 rend très sensibles les changements ci-dessus. Or, ïl 
‘est immédiatement évident qu’ils sont dominés par la loi simple de l’iné- 
gale vitesse et que l’inanition a encore ici, moins d'influence sur la ther- 
mogenèse que sur les échanges HE 


biais su cé dr nn 


PTE 


A DPMENE RE | | £ 


-Fie. 2. — Graphique des valeurs prises chez un chien par les trois coefficients. 


Sous l'influence de l'alimentation (ordonnée B) d'un jeûne de vingt-quatre heures 
(ordonnées A et C) et de l’inanition (de D à E). 


- En passant de l’ordonnée B ou G à l’ordonnée D, on constate en effet 
-que la courbe de la thermogenèse s'incline moins vite que les deux 
‘autres. Par corrélation les quotients thermiques de l’inanition sont plus 
forts que les quotients normaux. 5 
: Mais l'écart qui se produit sur ce chien entre la thermogenèse et la 
respiration est moins grave que celui que nous donne toujours le lapin-et 


652 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


il n’a pas fallu moins que l'inanition proprement dite pour altérer le 
rapport des coefficients. Ce rapport n’a pas été modifié par un jeûne de 
vingt-quatre heures. 

En se rapportant aux colonnes 4, 2 et 3, on nou que tous les quotients 
demeurent immuables en dépit de fluctuations que subissent les coeffi- 
cients sous l'influence alternante de l'alimentation et du jeüne. C’est que 
ces fluctuations restent proportionnelles, et on voit par le graphique que 
les courbes sont parallèles de A en C tant que le jeùne reste limité à une 
courte période. La divergence ne s’introduit probablement qu’à partir du 
moment où les réserves alimentaires sont épuisées. 

La fixité des quotients thermiques est donc relative à une condition 
très précaire et d’ailleurs sur un autre chien nous les avons vus s’altérer 
déjà vingt-quatre heures après le repas. 

Ainsi il est une catégorie de faits dans lesquels l’inanition se borne à 
exercer une influence dépressive sur les caractéristiques biologiques avec 
cette circonstance que la chute qu'elle leur inflige obéit à la loi de l’iné- 
gale vitesse et produit l'accroissement des quotients thermiques. 

Mais nous avons laissé pressentir que les faits n’ont pas toujours cette 
simplicité et qu'il y a lieu de les ramener à deux autres types fondés 
comme le premier (type descendant) sur la forme particulière des courbes 


.. qui en expriment le développement. 


Le type convexe nous a semblé assez fréquent, il est fourni par les 
animaux chez lesquels l’inanition semble éveiller dans les premiers jours 
un mouvement d'excitation plus ou moins durable. 

Nous l'avons trouvé deux fois chez les lapins n°“ 5 et 6, et nous pren- 
drons pour exemple le premier de ces animaux. 

Pour ne pas surcharger ce travail d’un trop grand nombre de chiffres, 
nous nous bornerons à présenter un graphique (voir fig. 3) construit sur 
les valeurs moyennes prises par les coefficients dans quatre périodes suc- 
cessives. 

On voit que l’inanition provoque immédiatement une élévation simul- 
tanée de la thermogenèse et de la consommation d'oxygène. 

Ce mouvement se poursuit durant une période de 6 jours après laquelle 
les deux courbes s’infléchissent enfin vers l’abcisse et tombent en obéis- 
sant à la loi de l’inégale vitesse qui domine entièrement le type descen- 
dant. 

Par contre, la production de CO diminue dès les premiers instants et 
poursuit régulièrement sa chute pendant toute la durée de l’abstinence. 

Les variations corrélatives des quotients sont faciles à prévoir : le quo- 
tient respiratoire s'éloigne de l'unité pendant la première période et s’en 
rapproche dans la deuxième. 

Les quotients thermiques s'élèvent lentement dans la première période 
et rapidement dans la seconde au-dessus de leur valeur normale. 


SÉANCE DU 9 JUILLET 653 


En somme, la loi de l’inégale vitesse qui caractérise le type descendant 
n'intervient ici que dans la deuxième période de l’inanition. 

Dans la première période, la production de CO‘ subit seule l’abaisse- 
ment qui semble être sa loi inévitable tandis que la thermogenèse et la 
consommation de l'oxygène sont entrainées dans un mouvement ascen- 
sionnel. 

Le type concave nous a été fourni par L lapins 3, 4 et 8. 

Le graphique n° 4 a été construit sur les valeurs réelles prises tous les 
jours par les coefficients du lapin n° 4 sous l'influence croissante de l’ina- 
nition qui a duré 9 jours. 


Fic. 3. — Graphique indiquant la marche des échanges respiratoires et de la 
thermogenèse chez un lapin soumis à l’inanition. 
A, valeurs de l’état normal; 


_ B, Moyennes de la première période; — C, Moyennes de la deuxième période; 
D, ns troisième période; —E, — : quatrième période. 


On y voit que la chute des coefficients commence dès les premiers mo- 
ments de l’inanition et que pendant une très longue période elle est do- 
minée par la loi de l’inégale vitesse amenant l’abaissement progressif du 
quotient respiratoire et l’accroissement des deux quotients thermiques, 
mais la marche des faits jusque-là très régulière est troublée tout à coup 
par l’intervention d’une condition cachée. Dans les trois derniers jours 
les coefficients respiratoires se relèvent brusquement et se rapprochent 
l’un de l’autre, tout en restant, il est ét au-dessous de leur valeur 
normale. 

Cependant la thermogenèse poursuit Hi sa chute, et dès lors les 
quotients thermiques subissent une forte dépression qui coïncide, on l'a 


654 ‘SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


déjà remarqué sans doute, avec le relèvement du quotient respiratoire. 
C'est d’ailleurs une loi constante que les variations des quotients ther- 
miques produites en fonction de l'inanition: sont inverses des Te 
du quotient respiratoire. ASE 
- Il convient de remarquer avant de terminer que les Hubthations. atta- 
chées aux derniers types ne troublent pas le sens général du résultat. 
Examiné dans sa somme ou dans s4 moyenne, l'effet définitif se ramène 


À | ess mi a 


Fi. 4. — Graphique des valeurs prises par les coefficients respiratoires et 
thermique d’un lapin sous l'influence de l'inanition. 


A, Valeurs de l'état normal. 
De À en B, chute inégale des trois coefficients pendant la première > période: de 
B en C, ia des coefficients respiratoires dans la deuxième période, 


à celui du type descendant et au total la production de la chaleur 
réclame, encore, moins de frais d'oxygène et de carbone: 


Chr, — L’inanition. détermine un abaissement disproportionné 
-de la thermogenèse et de la respiration. 

Au point de vue de la vitesse de leur chute, les coefficients. se placent 
dans l’ordre décroissant suivant: | 

1° Le coefficient DUREE, qui, en moyenne, subit. une réduction 
ide A/5%biniGo up AOïe48: 0) : 2onMiiinl elasionp 


SÉANCE DU 9 JUILLET 659 


2 Le coefficient respiratoire en oxygène, qui tombe au quart de sa 
valeur première. 

3° Le coefficient respiratoire en acide carbonique, qui est réduit 
de 1/3 (1). 

Ces changements entraïinent des variations corrélatives et inverses 
dans le quotient respiratoire, qui est diminué, et dans les quotients ther- 
miques, qui sont augmentés. 

Le quotient thermique de l’oxygène s'élève en moyenne des 0,15 et 
celui du carbone des 0,95 de sa valeur normale. 

La production économique de la chaleur qui résulle ainsi de l’inani- 
tion entraine cette conséquence, que les réactions attachées au chimisme 
respiratoire sont plus thermogènes que les réactions accoutumées. 

L'expression graphique des faits ci-dessus revêt des formes variables 
caractéristiques d'autant de types. 

Dans le type descendant, les trois courbes de la respiration et de la 
thermogenèse s’inclinent simultanément vers l’abcisse avec la vitesse qui 
leur est propre et que nous indiquons plus haut. Ce type est dominé par 
une loi particulière soujours présente, la loi de l’inégale vitesse. 

Il contient l'expression absolument pure et absolument simple des 
effets de l’inanition. 

Dans le type convexe, la loi de l’inégale vitesse n'intervient que dans la 
deuxième période de l'inanition. 

Pendant la première période, la consommation de l'oxygène et la pro- 
duction de la chaleur s'élèvent au-dessus de la normale. 

Le type concave est caractérisé par le relèvement final des courbes 
respiratoires. 

Les dérogations qui dans ces deux derniers types semblent venir 
démentir la loi de l'inégale vitesse attachée au premier, sont d’ailleurs 
partielles et laissent subsister en somme l'effet le plus saillant de l’inani- 
tion, savoir, la production économique de la chaleur. 

Ces préliminaires nous font connaître les directions variables des chan- 
gements que l’inanition fait subir à la thermogenèse et aux échanges res- 
piratoires. 

Il suscitent ce nouveau problème expérimental : fixer les conditions 
prochaines qui donnent aux phénomènes leurs formes variables et en 
contiennent la raison physiologique. 


(1) Nous tirons ces proportions du dépouillement de toutes les détermina- 
tions que nous avons dû faire et qui dépassent le chiffre de 300. 


Le Gérant : G. MASsoN. 


Paris. — Typographie Gaston NÉE, 1, rue Cassette. 


don ao qe nan comte dns detente ent 


nier planet pee unie 


657 


SÉANCE DU 16 JUILLET 1892 


M. J. Luys : De la visibilité, par les sujets en état hypnotique, des effluves dégagés 
par les êtres vivants. — M. E. Douxer : À propos de la communication de M. De- 
bierre relative à de nouvelles photographies stéréoscopiques de pièces anatomi- 
ques. — MM. Paul Boca et Marmesco : Sur un système tubulaire spécial des 
nerfs. — M. C.-W. Srires : Notes sur les parasites. — M. E. Gzey : Des troubles 
tardifs, consécutifs à la thyroïdectomie chez le lapin. — MM. E. BararzcoN et 
E. Couvreur : La fonction glycogénique chez le ver à soie pendant la métamor- 
phose. — M. W.-M. Harrkine : Le choléra asiatique chez le lapin et le pigeon. — 
MM. Arxaup et CHarriN : Sulfate de cinchonamine. — M. I. Bruuz : Note sur la 
vaccination du lapin contre le vibrio avicide (Gamaleïa) et sur l’action curative du 
sérum de lapin immunisé contre l'infection par le vibrio avicide. — M. FERNAND 
LATASTE : À propos d’une note de M. le D' Hénocque intitulée : « Des caractères 
de l'aptitude du cobaye mäle à la reproduction. » 


Présidence de M. Laveran. 


CORRESPONDANCE IMPRIMÉE. 


M. DAsTRE transmet à la Société, au nom de M. SieMunp EXNER 
(de Vienne), les bien vifs remerciements du Comité constitué à Vienne 
pour l'érection d’un monument à la mémoire de Von Brücke. Ces remer- 
ciements sont motivés par l'envoi d'une somme de 200 francs comme 
souscription collective de la Société de Biologie à ce monument. 


DE LA VISIBILITÉ, PAR LES SUJETS EN ÉTAT HYPNOTIQUE, 
DES EFFLUVES DÉGAGÉS PAR LES ÊTRES VIVANTS, 


par M. J. Luys. 


Non seulement les sujets hypnotisés ont la propriété de voir les 
effluves magnéto-électriques qui se dégagent des appareils de physique 
(ainsi que je l’ai exposé dans une précédente séance), mais encore ils peu- 
vent être adaptés, en raison de cette curieuse propriété, à faire reconnaître 
les effluves qui se dégagent des yeux, des oreilles, des narines, des lèvres 
des êtres vivants — à les distinguer, celles du côté droit et celles du côté 
gauche— en mettant la coloration bleue à gauche et rouge à droite. C’est 
ainsi qu’ils arrivent à distinguer dans le corps humain et chez les ani- 
maux une moitié qui répond au pôle nord et une autré moitié qui répond 
au pôle sud d’un barreau aimanté ou d’un appareil magnéto-électrique. 
Les recherches précédentes de Dècle sur la polarité humaine différente 
du côté gauche et du côté droit, se trouvent ainsi directement confirmées. 

Le sujet hypnotisé dont les yeux ont été préparés et vérifiés à l’aide de 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9° SÉRIE. T, IV. 27 


658: SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


l'examen ophtalmoscopique dont nous avons parlé, peut donc être em- 
ployé comme un véritable réactif vivant pour reconnaitre les différences de 
coloration des effluves du côté gauche et ceux du côté droit. Chez l’homme 
sain, bien portant, les effluves irradiés de l’œil et des organes des sens du 
côté gauche, se révèlent par une coloration bleue très intense — ceux du 
côté droit par une coloration rouge carminée. L’intensité des effluves émis 
semble indiquer le maximum d'énergie des forces nerveuses — en effet : 

Chez les hémiplégiques, les effluves irradiés de l'œil du côté paralysé 
sont très affaiblis. 

.Chez les tabétiques chroniques, très notablement affaiblis, l'intensité 
des effluves est très amoindrie des deux côtés. 

Chez les névropathiques et surtout chez les hystériques des deux sexes, 
la coloration rouge des effluves de l'œil droit passe au violet; c’est là un 
caractère diagnostic qui dans certains cas m'a permis de dépister des 
états d’hystérie latente, les yeux de ces sujets paraissent incapables de 
monter jusqu’à pouvoir former de la couleur rouge. Les effluves des 
oreilles, des narines et des lèvres persistent dans leur coloration rouge. 

J'ai pu à ce propos faire une heureuse application des couronnes 
aimantées et rétablir ainsi les effluves rouges chez les sujets ayant des 
effluves violettes. Je place en effet une couronne aimantée sur la tête du 
sujet ; dans ces conditions, le pôle nord (bleu) étant appliqué sur le côté 
droit (violet) du sujet malade, comme s’il s’agissait de barreaux aimantés, 
les pôles de nom contraire s’attirent et les pôles de nom semblable se 
repoussent. J'ai pu vérifier ainsi sur l’être vivant, cette loi physique 
des actions des aimants et constater qu’au bout de quinze à vingt 
minutes, par l’action de cette couronne aimantée disposée en aimants 
contrariés, les rayons bleus de l’œil violet étaient répulsés et les rayons 
rouges, attirés ; si bien que dans certains cas, j'ai pu rétablir les effluves 
magnétiques dans leurs conditions physiologiques. (Je continue ces 
recherches au point de vue d’une application au traitement de l’hystérie.) 

Chez les sujets atteints de sclérose en plaques, de tremblements variés, 
les yeux du côté droit de ces sujets dégagent presque toujours des effluves 
de coloration jaune analogues à ceux dont nous venons de parler, qui 
apparaissent sur les bobines d’induction. 

Et ceci est encore un point très intéressant, qui rapproche l’étude des 
éffluves magnétiques des êtres vivants de celle des appareils magnéto- 
électriques, puisqu'elle nous fait voir une modalité spéciale de la force 
électro-magnétique qui se révèle de part et d'autre par une coloration 
jaunâtre (4). 


(1) Les sujets hypnotisés sont encore aptes à révéler les troubles des milieux 
de l’œil dont ils font l'examen. C’est ainsi que dans certains cas d’'amaurose, 
de glaucome, de cataracte, les sujets révèlent des modifications spéciales 
dans l’état des yeux soumis à leur examen. 


SÉANCE DU 46 JUILLET 659 


Ces nouvelles études appliquées au domaine de la pathologie mentale 
m'ont permis de constater des faits intéressants, dont je ferai ultérieure- 
ment communication. | 

 J'ajouterai encore que j'ai poursuivi mes recherches sur différents 
types du règne animal, et, chez les chevaux, les cochons d'Inde, les chiens, 
les chats, les oiseaux, les poissons, j'ai constaté, pareïillement, que du 
côté gauche ils émettaient des effluves bleus, et qu'ils ont, du côté 
droit, des effluves rouges. Ces détails ont été très nettement indiqués 
par le sujet hypnotisé sans la moindre hésitation. 


J'ajouterai encore que dans une nouvelle série d’expériences, ces 
effluves magnétiques disparaissent avec la vie, et s'éteignent d’une facon 
progressive, 

Ainsi sur quatre cadavres examinés à ce point de vue spécial à la 
salle d’autopsie, j ai constaté que chez deux d’entre eux, signalés morts 
depuis vingt-quatre heures, les. effluves faisaient complètement défaut, 
et que chez deux autres, ils étaient encore apparents sous forme de 
petites lueurs bleues ou rouges. 

Je publierai plus tard de nouveaux détails sur cet intéressant sujet. 


À PROPOS DE LA COMMUNICATION DE M. DEBIERRE RELATIVE 
A DE NOUVELLES PHOTOGRAPHIES STÉRÉOSCOPIQUES DE PIÈCES ANATOMIQUES, 


par M. E. Doumer, 


Agrégé de physique à la Faculté de médecine de Lille. 


J'ai eu connaissance, par les Comptes rendus de la Société de Biologie 
du 1° juillet 1892, d'une note de M. Debierre relatant la présentation 
d'une nouvelle série de photographies stéréoscopiques de pièces anato- 
miques. Dans cette note je voudrais relever les passages que voici : 

1° «Je dis nouvelle série, puisque mon maître, M. Mathias Duval, a 
bien voulu me faire l'honneur d’en présenter à la Société une première 
série il y a quelques mois. » 

Pour tout lecteur non informé, M. Debierre semble évidemment faire 
allusion ici à un travail signé de lui seul. Or, cette « première série », que 
M. le professeur Mathias Duval a bien voulu en effet présenter à la 
Société, constitue l’Album stéréoscopique des centres nerveux, que 
M. Debierre et moi nous avons publié sous notre double signature chez 
M. Alcan. J'aurais pu croire à un lapsus de la part de M. Debierre si je 
ne lisais dans le même alinéa la phrase suivante : 

2° « Je demande la permission de vous présenter une nouvelle série de 
vues stéréoscopiques » ; et plus loin, « si je présente cette nouvelle série, 


660 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


c'est parce que je crois qu'elles sont beaucoup plus parfaites... etc... » 
Or, cette « nouvelle série » a été faite, comme la première, au moins en 
partie, avec ma collaboration. D'ailleurs, à supposer même que je n’eusse 
pris aucune part matérielle à la préparation de cette nouvelle série, il 
n'est pas d'usage, si je ne me trompe, de continuer seul, sans en prévenir 
son collaborateur et sans même le citer, la publication d’un travail fait 
en commun.d’ajoute que l’on comprendra mieux encore ma surprise 
lorsque j'aurai dit plus loin Les origines de cette collaboration. 
3° M. Debierre termine sa note, toujours sans prononcer mon nom, en 
faisant l'éloge de la photographie stéréoscopique, de ses avantages au 
point de vue de l'étude de l'anatomie, de la médecine légale, etc. 
Je suis ici d'autant plus d’accord avec M. Debierre, que c’est moi qui 
l'ai converti à la photographie stéréoscopique. Il est en effet de notoriété 
publique à Lille, que dès 1890 je préchais un peu partout l'utilité qu’il y 
aurait pour l’enseignement des sciences, à substituer aux planches et 
aux dessins des vues stéréoscopiques, et dès cette époque j'ai fait, comme 
démonstration dans divers services de Lille, et notamment dans celui 
de M. Folet, doyen de la Faculté de médecine, des vues stéréoscopiques 
de tumeurs, de déformations, etc. C’est ainsi que j’eus l’occasion de mon- 
trer à M. Debierre la photographie d'une malade affligée d’un enchon- 
drome énorme; et M. Debierre se montra si frappé de l’étonnant relief de 
cette vue, que je n’eus point de peine de le décider peu après d’entre- 
prendre la publication de toute une série de vues. 
Je sais bien que l'application de la stéréoscopie à l'étude de l’anatomie 
est une idée qui a dûù tenter déjà plus d'un observateur, et sur ce point 
d'application un débat de priorité m’eût certainement semblé chose 
vaine. Mais je ne pouvais assister sans protester à l’oubli systématique 
que M. Debierre fait de mon nom dans ses diverses communications (1). 
Je dois ajouter pourlant que dans un passage de sa note, M. Debierre 
fait peut-être une vague allusion à ma collaboration. C’est lorsqu'il dit : 
« La vue de ces nouvelles photographies convaincra les membres de la 
Société que nous avons fait des progrès, etc... » Mais ce « nous » tout 
seul, sans que mon nom ait été mentionné en quelque endroit de cette 
communication, ne pourra sembler suffisant à personne pour établir la 
part qui me revient dans ce travail. 


(4) M. Debierre a fait présenter en effet à l'Académie des sciences, toujours 
en son nom seul, cette nouvelle série de photographies qui sera soumise 
« à l'examen de la commission des prix de médecine et de chirurgie » (!). 
(Comptes rendus de l’Académie des sciences, séance du 30 mai 1892, p. 1253.) 


SÉANCE DU 16 JUILLET 661 


SUR UN SYSTÈME TUBULAIRE SPÉCIAL DES NERFS, 


par MM. Paul BLoco et G. MARINESCO. 


Au cours d'un examen nécroscopique que nous venons de pratiquer 
dans le service de M. le professeur Charcot, d'un cas de myopathie pri- 
mitive, de la forme Landouzy-Déjerine, qui nous a révélé du reste l’in- 
tégrité du système nerveux central et périphérique, nous avons observé 
que la coupe de certains nerfs présentait des figures spéciales. 

Sur des coupes transversales portant sur la totalité du nerf radial fixé 
par l’acide osmique, on remarque à l'œil nu, et mieux encore, à un 
faible grossissement, des aires qui tranchent par leur couleur claire sur 
le reste des faisceaux nerveux. 

Leur forme est irrégulièrement ovoïde ; elles sont situées sur une même 
partie de la périphérie des faisceaux nerveux, et regardent toules du 
même côté, tant par rapport à l'axe des fascicules qu’elles occupent, que par 
rapport à l'axe du nerf tout entier. Sur vingt-quatre fascicules que nous 
avons comptés dans la section transversale du nerf, elles se trouvent 
dans dix fascicuies. Dans chacun de ces fascicules, elle n’en occupent 
guère que la dixième partie. 

Parfois, il n'existe qu'une seule de ces aires claires dans un fascicule, 
parfois on en compte deux ou trois, soit réunies, soit séparées par quel- 
ques fiiets nerveux. ” 

Nous décrirons d’abord une de ces aires, choisie parmi celles qui pré- 
sentent l’apparence la plus caractéristique. Elles sont limitées, du côté de 
la périphérie du fascicule nerveux par une formation lamelleuse qui 
résulte de lhyperplasie de la couche profonde du périnèvre, et, du côté 
central, par le tissu intra-fasciculaire du fascicule nerveux. L'espace ainsi 
circonserit, qui forme l’ensemble du système, est occupé par des figures 
qui ressemblent à des sections de lubes coupés transversalement, et sont 
au nombre de deux ou trois : on peut, par suite, décrire à ces dernières 
figures, une paroi et un contenu. La paroi se compose de lames fibril- 
laires stratifiées, ressemblant aux gaines lamelleuses de Ranvier, dans 
l'intervalle des lamelles desquelles se trouvent parfois des ceilules plates. 
Le contenu est constitué par des éléments d'aspect cellulaire en nombre 
variable. Ceux-ci, qui peuvent atteindre jusqu'à 20 à 95 4, ont une forme 
généralement arrondie, limitée par un contour parfois simple, parfois 
double ou triple, et présentent dans leur intérieur des corps chromati- 
ques, qu'on prendrait, au premier abord, pour des noyaux, mais qui rap- 
pellent aussi l’aspect d’une coupe: de cylindre-axe. Entre la paroi de ces 
pseudo-cellules et leur substance chromatique, il n'existe aucune appa- 
rence protoplasmique. Souvent on trouve autour de cette substance chro- 
matique des granulations, mais ce sont des granulations de myéline. Par- 
fois, le contour de ces éléments se plisse de telle sorte que l'élément se 


662 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


trouve divisé en un certain nombre de loges, qui rayonnent autour du 
corps chromatique central. Il en résulte, alors, un aspect corolliforme. 
Il arrive aussi que la substance chromatique se dispose de telle façon 
qu’elle donne l'illusion d’un leucocyte polynucléé. 

D’autres de ces éléments présentent des formes un peu différentes, dans 
le détail desquels nous n’entrerons pas. 

Il est de ces aires ou de ces systèmes, qui offrent une apparence moins 
compliquée; ils sont constitués par un espace limité simplement par le 
périnèvre et l’endonèvre, et où se trouvent un ou deux des éléments que 
nous venons de décrire. 

Sur des coupes longitudinales, où les aires en question sont plus diffi- 
ciles à trouver, on les voit constituées par des tubes, parallèles à l’axe du 
nerf et qui s'étendent sur une longueur de 4 à 5 millimètres. Ces tubes 
ont des limites confuses, et on retrouve dans leur cavité les mêmes élé- 
ments. Toutefois, certains détails permettent de se rendre compte, jusqu’à 
un certain point, de la signification qu'ils paraissent avoir. On y voit, en 
effet, parfois des fibres nerveuses ou des fragments de fibres reconnais- 
sables à leur cylindre-axe, et aux granulations de myéline qui l’entourent, 
bien que ces fibres soient notablement modifiées. 

Nous avons recherché, si des formations analogues n'auraient pas été 
décrites par d’autres observateurs, et quelle interprétation leur aurait été 
alors attribuée. M. Renaut (1), dans son étude sur la structure des nerfs 
chez les solipèdes, décrit un tissu qu'il appelle système hyalinintra-vaginal, 
et, il est facile, d’après la description qu'il en donne, de se rendre compte 
que ce système est l’analogue de notresystème tubulaire. Cet auteur pense 
qu'il s’agit là d'un appareil de perfectionnement, dont le rôle par rapport 
au faisceau primitif, serait identique à celui que joue la myéline par rap- 
port au cylindre-axe. 

M. Rakhmaninoff (2) a rencontré, dans des cas de névrite, des formations 
particulières qui se rapportent évidemment aux systèmes en question. Il 
rappelle qu’il n’a trouvé de description les concernant que dans les tra- 
vaux d'Oppenheim et Siemerling (3), et que ces auteurs les considéraient 
comme des vaisseaux oblitérés, opinion que lui-même ne partage pas. Il 
croit qu'il s’agit de corpuscules à structure alvéolaire et qui n'apparai- 
traient que dans les cas de dégénération des nerfs. 


(4) J. Renaut. Recherches sur quelques points de l’histologie des nerfs. 
Archives de physiologie, 1881, p. 161. 

(2) Rakhmaninoff. Névrite périphérique. Revue de médecine, avril 1892, n° 4, 
p. 335. 

(3) Oppenheim et Siemerling. Beiträge zur Pathologie der Tabes dorsalis 


und der peripherischen Nervenkrankungen (Arch. f. Psychiatrie, 1887, X VIII, 
p. 98, 487). 


SÉANCE DU 16 JUILLET 663 


: Nous rapprocherons l’un de l’autre les travaux qui concernent, à notre 
avis, les mêmes systèmes, travaux de Langhans{(1), et de Kopp (2), son 
élève. Langhans, qui décrit ces formations avec beaucoup de soin, dit 
qu’elles ont été mentionnées par divers auteurs (Trzebinski, Schültze, 
Joffroy et Achard, Holschewnikoff, Rosenheim, Arnold, Stadelman et 
Nonne), dans des états pathologiques différents. Il est d'avis, et Kopp 
confirme cette manière de voir, que ces formations, qu’ils ont tous deux 
rencontrées, surtout dans le myxœdème pathologique où expérimental, 
dans le erétinisme, et dans le goitre, constituent des altérations spéci- 
fiques appartenant en propre à la cachexie strumiprive, et, ils se deman- 
dent, si des troubles de la thyroïde n'auraient pas existé dans les cas 
précités, où d’autres auteurs ont observé des formations de ce genre. 

Nous ne discuterons pas l'hypothèse que nous trouvons très vraisem- 
blable, qui a été formulée par M. Renaut sur ces systèmes, mais nous ne 
saurions adopter la dénomination de systèmes hyalins, proposée par cet 
observateur, car le qualificatif préjuge de la nature des éléments, et le 
mot hyalin prête à la confusion. 

Il ne nous paraît pas, non plus, qu’on puisse s’en tenir, à l'opinion de 
MM. Oppenheim et Siemerling, car les figures ne se rapportent nullement 
à celles que donneraient des vaisseaux oblitérés. 

Quant à la manière de voir de M. Rakhmaninoff, à savoir : qu'il s’agi- 
rait de l’hypertrophie pathologique du tissu conjonctif de consistance 
gélatineuse situé à la périphérie du nerf, elle ne s'accorde pas avec le fait 
que nous avons observé, et qui a trait à un nerf normal. 

La même considéralion, suffit à nous faire douter de la valeur spécifique 
attribuée par Langhans et Kopp aux « cellules vésiculeuses » dans le 
myxœdème. Nous avons vu des images tout à fait identiques à celles que 
ces auteurs représentent, et cependant, le nerf que nous examinions 
était normal, et de plus, la malade que nous avons observée pendant des 
années et Jusqu'à sa mort, n’a jamais présenté ni myxæœdème, ni goitre 
ni crétinisme. né 

Nous serions disposés, pour notre part, à admettre que la nature et la 
signification de ces formations est la suivante. 

L'étude histologique que nous avons poursuivie nous porte à croire que 
ces formations représentent des tubes nerveux profondément modifiés. 
Leur paroi lamelleuse ne serait autre qu’une gaine lamellaire modifiée ; 
les apparences nucléaires, qu'offrent les éléments chromatiques, provien- 
draient de la segmentation de cylindre-axes. Nous sommes confirmés dans 
cette opinion non seulement par la présence autour de ces éléments de 
granulations de myéline, mais encore par cela, que nous avons pu distin- 


(4) Langhans. Ueber Veränderungen in den peripherische Nerven bei 
Kachexia thyreopriva des Menschen.… Arch. de Virchow, GXXVIIL Band, 1892. 
(2) Kopp. Veränderungen in Nervensystem.… Th. inaug. Berlin, 1892. 


664 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


guer nettement un fragment de tube nerveux dans certaines figures; 
l’absence de protoplasma, qui a préoccupé Langhans et Kopp, s'explique 
facilement selon cette hypothèse. Quant aux apparences corolliformes 
(Blasenzellen), elles sont :e fait du plissement de la gaine conjonctive du 
tube nerveux. 

Si l'on tient compte de ce que les auteurs ont rencontré ces formations 
dans presque tous les nerfs périphériques, et spécialement en certains 
points de leur trajet, ce qui explique qu’elles aient échappé à d’autres, de 
ce que M. Renaut les a notées à l’état physiologique chez les solipèdes, 
enfin de ce que les observateurs les ont signalées dans des états patholo- 
giques qui n’ont rien de commun, il est naturel de penser, et le cas que 
nous présentons est une éclatante démonstration de cette manière de 
voir, qu'il s’agit là d’une disposition normale. 

En résumé, ces formations que nous désignerons sous le nom de sys- 
. tèmes tubulaires, en raison de leur structure histologique (qui les montre 
composées de tubes et non pas de cellules), constitueraient un appareil 
organique, qui existe à l'état normal dans les nerfs de l’homme, et qui 
dérive d’une transformation de certaines fibres nerveuses, en vue d’un but 
qui reste à déterminer, 


NOTES SUR LES PARASITES, 


par C.-W. STILES, Ph. D., membre correspondant étranger. 


Cette courte note préliminaire se rapporte à cinq espèces de Téniadés 
adultes, trouvés chez le Bœuf et le Mouton. Un travail plus étendu sur 
l'anatomie de ces espèces, et sur celle de quelques autres espèces, paraîtra 
prochainement dans un Bulletin spécial publié par le Bureau of Animal 
Industry. 


13. — Sur le TænIA GraRDt (Riv.) Moniez. 


Plusieurs auteurs ont écrit récemment sur cette espèce, sous le nom 
spécifique de Z'ænia ovilla, mais ils diffèrent d'avis, quant aux pores 
génitaux. Neumann soutient avec Rivolta que les pores sont irrégulière- 
ment alternes, tandis que R. Blanchard admet avec Moniez qu'ils sont 
doubles. Mes observations me permettent de concilier entièrement ces 
deux opinions contradictoires. 

Je constate que les testicules sont généralement confinés aux champs 
latéraux et que les pores génitaux sont généralement alternes, d'accord en 
cela avec Rivolta et Neumann. Mais il n’est pas rare de trouver des seg- 
ments avec des pores génitaux doubles, en sorte que R. Blanchard et 
Moniez ont également raison. En outre, il est très fréquent de trouver 
toute une série d'organes femelles développés d’un côté du segment, et 


5 er RER ne 


2 ae 


SÉANCE DU 46 JUILLET 665, 


des organes femelles rudimentaires du côté opposé. Il est aussi très 
commun d'observer des testicules aberrants dans le champ médian. 
_ Le nom spécifique Giardi doit être substitué à celui d’ovilla, ce dernier 


ayant été donné précédemment par Gmelin à un autre Ver, ainsi que 
Railliet l’a déjà indiqué. 


4%. — Sur le TÆNIA ExPANSA Rudolphi. 


Toutes les diagnoses actuelles du Zænia (Moniezia) expansa s'appliquent 
également bien à deux, peut-être même à trois espèces distinctes de Vers 
trouvés dans le Bœuf et le Mouton. Afin de m'aider à déterminer quel est 
le vrai l'ænia expansa, mon ancien maître, le professeur K. Môbius, de 
Berlin, a eu l’amabilité de m'envoyer des segments du spécimen original 
de Rudolphi. 

Chacun de ces segments présente à son bord postérieur un certain 
nombre d'organes arrondis, qui sont constants dans le 7'ænia expansa, 
mais qui pourtant n'ont pas encore été décrits. Des organes de même 
nature se voient dans un spécimen de 7°. (M.) Benedeni que Neumann 
m'a envoyé, mais ils font défaut aussi bien chez 7°. (M.) alba (d'après un 
spécimen reçu de Neumann) que chez M. planissima Stiles et Hassall 
nova species. 

Nous avons donc en ces organes un critérium qui nous permet aisé- 
ment de distinguer le Zænia expansa. S'ils n’ont encore été signalés par 
aucun auteur, cela tient sans doute à ce qu’on les a pris pour des testi- 
cules ; et pourtant ils sont beaucoup plus grands que ces derniers. 
Sur des coupes ou sur des préparations d’anneaux simplement com- 
primés, on démontre très facilement que ces organes sont de petits sacs 
ou cæcums qui partent de la limite entre deux anneaux successifs pour 
s'étendre dans le parenchyme de l'anneau antérieur. Le sac est limité par 
une invagination de la cuticule du Ver, invagination qui est elle-même 
entourée d'un tissu glandulaire (?) qui se colore très fortement. 

Dans un Cestode très voisin, que je décrirai prochainement comme une 
espèce nouvelle, avec mon assistant, M. le D' Hassall, la portion inter- 
segmentaire du strobile présente un aspect tout à fait différent. Les 
cæcums font totalement défaut, mais une ligne de tissu, qui se colore très 
fortement, comme les culs-de-sac de Moniezia expansa, court le long et 
très près du bord postérieur de l'anneau, dans lechamp médian. Nous pro- 
posons pour celte nouvelle espèce le nom de Moniezia(Tænia)}planissima. 

La têle du M. planissima est grande et carrée. Le pore génital est au 
milieu ou dans la moitié antérieure du bord de l’anneau. Le vagin et le 
cirre débouchent dans le même plan transversal. Dans tous les anneaux 
que j'ai examinés jusqu’à présent, on observe que, du côté droit, le vagin 
est ventral et le cirre dorsal, tandis qu'à gauche le cirre est ventral et le 
vagin dorsal, la face ventrale étant déterminée par la position de longs 


666 YSOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


‘canaux longitudinaux. Le plus grand spécimen de ce Ver que j'aie vu 
jusqu’à présent mesure environ 2 mètres; j’en ai des spécimens de France 
el d'Amérique. 

Dans la diagnose de M. expansa, il est dit que les anneaux mûrs ont 
une largeur qui varie de 10 à 25 millimètres. Le type de Rudolphi est 
large de 15 millimètres et je n’ai jamais vu d’anneaux du vrai M. expansa 
qui aient plus de 16 millimètres de large. Par contraire, les anneaux de 
M. planissima atteignent une largeur de 26 millimètres; ils ne sont pas 
aussi épais que ceux de M. expansa. 


DES TROUBLES TARDIFS, CONSÉCUTIFS A LA THYROÏDECTOMIE CHEZ LE LAPIN, 


par M. E. GLey. 


Il m'a été donné d'observer, dans quelques cas, sur le lapin, après la 
thyroïdectomie, non plus ces accidents presque immédiats et aigus, tout 
à fait analogues à ceux que présentent les chiens thyroïdectomisés et que 
j'ai décrits en détail (Soc. de Biol., 16 mai et 19 décembre 1891; Arch. 
de physiol., janvier 1892), mais des troubles survenant tardivement, plu- 
sieurs mois après l'opération, et consistant en une cachexie spéciale. Je 
n'ai encore rencontré qu'un très petit nombre de cas de ce genre; je me 
suis contenté de les enregistrer avec soin, me proposant pour l'avenir de 
rechercher les causes de cette différence entre les effets de la thyroïdec- 
tomie chez des animaux de même espèce. 

Aussi ne me suis-je décidé à parler dès maintenant de ces faits que 
parce que je viens de prendre connaissance d'un fort intéressant travail 
de Hofmeister (de Halle) sur les résultats de l'extirpation de la glande 
thyroïde chez Le lapin (Fortschritte der Medicin, 15 février 1892, Band X, 
p. 121). D'une façon générale, Hofmeister a vu se développer chez tous 
les animaux qu'il a opérés la cachexie dont il s’agit. Ce n’est, au contraire, 
que sur un petit nombre d'animaux que j’ai constaté la maladie. Il est 
vrai que nos conditions opératoires n'ont pas été les mêmes, comme onle 
verra plus loin. seu 

J'ai déjà fait connaitre une de mes observations; je n'y reviendrai pas. 
J'ai en effet rapporté (Soc. de Biol., 19 décembre 1891, p. 846, et surtout 
Arch. de physiol., avril 4892, p. 313-314) l’histoire d’un lapin qui fournit 
un bel exemple de la maladie en question; j'ai d’ailleurs présenté cet 
animal à la Société. Aujourd’hui, j'en présente un autre qui a le même 
aspect général et sur lequel ne se voient pas moins bien les mêmes 
lésions cutanées. 

C’est un lapin qui a été thyroïdectomisé le 17 février de cette année 
(thyroïdectomie totale); il était alors âgé d’environ trois mois et pesait 
1 kil, 310. On lui fit, immédiatement après l’opération, dans le péritoine, 
une injection de liquide extrait de glandes thyroïdes de lapins. Le 


SÉANCE DU 46 JUILLET 667 


45 mars, il pesait 1 kil. 580; le 11 juin, 2 kil, 220. On remarqua à cette 
époque qu'il avait le poil très rude et quelques croûtes épidermiques. Le 
11 juillet, il pesait 2 kil. 170. Les troubles cutanés sont très marqués : la 
desquamation épidermique est générale, le poil est tombé par places et 
tombe encore, le museau paraît un peu épaissi, les oreilles sont très froides 
et rugueuses; le ventre est gonflé. Il mange beaucoup, mais a grossi beau- 
coup moins que des lapins normaux vivant avec lui. 

Sur un autre lapin, j'avais vu antérieurement les mêmes lésions se 
produire, quoique un peu moins nettes. C'était un animal (1) pesant 
1 kil. 880, sur lequel j'avais enlevé, le 14 août 1891, la glande thyroïde. 
Le 2 novembre 1891, il pesait 2 kil. 920; j'enlevai la glandule thyroï- 
dienne du côté gauche ; hypertrophiée, cette glandule pesait 0 gr. 0414. 
Le 4 décembre 1891, l'animal pesait 2 kil. 900; j'enlevai la glandule du 
côté droit qui pesait 0 gr. 015. À la fin de ce mois de décembre, on 
remarqua que la peau des oreilles était froide et rugueuse, et sur la peau 
du corps, en divers endroits, des croûtes épidermiques. Le 13 jan- 
vier 1892, on constate le même état. La santé générale cependant-reste 
bonne ; le 14 février, ce lapin pesait 3 kil. 075 ; le 15 mars, 3 kil. 480; il 
paraissait toutefois un peu abruti, restant presque toujours immobile dans 
un coin de sa cage, la tête basse. On le trouva mort le 40 mai 1892. À 
l’autopsie, péritonite dont la cause est restée inconnue. Sur le côté 
gauche du thorax, il avait un abcès, suite d’une morsure profonde. 
L’hypophyse, considérablement hypertrophiée, pesait 0 gr. 101. 

Les animaux dont parle Hofmeister avaient tous cet aspect et ces lésions. 
Mais, de plus, Hofmeister a constaté une série de faits d'un haut intérêt, 
consistant en un arrêt de développement considérable des os, surtout des 
os longs et du bassin, et, chez les femelles, en des lésions de l'ovaire 
(Aypertrophie folliculaire de Ziegler).-- Il a, enfin, toujours trouvé dans 
l’hypophyse les modifications histologiques, déjà étudiées par Rogowitch 
(Arch. de physiol., 1888) et par Stieda (Beiträge zur pathol. Anat. und 
allg. Pathol., 1890). Il a vu aussi l’hypophyse remarquablement hypertro- 
phiée, pesant de 0 gr. 025 à 0 gr. 041 au lieu de 0 gr. 015 à 0 gr. 022 
chez les lapins normaux. — La valeur de toutes ces observations est d’'au- 
tant plus grande que Hofmeister a pu les faire sur des animaux prove- 
nant d’une même portée, et qu’il sacrifiait à des intervalles plus ou moins 
éloignés du moment de l'opération (de deux mois un tiers à six mois), 
sacrifiant en même temps des lapins de la même portée, gardés comme 
témoins, et examinant comparativement sur ces témoins les organes et les 
tissus qu'il trouvait altérés ou modifiés chez les thyroïdectomisés. 

J'appellerai particulièrement l'attention sur cette hypertrophie proba- 
blement compensatrice de l’hypophyse, que j'avais constatée de mon 


(1) C'est l'animal dont j'ai parlé dans mon mémoire des Arch. de physiol., 
janvier 1892, p. 145. J’achève ici son histoire. 


668 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


côté. J'ai dit plus haut que sur un animal j'avais trouvé le poids de cette 
glande s’élevant à 0 gr. 101 ; l'organe avait débordé toute la selle turcique. 
Sur un autre animal, qui pesait 2 kil. 970 lorsque je lui enlevai la glande 
thyroïde et la glandule droite, et 3 kil. 580 lorsque je lui enlevai, quatre 
mois et dix jours après, la glandule gauche restante, et qui, dès le lende- 
main de cette seconde opération, fut pris de troubles paralytiques avec 
contracture, et mourut dans cet élat en neuf jours, j'ai noté comme poids 
de l’hypophyse, 0 gr. 055. Sur un autre animal qui reçut immédiatement 
après la thyroïdectomie une injection intra-péritonéale de suc thyroï- 
dien, survécut quatre mois sans présenter le moindre accident et fut tué 
au bout de ce temps par piqüre du bulbe, j’ai trouvé le poids de 0 gr. 030. 
Or, j'ai toujours trouvé comme poids moyen, chez plusieurs lapins nor- 
maux, 0 gr. 020 à 0 gr. 025. 

11 est clair que ces observations et celles si intéressantes d Hofmeister 
ne peuvent qu'engager les physiologistes à se poser la question de la possi- 
bilité d’une relation fonctionnelle entre la glande thyroïde et la pituitaire 
(voy. ce que j'ai déjà dit à ce sujet, loc. cit.). 

Pour toutes ses recherches, Hofmeister ne s’est servi que de jeunes 
animaux, âgés de cinq à seize semaines, convaincu à Juste titre que le 
jeune âge était une condition nécessaire pour que les arrêts de développe- 
ment pussent être d’une constatation aisée. 

Sur ces animaux, il n’a enlevé que la glande thyroïde proprement dite, 
sans toucher aux glandules que j'ai décrites. Ce qui explique qu’il n’ait 
pas observé les accidents aigus dont j'ai fait connaître l'existence chez le 
Japin. De ses expériencesil ressort que, du moins chez les jeunes lapins, la 
présence des glandules thyroïdiennes ne suffit pas pour compenser com- 
plètement la perte de la glande proprement dite. « Jene Gley'schen Nebens- 
childdrüsen, écrit Hofmeister, welche bei meinen bisherigen Versuchen 
stets zurückblieben sind, wenigstens bei jungen Kaninchen (selbst im 
Verein mit der Hypophysis cerebri) nicht genügend,um den Ausfall der 
Schilddrüse (der Autoren) funktionnel vollständig zu ersetzen. » Je ne 
puis que souscrire à cette conclusion, en ajoutant que dans certains cas, 
l'injection de suc thyroïdien paraît avoir joué le même rôle que la présence 
des glandules et empêché les accidents aigus de se produire, de telle 
sorte que, d'autre part, les troubles trophiques ont eu le temps de se dé- 
velopper (voy. l'observation rapportée plus haut). — Dans le même ordre 
d'idées, je signalerai ce fait qui ne me paraît pas sans importance, surtout 
si de nouvelles expériences venaient le confirmer, à savoir que les acci- 
dents aigus ne surviennent généralement pas, si on enlève les glandules 
en une ou deux fois plusieurs mois après l’ablation de la glande principale. 
Si ce n’était aller un peu loin dans la voie del’hypothèse, on pourrait pen- 
ser que de cette façon l’hypophyse a le temps, par l'hypertrophie de ses 
éléments, de subvenir à la fonction que remplit la thyroïde; mais elle ne 
peut suppléer celle-ci complètement, et la cachexie spéciale se produit. 


SÉANCE DU ÀÂ6 JUILLET | 669 


Je profiterai de l’occasion qui m'est offerte de revenir ici sur Les effets 
de la thyroïdectomie chez Le lapin, pour dire que, depuis mes premiers 
travaux sur ce sujet, j’ai opéré dix-huit autres animaux, chiffre qui, 
ajouté aux 46 lapins dont il est parlé dans mon premier mémoire, donne 
un total de 34 animaux ayant subi la thyroïdectomie complète. Que sont 
devenus ces 18 nouveaux opérés? Deux sont morts d’embolie au cours 
d’une injection de liquide thyroïdien. Il en reste 16 à considérer. Neuf 
sont morts avec les accidents convulsifs habituels, et dans les délais ordi- 
naires que j'ai indiqués, en 48 heures, 31 heures, 16 h. 1/2, 35 h. 1/2, 
17 h. 1/2, 68 heures, 68 ou 69 heures, 36 heures et 20 heures. Deux ont pré- 
senté une cachexie spéciale (il a été parlé plus haut de ces deux animaux). 
Deux ont survécu après avoir reçu une injection de liquide thyroïdien ; l’un 
aétésacrifié par piqûre du bulbe quatre mois après l'opération (on trouva à 
l’autopsie l’hypophyse hypertrophiée, pesant 0 gr. 930); l’autre vit encore, 
très bien portant, depuis cinq mois et huit jours. Des trois derniers, l’un a 
vécu bien portant six mois et neuf jours; à ce moment, on a essayé de lui 
détruire l'hypophyse; il est mort quatorze jours après, ayantprésenté divers 
accidents sur lesquels j'aurai assurément l’occasion de revenir; le deuxième 
vit en bonne santé depuis deux mois; et le troisième depuis neuf jours. 

Si on ajoute à ces 3 survivants l'animal cité dans mon premier mémoire et 
qui n’eut point d’accidents, on arrive à un total de 4 survivants sur 32 opé- 
rés. Ils’agit, bien entendu, de savoir si ces animaux ne présenteront point 
d'accidents dans l’avenir. Il importe en effet de ne pas oublier que Tizzoni 
et Centanni (Arch. per le sc. med., XIV, 1890, p. 315) ont constaté, chez 
les chiens thyroïdectomisés, des troubles cachectiques très tardifs, s'étant 
développés dans un cas après onze mois et dans un autre cas après trois 
ans et cinq mois. Or, sur mes 4 survivants, on voit que le premier, celui 
dont il est parlé dans mon premier mémoire, a été sacrifié au bout de 
dix-sept jours pour une autre expérience (Arch. de physiol., janvier 1892, 
p. 137); le deuxième n’a vécu que six mois et huit jours, ayant subi alors 
une opéralion cérébrale à la suite de laquelle il est mort; enfin le troi- 
sième et le quatrième n’ont été opérés, l’un, que depuis deux mois et 
l’autre que depuis neuf jours. 


LA FONCTION GLYCOGÉNIQUE CHEZ LE VER A S0IE PENDANT LA MÉTAMORPHOSE, 
par MM. E. BATAILLON et E. COUVREUR. 


(Laboratoire de Physiologie de la Faculté des sciences de Lyon.) 
(Note présentée par M. A. Gran.) 
Une étude attentive des modifications de la fonction glycogénique chez 


le Ver à soie pendant la métamorphose nous a fourni des résultats inté- 
ressants à noter. Nous les donnons brièvement avant qu’ils prennent place 


670 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


dans un travail d'ensemble sur les conditions physiologiques de la trans- 
formation chrysalidaire. Claude Bernard, dans les Phénomènes de la vie, 
indique chez les larves de mouche comme chez les chenilles une accumu- 
lation du glycogène; ce glycogène diminuant graduellement pendant la 
métamorphose avec l’apparition du sucre. Ces données, si importantes 
au point de vue de la physiologie générale, méritaient d’être précisées. 

À quel moment la larve se transforme-t-elle ainsi en un « véritable sac 
à glycogène? » On pourrait croire que l'accumulation se fait graduelle- 
ment et surtout dans la période d'alimentation active qui précède la 
montée. Or, des expériences répétées nous ont montré qu'au lendemain 
de la nymphose, la chrysalide renferme une quantité de glycogène au 
moins double de celle que le ver présente au début du filage. C’est ainsi 
que quatre vers à la montée nous donnant 15 milligrammes, quatre chry- 
salides d'un jour donnaient 35 milligrammes. A la veille de la chrysali- 
dation, nous obtenions pour le même nombre d'individus 22 mill. 5. Si 
l’on remarque qu'avant d'arriver à cet âge le ver s’est vidé, qu'il a perdu 
une quantité d’eau considérable, de facon à se réduire au tiers environ 
de son poids primitif, on est amené à conclure qu'il a produit et accu- 
mulé du glycogène aux dépens de sa propre substance. Le maximum est 
atteint vers le lendemain de la nymphose, après quoi le glycogène baisse 
rapidement. Dans les derniers jours de la vie chrysalidaire, les quantités 
sont si faibles qu’il est impossible de les apprécier avec quelque exacti- 
tude. 

À propos du sucre, Claude Bernard (loc. cit.) dit seulement qu'il y a 
« une époque précise où il apparaît ».… « pendant que l'animal est à 
l'état de chrysalide ». On déduirait volontiers des données précédentes 
que ce moment correspond au maximum atteint par le glycogène. Il n’en 
est rien. Le sucre apparaît plus tôt et les deux éléments croissent d'abord 
parallèlement. Ce n’est pas chez la chrysalide, mais vers la fin du filage 
que l’on constate pour la première fois la présence du glucose. Les Vers 
à la montée ou au début du filage n’en renferment pas. Les dosages qui, 
à la veille de la chrysalidation donnaient pour six vers 11 milligrammes 
de sucre conduisaient pour le même nombre de nymphes jeunes à 18 mil- 
ligrammes, les chiffres croissant lentement jusque vers la fin de la vie 
chrysalidaire. Le maximum, atteint trois ou quatre jours avant l’éclosion 
du papillon, était de 31 mill. 5. La veille de l’éclosion, nous ne trouvions 
plus que 148 mill. 5; et pour six papillons éclos, 10 milligrammes. 

Par conséquent, le sucre apparaît à un moment où le glycogène croît 
considérablement. Les deux courbes s'élèvent d’abord parallèlement; 
puis, quand le glycogène diminue, la courbe du glucose continue lente- 
ment sa marche ascendante pour atteindre son maximum quelques jours 
avant l’éclosion. Toutes deux ont la même direction générale, mais l’une 
empiète sur l’autre. 

Accroissement considérable du glycogène à un stade où la larve atteinte 


SÉANCE DU 16 JUILLET 671. 


par l’histolyse ne prénd plus de nourriture; apparition du sucre coïnci- 
dant avec l'augmentation du glycogène, avant que celui-ci ait atteint son 
maximum : tels sont les deux faits essentiels qui se dégagent de cette 
étude. Des données d'ordre différent sont nécessaires pour tirer de ces 
fails les conclusions qu'ils comportent. 


LE CHOLÉRA ASIATIQUE CHEZ LÉ LAPIN ET CHEZ LE PIGEON 
(Suite de la communication sur le choléra asiatique chez le cobaye), : 


par W.-M. HAFFKINE 
(Du Laboratoire de Microbie technique de l'Institut Pasteur). 


Les mêmes procédés de vaccination par les virus atténué et exalté que 
nous avons annoncé dans la communication précédente, sont applicables 
au lapin et au pigeon, et les protègent contre l’infection la plus meur- 
trière. 

La vaccination par nos virus modifiés, obtenus du choléra indien, a 
protégé nos animaux contre l'infection par les microbes du choléra de 
Paris isolés ces jours-ci et quise sont montrés du même pouvoir meurtrier 
pour les animaux que les microbes de Madras, les microbes de Saïgon et 
les microbes de Calcutta. 


nn 


SULFATE DE CINCHONAMINE, 


par MM. ARNAUD et CHARRIN. 


. Le cinchonamine, C!° H?* Az°, a été découverte par l’un de nous({), 
qui a extrait cet alcaloïde des écorces du Aemijia Purdieana. Hesse, peu 
de mois après, a confirmé cette découverte. 

Plusieurs auteurs, parmi eux Laborde, Marcacci, se sont occupés de 
son étude physiologique, étude que nous avons reprise il y a quelques 
mois. 

Ce corps est assez toxique ; il provoque habituellement des convulsions 
toniques, quand on arrive aux doses suivantes : 8 milligrammes pour 
la grenouille; 110 pour un lapin de 1,800 grammes; 330 pour un chien 
de 14 kilogrammes; 1 gr. 20 pour un homme de 70 kilogrammes. Une 
erreur, heureusement sans résultat fatal, à permis de connaître involon- 
tairement ce dernier chiffre. Rapportés au kilogramme, ces nombres 
donnent 362, 61, 23 et 17 milligrammes; il s’agit d'injections sous- 


(1) Arnaud, Acad. sc, 


672 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


cutanées d’une solution aqueuse au titre de 15 milligrammes par centi- 
mètre cube. 

Les relations d'origine de cette substance et de la quinine nous ont 
poussés à rechercher ses effets sur la température. 

Dans ce but, l’hyperthermie a été provoquée chez des animaux, soit en 
leur inoculant des germes pathogènes, soit en leur administrant des 
toxines. IL a été constaté que la cinchonamine, à l’état de sel, actionnait 
ces hyperthermies engendrées tantôt par des ferments figurés, tantôt par 
des procédés plus directement chimiques. 

Si on additionne l’ensemble des températures rectales des sujets rece- 
vant l’alcaloïde, puis, parallèlement, ce même ensemble chez les témoins, 
on voit que le total, pour ces derniers est, en moyenne, durant une 
période de vingt-quatre heures, supérieure de 2°,1 à la somme que l’on 
trouve pour les premiers; les limites de ces moyennes oscillent entre 
1°,4 et %,7 sur une série de six expériences, ces températures étant prises 
cinq et six fois par jour. 

Il ne semble pas que cet agent intervienne en influençant les microbes 
eux-mêmes, car son pouvoir antiseptique est des plus médiocres. Il faut 
introduire un minimum de 16 grammes par litre pour arrêter toute 
pullulation du bacille du pus bleu; on est obligé d'en employer neuf et 
dix, si on veut empêcher simplement la formation des pigments. 

‘ Quoi qu’il en soit, la puissance théorique des corps en question vis-à-vis 
de certaines hyperthermies est expérimentalement établie. — En présence 
de telle ou telle fièvre, celle de la pneumonie, par exemple {1), nous 
sommes faiblement armés; d'autre part, la grande solubilité de ce sulfate 
de cinchonamine (0.20 à 0.25 et plus dans 1 centimètre cube) rend ses 
effets plus rapides, plus sûrs, son maniement plus aisé. Aussi, serait-il à 
désirer de voir ce principe passer, au moins, à titre d'essai, dans la pra- 
tique, d'autant que nous connaissons les doses toxiques par voie hypo- 
dermique. Les quelques tentatives opérées ne sont ni assez nombreuses, 
ni assez concordantes pour entrer en ligne de compte. D'ailleurs, l’origine 
végétale toute particulière de cette substance paraît la désigner pour inter- 
venir dans la malaria. Or, à cet égard, les documents, à l'heure présente, 
sont nuls. Personne n'ignore combien sont rares, à Paris, les grands accès 
de paludisme. 


(4) La diversité d'action d'un corps unique en face de plusieurs fièvres 
prouve qu’au fond ces fièvres ont un mécanisme éminemment distinct. 


SÉANCE DU 16 JUILLET 073 


NOTE SUR LA VACCINATION DU LAPIN CONTRE LE vibrio avicide (GAMALEÏA) 
ET SUR L'ACTION CURATIVE DU SÉRUM DE LAPIN IMMUNISÉ CONTRE L'INFEC- 
TION PAR LE vibrio avicide, 


par M. I. BRugz. 


Nous extrayons des recherches que nous poursuivons depuis un cer- 
tain temps dans le laboratoire de M. le professeur Straus quelques faits 
relatifs à des tentatives de guérison de l'infection par le vibrio avicide : 
il s’agit ici encore d’une application de la méthode des injections avec le 
sérum d’arimaux immunisés. 

Nos essais ont été faits avec du sérum de cobayes, animaux qu'il est 
facile de rendre réfractaires à cette infection et avec du sérum de lapin. 
Mais ici nous nous trouvions en présence d’une difficulté, celle de vacci- 
ner le lapin. 

On se souvient que M. Gamaleïa reconnait qu'il n’a pu vacciner le 
lapin, animal peu sensible aux toxines du vibrio, par l'injection sous- 
cutanée des vaccins chimiques. 

Après un certain nombre d'essais, nous avons obtenu la vaccination du 
lapin par la méthode des injections intra-veineuses de cultures stérilisées 
à des doses qui variaient entre 2 et 10 centimètres cubes. A la suite de 
ces injections l'animal maigrit, mais ne meurt pas; il semble s’accou- 
tumer même à ce traitement, et paraît moins impressionné par les 
injections ultérieures que par les premières. On remarque alors que 
l’animal résiste à des doses considérables de culture virulente. Mais pour 
obtenir un sérum actif, il vaut mieux préparer l’animal en lui injectant 
à intervalles plus ou moins rapprochés des doses Re nu crois- 
santes. - 

Le lapin, on le sait, est un animal naturellement résistant au vibrio 
avicide ; il était donc indiqué de chercher si le sérum de lapin normal 
avait des propriétés curatives. 

Le sérum de cobaye nous a donné des résultats négatifs; il est vrai 
d'ajouter qu'il est difficile de se procurer une quantité notable de sérum 
et celui que nous avions recueilli était teinté en rouge par l’hémoglobine 
(circonstance défavorable à l'étude de son pouvoir curateur). 

Dans nos expériences avec le sérum de lapin, nous avons constamment 
étudié parallèlement les effets du sérum d'animal vacciné et du sérum 
normal sur le cobaye. Celui-ci est très sensible au vibrio avicide; avec une 
injection sous-cutanée de trois gouttes de la culture dont nous nous ser- 
vons d'ordinaire, on a la presque certitude de voir l'animal succomber à 
la septicémie vibrionienne en douze à vingt heures. Il s’agit donc d’une 
-infection à marche très rapide. 

Nous avons cherché à nous rendre compte à la fois du pouvoir vaccinal 

21. 


674 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


et curateur du sérum de lapin immunisé. Voici comment nous avons 
procédé : 

Un premier cobaye reçoit une injection de 5 centimètres cubes de sérum, 
soit sous la peau, soit dans le péritoine. Le lendemain, on fait à deux 
autres cobayes une injection de la même quantité de sérum à l’un sous la 
peau, à l’autre dans le péritoine. On avait injecté, un quart d'heure aupa- 
ravant, à ces trois cobayes, ainsi qu’à un quatrième, qui devait servir de 
témoin, trois gouttes (dose mortelle) d’une culture vivante de vibrio avi- 
cide. 


Nous opérions ainsi, sur deux séries de trois cobayes: l’une des séries 
est traitée par le sérum de lapin normal, l’autre par du sérum d’animal 
immunisé. | 

Les cobayes traités par le sérum normal sont morts en même temps que 
le témoin ou après une courte survie ; il faut faire exception pour un cobaye 
qui avait reçu le sérum vingt-quatre heures avant la culture vivante et 
qui a résisté quelques jours. 

Les cobayes traités par le sérum d’animal immunisé ont tous guéri; on 
peut employer le mot guéri, car ils avaient tous présenté les premiers 
phénomènes de la maladie vibrionienne (empâtement et œdème au point 
d'inoculation). 

Dans une autre série d'expériences, les résultats ont été moins nets, 
quoique nullement contradictoires; il est vrai que le sérum que nous 
avions recueilli était fortement teinté en rouge. Tous les animaux traités 
par le sérum normal sont morts en même temps que le témoin; des co- 
bayes traités par le sérum curateur, un seul a guéri, un a présenté une 
survie de douze heures, le troisième est mort à peu près en même temps 
que le témoin. 

Nous croyons pouvoir tirer de ces expériences les conclusions sui- 
vantes : 

Le sérum du lapin normal n’a ni pouvoir vaccinant, ni vertu curative. 

Le sérum d’un lapin immunisé est à La fois vaccinant et curateur. 

Il n'est pas sans intérêt de signaler la curabilité par cette méthode 
d’une infection septicémique à marche aussi rapide et à issue aussi cons- 
tamment fatale. 


A PROPOS D'UNE NOTE DE M. LE D' HÉNOCQUE 
INTITULÉE : « DES CARACTÈRES DE L'APTITUDE DU COBAYE MALE 
A LA REPRODUCTION, » 


par M. FERNAND LATASTE. 


Je viens de recevoir à la fois trois années (1889 à 1891) des Comptes 
rendus et Mémoires de la Société de Biologie, dont j'étais absolument privé 
depuis mon départ de Paris, et que j'attendais avec la plus vive impa- 
tience. 


SÉANCE DU Â6 JUILLET 675 


Le volume de 1890 (p. 585) contient, sous le titre : « Des caractères de 

l'aptitude du He mâle à la reproduction », une note, de M. le D° Hé- 
nocque, qui m'a vivement intéressé. 
_ Sans vouloir diminuer en rien la valeur des observations si précises de 
cet estimé collègue, qu'il me soit permis, cependant, d'exprimer le regret 
qu'il n’ait pas eu connaissance du chapitre que j’ai consacré au cobaye, 
dans les Recherches de Zooéthique que j'ai publiées dans les Actes de la 
Société linnéenne de Bordeaux (t. XL, XLII et XLIIT) et qui ont paru à 
part (1 vol. in-8° de 676 p. et VII pl., 1887-1889). 


« C’est à deux mois, dit M. le D' Hénocque, que commence l'aptitude 
au Cuït, ainsi que je l’ai constaté chez deux cobayes, dont l’un a fécondé 
une jeune femelle. >» 

« À l’âge de deux mois, avais-je dit (op. cit., p. 490), et même avant 
(22 juillet; 2 août (1), le mâle (2) paraît être en état de s’accoupler; mais 
il n’est pas encore apte à la fécondation; il l’est certainement, et la 
femelle aussi, à l’âge de deux (3) mois et demi (14 août). C’est donc par 
erreur que Buffon, dont l'opinon a été reprise par Gervais, fixait à cinq 
ou six semaines l' époque de la puberté de ces animaux, et c'est aussi par 
erreur que Brehm l’a fixée à six mois. » ; 


Ainsi, mes sujets s’accouplaient déjà à deux mois, mais ils ne se fécon- 
daient qu’à deux mois et demi: mâle et femelle, d’ailleurs, provenaient 
d’une même portée. M. Hénocque a vu une femelle de deux mois fécondée 
par un mâle plus âgé. Son observation, en somme, confirme et précise la 
mienne. 

Mais nous ne sommes plus d’accord sur les points suivants : 

Chez le cobaye, à l’âge de deux mois, d’après M. le D' Hénocque, « le 
gland est découvrable et prend la forme d’une corolle, et il est garni de 
papilles rudes et en particulier de deux productions cornées denticulées, 
sortes de peignes situés des deux côtés du gland et destinées à faciliter la 
défloration des femelles, dont la vulve, on le sait, est fermée par une adhé- 
rence des deux parois de la muqueuse. » 

Or, d’après mes observations et contrairement à ce qu'avait cru Le 
Gallois, la vulve des Rongeurs se décolle et s’ouvre spontanément aux 
époques du rut (4). 


(1) Ces dates, dans l'ouvrage cité, renvoient aux observations brutes, qui 
sont détaillées à part dans leur ordre chronologique. 

(2) Chez les Rongeurs, les femelles, au point de vue de l'aptitude à la repro- 
duction, semblent généralement plus précoces que les mâles. 

(3) Dans l'ouvrage cité, on lit, au lieu de deux mois et demi, frois mois et 
demi; mais c’est là une faute d'impression dont le renvoi aux documents rend 
la correction facile. 

(4) Mes observations à ce sujet ont été le point de départ des recherches 
de M. le D' Henri Moran, sur les transformations épithéliales physiologiques et 
pathologiques (Thèse inaug., dans Journal Anat. et Physiol., 1889). 


676 -SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Quant à la forme du gland du cobaÿe et au rôle des appendices épider- 
miques, soit pectinés soit épineux, dont il est armé, voici comment j'avais 
vu et compris les choses : 


. J’insisterai surtout sur ce point, avais-je dit (op. cit., p. 482), que 
l'érection du pénis, chez ces animaux, se produit en deux temps: dans 
une demi-érection, au début du coît, le gland est elaviforme et les deux 
grandes épines sont cachées dans leur poche ; tandis que, dans l'érection 
complète, au moment de l’éjaculation, l’urêtre se dilate à son extrémité 
et s'étale en entonnoir renversé, et, la poche des épines se dévaginant, 
celles-ci se montrent tout à fait extérieures, implantées sur la limite 
du caral urétral, dirigées en haut et en avant, et légèrement recour- 
bées en bas. | 

« La forme du gland au début de l’érection et les petites épines incli- 
nées en arrière qui arment sa surface ont, évidemment, pour rôle, la 
première, de permettre l'introduction du pénis dans le vagin, les autres, 
de faciliter cette introduction-en mettant obstacle au retour de l'organe 
en arrière. L’os pénial concourt au même but, en fournissant au gland ur 
soutien, d'autant plus nécessaire que l'organe doit frayer sa route avant 
son érection complète et, par canseuent, avant d’avoir atteint son maxi- 
mum de rigidité. 

« En comparant la situation et Ja direction des deux grandes épines du 
pénis à l’emplacement-occupé par le coi utérin et par son orifice dans le 
vagin, emplacement qui m'est nettement indiqué par un moulage en 
plâtre de l’intérieur du vagin distendu, j'ai acquis la conviction que ces 
épines pénètrent dans les utérus. Leurs pointes, avant la complète érection, 
leurs bases, après le changement de forme du pénis, doivent occuper, 
dans le vagin, exactement la place de l’orifice utérin; et quand leur 
poche est dévaginée, elle n’ont aucun autre endroit pour se loger, dans 
les organes femelles, que les cavités utérines. Elles servent, évidemment, 
à dilater ces cavités et à y diriger le jet spermatique. Remarquons acces- 
soirement que, se dirigeant, d’ailleurs très obliquement, en haut, etayant 
la pointe légèrement recourbée en bas, c’est par sa surface convexe que 
chacune vient presser sur la paroi utérine, du côté dorsal. 

. © Quant à la forme en entonnoir renversé que tend à prendre l’extré- 

-mité de l’urètre au moment du spasme vénérien, sa fonction, une fois 
conçue, ne saurait paraître douteuse : dans son effort pour se développer 
de la sorte, l'organe mâle exérce une pression circulaire énergique sur le 
fond du vagin, celui-ci se dilate, et, entraînant dans son mouvement les 
bords de l’orifice utérin, ouvre largement celui-ci. 

« Ainsi, au moment de l’éjaculation, le sperme trouve, de lui, la 
porte ouverte par le pénis et la voie tracée par les épines. 


Le Gérant : G. Masson. 


Paris. — Typographie Gaston Née, 1, rue Cassette. 


Qi) 7 S;. 


677 


SÉANCE DU 23 JUILLET 1899 


M. le Dr Rapxaez BLancaarp : Notices sur lès parasites de l’homme. (Mémoires.) — 
M. E. Hépox : Greffe sous-cutanée du pancréas; ses résultats au point de vue de 
la théorie du diabète pancréatique. — M. E. Gzey : Action physiologique de l'ana- 
gyrine. Action sur le cœur et sur les vaisseaux. — M. E. Grey : Des mouvements 
trémulatoires du cœur chez les animaux nouveau-nés. — M. E. GLey et J. Tnrro- 
Loix : Contribution à l'étude du diabète pancréatique. Des effets de la greffe extra- 
abdominale du pancréas. — M. TscnernING : Les images catoptriques de l'œil 
humain. — M. le Dr Souuré : De l'hématozoaire du paludisme et de son impor- 
tance en clinique. — M. Lours Laricoue : Quelques faits relatifs à la répartition 
du fer chez les jeunes animaux. -— MM. Rarrzier et Canror : Essais de transmis- 
sion du Sérongylus vasorum du chien au chien; résultats négatifs. — M. A. 
RaïLLIET : Remarques sur la résistance vitale des embryons de quelques Néma- 
todes. — M. le D' HENRI FRENKEL : Influence du système nerveux sur l’évolution 
de l'infection charbonneuse. — MM. J.-P. Morar et Maurice Doyon : Atropine et 
pilocarpine ; leur action inverse sur les mouvements respiratoires. — M. le Dr 
L. pe Saxrr : Note sur la « stérilisation de l'eau par précipitation ». — M. le Dr 
Prier : Note sur une lésion particulière de la fibre cardiaque dans l’empoison- 
nement expérimental par le bichlorure de mercure. — MM. J. Dégerine et Souras : 
Sur un cas de syringomyélie unilatérale et à début tardif suivi d'autopsie. — 
M. F.-J. Bosc : Formule urinaire complète de l'attaque d'hystérie (Formule chi- 
mique. Toxicité). — M. F.-J. Bosc: Formule urinaire de l'attaque d'hystérie, d'épi- 
lepsie et de quelques attaques épileptiformes. 


Présidence de M. Chauveau. 


CORRESPONDANCE IMPRIMÉE. 


M. DELAMOTTE, vétérinaire militaire, fait hommage à la Société de son 
mémoire sur la seplicémie gangreneuse chez le cheval. 


CORRESTONDANCE MANUSCRITE. 


M. le D' Achille TReILLE, revenant sur la communication qu'il a faite à 
la Société de Biologie le 11 juin 1892, et en réponse aux remarques faites 
par M. Laveran dans la séance du 18 juin sur ladite communication, 
adresse au Président de la Sociélé une lettre (11 juillet 1892), dans 
laquelle « il prétend que les corps en croissant, les corps flagellés, les 
flagella n’ont aucune signification particulière, que ce ne sont là que 
des formes variées des éléments du sang, qui peuvent se {rouver par suite 
dans des circonstances diverses, formes du reste que beaucoup d'’obser- 
vateurs sont impuissants à rencontrer, à colorer, dans les fièvres diles 
« paludéennes » les plus typiques, appuyées des courbes les plus con- 
vaincantes ». 


NOTICES SUR LES PARASITES DE L'HOMME (première série), par M. le 
D' Raphaël BLancHarp. — Mémoire présenté à la Société de Biologie, 


dans la séance du 16 juillet 4892. (Voir Mémoires du présent volume, 
p. 243.) 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9C SÉRIE, T. IV. 28 


678 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


GREFFE SOUS-CUTANÉE DU PANCRÉAS; 
SES RÉSULTATS AU POINT DE VUE DE LA THÉORIE DU DIABÈTE PANCRÉATIQUE, 


par M. E. HÉpon. 


Dans la séance du 9 avril 1892, j'ai exposé à la Société de biologie un 
procédé pour greffer le pancréas sous la peau. Je rappellerai seulement 
qu'il consiste à fixer sous la peau du ventre la portion descendante du 
pancréas du chien, en ayant soin de respecter une connexion vasculaire, 
de façon à assurer la nutrition de la glande pendant que les adhérences 
se forment entre le pancréas et le tissu cellulaire sous-cutané. C'est, si 
l’on veut, une ectopie de la portion descendante du pancréas. Mais plus 
tard, c’est bien une véritable greffe ; car lorsque la plaie est cicatrisée, le 
fragment de glande devenu sous-cutané ne communique plus avec la 
cavité abdominale que par deux vaisseaux très grêles (arlère et veine) 
passant à lravers le tissu de cicatrice de la plaie. On peut alors lier ces 
vaisseaux, sans compromettre la vitalité de la greffe. Toutefois, cela n’est 
pas constant, et dans quelques cas la greffe s’est atrophiée, après la liga- 
ture du pédicule vasculaire venant de la cavité abdominale. 

Faite d'après celte méthode, la gretle du paneréas réussit constamment. 
Dans les premiers jours, par suite de la rétention dans les canaux glan- 
dulaires du suc pancréatique qui continue à être sécrété, le fragment de 
glande devient! très volumineux et forme une grosse tumeur sous la peau. 
Lorsque la ligature posée au niveau de la section de la glande est 
tombée, il y a excrétion du sue pancréatique, et s’il se déverse dans le 
tissu cellulaire sous-cutané, un ph'egmon très étendu en est la consé- 
quence. Pour éviter cet accident, il faut avoir soin, en logeant le fragment 
de glande sous la peau décollée, de fixer la coupe du pancréas au niveau 
des lèvres de l’incision cutanée. 

Lorsque l’inflammation est passée, la greffe forme une tumeur dure de 
la grosseur d'un œuf, soulevant la peau à côté de la ligne blanche abdo- 
minale. La plaie cicatrise vite, sauf un petit pertuis fistuleux qui déverse 
un liquide, qui doit être du suc pancréatique (je ne donne ce fait qu'avec 
réserve, je l’établirai plus tard par des digestions artificielles). A la longue, 
celte fistule elle-même se ferme, l’exerétion se tarit et cependant, malgré 
l'absence complète de sécrétion externe, la glande greffée ne diminue plus 
de volume et conserve complètement sa structure : canaux excréteurs 
libres, recouverts de leur épithélium; acini complètement normaux : on 
ne peut noter d’anormal qu'un épaississement des grosses travées connec- 
tives. Mais les acini ne souffrent nullement; ils ne sont pas comprimés. 

Voici maintenant le résultat remarquable que donne la grelle ainsi 
pratiquée, au point de vue de la théorie du diabète d’origine pan- 
créatique : | 


ee ete 


SÉANCE DU 23 JUILLET 619 


4° Si à un chien porteur d'une greffe on extirpe tout le pancréas qui reste 

dans l'abdomen, ilne se produit pas de glycosurie. 

2° L'extirpation de la greffe, faite sans anesthésie, en quelques secondes, 
comme on enlève une tumeur, est suivie d'une glycosurie trés intense qui se 
développe en quelques heures et persiste jusqu'à la mort de l'animal. 

Par exemple : 

4% lemps. — Un chien de 16 kilogrammes a subi Le 15 juin 1892 l’opéra- 
tion de la greffe. Vingt jours après, le fragment de glande fait une belle 
tumeur sous la peau. 

2 temps. — On lui extirpe alors tout le pancréas intra-abdominal. 
Dans les deux jours qui suivent, on récolte 800 centimètres cubes d’urine 
contenant une faible quantité de sucre (4 p. 1000). Cette glycosurie n’a 
aucune importance après un traumatisme tel que celui que l’on provoque 
par l’extirpation du pancréas; elle cesse du reste le 3° jour, et ne reparaît 
plus. 

L'animal est remis; à partir de ce moment et pendant toute la durée 
de l'expérience, il reçoit chaque jour en deux repas 800 grammes 
de tripes. On recueille régulièrement tous les jours l’urine des 24 heures. 
Elle varie en quantité de 300 centimètres cubes à 600 centimètres cubes 
et est absolument dépourvue de sucre. 

3° temps. — Le 10° jour à troisheures de l’après-midi, on extirpela greffe. 
Cette operalion est faite sans anesthésie, simplement par énucléation; le 
fragment de glande est très bien vascularisé. Il n’est pourtant pas néces- 
saire de faire de ligatures sur les vaisseaux; l'hémorragie est facilement 
arrèltée en maintenant pendant quelques instants une éponge dans la plaie. 

La grelle présente la stucture glandulaire normale. 

Le lendemain matin à dix heures, c'est-à-dire par conséquent 19 heures 
après l’extüirpatlion de la greffe, on récolta 1,200 centimètres cubes d'urine 
renfermant 36 grammes de sucre. 

Et les jours suivants, pour les 24 heures, on eut : 


1,200 centimètres cubes d’urine renfermant 66 grammes de sucre. 


1,530 — = 85 bai 
1,350 — —= 67 re: 
1,600 — — 88 = 
1,200 — — 67 _ 


Un diahète d’une intensité extraordinaire (polyurie et glycosurie) avait 
donc succédé à l’ablation de la greffe, puisqu’en 6 jours l'animal avait 
excrété l'énorme quantité de 409 grammes de sucre. Aussi, au bout de ce 
temps, il était dans un profond état de cachexie. Il fut alors sacrifié pour 
une expérience. 

La thévrie d’après laquelle le pancréas fonctionne comme glande vas- 


culaire sanguine me parait solidement établie par ces expériences de 
grefle. 


680 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


— M. DumonrPaLuER insiste sur l'intérêt de cette communication, qui 
confirme la théorie exposée par MM. Brown-Séquard et d’Arsonval sur la 
fonction des glandes vasculaires sanguines et leurs sécrétions internes. Il 
ressort de cette communication que dans le diabète pancréatique il y & 
indication de faire usage des injections sous-cutanées d'extrait pancréa- 
tique emprunté à certaines espèces animales. 

-De plus, M. Brown-Séquard, après avoir eu connaissance de la commu- 
nication de M. Hédon, ajoute que « ce n’est pas seulement le diabète 
maigre qu'il faut traiter par des injections de liquide du pancréas, c’est 
aussi le diabète sucré ordinaire, dépendant de quelque altération de 
nutrition ou d’une affection encéphalique ou du nerf vague. Il faut sans 
doute donner au sang les principes qui lui manquent dans les cas où le 


pancréas n’agit pas, mais il faut aussi augmenter la quantité de ces prin-< 


cipes dans les cas de diabète où le pancréas est sain. 
« Mais il faut en outre dans toutes les espèces de diabète combattre la 
faiblesse par des injections de liquide testiculaire. 


« Les injections simultanées des deux liquides testiculaire et pan- 


créatique ont déjà été employées avec de grands avantages dans des cas. 
de diabète de nature diverse. » 


ACTION PHYSIOLOGIQUE DE L'ANAGYRINE. 
ACTION SUR LE COŒUR ET SUR LES VAISSEAUX, 


par M. E. GLey. 


L'anagyrine est un alcaloïde qui a été extrait par MM. N. Gallois et. 


E. Hardy de l'Anagyris fetida, légumineuse que l’on trouve dans le Midi 
de la France, mais abondante surtout en Algérie. Sa formule serait, 
d’après ces auteurs, C!* H'$ Az° 0°. 

La toxicité des extraits d'anagyre est connue. Dans une thèse pré- 
sentée à la Faculté de médecine de Montpellier, en 1870 (De lanagyre 
et de ses propriétés toxiques), Arnoux a décrit les effets toxiques qu'il 
avait observés à la suite d’injections pratiquées avec ces extraits sur des. 
animaux de différentes espèces, grenouilles, pigeons, lapins, chiens. Ces 
effets ont surtout consisté en vomissements, ralentissement et arrêt de la 
respiration. Quant à l’action physiologique proprement dite de la subs- 
tance, elle était restée indéterminée. 

La découverte du principe actif permet d'aborder dans de bonnes con- 
ditions cette étude. Je dois à l'obligeance de notre très regretté collègue, 
M. H. Hardy, et de notre collègue M. N. Gallois, les substances, chlor- 
hydrate et bromhydrate d'anagyrine, avec iesquelles j'ai entrepris, depuis. 


SÉANCE DU 93 JUILLET 681 


plusieurs années déjà, des recherches dont j’exposerai aujourd'hui une 
partie. 
Un résumé de ces recherches a été publié dans une note insérée par 


MM. Gallois et Hardy dans les Mémoires de la Société philomathique, 1888. 


J'ai vérifié avec le principe actif les résultats généraux obtenus avec les 


* extraits de la plante par Arnoux. J'ai ensuite indiqué brièvement l’action 


de l’anagyrine sur le muscle. Cette action est fort intéressante et je me 
propose d'en poursuivre l'étude de plus près. 
Récemment, un élève du laboratoire a, sous ma direction, déterminé la 


- toxicité de la substance sur le cobaye et sur le chien. D'autre part, il a 


[} 


fait avec mon aide une série de recherches sur son action cardio-vascu- 
laire; ce travail lui servira de thèse pour le doctorat en médecine, thèse 
qui doit être très prochainement soutenue (1). 

L'anagyrine détermine sur le cœur et sur les vaisseaux des effets 
remarquables. Sur la grenouille, on voit, après une injection sous-cuta- 
née de 1 ou plusieurs milligrammes, les systoles devenir plus amples et 
plus brusques; bientôt apparaît progressivement un plateau systolique. 
Or, l’anagyrine produit sur le cœur du chien un phénomène analogue, 
une diminution de volume très nette, qui indique bien une augmentation 
de la tonicité du muscle. Plus tard, quand la dose a été un peu plus forte, 
et cetle période dure très longtemps, la phase systolique est augmentée, 
la diastole raecourcie, le cœur se remplit très mal; néanmoins il continue 
à battre, même si la dose a été à dessein exagérée, tandis que la respira- 
tion s’est arrêtée très vite et que la paralysie des membres et l’inexcita- 
bilité des nerfs sont absolues depuis longtemps. Le cœur de la grenouille 
ne meurt denc pas par un arrêt brusque en systole, comme il arrive avec 
la digitaline ou la strophantine; les systeles deviennent de plus en plus 
petites, le ventricule ne se remplit presque plus; et pourtant les batte- 
ments continuent. Il y a tendance à l’arrêt systolique, mais non arrêt 
systolique. 

L'analyse de ces troubles a été poussée plus loin sur le cœur du chien. 
Sur des animaux simplement eurarisés, après une injection de 1/2 ou 


- 1 milligramme ou de 1 ou 2 centigrammes — la dose importe peu (2), 


l'effet restant le même, — le cœur se ralentit d’abord. Ce ralentissement 


(1) A. Coutrest. Recherches expérimentales sur l’action physiologique de 
l'anagyrine, et particulièrement sur son action cardio-vasculaire, Thèse, 
Paris, 1892. 

(2) Au sujet de la dose, je ferai remarquer que sur les animaux curarisés la 
toxicité de l’'anagyrine diminue; alors que cette toxicité est en moyenne 
de 0 gr. 02 par kilogramme en injection intra-veineuse pour un chien normal, 
on peut, quand on pratique la respiration artificielle, injecter des quantités 
pour ainsi dire indéfinies de la substance. C’est ainsi, par exemple, que nous 
avons iujecté sur un chien de 15 kilogrammes 86 centigrammes, sans que le 
cœur s’arrêlt. 


: 682 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


dure peu, et presque tout de suite arrive l'accélération du cœur. Si on a 
coupé préalablement le bulbe, le ralentissement ne se produit plus. L'ac- 
célération est le phénomène premier. 

Cette accélération est constante et considérable. Quelques chiffres le 
prouveront : c'est ainsi que nous avons vu le cœur battre 153 fois par 
minute au lieu de 114; 201 et 216 au lieu de 153; 210 au lieu de 135 ; 
931 au lieu de 174 ; 195 au lieu de 147; 225 au lieu de 108. Ces chiffres 
représentent des maxima, et ces maxima ont toujours coïncidé avec le 
maximum de la pression sanguine intra-artérielle. 

Si on enregistre les changements de volume du cœur au moyen du pro- 
cédé de François-Franck ‘Comptes rendus Laborat. de Marey, WI, 1877), 
on conslale que le cœur se resserre d’abord, immédiatement après l’in- 
jection : la ligne inférieure du niveau s’abaisse, comme on peut le voir 
sur les tracés que je présente à la Société. Cependant, particularité 
digne d'attention, les systoles ne perdent rien de leur amplilude;elles de- 
viennent même plus brusques, ce qui prouve l'augmentation d'énergie de 
la contraction cardiaque. Aussi le cœur se vidant complètement peut-il 
se remplir de nouveau très bien. Les diastoles deviennent très amples, le 
niveau général de la courbe s'élève. 

Comme le cœur est en même temps très accéléré, on est amené à se 
demander si ce ne sont pas ces profondes modifications dans le rythme et 
dans la tonicité de l'organe qui commandent, au moins en grande partie, 
aux variations si importantes de la pression intra-artérielle dont il va être 
question tout à l'heure. 

Quel est le mécanisme de cette action cardiaque? La suppression, par 
la section préalable du bulbe, de la courte phase de ralentissement montre 
que le poison agit sur le système du nerf vague, pour l’exciter d'abord ; 
puis un certain degré de paralysie survient; on voit en effet, à une période 
plus avancée de l'intoxication, l'excitabilité électrique du pneumogastrique 
diminuer. Faut-il &onc attribuer l'accélération du cœur à la paralysie du 
système pneumogastrique ? Mais l'accélération se produit aussi considé- 
rable chez les chiens dont on a sectionné la bulbe ou dont on a supprimé 
les vagues par l’atropinisation préalable. — L’excitation des nerfs accélé- 
rateurs ne pourrait non plus rendre compte de tous les phénomènes 
observés. On sait, en effet, qu’il est exceptionnel de voir l'accélération du 
cœur produite par l'excitation de ces nerfs s'accompagner d'un débit 
sanguin plus grand et amener une augmentation notable de la pression 
artérielle. La règle, dans ce cas, est le maintien ou même la diminution 
de la pression, les systoles plus fréquentes envoyant dans les artères des 
ondées sanguines d'un moindre volume. 

Il est vrai que l’anagyrine, tout en agissant sur les nerfs accélérateurs, 
pourrait augmenter aussi le travail du cœur. De fait, l'inscription des 
changements de volume du cœur nousa révélé un fait important, à savoir 
que les diastoles, malgré la fréquence des contractions, conservent leur 


SÉANCE DU 23 JUILLET 6S3 


amplitude : la réplétion ventriculaire se produit aussi complètement, et 
les sysloles accélérées envoient par suite dans les artères de volumineuses 
ondées sanguines qui font monter la pression aux niveaux excessifs que 
j'ai observés. Le travail du cœur est donc considérablement augmenté. 
Ceci explique sans doute l'épuisement assez rapide des effets de l’anagy- 
rine, que j'ai vu survenir, surtout sous l'influence des fortes doses d’em- 
blée. D'autre part, les modifications cardiaques expliqueraient-elles tous 
les phénomènes ? L’anagyrine ne peut-elle agir aussi sur les vaisseaux ? 

Le fait est que cetle substance, introduite dans les veines à faibles 
doses, élève rapidement et beaucoup la pression artérielle. Sur des chiens 
dont le bulbe était sectionné, nous avons vu la pression, dans le bout 
central de la fémorale, s'élever de 90 millimètres de mercure à 240 et 
272 ; de 132 à 234 ; de 92 à 310 et 270 ; et dans le houl périphérique de 
l'artère, de 42 à 201 et 147 ; dans le bout central de la carotide, de 60 à 
176 ; et sur des chiens curarisés seulement, dans le bout central de la 
carotide, de 192 à 244 ; dans le bout périphérique, de 139 à 166 ; dans le 
bout centrai de la fémorale, de 101 à 324. Cette augmentation de pression 
a lieu en même temps que l'accélération du cœur; elle se produit, que 
le bulbe soit on non sectionné. 

Ce phénomène ne dépend donc pas de l'excitation des centres vaso- 
moteurs bulbaires. J'ai constaté de plus que, quand on détruit complè- 
tement la moelle par le procédé que j'aidéerit(Soc.wde Biol.,16 février 1889, 
p. 115), supprimant ainsi tous les centres vaso-moteurs médullaires, l'élé- 
vation de pression suit néanmoins l'injection, et n’est pas moins considé- 
rable. J'avais déjà autrefois constaté le même fait pour la strophantine ; 
récemment, et en se servant de mon procédé, M. Wertheimer l’a constaté 
pour la nicotine (Archives de physiol., 4891, p. 3%1). 

Pensera-t-on alcrs que loutes les variations de pression dépendent de 
l'état du cœur ? Il paraît malaisé de déterminer si l’action vasculaire de 
l’anagyrine est absolument indépendante de son action cardiaque. De 
fait, au fur et à mesure que la pression s'élève, on vail le cœur s’accélérer; 
tant que dure cette accélération, la pression reste à un niveau très élevé ; 
dès que le nombre des battements diminue, la pression commence à 
s’abaisser progressivement. Ces variations sont toujours corrélalives aux 
changements de rythme et de tonicité du muscle cardiaque. Il faut 
excepler toutefois le phénomène de l'élévation de pression, malgré le 
ralentissement court, mais primitif du cœur, dont j'ai parlé plus haut, 
chez les animaux dont le bulbe est intact. C'est même ce fait qui force à 
attribuer à l’anagyrine une aclion vaso-motrice propre el primitive. 

C'est ce même fait du ralentissement du cœur, dans ces conditions, qui 
conslilue la preuve d'une action de la substance sur les appareils bulbaires 
de la cireulation. Mais ce phénomène est unique, puisque chez Îles ani- 
maux à bulbe coupé ou même dont la moelle a élé détruite, tous les effets 
cardio-vasculaires se déroulent de la même façon. 


684 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Il semble donc bien que l’anagyrine agisse surtout sur les organes péri- 
phériques. Or, on sait que le chloral à fortes doses supprime presque 
complètement l’excitabilité des ganglions nerveux. Si on chloralise un 
chien, les effets de l’anagyrine s’atténuent d’autant plus que la chlorali- 
sation devient plus profonde, que la dose de chloral est plus forte. On 
voit bien ce phénomène sur les tracés que j'ai l'honneur de montrer. Sur 
un de ces (racés, on remarque une légère élévation de pression; mais en 
même temps le cœur s’est un peu accéléré : il bat quatre-vingt-dix-neuf 
fois par minute, au lieu de quatre-vingt-dix. Cette légère augmentation 
de fréquence ne suffirait-elle pas à expliquer la faible élévation de pres- 
sion observée ? On peut se le demander. 

Ces résultats relatifs à la suppression presque absolue de l’action de 
l’anagyrine par le chloral, font penser que cet alcaloïde agit sur les gan- 
glions nerveux périphériques, sur les ganglions inlra-cardiaques et aussi 
sur les cellules ganglionnaires disséminées dans les parois des vaisseaux, 
si l’on admet l’action vaso-motrice propre de la substance. Il n’est pas 
possible d’aller plus loin dans l'explication et de savoir si les fibres mus- 
culaires elles-mêmes ne sont pas atteintes. 

En ce qui concerne les ganglions cardiaques, j'ai déjà posé la question 
de savoir si les eflets déterminés sur le cœur tiennent à la paralysie du 
système modérateur ou à l'excitation du système accélérateur. La forme 
même des modifications cardiaques, surtout la forme de la courbe des 
changements de volume du cœur, qui indique bien une exagération de 
l'état systolique à un moment donné, parait montrer que les ganglions 
accélérateurs sont excités. 

Quoi qu'il en soit, l'augmentation de fréquence du cœur s'accompagne 
ici d'une augmentation de travail évidente. L'action de l’anagyrine 
constitue même un bel exemple de ce phénomène assez rare, 


DES MOUVEMENTS TRÉMULATOIRES DU COEUR CHEZ LES ANIMAUX NOUVEAU-NÉS, 


par M. E. GLey. 


J'ai déjà attiré l'attention sur ce fait, à savoir que l'excitation électrique 
de la surface ventriculaire du cœur chez les animaux nouveau-nés 
(chiens et chats) ne détermine pas les mêmes phénomènes que chez les 
animaux adultes (1). Chez ces derniers, on sait que, à la suite des trému- 
lations qui résultent immédiatement de l'excitation, les contractions 
rylhmiques des ventricules ne peuvent se rétablir; et, quand les trémula- 


(1) Comptes rendus Soc. de Biol., 28 juin 1890, p. 471; Ibid., 14 février 189, 
p. 108 ; Ibid., 18 avril 1891, p. 259; Arch. de physiol., 1891, p. 735. 


CON 


A 


SÉANCE DU 23 JUILLET : 689 


tions ont pris fin, au bout de quelques minutes, tout mouvement ventri- 
culaire a cessé. Au contraire, chez les nouveau-nés, comme je l’ai mon- 
tré, les battements rythmiques reparaissent, très souvent dès que 
l'excitation, qui avait donné lieu aux trémulations, a cessé. J'avais même 
été amené à conclure de ces faits que la production même des trémula- 
tions est un phénomène d'ordre nerveux, et j'ai développé les raisons qui 
militent en faveur de cette opinion. 

Il était intéressant de rechercher à quelle époque le cœur du nouveau- 
né diminue de résistance à l’égard des excitations électriques, ou, autre- 
ment dit, commence à se comporter comme celui de l'adulte. 

Dans mon mémoire des Archives de physiologie où sont relatées des 
‘expériences faites depuis l’année 1887 jusqu'en 1891, j'ai rapporté les 
résultats d'expériences réalisées sur des chiens nouveau-nés, au nombre. 
de huit, âgés de À à 13 jours. Depuis, j'ai eu à ma disposition des 
petits chiens, tous de la même portée, âgés de 15, 24 et 29 jours et deux 
d’une autre portée, mais encore de la même mère et du même père que 
les précédents, et âgés de 30 et 33 jours. 

Sur l’auimal de vingt-quatre jours, j'ai constaté à plusieurs reprises 
le rétablissement du rythme ventriculaire après les trémulations ; cepen- 
dant, à la suite d’une cinquième excitation, avec un courant très fort, les 
trémulations durèrent très longtemps ; on pratiqua alors le massage du 
cœur : les contractions furent très lentes à revenir et restèrent d’ailleurs 
incomplètes, une partie seulement du ventricule, le long du sillon inter- 
ventriculaire antérieur, se conlractant à intervalles réguliers. — Sur l’ani- 
ma! âgé de vingt-neuf jours, des excitations de plus en plus fortes n’empé- 
chèrent pas la reprise des mouvements rythmiques; mais, après une pre- 
mière excitation maxima, dès que les contractions rythmiques reparurent, 
sous l'influence d’une seconde excitation également maxima, les trémula- 
tions se reproduisirent, et, cetle fois, le rythme ne se rétablit pas. On voit 
bien dans ces deux expériences, et-surtout dans la deuxième, l'influence de 
la sommation des excitations, dont j'ai montré l'importance pour l'étude 
des mouvements trémulatoires sur le cœur du lapin (Soc. de Biol.,18 avril 
1891,p.259; Arch. de physiol., 1891, p. 736). — Sur l'animal âgé de trente 
jours, une excitation assez forte détermine destrémulations qui durent 8 mi- 
nutes ; après ce tempsdes contractions rythmiques très faibles apparaissent, 
limitées au bord du sillon interventriculaire; cet état dure quelques 
minutes; à aucun moment ne <e produit une vraie systole, efficace. Les 
oreillettes continuaient à battre rythmiquement. — Sur le chien de trente- 
trois jours, on constate deux fois de suite la reprise des contractions 
rythmiques après les trémulations; sous l'influence d’un courant beau- 
coup plus fort, les trémulations sont de nouveau produites et durent 6 mi- 
nutes; après ce temps, on constate une certaine tendance de la pointe ven- 
triculaire à battre rythmiquement, mais on n’observe pas de systole 
efficace. Les oreillettes ont des contractions rythmiques. 


686 5 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


On peut conclure de ces faits que c’est entre le vingt-neuvième et le 
trente-troisième jour après [a naissance que le cœur du chien perd sa 
résistance aux excitations électriques de la surface ventriculaire. 

Il est à peine besoin de faire remarquer maintenant que sur les petits 
chiens de cet âge, tous les appareils nerveux sont bien développés et en 
plein fonctionnement. J'avais d’abord pensé que le développement de 
l'appareil nerveux intra-cardiaque pourrait aller de pair avec celui de la 
région motrice de l’écorce cérébrale ; et sur un certain nombre d'animaux 
j'ai étudié simultanément l’excitabilité électrique de l'écorce et celle du 
myocarde. Mais j'ai vu sur ces animaux l’écorce devenir excitable entre 
le neuvième et le douzième jour (c'est d'ailleurs l’époque admise par la 
plupart des physiologistes qui ont fait des expériences de ce genre), 
alors par conséquent que les ventricules avaient encore toute leur résis- 
tance aux excitalions. — S'il est permis de penser que les appareils ner- 
veux sont d’aulant plus délicats, plus fragiles en quelque sorte, qu'ils 
sont plus développés et d’un fonctionnement plus compliqué, on sera 
conduit à admettre que les appareils nerveux intra-cardiaques se déve- 
loppent très tardivement. 


CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU DIABÈTE PANCRÉATIQUE. DES EFFETS DE LA 
GREFFE EXTRA-ABDOMINALE DU PANCRÉAS, 


par MM. E. Gzey et J. THrrovoix. 


(Laboratoire des cliniques de la Faculté et laboratoire de M. Lancereaux, 
à l'Hôtel-Dieu.) 


Nous avons l'honneur de présenter à la Société un chien, porteur d’une 
greffe sous-cutanée du pancréas; c’est la partie verticale de la glande qui 
a été ainsi transplantée sous la peau. Comme on peut le constater, ce 
chien est très bien portant et n'est aucunement glycosurique. En ce qui 
concerne l’élat local, on voit la saillie que forme la grefle, bosselée et 
assez résistante ; sur la partie inféro-externe, on distingue un petit per- 
tuis par lequel on fait sortir aisément, en pressant sur la saillie, une cer- 
taine quantité d’un liquide clair, fortement albumineux ; il est nécessaire 
de procéder de temps en temps à cette évacualion. Ge liquide est du 
liquide pancréatique; il transforme en effet l’amidon cuit en sucre reduc- 
teur, comme nous nous en sommes assurés; mis en contact avec de l’al- 
bumine (digestion artificielle à l’étuve), il en transforme une partie en 
peptone. 

Cet animal est le quatrième chien à qui cette opération ait élé faite; le 
premier a élé opéré le 27 juin, le deuxième le 1°" juillet, le troisième le 


44 


SÉANCE DU 23 JUILLET 687 


2 juillet et le quatrième le 13 juillet. Autant d'opérations, autant de 
mois. Le chien que nous présentons est l’opéré du 1° juillet. 
Ces succès opératoires sont dus, croyons-nous, à une raison très simple. 


Nous avons antérieurement essayé de pratiquer la greffe du pancréas sur 


un certain nombre d'animaux. M. Thiroloix a pratiqué sur trois chiens la 
greffe intra-musculaire; tous trois sont morts d’un phlegmon gazeux, en 
trois jours ; à l’autopsie, on constatait que le pancréas avait élé complè- 
tement résorbé sur place. En deuxième lieu, nous avons pratiqué 12 gref- 
fes, suivant l'ingénieux procédé décrit par M. Hédon (Soc. de Büol., 
9 avril 1892, p. 307); tous ces animaux sont encore morts du troisième au 
neuvième Jour, sauf un seul, sur lequel, quand il fut rétabli, on sectionna 
le pédicule vasculo-nerveux qui rattachait à la cavité abdominale la por- 
tion greffée; ce chien subit ie mênie jour l’extirpation de la partie res- 
tante, partie horizontale, du pancréas et eut, à la suite de cette opéra- 
tion, une légère glycosurie pendant quatre jours; puis il se remit complè- 
tement; le quatrième jour qui suivit ce rétablissement, la tumeur formée 
par la greffe avait notablement augmenté de volume et était devenue fluc- 
tuante; on fit une ponction avec la seringue de Pravaz, et on retira 
4 centimètres cubes d’un liquide clair, transparent, albumineux: le cin- 
quième jour, on enleva le pancréas greflé, qui était très vasculaire; dès 
le lendemain l'animal était fortement diabétique. Voici, par exemple, la 
quantité d’urine et la quantité de sucre émises par vingt-quatre heures 
pendant huit jours : 


SUCRE, 
Jours. Ürines. Pare bar D Hours 

cc. er. gr 
1 1.920 13.20 25.39% 
2 2,200 23 50.60 
3 2.000 38 16 
n 2.100 40 84 
D 2.150 45 96.76 
6 1.300 59 76.7 
7 1.300 59 16.70 
8 1.000 23 23 


L'animal est mort quinze jours plus tard, en élat de cachexie diabé- 
tique (1). 
Mais c'est là le seul succès que nous ayons obtenu. Or, depuis, nous 


(1) L'observation très détaillée de cet animal est rapportée dans une com- 
munication faite par M. J. Thiroloix à la Sociélé anatomique de Paris, 1° juillet 
1892, p. 483. M. Thiroloix en a parfaitement montré toute l’importance au 
point de vue de la théorie du diabète pancréatique et des fonctions du pan- 
créas par rapport aux traneformalions des matériaux sucrés dans l’économie. 


688 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


avons pu sauver tous nos animaux, grâce à une modification très simple, 
heureusement apportée par M. Thiroloix, au procédé de M. Hédon. Nous 
avions en effet remarqué sur le chien dont nous venons de résumer l’his- 
toire, que la tumeur formée par la greffe augmentait par moments de 
volume et se remplissait d’un liquide clair. Il était rationnel de supposer 
que ce liquide était constitué, nous l'avons déjà dit plus haut, par du suc 
pancréatique qui digérait les tissus environnants et d'abord la glande 
transplantée. Il a suffi d’assurer l'écoulement de ce liquide par un petit 
drain laissé pendant quelques jours (3 ou #4) dans la greffe pour que 
celle-ci réussisse à coup sûr (1). Les physiologistes pourront maintenant 
s'assurer aisément que les choses se passent bien ainsi. 

L'intérêt de ces observations, à divers points de vue, se remarque de 
lui-même. Nous ne voulons pour le moment que signaler celui qui s’at- 
-tache à la question des fonctions du pancréas. Ainsi se vérifie l'exactitude 
de ce qu'a récemment annoncé Minkowski : « Es ist mir gelungen, bei 
mehreren Hunden Pankreasstücke ausserhalb der Bauchhühle zu transplan- 
tiren und dadurch das Zustandekommen des Diabetes nach der Entfer- 
nung der in der Bauchhôhle zurückgebliebenen Theile der Drüse zu ver- 
hindern. Erst als nachträglich diese unter der Bauchhaut eingeheilten 
Pankreassiücke entfernt wurden, stellle sich die Zuckerausscheidung in 
vollster [Intensität ein. | 

«.… Eine ausfürhlichere Mittheilung über dieselbe (Versuche) behalte 
ich mir noch vor. » (Berliner klin. Wochenschrift, 1892, n° 5). Il sera 
très intéressant de comparer aux nôtres les observations détaillées de 
Minkowski. 


LES IMAGES CATOPTRIQUES DE L'OEIL HUMAIN, 


par M. TSCHERNING. 


Messieurs, vous savez qu'il se forme, dans l’œil humain, outre l’image 
dioptrique, qui sert pour la vision, trois images catoptriques, connues 
sous le nom d'images de Purkinje. Je viens de trouver qu'il existe encore 
deux autres images, outre une troisième qui n’est pas visible, pour des 
raisons que j'indiquerai tout à l'heure. Le nombre total d'images de l'œil 
humain devient donc sept. 

Chaque fois qu'un rayon lumineux traverse une surface qui sépare 
deux milieux transparents, il se fait, comme vous savez, une réflexion 


(1) Néanmoins la réunion de la plaie ne se fait en général qu’en trois 
semaines, à cause du suintement incessant de liquide clair provenant du 
pancréas greffé. 


SÉANCE DU 23 JUILLET 689 


d’une partie de sa lumière. Dans tout instrument d'optique, il se forme de 
cette manière une série de rayons qui sortent du côté de l'objectif. Je 
désigne ces rayons comme des rayons perdus pour les distinguer des 
rayons utiles, qui contribuent à la formation de l’image, que nous obser- 
vons. Mais il existe encore une troisième catégorie de rayons: avant de 
sortir de l'instrument, les rayons perdus perdent de nouveau une partie 
de leur lumière par la réflexion aux différentes surfaces qu'ils rencontrent. 
Cette lumière sort de l'instrument du côté de l’oculaire et peut ainsi entrer 
dans l’œil de l’observateur, où elle est souvent une cause de gêne. Je 
désigne cette lumière comme nuisible. 

Même avec une simple lentille on peut observer des images formées 
par ces trois catégories de rayons. En la plaçant à quelque distance d’une 
bougie, on voit du côté de celle-ci deux images catoptriques de la flamme, 
formées par des rayons perdus, et de l’autre côté on voit, près de l’image 
utile, une petite image pâle, due à deux réflexions successives dans l’in- 
térieur de la lentille, et qui représente la lumière nuisible. 

Au moyen de la formule de Fresnel, on peut calculer l'intensité de ces 
différents rayons. Ainsi on trouve pour une simple lentille la répartition 
suivante : 


DUT C'RULITE AP PNR RE SRE ER RES RSC O DE A (DT) 
a DUO ee Re me Nue ue on — 
D US IDIE RAR ARR OUEN PAPE TRE SA GITE 


Dans les instruments composés, la perte de lumière est beaucoup plus 
grande et peut même atteindre un tiers ou plus de la lumière incidente. 
Pour l'œil, on trouve au contraire la répartition suivante : 


ÉUMNETENU ICE PAUL EE ST EN SP 97 p. 100 
D UC AS Na ae cie D Se 
— TUONDLE MARS SR SR NE ED OO DRE - 


Vous voyez donc que l'œil, est à cet égard, supérieur à tout instrument 
d'optique et même à une simple lentille, puisque la perte de lumière 
n’est que d'environ 3 p. 100, et la lumière nuisible est réduite à un mini- 
mum. Mais si faible qu'est celte dernière, elle dépasse pourtant la limite 
de visibilité. On peut s’en persuader par une expérience très simple, em 
regardant la flamme d’une bougie à travers un prisme très faible. On voit 
alors, outre la flamme elle-même, deux images secondaires, dont la der- 
nière très päle. Celle-ci est formée par des rayons qui ont subi quatre 
réflexions dans l'intérieur du prisme, leur intensité est donc de 41/5000 
p. 100 de la lumière incidente. Dans la suite, nous admettrons cette inten- 
sité comme la limite de visibilité, de manière à négliger les rayons dont 
l'intensité ne dépasse pas cette limite. 

Voyons maintenant ce que devient un rayon lumineux qui entre dans 
l'œil; il traverse les quatre surfaces et vient frapper la rétine comme 


690 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


rayon utile. Mais à chaque surface il perd une partie de sa lumière, et il 
se forme de cette manière quatre rayons perdus. Trois de ces rayons 
perdus doivent traverser la surface antérieure de la cornée, où ils 
subissent de nouveau une réflexion. Il se forme ainsi deux rayons nui- 
sibles, un, qui est dû à une première réflexion à la surface an'érieure du 
cristallin, et une deuxième à la surface antérieure de la cornée et un 
autre, dû à une double réflexion à la cristalloïde postérieure et à la sur- 
face antérieure de la cornée. Le troisième, dû à une double réflexion dans 
l’intérieur de la cornée, est trop faible pour être distingué. 

Nous aurons donc dans l'œil humain du même objet lumineux sept 
images, dont nous allons nous rendre compte. 

Je n'insislerai pas sur l’image utile, qui n’intéresse guère la question 
que je traite ici. Parmi les quatre images « perdues », les trois sont bien 
connues sous le nom d’images de Purkinje. Mais je viens de trouver que 
la quatrième image, due à une réflexion à la surface postérieure de la 
cornée, est également visible. Elle a eu une histoire assez curieuse. Elle fut 
décrite avec les trois autres au commencement de ce siècle par Purkinje, 
mais on l’a perdue de vue depuis C'est ainsi que v. Helmholtz déclare 
qu'il s’est donné beaucoup de peine en la cherchant, sans pouvoir la 
retrouver. 

Je l'ai découvert au moyen d'un instrument, l’ophtalmophakomètre, 
que j'ai construit pour mesurer la courbure du cristallin, et qui fonctionne 
au moyen de pelites lampes à incandescence. Mais on peut l’observer 
sans aucun appareil, en plaçant une forte lampe près de l’œil qu'on exa- 
mine et en observant l’image catoptrique de la surface antérieure de la 
cornée à travers une loupe. On voit alors, aussitôt que cette image se rap- 
proche du bord de la puville et encore mieux, lorsqu'elle le dépasse et 
vient se trouver en avant de l'iris, qu’elle est accompagnée d’une petite 
image qui suit la grande comme un satellite sa planète et qui est toujours 
située entre celle-ci el le milieu de la pupille. Plus les images se rappro- 
chent du bord cornéen, plus elles sont distantes l’une de l’autre. Au milieu 
de la pupille elles viennent au contraire se confondre; je n'ai pas réussi, 
par aucun moyen, de les séparer à cet endroit. 

L'image est assez nette pour permettre de mesurer le rayon de cour- 
bure de la surface en question. C’est ainsi que j'ai pu constater que le 
rayon est d'environ 6 millimètres, une mesure qui n’a jamais été faite 
sur l'œil vivant. J'ai aussi pu constater que la surface postérieure montre 
souvent une déformation analogue à celle de la surface antérieure, le 
méridien vertical étant plus courbe que le méridien horizontal. La défor- 
mation prouluit de l’astigmalisme, mais comme la surface est négative, 
agissant comme une lentille concave, cet astigmatisme compense en 
général une partie de celui de la surface antérieure. 

L'épaisseur de la cornée, qu’on peut aussi mesurer au moyen de cette 
image, est d'environ À millimètre. Comme le rayon de la surface anté- 


SÉANCE DU 23 JUILLET 691 


rieure est d'environ 8 millimètres, il s'ensuit, que le centre de la sur- 
face postérieure vient se trouver à environ À millimètre en avant du 
centre de la surface antérieure. Les foyers catoptriques des deux sur- 
faces viennent donc à coïncider, et c’est là la raison pourquoi on ne peut 
pas séparer les deux images au milieu de la pupille. 

Je ne parlerai pas des deux images cristalliniennes, qui sont bien con- 
nues. Je ferai seulement remarquer que tandis que l’image de la cristal- 
loïde postérieure est située au même niveau que les images cornéennes, 
celle de la cristalloïde antérieure est siluée considérablement plus en 
arrière. Si l’on veut examiner les images de Purkinje au moyen d'un 
instrument d’eptique, il faut choisir une lunette et se mettre à quelque 
distance. Il est en effet impossible de mettre un microscope au point pour 
les trois images à la fois. 

Occupons-nous maintenant des images « nuisibles ». Je ferai d’abord 
remarquer que ces images doivent être subjectives, puisque les rayons 
sont dirigés vers la réline. 

Or, je viens de trouver l’image, formée par ces rayons qui ont subi une 
double réflexion à la surface postérieure du cristallin et à la surface anté- 
rieure de la cornée. J'ai aussi découvert celle-là au moyen de l'ophtal- 
mophakomètre, mais il existe un moyen bien simple pour l’observer 
sans aucun appareil. On n’a qu’à se placer dans une chambre obscure et 
à regarder droit devant soi, tandis qu'on tient à la main une bougie 
allumée à environ 20 centimètres de la ligne visuelle. En promenant la 
bougie un peu de côté et d'autre, on voit apparaître de l’autre côté de 
la ligne visuelle une image pâle de la flamme, qui se meut symétrique- 
ment à celle-ci par rapport à la ligne visuelle. L'image est assez nette 
pour qu’on puisse distinguer qu’elle est renversée. 

Si on calcule le système optique qui forme cette image, on voit que le 
foyer se forme près de la rétine de l’œil normal et que l’image est droite, 
ce qui correspond bien à notre expérience ; on voit l'image renversée par 
la projection en dehors. Les yeux myopes ont, comme vous savez, la 
réline située plus en arrière. C’est pour celte raison que les myopes en 
général voient l'image dilficilement et mal définie. Pour la voir bien, il 
faut ou placer l’objet lumineux très près de l'œil, ou corriger la myopie. 

Ayant trouvé cette image, je me suis dit qu'il devait nécessairement 
en exister une autre, due à la réflexion, à la cristalloïde antérieure et à 
la surface antérieure de la cornée. J'ai essayé de la rendre visible de 
différentes manières, mais sans y arriver. 

Le calcul en montre la rai-on. Le système de cette image a en effet 
son foyer situé très en avant dans l'œil près de la cristalloïde postérieure. 
Avant d'arriver à la rétine, les rayons seront donc tellement dispersés, 
qu'on ne voit qu’une lumière nébuleuse. 


692 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


DE L'HÉMATOZOAIRE DU PALUDISME, ET DE SON IMPORTANCE EN CLINIQUE, 


par M. le D' Sourté, 


Professeur suppléant à l'École de médecine d'Alger. 


Dans une communication récente, M. Treille est venu annoncer qu'il 
avait découvert dans l’urine d'un malade atteint d'hématurie et indemne 
de toute infection palustre un corps semblable aux flagella de l'héma- 
tozoaire du paludisme. Comment a-t-il pu conclure à l'identité de nature 
puisqu'il dit dans la même communication qu’il n’a jamais rencontré 
l’hématozoaire dans le sang des fiévreux? Il faut une certaine habitude 
pour permettre à l’œil de se familiariser avec les formes multiples et avec 
les dimensions de ce petit organisme. On peut donc retourner à M. Treille 
l’objection qu'il adresse à ceux qui ont observé l’hématozoaire de Laveran 
et lui dire qu’il a été lui-même la victime d’une illusion d'observation. 

Depuis quatre ans que j'observe ce parasite, je l'ai recherché dans le 
sang et dans les humeurs des malades les plus divers; je ne l'ai jamais 
rencontré en dehors des malades atteints de fièvre intermittente. 

Pendant l’hiver on n’observe que des fièvres de récidive beaucoup plus 
légères que les fièvres de première invasion, ou que les fièvres de récidive 
de la période estivale. Les hématozoaires sont beaucoup moins nombreux 
et leur recherche beaucoup plus laborieuse. Cependant j'ai constaté leur 
existence à différentes reprises; mais ce n’est souvent qu’au troisième ou 
quatrième examen et chez des malades qui avaient été quelque temps 
sans prendre de la quinine. 

Pendant l'été 1890, ayant été appelé à remplacer M. le professeur Gros 
dans son service de la clinique médicale, j'ai pu mettre à profit, au point 
de vue clinique, les indications fournies par la connaissance de l’héma- 
tozoaire. Bien souvent le microscope m'a révélé la nature de l'affection 
d’un malade apporté dans le coma, ou dans un tel élat de prostration 
qu'il était incapable de fournir aucun renseignement utile. 

Je rapporte ici quelques observations pour montrer les avantages que 
j'ai retirés de cet examen dans la pratique. Elles ont été presque toutes 
prises dans le service et les résultats obtenus ont été contrôlés par tous 
les assistants. 


Ogs. I. — Fièvre continue palustre prise pour une fièvre typhoïde. 


L... (Antoinette), (rente-trois ans, ménagère, venant de Saint-Eugène, entre 
à la salle Bichat, le 19 août 1890. 

Cette malade est envoyée à l'hôpital par mon distingué collègue, M. Ie 
D' Moreau, avec le diagnostic de fièvre typhoïde pour y être traitée par les 
bains froids; il l'a soignée pendant une huitaine de jours à domicile, la fièvre 
a persisté malgré l'emploi de la quinine à diverses reprises. 


SÉANCE DU 23 JUILLET 693 


A son entrée, la malade répond difficilement aux questions et ne peut 
donner aucun renseignement. Céphalalgie intense. T. 39°,8. P. 108. Langue 
sèche, noire; abdomen douloureux, gargouillement dans la fosse iliaque 
droite. Taches rosées. 

Rate hypertrophiée. Diamètre vertical, 9 centimètres. 

L'examen du sang révèle l'existence de nombreux hématozoaires : corps n° 2 
libres et endoglobulaires, corps en croissant : leucocytes mélanifères. Diag- 
nostic : fièvre continue palustre. 

Traitement : 14 gr. 50 de bichlorhydrate de quinine en injection hypoder- 
mique. 

Le lendemain, la température a baissé, nouvelle injection de 1 gr. 50 de 
bichlorhydrate. 

Le surlendemain, température normale; 1 gr. 50 de chlorhydrate de quinine 
administré par la voie buccale. 

La malade a repris connaissance; elle raconte qu’elle a habité El Affroun 
pendant deux mois et qu’elle n’y a jamais eu la fièvre. Elle est malade depuis 
qu’elle est rentrée à Saint-Eugène. Sa maladie a commencé par un frisson et 
depuis la fièvre ne l’a plus quittée. 

Elle sort de l'hôpital le 22 septembre, guérie, après avoir eu une rechute 
dans le service. 


Ogs. II. — Fièvre continue palustre débutant par une abondante épistaxis et prise 
pour une fièvre typhoïde. 


F... (Dominique), vingt-deux ans, maçon, entre à la salle Trousseau le 
4 août 1890, au soir. Il vient de Birmandreis. Les personnes qui l’ont amené 
disent qu'il est malade depuis huit jours, que sa maladie a débuté par un 
violent mal de tête, qu’il a eu la fièvre continuellement sans frissons ; une 
épistaxis très abondante qu'on a eu beaucoup de peine à arrêter est survenue 
en même temps. Le bulletin délivré par le médecin qui l'a soigné pendant 
les premiers jours et qui lui a administré la quinine sans succès porte le 
diagnostic de fièvre typhoïde. 

5 août. — F... est très abattu et répond avec peine aux questions. T. 40 de- 
grés, P. 130, petit, rapide, régulier. Céphalalgie violente. Le tégument est 
très pâle, le malade paraît exsangue. Langue sèche, dents fuligineuses. Ventre 
douloureux, gargouillements à la fosse iliaque droite. Selles diarrhéiques 
jaunes. Rate douloureuse ; diamètre vertical, 13 centimètres. 

Examen du sang : hématozoaires très nombreux (corps n° 2, croissants), 
leucocytes mélanifères. 

Diagnostic : Fièvre continue palustre. Injection hypodermique de 1 gr. 50 de 
bichlorhydrate de quinine. 

6 août. —T. 37°,8. Injection de 1 gr. 50 de bichlorhydrate de quinine. Soir : 
T. 380,4. 

1 août. — La température est normale. Par mesure de prudence les injec- 
tions de quinine sont encore continuées pendant deux jours. La fièvre ne 
reparaît pas. 

F... sort le 17 août, très faible encore, mais pouvant marcher cependant 


avec assez de facilité. 
à 


28. 


694 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Ors. III. — ne paludéenne revétant le masque d'une périlonite. Péritonisme 
palustre. 


© 


G.. (Hyacinthe), quarante et un ans, ménagère, venant de Dély-Ibrahim, 
entre. à la salle Bichat le 26 août 1890. Était alitée depuis cinq jours ; elle a eu 
continuellement la fièvre. Elle se plaint d’un grand mal de tête. Courbature 
généralisée; n’a jamais eu-les fièvres. T. 40°,1, P. 120. 


27 août. — Ventre très douloureux ; météorisme ; ; vomissements ; glace à 
l’intérieur et sur l'abdomen; pilules d’opium. 
28 août. — La malade ne peut rien conserver ; vomissements porracés ; 


facies grippé; ventre très douloureux, très ballonné. Pouls petit 130 ; T. #1 
degrés. Le diagnostic de péritonite paraît s'imposer. En raison de la localité 
d'où vient la malade je fais l'examen du sang. Hématozoaires du paludisme 
{corps n° 2); leucocytes mélanifères. Je fais immédiatement une injection 
hypodermique de 4 gr. 50 de bichlorhydrate de quinine. 

29 août. — T. 38,4. Ventre moins douloureux, mais toujours métféorisé. 
Vomissements plus rares. Nouvelle injection de 4 gr. 50 de quinine. Soir : 


T. 370,4. 


30 août. — Les vomissements ont cessé, le météorisme a considérablement 
diminué. La glace est suspendue ainsi que la quinine. 
31 août. — La température est remontée à 39 degrés. Vomissements, météo- 


risme, douleurs abdominales. La poche de glace est rétablie. Injection de 


1 He 50 de bichlorhydrate de quinine. 
A septembre. — La fièvre est tombée, les vomissements ont disparu, ainsi 


que la douleur abdominale. La quinine est continuée pendant deux jours 
encore. La malade sort guérie le 20 septembre. | 
Cette observation est un exemple d'une manifestation rare et singulière du 
paludisme qui peut être désignée sous le nom de péritonisme palustre. La pré- 
sence de l'hématozoaire dans le sang, la cessation des vomissements, du mé- 
téorisme, de la fièvre sous l’action de : quinine montrent bien que la maladie: 


était sous la dépendance du paludisme. 


OBs. IV. — Accès pernicieux. Éruption pétéchiale pouvant. faire . croire: à un 
lyphus. : 


- Mohamed-ben-Ali, vingt-huit ans, journalier, entre à la salle Trousseau le 
3 septembre 1890; on l’a amené de la Casbah, sans renseignements. 

4 septembre. — T. 40 degrés; P. 120. Face congestionnée, conjonctives injec- 
tées. Langue sèche, rôtie, dents fuligineuses. Éruption pétéchiale abondante 
Sur le‘thorax et l'abdomen. Respiration stertoreuse; 1e malade est dans le 
coma. L'auscultation et la percussion ne révèlent rien dans la poitrine. à 

Quelques cas de typhus avaient été observés dans la ville arabe. Mohamed 
ben Ali était-il atteint de cette maladie, et fallait-il l'évacuer dans le pavillon 
des typhiques ? L'examen du sang me permet de trancher la questions; je 
trouve de nombfeux hématozoaires (corps n° 2, croissants) ainsi que des leu- 
cocytes mélanifères. Y£ 

9 


LE 


SÉANCE DU 2 JUILLET 695 


Traitement : 1 gr. 50 de bichlorhydrate de quinine par la voie hypoder- 
mique. 

3 septembre. — Le malade est sorti de sa torpeur. Il raconte qu'il a eu les 
fièvres le mois dernier à la Chiffa et qu'il est rentré en ville depuis quelques 
jours. 

La quinine est admivistrée trois jours encore. Le malade sort le 20 sans 
avoir eu de nouvel accès. 


Ogs. V. — Accès pernicieux. Malade entré sans renseignements. Diagnostic fait 
par l'examen du sang. Mort. 


B... quarante-six ans, journalier, entre à la salle Trousseau Le 20 août 1890. 
T. 409,5 ; P. 124. Coma. Pas d’autre renseignement, sinon qu'on l’a apporté 
de Guyotville. Langue sèche ; éruption pétéchiale sur l'abdomen et le thorax 
faisant songer au typhus. Foie et rate légèrement hypertrophiés. 

Examen du sang : nombreux hématozoaires, leucocytes mélanifères. 

Quinine, 1 gr. 50 en injection, à la visite du matin. Le malade meurt dans 
la nuit. 


OBs. VI. — Fièvre continue palustre, reconnue par l'examen du sang. 


Le 20 septembre 1891, je suis appelé auprès de C..., soixante-quatorze ans, 
ancien marin, habitant dans mon voisinage. Il est soigné par une domestique 
peu intelligente qui ne peut me donner aucun renseignement sur le début de 
la maladie; tout ce que je peux obtenir, c’est que GC... est malade depuis une 
dizaine de jours, qu'il a eu la fièvre tout le temps et qu’il est alité depuis le 
début. 

Je trouve le malade en proie à une fièvre vive : T. 39°,9, P. 130. Pommettes 
rouges, nez effilé, langue sèche. Diarrhée, incontinence des matières. Rate 
légèrement hypertrophiée. État voisin du coma. Le malade entend les ques- 
tions qu’on lui pose, il tourne les yeux, mais il est incapable de répondre, La 
faiblesse est extrême. Les vomissements rendent toute alimentation impos- 
sible, 

Le fils du malade possédant des forêts de chênes liège dans l’intérieur, je 
soupconne le paludisme et je pratique l'examen du sang; je (rouve de nom- 
breux parasites (corps n° 2 libres et inclus dans les hématies, leucocytes 
mélanifères). 

Traitement : Bichlorhydrate de quinine, 2 grammes en injection hypoder- 
mique pendant deux jours. 

Le malade reprend connaissance. La quinine est administrée par la voie 
hypodermique pendant quelques jours encore. 

C... peut me raconter qu'il a été à la Réghaia avant de tomber malade: 
c’est là qu'il S’est impaludé. Il finit par se remettre après une convalescence 
des plus longues et des plus pénibles. 


è 


Les observations que je viens de rapporter démontrent l'importance de 
l'examen du sang chez les malades soupçonnés d’impaludisme. Je-pour: 


696 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


rais en rapporter un certain nombre d’autres dans lesauelles l'examen 
ayant été négatif, la marche de la maladie a confirmé l'examen hémato- 
logique et montré qu'il ne s'agissait pas de paludisme. 

Nous devons ajouter que l’hématozoaire ne se trouve pas toujours en 
grande abondance dans le saïg dans les cas graves, et qu'il se montre, 
par contre, assez fréquent Da sans déterminer d'accès de fièvre. 


Ogs. VII. — Accés pernicieux se terminant par la mort. Parasites peu nombreux 
dans le sang. 


G... (Étienne), trente-deux ans, mineur, vient de la Chiffa, entre salle 
Trousseau, dans Le coma, le 7 octobre 1890. 

T. 400,6, p. 128. Foie et rate légèrement hypertrophiés. 

Examen du sang : corps n° 2 rares, leucocytes mélanifères. 

Injection hypodermique de 1 gr. 50 de bichlorhydrate de quinine, à la 
visite du matin. Le malade succombe dans la nuit. 

Autopsie. — Lésions habituelles du paludisme aigu. Dans la pulpe splénique, 
diffluente je trouve de nombreux hématozoaires (corps n° 2 de loutes 
dimensions) ainsi que des leucocyles mélanifères en grande quantité. La vue 
de ces leucocytes se déplacant lentement dans la préparation soixante heures 
après la mort n'a pasélé sans me surprendre. Par une température extérieure 
élevée, les leucocytes peuvent donc continuer à vivre hors de l'organisme 
pendant un temps assez long. 


Oss. VII. — Parasites du paludisme en nombre assez considérable dans le sang- 
Pas d'accès de fièvre. 


B... (Jules), quarante-sept ans, représentant de commerce, entre salle 
Trousseau le 9 décembre 1890. Impaludé la première fois au mois d'août der- 
nier, soigné à l'hôpital militaire de Dra-el-Mizan. 

9 septembre. Teinte terreuse des cachectiques palustres. Le malade a l’air 
égaré, la mémoire est affaiblie, cherche ses mots avant de répondre. Pas de 
fièvre. 

Examen du sang : Croissants nombreux, leucocyles mélanifères. 

Pendant trois jours 4 gramme de chlorhydrate de quinine. Pas d'accès pen- 
dant son séjour à l'hôpital. Sort le 25 septembre. 

Est pris d'accès après sa sortie, entre de nouveau le 26 octobre à la salle 
Trousseau. Le sang est plus richeen parasites : Corps n° 2 libres et endoglo- 
bulaires, leucocytes mélanifères nombreux. Pas de quinine. Arséniate de 
soude. 

Le sang examiné plusieurs fois contient les mêmes parasites. Le malade n'a 
pas de fièvre pendant son séjour à l’hôpital. Sortie le 5 novembre. 


Ces faits montrent l'importance de l'examen du sang chez les malades 
soupçonnés d'être atteints de paludisme. |l est à désirer que les praticiens 
des pays palustres se familiarisent avec cette recherche très simple, qui 


SÉANCE DU 16 JUILLET 697 


a autant d'importance en pratique que celle du bacille de la tuberculose 
ou de la diphtérie. 

De ce qui précède, je crois pouvoir tirer les conclusions suivantes : 

L'hématozoaire du paludisme se rencontre d’une manière constante 
dans les formes aiguës dn paludisme. 

On ne le trouve que chez les malades atteints de fièvre paludéenne. 

Son existence est plus difficile à constater en hiver et au printemps, 
dans les fiévres de récidive. On le trouve cependant dans le sang des 
malades présentant des accès. 

Au point de vue clinique, on doit procéder à sa recherche dans tousles 
pays où règne l’endémie palustre. Sa constatation est pathognomonique 
du paludisme. Chez tous les malades atteints de fièvre intermittente 
récemment contractée ou de récidive récente, on trouvera le parasite sous 
l’une de ses formes, ainsi que des leucocytes mélanifères, lémoignage et 
résultat de sa présence. 


QUELQUES FAITS RELATIFS 
A LA RÉPARTITION DU FER CHEZ LES JEUNES ANIMAUX, 


par M. Louis LAPICQUE. 


(Laboratoire de la Faculté de médecine à l'Hôtel-Dieu.Clinique médicale.) 

Depuis les communications que j’ai faites à la Société en 1889 sur la 
répartion du fer dans lesorganes des jeunes animaux, j'ai réuni un assez 
grand nombre de documents nouveaux sur cette question. Bien que ces 
documents soient loin d’être suffisants pour conduire à une conclusion 
générale, je voudrais exposer dès maintenant quelques faits de détail 
auxquels je suis arrivé, et qui pourront peut-être servir à d’autres obser- 
vateurs. Je pense en effet, être empêché pendant quelques temps de pour- 
suivre ces recherches. 

Tous mes dosages ont été faits par le procédé colorimétrique que j'ai 
exposé à la Société en 1889 (i). 


(1) Ce procédé a été attaqué récemment par M. Riban (Soc. chim. de Paris, 
décembre 1891). Ce chimiste reprenait l'objection de MM. Krüss et Moraht à 
laquelle j'avais déjà répondu ici même (Soc. de Biologie, 29 nov. 1892), à 
savoir que le sel coloré qui prend naissance par l’action réciproque d’un sel 
ferrique et d’un sulfocyanate alcalin est dissocié par l’eau. J'ai fait voir, en 
citant mes chiffres, que cette dissociation n’a pas lieu dans les condilions où 
je me place (Soc. chimique, février 1892). M. Riban a reconnu la légitimité de 
la méthode colorimétrique dans ces conditions. 


598 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


I. Rate. 


Je puis confirmer pleinement le fait que j'avais annoncé dans mes notes 
précédentes, à savoir que la rate des animaux jeunes est pauvre en fer, 
je n'ai pas rencontré une seule exception à cette règle. Voici quelques 
chiffres nouveaux : 


1. — Chien âgé de quinze jours, pesant 950 grammes. Poids de la rate 
fraîche ; 4 gr. 24; sèche : 0 gr. 91. 

0 gr. 447 de substance sèche donnent 0 milligr. 35 de fer. 

Fe p. 1000 du poids sec, 0,80 ; du poids frais, 0.17. 

2. — Chien de la même portée âgé de un mois, pesant 2 kil. 350. Poids de 
la rate fraiche, 8 gr. 62. 

4 gr. 29 de substance fraîche donne 0 milligr. 20 de fer. 

Fe p. 1000 du poids frais, 0.45. 

3. — Chat de trois semaines pesant 345 grammes. Poids de la rate fraîche, 
4 gr. 165; sèche, 0, 240. 

Analysée en totalité, donne 0 milligr. 10 de fer environ (1). 

4.— Chien âgé de deux jours, pesant 370 grammes. Poids de la rate fraîche, 
4 gr. 53; sèche, 0,255. 

Analysée en totalité, donne 0 milligr. 15 de fer.! 

Fe p. 1000 du poids sec, 0,60 ; du poids frais, 0.10. 

5. — Chienne de la même portée que le n° 4, sacrifiée le même jour, 
pesant 440 grammes. Poids de la rate fraîche, 2 gr. 02 sèche, 0,352. 

Analysée en totalité donne 0 milligr. 22 de fer. 

: Fe p. 1000 du poids sec, 0,63; du poids frais 0.41. 

6. — Chien âgé de trois jours, pesant 290 grammes. Poids de la rate frai- 
che, 4 gr. 34; sèche, O\gr. 25: 

Analysée en totalité, donne 0 milligr. 16 de fer. 

Fe p. 1000 du poids sec, 0,74; du poids frais, 0.42. 

1. — Chienne même portée que le n° 6, sacrifiée le même jour, pesant 
285 grammes. Poids de la rate fraiche, 1 gr. 007, sèche, 0 gr. 205. 

Analysée en totalité donne 0 milligr. 14 de fer. 

Fe p. 1000 du poids sec, 0,70 ; du poids frais, 0.14. 

8. — Chien âgé de huit jours, pesant 360 grammes. Poids de la rate frai- 
che, 1 gr. 33. Analysée en totalité, elle donne 0 milligr. 25 de fer, soit 0.19 
p. 1000. 

9. — Chien âgé de dix jours, pesant 360 grammes, même portée que le 
précédent. Poids de la rate fraîche, 0 gr. 98. Analysée en totalité, elle donne 
0 milligr. 22, soit 0.22 p. 1000. 


La rate ne contient ainsi pas plus de fer que n'importe quel organe 
suffisamment vaseulaire que l’on analyserait avec le sang qu’il contient. 


(1) Quand la quantité de fer tombe aux environs d’un dixième de milli- 
gramme, l'hésitation de la lecture colorimétrique est assez grande, parce que 
la teinte varie trop lentement avec les déplacements du cylindre plongeur. 


SÉANCE DU 23 JUILLET 699 


C’est dans ces conditions en effet, que je l’ai analysée; il ne faut pas son- 
ger à rendre une rate exsangue, comme on le fait pour le foie,par lavage 
des vaisseaux au moyen de la solution physiologique. 

Voici à titre de comparaison, des dosages faits sur le corps Uhyroïde 


du chien adulte. 


Un lobe du corps thyroïde enlevé sur le vivant pèse frais 1 gr. #1, sec 0,41; 
il contient 0 milligr. 13 de fer, soit 0.09 p. 1000 du poids frais. 

Sur un autre chien plus petit, les deux lobes ensemble, enlevés dans les 
mêmes condilions, pèsent 1 gr. 15; par suite des ligatures posées avant la 
thyroïdectomie, ces organes sont fortement congestionnés. Ils donnent à l’ana- 
lyse 0 milligr. 24 de fer, soit 0.21 p. 1000 du poids frais. 

Une amygdale de Chien, pesant 1 gramme, m'a donné 0.11 de fer. 


Il en résulte que la réserve de fer de la rate indiqué par divers auteurs, 
n'existe assurément pas chez les jeunes animaux. 

La proportion de fer que contient cet organe augmente avec l’âge, 
mais sous des conditions que je n'ai pas encore pu déterminer. À coup 
sûr, elle n’est pas fonction de l’âge seul. J’ai trouvé une proportion assez 
peu élevée dans ia rate d’une vieille chienne. 


Chienne âgée de douze ans, pesant approximativement 20 kilogrammes, 
morte de fatigue à la suite d'une chasse. La rate fraiche pèse 21grammes; sèche, 
6 gr. 40. 0 gr. 49 de substance sèche donne 0 milligr. 95 de fer; un autre 
échantillon pesant 0 gr. 33 donne 0,75 de fer. Moyenne des deux échantillons, 
2, 1 p.1000 du poids sec, 0.50 p. 1000 du poids frais. 


M. Krüger (de Dorpat) (1) a étudié récemment les variations dans la 
teneur en fer de la rate du bœuf domestique. Îl employait, après avoir 
brové la rate, un procédé de levigation destiné à lui fournir les cellules 
du tissu splénique isolées, et il y dosait le fer par la méthode classique 
de Margueritte. Il y aurait peut-être des réserves à faire sur la nature de 
la substance analysée, considérée comme tissu splénique exsangue. Quoi 
qu'il en soit, M. Krüger a trouvé dans ces conditions que la rate des 
veaux est beaucoup plus pauvre en fer que celle des adultes; il a trouvé, 
de plus que la rate des vaches, particulièrement des vaches non pleines 
el n'ayant pas vêlé récemment, est beaucoup plus riche en fer que celle. 
des bœufs. Er est-il de même pour les chiennes? Les documents que je 
possède à cet égard sont trop peu nombreux pour me permettre aucune 
conclusion. Je signalerai le fait suivant, dans lequel la pauvreté en fer 
de la rate d'une chienne ayant mis bas depuis peu, pauvreté assez mar- 
quée eu égard à l’âge de l’animal, serait conforme à l'hypothèse de 
l'épuisement du fer de cet organe pendant la gestation. 


(4) Zeitschrift für Biologie, 1890. 


700 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


— 


Chienne, 11 kilogrammes, âgée de trois à quatre ans (d’après l'état de sa 
denture) ayant mis bas depuis peu et en pleine lactation. Poids de la rate 
fraîche, 25 grammes; sèche, 5 gr. 74; 0 gr. 505 de substance sèche donnent 
0 milligr. 72 de fer; 0 gr. 321 donnent 0 gr. 47. 

Fe p. 1000 du poids sec, 1.41; du poids frais, 0,32. 


II. Poie. 


M. Bunge a établi (1) que les animaux aaissent avec une réserve de 
fer ; celte réserve sert à l'édification de leur organisme pendant les pre- 
mières semaines de leur vie, où leur seul aliment, le lait ne leur apporte, 
qu'une quantité insuffisante de ce métal. Où est située celte réserve? 
M. Bunge pensait que c’est dans le foie, d’après une analyse de Zaleski, 
montrant que le foie d’un jeune chien, débarrassé de tout son sang par 
lavage des vaisseaux, est beaucoup plus riche en fer que le foie des 
adultes dans les mêmes conditions. Dans une nole antérieure, j'ai pu 
confirmer ce fait pour le lapin, et j'ai montré que le foie de ces animaux, 
exsangue, contient une fcrte proportion de fer qui va en décroissant du 
huilième au vingt et unième jour. 

J'ai voulu recommencer ces recherches à partir de la naissance, mais 
je n’ai pu réussir à fixer assez solidement dans la veine porte d’un lapin 
venant de naître une canule pour faire le lavage du foie. 

Voici des chiffres relatifs au foie non lavé de lapins âgés de moins d’un 
jour, et d’un lapin d’une semaine. 


4. — Lapin de 4 à 5 heures. Poids, 46 grammes. En ouvrant l’abdomen, on 
trouve l’estomac absolument vide. Poids du foie frais, 6 gr. 55. 1 gr. 73 don- 
nent 3 milligr. 9 de fer, d’où : 

Fe p. 1000 de foie frais, 1.74. 

2. — Lapin de la même portée, pris une heure après le précédent. Poids, 
60 grammes. En ouvrant l'abdomen, on trouve l'estomac rempli de lait; les 
chylifères sont tout blancs. Poids du foie frais, 6 gr. 86. 2 gr. 69 donnent 
4 milligr. 5 de fer, d’où : 

. Fe p. 1000 de foie frais, 4.67. 

Chez ces deux lapins j'ai dosé le fer du sang, et ce dont m'a douné occa- 
sion de remarquer un fait qui pourrait entraîner à des erreurs dans des 
recherches de ce genre si on n'était prévenu. Le sang du n° 4 contenait 0.53 
de fer p. 1000; le sang n° 2, 0.43. Mais le sang du premier laissait 18.8 p. 100 
de résidu sec; le sang du second, 17.0 p. 100. En rapportant les quantités de 
fer au résidu sec, on trouve dans les deux cas exactement la même valeur, 
2.52 p. 1000. Si l’on remarque que le second lapin a tété et non le premier, il 
devient probable-que la richesse de leurs deux sangs, en apparence si diffé- 
rente, est la même à peu près, mais que le sang du second en a été dilué par 
le sérum du lait absorbé. La différence du poids des animaux doit tenir aussi 


(1) Voir son Traité de chimie physiologique, et, tout récemment, un article dans 
la Zeitschrift für physiologische Chemie, 1892. 


SÉANCE DU 23 JUILLET 101 


à la tétée. Il faut donc pour étudier le sang des nouveau-nés, faire grande 
attention à ce premier repas. 

3. — Un lapin de la même portée, âgé de sept jours, pesait 92 grammes. 
Le sang (avec 17.1 p. 100 de résidu sec), donnait 0.39 de fer p. 1000. Un mor- 
ceau du foie pesait frais, 3 gr. 40 ; sec, 0.935. 0 gr. 38 donnent 1 milligr. 45 de 
fer; 0 gr. 49 donnent 2 milligr. O. 

Fe p. 1000 du foie sec, 3.9; du foie frais, 0.97 (1). 


Ces chiffres confirment la théorie de la réserve de fer située dans le foie. 
On ne peut admettre, en effet, que le fer trouvé dans le foie des jeunes 
lapins soit celui du sang contenu dans l'organe, puisque le foie avec son 
sang en contient trois fois et demie plus qu’un même poids de sang. 

Mais si l'existence de cette réserve est un fait acquis, en tant que fait 
général, il reste à étudier les variations individuelles qui sont considéra- 
bles. Il arrive que l’on trouve dans le foie de deux animaux de la même 
portée des proportions de fer très différentes, et il serait intéressant de 
vérifier, s’il existe pas une relation, comme il m’a semblé, entre la richesse 
du foie en fer et la puissance d’accroissement des petits. Voici un 
exemple : 


4, — Chien âgé de huit jours, pesant 360 grammes. Fer du sang, 0.43 p. 1000. 
On lave le foie en faisant passer au travers pendant une heure la solution de 
sel à 7 p. 1000, au moyen d’une canule fixée dans la veine porte. Après cette 
opération, et après égouttage, le foie pèse 16 gr. 42; sec, 3 gr. 28. 

Fer p. 1000 (moyenne de trois analyses concordant assez bien), du foie 
sec, 3.8 ; du foie frais, 0.74. é 

5. — Chien de la même portée, âgé de dix jours. Poids, 360 grammes ; fer 
du sang p. 1000, 0.33. Poids du foie traité comme ci-dessus : 19 gr. 84; 
sec, 3 gr. 92. 

Fer p. 1000 (moyenne de trois analyses concordantes) du foie sec, 0.77; du 
foie frais, 0.15. 


La différence dans la richesse en fer du foie de ces deux animaux est 
excessive pour leur différence d'âge. Mais, par contre, ils ont le même 
poids, alors que le second aurait dû gagner en ces deux jours au moins 
50 ou 60 grammes, d'autre part, il y a une différence considérable entre 
la richesse des sangs des deux animaux , le second est anémique relative- 
ment au premier, relativement aussi à la moyenne des sangs de chien. 
Il est donc légitime de se demander si ce n'est pas en raison de l'insuffi- 
sance de sa réserve de fer que ce deuxième petit chien se développait 
moins bien que son frère. De lels faits, sion pouvait en réunir un nombre 
suffisant, démontreraient mieux que quoi que ce fût l’importance de cette 
réserve de fer. 


(1) Les valeurs trouvées dans cette série rendent admissible le chiffre 
n° 4 de la série publiée ici même le 20 juillet 1889 (p. 512), et que j'avais 
tenu comme suspect, à cause de l'écart avec le n° 2. Cet écart me paraît 
aujourd’hui rentrer dans la catégorie des faits que je signale plus loin. ACC 
AN 


Æ: 


Me. — 


702 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


ESSAIS DE TRANSMISSION DU Strongylus vasorum DU CHIEN AU CBIEN; 
RÉSULTATS NÉGATIFS, ; 


par MM. Raïccier et CaApior. 


Dans la séance du 28 mai dernier, nous ævons communiqué à la Société 
une observation relative à la présence du Strongylus vasorum dans le 
cœur et l'artère pulmonaire d’un chien. 

Nous rappelions, à cette occasion, que, d’après le résultat des expé- 
riences de Laulanié (1), le développement de ce ver pouvait être consi- 
déré comme s’effectuant par voie directe. 

Voici en effet ce qu’écrivait cet auteur en 1884 : 

« Un grand nombre de chiens à qui j'ai fait manger des fragments 
de poumon atteint de granulie parasitaire ont offert à l’autopsie, prati- 
quée un mois après l'infection, toutes les altérations caractéristiques de 
la strongylose. Je dois cependant faire remarquer que ï’ai eu bien des 
résultats négatifs, qui s'expliquent, pour quelques-uns, par le vomisse- 
ment des animaux en expérience, que j'ai vus quelquefois rejeter absolu- 
ment intacts les fragments de poumon, qu'ils avaient cependant déglutis 
avec une gloutonnerie en rapport avec l’abstinence à laquelle ils avaient 
été condamnés. » 
‘ Et, toul en indiquant les réserves que commandaient ces expériences 
négatives, Laulanié concluait que les embryons éclos « sont accidentelle- 
ment déglutis par des chiens et subissent dans l'appareil digestif ou le 
système veineux de ces derniers les modifications qui les amènent à l'état 
adulte dans le cœur droit ». 

Il ne faut pas oublier, cependant, que Laulanié opérait à Toulouse, 
c'est-à-dire dans un milieu où la strongylose sévit, comme nous l'avons 
montré, à l’état endémique, de sorte qu’on pouvait se demander si ses 
sujets d'expérience n'étaient pas préalablement infestés. Il est extrême- 
ment difficile, en effet, d'établir d'une façon précise le diagnostic de 
l'affection, et l’expérimentation ne peut avoir une base aussi sérieuse qué 
lorsqu'il s’agit des parasites des voies digestives. 

Aussi avons-nous tenu à profiter de l’occasion exceptionnelle qui nous 
était fournie d'observer la strongylose à Paris pour répéter les essais de 
notre collègue de Toulouse. 

Le 2 mai, nous avons fait ingérer à deux chiens, l’un de deux ans, l’autre 
de quatre ans, plusieurs fragments de poumon renfermant une quantité 
énorme d’embryons très actifs du Strongylus vasorum. Chacun de ces 
animaux a reçu environ le tiers d’un lobe pulmonaire. Tous deux ont 


(1) F. Laulanié. Sur quelques affections parasitaires du poumon et leur 
rapport avec la tuberculose. Archives de physiologie, 3° série, t. IV, p. 487, 1884. 


SÉANCE DU 23 JUILLET 103 


été surveillés ensuite avec soin pendant une heure et demie, de manière 
à avoir la certitude qu'ils ne rejelaient rien par le vomissement. 

Le chien de deux ans a été sacrifié le 20 juin. Le poumon montrait un 
peu d’emphysème sur les bords; çà et là, dans son épaisseur, existaient 
quelques nodules de la grosseur d’un grain de chènevis; mais il s'agissait 
simplement de lésions inflammatoires. Il n’y avait aucune trace de vers 
ou d’embryons dans le cœur, l'artère pulmonaire et le poumon. 

Le second sujet, âgé de quatre ans, a été abattu le 22 juillet. Poumon 
emphysémateux; plusieurs nodules inflammatoires, de la grosseur d’un 
grain de chènevis ou d'un pois, et, dans le lobe gauche, un foyer plus 
étendu, contenant à son centre un amas purulent. Ni vers ni embryons 


. dans le cœur, l’artère pulmonaire et le poumon. 


Le résultat de ces deux expériences est donc absolument négatif. 

Nous nous garderons bien toutefois d'en tirer la conclusion que la 
transmission du Strongle des vaisseaux n’a pas lieu suivant le mode indi- 
qué par Laulanié; nous dirons simplement que les essais d’infestation 
directe doivent être repris et multipliés en dehors de la zone méridionale, 
et nous prierons à cette occasion nos collègues de Toulouse de vouloir 
bien nous fournir des éléments pour ces recherches. 


OBSERVATIONS SUR LA RÉSISTANCE VITALE DES EMBRYONS 
DE QUELQUES NÉMATODES, 


par M. A. RAILLIET. 


Les deux chiens d'expérience dont il est question ci-dessus étaient des 
braques Saint-Germain, nés et élevés à Alfort, dans le chenil du service 
de zoologie. 

Or, tous deux hébergeaient divers parasites intestinaux, entre autres 
des Ankylostomes (Uncinaria trigonocephala) et des Trichocéphales (771- 
chocephalus depressiusculus). Ces vers n’existaient toutefois qu’en nombre 
relativement modéré, les premiers siégeant dans l'intestin grêle, les 
autres dans le cæcum. 

Je relève ce fait, d'abord parce qu'il est assez rare de rencontrer ces 
Nématodes chez des chiens d'arrêt, mais aussi et surtout parce que tous 
les chiens que j'ai élevés ou entretenus depuis huit ans dans ce chenil 
ont présenté ces deux espèces de parasites. 

L'origine de cette infestation permanente est facile à établir. Il s’agit 
d'expériences que j'ai faites en 1884 sur ile développement de ces vers, 
qui se multiplient très facilement par voie directe. Les œufs sont rejetés à 
l'extérieur avec les fèces, et l'embryon se développe soit dans ces subs- 


704 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


tances, soit dans les flaques d’eau, et rentre ensuite dans le tube digestif 
pour poursuivre son évolution. 

Après avoir constaté à diverses reprises l'envahissement de tous mes 
animaux, j'ai fait tous mes efforts pour obtenir l’assainissement du chenil: 
il a été surélevé, garni abondamment de sable, entouré de rigoles pro- 
pres à empêcher le séjour de l’eau. Tous ces moyens ont échoué, et on 
voit qu'aujourd'hui encore l’infestation persiste. 

Il me semble que ces faits ont un certain intérêt pratique. Ils montrent 
en effet quelles précautions doivent être prises dans les chenils où sévit 
l’anémie des chiens de meute, causée par les Ankylostomes, pour éviter 
la multiplication de ces parasites. Il ne suffit pas, en effet, de drainer et 


d’assécher complètement le sol : une très faible humidité est, en effet, 


suffisante pour permettre le développement de l'embryon, et cette condi- 
tion doit être presque toujours réalisée sous la simple influence des eaux 
de pluie, de la rosée, ainsi que par le dépôt des excréments et des urines. 
Ce qu'il faut surtout, c’est pratiquer une désinfection fréquente et intense, 
et je pense qu'il conviendrait surtout de recommander dans ce but les 
arrosages au moyen d’eau coupée d'acide sulfurique. 

Et puisque j'en suis à m'occuper de la résistance vitale des embryons 
de Nématodes, j’ajouterai que j'ai poursuivi mes recherches sur ceux du 
Strongylus rufescens, et que je les ai vus reprendre leur activité après 
42 et même 68 jours de dessiccalion. 

Toutefois, cette activité est beaucoup plus longue à se manifester. Dans 
le courant du premier mois, il suffisait d’un contact de 8 à 10 minutes 
avec l’eau pour les voir entrer en mouvement. — Au 42° jour, je n’ai vu 
s’agiter les premiers individus qu'après 34 minutes. — Au 68° jour, il 
a fallu exactement 50 minutes, et certains exemplaires n’ont montré 
quelque activité qu'après À heure 20 minutes. De plus, les mouvements 
étaient assez bornés, et un petit nombre d’exemplaires seulement se 
déplacaient avec agilité, comme d'ordinaire, à la façon des Anguilles. 


Due mes me à ee me ee re eme nes done 2e ee 


INFLUENCE DU SYSTÈME NERVEUX 
SUR L'ÉVOLUTION DE L'INFECTION CHARBONNEUSE 


(Travail du Laboratoire de médecine expérimentale et comparée 
de M. ARLOING, à la Faculté de médecine de Lyon), 


par M. le D' HENRI FRENKEL. 


Nous avons repris les expériences de M. Arloing commencées il y a dix 
ans et concernant l'influence des sections nerveuses sur l'évolution de 
l'infection charbonneuse communiquée par l'inoculation des cultures 
virulentes dans une région plus ou moins complètement privée des filets 
du sympathique. Ces expériences portant surtout sur le lapin, et notam- 


ne < 


SÉANCE DU 23 JUILLET 705 


ment sur la région auriculaire font pendant aux recherches analogues 
publiées par MM. de Paolis, Roger, Ochotine sur l'évolution d’une 
maladie locale, de l'érysipèle, après la section des nerfs de l'oreille chez 
le lapin. 

I. Pour élucider la question de l'influence de la paralysie vaso-motrice 
sur l’évolution du charbon, nous avons fait cinq expériences comprenant 
un total de 18 animaux. Sur 10 lapins on a pratiqué la section du sym- 
pathique cervical et on a innoculé le virus charbonneux sous la peau de 
l'oreille correspondante, soit à la lancette, soit avec une seringue, 1, 6, 
8, 16, 24, 60 heures après l'opération. Les 8 autres lapins ont été ino- 
culés purement et simplement et servaient de témoins. Le tableau sui- 
vant présente la durée de survie des témoins et des japins opérés : 


LAPINS 
DONT LE SYMPATHIQUE EST COUPÉ 


LAPINS TÉMOINS 


NOMBRE SURVIE APRÈS INOCULATION NOMBRE SURVIE APRÈS INOCULATION 


2 à 3 jours. 1 jour 3/4(1). 


Réfractaire. 2 à 3 jours. 
3 à # Jours. 
4 jours 1/2. 
6 jours. 
Réfractaires. 


(1) Ce lapin était malade au moment de l'inoculation. 


L'influence qu'exerce le moment de l'inoculation après la section du 
sympathique se manifeste dans le tableau suivant : 


LAPINS INOCULÉS APRÈS LA SECTION DU SYMPATHIQUE 


TEMPS EN HEURES NOMBRE DURÉE DE SURVIE EN JOURS 
DE LAPINS 

1 heure. 3 2 jours 1/2, 6, réfractaire. 
6 — 1 3 Jours 1/2. 
8 — 2 4 Jours, 4 jours 1/2. 

16  — 2 3 Jours, réfractaire. 

24 — 1 1 jour 3/4 (1). 

60 — 1 Réfractaire. 


(1) Animal malade au moment de l'inoculation. 


706 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


— 


IL. Dans les expériences sur l’influence de la perte de la sensibilité, on 
a sectionné les deux nerfs sensibles qui se rendent à l'oreille. Les témoins. 
ont subi la même opération sur l’oreille opposée à l’inoculation pour 
avoir des animaux dans les mêmes conditions de réceptivité. Nous avons 
fait trois expériences sur 15 animaux, dont 7 témoins. Iei la proportion 
des lapins réfractaires a été plus grande chez les témoins que chez les 
autres, tandis que parmi les lapins qui ont subi la section du sympa- 
thique le nombre des lapins réfractaires a été plus grand chez les lapins 
opérés que chez les témoins. 


LAPINS 
DONT LES NERFS SENSITIFS SONT COUPÉS 


LAPINS TÉMOINS : 


NOMBRE SURVIE APRÈS INOCULATION NOMBRE SURVIE APRÈS INOCULATION 


2 jours. 2 Jours. 
3 Jours 1/# £ 3 jours 3/4. 
5 Jours. 4 jours 1/2. 
Réfractaires. 6 jours. 

< Réfractaires. 


L'influence du moment de l’inoculation après l'opération sur la survie 
se manifeste dans le tableau suivant : 


LAPINS INOCULÉS APRÈS LA SECTION DES NERFS SENSITIFS 


TEMPS EN HEURES NORD DURÉE DE SURVIE EN JOURS 
ALES Lu ë DES LAPINS Ê UE u 


Imméd. après la sect. 3 ‘ours 3/4, deux réfractaires. 
1 heure. l 6 Jours. 
6 Réfractaire. 
16 : 3 Jours 3/4. 
24 2 jours. 


. De nos expériences nous croyons pouvoir tirer les conclusions sui- 
vantes : 

4° L'influence de la paralysie vaso-motrice sur l’évolution de l'infection 
charbonneuse après l'inoculation du virus charbonneux à l'oreille paralysé 
ñe saurait être mise en doute. La paralysie vaso-motrice retarde la mort 
des animaux. Cette influence est d'autant plus marquée que l’inoculation 
suit de plus près la section du sympathique. 


SÉANCE DU 23 JUILLET 707 


2° L'influence de l'abolition de la sensibilité sur l’évolution de l’infec- 
tion charbonneuse après l’inoculation du virus charbonneux à l'oreille 
énervée est plus difficile à mettre en évidence. En effet, la paralysie des 
filets vaso-moteurs contenus dans les branches des nerfs sensitifs com- 
À plique les effets de la section nerveuse. En faisant la part de l'influence 
des filets sympathiques, il paraitrait que la perte de la sensibilité de 
l'oreille a pour conséquence d'accélérer l’évolution des processus char- 
bonneux, et cela d’autant plus que la perte de la sensibilité persiste 
depuis plus longtemps. 

3° Les influences nerveuses sur l’évolution du charbon, bien que cer- 
taines, sont peu marquées. Leur rôle n’est pas aussi considérable qu’on 
semble le croire, du moins en ce qui touche la première période de 
l’évolution du charbon, le stade d'incubation. Les variations de virulence 
. des cultures, le degré de réceptivité individuelle, dans la même espèce, 
enfin l’état de santé ou de maladie ont une influence beaucoup plus mar- 
quée sur l'issue de l'infection et sur la durée de survie. 

4° La proportion des cas où les animaux ont été réfractaires à l’infec- 
tion charbonneuse, chez les lapins opérés et chez les témoins, semblerait 
indiquer que la section du sympathique confère aux animaux une cer- 
laine résistance dans le sens de l’immunité, tandis que la section des 
nerfs sensilifs, loin d'augmenter la résistance, augmente la sensibilité des 
animaux pour le virus charbonneux. Mais une étude approfondie des 
détails des expériences montre qu'une telle conclusion serait prématurée. 
Il s’agit ici plutôt des différences résultant de la résistance individuelle 
que de l'influence du système nerveux. 

9 Les sections nerveuses n’ont aucune influence appréciable sur la 
détermination de la voie par laquelle doit se faire la généralisation de 
l'infection après une inoculalion locale. La voie lymphatique sert, dans la 
majorité des cas, comme voie principale. Dans ces cas-là, on peut voir 
les sections nerveuses produire l'influence indiquée ci-dessus. Lorsque le 
virus charbonneux a pénétré dans la circulation, l’action des nerfs est 
probablement nulle. 


ATROPINE ET PILOCARPINE; LEUR ACTION INVERSE SUR 
LES MOUVEMENTS RESPIRATOIRES, 


par MM. J.-P. Morar et MAURICE Dovon. 


action antagoniste de l’atropine et de la pilocarpine sur les mouve- 
mentsde la respiration est parmi les effets de ce genre un des plus mani- 
festes que l’on puisse observer. Les deux graphiques ci-joints(fig.letfig,2) 


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BIOLOGIE 


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SÉANCE DU 23 JUILLET 


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28. 


740: SOCIÉTÉ DE ‘BIOLOGIE 


le démontrent! — Ils ont été pris sur un chien préalablement trachéoto- 
misé, couché sur la table d'expérience et dont la cavité pleurale avait été, 
par le moyen d’un trocart de forme particulière, mis en relation avec l’une 
des branches d'un manomètre à eau; l’autre branche étant reliée à un 
tambour de Märey pour l'inscription. C’est donc la dépression thoracique 
qu'on euregistre ainsi d’une façon continue et sur le tracé de laquelle se 
lisent toutes les modifications des mouvements respiratoires. 

La trachéotomie a déjà, il est vrai, pour effet de modifier quelque peu la 
respiration. Elle met généralement l’animal (le chien tout au moins) dans 
un assez grand état d'excitation se traduisant par une accélération de la 
respiration. C’est ainsi que dans la figure 1, ligne 1, on compte plus de deux 
respirations par seconde. — C'est le moment qu’on choisit pour injecter 
un centigramme de pilocarpine dans la veine fémorale. Immédiatement 
l'excitation cesse et l’animal fait des inspirations lentes et profondes 
(ligne 2) dont l’une des premières est suivie d’une pause expiratoire de 
25 secondes de durée. — Mais, après ce premier état de surprise, la respi- 
ration prend bientôt un rythme un peu moins éloigné des conditions nor- 
males (ligne 3), toujours lent néanmoins, une respiration pour 4 ou 5 
secondes, rythme qui peut se continuer pendant des heures tout en s’ac- 
célérant graduellement à mesure que le poison s’élimine (ligne 2 de la 
figure 2). 

À ce moment, on injecte 2 milligrammes d’ atropine dans la veine fémo- 
rale (chien d'environ 10 kilogrammes) : immédiatement la respiration 
s'accélère de nouveau et prend un type très rapide (ligne 2), environ deux 
respirations par seconde, et tend encore à s’accélérer (ligne 3) et l'animal 
s'agite de nouveau. Nous avons de plus constaté que l'injection d’une 
nouvelle dose de pilocarpine ramène la sédation et le ralentissement 
de la respiration : seulement il faut pour obtenir cet effet reversible deux 
conditions : la première, que l’atropine ait été donnée à une dose modérée 
à peu près suffisante pour faire apparaître les effets dus à cette substance ; 
la seconde, que la pilocarpine soit administrée à une dose beaucoup plus 
forte que la première fois, 8 ou 10 centigrammes environ. — Enfin il faut 
bien savoir que cette neutralisation des effets d’une substance par l’autre 
n’est pas indéfinie. C’est ce que l’on a déjà constaté dans les exemples 
précédemment indiqués de l’antagonisme de ces deux substances comme 
aussi de leurs succédanées. 


ErRATUM. — Dans notre précédente note parue dans le numéro du 
15 juillet (séance du 9 juillet 1892), page 645, à l’avant-dernière ligne, au 
lieu de: Quatrième tracé: 1 one de pilocarpine, lisez 4 centi- 
gramme d'atropine. 


SÉANCE DU 23 JUILLET TA 


NOTE SUR LA «( STÉRILISATION DE L'EAU PAR PRÉCIPITATION », 


par M. le D' L. DE Sani, 


Médecin-major. 


_ Dans la séance de l’Académie de médecine du 12 juillet 1892, M. Cor- . 
nil a donné lecture, au nom de MM. V. et A. Babes d’un iravail ayant 
pour objet de faire connaître un nouveau principe et une nouvelle mé- 
thode de stérilisation de l’eau. 

Le principe est celui de la précipitation des éléments corpusculaires 
contenus dans l’eau par des substances appropriées ; la méthode est l’em- 
ploi de la limaille de fer agitée et sans doute oxydée dans l'eau à l’aide 
d’un courant d'air. 

Cette question de la purification de l’eau a, à l'heure actuelle, ainsi que 
l'a très bien dit M. Cornil, une importance d'autant plus same que la 
filtration, même à l’aide des filtres Chamberland, est une méthode coù- 
teuse, infidèle, délicate et par conséquent difficile à mettre en pratique, 
tandis que la méthode de précipitation permet d'obtenir facilement, à 
peu de frais et dans toutes les conditions — aussi bien pour le soldat en 
campagne que pour l’habitant des villes, — une eau non seulement opti- 
quement, mais encore bactériologiquement pure. 

Toutefois, si l'emploi de la limaille de fer comme agent de précipitation 
constitue un procédé original, il n’en est pas de même de la méthode gé- 
nérale, du principe formulé par MM. Babes. 

On sait en effet depuis longtemps que, dans les pays où l'eau est im- 
pure et insalubre, par exemple dans l'Algérie du Sud et en Indo-Chine, 
les indigènes usent, pour la purifier et l’assainir, d’un procédé qui con- 
siste à ajouter à cette eau une trace d’alun, puis à agiter, laisser reposer 
et décanter. L’alun, en se combinant avec la nature organique et certains 
sels, forme un précipité qui, comme dans le collage des vins, entraine. 
avec lui les corpuscules en suspension et laisse à la surface une eau par- 
faitement potable. C’est une sorte d’autofiltration qu’on réalise de lasorte, 
et nos colons comme nos soldats sont familiers avec cet expédient. 

Du reste, dans un ouvrage récent (1), jai exposé cette méthode et net- 
tement mis en lumière les avantages qu’on en peut retirer. 
«À Bac-Hat, village important silué au confluent de la Rivière-Claire 
et du Fleuve-Rouge, les habitants ne boivent jamais l’eau cristalline et, 
pure de la rivière ; ils préfèrent traverser celle-ci en bateau et aller, avec 


des jarres, faire leur provision de l’eau bourbeuse, rougeâtre du fleuve., 


(4) L’entérite chronique paludéenne ou diarrhée de TER. are Er 
1890, p. 169-174). | aturE 


112 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Dans ce cas, l’eau se purifie elle-même ; les molécules d'argile en suspen- 
sion dans cette eau la filtrent en quelque sorte par le repos en se précipi- 
tant au fond du vase et la dépouillent ainsi des germes qu’elle peut ren- 
fermer. 

« Cette opération est notablement facilitée par l'addition à l'eau d'une 
trace indéfinissable d’alun. 1/alun, en se combinant avec la matière or- 
ganique et les sels terreux, forme une laque dense qui se précipite immé- 
diatement en entraînant avec elle toutes les particules en suspension et 
qui laisse dans le vase une eau parfaitement pure. 

« Ce procédé est le plus usité; il est absolument inoffensif, car, nous 
le répétons, il ne laisse dans l’eau qu’une trace inappréciable d’alun; il 
est en outre infiniment supérieur à la filtration mécanique de l’eau qui, 
à moins d'être pratiquée avec un filtre de porcelaine nouvellement flambé, 
laisse passer les germes et les microbes en suspension. Aussi mériterait-1l 
d’être universellement adopté, non seulement dans les postes, les campe- 
ments et toutes les condilions de la vie en campagne, mais encore dans 
les garnisons et en France même, où l'on éprouve tant de difficulté à obte- 
nir de l'eau épurée. 

: « Du reste les recherches bactériologiques ont démontré qu'il suffisait 
du simple repos pour purifier l’eau bactériologiquement ; la seule pesan- 
teur entraîne les germes au fond des récipients, de telle sorte qu'il suffit 
d'une simple décantation pour obteuir une eau inoffensive. À plus forte 
raison, quand au repos s’ajoute l'action mécanique de la précipitation et 
l'action catalytique du collage par l’alun. Il y à donc lieu de s'étonner 
qu'une méthode de purification si simple, si peu coûteuse et si efficace 
n’ait pas été vulgarisée dans l’armée. Au Tonkin, elle nous a donné d'ex- 
cellents résultats. » 

J'ai déjà décrit (loc. cit.) le dispositif très simple qui a servi à mes ex- 
périences et qui, comme l’appareil de MM. Babes, pourrait, à des frais 
presque nuls, être installé dans tous les ménages. 

Ce n’est d’ailleurs pas en France seulement que cette méthode a été 
employée. Un chimiste allemand, Oppermann (de Bernburg), a préconisé 
un procédé analogue de purification à l'aide d'un produit qu'il appelle : 
« magnésie gélatineuse ozonisée ». C’est une bouillie qu’il mélange à l'eau 
à la dose d’une cuillerée à café par 3 litres d’eau et qui, dit-il, après repos 
et décantation du liquide, « rend impossible la propagation des maladies 
dont les germes pénètrent par l'alimentation ». — Toutefois Oppermann 
attribuait ce résultat à une action antiseptique de l’ozone et de la magné- 
sie. Bliesener (1), qui a cherché à se rendre compte de cette action, l’a 
trouvée nulle et repousse en conséquence le procédé d'Oppermann. Mais 
celte conclusion, vraie au point de vue spécial auquel se plaçait le chi- 


(4) Bliesener. Die Desinfektion von Trinkwasser durch gallertartigen und 
Ozonhaltigen magnesia brei (Deutsche militérärztliche Zeitschrift, 1890, p.760). 


SÉANCE DU 23 JUILLET 143 


miste allemand, n’est pas acceptable pour ce qui concerne « la méthode 
générale de purification par précipitation ». 

Car c’est là en effet une méthode générale qu’on pourrait appeler d'auto- 
filtration. Soit qu'on se serve de l’alun, qui forme un précipité en se 
combinant avec la matière organique et les sels calcaires, soit qu’on se 
serve d'un sel magnésien, comme Oppermann, ou de la limaille de fer, 
comme MM. Rabes, ou simplement de l'argile en suspension, comme les 
Annamites, la purification de l’eau est toujours produite par l’entraîne- 
ment au fond du vase des molécules et des germes, à l’aide d’un précipité 
qui forme filet et auquel adhèrent ces germes. | 

A ce point de vue, il n’est pas douteux que l'emploi des substances qui, 
comme l’alun, coagulent la matière organique, ou, comme certains sels 
de fer et de magnésie, forment des précipités très ténus ou gélatineux, 
soit particulièrement indiqué pour la purification, parce que ces précipités 
offrent aux germes une grande facilité d’adhérence. 

Mais ce que nous désirons établir, c’est que la méthode générale dé- 
crite par M M. Babes à l'Académie n’est point nouvelle, qu'elle & été 
en particulier expérimentée et préconisée par moi, et qu’enfin elle semble 
à un moment où, à juste titre, la question de la purification de l’eau est 
à l’ordre du jour, susceptible de rendre des services ou, tout au moins, 
digne d'attirer l’attention. 


NOTE SUR UNE LÉSION PARTICULIÈRE DE LA FIBRE CARDIAQUE 
DANS L'EMPOISONNEMENT EXPÉRIMENTAL PAR LE BICHLORURE DE MERCURE, 


par M. le D' Prezter, 


Aide-préparateur à la Faculté de médecine, 


MM. Laborde et Rondeau, au cours d'expériences faites dans leur labo- 
ratoire par M. Cathelineau sur l'empoisonnement par le sublimé, ont eu 
l’occasion de noter la présence très régulière dans les cas d'empoisonne- 
ment aigu, d’ecchymoses sous-endocardiques siègeant surtout dans le 
ventricuie gauche; on trouve ces ecchymoses signalées pour un certain 
nombre d’empoisonnements accidentels chez l'homme; c’est ainsi que 
Briand et Chaudé les mentionnent dansleur Zraité de médecine légale. 

L'étude histologique des pièces que M. Cathelineau à bien voulu nous 
confier, a révélé certaines lésions de la fibre musculaire cardiaque qui 
nous ont paru mériter une mention. L'observation qui fait le fond de 
celle note est la suivante : Elle porte sur un chien de 10 kilogrammes 
mort quatre jours après l'injection de 5 centimèlres cubes d'une solution 
de sublimé à 50 p. 1000 et présentant, à l’autopsie, le cœur en dias- 


114 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


tole avec.de larges ecchymoses dans le ventricule gauche avec de l'hv- 
perhémic dans le tube digestif et le rein, de l’urine albumineuse dans 
la vessie, 

A la coupe, les reins et l'intestin présentaient des lésions de nécroses 
épithéliales qui caractérisent l’empoisonnement par le sublimé et que 
nous n'avons pas à décrire ici. Le taches ecchymotiques de l’endocarde 
ont élé également coupées et colorées par différents réactifs (picro- 
carmin, carmin d’alun, hématoxyline; elles présentent toutes des carac- 
tères communs : ce sont de pelites hémorragies sous-endocardiques 
disposées en foyers lenticulaires, aplatis, dont la base regarde l’endo- 
carde. 

‘À un premier examen, ces foyers paraissent remplis de globules rouges 
et d'énormes vésicules noirâtres, dépassant en volume les cellules adi- 
peuses. 

Avec un examen détaillé, voici ce que l’on constate : les globules rouges 
épanchés forment une nappe serrée qui infiltre complètement tout 
l’endocarde; celui-ci se trouve par conséquent tout tuméfé et fail une 
légère saillie en ces points. 

On ne voit pas de leucocytes colorés dans ces foyers. Un certain nombre 
de ces globules se colorent encore en rouge brique par l’éosine, surtout 
vers les couches moyennes de l’endocarde. 

Les fibres musculaires qui se trouvent immédiatement au voisinage 
des foyers, présentent des modifications importantes, elles sont tumé- 
fiées, granuleuses, et leur corps protoplasmique apparaît uniformément 
coloré en jaune brun. Le noyau n'existe pas plus que sur les moins tumé- 
fiées, il est alors entouré d’une petite zone claire de vascularisation. Sur 


celles qui se présentent coupées transversalement, celte. vacuole peut se- 


présenter plus grande, et la fibre n'est plus réduite qu’à une mince 
écorce pigmentée de jaune. 

Les capillaires qui accompagnent ces fibres sont remplis de globules, 
mais il n’y a pas de trace d'un processus inflammatoire avec infiltration 
de cellules rondes. 


Au centre de certains foyers se voient les vésicules noirâtres dont nous. 


avons parlé. On rencontre aussi des grappes isolées, situées un peu plus 
profondément sous l'endocarde et constituées par les mêmes figures 
morphologiques. Il est aisé de se rendre compte dans ces derniers points 
qu'on se trouve en présence d’une transformation particulière des 
cellules cardiaques, transformation qui paraît n'être que l’évolution de 
celles que nous venons de mentionner. En effet, dans ces groupes isolés, 
les cellules de la périphérie sont loujours beaucoup moins atteintes que 
celles du centre et présentent les caractères que nous venons de voir plus 
haut. Les éléments centraux forment des masses tellement volumineuses 
qu’elles viennent au contact et qu'on ne peut trouver trace de capillaire 
entre elles, soit qu'ils étaient été détruits, soil qu'ils aient été refoulés. 


À 


SÉANCE DU 923 JUILLET 715 


Elles sont entourées par une membrane réfringente festonnée sur 
tout son pourtour et remplie par des masses volumineuses, irrégulière- 
ment arrondies, d'une teinte généralement brune se rapprochant de celle 
des dérivés de l'hémoglobine séparées par des vacuoles irrégulières et 
plus claires. 

Dans certaines de ces masses on retrouve par l'hématoxyline, la trace 
de noyaux stéariques, quelquefois deux, quelquefois plus; ils se colorent 
encore très faiblement, et ne présentent point de grains de chromatine. 

Le tissu conjonctif qui entoure ces îlots ne présente pas d’accumulation 
de jeunes éléments; bien au contraire, sa fibrillation est peu accusée et 
ses cellules fixes sont peu abondantes. 

Tout autour de ces noyaux et dans le reste du cœur, les fibres .çar- 
diaques examinées sur leurs coupes transverses présentent la coupe ré- 
gulière de leurs fibrilles, mais on en trouve cependant un certain nombre, 
chez lesquelles existe autour du noyau, la raréfaction de ces fibrilles 
et une vacuolisation assez marquée. 

Dans une seconde expérience, une chienne de 10 kil. 500 tuée en 
quelques heures par des injections continues (une toutes les cinq mi- 
nutes) de sublimé à 10 p. 1000, et ayant reçu un centigramme de sublimé 
par kilogramme a présenté également des ecchymoses dans le ventricule 
gauche. 

Sur les coupes,elles étaient constituées par l'infiltration sanguine de 
l’'endocarde et par la congestion très marquée des capillaires autour des 
groupes musculaires sous-endorcadiques du voisinage ; mais il n'existait 
pas de semblables lésions des muscles, sans doute à cause de la rapidité 
de la mort. 

Il en était de même chez un lapin ayant succombé trois jours après 
l'injection par voie stomacale de 10 centigrammes de sublimé. 

Réflexions. — Dans le premier de ces cas d’empoisonnement aigu les 
fibres musculaires cardiaques les plus atteintes ont perdu leurs fibrilles et 
elles ont subi une transformation vésiculaire qui présente ce caractère 
spécial de s'accompagner d’une pigmentation hémoglobinique. 

Nous ne savons si cette pigmentation provient des globules rouges 
altérés, sortis des vaisseaux, ou si elle est le résultat de la destruction 
de l'hémoglobine propre ou de la filrine. Nous penchons plutôt vers cette 
dernière hypothèse. 


716 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Co 


SUR UN CAS DE SYRINGOMYÉLIE UNILATÉRALE ET A DÉBUT TARDIF 
SUIVI D’AUTOPSIE, 


par M. J. DÉJERINE, 
Professeur agrégé, médecin de l’hospice de Bicêtre, 


et M. SoLTas, 
Interne des hôpitaux. 


(Avec figures.) 


- La néoplasie gliomateuse dont relève la syringomyélie a comme carac- 
tères principaux dans sa topographie, ainsi que dans son évolution, de 
siéger sur la ligne médiane et de se développer dans l'adolescence ou 
tout au moins aux environs de la vingtième ou de la vingt-cinquième 
année. Nous savons en effet, de par les observations déjà nombreuses qui 
en ont été publiées, que les symptômes par lesquels se caractérise la 
syringomyélie — atrophie musculaire avec troubles dissociés de la sensi- 
bililé — apparaissent d’assez bonne heure, affectent, comme c'est la règle, 
les membres supérieurs d’une manière symétrique, et qu’il est très rare de 
les voir se présenter sous la forme unilatérale. Nous savons en outre, de 
par les autopsies rapportées, que jusqu'ici le gliome a été rencontré sur 
la ligne médiane, car dans les quelques rares cas de syringomyélie à symp- 
tomatologie unilatérale ou à prédominance très marquée d’un côté du 
corps (cas de Roth, 1887) qui ont été rapportés, le diagnostic n’a pas été 
vérifié par l’autopsie. 

Nous nous proposons de démontrer dans le travail actuel que la syrin- 
gomyélie peut affecter la forme unilatérale, que cette forme peut être 
diagnosliquée avec certitude pendant la vie et qu’enfin, la syringomyélie 
peut ne se développer qu’à un âge très avancé, chez un sujet bien portant 
jusque-là. 


OBSERVATION. — Atrophie musculaire du membre supérieur droit, ayant débuté à 
l'âge de cinquante-trois ans. Main simienne. Sensibilité tactile normale. Sensi- 
bilité douloureuse et thermique abolie dans tout le membre supérieur droit, ainsi 
que dans la moitié droite antérieure et postérieure du thorax, et légèrement di- 
minuée sur tout le reste de la surface cutanée sauf le cou, la face et le crâne. 
Sens musculudr'e intact. Pas de contractions fibrillaires. Pas de troubles troghiques 
cutanés ou osseux. Quelques cicatrices de brülures sur la face palmaire et dorsale 
de la main droite. Abolition du réflexe olécränien à gauche. Légère exagération 
du réflexe putellaire des deux côtés. Rétrécissement du champ visuel plus pro- 
noncé à droite. Intégrilé des autres sens spéciaux. Pas de réaction de dégénéres- 
cence. Mort par pneumonie à soixante-deux ans. Autopsie. Gliome excavé occupant 
la moitié droite de la moelle épinière depuis la deuxième pate cervicale jusqu'à la 
partie supérieure du renflement lombaire. 


SÉANCE DU 23 JUILLET 717 


Le nommé Fag.…., âgé de soixante ans, ouvrier en papiers peints, entre 
à Bicètre, salle Raspail, lit n° 11, le 10 mars 1890, pour une paralysie du bras 
droit avec atrophie. 

Antécédents hérédilaires. — Père mort à soixante-quatorze ans d’une affec- 
tion indéterminée. Mère morte d’un cancer de l'utérus à cinquante-deux ans. 
Deux sœurs que la malade a peu connues; l’une d'elles serait morte de 
convulsions en bas âge. Pas de renseignements sur les grands-parents, pas plus 
que sur les oncles et tantes. 

Antécédents personnels. — Impétigo, ganglions, blépharite dans sa jeunesse. 
Toujours bien portant jusqu’à l’âge de trente-huit ans, où il eut une pneumonie. 
Pas de syphilis, pas d’alcoolisme. 

Le début de l'affection actuelle chez le malade remonte à l’âge de cin- 
quante-trois ans, époque où il remarqua pour la première fois que sa main 
droite devenait un peu faible et qu'il s'en servait moins bien qu'autrefois 
pour tenir ses outils. Cette faiblesse légère de la main persista pendant deux 
ans sans progrès notable, et au bout de ce temps, il avait alors cinquaute-cinq 
ans, le malade remarqua que sa main droite maigrissait, et que l’extension 
complète des premières phalanges se faisait moins bien qu'auparavant. 1l put 
cependant continuer à travailler jusqu'à l’âge de cinquante-neuf ans (1889), 
époque à laquelle l’atrophie ayant continué à progresser, il lui devint impos- 
sible de se servir de sa main droite. 


Depuis l’âge de trente-trois ans, le malade était employé dans une fabrique 
de papiers peints, il était broyeur de couleurs et maniait tous les jours des 
couleurs arsenicales, entre autres du vert de Schweinfurt. Il présenta à deux 
reprises differentes des éruptions aux aines et aux bourses, que le médecin 
qui le soignait alors mit sur le compte de l’arsenic. Depuis deux ans, le malade 
se brûle la muin droite avec sa pipe sans le sentir. 

Elat actuel le 15 mars 1890. — Homme de taille moyenne, bien constitué, 
Cyphose très nette de la région cervico-dorsale. Par suite de cette déforma- 
tion, la tête est enfoncée entre les épaules et tombe pour ainsi dire en avant. 

Atrophie musculaire, portant sur la main droite, la moilié inférieure de 
l’avant-bras et le biceps. brachial. La main de ce côté est simienne avec griffe 
cubilale. Les éminences thénar et hypothénar sont très atrophiées et le méta- 
carpien du pouce sur le même plan que les métacarpiens des doigts. Les 
interosseux sont également irès nettement atrophiés. 

Les premières phalanges sont en extension sur le métacarpe, les secondes 
sont flèchies à angle droit sur les premières et les phalangettes sont en demi- 
flexion sur les phalangines. 

L'avant-bras droit est très nettement atrophié dans sa moitié inférieure, 
l’atrophie est plus prononcée sur les muscles de la région antérieure que sur 
ceux de la région postérieure. Le biceps brachial droit est aussi très nette- 
ment atrophié. Pas de contractions fibrillaires, dans les muscles malades. 

Motlité. — Les mouvements d'abduction du pouce, sont abolis complète- 
ment. L'extension des deux dernières phalanges sur les premières très limités 
et faibles. Les mouvements de latéralité (iuterosseux) sont abolis. La flexion 
de la main sur le poignet se fait très faiblement, l'extension est au contraire 
normale, La flexion de l’avant-bras sur le bras se fait avec une force au-des- 


718 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


EE A TU 


sous de la normale. L'extension est par contre conservée. Membre supérieur 
gauche et membres inférieurs intacts comme volume et comme force. 


Etat de la sensibilité. 


Sensibilité tactile. — En examinant la sensibilité à l’aide d’un pinceau de 
blaireau, on constate que cette sensibilité est partout normale, et que, en 
particulier sur tout le membre supérieur droit (doigts, main, avant-bras, bras) 


1 


Æ 


Schéma 1. Schéma 2. 


. Sensibilité tactile, partout normale. 
Sensibilité douloureuse et thermique, abolie dans les régions foncées. 
Sensibilité thermique, légèrement diminuée dans les régions plus claires. 
Sensibilité douloureuse, intacte dans ces mêmes régions. 


le malade perçoit le moindre attouchement aussi nettement qu’à l’état physio- 
logique. L'expérience répétée plusieurs fois et à plusieurs jours d'intervalle à 
toujours donné les mêmes résultats. Chez F... la sensibilité tactile est donc 
absolument intacte, et il en est de même pour la localisation des impressions 
tactiles. 

Sensibilité à la douleur. — Complètement abolie dans tout le membre supé- 
rieur droit ainsi que dans la moitié correspondante du tronc dans les mêmes 
points que ceux où existe une thermo-anesthésie absolue. Dans ces différentes 
régions, les pincements et les piqûres de la peau ne produisent qu'une sensa- 
tion de contact. La sensation douloureuse réapparaît sur la moitié droite 
du thorax, en avant sur la moitié interne du grand pectoral au-dessus de la 
clavicule et en arrière à partir du bord spinal de l’omoplate. Sur toutes les 
autres parties du tégument cutané, la sensibilité à la douleur est normale 
(Voy. Schémas 1 et 2). ; 


SÉANCE DU 23 JUILLET 7119 


————__—_—_—_—_—_———  ——————."…—“——…—…—…—…— —…—…—…—…—…—…—…—…—…—.—.——_—_—_—…—…—…—"————— 


Sensibilité thermique. — (Eau à 90 degrés). Complètement: abolie dans le 
membre supérieur droit, depuis l'extrémité des doigts jusqu'à la racine du cou, 
ainsi que dans la moitié supérieure droite antérieure et postérieure du thorax. 
Dans toutes ces parties d’eau à. 90 degrés ne produit qu’une sensation de con- 
tact. Le malade du reste se brûle souvent les doigts en fumant sa pipe. La 
sensibilité au froid (mélange réfrigérant à — 9 degrés) est également abolie dans 
les mêmes points (Voy. Schémas). Sur tout le reste du corps, la face, la tête et 
la nuque exceptées, la sensibilité thermique au chaud et froid est diminuée 
(membre supérieure gauche tronc, sauf la moitié supérieure droite, nuque 
membres inférieurs). Mais il s’agit ici d'une diminution notablement moins 
prononcée qu’au membre supérieur droit, où le sens thermique est complète- 
ment aboli. 

Pas de troubles trophiques cutanés, pas de panaris. Cicatrices de brülures 


D 


20 TT qe ny à : 
4 a qi ns. 
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sur la peau des doigts et du dos de la main. Sens musculaire intact. Réflexe 
patellaire légèrement exagéré des deux côtés. Réflexe olécranien aboli à 
droite, normal à gauche. Réflexe cutané plantaire conservé des deux côtés. 
La sensibilité de la peau de la face du crâne, de la nuque, du cou, est intacte 
sous tousses modes. Goût, ouie, odorat, intacts. Rétrécissement concentrique, 
très marqué, du champ visuel des deux yeux. Le vert n’est perçu, ainsi que le 
violet, qu à 10 degrés. Le jaune, à 30 degrés à gauche; à 20 degrés à droite. 
Le rouge à 40 degrés à gauche et à 20 degrés à droite. Le blanc n'est presque 
pas rétréci à gauche ; à droite, il n’est perçu qu’à 30 degrés. En somme, sauf 
pour le blanc, le rétrécissement du champ visuel est très prononcé et égal . 
pour les deux yeux; le blanc est rétréci seulement à droite, presque normal 
à gauche. Les sphincters sont intacts (Voy. fig. 1). 

Le diagnostic porté sur ce malade fut celui de syringomyélie unilatérale, 
avec prédominance de la lésion, au niveau du renflement cervical. 

Pendant les vingt et un mois que le malade resta à Bicêtre, les symptômes 
d’atrophie progressèrent lentement. Quand à l’état de la sensibilité, plusieurs 
fois examiné à différentes reprises, il resta toujours le même. 

Lors du dernier examen qui eut lieu douze jours avant la mort, le malade 
étant alors très bien portant, on constata encore aussi nettement qu'aupara- 


720 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


vant à l’aide du pinceau, l'intégrilé absolue de la sensibilité tactile. Il entra 
à l'infirmerie le 11 février 1892 pour une pneumonie droite et succomba deux 
jours après. 

Autopsie. — Faite vingt-huit heures après la mort. Encéphale intact à la 
surface et sur les coupes. Moelle épinière, dure-mère et pie-mère saines. 
Moelle épinière aplatie au niveau de la région cervicale et présentant une 
dépression médiane sur ses faces antérieure et postérieure. À partir de l’extré- 
mité supérieure de la région dorsale la moelle a repris sa forme cylindrique. 
Sur des coupes pratiquées à l’état frais on constate dans toute la moitié droite 
de la moelle, depuis la deuxième paire cervicale jusqu’au niveau de la région 
lombaire supérieure, l'existence d'une cavité revêlue d'une membrane épaisse, 
et occupant le point de jonction de la corne antérieure et postérieure. La 
cavité présente sa plus grande dimension au niveau du renflement cervical 
et diminue ensuite de bas en haut. Au niveau de la septième paire cervicale, 


Fic. 2. — Région cervicale. 


le gliome aux dépens duquel s’est formée celte cavité est peu excavé, d'un 
diamètre de 3 millimètres et fait hernie à la surface de la coupe. 

Examen histologique après durcissrment. — Coupes pratiquées au microtome. 
Méthode de Weigert et de Pal, et méthode au carmin. 

Région cervicale (fig. 2). — 11 existe dans toute la moitié droite de la région 
cervicale, une cavité à parois épaisses et froncées, ayant détruit Ja corne pos- 
térieure, les deux tiers postérieurs de la corne antérieure ainsi que les 
deux tiers antérieurs des cordons de Goll et de Burdach du même côté. Cette 
cavité se prolonge à droite de la ligne médiane au niveau de la réunion des 
cornes antérieure et postérieure droite, et la base de la corne antérieure gauche 
est légèrement refoulée à ce niveau. La paroi de cette cavité n’est pas revêtue 
d'épithélium, elle est épaisse, froncée, et présente l'aspect pseudo-papillaire 
bien connu en pareil cas. Dans certains points, elle présente des prolouge- 
ments assez volumineux, parfois même pédiculés faisant saillie dans l'in- 
térieur. Le tissu qui constitue cette paroi est formé par des fibrilles très 
serrées, et ne contient pas de corps granuleux aussi bien sur les coupes que 
sur des préparations failes par dissociation à l’élat frais. Au niveau de la 
cinquième paire, la cavité est moins étendue, et les parois beaucoup plus 
épaisses. À ce niveau, la compression de la corne antérieure gauche au niveau 
de sa base est très prononcée. Au pourtour de la tumeur, les tubes nerveux 
sont tassés et aplalis. 


SÉANCE DU 23 JUILLET 721 


Région dorsale. — Dans la partie supérieure de la région dorsale, la cavité 
n'existe plus, et on constate l'existence d’une masse gliomateuse occupant la 
base de la corne postérieure droite, qu’elle repousse en dehors et s'étendant 
jusqu'à la périphérie de la moelle entre le cordon de Burdach et le cordon 
de Goll. Cette masse a la forme d'un triangle allongé dont la base correspond 
à la moitié externe droite de la commissure postérieure. Dans cette région on 
constate également un début de gliose dans la substance gélatineuse de 
Rolando du côté gauche, sur une hauteur de 1 centimètre environ. 

Région dorsale moyenne (fig. 3). — Ici, la cavité, mais avec de plus petites 


Fi6. 4. — Région lombaire supérieure. 


dimensions, réapparaît au sein du tissu gliomateux qui présente la même 
topographie que dans la région dorsale supérieure, mäis ici la substance géla- 
tineuse de Rolando du côté droit est intacte. Cette cavité s'agrandit légère- 
ment au niveau de la région dorsale inférieure. 

Région lombaire supérieure (fig. 4). — Ici la cavité est limitée à la substance 
grise de la corne postérieure et a détruit la base de cette corne. Gelte cavité, 
comme les précédentes, est tapissée par une membrane. assez épaisse et 
froncée. Au niveau du renflement lombaire, la moelle est normale. Les raci- 


122 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE : 


nes antérieures sont légèrement atrophiées à droite dans la région cervicale, 
elles paraissent intactes dans tout le reste de la moelle. Les racines posté- 
rieures sont intactes dans toute la hauteur. 

Muscles. — L'éminence thénar est très atrophiée et jaunâtre, ainsi que les 
interosseux. Sur des coupes pratiquées après durcissement sur l’'éminence thé- 
nar, on constate l’existence d’une atrophie simple extrêmement prononcée. La 
plupart des fibres musculaires ont disparu et sont remplacées par des gaines 
de sarcolemme vides. Les nerfs intra-musculaires vus sur la surface des cou- 
pes, sont manifestement altérés et contiennent beaucoup moins de tubes à 
myéline qu’à l’état normal. : 

En résumé, l'examen histologique dans le cas précédent, montre l’existence 
d’une lésion gliomateuse, unilatérale, s'étant développée primitivement dans la 
base de la corne postérieure du côté droit. Cette lésion néoplasique, siège de 
la deuxième paire cervicale jusqu'au niveau de la région lombaire supérieure, 
— le renflement lombaire étant intact, — esl excavée sur toute sa lon- 
gueur, sauf dans la région dorsale supérieure. C'est au niveau de la région 
cervicale, et en particulier du renflement cervical que la cavité présente le 
plus grand diamètre et à ce niveau dépassant la ligne médiane, elle com- 
prime légèrement la base de la corne antérieure de l’autre côté. Dans un 
seul point de la moelle, — région dorsale supérieure, — on constate au côté 
gauche un début de gliose dans la substance gélatineuse de Rolando sur une 
hauteur d’un centimètre. A l'exception de ce point, il n'existe pas de gliose 
dans la moitié gauche de la moelle épinière. 


L'observation précédente suivie d’autopsie, présente deux particularités 
à relever. L'une a trait à la topographie du gliome; l’autre à l'âge où sont 
apparus les premiers symptômes de la syringomyélie. 

Si l'on fait abstraction du point gliomateux dans la substance gélati- 
neuse de Rolando du côté gauche, siégeant environ sur 1 centimètre de 
hauteur, le cas actuel peut être considéré comme un cas lypique de gliose 
unilatérale du côté d‘oit, dont le point de départ s'est effectué dans la 
corne postérieure. La lésion, ici, — comme dans les cas de syringomyélie 
médiane, — étant beaucoup plus accentuée au niveau de la région 
cervicale que des autres régions, il est aisé de comprendre pourquoi la 
symptomatologie — atrophie musculaire, dissociation de la sensibilité — 
existait si accusée du côté du membre supérieur droit. La lésion étant 
en outre unilatérale, on comprend également que le reste de la moitié 
droite du corps présente une diminution légère de la sensibilité ther- 
mique. La diminution légère également de la sensibilité thermique du 
côté gauche dépend probablement de la compression légère exercée par 
le néoplasme sur la base de corne antérieure gauche à la région cervicale. 

L'âge auquel sont apparus les premiers accidents (cinquante-trois ans) 
mérite également. d'attirer l'attention, car le cas actuel prouve que la 
syringomyélie peut avoir un début tardif, contrairement à ce quel'on a, 
observé jusqu'ici. Ces cas de syringomyélie.à début tardif ne sont proba- 
blement pas très rares, car nous en observons actuellement: un nouvel: 


SÉANCE DU 23 JUILLET 123 


exemple dans le service de l’un de nous à Bicêtre, concernant un homme 
de quarante et un ans, atteint d'atrophie musculaire avec dissociation 
syringomyélique typique et chez lequel les premiers symptômes d'atro- 
phie musculaire et de thermo-anesthésie ont apparu à l’âge de trente- 
neuf ans. 


FORMULE URINAIRE COMPLÈTE DE L'ATTAQUE D HYSTÉRIE 
(FORMULE CHIMIQUE. ToxIciTÉ), 


par M. F.-J. Bosc. 


Chef de clinique à la Faculté de médecine de Montpellier. 
(Première communication.) 


Dans une première note à la Société (7 mai 4892), J'avais établi une 
formule urinaire à peu près complète de l'attaque d'hystérie. Je ne 
m'étais pas borné à étudier les modifications déterminées par l'attaque 
sur l’urée, l’acide phosphorique ou les chlorures. J’avais cherché à péné- 
trer plus avant dans l'état des oxydations, par la détermination rigoureu- 
sement scientifique de l’azote total et du coefficient d'oxydation. 

Dans cette nouvelle note, je m'appuie sur de récentes analyses pour 
confirmer les diverses propositions avancées dans ma précédente commu- 
nication et pour les compléter par l'étude de la Toxicité des urines des 
hystériques, et par l'étude des troubles produits par l'attaque d’épilepsie 
et certaines attaques épileptiformes. 

La question est toujours de savoir : 4° quelle est la formule urinaire 
complète de l’atlaque d’hystérie; 2° de rechercher si celle-ci ne se dis- 
tingue en aucune façon des autres maladies à paroxysmes. (Celte deuxième 
question fera l'objet d'une seconde communication.) 

Toutes mes recherches entreprises sur les urines d'hystériques en trai- 
tement à l'Hôtel-Dieu-Saint-Eloi, dans le service de M. le professeur 
Carrieu, me démontrent un premier fait, à savoir : que l'attaque d'hys- 
térie modifie d'une manière brusque, profonde, passagère tous les termes de 
la formule chimique des urines. 

Cette modification est profonde : tous les tableaux en font foi. Pour 
les urines des vingt-quatre heures, on note une diminution très marquée 
de tous les termes de la formule : urée, acide phosphorique, chlorures, 
azote total. L’acide urique seul subit une augmentalion considérable 
(voir note du 7 mai). Cette modification est brusque. Dans un cas cepen- 
dant (tableau VIl), les urines des vingt-quatre heures antérieures à 
l'attaque présentaient déjà des modifications. C’est un fait qui m'a paru 
isolé. 

Cette modification est passagère : elle se marque dans les 24 heures qui 


124 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


suivent l'attaque, et ordinairement, dès le lendemain, il y a retour vers la 
normale. Cependant la perturbation peut se faire sentir encore, quoique 
à un degré moindre, pendant plusieurs jours. 

. À l’aide des tableaux ci-après, je voudrais reprendre quelques points 
ous laissés de côté dans ma première note ou trop brièvement 
exposés. 

Au point de vue du volume des 24 heures, je suis d’accord avec la majo- 
rité des auteurs en disant qu'il est ordinairement diminué à la suite d'une 
attaque d’hystérie. Si dans quelques-uns de mes tableaux il semble que le 
contraire se produise, c’est qu'il faut se garder d’une cause d'erreur. Cer- 
tains hystériques n’urinent qu'une fois en 24 heures. Il m'est arrivé 
plusieurs fois que l'attaque survenait seulement 3 à 4 heures avant la 
_ fin des 24 heures, c'est-à-dire, avant cette miction unique. La miction 
représentait donc un mélange d’urines d'avant et d’après l'attaque, mais 
surtout d'avant. Aussi, dans ces cas, la diminution de volume se 
marque-t-elle surtout pour l'urine des 24 heures suivantes. (Tableaux 
V, VI, VIT et VIIL.) 

L’acide phosphorique total est fortement diminué. Toujours, sauf dans 
un cas rapporté dans ma précédente note, j'ai trouvé l’inversion de la 
formule des phosphates. 

M. Féré oppose à la diminution constante de l’acide phosphorique total 
une analyse de M. Peyrot dans laquelle la quantité de cet accide phospho- 
rique, pas plus d’ailleurs que celle des autres termes de la formule, n’au- 
rait subi cette diminution. Malheureusement cette analyse ne me paraît 
guère mériter tout le crédit que lui accorde M. Féré si l’on considère les 
erreurs incompréhensibles des chiffres des phosphates. 

Les chlorures subissent une diminution très marquée (tabl. I et Il). 

- Mais j'avais attiré l’attention, et j'y insiste de nouveau aujourd'hui, sur 
les trois facteurs que j'ai été le premier à introduire dans la formule : 

a) Diminution très marquée de l'azote total, dosé d’après le procédé 
rigoureux de Kjeldahl ; 

b) Diminution du coefficient d'oxydation ; 

c) Augmentation du taux de l'acide urique. 

Je voudrais maintenant compléter cette formule par l’adjonction d’un 
quatrième facteur résultant de mes recherches sur la Toxicité des urines 
dans l’hystérie. Cet élément biologique complète la formule urinaire de 
l'attaque d'hystérie en me permettant de conclure à une hypotoxicité très 
considérable des urines qui suivent le paroxysme. D'ailleurs, d’une façon 
générale, les urines des hystériques, — (j’entends des hystériques à 
grandes attaques), — sont très peu toxiques, même dans l'intervalle des 
attaques, de sorte qu'il faut de 450 à 230 centimètres cubes de ces urines 
pour tuer { kilogramme d'animal. Nous avons établi, avec mon maitre, 
M. le professeur Mairet, qu'il ne fallait que 70 centigrammes d’urines nor- 
males pour arriver au même résultat. D'après mes recherches, les urines 


SÉANCE DU 23 JUILLET 195) 


qui précédent immédiatement l'attaque seraient plus toxiques que les 
autres. Ces urines d'avant l’attaque n’atteindraient jamais un degré de 
toxicité supérieur aux urines de l’homme sain; elles produiraient des 
attaques violentes, nombreuses, précédées et accompagnées même de 
cris répétés. | 

De sorte que résumant ces diverses conclusions je me crois autorisé à 
donner la formule urinaire suivante de l’attaque d'hystérie : 

L'attaque d'hystérie bouleverse d’nne manière brusque, profonde, passa- 
gère chacun des termes de la formule \diminution du volume, de la colora- 
lion, de la densité, de l'urée, de l'acide phasphorique total (avec inversion 
des .phosphates) de l'azote total). Elle entraine donc une DIMINUTION TRÈS 
MARQUÉE DES OXYDATIONS ; Mais en même {emps Ces OXYDATIONS DIMINUÉES 
SONT INCOMPLÈTES (diminution du coefficient d’oxydation, augmentation 
du taux de l’acide urique). L'attaque entraîne enfin une nyYPoroxicITÉ érès 
marquée des urines qui suivent le paroxysme. 

Synthétisant encore celte longue formule, on peut dire que l'attaque 
d'hystérie se caractérise de la façon suivante : 

« Oxydations diminuées, incomplètes. Hypotoxicité. » 


Tageau I. — Femme. Attaque d'hystérie à grands mouvements. (Symptômes carac-. 
téristiques. Stigmates). Voir observation dans le Nouveau Montpellier médical, 
juillet 1892. (Urines des 24 heures.) 


P205 P20ÿ 
uni uni 
P20ÿ aux aux Coefficient 


Quantité Urée total terres alcalis NaCIl d'oxydation 


ADEME NET NE UN ADD SPL EE S Dern COL D LE) 2,100 
Normale (£-jours «après): . ‘1150 15.18 1.40 8.40 1° » * 9.71 80 — 


° e e 


TABLEAUII. —.Homme. Attaque d'hystérie ordinaire. 


P205  P205 
uni uni 
P2 0° aux aux 
Quantité Densité Urée total terres alcalis Na CI 
ANHACIS 5 0 oo oo 150 1.034 24.25 1.45 0.825 0.60 12 gr. 
Normale (5 j. après). 1000 41.030 34 » . 3.80, 0.975 2.82 17 — 


TaBLEAU III. — Femme. Altaque de grande hystérie. 


P°05  P20* 


uni uni 
é 5 C ? P20; aux anx * Coefficient 
Quantité Urée total terres  alcalis NaCI - d’oxydation 
Attaque. . . Re 400 °° 12 » 1.20 0.40 0.80 2.97 , 68 p: 100 
Normale. + 1600 95.1 2.64 » » 10.40 « 89 — 


28... 


126 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


TABLEAU IV. 


P205 P20;5 
e uni uni - 
P205 aux aux Acide : Coefficient 
Quantité Densité Couleur Urée total terres alc. uriq. NaCl d'oxyd. 
Attaque. 1100° 1.012 pâles 11.67 0.99 0.39 0.60 0.92 8» 84p.100 
neutres 
Normale 1000% 1,024 biencolorées 23.6 2.30 0.50 1.80 » 10» 90 — 
! acides REV 


TaBLEau V. — Femme, Hystérique à grandes attaques. 


BOSMPP2OP Coefficient 
: P20O5 uniaux uniaux d'oxyda- - 
Quantité Densité Couleur Urée total terres alcalins NaCl tion 
2-3 juin. Atta- 
que (Miction 
unique, 2 h. 
après l'atta- ù 
que) . . . .  41200cc 1.010 jaunes 12.23 0.87 0.264 0.606 11.4 60 p. 100 
3-4 juin. Len- : très à 
demain. . . 850cc 4.012 pâles 14.6 1.05 : 0.35 0.703 6.9 » — 
10-11 juin. bien 
Normale . . 1050c 1.018 colorées 17» 1.40 » » 10 89 — 
TaBLEAU VI. — Même malade. (Cas dans lequel l'analyse de deux périodes con- 


sécutives de vingt-quatre heures permet d'éviter des erreurs). 


P205 p25 
P205 uniaux uniaux 
Quantité Densité Urée total. terres alcalis NaCI 


Attaque (urines des 24h. émises 2h 

après l'attaque) . . . . . + . . 1.400 4.017 29.9 4,47 0.56 0.91 15.4: 
Lendemain: et ee ce 20 ci 600 1.010 M0 20 100 2 0 2 20 
Normale (4 jours après). . . . . . 1,400 1,044 16» 1,10 0.27 0.83 10.50 


TaBceau VIL Hystérique à grandes atlaques. Modifications légères des urines 
d'avant l'attaque (Mêmes remarques qu'au sujet des tableaux précédents pour les 
urines d'après l'attaque). 


P205 P205 Coefficient 
s : = P205 uniaux uni aux d'oxyda- 
Quantité Densité Couleurs  Urée total terres alcalins NaCl tion 


10. Normale. 41100cc 4.017 normales 24 ASTON D 52 NON SAU 
90, 24h. avant 


l'attaque . . 800ce 1.014 jaunes — DSC SMMOENCE 

30. Attaque ù 

vers la fin 

eine se AA AO. méless AMLON EZT 0,86 OO AE 99 p. 100 
40. Lende- : 

MAIN 0 800cc 1.012 jaunes 12.2 0.56 0.26 0.30 5,20 69 — 
5o. Surlende - bien 


main. . . .« -4300cc 1.015 colorées 16.2 1.48 0.455 1.025 8,45 100 — 


60. 3e jour ap. bien : - 
l'attaque . « 1400 1,016 colorées 146 » 1.54 0.36 41.18 , 11, — — 


SÉANCE DU 23 JUILLET 721 


TagcEau VIIL, — Femme. Allaque de grande hystérie avec convulsions 
épileptoïides du côté gauche du corps. 


P205  P205 Coefficiènt 
P205 uniaux uni aux d'oxyda- 
Quantité Densité Urée total terres alcalis NacCl tion 
cc 
8-9 mai (normale). . . . 1200 1.013 16.5 1.89 10.8 
10 mai (attaque) ARE 1200 1.013 13 1.284 0.450 0.834 12.8 94 p. 100 
40-11 mai (lendemain) Are 450 1.020 11.8 0.945 0.25 0.685 4.95 89 — 


FORMULE URINAIRE DE L'ATTAQUE D'HYSTÉRIE, D'ÉLPILEPSIE ET DE QUELQUES 
ATTAQUES ÉPILEPTIFORMES, 


par M. F.-J. Bosc. 


(Deuxième communication.) 


Dans ma dernière communication, j'ai donné, de l'attaque d’hystérie, 
une formule urinaire complète et je l’ai synthétisée de la manière sui- 
vante : « Oxydations diminuées, incomplètes. Hypotoxicité. » 

Il me reste à rechercher maintenant si cette formule est réellement 
caractéristique de l’attaque d'hystérie, ou si elle-ne se distingue en rien 
de celle des autres maladies à paroxysme. : 

J'ai analysé, dans ce but, des urines de malades qui présentaient des 
attaques d’épilepsie essentielle et celles d’un malade qui avait des attaques 
épileptiformes par tumeur de la base du cerveau. : 

Dans ces analyses j'ai étudié tous les éléments chimiques de façon à 
avoir une formule urinaire aussi complète que celle que j'ai donnée pour 
l’hystérie. Il me sera ainsi possible d'établir une comparaison entre ces 
diverses formules avec quelques chances de vérité. Car il n’y a rien qui 
me paraisse plus contraire à celle-ci que de vouloir porter un jugement 
d’après l'étude des variations d’un seul des termes de la formule. Ce 
danger ressort nettement du rôle que l’on a voulu faire jouer à la cons- 
tatation des rapports entre les phosphates terreux et les phosphatés 
alcalins. 

Cette question de l’inversion de la formule des phosphates me parait 
jugée. L’inversion n’est sûrement pas exclusive à l’atlaque d’'hystérie. 
Des recherches bien connues auraient dû suffire pour arrêter toute dis- 
cussion à cet égard. Je n’en veux pour preuve que les chiffres donnés 
par M. Mairet dans un travail qui, de l’avis de tous, fait loi en la ma- 
tière. 


128 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


J'y relève deux tableaux dans lesquels on note, aussi bien pour l’épi- 
lepsie que pour l’hystérie, une inversion de la formule des phosphates. 


Tagceau LXXX. — Hystérie. Marrer. (Élimination de l'acide phosphorique, ete.) 


P? O5 P2 Oÿ P205 

Quantité Densité total terreux alcalins 

Attaque . . . . 1000 ce 1.021 1.4075 0.5659 0.8416 
ATTAQUE RE SDL DS 1.2069 0.6685 0.5384 
Normale. 850€ 1,030 1.971735 0.5137 1.4598 


TaBLEAu LXXV. — Épilepsie. Mairer. (Ibid.) 


P205 P20ÿ P2 Oÿ uni 

Quantité Urée total terreux aux alcalis 
Attaque. . . 2000 ce 17.4 1.54 0.70 0.84 
Normale. . . 1900 ce 15.43 1.86 0.65 1.94 


: Remarquons, en passant, entre ces deux tableaux, une opposition sur 
laquelle nous reviendrons. D'autres chiffres, pris dans ce même travail, 
confirment les précédents et dans quelques cas l’on voit même la quantité 
des phosphates terreux dépasser de beaucoup, dans l’épilepsie, celle des 
phosphates alcalins. M. Lépine a mis en lumière de pareils faits et E. Birt 
(Brain, 1897) en mentionne expressément de semblables à la suite 
d'attaques épileptiformes ou d'attaques d’épilepsie. 

Il ne faut donc pas s’attacher à un terme isolé, mais à l’ensemble de la 
formule. 

Dans un cas d'attaque épileptiforme par tumeur cérébrale, nous avons 
analysé les urines de plusieurs périodes de 24 heures. Le malade urinait 
environ un litre sur lequel il perdait 2 à 300 centimètres cubes en mouil- 
Jant son lit. 


TABLEAU 1. — Attaque épileptiforme. 


Quantité P205 \ P2 05" P2Or Coefficient 
recueillie Densité Urée total terreux alc. NaCIl d'oxydation 


AA NE MCE MEN SES (Ice 


1.028 22 » 1.73 0.80 0.93 18 99.6 p. 100 
Lendemain (très affaissé). 8N0ce 41.029 91 » 2 » 1.08 0.92 416 » 
Nonmnaletmebr" arr D DONNOT DDC CSA DS HR 150 PAIIO » » ORNE 


À la suite de cette attaque épileptiforme, l’inversion de la formule des 
phosphates est nette, mais, distinction fondamentale d'avec l'attaque 
d'hystérie, tous les termes de la formule, urée, acide phosphorique total, 
chlorures, coefficient d'oxydation ne subissent aucune diminution. J'ai 
montré au contraire que cette diminution était très marquée pour les 
urines qui suivent l'attaque d’hystérie et que les oxydations étaient en 


7129 


SÉANCE DU 923 JUILLET 


outre incomplètes. Je renvoie pour cette comparaison à ma précédente 
note. 
La question devient encore plus délicate quand il s’agit d'établir une 
formule complète de l'attaque d'épilepsie. Voici plusieurs analyses d’urines 
 d’épileptiques, urines des 24 heures divisées en plusieurs parties. 


TABLEAU IL. — A... Épilepsie, névrose. 


‘ P205 P205 P205 Coefficient 

Quantité Densité Coloration Urée total terreux alcalins NaCl d’oxyd. 

e CC » 

Normale 2450 1.014 jaunes 19.6 1.683 » » 19 RS) 
Avant. . 4800 4.011 colorées 15.31 41.416 0.270 41.20 10 80 p. 100 
Après. . . 1200 1.009 très pâles 6.05 0.65 0.260 0.39 CHPRCDE RP 

Total Te 3000 » » 3082241206 159 4,56. /10 » 

TaBLEAU III. — N.. Épilepsie, névrose. 
P205 POP BPIO: Ë 
Quantité Densité Urée total terreux .alcalins NaCI 
Attaque. 1150 °° 1.024 26 » 1.49 0.517 0.973 21 » 
Avant. . 500 °° 4.026 16.25 1.48 » » 41.5 
Après. ie 650 ** 4.023 8.5 Le » » 10.7 
Total . .. 1150 °° » 24.15 1.80 » » 222 
TABLEAU IV. — B..… Épilepsie, névrose. 
P205 P205 P20$ 
Quantité Densité Couleur  Urée total terreux  alcalins Na Cl 
Normale. . 1800 ‘* 1.019 jaune 2%» 121 » » 24 » 
Avant . 300 c: 1.023 colorées 5.50 9.42 0.075 0.345 5.7 
Après . 1000 ‘° 1.013 tr. pâles 10.3 0.75 0.45 0.30 10 » 
DR 600 ce 1.014 jaunes 4.87 0.66 » » 10.3 
Total . . 1900 ce » » 20.67 1.83 » » 


Les auteurs quiont fait porter les études sur cette question ont analysé 
les urines des 24 heures. M. Mairet a pu donner ainsi la formule de l’épi- 
lepsie qui, à l'inverse de l’attaque d’hystérie, se traduit par une augmen- 
tation de tous les termes. | 

Mais si l’on prend soin de séparer les urines des 24 heures en diverses 
périodes, avant ou après l'attaque et si on les analyse séparément, on 
obtient des résultats fort intéressants. Æ. Birt (loc. cit.) avait essayé 
de rechercher la composition de l'urine émise après une décharge ner- 
veuse mais il ne paraît avoir considéré que la diminution extraordinaire 
des phosphates alcalins. 


730 SOCIÉTÉ DE: BIOLOGIE 


J'ai obtenu, en anäâlysant séparément les urines d'avant et d'après 
l'attaque les résultats suivants qui se dégagent des tableaux ci-dessus : 

« L'analyse des urines émises après une attaque d’épilepsie essentielle 
reproduit exactement la formule urinaire complète de l'attaque d’hystérie. 
Mais si l'on réunit les urines des 24 heures du jour de l'attaque, on obtient 
une formule clinique normale ou supérieure à la normale. » 

Les urines émises immédiatement après la décharge épileptique et 
comparées à une quantité égale d’urines d'avant l'attaque (de la même 
période des vingt-quatre heures) présentent une diminution très marquée 
du volume, de la densité, de la couleur, de l'urée, de l'acide phospho- 
rique et de l'azote total, avec coefficient d'oxydation abaissé. De plus, les 
urines d’après l'attaque présentent une Aypotoæicité marquée ainsi que 
nous l'ont montsé des recherches faites avec M. le professeur Mairet et 
dont nous publierons ultérieurement les résultats. PAST 

Mais l’ensemble des urines des 24 heures correspondant au jour de 
l'attaque ne présente plus cette diminution, mais une formule chimique 
normale ou supérieure à la normale. 

Nous devons ajouter en outre que dans les urines de l’attagne d’épi- 
lepsie il y a inversion de la formule des phosphates comme pour l’hys- 
térie, — mais tandis que dans l’hystérie il y a diminution des phosphates 
alcalins et terreux, ces derniers tendant à demeurer simplement plus que 
les alcalins vers la normale, — pour l'attaque d'épilepsie il semble qu'il y 
ait diminuion excessive des phosphates alcalins avec augmentation, sur la 
normale, des phosphates unis aux terres. 

D'où les conclusions suivantes : 

1° Le diagnostic entre l'attaque d’hystérie et l'attaque d’épilepsie 
paraît possible d’après la formule urinaire complète des urines des 
24 heures. 

2° Cette formule urinaire de l'urine des 24 heures dans l'attaque d'épi- 
lepsie est caractérisée par ce fait que tous les termes sont normaux, ou 
— le plus souvent — supérieurs à la normale. 

* 3° L'urine qui suit immédiatement le paroxysme épileptique est remar- 
quable en ce que sa formule urinaire (formule chimique et toxicité) est 
identique à celle de l'attaque d'hystérie, sauf qu’il y a une diminution 
extraordinaire des phosphates alcalins une augmentation quelquefois 
très grande des phosphates unis aux terres. 

Je renvoie, pour une comparaison plus détaillée avec l’hystérie, à ma 
précédente communication. 


Le Gérant : G. MASSoN. 


Paris. — Typographie Gaston Née, 1, rue Cassette. 


131 


SÉANCE DU 30 JUILLET 1892 


MM. Ch. FéRé, P. Bamiene et P. Ouvrx : Recherches sur le minimum perceptible de 
l'olfaction et de la gustation chez les épileptiques. (Mémoires.) — MM. Léon Azou- 
LAY ef Fécix REGNAULT : De l'automatisme chez le paralytique général. — MM. CHar- 
RIN et P. LanGLors : Deuxième note sur les variations de la thermogenèse dans la 
maladie pyocyanique. — MM. Touper et SecaLc : Contribution à l'étude du déve- 
loppement des vaisseaux et des globules sanguins dans l’épiploon des embryons 
de cobayes. — M. N. GamaLeïa : Contribution à l’étude de l’antiphlogose. — M.N 
GamaLerA : Du choléra chez les chiens. — M. HArrKine : Inoculations de vaccins 
anticholériques à l’homme. — M. Rocer : Modification du sérum chez les animaux 
prédisposés à l’infection streptococcique. — MM. Arnaup et CHARRIN : À propos 
de la cinchonamine. — M. A. Carr : Maladies du foie et folie. — M. G. Mouss : 
Effets de la thyroïdectomie chez nos animaux domestiques. (Mémoires.) — MM. Ma- 
Gnan et GaLtpPpe : Accumulation de stigmates physiques chez un débile (brachycé- 
phalie, plagiocéphälie, acrocéphalie, asymétrie faciale, atrésie buccale, syndactylie 
des quatre extrémités. (Mémoires) — M. C. Prisauix : Physiologie expérimentale. 
— Régénération expérimentale de la propriété sporogène chezle Bacillus anthracis 
qui en a été préalablement destitué par la chaleur. — MM. F. Hennecuy et THé- 
LOHAN : Sur un sporozoaire parasite des muscles de l'écrevisse. — MM. N. GRÉHANT 
et E. Marin : Recherches physiologiques sur la fumée d'opium. — M. CLauprus 
Nourery : Note sur l'intolérance de la créosote. — M. G. Nerveu et Cu. BoURDILLON : 
Bactériens dans l’ictère grave. — MM. E. Hépox et P. Gius : Sur la reprise des 


contractions du cœur, après arrêt complet de ses battements, sous l'influence 
d’une injection de sang dans les artères coronaires. 


. Présidence de M. Laveran. 


CORRESPONDANCE MANUSCRITE. 


M. Denterre, professeur à la Faculté de médecine de Lille, en réponse 
à la réclamation de M. Doumer, écrit que si dans sa dernière communi- 
cation du 25 juin 1852, à la Société, il n’a pas cité le nom de M. Dou- 
mer, c'est que ce dernier n'avait pas collaboré aux dernières prépara- 
tions stéréoscopiques de ladite communication. 


CORRESPONDANCE IMPRIMÉE. 


MM. GoparrT et SLOssE font hommage à ia Société de leur mémoire sur 
les fonctions du corps thyroïde. 


Vacances de la Société. 


La Société entrera en vacances le 6 août et reprendra ses séances à la date 
du 15 octobre. 


RECTERCHES SUR LE MINIMUM PERCEPTIBLE DE L'OLFACTION ET DE LA GUS- 
TATION CHEZ LES ÉPILEPTIQUES, par MM. Cu. FÉRÉ, P. BATIGNE et P. Ouvry 
(Voir Mémoires du présent volume, p. 259). 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 90 SÉRIE. T. IV. 29 


132 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


DE L'AUTOMATISME CHEZ LE PARALYTIQUE GÉNÉRAL, 


par MM. les D'° Léon AzouLay et Félix REGNAULT. 


Ce symptôme se présente souvent chez le paralytique général à la 
période confirmée quand survient l’affaiblissement de l'intelligence. Si 
prenant sans mot dire le bras du malade on le met en l’air, ce dernier 
le laisse un certain temps dans cette posilion. IL restera ainsi de deux à 
dix minutes, puis il l’abaissera brusquement d'ordinaire. Pour bien réus- 
sir, il faut examiner le malade quand il est tranquille. IL serait mauvais, 
par exemple, de le déranger de son repas pour cet examen, car manger 
est la chose à laquelle les paralytiques généraux tiennent le plus. Mau- 
vais également de les faire venir au parloir, en leur disant que le méde- 
cin les y attend, car ils sont émus, bien que même dans ces cas on puisse 
réussir. Le mieux est de passer dans la salle des malades escorté de l’in- 
firmier ; sur un signe convenu à l’avance, ce dernier, sans brusquerie et 
comme s’il exécutait un acte normal, élèvera les bras du malade. Onévi- 
tera ainsi l’objection qui se présente que le malade peut garder cette 
attitude dans la pensée que le médecin la lui impose pour son examen. 

Du reste si, après une première expérience, on dit au malade : « Pour- 
quoi êles-vous resté ainsi, je ne vous avais pas dit de garder la main en 
l'air ; » il répondra d'ordinaire : « Je n’en sais rien, » mais n’en persis- 
tera pas moins à garder de nouveau la même attitude si l’on recom- 
mence. 

Ce symptôme nous paraît surtout intéressant au point de vue psycho- 
logique, mais moins à celui clinique, car il ne se produit qu’à la période 
confirmée ; il n’est pas constant. On ne l’observe pas en deux cas princi- 
paux : 

1° Si le malade est dans une période d’excitation, il ramènera de suite 
le membre à sa position première ; on sent, du reste, quand on a saisi le 
membre, la résistance immédiate du malade à se laisser faire. Il pourra 
même se regimber et demander qu’on le laisse tranquille. S'il est atteint 
du délire de persécution, il peut y voir une attaque et avoir peur. 

Nous avons vu une malade présenter de l’automatisme, et, une période 
d’excitation survenant, ne plus l’offrir. 

2 A la dernière période, quand les malades sont gâteux, l’automatisme 
est exceptionnel, le bras retombe. 

C'est ce qui explique comment il se fait que dans certains services qui 
abondent en paralytiques généraux, on puisse difficilement retrouver ce 
signe; soit que le service se compose surtout de paralytiques à la der- 
nière période, soit qu'il ne contienne que des excités au début de leur 
internement, ceux-ci passant plus tard dans d’autres services. Nous l’a- 
vons trouvé le plus fréquemment chez les paralytiques généraux de nos 


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SÉANCE DU 30 JUILLET 199 


hôpitaux et dans la clientèle civile; il existait alors dans une bonne moitié 
des cas. 

3° Il faut enfin tenir compte de l'élément parétique, qui peut nécessiter 
un effort voulu et conscient de la part du malade pour tenir la main dans 
l'attitude du serment. On comprend alors que la main retombe, et cepen- 
dant le malade est automale. Si,en effet, on met la main sur la tête, grâce 
à cet appui, le malade gardera cette position. Si encore on les joint dans 
l'attitude de la prière, cette posilion est aussi gardée, les deux membres 
se fatiguent moins de la sorte. 

La durée du phénomène automatisme est très variable, et c’est ce qui 
lui donne son intérêt. 

Tantôt le malade ne conserve la main étendue qu’une demi-minute à 
une minute, et l’abaisse presque aussitôt, ou bien quelquefois il gardera 
la position un temps court, et d’autres fois non. Généralement, il la garde 
de trois à huit minutes ; il peut l’abandonner si on vient à attirer son 
attention sur un fait, ou si on lui cause. Mais, d’autres fois, il la garde 
même dans la conversation, et rien n’est comique comme de voir un 
malade causer avec vous, parfois raisonnablement, en gardant sa main 
ainsi levée. D’ordinaire, le bras s’abaisse brusquement. 

On observe de la sorte toutes les gradations de l’automatisme jusqu'à 
la catalepsie. Dans ce dernier cas, le malade garde la position dix minutes 
à un quart d'heure, puis, la fatigue survenant, le membre s’abaisse peu 
à peu par secousses lentes, comme on a coutume de l’observer dans les 
phénomènes hystériques. 

À ce degré, l’automatisme a été observé dans bien des maladies ner- 
veuses, et les Allemands qui, avec Kahlbaum, ont voulu faire de ce signe 
une entité morbide, lui ont donné le nom de catatonie; celle-ci serait 
donc partout caractérisée par des phénomènes cataleptiformes chez des 
malades mentaux. 

La catatonie ou catalepsie a été signalée principalement dans les cas 
de melancolie avec stupeur; on l’a noté dans les états dégénératifs avec 
délire, et en dehors du délire, dans l’imbécillité chez les épileptiques, dans 
l’intoxication par l'alcool et par le haschich (un cas de Battaglia), enfin 
dans la paralysie générale même. On l’a même rencontré chez des hysté- 
riques à l’état de veille. 

Nous inclinerions à penser que l’automatisme est l’ébauche des phéno- 
mènes catalepliformes, puisqu'on observe tous les degrés de l’automa- 
tisme jusqu'aux attitudes calaleptiques proprement dites. 

Un point difficile est de démèler la cause psychique de l'automatisme. 

Ce n’est pas une idée fixe; car les sujets chez qui on l’observe 
répondent aux questions, et passent assez facilement d’une idée à l’autre. 

Ni la démence, puisque, quand cette dernière est complète, l’automa- 
tisme n’existe plus. Du reste, l'intelligence est affaiblie chez les dégénérés, 
es idiots, les arriérés,-et ils n’ont pas d’automatisme. 


134 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Ce serait plutôt l’aboulie ou la faiblesse de la volonté qui laisse les 
malades exécuter tous les actes qu’on leur commande, füt-ce les plus 
stupides. Ainsi, dites à un malade de montrer ses organes génitaux, 1l le 
fera sans hésiter. Il ne faut cependant pas s'en tenir au terme « aboulie », 
car la volonté n’est pas une entité, mais un choix raisonné entre plusieurs 
solutions dont celle qui paraît la meilleure est suivie. 

Chez le paralytique général, les idées arrivent lentement au cerveau; 
il y a diminution sur la quantité des idées. Aussi s’il fait un acte, il pourra 
le répéter à satiété, sans avoir la pensée de passer à un autre. Si on met 
son membre en extension, il le laissera dans cette attitude, la pensée ne 
lui venant pas de le ramener à la flexion, ou ne lui venant qu'après un 
certain temps pendant lequel le membre restera dans la position donnée. 
Cette explication rattacherait l’automalisme aux symplômes catalepti- 
formes. Chez l'hystérique, en effet, la volonté n'existe plus, on introduit 
dans sa cervelle toutes les idées qu'on veut, rien d'étonnant alors que 
l’automatisme arrive à sa perfection. 

Enfin dans la eatatonie chez les mélancoliques avec stupeur, la genèse 
des phénomènes cataleptiformes n'est pas sensiblement différente. [ci le 
malade n’est pas sans idée comme l’hystérique, ni à idées lentes comme 
le paralytique général, mais il a une idée fixe d’une fixité si absorbante 
que rien n'existe en dehors d'elle. Il ne prendra donc pas garde à la posi- 
tion qu'on donne à un de ses membres, et par suite n'emploiera pas sa 
volonté à la changer. 


R. P... (Sainte-Anne). Paralysie générale au début. Parle couramment, ne 
bredouille que légèrement; l'esprit parait sain, marche bien. 

On lui lève le bras une première fois, il le garde dans la position donnée deux 
minutes; la deuxième, il ne le garde pas, la troisième fois il le garde, et 
comme on lui en fait le reproche : « Je croyais bien faire, » dit-il. Et une 
quatrième fois, il le garde encore. 

C..., trente-trois ans. Parole très prise. Etat très avancé. Ne garde pas la 
position qu'on lui donne les deux premières fois, il la garde la troisième. 

E... Est très excité. IL résiste quand on veut lui mettre la main dans 
l'attitude du serment; et la ramène immédiatement. 

B... Est très atteint. Bredouille. A un fort tremblement et de la parésie. 
Il ne garde pas la main dans l'attitude du serment, mais si on lui fait joindre 
les deux mains dans l'attitude de la prière, il reste ainsi. 

M.…., quarante-deux ans. Tremblement, hésitation de la parole. A des 
idées ambilieuses. L'idée du « moi » est exclusive. Il est très agité el se remue 
beaucoup. Il ne garde pas l'attitude quand on le laisse parler. Mais si on lui 
dit de se tenir tranquille et de ne pas parler, il obéit alors; si, cette tranquillité 
obtenue, on dit à l’infirmier qui se trouve derrière lui, de lui soulever Le bras, 
ce dernier reste, mais peu de temps, une à deux minutes dans la position 
donnée; le malade, ne pouvant garder plus longtemps son calme, ramène le 
bras dans un geste qu'il fait en se remetlant à causer. 


SÉANCE DU 930 JUILLET 199 


R..., quarante-six ans. Très agité. Ne garde pas latitude. 

M... Idem. ) 

L... Très agité. Menace souvent ses voisins. Si on veut lui élever le bras, le 
retire brusquement en disant : « Laissez-moi donc tranquille. » 

B... Mélancolique avec stupeur. 

Garde aussi longtemps qu’on veut la main levée. Si on lui demande pourquoi, 
il répond : «Je ne sais pas »; et malgré qu'on lui dise qu'il a tort, il gardera 
de nouveau la position donnée et autant de fois qu’on essaiera, l’automatisme 
se produira. 

M... Garde une fois sur quatre environ sa main une à deux minutes; le 
plus souvent il la ramène. 

S.. A de la parésie. Aussi son bras retombe-t-il; mais, si on lui met la 
main sur la tête, il gardera cette position. 

B... Femme p. gén., avait de l’automatisme à son entrée à Sainte-Anne; 
mais est maintenant excitée; et elle profère des menaces quand on veut lui 
prendre la main. 

B..., C..., B..., etc., etc., dans la dernière période, déments et gâteux, lais- 
sent retomber leurs mains. 

B..., ouvrier à Paris. Travaille en ville où je l’ai vu, n’est pas allé à l'hôpital. 
Exerce encore la profession de macon malgré sa maladie, mais de temps en 
temps a des crises épileptiformes qui l’arrêtent. A du bredouillement de la 
parole et de violents maux de têle. 

Il garde son bras dans l'attitude donnée comme un cataleptique. Au bout 
de dix minutes, il le laisse tomber peu à peu et par de lentes oscillations. 

Néammoins, il n’est pas hystérique, n’en a aucun symptôme, et j'ai essayé 
en vain de l’endormir ou de le suggestionner. 


DEUXIÈME NOTE SUR LES VARIATIONS DE LA THERMOGENÈSE 
DANS LA MALADIE PYOCYANIQUE, 


par MM. CuarRin et P. LANGLots. 


(Travail des laboratoires de physiologie et de pathologie générale de la 
Faculté de médecine.) 


Dans une note précédente (Société de Biologie, séanze du 21 mai 1892), 
nous avons indiqué, avec la technique employée, les résultats que nous 
avions obtenus en étudiant la radialion calorique chez des lapins ayant 
recu des cultures virulentes du bacille pyocyanique. Les traces indiquaient 
d’une façon précise une diminution très marquée dans la radiation chez 
les animaux ayant recu la culture virulente. 

Il nous a paru intéressant de continuer les recherches en utilisant non 
plus les cultures virulentes, mais les cultures stérilisées, ne renfermant 
plus que les toxines au lieu d’un agent toujours délicat à manier et à 


7136 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


doser comme les cultures virulentes, nous avions aussi une substance dont 
il était plus facile de graduer l’action, en modifiant les doses. 

L'injection de 6 centimètres cubes de la culture à un lapin de 2 kil. 900 
n’amène aucune modification appréciable dans la température rectale, ni 
dans les allures générales de l'animal. Cependant celte dose minime 
suffit pour amener une diminution sensible dans la radiation calorique, 
diminution qui persiste plusieurs jours après l'injection, les mesures ont 
été prises pendant cinq jours, avant l'injection d’une nouvelle dose : 


Température Température 
Date. Poids. rectale. Calories. extérieure. 
kil. DU peine 
ren ibauillet 2,900 3992 3,300 20° 
EL. this je dGisa=#a (td) 2,800 39 3,050 189 
AMENER RARE LENS 2,150 38°,19 3,000 170,7 
Mit see ed de A0 2,100 380,19 2,800 18° 
M pere era De 2,750 38°,80 2,900 170 
» ( 38°,75 2,000 16° 
I 9 Dern 0) 9 7 
Vente an nn) (2) 2,190 à 360.8 


Cette dernière expérience est particulièrement intéressante en ce 
qu’elle montre l’action immédiate des poisons solubles sur la radiation. 
Le chiffre de 2,900 que nous donnons dans l'expérience V, est établi par le 
calcul d’après les premiers éléments de la courbe pendant les trente-cinq 
premières minutes. À ce moment, en effet, on retire l'animal pour lui 
faire l'injection, et pendant le temps nécessaire pour l'injection de 35 cen- 
timètres cubes dans l'oreille et la lecture de sa température rectale, on 
place dans le calorimètre, un animal de même poids, normal, l'ascension 
du manomètre indique immédiatement une radiation supérieure à la pré- 
cédente, et quand on remplace le lapin sain par l’animal injecté, on 
constate immédiatement un abaissement, puis un temps d'arrêt dans la 
colonne manométrique qui sert à mesurer la dilatation de l'air de l’en- 
ceinte circulaire. La radiation calorique est diminuée de 30 p. 100. En 
employant une dose aussi forte (mortelle dans les six ou huit heures), on 
note non seulement une diminution dans la radiation, mais aussi un 
abaissement de la température rectale très marqué : 2 degrés en qua- 
rante minutes. 

Étant donné que la radiation calorique présente une diminution cons- 
tante, proportionnelle, ainsi que nous l’a montré une série d'autres expé- 
riences faites avec des animaux différents, à la quantité de produits solu- 


(1) Le 45 juillet, après son séjour dans le calorimètre, le lapin avait reçu 
6 centimètres cubes de la culture stérilisée. 

(2) Le 20 juillet, il recoit, après un premier séjour dans le calorimètre, 
35 centimètres cubes de la même culture. 


SÉANCE DU 90 JUILLET 731 


CRT EE M 


bles injectés, que la température centrale ne subit que de faibles oscilla- 
tions, 39°,2 à 37°,9 pour les doses qui n’entrainent pas rapidement la 
mort, on est conduit à admettre que dans les cas observés, les combus- 
tions interstitielles ont été ralenties, la diminution dans la radiation 
cutanée permettant à l'animal de maintenir sa température centrale 
intacte (1). 

Il existe dans nos recherches une lacune, le bacille pyocyanique déter- 
mine parfois, ainsi qu'il l’a été montré bien des fois, de l'hyperthermie. 
Que devient la radiation dans ce cas? Dans toutes nos recherches actuelles, 
nous n’avons pu obtenir une élévation thermométrique supérieure à 
39,2: il nous est donc impossible de parler de la radiation dans l’hyper- 
thermie pyocyanique. 


CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU DÉVELOPPEMENT DES VAISSEAUX 
ET DES GLOBULES SANGUINS DANS L'ÉPIPLOON DES EMBRYONS DE COBAYES, 


par MM. Tourer et SÉGALL. 


En étudiant l’épiploon des embryons des cobayes, fixé soit par la 
liqueur de Flemming, soit par l'acide chromique, ou picrique, coloré 
ensuite à l’hématoxyline et éosine en solution aqueuse, notre attention a 
été attirée sur certains grands éléments, la plupart en karyokinèse, et 
qui nous ont paru correspondre aux cellules vaso-formatives de M. Ranvier. 

Ces éléments se présentent tantôt isolés, allongés, avec un peloton 
chromatique central, ou avec une plaque équatoriale, ou deux plaques 
polaires; en somme, à toutes les phases de la division indirecte. 

Nous avons trouvé aussi deux de ces éléments en train de s’anastomo- 
ser, l’un à l'état de repos, et l’autre en karyokinèse. 

Dans d’autres parties de nos préparations, nous avons trouvé des cel- 
lules en karyokinèse, faisant partie d'un petit système canaliculé au 
centre duquel il y avait des globules rouges. 

M. Ranvier, dans ses belles recherches sur la formation des vaisseaux, 
dit que les globules rouges apparaissent dans les cellules vaso-forma- 
tives; nous n'avons observé des globules rouges que dans un système 
canaliculaire déjà formé; par contre, dans certains autres éléments dis- 
tincts des cellules vaso-formatives et analogues à des leucocytes mono et 


(1) M. Henrijean dans ses recherches avec le même virus, à vu également 
que le chiffre d'oxygène diminue parfois sans que la température soit modifiée; 
quant à ses mesures calorimétriques, elles lui ont donné des résultats très 
variables. 


138 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


polynucléaires, nous avons trouvé tantôt des granulations éosinophiles, 
d’autres fois des éléments ressemblant à des globules nains, lantôt enfin 
des globules rouges à l’état adulte. 

Nous pensons donc que dans l’épiploon des embryons de cobayes, il 
existe des cellules vaso-formatives distinctes des cellules hémo-formatives. 


CONTRIBUTION- A L'ÉTUDE DE L'ANTIPHLOGOSE, 


par M. N. GAMALEïA. 


Il ÿ a quelque temps, nous avons montré, M. Charrin et moi, que cer- 
taines substances, injectées dans le sang des lapins, ont la propriété d’en- 
traver l'inflammation, provoquée sur les oreilles de ces lapins par des 
frictions avec l’huile de croton. Cette antiphlogose n’était que passagère, 
et dès que les animaux cessaient de se trouver sous l'influence des pro- 
duits injectés dans leur sang, l’inflammation s'installait dans leurs oreilles, 
avec la même intensité que chez les témoins (1). 

Je me suis demandé quelle influence pourrait avoir sur la lésion pro- 
voquée par les différents agents irritants cet entravement de l’inflamma- 
tion, si cet entravement est effectué d'une manière systématique et 
pendant un temps considérable. D'après les idées courantes sur l’inflam- 
mation envisagée comme une réaction utile pour l'organisme, on devrait 
s'attendre à trouver une aggravation sensible de la lésion locale par suite 
de cette entrave apportée par l'inflammalion. Pour plus de simplicité, nos 
investigations se sont bornées d'abord à l’étude de l’antiphlogose dans 
les lésions non bactériennes, provoquées par les agents chimiques. 

Nous produisions, à l’aide de l’ammoniaque, une inflammation sur les 
muqueuses et principalement sur la conjonctive des yeux de lapins. L'un 
des lapins ainsi traités était laissé comme témoin. Chez l’autre, on entra- 
vait l’inflammation par l'injection intra-veineuse de substances appro- 
priées (comme par exemple, les solutions concentrées des sels neutres). 
Ces recherches ont donné comme résultat manifeste et constant, que l’en- 
travement de l’inflammalion agit favorablement sur la lésivn locale. Les 
lapins traités par les aphlogistiques ont toujours présenté des lésions 
moins graves et de moindre durée que celles des témoins. 

Quant à l'interprétation de ce résultat et à son application aux lésions 
microbiennes, ces questions sont actuellement l'objet de nos recherches. 


(1) C. R. de la Société de Biologie, 5 juillet 1890. 


SÉANCE DU 30 JUILLET 139 


DU CHOLÉRA CHEZ LES CHIENS, 


par M. N. GAMALEÏA. 


L'étude expérimentale du choléra chez les chiens, inaugurée par Nicati 
et Rietch et Cantani, présente un intérêt considérable à différents points 
de vue. Ainsi, les chiens sont plus sensibles aux poisons cholériques que 
la plupart d’autres animaux de laboratoire. Ils se prêtent aussi mieux aux 
opérations. 

Nous. parlerons ici des effets de l'introduction intra-veineuse, chez les 
chiens, du vibrion cholérique. 

Nous avons employé pour cette injection ou les cultures très toxiques, 
préparées dans le bouillon de pieds de veau, ou bien le vibrion exalté 
dans la virulence par le passage à travers la plèvre des cobayes et des 
rats(1). 

Voici les principaux résultats que nous avons obtenus : 

4° La maladie cholérique chez le chien présente beaucoup d’analogieavec 
celle de l’homme. Elle est caractérisée par la diarrhée sanguinolente ou 
riziforme et surtout par des vomissements qui peuvent durer plusieurs 
heures. Les animaux périssent avec des crampes. 

2° À l’auropsie, on trouve tout le canal digestif, depuis l'estomac jus- 
qu'au rectum inclusivement, profondément altéré. La muqueuse du canal 
gastro-intestinal est sanguinolente, ainsi que son contenu A l'examen 
microscopique, on constate dans celui-ci l'épithélium desquamé. Les 
lésions histologiques de la muqueuse sont très prononcées. Toute la 
couche épithéliale a subi une formidable infiltration leucocytaire. 
Le proloplasma des cellules épithéliales est granuleux et arrondi ainsi 
que les noyaux. Dans la couche épithéliale et dans les papilles, de nom- 
breuses hémorragies. 

3° Les chiens sont encore remarquables par la rapidité avec laquelle ils 
acquièrent l’immunité contre le choléra. Le lendemain, après l'injection 
du virus insuffisant pour les tuer, mais produisant un malaise général et 
des vomissements, les chiens deviennent réfractaires aux quantités très 
grandes des cultures mortelles pour les témoins. On les vaccine aussi très 
facilement par les vaccins chimiques que j'avais décrits (2). 


(1) Pour ces dernières expériences, nous nous sommes servi du virus cholé- 
rique que M. Ketscher au laboratoire de M. Straus avait réussi à obtenir par 
le passage à travers les cobayes. 

(2) Cette communication était suivie d’une démonstration de l'intestin du 
chien tué par le choléra la veille, ainsi que d’une coupe d'un intestin sem- 
blable. 


740 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


INOCULATION DE VACCINS ANTICHOLÉRIQUES A L'HOMME 


(Suite aux communications sur le choléra asiatique chez le cobaye, 
et sur le choléra asiatique chez le lapin et chez le pigeon), 


par M. W.-M. HAFFKINE 


(Du laboratoire de Microbie technique de l’Institut Pasteur). 


Les expériences faites sur les cobayes, sur les lapins et sur les pigeons, 
qui ont démontré que l’inoculation de nos vaccins anticholériques produit 
la même action sur des animaux d'organisation très distante, nous ont 
déterminé à passer à des inoculations à l’homme. 

Le 18 courant, je me suis injecté dans le tissu cellulaire sous-cutané du 
flanc gauche une dose du premier vaccin anticholérique supérieure à 
celle qui suffit pour la vaccination des animaux {que je viens de citer. 
Le malaise provoqué par cette inoculalion a duré vingt-quatre heures, 
et consistait en une élévation de température de 36°,6 à 37°,5, avec de 
légers symptômes fiévreux (mal de tête, sécheresse de laÿ bouche, colo- 
ration de l’urine), sans aucun dérangement du côté de l'intestin. Comme 
réaction locale, il y avait douleur au point d’inoculation, avec légère 
enflure de la peau et des ganglions du côté correspondant. 

La douleur a complètement disparu le cinquième jour, l’enflure à 
encore persisté, en s’effaçant graduellement, quatre jours plus tard. 

Par suite de ce résultat, nous avons pratiqué une série d’inoculations 
sur des personnes qui se sont offertes à nos expériences, et en voici les 
résultats : 

D'abord, le 24 courant, six jours après la première inoculation, je me 
suis fait faire l'injection, dans le tissu cellulaire sous-cutané du flanc droit, 
du virus cholérique exalté, qui constitue notre second vaccin anticho- 
lérique. L’inoculation a été suivie d’élévation de température et de douleur 
locale, mais sans gonflement de la région, ni des ganglions voisins. La 
température a atteint 38°,6. L'état général s’est rétabli au bout de vingt- 
huit heures, et les dernières traces de réaction douloureuse ont disparu 
trois jours après l'inoculation. Aucun dérangement digestif. 

Le22 courant,nous avonsinjecté à M. le D'Iawein, de Saint-Pétersbourg, 
de 17 kilogrammes plus fort que moi, le premier vaccin anticholérique, à 
la dose égale à celle que je m'étais inoculée à moi-même. Le malaise vac- 
cinal est passé en cinq heures. La température s'est élevée de 37°,2 à 
37°,6. Le troisième jour, l’enflure a presque complètement disparu ; la 
réaction locale était encore distincte à la pression, le quatrième jour. Six 
jours après, ont disparu toutes traces de symptômes, et le septième jour, 
on a pratiqué l’inoculation du virus exalté. 

Cette fois, la réaction était à peine sensible. Trois heures après l’inocu- 
lation, la température a monté de 37°,2 à 37°,4, pour retomber, au bout de 


SÉANCE DU 30 JUILLET 741 


cinq heures, à’ 36°,9. La douleur locale a été très sensiblement moindre 
qu’à la première inoculation. L'état général n’a pas été troublé. 

Le 95 courant, nous avons inoculé à M. le D' Tamamcheff, médecin de 
la ville de Tiflis, d’une taille plus petite que la mienne, le premier vaccin 
anticholérique à la dose de 4/5‘ de celle que je m'étais inoculée à moi- 
même. Le cas a présenté cette particularité que l’inoculation a été faite 
au moment où M. Tamamcheff avait une température de 38°. L'inocula- 
tion a produit, au bout de neuf heures, une élévation de température jus- 
qu’à 39°,1, pour revenir le lendemain à 37°,7; puis une enflure et une 
douleur locale disparaissant graduellement, comme dans les cas précé- 
dents. Aucun dérangement du côté de la digestion, excepté une consti- 
pation passagère le surlendemain de l’inoculation. 

A la même date du 25 courant, nous avons inoculé le premier vaccin 
anticholérique à M. Wilbouchewitch, ingénieur-agronome de Moscou, 
d’une taille un peu plus petite que celle de M. Tamamcheff, à la dose 
égale à celle donnée à ce dernier. L'inoculation a été faite dans le tissu 
sous-cutané du bras gauche. Ce cas avait ceci de particulier que les jours 
précédant l’inoculation, M. Wilbouchewitch souffrait d’un léger déran- 
gement digestif. Le maximum de la température a atteint 38,5, pour 
revenir le lendemain matin à 37°,4, mais l’enflure et la douleur au point 
d'inoculation ont persisté encore le quatrième jour après. L’inoculation 
n’a pas empêché la digestion d'entrer en état normal le jour même qui a 
suivi l’inoculation. 

Nous coneluons que l’inoculation de nos deux vaccins anticholériques, 
dont l’action protectrice sur les animaux est expérimentalement établie, 
ne présente pas le moindre danger pour la santé, et peut être pratiquée 
sur l’homme avec la plus parfaite sécurité. En même temps, j’exprime 
l'espoir que six jours après la vaccination l'organisme de l'homme aura 
acquis l'immunité contre l'infection cholérique. 


MODIFICATION DU SÉRUM CHEZ LES ANIMAUX PRÉDISPOSÉS 
A L'INFECTION STREPTOCOCCIQUE, 


par M. RoGer. 


Dans un travail antérieur (1), j'ai montré que le sérum des lapins vac- 
cinés contre le microbe de l’érysipèle, acquiert la propriété d'atténuer 
les streptocoques virulents qu'on y sème. L’inoculation sous-cutanée 
d’une culture développée dans le sérum d’un lapin neuf produit, par 
exemple, un érysipèle extrêmement étendu et rapidement mortel ; l’ino- 


(1) Roger. Modification du sérum à la suite de l’érysipèle, Société de Biologie, 
25 octobre 1890. 


749 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


culation de la même quantité d’une culture, faite dans du sérum prove- 
nant d’un-animal vacciné ne produit qu’une lésion légère et rapidement 
curable. Les résultats sont semblables, quand on étudie la virulence des 
microbes, non plus au moyen d’inoculations sous-cutanées, mais au 
moyen d'injections intra-veineuses ; dans ces conditions, la culture dans 
le sérum normal tue en quelques jours; la culture dans le sérum des 
vaccinés ne tue pas ou tue tardivement (1). 

Il fallait rechercher dès lors ce que devenait la virulence du strepto- 

coque quand on le semait dans du sérum d'animaux prédisposés. 
- On peut facilement augmenter la sensibilité du lapin à l’action du 
streptocoque. Il suffit d’injecter dans les veines une certaine quantité 
d’une culture développée à l’abri de l’air et filtrée sur porcelaine ; les 
animaux ainsi préparés succombent bien plus vite que les animaux neufs, 
quand on les inocule plus tard avec une culture virulente. J'avais déjà 
conslaté (2) que chez les animaux prédisposés, les propriétés bactéricides 
du sérum étaient notablement affaiblies (3). On sème une très petite 
quantité de streptocoques dans du sérum de lapin normal et dans du 
sérum de lapin prédisposé , l'examen microscopique, pratiqué au bout 
de vingt-quatre heures démontre, dans le deuxième milieu, un bien plus 
grand nombre de microbes ; mais les différences s’effacent bientôt et, au 
bout de deux ou trois jours, les deux cultures sont également riches en 
éléments figurés ; reste à savoir si elles sont également nocives. 

Pour répondre à cette nouvelle question, j'ai cultivé le streptocoque 
dans les deux espèces de sérum et, trois jours après l’ensemencement, 
alors que le développement numérique était identique j'ai inoculé les 
deux cultures à des lapins, par voie intra-veineuse. Les résultats ont été 
extrêmement nets : constamment, les animaux qui ont recu la culture 
développée dans le sérum des prédisposés ont succombé avant ceux qui 
ont recu la culture dans le sérum normal. 

C’est ce qu’on saisira facilement en examinant le lableau ci-après, 
qui résume cinq de mes expériences. 


(4) J'ai reconnu également (Revue générale des sciences, 30 juin 1891) que le 
pneumocoque s’atténue dans le sérum des animaux réfractaires. Ce résultat 
a été confirmé par M. Arkharow (Archives de médecine expérimentale, 1° juil- 
let 1892) qui a bien établi qu’il s’agit réellement d'une atténuation de la viru- 
lence. 

(2) Roger. Action des produits solubles du streptocoque. Société de Biologie, 
4 juillet 1891. 

(3) Les belles recherches de Bakunin et Boccardi (Richerche sur la pro- 
prieta battericida del sangue in diversi stati dell’ organismo, La Riforma 
medica, 1891, vol. IL, p. 445) ont montré également que les propriétés bactéri- 
cides du sérum s’affaiblissent quand diminue la résistance de l’organisme à 
l'infection. : 


SÉANCE DU 90 JUILLET 143 


g CULTURES FAITES DANS LE SÉRUM 

= ES NUS Em oo © M ET 
É 

m | DES ANIMAUX PRÉDISPOSÉS. DES ANIMAUX NORMAUX. 
à 

4 

. Quantité injectée. Survie. Quantité injectée. Survie. 

C. C. C. C 

I 10 20 heures. 4 » 12 jours. 
Il 455 22 — 1.5 8 — 
HIT 1.5 2 jours. 405 4 — 
IV 0.5 3 — 1.6 16 — 
V 0.5 6 — 12 20 — 


L'augmentation de virulence n’a pas élé très marquée dans l'expérience 
IT; c’est que l’animal qui avait fourni le sang n'était pas non plus nota- 
blement prédisposé ; inoculé avec 1 c.c. 5 d’une culture développée dans 
le sérum d’un lapin neuf, il succomba en deux jours alors que le témoin 
mourait au bout de quatre. Il se comporta donc exactement, comme 
l'animal qui avait recu la culture développée dans son sérum. 

Pour les expériences IV et V, je me suis servi, comme semence, d'un 
streptocoque modifié par des cultures successives dans du sérum normal ; 
son passage dans les humeurs d’un prédisposé lui rendit son pouvoir 
pathogène el lui permit de tuer par septicémie ; au contraire la culture 
développée dans le sérum normal produisit une atrophie musculaire pro- 
gressive et, l’autopsie des animaux, tués seize et vingt jours après l’ino- 
culation, on ne trouva plus de microbes dans les organes (1). 

Les résultats que j'ai obtenus avec le sérum des animaux prédisposés 
représentent donc la contre-partie de ceux que j'avais obtenus avec le 
sérum des vaccinés. Dans ce dernier cas, le microbe s’atténuait : ici, il 
s’exalte ou semble s’exalter; car les effets observés peuvent s'expliquer 
de deux façons : ou bien la virulence du microbe s'accroît réellement 
dans le sérum des prédisposés ; ou bien ce sérum agit sur le lapin qui 
recoit la culture et diminue sa résistance à l’infection. Des recherches 


(4) Ces deux animaux figurent sous les n°5 10 et 4 dans mon mémoire sur 
l’atrophie musculaire progressive expérimentale (Annales de l'Instilut Pasteur, 
25 juin 1892). 


744 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


ultérieures permettront de savoir laquelle de ces deux hypothèses est 
exacte; je n’ai eu d’autre intention aujourd'hui que de signaler le fait 
lui-même. 


À PROPOS DE LA CINCHONAMINE, 


par MM. ARNAUD et CHARRIN. 


Nous avons recu de M. G. Sée une réclamation relative à notre récente 
communication sur le sulfate de cinchonamine. L’honorable professeur 
fait remarquer qu'il s’est antérieurement occupé de ce corps. 

Nous nous empressons de mentionner cette réclamation, en nous per- 
mettant de rappeler à son auteur que nous ne pouvions ignorer son 
travail, attendu que ce travail est cité dans un Mémoire que l’un de 
nous (1) a publié dans Le Journal de chimie et de pharmacie. 

Notre omission tient à ce que, si ce médecin distingué a étudié la cin- 
chonamine au point de vue de ses effets sur la circulation, sur les con- 
vulsions, elc., il n’a nullement signalé ses propriétés thermiques. Or, ce 
sont ces propriétés que vise notre note. 

Ces expériences et les nôtres ont trait à la même substance, mais elles 
l’envisagent sous des aspects qui n'ont rien de commun, tandis que Mar- 
cacci, que nous avons nommé, a, comme nous, touché aux effets sur la 
température. 

Tels sont les motifs de notre omission. — Une simple communication à 
la Société de Biologie, à l'inverse d’un long mémoire, ne comporte pas, 
en général, un historique très développé. On se borne le plus souvent à 
faire mention des publications qui traitent directement la question que 
l’on a abordée à son tour. — Ces remarques consignées, nous enregis- 
trons avec plaisir la lettre que nous avons reçue. 


MALADIES DU FOIE ET FOLIE, 


par M. A. CHARRIN. 


Dans un article publié par le journal italien (Sperimentale, 30 mai 
1889), M. P. Grilli, se basant sur des statistiques, soutient que les lésions 
chroniques du foie sont très rares chez les aliénés et que, d’autre part, 
les désordres psychiques s’observent avec peu de fréquence chez les 
hépatiques, en éliminant, bien entendu, les délires fébriles, les délires des 
localisations, des pyrexies infectieuses aiguës. 


(1) Arnaud, 


SÉANCE DU 30 JUILLET 745 


Je viens d'observer trois malades, qui ne semblent pas, par leur his- 
toire, consolider cette opinion. 

Le premier était atteint de cirrhose atrophique. A diverses reprises, 
habituellement le soir, il était pris d’hallucinations absolument apyré- 
tiques. Tantôt il voyait venir des assassins; tantôt il apercevait des incen- 
dies (1). 

Le second, âgé de trente-six ans, était porteur d’une cirrhose mixte, 
sans ascite appréciable. Homme sérieux, ayant occupé une situation 
relativement importante, il avait perdu toute qualité pour mener à bien 
ses affaires; il prenait plaisir à se cacher, à se faire chercher, comme 
font entre eux les enfants. 

Le troisième avait un cancer du foie. Plusieurs fois, il s’est refusé à 
manger son potage, à boire du lait, déclarant que ces aliments le brü- 
laient, alors qu'ils étaient complètement froids. Plusieurs fois, il nous a 
raconté que le matin quinze, vingt cinquante médecins étaient venus le 
voir, etc. (2). 

Or, chez ces trois malades les urines étaient très toxiques. Voici leurs 
coefficients urotoxiques : 0,722, pour le second; 0,913, pour le troisième; 
chez le premier, un élément a manqué pour avoir ce coefficient, mais je 
puis, néanmoins, affirmer l'accroissement de nocivité de la sécrétion 
rénale. 

D'un autre côté, cher les deux derniers, dont la veine porte n'était pas 
obstruée, le sucre alimentaire passait dans les urines. Enfin, l’améliora- 
tion a coïncidé, pour la cirrhose mixte, avec celle de la lésion viscérale 
(traitement: lait, antisepsie intestinale, calomel, oxygène, sangsues, etc.), 

Dans un seul cas, chez le second (3), j'ai retrouvé un antécédent héré- 
ditaire névropathique (mère hystérique); le premier seul était alcoolique 
et légèrement albuminurique. 

Tels sont ces faits : délire apyrétique, donnant l’apparence de véri- 
tables aliénés à trois malades, qui, tous les trois, ont une affection hépa- 
tique, qui, tous les trois, offrent des conditions non douteuses d’auto- 
intoxication, qui, tous les trois, ont des urines toxiques, une cellule du 
foie fonctionnant mal, etc. 

Il serait facile d'émettre des théories; de rappeler la part des auto- 
intoxications dans la genèse des perlurbations mentales, le rôle de l’élé- 


(1) Ce malade a eu une pleuro-pneumonie, qui a accru ces accidents. 
Mais, nous ne tenons comple que de ce qui s’est passé en dehors de ces 
attaques pyrétiques. — Je l'ai observé, ainsi que le troisième, dans le service 
de M. Bouchard. 

(2) Ces phénomènes se sont produits avant les accidents terminaux de la 
cachexie, de l’inanition. 

(3) Ce malade avait, en outre, des tumeurs érectiles que M. Bouchard m'a 
appris à connaître comme se développant chez certains hépatiques. 


746 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE: 


ment cellulaire biliaire dans l’éclosion des empoisonnements d’origine 
interne. 11 serait aisé de rapprocher la folie hépatique de la folie brigh- 
tique. — Je me contente de signaler ces observations, ne voulant pas, 
par manque de compétence, ouvrir le débat des folies organiques, sympa- 
thiques, diathésiques; discuter la part qui revient aux antécédents, aux 
désordres d'organes, aux poisons divers, etc. Du reste, un facteur, tel que 
l’éthylisme, loin d'exclure les autres, souvent s’y associe, il y a combi- 
naison fréquente de plusieurs causes concourant à un même but. 


EFFETS DE LA THYROÏDECTOMIE CHEZ NOS ANIMAUX DOMESTIQUES, par 
M. G. Moussu (Voir Mémoires du présent volume, p. 271). 


ACCUMULATION DE STIGMATES PHYSIQUES CHEZ UN DÉBILE (BRACHYCÉPHALIE, 
PLAGIOCÉPHALIE, ACROCÉPHALIE, ASYMÉTRIE FACIALE, ATRÉSIE BUCCALE, 
SYNDACTYLIE DES QUATRE EXTRÉMITÉS, par MM. MaGnan et GALIPPE 
(Voir Mémoires du présent volume, p. 277). 


PHYSIOLOGIE EXPÉRIMENTALE. — RÉGÉNÉRATION EXPÉRIMENTALE DE LA PRO- 
PRIÉTÉ SPOROGÈNE CHEZ LE Pacillus anthracis QUI EN A ÉTÉ PRÉALABLE- 
MENT DESTITUÉ PAR LA CHALEUR, 


par M. C. Puisauix. 


Dans une précédente communication j'ai montré que, sous l'influence 
de la chaleur et dans certaines conditions, on pouvait faire dispa- 
raître d’une manière durable, la propriété sporogène du bacillus anthra- 
cs. Depuis, j'ai étudié le mécanisme de celte modification et j'ai reconnu, 
comme M. Chauveau l’a déjà démontré pour l’atténuation, que c’est à 
l’action combinée de la chaleur et de l’air et à l'oxydation lente du 
protoplasma qu’il faut attribuer la perte de la propriété sporogène : dans 
l'air raréfié à 20 millimètres environ, la chaleur seule est impuissante 
à produire ce résultat et les cultures, ainsi privées d’air, faites à 42 degrés, 
d’après la méthode que j'ai indiquée antérieurement, meurent au bout 
de huit à dix générations. Mais, tant qu’elles sont fécondes, elles don- 
nent naissance à des cultures charbonneuses riches en belles spores dont 
l’atténuation est plus ou moins grande. 


SÉANCE DU 90 JUILLET 741 


La privation d'oxygène a donc pour résultat, en ce qui concerne la 
propriété sporogène, de contrebalancer l’action de la chaleur et de con- 
server au protoplasma ses propriétés reproductrices. Dans ces condi- 
tions, on pouvait avec raison se demander si l'emploi du vide imparfait 
ne favoriserait pas le retour de la sporulation chez la Bactéridie rendue 
asporogène par l’action combinée de la chaleur et de l'air. 

J’ai donc, tout d’abord, essayé ce moyen. 

E’xpérience.— Une culture charbonneuse, restée asporogène après deux 
passages par la souris, est réensemencée le 7 avril 1892 dans un tube à 
vide, d’où l’on extrait rapidement l’air à l’aide de la pompe à mercure. Au 
bout de quatre jours de séjour dans l’éluve à 30 degrés, elle est réense- 
mencée dans deux matras à fond plat où le bouillon est étalé en couche 
mince (1). L’un des matras est laissé à l’air et l’autre transvasé de nou- 
veau dans un tube à vide où l’on raréfie l'air. On procède ainsi pendant 
sept générations successives. Or, toutes les cultures ainsi obtenues avec 
une semence ayant végélé dans l'air raréfié sont restées asporogènes. 

D’après ces faits et contrairement aux prévisions, l’action de l’air raréfié 
semble plutôt défavorable qu'utile à la réapparition des spores. Il fallait 
donc avoir recours à d’autres procédés. On sait que, dans le sang des 
animaux morts du charbon, et exposé à l'air, la sporulation du bacille 
anthracis a lieu très rapidement. D'autre part, j'ai constaté que les 
premières cultures rendues asporogènes par la chaleur redevenaient 
quelquefois sporogènes après avoir passé par le cobaye, surtout quand 
l’'ensemencement était fait avec un léger excès de sang. La voie était donc 
tout indiquée pour de nouvelles expériences. Elles ont pleinement 
réussi. 

Voici comment elles ont été exécutées : 

Le bouillon ordinaire de culture est étalé en couche mince dans des 
matras à fond plat et est additionné de quelques gouttes de sang frais de 
cobaye sacrifié à cet effet. Les matras sont mis à l’étuve pour être éprouvés. 
Ils y séjournent jusqu’à l’ensemencement. Dans ces conditions, la compo- 
sition du bouillon subit des modifications qui se traduisent à l’œil par 
une coloration de plus en plus foncée. Ces modifications, loin d’être nui- 
sibles à l'effet cherché, semblent plutôt en favoriser l'apparition. Ce 
milieu est éminemment favorable à la sporulation. Des cultures, restées 
asporogènes depuis piusieurs mois et pendant plusieurs générations, 
réensemencées dans ce bouillon spécial, sont redevenues sporogènes, 
souvent dès la première génération. 

La Bactéridie qui, dans l’expérience rapportée plus haut, avait été 
soumise, sans succès, à l’action de l'air raréfié fut ensemencée dans ce 
nouveau milieu : elle redevint sporogène dès la première culture. Bien 


{1) Comme M. Chauveau l’a montré, c’est là une condition très favorable à la 
formalion des spores. 


29. 


148 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


plus, le vide imparfait, dans ces nouvelles conditions, n'empêche plus le 
retour à la sporulation. | 

C'est donc bien à la présence du sang ou de ses produits de décompo- 
sition dans le bouillon, qu'est due la modification nouvelle et le retour 
à la faculté sporulative. Déjà, M. Chauveau a montré toute l'importance 
de cet agent pour la restitution de la virulence à la Bactéridie dégénérée. 
Il y aurait donc, sous ce rapport, entre la fonction reproduetrice et la 
fonction virulente, un rapprochement inattendu. 

Comment et par quel mécanisme l'addition du sang au bouillon favo- 
rise-t-elle le retour de la propriété sporogène ? C'est là un problème qui, 
en raison de sa complexité, exige des recherches très approfondies. Mais 
si nous ne pouvons pas, dès maintenant, pénétrer dans le mécanisme 
intime de la modification, du moins, nous pouvons indiquer, dans ses 
grands traits, la marche et l’enchainement du phénomène. On sait que, 
dans le mycélium chauffé à 42 degrés, apparaissent des corpuseules 
réfringents, dont M. Chauveau a, le premier, bien déterminé la nature 
et la genèse ; ce sont les pseudo-spores ou spores rudimentaires. Or ces 
spores rudimentaires se montrent dans toutes les cultures devenues aspo- 
rogènes, le plus souvent avec l'aspect et les caractères des spores atté- 
nuées ; si ce n'était la différence à la chaleur, on pourrait facilement les 
confondre. fl arrive fréquemment que les cultures additionnées de sang 
ne résistent pas au début à l’épreuve du chauffage à 65 degrés, pendant 
15 minutes, tandis qu’elles le supportent très bien uliérieurement et 
cependant aucune différence sensible, relativement aux caractères des 
spores, n'était appréciable au microscope. 

Il semble donc qu'il y a, entre les vraies et les fausses spores, une 
relation étroite et qu'elles ne diffèrent en réalité, que par la plus ou 
moins grande résistance à la chaleur, résistance qui peut augmenter ou 
diminuer suivant les conditions de vie et de nutrition du microbe. 

En résumé, la propriété sporogène, de même que la virulence, est 
susceptible de varier dans les limites très étendues, et ces variations sont 
entièrement subordonnées à la nature et aux conditions du milieu où 
prolifère le microbe. 


SUR UN SPOROZOAIRE PARASITE DES MUSCLES DE L'ÉCREVISSE, 


par MM. F. HENNEGUY et P. THÉLOHAN. 


Nous avons dernièrement (4)signalé l'existence d’un Sporozoaire vivant 
en parasite dans les muscles du Crangon vulgaris et très voisin de celui 


(1) Henneguy et Thélohan. Sur un Sporozoaire parasite des muscles des 
crustacés décapodes. Comptes rendus de la Société de Biologie, 25 juin 1892. 


LL MEN ST SNS 


SÉANCE DU 90 JUILLET 149 


que l’un de nous (1) avait déjà fait connaître dans le Palæmon serratus et 
le P. rectirostris. 

Nous avons eu depuis l’occasion d'observer dans les muscles de l’Écre- 
visse un parasite qui appartient également au groupe des Sporozoaires, 
mais qui présente avec les formes précédentes des différences assez 
notables. 

Grâce à l’obligeance de M. Contejean, nous avons pu, en effet, exa- 
miner des fragments de muscles d'Écrevisse provenant du département 
du Doubs, et qui, à l’état frais, présentaient cette remarquable opacité 
que nous avons déjà signalée dans le Crangon et le Palémon. 

Sur des coupes de ces muscles, nous avons constaté l’envahissement 
des fibres par un parasite à divers degrés de développement. 

Sur certains points, on trouve Ja fibre musculaire bourrée de petites 
spores ovoïdes avec une vacuole claire à leur grosse extrémilé. Ces 
spores, par leur aspect, rappellent celles des Microsporidies, celles de 
Glugea et des parasites du Crangon et du Palémon. Elles sont beaucoup 
plus petites que les spores du Crangon et se rapprochent par leur taille 
de celles du Palémon. 

A côté de ces spores, on trouve des phases plus jeunes du parasite 
représentées par des masses de protoplasma, munies de noyaux. Nos 
observations, encore très incomplètes, nous ont cependant permis de 
constater que cet organisme diffère du parasite du Crangon et des Palé- 
mons par le mode de développement des spores. Celles-ci, en effet, au 
lieu de se former par huit dans chaque vésicule sporigène, se forment en 
nombre variable, mais toujours plus considérable. Ce caractère rapproche 
le parasite de l'Écrevisse des Microsporidies et de certaines formes de 
Myxosporidies. 

Quant au groupe dans lequel il convient de ranger ce parasite, n’ayant pas 
eu à notre disposition de matériaux frais, nous n'avons pu étudier assez 
complètement la structure des spores pour nous prononcer sur ce point. 

La présence de ce Sporozoaire dans les muscles de l'Écrevisse présente 
un double intérêt : elle étend à un plus grand nombre d'espèces de Crus- 
lacés nos premières observations et de plus elle paraît devoir présenter 
une certaine importance pratique au point de vue de l'étiologie de la 
maladie qui depuis plusieurs années délruit les Écrevisses de nos cours 
d’eau de l'Est. 


(Travail du laboratoire de M. le professeur Balbiani, 
au Collège de France.) 


(1) Henneguy. Note sur un parasite des muscles du Palæmon rectiroslris. 
Mémoires publiés par la Société philomathique à l’occasion du centenaire de 
sa fondation (1888). 


750 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LA FUMÉE D'OPIUM, 


par MM. N. Gréuanr et E. Marrin (1). 


Nous avons entrepris une série d'expériences pour {âcher d'éclairer 
l’action physiologique de la fumée d'opium; comme on le sait, l'opium 
est fumé par plusieurs millions d'hommes, particulièrement par les 
Chinois. 

Ce n’est pas l’extrait gommeux d'opium tel qu'on se le procure facile- 

ment ici qui est employé par les fumeurs, mais c’est une préparation qui a 
subi une longue fermentation dont la durée était de plusieurs mois ; tout 
récemment, M. le D° Calmette, directeur de l’Institut bactériologique de 
Saïgon, a rendu la préparation beaucoup moins longne en semant l’As- 
pergillus niger sur les solutions d'opium provenant de l'Inde; c’est grâce 
à l’obligeance de ce savant médecin que nous avons reçu tout récemment 
un échantillon de chandoo ou opium préparé pour fumeurs, qui avait été 
demandé pour nous par M. le D° Kermorgant, médecin-inspecteur du 
service de santé des Colonies. 
__ Nos premières expériences ont été faites avec de l'extrait d'opium; 
nous avons imité d'abord le procédé employé par les fumeurs d’opium; 
sur une pipe dont l'ouverture était fermée par une plaque de plâtre, nous 
avons fait pratiquer une petite ouverture dans laquelle a été engagée une 
boulette obtenue de la manière suivante : on prend à l'extrémité d’une 
longue aiguille de fer une gouttelette d'extrait d'opium que l'on fait 
passer à plusieurs reprises dans une petite flamme; l’opium se boursoufle 
et perd de l’eau, quand il a pris une consistance suffisante, on le fait 
tourner entre les doigts et on oblient une petite masse solide et allongée 
que l’on introduit dans le trou de la pipe. 

Nous avons fait attacher un chien sur la gouttière et sur le ventre ; nous 
avons appliqué sur la tête une muselière de caoutchouc qui communi- 
quait avec un appareil à deux soupapes; à l’une servant à l'inspiration 
étaient fixés par un bouchon de caoutchouc à deux trous le tuyau de la 
pipe et un tube de verre, de sorte que l'animal était forcé de respirer de 
l'air et de la fumée d’opium produite par une flamme de gaz placée 
au-dessous du trou. 

Nous avons fait famer au chien vingt-cinq doses à peu près égales ou 
vingt-cinq pipes et après l’expérience qui a duré une heure un quart, 
l'animal détaché n’a semblé nullement influencé; sa démarche et ses 
allures étaient normales, il s’est mis à courir immédiatement. 


(1) Travail du laboratoire de physiologie générale de M. Rouget, au Jardin 
des plantes. î 5e 


SÉANCE DU 90 JUILLET 151 
RSR ne ne 

Il arrive quelquefois que l’opiam chauffé s’enflamme, c'est ce que le 
fumeur qui est toujours couché évite avec le plus grand soin, tant qu'ila 
l'énergie suffisante pour manœæuvrer la pipe; c'est à la dixième ou 
douzième pipe que le fameur qui fait chaque fois une inspiration pro- 
fonde pour remplir de fumée toute l'étendue de ses poumons, est obligé 
d’obéir à un besoin irrésistible de sommeil. 

N'ayant pas réussi à constater chez le chien en opérant ainsi aucun 
phénomène marqué, nous avons modifié notre appareil en le rendant 
plus commode et nous avons employé des doses d'extrait d'opium beau- 
coup plus grandes. 

Dans un creuset de terre dont la contenance est d'environ un demi- 
litre, nous introduisons 10 grammes d'extrait d’opium; le creuset est 
fermé par un couvercle métallique traversé par deux tubes de métal 
courbés à angle droit, le scellement du creuset dans le couvercle se fait 
avec du plâtre; le premier tube est uni par un tube de caoutchouc avec un 
flacon, soupape hydraulique servant à l'inspiration, le second tube est uni 
à un tube de laiton ayant 1 centimètre de diamètre entouré d’un manchon 
réfrigérant à eau froide; nous avons dû employer cette disposition pour 
que l'animal ne soit pas brûlé par la fumée et par l’air chaud. 

Le chien respire par une muselière de caoutchouc terminée par un 
tube en T dont l’une des branches est fixée au réfrigérant et au creuset, 
tandis que l’autre branche est mise en communication avec une soupape 
d'expiration à eau. 

On chauffe le creuset à l’aide d’un bec de Bunsen et on note l'heure; 
dix minutes après, une fumée abondante sort par la soupape d'expiration; 
l'expérience dure une heure, la température rectale s’est abaissée de 
39, 75 à 39°, 1 ou de 0°, 65. 

Un échantillon de gaz expiré recueilli pendant deux minutes avant 
l'expérience, contenait 0 gr. 271 d'acide carbonique. 

Cinq minutes après la fin de l'expérience, on a fait une seconde prise 
d'air expiré qui renfermait 0 gr. 368 d'acide carbonique exhalés en 
deux minutes. 

Ce résultat est facilement explicable, la destruction de l'opium par la 
chaleur donnant naissance à une certaine quantité d'acide carbonique 
qui a été fixé dans le sang et dans les tissus. 

La mesure de la pression du sang dans l’artère carotide faite avant et 
après l'expérience avec le manomètre mélallique de Gréhant, a donné 
exactement les mêmes courbes; done la fumée d'opium ne diminue en 
rien l'énergie des contractions cardiaques chez le chien. 

Expériences faites avec le chandoo. — Nous avons reçu le 16 juillet le 
chandoo envoyé par M. le D' Calmette, qui est beaucoup plus liquide que 
l'extrait d'opium. 

Nous avons fait respirer à un chien du poids de 8 kil. 500,10 grammes de 
chandoo décomposé par la chaleur ; l'expérience a duré une heure environ. 


152 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Plusieurs chimistes, entre autres M. Lagrange, qui s’est beaucoup 
occupé de la question de l’opium, paraissent admettre que la morphine 
est volatile à un faible degré lorsqu'on la soumet à l’action de la chaleur; 
il en résulterait que l'animal] qui fume l’opium introduirait dans ses pou- 
mons un certain poids de morphine; il se trouverait à peu près dans les 
mêmes conditions que si l’on avait injecté sous la peau le même poids 
d’alcaloïde: nous avons done pensé qu'il serait peut-être possible de 
reconnaître une action plus prompte et plus facile du chloroforme 
employé suivant la méthode de Claude Bernard. 

Aussitôt que le chien eut cessé de fumer, on réunit la muselière avec 
un appareil à deux soupapes : la soupape d'inspiration avait reçu 35 cen- 
timètres cubes de chloroforme et 105 centimètres cubes d'alcool (mélange 
au quart du D' Quinquaud); au bout de trois minutes, il y eut abolition 
complète de la sensibilité cornéenne; nous avons remarqué que la 
période d’agitation au début de la chloroformisation fut très courte. 

Trois jours plus tard, sans faire respirer de fumée d'opium, nous avons 
répété sur le même animal l’expérience d’anesthésie par le mélange de 
chloroforme au quart; l'agitation au début fut très vive; au bout de 
deux minutes, le réflexe oculaire était aboli; au bout de trois minutes, il y 
avait insensibilité complète. 

Les résultats de cette expérience comparative ont été les mêmes, avec 
celte nuance que l’animal, après avoir fumé 10 grammes de chandoo, a été 
endormi par le chloroforme et n'a présenté qu'une faible agitation; 
le temps qui a été nécessaire pour produire l’anesthésie a été le même et 
nous ne pouvons pas affirmer que l’animal avait reçu de la morphine par 
inhalation. 

Nous avons fait fumer 5 grammes de chandoo à un oiseau (canard); 
l'opération a duré une heure; l'animal, détaché, porté sur une pièce d’eau 
dans la cour du Laboratoire, s’est mis aussitôt à nager vigoureusement; 
il ouvrait le bec, maïsil ne fit pas entendre sa voix. 

Autre expérience sur le même chien. — On fait fumer 19 grammes de 
chandoo chauffé dans le creuset; l'animal, détaché, retourne au chenilen 
courant, il paraît tout à fait à l’état normal. 

Conclusion. — Bien que nous ayons fait fumer à un chien en une 
heure 10 grammes de chandoo, c'est-à-dire à peu près la gran d'opium 
qu'un Chinois fumerait en douze ou quinze jours, nous n'avons constaté 
aucun phénomène bien marqué et nous concluons de nos expériences 
avec ce réaclif physiologique, la fumée d’opium, qu'il existe une diffé- 
rence énorme entre le système nerveux central de l’homme et celui du 
chien. 


SÉANCE DU 930 JUIELET 153 


NOTE SUR L'INTOLÉRANCE DE LA CRÉOSOTE, 


par M. Craunius Nourry. 


Généralement, quand il se produit, au cours du traitement créosoté, des 
symplômes simultanés d’intolérance, le médecin traitant cesse le traite- 
ment d’une manière définitive. 

Il nous a été donné d’observer deux cas d’intolérance qui, particulière- 
ment, montrent que si l’on doit toujours, par prudence, interrompre le 
traitement pour quelques jours ; du moins ne doit-on pas le cesser tout à 
fait. D'autant plus que le médecin ne peut exercer sur ses malades une 
surveillance continuelle et qu'il est obligé de s’en rapporter aux observa- 
tions des infirmiers qui, la plupart du temps, se fient à ce que leur dit le 
malade. Sans compter que si le malade n’aime pas le traitement il s’arran- 
gera toujours, comme on va le voir pour montrer des phénomènes d’into- 
lérance. 

Un malade, P..., ancien garde républicain réformé pour tuberculose 
pulmonaire, avait, dès l’origine, montré les symptômes d'intolérance 
décrits par M. Burlureaux (1), notamment l’hypothermie survenant sept 
heures après l'injection, et suivie, une heure après, d'une hyperthermie 
notable succédant à la période algide. On avait repris une seconde fois le 
traitement, un mois après, le 21 janvier dernier et on avait dû l’abandon- 
ner de nouveau. Enfin, aucun traitement n'ayant pu enrayer l’évolution 
tuberculeuse ni faire tomber la fièvre qui se maintenait depuis trois mois 
entre 38°,5 et 40°,5, on résolut une dernière tentative pour voir réellement 
si la créosote ne permettrait pas d'obtenir un résultat désespéré, le tanin. 
l’ipéca, ete., ayant totalement échoué. On donna le 28 février 5 grammes 
d'huile à 1 p. 15 en injection. Le lendemain, 8 grammes. Le 1°" mars, 
10 grammes. Le 2, 15 grammes, sans que le malade, tenu en constante 
observation, montrât la moindre intolérance. Le 3, même dose, même 
tolérance. Mais le 4, le phénomène de refroidissement algide est signalé 
avec hypothermie. On descend à 10 grammes le lendemain, mêmes 
symptômes d'intolérance. Le 6, on ne donne que 5 grammes et on cons- 
tate toujours l'intolérance. En présence de ce résultat, on emploie l'huile 
à 1 p. 100. Le 7, on donne 8 grammes, de cette huile. Le 8, 5 grammes, 
seulement. Etl'intolérance se manifeste de même. Dans ces condilions, le 
traitement créosolé est abandonné définitivement. Et le 12 mai le malade 
mourait. Mais notre étonnement fut grand quand on nous apprit que ce 
malade n’avait pas présenté tous ces phénomènes. Seulement il éprouvait 
une aversion très grande pour la méthode inventée par M. le professeur 
Bouchard et reprise par MM. Gimbert et Burlureaux. Gelte aversion était 
si forte que ce malade ne pouvait supporter la piqûre et que, dans cet 


(1) Gaz. hebd., 1891, 5 et 12 mars 1892, 


7 


794 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


état d'esprit, il avait si bien conquis la personne chargée de sa surveil- 
lance qu'il en avait fait un complice disant avoir constaté de l'intolérance 
alors qu’il n’y en avait en aucune façon. 

Dans ce cas, on le voit, le malade était conscient. Dans le second cas 
qui va suivre, le malade, d’une impressionahilité très grande, lympha- 
tique, du reste, au suprême degré, s’imaginait avoir plusieurs symptômes 
d’intolérance alors qu’il n’avait que de l’hypothermie sans accompagne- 
ment de refroidissement algide. 

C’est un M. L., professeur civil dans une école militaire. Il était atteint 
de pleurésie purulente et présentait quelques signes de tuberculose pul- 
monaire. Chez lui, la créosote avait produit des poussées congestives, 
dont le résultat fut une fièvre telle qu’on dut laisser le traitement pendant 
huit jours, pour le reprendre ensuite. Pendant les trois semaines consé- 
cutives à la reprise, tout alla bien. Les écoulements purulents avaient 
presque disparu. On touchait à une guérison, quand tout à coup, la poussée 
congeslive conséquente amena comme la première fois une production de 
fièvre, telle qu'on düt abandonner le trailement pour quelques jours. 
Huit jours après, on dût le reprendre. Le malade allait plus mal. 

L'appétit avait disparu, les forces baissé et l'écoulement purulent était 
devenu si abondant qu’on devait faire la ponction tous les deux ou trois 
jours. Sur ces entrefaites, M. L... avait lu dans la Gazelte hebdomadaire 
l'étude des phénomènes d’intolérance. À la reprise du traitement, on lui 
donna 10 grammes d'huile à 1 p. 45, et l’on se maintint à 15 grammes. 
Le malade malheureusement n’allait pas mieux. Le matin, il avait 39 de- 
grés de température. Après l'injection 37 degrés seulement. Enfin, le soir 
à quatre heures et demie, 34 degrés seulement. Pendant huit jours, cette 
température se maintint. On eut le tort de la faire connaître au malade. 
Car le lendemain, il se plaignait d’avoir ressenti l’accès algide. On regarda 
ses urines, elles n'étaient pas noires, ni colorées. Il n’y avait pas eu de 
sueurs profuses non plus. Gonnaissant le malade, le sachant très impres- 
sionnable, je pensai que ce refroidissement algide était œuvre de son 
imagination et l’on augmenta la dose quotidiennement de 10 grammes. 
Ainsi, pendant huit jours, en disant au malade qu'on ne lui donnait que 
12 grammes d'huile. M. L... se plaignait de la longue durée des piqûres, 
et de la grosseur des bosses produites. Mais, il ne se plaignait plus du 
refroidissement. Pour nous convaincre que le traitement élait parfaite- 
ment supporté, le huitième jour (il avait pris 90 grammes d'huile), je 
restai auprès du malade jusqu’à neut heures du soir. La tolérance était 
entière, aucun phénomène ne se montra. J’appris alors à M.L... la quantité 
d'huile prise. Il ne voulut d’abord pas y croire ; puis finit par reconnaître 
qu'il n’était pas bien sûr d’avoir jamais eu d'accès algide, qu'il lui avait 
seulement semblé en avoir. Comme conclusion, on continua d'augmenter 
la dose de l'injection. On [a porta à 120 grammes. Et trois semaines 
après, le malade était guéri. 


SÉANCE DU 30 JUILLET 7155 


Il résulte de ces deux observations que, lorsqu'un malade dit avoir de 
l'intolérance, il ne faut pas manquer d’abord de s'en assurer par soi- 
même; puis, s’il y a intolérance, cesser passagèrement pour recommencer 
ensuite. Sinon, il faut pousser la dose. Dans tous les cas, le traitement 
créosoté ne doit être abandonné que lorsque l'intolérance s’est manifestée 
pendant plusieurs jours consécutifs et avec tous ses symptômes; un symp- 
tôme isolé n'étant pas, comme le prouve l'observation de M. L..., un empê- 
chement sérieux. 


BACTÉRIENS DANS L'ICTÈRE GRAVE, 


par G. NePpveu et Ch. BourDILLON. 


Le D' Ch. Bourdillon, chef de clinique du professeur Laget, médecin de 
l'Hôtel-Dieu de Marseille, a bien voulu me confier l’étude histologique 
d'un foie provenant d'un ictère grave à forme insidieuse, observé dans 
le service de son maitre. 

Je publie ici intégralement son intéressante observation, que je fais 
suivre de mes recherches histologiques. 


ICTÈRE GRAVE A FORME INSIDIEUSE, 
Observation par M. le D' Cu. Bourpirzon, chef de clinique. 


Le nommé X..., berger, originaire de Sisteron, et âgé de soixante-six -ans, 
entre le 22 mai 1892 dans le service de M. le professeur Laget, à l'Hôtel-Dieu, 
pour des troubles graves de la santé remontant à deux mois. 

Les renseignements sur ses ascendants sont négatifs. 

Il ne paraît avoir jamais eu de fièvre intermittente, et n'avoir jamais 
séjourné dans une région à malaria. Il nie toute habitude alcoolique et tout 
accident syphilitique dont on ne retrouve au reste aucune trace sur lui. Sa 
santé habituelle aurait toujours été satisfaisante, bien qu'il ait toujours été 
maigre et d’un teint bronzé. 

Sa maladie ne date que de deux mois. Elle aurait débuté insidieusement par 
unictère progressivement croissant, par de l’anorexie, de la diarrhée fétide, une 
lassitude, un affaiblissement et un amaigrissement devenus rapidement 
extrêmes. 

Il a l’aspect d’un cachectique, est d’une maigreur et d’une faiblesse exces- 
sives, pouvant à peine s'asseoir pour se prêter à l’auscultation, et répondant 
avec difficulté aux questions qu'on lui pose. L’œil est terne. Les conjonctives 
sont ictériques. Sa peau est sèche, rugueuse, et se laisse plisser par la pres- 
sion des doigts. Elle est d’une coloration jaune verdâtre, foncée et presque 
bronzée. Pourtant le malade assure que sa jaunisse n'existe que depuis le 
mois d'avril. 

L'appétit, normal avant cette époque, a disparu presque complètement sans 
qu'il y ait un dégoût électif pour les aliments carnés ou gras. La soif n’est pas 
exagérée et ne l’a jamais été. La langue est blanchâtre, sèche, rouge sur les 


756 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


bords. Pas de vomissements ; après une courte période de constipation au début, 
est survenue une diarrhée fétide, et actuellement les selles sont abondantes, 
d'odeur infecte, malgré l'usage du naphtol, du salol, puis du benzo-naphtol, 
auquel il à été soumis depuis son entrée. Elles ont la couleur, si non la consis- 
tance du mastic. Vers les derniers jours, elles sont devenues plus jaunes, 
jamais elles n’ont contenu de matières grasses. 

Le ventre est ballonné, présentant un tympanisme qui disparaît dans les 
parties latérales, où la matité augmente par l’inclinaison sur le côté, tradui- 
sant ainsi la présence d’un léger épanchement ascitique. 

La percussion du foie et de la rate ne révèle aucune modification du volume 
de ces organes, au niveau desquels, il n'existe aucune douleur spontanée ou 
provoquée. Il n’y a pas non plus de douleur dans les autres points de l’ab- 
domen ni à l'épaule droite. l 

Pas de toux ni d’expectoration. Mais submatité et obscurité de la respiration 
aux parties supérieures des deux poumons, surtout à droite. 

L'examen du cœur ne révèle aucun bruit anormal, mais seulement la fai- 
blesse du choc et des bruits. Le pouls est du reste petit, dépressible, sans accé- 
lération, ni ralentissement, ni intermittences. 

Les urines, diminuées de quantité (700 grammes environ par vingt-quatre 
heures), sont d’une couleur vert foncé, et ne contiennent ni sucre, ni albumine, 
ni cylindres. Le dosage de l'urée n’a pas été fait. 

Depuis le début des accidents jusqu'au dernier jour, il n’y a jamais eu 
aucune manifestation hémorragique (ni épistaxis, ni purpura, ni stomator- 
rhagie, ni hématémèse, ni mélæna, ni hématurie, etc. 

La température qui, le premier jour, était à 39 degrés, est tombée dès le len- 
demain à 37 degrés, pour descendre ensuite au voisinage de 36 degrés, et cela 
jusqu’à la mort. 

La prostralion s’accentue de jour en jour sans avoir jamais été troublée par 
des phénomènes d’excitation nerveuse; et le malade, sans dyspnée, sans souf- 
france, mais se refroidissant peu à peu, finit par s’éteindre dans le coma. 

L'examen du sang n’a pas pu être fait. 

L'aspect cachectique, la maigreur extrême, l’âge avancé du malade avaient 
tout d’abord fait penser à un cancer viscéral. Et l'absence de douleur et de 
tumeur hépatiques, de toute modification du volume du foie, de tout accident 
lithiasique antérieur portait à rejeter l'hypothèse d'un néoplasme de cet 
organe ou des voies biliaires. 

Au contraire, l’amaigrissement extrême, l'aspect général du sujet, la colo- 
ration de ses téguments plaidaient en faveur d’un cancer du pancréas, siégeant 
au niveau de la tête de cet organe et ayant finalement comprimé les gros 
canaux biliaires ce qui expliquait l’ictère. Mais il n’y avait ni polydipsie, ni 
sucre dans les urines, ni matières grasses dans les selles, c'est-à-dire aucun 
des signes qui eussent pu confirmer la présomption d’une lésion pancréatique. 

Il fallut donc revenir à un diagnostic qui s'était également présenté à l'esprit 
dès l’abord, mais que l’on avait cru devoir écarter jusqu’à l'apparition de 
nouveaux phénomènes ; c’est celui d’ictère grave. En faveur de cette maladie, 
il y avait l'ictère, l’abaissement de la température, l'état de stupeur, d’affai- 
blissement, de prostration, tout cela remontant à une date relativement ré- 
cente. Mais l'absence complète de toute manifestation hémorragique ne 


SÉANCE DU 930 JUILLET 791 


cadrait guère avec le tableau ordinaire de l'ictère grave. Toutefois, malgré 
cette lacune, ce diagnostic resta jusqu’à la fin le plus probable. 

L'évolution lente et insidieuse des accidents, dont le tableau était du reste 
incomplet semblait contraire à la pensée d’un ictère grave primitif. 

D'autre part, on ne relevait aucune maladie générale infectieuse actuelle, 
aucune lésion antérieure du foie ou des voies biliaires (cirrhose, cancer, sy- 
phylis hépatique, lithiase, etc.). On pensa toutefois, en raison de l'âge du 
malade, qu'il pouvait bien y avoir quelque lésion préalable, de nature indé- 
terminée, du parenchyme hépatique. 

L’autopsie a été faite le 1° juin, vingt-quatre heures après la mort : déjà 
le cadavre se trouvait dans un état de décomposition manifeste, il s’en échappait 
une odeur infecte. 

À l'ouverture de l'abdomen, on trouve du liquide Fsatique en quantité 
modérée (2 ou 3 litres). 

Le foie a un volume à peu près normal. Il n’a contracté aucune adhérence 
avec les organes voisins. Sa surface est parsemée de nombreux petits îlots éloilés 
et blanchätres qui ne pénètrent pas dans l’intérieur du parenchyme. A la coupe, 
celui-ci n’est pas granulé, mais uniforme et de celoration un peu jaunâtre. La 
vésicule biliaire contient peu de bile et est vide de tout calcul. 

Les reins sont un peu volumineux, et congestionnés, mais l’aspect macro- 
scopique en est peu modifié. Les capsules surrénales sont saines. 

Il n’y à aucune lésion du pancréas, ni de l'intestin. 

Le cœur, un peu mou et jaunâtre, n'offre aucune trace d’endocardite, sur la 
lésion valvulaire, ni de péricardite. 

Le sang est un peu diffluent et noirâtre. 

Les plèvres présentent des adhérences avec la paroi des deux côtés, surtout 
à droite, et dans leur moitié supérieure. 

Les poumons paraissent sains et ne présentent pas trace d’altérations tuber= 
culeuses. 


Etude histologique, par M. le D' G. Nepveu. 


Les pièces ont malheureusement été recueillies un peu tard, vingt- 
quatre heures après la mort, et le cadavre éprouvait déjà, par nos tem- 
pératures sénégaliennes, un commencement de décomposition. Les lésions 
que j'ai pu observer sur le foie ne sont pas dues à des altérations cadavé- 
riques, comme j'espère lé démontrer. 

Les morceaux de foie avaient été durcis dans la liqueur de Müller, puis 
dans l’alcool ou la gomme arabique; les coupes colorées par le brun de 
Bismarck, le violet de gentiane ou mieux encore par l’hématoxyline ou la 
fuchsine phénolée ; l'hématoxyline, naturellement filtrée et stérilisée au 
préalable, s’est montrée supérieure à tous les autres réactifs. 

Les cellules hépatiques sont partout et sans exception atrophiées, par- 
fois encore reconnaissables, mais à l’état de véritables ombres, parfois 
au contraire presque entièrement effacées et détruites et reconnaissables 
seulement à leur pigment, la plupart renferment en effet une grande 
quantité de pigment, rougeâtre ou jaune intense. Elles n’ont plus de 


798 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


noyaux et ne se colorent plus d'aucune façon, aussi les microbes se 
détachent-ils très bien sur l’ensemble de la coupe. L’ordonnance habi- 
tuelle du foie ne se reconnaît plus, ni les espaces de Kieznan, ni la veine 
centrale. De temps à autre on trouve des ilots de tissu conjonctif assez 
larges et assez étendus, le foie a subi semble-t-il par place une augmen- 
tation de volume du tissu conjonctif. Les vaisseaux capillaires sont 
reconnaissables, mais leur contenu est à peine indiqué; il est impossible 
de reconnaître les vaisseaux biliaires; partout, de nombreuses granula- 
tions graisseuses, granuleuses, pigmentaires estompent et détruisent la 
vue nette des lésions que la destruction des divers éléments du foie obs- 
curcissait déjà. | 

Ce qui nous importait le plus, c’est la présence des microbes. Grâce à 
l'emploi de l’hématoxyline, j'ai pu me rendre compte exactement d'assez 
nombreux détails à ce sujet. 

Tout d’abord je ferai remarquer que nous avons à faire à des micro- 
coques rarement réunis deux à deux ou par quatre, le plus ordinaire- 
ment réunis en chainettes ; il s'agissait de streptocoques. Ces strepto- 
coques étaient de volume variable, tantôt extrêmement fins, lantôt un 
peu plus volumineux; ils ressemblent dans leur variété la plus fine à 
ceux de l’érysipèle, le plus souvent ils sont réunis en foyers, en amas 
irréguliers très denses et très épais, formant dans les capillaires sanguins 
dilatés de véritables boudins d’où partent, soit d'élégantes chaînettes, de 
huit, dix, douze articles qui s’entre-croisent dans tous les sens et entou- 
rent les globules rouges, soit encore par groupes de deux ou quatre 
microcoques. Ces foyers microbiens sont rares, on n'en trouve guère 
‘que deux à trois sur des coupes très étendues faites au microtome et 
dans leur intervalle rarement on aperçoit quelques microbes disséminés. 
C'est sur la constatation de ces foyers complètement isolés, situés dans 
les capillaires sanguins que je m’appuie principalement pour prouver 
leur existence pendant la vie. Autour de ces foyers vasculaires, on remar- 
que quelques microbes situés en dehors des capillaires le long de leur 
paroi, dans le tissu conjonctif si fin du foie; ce fait n’a pas lieu de nous 
étonner, avec la prédilection que l'on sait de ces microbes pour le tissu 
conjonctif ; jamais je n’ai pu en trouver le moindre dans les cellules 
hépatiques ou encore dans les voies biliaires, les capillaires et secondai- 
rementletissuconjonctif ambiant ; telssontsur notre observation, les points 
d'élection de ces microbes, qui semblent ainsi jouer un rôle analogue 
à celui du streptocoque pyogène, analogie d'autant plus permise que 
j'ai pu trouver par places un assez grand nombre de globules blancs. En 
résumé : développement embolique intracellulaire et cellulite périvascu- 
laire localisée, tel me semble devoir être le résumé de mes observa- 
tions. 

Malheureusement, je n’ai pu procéder à des recherches de culture. Pour 
n'être pas complète à ce point de vue, cette observation ne me semble 


PET Re PER ee. 


> 


SÉANCE DU 30 JUILLET 7159 


pas moins mériter quelque attention. Nous avons là le même microbe- 
que quelques auteurs déjà ont observé plusieurs fois depuis que Boinet et 
Boy-Tessier l’ont reconnu et décrit pour la première fois. Je ne veux pas 
dire que ce soit là un microbe spécifique et spécialement producteur de 
l’ictère grave. 

De même qu’on a décrit des ostéomyéliles à streptocoque, à slaphylo- 
coque, dans l’ictère grave, l’atrophie jaune aiguë du foie, on peut trouver 
d'assez nombreuses variétés et cette multiplicité de formes ne fait que 
souligner encore leur importance, leur rôle n'est peut-être qu'épisodique 
et non génétique purement, ils pullulent parce qu'ils ont trouvé un milieu 
de culture favorable. 

L'étude comparative des résultats obtenus par les quelques auteurs qui 
ont étudié ce point important ne fait que confirmer ce que j'avance : 

1° Bacilles courts et gros. — Klebs a trouvé ces bacilles dans l’atrophie 
jaune aiguë du foie dans les conduits biliaires, autour des vaisseaux. Son 
malade avait eu des hémorragies et des ulcérations de l'estomac. 

2 Staphylocoque doré. — Girode, après un cas d'avortement suivi 
d’ictère grave, a observé le staphylocoque doré. Le Gall a obtenu des cul- 
tures de staphylocoque doré avec le sang d’un cas d’ictère grave. 

3° Streptocoque. — Rovighi (1886) a trouvé des streptocoques dans un 
cas d’angiocholite grave avec un abcès du foie (Aevista clinica de Bo- 
logna, 1886 ; Ascessi multipli del fegato da angiocolite grave). 

Cornil et Babès (t. [, p. 554) ont signalé des streptocoques dans les 
vaisseaux du foie ; les cellules hépatiques ne se coloraient plus, les cul- 
tures faites étaient très virulentes, la lésion hépatique était une septicémie 
avec dégénérescence totale du foie ; notre observation se range à côté de 
celles-ci, la lésion hépatique était complexe : à côté des ilots de tissu 
conjonclif assez étendus et étoilés, il faul noter l’atrophie jaune aiguë de 
tout le parenchyme. | 

Microcoques. — Sous ce terme un peu vague nous rangeons les obser- 
vations suivantes : 

Boinet et Boy-Tessier, qui les premiers ont décrit dans les cellules hépa- 
tiques et dansle sang pendant la vie des microcoques associés en diploco- 
ques ou réunis par quatre, £’ppinger, de Prague (Prager Vierteljahrschrift, 
1875), qui signale des microbes ronds) ; Balzer (in Revue mensuelle, 1882, 
31, 32), qui décrit le même organisme ; Alava, de Prague, qui décrit chez 
une femme enceinte morte avec de l’œdème des jambes, des ulcérations 
cutanées tous les phénomènes de l'ictère grave. De grandes bactéries 
rondes enzooglées s’observaient dans les conduits biliaires, l'infection se 
serait faite par la veine porte et l'intestin; enfin Ziegler, p. 583, t. IT, 
a trouvé des zooglées formées de cocci à l’intérieur des capillaires et 
souvent dans les veinules centrales, dans des cas d’atrophie jaune aiguë 
du foie. Waldeyer (Virchk. Arch., 43, 553) a trouvé dans l’atrophie jaune 
aiguë du foie que les masses pigmentaires étaient toujours intimement 


760 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


unies à des colonies bactériennes, dans une autlopsie quatre heures et 
demie après la mort. | 
On le voit, il semble possible actuellement d’entrevoir, mais pas 
encore, malheureusement, de décrire complètement diverses formes 
bactériennes dans cet ensemble de lésions hépatiques qu'on décrit en 
clinique sous Le nom d'’iclère grave et que parfois les analomistes dési- 
gnent soit comme l’atrophie jaune aiguë du foie, soit comme une septi- 
cémie, soit encore comme une intoxication... Un avenir très prochain 
permettra d'aller plus loin et de signaler ici comme pour l’ostéomyélite, 
comme la pleurésie, la pneumonie, diverses variétés bactériennes. 


SUR LA REPRISE DES CONTRACTIONS DU COEUR, APRÈS ARRÊT COMPLET DE SES 
BATTEMENTS, SOUS L'INFLUENCE D’UNE INJECTION DE SANG DANS LES ARTÈRES 
CORONAIRES, 


par MM. E. Hépon et P. Gus. 


Sur un supplicié, dont le corps nous a été livré trois quarts d'heure 
après la décapitation, nous avons fait l'expérience suivante : 

Ouverture du thorax et du péricarde. Le cœur est flasque et mou, com- 
plètement vide. Plus de battements spontanés, pas même de l’auricule 
droite. On ne fait naître aucune contraction ni par des excitations méca- 
niques, ni par des excitations faradiques. 

On lie alors la crosse de l'aorte immédiatement après la naissance des 
gros troncs artériels, l'artère carotide et l'artère sous-clavière gauche à 
leur naissance sur la crosse et l’on engage une grosse canule dans le bout 
central du tronc brachio-céphalique. Par cette canule, on pousse avec 
une seringue du sang artériel de chien défibriné. Ce sang distend forte- 
ment l’aorte, ne passe pas dans le ventricule gauche, en raison de l’ocelu- 
sion hermétique de l’orifice aortique par les vaivulés sigmoïdes, mais se 
précipite dans les artères coronaires, où on le voit cireuler. Ce sang revient 
par les veines coronaires dans l'oreillette droite, se répand dans les gros 
troncs veineux et est perdu ; une partie s'échappe au niveau de la section 
du cou. Tous les préparatifs ont duré un quart d'heure. 

Aussitôt que le sang eût pénétré dans les artères coronaires, nous 
vimes le cœur droit reprendre ses battements. Les contractions de 
l'oreillette et du ventricule n'étaient pas toutefois synchrones. L’auricule 
droite battait 148 fois par minute, le ventricule seulement 44 fois par 
minute. Les contractions du ventricule n'étaient point partielles, mais 
bien totales, c'étaient de vraies systoles, diminuant très nettement la 
capacité de la poche cardiaque, et qui, certainement, eussent été capables 
de lancer du sang dans l'artère pulmonaire. La contraction naïissait à la 


SÉANCE DU 90 JUILLET 761 


pointe du cœur et se propageait rapidement vers ia base. Le cœur gauche 
resta immobile, Le phénomène a duré pendant 23 minutes, c'est-à-dire 
tout le temps qu’on a poussé l'injection, soit 420 centimètres cubes de, 
sang. Les contractions cardiaques se montraient donc encore 4 h. 20 
après la décollation. 

Pendant quelques minutes après la cessation de l'injection, le ventri- 
cule a présenté des trémulations fibrillaires ; par des excitations méca- 
niques et électriques, il se contractait encore, mais seulement au point 
irrité. 

L'expérience a été répétée avec succès sur un chien, mais avec un 
résultat plus complet. Après une saignée totale de l’animal par une des 
carotides, le sang défibriné est injecté dans le tronc brachio-céphalique 
artériel, 9 minutes après la cessation des contractions cardiaques. 
Au bout de 1 à 2 minutes,les deux ventricules se contractent syner- 
giquement, les oreillettes et les auricules restant immobiles. Les ventri- 
cules battent à 44 pulsations à la minute. Après une deuxième injection, 
17 minutes après la cessation des battements cardiaques, les oreil- 
lettes et les auricules se contractent à leur tour synergiquement. Le mou- 
vement s'accélère peu à peu et le nombre des contractions s'élève à 72 à 
la minute. La contraction ventriculaire suit immédiatement celle des 
oreillettes comme dans la révolution cardiaque normale. Ces battements 
rythmés se sont maintenus ainsi pendant cinq minutes, puis après cessa- 
tion de l'injection, ils se sont espacés de plus en plus; 20 minutes 
après le début de l'injection, le cœur ne présentait plus de battements 
qu'à de longs intervalles. 


Le Gérant : G. MASSoON. 


Paris. — Typographie Gaston Née, 1, rue Cassette. 


RANRRMEA D A meie H 


163 


SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1892 


M. Hépow : Fistule pancréatique. — M. le D' G. Nepveu : Altérations des capillaires 
et du foie dans les fèvres pernicieuses (Mémoires). — M. FERNAND Laraste : Trans- 
formation périodique de l'épithélium du vagin des Rongeurs (rythme vaginal). — 
M. le Dr Gazezowski : De l'hémianopsie chromatique dans une amblyopie nerveuse. 
— M. J. Ferran (de Barcelone) : A propos de la communication de M. Haffkine, sur 
le choléra asiatique. — M. A. Cnauveau : Remarques sur la Note de M. Ferran 
(Discussion: M. LAvERAN). — M. Louis BLaxc: Note sur l'influence de la lumière 
sur l'orientation de l'embryon dans l’œuf de poule. — M. F. Preyror : Sur la formule 
urinaire dans l'hystérie. — M. Ch. Féré : Note sur l'ivresse du mouvement chez les 
paralytiques généraux. -— M. le Dr Arosrocr : Note sur les applications nouvelles 
du courant alternatif sinusoïdal en gynécologie. — M. J. Girope : Examen de 
soixante-dix-huit cas cholériques (Mémoires). — M. J. Girope : Action du bacille- 
virgule sur le foie et le pancréas (Mémoires). — M. E. Mever : Sur les rapports 
de la capacité respiratoire du sang avec la température animale. — M. LararD 
(d'Avignon) : Sur les troubles trophiques des ongles, des cheveux et des dents 
spéciaux aux cagots. — M. Cu. Desierre (de Lille) : Valeur de la fossette occipi- 
tale moyenne en anthropologie. 


Présidence de M. Chauveau. 


CORRESPONDANCE IMPRIMÉE. 


M. Gacezowski fait hommage à la Société de son mémoire : Sur le 
diagnostic des maladies des yeux par la chromatoscopie rétinienne. 


M. Larasre fait hommage à la Société de son ouvrage : Recherches de 
zooéthique sur les mammifères de l’ordre des Rongeurs. 


FISTULE PANCRÉATIQUE, 


par M. HÉpon. 


Par le procédé de greffe sous-cutanée du pancréas que j'ai déjà déerit 
(Soc. de Biologie, 9 avril et 23 juillet 1892), MM. Gleÿ et Thiroloix ont 
pu vérifier complètement les faits que j'ai annoncés et même me devancer 
pour quelques observations. La modification qu'ils proposent à ce procédé, 
à savoir de mettre un drain dans la plaie sous-culanée, est, selon 
moi, une complication inutile. Sur les vingt greffes que j'ai pratiquées 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9 SÉRIE, T. IV. 30 


7164 SOCIËTÉ DE BIOLOGIE 


jusqu'ici, quelques animaux ont succombé par suite de la rétention du 


suc pancréalique el de son issue dans le tissu cellulaire sous-cutané. : 


Mais cet accident n'arrive jamais, si l’on a soin de fixer, comme je l’ai 
dit, la coupe du pancréas au voisinage des lèvres de l’incision de manière 


à ce que le suc pancréatique s'écoule librement au dehors. De cette façon, 


il n’y a plus d'accidents. La cicatrisation se fait vite. Un drain ne pour- 
rait que la retarder. 

Le liquide qui s'écoule par la petite fistule consécutive à la grefte est 
bien du suc pancréatique. Ce liquide en effet saccharifie rapidement 
l’empois d’amidon, émulsionne la graisse et digère l’albumine. 

Sur un chien porteur d’une greffe depuis vingt jours, je recueilie par 
la fistule en exerçant une légère compression sur la tumeuur, 2 centi- 
mètres cubes de liquide. 

- Les caractères physiques de ce liquide n’ont aucun intérêt; car il n’est 
pas pur, à cause de son mélange avec un peu de pus provenant du trajet 
fistuleux ; mais ses propriétés chimiques ne laissent aucun doute sur sa 
nature. J'étends ces 2? centimètres cubes de liquide de trois volumes 
d’eau et j'essaie son pouvoir digestif de la façon suivante : 

1° J'en verse quelques gouttes dans de l’empois d’amidon cuit; en 
chauffant légèrement sur la flamme d’un bec de Bunsen, la saccharifica- 
tion se fait en quelques secondes et très énergiquement, car en ajoutant 
de la liqueur Fehling, j'obtiens la plus belle réduction ; 

2 J’agite dans un tube à essai quelques gouttes du liquide avec un 
peu d'huile d'olive. Instantanément l'huile est émulsionnée et l’émulsion 
persiste. Après quelques heures le mélange est devenu acide; 

3° Dans le reste du liquide je mets des petits fragments de muscles. Au 
bout de deux heures à l’étuve à 40 degrés la viande est en grande partie 
digérée. Après avoir étendu le mélange de moitié d’eau, fait bouillir 
pour coaguler l’albumine et filtré, le liquide qui filtre est limpide, ne 
coagule plus ni par la chaleur ni par les acides minéraux, mais précipite 
par les réactifs spéciaux de peptones. 

Dans un cas de greffe, la tumeur sous-cutanée présentait une partie 
fluctuante : c'était un kyste. M. Thiroloix a aussi observé ce fait (Bulletin 
de la Soc. anatomique, juillet 1892). Il doit cependant être rare, car sur 
mes vingt greffes, je ne l’ai observé qu'une fois. En enlevant la greffe au 
bout d’un mois, j'ai ouvert ce kyste accidentellement pendant l'opération. 
Il s’en est échappé un liquide parfaitement limpide, transparent, un peu 
visqueux, coagulant par la chaleur. C'était du suc pancréatique, à n’en 
pas douter; il en présentait toutes les propriétés digestives. M. Thiroloix 
a noté seulement son pouvoir saccharifiant; il aurait pu s'assurer facile- 
ment de son action énergique sur la graisse et l’albumine. Le kyste était 
situé à la périphérie de la tumeur et creusé dans le tissu cellulaire sous- 
cutané ; sa paroi était formée de tissu conjonctif et n’était point revêtue 
d’épithélium. 


TI AT AI 


4 


SÉANCE DU 49 OCTOBRE 165 


_—_—_—_—_—_—_—_—_—__—_—__—_—]_—_— - -- - "  " Û|— "|" | _—]|_—|…— "| Î 


Il résulte donc de là que mon procédé de greffe du pancréas permet 
non seulement de vérifier la théorie de la glande vasculaire sanguine, 
pour la question du diabète, mais encore d'établir une fistule pancréa- 
tique permanente, chose jusqu'ici bien difficile. 


ALTÉRATIONS DES CAPILLAIRES ET DU FOIE DANS LES FIÈVRES PERNI- 
creuses, par le D' G. Nepveu. (Voir Mémoires du présent volume, p. 289.) 


TRANSFORMATION PÉRIODIQUE DE L'ÉPITHÉLIUM DU VAGIN DES RONGEURS 


(Rythme vaginal), 


par M. FERNAND LATASTE. 


Dans le n° 23 (4° juillet 1892) du tome IV de la 9° série des Comptes 
rendus des séances de la Société de Biologie, numéro que m’apporte le 
dernier courrier d'Europe, je trouve, sous le titre Évolution de l'épithé= 
lium du vagin, une note, de M. le D' Ed. Retterer, qui m'a vivement inté- 
ressé, mais dont les conclusions me paraissent inexactes. 

L'auteur y soutient que la « gestation seule exerce une influence sur la 
modification de forme et de structure des cellules épithéliales du vagin ». 
Rappelant que, dans une note précédente, dont je regrette vivement de 
ne pouvoir prendre connaissance (1), il aurait déjà établi cette loi pour 
le cas des Mammifères quadrupèdes, à l'exception des Rongeurs, 1l s'efforce 
de montrer que cette exception n’est qu’apparente et peut rentrer dans 
la loi éi-dessus formulée. « Chez l’animal adulte, conclut-il, et en dehors 
de la gestation, l’épithélium du vagin est pavimenteux stratifié. La 
gestation seule produit, chez les femelles adultes de certaines espèces 
(chienne, lapine, cobaye), la modification muqueuse de l’épithélium 
vaginal. » 

Or, les très nombreuses observations sur le vivant que j'ai consignées 
dans mes Æecherches de zooéthique (2), complétées par les observations 


(41) Les quatorze premiers numéros du volume des Comptes rendus corres- 
pondant à l’année actuelle, parmi lesquels celui qui contient la note en ques- 
tion (numéro du 26 mars 1892), ne me sont pas parvenus. 


(2) Dans Actes Soc. Linn. Bordeaux, t. XL, XLI et XLIIT ; aussi à part, 1 vol. 
in-8° de 676 p. et 7 pl. 


165 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


histologiques que M. le D'H. Morau a publiées dans sa thèse inaugurale, 
Des transformations épithéliales physiologiques et pathologiques (4), cnt 
établi, d’une façon absolument irrécusable à mon avis, que, tout au 
moins chez les Rongeurs de la famille aes Muridés (rats et souris, gerbilles, 
mérions, etc.), les modifications épithéliales du vagin sont directement 
liées à un tout autre phénomène que celui de la gestation. 

Chez ces rongeurs, en effet, en dehors des époques génitales (disons iei 
époques de rut, pour employer une expression plus claire, quoique moins 
générale), la muqueuse vaginale, examinée macroscopiquement au niveau 
de la vulve, se montre toujours plus ou moins amincie : son épaisseur est 
parfois si faible, et ses bords sont, en outre, parfois, si intimement 
accolés l’un à l’autre, que l’on a peine à reconnaître l’emplacement de la 
vulve! Aussi Legallois, ayant constaté cette disposition chez le cobaye et 
la souris, et ayant été témoin des velléités d’accouplement fréquemment 
manifestées par les mâles de ces espèces, croyait-il que ceux-ci peinaient 
beaucoup et travaillaient « souvent quinze jours et quelquelois plus » 
pour parvenir à déflorer des virginilés renaissantes après chaque parturi- 
tion (2) ! ; 

À l'examen microscopique, celte muqueuse vaginale amincie présente, 
sur toute son étendue, un épithélium cylindrique et muqueux. 

Mais, à l'approche du rut, chez les mêmes espèces, les bords de la 

-vulve s'épaississent considérablement. Le changement d'aspect que subit 
alors cet organe est tellement caractéristique, qu'il me permettait de pré- 
voir, à un jour.près, le moment où une femelle, même jeune et précé- 
demment impubère, allait se trouver apte au rapprochement sexuel et à 

.la fécondalion. 

Cet épaississement de la muqueuse vaginale, ainsi manifestée à son 
extrémité périphérique, coïncide avec le développement, sur toute son 
extension, d’un épithélium pavimenteux, stratifié et corné. 

Aussitôt passé le rut (et, chez les espèces en question, il ne dure que 
quelques heures), l'épithélium vaginal perd ses couches supérieures 
cornées {lorsqu'il y a eu coiït, elles adhèrent au bouchon vaginal et 
forment son enveloppe), et il subit la régression muqueuse. 

D'après les observations de M. le D' H. Morau (3), la transformation 
pavimenteuse commence au voisinage de la vulve et se conlinue de là 
vers la profondeur du vagin ; j'ajoulerai qu’elle peut même se poursuivre 
jusque dans le col des utérus, comme le prouve l’élude du bouchon vagi- 
nal et de l’enveloppe vaginale, productions qui sont, le bouchon vaginal 
dans sa couche superficielle, l'enveloppe vaginale dans toute son épais- 


(1) Dans Journal Anat. ct Physiol. ; aussi à part, broch. in-8° de 4 pl. avec 
_ figures. 

(2) Legallois. Œuvres, t. I, 1830, p. 237. 

(B)AEoc-rcuL p25" 


SÉANCE DU 19 OCTOBRE 167 


seur, composées de cellules pavimenteuses stratifiées, détachées des parois 
correspondantes du conduit génital. La régression muqueuse, au con- 
traire, d’après les observations de l’auteur précité (1), débute dans 
l'extrémité profonde du vagin, d'où elle se propage vers son orifice 
externe. On pourrait dire, en somme, que, chez ces vertébrés, la surface 
de la muqueuse vaginale est un territoire neutre que se disputent et 
qu'envahissent (2) alternativement les épithéliums, soit cylindrique, soit 
pavimenteux stratifié, des deux régions qui se continuent directement 
avec l’une ou l’autre de ses extrémités. 

Remarquons incidemment que, déjà, la simple constatation du bouchon 
vaginal et de l'enveloppe vaginale chez des espèces qui n'appartiennent 
pas à la famille des Muridés (le lérot, par exemple), ni même à la tribu 
des Myomorphes (comme les gerboises, le cobaye), nous autorisait à 
penser que le rythme vaginal, dont je viens d'indiquer le processus, 
n’était pas particulier aux espèces chez lesquelles je l’avais directement 
constaté, mais devait être regardé comme un phénomène plus ou moins 
général chez les Rongeurs, au moins dans le sous-ordre des Normaux ou 
Simplicidentés ; et que les observations de M. Retterer, sur la lapine (3), 
viennent aujourd'hui corroborer et étendre encore cetle généralisation, 
en nous montrant, comme je l’expliquerai plus bas, que le même phéno- 
mène se retrouve jusque dans le sous-ordre des Anormaux ou Dupliei- 
dentés. 

Mais laissons là des questions pour le moment accessoires. Le fait bien 
établi et important à retenir ici, c’est que, chez les Rongeurs, suffisamment 
éludiés à ce point de vue, l’épithélium du vagin, dans les intervalles de 
repos génital, c'est-à-dire le plus fréquemment, se montre cylindrique et 
muqueux, tandis que, aux époques de rut, on le trouve pavimenteux et 
stratifié (corné même, dans les cas observés par M. Morau et par moi). 

D'ailleurs, la transformation pavimenteuse et stratifiée de cet épithé- 
lium se produit, à l'approche du rut et avant toute intervention du mâle, 
chez la femelle vierge comme chez la multipare, chez la femelle gravide 
comme chez celle qui n’est pas en état de gestalion. C’est même chez la 
femelle gravide qu'il est le plus facile d'observer cette transformation ; 
car, en sacrifiant l'animal quand son état indique une parturition pro- 
chaine, on est sûr de trouver ladite transformation plus ou moins 
avancée, puisqu'elle doit être accomplie au moment de la mise bas, que 
suivra immédiatement le rut. 

C'est donc au rut, c’est-à-dire à l'ovulation (la maturation et la chute 


(JÉLOC- cit, pat. 

(2) Envahissent, non pas directement, cela va sans dire, mais en imposant, 
de proche en proche et plus ou moins exactement, leur propre évolution aux 
cellules jeunes des couches profondes de l’épithélium adjacent, 

(3) Retterer. Loc. cit. 


168 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


des ovules, chez ces animaux, coïncidant exactement avec le rut {1), et 
nullement à la gestation, qu'est liée l'évolution de l’épithélium vaginal. 

On conçoit, d’ailleurs, que le vagin soit protégé par l’épithélium le plus 
épais et le plus résistant, non pas durant les périodes d'inactivité fonc- 
tionnelle, mais lorsque, par le fait de la parturilion et surtout du coït, il 
est exposé à des chocs et frottements plus ou moins énergiques, brusques 
et répétés; en outre, à chaque coïl, comme je l’ai rappelé plus haut, 
l'épithélium vaginal doit être en état de pouvoir se cliver parallèlement 
à sa surface, de façon à former une enveloppe au bouchon, sans dépouil- 
ler la muqueuse de son revêtement. Mais je n'’insiste pas sur cet aspect de 
la question, les arguments que peut fournir la considération de l’harmo- 
nie nécessaire entre l'organe et la fonction, quoique moins dépourvus de 
valeur qu'on ne le prétend quelquefois, étant toujours d’un maniement 
difficile et dangereux ; et les détails qui précèdent me rendant ici, ce me 
semble, leur secours tout à fait inutile. 

Pour terminer, il ne me parait pas oiseux de montrer que les observa- 
tions de M. Retterer sur le Cobaye et La Lapine, bien loin de justifier les 
conclusions qu'il en tire, cadrent, au contraire, fort bien avec les faits 
que je viens d'exposer. 

Et, d'abord, cet auteur reconnaît que, avant d’être adulte et dans les 
circonstances ordinaires depuis la puberté, le Cobaye a l’épithélium vagi- 
nal cylindrique et muqueux. 

Ayant sacrifié, à des époques échelonnées depuis la parturilion, des 
femelles de Cobaye qu’il avait isolées en temps opportun pour qu’elles ne 
pussent être de nouveau fécondées, il a constaté que, chez elles, l'épithé- 
lium des parties profondes du vagin (le premier à prendre et le dernier à 
perdre la forme muqueuse, comme nous l’avons vu) restait muqueux 
jusqu'au quinzième jour; qu'il commençait alors à passer à la forme 
stratifiée et cornée, et quil continuait son développement dans le même 
sens jusqu au vingtième jour, époque à laquelle les couches supérieures, 
cornées, tendaient à se détacher d’elles-mêmes. 

L'auteur attribue à l'absence de gestation cette évolution épithéliale 
vers la forme stratifiée et cornée. 

Mais, en premier lieu, s’il veut bien sacrifier des femelles en gestation 
vers l’époque de la mise bas, il retrouvera chez elles, comme je l’ai déjà 
dit, le même processus. 


(1) Cette coïncidence, qui, comme je l'avais fait remarquer (Recherches de 
zooéthique, p. 139), pouvait être indiquée a priori, a été directement constatée 
par M. le professeur Ch, van Bambeke : « Au point de vue de l'époque pré- 
cise de l'ovulation par rapport au rut, m'a écrit M. van Bambeke à la date du 
28 janvier 1891, nous ayons reucontré des follicules ovariques arrivés à matu- 
rité, sans chute des ovules, au début de la période du rut. Chez d'autres 
femelles, après coït, les ovules étaient engagés dans les oviductes. » 


SÉANCE DU 13 OCTOBRE 7169 


En second lieu, il n’a qu'à poursuivre ses observalions dans les condi- 
tions mêmes où il s’était placé, c’est-à-dire à sacrifier, durant les quinze 
jours qui suivront le vingtième après la parturition, des femelles de 
Cobaye soustraites à l’action du mâle, pour voir leur épithélium vaginal 
repasser à la forme muqueuse, et recommencer ainsi le même cycle que 
précédemment. : 

D'ailleurs, telles qu’elles se présentent, ces observations de M. Retterer 
nous donnent une indication précieuse, quoique incomplète, sur la durée 
de la période génitale du Cobaye. Chez les Rongeurs de la famille des 
Muridés et même de la famille des Myomorphes, j'ai constaté que cette 
durée est d’une décade environ. Chez le Cobaye, de la tribu des Hystri- 
comorphes, elle est, d’après les observations précitées, soit de deux, soit 
d'une seule décade : de deux, si ces observations ont été assez nom- 
breuses pour n'avoir pu laisser échapper une époque de rut intermé- 
diaire ; d’une seule, comme chez les Myomorphes, dans le cas contraire. 

Passons au cas de la Lapine. 

A l’état de repos génital, celle-ci, comme la femelle du Cobaye, a l’épi- 
thélium vaginal cylindrique et muqueux. 

Quinze jours après la parturition, chez une femelle non gravide, il est 
encore cylindrique et muqueux. 

Un mois après le même phénomène, il se montre pavimenteux et stra- 
tifié. 

Cette fois encore, il est regrettable que l’auteur ait arrêté ses observa- 
tions sitôt, Juste au moment où il allait voir l’épithélium vaginal revenir 
à la forme muqueuse. 

Quant à la durée de la période du rythme génital du Lapin et des 
Rongeurs duplicidentés, ces observations, évidemment trop peu nom- 
breuses, ne nous apportent que des indications incertaines : elles ten- 
draient à établir que cette durée est d'environ trois décades ou un mois, 
chez la femme. 

En somme, je pense, comme M. le D’ Retterer, qu'il y a lieu de cher- 
cher à faire rentrer dans une même loi l’évolution épithéliale du vagin 
des Rongeurs et des autres Mammifères; mais je crois avoir pleinement 
démontré que la formule de celte loi n’est pas celle qu'a proposée cet 
auteur. 

Dans une note ultérieure, je tâcherai de délimiter nettement le pro- 
blème, et de le résoudre, autant que me le permettront les données dont 
je puis disposer. 


710 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


DE L'HÉMIANOPSIE CHROMATIQUE DANS UNE AMBLYOPIE NERVEUSE, 


par M. le D' GALEZOWSKI. 


Le fait dont je vais aujourd’hui vous entretenir, me paraît mériter l’at- 
tention de tous les physiologistes. Il s’agit, en effet, d'un phénomène 
visuel tout nouveau, d’un trouble particulier de la vue, que j'ai observé 
chez un névropathe et qui consiste en une perte de la perceplion colorée 
exclusivement dans la moitié interne, nasale du champ visuel de l’œil 
gauche. C’est, en un mot, une hémiopie chromatique, avec une amblyopie, 
qui s’est déclarée subitement dans un seul œil et persiste depuis plus de 
vingt jours sans aucune lésion dans les membranes internes de cet 
organe. 

Voici, en détail, cette observation que nous avons recueillie avec mon 
éminent confrère, le D' Billaut, médecin militaire, en présence d’autres 
confrères, ainsi que du D' Wuillaumenet, mon chef de clinique. 


Observation. — M. V... (Auguste), âgé de trente-sept ans, vint à ma clinique 
le 12 octobre dernier pour consulter sur un trouble de la vue qui s'est déclaré 
chez lui le 22 septembre d'une manière subite. Bonne santé antérieure, mais 
très nerveux et très impressionnable, sans toutefois avoir jamais eu de crises 
véritables ; il ne boit pas, et fume très peu. A l'extérieur, les veux sont sains, 
mais nous remarquons une très grande mobilité dans les pupilles surtout de 
l'œil gauche, tantôt (rès large, tantôt rétrécie fortement, selon qu'il fixe les 
objets. 11 se plaint d'un trouble de la vue de l'œil gauche; et, en effet, tandis que 
l’äcuité visuelle de l'œil droit est de 1/1, pour l'œil gauche elle est à distance 
de 1/2. Les yeux sont légèrement hypermétropes, et à l’aide d’un verre cor- 
recteur de — 0,50 D., on corrige la vision de cet œil, sans cependant ôter une 
sorte de léger nuage à travers lequel il voit les objets. 

A l’ophtalmoscope, on ne trouve point de lésion ni dans la papille optique, 
la macula ni dans le reste du fond de l'œil. Le malade peut lire avec le 
verre convexe n° — 1 D., les caractères n° 1 de l'échelle typographique, mais 
par moment, en lisant, sa vue se trouble très fortement. 

Mais ce qui nous frappe plus particulièrement, c’est une perte complète de 
la faculté chromatique dans le champ visuel interne de l’œil gauche, pendant 
que la macula de ce même œil les distingue très bien. Pour faire cet examen, 
nous nous sommes servi de ma lampe chromatique, que j'ai fait construire, il 
y a un an, par l’opticien Peuchot. Lorsque le malade fixe en face, il voit de cet 
œil, comme de l’autre, toutes les couleurs ; mais dès qu’on porte la lampe au 
delà de 30 degrés du côté nasal du champ visuel, il ne reconnaît plus ces cou- 
leurs. La même chose s’observe pour les papiers de couleurs lorsqu'on les lui 
fait voir au delà de 25 ou 30 degrés en dedans du point de fixation ; ils 
apparaissent là d’une teinte noire et grise, tandis que, en les rapprochant du 
point de fixation, l’œil les distingue très bien. 

Le fait est unique dans son genre; j'ai déjà signalé des scotomes chroma- 
tiques dans les atrophies alaxiques commencantes avant qu'on ne découvre 


SÉANCE DU 15 OCTOBRE 771 


aucune lésion ophtalmoscopique, mais c’est pour la première fois que j'ai pu 
constater une hémianopsie chromatique d'un œil chez un névropathe, ou hysté- 
rique. Je me demande si c’est une altération de sensibilité centrale ou péri- 
phérique qui en est la cause? Pour moi, l'affection est centrale, c’est du 
centre optique que provient ce trouble, c'est le centre visuel et non la réline 
qui est malade. Nous savons, d’après les recherches d’Aubert et Foerster, 
que les parties internes de la rétine percoivent, même dans l'état physiolo- 
gique, mieux les couleurs que les autres parties périphériques de celte mem- 
brane. Chez notre malade, le contraire a lieu, et tandis que l'œil droit dis- 
tingue les couleurs jusqu’à l’extrème périphérie, l'œil gauche, au contraire, 
cesse de les voir au delà de l'angle de 30 degrés. Il n’y a pas chez notre 
malade aucune lésion dans l'œil, et le trouble visuel dépend d'une sorte 
d'anesthésie des centres nerveux visuels, anesthésie à laquelle on doit rap- 
porter aussi l'hémianopsie chromatique. La cause centrale est ici d'autant 
plus admissible que l’on trouve chez le malade d’autres phénomènes nerveux 
généraux, tels que l'anesthésie cutanée dans toute la moitié gauche du corps, 
des némicranies périodiques et une excitation nerveuse générale {très pro- 
noncée. 


Le fait physiologique le plus frappant dans cette observation est que 
dans une affection nerveuse centrale, la perte des couleurs peut quelque- 
fois n’exister que dans une seule moitié de l'œil. Il faudrait donc admettre 
l'existence des centres nerveux colorés multiples, dont les uns communi- 
quent avec la macula, et les autres avec la moilié externe ou interne 
de la rétine. 


À PROPOS DE LA COMMUNICATION DE M. HAFFKINE, 
SUR LE CHOLÉRA ASIATIQUE. 


(Note de M. J. FERRAN (de Barcelone), adressée au Président 
au début des vacances de la Société.) 


Du rapport fait à la Société de Biologie, dans sa séance du 9 juillet 
dernier, par mon distingué confrère, M. le D' Haffkine, sur les résullats de 
ses recherches, au sujet de la prophylaxie du choléra, il se détache une 
conclusion d'un intérêt pratique considérable, à savoir que les cultures 
du bacille-virgule exercent sur les animaux une aclion qu'on peut dire 
immunisante, c'est-à-dire leur procurant posilivement l'immunité. 

Comme cette conclusion n'offre pas la moindre nouveauté, attendu 
qu'elle est bien explicitement consignée daus ma note présentée à l’Aca- 
démie des sciences le 31 mai 1885 et dans nombre d’autres publications 
postérieures, je prie M. le D' Haffkine de vouloir bien porter son attention 
sur ces travaux, afin qu'un oubli involontaire ne soit pas cause que mes 
droits à la priorité de la découverte des vaccins du choléra asiatique 
soient par lui méconnus. 

Au présent, j'ai l'honneur d'envoyer à M. le Secrétaire de la Société de 


712 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Biologie plusieurs exemplaires de ma revendication contre les travaux 
analogues aux miens du D'Gamaléia (Académie des sciences, 20 août 1888), 
dans laquelle les membres de votre savante corporation trouveront les 
pièces qui justifient ma demande. 

Par la même occasion, je félicite cordialement mon distingué confrère, 
M. le D' Hafikine, d’avoir démontré la vérité des conclusions consignées 
dans ma note de 1885, et je me permets de l’encourager à poursuivre avec 
ardeur ses lravaux en les appliquant à l’homme, sans crainte d'aucune 
sorte, car depuis que des milliers de personnes ont été vaccinées en 1885, 
l’innocuité des cultures de bacille-virgule est hors de discussion. 

En outre, depuis lors je n’ai pas interrompu la pratique des injections 
hypodermiques de ce microbe dans le laboratoire de Bactériologie créé 
par la municipalité de Barcelone et que j'ai l'honneur de diriger. Parfois, 
j'ai appliqué ces injections dans un but prophylactique; d’autres fois, 
dans un but thérapeutique, car la campagne anticholérique de 1885 nous 
a montré que de nombreux dyspeptiques ont été radicalement guéris 
après s'être soumis à la vaccination contre le choléra. 

Le virgule isolé des déjections par la méthode de Koch s'atténue rapi- 
dement et spontanément quand on le cultive dans du bouillon, à tel point 
que la troisième culture de la série peut être bue impunément en petite 
quantité, et inoculée sans danger à la dose de 2 centimètres cubes dans 
le tissu cellulaire sous-cutané. Nombre de mes vaccinés et moi suivons, 
pour soutenir et renforcer cette immunité, un procédé très simple et com- 
mode qui consiste à boire de temps à autre un certain nombre de gouttes 
de culture de bacille-virgule. Une longue expérience m'a démontré que 
ce procédé est aussi inoffensif pour ceux qui s’y soumettent que pour les 
personnes avec lesquelles ils habitent. 

En considération de ces résultats, je n'hésite pas à dire que la méthode 
la plus pralique pour conférer rapidement l’immunité à toute une popu- 
lation consisterait à infecter les eaux potables avec de grandes quantités 
de culture atténuée de bacille-virgule. De cette pratique il résulterait 
soudainement sur la Lotalité des habitants une ou deux déjections diar- 
rhéiques, suivies d’une légère réaction et de lassitude fugace, symptômes 
que nous obtenons en buvant nos cullures. Pour que cette méthode soit 
inoffensive, pas n'est besoin que l’on soit vacciné auparavant par la voie 
hypodermique. 

Les subtilités ayant trait à la grandeur et à la forme du bacille-virgule 
de l'épidémie actuelle comparé avec celui des épidémies antérieures n’ont 
pas de valeur pour nier l'identité que la clinique établit entre le choléra 
actuel et celui de précédentes épidémies. Ceux d’entre nous qui connais- 
sent le bacille-virgule de longue date et entretiennent avec lui de cons- 
tantes et intimes relations, savent très bien que, d’une même culture, peu- 
vent naître des générations dans lesquelles les bacilles se montrent avec 
des grandeurs différentes: il suffit, par exemple, de semer une culture de 


1 è à 
C0 
Fe PR 


SÉANCE DU 15 OCTOBRE 113 


virgules très petites et minces dans un bouillon contenant de la lactose 
pour voir combien s’accroissent leur taille et leur pouvoir reproducteur. 

Je dis donc que des observations aussi byzantines ont une importance 
très secondaire devant le danger colossal d’une épidémie de ce genre. 

Sachant tous que la disparition spontanée du choléra est due à ce que 
la masse de la population contaminable se trouve vaccinée, il ne nous 
resterait qu’à imiter ce procédé naturel, mais d'une façon méthodique, en 
recourant à la voie sous-cutanée ou directement à Ja voie gastrique. Ce 
blindage individuel devient, comme l’expérience l’a déjà démontré contre 
la variole et aussi contre le choléra, infiniment plus commode, plus pra- 
tique, plus efficace et plus économique que la prophylaxie obtenue au 
moyen de la désinfection; bien plus, la vaccination, en même temps 
qu’elle permettrait de supprimer toutes les entraves qu’oppose au com- 
merce le régime actuel dirigé contre l'importation du choléra, nous met- 
trait à l'abri de ce fléau par le simple établissement de quelques instituts 
de vaccinations sur les points de passage obligé pour les provenances des 
Indes. 


REMARQUES SUR LA NOTE DE M. FERRAN, 


par M. A. CHAUVEAU. 


En portant à la connaissance de la Société la Note adressée à son Pré- 
sident par M. le D' Ferran, je crois de mon devoir de dire que c’est à 
lui, en effet, que revient le mérite de la priorité dans la question de la 
vaccination anticholérique. Il en a conçu le premier l’idée, et, le premier 
il a exécuté des injections sous-cutanées de cultures du bacille-virgule, 
dans le but de conférer l’immunité contre le choléra. Ces inoculations 
ont été exécutées avec succès sur lui-même, sur les membres de sa 
famille et ensuite sur des milliers d’autres personnes qui comptaient, en 
se prêtant à ces inoculations, se mettre à l'abri de la maladie. 

Mais je ne saurais appuyer en tout les propositions contenues dans 
la communication de M. Ferran. Je dois particulièrement faire toutes 
réserves au sujet du moyen préconisé par M. Ferran pour la vaccination 
en masse des populations. L'application de ce moyen prophylactique 
serait, en effet, contraire à toutes les règles les mieux établies de la police 
sanitaire. À supposer — ce qui est parfaitement possible, je le reconnais 
— que les consommateurs d’eau systématiquement contaminée, retiras- 
sent, de l’ingurgitation du bacille-virgule atténué, le bénéfice de l’immuni- 
sation contre des bacilles plus malins, à supposer de plus que cette 
immunisation forcée fût à la fois légale et universellement acceptée, 
n'aurait-on pas à craindre que, dans leur destinée ultérieure, ces bacilles 


7j4 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


vaccinants, semés à plaisir dans les eaux destinées à l’alimentation, ne 
rencontrassent des conditions favorables à l’exaltation de leurs propriétés 
malignes d'une part, de la résistance de ces microbes aux eauses de 
destruction d'autre part? D'où la possibilité de la création, à plus ou 
moins longue échéance, de nouveaux foyers d’infection. Il ne serait pas 
difficile de trouver, dans l’histoire des endémies et des épidémies actuelles 
de choléra, des arguments propres à légitimer cette préoccupation. 


M. LAvERAN. — Il convient, je crois que la Société se prononce net- 
tement devant le public contre la méthode préconisée par M. Ferran. 
Aussi j'appuie les observations présentées par M. le Président. J'ajoute 
que la pratique recommandée par M. Ferran courrait le risque d'être 
très mal interprétée par les multiludes. N'ont-elles pas déjà trop de ten- 
dance à accuser les médecins d’empoisonner les sources et les fontaines? 


NOTE SUR L'INFLUENCE DE LA LUMIÈRE 
SUR L'ORIENTATION DE L'EMBRYON DANS L'OŒUF DE POULE, 


par M. Louis BLAnc. 


Les observations faites jusqu’à cc jour ont montré que l’orientalion de 
l'embryon dans l’œuf de la poule est constante; il suffit de rappeler à ce 
sujet un passage de l'introduction à l'Atlas d’Embryologie du professeur 
M. Duval : « Ainsi qu’il résulte des observations de Balfour, de Kôülliker, 
et de celles que nous avons faites en très grand nombre, l'embryon, alors 
que son extrémité céphalique est bien reconnaissable, se trouve couché 
sur le jaune perpendiculairement au grand axe de l'œuf, et de telle 
manière que le gros bout de l'œuf est à sa gauche, et le petit bout à sa 
droite; l’orientation est la même lorsque l’embryon n'est encore repré- 
senté que par la ligne primitive. Il est donc certain que cette orientation 
est chose tout à fait originelle, et que, par exemple, dans un œuf non 
incubé, la cicatricule, homogène en apparence, tourne, lorsqu'on tient 
l'œuf devant soi avec la grosse extrémité à gauche et la petite à droite, 
tourne vers l'observateur la future région postérieure et à l'opposé la 
future région antérieure. » 

À Ja suite d'expériences faites au cours de ces quatre derniers mois, 
üous pouvons affirmer que cette orientation de l’axe embryonnaire dans 
l'œuf de poule n’est point nécessaire, et qu’elle peut être modifiée expé- 
rimentalement sans que l'évolution générale de l'embryon en soit 
troublée. 

C'est avec la lumière blanche que ce résultat a été obtenu. Grâce à un 


SÉANCE DU 15 OCTOBRE 7115 


dispositif particulier, nous avons pu soumettre l'œuf, avant ou pendant 
l’incubation, à l’action d'une lumière assez vive, et cependant presque 
froide, qui agissait, soit sur toute l'étendue de la zone embryonnaire, soit 
en un point déterminé de celle-ci. 

Les expériences ont été conduites de deux facons différentes. 


1° L'œuf, intact, est placé horizontalement, à l’air libre et à une tem- 
pérature d'environ 30 degrés. La source lumineuse est appliquée à la 
surface de la coquille, dans le point que l’on suppose correspondre à la 
cicatricule. Des essais préalables ont montré que dans ces conditions 
la température interne de l'œuf, dans la zone éclairée, s'élève après une 
demi-heure à 35 degrés environ, c’est-à-dire atteint un degré suffisant 
pour permettre un commencement d’incubation. 

L'œuf est maintenu dans ces conditions pendant une heure au moins, 
puis mis à l’étuve normale (38 à 39 degrés) pendant deux ou trois jours, 
après quoi on l'ouvre avec précaution et on examine la position de l’axe 
embryonnaire par rapport au grand axe de l'œuf. 

.2° L'œuf intact, placé horizontalement, est noirci à l'encre de Chine 
dans sa moitié supérieure, à l'exceplion d’un petit espace de 2 millimè- 
tres de côté, qui est réservé à droite ou à gauche de la région de la cica- 
tricule. L'œuf, placé ensuite dans l’étuve normale, est soumis à l’action 
de la source lumineuse, qui est appliquée sur ia petite fenêtre ménagée 
sur la coquille. Dans ces conditions la température intérieure de l'œuf est 
la même que celle de l'étuve. Après deux ou trois jours l'œuf est ouvert 

et examiné. 

Ces expériences, répétées un grand nombre de fois en faisant varier les 
conditions secondaires, ont donné les résultats suivants : 

1° Les œufs éclairés par-dessus et incubés ensuite, renferment presque 
toujours un embryon dévié d’un côté ou de l’autre. La déviation, variant 
de 45 degrés à 180 degrés, en moyenne 90 degrés, s’est montrée à gauche 
dans les deux tiers des cas, et dans moins d’un septième des expériences, 
l'embryon avait une direction normale: 

Ces différences liennent à ce que, l'œuf étant intact, la source lumineuse 
est appliquée un peu au hasard, et qu'il est sans doute plus facile de la 
placer à gauche de la cicatricule qu’en dessus ou à droite. 

En outre, ces expériences ont montré que l’amplitude de la déviation 
était indépendante de la durée de l'éclairage. Après une heure, nous 
avons trouvé l'embryon dévié de 135 degrés, tandis que d’autres fois, 
après soixante-dix heures d'éclairage, il n’y avait qu’une déviation de 
45 degrés. Le changement d’orientation s’effectue d'emblée, el son ampli- 
tude dépend de causes encore inconnues, mais parmi lesquelles il faut 
compter la nature et l'inlensité de la source lumineuse, ainsi que l’indi- 
vidualité de l'œuf. 

2° Les œufs noircis et éclairés à droite ou à gauche pendant toute la 


776 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


durée de l’incubation (deux à trois jours), ont présenté des phénomènes 
semblables. 

Les embryons ont montré une déviation de 30 degrés à 180 degrés 
(moyenne 90 degrés), correspondant au côté éclairé. Dans un cinquième 
des cas cependant la déviation a eu lieu en sens contraire (30 degrés à 
90 degrés; moyenne 50 degrés), et dans un dixième l'orientation était 
normale. 

Cette série d'observations corrobore et complète la précédente, en éli- 
minant l’action possible de la chaleur, et en montrant la relation qui 
existe ordinairement entre l’orientation de l'embryon et le sens de l’éclai- 
rage. [ci encore certains œufs sont insensibles à l’action de la lumière, et 
d’autres réagissent contrairement à ce qui a lieu d'ordinaire; il nous est 
impossible d'expliquer ces exceptions, qui du reste ne peuvent infirmer le 
fait général. 

De cet exposé sommaire des expériences il résulte que : 


1° L'orientation de l'embryon dans l'œuf de poule, quoique déjà fixée 
virtuellement au moment de la ponte, peut être modifiée; 

2 La lumière blanche, appliquée dans certaines conditions, détermine 
presque sûrement un changement dans la direction de l'axe embryonnaire. 

3° Ce changement consiste en la formation de la ligne primitive suivant 
une direction anormale. 

4 L'orientation nouvelle de l'embryon est telle que, dans la grande 
majorité des cas, l’exlrémilé céphalique est dirigée du côté de la source 
lumineuse. 

5° L’amplitude de la déviation est indépendante de la durée de l’éclarage; 
elle est déterminée au bout d’une heure. 


Il faut ajouter que la lumière agit en outre comme agent tératogénique 
et, dans une autre note, nous indiquerons les effets constatés. Mais la 
déviation de l’axe embryonnaire se montre très souvent indépendamment 
de tout phénomène tératologique. 


(Laboratoire d'Anatomie de l’École vétérinaire de Lyon.) 


SÉANCE DU 15 OCTOBRE 771 


SUR LA FORMULE URINAIRE DANS L'HYSTÉRIE. 


Note de M. F. PEYROT, communiquée par M. Cu. FÉRÉ. 


À propos d’une erreur d'impression relative à l'acide phosphorique 
qui s'était glissée dans la citation d’une analyse de M. Peyrot, M. Bosc (1) 
met en doute l'ensemble de l'analyse. M. Peyrot répond par un nouveau 
document et en même temps une critique des conclusions de M. Peyrot. 

« Dans une communication à la séance du 23 juillet de la Société de 
Biologie, M. Bosc a donné la formule urinaire suivante de l'attaque 
d'hystérie : 

« L’altaque d'hystérie bouleverse d’une manière brusque, profonde, 
« passagère, chacun des termes de la formule (diminution du volume, de 
« la coloration, de la densité, de l’urée, de l'acide phosphorique total, 
« avec inversion des phosphates, de l'azote total. Elle entraîne donc une 
« diminution très marquée des oxydations; mais en même temps ces 
« oxydations diminuées sont incomplètes. (Diminution du coefficient 
« d'oxydation, augmentation du taux de l'acide urique.) L'attaque 
« entraîne enfin une hypotoxicité très marquée des urines qui suivent le 
« paroxysme. » 

Le résultat des nombreuses anaiyses faites à Bicêtre dans le service de 
M. Féré ne nous a nullement conduits à formuler des assertions sem- 
blables. Examinons chacun des termes de la formule urinaire de 
M. Bosc. 


L. Diminution de volume. — Nous l'avons trouvée très rarement dans le 
cas d’atlaque hystérique; fréquemment, au contraire, dans le cas 
d'attaque d’épilepsie. MM. Voisin, Grignou et Oliviero, dans une série 
d'analyses nombreuses failes à la Salpêtrière, dans lesquelles ils sont 
arrivés à donner presque en tous points des conclusions semblables aux 
nôtres, ont trouvé presque toujours, Comme nous, une augmentation de 
volume. Mais pourquoi chercher des exemples ailleurs? M. Bosc affirme 
dans sa formule urinaire qu'ii y a augmentation de volume. Or, dans la 
même communication, il se donne à lui-même un démenti. Sur huit 
analyses dont il fournit les résultats, nous en voyons trois (tableaux IV, 
V et VIT) dans lesquels il. y a augmentalion de volume pendant l’attaque. 
Deux (tableaux VI et VIT), où l'urine des attaques est en volume égale à 
l'urine normale. Sur huit analyses : trois résultats pour, trois résultats 
contre, deux indifférents. Y a-t-il lieu de conclure là affirmativement? 


IT: Coloration. Densité. — Nous n'avons jamais remarqué dans le cours 
de nos analyses que les urines des hystériques fussent ou plus denses, 
ou moins colorées que les urines normales. Toutefois, peut-être y a-t-il 


7118 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


une coloration un peu moins marquée ; mais ce nous semble là un carac- 
tère ne méritant qu’une faible attention. 


IT. Urée (Diminution de l). — Nous avons souvent, dans nos analyses, 
signalé comme MM. Gilles de la Tourette et Cathelineau, comme 
MM. Voisin et Oliviero, cette diminution. Mais nous ne l’avons pas trouvée 
d’une façon constante; loin de là. Dans l’épilepsie, nous avons eu souvent 
l’occasion de rencontrer cette diminulion dans l’urée. Ainsi, dans une 
communication faite le 26 mars 1892, par MM. Féré et Herbert, nous 
voyons J’urée diminuée d’une façon très sensible (Analyse de l'urine 
de E... Urée : 4 gr. 06, 12 gr. 83, 4 gr. 91, 7 gr. 90, 7 gr. 90, 6 gr. 24, 
6 gr. 27). 


IV. Acide phosphorique diminué total, avec inversion des phosphates. — 
Là encore, nous sommes en complèle opposition avec les analyses de 
de M. Bosc. Nous avons rencontré comme lui de grandes diminutions 
d'acide phosphorique, mais la même diminution, nous l'avons parfois 
aussi rencontrée dans l'urine épileptique. Là encore, nous ne croyons 
être qu'en présence d’exceptions, assez nombreuses peut-être, mais 
d'exceptions. 


Comme conclusion, nous dirons avec MM. Voisin et Oliviero, puisque 
nos résultats ont en grande partie, nous le répétons, concordé avec les 
leurs : 

« L’urée semble diminuée ainsi que la quantité d'acide phosphorique 
« total. Je n'ose cependant pas formuler ces conclusions comme étant 
« l'expression d'une loi générale, car les analyses que j'ai faites ont 
« donné des résultats contradictoires. » 

M. Féré a, du reste, répondu par une note parue dans le numéro du 
29 avril de la revue de la Sociélé de Biologie aux objections de MM. Gilles 
de la Tourette sur l'inversion des phosphates. Gette note n’a pas encore 
recu de réponse et nous y renvoyons M. Bosc. 

Nous pensons que l'alimentalion exerce sur la plus ou moins grande 
quantité des phosphates, de l’urée, une influence constante et directe, 
quel que soit, d’ailleurs, le moment où l’on fasse l'analyse de l'urine. 


Analyse de l'urine de P..., hyslérique, le jour de l'attaque et le jour suivant. 


PO; Ph. Ph. 
Dates. Volume. Densité.  Urée. total. alcalins. terreux. Chlorures. 


14 août 2.860 1.015 21 1.717 0.901 0.816 11.25 
15 acût DADOD 4.013 24 OS ANS 0.805 10.5 


Coloralion : assez forle. 


SÉANCE DU 45 OCTOBRE 7119 


Remarques. 


Les résultats de cette analyse sont en contradiction presque absolue 
avec ceux fournis par M. Bosc. 

- 4° Volume. — Le volume de l’urine d’un adulte étant de 1,300 à 4,400 
centimètres cubes, on voit que l'urine dont nous fournissons l'analyse est 
loin d’être diminuée de volume, bien au contraire. 

2 Coloration. — Elle était celle d'urines normales, plutôt même un 
peu foncée. 

3° Densité. — Là nous sommes d'accord avec M. Bosc, la densité de 
l'urine normale étant de 1018. 

4° Diminultion de l’urée. — Les auteurs admettent que la quantité 
d'urée émise varie entre 25 grammes et 30 grammes. Nous n’avons donc 
pas trouvé cette diminution bien marquée. 

Diminution de l'acide phosphorique. Inversion des phosphates. — La 
quantité de phosphates contenue dans l'urine est de 3 grammes environ. 
Nous avons done une diminution assez sensible (1.717 et 1.933). Mais 
nous ne retrouvons pas plus ici que dans de nombreuses expériences 
l’inversion des phosphates. D'ailleurs M. Bosc qui met cette inversion au 
nombre des termes de sa formule synthétique d’une urine hystérique ne 
l'a rencontrée qu'une seule fois dans les huit analyses d’urines hystériques 
qu'il a communiquées (tableau I}. 


NOTE 
SUR L'IVRESSE DU MOUVEMENT CHEZ LES PARALYTIQUES GÉNÉRAUX, 


par M. Cu. Féré. 


À l’état physiologique, l’activité psychique trouve un excitant dans la 
mise en jeu de l’activité physique: je ne rappellerai pas des faits bien 
connus (1). Chez les individus particulièrement excitables, chez un bon 
nombre de névropathes, les effets généraux et en particulier les effets 
psychiques de l’activité musculaire s’accentuent au point de provoquer 
une activité véritablement pathologique, des phénomènes d'ivresse en 
tout comparables à ceux de l’ivresse bachique ou de l'ivresse émotionnelle, 
et qui méritent bien le nom d'ivresse mécanique (Bain), ou d'ivresse du 
mouvement. Ces faits ont une réelle importance en psychologie morbide : 


(4) Ch. Féré. Sensation et mouvement, 1887. — La pathologiz des émotions, 
1892, p. 101. 


30. 


780 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


il n’est pas douteux pour moi qu’un bon nombre de bouffées délirantes 
des dégénérés, d’accès de folie instantanée, de décharges psychiques 
des épileptiques ou des hystériques, reconnaissent pour cause l’ excitation 
provoquée par un violent exercice musculaire. 

Les effets cérébraux de l'exercice musculaire méritent une considération 
particulière chez les paralytiques généraux parce qu'ils peuvent se pré- 
senter sous plusieurs formes : attaques congestives, attaques épileptiques, 
ivresse du mouvement. Ges accidents divers mériteraient d'être rapprochés 
au point de vue de l'explication physiologique dont ils sont susceptibles; 
mais l'ivresse me paraît présenter un intérêl spécial parce qu’elle peut 
se présenter longtemps avant les autres symptômes, et que jusqu'à présent 
elle n’a pas frappé suffisamment l’attention. É 

Le premier malade qui s’est offert à mon observation a présenté ces 
phénomènes d'ivresse mécanique environ un an avant que d’ autres 
symptômes vinssent inquiéter son entourage. | 

M. P... avait quarante-deux ans, lorsqu'au mois de septembre 1889, il 
manifesla coup sur coup pendant des parties de chasse des phénomènes 
d’exaltation inconnus chez lui jusqu'alors. Il partait Le matin parfaitement 
calme ; mais après quelques heures de marche, sans l'intervention d’au- 
eune libation, il devenait loquace, manifestant des idées excessives sur des 
sujets qui le laissaient ordinairement indifférent; la moindre contradic- 
lion provoquait des accès de colère violents : il en arrivait aux menaces. 
Dans un de ces accès, il en était venu à ajuster un autre chasseur qui 
s'était borné à un signe muet de dénégation. Ces accidents s'étaient 
répétés à chaque partie de chasse ; cependant M. P... chassait par cama- 
raderie plutôt que par passion, il ne se livrait à aucun excès, et d'ailieurs 
l’exaltation se manifestait toujours pendant la chasse, avant le repas, el 
elle se calmait dès qu'il était au repos, et même par le repos à table. 
L’entourage était frappé de ce que M. P.. ne paraissait pas avoir une 
conscience nette de ces troubles : il s’asseyait tranquillement et engageait 
une conversation avec le plus grand calme avec une personne qu'il venait 
de malmener grossièrement; et quand son frère lui faisait des observations 
sur sa conduite, il reconnaissait à peine qu’il avait été peut être un 
peu vif, et ses écarts de langage et ses gestes ne paraïssaient pas lui avoir 
laissé un souvenir précis. Quelquefois il s'endormait après la crise. On 
parvint sans peine à écarter les occasions de chasse et pendant plusieurs 
mois, M. P... reprit ses habitudes tranquilles et sa vie régulière de 
commerçant ordonné et méticuleux. Aucun trouble dans la santé phy- 
sique et psychique ne se manifesta jusqu’au mois d'avril 4890. Le 
dimanche 27, il était allé avec son frère faire une assez longue course à 
pied aux environs de Versailles après un déjeuner plutôt sommaire; on 
n'avait rien pris en route. Au retour, M. P... commença à s’exciter, à 
parler avec volubilité. En passant à côté d’une école congréganiste, il 
se mit à exprimer sur la religion des idées exaltées qui lui étaient tout à 


SÉANCE DU 15 OCTOBRE 781 


fait étrangères. Bien que son frère gardât un silence obstiné, il en arriva 
à l’objurguer violemment, comme s’il l'avait contredit, il arrêtait les pas- 
sants pour leur exposer avec passion ses idées. Quand il fut rentré chez 
les parents où il était descendu, on trouva des prétextes pour le laisser 
seul et bientôt il s’endormit. Au bout d’une heure il se réveilla par- 
faitement calme. Dans aucune autre circonstance M. P... n’a été sujet à 
des accès d’excitation semblable. Ce n’est qu'au mois de juin suivant 
qu'on remarqua des troubles de la mémoire et une difficulté des mou- 
vements d'articulation et de la marche. Puissurvinrent de l'incontinence 
d'urine, des troubles oculo-pupillaires, des douleurs fulgurantes et la 
maladie évolua rapidement vers la démence. Il n'a présenté des idées 
de satisfaction que pendant une très courte période. Il a succombé à des 
complications pulmonaires en décembre 1891. 

Dans un autre cas les phénomènes de l'ivresse du mouvement ne se 
sont manifestés qu'après le début officiel de la paralysie générale, objec- 
tivé par des troubles de l'articulation, de la mémoire, un affaiblissement. 
général de la motilité, du tremblement des membres. A la suite d’une 
attaque congestive, tous ces phénomènes s’élaient atténués et il ne 
restait d'autre signe qu’une immobilité permanente de la pupille droite. 
Le malade, ägé de quaran‘e-quatre ans, aurait pu reprendre la direction 
de sa maison; mais chaque fois qu'il se livre à un exercice physique un 
peu prolongé, et principalement à la marche, il est sujet à des accès 
d'exaltation qui se terminent en général par une crise de sommeil. 

Un autre paralytique général qui était sujet à des ivresses mécaniques 
du même genre, a été récemment, à la suite d’un exercice physique plus 
prolongé, la victime d’une attaque congestive. 


En somme, ces manifestations morbides ne sont que l’exagération des 
effets normaux de l'exercice physique sur l’activité psychique; mais 
lorsque le cerveau est rendu plus excitable, soit par des conditions na- 
tives, soit par des lésions acquises, les effets de la congestion provoquée 
par l'exercice se manifestent d’une manière plus intense et plus explosive. 


NOTE SUR LES APPLICATIONS NOUVELLES DU COURANT ALTERNATIF SINUSOÏDAL 
EN GYNÉCOLOGIE. 


Note du D" G. Aposrour, présentée par M. D'ARSONVAL. 
J'ai l'honneur de présenter à la Société une note du D' Apostoli au 


sujet de l’action thérapeutique de la voltaïsation sinusoïdale, forme par- 
ticulière du courant électrique dont j'ai déjà fait connaître à la Société 


7182 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


=— 


les remarquables effets physiologiques. Les observations cliniques du 
D' Apostoli sont parfaitement d'accord avec les données physiologiques. 
Ces observations sont à rapprocher des faits cliniques signalés antérieu- 
rement par les D'° Gautier et Larat. Voici cette note : 


« Le courant alternatif sinusoïdal que M. d’Arsonval a introduit dans 
l’électrothérapie est utilisable en gynécologie, et voici les résultats géné- 
raux et sommaires de cette nouvelle acquisition : 

En cinq mois, de mars à août 1892, 34 malades de la Clinique du 
D' Apostoli, comprenant 12 fibromes et 22 affections des annexes, ont élé 
traitées par le courant alternatif. Elles ont été soignées avec le concours 
et l'assistance des D" Grand et Lamarque, et au total 320 séances ont été 
faites. 

Toutes ces malades ont été soumises à une application uniforme, un 
pôle dans l’utérus sous la forme d'hystéromètre, et l’autre sur le ventre 
par une large plaque de terre glaise. La durée de chaque séance était 
de cinq minutes; elles ont été renouvelées de deux à trois fois par 
semaine. 

La vitesse seule des alternances a varié suivant les circonstances, ou 
mieux la sensibilité des malades, pour osciller entre une moyenne de # à 
6 mille, et un maximum de 11 à 12 mille par minute. 

L'appareil qu'on a utilisé est le premier modèle construit par Gaiffe qui 
n'est autre qu'une machine magnéto-faradique de Clark, modifiée et 
transformée par d'Arsonval, donnant à grande vitesse une différence 
maxima de potentiel de 64 volt et à vitesse moyenne, une différence de 
32 volt. Cet appareil est actionné par la pédale d’une machine à coudre. 

Toutes les 34 malades ont été scrupuleusement observées, et voici les 
conclusions générales que l’on peut dégager de cette période initiale de 
trailement, conclusions qui toutefois ne paraissent pas encore définilives 
au D: Apostoli, en raison de l'outillage imparfait et de la durée relative- 
ment restreinte de l'expérimentalion : 

4° Le courant alternatif sinusoïdal appliqué dans la cavité intra-utérine, 
et dans les conditions opératoires où le D’ Apostoli s’est placé, est tou- 
jours inoffensif et bien supporté. 

2° Son applicalion n'est suivie d'aucune réaction douloureuse ou 
fébrile, et s'accompagne le plus souvent, au contraire, d'une sédation 
manifeste. 

3° Il ne paraît pas avoir d'action marquée sur le symptôme hémorragie 
et aurait plutôt une tendance à provoquer quelquefois sa continuité. 

4° Il exerce une action très nette sur le symptôme douleur; celte action 
s'affirme dès les premières séances, et le plus souvent immédiatement dès 
la fin de la séance. 

5° IL combat très avantageusement, mais non constamment toutefois, 
la leucorrhée qui, le plus souvent, diminue ou disparait. 


SEANCE DU 1% OZTOSRE 183 
RE EU PCR RSR SUR ere 

6° Il n’a pas d’action appréciable sur l'hydrorrhée liée à certains 
fibromes. 

1° Son influence sur la régression anatomique des fibromes n’est pas 
encore nettement établie. 

8° Il active et favorise la résolution des exsudats péri-ulérins. 

En résumé, ce traitement, tout récent qu’il soit et tout incomplet qu'il 
paraisse encore, à toulefois donné une réponse ässez netle pour qu'il soit 
permis de le considérer comme une heureuse conquête de la thérapeu- 
tique gynécologique. Des recherches complémentaires permettront de 
préciser et de fixer dans un avenir prochain les conditions opératoires les 
meilleures pour combattre des états pathologiques différents (hypertro- 
phiques, infectieux, ou phlegmasiques), et il y aura lieu de faire varier 
dans tel ou tel cas le nombre, la durée, le rapprochement des séances, 
et d'étudier ler différences curatives qui résulleront des varialions qu'on 
pourra imprimer au voltage et à l'intensité du courant, ainsi qu'à la rapi- 
dité des alternances. 

Les résultats acquis prouvent que le courant alternatif sinusoeïdal doit 
prendre sa place en gynécologie à côté, mais non encore au-dessus, du 
courant faradique et galvanique. 

Il est destiné à leur servir, soit d’auxiliaire actif en les complétant, soit 
à les suppléer et à remplir des indications personnelles et nouvelles que 
l'avenir établira avec plus de netteté. 

C'est jusqu'à présent le médicament par excellence de la douleur, et, 
comme tel, s’il ne saurait faire table rase des applications faradiques et 
galvaniques qui ont fait leur preuve, c’est toutefois une arme de plus, et 
la gynécologie conservatrice ne peut qu'accepter tout ce qui tend à élargir 
et à fortifier son domaine. » 


EXAMEN DE SOIXANTE-DIX-HUIT CAS CHOLÉRIQUES, par M. J. Girope. (Voir 
Mémoires du présent volume, p. 295.) 


ACTION DU BACILLE-VIRGULE SUR LE FOIE ET LE PANCRÉAS, par M. J. Gi- 
RODE. (Voir Mémoires du présent volume, p. 299.) 


784 ‘SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


SUR LES RAPPORTS 
DE LA CAPACITÉ RESPIRATOIRE DU SANG AVEC LA TEMPÉRATURE ANIMALE, 


par M. E. Meyer. 


Dans une note présentée à la Société de Biologie (1889) en collabo- 
ration avec M. Wertheimer, et dans un travail publié dans les mêmes 
conditions, dans les Archives de Physiologie (1890), nous avions cons- 
taté que l'abaissement de la température des animaux intoxiqués par 
l’aniline, les toluidines, la pyrodine, était, dans une certaine mesure, pro- 
portionnel à l’altération de l'hémoglobine, à la diminution de la capacité 
respiratoire de leur sang; nous étions arrivés à cette conclusion provi- 
soire que, Lout au moins pour les substances avec lesquelles nous avions 
expérimenté, l’altération de l’hémoglobine, entrainant le ralentissement 
des combustions organiques, semblait être la cause de la chute de la 
température. 

J'ai l'honneur de présenter à la Société de Biologie le résultat d'une 
nouveile série d'expériences qui vient à l'appui des faits qui ont déjà été 
signalés. En effet, si la diminution de la chaleur animale, sous l'influence 
de l’aniline ou de la pyrodine, est amenée par l’altération de l’hémoglo- 
bine (formation de méthémoglobine) et lui est proportionnelle, il est évi- 
dent que la réduction préalable de la capacité respiratoire du sang, avant 
l’intoxicalion, doit permettre : 

4° D’abaisser plus fortement la température avec la même dose de 
substance toxique que celle employée dans l’élat normal; 

90 D'abaisser également la température avec une dose plus faible. 

Les expériences suivantes confirment cette hypothèse. 


I. Expérience. — Deux chiens se trouvant dans des conditions aussi sem- 
blables que possible, pesant l’un (A) 15 kil. 500, l'autre (B) 16 kilogrammes, 
après avoir été soumis pendant huit jours au même régime alimentaire, sont 
intoxiqués avec de la pyrodine ou acétyl-phényl-hydrazine. 

Dans le but de réduire la capacité respiratoire de son sang, on avait retiré, 
deux heures avant l'expérience, au chien B, 100 centimètres cubes de sang 
artériel qui ont été remplacés par 100 centimètres cubes de solution tiède 
de NaCI à 7 p. 1000 ; le chien A se trouvait dans les conditions normales. 

La capacité respiratoire du sang du chien A, avant l’intoxicätion, était de 
23,5 centimètres cubes d’O p. 100. La température de son sang veineux 38°,5; 
la capacité respiratoire du chien B était de 21,3 centimètres cubes d'O p. 100; 
température du sang veineux, 370,6. 

Les deux animaux reçoivent, en même temps, par ingestion stomacale, 
20 centigrammes de pyrodine par kilogramme, soit 3 gr. 10 pour le chien A, 
3 gr. 20 pour le chien B. 

Au bout de cinq heures, la température du sang du chien A est de 360,5; 
celle du chien B, de 34 degrés. 


SÉANCE DU 15 OCTOBRE 7185 


On procède immédiatement à l’analyse du sang avec la pompe à mercure ; 
le sang est retiré de l'artère fémorale, défibriné, agilé à l'air pendant un 
quart d'heure environ, puis frondé et filtré à travers un linge pour chasser les 
bulles de gaz. Après extraction des gaz et réduction du volume à 0 degré et 
760 centimètres Hg on a : 


CAPACITÉ RESPIRATOIRE DU SANG À CAPACITÉ RESPIRATOIRE DU SANG B 
Température de l'animal : Température de l'animal : 
360,5 3%0 
OC 20 D 00 OR AE D AERO0 
CDR REEEEOS — CO2: EN 2 _ 
ANA NE RS 1.2 — AT ; ASE 


Dans cette expérience, dont les résultats sont confirmés par plusieurs 
autres semblables, une méme dose de pyrodine a inégalement abaissé la 
température : chez le chien normal, nous voyons la température tomber 
de 38°,5 à 36°,5, et la capacité respiratoire du sang tombe à 16°,2 p. 100 
d'oxygène; chez le chien qui a subi une saignée préalable, capable par 
elle seule de diminuer la température, les différences sont plus aecen- 
tuées, mais toujours de même sens : la température tombe de 37°,6 à 34°; 
la capacité respiratoire, sous l'influence combinée de l'hémorragie et de 
l’altération de l'hémoglobine, tombe à 14 p. 100 d'oxygène. 

Enfin, dans cette série d'expériences, notons que la température reve- 
nait plas lentement au chiffre normal chez les animaux chez lesquels la 
réduction de la capacité respiratoire du sang avait été le plus considé- 
rable. 


IT. Dans un deuxième ordre de recherches, j’ai essayé de comparer l’ac- 
tion de doses différentes de substance toxique sur des animaux sains et 
sur des animaux qui avaient subi une hémorragie. J’ai donné 20 centi- 
grammes de pyrodine par kilogramme à des chiens se trouvant dans des 
conditions normales, de 10 à 15 centigrammes de la même substance à 
d’autres chiens à qui on avait fait subir des saignées. Malgré la moindre 
quantité de substance loxique ingérée, les animaux saignés se refroidis- 
saient autant que les animaux sains, mais intoxiqués avec une dose de 
pyrodine plus forte. 

D'autre part, la réduction de la capacité respiratoire, soit sous l’in- 
fluence combinée de la saignée et de l’intoxication, soit sous l'influence 
de l’intoxication seule par doses fortes, était sensiblement la même : 


Exemples. — Chien À, 0 gr. 20 de pyrodine en ingestion stomacale ; au bout 
de cinq heures : T. rectale, 36 degrés; cap. resp., 17 p. 100 d'O. 

Chien B. Saigné, puis 0 gr. 12 de pyrodine en ingestion; au bout de cinq 
heures : T. rectale, 350,8; cap. resp., 16,7 p. 100 d'O. 


786 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Ces constatations viennent donc à l’appui de nos précédentes recher- 
ches faites en commun avec M. Wertheimer ; elles apportent une contri- 
bution à l’étude des rapports de la chaleur animale et de la capacité res- 
piratoire du sang; dans ces recherches, comme dans les précédentes, 
l’abaissement de la température semble se montrer proportionnel à 
l’abaissement de la capacité respiratoire du sang. Quant à la question 
plus générale de l’action des agents qui sont à la fois antithermiques et 
transformateurs de l’hémoglobine, il faut, pour la résoudre, des expé- 
riences plus nombreuses et plus précises, qui feront l’objet de communi- 
calions ultérieures. 


(Travail du Laboratoire de physiologie de la Faculté de médecine 
de Toulouse.) nr 


SUR LES TROUBLES TROPHIQUES 
DES ONGLES, DES CHEVEUX ET DES DENTS SPÉCIAUX AUX CAGOTS, 


par M. Layarp (d'Avignon). 


J'ai noté chez les cagots des troubles trophiques des cheveux et des 
ongles. C'est une population dont l’origine est discutée, qui habite plu- 
sieurs villages des Basses-Pyrénées et qui est regardée comme paria. Ils 
habitent souvent un quartier à part, ont une place spéciale à l’église, et 
quand ils sortent dans la rue on les siffle pour les éviter. 

J'ai trouvé quatorze observations de familles de Salies-de-Béarn où ces 
allérations se transmeltaient héréditairement. Les sujets ont congénita- 
lement des ongles hypertrophiés, analogues aux ongles séniles et une 
alopécie relative ou absolue, les cheveux, les sourcils et les cils étant 
rares ou manquant complètement. Ces altérations ne se transmettent pas 
à tous les membres d’une même famille, les uns peuvent être indemnes, 
les autres atteints. 

Une famille, celle des L..., a des troubles de la dentition. Les dents 
poussent en nombre inférieur à la normale et la diminution porte princi- 
palement sur les deux incisives latérales supérieures et inférieures. 

L'étude histologique des ongles n’a rien fourni. Il n'y a pas de végé- 
taux parasites (Tricophyton), ni de bacilles colorables par les différentes 
méthodes usitées en bactériologie. L'hypertrophie des ongles empêche des 
soins de propreté et amène de fréquentes tournioles entre l’ongle et la 
peau. Les cagots appellent cette maladie « le mal blanc », Ils ont égale- 
ment une vive sensibilité de la pulpe sous-onguéale à l’eau froide. 

Les cagots n’offrent ces altérations qu’à Salies et quelques villages des 


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1 


SÉANCE DU 49 OCTOBRE 18 


environs (Andrein, Baigt, Chare, Castagnède), où existent des sources 
salées el des dépôts de sels. Partout ailleurs les cagots sont sains. 

D'où l'opinion répandue chez quelques lettrés que les cagots de Salies 
ne doivent pas être regardés comme de vrais cagots ; ils s'appuient aussi 
sur ce fait qu’ils ne logent plus en un quartier séparé mais sont disséminés 
dans la ville. ; 

Je pence qu'il s’agit bien de cagots car : 

La population de Salies les traite comme tels et les regarde comme des 
parias. 

Ils exercent les professions de tonneliers, tanneurs, tourneurs de 
chaises, menuisiers, qui sont depuis plusieurs siècles spéciales aux cagots. 

Plusieurs auteurs ont soutenu que les cagots étaient des descendants 
de lépreux. Le soin avec lequel on les évite, au point que dans les églises 
il existe pour eux un bénitier spécial, le nom même de cagot qui se rap- 
proche du terme espagnol « gafot », qui signifie lépreux, confirment celte 
manière de voir. En Bretagne où existaient aussi des populations de 
parias nommés cagots, le terme « kakod » signifie lèpre. Les altérations 
des ongles et l’alopécie des cagots de Salies deviendraient alors de la 
lèpre atténuée ; on sait que les enfants qui naissent lépreux offrent des 
altérations semblables. Ga 

Sans se prononcer absolument pour l’affirmative, il faut néanmoins 
ciler quelques nouveaux faits en faveur de celte opinion. Il y aurait 
encore dans les Landes quelques cas de lèpre et j'ai trouvé près de Salies, 
à Andrein, chez une cagote, un cas de maladie de Morvan parfaitement 
caractérisé. Or, on sait que M. Zambaco regarde les Bretons malades 
de Morvan comme des lépreux. La question demande de nouvelles re- 
cherches. Il existe d'anciens cimetières de cagots ; des fouilles bien con- 
duites où l'on trouverait des altérations communes chez les lépreux (des- 
truction partielle des phalanges, etc.), résoudraient la question. Malheu- 
reusement, l'opposition des autorités municipales m'a jusqu'à présent 
rendu ces tentatives impossibles. 


VALEUR DE LA FOSSETIE OCCIPITALE MOYENNE EN ANTHROPOLOGIE, 


par M. Cu. DEBIERRE (de Lille). 


La fossetlte occipilale moyenne, encore appelée fosselte cérébelleuse 
moyenne, fossette vermienne, fossette aymarienne, fosselte de Verga, est 
constituée, on le sait, par une dépression olivaire de volume variable 
(depuis la grosseur d’une noisette à celle d’une noix le plus ordinaire- 
ment) ou par une simple gouttière qui siège au niveau de la crête occi- 


188 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


pitale interne ou inio-opisthiaque, dans la région correspondant au lobe 
moyen ou vermis du cervelet. 

Cette fossette, sur laquelle j'ai appelé à nouveau l'attention au Congrès 
d'anthropologie de Bruxelles au mois d'août dernier, n’est pas constante. 
Loin de là, son existence est même une exception relativement rare. 
Lombroso (L'Homme criminel, p.165 et 170), qui la considère comme la 
plus caractéristique et la plus atavistique des anomalies du crâne des 
criminels, l'aurait observée chez les sujets ordinaires dans la proportion 
de # p. 100, tandis que chez les criminels il l’aurait constatée 16 fois 
sur 400 crânes. 

Marimo (Archivio di Psichiatria, 1889) a confirmé les observations de 
son confrère italien. Cet auteur annonce, en effet, qu’il a rencontré la 


fossette vermienne dans les proportions suivantes dans les divers groupes 
humains : 


1 520 ÉUrOPÉRDR. ere mhelclaite Horaire ri NO DA QUE 
150 — criminels RIRES EYE UT NN FSU D) —= 
Races préhistoriques. De AU Le lee CPE AIO — 
lOÉeypUeNs EL ÉUSqUES Se Ce CRC MIO NU — 
ARR ANUS ELAMEDS 20e eee 0 a est EU ee eme OT 2 2 AU, — 
RACES AMELICAINDES NT UC EDS ee ECO — 


La fréquence même de cette particularité anatomique sur les crânes 
d’une race américaine, les anciens Aymaras, où elle existerait 40 fois 
sur 400 (??), a fait donner à la fossette vermienne le nom de fossette 
aymarienne. 

Les résultats annoncés par Lombroso et Marimo ont été confirmés, en 
ce qui concerne les criminels, par Amadeï, Paoli, Cougnet et Bono, par. 
Tenchini, Benedikt, Mingazzini, Romiti, Frigerio, etc. Sur leurs 
100 crânes de criminels, Ottolenghi et Roncoroni (Anomalies rencontrées 
à l'autopsie de 100 criminels, Turin, 1891) ont rencontré 11 fois la fossette 
vermienne (140.4 p. 100). Roncoroni et Ardù (Archivio di Psichiatria, 
XII, 1891), de leur côté, l'ont notée 3 fois sur leurs 43 crânes de criminels. 
Corre, à son tour (Les Criminels, p.18), sur 29 crânes de criminels asia- 
tiques, l’a observée 4 fois, ce qui confirme encore l'opinion de Lombroso 
et de son École. Mais nous allons voir ce qu'il faut penser en réalité de 
cette opinion. 

Selon Albrecht (Mémoire sur la fossette vermienne du crâne des Mam- 
mifères, Bruxelles 1884), Lombroso (Archivio d'Anthropologia, Firenze, 
1871, p. 63, et L'Homme criminel, p. 180), etc., la fossette vermienne 
correspondrait à un développement exagéré du vermis du cervelet, 
et l’on sait que l’on a considéré les criminels comme exceptionnel- 
lement bien parlagés en cervelet, organe qui passerait ainsi à la fois 
au rang d’ « organe de l'amour » et d’organe de l'instinct brutal et 
impulsif. Ce développement anormal du vermis, au dire de Lombroso, 


SÉANCE DU 15 OCTOBRE 189 


ferait descendre le cervelet du rang élevé des Primates, au degré des 
Lémuriens et des Rongeurs, ou bien, de l’homme adulte et achevé au 
fœtus humain de trois ou quatre mois. « Je puis l’assurer, annonce Lom- 
broso (loc. cit., p. 181), d'autant plus que j'ai trouvé avec Foà, Calori, 
Romiti et Tenchini, sur 407 cadavres, la coïncidence de l’une et de l’autre 
anomalie (fossette occipitale et vermis hypertrophique) dans la proportion 
de 60 p. 400. » 

Mais, d ironie! comme si aucune loi de la Nature ne devait exister 
sans exception, un compatriote de Lombroso, U. Rossi, n'a-t-il pas tout 
récemment relaté une observation dans laquelle on voit, à côté d'une 
fossette vermienne, qu'il n'existait pas de lobe moyen du cervelet! (Lo 
sperimentale, 31 déc. 1891.) 

Au reste, l'interprétation de Lombroso a été vivement combattue. Au 
Congrès d'anthropologie de Paris en 1889, Benedikt (Arch. de l'anthro- 
pologie criminelle, t. IV, p. 555) l’a critiquée en termes d’une ironie mor- 
dante. 

Au surplus, la fréquence même de la fossette occipitale moyenne chez 
les criminels à été contestée. C’est ainsi que Héger et Dallemagne (Ann. 
de l’Université de Bruxelles, 1881) ne l’ont rencontrée qu'une seule fois 
sur les 36 crânes d’assassins belges décapités qu’ils ont étudiés. 

D'autre part, je rappelle que Ch. Féré, combattant l’opinion de Lom- 
broso (Dégénérescence el criminalité, p. 73 et 556), rapporte qu'il a ren- 
contré la fossette vermienne 22 fois sur 80 sujets honnêtes (soit 15 p.100) 
morts à la Salpêtrière. Celte proportion élève les honnêtes gens de la 
Salpêtrière au rang des criminels italiens de Lombroso ! Mais je dois dire 
qu’elle me paraît énorme, et je me demande quelle est, au juste, la dispo- 
sition anatomique que l’on a considérée dans ces cas comme fossette occi- 
pitale moyenne. 

Quoi qu'il en soit, dans ses recherches sur 300 cränes des Catacombes de 
Paris, Lucy, à son tour, a rencontré la fosselte vermienne 31 fois, soit 
10 fois p. 100. Les 150 cràânes lyonnais du Musée d'anatomie de la 
Faculté la lui ont présentée 9 fois; 20 crânes de Néo-Calédoniens, 6 fois ; 
26 crânes de déportés à la Guyane, 5 fois (Les anomalies de l'occipital, 
thèse de Lyon, 1890). 

A s’en rapporter aux chiffres de Marimo et de Lucy, la fossette ver- 
mienne serait incontestablement plus fréquente dans les races inférieures, 
dans celles du moyen âge et chez les criminels que dans les races supé- 
rieures et parmi les honnêtes gens. Au contraire, à s’en rapporter à ceux 
de Ch. Féré, on pourrait dire que cette fossette est aussi bien un lot 
exceptionnel chez l’honnête homme que chez le délinquant et l’assassin. 

Mais je ferai remarquer en passant que les chiffres rapportés par Lucy 
doivent êlre, à mon avis, considérablement abaissés, car cet observateur 
note que 6 fois sur les 20 crânes de Néo-Calédoniens, et 2 fois sur 
26 crânes de la Guyane, la fossette n’était indiquée que par une surface 


790 :SOC{ÈTÉ DE BIOLOGIE 


triangulaire (type I de l’auteur), ce qui n’est pas une fossetle, car je me 
refuse à admettre que le méplat triangulaire postopisthiaque qu'on ren- 
contre sur pas mal de crânes de toutes catégories (10 à 12 fois p. 100), 
doive être assimilé à la fossette occipitale moyenne. Je m'expliquerai une 
autre fois sur ce point. De même 14 fois dans les 300 crânes des Cata- 
combes et 4 fois dans les 150 crânes lyonnais, Lucy constate que cette 
fossette n'existait encore qu'à l’état de « surface triangulaire », c'est-à- 
dire qu'elle n'existait pas, et je ne sais pourquoi l’auteur n’a pas purement 
et simplement rayé son type I de son mémoire. Ainsi modifiés les chiffres 
de Lucy, au lieu de 40 p. 100, ne donneraient guère plus de 4 à 5 p. 100 
de fossetles vermiennes dans les crânes de sujets non criminels. 

Donc, si on s’en rapporte aux chiffres fournis par Lombroso et ses 
élèves, il appert que la fossette vermiennne est beaucoup plus fréquente 
chez les criminels que chez les honnèles gens ; tandis que si l’on s’en 
tient à ceux de Ch. Féré, cette fossette est à peu près également com- 
mune dans les deux classes d'individus. 

Pour me faire une opinion ferme à cet égard, j'ai examiné un grand 
nombre de crânes normaux et de erânes appartenant à des criminels. 
C'était le seul moyen de savoir si réellement la fosselte occipitale 
moyenne, qu'on ne voit jamais dans l'espèce humaine qu'à titre d’ano- 
malie ou de variété anatomique, est beaucoup plus fréquente chez les 
scélérats que chez les honnêtes gens. 

A cet effet, j'ai examiné 141 crânes normaux des collections du Muséum 
de Lyon. Sur ces 141 crânes, je n’ai trouvé que 4 fois la fossette ver- 
mienne, encore n’élait-elle qu'à l’élat de simple gouttière ou à l'état 
d’une petite dépression à peine creuse. 

C'est là une très faible proportion, mais ce n’est cependant pas une 
exception, je crois, puisque les recherches de Ferraz de Macedo {Archivio 
di Psichialria, Turin, 1889) sur 1000 crânes portugais, ne lui ont fourni 
qu’une proportion à peine plus forte, 2.6 p. 100 chez les hommes, 
1.8 p. 100 chez les femmes. 

40 crânes de sujets non criminels recueillis par moi el déposés à l’Insti- 
tut anatomique de la Faculté, m'ont montré la fosselte 4 fois. Parmi ces 
crânes, un grand nombre, — plus de la moitié, — proviennent des asiles 
d’aliénés d’Armentières et de Lommelet. Un d’entre eux est remarquable 
encore par son prognathisme sous-nasal et ses gouttières nasales simiennes. 
— 93 crânes d’aliénés m'ont présenté la même fossette 3 fois. Si je m’en 
rapportais à ces seuls chiffres, je pourrais dire qu'il semble que chez les 
aliénés la fosselte vermienne est plus fréquente, dans la proportion de 
2 p. 100 à 8 p.100 au moins, que chez les individus sains d'esprit. Lom- 
broso donne 14 p. 400 chez les fous. 

En ce qui concerne les criminels, j'ai examiné 406 de leurs erânes. Sur 
231 de l’Institut anatomique de Gand (voleurs, faussaires, assassins) que 
j'ai étudiés, grâce à l'extrême obligeance de mon éminent collègue le 


À 
j 
Ë 


SÉANCE DU 15 OCTOBRE 7191 


professeur Leboueq qui a gracieusement mis cette belle collection à ma 
disposition, j'ai trouvé 8 fois la fossette vermienne. Sur les 24 crânes 
d’assassins décapités du Musée Orfila, à Paris, je l’ai constatée 1 fois, et 
3 fois sur 25 crânes d’assassins du Muséum que le professeur Hamy a 
bien voulu me confier avec son amabilité habituelle et bien connue. 

Sur les 17 crânes d’assassins du Musée de médecine légale de la Faculté 
de Lyon que mon savant collègue et ami le professeur Lacassagne a aussi 
généreusement mis à ma disposition, je ne l'ai rencontrée qu'une fois. 

Enfin sur les crânes des assassins Esposito et Tegami, exécutés à Aix et 
étudiés par mon collègue de Marseille, le professeur Fallot (L'Anthropo- 
logie criminelle, t. UV, 1889, p. 289), ainsi que sur celui du voleur-assas- 
sin Baillet, décapité à Douai en 1891, et que j'ai déposé au laboratoire 
d'anatomie de la Faculté, il n'existe pas trace de fossette vermienne. Par 
contre, 3 crânes que j'ai recueillis à la prison de Loos (près de Lille) me 
l’ont présentée 1 fois. 

Bref, en réunissant tous les crânes de criminels que j'ai examinés, j’ar- 
rive au chiffre déjà imposant de plus de 400 crânes qui m'ont, en 
moyenne, présenté 3 fois pour 100 une fossette vermienne. 

La conclusion, — elle résulte clairement de mes recherches, — me parait 
s'imposer : la fossette vermienne existe à peu près 2 ou 3 fois sur 100 
dans les crânes de sujets non criminels; elle se présente environ 3 fois 
sur 400 dans le crâne du criminel. Par conséquent ce n'est point là, 
comme le veut l'École lombrosienne, un caractère presque caractéris- 
tique du crâne des bandits. 

Qu’ importe que l’agile voleur calabrais Villela ait eu une belle fossette 
vermienne, si cette fossette se rencontre chez les plus honnêtes gens du 
monde! Et d'autre part, quelle signification attacher en anthropologie 
criminelle à une fossette anormale de l’os occipital que l’on rencontrerait, 
selon Lombroso, 13 fois p. 100 chez les assassins, tandis qu’on la trou- 
verait 28 fois p. 100 chez les voleurs, 40 fois p. 100 chez les prostituées 
et 85 fois chez les empoisonneuses? — Quelle valeur enfin accorder à une 
statistique où l'on voit que les criminels & ont 16 fois p. 100 une fossette 
vermienne, tandis que les criminelles (9) n’en présentent une que 
3, 4 fois p. 100? (Lombroso, L'Homme criminel, p. 170.) 

La fossette occipitale moyenne, enfin, est-elle un attribut spécial au 
crâne humain? 

Sans vouloir entrer aujourd’hui dans les détails de cette question d’ana- 
tomie comparée, je rappellerai qu'on trouve cette fosselle bien déve- 
loppée chez les Marsupiaux, les Edentés, les Ongulés, les Carnassiers, 
les Rongeurs, les Ghérioptères, les Lémuriens et les Singes (Æapale, Cebus, 
Callithrix, ete.). J'ai devant moi le crâne d'un Cynocéphale qui la pré- 
sente manifestement, quoique fort peu creusée. Par contre, 31 crânes 
d'Anthropoïdes (18 Chimpanzés, 9 Gorilles, 3 Orangs, ! Gibbon), ne me 
l'ont montré aucune fois. 


192 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Il v a longtemps que de Blainville, dans son Ostéographie, et Gratiolet, 
dans son Anatomie comparée du système nerveux (2° volume de l’Ana- 
tomie de Leuret et Gratiolet), ont fait remarquer que la fessette occipitale 
moyenne des Lémuriens et des Singes est due à l'empreinte du vermis du 
cervelet. Mais chez l’homme, pourquoi existe-t-elle ici (rarement), tandis 
qu’elle n'existe pas là (très souvent), alôrs que le vermis est tout aussi 
développé dans un cas que dans l’autre? DIRE 

L'existence simultanée, constatée par Albrecht sur un crâne d'homme 
adulte de l'Institut anatomique de l’Université de Halle et recueilli par 
Welcker, d’unbec-de-lièvre et de la fossette vermienne, est-elle suffisante, 
comme l’admet Albrecht, pour confirmer l'opinion de Lombroso, qui 
considère cette fossette comme d’origine alavistique ? | 

C’est ce que je rechercherai dans une communication prochaine. 


5) 


Le Gérant : G. Masson. 


Paris. — Imprimerie de la Cour d'appel. L. MarernEux, directeur, 1, rue Gassette. 


193 


SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1892 


M. le Dr Depoux : Observation d’ataxie locomotrice guérie par des injections de 
suc testiculaire. — M. Brown-Séquarp : Remarques sur le traitement de l’ataxie 
locomotrice par le liquide testiculaire, à propos du cas de M. Depoux. — 
M. Brown-Séquarp : Sur l'emploi du liquide testiculaire pour augmenter la vigueur 
du fœtus dans le sein maternel, d’après un fait du D: Kahn. — M. le Dr H. Cris- 
tiani : Sur les glandules thyroïdiennes chez le rat. — M. le D' Leven : Système ner- 
veux et maladies. — M. J. TurmoLoix : Étude sur les effets de la suppression lente du 
pancréas, rôle des glandes duodénales (Mémoires). — MM. Cu. FÉRé et P. BATIGNE : 
Note sur les empreintes de la pulpe des doigts et des orteils. — M. N. GRÉHANT : 
Modifications apportées au grisoumètre de M. Coquillon. — M. p’ARSONVAL : 
Action physiologique des très basses températures. — M. Laysarp (d'Avignon) : 
Lèpre atténuée chez les cagots des Pyrénées. — M. Maartor : A propos des cagots 
des Pyrénées. — M. Layarp (Discussion). — M. F. Marès (de Prague) : Expériences 
sur l'hibernation des mammifères (Mémoires). 


Présidence de M. Chauveau. 


CORRESPONDANCE IMPRIMÉE. 


— M. BrowN-SÉQUARD fait hommage à la Société de la seconde édition 
de l’Anatomie normale et pathologique de l'œil, par M. ÉmiLE BERGER. 


— M. LEVEN dépose sur le Bureau son ouvrage sur Le système nerveux 
et maladies. 


— M. LABORDE fait hommage à la Société de son Zraité élémentaire de 
physiologie. 


— M. Gzey offre à la Société un exemplaire des Æecherches expéri- 
mentales sur l'action physiologique de l'anagyrine, par M. Courresr. 


— M. PERRIER fait hommage à la Société du deuxième fascicule de son 
Traité de zoologie. 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9€ SÉRIE, T. IV. ÿ 31 


794 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


OBSERVATION. D'ATAXIE LOCOMOTRICE 
GUÉRIE PAR DES INJECTIONS DE SUC TESTICULAIRE, 


par M. le D' DEpoux. 


M. X.., capitaine d'infanterie en retraite, se présente à mon cabinet le 
18 juillet 1892. IL vient d’être mis à la retraite, cinq ans plus tôt qu'il 
aurait dû l’être, comme atteint d’ataxie ÉARRAES 

Antécédenis héréditaires. — Père mort à sorxante-quinze ans: d'une 
maladie de l’estomac. Mère vivante, âgée de quatr e-vingt-deux ans, tou- 
jours bien portante mais très nerveuse. 

Antécédents personnels. — À part l'affection spécifique bien connue, le 
patient n’a jamais eu d'autre maladie que celle. pour laquelle. il vient 
réclamer mes soins, bien qu’il ait été soumis aux fatigues et aux privations 
de la guerre de 1870. Cet officier a éprouvé, il y a deux ans et demi, de 
la diplopie, une fatigue générale et de la lourdeur dans la marche avec 
diminution de la sensibilité de la plante des pieds. Ces symptômes 
ont augmenté de plus en plus et des douleurs fulgurantes avec crises 
gastriques violentes sont venues aggraver la situation. Ses douleurs ful- 
gurantes siégeaient aux jambes. Ses crises gastriques s’accompagnaient 
d'un sentiment de constriction à la région de l’estomac et d’une douleur 
gastriqueïdes plus vives. 

À la suite des grandes manœuvres de septembre 1891, le capitaine est 
rentré à son corps complètement anéanti; il a dû, à ce moment, cesser 
tout travail. Le médecin du régiment, ne voulant pas prendre, à lui seul, 
la responsabilité du traitement, présenta le malade à un professeur du 
Val-de-Grâce, qui conseilla l’iodure de: potassium et les pointes de feu: Ge 
traitement, suivi scrupuleusement pendant sept mois, ne donna aucun 
résultat. C’est alors que cet officier fut proposé pour la retraite par son 
régiment. 

État du malade le 18 juillet 1899. — Système nerveux. Mouvement. — 
La marche amène rapidement la fatigue. Le malade monte difficilement 
les escaliers et les descend plus difficilement encore. Cet acte est pour lui 
un véritable supplice. Il marche courbé en avant et, pour ne pas dévier, 
il précipite le pas, qui est raccourci. Il frappe le sol du talon et projette 
les pieds en avant et en dehors. Il lui est impossible de reconnaître la 
nature des corps sur lesquels il marche et il a à la plante des pieds la 
sensation d’un tapis d’ouate uniforme. Les yeux ouverts ou fermés, il ne 
peut pas se tenir debout sur une jambe. Reposant sur les deux jambes et 
les yeux fermés, il chancelle. Non seulement il y a manque de coordina- 
tion dans les mouvements, maïs encore les muscles ont perdu beaucoup 
de leur force. 

Sensibilité. — Les réflexes rotuliens sont abolis. Il y a hyperesthésie de 


SÉANCE DU 22 OCTOBRE 795 


la peau des membranes inférieures et du thorax. La sensibilité est normale 
aux membranes supérieures et à la face. Pourtant le malade trouve qu'il 
est moins adroit de ses mains; il éprouve surtout de la difficulté à écrire. 

Organes des sens. Vue. — La diplopie, qui était survenue au début de 
la maladie, n'existe plus; rien de très anormal n’est appréciable du côté 
des yeux. Les pupilles, extrêmement petites, réagissent bien à la lumière. 

L'ouie, l'odorat, et le: goût sont normaux. 

Appareil respiratoire. — Bon fonctionnement. | 

Appareil digestif. — Appétit nul. Mauvaises digestions continuelles. 
Diarrhée constante. Relâchement du sphincter anal et défécation involon- 
taire par moments. Douleurs gastriques intolérables. 

Appareil génito-urinaire. — Sa miction n’est pas douloureuse, mais le 
malade urine goutte par goutte et laisse échapper malgré lui de l'urine 
dans son pantalon. Il n’est pas complètement impuissant, mais peu s’en 
faut. Ni sucre, ni albunime. 

Diagnostic. — Cet examen confirme le diagnostic des médecins qui ont 
soigné et proposé cet officier pour la réforme. Séance tenante, je commence 
le traitement par les injections de suc testiculaire avec un liquide au 
cinquième. 

Les 18, 19 et 20 juillet. — Je fais chaque jour une injection de 1 centi- 
mètre cube de ce liquide et le 21, de 2 centimètres cubes. 

Le 22 juillet. — Ce malade n’a pas eu, depuis hier, de douleurs fulgu- 
rantes. Les jambes sont déjà devenues libres. Il a pu faire une promenade 
d’une heure sans fatigue. L'estomac.fonctionne mieux. Je fais une injec- 
tion de 3 centimètres cubes. 

23 juillet, injection de 3 centimètres cubes. — L'amélioration continue. 

24 juillet, 3 centimètres cubes. — Le malade ne souffre pas, il a un sen: 
timent de détente dans tous les membres. Il est resté au lit, m’attendant 
jusqu’à onze heures, dans un état de bien-être parfait. 

25 juillet, 3 centimètres cubes. — Le mieux continue: 

Du 25 juillet au 3 août, 4 centimètres cubes chaque jour, — L’estomac 
continue à aller mieux. 

Du 3 au 6! août, 4 centimètres cubes chaque jour. — L'amélioration 
de l'estomac continue et l'appétit revient. 

Du 6 au 12 août, k centimètres cubes. — Les douleurs fulgurantes ont 
disparu; meilleures digestions, bon appétit. Les forces commencent à 
revenir. : À 

Du 12 au 80 août. — Les améliorations survenues ont persisté.: Le 
malade a gagné 2 kilogrammes, en poids. Les idées sont nettes et sa gaieté 
revenue. Toujours 4 centimètres cubes chaque jour. 

Du 30 août au 20 septembre, 5 centimètres cubes. — Tout est revenu à 
l’état normal. La sensibilité plantaire est revenue. Seul le réflexe rotu- 
lien est toujours aboli. 


Du 20 septembre au 15 octobre, 4 centimètres cubes chaque jour. — 


796 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


EE 


Les forces sont revenues complètement et comme le malade se trouve 
guéri, il part pour la province, enthousiasmé du résultat obtenu, sans 
s'inquiéter de n’avoir pas vu revenir les réflexes rotuliens. ILest complète- 
ment guéri, à part cette particularité et un resserrement pupillaire, qui 
ne trouble en rien la vision et qui se montre surtout toutes les fois qu'il 
est ému. 

En moins de trois mois (du 18 juillet au 15 octobre), le malade a obtenu 
sa guérison. Les douleurs fulgurantes ont disparu très rapidement. Dès 
le 20 septembre, c'est-à-dire en deux mois et deux jours, la guérison était 
déjà presque complète. 


REMARQUES SUR LE TRAITEMENT DE L'ATAXIE LOCOMOTRICE 
PAR LE LIQUIDE TESTICULAIRE, A PROPOS DU CAS DE M. DEPOUXx, 


par M. BROWN-SÉQUARD. 


Je dirai d’abord que j'ai examiné avec soin l'officier présenté par M. De- 
poux et que j'ai constaté qu'il est complètement guéri, à l'exception du 
réflexe rotulien et de l’état de la pupille. Ainsi quela Société l'a constaté, 
il marche parfaitement, se dirigeant en ligne droite vers un but, les yeux 
fermés et sans la moindre trace d'ataxie. [Il peut se tenir debout sans dif- 
ficulté, sur un pied, les yeux fermés. La vessie, le rectum, la vision sont 
maintenant à l'état normal. La vigueur générale est revenue, et tout ce 
qu'il y avait de morbide, à part les deux particularités signalées, a 
réacquis l’état de santé. 

Le diagnostic, dans ce cas, ne peut laisser aucun doute, et la guérison 
est bien celle d’une ataxie locomotrice typique. La Société se rappelle 
que M. Depoux lui a présenté, le 30 mai 1891, un sergent-maitre d'armes, 
réformé pour cause d'ataxie locomotrice très grave et considéré comme 
incurable par des médecins distingués du Val-de-Grâce. Ce sous-officier, 
grâce au liquide testiculaire, a été assez rapidement guéri de la manière 
Ja plus complète et il était redevenu si fort qu'il pouvait sans fatigue faire 
jusqu’à vingt assauts d'armes en un jour. La Société l'a revu Le 44 juin 
dernier, plus d’un an après sa guérison et aucun signe de retour de son 
affection ne s’était alors montré. J'ai eu encore de ses nouvelles ces jours- 
ci : il continue d’être en parfaite santé. Cet ex-mililaire est le seul indi- 
vidu, à ma connaissance, dont la guérison ait été si absolument complète 
que même le réflexe rotulien est revenu (1). 


(4) Quelle que soit la signification de l’absence du réflexe rotulien, on sait 
que ce réflexe quelquefois n'existe pas chez des individus en parfaite santé 
et que chez des ataxiques confirmés il a quelquefois persisté. Bien plus, 


SÉANCE DU 22 OCTOBRE 797 


Le 5 juin 1892, M. Depoux a aussi montré un adjudant de cavalerie 
qui, après avoir présenté à un degré notable tous les symptômes carac- 
téristiques de l’ataxie locomotrice, a été guéri après un traitement de 
trois mois et demi par des injections de liquide testiculaire. (Voy. 
Comptes rendus de la Soc. de Biol., 1892, p. 501.) Ce sous-officier, guéri 
en novembre 1891, a depuis lors continué son service pourtant très labo- 
rieux et il est maintenant en excellente santé. Il n'a pas recouvré le 
réflexe rotulien. 
M. Depoux présentera bientôt d’autres individus guéris d’ataxie loco- 
motrice. Sur douze ataxiques, qu’il a traités par le liquide testiculaire, il 
n’a, jusqu'à présent, vu qu'un seul malade résistant au traitement. C’est 
à peu près la même proportion d’insuccès que nous aurons à faire con- 
naître à la Société, d'Arsonval et moi, dans la séance prochaine, en lui 
rapportant les résultats du traitement de plus de cent ataxiques. Comme 
on le verra, il résulte des faits que j'ai mentionnés en juin dernier à la 
Société (Comptes rendus, p. 205), des faits de M. Depoux et de ceux que 
d'Arsonval et moi avons recueillis, que l’ataxie locomotrice, avec tousles 
symptômes caractéristiques d’une sclérose de certaines parties des cor- 
dons postérieurs de la moelle épinière, est presque toujours etrapidement 
guérie par des injections sous-cutanées de liquide testiculaire. 


SUR L'EMPLOI DU LIQUIDE TESTICULAIRE POUR AUGMENTER LA VIGUEUR DU FOETUS 
DANS LE SEIN MATERNEL, D'APRÈS UN FAIT DU D’ KAEN, 


par M. BROWN-SÉQUARD. 


Chez une femme de trente-six ans, ayant eu trois enfants, dont un 
mort d'accidents syphilitiques, le D' Kahn a fait usage d'’injections de 
liquide testiculaire contre une ataxie locomotrice, existant aux quatre 
membres. L'histoire de cette maladie est pleine d'intérêt à cause de l’in- 
fluence si notable du liquide testiculaire sur un fœtus. Voici les points 
principaux concernant cette influence : 


12 juillet. — Cette ataxique est enceinte de six mois; les mouvements du 
fœtus sont à peine pérceptibles. On fait une injection de 2 grammes de liquide 
testiculaire, au dixième. 


MM. J. H. Jackson et Taylor ont constaté récemment le fait très remarquable 
que chez un alaxique, le réflexe rotulien, perdu des, deux côtés, est revenu 
surtout d’un côté sous l'influence d’une lésion cérébrale ayant causé de 
l'hémiplégie. (Voy. British medical Journal, july, 111891.) 


198 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


14 juillet. — Les mouvements du fœtus sont notablement plus forts. On fait 
encore une injection de 2 grammes. 

16 juillet. — Nouvelle injection semblable aux précédentes. Les vomis- 
sements, qui fatiguaient considérablement la malade, ont cessé dès après la 
première injection et ne sont pas revenus. Les mouvements du fœtus ont 
augmenté depuis le 14, 

20 juillet. — On injecte 2 grammes. 

22 juillet. — Les mouvements du fœtus ont continué à gagner en force. 
.L'appétit de la malade est notoirement amélioré. L'aspect de son visage est 
meilleur. 

On continue les injections jusqu'aux premiers jours d'août, où on cesse 
d'en faire à cause des mouvements du fœtus qui sont devenus gênants pour la 
mère. 

43 octobre. — Accouchement: contractions utérines régulières, mais faibles. 
Dilatation en vingt-deux heures. L'utérus ne pouvant suflire à l'expulsion, 
on extrait par le forceps un enfant du sexe masculin, bien constitué et pesant 
3 kilogrammes. La délivrance est normale. 


Ce fait du D’ Kahn est très important par deux raisons : la première, à 
cause de l'influence du liquide injecté sur Les vomissements qui ont cessé 
presque aussitôt après La première injection; la seconde, à cause de l’aug- 
mentation d'énergie chez le fœtus et de son poids vraiment exceptionnel. 

Il est clair que par suite de l’état déplorable de la mère le fœtus, mal 
. nourri, était dans un état de grande faiblesse, démontré par ce fait que les 
mouvements étaient très faibles au sixième mois de la grossesse. Très 
promptement le fœtus a gagné en vigueur et les mouvements sont devenus 
si forts en trois semaines ul ‘ils génaient la mère et que l’on a dû sus- 
pendre les injections. 

Je crois devoir appeler l’attention des accoucheurs sur cette remar- 
quable démonstration de l'influence favorable du liquide testiculaire sur 
un fœtus faible. 


SUR LES GLANDULES THYROÏDIENNES CHEZ LE RAT, 


Note du D: H. CristrAn, privat-docent à l’université de Genève, 
présentée par M. BRowN-SÉQUARD. 


J'ai relaté dernièrement le résultat de mes expériences sur la thyroïdec- 
tomie chez le rat (Ac. des Sciences, 5 septembre 1892), démontrant que 
cet animal mourait après cette opération, contrairement à ce qu’on avait 
affirmé précédemment pour les Rongeurs en général. 

M. Gley avait d’ailleurs démontré récemment la même chose pour le 


SÉANCE DU 22 OCTOBRE 199 


lapin. Cet auteur a trouvé la raison de l’ancienne opinion dans le fait 
qu'il existe chez le lapin deux petits organes, silués de chaque côté de la 
trachée, au-dessous du corps thyroïde, indépendants de celui-ci : ces 
glandules thyroïdiennes, à structure embryonnaire, s’hypertrophient après 
la thyroïdectomie et remplacent le corps thyroïde proprement dit. 

J'ai employé dans le cours de mes recherches la méthode des coupes 
en série, me permettant de passer en revue sous le microscope toute la 
région du cou des animaux depuis l’os hyoïde au sternum. Avec ce moyen 
j'ai pu reconstituer dans l’espace chaque organe, même invisible à l'œil 
nu, et déterminer sa place avec exactitude. 

D’après mes recherches, les glandules thyroïdiennes existent aussi chez 
le rat, mais ne se trouvent pas à la même place que chez le lapin : elles 
ne constituent pas chez le rat un organe à part, mais forment un tout 
avec de corps thyroïde principal, dans lequel elles sont enchâssées. 

On peut voir en effet sur des coupes transversales du cou d’un rat, pra- 
tiquées au niveau de l’isthme du corps thyroïde, au bord postéro-externe 
de chaque lobe, deux petits corps arrondis ou cunéiformes, se teignant 
par les réactifs colorants d’une manière beaucoup plus intense que le 
corps thyroïde même. 

Ces corps ne font pas saillie au dehors, ils sont très nettement distincts 
de l'organe principal et, examinés à un fort grossissement, présentent la 
structure du corps thyroïde fœtal. Leur aspect, sur la coupe, tranche net- 
tement sur celui du reste de la glande. Pendant l’extirpation du corps 
thyroïde, il serait impossible d’épargner ces glandules. Leur présence est 
constante; je les ai trouvées, dans les pièces de mes thyroïdectomisés, 
toutes Les fois que je les ai cherchées. 

Gependant j'ai vu parfois mes rats thyroïdectomisés survivre à l’opéra- 
tion, et dans ces cas j'ai toujours trouvé, en rouvrant le cou, de petits 
nodules à structure thyroïdienne. 

Ces nodules, chez le rat, ne se développent donc pas, comme chez le 
lapin, aux dépens de glandules analogues à celles décrites par M. Gley : ïl 
s’agit ici d'une régénérescence aux dépens de débris du corps thyroïde, 
échappés à l’extirpation. La preuve nous en est fournie par l'emplacement 
occupé par les nodules régénérés : ils se trouvent surtout là où le corps 
thyroïde est très adhérent aux organes sous-jacents, par exemple en 
avant de la trachée (isthme) et de chaque côté du larynx. On peut en 
outre produire artificiellement de ces nodules à un endroit choisi en lais- 
sant en place, pendant l’extirpation, une parcelle du corps thyroïde. 

L'existence de glandules thyroïdiennes embryonnaires, enchâssées 
dans le corps thyroïde, qui est constante chez le rat, se retrouve aussi 
chez d’autres animaux : nous y reviendrons prochainement. 


800 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


SYSTÈME NERVEUX ET MALADIES, 


par M. le D' LEVEN. 


Le livre que j'offre à la Société de Biologie se compose de deux parties : 
une première purement clinique, et une deuxième qui est consacrée à la 
thérapeutique et à l'hygiène. 

Mes études cliniques m'ont appris que toute maladie a son origine 
dans l'irritation des cellules d’un centre nerveux. 

Cette irritation est provoquée par des impressions trop violentes, non 
proportionnées à son impressibilité. 

Ainsi un son trop fort irrite la cellule auditive, un froid excessif irrite 
la cellule de la moelle; un aliment indigeste irrite la cellule du plexus 
solaire. 

Que se passe-t-il dans l'organisme, lorsque les cellules d'un des centres 
sont irritées? | 

On sait que, dans l’état de santé, les cellules de tous les centres vibrent 
à l'unisson, se communiquent leurs impressions sans être senties. 

Dès qu'un des centres s’irrite, il porte l'irritation à d’autres centres; 
l'unité nerveuse est rompue, il se fait dissociation nerveuse et comme 
l'irritation esl cause de la maladie, celle-ci reparaïîtra tant que, par le 
traitement, l'unité nerveuse n'est pas refaite. 3 

L'irritation d’un centre se caractérise par les symptômes de la cellule 
nerveuse devenue sensible, douloureuse, symptômes qui varient avec 
chaque centre. 

Cette irritation se transmet à tous les nerfs qui partent de ce centre, 
nerfs sensitifs, moteurs, viscéraux. 

Chaque centre nerveux peut être le premier irrité et ce centre nerveux 
transmettra fatalement son irritation à uu autre centre. 

‘Ainsi l'irritation de la moelle entraine toujours l’irritation du plexus 
solaire, la dyspepsie: ou si le plexus solaire est le premier irrité, il sera 
toujours cause de l'irritation de la cellule médullaire. 

L'irritation de la cellule médullaire ne fait pas immédiatement la 
dyspepsie, mais d'ordinaire à longue échéance; de même l’irritation de 
la cellule médullaire ne vient qu'un temps plus où moins long après la 
dyspepsie. £ 

Observons avec les faits l'évolution des maladies. 

Les cellules de la moelle irritées seront cause d’irritation des nerfs qui 
vont à la peau, aux muscles, à l'articulation, à la cavité nasale, pha- 
ryngée, au poumon, au cœur et aux viscères calédoniques. 

Je ne rappellerai aujourd’hui que les observations relatives aux cavités 
nasales, pharyngées et thoraciques. 

La mobilité de l’irritation des cellules médullaires troublera successi- 


| 


ISÉANCE DU 22 OCTOBRE 801 


vement les nerfs du tact, les nerfs moteurs, les nerfs qui vont aux 
plexus nerveux viscéraux. 

4° Laryngite, palpitations, hyperesthésie de la peau et des muscles, 
dyspepsie. 

2° Pharyngite, hyperesthésie de la cuisse, coryza, bronchite, métror- 
hagie, dyspepsie. 

3° Laryngite, hyperesthésie de la peau et Las muscles, dyspepsie. 

4° Bronchite de sept à treize ans, dyspepsie, hyperesthésie. 

5° Hémoptysie, palpitations, hyperesthésie, dyspepsie. 

6° Congestion pulmonaire, coryza, névralgies intercostales, cépha- 
lalgie, dyspepsie. 

7° Asthme, hyperesthésie de la cuisse, dyspepsie. 

8° Pleurésie, hyperesthésie des membres, dyspepsie. 

9° Angine de poitrine, névralgies intercostales, dyspepsie. 

10° Palpitations, hyperesthésie coxo-fémorale, eczéma, névralgies 
intercostales, dyspepsie. 

11° Rhumatisme articulaire, sciatique, hyperesthésie, peau et muscles, 
dyspepsie. 

12% Paralysie faciale, bourdonnements de l'oreille gauche, hyperes- 
thésie, dyspepsie. 

Ainsi évolution régulière, monotone de toutes les maladies débutant par 
irritation de la moelle; congestions, hémorragies, inflammations, rhu- 
matisme articulaire, névralgies, paralysie faciale, entraînant toujours 
la dyspepsie. 

Si le plexus solaire est le premier irrité, la dyspepsie évoluera et 
entraînera toutes ces maladies que je viens d’énumérer, coryza, pharyn- 
gite, palpitations, pleurésie, asthme, hémoptysies, etc. 

L'action de ces deux centres irrités esl toujours réciproque. 

Il en faut déduire qu’au point de vue thérapeutique, le médecin ne 
peut guérir une pharyngite, une laryngite, pleurésie ou asthme, bronchite 
ou névralgie, que si la cellule de la moelle est soumise à une hygiène 
appropriée, et si le régime alimentaire est adapté aux centres nerveux. 


ÉTUDE SUR LES EFFETS DE LA SUPPRESSION LENTE DU PANCRÉAS, RÔLE DES 
GLANDES DUODÉNALES, par M. J. Tuairoroix. (Voir Mémoires du présent 
volume, p. 303.) 


802 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


NOTE SUR LES EMPREINTES DE LA PULPE DES DOIGTS ET DES ORTEILS, 


par MM. Cu. FÉRÉ et P. BATIGNE. 


Dans une précédente note sur les empreintes de la pulpe des doigts et 
du gros orteil (1), l’un de nous avait fait remarquer que les dispositions 
papillaires les plus simples sont plus fréquentes au gros orteil qu'aux 
doigts et que l’asymétrie était aussi moins fréquente au gros orteil. Il 
avait admis que cette tendance à l’uniformité s’accentuait aux derniers 
orteils sans toutefois en fournir une preuve suffi sante. IL n’était pas sans 
intérêt de donner cette preuve pour établir qu'aussi bien aux orteils 
qu'aux doigts à une plus grande simplicité fonctionnelle, correspond une 
plus grande simplicité morphologique. Nous avons pris les empreintes 
des dix doigts et des dix orteils chez trente-quatre sujets tous atteints 
d'épilepsie, d’hystérie ou de dégénérescence (c'est une particularité qui 


A 


mérite d’être notée). 


Le tableau I donne les statistiques des empreintes des pulpes des 
doigts : on y voit que sur les 10 types et les A variétés figurés dans le 
tableau du mémoire cité (2), il manque sur nos 34 sujets 2 types et 
11 variétés. En considérant le nombre des variétés à chaque doigt dans la 
première série (3) comprenant 182 sujets, on trouvait au pouce 33 variétés; 
à l'index, 29 ; au médius, 23 ; à l’annulaire, 26; à l’auriculaire, 48. A part 
l'exception de l’annulaire, on voyait que la variation morphologique 
augmentait de l’auriculaire au pouce. Dans la série actuelle, nous trou- 
vons 24 variétés au pouce, 18 à l’index, 19 au médius, 13 à l’annulaire et 
40 seulement à l’auriculaire. On voit qu’à part l’exception encore peu 
importante du médius, la même variation morphologique se retrouve.On 
retrouve aussi dans cette série la même proportion des types et des 
variétés. 


Le tableau IT, qui donne la statistique des empreintes de la pulpe des 
orteils, nous montre l'absence de 3 types et de 26 variétés, au lieu de 
2 types et de 11 variétés comme à la main : tandis que nous trouvons 
12 variétés au gros orteil, il n’y en a plus que 5 au second, au troisième et 
au cinquième; mais il y en a 8 au quatrième. En somme, d’une manière 
générale, la différence morphologique entre le premier orteil etles quatre 
autres se montre aussi en rapport avec la différence fonctionnelle. 


(1) Ch. Féré. C. R. Soc. de Biologie, 1891, p. 497. 
(2) Loc. cit., p. 500. 
(3) Loc. cit., p. 501. 


SÉANCE DU 22 OCTOBRE 803 


TABLEAU I. 


Statistique des types et des variétés d'empreintes observés 


aux doigts des deux mains. 


TYPES VARIÉTÉS  POUCE INDEX MÉDIUS ANNULAIRE AURICULAIRE TOTAUX 


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804 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


TABLEAU II. 


Statistique des types et des variétés d'empreintes observés 


au orteils des deux pieds. 


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47 DOS 30 29 19 21 DA De TI OR 246 
AR a 
PR 18 4 » (| » » » » À il 5 
22 » À ») » » » » » » » À 
RAC 24 DES DIRE Ua DD) DER O) 10 
PR 27 » » » » » » » » » » 1 
AC 31 (| » » » » » » » » » 1 
PC 32 il 2 » » » » » » | » 4 


— — — — — — — —— —— —— 


3% 34 34 34 34 34 34 34 34 34 340 


Il est intéressant de remarquer que les formes les plus communes (47 
et 18), l’anse simple qui n'existe que 56.47 fois p. 100 aux doigts, se 
trouve 73.82 p. 100 aux orteils; et que la forme primaire, simienne, qui 
est à la main dans la proportion de 2.94 p. 100 est au pied dans celle 
de 6.47 p. 100. 


La symétrie se rencontre dans la proportion suivante : 


p. 100 
BOULE Re be inu date SN De de 11 fois ou 32.35 
Index es pe Re, ER SRE 12 — ou 35.29 
MÉ US RENE EE ER CT A QE 16 — ou 47.05 
AID AIT MEN NERRESEMRNE 7" RAR er 20 — ou 58.81 
PEROU MEN ME QUE EEE 29 — ou 85.29 
AE OPEL NA . .< . 26 — ou 76.47 
AO TP NN Re RER 7 LR ANA RSR our 01.1 
DOTE Ne. PO ee Le Ge 32 — ou 94.11 
RO et RU AU BRUNES AG ECS 28 — ou 82.35 


DO eg n: PNRAPE CURE AU NT A RE QT AT 98 — ou 82.35 


SÉANCE DU 22 OCTOBRE 805 


La symétrie peut se rencontrer à plusieurs doigts ou à plusieurs 
orteils, tantôt homologue (même variété), tantôt hétérologue (variétés 


différentes). 

1° Symétrie homologue. 
ART TS RSR ESS RUE RS MEN on Pi Te 12 
ARORO OISE RU in De delle) la à 8 
EN LOTS RP TR M Se Pepe etudes eo à Sr MN 
RE DOTE SE ER ee ae non cute en Me eo ee » 
ABAFONLCIIS ES AMIMSPENRT I EREENSN E eER AR TIR EURE LARPS 
PRO DECULS DR REED Re Ie DA REA d'A TE 8 
APANOLLELLS EU, D'ART RE A RE et 10 
AM ROTLO LS EUR 2e RENAN DRE RE Eire eee one 7 

20 Symétrie hétérologue. 
AR ONTES TE SE 2 
ARS DO RES ER RP en RS en 7 
RP ES TA 5 
RO COI ES een ete een eus ee ee ie » 
AD ÉDPIELIS PE re Rene en ere nu MAO re » 
PROMO PTE ee de ne M ae lie ee ee de te le 1 
AANOT LOIS AMEN PAUL RAR PEUR CERTES ANRT 9 
AD DPONLELLS RENE REGARDE LR RON, AS ATEN 8 


Le nombre des variétés observées chez un même sujet varie aussi à la 
main et au pied et concourt encore à démontrer l’uniformité relative de la 
disposition des lignes papillaires aux orteils. 


Main. 
1 seule variété. . , . . . ÉNERGIE AE » 
ZHVATICLES LVL, RD el LOST 
3 SRE OR DEN LME RENTE RIT PS “He 
4 SNS SAULT OT Pr HUIT OS db mé 1 
5 sb rieRaNe li iRonrers noire ei sorte 7 
6 EN ES PRO EU D ARR R PSS PE À RAA ES OP EP TE ERP 2 
7 OS D NO ER NO me AL AT de deu 2 
8 — BE OO RE EN PO DO SE SET D 4 
9 SN ne 2 M ETS ee eee ten 1 

Pied 
1'SBULE/ VATÉLE AA ERORE RE NAS EEE PINS SUN Enr 
2Avariétés 2 OMR ÉRRALIO EAU CRRS MORIN EN SIENNE. A7 
& Fr este el eille re a le les eteltere le; ee: eee 5 


W. J. Herschel se servait depuis longtemps des empreintes digitales 
pour établir l'identité; on est revenu tout dernièrement sur ce procédé 


806 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


d'identification (4) qui était peut-être connu’ avant l'intervention des 
études médicales, ear M. Bonvalot, dans son Voyage de Paris au Tonkin 
à travers le Tibet inconnu (2), parle d’un chamelier doungane qui avait 
signé un contrat avec son pouce barbouillé d’encre. 


MODIFICATIONS APPORTÉES AU GRISOUMÈTRE DE M. COQUIELON, 


. par M. N. GRÉHANT. 


L'appareil qui a été inventé par M. Coquillon et qui est fort employé 
dans les mines de charbon pour la recherche et pour le dosage du grisou 
est très ingénieux et rend de grands services. 

La partie principale de l'appareil se compose d’une petite cloche cylin- 
drique fermée à sa partie supérieure par un bouchon de caoutchouc 
percé de trois trous que traversent un robinet de métal et deux bornes 
métalliques qui sont réunies à l'intérieur de la cloche par un fil de pla- 
tine enroulé en spirale: le tube droit, qui est soudé à la cloche, porte 
quatorze divisions d’égal voiume; après avoir rempli d'eau cet instru- 
ment, on y fait pénétrer un gaz contenant du grisou ou du formène qui 
occupe l’ampoule et un petit nombre de divisions ; on fait rougir le fil de 
platine par un courant électrique; le formène et l'oxygène se combinent 
pour donner de l’eau et de l’acide carbonique; un volume de formène 
absorbe deux volumes d'oxygène et donne un volume d’acide carbo- : 
nique; après le refroidissement du grisoumètre, il y a une réduction 
que l’on évalue en degrés marqués sur le tube; la moitié de la réduc- 
tion représente le formène. 

J'ai modifié .en quelques points l'appareil de M. Coquillon; j'ai sup- 
primé le bouchon de caoutchouc qui, porté à une température élevée par 
le rayonnement du fil de platine, revient lentement à la température 
ordinaire; j'ai fait souder à l’ampoule un tube gradué long de 50 centi- 
mètres qui porté 90 divisions annulaires; le 0‘est près de l’ampoule et 
la division 90 près dé l'extrémité du lube; l’ampoule se termine à la 
partie supérieure par un robinet de verre qui doit garder parfaitement 
et sur deux côtés opposés j'ai fait souder deux fils de platine qui forment 
un fil spiral dans l’intérieur et qui pénètrent dans l’axe de deux tubes 
parallèles remplis, de mercure destinés, à recevoir les fils venant d’une 
pile au bichromate de potasse de six éléments .ou d’un accumulateur. 


CAR ET « - ° eo ° LACS MS 


(1) R. Forgeot. Des empreintes digitales étudiées au point de vue médico-légal. 
Lyôn, 4894. 
(2) Le Tour du monde, 1894;,-1. LXH, p. 324. 


SÉANCE DU 22 OCTOBRE 807 


Manœuvre et graduation de l'appareil. — Pour faire passer du gaz dans 
le grisoumètre ainsi modifié, on immerge l'instrument dans un grand 
bocal traversé par un courant d’eau qui se déverse à la partie supérieure; 
on ferme le robinet qui avait été ouvert et on réunit par un tube de 
caoutchouc le robinet du grisoumèêtre avec le robinet d'une cloche gra- 
duée qui a reçu le gaz; on ouvre les robinets et on fait passer le gaz de 
la cloche dans l’ampoule et dans le tube gradué; on ferme les robinets, 
on sépare le grisoumètre qui est plongé dans l’eau pendant quelques ins- 
tants et qui est soulevé dans l'air jusqu'à ce que le ménisque formé par 
l'eau dans le tube gradué soit tangent à la surface plane de l'eau du 
bocal vivement éclairée par un bec de gaz papillon placé à une certaine 
distance. 

Le volume étant lu et noté, le grisoumètre est porté avec un godet 
plein d’eau tenu par un long fil de cuivre dans un bocal vide assez pro- 
fond pour qu'il soit complètement enveloppé et recouvert d'une glace 
lorsque les fils de cuivre qui amènent le courant sont plongés dans le 
mercure ; il est nécessaire d’intercaler un interrupteur dans le circuit 
pour maintenir et pour interrompre le courant à volonté; la spirale étant 
rougie, le gaz se dilate ; ilne doit jamais s'échapper par l'extrémité infé- 
rieure du tube. Lorsqu'on a fait rougir le fil quatre ou cinq fois, on laisse 
l'instrument se refroidir dans l’air, puis on le porte dans le bocal plein 
d’eau en l’immergeant complètement. 

Si l’on a introduit de l’air pur il n’y a aucun changement dans le 
volume du gaz, mais si l’on a introduit un mélange titré de formène et 
d’air à 1/50° la réduction est égale à 7 divisions; 

Un mélange à 1/100° a donné 3.5 — 
Un mélange à 1/500° — 0.7 — 
Un mélange à 41/1000 — 0.4 — 

Les indications de l'instrument ainsi gradué sont donc exactement pro- 
portionnelles aux volumes de grisou ou de formène mélangés avec l'air. 

On est tout à fait sûr que le formène a été complètement brûlé si l’on 
fait rougir de nouveau le fil de platine et si le volume du gaz reste inva- 
riable. 

Lorsque l’on soumet à la recherche dans le grisoumètre qui est, comme 
on le voit, extrémement sensible, des mélanges gazeux plus riches en 
grisou, il faut prendre des précautions : en effet, un mélange contenant 
1/19° de formène a déterminé l'explosion de l'instrument. 

Il est bien préférable, avant d'employer le grisoumètre, de commencer 
par faire une analyse eudiométrique sur l’eau. 

L’eudiomètre que j’emploie ressemble beaucoup à celui de M. Bunsen; 
c’est un tube long de 60 centimètres ayant 2 centimètres de largeur, divisé 
en centimètres cubes et cinquièmes, présentant deux fils de platine qui 
sont distants de 2 millimètres à l'intérieur et qui se terminent en dehors 
par deux boutons de platine sur lesquels appuient des ressorts métal- 


808 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


liques unis par des fils aux bornes d’une petite bobine d’induction. J'ai 
trouvé avantageux de fermer l’eudiomètre par un bouchon de caoutchouc 
et un robinet de laiton à calibre presque capillaire ; lorsqu'on a introduit 
les gaz dans l’eudiomètre, il reste de l’eau que l’on absorbe, à l'exception 
d'un seul centimètre cube, en se servant d'une trompe hydraulique ou 
d’une pompe à mercure, puis on ferme le robinet, on place l'instrument 
dans un support spécial qui le maintient et on fait passer l’étincelle élec- 
trique ; s’il y a détonation et réduction ou vide partiel, il n’y a plus de 
dégagement des gaz de l’eau et si l’on ouvre légèrement le robinet on fait 
rentrer ce liquide; on mesure le volume restant après immersion dans la 
cuve à eau. 

En opérant ainsi, on obtient des résultats tout aussi exacts sur l’eau 
que sur le mercure. 

Lorsque le gaz introduit dans l’eudiomètre ne détone pas, on l’addi- 
tionne de gaz de la pile préparé avec l’appareil de Bunsen. 

L'eudiomètre et le grisoumètre de Coquillon donnent des résultats qui 
se contrôlent, mais il est évident que la sensibilité du grisoumètre est plus 
grande que celle de l’eudiomètre quand il s’agit de mélanges gazeux 
contenant de très petites quantités de formène, par exemple des propor- 
tions comprises entre 1/200° et 1/2000°. 


ACTION PHYSIOLOGIQUE DES TRÈS BASSES TEMPÉRATURES, 


par M. D'ARSONVAL. 


Dans le courant de 1890, j'ai entrepris l’étude de l’action des très basses 
températures sur les fermentations. J'ai employé la levure de bière et 
étudié l’action du froid plus spécialement sur le ferment inversif. Je me 
suis servi d'abord, comme source frigorifique, de l'appareil Carré à ammo- 
niaque. Il est facile, avec cet instrument, de maintenir pendant plus de 
vingt-quatre heures une température de — 42 degrés au-dessous de zéro, 
en employant le dispositif très simple que j'ai fait connaître à la Société 
en 1881. À ces températures, je .n'ai rien observé de particulier. Le fer- 
ment inversif et l'élément figuré sont également respectés. Notre collègue 
Dastre a signalé le même fait pour une température de — 50 degrés et a 
cru reconnaître une exaltation des propriétés du ferment soluble. — Il 
en a été tout autrement quand j'ai expérimenté au voisinage de 100 degrés 
au-dessous de zéro, en évaporant dans le vide le mélange de Thilorier 
(neige d'acide carbonique dans l’éther sulfurique). Le ferment inversif 
était en solution dans la glycérine. Soumis pendant trois quarts d'heure 
environ à — 95 degrés, je n’ai pu obtenir le dédoublement du sucre de 


SÉANCE DU 22 OCTOBRE 809 


canne. Quant au ferment figuré, il a provoqué encore la fermentation 
alcoolique après l’action de cette basse température. 

La difficulté de maintenir longtemps des températures au-dessous de 
— 100 degrés m'avait fait ajourner ces recherches, lorsque j'ai eu la 
bonne fortune de recevoir la visite de mon ami Raoul Pictet, le savant 
physicien de Genève. A l’aide de ses ingénieux appareils, M. Pictet obtient 
industriellement des froids de 200 degrés au-dessous de zéro pendant un 
temps quelconque, Il a bien voulu se mettre à ma disposition pour con- 
tinuer cette étude et placer dans ses appareils les tubes scellés que je 
voulais lui envoyer. Il m’a dit être arrivé, de son côté, à des résultats 
confirmant le fait que je viens d'avancer, à savoir que les très basses 


températures tuent les ferments solubles en respectant les ferments figurés. 


C'est ce que nous saurons bientôt avec détails. Pictet m'a également fait 
connaître un nouveau procédé de synthèse et d'analyse chimique par les 
basses températures, qui constitue une méthode nouvelle extrêmement 
féconde et précieuse pour les recherches biologiques. À 150 degrés au- 
dessous de zéro, l’affinité chimique n'existe plus. On suspend toutes les 
réactions, et en faisant intervenir une énergie étrangère qu’on dose (élec- 
tricité), on règle à sa volonté les combinaisons. De plus, en graduant la 
tempéralure convenablement, on sépare les uns des autres les différents 
principes immédiats par cristallisation ou congélation. Je me propose, 
avec M. Brown-Séquard, d'utiliser cette méthode précieuse pour faire 
l'analyse des extraits organiques et en retirer les principes actifs. 


LÈPRE ATTÉNUÉE CHEZ LES CAGOTS DES PYRÉNÉES, 


par M. LaJarD (d'Avignon). 


J'ai l'honneur de présenter aujourd’hui un résumé succinct d’une partie 
des matériaux qui m'ont permis de réunir à l’histoire de la lèpre les 
lésions des cagots des Pyrénées. Voiciles quatorze familles dont j'ai parlé, 
groupées selon l'usage approximatif de l'importance des lésions. C'est 
d’abord le cas de maladie de Morvan, ensuite, une famille de Salies, où 
j'ai trouvé un cas de lèpre, neuf familles de cagots de Salies également 
où les altérations se transmettent héréditairement, dans chacune de ces 
familles il y a plusieurs sujets atteints, deux familles de cagots de Lescun 
qui ne présentent que des symptômes extrêmement affaiblis, enfin une 
famille de Salies offre des troubles de la dentition, non cagote, mais 
qui par ses alliances avec des cagots a propagé ses stigmates chez eux. 

Soit en tout une cinquantaine de sujets. 


31. 


810 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


En voici le détail : 


1° Catherine la manchotte, fille, cinquante-trois ans. Maladie de Morvan, 
habite une maison entre Sauveterre et Andrein, près de Salies, mendiante. 
Elle porte la griffe des lépreux à droite, les doigts rapprochés et repliés dans 
la main, atrophie des interosseux. Au pouce une cicatrice montre les traces 
de la lésion du début, c'est un panaris indolore et de longue durée (six mois) 
qui a amené lentément la nécrose d’une partie de la phalange. Atrophie 
légère des membres supérieurs et inférieurs droits, plaque anesthésique cou- 
yrant la face dorsale de la main et une partie de l’avant-bras. Sensibilité au 
contact. Il existe cicatrice d’une ulcération ancienne au niveau de l’articu- 
lation métacarpo-phalangienne et une autre dans la région cervicale. La 
maladie évolue très lentement, la manchotte se croit guérie depuis huit ou 
dix ans. : 

20 Louise G. L..., quarante et un ans, à Salies, lèpre. Mutilation ancienne, 
des doigts de la main droite, un panaris indolore et lent a nécrosé et amené 
l'élimination de la phalangette de l'index ; un autre a partiellement détruit la 
phalangette du médius. L’ongle de l’index excessivement petit, celui du 
médius recourbé en forme de cuillère sur la cicatrice. Elle ignore, comme la 
précédente, la nature de son affection, et se croil guérie depuis longtemps. 

Émotive. Cette femme porte un nom cagot, quoique je n’aie pu la ratta- 
cher encore à ces familles d’une manière sûre. 


€ 


Ces deux cas sont bien caractérisés et ne laissent aucun doute sur la 
nature de la maladie et sa présence à Salies. Ils éclairent la nature des 
lésions qu'on trouve dans les familles qui suivent et qui sont à peu près 
toutes cagotes. 


Famille B... Teint blafard, 2 cas, alopécie congénitale, id. hypertrophie 
héréditaire des ongles chez 14 personnes dont j'ai pu observer quatre. 

Famille BB... à Salies et à Castagnède, hypertrophie unguéale héréditaire 
existe chez 3 sujets observés, sur 5, d’après les renseignements. Sur 6 enfants 
de Marie BB... 3 sont atteints. Teint blafard. 

Famille L... Alopécie et hypertrophie des ongles (2 cas), hypertrophie des 
ongles seule (2 cas) dont 1 observé. 

Famille C..., à Salies. Teint blafard. Alopécie fréquente dans la famille, 
hypertrophie héréditaire des ongles. Plusieurs sujets portent perruque. 2 cas 
observés sur 6 signalés, Enfants sains et malades des mêmes parents. 

Famille CC... 3 cas observés. Absence de poils au pubis, fréquente hyper- 
trophie unguéale, mains et pieds, croissance de l’ongle arrêtée, avec douleur 
au contact du froid, légers reflets vineux du derme des doigts, extrémités 
arrondies en boudin. D’après les renseignements, le nombre des sujets atteints 
s'élève à 6. 

Famille M... Panaris, { cas, coïncidant avec l’hypertrophie unguéale, mains 
et pieds, # cas signalés, 4 cas observé, très intéressant à cause d’une lésion 
semblable au panaris ayant siégé au médius avec l'aspect de la cicatrice d'un 
panaris ordinaire, l’ongle recourbé et le doigt. M... a eu deux sœurs, dont 
l’une était alteinte et l'autre non. 


SÉANCE DU 22 OCTOBRE 811 


Famille LLL... à Charre, bâtards de Salisiens. Hypertrophie unguéale. 1 cas 
observé. 

Famille »… à Charrite (hypertrophie unguéale). 

X... à Lescun, 1 cas d'hypertrophie aux ongles des pieds seulement, à sur- 
face inégale striée transversalement. 

XX... à Lescun. Le dernier terme de l’atténuation des symptômes, chez 
une femme âgée, l’ongle du pouce étant seul intéressé, à surface lisse (dia- 
gnostic réservé). 

Famille LL... Troubles dentaires seuls ou à peu près. 


La famille à plusieurs membres dans ce cas, je l'ai notée pour expli- 
quer chez des cagots à ongles hypertrophiés l'absence de plusieurs dents, 
signalée dans la précédente communication que j'ai faite à la Société. 
Elle est due très probablement à des alliances avec les membres appa- 
rentés à cette famille LL..., et je crois pouvoir l’affirmer, ayant retrouvé 
le nom de la femme qui, par son mariage a introduit le stigmate chez les 
cagots. Il ne s’agit donc pas d'une affection intéressant l’ensemble des 
productions épidermiques. 

L’assimilation des lésions des cagots à la lèpre est prouvée encore 
par les nombreux arguments qui suivent et qui montrent qu'il ne s’agit 
pas ici de malformations congénitales ayant un caractère ethnique, mais 
d'un caractère pathologique se rapportant à la lèpre. 

L'alopécie est héréditaire mais elle est moins fréquente que l’hyper- 
trophie unguéale qui l'accompagne toujours. L’alopécie paraît ne se 
produire ordinairement que de ua mois à un an après la naissance, elle 
précède l’hypertrophie unguéale. 

L'hypertrophie unguéale est héréditaire, je l'ai suivie comme à travers 
cinq générations, dans la famille B..…. 

Îl n’y a pas de cas d’atavisme. Parmi les enfants d’une personne portant 
les altérations unguéales mariée avec une autre saine, il se trouve des 
enfants sains et d’autres qui reproduisent les altérations. Or, tous les 
descendants des enfants sains sont indemnes. Il n’y a pas de retour à la 
forme ancestrale, ce qui prouve qu'il s’agil bien d'altérations patholo- 
giques. S'il s'agissait d’une race, on trouverait, comme toujours parmi 
les descendants, des cas d’atavisme. 

Les ongles sont épaissis, incurvés suivant leur diamètre transverse, 
le doigt déborde largement sur les parties latérales et à l'extrémité. Dans 
la rainure de l’ongle, outre la saleté on observe souvent de minces pro- 
ductions cornées qui paraissent se détacher de la profondeur. 

L'hypertrophie unguéale n’est pas congénitale. Les enfants ne com- 
mencent à voir apparaître des lésions aux ongles que six mois ou un an 
souvent après la naissance. 

Cette altération, qui est la plus fréquente, s’accentue avec l’âge, par 
l'épaisseur de l’ongle. Elle suit une marche graduelle et lente. 

Cela ne se produisait-il pas dans le cas de dispositions tératologiques ? . 


812 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Elle se rencontre suivant les sujets à divers degrés de développement, 
les ongles des mains sont attaqués d'abord, puis ceux des orteils. J’ai des 
observations à l'appui, nombreuses. 

Souvent on la trouve à un ou deux doigts des pieds seulement, les 
autres ne sont pas encore atteints. 

Elle accompagne toujours les autres symptômes. 

Elle s’accompagne de douleur à la pulpe sous-unguéale. Elle est causée 
par la sensation du froid, empêche de se laver à l’eau froide et peut 
interdire certains métiers. 

La croissance de l’ongle est diminuée, puis quelquefois arrêtée com- 
plètement. 

Les extrémités des doigts sont souvent légèrement altérées dans la 
forme de leur contour et de leur couleur. Reflets vineux et jaunâtres. 

Celte couleur vineuse résulte de la combinaison de la teinte générale 
de la peau du corps qui est jaunâtre avec le rouge produit par l’inflam- 
mation du derme péri-unguéal. 

Il est perçu une odeur mauvaise signalée par les auteurs du moyen 
âge dans certains cas au niveau de la cavité béante entre l’ongle et le 
derme. Ce caractère est lié aux accidents suivants. 

Des cas nombreux d’inflammation, accompagnés de suppuration, s'ob- 
servent souvent sous la lame de l’ongle à l'extrémité des doigts. Elles sont 
appelées « mal blanc ». Ils se produisent, disent-ils, dès qu'ils se livrent 
à un travail manuel un peu forcé. Cette suppuration apparaît, sans aucun 
doute, spontanément aussi. Ces abrès s'ouvrent à des intervalles et se 
guérissent lentement. 

Un autre symptôme de la lèpre, le teint blafard, est ici presque général. 
Il s’observe avec netteté chez trois cagots, F..., Louise B... et son frère, 
ainsi que chez H..., la mère des deux derniers. Chez les enfants et les 
adolescents, comme ceux-ci, il est d’un blanc laiteux; chez les autres, 
c’est une teinte jaune légère, donnant l’idée de la race mongolique. 

Nous distinguons aujourd’hui cette couleur même quand la coloration 
des joues n’est pas marquée. 

D'après les vieux auteurs, ce teint est caractéristique des ladres blancs 
du moyen âge. Guy de Chauliac dit à propos de ces gens, au xiv° siècle, 
« qu'ils ont une certaine couleur vilaine qui saute aux yeux, la morphée, 
ou teinte blafarde de la peau ». 

Les lésions des cagots sont bénignes, ils vivent longtemps. GC... a 
soixante-quatorze ans. Ceci dit en ne comprenant pas les cas de lèpre 
mutilante et anesthésique signalés plus haut. Les autres maladies qui les 
atteignent ne paraissent pas aggraver leur état. 


Les lésions des cagots sont donc bien des lésions lépreuses; elles se 
présentent chez eux à divers degrés d'atténuation : à savoir l’hyper- 
itrophie unguéale seule ou accompagnée de teinte blafarde et d’alopécie; 


SÉANCE DU 22 OCTOBRE 813 


les panaris sous-unguéaux sont légers, intermittents, très bénins, indo- 
lores, sauf une vive sensibilité au froid et de longue durée. 

Il existerait donc une forme de lèpre très atténuée, très bénigne, très 
homcegène dans ses manifestations, héréditaire, évoluant très lentement 
et à pronostic bénin. Elle ne compromet en rien l'existence. Il est pro- 
bable qu’en raison de l’atténuation de son bacille elle est très peu conta- 
gieuse. Elle prend place bien après la maladie de Morvan dans les formes 
atténuées de la lèpre. 

Elle était comme au moyen âge, c'était celle iles ladres blancs, et il 
convient de lui conserver son nom de lèpre cagote, ou de lèpre des ladres 
blancs. 


À PROPOS DES CAGOTS DES PYRÉNÉES, 


par M. Maciror. 


M. Lajard vient de faire à la Société de Biologie une seconde commu- 
nication sur les cagots des Pyrénées, ou plus exactement sur les lésions 
particulières portant sur les ongles, l'épiderme, le système pileux et 
quelques autres points du corps chez une catégorie assez nombreuse 
d'individus originaires et habitants d’une région limitée du pays de 
Béarn, le canton de Salies. 

Si j'ai bien compris M. Lajard, sa préoccupation consiste à établir sur 
ce point une priorité à son égard. Je tiens donc à rétablir dans leur ordre 
chronologique les faits relatifs à cette question : 

C'est au Congrès de Pau, dans la section d'anthropologie, que j'avais 
l'honneur de présider, et dans la séance du 17 septembre dernier, que 
M. le professeur Bouchard (de Bordeaux) souleva la question des cagots, 
auxquels il ne reconnaît d’ailleurs d'autre signe physique de distinction 
que l’absence de lobule auriculaire, thèse déjà soutenue en 1842 par un 
médecin militaire, le D' Guyon. 

Aussitôt sa communication terminée, je demandai à la section de lui 
présenter des documents, des moulages et des dessins représentant les dis- 
positions des ongles, de l’épiderme, des cheveux, etc., telles qu’elles ont 
été décrites depuis par M. Lajard chez des individus désignés dans la région 
sous le nom de cagots. M. Cartailhac, le D' Pommier et M. Lajard lui-même 
qui avaient observé, eux aussi, les mêmes individus dans le même pays, 
appuyèrent mes remarques, qui avaient pour but d'établir qu'il existe 
parfois en réalité des caractères distinctifs de cagots, caractères d'ordre 
physique, tératologique ou pathologique dont il restait à déterminer la 
véritable nature et qui, en raison des preuves historiques, des traditions 
locales, étymologiques, philologiques, etc., devaient être rapportées à la 
lépre. 


814 SOCIÉTÉ DÆ BIOLOGIE 


- Maintenant, si M. Lajard réclame la priorité de la description des 
lésions spéciales aux cagots de Salies-de-Béarn, je le renvoie au procës- 
verbal de la séance du 417 septembre du Congrès de Pau et mieux encore 
au texte d’un livre que M. Lajard a oublié dé consulter ou de citer: 
de Rochas : Les parias de France et d'Espagne (Paris, 1876), lequel livre 
renferme en entier la même description. 

Si la revendication de M. Lajard porte sur l'interprétation lépreuse des 
lésions observées, je ferai remarquer que, de son aveu même, cette idée 
ne peut être avancée qu'à titre d’'hypothèse et qu’il convient d'attendre 
une nouvelle enquête. J'ajouterai qu’en tout cas, cette hypothèse devrait 
être entièrement attribuée à M. Zambaco, auquel j'ai communiqué, il y à 
plusieurs semaines, les pièces et moulages en question, et dont nous 
connaissons tous les belles recherches sur les exemples de survivance 
de la lèpre en France. 


M. LayarD, se référant à ce qui vient d’être dit, répond qu'il a le pre- 
mier parlé, au Congrès de Pau, des lésions unguéales et de l’alopécie des 
cagots pour les avoir observées sur deux sujets; que cela n'ôte rien au 
mérite de son prédécesseur M. Zambaco, dont M. Magitot ignorait l’intui- 
tion géniale puisqu'il a affirmé que ces altérations élaient tératologiques, 
nôn pathologiques, 

Il a dit, avant M. Magitot, que ces lésions: devaient étre rapportées 
à la lèpre atténuée (Société de Biologie et Pli adressé à l’Académie de 
médecine). 


EXPÉRIENCES SUR L’'HIBERNATION DES MAMMIFÈRES, par M. F. MaRës (de 
Prague). (Voir Mémoires du présent volume, p. 313.) 


Le Gérant : G. MAssoN. 


Paris. — Imprimerie de la Cour d'appel. L. Marermeux, directeur, 4, rue Cassettes 


12 af ui 


" 


SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1892 


MM. BrowN-SéQuARD et D'ARSONVAL : Remarques sur l'emploi du liquide testiculaire 
par plus de douze cents médecins et en particulier sur l'influence favorable 
exercée par ce liquide dans vingt et un cas de cancer et dans quelques autres 
affections. — MM. CHarRiN et GLey : De l’hérédité. — M. le Dr E. Onrmus : Effets 
généraux des injections des liquides organiques.— M. le Dr A. Héxocque : Analyse du 
sang dans les tissus vivants, hématospectroscope à verres colorés bleu et jaunes 
produisant la condensation, l’atfénuation et l'extinction du spectre du sang à la 
surface des téguments, Analyseur chromatique. — M. Rocer : Recherches bacté- 
riologiques sur un cas de septicémie. — MM. les Drs A. Prccrer et CATHELINEAU : 
Recherches expérimentales sur les lésions déterminées par le bichlorure de mer- 
cure. — M. N. Kerscer (de Saint-Pétershourg) : De l’immunité contre le choléra 
conférée par le lait. — M. E. GrImaAux : Sur quelques sels doubles de quinine. — 
M. J.-V. LABoRDE : Sur l’action physiologique du chlorhydro-sulfate de quinine. — 
M. E.-L. Bouvier : Sur un échouement d'Hyperoodon à l’entrée de la baïe de 
Carentan. 


Présidence de M. Chauveau. 


CORRESPONDANCE IMPRIMÉE. 


M. LABORDE présente un travail de M. L. Azouray sur les attitudes du 
corps, comme méthode d'examen, de diagnostic et de pronostic dans les 
maladies du cœur. 


REMARQUES SUR L'EMPLOI DU LIQUIDE TESTICULAIRE PAR PLUS DE DOUZE CENTS 
MÉDECINS ET EN PARTICULIER SUR L'INFLUENCE FAVORABLE EXERCÉE PAR 
CE LIQUIDE DANS VINGT ET UN CAS DE CANCER ET DANS QUELQUES AUTRES 
AFFECTIONS, 

par MM. Browx-SÉQUARD et D’ARSONVAT. 


La Société sait qu'en juin dernier, nous avons décidé de fournir gratui- 
tement des extraits liquides des testicules et de nombre d’autres organes 
à tous les médecins qui nous en demanderaient. Le 5 septembre nous 
avons été obligés, à cause du nombre toujours croissant de demandes 
d'envoi du liquide testiculaire, de ne plus en donner qu'aux médecins qui 
en avaient déjà recu et à ceux qui en désiraient pour le traitement du 
cancer ou de l’ataxie locomotrice. 

À l'heure actuelle nous servons tous les dix, douze ou quinze jours, 
plus de douze cents médecins. Nous ne pouvons pas nous tromper en 


RioLOGtE. COMPTES RENDUS. — 9C SÉRIE, T. IV. 32 


À 


YA 
RCE 


816 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


disant qu'il y a eu, depuis trois ans, plus de 100,000 injections faites 
avec les divers liquides organiques sortis de notre laboratoire. L’innocuité 
des injections de ces liquides est surabondamment démontrée par le fait 
qu'aucun accident sérieux ne nous à été rapporté. Cela fait assurément 
l'éloge des médecins qui ont fait ces injections et montre qu'ils ont pris 
les précautions antiseptiques que nos circulaires leur ont si particulière- 
ment recommandé de ne pas négliger. Mais nous croyons devoir dire que 
sans le mode de filtration que nous employons il y aurait certainement 
eu des accidents très sérieux, sinon des morts et, à ce propos, nous devons 
répéter ici que les médecins qui font des injections de liquides organi- 
ques filtrés sur du papier, font courir à leurs malades les plus grands 
risques. 

Des douleurs vives et durables (pour un ou deux jours) ont existé, 
mais sans inflammations locales, chez deux ou trois malades. Il n’y a eu 
là que des effets liés à une idiosynerasie morbide. 

En Russie, d’après nombre de médecins, le suc testiculaire de lapin, 
surtout pendant l'hiver, donne de la fièvre. Il n’en est pas ainsi dans cet 
empire pour le suc testiculaire provenant du cobaye, du bélier, du taureau 
ou du coq. En France, autant que nous le sachions, aucun sue testiculaire 
ne donne de la fièvre, pas plus celui qui est fourni par le lapin que celui 
qu'on retire d’un nombre assez grand déjà d’autres animaux. Cependant 
chez deux médecins qui ont recu des injections de liquide testiculaire de 
cobaye et qui souffraient tous deux d’une obscure affection de la moelle 
épinière, l’un de nous a constaté qu'une fièvre assez intense (de 38°,5 à 
39 degrés) a été produite pour un ou deux jours, par chaque injection (1). 
Aucun autre trouble n’accompagnait ces accès de fièvre, qui, chez l'un 
de ces malades, ont cessé de se montrer dès que l’on eut suspendu les 
injections. Chez l’autre malade, qui avait déjà eu de légers accès fébriles 
avant les injections, il y en a encore eu après qu'on eut cessé d'en faire. 
Ces faits sont d’autant plus remarquables que, comme l’un de nous l’a 
fait savoir depuis longtemps, les fièvres paludéennes, comme les fièvres 
symptomatiques d’affections pulmonaires, peuvent disparaître sous l'in- 
fluence du liquide testiculaire. 

Ces accidents peu sérieux sont, nous le répétons, les seuls qui nous 
aient été signalés. 

Tant de maladies ont été soumises au traitement par les injections de 
liquide testiculaire, que nous ne pouvons dans cette note parler que de 
quelques-unes d’entre elles. 


(4) Chez l’un de ces malades, l’injection faite sur l’un des côtés du ventre 
causait de la fièvre et sur l’autre pas. Ce dernier côté était presque complète- 
ment anesthésié, d'où nous pouvons conclure que cette fièvre était un effet 
d'irritation réflexe des nerfs sensitifs de l'endroit où l'injection était faite. 
C'était ainsi une fièvre réflexe. 


SÉANCE DU 29 OCTOBRE 811 


Notre surprise a été grande à l'égard des effets produits par le liquide 
testiculaire employé chez des cancéreux. En comptant lrois cas observés 
par le D' Gibert, du Havre, et le D' Filleau, de Paris, nous connaissons 
vingt et un cas de cancer traités par ce liquide. Sur ce nombre, à part un 
seul cas, il n’y en a pas qui n’ait retiré un bénéfice réel de ce liquide. Il y 
a eu une augmentation de force, le plus souvent très considérable: une 
disparition complète (dans plusieurs cas) d’un œdème plus ou moins no- 
table, des membres inférieurs, causé par une pression sur la veine-cave: 
la cessation ou une grande diminution de suppuralion ou d'hémorragies: 
la cicatrisation d'ulcères {comme dans la lèpre, sous l'influence du même 
liquide); la disparition des douleurs et même, d’après le dire de deux 
médecins, une diminution du volume de la tumeur. 

Nous croyons qu'il est absolument impossible, en présence de ces faits, 
de nier que le liquide testiculaire possède une influence favorable extrè- 
mement marquée contre plusieurs au moins des effets du cancer. 

Que deviendront les malades qui se sont si notablement améliorés? 
Nous n'avons pas l'espérance que des tumeurs malignes comme celles qui 
existent chez eux disparaîtront ou même (si vraiment elles ont, comme 
on l’affirme, diminué de volume) qu'elles continueront à décroître. Nous 
craignons, tout au contraire, qu'après un moment de retard dans leur 
croissance, l’augmentation progressive de leurs dimensions, qui est 
d'après tout ce que nous savons, la règle inévitable, ne se montre de nou- 
veau. 

Parmi les autres maladies dont nous voulons dire quelques mots aujour- 
d’'hui, il en est une qui, à notre grand étonnement, s'est améliorée au 
point d'avoir presque disparu dans deux cas sur cinq: c’est la paralysie 
agitante. Notre impression était tellement forte que l’on perdrait du temps 
en faisant des injections de liquide testiculaire que nous avons été sur le 
point de refuser d'en donner aux médecins qui nous en ont demandé 
pour des cas de maladie de Parkinson. Heureusement, nous avons con- 
senti à en fournir. 

Les premiers cas traités ont montré, comme toujours, une augmenta- 
tion de force, mais sans changement dans le tremblement. Depuis lors et 
successivement deux malades, gravement atteints, se sont rapidement 
améliorés et après cinq ou six semaines n'ont plus guère eu de tremble- 
ment et ont montré aussi une disparition d’autres symptômes de cette ma- 
ladie (1). 

L'un de nous à déjà parlé ici depuis longtemps de cas de diabète guéris 


(1) Dans une discussion à la Société médicale des hôpitaux (14 octobre 1892), 
M. Chantemesse dit, à propos d’injections de liquide testiculaire, qu’elles ont 
diminué sensiblement la raideur musculaire dans quelques cas de paralysie 
agitante dans lesquels il les a employées. Il ajoute que l’amélioration a été 
assez lente à se produire. (Voy. Bulletin médical, 1892, p. 1305.) 


813 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


par le liquide testiculaire et en particulier de celui d'un malade venu de 
Calcutta pour le consulter. Cet Indien, qui était diabétique et excessive- 
ment faible depuis sept ans, a été guéri à Londres par des injections de 
liquide testiculaire, faites par le D' Waterhouse. Nous en connaissons au 
moins deux autres cas, depuis lors. Une très grande amélioration a aussi 
été obtenue dans un cas de polyurie. 

Parmi les affections qui ont fourni un très vaste champ d’étude aux 
médecins qui ont reçu de nous duliquide testiculaire, se trouve en première 
ligne la tuberculose pulmonaire. Le nombre de cas soumis à ce traitement 
est très considérable. Nous en parlerons dans une communication spé- 
ciale et nous nous bornons aujourd’hui à dire que, de même que dans 
les cas traités en 1890-1891 par MM. Cornil, Hénocque, Dumontpallier, 
Variot, à Paris et par M. Lemoinne, à Lille, il y a eu une amélioration 
très rapide et très grande chez presque tous les malades. La toux, la 
fièvre, les sueurs nocturnes, les crachats purulents, les troubles gas- 
triques et intestinaux ont cessé de se montrer. Les forces, l'appétit, le 
sommeil sont revenus et dans un certain nombre de cas, les signes, à la 
pereussion et à l’auscultation, se sont amendés. 

Mais de toutesles maladies traitées par le liquide lesticulaire aucune n’a 
donné autant de résultals précieux que les diverses scléroses de la moelle 
épinière et en particulier de celle qui produit l’ataxie locomotrice. Nous 
en ferons l’objet d’une prochaine communication. 


DE L'HÉRÉDITÉ 
? 


par MM. Cnarin et GLEY. 


A diverses reprises, depuis plus de deux ans, nous avons signalé les 
résultats que l’on observe, lorsque des lapins naissent de couples vaccinés 
contre le bacille pyocyanique ou contaminés, à des degrés variables, par 
ce bacille ou ses produits solubles. C'est ainsi que nous avons indiqué 
l'avortement, la mort dans l’utérus ou dès les premiers jours, mort sou- 
vent causée par de l’entérite au moins en partie; nous avons, en outre, 
montré que de pareils rejetons pouvaient vivre, tout en se développant 
incomplètement. 

Ces expériences poursuivies sur de nombreux animaux, installés à la 
campagne, dans d'excellentes condilions, ont fourni une série de faits, 
dont nous ne voulons retenir que les principaux; beaucoup sont d’ailleurs 
négatifs. 

Les 22, 28 avril et 6 mai 1892, on vaccine à l’aide du virus figuré 
atténué, six sujets, trois mâles, trois femelles. Deux de ces paires pro- 
créent, l’une le 5, l’autre le 43 juillet de cette année. Le 23 septembre, 
cinq de ces petits survivent et sont en parfaite santé. On leur injecte dans 


APT 17- 


SÉANCE DU 29 OCTOBRE 819 


les veines, ainsi qu’à deux témoins, 1 demi-centimètre cube d’une culture 
active. Le premier témoin succombe le 26 septembre; le second, le 28. 
Un de ces cinq rejetons de générateurs réfractaires, à immunité vérifiée, 
meurt le 28, un autre le 30 de ce même mois de septembre 4892; un 
troisième le 12 octobre. Les deux derniers survivent. 

On est donc en droit de conclure que si, dans de semblables conditions, 
on peut constater l'avortement, la mort avant terme, des lésions spé- 
ciales, celles de l'intestin en particulier, un développement imparfait, 
une sorte d'atrophie, toutes choses que nous avons élablies avec pièces 
à l'appui, il est également possible de voir les produits vivre, croitre 
normalement. On reconnait alors que, parmi ces derniers, quelques-uns 
seulement ont acquis une résistance en général fort incomplète vis-à-vis 
du virus recu par les parents. 

Il n'est pas permis de formuler une règle absolue, de prévoir telle ou 
telle éventualité. Plus on multiplie les recherches, plus on note de 
variélés dans les résultats, variétés qui toutefois ne dépassent pas cer- 
taines limites. C’est en somme ce qui se passe en pathologie humaine, 
dans la syphilis par exemple. 

Dans deux cas nous avons mis en évidence l’augmentation de cette force 
de résistance chez deux lapins issus de parents immunisés à l’aide des 
toxines; nous avons déjà indiqué cette possibilité. 

Ces rejetons étaient peut-être plus développés que ceux des animaux 
qui avaient eu le virus figuré. — Quoi qu'il en soit, cette expérience 
apporte une justification à la manière de voir de M. CÜhauveau à propos 
de l'hérédité dans le charbon. De plus, ici, la cellule des rejetons n’a pu 
s’'éduquer à la lutte, puisqu'elle n’a pas eu en face d'elle de microbes. 
Néanmoins, elle possède la propriété de diapédèse facile au point inoculé, 
propriété qui, avec les humeurs bactéricides ou anlitoxiques, est une des 
caractéristiques des économies rendues réfractaires ; il s’agit bien là d’une 
aptitude cellulaire venue par voie d'hérédité. 

Nous n'insistons pas, du reste, sur le mécanisme de cette hérédité; ce 
mécanisme mérite une étude spéciale, car il existe des causes d'erreurs, 
en particulier celles qui dérivent de la lactation. 

Nous avons également placé en observation des couples dont la mère, 
uniquement, a subi la vaccination, et d’autres qui n’ont d'immunisé que 
le mâle. — A l'heure présente, les premiers ne nous ont donné aucun 
produit. Les seconds en ont fourni trois (1); aucun de ces trois n’était 
réfractaire. Inoculés le 23 septembre 1899, ils sont morts le 27, le 28, le 
30 du même mois, et les témoins, le 26 et le 28. Étant admise la diver- 
sité des constatations, quand les deux générateurs sont résistants, nous 
dirons simplement que les petits peuvent ne pas être vaccinés, lorsque, 
seul, le père l’a été. 


1) La portée était de cinq; deux n’ont pas survécu. 
{; 


820 SOCIËTÉ DE BIOLOGIE 


EFFETS GÉNÉRAUX DES INJECTIONS DES LIQUIDES ORGANIQUES, 


par M. le D' E. Onmus. 


Depuis plus de deux aus nous avons, d’après la découverte de M.Brown- 
Séquard, employé les injections de liquides organiques, et nous croyons 
pouvoir ajouter quelques indications à cette nouvelle méthode thérapeu- 
lique. c 

Dans les premiers mois, nous étions persuadé qu'il fallait surtout 
employer le liquide sain des organes lésés, c’est-à-dire dans les affections 
musculaires, lesuc musculaire, pourles affections nerveuses, le suc nerveux, 
et les extraits glandulaires dans les cas où ces glandes étaient atrophiées. 
L'expérience nous donnait raison; car dans diverses affections réputées 
incurables, nous avons incontestablement obtenu des améliorations inat- 
tendues. | 

Dans l'atrophie musculaire progressive, dans les formes graves de 
l’ataxie, dans la parésie cardiaque, dans les cachexies cancéreuses ou 
tuberculeuses, ete., nous avons pendant quelque temps assisté à une amé- 
lioration réelle, mais malheureusement quelquefois peu durable. 

Après avoir suivi les procédés de MM. Brown-Séquard et d'Arsonval, 
c’est-à-dire en mélangeant les substances organiques, avec de la glycérine, 
nous nous sommes demandé s’il ne serait pas préférable de n'employer 
que de l’eau préalablement bouillie et de préparer chaque fois Les extraits 
organiques. A cet effet, nous allions à l’abattoir ou bien nous sacrifiions à 
domicile, un animal, lapin, poulet, cochon d'Inde et après avoir trituré 
rapidement le tissu encore frais, et fait filtrer, nous injections le liquide 
ainsi obtenu. 

Ce procédé a l'inconvénient de nécessiter cette opération chaque fois 
qu’on fait une injection, car il ne peut être question de conserver Le liquide, 
tandis qu'avec la glycérine, les substances se conservent plusieurs 
semaines. Mais par contre, l'injection est moins douloureuse, et nous 
croyons qu'elle est plus efficace. 

Il faut se rappeler que les liquides d'extraits organiques, ne doivent 
leur action qu'à leur vitalité, que la plus légère substance antiseptique 
leur enlève leurs propriétés, et que, par conséquent, plus ces liquides sont 
frais et purs, plus ils sont actifs. 

D'un autre côté, en procédant ainsi, nous n'avons jamais déterminé le 
moindre abcès, et de plus, ce qui est un grand avantage, on peut partout 
et en tout temps obtenir le liquide dont on a besoin. 

Il est difficile de comparer exactement l'action des liquides préparés 
par les deux méthodes, ear il n'est pas possible d'avoir en ceci des appré- 
cialions mathématiques; mais s’il y a une différence, elle serait plutôt en 
faveur des injections non glycérinées. 


SÉANCE DU 29 OCTOBRE 821 


Dans tous les cas, avec les deux méthodes, il y a une stimulation éner- 
gique de l'organisme chez presque tous les malades. Nous signalerons 
tout spécialement les résultats obtenus chez ceux atteints de cachexie 
paludéenne, et qui comparent les effets déterminés par ces injections à 
ceux qu'ils éprouvaient après avoir fait usage de sulfate de quinine. 

Nous avons dans ces cas obtenu, à peu de chose près, les mêmes effets 
avec les liquides organiques suivants: suc testiculaire, macération du 
bulbe, du tissu musculaire, Iymphe du sang, etc. 

Cependant, avec le liquide testiculaire, l’action était peut-être un peu 
plus énergique. 

Ces faits démontrent, il nous semble, que l’idée d'employer uniquement 
le liquide de l’organe lésé peut être modifiée, et que ces injections agissent 
surtout sur l’état général. 

Les injections de sang de chèvre ou de lymphe, les transfusions de 
sang, etc., qui dans bien des cas donnent d’excellents résultats, peuvent 
rentrer dans cette même méthode thérapeutique. Les succès comme les 
insuccès s'expliquent ainsi facilement et plus logiquement. 

En résumé, les faits que nous avons observés, nous font admettre que 
les liquides organiques injectés agissent comme stimulant général, qu'ils 
ont une action plus rapide et plus énergique que les médicaments slimu- 
lants végétaux ou minéraux, ce qui est dû sans doute à une absorption 
plus intime et plus complète des éléments mêmes des organes. D'un autre 
côté, il nous semble que la théorie des microzymas trouve, dans ces faits. 
la meilleure de ses applications. 


ANALYSE DU SANG DANS LES TISSUS VIVANTS ; HÉMATOSPECTROSCOPE A VERRES 
COLORÉS BLEU ET JAUNES PRODUISANT LA CONDENSATION, L'ATTÉNUATION ET 
L’EXTINOTION DU SPECTRE DU SANG A LA SURFACE DES TÉGUMENTS, 


Analyseur chromatique, 


-par M. le D' A. HÉNOCQUE. 


I. — Lorsqu'on examine avec le. spectroscope la surface cutanée, la 
paume de la main ou l’ongle du pouce, on voit la première bande carac- 
téristique de l’oxyhémoglobine et même on perçoit la seconde bande. 
Ayant souvent constaté que ceux qui débutent dans les études DIEU 
copiques éprouvent quelques difficultés à apercevoir ce phénomène, j'ai 
recherché le moyen de le rendre plus apparent. J'y suis arrivé en dispo- 
sant devant la fente du spectroscope un verre bleu et vert dischroïque, 
sorte de condensateur qui double l'intensité des bandes, et les fait recon- 
naître très facilement, 


Nb TE Re NT 


822 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


FM Go —— 


Le mode d'action de ce verre s'explique simplement par ce fait que 
grâce à sa composition il présente lui-même à un faible degré deux 
bandes estompées qui occupent à peu près la position des bandes de 
l’oxyhémoglobine. 

_ Ainsijqu'on le voit sur les images spectroscopiques que je présente, le 
verre bleu superposé au spectre du sang de la paume de la main lui 
donne une plus grande intensité. 

J'ajoute que pour un observateur exercé aux recherches d’hématospec- 
troscopie [les bandes du verre bleu n’empêchent nullement l’étude du 
phénomène de la réduction de l’oxyhémoglobine. 

IT. — Le second problème que je me suis appliqué à résoudre était 
plus complexe, il consistait à trouver le moyen de mesurer l'intensité 
relative du spectre du sang observé à la surface cutanée. Suivant les 
individus, suivant le tissu observé, peau ou muqueuse, et surtout suivant 
la richesse du sang en oxyhémoglobine, les bandes caractéristiques sont 
plus ou moins foncées; serait-il possible de déterminer le rapport quiexiste 
entre ce degré d'intensité d'absorption et la richesse du sang en oxyhémo- 
globine ou la distribution vasculaire de la région, enfin, l’hyperhémie ? 
Je suis arrivé après des recherches multipliées à pouvoir répondre par 
l'affirmative. En effet, il est possible de faire l'analyse quantitative du 
sang à travers l’ongle, la peau et divers tissus avec une approximation suf- 
fisante pour être utilisée dans les études cliniques et dans la pratique ordi- 
naire. 

Voici comment j'ai procédé. Après avoir étudié l’action des divers verres. 
colorés sur le spectre du sang, j'ai choisi les verres jaune-oranger chro- 
més, et je les ai disposés en séries d’épaisseurs déterminées et progres- 
sives, puis jeiles ai placés en avant du diaphragme du spectroscope. 

Aïnsi que le montrent les images spectroscopiques que je fais passer 
sous vos yeux, ces verres, suivant leur épaisseur et par conséquent 
l'intensité de leur coloration, atténuent plus ou moins, éteignent même 
les plagesi bleues, vertes, jaune-vert pour ne iaisser apparaître que le 
jaune orangé et le rouge, à leur plus grande épaisseur. Si nous superpo- 
sons ces verres au spectre du sang, nous voyons, suivant leur épaisseur, 
le spectre s’assombrir, les deux bandes de l’oxyhémoglobine se détacher 
moins nettement, devenir difficilement perceptibles, enfin se confondre 
dans l’obscuritéjqui est générale sauf dans les plages orangé et rouge. 
Les dessinsfque je vous présente montrent ce que l’on obtient avec les- 
quatre premiers verres que j'ai employés. 

Partant defce fait, j'ai déterminé les épaisseurs et les intensités de colo- 
ration des, verres jaunes qui correspondentà une quantité donnée d'oxyhé- 
moglobine contenueïjdans le sang examiné à travers la peau de la paume 
de la main, alors que les bandes cessent d’être perceptibles; et j'ai adopté- 
le dispositif suivant, auquel j'ai donné le nom d’Analyseur chromatique. 

IT. — L'analyseur chromatique se compose d’un disque percé d’orifices- 


Ac ei: ET Et 26 < 
er de 


SEANCE DU 29 OCTOBRE 823 


dans lesquels sont enchâssés des verres jaunes d'épaisseur et de colora- 
tion progressivement variées, et un verre bleu urané, l’un des trous res- 
tant vide pour laisser voir le spectre pur. Ce disque est mobile sur un 
axe perpendiculaire fixé à un collier qui s’adapte au tube du spectros- 
coque à vision directe. En faisant tourner le disque on fait passer succes- 
sivement les verres devant la fente du spectroscope et l’on peut ainsi étu- 
dier l'effet de chaque verre sur le spectre de la peau ou de l’ongle. Le 
verre bleu condense les bandes du sang, les verres jaunes les atténuent et 
les éteignent, et par le trou laissé vide on voit le spectre sans modifica- 
tions. 

Dans l'appareil primitif que j'ai exposé et démontré à la Société de 
Physique (séances des 19, 20 et 31 avril 1892), la série des verres jaunes 
était de quatre, mais j'ai fait ensuite construire par M. Lutz un disque 
présentant une série plus complète de neuf verres colorés qui a servi à 
mes recherches. Enfin, j'ai établi un modèle qui est plus particulièrement 
approprié à la pratique médicale, il présente une série de cinq verres, 
quatre jaunes, l’un bleu, et un orifice libre. Je le désigne sous le nom 
d'Analyseur chromatique. 

Le maniement en est des plus simples. L'on commence par viser avec 
le speclroscope dont la fente est mise au milieu de l'orifice libre la paume 
de la main dont les doigts sont à demi fléchis, et qui est exposée à la 
lumière du jour diffuse, en face d’une fenêtre, mais en évitant les rayons 
solaires intenses et directs. On voit alors se dessiner les bandes de 
l’oxyhémoglobine ; si l’on veut les reconnaitre plus distinctement, on fera 
tourner le disque pour placer le verre bleu devant la fente du spectros- 
cope. 

Pour l'analyse de l’intensité de ces bandes et par conséquent l'appré- 
ciation de la quantité d'oxyhémoglobine, il faut faire passer successive- 
ment les verres jaunes devant la fente en commençant par le plus clair, 
pour arriver au plus foncé, on recherchera ainsi avec quel verre les 
deux bandes cessent d’être perçues, et le chiffre gravé sur le disque près 
du verre indique la quantité d’oxyhémoglobine contenue dans le sang. 
Lorsqu'il y a doute, il faut examiner plusieurs fois avec les divers verres 
et même on peut prendre la moyenne entre deux chiffres qui se suivent 
immédiatement. Par exemple si les bandes visibles à 11 nettement sont 
encore à peine perceptibles à 42, on peut conclure qu'il y a 44.5 p. 100 
d’oxyhémoglobine. 

L'examen peut être fait aussi avec une lampe électrique à incandes- 
cence ou une lampe à pétrole. 

EH m'a paru que pour la clinique il suffit de réunir des verres corres- 
pondant à 9, 10, 41, 12 p. 100, car on peut ainsi reconnaitre s’il y à 
moins de 9 p.100, soit 8 p. 100 et les quantités intermédiaires entre ce 
chiffre et 13 p. 100. 

J'exposerai dans la prochaine séance les résultats obtenus au moyen de 


8924 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


cet appareil pour en montrer le degré de précision, mais j'ai cru devoir 
dès maintenant affirmer l'utilité d'un procédé qui permet d'éviter les 
piqûres répétées, ce qui est un avantage dans la pratique de la médecine, 


RECHERCHES BACTÉRIOLOGIQUES SUR UN CAS DE SEPTICÉMIE, 


par M. RoGEr. 


Pendant l'épidémie cholérique que nous venons de traverser, j'ai vu 
deux malades succomber à des phénomènes méningés; l’autopsie ne fit 
découvrir aucune lésion appréciable ; maïs, dans un des cas, l’examen 
bactériologique permit d'isoler un bacille pathogène et, par conséquent, 
de rattacher à une septicémie les symptômes observés pendant la vie. 

Il s’agit d’un fhomme, âgé de quarante-trois ans, qui entra à l'hôpital 
Saint-Louis (service des baraques, lit n° 22) le 22 septembre 1892. 

Deux jours auparavant, cet homme, jusque-là biéniportant, avait été 

pris subitement de diarrhée et de vomissements. Au moment de son 
admission dans le service, ses extrémités étaient froides et violacées ; sa 
face était grippée ; le malade se plaignait d’une violente douleur épigas- 
trique et de crampes dans les jambes ; il avait des vomissements bilieux 
et une diarrhée jaunûtre. 
_ Sous l'influence du traitement, l’état du malade s'améliore assez vite. 
Le 23, la température est encore très basse (34°,8 sous l’aisselle); mais 
le soir du même jour, elle remonte à 36°,6 ; il n’y plus de vomissements 
ni de diarrhée. 

Dans la nuit du 23 au 24, le malade est pris d’un délire très violent : il 
s'agite, veut se lever et on a beaucoup de peine à le maintenir dans 

son lit. 
Le 24, au matin, le malade est plus calme ; mais sa face est grima- 
çante ; il marmotte continuellement des mots inintelligibles et ne répond 
pas aux questions qu’on lui pose; la nuque est raide; les irritations 
cutanées produisent des raies méningées qui persistent longtemps. 

Le 25, le malade est dans le coma ;les yeux sont vagues; la respira- 
tion est sterloreuse ; l’insensibilité presque absolue; la déglutition dif- 
ficile. Il succombe dans cet état, sans autre agonie, le 27 à neuf heures 
du soir. La température s’est constamment maintenue entre 35°,4 et 36°,2. 

L'autopsie, pratiquée le 28 à dix heures du matin, c’est-à-dire treize 
heures après la mort, ne révéla aucune lésion appréciable au niveau des 
principaux viscères ; il y avait seulement une augmentation du liquide 
céphalo-rachidien qui distendait les méninges et avait amené une légère 
dilatation des ventricules cérébraux. 


FA OT SC Se DT Li 
Fe Er 


SÉANCE DU 29 OCTOBRE 895 


Le liquide céphalo-rachidien et le foie servirent à ensemencer des tubes 
de gélose ; on obtint ainsi des cultures pures d’un seul et même bacille, 
dont nous allons étudier les caractères. 

CARACYÈRES DES CULTURES. — Lorsqu'on ensemence en strie un tube 
d’agar et qu'on le place à l’étuve à 37 degrés, on trouve le lendemain un 
sillon épais, blanc crémeux, correspondant au trajet qu'a suivi l'aiguille 
de platine ; sur le reste de la surface du milieu nutritif se voient des îlots 
assez larges, demi-transparents et se touchant par leurs bords. 

Le développement se fait facilement sur l’agar glycériné, mais la cul- 
ture a moins de tendance à s'étendre et ne dépasse que fort peu la ligne 
d’ensemencement. 

Si l’on fait une strie sur la gélatine et qu’on maintienne le tube à 18 ou 
20 degrés, on constate dès le lendemain que le milieu nutritif com- 
mence à se liquéfier; au bout de quatre ou cinq jours, presque toute la 
gélatine est transformée en un liquide jaune, trouble, au fond duquel 
s’amassent quelques flocons blanchâtres, d’ailleurs peu abondants. 

Les résultats sont plus intéressants quand l’ensemencement est fait par 
piqûre. Au bout de vingt-quatre ou quarante-huit heures, il se produit, 
le long de la piqûre, un canal de liquéfaction, renfermant des flocons 
blanchâtres, et se terminant à la surface libre par une large cupule- qui 
augmente progressivement et, en deux ou trois jours, alteint les bords 
du tube ; à parlir de ce moment, la liquéfaction s'opère de haut en bas, 
de plus en plus lentement, de telle sorte qu’au bout de huit ou dix jours, 
il peut rester au fond du tube une petite portion de gélatine non liquéfiée. 

Quand on étudie le développement du microbe dans les plaques de 
gélatine, on voit apparaître, au bout de vingt-quatre ou trente-six heures, 
de petites colonies circulaires, à bords nets ou légèrement déchiquetés, à 
surface granuleuse. La gélatine se liquéfie rapidement, mais la colonie 
peut conserver longtemps ses caractères primitifs et, souvent, en agitant 
le milieu devenu liquide, on voit les petites colonies entraînées par le 
courant, mais conservant encore leur autonomie ; puis elles perdent leur 
forme circulaire et poussent de nombreux prolongements qui donnent au 
milieu de culture un aspect floconneux. 

Le microbe se développe sur le sérum sanguin gélatinisé, qu'il ramollit 
d’abord et liquéfie en six ou sept jours. 

Le bouillon se trouble d’une façon uniforme et prend une coloration 
gris jaunâtre; parfois, mais non constamment, on trouve de légers 
flocons, d’ailleurs peu nombreux, au fond du liquide; il ne se produit 
pas de voile à la surface. La culture est moins abondante dans le bouillon 
glycériné. 

Les bouillons additionnés de glycose ou de saccharose deviennent 
acides au bout de deux jours; la lactose n’est pas attaquée par le 
microbe; le bouillon contenant ce sucre prend une réaction alcaline de 
plus en plus marquée, comme le bouillon pur ou la gélatine. 


826 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Le lait, ensemencé avec ce microbe, reste d’abord clair et limpide; 
mais au bout de six ou sept jours, bien que le milien reste neutre ou 
.-même légèrement alcalin, on voit se déposer la caséine, sous forme de 
masses volumineuses, mais peu denses. 

Dans l'urine, le développement se fait comme dans le bouillon, et le 
liquide acquiert également une forte réacton alcaline. 

Enfin, sur la pomme de terre, on voit apparaître, au bout de vingt- 
quatre heures, une tache gris jaunâtre, terne, sèche, fortement adhé- 
rente au milieu de culture; cette tache s'étend peu, mais le reste de la 
pomme de terre prend une teinte brunâtre ou ardoisée. 

Toutes les cultures, sauf celles qui ont été faites dans du lait, exhalent 
une odeur de putréfaction fort désagréable, rappelant celle de la trimé- 
thylamine. Cette odeur est surtout marquée dans les cultures sur pommes 
de terre. 

COMPARAISON AVEG LE PROTEUS VULGARIS. — Les caractères de culture 
que j'ai indiqués rappellent ceux qu’on assigne au Proteus vulgaris. J'ai 
donc fait une étude comparative avec ce dernier microbe, en me servant 
d'un échantillon provenant de l’Institut Pasteur. 

J'ai constaté que l’aspect est le même sur l’agar et sur la sine. 
Pourtant ce dernier milieu est liquéfié plus lentement et plus incomplète- 
ment par le proteus. 

Dans le bouillon, le proteus donne naissance à des flocons abondants 
et le liquide est moins trouble; comme notre bacille, il fait fermenter la 
glycose et la saccharose et reste sans action sur la lactose; il se conduit 
exactement de la même façon dans l’urine. Les deux microbes exhalent la 
même odeur ; tous deux peuvent croître sous une couche d'huile; mais, 
dans ces conditions, la végétation est notablement ralentie, surtout pour 
le proteus vulgaris. 

Voilà pour les analogies. Voyons maintenant les différences. 

Les cultures du proteus sur pommes de terre sont plus humides et plus 
jaunes. 

Sur les plaques de gélatine, il se produit autour des colonies des expan- 
sions de forme bizarre qui vont irradier dans la gelée ambiante. 

Dans le lait, l'aspect des cultures est semblable; mais au moment où 
la caséine se précipite, le milieu devient nettement acide, quand il s’agit 
du proteus; ce résultat est assez curieux, puisque dans le bouillon le pro- 
teus ne fait pas fermenter la lactose. 

Un bon moyen de distinguer les deux microbes consiste à Les semer 
comparalivement sur des plaques d’agar fuchsiné. 

Le proteus se développe sous forme de stries, suivant les trails d’ense- 
mencement, et d'où rayonnent des voiles membraneux, minces, demi- 
transparents, limités par des dentelures ou des franges qui forment 
d'élégants dessins; l’agar se décolore au niveau des voiles et autour d’eux, 
tandis que les franges périphériques fixent la fuchsine. 


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SÉANCE DU 29 OCTOBRE 821 


Notre microbe donne naissance à des stries épaisses, fortement colorées 
en rouge et suivant exactement les lignes d'ensemencement; les figures 
restent telles qu’on les a dessinées, et l’on n’observe pas les larges expan- 
sions membraneuses qui caractérisent les cultures du proteus. 

Mais les caractères différentiels les plus tranchés sont fournis par 
l'examen microscopique des cultures. 

MorPHOLOGIE. — Quel que soit le milieu sur lequel il s’est développé et 
quel que soit l’âge de la culture, le microbe que nous étudions se présente 
toujours avec les mêmes caractères morphologiques. 

C'est un petit bacille, ovalaire, à extrémités arrondies, mesurant de 
0.6 à 1 & dans son plus grand diamètre; souvent il offre un léger élran- 
glement dans sa partie centrale ; il est extrêmement mobile et, dans les 
préparations fraiches, on le voit se déplacer avec une grande rapidité 
sous le champ du microscope. 

Sur les préparations sèches, on constate qu'il fixe assez bien les 
diverses couleurs d’aniline; pour obtenir de bonnes préparations, il faut 
se servir d’une solution aqueuse saturée de violet de gentiane et laver la 
préparation à l’eau, puis à l’alcool.Il se décolore par la méthode de Gram. 

Dans les vieilles cultures, le microbe se colore plus difficilement, mais 
il conserve toujours le même aspect. On peut dire que ce bacille est 
remarquable par la constance de ses caractères morphologiques, au 
moins dans les milieux où je l’ai étudié. 

Si l'on examine comparativement une culture de proteus, on voit 
qu'elle est constituée, au début, par de larges filaments qui se segmen- 
tent plus tard, mais restent toujours beaucoup plus volumineux que 
notre bacille; enfin on observe plus tard des formes d'involution qui 
manquent chez celui-ci. 

L'examen microscopique permet donc toujours de séparer, avec la 
plus grande facilité, les deux microbes. Mais il faut reconnaître qu'il 
existe entre eux de nombreuses analogies : même aspect des cultures sur 
agar et sur gélatine ; aspect presque identique sur la pomme de terre ; 
même action sur les sucres, sur l'urine; même odeur dans les cultu- 
res, etc. Suivant l'importance qu’on attachera à ces divers caractères, 
on verra dans ces deux microbes deux espèces distinctes ou deux races 
d’une même espèce. 

Peut-être parviendra-t-on plus tard à faire disparaître les différences 
que j'ai indiquées ; mais, actuellement, il est impossible d'identifier le 
microbe que j'ai décrit avec le proteus vulgaris. La dénomination de 
proteus ne lui conviendrait même pas, puisqu'il est remarquable par la 
Bxité de ses caractères morphologiques. C’est pour cette raison que je 
propose de le désigner sous le nom de Z. septicus putidus, pour rappeler 
à la fois son origine et son pouvoir fermentatif. 

ACTION PATHOGÈNE. — J'indiquerai brièvement les propriétés patho- 
gènes de mon bacille, me proposant de revenir plus tard sur ce sujet. 


828 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Si l’on injecte dans la veine de l'oreille d'un lapin 1 centimère cube 
d’une culture développée dans le bouillon, on voit l’animal succomber 
en deux ou trois jours : à l’autopsie, on ne trouve aucune lésion appré- 
ciable, mais les ensemencements permettent de déceler le microbe dans 
tous les organes et dans le sang. 

Avec une dose moins considérable, 0 c. c. 2 par exemple, l'animal meurt 
en sept ou huit jours ; le sang est stérile, mais les viscères renferment 
encore le microbe. 

Lorsqu'on introduit 0 c. c. 2 à 1 centimètre cube de la culture, sous la 
peau ou dans le péritoine, soit chez le cobaye, soit chez le lapin, on voit 
les animaux succomber de cinq à douze jours après l’inoculation ; l’au- 
topsie ne révèle aucune lésion, même au point inoculé; MEME nt 
du sang est négatif ; l’ensemencement des viscères et particulièrement 
du foie donne naissance aux colonies caractéristiques, quand la mort 
survient du cinquième au septième jour; passé cette époque, on ne 
retrouve généralement plus le microbe dans l'organisme. La mort peut 
donc être attribué, soit à une intoxication chronique produite par l'agent 
pathogène, soit à des altérations viscérales appréciables seulement au 
microscope. C'est ce que l'examen histologique établira ultérieurement. 

En résumé, suivant la quantité de culture introduite et la voie d'intro- 
duction, on peut observer un des trois résaltats suivants : 

Mort rapide en deux ou trois-Jours; présence du microbe dans le 
sang et les viscères ; 

Mort en cinq ou sept jours; présence du microbe dans les viscères, 
absence dans le sang ; 

Mort du huitième au douzième jour ; absence de microbes dans l’orga- 
nisme. 

xe dernier résultat constitue un nouvel exemple de mort tardive con- 
sécutive à l'infection et démontre, une fois de jus qu'on ne peut nier 
l’origine parasitaire d'une maladie, parce qu'on n’a pu y découvrir un 

agent pathogène animé. 

Conczusions. — Le Bacillus septicus putidus est un petit baeïlle ovalaire 
mobile, ayant de 0.6 à 1 x dans son plus grand diamètre ; il se développe 
facilement sur tous Les milieux employés en bactériologie ; il liquéfie 
rapidement la gélatine, fait fermenter la glycose et la saecharose, mais 
n’agit pas sur la lactose; il coagule lentement le lait; il donne aux milieux 
de culture une odeur de triméthylamine, surtout marquée dans les cul- 
tures sur pomme de terre. Ses caractères le rapprochent du proteus 
vulgaris ; sa morphologie empêche de l'identifier actuellement avec ce 
microbe. Enfin, il se montre pathogène pour l’homme, le lapin et le 
cobaye, et détermine la mort par une vraie septicémie sans lésions appa- 
rentes. 


SÉANCE DU 29 OCTOBRE 829 


RECHERCHES EXPÉRIMENTALES 
SUR LES LÉSIONS DÉTERMINÉES PAR LE BICHLORURE DE MERCURE, 


par M. le)" A. Picxær, 


Préparateur d’histologie à la Faculté de médecine, 


et M. le D' CATRELINEAU, 
Préparateur à l'hôpital Saint-Louis. 


Le sublimé corrosif est devenu d’un grand emploi à la suite de la vul- 
garisation des doctrines antiseptiques; mais, en même temps, on a eu à 
enregistrer une série de cas mortels, ceux de Stadtfeld, de Virchow, 
Legrand, Durante, etc., qui ont conduit à examiner de plus près le mé- 
canisme de la mort par le sublimé, sel dont la toxicité était connue depuis 
longtemps, puisqu'on lui attribue une grande part dans la composition 
de la poudre de succession. 

Tardieu, Lolliot, Bouchard, Ollivier, Barthélemy, Doléris et Butte, 
Berthaud, Letulle, etc., ont rapporté un grand nombre de cas d’intoxi- 
cation soit expérimentale, soit spontanée. Les lésions intestinales qu’on 
observe alors ont été étudiées par Virchow, puis plus récemment par 
Charrin. La valeur des lésions rénales a été mise en relief par Gaucher 
en 1886 et par Sænger au point de vue expérimental et clinique; on 
retrouve d’ailleurs ces lésions mentionnées dans toutes les observations 
bien prises d’empoisonnement spontané. Les résultats que nous appor- 
tons ici ont été obtenus par l'étude histologique de huit cas expérimen- 
taux, dans lesquels la mort a été déterminée avec le minimum de dose 
toxique, tel que l’un de nous l'a établi dans sa thèse (1). 

Remarquons d’abord que ce minimum doit être encore très élevé par 
rapport à la toxicité absolue du poison, car les lésions obtenues sont 
tellement considérables et tellement semblables chez des animaux 
d'espèces différentes, chien ou lapin, qu'elles font penser à l’action de 
doses absolument massives. 

Le rein présente une altération si spéciale des épithéliums sécréteurs 
de Heidenhaïn qu’elle pourrait suffire à caractériser l’intoxication ; elle 
se présente sous {rois états : au début, les cellules du rein, dans les tubes 
contournés, conservent leur situation, mais une portion du protoplasma 
se remplit de vacuoles qui sont excrétées peu à peu et remplissent le 
tube urinifère de cylindres hyalins composés par les boules colloïdes 
résultant des vacuoles excrétées par les cellules. IL reste alors, dans les 
tubes, une même bordure cytoplasmique qui circonscrit les cylindres; les 
noyaux se font rares et les cellules paraissent soudées par leurs bords 
latéraux. Ê 


{1) Cathelineau, Recherches expérimentales sur les sels de mercure, Thèse, 
Paris, 1892. : 


830 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


À un second degré, les noyaux ont disparu, beaucoup de cellules sont 
desquamées et remplissent la lumière du tube urinifère. Il en résulte 
donc une seconde variété de cylindres, maïs ceux-ci sont granuleux et non 
hyalins comme les précédents ; cet aspect est celui que l’on rencontre le 
plus communément. 

Enfin, il est un troisième état qui paraît survenir d'emblée et résulter 
de la distension excessive des cellules sécrétantes, il s’observe sur les 
tubes contournés et une partie des tubes droits. Les cellules d’abord 
tuméfiées et remplies de fines vacuoles, viennent en contact et remplissent 
les tubes distendus d'éléments poligonaux qui effacent la lumière du tube. 
Elles perdent leur noyau et rassemblent alors à des vésicules polyédriques 
par pression réciproque. Leur aspect a été signalé déjà dans l’empoison- 
nement aigu accidentel, mais leur nature restait douteuse. 

Enfin, à un dernier degré, toutes ces cellules disparaissent comme 
balayées par le courant sanguin et expulsées par les voies naturelles, il 
ne reste alors par place que la trame conjonctive du rein avec ses glomé- 
rules légèrement enflammés. Nous n'avons pas recherché les cristaux 
de sels de chaux signalés par différents auteurs. 

En dehors des altérations épithéliales qui peuvent se résumer en ces 
trois mots : 

Hypersécrétion, 

Nécrose, 

Élimination, 

il existe une congestion très intense, des hémorragies au niveau de la 
cavité glomérulaire et surtout dans les tubes de Bellini, dont beaucoup 
sont distendus par des globules sanguins. 

L'INTESTIN, surtout au-dessous du cæcum, présente des lésions très mar- 
quées, aboutissant à de larges ulcérations. Le processus du début est 
congestif, tout le réseau capillaire de la muqueuse est rempli de sang, 
surtout à la surface libre. Il s’ensuit que les villosités sont remplies par 
des globules rouges dans l'intestin grêle; on peut observer en ces points 
les altérations glandulaires à leur début. 

Beaucoup des glandes de Lieberkuhn sont remplies de globules rouges 
qui ne se colorent plus par l'éosine et sont, par conséquent, privés 
d'hémoglobine. L'épithélium glandulaire est en général composé de cel- 
lules aplaties, sans plateau, soudées par leur base et présentant assez 
nettement, à leur insertion sur la paroi du tube glandulaire, une striation 
du cytoplasma semblable à celle que l’on observe dans les cellules sécré- 
toires du rein. Ces éléments sont groupés par amas dans lesquels Îles 
noyaux cellulaires se réunissent en plaques. Ils excrètent des vacuoles 
petites, et il n’est pas possible, dans les points où la lésion est très accusée, 
de distinguer entre les cellules ‘cylindriques et les cellules caliciformes. 

Dans le gros intestin existent des escarres qui sont formées par une 
congestion extrème du réseau vasculaire de la muqueuse et une nécrose 


SÉANCE DU 29 OCTOBRE 831 


des épithéliums glandulaires qui n'arrivent pas jusqu’à leus différencia- 
tion normale, mais forment des groupes de cellules polygonales tassées, 
à cytoplasma peu développé. Ces cordons ou boyaux cellulaires qui rem- 
plissent les glandes disparaissent au niveau de la masse d'infiltration san- 
guine qui recouvre la muqueuse. Sur beaucoup d’autres points, les cel- 
lules ont été éliminées, il ne reste plus que le stroma conjonctif des 
glandes. Nous pouvons ajouter que chez l'homme, les lésions intesti- 
pales, telles que Virchow les a décrites et telles que nous avons pu les 
voir, peuvent aller plus loin encore; il y a chute totale de tout ce qui 
dépasse le muscle de la muqueuse (muscularis mucosæ) de Brucke. 

Le Fox montre de semblables lésions : multiplications des noyaux au 
voisinage des vaisseaux, tuméfaction et nécrose des cellules, puis élimi- 
nation de ces dernières; on obtient ainsi des préparations dans lesquelles 
le tissu hépatique, fixé immédiatement après la mort, offre de grands 
espaces à aspect de dentelle dans lésquels les éléments parenchymateux 
ont disparu, laissant à nu la trame conjonctive. 

Dans le cœur existent des ecchymoses constantes situées sous l’endo- 
carde et pouvant amener une altération spéciale des fibres musculaires 
de l'organe que l’un de nous a déjà décrite à la Société de Biologie. 

La RATE présente surtout une congestion intense de sa pulpe veineuse. 

Ces résultats ont été obtenus sur huit cas expérimentaux, dont six por- 
taient sur le chien et deux sur le lapin. 

L'observation de chacun de ces animaux a été rapportée dans la Thèse 
de l’un de nous. Il nous suffira de dire que le sublimé corrosif a toujours 
été donné, autant que possible, à la dose minima, par injection stomacale 
intra-musculaire et surtout intra-veineuse. La mort est toujours survenue 
dans un délai d’un demi-jour à quatre jours et il ne résultait que de 
faibles différences de degré entre les résultats histologiques observés. 

Nous devons remercier notre maître, M. Laborde, et son préparateur, 
M. Rondeau, de l’aide et de l’obligeance qu'ils nous ont témoignées au 
cours de ces recherches, qui pourront paraître intéressantes, parce qu'elles 
tendent à préciser la toxicité des sels de mercure et l’intensité des lésions 
observées après leur injection, à très faible dose. 

Un cas d’empoisonnement spontané que l’un de nous a pu observer 
sous la direction de notre maître, M. le professeur Cornil, nous a fourni 
des préparations répondant absolument au type donné par l'expérimenta- 
tion; il en est de même, d’ailleurs, des ohservations dans lesquelles l’exa- 
men histologique a été fait d’une facon précise ; nous citerons entre autres 
celle de Herman-Legrand (1) et celle de M. Durante {2). 


(1) Soc. anat., 1889. 
(2) Soc. anat., 1892. 


832 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


æ 


DE L'IMMUNITÉ CONTRE LE CHOLÉRA CONFÉRÉE PAR LE LAIT, 
par M. N. Kerscuer (de Saint-Pétersbourg). 


(Travail du laboratoire de M. le professeur Straus.) 


La possibilité de conférer l'immunité contre les intoxications et les 
infections au moyen du lait des animaux vaccinés a été établie récem- 
ment par Ebrlich pour l'abrine, la ricine el le tétanos. Afin de savoir si 
cette possibilité se vérifie aussi pour le choléra, nous avons entrepris, sur 
le conseil et sous la direction de M. Gamaleïa, une série d'expériences 
sur deux chèvres laitières. Pour ces expériences, nous avons employé les 
plus virulentes cultures du choléra, provenant de Massaua. Les chèvres 
étaient vaccinées par l'injection sous-cutanée, intra-péritonéale et intra- 
veineuse de ces cultures. Le pouvoir immunisant de leur lait était étudié 
dans la série d'expériences que nous voulons relater ici, au moyen de 
son introduction dans le péritoine des cobayes. Voici les principaux résul- 
tats de nos expériences. 

Le lait de la chèvre vaccinée injecté en quantité de 5 ui cubes a 
la propriété de vacciner les cobayes contre une dose mortelle du choléra 
(1/2 centimètre cube injecté dans le péritoine). Les cobayes ayant 
reçu le lait restaient bien portants, tandis que les témoins succombaient 
dans les premières 6 à 10 heures après l’inoculation du virus. 

Pour savoir si le lait agit seulement directement sur les vibrions cho- 
lériques ou bien aussi sur l'organisme qu'il vaccine, nous avons varié nos 
expériences, en injectant les cultures cholériques dans un autre endroit 
que le lait et notamment dans les muscles des extrémités postérieures. Ge 
mode d'infection a donné des résultats identiques aux précédents. Les 
cobayes préparés par le lait restaient vivants, les témoins succombaient 
6-8 heures après l'infection. 

Ces expériences montrent que le lait d'une chèvre vaccinée injecté 
dans le péritoine des cobayes les rend réfractaires à une dose mortelle du 
choléra. 

Il n’est pas superflu d’ ajouter que le lait des chèvres non vaccinées que 
nous avons essayé à plusieurs reprises ne possède aucun pouvoir immuni- 
sant. 

Dans une autre série d'expériences nous avons étudié le pouvoir curatif 
du lait. Dans ce but nous injections une dose mortelle du choléra dans 
les muscles ou dans le péritoine des cobayes et nous les traitâmes ensuite 
par l'introduction intra-péritonéale du lait de chèvre. Dans ces cas chez 
les cobayes traités se produisaient quelques symptômes de l'infection, 
comme par exemple un faible œdème à la cuisse inoculée. Mais cessymp- 
tômes disparaissaient définitivement dans un bref délai et les cobayes 
restaient en vie. Les cobayes témoins périssaient invariablement. 


ex 


SÉANCE DU 29 OCTOBRE 833 


Il s'ensuit que le lait d’une chèvre vaccinée contre le choléra injecté 
dans le péritoine des cobayes non seulement les vaccine contre une infec- 
tion cholérique future, mais guérit aussi une maladie déclarée. 

Voici, à titre d'exemple, quelques-unes de nos expériences : 


Exe. I. — Le 3 octobre, on injecte à trois cobayes dans le péritoine 10 c. e. 5 
et 2 centimètres cubes du lait de la chèvre vaccinée n° 1. 

Le 4 octobre, on inocule ces trois cobayes ainsi qu’un cobaye témoin par 
1/2 centimètre cube du choléra dans le péritoine. Celui-ci est mort quelques 
heures plus tard, tandis que les trois premiers sont restés bien portants. 


Exe. II. — Le # octobre, on injecte 4 centimètre cube du lait dans le péri- 
toine d’un nouveau cobaye. Le lendemain, on lui injecte, ainsi qu'à un 
témoin, 1/2 centimètre cube du choléra. Le témoin meurt, le cobaye vacciné 
reste bien portant. 


Exe. I. — Le 5 octobre, on inocule deux cobayes chacun par 1/2 centi- 
mètre cube de la culture cholérique dans le péritoine. Une heure plus tard, on 
introduit à l’un d'eux 5 centimètres cubes du lait dans le péritoine. Il rest 
indemne. Son témoin meurt sept heures après l'infection. 


Exe. IV. — Le 9 octobre, on introduit dans le péritoine d’un cobaye 5 cen- 
timètres cubes du lait. Le 10 octobre, on lui inocule, ainsi qu'à un témoin, 
1/2 centimètre eube de la culture cholérique dans la cuisse. Le vacciné survit, 
le témoin est mort. 


Exp. V. — Le 19 octobre, on injecte dans les cuisses de deux cobayes par 
1/2 centimètre cube de la culture cholérique. L'un d'eux est traité ensuite par 
Pintroduction de 5 centimètres cubes du lait de la chèvre vaccinée n° 2. Il 
reste en vie, l’autre cobaye succombe. 


ExP. VI. — Le 4 octobre, on introduit aux trois cobayes dans le péritoine, 
le lait par 5 centimètres cubes à chacun. Pour le premier, ce lait était chauffé 
à 10 degrés pendant une demi-heure; pour le second, il a été porté à l’ébulli- 
lion; pour le troisième, il n'avait subi aucun chauffage. Le 5 octobre, le matin, 
ces trois cobayes, ainsi qu'un témoin, sont iuoculés daus le périloine par 
1/2 centimètre cube de la culture cholérique chacun. Le même jour, à 
5 heures du soir, le cobaye témoin ainsi que celui au lait bouilli étaient en 
agonie, le cobaye qui avait recu le lait chauffé à 70 degrés était malade et le 
quatrième tout à fait indemne. Le témoin est mort le soir. Les deux autres 
pendant la nuit. Seul est resté bien portant celui qui avait été vacciné par le 
lait non chauffé. 


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834 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


SUR QUELQUES SELS DOUBLES DE QUININE, 


par M. E. GRIMAUX. 


Dans une série de recherches sur la constitution des alcaloïdes des quin- 
quinas, j'ai eu l'occasion de préparer divers sels doubles de quinine, 
formés par l’union à celte base de deux acides différents. J'ai ainsi 
‘obtenu un chlorhydro-sulfate, un bromhydro-sulfate, un iodhydro-sulfate, 
un bromhydro-phosphate, un iodhydro-phosphate. 

Si je mentionne à la Société de Biologie ce travail d'ordre purement 
chimique, c’est que l’un des sels que j'ai isolés me paraît devoir présenter 
de grands avantages en thérapeutique: c’est le chlorhydro-sulfate. 

En effet, ce sel qui est représenté par la formule (C* H?* Az? 0°}, 2 HCI, 
SO“ H°, 3 H° O, est très facilement soluble dans l’eau; il se dissout dans son 
poids d’eau à la température ordinaire; il est donc dans des conditions 
très favorables pour être absorbé par les voies digestives, tandis que le sul- 
fate médicinal exige plus de 700 parties d’eau et ne paraît se dissoudre 
dans l'estomac qu'à la faveur de l’acide du suc gastrique. 

Cette facile solubililé permet ainsi de l’employer en injections hypoder- 
miques. Une solution faite avec 5 grammes de sel et 6 centimètres cubes 
d’eau renferme, par centimèlre cube, 50 centigrammes de sel. Il a été 
déjà employé sous cette forme et par voie gastrique et a donné d'excellents 
résultats. 

Une autre avantage de ce sel, c’est que, pour le même poids, il ren- 
ferme la même quantité de quinine que le sulfate médicinal cristallisé 
avec sept molécules d’eau, il doit donc être prescrit aux mêmes doses 
que le sulfate médicinal. 


SUR L'ACTION PHYSIOLOGIQUE DU CHLORHYDRO-SULFATE DE QUININE, 


A propos de la communication précédente, par M. J.-V. LABORDE. 


Les essais que j'ai faits sur les animaux du nouveau sel de quinine 
préparé par M. Grimaux ont exactement reproduit le tableau symptoma- 
tique de l’action physiologique et toxique de la quinine : 

Tremblement bilatéral caractéristique de la tête chez le cobaye, incoor- 
dination, ataxie motrice, analgésie d’abord localisée au point de l'injec- 
tion, et se généralisant ensuite; à un degré plus avancé, ivresse et stupeur 
quinique, et si la dose atteint le taux loxique, phénomènes el processus 
asphyxiques terminaux. 

Les doses qui engendrent ces effets ont varié dans nos expériences de 


Fe 


SÉANCE DU 29 OCTOBRE 839 


.40 à 20 centigrammes en injection hypodermique chez le cobaye du poids 
_moyen de 400 grammes. Avec 2 1/2 et 5 centigrammes, on obtient déjà 
les phénomènes caractéristiques du CRIE et de l’incoordination 
ou ivresse quinique. 

Mais ce qui paraît distinguer le nouveau sel de ses congénères simples, 
notamment du sulfate et du chlorhydrate, c'est que l'absorption, et par 
- conséquent les effets en sont sensiblement plus rapides, ce qui tient 
probablement à sa plus grande et facile solubilité, toutes autres choses 
égales d’ailleurs. 

Il constitue, sous ce rapport, un produit précieux pour l'emploi hypo- 
dermique, qui ne paraît pas, du reste, déterminer de douleur appré- 
ciable. 

Le chlorhydro-sulfate de quinine me semble appelé à rendre de véri- 
tables services à la thérapeutique. 


SUR UN ÉCHOUEMENT D'HYPÉROODON A L'ENTRÉE DE LA BAIE DE CARENTAN, 


par M. E.-L. Bouvier. 


Dans la matinée du 95 août dernier, M. Dubois, commissaire de marine 
à Saint-Vaast, fut informé par le garde maritime de Saint-Martin-de- 
Varville, qu'un cétacé d’une grande taille était venu échouer trois jours 
auparavant sur le banc de la Madeleine, à l'entrée de la baie de Carentan. 
Immédiatement prévenu par M. Dubois, je pris une barque et me rendis 
sur l'heure à l’île de Tatihou, afin d'annoncer l’échouement à M. le pro- 
fesseur Perrier, directeur du Laboratoire maritime établi dans cette ile. 
M. Perrier voulut bien me charger d'étudier l'animal, et m’adjoignit deux 
étudiants du Laboratoire, MM. Goux et De Zeltner, qui s'étaient gracieu- 
sement offerts pour m’accompagner. 

Arrivés le même jour à Saint-Martin-de-Varville, nous apprîimes de 
M. Bertot, le garde maritime, que le cétacé avait été amené à la côte par 
les sauveteurs et qu'il se trouvait à 12 kilomètres de là, au hameau du 
Grand- Vey, commune de Sainte-Marie-de-Mont. Fatigués par une marche 
déjà longue, nous nous trouvions là embarrassés, lorsque M. Bertot, qui 
nous avait fort aimablement reçus, nous offrit plus aimablement encore 
de nous conduire en voiture au Grand-Vey. Nous acceptâmes avec plaisir, 
et nous arrivions à six heures du soir sur la plage du Grand-Vey. 

L'animal était un Hypéroodon femelle relativement jeune. Il mesurait 
47,20 de longueur, 0,80 de hauteur maximum et 2",10 de circonférence 
à ce dernier niveau. Vers le milieu de leur insertion sur le corps, les 
nageoires pectorales se trouvaient à 1 mètre (?) de l'extrémité du museau 


836 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


et à 2 mètres de l’anus; la commissure des lèvres était à 25 centimètres 
des yeux, à 28 centimètres de l’extrémité antérieure du corps et à 22 cen- 
timètres de l'évent ; enfin ce dernier mesurait 10 centimètres de largeur et 
la saillie frontale ne dépassait pas en hauteur 13 centimètres. 

Cet Hypéroodon était venu échouer sur le banc de la Madeleine, par la 
grande marée du 22 août, vers huit heures du soir. Les sauveteurs 
l'avaient entrevu déjà dans la journée, et le trouvaient mort et à demi 
enfoui dans le sable. Trois jours après quand nous le vimes couché sur 
les galets du Grand-Vey, la putréfaction avait déjà fortement commencé 
son œuvre et nous ne pûmes, à notre grand regret, ni commencer la dissec- 
tion, ni même sonder l'utérus pour savoir s’il renfermait un embryon. 

Mais la forme extérieure et les teintes de l'animal se trouvaient parfai- 
tement conservées : comme dans les autres individus de la même espèce 
les nageoires pectorales étaient arrondies en arrière, le milieu du bord 
postérieur de la nageoire caudale ne présentait pas d’échancrure, mais 
était plutôt convexe, l’évent enfin avait la forme d’une fente manifes- 
tement concave en arrière. Rendue turgescente par la décomposition, 
la vulve était fort apparente et très dislinctement limitée en arrière; 
nous pûmes constater que son extrémité postérieure se trouvait à 5 centi- 
mètres environ, en avant de l’anus. Les sillons mammaires occupaient 
leur position normale, maïs les deux fentes sous-maxillaires étaient dis- 
tendues et dès lors peu profondes. La couleur générale du corps était 
ardoisée et d’un ton gris noirâtre; dans la région abdominale on trou- 
vait sur les flancs de grandes raïes blanchâtres qui disparaïssaient pour 
faire place au ton général dans la région ventrale médiane. La queue 
tout entière était noire et plus foncée que le reste du corps. 

Qucique peu nombreuses, ces observations acquièrent de l’importance, 
quand on les compare avec celles de même nature relevées antérieurement 
sur d'autres individus de la même espèce ; elles me permettent notamment 
de formuler les conclusions suivantes dont quelques-unes rectifient celles 
que j'ai publiées tout récemment dans un mémoire anatomique sur l’Hy- 
péroodon (1). 

1° Si l’on tient compte des échouements d'Hypéroodon qui ont eu lieu 
en France dans ces dernières années, on voit qu'ils se produisent tous 
sensiblement vers la fin d'août, époque qui paraît être celle du passage 
de ces animaux près de nos côles : le 19 août 1886, échouement près du fort 
de la Hougue, à Saint-Vaast, de deux femelles pleines ; —le 28 août 1891, 
échouement au même lieu d’une femelle qui venait de mettre bas; — le 
1 septembre de la même année, trois femelles probablement dans le 
même état que la précédente; — le 25 août 1892, échouement d'une jeune 
femelle dans la baie de Carentan. Si l’on observe que tous ces animaux 


(1) E.-L. Bouvier. Observations anatomiques sur «l’Hyperoodon rostratus », 
Lilljeborg (Ann. des Sciences naturelles, série 7, t. XELL, p. 259-320, pl. VIT et VIH). 


SÉANCE DU 29 OCTOBRE 831 


étaient des femelles presque toutes à l'époque de la parturition, on est 
porté à croire que les Hÿpéroodons se rapprochent des côtes pour mettre 
bas. Leurs bandes ou games peuvent être d’ailleurs accompagnées de 
femelles avec jeunes, comme celle de Carentan, qui probablement n’ont 
pas atteint encore la maturité sexuelle. Si la plage s'étend en pente douce 
au-dessous des eaux, l'échouement est rendu relativement facile, surtout 
à l'époque des marées d'équinoxe, et c'est ce qui explique la fréquence 
des échouements sur les côtes du Cotentin, surtout au voisinage de la 
vaste grève qui s'étend du fort de la Hougue à la baie de Carentan. 

2° Certains observateurs décrivent la fente de l'évent comme convexe 
en avant (Bonnaterre, Gray, Dale, Baussard, ete.); d’autres, plus nom- 
breux, assurent au contraire qu’il est convexe en arrière. Telle était aussi 
mon opinion quand j'écrivais le mémoire précité, et je pensais, avec 
Eschricht « que c’est une erreur de considérer l’évent de l'Hypéroodon 
comme concave en arrière », lorsque l’échouement du cétacé qui fait 
l’objet de cette note vint me prouver l'exactitude de l'observation de 
Dale et de Baussard. En réalité, l’'évent de l'Hypéroodon est ordinaire- 
ment concave en avant, mais il peut l’èlre aussi en arrière, au moins 
quand on observe l'animal après la mort. En faut-il conclure que l’évent 
peut varier de forme suivant les individus, ou au moins avec l’âge des 
individus ? C'est possible, mais il est plus naturel de penser que cet 
organe éminemment contractile a une forme constante pendant la vie, 
mais que les dernières convulsions sont susceptibles de modifier cette 
forme. 

3° D’après les observations du capitaine baleinier David Gray, la proé- 
minence frontale se développe progressivement chez le mâle et devient 
d'autant plus saillante que l’âge est plus avancé; mais il n’en serait pas 
de même chez la femelle dont le front serait plus ou moins semblable à 
celui des jeunes mâles. On doit penser toutefois que les observations de 
Gray sur les femelles ne sont pas d’une exactitude rigoureuse, ou au 
moins qu'elles n’ont pas porté sur un nombre suffisant d'individus. Dans 
la femelle que j'ai étudiée l’année dernière, comme dans celles échouées 
à Goury, « la saillie frontale était forte et formait un angle presque droit 
avec le rostre; elle présentait à peu près la forme et les dimensions qu’on 
peut observer dans la femelle représentée par Vrolick, avec cette diffé- 
rence que le faible étranglement silué au niveau de l'évent était un peu 
moins prononcé. » Or, l'Hypéroodon de Saint-Vaast, les femelles de 
Goury, ei celle qu'a figurée Vrolik, étaient des adultes femelles, mesurant 
de 7 à 8 mètres de longueur. Dans la jeune femelle de Carentan, la proé- 
minence était très réduite et formait un front très fuyant qui, au premier 
abord, ne donnait nullement à l’animal l'aspect d’un Hypéroodon: sa 
hauteur maximum au-dessus du rostre atteignait à peine 13 centimètres 
de hauteur, tandis qu'elle était de 35 centimètres au moins dans la 
femelle que j'étudiai l’année dernière. 


838 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Dans la femelle figurée par Gray, le front aussi est assez fuyant, mais 
quelles étaient les dimensions de cette femelle ? Voilà ce qu'il faudrait 
savoir pour établir l'influence de l’âge sur les variations de la proémi- 
nence. En tenant compte des spécimens échoués sur la côte du Cotentin, 
et de celui étudié par Vrolik, on serait tenté de conclure que la proémi- 
nence frontale se développe avec l’âge chez la femelle comme dans le 
mâle, mais si la femelle figurée par Gray était de grande taille, on devra 
croire, comme je le disais l’an dernier, que les variations de la proéminence 
sont purement individuelles chez la femelle. 

&° Si l’on compare le jeune de Carentan aux adultes échoués à Saint- 
Vaast et à Goury, on arrive à cette conclusion que le jeune de Carentan 
avait le corps moins renflé et le rostre plus court que les femelles adultes. 
Des observations ultérieures permettront seules d’établir, s’il y a lieu, la 
généralité de cette remarque. 


Le Gérant : G. Masson. 


Paris. — Imprimerie de la Cour d'appel. L. MarernEeux, directeur, 1, rue Cassette. 


MAL INR EE Le arr 1 LE VEN OU SR NES RAT CT sv 
* Le NET RTS : 


839 


SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1892 


M. le D: Manuez Leven : La dyspepsie. — M. E. Gcey : Note sur quelques effets de 
la destruction lente du pancréas; importance de la fonction digestive du pancréas. 
— MM. J. Héricourr et Cu. Ricner : Innocuité de la tuberculose aviaire chez le 
singe. — M. le Dr A. Hénocoue : Analyse du sang dans les tissus vivants. — M. F. 
Manor : Note sur un caractère différentiel d'un streptocoque de la bouche, — 
M. Jacques Passy : Sur l’analyse d’une odeur re — M. Cuarrin : Habitats 
microbiens ; contagion. 


Présidence de M. Laveran. 


LA DYSPEPSIE, 


par M. le D' MANUEL LEVEN. 


J'ai insisté, dans ma dernière communication, sur ce fait général, que 
les maladies des organes des sens, les maladies du nez, du pharynx, du 
poumon, du cœur, que les névralgies et les rhumatismes, proviennent 
toutes de l’irritation des divers champs cellulaires de la moelle. 

J'ai dit que la mobilité de cette irritation règle la succession de ces 
diverses maladies, qu’elles n’arrivent jamais comme un accident fortuit, 
mais dues toutes à cette irritalion. 

Cette irritation appelle à sa suite, dans tous les cas de ces diverses 
maladies, l'irritation du plexus solaire, c’est-à-dire la dyspepsie. De 
même que le tube digestif est un, au point de vue de la fonction de la diges- 
tion, de même, dans le fait de la dyspepsie, toutes les parties du tube 
digestif seront successivement tourmentées. 

Les observations d’un très grand nombre de malades, chez qui j'ai pu 
suivre la maladie pendant de longues années, m'ont permis de distin- 
guer, dans cette affection, trois périodes différentes. 

Une première période que j'appelle stomacale ; 

Une deuxième période comprenant (ous les phénomènes du gros intes- 
tins, période intestinale : 

Enfin une troisième période qui évolue tout entière dans l’œsophage 
et le pharynx. 

La dyspepsie comprend donc: la dyspepsie stomacale, la dyspepsie 
intestinale et la dyspepsie œsophagienne et pharyngienne. 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9€ SÉRIE. T. [V. 33 


840 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Dans la première période, périodé stomacale, où le plexus solaire 
irrité porte l'irritation aux trois espèces de nerfs qui en émanent, 
nerfs sensilifs, moteurs et vaso-moteurs, qui sont chargés de régler la 
fonction du muscle et de la muqueuse de l’estomac, nous observons en 
première ligne les symptômes du système nerveux de l’eslomac, et en 
seconde ligne les symptômes de l'estomac même. . 

Les symptômes du plexus sont: la douleur, les crises de doter la 
brûlure, la sensation de boule, la dyspnée, l'inappétence, ou les fringales, 
l'augmentation de la soif, les angoisses. L’estomac est rendu douloureux 
par les nerfs sensitifs irrités et sujet à des spasmes par irritation des 
nerfs moteurs. L’estomac lui-même présente une série de symptômes qui 
reviennent avec une périodicité parfaite, parce qu'ils sont tous dus au 
centrenerveux: gonflement, gaz, régurgitation, nausées, vomissements, elc. 

C’est l'irritation du centre qui fait la dilatation, l’ulecère, et même très 
souvent le cancer de l'estomac. L’irritation des vaso-moteurs aussi est 
cause d’allération des sécrélions gastriques. L'irritation du plexus solaire 
se calme spontanément et fait place, dans quatre-vingt-dix cas sur cent, 
à l’irritation des plexus intestinaux. 

Le repas ne fait plus souffrir le malade dans l'estomac; mais dans l'in- 
testin. Les symptômes du système nerveux de l'intestin ont la plus grande 
ressemblance avec ceux du plexus solaire. Douleur, crise de douleur, 
lourdeur, chaleur, brûlure, sensation de corps étrangers, ce sont là les 
phénomènes du plexus intestinal. Les nerfs sensitifs du gros intestin 
irrilé rendent cet organe douloureux; ses nerfs moteurs irrités font les 
borborygmes; enfin les nerfs vaso-moteurs irrités appellent l’entérite. 
L’irritation du centre et de ces nerfs entrainent les désordres de la défé- 
cation, constipation ou diarrhée, hémorroïdes, ou fissure, typhlite et Les 
engorgements ganglionnaires de l’ablomen. 

Dans la troisième période de la dyspepsie, le plexus solaire a préparé 
l'irritation des cellules de la moelle, qui irriteront les nerfs pneumo- 
gastriques de l’œsophage, c’est-à-dire les nerfs sensitifs, moteurs, vaso- 
moteurs de l'organe. Il en résulte que les nerfs sensitifs irrités rendent 
l’œsophage sensible, les fibres musculaires irritées donnent lieu à des 
spasmes, et l'irritation des vaso-moteurs est cause de sécrétions morbides 
de la muqueuse et de congestion de cette muqueuse, en sorte que, à cette 
_troisième période, ce n’est plus dans l'estomac que l'aliment fait souffrir 
le malade, mais il souffre trois ou quatre heures après le repas, de 
démangeaisons, de douleurs, de contractures de l’œsophage, et il rend des 
sécrétions œsophagiennes; c'est là l’œsophagisme, qui, s'il n'est pas 
enrayé par le traitement de la dyspepsie, devient continu, et tel que le 
malade ne peut plus supporter le contact de l'aliment et même le vomit 
dans la déglutition. Enfin, si les cellules de la moelle d'où émerge le 
plexus pharyngé sont irritées, il se produit un pharyngisme qui présente 
les mêmes manifestalions que l’œsophagisme, et le malade souffre dans 


Éoers © 


LES dl 


SÉANCE DU D NOVEMBRE 841 


le pharynx, trois ou quatre heures après le repas, ou bien la sensibilité 
du pharynx devient continue, et, à la longue, les muscles du pharynx 
se contracturent tellement que l'aliment est rendu dès qu'il arrive au 
pharynx. Voilà les trois phases de la dyspepsie, qui paraissent en 
général, pendant une longue série d'années, si le malade n'est pas 
rationnellement traité. 

Ces développements feront comprendre la nature de la maladie qui se 
fait sentir tout le long du tube digestif; elle ne reste jamais localisée à 
l’estomac, mais envahit les trois portions du tube digestif successivement : 
estomac, gros intestin, et pharingo-œsophagien. 


NOTE SUR QUELQUES EFFETS DE LA DESTRUCTION LENTE DU PANCRÉAS ; 
IMPORTANCE DE LA FONCTION DIGESTIVE DU PANCRÉAS, 


par M. E. Gzey. 


L'intéressante communication de M. Thiroloix, dans l’avant-dernière 
séance de la Société, m'engage à relater l'histoire de deux chiens sur 
lesquels j'avais détruit le pancréas par une injection dans le canal de 
Wirsung, après ligature du conduit accessoire (1). Comme on le verra, 
l'un de ces animaux s'est comporté, à certains égards, et, d’une façon 
générale, de la même manière que ceux de M. Thiroloix; mais l’autre a 
présenté des troubles très différents. Le premier a survécu en effet plus 
de quatorze mois, restant tout ce Lemps très bien portant et n'ayant été à 
aucun moment glycosurique ; il est mort d’ailleurs accidentellement. Le 
second, au contraire, qui a vécu presque un an depuis l'opération, est 
mort dans le marasme, peu à peu devenu semblable à un chien diabé- 
tique, quoique n'ayant jamais été tel. 


1° Jeune chien de chasse bâtardé, du poids de 14 kilogrammes. Le 13 jan- 
vier 1891, injection dans le canal pancréatique de 5 centimètres cubes de suif 
coloré par le violet 5 B; tout le pancréas prend une belle teinte violette. Dès le 
lendemain, l’animal boit un peu d'eau et, le troisième jour, se remet à 
manger de la viande. Pendant sept à huit jours, a eu de l’albumine dans les 
urines et, pendant un mois, des pigments biliaires. Dès le quatrième jour, 
mange une grande quantité de viande ; c’est ainsi que du 22 au 23 janvier il 
en a mangé jusqu'à 2 kilogrammes. Le 29 janvier il pesait 12 kil. 400; le 31, 
12 kil. 300 ; le 6 février, 12 kil. 900; le 18 février, 13 kilogrammes. Durant cette 
période, il mangeait par jour 700 grammes, et quelquefois plus, de viande 


(1) Voy. E. Gley : Procédé de destruction du pancréas; troubles consécutifs 
à cette destruction (Comptes rendus Soc. de Biol., 11 avril 1891, p. 225). 


ST SR ARE NE 7 RME ER PET 


849 SOCIÉTÉ DE BIOLUGIE 


dégraissée et buvait de 100 à 500 centimètres cubes d'eau; il urinait de 278 centi- 
mètres cubes, chiffre minimum, à 515 centimètres cubes, chiffre maximum; la 
quantité de matières fécales était beaucoup moins variable, n’oscillant 
qu'entre 200 et 300 grammes par jour; ces matières étaient absolument 
décolorées. 

Le 17 mars, seconde laparotomie ; il pesait alors 11 kil. 400 (1); le pan- 
créas apparaît extrêmement réduit de volume, coloré en violet très foncé; 
à l'origine de la branche horizontale, on remarque une petite portion moins 
colorée; on la détruit avec le thermo-cautère; à l'extrémité de cette même 
branche (qui n'atteint plus, il s’en faut de beaucoup, la rate, qui en est 
même très éloignée), on trouve une portion un peu plus épaisse de la glande, 
et dans laquelle on peut distinguer quelques trainées blanchâtres : on résèque 
cette portion. Le lendemain, le chien va très bien, boit de l’eau, du lait et 
mange quelques morceaux de viande. Pendant quatre et cinq jours, on trouve 
de l’albumine dans les urines et, jusqu’au 25 mars, des pigments biliaires ; 
le 20 avril, on constate encore la présence de ceux-ci, le 26 et le 30 juin 
également (2). 

Dès qu'il fut remis complètement de cette seconde opération, au commen- 
cement d'avril, on lui donna régulièrement 1 kilogramme de viande maigre 
par jour; son appétit fut toujours extrême et il dévorait rapidement cette 
énorme pitance; il buvait de l’eau ad libitum. Son poids augmenta assez 
régulièrement. Le 19 mars, il pesait 14 kil. 200; le 20, 11 kilogrammes ; 
le 214, 11 kil. 300; le 24, 11 kil. 500; le 25, 11 kil. 700; le 15 avril, 11 kil. 800. 
Je donne les tableaux ci-après comme exemples de son régime; à diverss 
reprises, jusqu'à sa mort, on à ainsi mesuré exactement, pendant des périodes 
de sept à huit jours, ses ingesta et ses excreta; et ces spécimens représentent 
la moyenne de ce qui fut observé chaque fois. 

L'animal fut toujours très gai, très vif. Vers le 16 mars 1892 il se mit tout 
à coup à manger moins; le 19 il mangea très peu; on le trouva mort le 
matin du 20. 

À l’autopsie, on constata une péritonite intense; vers le milieu du 
jéjunum, se trouvait une anse intestinale pincée dans une bride cicatri- 
cielle ; à ce niveau, plaque de nécrose sur l'intestin. On découvre un fragment 
de pancréas que l’on pèse : P. — 0 gr. 50. D’autres très petits fragments 
sont laissés sur la pièce que l’on prépare pour la conserver. Le conduit pan- 
créatique était imperméable. 


2° Chienne ratier, adulte, pesant 14kilogrammes. Le 23 février 1891, exlirpation 
entre deux ligatures de la branche verticale du pancréas, puis injection dans 
le conduit de Wirsung, après ligature du conduit accessoire, de 5 centimètres 
cubes de suif coloré par le violet 5 B : toute la branche horizontale devient 
violette: on aperçoit cependant deux petites portions, l’une près de l’embou- 


 chure du canal principal, l’autre près de l'embouchure du canal cholédoque, 


(1) Cette diminution de poids était due à une modification dans l’alimenta- 
lion, ainsi qu'on peut le voir à la fin de cette note. 

(2) On sait qu'on trouve quelquefois dans les urines de chiens normaux les 
matières colorantes biliaires. à 


> 


SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 843 


qui sont à peine colorées; on passe le thermo-cautère sur ces portions de 
glande. 
Le lendemain, l'animal boit un peu de lait. On recueille 175 centimètres 
cubes d'urine, d'une densité de 1050, contenant 35 grammes de sucre p.000; 
mais les jours suivants et jusqu’à la mort de l'animal, on n’a plus trouvé de 
sucre. Albumine et pigments biliaires dans les urines pendant les quatre et 
cinq premiers jours. Dès le troisième jour, mange de la viande; le 27 février, en 


URINES eee MA- 

: |DENSITÉ| URÉE re 3 
DORDSMNrS roraL |TLÈRES | ALIMENTS |Bo1SsON| °PSERVA 
24 h. (1) p: 4090 | ».1000 |. fécales TIONS 


gr. c.c. d'eau 

{* viande Pas de 
525 | maigre. 25 sucre. 
600 — 
515 
595 
420 
660 
625 


4* viande Pas de sucre 
7 [12 500 1024 500 | de bœuf maigre. Û dans les urines. 
12 300 1047 500 one 

12 200 105 9 2. 445 

12 400 105 440 

12 500 550 

12 400 D D ; 490 

12 500! 45 500 


= 
æ ©OQODISD OX 


(1) On remarquera la densité élevée de ces urines, ainsi que de celles du 
second animal. Ce fait m'a beaucoup frappé et j'ai cherché à plusieurs reprises 
quelle en pouvait être la cause. 


mangeait déjà 500 grammes. Le 27, pesait 13 kil. 300; le 2 mars, 13 kilo- 
grammes, le 9, 43 kil. 500; Le 24, 13 kilogrammes; le 25, 13 kil. 200; le 
45 avril, 14 kil. 600 ; le 20 avril, 14 kil. 100. Les selles étaient complètement 
décolorées (1). 

Le 10 juin, seconde laparotomie; l’animal pesait alors 12 kil. 700 (n’avait 
pas mangé depuis la veille). On enlève tout ce que l’on apercoit de tissu pan- 
créatique, mais non sans de grandes difficultés, à cause d’adhérences nom- 


(4) Le 4 juin, cet animal pesait 14 kilogrammes, c'est-à-dire qu'il était revenu 
à son poids initial, après l’avoir même quelque peu dépassé, comme on vient 
de le voir (M. Thiroloix a aussi observé ce fait) : on lui fit ingérer par la 
sonde œsophagienne, le lendemain, 44 grammes de phloridzine; ses urines 
contenaient, le 6, 29 gr. 04 de sucre p. 4000, et, le 7, 10 gr. 56. 


JOURS |POIDS| DES |DENSITÉ TOTAL |TIÈRES | ALIMENTS |BOISSON 
24 h. 


2 
2 
2 
2 


844 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


breuses, surtout avec le foie; hémorragies; on n’est pas sûr d’avoir extirpé 
tout ce qui restait de la glande. 

Le lendemain, l'animal va bien; il mange et boit sans vomir. Pas de sucre 
dans les urines. Albumine et pigments biliaires pendant les trois premiers 
jours. 

Le 23 juin, poids, 12 kilogrammes. Voici des exemples de soû régime : 


URINES URÉE | AZOTE | MA- 


P. 1000 |}. 1000 | fécales. TIONS 


ce. c. d'eau 


4 juin.|12 510 1 maigre. 360 | dans les urines. 
Br » 550 | 207 560 
6 — |11 700! 525 à RE : 480 
9 — » 670 895 


30 — » 950 850 


ter juil.[11 800| 1025 525 
DRE RE 750 500 


4 


ESS 


1k viande 

750 | de bœuf maigre. | 400 
480 480 
500 ») 

670 390 
750 500 
550 500 
460 600 


= ©ODLD-IS 


Au commencement de janvier 1892, on constate que l'animalest très amaigrt 
et très faible; il peut à peine marcher; le 11 janvier, il ne pèse plus que 9 kilo- 
grammes. Cette maigreur devient squelettique; en même temps, la peau est 
sèche et ridée, les poils sont tombés; la bête peut à peine se soutenir sur ses 
pattes. Le 16 janvier, le matin, on la trouve morte; elle pesait 7 kil. 700. Pen- 
dant tout ce temps, pas de sucre dans les urines. 

A l’autopsie, rien de particulier. On trouve dans l’épiploon un fragment de 
pancréas de couleur bleuâtre, de la grosseur d’une petite olive, et, contre le 
duodénum, un autre fragment, plus petit encore, et de teinte blanchâtre (qui 
a dû par conséquent échapper à l'injection). 


Ainsi l'un de ces chiens a vécu très bien portant, ayant résisté d’abord 
à la destruction de son pancréas, puis à l’extirpation de la plus grande 
partie restante. Les fonctions digestives de l'organe ne s’exerçaient plus; 
néanmoins la vitalité générale de l'animal n’a pas paru diminuée ; pen- 
dant plus d’un an il a vécu exclusivement de viande, éliminant une quan- 
tité de matières fécales en rapport avec l'énorme quantité de viande 


OBSERVA- 


1£ viande Pas de sucre 


SÉANCE DU D NOVEMBRE 845 


qu'il ingérait ; ses excréments ont bien eu tout le temps l'aspect de ceux 
d’un chien privé de pancréas. L'excrétion de l’urée a été également en 
rapport avec cette alimentation carnée excessive. Mais son poids est 
toujours à peu près resté le même. Donc, dans ce cas, l'estomac a pu 
suppléer le pancréas. Les glandes de la muqueuse duodénale, conformé- 
ment aux idées de Schiff, ont-elles aussi joué un rôle dans cette sup- 
pléance? La chose est possible, quoique peu probable, à en juger du 
moins par ce qui se passait chez cet animal, ainsi qu'on le verra plus 
loin, chaque fois qu’on essayait de lui donner une alimentation mixte. 

Chez l’autre animal, au contraire, l'importance du pancréas comme 
organe de la digestion apparait des plus nettes. Chez celui-ci, comme 
chez le premier, mêmes phénomènes essentiels : nécessité d'une alimen- 
tation carnée exclusive ; défécations abondantes (1); élimination excessive 
d’urée. Mais le poids est allé diminuant peu à peu : après la seconde 
laparotomie, survient une période pendant laquelle ce poids oscille entre 
11 et 12 kilogrammes, atteignant rarement ce dernier chiffre ; puis il 
oscille entre 10 et 41 ; enfin il tombe au-dessous de 10. La phase de ma- 
rasme commence alors. Des troubles nulritifs profonds se produisent 
évidemment, la fonction d’assimilation est atteinte, et cela malgré l'inté- 
grité de l’estomac (2). L’amaigrissement et la faiblesse sont tout à fait 
ceux d’un chien diabétique. 


(1) L’odeur des selles était infecte, comme chez le chien n° { d'ailleurs. Ce 
fait ne doit-il pas être encore considéré comme une preuve, indirecte à la vérité, 
de l’importance du pancréas en tant qu'organe digestif? Il est clair que, la 
digestion pancréatique étant supprimée, tout l’acide chlorhydrique sécrété 
par l'estomac doit être employé au travail digestif considérable nécessité par 
l'ingestion de quantités de viande comme celles que les animaux privés 
de pancréas sont obligés d’absorber. Dès lors il n’arrive plus ou presque plus 
d'acide chlorhydrique dans l'intestin, pour s'opposer aux fermentations bacté- 
riennes dont cette partie du tube digestif est le siège. J'ai noté cette horrible 
odeur des fèces chez tous les chiens dont j'ai détruit ou extirpé Le pancréas. 

(2) Il est certain que la cause de la mort, dans ce cas, n’est pas très claire. 
Peut-être conviendrait-il de la chercher dans une dénutrition minérale exa- 
gérée : la grande quantité de viande ingérée doit amener une augmentation 
dans la production de l'acide sulfurique provenant du soufre des matières albu- 
minoïdes; d'autre part, les sels alcalins de cette alimentation peuvent ne pas 
être assez abondants pour neutraliser cet excès d'acide sulfurique qui s’at- 
- taque alors aux alcalis faisant partie intégrante des éléments cellulaires, d'où 
la destruction de ceux-ci; mais, dans cette hypothèse, il faut encore admettre 
que le mécanisme compensateur, qui consiste dans une production d’ammo- 
niaque suffisante pour préserver l'organisme contre l’action destructive de 
l'acide libre (Schmiedeberg et Walter), a fait défaut, supposition très plausible 
d’ailleurs, puisque, on le sait, celte production d'ammoniaque est limitée. Un 
autre fait est sans doute aussi à invoquer à l'appui de cette théorie, c'est à 
savoir le manque de phénols dans le tube intestinal d’un animal privé de Loute 


846 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Une dernière question se pose, celle de savoir comment se comportaient 
ces animaux, quand on les soumettait à un régime mixte. J'ai essayé à 
plusieurs reprises de les nourrir l’un et l’autre avec du pain et de la viande. 
Je n’ai jamais pu continuer ces essais un nombre de jours suffisant pour 
une bonne observation. Dès que ces chiens prenaient le régime, ils 
étaient en effet atteints de diarrhée très forte et maigrissaient. C’est 
ainsi que le chien n°4, qui pesait Le 9 mars 12 kil. 500, ne pesait plusle 17 
que 11 kil. 400, ayant perdu 1 kilogramme en 8 jours, sous l'influence d’un 
régime mixte composé de viande 500 grammes et pain 250 grammes (pen- 
dant 2 jours), ou pain 200 grammes et pommes de terre 100 grammes (pen- 
dant 3 jours) et malgré une interruption dans le régime {le 45, jour où il 
reçut ! kilogramme de viande, et le 16, jour où il en reçut 500 grammes). 
La chienne de même tombait malade tout de suite. La diarrhée surtout 
devenait telle que, comme ces animaux vivaient dans des cages disposées 
de façon à ce que l’on pût recueillir les urines, celles-ci étaient souillées 
immédiatement ; aucune observation n’était plus possible. Voilà donc des 
chiens chez lesquels sans doute la suppléance du pancréas par les 
glandes de l'intestin dans la digestion des hydrocarbonés était singuliè- 
rement restreinte. Il est clair que la manière de voir de Schiff sur ce 
point, appuyée sur des expériences précises, et que viennent encore con- 
firmer les faits récemment exposés par M. Thiroloix, n’en reste pas moins. 
juste. Seulement il s’agit ici d'expériences complexes et d’un mécanisme 
compensateur qui peut fort bien, on le conçoit, ne pas entrer en jeu dans 
tous les cas. 


INNOCUITÉ DE LA TUBERCULOSE AVIAIRE CHEZ LE SINGE. 


Note de MM. J. Héricourt et CH. RIcHET. 


Il y a un an, nous avons publié dans les Bulletins de la Société de Bio - 
logie une note relative à l'innocuité de la tuberculose aviaire chez le singe ; 
depuis cette époque nous avons renouvelé cette tentative, et elle nous a 
donné le même résultat. 


Deux singes (Maccacus inuus), un mâle et une femelle, ont été inoculés 
sous la peau une première fois, le 10 mars 1892 : ils ont recu chacun 


digestion pancréatique et par conséquent l'impossibilité de la formation d'acides 
sulfo-conjugués (phénol-sulfates formés aux dépens de l'acide sulfurique 
résultant de la décomposition des albuminoïdes et du phénol provenant de la 
troisième phase de la digestion pancréatique). —- On aurait eu, dans la déter- 
mination des acides sulfo-conjugués dans l’urine et dans les fèces, compara- 
tivement au soufre urinaire total, un moyen de vérifier si cette idée de 
la dénutrition minérale est fondée; le temps m'a manqué pour réaliser cette 
recherche. 


SÉANCE DU 9 NOVEM3RE 841 


oo 


1 centimètre cube de culture virulente de tuberculose aviaire. Cette injec- 
tion a provoqué à peine de réaction ; un petit abcès s’est développé au lieu 
de l'injection; il était guéri au bout d’un mois, ne laissant qu'une légère 
induration. 

Le 12 avril, ces deux singes reçoivent de nouveau une inoculation tes 
cutanée de tuberculose aviaire, qui ne produit pas de plus graves désordres. 

Le 16 août, nous nous décidons à faire la même inoculation, non plus 
sous la peau, mais par injection intra-veineuse ; malgré cela, nos deux 
singes sont aujourd’hui en bon état de santé. 

Un troisième singe, qui avait reçu le 6 août une inoculation sous-cutanée 
de tuberculose aviaire, a également très bien supporté une inoculation 
intra-veineuse de 4 centimètre cube du bacille de culture aviaire, faite le 
10 octobre, et est aujourd'hui en excellent état. 

Mentionnons enfin deux autres singes qui ont reçu le 8 octobre une 
injection sous-cutanée, et qui sont aussi très bien portants, 

Cela fait donc un ensemble de preuves qui permettent de conelure à 
l’innocuité de la tuberculose aviaire pour le singe. 

L'expérience est d'autant plus probante que, d’une part, nos cultures de 
tuberculose aviaire ont été très toxiques pour le lapin, et que, même chez 
le chien, sila dose dépassait 0 ce. ce. 25 de culture par kilogramme d'animal, 
elle entraïînait parfois la mort. 

D'autre part, on sait que la tuberculose humaine tue très rapidement 
les singes. Rappelons l'expérience que nous avons communiquée à la 
Société de Biologie l’année dernière, où nous donnons l’histoire de trois 
singes morts rapidement après l'injection de tuberculose humaine sous- 
cutanée, à dose très faible. 

— Ainsi nous pensons avoir prouvé que le singe est rebelle à la tuber- 
culose aviaire. En serait-il de même pour l’homme? 


(Laboratoire de physiologie de la Faculté de médecine de Paris.) 


ANALYSE DU SANG DANS LES TISSUS VIVANTS 


(Deuxième communication), 


par M. le D' A. HÉNOGQUE. 


I 


Dans la dernière séance, j'ai annoncé qu’au moyen de l’analyseur chro- 
matique, on pouvait faire l'analyse quantitative du sang dans les tissus 
vivants; je dois aujourd'hui exposer les résultats expérimentaux qui 
montrent dans quelles limites cette analyse est praticable et quelle en est 
la précision relative. 

Un premier mode de vérification du pouvoir atténuateur ou extincteur 


818 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


des verres chromés consiste à en observer le mode d'action sur du sang 
ou des solutions d’oxyhémoglobine titrées au moyen de l'hématoscope. 

J'ai montré le mode d'action sur du sang à une épaisseur de 70 mil- 
lième; de millimètre sur la planche que je présente à nouveau, et j'ai 
fait cet examen pour les épaisseurs du sang qui donnent l'apparition de 
la bande «, puis celle des deux bandes « et8, puis le phénomène des deux 
bandes égales, enfin à une épaisseur plus grande où les deux bandes sont 
confuses, c’est-à-dire alors que le vert qui les sépare n'est plus visible. 
Je ne citerai que deux expériences de cette série qui sont très démons- 
tratives. 

Dans la planche que je présente j’aiindiqué, par une et par deux lignes, 
le numéro de l'échelle de l’hématoscope auquel on note l'apparition 
d’une bande, puis des deux bandes dans du sang de cobaye dilué ren- 
fermant 5.2 p. 100 d’oxyhémoglobine et examiné dans l’hématoscope 
micrométrique, avec les divers verres ; voici les résultats : 

La première bande apparait : 


Avec le condensateur bleu. . à 6 millimètres, soit 10 micra d'épaisseur. 
SAS INERRE PT Re CE LA — soit 20 — — 
Avec le verre jaune n° [I . . à 20 — soit 33 — — 
Avecile yerremanne noll##12225 — soit 4l — — 
Avec le verre jaune n° III. , à 32 — soit 53  — — 
Avec le verre jaune n° IV. . à 37 -— soit 64 — — 


On voit ici l’action du vert bleu condensateur qui montre la bande à 
une épaisseur de sang moitié moindre que le verre ordinaire ; au con- 
traire, avec les verres jaunes, l’épaisseur de sang nécessaire pour aper- 
cevoir la bande croît de 20 à 61 millièmes :de millimètre, c’est-à-dire 
dans la proportion de 1 à 3. 

Dans celte même expérience, examinant l'épaisseur de sang nécessaire 
pour obtenir l'apparition des deux bandes, je trouve également que le 
verre bleu montre les deux bandes à une épaisseur de 41 micra ou 25 mil- 
limètres de longueur de l’échelle, tandis que sans verre on ne les perçoit 
qu'à 50 micra d'épaisseur ou 30 millimètres de l'échelle. Enfin, pour les 
verres jaunes, les épaisseurs varient de 53 micra à 70 miilimètres, soit les 
n° 32, 34, 40, 42 de l'échelle millimétrique. 

Une seconde expérience analogue faite avec du sang humain pur non 
dilué, contenant 12 p. 100 d’oxyhémoglobine, donne des résultats sem- 
blables, soit avec le microspectroscope, soit avec l’hématoscope ordinaire. 

C’est ainsi que dans l’hématoscope ordinaire l'apparition des deux 
bandes se fait à 2 millimètres ou 10 micra d'épaisseur et avec les verres 
jaunes, il faut successivement des épaisseurs de 15, 25, 35 micra pour 
voir ces bandes. 

Avec l'hématoscope micrométrique il faudra également les degrés 


one 20 OA Le ANGES EE RAT SES EEE ner LES 


Ts 


SÉANCE DU D NOVEMBRE 849 


successifs de 30 micra à 36 micra pour les deux bandes, ou bien de 
27 micra à 30 micra pour voir la première bande. 

En résumé, dans ces divers types d'expériences, nous assistons en 
quelque sorte in vitro à ce que nous observons dans l'examen du sang 
à la surface tégumentaire, parce que nous vbservons des épaisseurs de 
sang très faible, ne produisant que l'apparition d’une ou deux bandes de 
l’oxyhémoglobine. 


IT 


Recherches sur l'Homme. 


J'ai recherché sur 63 individus la quantité d’oxyhémoglobine du sang, 
au moyen de l’analyseur chromatique, et mes observations notées sont 
au nombre de 75. Elles portent sur 21 femmes d’âges divers, 14 femmes 
récemment accouchées, 2 nourrices, puis 20 hommes de dix-huit à soixante- 
quatre ans, enfin 9 enfants nouveau-nés ou âgés de moins de quinze mois; 
parmi ces enfants, 2 étaient âgés de un et deux jours, nés à huit mois 
et six mois de grossesse. Les résultats concordent avec ceux qu'on obtient 
avec l’hématospectroscope. 

Dans 34 cas, le contrôle a été fait avec l'hématoscope. Or, en comprenant 
tous les cas, même ceux du début, et en prenant la moyenne de la somme 
des erreurs en plus ou en moins, j'obtiens une approximalion de 0.5 p. 100 
d'oxyhémoglobine presque toujours en plus pour l'examen chromatique. 
Si j'étudie ces erreurs, je vois que dans 26 cas sur 40 elle ne dépasse pas 
0.5 et même dans 13 cas elle est nulle ou de 0.2 à 0.3. En somme, actuel- 
lement, pour ma part, j'arrive à une évaluation de l’oxyhémoglobine de 
4 p. 400 près, c’est-à-dire à 1/14° de la quantité normale de l'oxyhé- 
moglobine, évaluation très suffisante pour la clinique et pour bien des 
recherches physiologiques. Je tiens à constater que l'échelle actuelle de 
l'analyseur chromatique correspond à l’examen de la paume de la main 
et de l’ongle, chez l’homme, la femme et les enfants après la première 
année. 

En effet, si l’on examine la face interne de la lèvre inférieure, on trouve 
toujours dans une quantité d’oxyhémoglobine dépassant de 1.5 p. 100 en 
moyenne la quantité observée à l’ongle. Il en est de même de la conjonc- 
tive palpébrale inférieure. Ce nouveau fait est des plus intéressants, parce 
qu'il donne un moyen de contrôle surtout utilisable dans les cas d’anémie 
profonde avec moins de 8 p. 100 d'oxyhémoglobine, parce qu'alors la 
bande invisible avec l'examen direct sans verre devient visible à la lèvre, 
d’où il est possible d'apprécier des quantités de 7 ou 6 p. 100 d’oxyhémo- 
globine, c’est-à-dire tous les degrés de l’anémie. 

Chez l'enfant nouveau-né, en examinant la peau du front, les lèvres, on 
trouve les mêmes chiffres; ce n’est qu'au bout d'une semaine que la diffé- 
rence s’accentue nettement, et d’ailleurs jusqu'à la première année il faut 


890 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


examiner le frontet les lèvres. Mes études ne sont pas encore assez nom- 
breuses pour que je puisse établir la correction à faire à l'échelle pourles 
nouveau-nés; mais, provisoirement, on peut employer l'échelle ordinaire 
dans des recherches comparatives. 

D'une manière générale il faut examiner la paume de la main, l’ongle, 
le front, la surface interne de la lèvre inférieure et même la paupière infé-: 
rieure renversée ; l’examen de l’ongle et celui de la lèvre peuvent suffire 
dans bien des cas, et d’ailleurs il ne faut que quelques minutes pour cet 
examen. On emploiera d’abord l’orifice libre de verre; si onne voit pasla 
bande à l’ongle, c'est qu'il ya moins de 9 p.100 d'oxyhémoglobine.On exa - 
minera la lèvre; si la bande apparaît avec l’orifice libre et le verre jaune 
n° 9, on peut conclure qu'il y a 8 p. 400 d'oxyhémoglobine au plus. Si la 
bande n'est pas visible même aux lèvres, c’est que la quantité d’oxyhé- 
moglobine n’est pas au-dessus de 6 p. 100. Tels sont les moyens d'étendre 
les indications de l'analyseur chromatique. Ces chiffres ne sont pas abso- 
lument définitifs, mais ils ne devront pas être notablement modifiés, et ils 
sont très suffisamment approximatifs pour donner l'indication néces- 
saire. Dans les cas douteux, il faudra procéder à l'examen hématospec- 
troscopique complet. 


III 
Applications à la clinique et à la physiologie. 


Il n’est pas nécessaire d’insister sur la haute importance des applica- 
tions de l’analyseur chromatique à l’évaluation de la quantité d'oxyhémo- 
globine. Dans les états pathologiques, les anémies, les cachexies, la 
chlorose, où il est donc indispensable de suivre l’action thérapeutique 
dans les modifications du sang, la rapidité du procédé permettra de mul- 
tiplier les examens et de rechercher l’activité de la réduction de l’oxyhé- 
moglobine, sans être obligé d'extraire de sang, autrement que pour un 
premier examen hématoscopique utile pour servir de base tout à fait 
précise. Je signalerai cependant les indications plus particulières de 
l'emploi de l’analyseur chromatique à l'étude de la vascularisation des 
tissus, à celle de leur richesse en oxyhémoglobine. 

Déjà, pour la lèvre et les paupières, j'ai noté une différence d'intensité 
de la bande d’oxyhémoglobine avec celle de l’ongle; la différence est en 
moyenne de 2 p. 100. On peut donc dire que l'intensité de coloration due 
à l’oxyhémoglobine, suivant la vascularisation et l'épaisseur du revèête- 
ment épithélial, varie de 4/7° de la quantité d'oxyhémoglobine. 

De même un enfant présente à la peau du front 9 p. 100, il se met à 
crier, la bande paraît à 40 p. 100, la vascularisation seule a donné un 
changement de 1 p. 100; elle a été de 1/10° de la quantité d'oxyhémo- 
globine du sang de l'enfant. Chez une femme brune bien colorée, je 


À 
à 

4 
d 

È 


SÉANCE DU D NOVEMBRE 851 


trouve que lorsque la joue rougit, la quantité marquée devient égale à 
celle des lèvres. 

Un malade, dans le service du D’ Th. Anger, porte un énorme molluscum 
dont une partie est atteinte d’érythème inflammatoire; la coloration se 
traduit par le chiffre de 43 p. 100, tandis qu’à la main et dans les autres 
points de la tumeur il y a seulement 11 p. 100. 

Ces exemples montrent l'intérêt que ce mode de mesure de l'hyper- 
hémie des téguments présente dans les diverses affections cutanées. 

Les applications à la physiologie comparée ne sont pas moins nom- 
breuses. Je détermine en ce moment l’échelle à établir pour divers ani- 

-maux. Chez le lapin, c'est à l'oreille, à la paupière et aux narines que 

l'on examinera. J'ai trouvé chez un de ces animaux 8 p. 100 à la face 
interne de l'oreille et 42 p. 100 à la face interne des paupières et aux 
-narines. Or, l'examen direct du sang pur m'a donné 10 p. 100, c’est- 
à-dire la moyenne entre les deux premiers examens. Chez le cobaye, 
c’est aux paupières, à l'oreille, et surtout à la plante du pied, lorsque 
celle-ci n’est pas noire, qu’on fera ces examens. De même pour le rat 
albinos. Chez le chien, le porc, le mouton, le cheval, le bœuf, on choisira 
soit les lèvres, soit la paupière ou l'oreille. 

J'ai enfin entrepris des recherches d’un ordre tout différent, qui est 
l’étude des modifications des tissus après la mort au point de vue des 
transformations de l’oxyhémoglobine ; c’est ainsi qu’exa minant pendant 
deux jours de suite les muscles d’un lapin tué par section de la moelle, 
les sections fraîches ont toujours présenté la bande de l’hémoglobine 
réduite; mais après un séjour d’une heure à l'air, on aperçoit les deux 
bandes de l’oxyhémoglobine, il y a eu oxygénation nouvelle de l’hémo- 
globine, comme d’ailleurs elle se faisait dans le sang coagulé et des- 
séché; dans le poumon, au contraire, soit à la surface, soit sur les coupes, 
ce sont toujours les deux bandes de loxyhémoglobine qui ont été 
observées. 


NOTE SUR UN CARACTÈRE DIFFÉRENTIEL D'UN STREPTOCOQUE DE LA BOUCHE 


par M. F. Maror, 


Préparateur à la Faculté de médecine. 


Au cours de recherches faites, cette année, au laboratoire de M. le pro- 
fesseur Grancher, nous avons été amené à étudier un streptocoque, 
trouvé dans diverses bouches, — saines et malades, — qui nous a paru se 
différencier du streptocoque de Fehleisen par quelques particularités 
dont une, au moins, — son mode de culture sur la pomme de terre, — 
assez importante. 

A l'examen microscopique, ce coccus se présente en chaïnettes de six, 


852 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


x 


dix, vingt éléments ; rarement cinquante à soixante. Souvent ces chaï- 
nettes sont courbées à angle presque droit. Leur longueur et leur netteté 
varient, du reste, avec la nature des milieux auxquels les préparations 
ont été empruntées. Tandis que, dans les préparations venant du bouillon 
ou de la gélatine, on trouve des chaînetles assez longues, nettement 
séparées les unes des autres, dans celles venant de l’agar et de la pomme 
de terre on trouve des amas de coccus, analogues à ceux des staphylo- 
coques, mais s'en différenciant par les nombreuses petites chaïînettes de 
six à huit éléments qui se détachent de leurs bords. 

Les éléments de la chaînette sont, d’une façon générale, peut-être un 
peu plus gros que les coccus de l’érysipèle; ils sont surtout assez irrégu- 
liers, les gros éléments ayant fréquemment la forme ovalaire, le grand 
axe de l’ovale perpendiculaire à l’axe de la chainette. Quelquefois les 
élements sont tellement rapprochés les uns des autres qu’ils sont tan- 
gents par une partie de leur circonférence, et comme légèrement aplatis 
à ce niveau. 

Ce streptocoque prend bien les ordinaires couleurs d’aniline, en parti- 
culier le violet de gentiane; il n’est pas décoloré par la méthode de 
Gram. 

Il pousse à la température ordinaire, mais beaucoup mieux à celle de 
l’étuve. 

Sur plaque de gélatine, pas de différence notable avec l'érysipélo- 
coque : à l’œil nu, petites colonies blanches, rondes, incluses dans la 
gélatine; sous le microscope, bords bien limités, surface finement gra- 
nulée. 

En piqüre dans la gélatine : après vingt-quatre heures, légère traînée 
nuageuse le long de la piqûre; après quarante-huit heures, cette trainée 
se montre composée de petits grains blancs, séparés, de grosseurs variées, 
les plus gros ne dépassant pas la grosseur d’un grain de mil. 

En strie, sur la gélatine : déjà après vingt-quatre heures, Le long de la 
strie, petits grains arrondis, séparés, transparents, qui, après quarante- 
huit heures, deviennent plus blancs; grosseur variant généralement de 
celle d’une petite tête d’épingle à celle d’un grain de mil 

La croissance des colonies paraît arrêtée le troisième jour. 

Dans aucun cas, la gélatine n'est liquéfiée. 

En strie, sur agar, à l’étuve à 37 degrés : également, petits grains 
arrondis le long de la strie; peut-être ces grains sont-ils un peu moins 
blancs, plus bleutés par transparence, un peu plus aplatis que ceux du 
Fehleisen. 

Sur sérum sanguin, à peu près mêmes caractères que sur agar. 

Dans le bouillon : après vingt-quatre heures, à l’étuve, on trouve déjà 
de petits flocons déposés au fond du vase; le liquide est limpide; si l’on 
agite légèrement, les flocons se répandent dans le liquide mais sans se 
désagréger et, par suite, sans Le troubler ; ils se déposent à nouveau assez 


SÉANCE DU 95 NOVEMBRE 853 


rapidement; il faut une forte agitation pour amener un trouble du bouil- 
lon. Avec l’érysipélocoque, au contraire, le dépôt est formé de grains 
beaucoup plus fins que la moindre agitation répand dans le liquide en 
le troublant notablement pour un assez long temps. 

Sur pomme de terre, préparée suivant la méthode de Roux, alors que 
le streptocoque de l’érysipèle ne donne aucune culture apparente, notre 
streptocoque de la bouche donne, après vingt-quatre heures, à l'étuve, le 
long de la strie, de petits grains arrondis, séparés, presque transparents, 
devenant d’un blanc laiteux le second jour ; la croissance des colonies 
paraît arrêtée le troisième jour. La grosseur des grains, comme dans les 
autres cultures, semble varier avec leur nombre, étant d’autant moindre 
qu’ils sont plus nombreux; en général, de la grosseur d’une petite tête 
d’épingle. [ls sont très faciles à détacher de la jomme de terre. 

Malgré la variété apportée dans les ensemencements, comme dans le 
choix des pommes de terre, nous avons obtenu, à peu près constamment, 
ces colonies, assez caractéristiques. 

Des cultures, conservées plusieurs mois, ne montrent aucune modifica- 
tion notable dans la couleur ou la consistance des pommes de terre, non 
plus que dans l’aspect des colonies. 

Le lait, stérilisé à 100 degrés, trois jours de suite, et ensemencé avec 
notre streptocoque, n’est pas coagulé. 

C'est là un caractère commun avec l’érysipélocoque qui, dans plusieurs 
essais que nous avons faits, n’a pas non plus coagulé le lait; mais c'est 
un caractère distinctif d’un autre streptocoque de la bouche, qui donne 
sur pommes de terre des cultures très analogues, mais qui nous a paru 
coaguler régulièrement le lait. 

La souris blanche ne paraît pas notablement incommodée par l'injec- 
tion, sous la peau, d’un tiers de centimètre cube de bouillon d’une culture 
de trois ou quatre jours. ; 

L’injection du même bouillon sous la peau de l'abdomen d'un cobaye 
n'amène pas non plus de changement notable. 

L’injection d'un peu de ce bouillon dans l'oreille d’un lapin amène, au 
bout de vingt-quatre heures, une rougeur légère, avec un peu de gonfle- 
ment, mais le tout assez étroitement circonscrit autour du point d'inocu- 
lation; l'oreille est un peu chaude et légèrement tombante. Le deuxième 
jour, le gonflement, au lieu d’être étendu à toute l'oreille, comme avec 
l'érysipélocoque, est à peu près disparu; l'oreille n’est plus ni chaude, ni 
tombante; il reste simplement un peu de rougeur qui est longue à dis- 
paraître. 

L’injection sous la peau de l’abdomen d’un lapin amène simplement 
une rougeur légère, longue à disparaitre. 

Ce streptocoque de la bouche est-il en rapport chez l'homme avec cer- 
tains processus pathologiques ? Nous ne saurions le dire encore. Dans 
plusieurs cas d’angine pultacée, que nous avons examinés, nous avons 


854 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


remarqué simplement — et cela d’après les ensemencements, comme 
d’après les inoculations de détritus pultacés recueillis au niveau des 
amygdales — que, ne trouvant ni streptocoque de Fehleisen, ni pneumo- 
coque, nous trouvions au contraire, en très grande abondance, ce strep- 
tocoque à culture apparente sur la pomme de terre, que nous avions aussi 
trouvé dans des bouches saines. 

En résumé, parmi les divers streptocoques que l'on peut rencontrer 
dans la bouche, celui qui paraît s’y trouver le plus fréquemment, loin 
d'être seulement un streptocoque de Fehleisen à virulence atténuée, se 
différencie nettement de ce dernier, pensons-nous, par son mode de cul- 
ture sur la pomme de terre. Du reste, dans quelques cas d’angine, nous 
avons pu trouver, en même temps, dans la même bouche, les deux strep- 
tocoques’avec leurs caractères respectifs. 


SUR L’ANALYSE D'UNE ODEUR COMPLEXE, 


par M. Jacques Passy. 


L'expérience montre qu'un corps pur et parfaitement défini ne possède 
pas nécessairement une odeur simple. Plusieurs odeurs différentes peu- 
‘vent coexister dans le même composé et donner à l'odorat l'impression d'un 
mélange. 

On peut arriver à dissocier expérimentalement ces odeurs, de manière 
à les mettre en évidence et à les percevoir isolément. Voici le moyen le 
plus simple : s’il existe réellement plusieurs odeurs dans le même com- 
posé, chacune d'elles doit avoir son minimum propre qui ne coïncide pas 
nécessairement avec les autres ; dès lors, si l’on fait décroître progressive- 
ment la quantité de substance, on doit voir les odeurs disparaître les 
unes après les autres. C’est ce que l'expérience vérifie. Soit par exemple 
- l'alcool amylique tertiaire. En partant d’une dose trop faible pour être 
perçue et augmentant progressivement, on constate la série de sensations 
suivantes : 


4 minimum (odeur sui generis, rappelant la 
benzine et l'alcool isoamylique). 
2000. . . 2° minimum (odeur camphrée). 


En millionnièmes 
de gramme. 


Enfin apparait une odeur alcoolique qui n’est pas, à proprement 
parler, une odeur, mais une impression sur la sensibilité générale, et 
qui se superpose aux précédentes. 

Une succession analogue se rencontre pour un très grand nombre de 
substances, telles que l’aldéhyde salicylique, l’aldéhyde benzoïque, le 


LAC NET APE LE OO D re SOLS à 


SÉANCE DU D NOVEMBRE 855 


chlorure de benzyle, etc. La plupart des parfums, très agréables à dose 
faible, deviennent extrêmement désagréables à dose massive. Cela tient 
en partie, dans un bon nombre de cas, à ce qu'ils possèdent à la fois : 
1° un parfum, très puissant, érès peu intense, agréable, et qui seul est 
perçu lorsque la dose est faible ; 2 wne odeur, peu puissante, très 
intense, désagréable, et qui masque le parfum dès que la dose augmente. 
Ces variations singulières dans la qualité de l'odeur sont bien familières 
à tous ceux qui manient des parfums, et particulièrement aux parfu- 
meurs qui les utilisent. 


HABITATS MICROBIENS; — CONTAGION, 


par M. A. CHARRIN. 


À diverses reprises (1), j'ai signalé les éléments, les êtres, les organes, les 
objets, sur lesquels ou dans lesquels il était possible de rencontrer le 
bacille pyocyanique. — J'ai prouvé, par exemple, qu'il existait parfois 
au sein des milieux ambiants, m'efforçant de démèler les conditions de 
cette existence dans l'air, dans l’eau, dans la terre. Une résistance rela- 
tive à la sécheresse lui permet soit de végéter sur les linges, les meubles, 
les instruments, soit d’habiter l'atmosphère. Dans les liquides peu nutri- 
tifs, la vie de ce bacille est latente; on n’observe ni pullulation active, ni 
fonctionnement appréciable. Un besoin pressant d'oxygène le condamne 
à ne pas s’enfoncer trop profondément dans le sol. 

Plusieurs auteurs l’ont vu chez l’homme, de préférence chez l’enfant, 
siégeant en différentes régions (poumons, bouche, intestin, articulations, 
rein, cœur droit, oreille moyenne, ganglions, vaisseaux de la circulation 
générale, etc.). Le hasard des circonstances ou la complicité des expé- 
riences l'ont fait déceler, nous le répétons, chez le cheval, l'âne, le pore, le 
chien, le chat, le lapin, le cobaye, la souris, la carpe, l’anguille, la gre- 
nouille, la poule, le moineau, etc. Il en résulte que les excrétions, les 
humeurs de ces espèces peuvent être dangereuses, car, si fréquemment, 
il ne cause aucun dommage, il lui arrive aussi de s’élever au rang de 
pathogène, de se répandre dans l’économie. 

J'ai poursuivi ces recherches concernant le rôle des animaux consi- 
dérés à titre de vecteurs de virus, en m’adressant à ceux que leur nature 
désigne plus spécialement comme étant propres à diffuser le contage ; 
J'ai inoculé des mouches et des vers terrestres. 

Les premières supportent d’une manière notable cette contamination, 
surtout si on tient compte de la faiblesse de leur poids. Vivantes 


(1) Voir Soc. Hyg., 1886, et Soc. Biol., avec Gley, 1891. 
33. 


856 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


ou mortes, elles conservent, dans leurs tissus, le.germe introduit, environ 
pendant 6 à 10 jours et probablement davantage. Il est, en effet, difficile 
d’assigner des limites immuables ; les choses, d'une part, sont exception- 
nellement mathématiques en pareille matière ; d'autre part, à un instant 
voulu, la sécrétion des pigments prend fin. Néanmoins, il est possible 
que les microbes qui poussent là où on a semé les débris de ces mouches 
infectées soient, en partie, les générateurs du pus bleu. Malheureusement, 
le criterium manque, en l'absence de ces réactions pigmentaires si ca-: 
ractéristiques; de plus, pour des motifs particuliers, nous n'avons pu, au 
cours de ces travaux, remonter au type primitif. Il s'ensuit que nous ne 
sommes pas en droit d'augmenter les délais. 

Celte disparition des pigments est encore plus rapide, quand il s’agit 
des vers ; la persistance n'excède pas alors 4 à 7 journées, en moyenne, 
c'est-à-dire que si, de vingt-quatre en vingt-quatre heures, on ensemence 
des bouillons à l’aide de sucs de ces sujets contagionnés, la teinte ver- 
dâtre s'éteint, avant que la semaine ne soit achevée, principalement 
lorsque la mort est survenue, lorsqu'on a enterré ces êtres à de grandes 
profondeurs, lorsque la culture a été déposée loin de la région cau- 
dale, etc. 

J'ai remplacé ces organismes qui, de temps à autre, viennent souiller 
l’homme, directement ou indirectement, par quelques-uns de ceux que 
nous allons chercher, que nous allons toucher; j’ai substitué les végé- 
taux aux animaux. 

Malgré des conseils éclairés, les échecs au début ont été nombreux. On 
ne retrouvait les bactéries que durant de courts moments, à partir de la 
minute exacte de leur injection; le développement était des plus res- 
treints, pour ne pas dire nul; on recueillait sensiblement ce qu'on avait 
déposé. Une plante de la famille des Cactées a permis d'obtenir de meil- 
leurs résultats. 

Si on pousse dans le centre de la feuille { demi-centimètre cube de virus, 
même davantage, car il faut de grosses doses, on voit, pendant la semaine 
suivante, se développer une teinte noirâtre autour du point traumatisé, 
une zone jaunâtre, blanchâtre, l'entoure bientôt; puis, cette feuille, ainsi 
lésée, d'abord gonflée, se flétrit, se dessèche, etc. Si on retire du sue et 
qu'on l’étende sur de l’agar, on note la formation de la pyocyanine, où 
plutôt de la substance verte, jusqu'au dixième ou douzième jour, à peu 
près. Il y a donc là un danger d'inoculation pour quiconque se piquerait 
ou, à la rigueur, ingérerait ce végétal, si, toutefois, il était comestible, si, 
en outre, la voie digestive était une porte d'entrée positive. 

Que se passe-t-il au sein de ces feuilles? Comment se comportaient réci- 
proquement bacilles et cellules mis en présence? Nous laissons de côté 
ces questions importantes, bien que la moindre complexité des éléments 
végétaux, rende leur étude plus claire, plus facile; nous y reviendrons. 
Ajoutons seulement que les toxines injectées, au lieu et place du ferment 


SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 897 


vivant et comparativement à des liquides témoins, déterminent des 
altérations de même ordre, constatation qui généralise la physiologie 
pathologique de l'infection en l’étendant, pour une fraction, du monde 
animal au monde végétal. 

Quoi qu'il en soit, nous ne retenons, pour le moment, de ces expé- 
riences, aidées par celles qui les ont précédées, que les enseignements 
qui en dérivent relativement à l'habitation des bactéries et à la contagion. 
Ces enseignements nous apprennent que le germe pyocyanogène peut 
exister dans tous les règnes, minéral, animal, végétal, dans ce qui ne vit 
pas et dans ce qui vit. De plus, les modes si variés de la contamination, 
relativement à ce germe, peuvent s'exercer également par des vecteurs 
organisés et par des agents qui ne le sont à aucun degré, 


Le Gérant : G. MASSON. 


Paris. — Imprimerie de la Cour d'appel. L. Mareraeux, directeur, 1, rue Cassette. 


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839 


SÉANCE DU 12 NOVEMBRE 1899 


M. le D' Deroux : Observation d’ataxie locomotrice aiguë, guérie par les injections 
sous-cutanées de liquide testiculaire. — M. le Dr Depoux : Influence des injections 
sous-cutanées de suc testiculaire sur le cerveau. — M. Broww-SéquarD : Remarques 
sur le cas précédent. — M. le D: D.-M. Ousrexskt (de Saint-Pétersbourg) : Le traite- 
ment du choléra asiatique par des injections sous-cutanées de l’'émulsion testiculaire 
(Mémoires). — M. A. Lavera : Existe-t-il plusieurs parasites des fièvres palustres ? 
De la signification des corps en croissant (Mémoires). — MM. les Drs L. p'Auore, 
C. Fazcoxs et L. Marawazot (de Naples) : Action toxique et altérations anatomiques 
produites par l'ingestion de l'oxyde de zinc (Mémoires).— M. J.-E. ApeLous : Essais 
de greffe de capsules surrénales sur la grenouille. — MM. Cu. Féré, P. BAnGNe 
et P. Ouvry : Etude de la sensation de pression chez les épileptiques. — M. ArrreD 
GrARD : Quelques remarques sur la truite de mer. — MM. Doréris et Bourcess : 
Recherches sur l'association du Séreplocoque pyogène et du Proteus vulgaris. 
Paramétrite purulente, dont le pus contenait le Proteus vulgaris et un streptocoque 
ayant perdu sa virulence et sa vitalité. — MM. Caarrin et Rocer : Note sur un cas 
de tuberculose humaine à virulence anormale. — M. Marassez : Discussion. — 
M. G. LoiseL : Sur l'appareil musculaire de ia Radula chez les Helix. — M. Henry DE 
VariGny : Sur le rythme respiratoire de quelques poissons. 


Présidence de M. Chauveau. 


CORRESPONDANCE IMPRIMÉE. 


M. Méenix fait hommage à la Société du volume qu'il vient de publier 
sur les Acariens parasites. 


M. DE VariGny offre à la Société un exemplaire du volume qu’il vient 
de publier à Londres sous le titre d'£xperimental Evolution, et qui est 
consacré à l'étude du transformisme expérimental et des raisons que l’on 
peut avoir de développer considérablement ce dernier. l’auteur, s’adres- 
sant au publie anglais dont on connaît l’exclusivisme assez prononcé en 
bien de matières, a tenu à faire connaître nombre de travaux francais qui 
n'étaient guère répandus dans le public scientifique d’outre-Manche. 


CORRESPONDANCE MANUSCRITE. 


La Section de médecine et de chirurgie de l’Académie des sciences, 
constituée en Comité de souscription pour offrir à M. Pasteur un souvenir 
et un hommage à l’occasion de sa soixante-dixième année, demande à la 
Société de Biologie de prendre part à cette souscription. 

La Société vote, à l’unanimité, qu'une somme de 200 francs sera versée 
au Comité de la souscription ouverte en l'honneur de notre illustre 
compatriote. 


BioLOG1E. COMPTES RENDUS. — 9€ SÉRIE. T. IV. 34 


860 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


a 


OBSERVATION D’ATAXIE LOCOMOTRICE AIGUË, 
GUÉRIE PAR LES INJECTIONS SOUS-CUTANÉES DE LIQUIDE TESTICULAIRE, 


par M. le D' Deroux. 


(Communication faite le 5 novembre.) 


M. X.. (quarante ans), commis-voyageur en librairie, se présente à mon 
cabinet le 22 juillet 1892. Il se dit alaxique et veut se soumettre au trai- 
tement par les injections sous-cutanées de suc testiculaire. 

Antécédents héréditaires. — Père vivant, rhumatisant; mère vivante, 
très nerveuse. 

Antécédents personnels. — À l’âge de cinq ans, le malade est tombé dans 
un escalier. Sa tête a heurté violemment un objet en fer; les yeux ont été 
atteints de myopie, surtout l’œil droit, et l'ouïe de ce côté est notablement 
diminuée. En 1879, il a contracté la syphilis. Le 10 juin 1890, le matin, 
en se levant, le malade a éprouvé dans les mollets une sensation sem- 
blable à celle résultant de coups de bâton. Le lendemain, la douleur 
monte dans les cuisses et, à partir de ce moment, il marche difficilement. 
Le troisième jour, les bras sont pris ; le quatrième, la douleur occupe la 
région inférieure de la colonne vertébrale. Le cinquième jour, tout le 
reste de la colonne vertébrale se prend également jusqu’à Ja nuque ainsi 
que la mâchoire inférieure et la partie de la mâchoire supérieure corres- 
pondant aux deux incisives. Le malade titube; il peut si peu se tenir 
debout qu'il ne peut pas marcher même avec le secours du bras de sa 
femme. Le sixième jour, la région antérieure de l'abdomen et de l'estomac 
est prise, et le seplième, tout le thorax. Il ne reste d’indemne à ce moment 
que la partie antérieure du cou, la tête et la face moins les parties 
signalées plus haut comme atteintes dans cette région (mâchoire infé- 
rieure en entier et mâchoire supérieure partiellement). 

Le malade, se figurant que ces symptômes sont le résultat de la fatigue, 
ne consulte pas de médecin. Cinq jours plus tard, il remarque qu'il 
est constipé ; il essaie d’aller sur le vase ; mais, à ce moment, il est pris, 
dans tout le ventre et surtout à l’anus, de douleurs tellement violentes 
qu'il croit qu'il va mourir. Il fait alors appeler un médecin qui ordonne 
un purgatif au séné. Ce purgatif débarrasse le malade, mais avec des dou- 
leurs atroces à la première garde-robe. Après cette purgation, les douleurs 
abdominales ont disparu, mais l’incoordination des mouvements, non 
seulement a persisté, mais encore s’est aggravée. Trois médecins de 
Besancon ordonnent le bromure de potassium. Le malade, n’obtenant pas 
d'amélioration, part pour Strasbourg, où il se rend à la Clinique des mala- 
dies nerveuses du D" Joly, qui le considère comme atteint d’ataxie loco- 
motrice et prescrit le bromure de potassium et l'électricité. Ce traite- 
ment, suivi péndant cinq mois, ne donne pas la plus petite amélioration. 


A RP Me UN tes Me moe Le Jaures AN 


SÉANCE DU 12 NOVEMBRE 861 


À ce moment, le malade revient à Paris et va à la consultation à la Salpé- 
trière, où il est reconnu comme ataxique. On prescrit l’iodure de potas- 
sium, à la dose de 20 grammes dans 250 grammes d’eau. Le malade, 
ne voyant pas survenir d'amélioration sous l'influence de ce trailement, 
y renonce et ne fait plus rien à partir de ce moment, c'est-à-dire à partir 
de fin juillet 4891. 

État du malade le 22 juillet 1892. — Mouvements. — La marche est 
très difficile et amène rapidement la fatigue. Ainsi le malade, pour venir 
me trouver, c’est-à-dire pour venir de la rue Désirée au boulevard Hauss- 
mann,a mis quatre heures et demie et est très essoufflé et fatigué. Il peut 
avec beaucoup de peine monter les escaliers et les descend plus pénible- 
ment encore ; il marche courbé en avant et dévie à chaque instant. Il 
frappe le sol du talon et projette les pieds en avant et en dehors. fl lui 
est impossible de reconnaitre la nature des corps sur lesquels il marche. 
Les yeux ouverts ou fermés, il lui est impossible de se tenir debout sur 
une jambe. Reposant sur les deux jambes et les yeux fermés, il tombe. 
L’incoordination des mouvements s'accompagne d’une très grande fai- 
blesse musculaire. 

Sensibilité. — Les réflexes rotuliens sont abolis. Sensibilité intacte à la 
partie antérieure du cou, à la tête et à la face, excepté à la mâchoire 
inférieure el à la partie médiane de la mâchoire supérieure. Sensibilité 
très diminuée dans les membres supérieurs et à la cuisse et à la jambe 
gauches. Insensibilité complète dans tout le reste du corps. Douleurs 
fulgurantes le matin au réveil dans les mollets. Sensation de constric- 
tion au niveau du ventre et de l’estomac. 

Organe des sens. — Vue. — Myopie affectant surtout l'œil droit, mais 
conséculive à la chute faite par le malade à l’âge de cinq ans. 

Ouie. — Très affaiblie du côté droit, mais toujours à la suite de ia 
chute dont il vient d’être question. 

L'odorat et le goût sont normaux. 

Appareil respiratoire. —Rien d’anormal, mais l’essoufflement apparait 
dès que le malade marche. 

Appareil digestif. — Appétit diminué et irrégulier. Le malade a une 
garde-robe toutes les vingt-quatre heures, mais depuis huit jours il a la 
diarrhée. 

Appareil génito-urinaire. — Érection non diminuée; urine goutte à 
goutte et il y a incontinence d'urine par moments. 

Diagnostic. — Le début brusque de la maladie, la marche des symp- 
tômes et l’incoordination des mouvements ne peuvent appartenir qu'à 
j'ataxie aiguë. Malgré la marche ascendante de la douleur, au début de 
la maladie, il n’est pas possible d'admettre qu'il y ait eu chez ce malade 
une myélite ascendante. En tout cas, l’état du malade, lorsque je l’ai vu 
et soigné, n’était que celui d’un homme atteint d’ataxie locomotrice ayant 
commencé d'une manière presque subite. 


802 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Traitement. —Du 22 juillet au 20 août, 5 centimètres cubes de suc testi- 
culaire chaque jour. Dès le premier jour, le malade a ressenti une 
amélioration. Le 20 août, il peut marcher les yeux fermés. Après la 
première injection, la diarrhée qu’il avait depuis huit jours a disparu. 

Du 20 au 30 août, 5 centimètres cubes chaque jour. Le malade peut 
faire de longues marches sans être fatigué, il vient chez moi en cinquante- 
cinq minutes, tandis que le premier jour il a mis quatre heures et demie 
pour faire le même trajet; il a pu monter l'escalier de sa maison avec un 
seau plein d’eau sans se tenir à la rampe, il saute à pieds joints. 

Du 30 août au 25 septembre, 6 centimètres cubes de suc testiculaire 
chaque jour. Le malade peut descendre un escalier sans se tenir à la 
rampe, il peut courir pour rattraper l’omnibus et y monter pendant qu'il 
est en marche. L’appétit et les forces sont revenus. 

Du 25 septembre au 20 octobre, 5 centimètres cubes de suc testicu- 
laire chaque jour. Depuis le 20 octobre, le malade est dans l’état où il se 
trouve en ce moment, et si le traitement a été continué, c’est pour donner 
au malade les forces dont il a besoin pour reprendre l'exercice de sa 
profession. 

État actuel. — Tout état morbide a disparu. M. X... est revenu à l’état 
où il se trouvait avant d’être atteint d’ataxie locomotrice. L'abolition des 
réflexes rotuliens seule persiste. 


INFLUENCE 
DES INJECTIONS SOUS-CUTANÉES DE SUC TESTICULAIRE SUR LE CERVEAU, 


par M. le D' Depoux. 


(Communication faite le 5 novembre.) . 


Me X.., quatre-vingt-quatorze ans, a tous ses sens intacis. Le 
cœur, le poumon, le tube digestif, le rein, la vessie fonctionnent norma- 
lement. Elle a tous ses cheveux. Le corps a conservé toute sa souplesse; 
elle se baisse pour ramasser une aiguille comme si elle n’avait que qua- 
rante ans. Mais, depuis deux ans, elle ne profère que des paroles incohé- 
rentes. Elle ne reconnait pas le sexe des personnes qui l'entourent et la 
soignent. 

Une première injection de 1 c.c. 1/2 de sue testiculaire est faite sans 
qu’elle s’en aperçoive. A la seconde injection, de même quantité, faite le 
lendemain, la malade se rend parfaitement compte de l'opération qu’elle 
vient de subir. A la suite de cette seconde injection, elle parle plus faci- 
lement, demande des nouvelles de son gendre, dont elle n’avait pa 


SÉANCE DU 12 NOVEMBRE 803 


prononcé le nom depuis plus de deux ans, et s’informe d’un ami qu'elle 
n’a pas vu depuis un an et demi. 

Par suite de certaines circonstances, le trailement n’a pas été continué 
et l’amélioration obtenue disparaît peu à peu. | 


REMARQUES SUR LE CAS PRÉCÉDENT, 


par M. BROWN-SÉQUARD. 


J'ai vu la fille de la nonogénaire sur laquelle le liquide testiculaire a 
agi d’une manière si remarquable. J’ai appris d’elle que non seulement 
l'intelligence et la mémoire étaient perdues, mais aussi que la marche 
était impossible. 

Les injections de liquide testiculaire ont rapidement fait revenir non 
seulement les fonctions intellectuelles, mais aussi la puissance motrice 
volontaire. 

La fille et le gendre de la malade sont venus m’exprimer leur étonne- 
ment et leur bonheur à l’égard des résultats obtenus. 


LE TRAITEMENT DU CHOLÉRA ASIATIQUE PAR DES INJECTIONS SOUS-CUTANÉES 
DE L'ÉMULSION TESTICULAIRE, par le D' D. M. Ouspenski (de Saint-Pélers- 
bourg). (Voir Mémoires du présent volume, p. 321.) 


EXISTE-T-IL PLUSIEURS PARASITES DES FIÈVRES PALUSTRES ? DE LA SIGNIFICA- 
TION DES CORPS EN CROISSANT, par M. A. LAVERAN, professeur à l'Ecole du 
Val-de-Grâce. (Voir Mémoires du présent volume, p. 327.) 


ACTION TOXIQUE ET ALTÉRATIONS ANATOMIQUES PRODUITES PAR L'INGESTION 
DE L'OXYDE DE ZINC, par MM. les D' L. p’AMoRE, C. FALCONE et L. Mara- 
MALDI (de Naples). (Voir Mémoires du présent volume, p. 335.) 


864 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


ESSAIS DE GREFFE DE CAPSULES SURRÉNALES SUR LA GRENOUILLE, 


par M. J.-E. ABELOUS. 


Dans une série d'expériences déjà longue et dont les résultats ont été 
communiqués successivement à la Société de Biologie, nous avons cherché, 
M. P. Langlois et moi, à établir le rôle dévolu aux capsules surrénales. 

J'apporte aujourd'hui une preuve expérimentale nouvelle. On sait que 
Schiff depuis déjà longtemps, et plus récemment von Eiselsberg, ont pra- 
tiqué avec succès des greffes de corps thyroïde. On sait que des chiens 
sur lesquels cette transplantation préalable a été faile peuvent survivre 
sans présenter de troubles à la thyroïdectomie totale. 

Minkowski, Hédon ont fait connaître des faits analogues pour le pan- 
créas. 

Mais personne, que je sache, n’a encore pratiqué de greffes de capsules 
surrénales. 

C'est cette opération que j'ai tentée sur la grenouille d’abord, me pro- 
posant de la tenter ensuite sur les mammifères. 

J'ai choisi comme siège de la greffe la région iléo-coccygienne; c'est 
une région facilement accessible et qui moins que toute autre est exposée 
a des froissements ou des chocs extérieurs. 

Les grenouilles sur lesquelles j’ai expérimenté étaient très vigoureuses 
et très vivaces, ce qui est une condition excellente pour le succès de l’opé- 
ration; j'ai constaté, en effet, que la greffe réussissait beaucoup plus 
sûrement sur des grenouilles qui viennent d'être capturées que sur des 
animaux tenus depuis un certain temps en captivité. 

Suivant le conseil de von Eiselsberg, je mé suis, dans toutes mes opéra- 
tions, appliqué à faire une asepsie aussi rigoureuse que possible. 

L'animal étant fixé, on lave la peau de la région avec une solution de 
NaCI à 7 p. 1000 au préalable bouillie et refroidie; puis on pratique une 
incision de À centimètre environ. 

Cela fait, on incise le muscle iléo-coccygien parallèlement à ses fibres 
sur une longueur de 0®,008 environ et sur une profondeur de 0,001 à 
02,0915. On maintient une éponge imbibée de solution physiologique sur 
la plaie, et, le plus rapidement possible, sur une grenouille préparée à 
l’avance, on excise un fragment de rein avec la capsule attenante. Quand 
cette grenouille est de petite taille, on excise le rein tout entier. Immé- 
diatement l’organe est inséré de champ entre les lèvres de la plaie, qu'on 
réunit aussitôt par des points de suture. 

La suture de la peau constitue un temps important de l'opération et 
nécessite certaines précautions; il faut en effet affronter aussi exactement 
que possible les bords de l’incision, pour obtenir une réunion rapide, ce 
qui est une bonne condition de succès. 


SÉANCE DU 12 NOVEMBRE | 865 


Après l'opération, les grenouilles sont placées dans un récipient à eau 
courante, mais ne contenant pas une quantité de liquide suffisante pour 
permettre l'immersion complète des animaux : il est nécessaire, en effet, 
que l’eau ne pénètre pas entre les lèvres de la plaie. 

Généralement, au bout de quinze à vingt jours, les bords de l’incision 
cutanée sont complètement réunis. À ce moment on peut penser que la 
greffe a pris; mais, pour plus de sûreté, il vaut mieux attendre encore 
une dizaine de jours avant d’expérimenter sur les animaux. 

J'ai ainsi pratiqué une trentaine de greffes durant les mois de juillet, 
août et septembre: je n’ai obtenu que huit succès. C’est un résultat qui 
n’est médiocre qu’en apparence, si l’on songe à l’aléa qui est inséparable de 
ces sortes d'opérations. 

Sur ces grenouilles ainsi traitées, j'ai détruit par cautérisation ignée 
les deux capsules en totalité. Comme contrôle, j’ai fait la même opération 
sur des grenouilles normales prises comme témoins. 

Or, les huit grenouilles sur lesquelles la greffe iléo-coccygienne avait 
réussi, ont survécu sans présenter de troubles ; les grenouilles témoins ont 
suecombé au bout de trente à trente-six heures, comme c’est la règle. 

Restait à savoir ce que deviendraient les grenouilles si je détruisais 
l'organe grefté. 

Donc, au bout d’une quinzaine de jours, les animaux ne présentant 
aucun trouble apparent, sauf un certain degré d'émaciation, j'ai détruit 
la greffe. 

Après cette opération sur les huit grenouilles survivantes, deux ont 
résisté (1); les six autres sont mortes au bout de trois à quatre Jours, en 
présentant les symptômes de paralysie progressive et rapide qui se mani- 
festent chez les animaux après la destruction totale des deux capsules (2). 

Un fait ressort done nettement, ce me semble, de ces expériences; c’est 
que : 


1° La destruction totale des deux capsules n’entraine pas la mort des 
grenouilles chez lesquelles on a au préalable pratiqué avec succès la 
grefle d’une capsule. 

% Chez ces animaux, après La destruction des deux capsules, la destruc- 
tion ou l’ablation de l'organe greffé entraine la mort. 


(1) La survie n’a pas été définitive, au moins pour l’une des grenouilles, car 
l’autre s’est échappée. L'animal restant est mort au bout de douze jours, dans 
un état d’amaigrissement prononcé. 

(2) Pour les autres grenouilles qui sont mortes après la destruction des 
deux capsules, malgré la tentative préalable de greffe, J'ai pu constater à 
l’autopsie que cette opération n'avait pas réussi. L’organe n'avait contracté 
aucune adhérence et ne s'était pas vascularisé; il était ramolli, jaunâtre, 
d'aspect caséeux, ce qui tenait probablement à l'infiltration leucocytaire, 


866 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


On peut, on le voit, établir un rapprochement intéressant entre ces 
résultats et ceux obtenus par les physiologistes qui ont pratiqué des 
greffes thyroïdiennes et pancréatiques (1). 


ÉTUDE DE LA SENSATION DE PRESSION CHEZ LES ÉPILEPTIQUES, 


par MM. Cx. FÉRÉ, P. BATiIeNE et P. Ouvey. 


L'étude de la sensibilité cutanée est une des plus difficiles en physio- 
logie et surtout en clinique. La plupart des esthésiomètres ne permettent 
pas d'apprécier en même temps l'intensité et l'étendue de la pression, ou 
les instruments, difficiles à se procurer, sont peu applicables à la pra- 
tique. 

M. A.-M. Bloch a perfectionné une méthode déjà employée par Kamm- 
ler (2) et dont le principe nous a paru irréprochable. Elle consiste à 
appliquer sur la peau une surface dont l'étendue est exactement connue, 
avec une pression que l'on peut mesurer avec précision. En choisissant 
pour mettre au contact de la peau un corps mauvais conducteur de la 
chaleur et résistant, sans être trop dur, comme du papier ou du carton, 
on peut éviter la sensation de température et de douleur. Le levier peut 
être constitué par un ressort léger, par une soie de sanglier ou même 
par un cheveu dont on mesure l’élasticité (3). 

M. Bloch s’est servi, comme Kammler, d’une surface de 3 millimètres 
de côté ou de 9 millimètres carrés, et il a cherché à déterminer aussi les 
différences de sensibilité à la pression des différentes régions de la sur- 
face cutanée. Grâce à la sensibilité de ses instruments, il est arrivé à des 
chiffres en général moins élevés que ceux de Kammler. 

Nos expériences ne sont pas comparables à celles de Kammiler et de 
M. Bloch, bien que nous nous soyons servis d'instruments construits 
sur le même principe; nous avons adopté une surface d'application 
de 1 millimètre carré seulement et nous avons choisi pour le lieu 
d'élection de nos explorations une des régions les plus constamment 
dépourvues de poils et où les poils follets sont le plus souvent usés par 
le frottement. Nos explorations ont porté exclusivement sur la partie 


(1) Je n’ai pas suivi assez longtemps les animaux ayant résisté à la destruc- 
tion des deux capsules après la greffe; je ne puis donc pas dire si l'organe 
greffé subit ou non, après un certain temps, une atrophie. 

(2) A. Kammler. Experimenta de variorum cutis regionum minima pondera 
sentiendi virtute, Diss. inaug. Vratisl., 1858. | 

(3) A. M. Bloch. Expériences sur les sensations de traction et de pression 
cutanées (C. R. Soc. de Biologie, 1890, p. 136); — Rech. expér. sur, etc. (Arch. 
de phys., avril 14891, p. 327). 


SÉANCE DU 12 NOVEMBRE 801 


antérieure du poignet, au niveau du pli transversal qui sépare la main de 
l'avant-bras; les pressions ont été exercées sur chaque sujet à droite et à 
gauche successivement sur le pli, et au-dessus et au-dessous du pli en 
évitant autant que possible le choc et le frottement. Cette région est une 
des plus favorables au point de vue des explorations cliniques, parce 
qu'elle est une des moins sensibles, de sorte qu’une erreur légère trouble 
moins la valeur comparative du résultat. Les régions où il existe des 
poils et des poils follets sont moins favorables, parce que, même lorsqu'on 
les a coupés ou rasés, il peut en rester une portion suffisante pour servir 
de multiplicateur à l'excitation. 

Nous avons étudié quelques sujets normaux pour nous servir de com- 
paraison. Les résultats qu’ils nous ont fournis et qu’on trouvera dans les 
tableaux suivants indiquent une différence considérable avec les résultats 
communiqués dans la note de M. Bloch et aussi dans la thèse de Kamm- 
ler. Ces différences tiennent beaucoup moins à la différence de la surface 
de contact qu’à la différence des régions explorées. 


MAIN DROITE MAIN GAUCHE 


— 


Pres 


sur au-dessus- | au-dessous sur au-dessus | au-dessous 


MOYENNE 
MENSUELLE 
paroxystique 

MÉDICAMENT 


LE PLI DU PII DU PLI LE PLI DU PLI DU PLI 


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Épileptiques prenant le bromure de potassium 


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Moyenne. 


868 


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MOYENNE 
MENSUELLE 


Épileptiques prenant le bromure de potassium 


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10 
10 
10 
10 
10 


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11 
11 
12 
42 
12 
12 
13 
13 
13 
13 
13 
13 
14 


Moyenne. 


SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE 


MAIN DROITE 


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LE PLI 


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14, » 145 
0,40 0,25 
1,50 2) 
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4,90 DD) 
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4,50 3,00 
2,00 2,50 
8, » 2.00 
1,50 4, » 
25, » 30, » 
45, » 20, » 
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4, » 19 
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D) 4» 
0,25 0,25 
8,50 ORD) 
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MAIN GAUCHE 


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de 10 à 


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0,75 15 
0,75 12) 
15 6,175 
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1 5 200 
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6, » 4, > 
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3,90 19,» 
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1,50 70, » 
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DD) 1525 
3,00 2, » 
3,00 2, » 
1,50 4, » 
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115, 5» 2,50 
il,» DD) 
90,9 20, » 
00,» DD 10) 
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0,25 0,29 
6, » JD) 
1,50 JD) 
D,84 6,37 


Épileptiques prenant le bromure de strontium de 7 


1 
9 


13 


7 
8 
9 


Moyenne. 


DD) AD) 
0,25 0,:5 
D, . 14, » 
2,19 9,08 


à 9 grammes. 


1,90 2,50 
0,25 1,50 
3,10) 11e » 
1,58 be: 5 


SÉANCE DU 12 NOVEMBRE 869 


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39 10 14, » 9, » 8, » 12) 4, » 9. » 
4 10 G). 6, » D, » 20, » 8, » 5, » 
2 il AUD), 0,7 0,80 18, » 15 0,75 
0,5 12 1,02 300, » 10, » , D 15 » 18, » 
8 12 12, » 6, » FE) 1,50 1,50 1e) 
12 > 11,50 8, » 4, » 1) 1,90 
sl 13 16, » 2,0» 18, » 20, » CD) 8, » 
10 15 0» 0,50 0,25 100) 0,50 0,25 
8 15 1,50 0,50 0,50 1,00 0,50 150) 
( 16 16, » 8, » 15, 5» 16, » 14, » 
11 il 0,75 0,50 1,90 ils 5 0,75 0,75 
7,0 17 Aa D 8, » 8, » 7 > 5) 7h 
8,5 17 12520) 11, » 8, » 4, » de » d > 
0,5 19 9, » 18, » 8, » 10, » HD, > 1H) 
D 19 LD) 0,75 2 D) 1,50 0,75 il, > 
10 19 8, » 5, » 4,50 10, » 2,» D, 
10 20 140, » 140, » 120,» 120, » 140, » 140, » 
Moyenne. 16,34 29,58 | 13,69 14,30 15,66 13,46 
i 

Épileptiques prenant le borax de 1 à 9 grammes. 
B. 4 4 1050 4050 OMS 0 M0 0 AIO 0 0502 
B. 4 6) 9, » 10, » 3,00 8,50 4, » 2,00 
M. 12 6) 4, » 3» 10, » D 4, » 2,0 
G. 4 6 20, » 9,50 4,50 1550) JP) 3,90 
D. 0,5 6 0,50 0,50 12, >» OED) 0,90 0,75 
D. 4 1 14, D, 2e) 41,95 2, 5 0,50 
L. 2,5 7 8,50 0,50 1,50 3,90 2, » 110) 
B. il 8 9,» 6, » JE) 10, » 4,50 43,1» 
MA 25 9 0,50 0,50 1,90 0,25 1,50 1,50 
CES 9 3,0 2,50 2, 5ù 8,0 4, » 6, » 
Moyenne. | 111,50 109,50 108,50 |r119, » 107,95 108,12 


 ——  —— ——]  —— ——— ——— —]— — —  — ——— — 


870 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


a © 2 MAIN DROITE UN EUGENE 
a a 2 2 
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Épileptiques : traitements divers. 


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D. 5 » 200 2 «5 25, » 20, » 18, » 20, » 
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100270 » 2,00 OM 1,50 1,50 0,25 1,50 
B. » » 10, » D) 30, » 13, 5 60, » 45, » 
C. » » 25,00 SUD) 35, » 20, » 25, » 30, » 
Moyenne. | 143,28 143,28 161,49 228,78 230,04 185,86 
Dégénérés. 

G. » » 45, » 20, » 1 » 20, » 4, » DD) 
G. » » 6, » 2, » DD) 9,50 4, » 175 
B: » » Sn DA) 4, » 15, » 1,90 DD) 
A. » » 8, » OPA) 8, » DD) D, » 4,50 
R. » » 20, » 10, » 10, » 50, » 45, » 8, » 
S. » » 49 » 1,29 3, » 125» 1 2, » 
D. » » 11) 12, 5 8, » 11410) 17, » PP) 
12 » » 10, » 10, » 14, » 110) 10) 8, » 
S. » » 10, » 49, » 20, » 45, » 40, » 65, » 
G. » » 65, » 25,0) 90, » 10, » 20, » 30, » 

|| B. » » 40, » 65, » 800, » 300, » 400, » 831, » 
l'Us » » 08 ee MO TE ME OS, où ICE ne IDÉES 
Î| V. » » ND) 4, » 14, » k, » D) 9, » 
Moyenne. | 97,30 D 10 155,19 117,80 124,96 156,07 


SEANCE DU 12 NOVEMBRE 811 


= ÈS _ MAIN DROITE MAIN GAUCHE 
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4 = 5 RS sur au-dessus | au-dessous sur au-dessus | au-dessous 
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Hystériques : traitements divers. 

N° » 8, » 1, » 1925 2,50 2, > AD) 
B. » PS DD 0,75 0,75 il, > OMS 0,15 
1e » 2, » 1,50 1,50 DA 125 1,25 
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dj » 18, » 9 AA) 9, » 10, » 9, » 
B. » 30, » 20, » 1148 350, » 75, » 600, » 


M. Bloch a exploré la partie inférieure de la région antérieure de 
l’avant-bras, bien au-dessus du pli de flexion. Nous avons exploré aussi 
cette région avec des instruments ayant la même surface d'application 
que ceux de M. Bloch, et chez les sujets les plus sensibles nous avons 
retrouvé le poids qu’il indique, c’est-à-dire 2 à 5 milligrammes, tandis 
que dans la région que nous avons choisie, il s'agissait encore de centi- 
grammes. 

Nous insistons sur les précautions prises dans nos explorations ; les 
sujets avaient les yeux soigneusement couverts ; on a évité le contact des 
poils, on a évité le choc et le frottement avec l'instrument qui était posé 
le plus doucement possible sur la surface à explorer. 

En outre des épileptiques, nous avons étudié un certain nombre de 
dégénérés et d'hystériques qui pourront donner lieu à des comparaisons 
instructives. 


Il suffit de jeter un coup d'œil sur les tableaux pour juger de l’impor- 
tance des troubles ile la sensibilité cutanée chez ces différentes catégories 
de malades. Ces troubles ont une fréquence telle que l’état normal est 
tout à fait exceplionnel. L’anesthésie des épileptiques est souvent aussi 
prononcée que celle des hystériques. 


812 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


QUELQUES REMARQUES SUR LA TRUITE DE MER, 


par M. ALFRED GIARD. 


«On a prétendu que la truite saumonée {Salmo trutta L) provenait d’un 
œuf de saumon fécondé par une truite ou d’un œuf de truite fécondé par 
un saumon; qu'elle ne pouvait pas se reproduire; qu’elle ne formait pas 
une espèce particulière. Cette opinion est contraire aux résultats des 
observations les plus nombreuses et les plus exactes. » Ainsi s'exprime 
Lacépède à l’article le Salmone truite saumonée de l'Histoire naturelle des 
poissons (1798-1803). Ce n’est donc pas sans surprise que nous avons vu 
ces anciennes idées reprises et développées dans un travail tout récent 
du professeur P.-P.-(. Hoek, inspecteur général des pêcheries de Hol- 
lande. D'après Hoek, la grande ressemblance entre la truite de mer et le 
saumon du Rhin quant aux proportions du corps, de l’autre côté le rap- 
port intime qui existe entre une truite de mer et une truite de ruisseau 
s’expliqueraient à merveille en admettant que la truite de mer serait 
originairement un métis de saumon femelle et de truite de ruisseau 
mâle (1). 

L’auteur, ou plutôt le rééditeur de cette hypothèse surannée spécifie 
d'ailleurs expressément qu'il n’est question dans son mémoire que de la 
truite anadrome du Rhin. Mais il est vraiment difficile de limiter ainsi une 
opinion de ce genre, et l’on ne comprendrait guère que Salmo trutta püt 
avoir une origine hybride dans le Rhin et constituer ailleurs ce qu'on 
appelle ordinairement une bonne espèce. 

Les observations que j'ai pu faire sur la truite de mer dans le Wime- 
reux, la Liane (rivière de Boulogne) et la Slack (rivière d’Ambleteuse) me 
paraissent rendre tout à fait improbable l’origine hybride de ce poisson 
dans les fleuves du Boulonais. 

En effet, le saumon est excessivement rare dans ces cours d’eau où la 
truite de mer abonde et je ne sache pas qu’on ait jamais pris la 7rutla 
fario (truite de ruisseau) ni dans le Wimereux ni dans la Slack. 

Sans doute on peut obtenir facilement des hybrides de Zrutta salar 
mâle et Zrutta fario femelle, plus facilement encore des hybrides de 
Trutta fario mâle et de Trutta salar femelle (2). Mais ces formes bâtardes, 
ainsi que Hoek le rappelle lui-même, perdent le caractère éthologique 


(4) P.-P.-C. Hoek. Sur la truite de mer du Rhin T'jdschri/t der Nederl. Dierk. 
Veren. (2) Deel IIL, 1892, p. 263. 

(2) Un distingué pisciculteur, Alphonse Lefebvre, d'Amiens, a reconnu en 
effet que pour obtenir le meilleur résultat possible dans tout croisement 
entre deux espèces de Salmonides, le mâle doit être pris dans l'espèce de la 
plus petite taille. (Études sur!la pisciculture ; Amiens, 1887, p. 38.) 


SÉANCE DU 12 NOVEMBRE 813 


important d'être migratrices : elles ne sont plus catadromes et restent 
dans le voisinage du point où elles sont nées. Aussi s’est-on efforcé de les 
produire en Suisse afin d'obtenir des poissons qui ne servissent point au 
plus grand bien des pêcheurs hollandais. Si les hybrides produits expéri- 
mentalement perdent ainsi leur instinct migrateur, pourquoi cet instinet 
serait-il conservé chez les hybrides naturels ? 

Mais peut-être Hoek entend-il dire que les truites de mer du Rhin 
ont historiquement et non pas actuellement une origine hybride, c'est-à- 
dire que des hybrides féconds autrefois produits par accident se sont 
multipliés et ont repris avec le temps leur instinct anadrome. Même 
ainsi modifiée, l'hypothèse ne me parait pas soutenable. Il faudrait en 
effet admettre que dans certains fleuves, le Wimereux par exemple, la 
race hybride est devenue si nombreuse et si puissante qu'elle a, par un 
victorieux sérugqle for life, éliminé complètement Les deux races ances- 
trales dont elle est le produit. Or, il ne paraît pas que dans le Rhin la 
truite de mer ait nui dans la moindre mesure au développement da 
saumon, qui est toujours de beaucoup plus abondant. 

Mais nous avons un meilleur argument dans une véritable expérience 
qui a élé faite en Angleterre, et d'où l'on peut conclure que les raisons de 
la rareté du saumon dans certains cours d’eau sont de toute autre 
nature. La truite de mer (Bull-frout) est extrèmement abondante dans 
le Coquet (Northumberland). Comme on supposait qu'elle empêrchait 
entièrement le développement du saumon, une autorisation fut donnée 
en 1868 de la détruire, et depuis cette époque jusqu'en 1872 inclusivement, 
84,019 poissons de cette espèce furent pêchés ; mais on reconnut linu- 
tilité de l’entreprise et l'on cessa de favoriser la reproduction du saumon 
dans cette rivière au détriment de la truite, qui y a toujours réussi (4). 

Hoek a cherché vainement à appliquer, pour la distinction des espèces 
du genre Zrutta, la position relative des nageoires, qui à fourni d’excel- 
lentes indications à Heincke dans l'étude des diverses espèces de Clupéides 
et des diverses formes de Clupea harenqus. Mais cette méthode de mensu- 
rations ne peut être employée d'une facon valable que lorsqu'on s'adresse, 
comme le recommande Heincke, à un très grand nombre d'individus, et 
elle devient tout à fait illusoire lorsqu'on veut, comme l’a fait Hoek, s’en 
servir pour comparer une vingtaine de spécimens tout au plus (1). 

Hoek n’est pas plus heureux lorsqu'il cite, pour les critiquer, les travaux 


(1) Il faut parfois très peu de chose pour que le saumon apparaisse dans un 
cours d’eau où il était inconnu précédemment. Voir sur ce sujet : A. Giard, Les 
saumons de la Canche (Bull. scient. de la France et de la Belgique, XIX, 1888, 
p. 392). J'ai dit dans ce travail que le saumon n'existait pas dans les fleuves 
compris entre la Somme et la Meuse. Cette assertion n’est pas complètement 
exacte. Valenciennes indique dans l'Authie une variété de saumon connue 
des pêcheurs sous le nom de Truite guilloise. 


814 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


de ses devanciers : « La petitesse de la tête est, dit-il, un caractère que 
l’on rencontre dans toutes les descriptions de ce poisson (Zrulla trutta); 
pourtant, en comparant la longueur de la tête à celle du corps et en 
agissant de même avec le saumon du Rhin, on voit que la longueur pro- 
portionnelle de la tête chez la truite de mer est en réalité supérieure à 
celle du saumon. » 

Mais c'est bien justement ce que disent la plupart des auteurs. Dauben- 
ton (1) et Bonnaterre (2), qui ont résumé les travaux des naturalistes 
anciens, expriment à peu près dans les mêmes termes les caractères dis- 
tinctifs de la truite et du saumon: « La truile a le corps plus large, la 
tête plus volumineuse à proportion du corps et la nageoire de la queue 
moins échancerée. » Valenciennes {3) donne les valeurs suivantes pour le 


rapport £ chez les Salmonides en question : 


s 


Saumon _ un peu plus de = 


Truite de mer (Forelle argentée Val.) = 


: ee 1 
Truite de ruisseau (Salar ausoni Val.) Te 


Ces nombres coïncident à peu près avec ceux trouvés par Hoek, dont la 
critique, par conséquent, porte complètement à faux. Les naturalistes qui, 
comme Émile Blanchard, dans son Histoire naturelle des poissons d'eau 
douce (1866, p. 468), disent que la truite de mer a la tête petite propor- 
tionnellement à la longueur du corps, parlent ainsi parce qu’ils compa- 
rent la truite de mer, non au saumon, mais à la truite de ruisseau, et, 
dans ce cas, ils ont bien raison. 

Hoek croit avoir démontré que chez la truite de ruisseau, les nageoires 
dorsale, adipeuse et ventrale, sont placées plus en arrière que chez la 
truite de mer. 

Il y a longtemps que cette particularité a été signalée, notamment par 
MacIntosh (4). C'est avec raison que l’éminent zoologiste de Saint-Andrews 
déclare également qu'une jeune truite de mer en livrée de voyage et une 


Daubenton. Encyclopédie méthodique; Les poissons, p.413, 1787. 
Bonnaterre. Encyclopédie méthodique. Art. Salmo trutta, p. 159, pl. 65, 
. 203. 
(3) Valenciennes. Histoire des poissons, t. XXI,1848, pp. 124, 213, 232 et 236. 
(4) In a yellow trout and a yellow fin of the same length there is a very 
appreciable difference in the position of this fin (dorsal), which is decidedly 
further forward in the latter, — the same varialion occurring in the fatty, 
ventral, and anal, as noticed in the first glance at the fish. (The Socottish natu- 
ralist.) 


SÉANCE DU 12 NOVEMBRE 8175 


jeune truite de ruisseau se distinguent aussi facilement qu'un jeune faisan 
et un perdreau. 

L’éthologie de la truite de mer est aujourd’hui connue au moins dans 
ses grandes lignes. On peut donc s'étonner de f’étonnement de Hoek 
lorsqu'il écrit : « Quant aux autres exemplaires, dont le poids restait — 
et souvent de beaucoup — au-dessous d'un kilogramme, il me semble 
extrêmement difficile de comprendre ce qu’ils viennent faire ou chercher 
dans le Rhin! J'inclinerais à admettre que ce sont des poissons égarés, 
des poissons qui se seraient laissé entraîner par les bandes de saumons qui 
remontent le fleuve. » 

Dans un beau mémoire lu à la Société royale d'Edimbourg, en 1843, 
Shaw a signalé ce fait vérifié depuis par divers zoologistes que les jeunes 
truites de mer (ye/low fins), àägées de deux ans, longues de 18 centimètres 
environ et pesant 70 grammes, descendent à la mer pour la première fois 
et remontent ensuite dans le fleuve où elles sont nées, à l’état de hirlings, 
pesant de 170 à 200 grammes, après un séjour de dix semaines dans l’eau 
salée. Ces voyages se répèlent tous les ans, et Ja truite de mer gagne 
chaque année 680 grammes environ. Les expériences de Shaw ont été 
faites dans la Tweed sur des poissons marqués de signes particuliers et 
remis ensuite en liberté, procédé maintes fois employé dans l’étude des 
Salmonides. Dès l’âge de dix-huit mois, les jeunes truites mâles sont 
aptes à la reproduction. Il n’est donc pas surprenant que Hoek ait ren- 
contré ces poissons de petite taille dans le Rhin, où ils n’étaient nullement 
égarés. 

Quant à la stérilité assez fréquente de la truite de mer, je l’ai moi- 
même signalée après bien d’autres naturalistes, mais je crois qu’il faut 
l'attribuer à des causes multiples, parmi lesquelles l'hybridité ne tient 
qu'une bien petite place. Cette stérilité n’est souvent que temporaire, et 
Hoek l'aurait observée plus fréquemment encore s’il avait examiné un 
plus grand nombre de truites prises en mer. Nous avons pu établir en 
effet que le truite de mer fait parfois dans l’eau salée des séjours beau- 
coup plus prolongés qu’on ne l’avait supposé jusqu'alors (1). Le Calige 
dont l'observation nous a permis de donner cette démonstration est 
excessivement abondant sur les truites prises en mer à Wimereux, et 
notre ami E. Canu en a fait depuis plusieurs années une étude complète, 
qu’il publiera prochainement. Nous l’avons provisoirement désigné sous 
le nom de Caligus truttæ (2). En admettant avec Hoek qu'il soit identique 


(4) Dans ces cas, les parasites hébergés par Trutta trutta sont nalurellement 
des types marins, et ces types sont beaucoup plus nombreux que ne l'indique 
Zschokke dans son admirable mémoire « Die Parasiten Fauna von Trutta 
solar » Centralblatt f. Bakt und |Parasitenkunde, Bd X, 1891, pp. 12 et 13 du 
tiré à part). 

(2) A. Giard. Sur quelques particularités éthologiques de la truite de mer. 
(Comptes rendus de l’Académie des sciences, Paris, août 1889.) 


810 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


avec l’espèce parasite du saumon, il ne devrait pas porter le nom de Caligus 
(Lepeophtheirus) salmonis Krüyer, car ce parasite a été signalé antérieu- 
rement par Strom. Quelques années après Krôüyer, Baird (1847) l’a décrit 
de nouveau sous le nom de Zepeophtheirus Strümi. 

Le calige de la truite n'avait pas échappé aux anciens observateurs. 

Nous lisons dans J. Cuça (Pisceptologie, 4° éd. 1828, p. 68): 

« A l’entrée de l’hiver, on voit souvent attachés sur la truite des espèces 
de vers à peu près semblables pour la forme à une épingle qui la sucent ; 
la truite ne reprend sa santé qu’en pénétrant dans les ruisseaux, où en se 
frottant sur le sable elle se débarrasse de ces vers incommodes. » 

Vallot en citant ce passage (Zchthyologie française, p. 263) ajoute: 
« Ne serait-ce pas l’Ascaris farionis ou l’Ascaris truttæ Goeze ? » Cette 
supposition n’est pas soutenable, car les Ascarides sont des parasites 
internes. Il est très probable que les prétendus vers en forme d’épingles 
ne sont que les sacs ovigères du Calige femelle. 

Le Calige de la truitesert de support, comme je l’ai dit, à toute une petile 
flore d’algues et de diatomées dont l’étude m'a permis de préciser la 
durée du séjour de la truite dans l’eau de mer. Cette florule se compose 
aux mois de mars-avril des espèces suivantes : 

1° Laminaria saccharina L. (jeunes frondes de quatre à cinq mois), très 
commune. 

2 Ceramium rubrum (Huds) Ag., assez rare. 

3 Bangia fuscopurpurea (Dillw) Lyngb., assez rare. 

4° Chantransia secundata (Lyngb) Thuret, commune avec fruclifi- 
cations. 

50 Æuteromorpha compressa L., assez commune, petites touffes de # à 
5 centimètres de long. 

6° Æctocarpus sp., avec fructifications. 

7° Podosphenia anglica, Kützing, très commune. 

8° Schizonema helmintosum, Chauv., t. c. 

9 Zhiotoma minimum, t. c. 

10° Mastogloia, sp., e. 

Toutes ces algues sont littorales, et quelques formes (Bangia entero- 
mr sphenia) se rencontrent même dans les eaux saumâtres, ce 

montrer que la truite de mer ne s'éloigne jamais beaucoup 
oit mener une vie paresseuse dans des abris le long de la 
:, à Wimereux, dans les récifs de Hermelles). 


SÉANCE DU 12 NOVEMBRE 871 


RECHERCHES SUR L'ASSOCIATION DU Séreptocoque pyogène ET DU Proteus 
vulgaris; — PARAMÉTRITE PURULENTE, DONT LE PUS CONTENAIT LE r0- 
teus vulgaris ET UN STREPTOCOQUE AYANT PERDU SA VIRULENCE ET SA 
VITALITÉ, 

par MM. DoLéris et BourGEs. 


Une jeune femme, traitée en 1886 avec succès pour des accidents de 
métro-périlonite post parlum après six ans de santé excellente, se soumet 
à la fin de l’année 1891 à un traitement utérin, destiné à favoriser la 
fécondation. Au cours de ce traitement, apparaissent, sur la lèvre posté- 
rieure du col, des plaques grisätres, d'aspect diphtéroïde. Elles sont 
épaisses, adhérentes à la profondeur et ne ressemblent pas aux minces 
plaques de sphacèle, qui sont parfois le résultat du contact des corps 
dilatants. Une inflammation apparaît d'abord dans le paramétrium pos- 
térieur, gagne ensuite le côté gauche du bassin et au bout d’une huitaine 
de jours envahit le côté droit. Gelte infection évolue à la facon de la 
paramétrite : frissons répétés, fièvre à forme rémittente s’élevant jusqu’à 
41 degrés, altération rapide de l’état général. 

La phlegmasie, qui paraît cantonnée au bassin pendant les huit ou dix 
premiers jours, s'est ensuite propagée visiblement au péritoine (météo- 
risme, engoûment stercoral). M. Doléris est appelé au cours de la période 
aiguë de l’infection el en raison de la localisalion pelvienne des tumeurs 
inflammatoires, en raison de la participation limitée du péritoine intes- 
tinal, il est d’avis de ne recourir momentanément qu’au traitement palliatif 
ordinaire, vésicatoires, purgatifs répétés, toniques à l’intérieur. On porte 
à ce moment le diagnostic de paramétrite, d'inflammation suppurée pré- 
dominant dans le tissu cellulaire para-utérin. Cette opinion était confirmée 
par une infiltration dure, œdémateuse de la paroi abdominale du côté 
droit, au-dessus de l’arcade de Fallope. C’est d’ailleurs de ce côté que la 
tumeur inflammatoire présente le volume le plus considérable dans tous 
les sens; elle déprime fortement en bas le cul-de-sac de Douglas et s'élève 
en haut au-dessus de l’aine. À gauche, point où l’évolution infectieuse a 
débuté, la tumeur est assez haute dans le bassin el ne dépasse guère le 
niveau du pii inguinal. On perçoit des deux côtés une sensation de fluc- 
tuation profonde obscure. Au résumé, la cavité pelvienne tout entière est 
convertie en une vaste masse inflammatoire, où aucun organe ne peut 
plus être distingué, ni mobilisé. Par le toucher vaginal, on tronve le col 
comme encastré au milieu de la tumeur. L'idée de salpingite suppurée est 
écartée, car il est de notion courante que dans le pyosalpinx la suppu- 
ration de la muqueuse s'établit au milieu d’un appareil fébrile souvent 
modéré, sans jamais, en tous cas, procéder par à-coups brusques et répétés ; 
les frissons et la température très élevée témoignant de la participation 
directe des gros vaisseaux lymphatiques et veineux de la région. l 


PANNE Era LE % , * METTRE + 
| 
3 


818 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Deux mois après le début des accidents aigus, à la suite d'une période 
de quinze jours d’apyrexie complète, alors que les lésions de paramétrite 
ont diminué, que les tissus ont repris leur souplesse et permeltent de 
reconnaitre des collections bilatérales, M. Doléris se décide à intervenir 
chirurgicalement. En raison de la certitude qu’il avait d’adhérences intes- 
tinales multiples, il rejette l’hystérectomie vaginale, qui semblait parti- 
culièrement indiquée dans ce cas; et pratique la laparotomie. On trouve 
l'intestin très adhérent sur une large surface non seulement aux poches 
purulentes, mais encore au fond même de l'utérus. Aussi, après quelques 
tentatives infructueuses pour enlever la poche droite tout entière, qui pré- 
sente les dimensions d’une très grosse orange, on est obligé de l’inciser et 
de suturer les lèvres de l’incision aux bords de la plaie abdominale. À 
gauche, la seconde poche, beaucoup moins volumineuse est profondément 
refoulée et maintenue en arrière par ses adhérences, on est obligé de la 
laisser intacte. Au cours des manœuvres opératoires, une partie du pus 
extrèmement fétide que contenait la première poche se répand dans 
la cavité périlonéale ; la totalité du pus contenu dans cette poche peut 
être évaluée à environ 250 grammes. On fait un lavage du péritoine à 
l’eau bouillie et on draine la poche avec de la gaze iodoformée. Les suites 
de l'opération ont été très simples; la malade a rapidement guéri sans 
avoir présenté le moindre symptôme de réaction inflammatoire du côlé 
du péritoine. La poche gauche s’est rétractée peu à peu et le cul-de-sac 
gauche est redevenu parfaitement souple. La malade a repris sa vie habi- 
tuelle au bout de six semaines. 

Examen anatomo-pathologique. — Pendant l'opération on a excisé un 
morceau de la paroi de l’abcès paramétritique. Il a été placé dans l’aicool; 
lorsque le durcissement a été suffisant, on a pratiqué des coupes compre- 
nant toute l'épaisseur de la paroi. Ces coupes ont été colorées au picro- 
carmin et à l’hématoxyline et au carmin à la fois. On y constate que 
la trompe, dans toute son épaisseur, est comprise dans la partie superfi- 
cielle de la paroi. Ce n’est donc pas dans la cavité de la trompe que s'est 
développée la collection purulente. Le diamètre de la trompe présente à 
peu près le double de ses dimensions normales. Les franges sont courtes, 
très épaissies, infiltrées de cellules embryonnaires. Leur épithélium de 
revêtement a presque partout disparu. La muqueuse est également 
épaissie et infiltrée de cellules jeunes. Quant à la couche musculeuse, 
elle est très élargie et les faisceaux de fibres musculaires lisses sont anor- 
malement écartés et dissociés par le tissu conjonctif. 

La partie la plus profonde de la paroi de l’abcès, indépendante de la 
trompe, est composée en partie de tissu conjonctif renfermant des amas de 
fibres musculaires lisses, en partie de tissu muqueux. 

Cet examen, qui n’a pu porter que sur une portion très limitée de la 
paroi de la collection purulente, ne permet pas de conclure exactement 
au siège de l’abcès. La trompe paraît en être indépendante. Quant à 


SÉANCE DU 12 NOVEMBRE 819 


l'ovaire, on n’en trouve point d’élément caractéristique dans les coupes 
examinées. 

Examen bactériologique. — Du pus, recueilli avec toutes les précau- 
tions nécessaires pendant l'opération, a fait l’objet d’un examen bactério- 
logique complet. 

Des frottis de lamelles, colorés par le liquide de Ziehl, montrèrent que 
ce pus contenait un grand nombre de longues chaïînettes de strepto- 
coques bien colorés, ayant tous les caractères du streptocoque pyogène 
et une lrès grande quantilé de petits bacilles. 

Des tubes et des plaques de gélose, ensemencés le jour même de l'opé- 
ration, ne donnèrent pas une seule colonie de streptocoque. En revanche, 
il poussa abondamment, sur tous les tubes et sur toutes les plaques, des 
colonies blanchâtres d'un petit bacille mobile, qui n'était autre que le 
« proteus vulgaris », comme le démontrèrent ses caractères morpholo- 
giques, l'aspect de ses cultures sur les différents milieux usuels, principa- 
lement celles sur les plaques de gélatine, l’odeur très fétide qu’il dégage 
et l’effet de son inoculation au lapin (1 centimètre cube de culture dans 
le bouillon, inoculé dans la veine marginale de l’oreille tue les lapins au 
bout d'un temps qui varie de dix à douze jours; on retrouve le proteus 
vulgaris à l'état de pureté dans le sang du cœur et des organes). On sait 
que le proteus vulgaris se retrouve normalement dans l'intestin de 
l’homme. Il est bien probable qu’il s’était introduit dans le kyste purulent 
déjà formé à la faveur des adhérences intestinales. La présence de ce 
saprogène explique bien la fétidité du pus de la paramétrite. 

Pour nous assurer que le streptocoque, constaté dans les préparations 
faites avec le pus, avait bien perdu toute vitalité, nous avons inoculé dans 
le tissu cellulaire de l'oreille d’un premier lapin et dans la veine margi- 
nale de l'oreille d'un second lapin quelques gouttes de ce pus diluées. 
dans du bouillon stérilisé. Les deux animaux n’ont eu aucune réaction et 
ont continué à se bien porter (on sait que le proteus vulgaris ne devient 
pathogène que lorsqu'on en inocule une grande quantité à la fois; il n'en 
est pas de même du streptocoque). Dans le tissu cellulaire d’un troisième 
lapin, nous avons inoculé 0 c. c.2 du pus de la paramétrite. Au bout de 
trois jours, le petit nodule formé au point d’inoculation est incisé. On y 
trouve une quantité de pus bien moindre que celle qui avait été injectée; 
ce pus recueilli est ensemencé dans du bouillon, qui reste stérile. 

Ainsi, le streptocoque de ce pus, qui se colorait fort bien encore, avait 
perdu toute virulence et toute vitalité. Ge fait est à rapprocher du cas 
rapporté par M. Combemale et Lay (Bull. méd. du Nord, 8 janvier 
1892). Dans le pus d'un bubon scarlatineux, ils ont trouvé dans leurs 
préparations de nombreux streptocoques et staphylocoques, tandis que 
les ensemencements faits sur différents milieux de culture avec le même 
pus, restèrent stériles. 

Pour expliquer comment, dans notre cas, le streptocoque, qui avail très 


880 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


certainement produit l’inflammation pelvienne, était mort dans le pus, 
on peut faire deux hypothèses. 

On sait que la vitalité de ce microorganisme est très variable dans le 
corps de l'homme et qu'elle s’épuise d'elle-même au bout d'un temps 
plus ou moins long. C'est ce qui avait parfaitement pu se produire 
pour le pus de cette paramétrite, qui était déjà collecté depuis deux mois. 

D'autre part, comme l’a montré M. Garré (Corresp. BI. f. Schweitzer 
Artze, p. 513, 1884), il existe un antagonisme certain entre différentes 
espèces microbiennes et on pouvait soupçonner le proteus vulgaris 
d'avoir détruit la vitalité du streptocoque. Nous avons établi un cerlain 
nombre d'expériences pour vérifier cette dernière hypothèse et pour 
éludier en même temps les effets de l’association du streptocoque pyogène 
et du proteus vulgaris. Le streptocoque pyogène dont nous nous sommes 
servis pour l’expérimentation, provenait d’une suppuration utérine. 
Au début, 1 centimètre cube de ses cultures dans du bouillon, inoculé 
dans la veine marginale d’un lapin, le tuait en cinq jours. Nous avons 
laissé perdre à ces cultures une partie de leur virulence en les laissant 
exposées à l'air et à la lumière pendant trois semaines environ, de 
telle sorte que 1 centimètre cube de ces cullures ainsi atténuées ne 
suffisait plus à tuer les lapins, mais provoquait seulement de l’amai- 
grissement. En ensemençant du bouillon en même temps avec ce 
streptocoque et du proteus vulgaris, ou bien en ajoutant quelques gouttes 
de culture de proteus à des cultures déjà bien développées de ce strepto- 
coque dans du bouillon et en plaçant les tubes à l'étuve à 37 degrés, on 
constate au bout de quelques jours que les deux microbes se sont bien 
développés parallèlement. 1 centimètre cube de ces bouillons de cultures 
mixtes, inoculé dans la veine marginale de l'oreille du lapin, tue l’animal 
en expérience en moins de cinq jours, tandis que la même quantité de 
culture pure de proteus vulgaris ne tue le lapin qu’au bout de dix jours 
et que Î centimètre cube pure du streptocoque pyogèné employé ne les 
luait pas. Des résultats identiques ou point de vue de l’inoculation ont 
été obtenus avec des cultures de proleus vulgaris, dans lesquelles on 
ensemençait quelques gouttes de culture de streptocoque et qu’on laissait 
ensuite quelques jours à l’étuve à 37 degrés. De même, en filtrant sur 
porcelaine les bouillons de culture, nous avons constaté que le proteus 
vulgaris se développe très bien dans le bouiilon filtré de streptocoque, 
bien que sa réaction soit acide; inversement, le streptocoque se déve- 
loppe aussi dans le bouillon filtré de proteus vulgaris, qui reste alcalin; 
il cultive alors, il est vrai, moins vite que dans le bouillon, qui n’a pas 
recu d’ensemencement préalable, et il faut aux cullures deux ou trois 
jours, au lieu de vingt-quatre heures, pour être bien développées. 

Le proteus vulgaris n’a donc pu détruire la vitalité du streptocoque. Il 
n’y a pas d'antagonisme entre ces deux microbes, qui se développent bien 
parallèlement dans le même milieu de culture, et dont la virulence 


SÉANCE DU 12 NOVEMBRE 881 


s’exalte au contact l’un de l’autre, comme on l’a déjà constaté pour le 
bacille de Lôffler et pour le bacille d'Eberth unis au streptocoque. 

C'est le temps seul, qui a pu épuiser la vitalité du streptocoque dans le 
pus de cette paramétrite que nous avons observée. D'où la confirmation 
scientifique de cette indication dans les inflammations pelviennes d’at- 
tendre, autant que possible, pour intervenir chirurgicalement, que les 
symptômes aigus se soient dissipés. On a ainsi chance de ne plus trouver 
que du pus dont l'agent viruient soit mort et de diminuer considérable- 
ment les risques d'infection pendant l'opération. 


NOTE SUR UN CAS DE TUBERCULOSE HUMAINE A VIRULENCE ANOMALE, 


par MM. CHaRRiN et ROGER. 


D'innombrables expériences ont établi que la tuberculose de l’homme, 
ou, plus exactement, la tuberculose des mammifères, inoculable au 
lapin et au cobaye, détermine, chez ces animaux, le développement de 
granulations viscérales, surtout abondantes dans le foie et la rate. Le 
résultat est tellement constant, qu’on est tenté de considérer, comme 
relevant d’un virus particulier, toute production tuberculeuse qui se com- 
porte différemment; la distinction qu'on a voulu établir entre la tuber- 
culose humaine et la tuberculose aviaire repose surtout sur cette base 
expérimentale. C'est parce que le virus aviaire ne produit le plus sou- 
vent que des lésions locales, quand on l'inocule dans le tissu cellulaire du 
lapin ou du cobaye, qu'on a considéré l'agent de cette affection comme 
spécifiquement distinct du bacille qu’on rencontre chez l'homme. 

Sans vouloir renouveler un débat qui ne semble pas épuisé, nous pou- 
vons rapporter un fait où ce bacille de la tuberculose humaine s’est 
comporlé d'une façon tout à fait insolite et n’a suscité que la production 
de lésions locales, même chez le cobaye. 

Il s’agit d’un jeune homme qui, au mois de mai 4892, fut pris subite- 
ment d’un violent point de côté; la fièvre était intense; on constata, par 
la percussion et l’auscultation, l’ensemble des signes caractéristiques 
d’une hépatisation du sommet droit, 

Le diagnostic, d’abord hésitant entre une pneumonie franche et une 
tuberculose aiguë à forme pneumonique, fut bientôt établi par l'examen 
des crachats, démontrant la présence du bacille de Koch. 

Le 17 mai 1892, ces crachats servirent à inoculer, sous la peau, un 
cobaye et un lapin. Le cobaye succomba le 21 juin, c’est-à-dire au bout 
de trente-einq jours. On trouva une lésion au point de cette inoculation, 
des adénopathies multiples, des tubereules dans le foie, la rate et les 


882 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


reins; le résultat était donc sensiblement conforme à ce qu’on observe 
d'habitude. | 


- HOMME 
Tuberculose aiguë 
a forme pneumonique. 
17 mai 1892. 
PS Re le LIEU LS 
| | 


COBAYE LAPIN 
mort le 21 juin tué le 30 juin 
(survie : 35 jours). (survie : #4 jours). 
Tuberculose généralisée Lésion locale. 


(Ganglions, foie, rate, poumons). 


PACA RER 
| | 


COBAYE COBAYE 
inoculé avec la lésion locale, inoculé avec le foie et la rate, 
mort le 13 août mort le 13 août 
(survie : #4 jours). (survie : 44 jours). 
Lésion locale. Lésion locale. 
| 
COBAYE 


mort le 10 octobre 
(survie : 58 jours). 
Lésion locale. 


LAPIN 


tué accidentellement le 3 novembre 
(survie : 24 jours). 
Lésion locale. 


LAPIN 


vivant 
(9 jours). 


Le 30 juin, quarante-quatre jours après, nous sacrifiâmes le lapin qui 
avail été contaminé en même temps que le cobaye; l’autopsie ne révéla 
qu’une lésion locale s’accompagnant d’adénopathie; mais les viscères 
étaient indemnes, la rate n’était même pas hypertrophiée. Pourtant le 
bacille de Koch était présent dans ces organes, sains en apparence, 
comme le démontra la suite de l'expérience. Ge lapin servit en effet à 
injecter deux cobayes : l’un reçut sous la ‘peau un fragment de la lésion 
locale; l’autreles produits de trituration des tissus hépatique et splénique ; 
ces deux cobayes succombèrent le 13 août, c'est-à-dire au bout de 
quarante-quatre jours; chez tous deux on trouva un tubercule d’ino- 
culation et une pléiade ganglionnaire; ces lésions renfermaient de nom- 


TL 3 LT LE SE RE 


SÉANCE DU 12 NOYEMBRE 883 


breux bacilles, mais les viscères étaient indemmes et l'examen bacté- 
riologique ne permit pas d’y constater la présence du microbe de Koch. 


Pour continuer la série, nous avons inoculé cette lésion limitée à un 
nouveau cobaye; celui-ci mourut au bout de 58 jours, ne présentant lui 
aussi qu'un nodule d’inoculation et une caséification des ganglions 
correspondants. Ces productions bacillaires servirent à inoculer un lapin, 
qui fut tué accidentellement le 3 novembre, c’est-à-dire au bout de vingt- 
quatre jours ; comme chez les animaux précédents, on ne trouva chez 
ce lapin qu’une lésion circonscrite riche en bacilles, et dont un fragment 
a été inséré sous la peau d’un nouveau lapin, actuellement vivant. 

Le tableau ci-contre permettra de saisir facilement les résultats que 
nous avons obtenus. 

En résumé, il y a une discordance frappante dans le pouvoir patho- 
gène du virus, suivant qu'on le considère chez les animaux ou chez 
l’homme. Chez notre malade, la tuberculose a débuté brusquement, 
comme une pneumonie franche; puis, sont survenues de nombreuses 
hémoptysies ; aujourd'hui le poumon est largement ulcéré. Chez les 
animaux, le virus s’est comporté différemment ; on ne peut pas dire 
qu'il ait été bénin, puisque les cobayes sont morts spontanément au 
bout d’un à deux mois ; seulement, à l’autopsie, on ne trouvait pas de 
granulations viscérales ; le résullat était donc tout à fait semblable à 
celui qu’on obtient généralement avec le virus aviaire. 

On savait déjà que la virulence du bacille de la tuberculose humaine 
était sujette à de nombreuses variations ; c’est ce que M. Arloing avait 
reconnu en expérimentant avec diverses lésions locales ; mais, dans les 
faits rapportés par cet auteur, le microbe, atténué pour l’homme et pour 
le lapin, était encore virulent pour le cobaye; dans notre cas, le bacille 
était très virulent pour l’homme, peu nocif pour le lapin, à action spéciale 
pour le cochon d'Inde. 


M. Marassez. — M. Vignal et moi avons observé, dans nos recherches 
sur les tuberculoses bacillaire et zooglϾique, des faits qui ne sont pas sans 
analogie avec ceux de MM. Charrin et Roger. 

Dans ces recherches, nous avions fini par prendre le parti de faire 
toutes nos inoculations de tuberculose aussi semblables que possible en 
tant que matière, volume, siège d’injections ; nos animaux étaient égale- 
ment maintenus dans les mêmes conditions. Or, nous avons obtenu 
ainsi plusieurs séries de tuberculose bacillaire où la forme et la durée de 
la maladie (la durée étant comprise du jour de l’inoculation aux derniers 
moments de la vie) étaient à peu près les mêmes dans une même série; 
tandis qu’elles étaient parfois très différentes d’une série à l’autre. Nous 
avions par exemple, des séries à évolution très rapide, d’autres à évo- 
lution très lente. Nous en étions même arrivés à prévoir avec assez 


884 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


d’exactitude la mort de nos animaux et à prendre nos dispositions en 
conséquence. 

Ces faits montrent, comme ceux qui viennent de nous être communi- 
qués, que les bacilles de la tuberculose peuvent jouir de propriétés patho- 
gènes assez spéciales et les conserver au même degré pendant de nom- 
breuses générations. Nous en avions conclu, M. Vignal et moi, que non 
seulement il existait des tuberculoses d'espèce autre que celle de Koch 
(la seule admise alors), mais encore des variétés de tuberculose bacillaire : 
c'est-à-dire des tuberculoses d'espèce et de variétés différentes. 


SUR L'APPAREIL MUSCULAIRE DE LA RADULA CHEZ LES HELIX, 


par M. G. Loiset, 
Licencié ès sciences naturelles. 

La radula des Mollusques est supportée par des pièces, en général au 
nombre de deux, dont l’aspect et la consistance les font prendre à pre- 
mière vue pour du cartilage, mais dont la véritable nature est loin d’être 
élucidée. Valenciennes le premier, en 1844, puis Lebert, Huxley, Bergh, 
Claparède et Semper étudièrent ces organes au point de vue histologique, 
mais à une époque où la technique n’était pas assez riche pour pouvoir 
leur donner des résultats assez satisfaisants. Dans tous les mémoires qui 
6nt paru depuis, sur l'anatomie des Mollusques, on ne s’est guère occupé 
qu’incidemment de ces pièces, accordant la principale attention à la mor- 
phologie de la radula elle-même. 

En parcourant ces travaux, on voit que le tissu de ces pièces de sou- 
tien a été considéré successivement comme formé : 4° par du cartilage ; 
2 par du muscle; 3 par du fibro-cartilage ; 4° et enfin par un mélange 
de fibres musculaires et de cellules cartilagineuses. 

: I m'a semblé qu’un travail d'ensemble serait seul capable de résoudre 
la question et, pour cela, j'ai résolu d'étudier ces pièces de soutien chez 
un certain nombre de Mollusques, pris parmi les types les plus différents. 
Plus tard s’imposera la comparaison de ce tissu avec ce que l’on a décrit, 
chez les Vertébrés et les Invertébrés, sous le nom de cartilage celluleux, 
cartilage sans substance fondamentale, lissu conjonctif à cellules vésicu- 
leuses, tissu de la notocorde, etc. 

Dans cette note que j'ai l'honneur de présenter aujourd’hui à la Société 
de biologie, je veux donner une idée seulement de l'appareil muscu- 
laire qui fait jouer ces pièces de soutien, dans le genre Helix. Cuvier, 
Osler, Middendorf, Huxley, Semper et Troschel sont les seuls, je crois, 
qui aient prêté quelque attention à cet appareil, mais, outre que cer- 
taines figures ne sont pas toujours très exactes, leur description n’est 


boat. 


SÉANCE DU 12 NOVEMBRE 889 


que générale el aucun ne s’est occupé de rechercher les altaches précises 
de ces muscles, seul moyen pourtant de bien connaître leur aelion. 

En combinant la méthode des coupes en série et la dissection sous 
l'eau, j'ai reconnu que les pièces de soutien de la radula donnaient, chez 
les Helix, attache à cinq muscles principaux, que j’appellerais plus vo- 
lontiers plans musculaires, étant donnée la difficulté qu’on éprouve à bien 
isoler un muscle à cet endroit (1). 

1° Muscle papillaire. — Ce muscle entoure comme un doigt de gant la 
papille, dite gaine formatrice de la radula, et s’en détache en avant pour 
aller se jeter sur les masses musculaires moyennes. Cuvier n’avait vu de ce 
muscle que quelques faisceaux auxquels il faisait jouer tout le rôle dans 
la mastication et la déglutition. [lne me parait guère servir qu’à protéger 
la papille qu’il entoure. 

20 Muscle radulaire antérieur. — Ce muscle s'attache à l'extrémité 
postérieure des pièces de soutien par deux faisceaux assez forts, quoique 
peu épais; en avant, ses fibres divergent en haut et sur les côtés pour 
aller se perdre dans le tissu museulo-conjonctif qui forme le plancher et 
le bord inférieur de la bouche. Suivant que ce muscle prend son point 
d'appui en avant, lorsque les lèvres sont fixées, ou en arrière, quand la 
langue est immobilisée sur les côtés, il peut faire basculer la pointe de la 
radula en arrière ou rétracter les lèvres. 

3° Muscles radulaires moyens. — Ces muscles, au nombre de deux, 
sont les plus puissants des muscles de la radula ; en avant ils s’attachent 
à droite et à gauche, tout autour de l'extrémité postérieure de chaque 
pièce de soutien et vont se fixer en arrière sur la face inférieure de la 
radula, au moment où elle s'engage dans sa gaine ; un certain nombre 
de fibres se réunissent au-dessus de la base de celte gaine pour former 
une sangle musculaire qui limite le bulbe buccal en arrière. D'un autre 
côté, ces muscles sont intimement unis à deux bourrelets musculaires 
qui sont logés dans les parois latérales de la bouche et vont se terminer 
en avant dans les deux lèvres latérales. 

Il est difficile de préciser dans quelles directions agissent ces muscles ; 
leur rôle est évidemment très important dans les mouvements de masli- 
cation qu’exécute la radula. 

3° Muscle radulaire postérieur. — Ce muscle a été bien décrit par les 
auteurs sous le nom de rétracteur du pharynx; je n’ai donc pas à y 
insister. 

Cependant son insertion oblique sur l'extrémité postérieure des pièces 
de soutien me le fait considérer également comme un antagoniste du 
muscle radulaire antérieur, c’est-à-dire qu'il doit faire basculer la pointe 
de la radula en avant. 


(1) I sera plus facile de suivre cette description qui va suivre avec les figures 
qui accompagneront le travail que je publierai plus tard. 


8806 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


De cette courte étude se dégage le rôle que doivent jouer les pièces de 
soutien ; ils servent simplement de support à la radula et lui communi- 
quent les mouvements qu’ils reçoivent des muscles auxquels ils donnent 
attache. Ce n’est pas l'opinion de MM. Vogt et Yung, qui écrivent, dans 
leur 7raité d'anatomie comparée, 1° volume, page 788 : La radule « repose 
sur des muscles puissants qui s'unissent en arrière à l’intérieur de la 
papille.. Ces muscles, ainsi que ceux de toute la paroi du pharynx, ont 
pour effet, en se contractant, de déplisser la radule tout en lui faisant 
exécuter un mouvement oscillatoire d'arrière en avant. » 

Chez Aelix pomalia, les pièces de soutien sont formées, en effet, de 
faisceaux musculaires très courts, entre lesquels se trouvent de grosses 
cellules vésiculeuses, que ne mentionnent pas ces auteurs. Mais ces fais- 
ceaux ont une direction perpendiculaire à l’axe des pièces de soutien 
et ne peuvent donc aller se réunir à l’intérieur de la papille; ce que 
figurent ces auteurs, page 790, fig. 378, n’est autre chose que le muscle 
papillaire décrit plus haut, muscle qui s’insère en partie sur les pièces 
de soutien, mais qui n’en est nullement la continuation. De plus, chez 
beaucoup de Gastéropodes, les pièces de soutien ne sont formées que de 
cellules, ce qui montre bien le rôle passif qu'ils doivent avoir à remplir. 


SUR LE RYTHME RESPIRATOIRE DE QUELQUES POISSONS, 


par M. HENRY DE VARIGNY. 


Dans ses Lecons sur la physiologie comparée de la respiration, Paul Bert 
a donné un certain nombre de chiffres relatifs à la rapidité et au rythme 
de la respiration d'animaux appartenant aux principaux groupes du 
règne animal, chiffres relevés par lui-même ou par M. A. Lafont. Ayant 
eu, récemment, l’occasion d'observer sur place différents poissons, j'ai 
nolé le rythme respiratoire de quelques-uns d’entre eux. 

Les filets dont on se sert pour pêcher la crevette ramènent toujours — 
en quantité variable selon les bancs de sable, l’état de la mer, et l’im- 
portance de la marée — un certain nombre de petits poissons plats que 
l’on désigne communément, en gros, sous le nom de plies. A la vérité, : 
il y a bien réellement des plies dans le nombre, mais il s’y trouve aussi 
des limandes, et des flets. Sans m'attacher dans tous les cas à distinguer 
les espèce les unes des autres, j'ai noté que la plie franche ou carrelet 
(Platessa vulqaris) est celle qui se rencontrait le plus souvent. Pour 
compter les mouvements respiratoires de ces poissons, je les plaçai dans 
des bassins remplis d’eau de mer pure, en leur accordant d’abord le 
temps de se reposer. Le chiffre donné par P. Bert est 61 par minute 


SÉANCE DU 1% NOVEMBRE 887 


(pour une température de 13 degrés en octobre), et c'est le seul chiffre 
qu'il cite à l'égard de ce poissan. J'ai relevé des nombres très divers : 
de 36 à 80, dans une série de 23 observations sur des individus différents. 
Il est assurément difficile de dire dans quelle mesure les conditions de 
l'observation étaient bonnes : un poisson pêché à la mer et jeté dans un 
panier avec des crevettes et d’autres animaux, où il reste une ou deux 
heures avant d’être mis à l’eau, et à l'aise, peut avoir besoin d’un temps 
assez long pour « reprendre ses esprits » et son haleine. 1] semble toute- 
fois que d’une façon générale le temps nécessaire leur était accordé, si le 
chiffre 64 est, celui du rythme respiratoire du carrelet en activité ordi- 
naire. Il n’y a pas à s'étonner de voir le rythme varier du simple au 
double : le fait est général et connu. Rangés par ordre, les nombres que 
j'ai relevés sont les suivants : 36, 44, 46 (trois fois) 50, 52 (deux fois) 56, 
60 (trois fois) 62, 64 (deux fois) 66 (deux fois) 70 (deux fois) 74 (deux 
fois) 76, 80. On voit que les chiffres élevés sont assez fréquents, et il 
semble que durant l’activité, le rythme respiratoire soit fortement accé- 
léré. Par un singulier hasard, il y a coïncidence presque absolue entre le 
chiffre de M. Lafont (cité par Paul Bert) et le chiffre que j'ai observé chez 
un carrelet de dimensions moyennes (25 centimètres de iongueur environ), 
dont je pus compter le rythme respiratoire dans un grand filet où il avait 
été pris à marée descendante, avant que la mer ne se fût entièrement 
retirée. Dans ce cas le rythme était de 60 par minute. Mais dans un vase 
où l'animal ne se déplace guère ou pas du tout, sa respiration se ralentit 
sensiblement. Il en va de même quand il est tiré de l’eau et abandonné 
entre des algues à l'air humide. J'ai vu un carrelet, dans ces conditions, 
ne respirer que 42 fois par minute. Remis à l’eau, il reprend bientôt le 
rythme normal. Dans deux expériences où j'ai compté le rythme chez 
deux carrelets dont l’un était à l'eau de mer et l’autre à l’eau douce, les 
chiffres ont été à peu près identiques : dans un seul cas la respiration 
était un peu plus rapide à l’eau douce qu’à l’eau de mer (84 au lieu de 80). 

Je n’ai rien trouvé dans Paul Bert au sujet du rythme du Gunellus vul- 
garis. Ce dernier est un joli petit poisson ensiforme qui — à Ault — se 
trouve en assez grande abondance, dans les laisses de basse mer sous les 
cailloux, et qui se débat et se tortille de façon très active quand on cherche 
à le prendre. Six observations m'ont montré que chez lui la respiration 
est extrémement active : le minimum a été 80, puis j'ai eu 4,400 (trois 
fois) 414 et 120. Cette rapidité — qui semblerait indiquer un besoin 
d'aération extrême — fait un singulier contraste avec le fait que le 
poisson se conserve admirablement à l’état vivant, dans des algues humi- 
des, en dehors de l’eau. 

P. Bert ne dit rien non plus du Callionymus lyra. Ce poisson s’est pré- 
senté à moi nombre de fois. Mais il est à noter que je n'ai trouvé que 
des femelles, et j'ai été maintes fois frappé de la localisation extrême des 
espaces où j'étais assuré d’en trouver en nombre. Ils ont des préférences 


888 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


marquées — dues à la nature du fond, à la présence de certaines proies, 
ou autre chose encore, — et quand on en trouve un, on en trouve dix et 
vingt. Les Callionymes femelles offrent des variations de rythme respira- 
toire égales à celles du carrelet. Les nombres relevés ont été : 20 (deux 
fois) 22 (bis) 24, 25, 26 (bis) 28 (bis) 30, 36, 44, 46 (bis) et 52. Le chiffre 
25 a élé observé pour un Callionyme qui élait bien au repos depuis un 
temps assez long. En somme, la respiration est bien plus lente chez cette 
espèce que chez le Gunellus vulgaris. 

Chez la petite vive (7rachinus vipera\ le rythme se relève et devient 
plus fréquent. Paul Bert indique le chiffre 10 (pour le mois de mai), 
à 12 centigrammes : mes observations ont été faites en septembre par 180 
en moyenne); mais il ne dit point s'il s’agit du Zrachinus vipera ou du 
Trachinus draco, ou de telle autre espèce, et indique simplement le genre 
vive : mais les dimensions de l’animal (22 centimètres) sont plutôt celles 
du 7”. draco que du 7”. vipera, et ceci exp'iquerait la différence de mes 
chiffres par rapport à ceux de Paul Bert. Ceux-ci sont : 66, 76, 84, 86 (bis) 
92 et 102, et dans bien d’autres observations non notées, j'ai remarqué la 
rapidité assez graude du rythme respiratoire de cette espèce. 


Le Gérant : G. MAssoNn. 


D ME VO CS A en men e pu I ERER 
Paris. — Imprimerie de la Cour d'appel. L. Marermeux, directeur, 1, rue Cassette. 


889 


SÉANCE DU {9NOVEMBRE 18992 


M. Cu. Vernon : Cardiographe horizontal pour le cœur de la grenouille, avec les 


nouvelles modifications introduites d'après M. le Dr Vibert. — M. P. Mécnn : 
Épizootie grave de gastro-entérite coccidienne sur des lièvres. — M. A. Rarzzrer : 
Un cas très ancien de Tænia (Hymenolepis) diminuta chez l'homme. — M. CHARLES 


Ricuer : Le frisson comme appareil de régulation thermique. 


Présidence de M. Chauveau. 


CORRESPONDANCE IMPRIMÉE. 


M. CHARLES Ricuer fait hommage à la Société d’un exemplaire des Mé- 
moires du Laboratoire de physiologie de la Faculté, ayant pour titre : 
Physiologie; travaux du laboratoire de M. Richet. 


M. Raïzuter offre à la Société le rapport qu’il a présenté au Congrès 
international d'hygiène de Londres (avril 1891), ayant pour titre: Para- 
sites transmissibles à l'homme envisagés spécialement au point de vue de la 
prophylaxie. | 


M. DASTRE fait hommage à la Société d’une brochure intitulée: La 
Cocaïne ; Physiologie et applications chirurgicales. L'auteur, qui lui-même a 
fait quelques recherches originales sur le sujet, s’est proposé ici de donner 
un tableau complet (et aussi condensé que possible) de l’état actuel de 
nos connaissances, et de mettre en lumière les conséquences qui s’en 
dégagent. Il a voulu faire œuvre non de compilateur mais de critique. 


CARDIOGRAPHE HORIZONTAL POUR LE COEUR DE LA GRENOUILLE, 
AVEG LES NOUVELLES MODIFICATIONS INTRODUITES, D'APRÈS M. LE D' VIBERT, 


par M. Ch. VERDIN. 


Note présentée par M. LABORDE dans la séance du 12 novembre. 


Le cardiographe, cu pince cardiaque de la grenouille, présentait. dans 
ses anciennes dispositions des inconvénients multiples que connaissent 
bien les expérimentateurs qui ont eu souvent à s’en servir : il était diffi- 
cile, sinon impossible, d'arriver avec ce cardiographe primitif, dont je 
présente un modèle, à poursuivre une expérience homogène, durant un 
certain temps, à cause des changements sans cesse renouvelés dans la 


BIOLOGIE, COMPTES RENDUS. — 9€ SÉRIE. T. IV. 35 


890 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


position mal fixée de l'animal, et dans le fonctionnement mal assuré du 
petit appareil. 

Sans entrer dans le détail de ces nombreuses imperfections, qui ont 
fait souvent notre désespoir, comme celui de plus d’un de nos collègues, 
sans doute, 1l me suffira de rappeler les desiderata des cuillerons destinés 
à recevoir le cœur de l’animal, qui le laissaient constamment fuir et 
s'échapper. 

J'ai contribué, pour ma part, et avec le D' Rondeau, chef-adjoint des 
travaux pratiques de physiologie, à la modification mieux appropriée de 
ces cuillerons, relativement à la forme et à la grandeur. De son côté, 
M. Ch. Verdin avait eu l’idée de soumettre la plaque réceptrice de l’ani- 
mal à une inclinaison qui permettait un fonctionnement mieux assuré du 
levier inseripteur. Mais ce qui manquait surtout, c'était, d’une part, un 
dispositif fixant, de facon invariable, le cœur dans le cardiographe, et, 
d'autre part, un mécanisme permettant le maniement de l'appareil, dans 
toutes les conditions nécessaires, sans tâtonnement, et sans déclanche- 
ment possible. | 

Ce sont ces importants avantages que réalise l'appareil que j'ai l’hon- 
neur de présenter en fonction, — grâce aux précieuses indications de 
M. le D' Vibert, mises en pratique par M. Ch. Verdin. 


Cet instrument a en effet les avantages d’être à la fois cardiographe 
horizontal du cœur de la grenouille (fig. 1) et cardiographe vertical (fig. 2). 

La figure 4 comprend le dispositif suivant, qui assure le placement et 
l'adaptation d’un cuilleron de forme spéciale sur le ventricule de la gre- 
nouille ; en somme, il y a là une mise au point comme on le ferait avec un 
microscope pour observer une préparation microscopique. 


Détails de l'appareil. 

En À, support à fourche recevant la planchette réduite à sa plus simple 
expression. 

Cette planchette peut se mettre sur n'importe quel support destiné à 
cet usage ; il est utile, pour l'inscription horizontale, de tenir l’appareil 
très obliqué, a fin que le propre poids du levier fasse l'office d’un ressort 
antagoniste sur le ventricule. 

En B, porte-borne et porte-fourche : 

1° Qui maintiennent les organes qui pourraient sortir de la plaie faite 
par le passage du ventricule; 

2 Servent de maintien et de buttée au ventricule pour que le cuilleron 
mobile trouve son point d'appui; 

3° Enfin, servant au besuin de borne soit pour courant négatif ou positif 
pour l'excitation électrique du ventricule. 

En C, support à fourche portant les différents organes utiles au place- 
ment du cuilleron, qui sont : 


SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 891 


7, 


LL LL LE LE LL LL LE LEZ 


a 


LLLL TTL 


| LL 
€ 


; Cardiographe horizontale 


892 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


D, un bouton attenant à un pignon qui commande une crémaillère 
laquelle fait monter et descendre le cuilleron. 

E, un autre bouton commandant une crémaillère qui fait mouvoir le 
cuilleron d’avant-arrière. 

F, une manette qui permet le déplacement circulaire, c'est-à-dire la 
mise en ligne droite du levier. 

G, un bouton manœuvrant une vis de rappel faisant mouvoir tout le 
système CD EF, de façon que l’application du cuilleron se place bien 
sur le ventricule. 


La figure 2 comprend, en A, une tige-support portant une crémaillère 
. dans toute sa longueur, ce qui permet, au moyen d’un pignon, de faire 
monter ou descendre dans {oute la longueur d’un cylindre enregistreur 
le levier inscripteur dont il va être question. 


Détails de l'appareil. 

Après avoir enlevé la partie inscrivante horizontale, il suffira de laisser 
en place l'animal avec la fourche maintenant le ventricule, et de relier 
le porte-levier en B à la tige G, qui est dans le prolongement de la grande 
tige A. Ceci fait, on approchera le style inscripteur du cylindre pour en 
obtenir les tracés. | 

Ajoutons qu’à tous les appareils à fourches pour supporter les plan- 
chettes bois et liège, sont fixés des boutons de pression, ce qui maintient 
d’une facon solide toutes les planchettes, excellent moyen de se servir de 
celles qui s’amincissent pour une raison quelconque. 

Cet appareil perfectionné est destiné à rendre de réels services à l’ex- 
périmentation, dans les cas si fréquents où il est utile, et même nécessaire, 
de rechercher les modifications inscrites du fonctionnement du cœur, 
notamment et en particulier dans l'étude de l’action physiologique des 
substances médicamenteuses et toxiques. 


ÉPIZOOTIE GRAVE DE GASTRO-ENTÉRITE COCCIDIENNE SUR DES LIÈVRES, 


par M. P. MÉGNIN. 


Je présente à la Société une pièce que je tenais à montrer fraiche, parce 
que les lésions, bien apparentes au moment de l’autopsie, s’altèrent 
promptement, surtout si on les met dans l'alcool. Cependant, malgré la 
fraîcheur relative, — l’autopsie a été faite ce matin, — à la lumière du 
gaz, elles sont bien moins apparentes qu’au jour. 

Cette pièce, c’est l’intèstin grèle d’un lièvre. 

J'ai reçu quatre de ces animaux ce matin : un jeune et trois adultes, 


SÉANCE DU 49 NOVEMBRE 893 


— 


trouvés morts dansune chasse du département de l'Aisne, où une épidémie 
meurtrière sévit sur ces animaux. Les trois animaux adultes présentaient 
exactement les mêmes lésions dans l’estomac à l'intestin grêle; le jeune 
ne présentait que les lésions stomacales; il a sans doute moins résisté que 
les adultes et a succombé avant que la maladie se fût étendue à l'intestin. 

L'intestin grèle est rougeâtre, vivement énflammé, et est parsemé dans 
toute son étendue de petites taches miliaires blanches qui existent sur la 


A. Portion d'intestin grêle de lièvre malade. à 

B. Coccidies perforantes grossies. x 

G. Coccidies oviformes au même grossissement pour faire ressortir la 
différence. f 

D. Coupe schématique de l'intestin pour montrer la situation des 
coccidies. 


muqueuse, mais que l’on voit du dehors par transparence. L'estomac est 
rougeâtre aussi, mais l’épaisseur de ces tuniques ne permet pas de voir 
les lésions de sa muqueuse: ces lésions, au lieu de consister en petites 
taches blanches, se présentent au contraire sous forme d’un piqueté rouge 
foncé constitué par une foule de petits raptus hémorragiques. 

Aussi bien sur la muqueuse de l’estomac que sur celle de l'intestin, le 
produit d’un léger raclement de la muqueuse, avec une lame de scalpel, 
est constitué par des myriades de coccidies, un peu plus petites et de 
forme plus allongée que la Coccidie oviforme du foie du lapin, et que l'on 
reconnait facilement comme appartenant à l’espèce Coccidie perforante 
de Leuckart, dont le développement a été étudié par ce savant sur le 


894 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


lapin, et qui vous a aussi été montrée dernièrement sur ce même animal 
par M. Raillet, mais elle n’avait jamais été vue, que je sache, sur le lièvre, 
surtout comme cause d’épizooties meurtrières. 

Déjà l’année dernière, à pareille époque, j'avais eu l’occasion de voir 
cette maladie aussi sur des lièvres, et d’en constater le caractère émi- 
nemment contagieux et grave. Un amateur de Seine-et-Oise s'était pro- 
curé une quarantaine de lièvres dans l'espoir d'arriver, par leur repro- 
duction en parquets, à repeupler facilement ses chasses. Une violente 
épidémie se mit dans le troupeau et le décima au point qu’en moins de 
quinze jours à trois semaines, il ne lui restait plus que cinq sujets. 

Deux cadavres m'ayant été envoyés, je constatai, à l’autopsie, exacte- 
ment les mêmes lésions que celles que je vous présente. | 

A ce moment, avec M. le professeur Cornil, nous avons commencé 
l'étude anatamo-pathologique de cette maladie, et nous avons constaté que 
les coccidies s'accumulent surtout dans les follicules, dont elles provoquent 
la dilatation, en même temps que l’irritation des tissus avoisinants. Ce 
sont ces follicules gonflés de coccidies et groupés qui constituent les taches 
blanches qui tranchent sur le tissu enflammé. 

Notre étude fut alors interrompue faute de pièces fraiches; nous allons 
pouvoir la reprendre, et vous en communiquerons les résultats. 


UN cas TRÈS ANCIEN DE Z'ænia (Hymenolepis) diminuta cnez L'Home, 


par M. A. RaAïLLiEr. 


> 


L'Hymenolepis diminuta (Rudolphi), qui vit habituellement dans la 
portion moyenne de l'intestin grêle des Muridés (Mus decumanus, 
M. rattus, M. musculus, M. alexandrinus), a été quelquefois aussi observé 
chez l'Homme. 

Voici en quelques mots l’histoire des faits qui se rapportent à ce 
dernier hôte. 

En 1849, le D' Ezra Palmer recueillait, en Amérique, six exemplaires 
sans tête d’un Cestode particulier, expulsés par un enfant de dix-neuf 
mois qui jouissait d'ailleurs d’une bonne santé; il les prit pour des 
Bothriocéphales et les déposa dans un musée de Boston, où ils furent 
étudiés plus tard par Weinland. Celui-ci les reconnut pour des Téniadés 
et en donna, sous le nom de Z'ænia flavo-punctata, une description som- 
maire, bientôt complétée par Leuckart, à qui il en avait envoyé un 
fragment. 

En 1884, Leidy publia une seconde observation de Z'ænia flavo-punc. 


SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 899 


tata, d'après des exemplaires inéomplets rendus, à Philadelphie, par un 
enfant de trois ans. 

La même année, E. Parona observait une fillette de deux ans, des 
environs de Varese (haute Lombardie), qui depuis quelque temps avait 
perdu sa santé et sa gaieté habituelles, et qui rendait des rubans blan- 
châtres; un ténifuge lui fit évacuer quatre vers longs de 12 à 20 centi- 
mètres, pourvus chacun d’une tête cuboïde et inerme, vers qu'il rattacha, 
non sans quelque doute, au 7°, flavo-punctata. Il existait en effet cer- 
taines différences, surtout dans les caractères de l'œuf et de l’embryon, 
entre le parasite observé par Parona et celui décrit par Weïinland et 
Leuckart. 

Grassi fit voir alors que le ver de Parona devait être rapporté au 
Tænia leptocephala Creplin ou diminuta Rudolphi, si commun chez les 
Muridés, et bientôt un nouveau cas, observé en Sicile sur une fillette de 
douze ans, lui permit d'appuyer cette manière de voir. 

Cet auteur entreprit à cette occasion, de concert avec Rovelli, des expé- 
riences qui établirent que ce Téniadé se développe à l’état larvaire, sous 
la forme de Gercocystis (Cercocystis H. diminutæ) chez un Lépidoptère 
(Asopia farinalis, chenille et papillon), chez un Orthoptère (Anisolabis 
annulipes), enfin chez des Coléoptères (Axis spinosa, Scaurus striatus). 
L'hôte habituel serait Anisopia. 

C’est donc en ingérant des Insectes infestés par les Rats que l'Homme 
doit contracter ce parasite. Aïnsi s'explique d’ailleurs ce fait des obser- 
vations limitées jusqu’à présent aux enfants, qui ont la fâcheuse habi- 
tude de porter à la bouche tous les corps qu'ils rencontrent. 

Or, l’Æymenolepis diminuta n'est pas rare en France chez les Rats, et 
l’on pouvait supposer que sa présence accidentelle chez l'Homme serait 
constatée quelque jour dans notre pays. 

La réalité du fait est aujourd'hui établie. En revisant la collection 
helminthologique d’Alfort, j'y ai trouvé un Cestode portant cette simple 
indication : « Ténia de l'Homme. » Il en existait deux fragments appar- 
tenant à un même individu et mesurant ensemble 18 à 20 centimètres, 
plus de nombreux fragments séparés provenant évidemment d’un second 
exemplaire, : 

L'examen de ces échantillons me fit immédiatement soupçonner, 
d’après leurs caractères extérieurs, qu'ils se rattachaient à l’AÆymenolepis 
diminuta. Bien qu'ils fussent dépourvus de tête, en effet, ils avaient des . 
anneaux très courts, et des dimensions concordant d’une façon remar- 
quable avec celles de ce Cestode. 

Mais, comme, en raison de leur longue conservation dans un alcool 
fort concentré, ils étaient devenus très opaques et très friables, je pensai 
qu'il était convenable, pour en obtenir une détermination précise, d'en 
demander l'étude anatomique à un spécialiste, et je m'adressai pour cela 
au professeur F. Zschokke, de Bâle, dont on connaît les belles Recherches 


896 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


sur. la structure anatomique et histologique des Cestodes, où se trouve: 
exposée complètement la structure de l’Æymenolepis diminuta du Sur- 
mulot. | 

Or, l'étude minutieuse à laquelle s’est livré M. Zschokke a pleinement 
confirmé l’exactitude de ma détermination; il s’agit bien de l’Æ. dimi- 
nuta. Les caractères du ver d’Alfort, comparés à ceux fournis par les pré- 
parations de l’Hyménolépis du Surmulot, ont présenté une concordance 
générale, et ce fait vient appuyer formellement l'opinion de Grassi. 

En somme, le ver que j'ai l'honneur de présenter à la Société fournit 
un nouvel exemple de l'occurrence du 7'ænia diminuta chez l'Homme, 
ce qui porte à cinq le nombre des cas relevés jusqu'à ce jour. 

Quant à l’époque à laquelle remonte la découverte des exemplaires 
d’Alfort, il est impossible de Ia fixer exactement. Tout ce que je puis 
dire à cet égard, c’est que ces exemplaires appartenaient à Fancienne 
collection, établie par Chabert, deuxième directeur de l’École (de 1780 à 
1814). J'avais pensé d’abord qu’on pouvait en reporter la date à la fin du 
siècle dernier; mais il est cependant une considération qui s'accorde mal 
avec cette supposition : c’est que Rudolphi, qui a visité les collections 
d’Alfort vers 1804, ne fait nulle mention d’un Ténia de l'Homme offrant 
des caractères particuliers. Il y a donc lieu de penser que notre parasite 
n’a été recueilli que postérieurement à cette visite, soit approximative- 
ment vers 4810. En tout cas, c’est sans doute la première en date des 
observations d'Aymenolepis diminuta chez l'Homme. 


LE FRISSON COMME APPAREIL DE RÉGULATION THERMIQUE. 


Note de M. CHARLES RICHET. 


J'ai eu l’occasion de montrer à diverses reprises (Mém. de la Soc. de 
Biol.) comment les animaux résistent à la chaleur, et j'ai appelé polyp- 
née thermique le phénomène qui se produit chez les chiens échauffés. Ils 
exhalent de l’eau par la respiration pulmonaire devenue alors beau- 
coup plus fréquente. 

Pour résister au froid, les animaux, et l’homme lui-même, ont des 
procédés divers dans le détail desquels je n’insiste pas. 

Mon intention ici estseulement d'étudier un de ces procédés de réchauf- 
fement, à savoir le frisson. 

Le frisson est caractérisé, comme on le sait, par un tremblement géné- 
ral spasmodique, rythmé, de tous les muscles du corps. On ne l’a guère” 
étudié qu’au point de vue de la pathologie et de la séméiologie. Il m'a 
paru intéressant d'étudier, au point de vue physiologique, ses causes et 
ses conditions, 


SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 897 


Tout d’abord il faut distinguer Le frisson simple et passager, du frisson 
répété, continu. 

Tantôt, en effet, on frissonne, d’une manière permanente, pendant plu- 
sieurs minutes, et davantage encore, — certains chiens refroidis frisson- 
nent pendant deux heures. — Tantôt, au contraire, on frissonne quelques 
secondes seulement. 

Je n’étudierai que le frisson prolongé, d’une part, et, d'autre part, je 
laisserai de côté volontairement, sans entrer dans son étude, qui est très 
compliquée et assez confuse, le frisson toxique, ou pathologique. 


Pour observer le frisson thermique chez un animal, en dehors de toute 
intoxication, on peut procéder de la manière suivante. 

Un chien recoit une injection de chloral et de morphine dans le péri- 
toine, d’après le procédé que j'ai indiqué (Zulletin de la Soc. de Biol.) 
à la dose de 0,25 de chloral par kilogramme et de 0,00125 de chlorhy- 
drate de morphine. Au bout de quelques minutes, il est à peu près com- 
plètement anesthésié. Alors on le refroidit par un courant d’eau froide, 
et on peut observer les conditions de son frisson. 

C'est un tremblement convulsif, généralisé, qui suit d’une manière 
assez fidèle les oscillations respiratoires, c'est-à-dire que le tremblement 
augmente quand l'animal i LH, et diminue pendant la période d’expi- 
ration. 

Cette différence paraît bien évidemment tenir aux variations de l’exci- 
tabilité médullaire pendant les différentes phases de l’hématose. Quand 


le sang est saturé d'oxygène, la moelle et le bulbe sont dans un état 


relatif de stabilité et d’inexcitabilité, de sorte que nuls mouvements 
d'inspiration ou de frissonnement ne sont commandés. Plus tard, quand 
l'oxygène a disparu du sang, le CO° du sang excite le bulbe et la moelle, 
et alors les centres nerveux, devenus plus excitables commandent à la 
fois le frissonnement et l'inspiration, qui sont alors simultanés, dépen- 
dant tous deux de l'excitation bulbo-médullaire. 

Quand l'animal est profondément chloralisé, le frisson ne survient pas 
au moment des premières applications d’eau froide. Il ne se produit que 
quand la température est devenue très basse. 

Il y a donc évidemment deux causes au frisson, tantôt une cause excita- 
trice immédiate; l'application du froid à la peau : c’est un frisson réflexe ; 
tantôt un refroidissement même du corps (je veux dire du sang et des 
centres nerveux): c’est le frisson central. 

Il est important de comparer ces deux modes de frisson aux deux modes 
de polypnée thermique que j'ai étudiés chez le chien. J’ai prouvé, en effet, 
qu'il y a une polypnée thermique réflexe due au contact de l’air chaud 
avec la peau; et une polypnée thermique centrale due à l'excitation du 
centre respiratoire par le sang échauffé. | 

De même, il y a un frisson réflexe dù au contact de la peau avec l’eau 


898 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


froide, et un frisson central dû au refroidissement des centres nerveux 
irrigués par un sang devenu froid. 

Tout se passe comme si la nature assurait la régulation thermique 
(refroidissement par la polypnée ; réchauffement par le frisson) à l’aide 
de deux appareils. D'abord l'appareil réflexe qui suffit le plus souvent, 
et qui, dans les conditions ordinaires, assure une régulation suffisante ; 
puis l’appareil central qui répond alors seulement que l'appareil réflexe 
n’a pas suffi, et entre en jeu quand la température est trop élevée (41°,7 
pour la polypnée ; 35° pour le frisson). 

Il est facile de prouver que ce frisson convulsif est dû à un centre ner- 
veux bulbaire. En effet, si à un animal qui frissonne (lapin ou chien), on 
fait la section de la moelle au-dessous du bulbe, on voit le frisson cesser 
subitement ; cependant la respiration continue, si la section a porté au- 
dessous du centre nerveux respiratoire. 

IL est évident que les centres nerveux qui peuvent être mis en jeu, soit 
par une excitation réflexe (peau refroidie), soit par une excitation directe 
(sang refroidi), peuvent aussi être actionnés par les poisons divers qui se 
produisent dans les maladies fébriles. 

Il est clair aussi que ces centres sont thermogènes, puisque la contrac- 
tion généralisée des muscles a pour résultat immédiat une augmenta- 
tion notable de chaleur. 

Je noterai divers phénomènes accessoires que j'ai pu observer dans le 
cours de cette étude physiologique. 

1° Le nombre des secousses musculaires rythmées qui constituent le 
frisson est d'environ dix, onze ou douze par seconde. Ce chiffre est inté- 
ressant à connaître; car il nous fournit une preuve de plus — si besoin 
était — que le frisson est de cause nerveuse centrale. En effet, les muscles 
peuvent, lorsqu'ils sont excités directement — par l’excitant électrique, par 
exemple, — donner jusqu’à trente secousses par seconde; mais le système 
nerveux ne peut donner un nombre.de secousses aussi grand, etle nombre 
des vibrations du système nerveux central ne dépasse pas dix ou douze 
par seconde. 

2° Toute excitation psychique centrale a pour effet de diminuer ou 
d'arrêter le frisson; ainsi si à un chien, incomplètement chloralisé et qui 
frissonne énergiquement, on fait subir une excitation douloureuse, son 
frisson s'arrête pendant qu'il souffre et qu'il gémit. 

3° Le frisson est pour ainsi dire normal et perpétuel chez les tout petits 
chiens maigres, à poil ras. Ils tremblent continuellement pour se 
réchauffer, tandis que les gros chiens, à fourrure épaisse, sont presque 
toujours haletants et polypnéiques, pour se refroidir. 

4° La dose de chloral modifie la température à laquelle Le frisson 
apparaît. Plus la dose de chloral est forte, plus la température du début 
du frisson s’abaisse. Mais je ne puis donner à cet égard de chiffres précis, 
qui nécessitent un grand nombre d'expériences comparatives. Quand la 


ass se 
Rp Er 2+ 


SÉANCE DU 49 NOVEMBRE 899 


dose de chloral est très forte, l'animal meurt de froid sans avoir eu de 
frisson. 

5° Outre le frisson thermique, qui est tantôt réflexe, et tantôt central, 
il y a un frisson {oxique, et aussi un frisson psychique. Certains chiens très 
craintifs — surtout s'ils ont déjà subi une fois une opération — sont pris, 
dès qu'on les amène dans le laboratoire, d’un frisson convulsif, perpétuel, 
relevant de la même cause probablement, c'est-à-dire la mise en jeu d'un 
centre nerveux bullaire qui préside au frisson. Seulement dans ce cas c’est 
l'excitation cérébrale qui l’excite, tandis que dans le cas de frisson réflexe, 
ce sont les nerfs sensitifs cutanés, qui sont les excitants de ce centre. 


Comme conclusion générale de cette étude préliminaire, nous dirons 
que le frisson est un procédé de régulation thermique, qui produit de la 
chaleur par la contraction généralisée des muscles. Cet appareil entre en 
jeu soit par le refroidissement de la périphérie cutanée (frisson réflexe), 
soit par le refroidissement des centres nerveux (frisson central). Mais il 
peut aussi être dû à des intoxications diverses, ou à un stimulus partant 
des centres psychiques. 


( Travail du laboratoire de Physiologie de la Faculté de médecine de Paris ). 


Le Gérant : G. Masson. 


Paris, — Imprimerie de la Cour d'appel. L. Marerneux, directeur, 1, rue Cassette 


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SÉANCE DU 26 NOVEMBRE 1899 


M. A.-M. Bcocu : Note relative à la communication de MM. Féré, Batigne et Ouvry. 
— MM. A. Cuarrin et E. GLey : Note préliminaire sur quelques différences dans 
l’action physiologique des produits du bacille pyocyanique. — M. le D' A.-H. Pir- 
LirT : Note sur la transformation des angiomes de la rate en kystes héma- 
tiques. — M. A. Laveran : De la nature des corps en croissant du sang palustre. 
M. Pierre Bonnier : Sur les fonctions tubo-tympaniques. — M. H. BeaAureGarp : Le 
Canal cärotidien des Roussettes, 


Présidence de M. Chauveau. 


CORRESPONDANCE IMPRIMÉE. 


M. LAVERAN fait hommage à la Société de l'ouvrage qu’il vient de 
publier sur le Paludisme. 


M. Poucuet dépose sur le bureau la seconde liste de ses 7avaux scien- 
hfiques (1886-1892). 


CORRESPONDANCE MANUSCRITE. 
M. D'ARSONVAL adresse à la Société la note suivante : 


LABORATOIRE DE MÉDECINE DU COLLÈGE DE FRANCE. 
Paris, 17 novembre 1892. 


Le nombre de demandes d'extrait organique est devenu tellement grand 
que, ne pouvant leur donner satisfaction, nous sommes obligés de cesser 
d'en fournir. Poursuivant néanmoins l’enquête scientifique commencée, 
nous ferons une exception en faveur des médecins qui nous en demande- 
ront pour le traitement du cancer superficiel. 

Les demandes pour ce traitement devront être faites d'après les règles 
de notre dernière circulaire ci-jointe : 


« Le laboratoire n'envoie de liquide que sur la demande d’un médecin, 
accompagnée de l’histoire complète du malade qui va étre traité. 
« Le liquide est fourni gratuitement, mais pour couvrir les frais d'envoi 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS, — 92 SÉRIE, T, IV, 36 


902 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


et de correspondance, la demande doit être accompagnée de trois tim- 
bres de 15 centimes. 

« Adresser la demande : Au laboratoire de médecine, 19, rue Claude- 
Bernard, Paris. 

« Le médecin ayant traité le malade, et faisant une nouvelle demande 
de liquide, devra envoyer, en y joignant trois timbres de 15 centimes, les 
résultats obtenus depuis le commencement du traitement, sans quoi sa 
demande resterait sans réponse. 


« C.-E. BRowN-SÉQUARD. — D' A. D'ARSONVAL. » 


NOTE RELATIVE A LA COMMUNICATION DE MM. FÉRÉ, BATIGNE ET OUvey, 


par M. A.-M. BLocx. 


MM. Féré, Batigne et Ouvry ont présenté, dans l’avant-dernière séance, 
un travail sur la sensibilité tactile chez les épileptiques. Ils se sont servis 
de mon procédé qu'ils ont trouvé commode et précis. Je suis très flatté 
de leur appréciation. Mais il s’est glissé une légère erreur dans leur com- 
munication et c’est celte erreur que je voudrais rectifier. Ils disent que 
mon procédé est une modification de celui de Kammler, tandis que, 
dans la réalité, les deux méthodes d'investigation sont complètement 
différentes. En effet, Kammler étudiait la pression sur la peau au moyen 
de poids suspendus qu'il laissait tomber doucement sur la région à 
explorer; de mon côté, je ne me suis pas servi de poids, mais de tiges 
légères dont l’inflexion, mesurée d’avance, exerçait la pression sur la peau 
et déterminait la valeur de cette pression. 

Voici d’ailleurs la description, traduite du latin, que Kammler fait de 
ses appareils : 

« Pour la fabrication des poids dont je me suis servi, j'ai employé des 
substances dont la température différait à peine de la température habi- 
tuelle de la peau, comme la moelle de sureau, l'écorce du liège, le 
papier. Les poids faits avec ces matières avaient 9 millimètres carrés. 
Un fil de clinquant, fin comme une soie de sanglier était fixé en diago- 
nale, d’un angle à l’angle opposé, ce qui donnait une forme d’étrier, au 
sommet de la courbure duquel était attaché un fil de soie ; el l’on des- 
cendait aussi doucement et aussi perpendiculairement que possible les 
poids. » | 

Il décrit plus loin le nombre et la forme de ces poids, mais je ne crois 
pas nécessaire d’allonger ma citation. Elle suffit à montrer le principe 
du procédé de Kammler et m’autorise, je pense, à revendiquer l'entière 
originalité de ma mélhode expérimentale. : 

J'ajouterai qu’on peut concevoir aisément la supériorité de mon pro- 


SÉANCE DU 26 NOVEMBRE 903 


cédé sur celui de Kammler. Son poids minimum est de 2 milligrammes, 
tandis que ma pression minima est inférieure à 41/10° de milli- 
gramme. J'ai donc pu pousser bien plus que Kammiler la recherche des 
sensibilités locales. De plus, la nécessité de faire tomber les poids verti- 
calement entraîne l'impossibilité d'étudier certaines parties, comme 
la face inférieure de la langue, la partie inférieure du nez, etc., tandis 
que mon procédé permet l'examen dans tous ies sens et peut être appliqué 
sur la surface entière du corps. 


NOTE PRÉLIMINAIRE SUR QUELQUES DIFFÉRENCES 
DANS L'ACTION PHYSIOLOGIQUE DES PRODUITS DU BA€ILLE PYOCYANIQUE, 


par MM. A. Cuarrin et E. GLEy. 


. Dans l’étude que l’un de nous a publiée en 1889 sur la maladie pÿo- 
cyanique (1), nous avons relaté brièvement les essais d'application que 
nous avions faits alors, de l’expérimentation physiologique à l'étude de 
quelques-uns des troubles fonctionnels observables au cours de l’affec- 
tion (2). Cet essai, réalisé à cette époque avec les cultures vivantes 
seulement, nous avait permis de distinguer une période pendant laquelle 
le pouvoir excito-moteur de la moelle paraît augmenté, et une période 
pendant laquelle il y a, au contraire, diminution de ce même pouvoir. 
Nous avions également, à cette époque, commencé l'étude des modifica- 
tions circulatoires que l’on peut constater chez les animaux infectés. 

. Depuis ce temps, nous avons eu, à plusieurs reprises, l'occasion de pour- 
suivre ces recherches avec les substances produites par le microbé. Nous 
avons déjà assez longuement parlé des effets de ces substances sur le 
système nerveux vaso-moteur (3). Nous voudrions signaler aujourd'hui 
un fait très facile à constater et qui, par cela même, constitue une preuve 
des plus nettes de l'existence dans les produits sécrélés par un bacille de 
plusieurs substances pourvues d'actions très différentes. 

Parmi ces produits, les uns sont insolubles dans l'alcool, les autres 
solubles. Si on injecte 2 centimètres cubes des premiers (4) à une gre- 


(1) A. Charrin, La maladie pyocyanique, Paris, Steinheil, 1889. 

(2) Loc. cit., ch. v, Physiol. pathol., par Charrin et Gley. 

(3) Archives de physiologie, octobre 1890 et janvier 1891, 

(4) Ces produits avaient été préalablement concentrés, de telle sorte que 
1 centimètre cube en représente effectivement 4. — L'injeclion de 1 centi- 
mètre cube s’est montrée inefficace. — On sait d'ailleurs que la grenouille est 
peu sensible à la maladie pyocyanique. — On pourrait également invoquer, 
en faveur de la multiplicité des sécrétions, les effets convulsivants, chez le 


lapin, des corps solubles dans l’alcool et les propriétés vaccinantes des inso- 
lubles, etc. » 


904 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


nouille, au bout de deux heures environ elle se trouve dans un état de 
parésie généralisée ; mise sur le dos, elle ne peut plus se retourner ; les 
mouvements volontaires sont abolis ; cependant elle a conservé la faculté 
de réagir aux excitations sensitives (telles que pincement d’une patte, forte 
électrisation de la peau), à condition qu'elles soient assez intenses. Si, 
sur une grenouille dans cet état, on enregistre la contraction musculaire 
névro-directe et la contraction névro-réflexe, au moyen du myographe 
double, on constate que la seconde est affaiblie, mais non pourtant dans 
une mesure suffisante pour expliquer l’état d'inertie dans lequel est tombé 
l'animal (1). Au contraire, si sur une autre grenouille on injecte les pro- 
duits solubles dans l'alcool, à la même dose, on voit que cet'animal reste 
absolument dans son état normal; l’étude du tétanos névro-direct et 
névro-réflexe, poursuivie pendant plus de trois heures après l'injection, 
ne révèle aucune modification du pouvoir excito-moteur de la moelle. A 
_la dose de 3 centimètres cubes on n'obtient non plus aucun effet. 

Nous avons naturellement entrepris l’étude analytique de ces phéno- 
mènes, pour essayer de déterminer le mode d'action exact des subs- 
tances dont il s’agit; mais nous ne voulons pour le moment qu'indiquer 
le fait essentiel, c’est-à-dire la différence profonde d'action constatée entre 
les deux sortes de produits, insolubles et solubles dans l'alcool. — On voit 
combien ce fait nouveau justifie la thèse depuis longtemps soutenue par 
M, Bouchard, de la multiplicité d'action des produits microbiens. 

D'autre part, nous avons cherché si ces mêmes substances n’agissent 
pas encore de façon différente sur d’autres fonctions, en particulier sur la 
circulation. Nous avions déjà, dans nos recherches antérieures, constaté 
que les produits pyocyaniques n’ont presque aucune influence sur le cœur. 
C'est ainsi que nous avions vu des lapins curarisés résister à des doses 
énormes, grâce à la respiration artificielle (2). C'est, en effet, par arrêt 
respiratoire, par action sur le bulbe, que meurent les lapins intoxiqués 
par de fortes doses. Dans nos recherches actuelles, nous avons injecté les 
deux espèces de substances, insolubles et solubles dans l'alcool, à des 
grenouilles; les premières, à la dose de 2 centimètres cubes et de | cen- 
timètre cube, ralentissent le cœur : par exemple, une grenouille, pesant 
39 grammes, et ayant recu {À centimètre cube, au bout de 6 minutes, n'a 
plus que 37 au lieu de 40 battements par minute; une autre, de 42 gram- 
mes, ayant reçu 2 centimètres cubes, n’a plus que 35 au lieu de 49 contrac- 
tions, au bout de 20 minutes ; une autre encore, de 23 grammes, ayant 
recu ? centimètres cubes, n’a plus que 41 battements au lieu de 64, après 
25 minutes. Mais les produits solubles dans l'alcool agissent de la même 
facon sur le cœur, quoique un peu moins énergiquement, diminuant 


(1) La contraction directe s’affaiblit aussi un peu. 
(2) Dans cette série de recherches nous avions aussi noté quelques autres faits 
dignes d'intérêt. (Voy. Archives de physiologie, octobre 1890, p. 726.) 


SÉANCE DU 26 NOVEMBRE 905 


le nombre des contractions de 10 environ par minute, 20 ou 30 minutes 
après l'injection de 2 centimètres cubes. Les choses ne se passent done pas 
ici comme pour le système nerveux. Quant aux modifications de forme 
de la contraction cardiaque, sous l'influence de ces substances, elles ne 
sont pas très marquées. Les phénomènes les plus nets consistent en un 
certain affaiblissement de la systole et la production d’une pause diasto- 
lique. 


NOTE SUR LA TRANSFORMATION DES ANGIOMES DE LA RATE 
EN KYSTES HÉMATIQUES, 


par M. le D' A.-H. PrLLIET. 


Il existe dans la rate des kystes séreux, étudiés par Andral, par Leudet, 
et ne contenant pas de boue splénique. D'autre part, on y rencontre des 
kystes séro-hématiques dont Livois, Péan, ont rapporté des exemples et 
sur lesquels M. Terrier vient de publier une étude chirurgicale. 

La question de l’origine et de la pathogénie de ces tumeurs est encore 
obseure, et c’est pour contribuer autant que possible à fournir des docu- 
ments sur ce fait que je rapporte le cas suivant, dans lequel un kyste 
hématique de la rate a manifestement pour point de départ un angiome 
veineux de cet organe. 

Il s'agit d’un chien de moyenne taille, tué par les sels de baryte, dans 
une série d'expériences n'ayant pas de rapports avec l’objet présent de 
cette communication. 

La rate mesure 14 centimètres de longueur sur 3 de largeur; elle est 
aplatie et, en apparence, normale. On constate, à son extrémité posté- 
rieure, la présence d’un kyste sanguin, du volume d’une petite noix 
entourée de son brou; diamètre : 3 centimètres 1/2. La pièce étant 
durcie par le liquide de Müller, les caillots du kyste sont énucléables et 
recouverts par une membrane mince et transparente qui n'est autre que 
la capsule non hypertrophiée de la rate. 

La masse du kyste, au niveau de son pédicule, laisse voir, quand on la 
détache, les trabécules spléniques hypertrophiées, le contenu est cons- 
titué par du sang en nature, ainsi que l’on peut le constater en dissociant 
une faible partie dans l’éosine hématoxylique de Renault. On peut voir 
alors que ce sang contient une grande quantité de cellules à hémoglobine 
à protoplasma volumineux et se colorant en jaune par l'éosine et une 
grande quantité d'éléments plus petits, à noyaux très volumineux entouré 
d’une légère couche de protoplasma circulaire et présentant la même 
coloration par l’éosine que le plasma du voisinage. Ces éléments ne 
peuvent être assimilés qu’à des globules rouges nucléés, et nous verrons 
l'importance de ce fait quand nous éssaierons d'interpréter la valeur 
pathogénique de la tumeur. | 


906 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Indépendamment de ce gros kyste, on en rencontre un autre, du volume 
d’une amande de noisette, dont il a également été fait des coupes; deux 
plus petits, du volume d’un gros pois, et quatre ou cinq kystes sanguins 
faisant saillie à la surface de la rate et dont le volume varie du volume de 
la tête d’une grosse épingle au volume de celle d’une petite épingle. 

Disons immédiatement que tous ces kystes ont la même structure et le 
même point de départ; dans les plus grands s’est creusée une cavité cen- 
trale qui prime toutes les autres. Voici ce qu'on observe à la périphérie 
des tumeurs kystiques : d'abord la rate normale présentant, comme chez 

tous les chiens, des travées épaisses et très riches en fibres lisses, puis une 

zone dans laquelle on observe un degré marqué de congestion de la pulpe 
splénique; cette congestion diffère absolument de celle que l’on observe 
chez le vieillard et dans les maladies de cœur, les globules, en effet, n'y 
sont pas en voie de destruction plus ou moins avancée ou de transforma- 
lion pigmentaire ; ils sont au contraire réguliers de forme, offrant l’aspect 
des globules frais et vivants. Par places existent dans la pulpe des îlots 
complètement sanguins qui refoulent le tissu ambiant, puis, par une 
transition assez rapide, refoulent peu à peu la pulpe et les corpuscules 
de Malpighi qui disparaissent complètement, ainsi que leurs artérioles. 
Il s'ensuit que, dans les petits angiomes, le centre de la tumeur est cons- 
titué-par une série de poches sanguines agglomérées, de dimensions iné- 
gales mais d'autant plus volumineuses que l’on se rapproche de la 
capsule de la rate. 

Elles contiennent un sang riche en cellules à hémoglobine et dont tous 
les globules sont parfaitement nets, sans trace de déformation, d'usure 
ou de dégénération, sans transformation pigmentaire enfin. 

La paroi de chacune des poches sanguines est uniquement constituée 
par la pulpe splénique avec ses cellules fusiformes et ses vaisseaux ; celte 
pulpe ne se mêle pas au sang, elle est refoulée par lui et les cloisons 
qu'elle forme sont extrêmement minces, ce qui explique la fusion des 
différentes poches en un kyste dans lequel prédomine une seule grande 
loge. 

Tel est, en effet, l’aspect que nous rencontrons dans le plus grand des 
kystes qui n’est plus du tout une tumeur angiomateuse mais un kyste 
sanguin,bien que sa périphérie soit circonscrite d’une bande de tissu 
angiomateux semblable à celui dont nous venons d’esquisser les carac- 
tères. : 

En résumé : 1° cetle rate nous montre des angiomes veineux puisqu'ils 
sont développés dans la pulpe dont l’origine embryonnaire est veineuse. 
Ils contiennent des globules jeunes, de formation relativement récente et 
des cellules formatrices du sang. On est donc autorisé à rapprocher ces 
angiomes veineux des angiomes veineux du foie dont nous avons montré, 
dans une précédente communication, les rapports avec l'hématopoïèse 
fœtale. Ce sont là deux sortes de tumeurs congénitales bénignes qui, dans 


SÉANCE DU 26 NOVEMBRE 907 


le foie comme dans la rate, ne sont autre chose que des débris persistants 
de l’appareil hématopoïétique du fœtus. 

2° À cause de la très faible résistance de la pulpe splénique, ces 
angiomes ne restent pas limités comme dans le foie et ils peuvent donner 
naissance à des kystes hématiques d’un certain volume, comme le prouve 
notre ôbservation. 


DE LA NATURE DES CORPS EN CROISSANT DU SANG PALUSTRE, 


par M. A. LAVERAN, 


Professeur à l'École du Val-de-Grâce. 


Dans une précédente communication (Société de Biologie, 12 nov. 1899) 
j'ai montré que les corps en croissant du sang palustre devaient être 
considérés comme une des formes de l’hématozoaire du paludisme et 
non comme des parasites d’une espèce particulière; il me reste à exa- 
miner comment et pourquoi ces éléments se montrent dans le sang de 
certains malades, tandis qu'ils font défaut dans le sang d’autres malades 
atteints cependant de paludisme comme les premiers. 

Plusieurs hypothèses ont été émises sur la nature des corps en crois- 
sant. 

Bastianelli et Bignami ont décrit ces éléments comme des formes sté- 
riles, dégénérées, d’une hémamibe (/iforma medica, 1890). 

Pour T. Coronado, ce sont des kysles vides, affaissés, après sortie 
des flagella (Centralbl. f. Bakt., 1892, p. 205). 

D’après Mannaberg, chaque corps en croissant est formé par la conju- 
gaison ou syzygie de deux petits éléments amiboïdes qui s’enkystent 
pendant cette phase de leur existence (11° Congrès de médecine interne, 
Leipzig, 1892). À l'appui de cette thèse, Mannaberg invoque l'existence 
d’une enveloppe kystique qui paraît démontrée en effet, celle d’une 
cloison transversale à la partie moyenne des croissants, la disposition des 
granulations pigmentaires en deux groupes, enfin la segmentation des 
croissants qui, d'après lui, se ferait souvent par le milieu. 

Avant de discuter ces hypothèses, il me paraît indispensable de 
résumer l’état de nos connaissances sur la structure des corps en crois- 
sant et sur celles de leurs transformations qui paraissent bien démon- 
trées. 

Ces éléments généraiement incarvés, comme leur nom l'indique (corps 
en croissants), sont cylindriques, plus ou moins effilés à leurs extrémités, 
ils mesurent 8 à 9 y de long, sur 2 à 3 & de large à la partie moyenne. 
Les contours sont marqués dans le sang frais par une seule ligne, mais il 
est facile de constater un double contour sur certaines préparations qui 


908 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


ont subi l’action de l’acide osmique ou de réactifs colorants, d’où l’on 
peut conclure à l'existence d’une membrane d'enveloppe. 

Vers la partie moyenne de chaque croissant, se montre une tache 
noirâtre formée par des grains de pigment plus ou moins agglomérés, 
quelquefois disposés en ovale. 

Une ligne très fine, qui réunit fréquemment les extrémités du croissant, 
est considérée par la plupart des observateurs comme un reste de l’hé- 
matie dans laquelle s’est développé le parasite. 

Dans certains cas, à côté des croissants bien formés, on trouve des 
croissants en voie de formation et on constate une série de formes inter- 
médiaires entre les hématies renfermant de petits corps sphériques et les 
croissants arrivés à leur développement complet. Les corps sphériques 
qui donnent naissance aux croissants se confondent à leur première 
phase de développement avec les plus petits des corps amiboïdes, mais 
bientôt ils s’en distinguent par plusieurs caractères : on ne les trouve plus 
à l’état de liberté dans le sang, ils adhèrent aux hémalies ou bien y sont 
inclus, leurs contours sont beaucoup plus marqués que ceux des élé- 
ments amiboïdes, le pigment est souvent réuni en un seul grain assez 
gros, enfin ils ne sont pas doués de mouvements amiboïdes. 

Le parasite, en grandissant dans l’hématie, se moule sur la circonférenre 
de celle-ci, si bien que le bord extérieur d’un corps en croissant décrit 
souvent une courbe superposable au contour d'une hématie; le mème 
fait s’observe pour les hématozoaires des oiseaux, qui se développent 
dans les hématies entre la paroi externe de l’hématie et le noyau sans 
produire d’abord aucune déformation de l'hématie. Les hématies de 
l'homme n’ont pas de noyau, mais elles sont fortement aplaties vers la 
partie centrale et probablement plus résistantes à ce niveau. 

Plusieurs observateurs ont décrit un noyau dans les corps en croissant; 
je n’ai pas réussi à vérifier ce fait; on comprend qu’il soit difficile de voir 
un noyau qui paraît se trouver au centre des granulations pigmentaires. 

Lorsqu'on examine à plusieurs reprises les mêmes corps en croissant 
dans le sang frais, on constate souvent que ces éléments se transforment 
au bout de quinze à vingt minutes en corps ovalaires d'abord, puis en 
corps sphériques; j'ai même vu un de ces corps sphériques reprendre, au 
bout d’une demi-heure, la forme en croissant. 

Quelquefois les grains pigmentés se meltent en mouvement, et des 
flagella apparaissent sur les bords des corps sphériques dérivés des crois- 
sants. 

Ces transformations des croissants ne s’observent pas toujours, et quand 
elles se produisent c’est avec une lenteur très grande qui ne permet pas 
de les aitribuer à des mouvements amiboïdes. 

A l'état naissant et à leur phase terminale les corps en croissants se 
confondent en somme avec les corps amiboïdes ; de petits éléments sphé- 
riques, qu'il est impossible de distinguer les uns des autres, donnent naïs- 


SÉANCE DU 26 NOVEMBRE 909 


nance à ces deux formes parasitaires, et la plus grande analogie existe 
entre les corps sphériques à flagella qui dérivent des uns et des autres. 
Les corps sphériques dérivés des croissants ont seulement un contour 
plus marqué (double contour quand on emploie certains modes de prépa- 
ration), et ils ne sont pas doués de mouvements amiboïdes; les flagella 
ont dans les deux cas le même aspect. | 

Revenons maintenant aux hypothèses qui ont été émises sur la nature 
des corps en croissant. 

Il me paraît évident que les corps en croissant ne sont pas des kystes 
vides, affaissés après sortie des flagella. On peut examiner longtemps des 
corps sphériques d’où se sont échappés des flagella, sans leur voir prendre 
la forme en croissant; on peut voir, au contraire, des corps en croissant 
se transiormer en corps sphériques d’où s’échappent des flagella ; enfin 
nous avons dit plus haut qu'on pouvait quelquefois suivre les phases 
successives du développement des croissants dans les hématies. 

La fréquente transformation des croissants en corps sphériques pou- 
vant donner des flagella, leur persistance très grande dans le sang de 
certains malades et les accidents qu'ils occasionnent ne s'accordent pas 
avec l'opinion qui voudrait faire de ces éléments des formes stériles et 
dégénérées du parasite du paludisme. On ne trouve souvent que des 
corps en croissant dans le sang de malades qui ont des accidents palustres 
très bien caractérisés et nous avons vu (Soc. de Biologie, 12 nov.) que ces 
éléments se rencontraient avec une fréquence remarquable dans les 
formes les plus graves du paludisme, dans les accès pernicieux. Tant que 
les croissants persistent dans le sang d’un malade, on peut dire qu’une 
rechute de fièvre est imminente. 

Je n’ai fait aucune observation qui vienne à l’appui du mode de forma- 
tion des croissants admis par Mannaberg. L'existence d'une membrane 
d’enveloppe qui paraît indiscutable ne prouve nullement que deux 
éléments parasitaires soient réunis dans chaque corps en croissant; je 
n'ai réussi à constater ni la cloison transversale dont parle Mannaberg, 
ni ia disposition spéciale du pigment qu’il décrit, ni la segmentation des 
corps en croissant qui, d’après lui, se ferait quelquefois par le milieu. 

Les petits corps sphériques à contours nets qui paraissent être l’origine 
des croissants ne sont pas en général réunis au nombre de deux dans une 
même hématie ; le plus souvent chaque hématie n’en renferme qu’un. Le 
fait que les croissants se transforment en corps ovalaires et en corps 
sphériques, fait facile à constater et parfaitement établi, est aussi en 
désaccord avec l'opinion de Mannaberg; si chaque croissant se composait 
de deux éléments associés avec une cloison intermédiaire, comment ces 
éléments pourraient-ils se fondre en un seul élément sphérique? 

Si je conteste qu’il y ait, dans chaque corps en croissant, réunion de 
deux éléments parasitaires, j'admets volontiers avec Mannaberg que les 
croissants représentent des formes enkystées de l'hématozoaire du palu- 


910 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


disme. Ce parasite se trouverait dans le sang sous deux formes prinei- 
pales : 

1° Corps amiboïdes de différents volumes libres dans le sérum ou 
accolés aux hématies : 

2° Corps enkystés dans les hématies présentant d’abord la forme sphé- 
rique, puis la forme en croissant. Nous avons vu plus haut que l’enkyste- 
ment des éléments parasitaires dans les hématies expliquait bien cette 
forme singulière en croissant; l'existence d’une membrane kystique 
semble d’ailleurs indiscutable. 

Ces modifications de l’hématozoaire du paludisme se comprennent 
d'autant mieux que ce parasite vit dans un milieu dont la composition est 
variable; le sang d’un malade profondément anémié, cachectique, est 
très différent, au point de vue du nombre et de la résistance des héma- 
ties, de la composition du sérum et de l’activité des leucocytes, du sang 
d’un individu qui, arrivé récemment dans les pays palustres, est atteint de 
fièvre pour la première fois ; j'ai montré dans ma précédente communica- 
tion que les croissants se rencontraient presque toujours chez des malades 
cachectiques ou du moins fortement anémiés ; il me semble facile de com- 
prendre que, dans ce cas, l’hématozoaire puisse évoluer autrement que 
chez des malades dont le sang n’a pas encore subi d’altérations pro- 
fondes ; sa présence sous forme de corps amiboïdes dans le sang de ces 
derniers malades provoque une vive réaction et les parasites qui devien- 
nent la proie des leucocytes ou qui sont détruits par la quinine n'ont pas 
le temps de s’enkysler; au contraire, chez l'individu cachectique, les 
parasites se développent sans rencontrer les mêmes obstacles, le sang 
appauvri se laisse envahir plus facilement et les parasites s'enkystent. 

A la vérité, on rencontre quelquefois les croissants chez des malades qui 
disent avoir la fièvre depuis peu de jours, mais il ne faut pas confondre 
l'invasion de la fièvre avec le moment de l'infection; le paludisme a sou- 
vent une période de latence plus ou moins longue, et il est très probable 
que, chez les malades en question, les parasiles existaient déjà depuis 
quelque temps dans le sang lorsque la fièvre a éclaté. 

Marchiafava et Bignami font remarquer, dans leur dernier travail sur 
les fièvres estivo-automnales, que les croissants s’observent souvent chez 
des malades qui n’ont pas été soumis à la médication quinique ; j'ai cons- 
taté le même fait, notamment chez les malades atteints de fièvre de pre- 
mière invasion dont le sang renfermait des croissants; ces malades 
n'avaient pas pris de quinine ou en avaient pris à petite dose. L’adminis- 
tration de la quinine arrête l’évolution des parasites et empêche les corps 
amiboïdes de s’enkyster; par contre, les parasites arrivés à l’état de corps 
en croissant résistent beaucoup mieux à la quinine qu'à l’état de corps 
amiboïdes. Ce fait, qui a été vérifié par un grand nombre d’observateurs, 
est bien en rapport avec l’idée d’un enkystement; on comprend que les 
éléments parasitaires enkystés soient protégés par leur enveloppe contre 


SÉANCE DU 26 NOVEMBRE 911 
D SPORTS A ne «1: RSR le me © 


l'action de la quinine, beaucoup mieux qu'ils ne le sont à l’état amiboïde. 

Les parasites enkystés dans les croissants peuvent rester pendant assez 
longtemps latents ; ils peuvent aussi reprendre tout à coup leur activité, 
on les voit alors se transformer en corps sphériques et donner naissance 
à des flagella comme des corps amiboïdes. 

En résumé, les rapports existant entre les corps amiboïdes et les crois- 
sants du sang palustre me paraissent être les suivants : le parasite du 
paludisme se développe d'abord dans le sang sous la forme de corps ami- 
boïdes qui vivent à l’état libre dans le sang ou qui adhèrent aux hématies ; 
en général, le développement de ces éléments parasitaires dans le sang 
provoque une réaction vive, on est obligé d'intervenir rapidement et de 
donner la quinine; dans ces conditions, l'hématozoaire n'arrive pas à sa 
phase d’enkystement; au contraire, chez les cachectiques, l’économie, 
habituée à la présence des parasites, réagit peu, l'hématozoaire peut par- 
courir toutes ses phases, pénétrer dans les hématies et s’enkyster d'autant 
plus que, le malade n'ayant pas d'accès violents, on tarde beaucoup plus 
à lui faire prendre de la quinine. 


SUR LES FONCTIONS TUBO-TYMPANIQUES. 


Note de M. Pierre BoNNIER, présentée par M. Grarn. 


Le neuro-épithélium sensoriel des formations préauriculaires et auricu- 
laires — otolithiques, otocystiques et labyrinthiques — présente, depuis 
les organes marginaux des Cœlentérés jusqu'à l'appareil auditif de 
l’homme, l'intégrité absolue de ses caractères ectodermiques. Non seule- 
ment sa morphologie n’a pas varié essentiellement, mais son milieu même 
ne s’est que très relativement altéré : dans sa forme pélagique comme 
dans sa formule endolyÿmphatique, il maintient une remarquable eons- 
tance de composition. De plus, pour avoir suivi l'invagination progressive 
de cet ectoderme rentré qu'est le neuroderme auriculaire, le contenu de 
la vésicule n’en a pas moins gardé une pression que certaines dispositions 
anatomiques équilibrent toujours avec celle du milieu extérieur. Ge sont 
ces dispositions que nous voulons examiner. 

Avant l'apparition des formations labyrinthiques, nous ne trouvons que 
des appareils otolithiques et otocystiques en communication plus ou moins 
large avec le milieu marin. Il y a donc identité de milieu et de pression. 
Chez certains Mollusques supérieurs, la communication de la vésicule 
otocystique avec le milieu est déjà plus lointaine, mais persiste. 

Nous trouvons chez les Vertébrés inférieurs une disposition que l’évolu- 
tion du crâne rend plus complexe. Il s’agit surtout des poissons cartilagi- 
neux. Du labyrinthe de chaque côté partent deux prolongements posté- 


912 SOCIÉTÉ DE BIOLUGIE 


rieurs qui aboulissent à une fosselle médiane, à signification otocystique, 
formant une oreille occipitale que l'on peut comparer à l'œil médian 
pariétal. Celte formation est en communication avec le milieu extérieur 
par plusieurs petits pertuis qui traversent les téguments. La régulation de 
la pression intra-labyrinthique se fait donc ici encore par communicalion. 

Il en est tout autrement chez certains poissons osseux dont le labyrinthe 
n'entre plus en communication directe avec le milieu extérieur et ne peut 
plus, par conséquent, participer à sa pression. 

Dès que le labyrinthe cesse de régler sa pression par la pénétration même 
du milieu pélagique dans sa cavité, on le voit s'aboucher avec la vessie 
natatoire, soit sans autre intermédiaire que des membranes, soit au moyen 
d’une chaine d'osselets (Appareil de Weber). Tantôt les labyrinthes 
s'unissent par des prolongements en un réservoir basilaire, dont il ne 
reste plus tard d’autre souvenir que les sacs endolymphatiques, et qui 
s'unit par de petits diverticules avec la vessie natatoire ; tantôt c'est cette 
dernière qui émet un prolongement bifurqué en culs-de-sac terminés ou 
non par des osselets. C’est par l'intermédiaire de la vessie natatoire et de 
la pression de son contenu aérien que se fait la régulalion de la tension 
labyrinthique. Que l'animal flotte à un niveau donné, la tension de sa 
vessie fait équilibre à la pression extérieure et le liquide du labyrinthe se 
trouve soumis en dedans, de ja part de la vessie, à une pression contrifuge 
égale à la pression centripète qu’il subit de la part du milieu extérieur. 
Que l’animal change d'altitude, quand il veut monter ou descendre, il 
augmente ou diminue son volume, et par conséquent sa densité varie selon 
qu'il dilate ou contracte sa vessie aérienne. La tension du contenu suit 
une variation inverse de celle de la capacité du contenant. Quand l’ani- 
mal descend, la pression centrifuge que subit le labyrinthe l’emporte sur 
la pression centripète, le contraire se produit quand il s'élève. Il y a évi- 
demment là un danger pour le labyrinthe et un obstacle à son fonction- 
nement, car le liquide tend à se porter en dehors ou en dedans, et est 
exposé à rompre ses membranes mobiles dans un sens ou dans l’autre; 
de plus, ces membranes déformées par la distension, c’est-à-dire par l’iné- 
galité de pression que recoivent leurs deux faces, sont inaptes à osciller 
convenablement. Enfin il y a compression du neuro-épithélium. 

C'est ici que semble devoir intervenir l'appareil musculaire frénateur des 
osselets, qui s'oppose à un déplacement exagéré du contenu labyrinthique 
dans un sens centrifuge ou centripète, et dont le rôle s'explique facilement. 
Quant aux animaux dépourvus d’osselets, il nous paraît assez difficile de 
comprendre comment ils obvient aux dangers de la distension des mem- 
branes labyrinthiques. 

À mesure que chez les Vertébrés la tête devient mobile sur un cou dont 
les côtes disparaissent, Les osselets qui terminent les culs-de-sac antérieurs 
de la vessie natatoire et qui sont d’origine costo-vertébrale, vont repasser 
la fonction à des formations hyo-mandibulaires plus complexes que nous 


SÉANCE DU 26 NOVEMBRE 913 


EE 


pouvons immédiatement étudier chez l’homme. Le prolongement anté- 
rieur de la vessie natatoire qui se bifurquait pour atteindre les deux 
labyrinthes est chez nous représenté par la trachée et les deux trompes 
d'Eustache issues du pharynx respiratoire. L’orifice membraneux interne 
du labyrinthe est devenu la fenétre ronde, qui maintenant s'ouvre dans 
la même expansion en cæcum de l'arbre aérien que l’orifice membraneux 
externe ou fenêtre ovale. Gette expansion fympanique s'étend même 
autour de la partie interne, proximale des ares osseux mandibulaire et 
hyoïdien, formant plusieurs articles, marteau, enclume, étrier. Le milieu 
ambiant, aérien cette fois, pénètre de nouveau à la surface du liquide 
labyrinthique suspendu entre ses deux membranes et recevant sur ces 
deux orifices membraneux une pression centripète et une pression centri- 
fuge identiques, puisque l’une et l’autre n’est que la pression du milieu 
extérieur s’exerçant soit sur Le tympan, soit sur la fenêlre ronde après 
avoir pénétré par les trompes d’Eustache. 

Il suffit donc que la trompe s'ouvre pour que l'équilibre s'établisse 
instantanément entre les pressions extra et intra-labyrinthique. 

L'arc mandibulaire forme deux des muscles tubo-tympaniques et son 
nerf, le trijumeau, les innerve. 

Le péristaphylin externe ouvre la trompe en prenant son insertion fixe 

sur le voile du palais attiré.en bas et fixé momentanément par la déglu- 
tition. Il est aidé par le salpingo-pharyngien qui agit sur le cartilage 
“tubaire. Cette ouverture de la trompe rétablit subitement la pression 
atmosphérique dans la caisse tympanique ; la membrane du tympan, la 
plus grande et la plus mobile de ses parois, reçoit toute la poussée et se. 
porte d'autant plus facilement en dehors que la même poussée s'exerce 
également sur la membrane du tympan secondaire (fenêtre ronde). 
L'effet de la pénétration de l'air est donc de déplacer en dehors tout le 
liquide labyrinthique, suspendu entre ses membranes sollicitées par la 
même pression centrifuge. C'est à cet effet que s'oppose la contraction 
du frénateur tympanique externe, ou muscle du marteau, qui retient la 
membrane en dedans et s'oppose à la traction en dehors de la chaine 
des osselets et du liquide qui la suit. Ces deux muscles externes, le dila- 
tateur tubaire et le frénateur tympanique malléaire ont même origine, 
même innervation, et leur action synergique sert pour l’un à neutraliser 
les effets extra-physiologiques de la poussée centrifuge que lautre a 
provoquée. 

L'arc hyoïdien a formé, de son côté, les deux autres muscles tubo--tym- 
paniques, naturellement innervés par le facial. Dans le clignement tu- 
baire qui accompagne la déglutilion, le péristaphylin interne relève les 
insertions inférieures du péristaphylin externe el s'oppose ainsi à son 
action dilatatrice. De plus, l'épaississement de sa masse charnue repousse 
le cartilage tubaire dans le sens le plus défavorable à la dilatation ; il est 
donc obturateur, el antagoniste du premier. Dès que la trompe se referme 


914 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


sur l'air introduit, l’élasticité de la membrane la ramène en dedans et 
l'action du muscle du marteau exercerait une pression centripète sur le 
liquide labyrinthique, si le muscle de l'étrier, frénateur tympanique in- 
terne, ne s’opposait à celte action en immobilisant la chaine des osselets 
au moment de ce recul. 

Tel est le mécanisme du réflexe tubo-tympanique. De même qu’en 
dehors du clignement réflexe des paupières, nous pouvons à volonté les 
maintenir ouvertes ou fermées, de même en dehors du réflexe, en dehors 
du clignement d'oreilles, on peut arriver par l'exercice méthodique et 
certaines facilités naturelles : 1° à ouvrir à volonté les trompes d'Eustache 
sans déglutir ; 2° à ouvrir à volonté l’une ou l’autre trompe; 3° à con- 
tracter les frénateurs tympaniques de l’une ou l’autre oreille à volonté, 
sans ouvrir les trompes et sans déglutir. Dans ces derniers cas, on pro- 
duit un petit craquement que sa localisation nettement intra-tympa- 
nique et sa sonorité propre permettent de distinguer du bruit de l'ouver- 
ture des trompes ou de celui encore plus interne et plus sourd de la 
déglutition. On provoque à volonté l’autophonie, et l’auscultation tympa- 
nique indique de grandes variétés de timbre et d'intensité, selon que la 
voix pasonnée retentit ou non dans la caisse, et il se manifesle une trépi- 
dation tympanique surajoutée quand la caisse vient à Fou nque avec 
la masse d’air vibrant dans le pharynx nasal. 

Ajoutons encore que les membranes de l'oreille ont absolument besoin, 
pour vibrer convenablement, de supporter sur leurs deux faces des pres- 
sions égales et que, par conséquent, la tension des liquides labyrinthiques 
doit normalement faire équilibre à la pression atmosphérique extra et 
intra-tympanique, et que dans l'oreille interne elle-même, où sont dis- 


posés divers tympans membraneux, convexes ou plans, la tension endo- 


lymphatique doit faire équilibre à la tension périlymphatique. 

Le réflexe tubo-tympanique règle cet équilibre de pression en même 
temps qu’il s’oppose aux déformations des membranes, à l’immobilisation 
des osselets articulés dans des attitudes qui leur enlèveraient leur flexibi- 
lité el meltraient l'oreille moyenne hors d'état de compenser les varia- 
tions de tension des liquides internes. 


LE CANAL CAROTIDIEN DES ROUSSETTES, FOURS 


par M. H. BEAUREGARD. 


La carotide interne, chez les Roussettes, pénètre dans la cavité tympa- 
nique par un orifice ménagé entre le bord de la bulle tympanique et 
la face inférieure du promontoire. Au moyen d’injections colorées, j'ai 
pu suivre le trajet de cette artère qui est de petit volume; elle s'engage 


: 
k 


SÉANCE DU 26 NOVEMBRE 915 


dans un sillon peu accusé au bord interne du rocher, et gagne l’extré- 
mité antérieure de cet os. Dans tout son parcours elle se trouve ainsi à 
découvert dans le sillon carotidien et il ne peut être question d’un canal 
carotidien. 

Cependant, tout à fait en avant, au niveau où le rocher confine à l’épine 
du sphénoïde, parfois assez développée chez ces Gheiroptères, j'ai trouvé 
chez quelques espèces un véritable canal carotidien, complètement 
osseux, sur un parcours de À à 2 millimètres environ. | 

C’est ainsi que chez une Roussette de Cochinchine indéterminée (1), 
j'ai observé, au côté gauche du crâne, un sillon carotidien assez profond 
dont la lèvre interne, en avant, s'involute au-dessous de l'artère de 
manière à lui former, sur une longueur de 4 millimètre 1/2 environ, un 
canal osseux qui toutefois est resté ouvert en dehors, l’involution de la 
lèvre interne n’atleignant pas exactement la lèvre externe de la gouttière. 

À droite, la même disposition existe, mais plus complète, en ce sens 
que l’involution atteint la lèvre externe de la gouttière ; le canal caro- 
tidien est donc entier à ce niveau. 

Chez d'autres espèces, je n'ai retrouvé aucune trace de celte involution 
osseuse formant un plancher à la gouttière carotidienne. Mais ailleurs 
et particulièrement chez Pteropus medius et Pteropus jubatus, J'ai 
observé, au même niveau où existe l’involution décrite ci-dessus chez 
l'espèce indéterminée de Cochinchine, un os appliqué sur la face infé- 
rieure de la carotide et la protégeant en dessous. Cet os, libre de toute 
attache solide soit avec le rocher, soit avec le sphénoïde sur le bord 
duquel il s'appuie toutefois, au voisinage de l’épine, est irrégulier chez 
Pt. medius et long de 1°%,5 sur 1 millimètre de large. Chez Pt. jubatus, 
il est en forme de demi-cône dont la face concave embrasse l'artère caro- 
tide et il a à peu près les mêmes dimensions. 

En poursuivant mes recherches sur d’autres espèces de Cheiroptères 
voisins, j'ai pu établir finalement qu'il existe chez les Roussettes tous 
les passages entre un sillon carotidien peu profond, ouvert dans toute 
son étendue, et un sillon plus accusé transformé dans sa partie la plus 
antérieure en un canal carotidien complet. 

Dans ce dernier cas, les pièces montrent que le plancher du canal caro- 
tidien résulte de l’existence primitive d’un point d’ossification spécial, 
puisque j'ai observé des espèces où l'os qui constitue ce plancher est 
libre de toute adhérence avec le rocher. Ailleurs la soudure paraît pou- 
voir se faire soit avec le rocher, soit avec le sphénoïde, soit avec les 
deux à la fois. 

Or on admet en général que (chez l’homme au moins), c'est l'opistho- 
tique qui donne naissance au canal carotidien en développant une lamelle 


(4) N° 1874-187 du Catalogue des magasins de l’Anatomie comparée au 
Muséum. 


916. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


osseuse qui, graduel!ement, s'involule aulour de la carotide et convertit 
ainsi la goutlière primitive en tube complet. Chez les Cheiroptères, il en 
serait autrement. On ne doit point d’ailleurs s'en étonner, car la région 
inférieure du rocher qui fournit le point d'ossification opisthotique (plan- 
chér du limaçon, bord de la fenêtre ronde et moitié inférieure de Ja 
fenêtre ovale) est soumise chez ces animaux à certaines perturbations de. 
développement que marque bien en particulier l’absence d'ossification 
à peu près complète chez les Murins. L'existence d’un point spécial d’os- 
sification pour le canal carotidien se rattacherait à ces perturbations. 

Ces recherches ont été faites au laboratoire d'Anatomie comparée du 
Muséum et paraitront in extenso dans le Journai de l'Anatomie et de la 
Physiologie. 


ELECTION D'UN MEMBRE TITULAIRE. 


Liste de présentation de la Commission. 


Envpremière ligne "4. Cet DIMMPMHOUSSAY 
Enfdeuxiemerliene ete CHOUPPE 
| BoULLART 

ÉTATOISIEMENIENE ER DAS 

| MARIE 

PILLIET 


90 membres prennent part au vote : 


MMÉNCHOUPPE SN RE TO VOIX 
FHOUS SAVAIENT AE PRET OI ES 
DARIER MER SR SERU RIT ENS ANNEE TRE 
DOLERIS EE NI SORA TM ERMERRR EE RARE ARS TRS 
PAPLIE PRES NES REIN EN RR ANNECA A AR Arr RE 


Oo 


Bulleüns blanes, . . . . . . 


_ En conséquence, M. CaouPrre, ayant obleñu la majorité absolue des 
suffrages, est élu membre titulaire de la Société de Biologie. 


Le Gérant : G. MAssoN. 


Paris. — Imprimerie de la Cour d'appel. L. MarerHeux, directeur, 1, rue Cassette. 


i 917 


SÉANCE DU 3 DÉCEMBRE 1892 


M. Maruras Duvaz : Le placenta des rongeurs et l’inversion des feuillets blastoder- 
miques. — M. E. Hépon : Sur la pathogénie du diabète pancréatique. Réfutation 
d'une hypothèse de A. Caparelli (de Catane). — M. B. Aucxé : Passage des 
microbes à travers le placenta des femmes enceintes atteintes de variole. — 
MM. CHarrn et Rocer : Le rôle du sérum dans le mécanisme de l'immunité. — 
MM. Cu. Acnarp et Jures Renauzr : Note sur l’urée et les bacilles urinaires. — 
M. H. BeaureGarD : L’artère carotide interne chez le Mouton. — M. A. Mroues : 
- Sur un régulateur de température à flamme quelconque et spécialement son appli- 
cation à une plaque chauffante. — M. Cnarzes HENRY : Sur un nouveau photopto- 
mètre permettant d'évaluer rapidement en fractions de bougie-mètre les éclai- 
rements les plus faibles. — M. A. DasrRe : Relation entre la richesse du sang en 
fibrine et la rapidité de la coagulation. 


Présidence de M. Chauveau. 


CORRESPONDANCE IMPRIMÉE. 


M. Maruias Duvar fait hommage à la Société d’un exemplaire de son 
ouvrage sur le Placenta des Rongeurs, avec atlas. 


M. Ricuer fait la proposition suivante: 

A l’occasion du soixante-dixième anniversaire de sa naïssance, un 
grand nombre de physiologistes francais et étrangers ont résolu d’offrir 
à l’illustre professeur M. Schiff une édition francaise de ses œuvres. 

La Société de Biologie s'associe à cette résolution et souscrit pour un 
exemplaire. 


LE PLACENTA DES RONGEURS ET L'INVERSION DES FEUILLETS BLASTODERMIQUES, 


. par M. Maturas Duvar. 


J’ai l'honneur de faire hommage à la Société de Biologie du volume 
dans lequel je viens de réunir la série de mes recherches sur le placenta 
des Rongeurs (1). C'est à la Société de Biologie que j'ai communiqué les 


(1) Le Placenta des Rongeurs (avee 106 figures dans le texte et un atlas de 
22 planches), Paris, 1892, Félix Alcan. 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9€ SÉRIE. T. IV. of 


918 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE 


premiers résullals de ces études, poursuivies depuis huit ans, et je l'ai 
successivement tenue au courant des progrès de mes recherches. Leur 
publication a abouti à un gros volume, parce que j'ai dû examiner non 
seulement la formation placentaire chez divers types (lapin, souris, rat, 
mériones, cochon d'Inde), mais encore traiter en détail la question c'e 
l'inversion des feuillets blastodermiques de divers rongeurs. C’est sur 
celte dernière question que je désire présenter quelques remarques. 

- Bischoff a découvert la disposition si paradoxale de la vésicule blasto- 
dermique du cochon d'Inde, à savoir que sa phériphérie externe est 
formée non par l'ectoderme, mais par l’entoderme, ou feuillet interne 
des autres vertèbres. Après de longues controverses, qui souvent n’ont 
abouti qu'à mettre en doute cette disposition, le fait découvert par Bis- 
choff n’a reçu une confirmation complète que dans ces dernières années, 
grâce aux beaux travaux de Sélenka. Dans l'étude de l'inversion chez le 
rat, la souris, le cochon d'Inde, je n’ai eu qu'à contrôler, confirmer et 
étendre, pour quelques détails, les résultats publiés par Sélenka; mais 
un point nouveau, qui m’appartient entièrement, est la découverte de ce 
fait que le lapin lui-même présente une véritable inversion des feuillets 
blastodermiques, c'est-à-dire que, à une certaine époque du développe- 
ment, époque lardive et presque terminale de la gestation, la périphérie 
la plus externe de l'œuf est formée par l’entoderme. 

Ce fait est en rapport avec cet autre fait, connu depuis longtemps, que 
l’allantoïde ne distribue ses vaisseaux qu’à la région peu étendue du pla- 
centa discoïde, et que le reste, c’est-à-dire la plus grande partie de la 
surface de l’œuf, la plus grande partie du chorion, selon l'expression 
classique (nous allons voir qu'il faut, pour le lapin, renoncer à ce mot de 
chorion), est vascularisé par les vaisseaux de la vésicule ombilicale, par 
les vaisseaux omphalo-mésentériques. Comme condition préalable à cette 
disposition singulière, on avait constaté que la vésicule ombilicale pré- 
sente une invagination complète, c'est-à-dire que son hémisphère supé- 
rieur (celui auquel est accolé l'embryon avec l’amnios) descend dans 
l'hémisphère inférieur, de sorte que la cavité de la vésicule ombilicale se 
réduit à une fente limitée d’une part par l'hémisphère inférieur auquel 
est accolé le chorion, et d'autre part par l'hémisphère supérieur invaginé. 
Comme, d’un autre côté, on avait constaté que cet hémisphère supérieur 
est seul pauvre de vaisseaux, on avait expliqué l'arrivée de ces vaisseaux 
dans le chorion par une hypothèse très simple, à savoir que les ramifi- 
cations vasculaires ompho-mésentériques passent de l'hémisphère supé- 
rieur, en traversant la fente en question, dans l'hémisphère inférieur, et 
de là dans le chorion. 

Dastre, qui reproduit cette hypothèse dans son mémoire sur l'allantoïde 
et le chorion, le fait suivre de quelques remarques qui montrent combien 
la question l'avait justement préoccupé : « La manière dont se fait l’ac- 
colement des deux hémisphères dela vésicule ombilicale exigerait quelques 


SÉANCE DU 3 DÉCEMBRE 919 


éclaircissements nouveaux, dit-il. Il serait particulièrement intéressant 
_de constater qu'il y a un tissu conjonctif appréciable au-dessous de l’épi- 
thélium chorial avant que la vésicule ombilicale vienne s’y appliquer. 
L’explication du processus par lequel se fait l’union des membranes 
expliquerait pourquoi il n’y a pas de communications entre les vaisseaux 
utéro-placentaires et omphalo-mésentériques. » 

Nos recherches viennent répondre à ces questions, et y répondent d’une 
facon simple et bien inattendue. En effet, le chorion, y compris l’hémi- 
sphère inférieur de la vésicule ombilicale, s’atrophient et sont résorbés; 
ces membranes ne sont donc nullement pénétrées par les vaisseaux de 
l'hémisphère supérieur ;-elles disparaissent purement et simplement. Par 
suite, l'hémisphère supérieur de la vésicule ombilicale reste à nu, formant 
l'enveloppe la plus externe de l'œuf, et tournant son épithélium vers 
l'extérieur. Les villosités qu’elle peut développer ne sont pas des villo- 
sités choriales, mais bien des villosités de l’épithélium de la vésicule 
ombilicale, de l’entoderme en un mot. Ainsi, à ce moment, la surface de 
l'œuf du lapin est formée non par l’ectoderme, mais par l’entoderme: 
c’est là précisément ce qui caractérise la disposition dite inversion des 
feuillets. Cette disposition ne se réalise que tardivement chez le lapin, 
mais les processus qui y aboutissent permettent de comprendre l’inversion 
précoce et primitive de l’œuf de la souris, du rat, du cochon d’Inde, du 
mériones, etc. Pour tous ces animaux, il n’y a plus à parler de chorion 
vascularisé par les vaisseaux omphalo-mésentériques, d’omphalo-chorion, 
comme ont dit quelques auteurs (par opposition à l’allanto-chorion), 
mais seulement d’une enveloppe extérieure qui, après disparilion de toute 
formation choriale, est formée par l’entoderme de la vésicule ombilicale. 


SUR LA PATHOGÉNIE DU DIABÈTE PANCRÉATIQUE. 
RÉFUTATION D'UNE HYPOTHÈSE DE A. CAPARELLI (DE CATANE), 


par M. E. Hépon. 


Le professeur Andrea Caparelli (de Catane), dans un récent mémoire 
sur le diabète pancréatique (1), a émis l'hypothèse que la glycosurie con- 
sécutive à l’extirpation du pancréas chez le chien est due à la transfor- 
mation du glycogène de l’organisme en sucre sous l'influence du ferment 
diastasique salivaire incessamment absorbé dans le tube digestif. En 
injectant de la salive dans les veines d’un animal sain, il a produit une 
légère glycosurie. Alors il suppose que chez les chiens privés de pancréas 


(1) Studi sulla funzione del pancreas e sul diabele pancreatico. Gabinetto di 
Fisiologia‘sperimentale della R. Universilà ; Catane, 12 mars 1892. 


920 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


le ferment salivaire pourrait avoir une action beaucoup plus énergique, 
parce qu'il ne serait plus neutralisé par le pancréas. Normalement cette 
glande agirait en déversant dans le sang une substance qui détruirait le 
pouvoir saccharifiant de la salive absorbée par la voie digestive. Cepen- 
dant, du propre aveu de l’auteur, les expériences qu'il a exécutées pour 
étayer son hypothèse ne sont pas convaincantes. Ainsi, chez un chien . 
diabétique, il a extirpé les glandes salivaires : la glycosurie diminua; 
mais, dit-il, tout grave traumatisme peut avoir cette action. Sur un autre 
animal diabétique, il pratiqua une fistule œsophagienne puis détourna la 
salive du tube digestif; là encore, il vit baisser l’excrétion du sucre; 
mais il ne peut se fier à ce résultat, parce qu'il lui a été impossible de 
désinfecter la large plaie pratiquée pour la section de l'œsophage. Il 
est étrange que, malgré ces insuccès expérimentaux, l’auteur ait cru pou- 
voir, dans ses conclusions, présenter son hypothèse comme « très pro- 
bable » (conclusions huit et neuf). Il aurait certainement renoncé à la 
soutenir, s’il avait exécuté une expérience inverse, s’il avait extirpé le 
pancréas à un chien privé au préalable de ses glandes salivaires. C’est 
cette expérience que j'ai fait pour soumettre à un contrôle rigoureux 
l'hypothèse du professeur italien, tout invraisemblable que me parût, & 
priori, une pareille interprétation des phénomènes. 
J'ai donné à l’expérience la forme suivante : 


1° À un chien de 15 kilogrammes, je pratiquai d'abord l'ectopie sous- 
cutanée de la portion duodénale du pancréas. 

2° Quand la greffe eut pris, j'extirpai tout le pancréas intra-abdomi- 
nal. La glycosurie ne se montra pas, comme il a été établi par nos 
recherches antérieures. 

3° Lorsque l’animal fut bien remis du traumatisme opératoire, je lui 
extirpai les deux glandes sous-maxillaires, les deux sub-linguales et la 
parotide du côté droit. Comme cette extirpation, pour la parotide, était 
très pénible et que l’opération se prolongeait trop longtemps (l'animal 
était depuis deux heures sous l’action du chloroforme), je me contentai, 
pour la parotide du côté gauche, de réséquer le canal de Sténon sur une 
longueur de 2 centimètres et de placer une canule dans son bout central. 
Pour cette glande, le résultat désiré était néanmoins obtenu, puisqu'il 
s'agissait, en somme, de détourner la salive de la cavité buccale. A la 
suite de ce grave traumatisme causé par l’extirpation de cinq glandes 
salivaires, je constatai l'apparition d’une glycosurie assez forte, mais 
transitoire. J'hésiterais à attribuer cette glycosurie à la suppression d’une 
action spécifique des glandes salivaires, comme l’ont soutenu MM. Reale 
et de Renzi (au Congrès de médecine à Berlin). Car il faut remarquer 
que si l’animal sur lequel j’opérais n’était pas diabétique, c'élait grâce à 
la présence d’une greffe sous-cutanée du pancréas ; et dans ces conditions 
le chloroforme, un grave traumatisme pouvaient bien donner lexplica- 


SÉANCE DU 3 DÉCEMBRE 921 


tion de la glycosurie observée. Quoi qu'il en soit, cette glycosurie cessa au 
bout de deux jours ; l'animal se remit et put recommencer à manger, 
quoique difficilement en raison de l’absence de la salive, ce qui génait 
beaucoup la déglutition. 

On était maintenant en mesure de pouvoir vérifier l'hypothèse de 
Caparelli, car si elle était exacte, l’extirpation du fragment de pancréas 
greffé sous la peau, ne devait pas être suivie de glycosurie, contraire- 
ment à ce-qui s’était produit dans nos expériences antérieures. 

4° Lors donc que les plaies de la tête furent en bonne voie de cicatrisa- 
tion et que la fistule du canal de Sténon du côté gauche fut établie, 
j'extirpai la greffe sous-cutanée du pancréas, après avoir constaté à nou- 
veau l'absence totale du sucre dans l’urine. 

En quelques heures la glycosurie apparut. Au bout de vingt heures 
après l’extirpation de la greffe, l'animal avait rendu 550 centimètres cubes 
d'urine renfermant 9 gr. 6 de sucre. Dans les vingt-quatre heures suivantes, 
1,050 centimètres cubes d’urine contenant 25 grammes de sucre. Comme 
il n’y avait plus aucun intérêt à suivre la marche progressive de cette 
glycosurie, l'animal fut sacrifié. L’urine contenue dans la vessie renfer- 
mait 43 gr. 4 de sucre par litre; le sang artériel 3 gr. 3 de sucre p. 100. 

Le diabète sucré fut donc produit comme normalement chez ce chien 
privé de salive. On pourra objecter que la sécrétion du mucus buccal 
n’était pas abolie. Évidemment il n'y avait point dans mon expérience 
une suppression absolue des sécrétions dans la bouche. Je ferai cepen- 
dant cette remarque : comme j'avais sectionné de l’un et de l’autre côté 
de la face un certain nombre de filets du nerf facial, les lèvres étaient 
complètement paralysées et j'observai que l’animal ne pouvait pas rete- 
nir dans le vestibule de la bouche le mucus buccal, qui s’écoulait conti- 
nuellement en longs filaments visqueux. La privation de salive était donc 
aussi complète qu'on pouvait le désirer. Mais en admettant que l’animal 
aurait encore pu en déglutir une certaine quantité, ce que je ne veux 
point contester, on aurait dû tout au moins, dans l’hypothèse de Capa- 
relli, en restreignant le plus nossible l'absorption de cette salive, atténuer 
singulièrement le diabète produit par l'extirpation du pancréas. Or un 
animal très affaibli par une longue suite de traumatismes, considérable- 
ment amaigri (il avait perdu, au moment de l’extirpation de la greffe, 
2 kilogrammes de son poids primitif), de plus nourri exclusivement de 
viande, et qui cependant excrète en soixante-huit heures 60 grammes de 
sucre, est évidemment atteint d'un fort diabète. 

En conséquence, l'hypothèse de A. Caparelli n’est pas acceptable. 


(Laboratoire de physiologie de la Faculié de médecine de Montpellier.) 


9292 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


PASSAGE DES MICKOBES 
A TRAVERS LE PLACENTA DES FEMMES ENCEINTES ATTEINTES DE VARIOLE, 


par M. B. AUcxÉ, 


Agrégé de la Faculté de Bordeaux, médecin des hôpitaux. 


Note présentée par M. GILBERT. 


Depuis les premières recherches expérimentales de MM. Strauss et 
Chamberlent, Roux et Chambrelent, la question du passage des microbes 
à travers le placenta s’est singulièrement élargie. Je n’ai pas l'intention 
de passer en revue tous les travaux qu’a suscités ce sujet ; je veux seule- 
ment appeler l'attention de la Société sur le passage des microbes à 
travers le placenta des femmes enceintes atteintes de variole. 

On sait depuis longtemps que la variole est susceptible de se trans- 
mettre de la mère au fœtus et que l'enfant peut naître couvert de pus- 
tules varioliques. Ces deux faits d'observation clinique démontrent bien 
à eux seuls que la transmission à travers le placenta est non seulement 
possible, mais que, si l’on en juge par ce qui se passe chez l'adulte où 
les pustules contiennent toujours des microorganismes vulgaires, les 
germes de la variole ne passent pas seuls de la mère au fœtus et que les 
microbes divers de la suppuration doivent suivre la même voie. La ques- 
tion ne pouvait être résolue que par des recherches plus précises-et éclai- 
rées à la lumière des acquisitions récentes de la bactériologie. 

Le germe de la variole passe à travers le placenta : le fait est fréquent, 
mais difficile à démontrer, puisque nous ignorons complètement la nature 
de ce microorganisme. Si, pour cette raison, il nous est impossible de le 
vérifier à l’aide du microscope et des cultures, il paraît tout au moins 
bien simple-d’arriver à cette solution par un moyen un peu plus détourné, 
en inoculant à un être susceptible de contracter la variole (l'homme, par 
exemple), des fragments de tissu du fœtus infecté, C’est ce qui a été fait 

il y a déjà longtemps avec des résultats positifs. 

Le microorganisme varioleux n’est pas le seul qui puisse traverser le 
placenta chez les femmes enceintes atteintes de variole. Nous avons pu 
nous en convaincre dans deux cas. 

Dans un premier cas, une femme atteinte de variole confluente avorte, 
le troisième jour de la période de suppuration, d’un fœtus âgé de trois 
mois et demi environ. Le fœtus est immédiatement recueilli et lavé au 
sublimé à 1/1000°. Avec des instruments préalablement stérilisés, on 
ouvre l'abdomen et la cage thoracique. On cautérise la surface du foie ; 
avec un fil de platine recourbé en crochet à son extrémité on arrache de 
toutes petites parcelles de parenchyme hépatique et on ensemence quatre 
tubes de gélose et quatre tubes de gélatine. Le cœur gauche est ouvert 
avec les mêmes précautions, et le sang qu'il contient est ensemencé sur 


SÉANCE DU 3 DÉCEMBRE 993 


_trois tubes de gélose et sur trois tubes de gélatine, Sur tous les tubes on 
voit se développer plusieurs colonies de streptocoques, sans aucune autre 
espèce microbienne. 

La mère meurt vingt-six heures après son avortement. On fait l’autop- 
sie quatre heures après la mort. On ensemence le sang du cœur sur quatre 
tubes de gélose et sur quatre tubes de gélatine. Dans tous on retrouve le 
streptocoque à l’état de pureté. Des ensemencements faits avec le tissu 
hépatique donnent les mêmes cultures. Dans les reins on trouve les sla- 
phylocoques blanc et doré associés au streplocoque. 

La deuxième observation est relative à une femme enceinte de deux 
mois atteinte de variole confluente. Elie avorte le quatrième jour de la 
période de suppuration. Le fœtus sort enveloppé de ses membranes de- 
meurées parfaitement intactes. Il est recueilii et placé dans une solulion 
de sublimé à 1/1000e. Les membranes sont sectionnées et le fœtus est de 
nouveau lavé au sublimé. On ouvre l’abdomen et la paroi thoracique 
avec toutes les précautions nécessaires, et on ensemence sur gélose et 
sur gélatine des parcelles de foie et du sang du cœur. Dans tous les tubes 
on reconnait le staphylocoque doré sans mélange d'aucune autre espèce 
microbienne. 

La mère meurt trente-deux heures après son avortement. L’autopsie 
est faite huit heures après la mort. Le sang du cœur, le foie et les reins 
sont ensemencés. Dans le sang on ne trouve que le staphylocoque doré. 
Dans le foie et les reins, on trouve aussi le staphylocoque klance. Les 
liquides de l'utérus, ensemencés à leur tour, donnent d’abondantes colo- 
nies de streptocoques. Ces derniers n'avaient pas encore eu le temps d’en- 
vahir les aulres organes. 

Dans une autre observation de femme enceinte atteinte de variole 
cohérente et morle au sixième jour de la suppuration sans avorter, ni le 
sang maternel, ni le sang fœtal ne contenaient de microorganismes. 


En résumé, les deux premières observations me paraissent prouver 
qu'à côté des germes varioleux, d’autres microorganismes peuvent tra- 
verser le placenta des femmes enceintes atteintes de variole. Dans un cas 
c'etait le streptocoque pyogène qui infectait le sang de la mère et celui 
du fœtus ; dans le second, c’est le staphylocoque doré que j'ai trouvé 
dans le sang maternel et dans le sang fœtal. Le passage de ces microbes 
de la mère au fœtus au cours de la variole n’avait pas, que je sache, en- 
core été signalé. Mais le passage à travers le placenta du streplocoque 
pyogène n'était pas absolument ignoré et MM. Hanot et Luzet avaient 
déjà, en 1890, signalé ce fait. 

Ces cas de transmission microbienne de la mère au fœtus dans le cours 
de la variole me paraissent encore avoir un autre intérêt. Cette infeclion 
fœtale est sans doute susceptible de déterminer la mort du fœtus et 
d'amener ainsi l’avortement. C’est une nouvelle cause à ajouter aux 


924 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


autres, car cerlainement, la pathogénie de cet accident est loin d’être 
toujours la même. 

De plus, ces résultats nous montrent que dans les cas où la mère meurt 
après son avortement avec des phénomènes septicémiques, il ne faut pas 
toujours en chercher la cause dans une infection à début utérin, puisque 
l'infection a pu exister avant l'avortement et l’avoir même déterminé. 


22 


LE RÔLE DU SÉRUM DANS LE MÉCANISME DE L'IMMUNITÉ, 


par MM. Cnarrin et ROGER. 


Au mois de juillet dernier (1), nous avons communiqué à la Société de 
Biologie quelques faits expérimentaux tendant à établir que le sang d’un 
animal vacciné a le pouvoir d’atténuer les microbes contre lesquels on 
l’a prémuni. Cette atténuation se fait presque instantanément ; elle se 
produit aussi bien dans l'organisme vivant qu'en dehors des vaisseaux. 

Sans contredire nos résultats, M. Metchnikoff (2) s'élève contre l'inter- 
prétation que nous leur donnons et présente en même temps une critique 
générale des divers travaux que nous avons publiés sur le pouvoir bac- 
téricide des humeurs. 

Les objections que cet auteur veut bien nous adresser peuvent se divi- 
ser en trois groupes: les unes portent sur le sens que nous avons attribué 
à certaines expressions scienlifiques; d’autres, sur la facon dont nous 
avons conduit nos expériences; d’autres, enfin, sur les déductions que 
nous en avons tirées. 


I. — M. Metchnikoff nous reproche d'employer le mot afténuation, 
comme synonyme de diminulion de virulence. « L’atténuation, dit-il, est 
une propriété qui s’acquiert lentement, mais qui, en même temps, se fixe 
d’une manière très stable. » Nous avouons notre incompétence en matière 
de linguistique; nous nous retrancherons donc derrière l’aulorité de 
Littré, qui définit l’atténuation, l’action de rendre mince, ténu.. de 
diminuer... de rendre moins grave; et nous continuerons à croire que les 
expressions atlénualion passagère et atlénuation permanente, même 
appliquées à des microbes, ne constituent ni non-sens, ni pléonasme. 

La deuxième objection grammaticale regarde plus spécialement l’un 
de nous, qui « a parlé de la propriété bactéricide du sérum des lapins 


4) Charrin et Roger. Atténuation des virus dans le sang des animaux vac- 
ciné, Société de Biologie, 2 juillet 1892. 

(2) Metchnikoff. L'immunité dans les maladies infectieuses, Semaine médicale, 
26 novembre 1892. 


SÉANCE DU 3 DÉCEMBRE 925 


vaccinés contre le streptocoque de l’érysipèle, dans le cas où cette bac- 
térie se développe même plus abondamment que dans le sérum du lapin 
non vacciné ». Le mot bactéricide n’est évidemment pas exact, si on 
le prend au sens littéral; peut-être cependant pourait-on le justifier en 
faisant remarquer que ce sérum, qui n’agit pas sur le développement 
numérique du microbe, affaiblit notablement sa virulence. Mais nous 
accordons que l'expression est mauvaise et nous faisons d'autant plus 
volontiers cette concession que dans aucun de nos travaux sur le strepto- 
coque de l’érysipèle, nous n'avons désigné l’action atténuante du sérum 
sous le nom d'action bactéricide. L’objection tombe donc d'elle-même. 


II. — Les critiques adressées à nos expériences ont évidemment plus 
d'intérêt que les discussions de mots. 

M. Metchnikoff s'attaque surtout à l'expérience suivante : Nous injec- 
tons dans les veines de deux lapins, l’un neuf, l’autre vacciné, 20 cen- 
timètres cubes, par kilogramme, d’une cullure pyocyanique; au bout 
de cinq ou dix minutes, nous prenons du sang à ces animaux et nous 
constatons, par la culture, que les deux échantillons renferment approxi- 
mativement le même nombre de microbes ; d'un autre côté, nous essayons 
la virulence des deux échantillons de sang, en les injectant à des lapins. 
Ceux qui reçoivent le sang provenant de l’animal neuf succombent rapi- 
dement ; les autres survivent ou meurent beaucoup plus tard. Il y a donc 
atténuation des microbes au contact du sang circulant dans les vais- 
seaux de l’animal réfractaire. Cette atténuation, si rapide, s’observe éga- 
lement en dehors de l’organisme, quand on mélange une culture avec le 
sérum d’un animal vacciné. 

M. Metchnikoff nous objecte que nous ne tenons pas compte, dans cette 
expérience, de l’action des phagocytes qui est déjà manifeste au bout de 
cinq ou de dix minutes; il invoque, à l'appui de son opinion, les expé- 
riences de M. Werigo (1). Or, qu'a constaté cet auteur? Il a vu que les 
bactéries, injectées dans les veines, disparaissent du sang et s’accumulent 
dans les organes ou les tissus; le résultat est parfaitement exact et, si 
l’auteur a eu le mérite d’avoir bien étudié la question, le fait lui-même 
était connu depuis longtemps et se trouve discuté dans notre Note. Nous 
nous étions demandé si, chez les animaux vaccinés, les microbes ne se 
déposaient pas dans les organes plus rapidement que chez les sujets 
neufs, ce qui aurait expliqué l’innocuité de leur sang. C’est pour cela 
que nous avions semé le sang des lapins sur lesquels nous opérions; 
nous l’avions trouvé également chargé de microbes, qu'il provint 
d'animaux neufs ou de réfractaires; nous avons élé heureux de voir 
M. Werigo arriver, plus tard, à un résultat comparable: cet auteur a 


(1) Werigo. Les globules blancs comme protecteurs du sang, Annales de l'Ins- 
tilut Pasteur, 25 juillet 1892. 


926 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


constaté, en effet, que les bactéridies charbonneuses disparaissent égale- 
ment vite de la circulation générale, qu’il s'agisse de cultures virulentes 
ou de cultures atténuées. Il est donc possible que la phagocytose se ma- 
nifeste dans les viscères; mais les cellules n’agissent évidemment pas sur 
les microbes qui sont restés dans les vaisseaux. Du reste, de nouvelles 
recherches nous ont montré que le sang, examiné au microscope, ne 
renferme que fort peu de bacilles libres; mais les globules blancs qu’on 
y trouve encore ne contiennent pas de bactéries dans leur intérieur. 

Cette première critique écartée, il en reste une seconde : on pourrait, 
en effet, expliquer nos résultats en invoquant l’action thérapeutique du 
sang des animaux vaccinés. Voilà encore une objection au-devant de 
laquelle nous étions allés; nous avions étudié cette action du sang et nos 
expériences nous ont permis de conclure qu'on ne pouvait l’invoquer 
pour expliquer nos résultats. 

En somme, les deux objections qui nous sont faites se trouvaient déjà 
indiquées, discutées, dans notre Note; nous les avions réfutées par 
avance; aussi nous croyons pouvoir maintenir l'exactitude des résultats 
que nous avions obtenus. 


IT, — On nous a objecté bien des fois que les propriétés bactéricides 
du sérum n'ont aucune importance dans le mécanisme de l'immunité et 
cela pour deux raisons : 1° il n’y a pas de relation constante entre l’état 
bactéricide et la résistance de l'animal ; 2° les propriétés bactéricides 
n'existent pas dans le sang vivant, elles apparaissent aussitôt que le 
liquide est retiré de l'organisme. 

Nous reconnaissons parfaitement qu’il n’y a pas de rapport permanent 
entre la résistance naturelle des animaux et l’état bactéricide de leurs 
humeurs. Comme nous l’avons dit dans un travail antérieur (1), le para- 
doxe n’est qu'apparent ; il résulte de ce qu’on compare des animaux d’es- 
pèces différentes ; c’est là une façon très défectueuse d'opérer; il faut 
étudier ce qui se passe chez des êtres de même espèce. 

Or, si on diminue la résistance des sujets, on diminue en même 
temps l’action bactéricide de leur sang ; c’est ce que nous avons observé 
avec le streptocoque de l’érysipèle (2) : c’est ce qui a été bien établi par 
les recherches de Bakunin et Boccardi (3). 

Si, au contraire, on augmente cette résistance par la vaccination, on 


(1) Charrin et Roger. Les propriétés microbicides du sérum, Guzette hebdoma- 
daire, 20 décembre 1889. 

(2) Roger. Action des produits solubles du streptocoque de l'érysipèle, 
Sociélé de Biologie, & juillet 14891; — Modification du sérum chez les animaux 
prédisposés, Ibid., 30 juillet 1892. 

(3) Bakunin et Boccardi. Richerche su la proprieta battericida del sanque 
in diversi stati dell’ organismo, La Riforma medica, 1891, II, p. 445. 


SÉANCE DU 3 DÉCEMBRE 997 


voit augmenter ce pouvoir bactéricide ; c’est ce qui a été entrevu pour le 
charbon par plusieurs observateurs, notamment par M. Metchnikoff (1) 
c’est ce qui ressort des expériences que nous avons publiées (2) ainsi que 
des travaux ultérieurs de Behring et Nissen (3), Zasslein (4). 

Sans doute, on a cité quelques exceptions ; peut-être trouveront-elles 
leur explication, quand on connaîtra mieux les modifications que le 
sérum impose à la virulence des microbes; c’est ce qui a eu lieu, par 
exemple, pour le streptocoque de l’érysipèle (5). 

En somme, nous pensons que, pour admettre ou rejeter le rôle protec- 
teur du sérum, il ne suffit pas d'étudier les propriétés bactéricides pro- 
prement dites. Que le sérum agisse sur le développement numérique des 
microbes, sur leurs fonctions, ou sur leurs produits de sécrétion, peu 
importe, le résultat final est toujours le même. 

Nous n’insisterons pas longtemps sur la deuxième objection : on nous 
dit que les propriétés bactéricides n’ont aucune importance, parce qu'elles 
ne se montrent qu'en dehors de l’économie. 

On pourrait répondre qu'il est étrange que l'action bactéricide, atté- 
nuante ou antitoxique, apparaisse ou augmente justement quand l’ani- 
mal est vacciné; le sang aurait alors acquis un pouvoir nouveau qui serait 
en quelque sorte à l’état latent dans l'organisme et se manifesterait dès 
que ce liquide aurait quitté les vaisseaux ; ce pouvoir agirait lorsqu'il est 
devenu inutile. Mais quelques expériences tendent à prouver que l’action 
protectrice s'exécute réellement pendant la vie; on peut la mettre en 
évidence soit en protégeant les microbes contre les phagocytes au moyen 
de sacs de parchemin, soit en injectant les germes sous la peau et étu- 
diant, au boul de quelques minutes, les modifications qu’ils présentent(6), 
soit enfin, comme nous l’avons fait, en les injectant directement dans le 
sang (7). 


(1) Metchnikoff. Sur l’atténuation des bactéridies charbonneuses, Annales de 
l’Institut Pasteur, 1887. 

(2) Charrin et Roger. Note sur le développement des microbes pathogènes 
dans le sérum des animaux vaccinés, Société de Biologie, 1889. 

(3) Behring und Nissen. Ueber bacterienfeindliche Eigenschaften Verschie- 
dener Blutserumarten Ein Beitrag zur Immunitätsfrage, Zeüschrift für 
Hygiene, 1890. 

(4) Zasslein. Sulla vaccinazione del cholera, Rivista clinica, Archivio italiano 
di clinica medica, 1890. : 

(5) Roger. Modifications du sérum à la suite de l’érysipèle, Société de Biolo- 
gie, 1890 ; — Rôle du sérum dans l’atténuation des virus, Revue générale des 
Sciences, 1891. 

(6) Charrin. À propos de l’immunité, Société de Biologie, 1890. 

_ (7) Quant aux reproches qui concernent les doses, l'emploi de la culture, ils 
perdent leur valeur, par celte raison que la technique a été identique pour 
tous les animaux mis en parallèle (même quantité, même virus, etc.). 


098 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Étant donnée la rapidilé de l’atténuation, nous croyons que les mi- 
crobes, introduits dans un organisme rendu réfractaire, sont soumis, tout 
d’abord, à l’action des humeurs; ils perdent ainsi une partie de leur pouvoir 
pathogène, et, dès lors deviennent une proie facile pour les phagocytes. 

En résumé, nous estimons que les nombreux travaux qu'a suscités 
l'étude des propriétés protectrices du sang ne sont pas tous entachés 
d'erreurs ; les déductions thérapeutiques auxquelles ils ont conduit suf- 
firaient à démontrer leur importance. Toutefois, si nous ne mettons nul- 

-lement en doute le rôle des phagocytes, nous nous refusons à y voir la 
-Cause unique de l’immunité. 


NOTE SUR L'URÉE ET LES BACILLES URINAIRES, 


par MM. Cu. AcraRrpD et JuLES RENAULT. 


On sait que la fermentation ammoniacale de l'urine peut être produite 
-d’une façon rapide et énergique par la Zorula de M. Vau Tieghem ou 
Micrococcus ureæ, et par des bacilles décrits plus récemment par M. Miquel. 
En outre, on s’est demandé si d’autres espèces microbiennes, rencontrées 
dans les voies urinaires à l’état pathologique, ne jouiraient pas de cette 
même propriété fermentative. Les recherches que nous présentonssontune 
contribution à l'étude de cette question. Elles ont porté sur dix échantil- 
lons de bacilles, provenant de sources différentes, mais puisés tous dans 
l'urine ou dans le rein, et appartenant tous soit au bacterium coli typique, 
soit aux types fort voisins faisant partie du même groupe. 

Lorsqu'on ensemence ces microbes dans l'urine normale, fraiche et 
stérilisée à 108 degrés, on constate que la réaction du milieu de culture 
reste acide, même après plusieurs jours. Ce fait montre clairement qu'il 
n'a pu se faire dans ces conditions qu'une fermentation insignifiante et 
nullement comparable à celle qui donne lieu aux urines vraiment ammo- 
niacales. Mais il ne démontre pas que les microbes en question soient 
incapables de transformer tout au moins une petite partie de l’urée en 
carbonate d’ammoniaque. En effet, l’'ammoniaque pourrait se trouver, 
dans l'urine cultivée, en quantité trop faible pour saturer toute l'acidité 
primitive du liquide. 

D'autre part, l'urine pure est pour ces microbes un milieu de culture 
peu favorable et trop pauvre en éléments nutritifs. On peut donc se 
demander si, grâce à la présence de substances albuminoïdes, comme 
les urines pathologiques en renferment dans nombre de cas, la fermen- 
tation ne se produirait pas avec plus d'énergie. Cette hypothèse serait 
d'autant plus permise que, dans l'urine recueillie chez un malade pepto- 

nurique, nous avons vu le développement de nos bacilles se faire d’une 
façon plus intense que dans l’urine normale. 


SÉANCE DU 3 DÉCEMBRE 999 


Pour tenter de résoudre ces diverses questions, nous avons entrepris 
les expériences suivantes : 

1° Dans un échantillon d'urine normale, ensemencée et restée acide, 
après quatre jours, nous avons cherché s’il s'était formé du carbonate 
d'ammoniaque. Pour cela, à 5 centimètres cubes de cette urine nous 
avons ajouté à centimètres cubes d’une solution titrée d’acide sulfurique, 
afin de décomposer le carbonate d’ammoniaque s’il en existait. Or, nous 
avons constaté qu'aucun dégagement gazeux ne se produisait, et le dosage 
alcalimétrique nous a montré qu'aucune portion de l'acide sulfurique 
n'avait été utilisée pour une décomposition de ce genre. Il ne s'était done 
produit ni ammoniaque ni carbonate d’ammoniaque. 

2° Nous avons fait des solutions d'urée pure (provenant de l'urine) 
dans l’eau distillée : elles se sont montrées absolument impropres à la 
culture de nos échantillons bacillaires. 

3° Nous avons fait alors des solutions d’urée, que nous avons rendues 
nutritives par l’addition de 2 p. 100 de peptone pancréatique. Ces solu- 
tions ont été stérilisées à 100 degrés. Elles se sont comportées diffé- 
remment suivant la proportion de l’urée. Dans la solution renfermant 
1 p. 100 d’urée, le développement s’est fait sans difficulté et à peu de 
choses près comme dans la solution de peptone pure. Dans celle à 8 p. 100, 
le développement a eu lieu, mais moins bien et moins vile. Enfin, dans 
celle à 5 p. 100 la plupart de nos échantillons n’ont pas poussé ; quelques- 
uns se sont développés très lentement : leur végétation n’a été appré- 
ciable qu'après dix jours et elle est restée assez pauvre. 

4° Dans l'urine et dans les solutions durée ensemencées, après vingt 
jours, nous avons dosé à l’uréomètre l’azote; puis, après réduction de 
moitié au bain-marie, nous avons fail un nouveau dosage, pour voir si 
nous observerions des différences tenant à une évaporation d’ammoniaque 
(ammoniaque libre ou carbonate d’ammoniaque). Or, la comparaison 
avec des échantillons témoins non ensemencés nous a montré que ces 
derniers ne se comportent pas autrement que les cultures. Il ne s’est donc 
pas produit de décomposition de l'urée, en quantité appréciable par ce 
procédé. 

5° Des bandes de papier au curcuma, trempées dans des cultures de 
nos microbes et séchées, puis trempées dans des solutions d’urée, n’ont 
éprouvé aucun changement et n’ont point présenté la couleur brune 
qu'elles prennent dans ces conditions, comme l’a montré Musculus, lors- 
qu’elles ont été imprégnées du ferment soluble de la fermentation ammo- 
niacale. . 

Ainsi l’urée n’est point pour les bacilles que nous étudions un aliment. 
Il ÿ a plus : il semble que la présence de l’urée ne soit pas seulement in- 
différente pour ces microorganismes. Comme nous l'avons dit précédem- 
ment, leur culture se fait d'autant plus mal que la proportion d'urée 
s'élève dans les milieux. De plus, nous avons constaté que la fétidité toute 


930 SOCIÉTÉ DE BIOLUGIE 


spéciale que répandent les cultures de ces microbes n'existait pas dans le 

milieu contenant 5 p. 100 d'urée, et était fort atténuée dans ceux à 3 et 
4 p. 100. Enfin, la réaction de l’indol que certains de ces microbes don- 
nent de la facon la plus nette dans des solutions de peptone pancréatique 

privées d’urée, même après très peu de jours, s’est produile dans le 

milieu renfermant 4 p. 100 d’urée, mais faisait défaut après treize jours 

dans la solution à 3 p. 100 et dans les quelques cultures positives obtenues 

avec celle à 5 p. 100. 

De ces recherches nous nous croyons autorisés à tirer cette conclusion : 
que l’urée ne sert pas à la nutrition des bacilles que nous étudions, et 
que, même à des doses qui ne sont pas excessives, elle nuit à leur déve- 
loppement et met obstacle à quelques-unes de leurs fonctions. 


L’ARTÈRE CAROTIDE INTERNE CHEZ LE MOUTON 
9 


par M. H.  BEAUREGARD. 


Dans les traités classiques, les Ruminants sont considérés comme 
dépourvus de carotide interne proprement dite ; cette opinion résulte des 
recherches de Barkow et, plus récemment, de M. Chauveau sur le mouton 
(voir Traité d’Anatomie comparée, Chauveau et Arloing, p. 633, fig. 243, 
2e édition, 1870). 

Chez le mouton, en particulier, M. Chauveau a montré que les artères 
cérébrales naissent d’un rete mirabile qui siège de chaque côté de ja selle 
tureique dans le sinus caverneux et que ce rete lui-même est fourni par 
des ramifications de la carotide primitive consistant en: 1° une artère 
sphéno-épineuse qui arrive au rele intracranien en passant par le trou 
ovale: 2° deux trones ou artères génératrices du réseau admirable qui s’é- 
puisent dans celui-ci après avoir pénétré dans la cavité cranienne par le 
ganal sus-sphénoïdal. Il n’y aurait pas de carotide interne. Toutefois, une 
petite artériole très grêle, émise par la carotide primitive, pénètre dans la 
cavité tympanique. Elle est décrite comme une simple branche méningée 
et ne recoit pas de nom spécial. 

Or, il résulte de recherches que j'ai été amené à faire au cours de mes 
études sur l'oreille, que cette branche dite méningée est en réalité la 
carotide interne. 

Cette manière de voir repose à la fois sur les faits positifs que j'ai 
observés chez les individus jeunes et sur les relations de la branche dite 
méningée chez l'adulte. 

Mon attention fut attirée pour la première fois sur ce point lors de la 
dissection que je faisais d’une tête de métis mort-né de moufflon et de 
chèvre provenant de la ménagerie du Muséum. A la face inférieure du 


SÉANCE DU 3 DÉCEMBRE 931 


crâne, au niveau de la bulle tympanique, j'observai sur la pièce, dont 
les vaisseaux avaient été injectés, que la carotide primitive après avoir 
fourni une artère occipitale donnait une branche assez volumineuse qui 
pénétrait dans la cavité tympanique par le trou déchiré postérieur, au 
niveau du ganglion cervical. Cette artère fut suivie dans son trajet à tra- 
vers la cavité tympanique ; elle se trouvait comme l'artère carotide des 
Roussettes que j'avais étudiée auparavant (voir C. 2. de ia Soc. de Biologre, 
séance du 26 novembre 1892) au bord interne du rocher. Il n’existait aucune 
trace de canal carotidien. En avant, l’artère s’engageait entre l’occipital 
et le sphénoïde, et je pus la suivre jusqu’au réseau admirable auquel elle 
fournissait largement. 

Cette artère (la branche méningée des auteurs) était donc bien ici une 
artère carotide interne, puisqu'elle participait pour une bonne part à la 
formation des artères cérébrales. D'ailleurs, l’arlère sphéno-épineuse et 
les artères génératrices du réseau admirable existaient également. 

Je pensai pouvoir retrouver une disposition semblable chez le mouton 
adulte; mais, malgré plusieurs injections bien réussies, il me fut impossible 
de suivre l'artère carotide interne jusqu’au rete mirabile. Je trouvai 
constamment cette artère très réduite et se perdant dans la dure-mère. 
J'en étais venu à me demander si le métis de moufflon et de chèvre ne 
m'avait pas présenté un cas particulier. Pour élucider cette question, je 
résolus de faire quelques recherches sur des fœtus de mouton. Des injec- 
tions pratiquées sur des fœtus de différents âges me donnèrent bientôt la 
solulion cherchée. Sur tous les jeunes sujets, je retrouvai la disposition 
observée chez le métis mort-né qui avait été le point de départ de mes 
études. 

J'en conclus donc que chez les moutons très jeunes, et jusqu’à la nais- 
sance, il existe une carotide interne bien développée, fournissant un rete 
mirabile cérébral et s’y épuisant. Mais, avec l’âge, cette artère s’atrophie, 
et elle cesse de communiquer avec le rete mirabile. Elle devient alors la 
branche méningée des auteurs, dont la signification est ainsi bien définie. 
D'ailleurs, chez l'adulte, cette branche méningée occupe, dans la cavité 
tympanique, la situation qu’occupe la carotide interne chez beaucoup de 
Mammifères dépourvus de canal carotidien. 

Enfin, ces observations expliquent pourquoi le rete mirabile est propor- 
tionnellement moins riche chez l’adulte que chez les jeunes. Chez l'adulte, 
- en effet, il a perdu une de ses racines, la racine carotidienne. 


932 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


SUR UN RÉGULATEUR DE TEMPÉRATURE A FLAMME QUELCONQUE 
ET SPÉCIALEMENT SON APPLICATION A UNE PLAQUE CHAUFFANTE, 


par M. A. Micuer, 


Professeur agrégé de l’Université. 


Note présentée par M. Grarp. 


Ce régulateur repose sur le principe suivant : Écarter plus ou moins le 
flux de chaleur avec une valve portée par une balance sensible, celle-ci 
pesant continuellement l'excès plus ou m oins grand de liquide d'un ther- 
momètre à poids, suivant que la température est plus ou moins élevée. 

On peut prendre comme thermomètre à poids l’étuve elle-même avec 
un fluide contenu dans ses parois creuses ; mais on pèse du mercure 
déplacé par les variations de volume du fluide. Ce mercure est contenu 
dans un tube fixé à l’étuve à l’aide d’un bouchon de caoutchouc et plon- 
geant dans un dé porté par le fléau de la balan ce du côté opposé à la 
flamme. Pour diminuer la perte de sensibilité due aux variations de 
poussée lors des déplacements de la balance, la pointe plongeante est 
capillaire ; alors, si on emploie l’eau, il y a lieu de dessécher le mercure 
au début en approchant une petite flamme ; d’ailleurs, si on ne se sert 
pas d'une étuve trop petite, la sensibilité est telle qu’on peut, la sacri- 
fiant en partie, éviter cette précaution en prenant un tube non capillaire. 
Pour tenir le régulateur prêt à fonctionner, il est plus commode de 
recourber le tube en trois anses, de manière à pouvoir amorcer préalable- 
ment, en ménageant un renflement au niveau de la surface mercurielle 
pour laisser plus de jeu aux déplacements du mercure; l’excés du fluide 
pendant l’échauffement s'échappe par un deuxième trou du bouchon, 
que l’on ferme lorsque la température voulue est presque atteinte. Il ya 
tout avantage à rendre le fléau qui porte le dé aussi court que possible : 
d’abord, à cause des variations de poussée sur le tube plonge ur, la sensi 
bilité est ainsi plus grande, comme l'indique la théorie pour ce cas spé- 
cial ; de plus, le déplacement inverse des deux niveaux mercuriels produit 
des différences de pression, et par là, vu l’élasticité du fluide ou tout au 
moins de la boîte, les oscillations se trouvent exagérées au grand détri- 
ment de la sensibilité, défaut atténué par un fléau très court; enfin la 
course du dé étant ainsi diminuée, celui-ci peut être peu profond. La 
valve est portée par la balance aussi loin que possible au-dessous de l'axe 
de suspension, et par compensation le dé à mercure est placé un peu au- 
dessus de cet axe ; on achève de régler l'équilibre au moyen de cavaliers 
placés sur le second fléau au niveau de l’axe, et la sensibilité par 
d'autres placés au-dessus de l’axe ; on ne doit pas aller jusqu'à rendre 
la balance folle, car, à cause des variations des niveaux mercuriels, on 
produirait en réalité un équilibre instable exagéré. La valve est une lame 


HS 


4 


SÉANCE DU 3 DÉCEMBRE 933 


de mica disposée obliquement en dehors, entre une flamme quelconque 
et le bord de l’étuve ou la queue de chauffe ; le moindre déplacement de 
la valve a une action sensible sur le chantage) La régulation se produit 
ainsi : lorsque la température monte, le fluide se dilate, pousse le mer- 
cure dans le dé, la balance s’abaissant de ce côté relève la valve sur la 
flamme et le chauffage diminue; l'inverse a lieu si la température 
baisse ; le poids spécifique élevé du mercure, la sensibilité de la balance 
et l’impressionnabilité du chauffage au mouvement de la valve, rendent 
ce régulateur très efficace. — On pourrait aussi appliquer ce mode de 
valve au régulateur à tige pour chauffer, faute de gaz, les grandes étuves 
par une flamme quelconque. 

J’ai étudié ce régulateur sur différentes nn Pour la- ae étuye- 


d’Arsonval, appropriée au système en question, contenant 5 2 d’eau, les 


variations propres, à longue période, étaient de — degré; pendant une 
semaine, pour une différence de température ambiante de 10 degrés, la 
variation totale n’a pas dépassé - degré, et encore les variations coïnci- 


daient-elles avec des périodes de rapide changement de température 
ambiante. Appliqué à la chambre chaude Vignal pour microscope et à un 


modèle de ; l., à cavité placée au-dessus de la boîte à eau, et couverte, 


le régulateur a donné des variations de | degré à À degré exception- 


nellement, d’après des observations prolongées plusieurs jours. Ces 
essais ont été faits à diverses températures, notamment n’excédant que 
de quelques degrés la température ambiante. 

Ce régulateur peut, en particulier, être appliqué à l'établissement d’une 
plaque chauffante à température constante. Grâce à l'emploi de l'air, la 
boîte se réduit à une plaque creuse portant à une extrémité le régulateur 
suffisamment protégé; l’air a encore cet avantage d'éviter le remplissage 
et l'ébulliltion préalable, mais il a comme inconvénient l'influence des 
variations barométriques ; des variations peuvent encore résulter des 
courants d'air et des changements de température ambiante, les objets 
chauffés élant à découvert; néanmoins pour des manipulations ne durant 
que quelques heures et n’exigeant pas une grande précision, ces varia- 


: RES CPE sou ; 
tions seront la plupart du temps insignifiantes (inférieures à + degré) 


ne demandant, en tous cas, qu'une surveillance intermittente. On a à sa 

disposition sur la même plaque des températures différentes et graduées, 

soit en déplaçant l’objet, soit en interposant queiques feuilles de papier : 

ainsi on peut en même temps faire une inclusion dans la paraffine fondue, 

et déplisser un ruban de paraffine à une température un peu inférieure 
31, 


934 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE: 

à.celle du. point de fusion. Cette plaque.à régulateur peut encore êlré: 

placée sur une plaque ordinaire de: plus grande taille afin d'en régler la.. 
température. On:peut d’ailleurs, en cas: de besoin, fabriquer soi-même 

l'appareil avec une boîte de fer-blane soudée, un tube de verre courbé en:. 
une seule: anse et. mastiqué àla boîte, le. fond d’un petit tube à essai et: 


f 


PLAQUE CHAUFFANTE AVEC LE RÉGULATEUR. PRINCIPE DU RÉGULATEUR. 


P, plaque chauffante, creuse. — LLL, lame protectrice du régulateur. — 
T, tubulure fermée par un bouchon de caoutchouc. — b, tige de verre formant 
bouchon pour fermer la cavité lorsque la température est atteinte. — t, tube 
de verre en communication avec la cavité de la plaque. — r, renflement où se 
trouve la surface du mercure. — m, partie du tube remplie de mercure par 
amorcage préalable de r jusqu’en d. — c, pointe plongeante capillaire. — d, 
dé de mercure, fixé à la balance. — 00, points d'appui formant axe de sus- 
pension de la balance. — e, cavaliers pour régler l’équilibre, sur un bras 
démontable. — s, cavaliers pour régler la sensibilité. — v, valve de mica. — 
f, flamme quelconque. — Traits pleins : position habituelle du système. — 
Traits pointillés : position du système déterminée par un refroidissement et 
provoquant un chauffage plus intense. 


un découpage de fer-blanc. — Bref, cette plaque chauffante est à la fois à 
température constante, partout utilisable par l'emploi d’une flamme 
quelconque (lampe à alcool ou à pétrole, bougie, etc.), de mise en marche 
rapide, très transportable, peu coûteuse, el, à la rigueur, facile à établir. 
Un modèle analogue, mais un peu plus volumineux, à eau et surmonté 


CE 
La 


SÉANCE DU 3 DÉCEMBRE 935 


d'une cavité close, répond au besoin d’une constance plus grande et es 
durable. e Jos 

. Cette plaque-thermostat, de l’un ou l’autre modèle, après l’avoir 
éprouvée par un long usage, me paraît commode pour la pratique de la 
technique microscopique ; peut-être le régulateur lui-même pourra-tl 
rendre des services, en l'absence de gaz d'éclairage, pou le réglage des 
‘étuves et couveuses à température constante. 


1 Ai) 


1: € 154 


SUR UN NOUVEAU PHOTOPTOMÈTRE PERMETTANT D'ÉVALUER RAPIDEMENT ;ÆN 
FRACTIONS, DE BOUGIE-MÈTRE LES ÉCLAIREMENTS, LES PLUS, FAIBLES (a), 


AS M. ‘CHARLES HENRY. 


:‘Le photoptomètre que j'ai l'honneur de présenter à la Société de Bio- 
logie et que j'ai fait construire par la Société centrale de produits chimi- 
ques est fondé sur un principe nouveau : la loi de déperdition lumineuse 
avec le temps d'un corps remarquable par son inaltérabilité chimique, le 
sulfure de zinc phosphorescent que je suis pe à bee HE 
dement( à du ts 

- La formule suivante (2 représente l'intensité, HMETeMpS)e 16 00 70 


0 505935 (4 28,35) — Const. 


rend compte assez bien de l’ensemble des observations d’intensités du 
sulfure de 3 à 1,400 secondes. Mais pour la détermination d’intensités au 
bout de temps plus longs, il est préférable d'utiliser la formule 


(2) | 405 (6 — 18,5) — Const. 


laquelle reproduit le plus fidèlement possible les observations à partir 
de 900 secondes. Quand on opère dans les limites de 3 à 1400 secondes, 
il est plus simple de recourir directement à la courbe des observations, 
laquelle est livrée avec l’appareil et donne immédiatement par l’ordonnée, 
l'intensité au temps considéré, marqué sur l’abscisse. 

Le dispositif du nouveau photoptomètre est très simple : il consiste en: 
trois tubes noircis intérieurement qui se raccordent. Celui qu’on applique 
contre l’œil est muni, de ce côté, d’une lentille convergente à grande dis- 
tance focale ayant pour but de supprimer du champ de la vision distincte 
les parois du tube. Ce tube glisse à coulisse dans un autre présentant 


… (4) Travail du Laboratoire de Psychologie physiologique de la Sorbonne. 
. (2) Comptes rendus de l’Académie des sciences, 10 octobre. 


936 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


EE — — — …… …——_ a 


deux échancrures ellipsoïdales en bas et en haut; un ruban de magnésium 
de 3 millimètres de large, de 0",15 de long environ, suspendu à une 
potence, est destiné à brüler dans cet espace isolé de l’intérieur de l’ap- 
pareil par deux verres protecteurs : ces dimensions du ruban suffisent à 
donner au sulfure l’illumination maxima. Sur ce tube moyen sont vissés : 
intérieurement, une bague qui peut maintenir un nombre, variable à 
volonté, de verres dépolis; extérieurement, le tube antérieur terminé par 
deux écrans semi-circulaires, séparés par une cloison perpendiculaire : 
l’un composé de verres dépolis de couleur jaune verdâtre identique à la 
teinte phosphorescente, et auquel on peut substituer, en vue des inten- 
sités très faibles, tout autre écran moins absorbant, par le simple jeu d’une 
bague, reçoit la JHHÈES extérieure : : l'autre est recouvert de sulfure de 
zinc. | 

La manipulation est très facile. S'il s’agit de mesurer la sensibilité de 
l'œil par l'inverse du minimum perceptible après un séjour d'une durée 
connue dans l'obscurité ou après exposition de cet œil à un éclairage d'une 
intensité déterminée, en général, dans des: conditions bien précises, on 
met par des bouchons aux deux extrémités l'appareil à l'abri de toute 
lumière extérieure ; on dévisse le tube antérieur, on enserre dans la bague 
le nombre de verres dépolis convenable suivant la petitesse présumée de 
V éclairage à, mesurer, On sépare le lube postérieur du tube antérieur.: on 
allume le ruban de magnésium; on note le temps au moment de l’extinc- 
tion ; on replace le tube postérieur contre le tube antérieur; on note le 
temps au bout duquel on constate l'apparition d'une lueur. 

Si « désigne le coefficient d'absorption de chaque verre, coefficient 
facile à déterminer par l'appareil, on a pour le coefficient d'absorption 
totale de la lumière, » étant le nombre des verres, la valeur &*, car la 
lumière est absorbée deux fois, sur son parcours du magnésium à l'écran 
et de l'écran à l'œil. Sachant la fraction constante des ordonnées (inten- 
sités lumineuses) qu’il convient d’adopter en vertu de l'absorption des n 
verres, on a immédiatement en bougie-mètre l'éclat de la lueur; il suffit 
de prendre l’ordonnée. correspondant sur la courbe des observations au 
temps d'apparition de cette lueur indiqué par le chronomètre et de déter- 
miner son rapport à une ordonnée quekéanque, FRAME en fraction de 
bougie- mèlre. | 

Si le temps est plus es que 4,400 de. # suffit d' ne A 
formule (2) qui, par son caractère asymptotique, se prête à cetle opéra- 
tion. On a immédiatement l'intensité par la: formule : 
.@  — 

Ur TE5 t}* 

Aucune autre méthotte connue ne me par ait pouvoir offrir des lee 
d’une précision comparable à ceux que fournit le principe de l'absorption 
des verres combiné. avec l'application de la formule (3). Les instruments 


SÉANCE DU 8 DÉCEMBRE 937 


les plus précis sont fondés sur la diaphragmation des objectifs : l'erreur 
que l’on commet dans chaque mesure est une fraction de division qui pour 
des ouvertures nécessairement très petites du diaphragme est une frac- 
tion très grande de la quantité de lumière à mesurer. 

Le sulfure de zinc n’est pas seulement un étalon photométrique pré- 
cieux capable d'offrir simultanément autant d’intensités que l’on désire ; 
suivant une loi bien connue, il peut servir à mesurer par son éclat la 
quantité de rayons chimiques qu'il reçoit et conséquemment la fluores- 
cence d'un très grand nombre de liquides organiques ou de tissus orga- 
nisés. Cette fluorescence est une constante nouvelle en physiologie et 
d’une importance évidemment très grande. 


RELATION ENTRE 
LA RICHESSE DU SANG EN FIBRINE ET LA RAPIDITÉ DE LA COAGULATION, 


par M. A. DASTRE. 


On admet généralement que : la coagulation du sang est d'autant plus 
lente que le sang fournit plus de fibrine, ou d'autant plus rapide qu'il en 
fournit moins. 

Cette règle (1) est fondée, entre autres observations, sur celle-ci, à savoir 
que les dernières portions du sang d’un chien qui périt par hémorragie se 
coagulent immédiatement ; le caillot peut s’y former alors que les pre- 
mières portions sont encore liquides. C’est Hewson qui, au siècle dernier, 
a fait le premier cette remarque. Beaucoup de physiologistes l'ont acceptée 
ou confirmée. On explique, par là, un certain nombre de faits qui, en 
retour, contribuent à consolider la règle. Nous citerons parmi eux les phé- 
nomènes du caillot blanc ou de la couenne inflammatoire. Le sang de 
cheval fournit habituellement une couenne, parce qu'il se coagule très 
lentement et que les globules ont le temps de se déposer par avance; et 
il se coagule très lentement parce qu’il est très riche en fibrine (5 à 
8 p. 1000). De même dans les pyrexies aiguës (pneumonie, érysipèle), où 
la quantité de fibrine augmenterait de 2 à 40 p. 1000. 

Contrairement à ces vues, je pense que la rapidité de la coagulation ou 
sa lenteur, tiennent à d’autres circonstances que la proportion plus ou 
moins grande de fibrine que ce sang peut fournir. Et ce sont ces circons- 
tances qui sont accidentellement réalisées dans les cas que je viens de 
rappeler. 


(4) Leon (Fredericq). De l’action physiologique des soustractions sanguines. 
Mémoires. de l’Académie Royale de Belgique, 1885, et travaux du laboratoire 
de Phys. de Liège, 1886, p. 139. 1h 


38 © SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


J’ai observé fréquemment des faits qui contredisent nettement la pré- 
tendue loi, énoncée plus haut: Au cours de mes expériences de défibri- 
nation totale, j'ai remarqué que dans les dernières saignées, Jorsque le 
sang ne contient plus que des quantités de fibrine qui sont moindres que 
le dixième de la quantité normale, la coagulation est très lente. Elle est 
si lente, que souvent après avoir battu le sang pendant cinq minutes 
consécutives, on n’avait pas encore de fibrine. Trompé par cette circons- 
tance, on essayait de réinjecter ce sang fluide; et la coagulation se pro- 
disant alors dans les conduits de l'appareil, ou dans le canule d’intro- 
duction ; l'expérience était compromise ou perdue. Je n’ai évité ces acci- 
dents que lorsque j'ai adopté comme règle de battre pendant dix minutes 
à douze minutes les sangs pauvres en fibrine des dernières saignées. 

On voit donc que ce n’est pas la teneur en fibrine qui décide de la rapi- 
dité de la coagulation. S'il en était ainsi, mes recherches m'obligeraient 
à prendre exactement le contre-pied dela règle adoptée. 


ee 


Le Gérant : G. MASSoN. 


Paris. — Imprimerie de la Cour d'appel. L. Marerneux, directeur, 1, rue Cassette. 


: saséte 


939 


SÉANCE DU {O0 DÉCEMBRE 18992 


M. le Dr G. Gaurrer : Sur le pouvoir microbicide de l'électrolyse interstitielle. — 
M. J.-B. Cuarcor : De la dissociation dite syringomyélique dans les compressions et 
sections des troncs nerveux; mode de retour des sensibilités après opération. — 
M. S. Jourpain : Affinités zoologiques des Pantopodes. — M. L. Marassez: Sur 
les appareils à contention. — M. J. Cosranrx : Rôle des dégobtures dans les car- 
rières à champignons. — M. GAsron Bonnier : Note sur les mouvements des feuilles 
de Sensitive sous l'influence d'une dépression atmosphérique. — M. En. Rer- 
TERER : Sur les rapports de l'artère hépatique. — M. le Dr V. Gazrpre : Sur la pré- 
sence de parasites dans les fœtus normaux, — M. le D° Gezré : Spasme réflexe 
binauriculaire causant la surdité. 


Présidence de M. Chauveau et Laveran. 


CORRESPONDANCE MANUSCRITE. 


Lettres de MM. Nrcozas et JourDAIN qui demandent à être inscrits sur 
la liste des candidats au titre de membre correspondant de la Société. 


Lettre de M. Houssay qui déclare ne pas maintenir sa candidature au 
titre de membre titulaire de la Société. 


SUR LE POUVOIR MICROBICIDE DE L'ÉLECTROLYSE INTERSTITIELLE, 
par M. le D' G. Gaurier. 


Note présentée par M. A. CHARRIN. 


J'ai l'honneur de présenter à la Société une note du D' G. Gautier, au 
sujet de nouvelles recherches d’électro-microbiologie. 

Sous le nom d’électrolyse interstitielle, le D' G. Gautier a vulgarisé une 
application du courant de la pile à la médecine. Cette application est 
basée sur l’usage du pôle positif : 1° quand ce pôle est relié à une tige 
de cuivre pur; 2° quand il décompose une solution d’iodure de potassium. 
Dans le premier cas, on produit de l’oxychlorure de cuivre; — dans le 
second, de l’iode libre, etc. 

Ces deux corps jouissent à l’état naissant de propriétés microbicides, 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9€ SÉRIE. T. IV. 38 


940 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


qu'on peut mettre en évidence grâce au dispositif suivant. — Dans deux 
cylindres en verre communiquants, fermés à leur extrémité inférieure par 
deux bouchons en caoutchouc, qui permettent de fixer deux électrodes 
reliées aux deux pôles de la pile, on fait les expériences suivantes. 

Première expérience. — Ces cylindres sont remplis de sérum artificiel ; 
dans l’un, qui contient une électrode positive en cuivre pur, on verse 
5 grammes de culture pyocyanique. 

Avant le passage du courant, on prélève deux gouttes de liquide 
(mélange de cette culture et du sérum); puis, on fait un deuxième et un 
troisième prélèvement sept minutes et un quart d'heure après le passage 
du courant. Ces trois prélèvements sont semés sur de l’agar en tubes. 

A une intensité de 40 milliampères, on constate les résultats suivants : 

1° Le premier tube témoin, après vingt-quatre heures, offre un dévelop- 
pement abondant; pigment vert. Après quatre jours, teinte verte des plus 
intenses. 

9% Le deuxième tube, ensemencé sept minutes après le passage du courant, 
offre, au bout de vingt-quatre heures, un développement léger ; pas de 
pigment. Le quatrième jour, on constate un développement assez riche, sans 
trace de pigment. 

3° Le troisième tube, ensemencé un quart d'heure après le passage du 
courant, ne présente, à la vingt-qualrième heure, aucun développement. 
Après quatre jours, débute un développement très peu marqué. Pas de 
pigment. 

Deuxième expérience. — Les deux cylindres sont remplis d'une solution 
d'iodure de potassium au 1/10°; dans celui qui contient une électrode 
positive, en charbon, on verse 5 grammes de la mème culture. Avant 
le passage du courant, également, on prélève deux gouttes de liquide 
(mélange de cette culture et de la solution); puis, on fait un deuxième 
prélèvement, un quart d'heure après le passage du courant. Ces deux 
prélèvements sont semés sur de l’agar en tubes. 

A une intensité de 40 milliampères, on constate les résultats sui- 
vants : | 

4° Le premier tube témoin, après quatre jours, offre un développement 
abondant. Pigment vert laiteux 

9° Le deuxième tube, ensemencé un quart d'heure après le passage du 
courant, présente, le quatrième jour, un développement minime. Pas de 
pigment. 

De ces recherches, on peut tirer quelques conclusions : 

D'abord, l’oxychlorure de cuivre qui naît au pôle positif de la pile avec 
des électrodes en cuivre pur ivfluence fortement, après sept minutes, le 
bacille du pus bleu, dans ses fonctions de sécrétion des pigments; faible- 
ment dans sa multiplication. Après un quart d'heure, avec un courant 
de 40 millimètres, la fonction est totalement supprimée ; la vie existe à 
peine. 


SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 941 


En second lieu, l’iode libre, après un quart d'heure à 40 milliampères, 
agit nettement sur la vie du bacille et supprime la fonction de sécrétion 
des pigments. 

Or, comme on sait que les microbes interviennent et par ‘eurs sécré- 
tions et par leur nombre, ces résullats montrent qu’on peutles influencer 
utilement. 


DE LA DISSOCIATION DITE SYRINGOMYÉLIQUE DANS LES COMPRESSIONS ET 
SECTIONS DES TRONCS NERVEUX; — MODE DE RETOUR DES SENSIBILITÉS 
APRÈS OPÉRATION, 

par M. J.-B. Cnarcor, 


Interne des hôpitaux. 


Le fait clinique sur lequel j'ai l'honneur d'atlirer l'attention de la 
Société de Biologie m'a paru intéressant comme pouvant apporter 
quelques éclaircissements sur la physiologie des nerfs. 

Depuis que la syringomyélie a pris dans le domaine de la neuropatho- 
logie la place qui lui était due, presque tous les auteurs qui s’en sont 
occupés dans ces dernières années ont particulièrement étudié un des 
symptômes le plus pathognomonique, la dissociation de la sensibilité. 
Cette dissociation de la sensibilité se retrouve, en tant que dissociation, 
avee les types les plus variés. Ainsi que M. Rendu l'a bien montré (1), 
dans les maladies de la peau elle se rencontre sous divers aspects; dans 
l’eczéma, le sens du tact est émoussé, la thermo-anesthésie presque com- 
plète, les perceptions douloureuses restent normales; de même, dans le 
psoriasis, dans le lichen et aussi dans presque toutes les éruptions arti- 
ficielles, l’altération du sens de la température qui, considérée en général, 
est assez rare dans les conditions ordinaires où l’on rencontre l’anesthésie, 
devient ici la plus commune de toutes. Dans l’eczéma symétrique, c’est 
surtout l’anesthésie du sens tactile qui est très prononcée. Dans certaines 
formes de psoriasis où les plaques se présentent par îlots symétriques 
siégeant de préférence au pourtour des articulations, l’on constate une 
obtusion du sens thermique et tactile avec conservation des impressions 
douloureuses. Nous voyons donc que tantôt l’une, et tantôt l’autre sen- 
sibilité se trouve abolie. Ce sont vraiment là des dissociations de la sen- 
sibilité, qui prouvent bien l'indépendance centrale ou périphérique, et 
prubablement centrale et périphérique des diverses sensibilités, mais ce 
n’est pas de la dissociation que l’on peut appeler syringomyélique et qui 
est toujours caractérisée par la perte de la sensibilité aux températures 
et à la douleur avec conservation du sens du toucher. 


(4) Rendu. Les anesthésies spontanées, Thèse d'agrég., Paris, 1875. 


942 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Si l’on consulte les travaux les plus récents sur la syringomyélie, et entre 
autres la thèse de mon collègue et ami Critzman, nous voyons que ce 
symptôme peut se rencontrer dans beaucoup d’autres affections : chez 
les ataxiques (Parmentier), dans l'hématomyélie (Minor), dans l’hystérie 
(Charcot-Souques), enfin, dans certaines névrites périphériques, dans la 
lèpre (Leloir-Babinski-Thibierge, etc.) et l’intoxication alcoolique (Lan- 
cereaux-Lemoine). Parmi les névrites, Critzman range une observation 
de mon père, développée dans un de ses cours à la Salpêtrière (1), 
recueillie par Hallion, où il s’agissail d’un homme qui reçut il y a quatre 
ans, dans un lir, une balle de carabine, ayant pénétré à droite de la 
colonne vertébrale au niveau de la septième cervicale ; après plusieurs 
alternatives de souffrance et de soulagement, le malade entra à la Sal- 
pêtrière avec une scoliose, une dissociation syringomyélique localisée 
au membre supérieur droit et une atrophie musculaire du même 
côté. Un examen approfondi du malade, s'appuyant sur les recherches 
de M®° Dejerine-Klumpke fit mettre la dissociation syringomyélique sur 
le compte d’une compression de la racine du premier nerf dorsal. C’est 
sur un cas que l’on peut rapprocher du précédent et que j'ai eu la chance 
d'observer à l'hôpital Saint-Antoine, guidé et conseillé par mon excellent 
maître M. Brissaud, que j'ai l'honneur d’attirer l'attention de la Société de 
Biologie. 

I] s’agit d’une compression cicatricielle de la branche antérieure du 
nerf cubital droit au niveau du poigret, compression si intense qu’elle 
équivaut à une section de ce nerf; cette lésion à eu pour résultat l’atro- 
phie musculaire et la dissociation dite syringomyélique de la sensibilité. 
Cette observation, intéressante à tous égards pour l'étude des lésions trau- 
maliques des nerfs, et qui doit être à cet effet publiée prochainement, 
peut être, en ce qui concerne la dissociation syringomyélique, résumée 
ainsi : 


Le nommé B.., actuellement âgé de vingt-quatre ans, exerçant la profes- 
sion de journalier, n'ayant jamais présenté ni avant, ni après l'accident, 
aucun stigmate nerveux, n'ayant jamais été atteint d'aucune affection grave, 
tomba, en faisant du trapèze, à l’âge de douze ans sur le poignet droit; du 
nême coup il se luxa le coude en arrière, il se fit, à 3 centimètres evviron 
au-dessus de l’interligne articulaire, une fracture compliquée de l’avant-bras; 
la trace de la plaie subsiste encore sous forme d’une cicatrice blanchâtre de 
la largeur d’une pièce de 50 centimes, siégeant sur le bord cubital de l’avant- 
bras. Le malade fut soigné et il ne resta de l'accident qu'une ankylose de l’ar- 
ticulation radio-cubitale supérieure empêchant les mouvements de supination 
de l’avant-bras. Le malade, qui est d’une constitution athlétique, fit à dix-huit 
ans son service militaire en Afrique comme zouave, et depuis exerça sans 


(1) Clinique des maladies du système nerveux, lecons publiées sous la direc- 
tion de G. Guinon, 1892, 


SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 943 


fatigue son métier pénible de terrassier. Le malade, particulièrement intelli- 
gent, nous fit remarquer que dans ce métier les entorses du poignet sont fré- 
quentes et lui-même, en février 1891, en eut une très douloureuse et qui dura 
une quinzaine de jours. Ce n’est que vers la fin d'octobre que, sans cause 
apparente, des douleurs apparurent sur le poignet et la main avec engourdis- 
sement des deux derniers doigts. La main fut le siège de rougeur et de gon- 
flement, mais ne présenta ni hyperesthésie ni anesthésie cutanée. 

Douleur et gonflement disparurent bientôt, mais la main commenca à pren- 
dre l’aspect et à présenter les modifications que nous avons pu observer, c'est- 
à-dire atrophie très prononcée de tous les muscles innervés par les branches 
terminales du cubital, anesthésie au froid, à la chaleur (chaleur assez forte 
‘pour produire une escarre) et à la douleur avec conservation excessivement 
nette du tact et de la sensation du contact; ces symptômes siégeaient sur tout 
le territoire d’innervalion du cubital à la main, tel que l’a décrit M. Richelot. 

Le diagnostic de compression du nerf cubilal au niveau du poignet consé- 
cutif au traumatisme déjà ancien fut posé el le malade fut présenté à M. Blum, 
qui décida d'aller trouver et délivrer de sa compression le nerf cubital. 

L'incision porta sur l’ancienne cicatrice, et M. Blum découvrit facilement la 
branche palmaire du nerf cubital fortement enserrée dans un tissu fibreux 
cicatriciel adhérent au tissu sous-dermique. 

Le nerf, dégagé avec soin, ne présentait à l'œil aucune modification appré- 
ciable. La plaie fut suturée et un pansement occlusif à l’iodoforme fut placé 
sur l'incision. L'opération avait duré vingt minutes et le malade, qui avait res- 
piré peu de chloroforme, put être examiné et interrogé un quart d'heure après 
par mon collègue et ami Perregaux, interne de M. Blum, et par moi. La sensi- 
bilité tactile était intacte comme auparavant, la sensibilité au froid est un peu 
revenue, la sensibilité à la chaleur pour une température de 45 degrés est 
nulle. Le malade sent la piqûre très nettement, il a même crié au premier 
contact de l'aiguille; cependant, la sensation est moins nette que dans la zone 
radiale. Les explorations sont faites de deux heures en deux heures pendant 
la journée, et, le lendemain, les sensibilités reviennent progressivement dans 
l’ordre suivant: froid, douleur, chaleur. Trois jours après, la sensibilité élait 
revenue à l’élat normal, et un mois après, n’avail subi aucune modification ; 
les muscles, électrisés avec soin, reprenaient un peu de leur force. 


Voici donc rapidement exposée une observation où la compression a été 
cause de la dissociation dite syringomyélique de la sensibilité. Ce fait m’a 
poussé à rechercher des cas semblables dans la littérature médicale; 
mais dans tous les travaux portant sur la syringomyélie rien de semblable 
n'élait signalé, et mon père, que je consullai à ce sujet, me dit qu’à part 
le cas que nous avions eu sous nos yeux à la Salpêtrière, aucun fait s'en 
rapprochant-n’était présent à son esprit. Je feuilletai alors nombre de 
thèses et des mémoires sur les lésions traumatiques des nerfs, et sur les 
troubles de la sensibilité, et je constatai que si quelques rares auteurs 
parlent tout à fait en passant de la dissociation de la sensibilité dans les 
lésions traumatiques des nerfs, de même bien peu dans leurs observations 
signalaient la recherche de l’étet de ces diverses sensibilités, et ces cons- 


944 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


tatations étaient d'autant plus étonnantes que, d’une part, Letiévant, sur- 
tout dans son Traité des sections nerveuses (1873), et ensuite W. Mitchell 
dans son livre sur les Lésions des nerfs et leurs conséquences (4874), atta- 
chent une grande importance à cette dissociation et que, d'autre part, 
dans toutes les observations de ces auteurs, sur la section ou la compres- 
sion totale des nerfs, comme d’ailleurs dans celles des autres auteurs où 
l'exploration a été faite dans ce sens, la dissociation de la sensibilité a été 
constatée plus ou moins nettement presque chaque fois que la névrite ne 
venait pas ajouter des symptômes spéciaux du côté de la sensibilité. Ges 
observations, prises uniquement dansla littérature française, forment déjà 
un groupe assez imposant, et j'ai d’ailleurs l'intention, dans un travail plus 
développé, de les rapporter et de les discuter en détail. Je suis persuadé 
en outre qu'elles seraient bien plus nombreuses, si la recherche des diffé- 
rentes sensibilités avait été plus souvent pratiquée. Signalons toutefois 
en passant que Letiévant en mentionne onze; W. Mitchel!, deux; Richet, 
deux ; M. Chaput, une, publiée par Kraussold ; M. Blum, une, etc. Toutes 
ces observations portent soit sur des sections nerveuses traumatiques et 
chirurgicales, soit sur des compressions. 

L’élude de ces dissociations à type syringomyélique consécutive à une 
lésion traumatique des nerfs, outre l'intérêt symptomatique, présente 
encore, je crois, un intérêt physiologique. De même que la syringomyélie 
a démontré que, comme MM. Brown-Séquard et Landy l’admettaient, trois 
sortes de cellules ganglionnaires de la moelle répondaient aux trois 
formes de l'impressionnabilité tégumentaire, de mème les dissociations 
dans lesnévrites, telle que la lèpre dans les maladies cutanées et dans les 
traumatismes que nous venons de signaler, semblent démontrer, ce qui 
d'ailleurs est presque absolument admis aujourd’hui, la présence d'appareils 
spéciaux périphériques répondant à chaque sensibililé spéciale. 

Comment peut-on expliquer dans les traumatismes des troncs nerveux 
celte dissociation? Je crois d’abord pouvoir rejeter toute idée de névrite, 
la guérison post-opératoire pour ainsi dire immédiate étant, à elle seule, 
suffisante. Pour Letiévant, les tubes nerveux anastomotiques des nerfs 
voisins pénètrent dans la région paralysée où ils suppléent imparfaite- 
ment les tubes du nerf privé de ses fonctions ; d'autre part, les appareils 
papillaires nerveux voisins de la plaque anesthésiée et qui dépendent des 
autres nerfs sains, entrent en excitalion par une sorte d’'ébranlement 
transmis et recueillent les impressions tactiles produites sur la région 
anesthésiée pour les transmettre au centre cérébral où se fait la percep- 
tion; les sensations tactiles, étant ainsi le résultat d’un double mécanisme 
physiologique, sont beaucoup plus nettes que les impressions de douleur 
et de température. 

Cette hypothèse ne me satisfait qu'en partie et je me permettrai de 
proposer la suivante. Le toucher est un sens spécial tout comme la vue, 
le goût, l’odorat, l’ouïe, existant chez les animaux même les plus infé- 


SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 945 


rieurs ; les sensibilités au froid, au chaud, à la douleur ne sont que des phé- 
nomènes de perfectionnement ayant acquis leur maximum chez l’homme. 
— La douleur, comme l’a dit M. le professeur Richet dans sa thèse, est 
une fonction intellectuelle et l'homme tient le premier rang aussi bien 
pour l'aptitude à la douleur que pour toutes les autres facultés intellec- 
tuelles. Lorsqu'un tronc nerveux est coupé ou comprimé, réuni aux 
centres nerveux de perception uniquement par les fibres anastomotiques 
des nerfs voisins, ne peut-on supposer que l'excilation extérieure est 
recueillie par les appareils spéciaux du toucher suffisamment puissants 
pour la faire parvenir, à travers les filets récurrents, jusqu'aux centres de 
perception, tandis qu’au contraire, les appareils spéciaux, chargés de 
recueillir et de transmettre les sensations thermiques et de douleur, 
appareils de perfectionnement et de luxe, ne sont point suffisants à les 
faire parvenir à leurs centres. 

L’expérimentation sur les animaux ne peut résoudre ce problème, et 
les expériences sur l’homme portant sur la compression expérimentale 
faites par MM. Vulpian et Bastien, W. Mitchell, par MM. Laborde et 
Morel, par MM. Richet, Soulié et Krishaber, n'ont pu non plus nous 
éclairer. 

Qu'il me soit encore permis d’insister sur le retour à la sensibilité par 
opération. Dans presque toutes les opérations où elle a été notée, qu'il 
s'agisse d’une décompression ou d’une suture nerveuse, la sensibilité suit 
une marche à peu près semblable, retour de la sensibilité à la douleur 
presque simultané avec celle au froid puis en dernier lieu progressive- 
ment à la chaleur. Il est remarquable que dans les quelques observa- 
tions où il y a perte de toutes les sensibilités, c'est le sens du toucher qui 
se rétablit le premier. 

Je n’insiste pas sur le retour rapide à la sensibilité, que l’on peut expli- 
quer par le rélablissement immédiat du courant nerveux, ou plutôt 
encore par la théorie de M. Brown-Séquard de la dynamogénie et de 
l’inhibition encore plus favorable à mon hypothèse sur la dissociation, 


AFFINITÉS ZOOLOGIQUES DES PANTOPODES, 


par M. S. Jourpain. 


Les travaux de divers naturalistes, de Dohrn en particælier, ont, après 
les essais de de Quatrefages, fait connaître d’une manière assez complète 
l'organisation des Pycnogonides ou Pantopodes. Toutefois, la place de 
ces Articulés dans la classification est demeurée indécise, certains les 
rangeant parmi les Crustacés, tandis que d’autres inclinent à les consi- 
dérer comme une forme marine d'Aranéide. 


946 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


La structure de ces animaux à l’état adulte ne fournit guère d’indica- 
tions propres à trancher le débat. Adressons-nous donc à l’'embryologie, 
qui a jelé tant de lumière sur plus d’une question obscure de parenté 


zoologique. 


Nos études ont porté surtout sur le Vymphon gracile, qui se trouve 
très communément à Saint-Vaast-la-Hougue. 

Comme un Balracien de notre pays, l’Alytes obstetricans, c'est le mâle 
qui porte les œufs pendant la période de leur développement larvaire. 

Les œufs sont fécondés à leur sortie des pattes de la femelle et se 
déroulent en un long cordon, que le mâle enroule en spirale serrée 
autour des appendices surnuméraires dont il est pourvu. 

Ainsi que Hoek l’a constaté, la segmentation se rattache au lype cen- 
trolécythe et aboutit à la constitution d’un embryon d'une forme spéciale 
au groupe des Pantopodes, auquel le naturaliste que nous venons de 
citer a appliqué le nom de Protonymphon. 

Le Protonymphon doit-il être regardé comme un vrai Nauplius ou ne 
se rattache-t-il point plutôt aux Aranéides, aux Acariens en particulier ? 

Au premier abord, on est frappé d'une ressemblance générale entre le 
Nauplius et le Protonymphon; mais un examen plus attentif nous montre 
des différences, que le tableau comparatif suivant met en évidence. 


Le Nauplius est un animal nageur 
dont tous les appendices présentent 
une conformation en rapport avec ce 
genre de vie. 

Les deux appendices antérieurs du 
Nauplius deviennent les antennes de 
l'adulte; la paire postérieure donne 
naissance aux mandibules ou plus 
exactement aux palpes mandibulaires. 


Les deux appendices antérieurs, du 
Nauplius sont innervés par la masse 
cérébroïde. 

Le tube digestif du Nauplius est 
pourvu d'un anus. 

Il existe un œil médian unique 
chez le Nauplius. 


Le Protonymphon est un animal 
marcheur ou plutôt destiné à vivre 
cramponné sur d'autres animaux ma- 
rins. 

Chez le Protonymphon, la paire an- 
térieure devient les antennes forcipu- 
laires de l'adulte, sans éprouver de 
modification profonde. La seconde 
forme les pulpes. La troisième dispa- 
rait par régression chez la femelle et 
se conserve chez le mâle, où elle 
constitue les pattes ovigères. 

Le premier appendice du Proto- 
nymphon est seul innervé par le 
centre sus-æsophagien. 

L'intestin du Protonymphon est 
aveugle. 

Le Protonymphon possède deux 
yeux rapprochés, mais distincts. 


Si nous comparons maintenant le Protonymphon à la larve hexapode 
d’un Acarien, nous trouvons des analogies frappantes. La conformation 
des membres, leur innervation, la structure du tube digestif, la dispo- 
sition des yeux sont les mêmes chez les deux larves. 


SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 947 


On peut donc à bon droit appeler le Protonymphon une larve aca- 
riforme. g 

Est-ce à dire que le type Nauplius n'ait pas laissé son empreinte sur le 
Protonymphon? Non, certes. 

D'ailleurs, le Nauplius est-il lui:même une forme primordiale des 
Crustacés? Nous ne le pensons pas, car il montre déjà dans sa conforma- 
tion des différenciations suffisantes, dans bien des cas, pour indiquer le 
groupe zoologique auquel il se ee 
! Il y a donc des raisons d'admettre que d’un oNctine nauplien sont 
dérivées par adaptation deux formes secondaires : l’une nageuse, le Nau- 
plius des Crustacés; l'autre marcheuse ou sédentaire, le Protonymphon. 

En résumé, les caractères embryogéniques des Pantopodes semblent 
indiquer une parenté plus proche avec les Aranéides qu'avec les Crustacés. 


SUR LES APPAREILS À CONTENTION, 


par M. L. MALAsSsEz. 


Depuis que j'ai présenté à la Sociélé de Biologie mes nouveaux appa- 
reils à contention, je leur ai apporté quelques perfectionnements; je crois 
bon de les faire connaître. 

D'une facon générale, mes premiers appareils étaient peut-être un peu 
trop grêles, ils risquaient d’être déformés par des animaux vigoureux 
qui se seraient débattus. — [ls ont été renforcés. 

Parfois les chats et les lapins arrivaient à changer la position donnée 
à leur tête, alors même que la vis qui maintenait le mors avait été forte- 
ment serrée. — J'ai fait appliquer à tous mes appareils le dispositif que 
j'avais adopté seulement pour celui du chien : la tige des mors, au lieu 
d’être à surface régulièrement cylindrique, a été taillée de façon à pré- 
senter une série de pans coupés qui l'empêchent de tourner dans la pince; 
puis, la pièce mobile qui dans la pince reçoit cette tige et lui donne 
sa direction, s'engrène maintenant dès qu’on serre la vis dans la partie 
sur laquelle elle se meut; elle ne peut donc plus glisser sur elle une fois 
le mors mis en place, et celui-ci conserve la direction ui lui a été 
donnée. 

Dans plusieurs de mes appareils, la vis qui servait à fixer l'anneau 
facial était placée au niveau même de cet anneau; la main qui la ma- 
nœuvrait se trouvait donc approcher de très près l’animal, et risquait 
d’être mordue ou égratignée. — J'ai fait placer cette vis, comme je l'avais 
déjà fait faire pour le contentif du rat, à l'extrémité d’une tige qui porte 
l'anneau facial à son autre extrémité et dont la longueur est suffisante 
pour que la main qui manie la vis ne risque pas d’être atteinte. 


948 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Enfin, dans les laboratoires où travaillent un assez grand nombre de 
personnes, il est peut-être préférable d’avoir un contentif spéciai pour 
chaque type d'animal; mais pour des observateurs isolés, il est plus 
simple, plus économique d’avoir au contraire le moins grand nombre 
possible d'appareils, d'en avoir pouvant servir à plusieurs animaux. — 
J'avais déjà pris soin que la même tige-support et que la même pince 
puissent servir à fixer plusieurs mors : ceux du chat, du lapin, du cobaye, 
du rat. J'ai fait plus, j'ai fait construire un nouveau mors pouvant servir à 
tous ces divers animaux; on n’a plus qu’une seule tige sur laquelle onfixe 
à volonté les crochets et anneaux appropriés à l'animal que l’on veut main- 
tenir; ces pièces peuvent être disposées de façon à placer l'appareil, soit 
à droite, soit à gauche de la tête de l'animal, et l’on peut donner aux ero- 
chets l'inclinaison que l’on veut. J'ajouterai qu’au lieu des divers pla- 
teaux que j'emploie, on peut n’en avoir qu'un seul, un grand, sur lequel 
on fixe une barre métallique percée de trous; cette barre sert à limiter 
l'espace nécessaire à l'animal et à lui attacher les pattes. 

Je signalerai en terminant une bien singulière coïncidence : un « do- 
cent » à l'Institut physiologique de l’université allemande de Prague, 
M. Steinach, vient de décrire et figurer (dans les Archives de Pflüger, fas- 
cicule du 21 oct. 1892) un prétendu nouvel appareil à contention pour 
lapins et cochons d'Inde. Or cet appareil ressemble extrêmement aux 
miens et M Steinach n’en fait aucune mention, ils lui sont cependant bien 
antérieurs et ont reçu, ce me semble, une publication très suffisante (1). 

IL existe toutefois quelques différences : 

Le crochet qui sert à saisir la nuque de l’animal a été disposé de façon 
à pouvoir s'élargir à volonté et à servir à des animaux de taille différente ; 
mais les branches du crochet ne sont pas allongées proportionnellement, 
ce qu’il eût fallu obtenir pour assurer une aussi bonne contention des 
animaux. C'est un peu comme si l’on élargissait les vêtements d’un enfant 
qui grandit sans les allonger. C’est pourquoi j'ai renoncé à ce genre de 
dispositif dont j'avais également eu l’idée, non seulement pour les cro- 
chets, mais encore pour les anneaux; j'ai préféré avoir autant de crochets 
et d'anneaux distincts que de types principaux d’animaux. 

La vis qui sert à fixer l’anneau sur la tige se trouve au niveau même 
de l’anneau, en sorte que l'on risque d'être griffé ou mordu en le 


(1) Ils ont été présentés tout d'abord à la Société de Biologie, séances des 
8 février et 31 mai 1890, puis décrits et figurés dans les Archives de méde- 
cine expérimentale, numéro du 1% mai 1891, figurés également dans le cata- 
logue du constructeur M. Mariaud, paru en 1890, et M. Laborde a repré- 
senté l’un d’eux dans son récent Traité de physiologie. J'ajouterai qu'ils ont été 
exposés l’année dernière à Londres au Congrès d'hygiène, qu'ils existent déjà 
dans bien des laboratoires, qu’ils ont été vus au Coliège de France par un assez 
grand nombre de visiteurs français et étrangers et entre autres par un ancien 
assistant à cette même université allemande de Prague. 


SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 949 


manœuvrant. Cette même disposition existait dans quelques-uns de mes 
premiers appareils; mais, je viens de le dire, je l'ai bientôt remplacée 
par une autre que j'avais appliquée déjà à d’autres de mes appareils et 
qui met à l'abri de cet accident. 

L'appareil de M. Steinach est tout entier en cuivre nickelé. Les miens 
sont en majeure partie en acier nickelé, ce qui est évidemment plus 
coûteux, mais fournit des appareils plus solides et plus légers tout à la 
fois. 

Je passe sur d’autres détails que les description et figure données ne 
me permettent pas d'apprécier avec assez de certitude. Ce que je viens 
de dire suffit pour montrer que cet appareil n’est pas nouveau, comme 
on le dit, et qu'il est plutôt inférieur à ceux qui l'ont précédé. J’ajouterai 
que M. Steinach n’a appliqué ce système qu’à la contention des lapins et 
des cochons d'Inde; tandis que je l’ai appliqué à celle des chiens, des 
chats, des rats, des poulets et des pigeons. On pourrait évidemment 
l’étendre à bien d’autres animaux encore. 


ROLE DES DÉGOBTURES DANS LES CARRIÈRES A CHAMPIGNONS, 
par M. J. CosTANTIN. 


Note présentée par M. Gasron BoNNIER. 


On désigne sous le nom de dégobtures les vieilles terres qui ont couvert 
une fois les meules à champignons.C'’est une règle assez générale en hor- 
ticullure qu'il ne faut jamais se servir deux fois des mêmes terres et du 
même fumier ; elle s'applique en tous cas d’une manière rigoureuse dans 
la culture du champignon de couche. 

Le vieux fumier, qui a encore une valeur commerciale, est remonté hors 
de la carrière pour être vendu. Il n’en est pas de mème des dégobtures ; 
non seulement elles ne peuvent pas se vendre, mais la main-d'œuvre né- 
cessaire pour les faire remonter en haut du trou et les faire voiturer 
dans un endroit où l'on puisse les accumuler, représente, au contraire, 
une dépense assez considérable. Aussi beaucoup de champignonnistes 
reculent-ils devant un pareil travail qu'ils jugent dispendieux et inutile et 
ils laissent les dégobtures dans les carrières qu’elles comblent peu à peu. 

J'ai voulu savoir quelle influence ces terres pouvaient exercer sur la 
culture et j'ai fait l'expérience suivante : 

Dans une carrière à champignons où toutes les meules avaient été 
recouvertes de terres nouvelles, j'ai fait réserver six places dénudées sé- 
parées les unes des autres par des terres fraiches. Sur ces six places ayant 
environ un mètre de long chacune, j'ai fait mettre des dégobtures. 


3 ! a cd 


950 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Le résultat de cette expérience a été d’une netteté absolnment saisis- 
sante. Sur toutes les meules couvertes de terres nouvelles il n’y avait pas 
un seul champignon malade atteint de la môle (1). Au contraire, sur les six 
lots couverts de vieilles terres, on pouvait presque dire qu'il n’y avait pas 
un champignon sain. Tous les champignons de ces six lots étaient malades 
et il v en avait bien environ une centaine sur chaque part. 

La maladie ainsi produite expérimentalement prenait même des carac- 
tères intensifs qu'on observe bien rarement et que, pour ma part, je 
n'avais jamais rencontrés. Sur trois de ces lots, tous les champignons ma- 
lades étaient soudés entre eux par leur base, de sorte qu'une longueur de 
10, 20 centimètres et plus de la meule était couverte d'une masse informe, 
blanche, bosselée, de 7 à 10 centimètres d'épaisseur, sur laquelle se dres- 
saient de très nombreuses têtes de champignons atrophiés. 

Il était impossible de voir un spectacle à la fois plus frappant et plus 
instructif. Ces dégobtures que les champignonnistes laissent imprudem- 
ment dans les carrières sont des foyers de pestilence qui y restent indé- 
finiment. Après chaque campagne, ces foyers s’accroissent dans la carrière 
et il se multiplient. Les industriels cherchent à les isoler, ils accumulent 
des pierres devant, mais les myriades d'êtres vivants qui pullulent dans 
la cave, rats, insectes, acariens, transportent des fragments de ces vieilles 
terres sur les terres nouvelles et la maladie apparaît de nouveau, puis se 
propage, s'étend. 

Il est bien certain que la pratique précédente qui consiste à laisser les 
vieilles dégobtures dans les carrières est la principale cause d'extension 
de la maladie. On ne saurait donc trop recommander de l’abandonner. 

Plusieurs autres conséquences sont aussi à tirer de l'expérience qui 
vient d’être relatée. 


I. — D'abord on voit combien la maladie épuise la meule, les blocs 
énormes de malière fongique qui se produisent ainsi, et que je viens de 
décrire, se forment très rapidement; le nombre des champignons atro- 
phiés est beaucoup plus grand que sur la partie saine de la meule. La 
puissance productrice de la meule se trouve épuisée très vite et l'on 
s'explique ainsi ce fait que j'ai rapporté ailleurs qu’une meule atteinte 
par la maladie dure moins longtemps qu’une meule saine (2). 

IT. — Une autre conclusion à déduire de cet essai est le suivant. Il 
suffit qu’il y ait des germes dans la partie superficielle de la meule pour 
que la maladie se manifeste. La contagion se produit dans ce cas très 
tardivement. C’est au moment où les petites fructificalions se forment 


(4) Cela sur une très grande étendue de carrière. Il s’agit de la première 
volée de champignons. 

(2) Costantin. La culture dans les carrières neuves, Bull. de la Soc. mycolog., 
séance de novembre 1892. 


SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 951 


que la maladie envahit l’Agaric, quand le blanc sort du fumier. C'est là 
d’ailleurs un résultat auquel j'étais déjà arrivé dans une étude expéri- 
mentale de la maladie de la môle dont je publierai prochainement les 
résultats. 

IT. — 11 suffit de quelques spores sur la terre de gobtage saine pour 
que lamaladiese montre. On conçoit, d’après cela, comment les faits extra- 
ordinaires que nous venons de relater peuvent se produire. Les courants 
d’air de la carrière, les moucherons, les mites disséminent partout les 
germes de la môle sur la meule, de sorte qu’en employant deux fois les 
terres à gobter la maladie apparaît sur tous les points et presque tous 
les champignons qui se développent dans l'expérience précédente sont 
malades. 


NOTE SUR LES MOUVEMENTS DES FEUILLES DE SENSITIVE 
SOUS L'INFLUENCE D'UNE DÉPRESSION ATMOSPHÉRIQUE, 


par M. GASTON BONNIER. 


Les mouvements si variés des feuilles de la Sensitive sous diverses 
influences ont été étudiés par de nombreux auteurs, et plus particuliè- 
rement, comme on le sait, par Paul Bert (4), mais l’un des points sur 
lesquels ils ne sont pas d'accord, c’est sur l'influence qu’une dépression 
atmosphérique exerce sur ces mouvements. 

Lorsqu'on fait le vide autour d’une Sensitive, pour Dutrochet (2), le 
pétiole commun se redresse un peu, les pétioles secondaires se rappro- 
chent légèrement et les folioles, en se relevant, tendent à prendre Ia 
position de sommeil ; pour M. Sachs (3), le pétiole commun s’abaisse et 
d’une manière générale les feuilles prennent la même position que pen- 
dant la nuit; pour M. Kabsch (4), les folioles seules se meuvent; pour 
M. Correns (5) le pétiole commun se relève un peuet les folioles prennent 
la position intermédiaire qu’on observe sous l'influence d’une température 
élevée. 

Ces divergences d'opinion tiennent à ce que deux effets contraires peu- 
vent se produire lorsqu'on fait le vide autour d’une Sensitive avec une 


(1) Paul Bert. Recherches sur les mouvements de la Sensitive, Mémoires de 
la Société des Sciences physiques et naturelles de Bordeaux, 3° cahier, 1866). 

(2) Dutrochet. Mémoires pour servir à l'Histoire naturelle des animaux et des végé- 
taux, T1, p 561, 1837. 

(3) Sachs. Vorlesungen, p. 725. 

(4) Kabsch. Botanische Zeitung, 1862, p. 345. 

(5) Carl Correns. Ueber die Abhängigkeit der Reizerscheinungen hôherer P flan- 
zen von der (regenwart freien Sauerstoffes, p. 94 à 99; Tübingen, 1892. 


952 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


machine pneumatique, et en variant la vitesse avec laquelle on fait le 
vide, on peut obtenir successivement pour les feuilles toutes les positions 
dont je viens de parler. 

Lorsqu'on opère très lentement au contraire, et en ayant soin que les 
feuilles ne se touchent pas les unes les autres et ne touchent pas les bords 
de la cloche, on voit toujours se produire des mouvements qui n'ont été 
décrits, à ma connaissance, par aucun auteur. Ces mouvements sont si 
nets, qu'on peut les suivre à chaque coup de pompe en observant une 
feuille de loin avec la lunette d’un catéthomètre. Ils se résument de la 
façon suivante : 

La Sensitive étant supposée au début, à la pression atmosphérique et 
dans la position de réveil, on voit le pétiole commun se redresser de 
façon à faire un angle beaucoup plus petit avec la tige, les pétioles 
secondaires s’écarter un peu les uns des autres, et les folioles se déjeter 
en dehors tendant à prendre une position inverse de celle qu’elles occu- 
pent sous l'influence de n'importe quelle autre cause. En somme, on peut 
dire que toutes les parties de la feuille sont dans une position de « surré- 
veil ». 

Mais à mesure qu’on abaisse la pression, ces mouvements ne continuent 
pas indéfiniment à se produire; cela se comprend d'autant plus facilement 
que pour des pressions très basses toute sensibilité des feuilles s’abolit 
chez la Sensitive. 

Si l’on fait le vide un peu plus vite, mais encore modérément, un léger 
courant d'air passe sur les feuilles, les folioles seules se redressent, c’est- 
à-dire oscillent en sens inverse du mouvement précédemment décrit ; 
c'est ce qui arrive lorsqu'on souffle très légèrement sur une feuille de 
Sensilive, et si le vide est fait ainsi assez complètement, pour que la Sen- 
sitive devienne presque insensible, la feuille reste dans cette position. 
C’est la position décrite par M. Kabsch. 

Si l’on fait le vide un peu plus rapidement, on voit le péliole commun 
se redresser un peu, mais les folioles se fermer et les pétioles secondaires 
se rapprocher, sous l'effet du courant d'air assez fort qui passe sur les 
feuilles. C’est ce qui se produit lorsque l’on souffle assez fort sur une 
feuille de Sensitive. C'est la position décrite par Dutrochet ou par 
M. Correns. 

Enfin, si l’on fait le vide très rapidement, on voit le pétiole commun 
s'abaisser, les pétioles secondaires se rapprocher complètement et les 
folioles s'appliquer hermétiquement les unes sur les autres sous l'influence 
du fort courant d’air qui passe sur les feuilles. C’est ce qui arrive lorsqu'on 
souffle très fort sur une feuille de Sensitive. C’est la position décrite par 
M. Sachs. 

En répétant ces expériences avec une Sensitive ayant un manomèlre 
inséré dans le renflement moteur et un autre dans la tige, je me suis assuré 
que la dépression ne se communique pas dans l’intérieur des tissus de la 


SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 953 


plante, même en maintenant le vide pendant trente-six heures. Il n’y 
a donc pas de changement de pression notable dans le renflement mo- 
teur, et ce doit être la différence entre la pression interne des tissus de- 
meurant sensiblement constante et la pression extérieure abaissée qui 
doit être la cause première de ces mouvements des feuilles qui n'avaient 
jamais été observés jusqu’à présent. 


SUR LES RAPPORTS DE L'ARTÈRE HÉPATIQUE, 


par M. En. RETTERER. 


J'ai été récemment amené à étudier les rapports que l'artère hépatique 
affecte avec la veine porte. On sait que les opinions sont variées à cet 
égard : la plupart des anatomistes disent que l'artère hépatique est 
placée chez l’homme en avant, c'est-à-dire du côté ventral, de la veine 
porte. D’autre part, Cruveilhier, Beaunis et Bouchard, Testut écrivent 
que l'artère est placée en arrière, c’est-à-dire du côté dorsal, de la veine 
porte. 

En voyant des observateurs aussi distingués que ceux que je viens de 
citer soutenir une opinion diamétralement opposée à ce qu’on peut cons- 
tater si aisément lorsqu'on sectionne en travers l’épiploon gastro-hépa- 
tique, il est infiniment probable que ces auteurs n'ont pas décrit de sim- 
ples anomalies. Il m'a donc semblé qu'il y avait lieu d'examiner la 
question de plus près. 

À la Faculté de médecine, M, Poirier a mis à ma disposition des sujets 
jeunes que M. Friteau s’est donné la peine d’injecter; à l’amphithéâtre 
des hôpitaux de Clamart, M. Sébileau m'a fourni des sujets ADULTES, 
Que mes collègues et M. Friteau veuillent bien accepter tous mes remer- 
ciements pour leur grande obligeance. D'autre part, j'ai injecté des 
chiens, des lapins et des cobayes, afin de vérifier si les connexions 
anatomiques sont les mêmes chez quelques-uns de nos mammifères 
domestiques. 

Voici les résultats auxquels je suis arrivé : 

Chez l’Aomme, aussi bien que sur les autres mammifères, il convient de 
distinguer, au point de vue des rapports, deux portions dans l'artère hépa- 
tique : la première portion s'étend du tronc cœliaque au point où l'artère 
croise la veine porte; la seconde portion comprend le reste de l’artère 
hépatique. 

Chez l’homme, aussi bien sur le fœtus et l’enfant que sur l'adulte, la pre- 
mière portion, après avoir pris naissance sur le tronc cœliaque, se dirige 
à droite en contournant le lobule de Spigel, mais son trajet n’est pas 


954 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


directement horizontal, ni transversal : sa direction est oblique du dos vers 
le ventre et de gauche à droite. En effet, l'artère hépatique, à son origine 
sur le tronc cœliaque, est située sur un plan qui, chez l’adulte, est de un 
centimètre au moins plus rapproché de la paroi dorsale du corps que le 
plan passant par le point où l'artère aborde et contourne la veine 
porte. À partir de ce dernier point, l'artère hépatique devient ascen- 
dante et se place sur le côté ventral de la veine porte, à gauche des canaux 
cholédoque, puis hépatiques. La branche collatérale, gastro-épiploïque 
droite, et les branches de bifurcation de l’artère hépatique sont égale- 
ment situées du côté ventral de la partie correspondante de la veine porte. 

Tels sont les rapports que l'artère hépatique et certaines de ses bran- 
ches affectent avec la veine porte : dans sa première portion, l'artère 
hépatique, près de son origine, est située sur un plan plus dorsal que 
la veine porte au moment où celle-ci émerge de la face postérieure du 
pancréas; mais peu à peu, l'artère, en approchant de la veine porte 
se place sur le même plan, et enfin, quand elle l’aborde, elle la contourne 
de gauche à droite et occupe vis-à-vis de la veine une position ventrale, 
qu'elle conserve dans sa seconde portion jusqu’au hile du foie. 

Les faits précédents me semblent expliquer les contradictions qui res- 
sortent de la lecture des auteurs. Ceux-ci prêtent à confusion par la facon 
trop concise ou incomplète dont ils ont fait la description des rapports. 
En établissant la distinction en première et seconde portions, on voit 
que l'artère est située sur un plan plus dorsal que la veine porte dans la por- 
tion initiale de ces vaisseaux, mais à leur point de rencontre, l'artère hépa- 
tique se place sur la face ventrale de la veine porte. 

L'examen de quelques mammifères domestiques montre que chez eux, 
il en est de même et confirme les conclusions précédentes. 

Chez le chien, par exemple, l'artère hépatique, après s'être détachée du 
tronc cœliaque, se porte de la colonne vertébrale, obliquement à droite 
et vers l’extrémité céphalique, du dos vers le ventre, sur une longueur 
de 4 centimètres environ. En approchant de la veine porte, elle la con- 

tourne de gauche à droite pourse placer sur la face ventrale. Comme chez 
l’homme, les collatérales et les branches de bifurcation de l'artère hépa- 
tique sont, à partir de ce point, situées du côté ventral de la veine. 

Les rapports des deux portions de l’artère hépatique sont les mêmes 
chez le lapin et le cobaye. 

-Sur une chatte que j'ai eu l’occasion d'examiner, les rapports des 
portions initiales de l’artère hépatique et de la veine porle sont les 
mêmes. À leur point de rencontre il y a une différence : la gastro- 
épiploïque droite et la branche droite de l'artère hépatique prennent 
naissance sur un tronc commun passant du côté dorsal de la veine porte. 

En résumé, chez les divers mammifères examinés, la portion initiale 
de l’artère hépatique est située sur un plan plus dorsal et plus près de 
l'extrémité céphalique que la première portion de la veine porte. Dès que 


SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 955 


EEE 


l'artère arrive près de la veine, elle se place, ainsi que ses collatérales et 
ses branches de bifurcation du côté ventral de la portion correspondante 
de la veine. Les conduits cholédoque et hépatiques n’ont des rapports 
immédiats qu'avec la seconde portion de l'artère hépatique, dont ils 
occupent le côté droit. 


SUR LA PRÉSENCE DE PARASITES DANS LES FOETUS NORMAUX, 


par M. le D' V. GazrpPs. 


Je désire présenter à la Société une courte observation à propos de la 
communication de M. B. Auché, dont je viens de prendre connaissance. 

Tout en admettant, dans le cas particulier, la parfaite exactitude des 
déductions de M. Auché, je tiens à appeler l'attention de la Société sur 
les faits suivants : 


À la suite de la constatation faite par moi de la présence de parasites 
dans les testicules sains, j'ai recherché également, si des fœtus recueillis 
dans des conditions normales renfermaient où non des parasites. J'ai pris 
des fœtus directement dans l'utérus chez des femelles de cobaye et de 
lapin et je les ai traités conformément à la méthode que j'ai exposée à la 
Société de Biologie. Dans la grande majorité des cas, j'ai obtenu des 
résultats positifs. 

J'ai également fait porter mes recherches sur des fœtus humains nés 
avant termeet, dans ce cas aussi, j'ai obtenu des résultats positifs. Toute- 
fois, ces résultats sont moins démonstratifs, puisque je pouvais avoir 
affaire à des fœtus anormaux. | 

Le seul point que je veuille mettre en lumière aujourd'hui est le sui- 
vant : l’imprégnation parasitaire de l’œuf peut se faire en même temps 
que la fécondation, et il n’est pas besoin d’invoquer le passage de ces para- 
sites au travers du placenta. 


Je publierai prochainement le résumé de la nombreuse série d’expé- 


riences que j'ai faites sur ce point et que j'ai terminées depuis l'été 
dernier. 


38. . 


956 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


SPASME RÉFLEXE BINAURICULAIRE CAUSANT LA SURDITÉ, 


par M. le D' GELLÉ. 


a 


Je désire communiquer à la Société un fait clinique intéressant en ce 
qu’il rend des plus manifestes la synergie des appareils d’accommodation 
des deux oreilles. 

Il s’agit d’un adulte intelligent, demi-sourd, qui, voulant se soulager 
de malaises ressentis dans l'oreille la plus mauvaise, Y\ versa sur le con- 
seil d'une bonne femme un liquide huileux. 

Aussitôt l'oreille opposée, la meilleure, devint absolument sourde ; et 
cette surdité dura quinze jours. 

Puis tout se rétablit ; l'audition de la parole redevint possible autant 
qu'auparavant. 

Pour comprendre ce phénomène de l'assourdissement d’un organe par 
une action exercée sur l’autre, il faut se rappeler les relations syner- 
giques qui les unissent l’un à l’autre, dans l’accommodation nécessaire à 
l'audition binauriculaire. 

J'ai démontré expérimentalement l'existence de cette fonction et montré 
ses effets par l'épreuve dite des pressions. En effet, chez le sujet dont les 
oreilles sont saines, à chaque pression faite sur le tympan droit, au 
moyen de la poire à air adaptée au méat, le son d’un diapason placé en 
face de l'oreille gauche est très sensiblement atténué ; et souvent ce son 
est éteint dans certaines conditions pathologiques (relâchement, ramol- 
lissement du tympan). 

Ce sont justement celles que présentent les oreilles de notre sourd. Un 
relâchement tympanique avec déformation, résultat d’une vieille otite, 
permet chez lui une traction en dedans exagérée, tout à fait anormale, 
de la chaîne des osselets et du tympan ; et par suite la contraction spas- 


modique synergique provoquée dans l'oreille bonne par le contact du 


médicament versé dans l'oreille perdue à pu causer l’immobilisation 
temporaire de l’étrier et la surdité consécutive. On sait que certains ver- 
tiges et bruits ne reconnaissent pas d'autre cause. 


Le Gérant : G. Masson. 


Paris. — Imprimerie de la Cour d'appel. L. Marerneux, directeur, 1, rue Cassette. 


VAL CA TO 


AR TT or EAN TR CE) Me EAST NE LE LE LT % 


957 


SÉANCE DU {7 DÉCEMBRE 1892 


MM. A. Przurer et A. Maugec : Note sur les lésions histologiques du rein produites 
par les sels de baryte sur les animaux, — M. E. Meyer : Procédé spectroscopique 
pour l'étude de la vitesse moyenne de la circulation du sang. — M. J. Tarmo- 
LOIX : Greffe pancréatique. — M. le Dr Ervanr ARrsSLAN : Traitement électrique de 
la diarrhée et du choléra chez les enfants. — M. Louis Bcaxc : Note sur les effets 
tératogéniques de la lumière blanche sur l'œuf de poule. — M. Mowssu : Sur la 
fonction thyroïdienne. Crétinisme expérimental sous ses deux formes typiques. — 
M. E. Gzey : Des effets de la thyroïdectomie. Remarques sur la communication de 
M. Moussu. — M. Paisauix : Sur une condition qui fait varier la forme de la Bac- 
téridie dans le sang d'animaux morts du Charbon. — MM. Cu. AcnarD et JuLES 
RENAULT : Sur les différents types de bacilles urinaires appartenant au groupe 
du Bacterium coli. — M. E.-L. Bouvier : Quelques observations anatomiques sur 
les Mollusques gastéropodes. — M. le D' R. Wurrz : De l'issue des bactéries 
normales de l'organisme hors des cavités naturelles pendant la vie. — M. A. Cuar- 
RIN : Diffusion des microbes dans l'organisme. 


Présidence de M. Chauveau 


NOTE SUR LES LÉSIONS HISTOLOGIQUES DU REIN 
PRODUITES PAR LES SELS DE BARYTE SUR LES ANIMAUX (1), 


par MM. A. PrLLIET et A. MALBEC, 


La toxicité des sels de baryum est connue depuis fort longtemps, et 
c'est à ces propriétés nocives que le carbonate naturel de baryte, la 
whitérite, dut d’être employé comme mort aux rats. Gependant les cas 
d'empoisonnement, chez l’homme, par les sels de baryum, sont assez 
rares, et dans les cas rapportés par Christison et Parkes Wash, la mort a 
toujours été accidentelle. Néanmoins les sels de baryum ayant trouvé de 
nouveaux emplois industriels dans les sucrateries, il importe de bien 
déterminer les lésions qui accompagnent l’'empoisonnement par l’absorp- 
tion de ces sels. 

Si l’on injecte sous la peau d’un chien une solution de chlorure de 
baryum à raison de 1 centigramme par kilogramme d'animal, la mort 
survient toujours dans les vingt-quatre à quarante-huit heures qui suivent 
l'injection; avec ds doses moindres, la survie est plus considérable, 
mais toujours les animaux soumis à cette expérience meurent après avoir 
présenté généralement des vomissements et de la diarrhée, une albumi- 


(1) Communication faite dans la séance du 10 décembre. Travail du labo- 
ratoire des travaux pratiques de physiologie et du laboratoire d'histologie. 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9€ SÉRIE. T. IV. 39 


958 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


nurie constante avec hémoglobinurie sans glycosurie, enfin la période . 
terminale est précédée de phénomènes convulsifs et paralytiques. 

A l’autopsie, on trouve tous les organes fortement congestionnés, mais 
l’'hyperhémie, à l’œil nu, porte surtout sur lintestinet le foie. Le cœur est 
arrêté en systole et on constate sous l’endocarde quelques eechymoses. 

Nous donnerons ici l'observation histologique de trois chiens tués dans 
les circonstances relatées plus haut, en commençant par celle de l'animal 
qui a présenté la survie la plus longue, et, par conséquent, les lésions les 
plus considérables. 


O8s. I. — Chien du poids de 14 kilogrammes. 

44 août. Injection sous-cutanée de 5 centigrammes de chlorure de baryum, 
pas de vomissement ni de diarrhée, l'animal paraît abattu, refuse de manger, 
et n'émet point d’urines le lendemain. 

Le 13, les urines recueillies sont plus abondantes et légèrement albumi- 
neuses et hémoglobinuriques; cette albuminurie, sans glycosurie, persiste les 
jours suivants. 

Le 18 août, nouvelle injection de 8 centigrammes de chlorure de baryum, pas 
d'émission d’urines le lendemain, diarrhée, pas de vomissements. Les jours 
suivants, urines albumineuses. 

Le 23, injection de 12 centigrammes de chlorure de baryum,; l'animal 
résiste, mais refuse de manger le lendemain; diarrhée, urines fortement albu- 
mineuses; l’albuminurie persiste les jours suivants, mais va en décroissant. 

Le 12 septembre, on pratique une injection de 20 centigrammes de chlorure 
de baryum, vomissement et diarrhée sanguinolente, albuminurie abondante; 
l'animal refuse les aliments pendant deux jours, reste couché, abattu; cepen- 
dant, il se rétablit progressivement, mais ses urines restent albumineuses. 

Le 12 octobre, un mois après la dernière injection, ce mème chien recoit 
sous la peau 20 centigrammes de chlorure de baryum ; l'animal meurt le len- 
demain, après avoir présenté des vomissements et une diarrhée sanguinolente 
abondante. Convulsions et contractures à la période terminale. 

A l’autopsie, cœur arrêté en systole, ecchymoses sous-endocardiaques. 
Intestins fortement congestionnés et remplis d’un mueus abondant et sangui- 
nolent, poumons congestionnés, cerveau et moelle allongée hyperhémiés. — 
Urines prises dans la vessie fortement albumineuses et hémoglobinuriques. 


Examen histologique. 


Reins. — Les lésions que l’on trouve dans les reins sont moins accentuées 
que celles qui caractérisent certaines néphrites toxiques, la néphrite mercu- 
rielle par exemple; sous la capsule, toujours épaisse chez le chien, se trouvent 
des lésions diffuses du labyrinthe. Les glomérules sont tuméfiés, riches en 
noyaux, leurs vaisseaux sont absolument congestionnés comme s’il s'agissait 
d’une injection de globules rouges poussée à force. Mais les lésions de la 
paroi elomérulaire, multiplication, végétation des cellules, etc., n existent pas 
ou sont trop faibles pour mériter une description spéciale. 

1! n'en est pas de même des lésions des tubes contournés ; ces lésions sont 
diffuses, c'est-à-dire qu'on les trouve réparties, sans ordre apparent, dans 


SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 959 
lg 
ti 
À _ tout le labyrinthe, et qu'elles ne prennent pas telle ou telle série de tubes, 
Fe * Elles portent surtout sur l'épithélium, la paroi des tubes étant respectée et ne 
présentant pas d'épaississement. La striation des cellules des tubes contournés 
est exagérée à ce point que chaque cellule paraît décomposée en plusieurs 
fragments et cet aspect semble dû à une hypersécrétion de mucus qui a lieu 
non seulement au bord libre des cellules mais encore dans toute l'épaisseur 
de celles-ci. Il s'ensuit une véritable désintégration de l'élément qui est réduit 
à une série de pinceaux protoplasmiques séparés par de l’exsudat. À un 
degré plus avancé, les produits de sécrétion qui exagéraient la striation des 
cellules se montrent beaucoup plus nombreux et constituent des agrégats de 
petites boules très fines. Sur une cellule prise comme type moyen on peut 
voir une bande de cytoplasma encore claire, transparente, colorée en gris de 
lin par l’hématoxyline, mais contenant déjà de très fins granules réfringents. 
Cette bande est appliquée à la paroi membraneuse du tube contourné, qui 
n'offre aucune lésion apparente; c’est elle qui contient le noyau volumineux, 
sphérique, sans nucléole et sans trace de division. 

Viennent ensuite les bâtonnets non réfringents, fortement colorés, séparés 
par des quantités variables de ces mêmes granules réfringents et incolores, et 

: enfin la moitié supérieure de la cellule est absolument bourrée de granules 
semblables, qui sont de plus en plus volumineux, mais toujours très fins. 
C'est ainsi qu'il est exceptionnel de voir les cellules sécréter les grandes 
vacuoles caractéristiques des empoisonnements plus aigus, tels que ceux de 
la cantharide, le mercure, etc. 

Les tubes contournés présentent des cellules ainsi envahies à différents 
degrés, suivant le point que l’on envisage, mais toutes à un même degré pour 
un même tube. Au degré le plus avancé, les tubes sont obstrués par ces 
petites boules réfringentes, produits de sécrétion, qui ne sont pas absolument 
albuminoïdes, mais qui contiennent des particules graisseuses, ainsi que l’on 
peut s'en assurer, par la safranine. Il s'ensuit que, malgré l’altération parfois 
considérable des épithéliums, on ne constate pas de cylindres hyalins typiques 
dans cette nécrose stéatosante. Ce fait la distingue nettement de la néphrite 
mercurielle. 

Notons ici que la portion protoplasmique des cellules adhérente à la paroi 
présente sur quelques points, restrein{s à la vérilé, les traces d'une nécrose 
de coagulation partielle. Tout le tissu qui entoure les tubes contournés offre 
des vaisseaux extrêmement congestionnés. 

À mesure que l’on descend dans le labyrinthe, les cellules prennent un 
aspect cassoté tout à fait spécial et sont séparées les unes des autres; leur 
plasma est homogène. Les stries, au lieu d’être exagérées comme plus haut, 
sont diminuées ou même disparues. Le noyau suit les mêmes variations : il 
est élargi, sans nucléole, fixant peu les réactifs, telle une ombre agrandie, 
ou bien il a tout à fait disparu. La nécrose de coagulation succéderait donc 
aux phénomènes dont nous avons parlé plus haut : la congestion vasculaire 
est toujours aussi intense partout. 

Dans les pyramides nous trouvons des lésions beaucoup moins accentuées : 
d'abord la congestion, qui s’observe à un degré marqué dans tous les capil- 
laires émanés des vaisseaux droits ; ensuite un état tout à fait particulier des 
tubes de Bellini. Alors que les anses de Henle sont intactes, les tubes droits 


960 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


présentent soit la striation, soit l’infiltration graisseuse des tubes contournés, 
quoique à un degré beaucoup moindre, puisque les cellules sont moins volu- 
mineuses. On observe même des cellules dans lesquelles l’exsudat, au lieu 
de se faire à la partie antérieure du corps cellulaire, se fait à la partie 
postérieure, le long de la membrane de soutien, en sorte que les cellules 
sont soulevées de la paroi par un agglomérat de cellules transparentes ; les 
noyaux se trouvent alors refoulés à la partie libre de l'élément. 


En résumé, nous observons ici une néphrite épithéliale avec infiltration 
en partie graisseuse des épithéliums du rein et surtout des tubes con- 
tournés. Cette néphrite s'accompagne, comme toutes les autres, de 
nécrose de coagulation, mais elle ne détermine pas la production de 
cylindres dans les tubes. Elle accompagne une congestion intense de 
tous les capillaires du rein. 


Intestin. — Il estextrêmement congestionné et présente de nombreuses ecchy- 
moses qui siègent dans les papilles; les glandes sont en général conservées, 
mais les papilles et les villosités de l'intestin du chien, très longues comme 
on sait, sont gorgées de sang et renflées en massue. La sécrétion muqueuse 
de leurs cellules caliciformes est exagérée. 

En certains endroits, assez rares, il existe de véritables ecchymoses du 
chorion et les villosités sont en parties tombées, mais ces endroits exulcérés 
sont très peu abondants. Tous les vaisseaux nourriciers sont naturellement 
très congestionnés. 

Cœur. — Les fibres cardiaques n'offrent pas d'altérations sensibles, et sur 
les coupes de cet organe on ne note qu'une congestion intense des vaisseaux 
avec exagération de la striation longitudinale comparable à celle qui se pro- 
duit dans les maladies infectieuses par liquéfaction du protoplasma. 


En résumé, les lésions des organes, sauf l'intestin, sont beaucoup moins 
caractéristiques que celles du rein. 


Ogs. IT. — Intoxication rapide. — Chien de 11 kilogrammes. 

9 août. Injection sous-cutanée dans la cuisse droite de 10 centigrammes de 
chlorure de baryum en solution dans 1 centimètre cube d’eau. Vomissements 
une demi-heure après l'injection; diarrhée sanguinolente; convulsions et con- 
tracture trois heures après l’injection ; mort le lendemain matin, 

À l’autopsie, cœur arrêté en systole; poumons congestionnés ; intestins 
contenant un mucus abondant et sanguinolent. Urines prises dans la vessie 
fortement albumineuses et contenant de l’'hémoglobine. 


EXAMEN HISTOLOGIQUE. 


L'intoxication a été plus rapide chez cet animal que chez le premier, 
aussi les lésions sont-elles un peu différentes. 


Reins. — Les glomérules sont extrêmement congestionnés et distendus par. 
les globules rouges. 11 existe en certains points un léger exsudat abbuminoïde 


SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 961 


entre la capsule et le bouquet glomérulaire. On trouve dans les tubes droits 
de véritables hémorragies remplissant complètement certains de ces tubes 
qui sont disposés par groupes parallèles. Mais les lésions les plus marquées 
sont celles des tubes contournés. Elles sont de tout point comparables à 
celles que nous avons décrites précédemment. Les cellules présentent dans 
leur partie profonde une exagéralion manifeste de la striation qui saute aux 
yeux avec tous les réactifs usuels aussi bien qu'avec le réactif de choix, 
l'hématoxyline. Cette striation est penchée dans l’âxe du courant urinaire et 
non perpendiculaire à la paroi du tube. Toute la portion superficielle des 
cellules est élargie, irrégulière, absorbante, et le protoplasma est rempli de 
granulations protéiques, en partie graisseuses, qui sont toutes très fines et ne 
se soudent pas les unes aux autres pour former de grosses vésicules. La 
lumière des tubes ne contient pas de cylindres hyalins, ni de cellules en 
nécrose de coagulation, elle contient seulement une masse granuleuse cons- 
tituée par ces mêmes gouttelettes des débris de protoplasma.et des noyaux 
difficilement colorables, contenant des cellules pariétales desquamées. Les 
noyaux des cellules encore en place sont dépourvus de nucléole et beaucoup 
d’entre eux se colorent très faiblement, surtout aux points dans lesquels la 
striation cellulaire est le plus accusée. Sur certains points même, les cellules 
sont tout entières envahies par les granulations granulo-graisseuses, et il n’en 
reste plus qu’une insignifiante charpente cytoplasmique. 

Poumon. — Il présente une congestion intense de tous ses vaisseaux avec 
des ecchymoses sous-pleurales et de petits foyers d'alvéolite hémorragique. 

Pancréas. — Cet organe offre une altération profonde de tous ses éléments, 
mais, comme il n'a pas été fixé par l'alcool absolu, cette altération peut être 
due à l’auto-digestion, et l’on n’en doit pas tenir compte. 

En résumé, les lésions de congestion sont {rès intenses, mais ce qui domine, 
c'est la dégénérescence granulo-graisseuse de l'épithélium des tubes con- 
tournés du rein. 


Oss. IL. -— À un chien du poids de 13 kilogrammes, nous injectons, le 5 août, 
dans la cuisse droite, 0 gr. 20 de chlorure de baryum «n solution dans 1 centi- 
mètre cube d’eau. 

L'injection, douloureuse, est accompagnée des plaintes de l'animal; une 
demi-heure après, des vomissements surviennent; deux heures après l’injec- 
tion, selles liquides, convulsions. Le lendemain matin, le chien est trouvé mort 
dans sa niche. 

A l’autopsie, congestion asphyxique et emphysème des poumons; cœur arrêté 
en systole, ecchymoses sous-endocardiques ; intestins fortement congestionnés. 
Les urines prises dans la vessie sont albumineuses et hémoglobinuriques. 


Examen histologique. 


Il s’agit, ici encore, d’un chien intoxiqué rapidement dans les condi- 
tions indiquées plus haut. 


. Reins. — Colorés à l'hématoxyline éosinée, ils montrent des lésions à peu 
près semblables à celles que l’on trouve dans les deux cas précédents. Les 
glomérules sont bourrés de globules rouges plus ou moins altérés et en grande 
partie dissous. Il existe un exsudat coagulable assez abondant dans la cavité 


962 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


glomérulaire. L'épithélium de la capsule de Bowman est tantôt intact, tantôt 
proliféré; ses cellules sont alors épaissies et sécrètent des vacuoles hyalines. 
La striation des tubes contournés est exagérée. Les vaisseaux qui sont à leur 
contact sont extrêmement congestionnés, les globules qu'ils contiennent sont 
en grande partie altérés, quoique la pièce aït été fixée fraîche par le liquide 
de Müller. En surcolorant les préparations par l’éosine, on observe que la 
teinte rouge-brique des globules rouges, altérés ou non, se retrouve dans 
l’épithélium des tubes contournés qui est au contact des vaisseaux dilatés, et 
si l’on cherche à préciser la répartition de cette teinte, on trouve qu'elle cor- 
respond à ces mêmes granulations protéiques que nous avons déjà vues et qui 
restent incolores dans les pièces traitées par le carmin d’alun. Il est donc 
permis de penser qu'une partie de l'exsudat des cellules striées se compose 
d’hémoglobine altérée et l'on peut comparer l’aspect de ces coupes du rein 
dans l'ictère chronique alors que l'épithélium sécréteur de Heidenhain est 
infiltré de bile. 

Les autres lésions sont exactement Iles mêmes que dans les précédents. 
Pourtant, la congestion des pyramides est beaucoup plus marquée et les 
cellules des tubes droits présentent un corps cytoplasmique absolument 
réduit, comme si tout le plasma s'était éliminé. Elles sont d'ailleurs fort 
augmentées de nombre; les hémorragies intra-tubulaires sont fréquentes et 
toujours disposées par petits groupes. 

Cœur. — Il présente des ecchymoses peu étendues dans l'épaisseur du 
muscle, sous le péricarde et l’endocarde. Ces ecchymoses sont constituées par 
des globules rouges en nature. Il n’y a nulle part de trace d’inflammation. 


Conclusions. — Dans les trois cas que nous venons de relater, la lésion 
dominante est celle du rein. Elle ne présente pas trace d’un processus 
inflammatoire, mais elle est caractérisée d'une part par les hémorragies, 
de l’autre par des dégénérescences épithéliales. Ces dégénérescences, qui 
se retrouvent identiques dans les trois observations, diffèrent tout à fait 
de la nécrose de coagulation si intense que l'on trouve dans les néphrites 
mercurielles. La sécrétion des cellules forme une espèce d'émulsion, en 
gouttelettes très fines, qui rappelle la dégénérescence granulo-graisseuse 
des anciens auteurs, mais qui est plus compliquée dans son mécanisme, 
comme on j’a pu voir d’après le détail des observations. 

L’intoxication accidentelle par les sels de baryÿte ne s’observe pas com- 
munément chez l’homme, ainsi que nous l'avons déjà dit, maintenant 
suriout que la physiologie a éclairé sur les dangers des préparations 
pharmaceutiques à base de baryte; il n’en est pas de même chez les ani- 
maux. Un chimiste employé dans une sucraterie, usine où l’on extrayait, 
à l’aide de la baryte, le sucre contenu dans les résidus des sucreries, nous 
a affirmé avoir vu des chiens domesliques succomber assez fréquemment 
à l'ingestion du sucrate de baryte qu'ils recherchent à cause de son goût 
sucré. Dans les sucrateries, la strontliane, tout à fait inoffensive, se subs- 
titue d’ailleurs de pius en plus à la baryte, à cause des propriétés toxiques 
de cette dernière base. 


SÉANCE DU 11 DÉCEMBRE 963 


PROCÉDÉ SPECTROSCOPIQUE 
POUR L'ÉTUDE DE LA VITESSE MOYENNE DE LA CIRCULATION DU SANG. 


Note de technique, par M. E. Mever. 


(Laboratoire de physiologie de la Faculté de médecine de Toulouse.) 


Tout le monde connaît le procédé de Héring pour mesurer la vitesse 
moyenne de la circulation; rien de plus simple en apparence : on injecte 
dans une veine jugulaire du ferrocyanure de potassium, on détermine le 
moment où le sang provenant de la jugulaire du côté opposé donne avec 
le perchlorure de fer un précipité de bleu de Prusse. Mais il est parfois 
difficile de dire dans quel échantillon de sang a réellement commencé la 
réaction et, comme la vitesse pour la circulation dans les veines jugu- 
laires est de seize secondes chez le chien (Héring-Vierordt), une erreur 
légère devient immédiatement très importante. 

De plus, ce procédé permet difficilement de démontrer expérimentale- 
ment, d’une façon frappante, à un auditoire le transport rapide des subs- 
tances introduites dans le torrent circulatoire. Le procédé qui fait l'objet 
de cette Note m'a paru mériter d’être communiqué à la Société de Biolo- 
gie, puisqu'il constitue à la fois un moyen commode de recherches et une 
expérience de démonstration facile à réaliser. 

J'avais été frappé, en étudiant au laboratoire de Lille, avec M. Werthei- 
mer, les effets de certaines substances sur le sang, de la rapidité avec 
laquelle on voit apparaître le spectre caractéristique de la méthémoglo- 
bine, et j'avais d’abord songé à injecter l’une de ces substances dans une 
veine et à examiner le sang dans la veine du côté opposé ; mais je n'ai 
pas tardé à reconnaître que, d’abord, la production de méthémoglobine, 
quoique très rapide, n’était pas instantanée, qu'il y avait un certain temps 
perdu, et que, dès lors, l'erreur d'appréciation était au moins aussi forte 
que dans le procédé de Héring. De plus, l'introduction dans l'organisme 
de substances aussi toxiques que celles que j'employais (aniline, pyro- 
dine, etc.) n’était pas sans agir, même à dose minime, sur le cœur et les 
vaisseaux : les conditionsnormales du cours du sang étaient modifiées, et 
les résultats obtenus ne pouvaient plus s'appliquer qu’à un cas très par- 
tieulier, celui de l’'empoisonnement par la substance qui avait servi de 
réactif. 

- Tous ces inconvénients disparaissent si au lieu de chercher à provo- 
quer dans l'organisme même, qui sert de sujet d'expérience, la production 
de méthémoglobine, on injecte dans le sang de l'animal de la méthémo- 
globine déjà formée ; dans ces conditions, l’action de la substance toxique 
qui se trouve dans le sang de la transfusion en quantité extrêmement 


964 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


faible, est évidemment négligeable. Rien de plus facile, d’ailleurs, que de 
prendre comme contrôle pendant l'expérience, soit le tracé du pouls au 
moyen d'un sphygmographe ne nécessitant pas d'ouverture d’artère, et 
analogue à la pince myographique de Marey, soit même le tracé des 
changements de volume périphériques suivant la méthode encore inédite 
de M. Francçois-Franck. Si alors une modification se produit, du fait de 
l'injection de sang chargé de méthémoglobine, soit du côté du cœur, soit 
du côté des vaisseaux, les appareils enregistreurs la signaleront immédia- 
tement. 

L'expérience, dès lors, comprend trois opérations : 

1° Préparation du sang chargé de méthémoglobine; 

2 Introduction de ce sang dans une veine de l’animal chez lequel on 
veut étudier la vitesse de la circulation; 

3° Observation au spectroscope du sang de l’animal transfusé; ces. 
deux derniers temps sont évidemment simultanés, et n'ont élé séparés. 
que pour la commodité de la description. 


1° Préparation du sang chargé de méthémoglobine : 

Ou injecte dans une veine d’un animal qu'on va sacrifier une certaine 
dose de substance méthémoglobinisante. La dose varie avec la substance 
choisie et il serait fastidieux de l'indiquer ici pour les nombreux corps 
qui peuvent être employés. Quelques centigrammes par kilogramme 
d’auimal suffisent. Il importe de ne pas injecter une dose trop forte, 
pour ne pas charger le sang-réactif de principes toxiques qui pourraient 
agir à leur tour sur l'animal à qui ce sang sera transfusé. Aussi est-il pré- 
férable, quand on en a le loisir, de faire ingérer la substance productrice 
de méthémoglobine par la voie stomacale, la veille de l'expérience; de 
la sorte, une partie du poison a pu s’éliminer par les urines. 

Quoi qu'il en soit, au bout d’une heure, si on a fait une injection intra- 
veineuse, le lendemain, si on a eu recours à l’ingestion stomacale, on 
pratique une saignée, on bat le sang et on le filtre à travers un linge fin 
pour recueillir les filaments de fibrine dont il importe de le débarrasser; 
on vérifie si ce sang présente au spectroscope les bandes caractéristiques 
de la méthémoglobine : une partie va servir à la transfusion. 


2° Introduction du sang chargé de méthémoglobine : 

Le point essentiel de cette petite opération consiste à ne pas modifier 
le cours normal du sang dans la veine par laquelle le réactif va pénétrer 
dans l’organisme. Il ne faut évidemment pas songer à poser une ligature 
sur le bout périphérique et à fixer une canule dans le bout cardiaque : 
une telle manœuvre troublerait profondément les conditions physiolo- 
giques de la circulation. Il ne faut pas songer davantage à piquer simple- 
ment la veine avec une seringue armée d’une aiguille : cette manière de 
faire manquerait de précision, puisque le début de l'injection, sa rapidité: 


SÉANCE DU 171 DÉCEMBRE 963 


dépendraient de l'aide chargé de la pratiquer. Je crois avoir tourné la 
difficulté en employant une canule de forme spéciale, construite d’ail- 
leurs pour prendre la pression latérale dans les artères sans interrompre 
le cours du sang, mais qui peut également servir dans le cas actuel. Ce 
petit appareil, construit sur mes indications par M. Verdin, consiste essen- 
tiellement en une espèce de fer à cheval : les extrémités du fer sont fixées 
dans les deux bouts du vaisseau seclionné ; au sommet du fer, un ajutage 
latéral est fermé par un mandrin; de la sorte, la circulation peut conti- 
nuer dans le vaisseau comme d'habitude, on n’a fait que substituer, 
à 2 centimètres de tuniques élastiques, un tube métallique coudé de 
3 ou 4 centimètres au maximum. En retirant le mandrin qui ferme 
l’ajutage latéral, on débouche une ouverture par laquelle, comme 
dans les canules artérielles du professeur Jolyet, on peut fixer l'extrémité 
d’un tube creux, destiné à être mis en relation soit avec un appareil me- 
sureur de pression, s'il s’agit d’une artère, soit avec le récipient qui ren- 
ferme le sang à injecter, dans le cas présent. Je n'insiste pas sur quelques 
détails de construction, notamment sur l’existence, dans les branches 
latérales du fer à cheval, de mandrins en baleine destinés, soit à fermer 
momentanément l’une des branches ou toutes les deux à la fois, soit à 
briser {es caillots qui viendraient à se produire : ces détails n’ont d’inté- 
rêt que lorsqu'il s’agit de pression artérielle latérale, dont il n’est pas 
question ici. 

L'ajutage latéral de la canule est relié à un récipient (flacon, éprouvette 
graduée, ete.) fermé par un robinet et une presse à vis permettant de régler 
la vitesse d'écoulement du sang chargé de méthémoglobine qui y est 
contenu. Au moment de l'opération, il suffira d’ouvrir le robinet pour 
laisser le réactif pénétrer dans la veine. Le tout est maintenu à la tempé- 
rature de l'animal. 


3 Observation du sang au spectroscope : 

La veine du côté opposé à l'injection reçoit également une canule en fer 
à cheval dont l’ajutage latéral est relié à un tube de verre fixé devant la 
fente du spectroscope. Ce tube de verre sera, au moment de l'expérience, 
traversé par un courant de sang, en nappe suffisamment mince pour 
donner nettement le spectre classique de ce liquide. Pour éviter toute 
espèce de retard, il importe de ne pas faire traverser à une tranche de 
sang un long système de tubes avant de présenter son spectre à l'œil de 
l’observateur; pour cette raison, le collimateur est placé très près de la 
région que traverse le vaisseau qui fournit le sang ; l'opération est surtout 
très commode sur les jugulaires, et il est facile de choisir sur les deux 
veines deux points un peu différents, de telle sorte que la différence, entre 
le point du vaisseau où se fait l'injection, et le point de la veine opposée 
où se fait la prise, soit précisément égale à la longueur de tube nécessaire 
pour amener le sang devant la fente. 


966 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Tout étant ainsi disposé, et la circulation continuant à se faire régulière- 
ment pendant tous ces préparatifs, on procède à l’opéralion. Du côté de 
l'injection, on ferme la canule en fer à cheval du côté périphérique de la 
veine, laissant ouvert le bout cardiaque; on ouvre le robinet du récipient 
qui renferme le sang à méthémoglobine et on pointe sur un chronomètre 
à secondes. Du côté du spectroscope, on ouvre au même moment l’ajutage 
latéral de la canule, et une nappe de sang passant devant l'appareil 
donne le spectre normal de l’oxyhémoglobine mélangée à de l’hémo- 
glohine. 

Au bout de quelques instants, on voit apparaître dans le rouge l’une 
des bandes caractéristiques de la méthémoglobine ou de l'hématine acide ; 
on arrête le chronomètre, l’opéralion est terminée : le réactif introduit, 
par exemple, à droite, dans le bout cardiaque d’une veine apparait à 
gauche dans le bout périphérique ; il a fait un tour complet dans le-temps 
indiqué par le chronomètre. 

Pour utiliser ce procédé en vue d’une démonstration, il suffit de pro- 
jeter sur un écran le spectre de la lumière électrique ou de la lumière 
Drumond, et de placer l’animal devant une fente sur le trajet du rayon 
lumineux. Avant l'injection, on aura sous les yeux le spectre du sang 
normal, auquel viendra s'ajouter au moment de l'expérience le spectre 
de la méthémoglobine injectée. Le pendule d'une horloge ferme à chaque 
seconde un courant qui actionne un timbre électrique, et tout un auditoire 
peut ainsi mesurer la vitesse de la circulation, avec une précision moins 
grande assurément que tout à l'heure, mais bien suffisante pour la démons- 
tration. 


GREFFE PANCRÉATIQUE, 
par M. J. TniroLoix. 


(Travail du laboratoire de M. Lancereaux, à l'Hôtel-Dieu.) 


J'ai l'honneur de communiquer à la Société de Biologie les résultats de 
mes premiers essais de greffe pancréatique. Toutes les expériences 
publiées Jusqu'aujourd'hui sous ce nom de « greffe » n'étaient que des 
ectopies pour la plupart ou des marcottes, La transplantation d’une por- 
tion de pancréas normal d'un chien sur un autre animal de même espèce 
n'avait donné que des insuccès. La glande, infériorisée par la suppression 
brusque de ses vaisseaux et nerfs, était digérée sur place et provoquait 
des phlegmons gazeux mortels. Nous basant sur nos expériences de sup- 
pression lente du pancréas, de dissociation expérimentale des sécrétions 


SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 967 


externe et interne de cette glande, nous avons été amené {le pancréas ne 
pouvant être remplacé dans :sa fonction fondamentale de régularisation 
de la consommation du suere que par du pancréas) à tenter la grefle de 
glande modifiée, privée de sa sécrétion externe qui constituait le prin- 
cipal, l'unique obstacle à la réussite de cette opération. 

Pour pratiquer la greffe, nous commençons par extirper le pancréas en 
injectant, dans ses canaux excréteurs, un mélange d'huile et de charbon 
(suie) stérilisé à l’autoclave à 120 degrés, pendant vingt minutes. 

Au bout de trois mois, la glande, quoique réduite à l’état d’un cordon- 
nel noirâtre, fonctionne d'une façon parfaite, puisque le chien n’est nulle- 
ment glycosurique, qu'il soit soumis au régime carné exclusif ou aux 
amylacés. L'examen microscopique de ces maigreurs glandulaires fait 
constater le farcissement par le charbon de tous les canaux excréteurs et 
le tassement des éléments sécrétoires et conjonctivo-vasculaires, devenus 
indistinets. 

Pour opérer la greffe, il suffil de diviser ce pancréas ainsi transformé 
en deux parties que l’on insère avec la plus grande rapidité dans l’épi- 
ploon de deux autres chiens. 

Les adhérences épiploïques à l'organe greffé se produisent avec une 
extrême rapidité. 

Si l'on examine à des dates de plus en plus éloignées, de un à vingt etun 
jours, les modifications subies par la greffe, on assiste à la disparition de 
la matière charbonneuse injectée, au développement de plus en plus con- 
sidérable des éléments atrophiés, étouffés, tassés dans le pancréas injecté, 
bref à une tentative de reconstitution de la glande. Histologiquement, on 
constate, sur les coupes faites sur la greffe, la présence de canaux excré- 
teurs tapissés d’épithélium cylindrique, et entourés de nombreux éléments 
cellulaires. Les cellules des acini deviennent globuleuses; elles renferment 
un protoplasma vitreux, transparent, avec un noyau bien coloré par le 
picrocarmin et l'hématoxyline. 

Deux chiens, ainsi greffés, ont subi l’ablation de leur propre pancréas. 
Ils sont morts au cinquième et au neuvième jour, sans avoir uriné de sucre. 
Au centre de la greffe de l’un d’eux, on trouva un kyste assez volumi- 
neux, rempli d’un liquide lactescent. 

Les greffes du pancréas, dans ces conditions tout à fait nouvelles, sont 
donc possibles. Elles paraissent conserver l’action de la glande normale 
dans son pouvoir sur la consommation du sucre. Nous avons communiqué 


en détail le manuel opératoire de ces greffes à la Société anatomique le 
2 décembre dernier. 


968 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


TRAITEMENT ÉLECTRIQUE DE LA DIARRHÉE ET DU CHOLÉRA CHEZ LES ENFANTS, 
par M. le D' ERVANT ARSIAN. 


J'ai observé à la Clinique des enfants de Padoue, où j'élais assistant, 
que le courant faradique appliqué directement sur la paroi abdominale 
faisait cesser en peu de temps la diarrhée des enfants qui en étaient 
atteints. J’ai alors appliqué ce traitement à treize malades de la Clinique 
et à deux dans la pratique privée, et cela avec succès. 

Il en est de même des cinq cas de diarrhée infantile (un de ces cas 
était choléra infantum) que j’ai eu à traiter ces temps derniers à Paris 
dans le service de M. le D' Jules Simon, à l'hôpital des Enfants-Malades. 

J'ajouterai que toutes les diarrhées n'ont été soumises à aucune autre 
médication, ce qui prouve l'efficacité de mon mode de traitement. 

J'ai aussi appliqué les courants électriques dans la diarrhée du choléra 
chez trois enfants (hôpital des Enfants-Malades). Tous trois ont été rapide- 
ment guéris. Deux d’entre eux avaient été traités en même temps par 
d’autres médications, et un seul, le plus gravement atteint, a été soumis 
seulement au traitement électrique. J’ai dit que la diarrhée avait cessé, 
mais les vomissements continuèrent. J’appliquai aiors un des rhéophores 
au cou sur le trajet du faisceau vasculo-nerveux (nerf pneumogas- 
trique?) et l’autre sur la région épigastrique durant une ou deux minutes, 
et les vomissements cessèrent pour ne plus reparaître. Aussitôt les symp- 
tômes généraux s’atténuèrent et les malades entrèrent dans la conva- 
lescence en quatre ou cinq jours. 

La machine à courant induit la plus simple est suffisante. L’intensité 
doit être assez forte pour produire des contractions visibles des muscles 
de la paroi abdominale. 

On applique les deux rhéophores sur le ventre en les mouillant très 
fréquemment, et en variant leur place. 

La durée de cette application doit être de une ou deux minutes au 
plus. 

Le courant est très bien toléré et ne produit aucune douleur. 

Les séances doivent être faites à jeun une fois toutes les vingt-quatre 
heures, et deux fois si le cas est grave, comme dans le choléra. 

En général, après trois ou cinq séances au maximum, la diarrhée s’ar- 
rête. En même temps, les autres symptômes (fièvre, vomissements, inap- 
pétence, agitation, etc.), s’atténuent. 

Dans certains cas, une seule séance suffit. Il est même arrivé qu'après 
une seule application, la diarrhée ait fait place à la constipation, au point 
que nous fûmes obligé de recourir au lavement purgatif. 

A l'exception de la diarrhée produite par la dysenterie, l’entérocolite 
ulcéreuse, cette méthode nous a donné dans toutes les autres formes 
d'excellents résultats. 


SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 969 


La diarrhée, qui est un des symptômes les plus rebelles de la tubercu- 
lose intestinale, a pu être aussitôt arrêtée pendant un temps suffisant pour 
permettre de relever la nutrition et les forces du petit malade. 

Il est probable que ce mode de traitement est parfaitement applicable 
à l’adulte. 

Je ne sais comment agit le courant faradique dans la diarrhée. D'après 
la courte durée et le nombre très limité des séances, la mauvaise conduc- 
tibilité électrique de la paroi abdominale, nous pensons qu'il s'agit d’une 
action réflexe sur l’innervation sécrétoire et motrice de l'intestin. 

En faisant cette communication, qui est un court apercu de nombreuses 
observations, nous n’avons pas la prétention d’avoir découvert un spéci- 
fique, mais simplement un nouveau moyen de traitement de la diarrhée, 
qu'on peut, s’il est nécessaire, associer aux autres médications. 


NOTE SUR LES EFFETS TÉRATOGÉNIQUES 
DE LA LUMIÈRE BLANCHE SUR L'OŒUF DE POULE, 


par M. Louis BLanc. 


(Laboratoire d'anatomie de l'École vétérinaire de Lyon.) 


Dans une précédente Note (1), nous avons indiqué l'influence exercée 
par la lumière blanche sur l'orientation de l'embryon dans l'œuf de 
poule. Les mêmes expériences nous ont prouvé que cet agent a une action 
très active et défavorable sur la vie du germe. Uniformément désastreux 
pour l'embryon, dans les conditions où nous nous sommes placés, les 
résultats varient cependant suivant la façon dont la lumière est utilisée, 
et suivant l’individualité du germe. 

Lorsque, avant l’incubation à l’étuve normale (39°,1) on soumet l’œuf 
à l’action de la lumière, à une température relativement basse (35 degrés), 
et pendant un temps plus ou moins long, on constate des résultats divers, 
mais qui peuvent être groupés en une série dont les termes offrent un 
caractère de gravité de plus en plus considérable : 

a). — L’embryon est normalement conformé, mais il se trouve à un 
stade moins avancé que ne le comporte la nat de l’incubation : par 
exemple, un œuf, après soixante-douze heures de séjour à l’étuve, ren- 
ferme un embryon qui, d’après l'Atlas de M. le professeur Mathias Duval, 
n'aurait que cinquante-deux heures environ. Ce retard dans l’évolution 
du germe n’est pas proportionnel à la durée de l'éclairage. C’est ainsi que 
nous l'avons trouvé égal au quart de la durée de l’incubalion chez un 


(4) Voir C. R. de la Soc. de Biologie, 15 oct. 1892. 


970 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


œuf éclairé pendant sept heures, et à un sixième seulement pour un autre 
soumis à l’aclion de la lumière pendant vingt-quatre heures. 

b), — Le retard de l’évolution de l'embryon est accompagné d’un déve- 
loppement imparfait de l’aire vasculaire : tantôt elle est trop petite par 
rapport au germe; d'autres fois, ses vaisseaux ne renferment qu'un liquide 
incolore ; ou bien les îles du sang se développent d’une façon irrégulière | 
et ne renferment des globules qu’en certains points; enfin l'arrêt de for- 
mation peut être complet. 

c). — Ces états imparfaits de l’aire vasculaire coïncident souvent, mais 
non toujours, avec des conformations anormales de l'embryon ou de 
l’amnios : absence ou atrésie de l’amnios, hydropisie, hétérotaxie, om- 
phalocéphalie, eyclopie, atrophie de la tête, ete... 

d). — Enfin, mais très rarement, l'embryon est informe, rudimentaire, 
ou mort. 

L’éclairage préalable de l’œuf détermine donc dans la cicatricule un 
élat de malaise qui persiste dans le blastoderme, et se traduit par un 
ralentissement dans l'évolution du germe (un tiers des cas), ou des arrêts 
de développement de l’amnios, de l'aire vasculaire, et de l'embryon lui- 
même (deux liers des cas). 

Lorsque l’on soumet l’œuf à l’action de la lumière pendant l’incubation 
même, les effets sont toujours bien plus accentués. Dans un quart des cas 
seulement l'embryon est normalement constitué, mais en retard dans son 
évolution, et dans le reste des cas on trouve des étais anormaux qui 
offrent généralement un caractère de haute gravité. 

Les monstruosités proprement dites sont rares, et consistent en sco- 
liose, torsion de la tête, hétérotaxie, atrophie de la tête, arrêt général de 
l’évolution, etc... Le plus souvent, l'embryon est resté profondément 
atteint, informe, rudimentaire ou presque nul; à maintes reprises il a 
même fait totalement défaut. 

En même temps l'aire vasculaire présente des particularités de même 
ordre : arrêts de développement à divers degrés, toujours bien plus mani- 
festes dans la région la plus éclairée. Souvent nous avons trouvé le sinus 
terminal rectiligne du côté illuminé, de telle sorte que l'aire vasculaire 
était fortement échancrée en cet endroit. 

Enfin l'influence de la lumière peut être plus énergique encore et 
déterminer, non seulement un défaut de formalion de l'aire vasculaire et 
de l’embryon, mais empêcher partiellement le développement du blasto- 
derme. C'esl ainsi que nous avons trouvé des blastodermes sans embryon 
et échancrés du côté éclairé, — ou réduits à une moitié de calotte sphé- 
rique, — ou même transformés en une couronne régulièrement circulaire. 
Dans ce dernier cas, la lumière exerçant son action exactement au niveau 
de la cicatricule, le blastoderme se détruisait au centre en même temps 
qu'il s’accroissait à la périphérie par la prolifération de ses cellules 
marginales. 


SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 971 


Les effels que nous venons d’énumérer sont remarquables par leur 
gravité. Cela tient à ce que la lumière employée était intense, et appli- 
quée pendant longtemps (jusqu'à soixante-quinze heures). L'agent per- 
turbateur agissait done avec brutalité et déterminait des troubles pro- 
fonds. Certaines expériences nous permettent de dire que la gravité des 
modifications varie avec l'intensité de la source lumineuse, et dans un 
autre travail nous indiquerons les effets de la lumière suivant sa quantité 
et sa qualité. 

Les résultats ci-dessus montrent que : 


4° La lumière blanche a une action nuisible sur les fonctions des cellules 
du blastoderme dans l'œuf de poule; elle ralentit, trouble ou empêche leur 
multiplication ; 

2° Cet agent a sa plus grande activité lorsque les cellules blastodermiques 
sont elles-mêmes en période active, c’est-à-dire pendant l’incubation. 

3° L'action de la lumière sur les cellules de la cicatrice leur imprime une 
modification durable, qui se manifeste au cours de l’incubation; 

4° La lumière, comme toutes les forces qui modifient l’état des cellules 
du germe, es{ un agent tératogénique, qui permet d'obtenir des formes 
monstrueuses variées. 


En somme, la lumière gêne l’évolution des cellules du germe dans l’œuf 
de poule. Ceci donne la clef des phénomènes de déviation que nous avons 
signalés dans les embryons développés sous cette influence. 

Le croissant qui délimite la région postérieure de l'embryon, le nœud 
de Hensen, point de départ de la ligne primitive, la ligne primitive elle- 
même, sont la conséquence d’une exagération de la segmentation des élé- 
ments ectodermiques, de la vie cellulaire dans une zone déterminée de la 
cicatricule. 

Or, la lumière gène les phénomènes vitaux des cellules de l'embryon; 
si un œuf est éclairé inégalement dans la région cicatriculaire, la zone la 
plus vivante correspond aux points les plus obscurs. Par conséquent, le 
croissan!{, puis le bouton de Hensen, et enfin la ligne primitive se consti- 
tueront dans la partie la plus éloignée de la source lumineuse. 

C’est pour cela que, dans nos expériences, l'embryon se formait avec 
une orientation anormale, et l'extrémité coccygienne du côté de la région 
obscure. 


972 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


SUR LA FONCTION THYROÏDIENNE. 
CRÉTINISME EXPÉRIMENTAL SOUS SES DEUX FORMES TYPIQUES, 


par M. Moussu, 
Chef de clinique à Alfort. 


Dans la séance du 30 juillet 1892, j'ai eu l'honneur de vous exposer 
brièvement les principaux résultats que j'avais obtenus, chez quelques- 
uns de nus animaux domestiques, dans mes recherches sur la fonction 
thyroïdienne (1). 

Plus récemment, au Congrès de physiologie de Liège, j'ai fait connaître 
ces mêmes résultats, additionnés de quelques autres concernant les car- 
nassiers, ainsi que les conclusions qui me paraissaient en découler. 

Ma Note, présentée en juillet 4892, bien que ne comportant que les 
matériaux d’une simple communication, a été, à mon insu, publiée comme 
mémoire. Certains points de détail manquaient; aussi les faits exposés 
ont-ils été discutés, et, dans une critique récente (2), M. Gley a présenté 
nombre d'observations sur lesquelles il me paraît utile de revenir. 

Je n’ai pas obtenu, sur mes lapins d'expérience, des résultats identiques 
aux siens, et M. Gley se demande tout de suite si j'ai bien fait des thyroï- 
dectomies complètes? Il ajoute que c’est au physiologiste, qui a trouvé ces 
résullats différents, à les expliquer. 

Je m'exécute. J’ai fait apporter ici trois lapins ayant subi récemment 
la thyroïdectomie complète (extirpation des corps thyroïdes et des glan- 
dules accessoires, telle qu’elle a été indiquée par M. Gley lui-même). 

Le premier, âgé de six mois, a été opéré le 14 novembre 1892; le 
second, âgé de dix-huit mois, le 15 novembre 1892, et le troisième, quatre 
mois, le 26 octobre 1892. Aucun n’a élé malade apparemment. Toutefois, 
le troisième, celui opéré à l’âge de quatre mois, est resté extrêmement 
maigre, et a actuellement une arthrite du jarret gauche. 

Les opérations datent de plus d'un mois; j'ai, aujourd'hui, le droit 
d'affirmer, je pense, que la période des accidents aigus est passée, 
puisque M. Gley ne les a lui-même jamais constatés au delà d’un mois. 
Pourquoi? 

_ Parce que je n'ai pas enlevé tout le tissu thyroïdien? Je serais heureux 
qu’on veuille bien faire l’autopsie de ces lapins. M. Gley pourrait me con- 
trôler. S'il existe encore des fragments de corps thyroïde ou de glandules 
accessoires, si je n’ai pas fait la thyroïdectomie complète, telle qu'elle a été 
indiquée, j'accorderai, avec la plus grande sincérité, que mes expériences 
sur le lapin n’ont pas la valeur que je leur ai accordée. Si, au contraire, 


(1) Bulletins de la Société de Biologie, 5 août 1892. 
(2) Gley. Remarques sur quelques travaux récents, concernant la physio= 
logie de la glande thyroïde (Archives de physiologie, octobre 1892). 


SÉANCE DU Â7 DÉCEMBRE 973 


on reconnait que la thyroïdectomie a été complète, eh bien, je ne contes- 
terai pas d'une facon absolue les résultats obtenus par M. Gley, mais je 
me contentlerai de répéter : 


« En admeltant qu'il y ait parfois des accidents à la suite de la thyroï- 
dectomie complète chez le lapin (j'ai eu des accidents dans la proportion 
de 1 sur 5 environ), en dehors de toute complicalion opératoire, je crois 


que ces accidents sont beaucoup moins fréquents que ne l’a indiqué 
M. Gley (1). » 


Cette conclusion, je l’ai signalée en juillet 1892, je l’ai répétée au Con- 
grès de Liège, je la maintiens aujourd'hui et j'en offre les preuves. 

M. Giey, dans sa critique, ajoute : « Pour toutes ces raisons {ii se 
demande si j'ai bien fait des thyroïdectomies complètes, et s’il n'existait 
pas de glandes préaortiques), je ne puis donc m'empêcher de remarquer 
que ce ne sont point des résultats positifs, comme ceux que j'ai constatés, 
qui pourraient être infirmés par des résultats négatifs, d'autant plus que 
ces derniers n’ont été que partiellement négatifs (les miens); ce sont ceux- 
ei qui ont d'abord besoin d’être expliqués, et c'est au physiologiste qui les 
trouve de se poser d’abord la question de savoir pourquoi il observe celte 
discordance? » 

A cette queslion, j'ai donné une réponse basée sur des faits, mais, 
d'autre part, sont-ce bien des résultats positifs que M. Gley a obtenus dans 
toutes ses expériences, comme il le dit? Il a déterminé la mort chez beau- 
coup de ses lapins, c'est possible, mais en quoi ces résultats sont-ils 
positifs? Est-ce cette terminaison expérimentale qui nous livrera la solu- 
tion depuis si longtemps cherchée ? 

Je re le pense pas, el j'estime au contraire que ce sont les cas de survie, 
ceux pour lesquels il sera prouvé que les qlandules accessoires et les corps 
thyroides auront été exlirpés en totalité, qui pourraient représenter les 
véritables résultats positifs. 

J’en offre trois, et j'en présenlerai quand on le voudra. 

Sans doute, on pourrait m'objecter que les opérés que je présente ici 
n'ont subi l’ablation thyroïdienne que depuis trop peu de temps, et que 
l’avenir leur réserve sans doute une évolution lente des troubles chro- 
niques décrits (2). Peut-être, mais il n’y a là rien de bien nouveau, et ces 
cas ne servent qu’à justifier l'opinion émise, il y alongtemps, par Horsley, 
à savoir que la thyroïdectomie doit, avec le Lemps, provoquer la cachexie. 
Les expériences que je rapporterai dans un instant el les opinions que j'ai 
émises antérieurement en fourniront l'explication physiologique. 


(1) Gley. Archives de physiologie, janvier 1892; Moussu. Mémoires de la Société 
de Biologie, t. IV, 1892, p. 273. 
(2) Gley. Arch. de physiol., octobre 1892. 
39: 


974 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


——————_—._—_—_—_—_—_—_—_—————…—.——“———…——…—.—.—…—…—…—….…—…—…—…—….—.—.—…——…—.—.—.—…—.—_————————————————E 


Quant aux questions de suppléances possibles de la pituitaire et de la 
rate, je ne veux pas m'y attarder un seul instant, parce que Je croirais 
m'engager dans une voie sans issue, et m'égarer dans le domaine des fan- 
taisies expérimentales à interprétations illusoires. 

Je ne veux pas pousser cette discussion plus loin; j'expose les faits et 
je fournis les preuves de ma manière de voir. Je me contenterai simple- 
ment, en terminant, d’opposer aux idées trop absolues, je crois, de M. Gley, 
ses propres résultats. 

Dans ses premières expériences (Archives de physiol., janvier 1892) sur 
16 thyroïdectomies complètes, 14 ont provoqué la mort,une n'a déterminé 
que des accidentslégers, et la dernière n’a provoqué aucun trouble. (Encore 
faut-il ajouter que les sujets faisant l’objet de ces deux observations 
avaient reçu chacun une injection de suc thyroïdien ?) 

Dans ses dernières expériences (Archives de physiol., octobre 1892), 
16 opérés sont encore en ligne (deux morts par embolie, ne pouvant comp- 
ter). Neuf seulement sont morts avec accidents aigus; deux ont survécu 
(parce qu'ils avaient reçu une seule injection de liquide thyroïdien?) ; 
deux autres n'ont pas eu d'accidents aigüs, mais sont devenus cachec- 
tiques avec le temps. Enfin, trois n’ont pas présenté de troubles apparents. 
Ce sont là des résultats légèrement différents les uns des autres. 

Et il est plus que probable que M. Gley n’a cependant pas été moins 
habile dans sa deuxième série expérimentale que dans sa première ? 

En ce qui concerne mes expériences sur Les chevaux, M. Gley, qui croit, 
avec beaucoup trop de bonne ‘volonté, que je suis en désaccord avec la 
majorité des expérimentateurs actuels, estime « que j'aurais aussi bien 
fait de ne pas mentionner des expériences aussi dépourvues de significa- 
tion que celles que j'ai faites dans le cours de l'hiver 1890 ». 

Ce n’est pas là une appréciation flalteuse, mais je ne saurais m'en 
froisser, puisque cette appréciation me permet de dire que, si pour lui, ces 
expériences n'ont pas de valeur, elles démontrent au moins, pour d'au- 
tres, que la thyroïdectomie simple ne provoque pas, chez le cheval, l’ap- 
parition des accidents aigus dont on constate souvent la manifestation 
(après 24, 36, 48 ou 72 heures) chez Îles carnivores à la suite de cette 
même thyroïdectomie simple. 

Mes expériences faites sur l'âne (mai 1890) et sur le cheval (avril 1892), 
démontrent péremptoirement ces mêmes conclusions « que l'extirpation 
des glandes thyroïdes reste sans effets immédiats », avec cette réserve tou- 
tefois que, sur le jeune sujet d'avril 1892, il s’est produit des troubles vas- 
culaires cutanés le lendemain de l’opération. 

Quant à l'extirpation de glandules accessoires, il ne faut pas croire que 
chez le cheval rien n’est plus facile que d’aller à la recherche de ces glan- 
dules hypothétiques, à position inconstante, aux différentes hauteurs de 
a région cervicale. IL y a là un champ opératoire de 50, 60 ou 70 centi- 
mètres de long, qui, sur le vivant, ne peut être exploré en totalité que par 


SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 975 


l'imagination, car la réalité abandonnerait l'opérateur, dès le début de sa 
tentative! 

Enfin M. Gley trouve singulier que je n’aie pas rencontré chez le cheval 
les homologues des glandules du lapin. C'est peut-être singulier en effet, 
mais je n’en suis pas la cause; et comme je prétends avoir une certaine 
compétence en cette matière, M. Gley me permettra de m'en tenir à ma 
première opinion. Vouloir que les choses soient de telle ou telle façon ne 
suffit pas, l’idée n’a de valeur que si elle est appuyée par des faits. J'af- 
firme que, chez le cheval, il n’y a pas d’homoloques constantes des glan- 
dules accessoires du lapin. 

D'ailleurs, à côté de Sandstrôm, il y a eu d’autres anatomistes distin- 
gués, et si des maîtres tels que MM. Chauveau et Arloing ne signalent 
pas comme existant assez souvent les glandules que M. Gley tiendrait à 
voir figurer chez le cheval, c'est que probablement ils ne les ont pas ren- 
contrées. 

J'ai dit brièvement ce que j'avais trouvé dans mes recherches sur les 
glandules thyroïdiennes accessoires (1), je le maintiens, et je serais heu- 
reux de voir mon distingué contradicteur faire les mêmes recherches 
avant d'émettre des hypothèses que je considère comme erronées. 

Mes expériences sur le mouton, la chèvre et Le porc, de même que 
celles pratiquées sur le cheval, ne sont pas décisives et ne justifient pas 
mes conclusions, dit-il ! 

Je pourrais encore m'attarder à discuter, je ne m'en donnerai pas la 
peine, car M. Gley paraît par trop intéressé à faire croire que mes expé- 
riences n’ont pas la valeur que je leur ai attribuée. 

Un seul point m’arrêtera avant de vous faire connaître mes résultats 
nouveaux, c'est celui qui a trait à la production expérimentale du myxcœæ- 
dème chez les animaux domestiques. 

M. Gley, sur ce point, revendique la priorité, en apportant à l'appui 
deux cas de cachexie décrits chez le chien et le lapin (2). 

Surpris de cette réclamation, je regrette de ne pouvoir l’accepter. 

M. Gley a observé sur les animaux signalés une certaine cachexie, dans 
laquelle le caractère dominant est justement l'absence absolue du myxe- 
dème ; il est donc difficile de comprendre sa réclamation de priorité, et 
plus impossible encore d'y faire droit. La cachexie thyroïdienne quil a 
observée est celle décrite depuis longtemps par Wirchow, sous le nom de 
cachexie thyroïdienne atrophique. D'ailleurs, un certain état de la peau 
et la chute des poils ne suffisent pas à caractériser le myxœædème. 

Deux mots pour terminer. M. Gley prétend que je suis en désaccord 
avec la majorité des expérimentateurs actuels. En désaccord avec lui 
peut-être; avec tous les autres, non. Dans une revue eritique et histo- 


(4) Moussu, Compt. rend. de la Soc. de Biologie, 5 août 1892. 
(2) Archives de physiologte, janv. 1892. 


976 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


rique parue cette année même, Horsley rappelle que Sanquirico et Orec- 
chia d'une part, et lui-même de l’autre, dans leurs expériences sur le 
mouton, n’ont pas observé d’accidents ; que Horsley et Munk n’ont pas eu 
non plus d’accidents immédiats chez le porc; que Rapp arrive à la même 
conclusion pour la chèvre, etc., etc., et il termine en disant qu'il serait à 
souhaiter que toutes ces expériences fussent reprises et contrôlées. 

J'ai répété toute la série, je l'ai complétée et je suis arrivé à une con- 
clusion générale qui concorde avec celles émises individuellement par 
chacun de ces expérimentateurs. 

Il n'y a pas d'accidents immédiats après la thyroïdectomie, et si une 

cachexie tardive doit se déclarer, comme Horsley le donne à entendre, 
elle ne peut être que très tardive (1). 
. Enfin j'ajouterai qu’au récent congrès de Liège, M. Slosse a présenté 
un chien thyroïdectomisé depuis treize mois. J'ai assisté à l’autopsie ; 
MM. Hurthle et Slosse ont recueilli des organes qu'ils étaient en droit de 
considérer peut-être comme des glandules accessoires, mais que, pour ma 
part, j'ai déclarés là-bas, des organes Ivmphatiques. Les examens histolo- 
giques de M. Slosse ont prouvé que j'avais raison ; on n’a pas trouvé de 
glandules accessoires, et cependant le chien avait survécu (2). 

Je maintiens donc entièrement mes premières idées. 


Crétinisme expérimental chez les jeunes animaux. 


J'aborde maintenant la seconde partie de ma communication, de 
beaucoup la plus intéressante, car elle a trait a des expériences et des 
résultats qui, à mon avis, ont une réelle valeur. 

Au congrès international de Liège (3), j'ai donné un certain nombre de 
conclusions, au nombre desquelles figure celle qui a trait au rôle du 
corps thyroïde pendant le jeune âge, conclusion que j'avais déjà émise 
en juillet 4892, avec quelques preuves à l’appui. 

Les expériences ci-après ne peuvent laisser subsister aucun doute, car 
tout en confirmant mes premières vues, elles démontrent que l’on peut 
réaliser à volonté, suivant que l’on opère chez tels ou tels animaux, soit 
le crélinisme à forme atrophique, soit le crétinisme à forme myxœdé- 
mateuse. 


Le 23 octobre 1892 au soir, J'ai enlevé les thyroïdes à deux chiots àgés de 
onze jours et par conséquent encore à la mamelle. Rendus à leur mère le 24, 


(1) Horsley. Remarks, on the function of thyroïd gland, À critical and his- 
torical review, 1892. 

(2) Frédéricq. Notice sur le Congrès international de physiologie de Liège; — 
Slosse. Le corps thyroide. 

(3) Voir L. Frédéricq. Notice sur le deuxième Congrès international de physio- 
logie de Liège; — Moussu. Le corps thyroïde (p. 56). 


SÉANCE DU 171 DÉCEMBRE 977 


ils semblaient se porter à merveille, aussi vigoureux et aussi robustes que les 
autres sujets de la même portée. Le 25 au soir, quarante-huit heures après 
l'opération, l’un d'eux paraît malade; il laisse échapper une plainte continue, 
s’agite constamment, mais ne présente ni contractions fibrillaires, ni contrac- 
tions cloniques, ni contractures locales. II meurt le 26 au soir. Le second 
meurt le lendemain avec des accidents identiques, au milieu des autres petits 
sujets de la même portée qui jouissaient d'une santé parfaite. Les lèvres des 
plaies opératoires étaient déjà parfaitement soudées. 


Voilà donc deux premiers faits chez des carnivores qui montrent que 
l’évolution des accidents mortels est encore beaucoup plus rapide chez 
les jeunes que chez les sujets adultes, où cependant leur acuité est 
extrêmement accusée. 


Le 29 juillet 1892, j'ai thyroïdectomisé un jeune porc âgé de un mois (j'en 
ai dit un mot dans ma communication au congrès de Liège). C'était l'un des 
plus beaux des porcelets d’une même portée. 11 est devenu rapidement myxœ- 
démateux, tout en ayant conservé un peu de vigueur et d’appétit. Toutefois son 
accroissement est insignifiant, et aujourd’hui c’est le plus petit de tous (il est 
représenté, sur la photographie que je mets sous vos yeux, avec le plus 
petit des autres), quoiqu'il soit entretenu dans les mêmes conditions. Il pré- 
sente les caractères typiques que j'ai décrits chez mon premier porcelet 
myxædémateux, mais un peu moins accusés. (Il n’a été thyroïdectomisé qu'à 
l’âge d'un mois, l’autre l'aurait été à dix jours.) 


Je n’y insiste pas, mais tiens simplement à répéter que, chez les jeunes 
porcs, l’extirpation du corps thyroïde, tout en arrêtant, ou en entravant 
très fortement l'accroissement général de l’organisme, semble devoir pro- 
voquer toujours le crétinisme myxœædémateux et avec d’autant plus d’in- 
tensité que l'animal est plus jeune. 


Le 10 juin 1892, j'ai fait l’ablation des corps thyroïdes chez un chevreau né 
le 1 juin, et encore à la mamelle. Aucun accident immédiat ne s’est pro- 
duit. 

L'allaitement a été régulier; plus tard, la nourriture a été donnée à discré- 
tion, et cependant l'accroissement a, pour ainsi dire, été nul. En six mois, le 
petit opéré a grandi de 6 à 8 centimètres, et aujourd’hui qu'il devrait atteindre 
au minimum la moitié de la taille de sa mère, il est resté chevreau dans toute 
l’acception du terme. C’est un véritable nain, ainsi que vous pouvez le voir sur 
cette photographie, où il se trouve à côté de sa mère (le mâle est plus grand 
et plus fort que la mère). L'âge ne se révèle que par la longueur des cornes, 
car tout, chez lui, pourrait faire croire, de prime abord, qu'il représente un 
chevreau âgé seulement de 4 à 5 semaines. 

L’accroissement a été entravé par la thyroïdectomie. Le corps est devenu 
plus épais, plus large par suite surtout du développement des viscères diges- 
tifs, mais c’est tout, et cela en l'absence complète, absolue de myxædème. La 
voix est restée, celle d'un chevreau de quelques semaines. L'appareil génital est 
complètement atrophié. É 


978 _ SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Ce sujet est donc une nouvelle preuve vivante de l'opinion que j'ai 
émise sur le rôle du corps thyroïde chez les jeunes sujets. Il montre de 
plus que le crétinisme ou la cachexie thyroïdienne à forme atrophique 
peut être obtenue expérimentalement chez certains animaux de même 
que la forme myxœdémateuse chez d’autres. D'ailleurs en voici encore 
une autre preuve. 


Le 19 juillet 1892, un jeune lapin de trois mois avait subi la thyroïdectomie 
simple(extirpation des corps thyroïdes seuls) et avait été laissé avec deux autres 
de la même portée conservés sans mutilation aucune. J’ai l'honneur de vous 
montrer une photographie commune de ces trois sujets, placés les uns à 
côté des autres, et rien que par cet examen il vous serait facile de juger des 
différences. | 

La photographie a été prise le 19 novembre dernier, les animaux pesés le 
25 novembre. 


Le n° 4, lapin thyroïdectomisé PESAIL MONA TEE eNSSDNeramne s 
BEN MaPINMONMMUIMIESDES ILE MCE NEED rIIG DD — 
Een 3 #apiminon mutilé pesait MER OM EEE EAU — 


L'écart de poids chez les sujets intacts, tout en étant de 300 grammes, est 
pour ainsi dire sans importance, si on le compare à celui qui existe avec le 
poids du lapin thyroïdectomisé. Cet opéré est resté en effet mince, petit, mai- 
grelet, sans vigueur et sañs énergie, Son développement a certainement été 
entravé, ainsi que le démontre la comparaison avec les deux autres sujets 
intacts élevés dans les mêmes conditions (1). 

Chez lui non plus, comme chez le chevreau, il n’y à pas eu de myxædème, 
mais simplement arrêt du développement, crétinisme atrophique. Chez les 
adultes (j'en ai aussi qui ont subi la thyroïdectomie simple); ilest bien entendu 
impossible d'observer pareils phénomènes, puisque le développement est 
complet. 


Dans ces tentatives, je le répète, je n’ai fait que des extirpations de 
corps thyroïdes seuls, des thyroïdectomies simples, sans chercher à enle- 
ver les glandules accessoires. La valeur de ces expériences ne découle 
pas del'une d’elles, qui, seule, ne pourrait justifier mes conclusions, mais 
bien de l’uniformité des résultats obtenus chez différentes espèces ani- 
males. Sans m'’étendre davantage sur les raisons qui me permettent de 
conclure, et sans rappeler quelques-unes de mes expériences antérieures, 
je me crois autorisé à dire : 


4° Que le rôle des glandes thyroïdes n’est pas comparable, suivant 
qu’on l’envisage chez des animaux jeunes et chez des animaux adultes, ce 


(1) Ces résultats obtenus avant moi chez de jeunes lapins, par Hofmeister 
et Halle, m'étaient inconnus à l’époque ou j'ai thyroïdectomisé mes jeunes 
sujets dont il est question. 


SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 979 


qui lient sans aucun doute à des différences d'activité fonctionnelle (1). 

2% Que l’extirpation de ces glandes arrête ou entrave de la façon la 
plus évidente le développement général de l’organisme des jeunes opérés. 

3° Que cetle extirpation peut provoquer l'apparition, soit du créti- 
nisme myxædémateux, lorsqu'il s’agit de certains sujets, soit au con- 
traire, celle du crétinisme atrophique lorsqu'il s’agit d'autres sujets. 

4° Que l'importance des glandes dites accessoires (à structure embryon- 
naire) devient de plus en plus problématique, puisqu'elle ne suffit même 
pas à empêcher le développement de l’état crétinoïde. 

5° Que les corps thyroïdes ont une action physiologique qui retentit 
sur la nutrition générale d'une facon très évidente chez les jeunes, beau- 
coup moins évidente chez les adultes et qui se manifeste par des troubles 
variables mais comparables, suivant qu'il s’agit de telle ou telle espèce 
animale. 


DES EFFETS DE LA THYROÏDECTOMIE. 
REMARQUES SUR LA COMMUNICATION DE M. Moussu, 


par M. E. Gzey. 


Les observations sommaires que je désire présenter sur cette commu- 
nication sont relatives à différents points : 

1° Je persiste à penser que les expériences de M. Moussu sur les soli- 
pèdes (chevaux, ânes) sont en trop petit nombre pour que l’auteur ait 
le droit d'en tirer une conclusion ferme; ces expériences ont d’ailleurs 
été faites, je l’ai déjà dit (Arch. de physiol., octobre 1892), à une époque 
où l’on ne connaissait pas le rôle des glandules thyroïdiennes. J’ajoute 
qu'il ne me paraît pas logique d’opposer à des expériences positives sur 
une espèce animale quelques rares essais négalifs réalisés sur une autre 
espèce, ou les essais entrepris anciennement sur cette espèce sans un 
déterminisme rigoureux ou sans suile, et sans l’idée systématique du con- 
trôle de chaque résultat opératoire par une autopsie régulière. 

Il ne faut pas oublier, d’un autre côté, que, tout récemment von Eisels- 
berg (de Vienne) vient d'obtenir des résultats positifs sur des ruminants 
jeunes (moutons et chevaux).J’ai moi-même opéré,il y a trois mois, deux 
chèvres qui ont présenté divers accidents dont je me propose de parler 
ultérieurement. 

2° Plusieurs expérimentateurs(Schiff, Wagner, Horsley, R. Ewald, Gley) 
ont déjà signalé la plus grande gravité de la thyroïdectomie chez les ani- 
maux jeunes. On peut trouver tous les renseignements sur ce point dans 


(2) Horsley avait déjà signalé une gravité plus grande des accidents chez les 
jeunes singes; Schiff, Wagner et Ewald, chez des jeunes chiens. 


980 SOCIÉTÉ DE BIOLUGIE 


le travail très complet de V. Horsley : {emarks on the function of the 
thyroid gland ; a critical and historical Review ( Virchow’s Festschrift, 1894, 
et British med. Journal, 30 janvier et 6 février 1892) ; Horsley a même 
proposé une explication de ce fait. 

3° Les faits observés par M. Moussu sur les porcelets, les chevreaux et 
les jeunes lapins sont d'un très vif intérêt. Il n’en reste pas moins que 
Horsley avait déjà en 1885 (British med. Journal) produit sur des singes 
et décrit avec une grande exactitude cet état crétinoïde. M. Moussu con- 
teste que les animaux (lapins et chiens) sur lesquels j'ai à mon tour observé 
le même état (Soc. de Biol., 1891 et 1892), puissent être considérés 
comme vraiment myxœædémateux. Il n’y a guère là, ce me semb'e, en 
question qu’une définition de mot. Le fait est que ces animaux étaient 
abattus, apathiques, avaient perdu tout leur poil et que, en quelques 
endroits, leur peau était dure et épaissie ; les membres de la Société l'ont 
pu d’ailleurs constater, puisque je leur ai présenté ce chien et deux de ces 
lapins dans une de nos séances ; c'est bien là en définitive essentiellement 
la cachexie spéciale consécutive à l’extirpation ou à la destruction de la 
glande thyroïde. D'autre part, Hofmeister a décrit sur les jeunes lapins 
(Fortschritte der Medicin., 15 février 1892) et von Eiselsberg sur les jeunes 
moutons et sur les chevreaux (Soc. império-royale des médecins de Vienne, 
21 octobre 4892) l'arrêt du développement et la cachexie que M. Moussu 
vient d'observer à son tour. 

4° En ce qui concerne les effets de la thyroïdectomie sur le lapin, la 
question me paraît très claire. Le fait que j'ai constaté, c'estla mort de la 
très grande majorité des animaux opérés. Or, tous les physiologistes qui 
avaient avant moi opéré des lapins (1) les avaient vus survivre sans acci- 
dents; il m'a suffi d’extirper, outre les deux lobes connus de tout temps, 
ce que j'ai appelé les glandules thyroïidiennes pour déterminer la mort, 
comme chez le chien, dans la plupart des cas. Sur un grand nombre de 
lapins, j'ai pratiqué l’extirpation incomplète, c’est-à-dire en laissant en 
place les glandules; dans cette condition, jamais je n’ai vu la mort sur- 
venir, pas plus que mes prédécesseurs. Voilà le fait dans toute sa simpli- 
cité qui prouve rigoureusement, ce me semble, l'importance des glan- 
dules. Il m'est bien permis d'ajouter que ce fait a reçu une éclatante 
confirmation des belles recherches de Cristiani (de Genève) sur le rat 
(Acad. des Sc., et Soc. de Biol., 1892), un autre rongeur. Que M. Moussu 
ait observé, même après l’extirpation complète de la glande, comme je la 
pratique, des cas de survie, je songerais d'autant moins à le contester, 
que j'ai'noté des cas semblables; et j'ai publié ces faits, avant que 
M. Moussu ait encore rien écrit sur la question. Mais c’est là justement, 


(1) Schiff. Revue méd. de la Suisse romande, 1884; — Colzi. Lo Sperimentale, 
août 1884; — Ughetti et di Mattei. Arch. per le sc. mediche, 1885; — Tizzoni. 
Arch. ital. de Biol., 1886 ; — Rogowitch. Arch. de physiol., 1888. 


SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 981 


comme je l'ai dit déjà dans les Arch. de phys. (octobre 1892), l’anomalie 
qui doit attirer l’attention. La question que l’on doit se poser n'est pas 
“celle de savoir pourquoiles animaux meurent, — ils meurent parce qu'on 
leur a enlevé toute la glande thyroïde, — mais celle de savoir pourquoi 
quelques-uns échappent à la mort. Et, qu’on le remarque, la même ques- 
tion se pose pour Le chien, comme pour le lapin, puisque l’on a vu quel- 
ques rares chiens survivre à la thyroïdectomie. J'ai déjà essayé d'aborder 
le problème, d’une part, en montrant, à la suite de différents physiolo- 
gistes, que l’autopsie des animaux ayant survécu ne saurait être faite trop 
minutieusement et qu'il la faut faire avec l’aide du microscope, pour 
examiner la nature des nodules que l’on peut trouver le long de la trachée 
ou à l'entrée du thorax (existence possible de glandes thyroïdes acces- 
soires; voyez en particulier les observations de Fubhr, de Piana, etc.); 
d'autre part, en entreprenant l'étude expérimentale des fonctions de l’hy- 
pophyse et ainsi en posant de nouveau, trop hardiment peut-être, comme 
d’aucuns peuvent le penser, la grosse question des organes vicariants. Je 
continue à croire qu'il convient de chercher dans ce sens ou dans une 
voie analogue, plutôt que d’opposer purement et simplement quelques 
faits négatifs à un nombre déjà considérable de faits positifs. 


SUR UNE CONDITION QUI FAIT VARIER LA FORME DE LA BACTÉRIDIE 
DANS LE SANG D'ANIMAUX MORTS DU CHARBON, 


par M. PuisaLix. 


La constance de la forme et des dimensions du bacille charbonneux 
dans le sang des animaux qui ont succombé à cette infection est un fait 
bien établi. Assez souvent cependant, on ne trouve dans le sang, surtout 
dans les petits coagulums, que des fragments très courts coupés à angies 
droits avec enveloppe pâle et gonflée. Mais jusqu'ici la forme filamenteuse 
n'a été vue dans le sang qu'une seule fois, et dans des conditions excep- 
tionnelles. Chez des moutons ultra-réfractaires au charbon, M. Chau- 
veau (4) a injecté par transfusion des doses massives de sang charbon- 
neux, renfermant des quantités prodigieuses de bactéridies. La plupart 
des sujets ont succombé. Or tandis que dans la pulpe splénique et le 
sang, les bactéridies introduites par milliards ne tardent pas à être dé- 
truites, 1l y a une prolifération toute locale des bactéridies fixées dans le 
réseau de la pie-mère. Les bâtonnets s’y allongent en filaments qui sont 
doués d’une grande virulence. Pour le moment, je ne retiendrai de ces 
remarquables expériences que le dernier fait, à savoir l’élongation de la 
bactéridie dans le sang. Cette élongation, je l'ai observée à mon tour dans 
des conditions différentes que je vais exposer. 


(1) Comptes rendus, 1880. 


982 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE 


Quand après plusieurs cultures successives à 42 degrés, dans les condi- 
tions que j'ai déterminées antérieurement (1), la modification asporogène 
de la bactéridie a été fixée par hérédité, la virulence a diminué progressi- 
vement et n’atteint plus que la souris. Inoculé avec une goutte de culture 
asporogène, cet animal meurt au bout de trois ou quatre jours. Il n’y a 
pas d'œdème local. Dans le sang du cœur aspiré avec une pipette, on 
voit de petits flocons grisâtres dus à des coagulums. Si on en examine 
une goutte au microscope, après avoir déposé sur le bord de la lamelle 
un peu de violet de gentiane, on constate que les globules ne sont pas 
agglutinés, que les bacilles sont très peu nombreux, mais on en trouve 
toujours dans les amas de coagulums. Ces bacilles offrent des caractères 


Sang d’une souris inoculée avec la Bactéridie asporogène. 1800 D. Les filaments 
ont une longueur réelle cinq à six fois plus grande que celle représentée. 


particuliers sur lesquels il convient d’insister. Ce sont des filaments 
souvent extrêmement longs comme dans les cultures. À leur centre, le 
protoplasma est segmenté en bâtonnets qui prennent fortement la matière 
colorante. Cet axe protoplasmique est entouré d’une enveloppe pâle, 
comme gonflée et qui se colore très faiblement. Gette enveloppe présente 
souvent des renflements de telle sorte que le filament a l’aspect d’une 
corde à nœuds. En quelques points, l’axe protoplasmique a la même 
coloration que l’enveloppe, dont on ne le distingue que par l’auréole 
claire qui l’entoure. Enfin on trouve une assez grande quantité d'articles 
isolés se présentant comme des sphères pâles et gonflées, mais dont l’ori- 
gine se reconnaît aisément à la présence d’un centre protoplasmique 
carré et entouré d’une auréole claire. Cependant, ce centre lui-même est 
quelquefoisinvisible. On peut voir sur la figure ci-dessus une de ces sphères 


(1) Comptes rendus, 21 mars 1892. 


SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 983 


encore attachées à l'extrémité du filament, tandis que d’autres sont libres, 

Ce qui est le plus caractéristique dans le fait présent, c’est le gonfle- 
ment énorme de l’enveloppe du filament. L'épaisseur de cette gaine est 
cinq à six fois plus grande que celle de la partie protoplasmique. Celle-ci 
a certainement diminué, et si l’on compare ces bacilles gonflés aux quel- 
ques rares encore peu modifiés, il semble que ce gonflement de l'enve- 
loppe se fait surtout aux dépens de l’axe protoplasmique. 

Dans les conditions ordinaires d’inoculation on n’observe pas de phéno- 
mène analogue. Il est probable que les modifications subies par la bacté- 
ridie asporogène obtenue par chauffage la prédispose éminemment à 
subir l’action dissolvante du sang. Cette disparition progressive du 
protoplasma bacillaire qui se transforme en une substance amorphe et 
inerte paraît bien due, en effet, à une action chimique dont le dernier 
terme serait la dissolution de l'élément. Cette hypothèse est d'autant plus 
rationnelle, que ni les filaments charbonneux, ni les filaments isolés qui 
en proviennent ne sont renfermés à l’intérieur des leucocytes. Elle expli- 
querait pourquoi dans le sang d’animaux ayant succombé plus ou moins 
tardivement à l’inoculation du microbe atténué on ne décèle ce microbe, 
ni par les examens microscopiques, ni par les cultures, tandis qu’au 
contraire on le retrouve toujours dans les organes. 


SUR LES DIFFÉRENTS TYPES 
DE BACILLES URINAIRES APPARTENANT AU GROUPE DU BACTERIUM COLI, 


par MM. Cu. AcnarD et JULES RENAULT. 


Dans une première communication (12 déc. 1891, p. 830), nous avons 
montré que les bacilles le plus communément rencontrés dans les infec- 
tions urinaires présentent une très grande ressemblance avec le Bacterium 
coh, sous le triple rapport de la morphologie, des propriétés pathogènes 
et des cultures, de telle sorte qu'ils doivent être rangés dans le même 
groupe. Puis dans une seconde note (9 avril 1892, p.311), nous avons cher- 
ché à établir qu’on parvient à distinguer, dans ce groupe du Bacterium coli 
d’origine urinaire, plusieurs types extrêmement voisins et séparés seule- 
ment par des nuances. Mais, pour faire cette distinction, il faut recourir 
à un procédé qui nous paraît plus délicat que l'examen des caractères de 
forme et de culture. Ce procédé consiste à réensemencer un microbe 
donné sur des milieux ayant déjà servi à la culture d’un autre type. 
Aucun échantillon de ces bacilles ne se développe sur les milieux qui l'ont 
déjà nourri lui-même, mais il en est parmi ces échantillons qui se culti- 
vent sur les milieux ayant servi à la végétation d’un autre (1). Toute 


(4) Cette propriété que possèdent les milieux ayant servi à la culture d’un 
microbe de permettre de nouveau le développement d’un autre type pourrait 


984 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


culture positive obtenue dans ces conditions indique une différence de 
type entre les échantillons comparés; mais il est évident qu'un résultat 
négatif n'autorise en aucune façon, par lui seul, à conclure à l'identité. 

A l’aide de ce moyen nous avions pu distinguer deux types principaux : 
un premier (A) offrant tous les curactères classiques du 2. coh d'origine 
intestinale, un second (B) présentant tous les attributs du 2. lactis aero- 
genes, mais touchant de très près au précédent par une de ses variétés, 
dite variété transparente de Krogius. Enfin nous indiquions comme pro- 
bable l'existence d’autres types et nous en citions un notamment (C) qui 
se distingue des précédents 1° en ce qu’il ne peut se développer sur les 
milieux ayant servi aux types À et B, 2° en ce que ses anciennes cultures 
laissent également bien pousser À et B. 

Les recherches que nous avons faites depuis lors ont confirmé les pré- 
cédentes et nous ont permis de déterminer deux autres types. Un type D 
ne pousse pas sur les cultures des types À et C, mais pousse faiblement 
sur celles du type B; les milieux qui l'ont nourri laissent pousser les types 
À et B, mais non le type C. Un type E pousse sur À, B, C et D, mais ne 
permet pas leur développement. 

Par ce procédé nous avons pu répartir de la manière suivante 10 échan- 
tillons de ces bacilles : 


Type A (caractères du B. coli intestinal) : 
N° 1, recueilli dans le rein d’une femme morte de néphrite gravidique. 
N° 2, recueilli dans l'urine d'un enfant atteint de cystite, puis denéphrite, 
au déclin d’une fièvre typhoïde. 
N° 3, recueilli dans l’urine d’un prostatique. 
N° 4, recueilli dans l'urine d’un prostatique. 
N° 5, recueilli dans l’uriue d'une malade ayant présenté un état typhoiïde 
passager (fourni par M. Papillon). 
Type B (caractère du B. lactis aerogenes). 
N° 1, fourni par MM. Albarran et Hallé, et provenant de l'urine. 
N° 2, recueilli dans l'urine d'un sujet atteint de cystite blennorrhagique 
(il s'y trouvait associé au staphylococcus aureus). 
Type G, provenant du bassinet d’un sujet mort de pyélo-néphrite consécu- 
tive à un calcul vésieal. 
Type D, provenant de l’urine d'un sujet atteint de cystite purulente d’ori- 
gine blennorrhagique. 
Type E, recueilli dans des abcès miliaires des reins, trouvés chez un vierl- 
lard mort de cachexie. 


Une fois en possession d’un procédé montrant entre ces échantillons 
bacillaires des différences que la seule culture sur les milieux usuels 
n’eût pas permis d'apercevoir, nous avons été conduits à nous demander 


être désignée sous le nom de palintrophie (r&wv de nouveau, toovf nourri- 
ture). Elle présente divers degrés; elle n’est pas constante; elle peut êlre ou 
non réciproque. 


SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 985 


si l'étude de leurs propriétés biologiques nous fournirait d’autres éléments 
de distinction. Nous avons pensé aussi qu’elle nous renseignerait sur la 
valeur du procédé que nous avions mis tout d’abord en usage. 

On sait, par les recherches récentes de M. Péré (1), que le 2. coli pro- 
duit de l’indol quand il est ensemencé dans la peptone, et spécialement 
dans la peptone pancréalique. Or, ayant cullivé nos bacilles dans une 
solution de peptone pancréalique du commerce à 2 p. 100 dans l’eau 
distillée, nous avons constaté que la réaction caractéristique de l’indol, 
obtenue en ajoutant au liquide de culture quelques gouttes d’acide sulfu- 
rique pur et une solution faible d’azotite de potasse, n’est pas donnée par 
tous nos types bacillaires. Elle se montre de la façon la plus nette, dès le 
deuxième jour, dans les cinq échantillons du type A, possédant tous les 
caractères du B. coli, et aussi dans l'échantillon du type D (2). Quant aux 
autres types, B, C, E, ils n’ont jamais donné la réaction de l’indol. Ce fait 
est intéressant à noter pour le type B dont la variété dite transparente ne 
pourrait être distinguée du Z. coli ordinaire sur les milieux usuels : le 
procédé du réensemencement et la recherche de l’indol sont donc deux 
caractères absolument concordants pour faire la différence. Pour les 
types G et E, cette absence d'indol présente, en outre, un intérêt spécial, 
car, avec les particularités dont ils nous reste à parler, elle rapproche ces 
deux types du bacille d'Eberth. 

Un des meilleurs caractères qui aient été donnés pour distinguer rapi- 
dement le Z. coli du bacille d'Eberth est sans contredit la propriété qui 
appartient au premier seul de former des bulles gazeuses dans le bouilion 
additionné de lactose. Or, les types C et E ne donnent pas de bulles dans 
ce milieu. Dans le lait, le type C ne produit qu’une coagulation tardive, 
le type E n’en produit pas et se comporte en cela comme le bacille 
d’'Eberth. Il importe de noter que, dans ces recherches, nous avons tou- 
jours pris la précaution d’ensemencer simultanément nos différents types 
de bacilles dans le même échantillon de lait, ayant observé d'assez grandes 
variations dans [a manière dont le Z. coli agit sur le lait, suivant la pro- 
venance et la préparation de ce milieu de culture. 

Ainsi les lypes D et E constituent des intermédiaires entre le 2. coli et 
le bacille d’'Eberth. Ils peuvent être comparés sous ce rapport à un échan- 


(1) A. Péré. Contrib. à la biologie du Bacterium coli commune et du Bacille 
typhique (Ann. de l’Inst. Pasteur, juill. 1892, p. 513). 

(2) Nous avons dit dans uue note récente (3 déc.), que la présence de l’urée, 
dans la proportion de 3 p. 100, empêche la formation de l’indol aux dépens de 
la pepitone. On ne peut invoquer ici, comme M, Péré l’a fait pour les sucres, 
l’action préservatrice d’une substance dont le microbe se nourrit facilement 
et dont la présence retarde ainsi la décomposition de la peptone. En effet, 
l’urée m'est pas ulilisée par nos bacilles. 

Dans un cas de peptonurie, l'urine ensemencée avec nos bacilles ne nous a 
pas donné, au bout de plusieurs jours, la réaction de l’indol. 


986 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


tillon de bacille urinaire décrit récemment par MM. Rodet et G. Roux (1), 
et qui se montrait sans action sur la lactose et le lait. Il y a pourtant cette 
différence que le bacille de ces auteurs a pu perdre et regagner son pou- 
voir fermentatif à l'égard de la lactose, ainsi que sa propriété de coaguler 
le lait, variations qu'il ne nous a pas été donné d'observer avec le nôtre. 
De plus, nous avons constaté que, malgré cette grande analogie avec le 
bacille d'Eberth, notre type E s'en distingue par le fait suivant : Le lait 
ayant servi à sa culture et resté liquide peut-être coagulé par la chaleur. 
Au bout de deux minutes d'immersion dans l'eau bouillante, la coagula- 
tion était faite dans les tubes contenant ce microbe, tandis que les tubes 
ensemencés avec le bacille d’Eberth ne présentaient, après six minutes, 
aucune modification. A ces différences correspondent d’ailleurs des degrés 
d’acidité variables dans le lait qui a servi à la culture des bacilles. Voici, 
en effet, quelle a été l’acidité du lait, dosée au moyen de la phtaléine du 
phénol et évaluée en acide lactique : 


DyperAnsenbr atlas ddr Det at: 6,84 p. 1000 
A (CS Nr AE Ce MU AN OA NREES 
DE PRES Sn RE DER RON ER EE LPS 3,78 _ 

Bacilead bent es en 2,06 — 

PATENT ONE NE NET LE RER Er Or A RS PNARER) Sn 


Ajoutons enfin que la différence constalée, grâce à l'étude du lait, entre 
le type E et le bacille d'Eberth est accusée aussi par le procédé du réen- 
semencement, car le type E pousse fort bien sur les anciennes cultures du 
bacille d'Eberth. On voit donc que ces divers procédés de distinction se 
prêtent un mutuel appui et se confirment l'un l’autre. 

On peut résumer dans le tableau suivant les propriétés de ces différents 
types, indépendamment des caractères fournis par le réensemencement : 


Type A : 
Cultures : caractères classiques du B. coli. 
Indol. 
Bulles dans je bouillon lactosé. 
Coagulation du lait. 
Type B : 
Cultures : var. opaque : caractères du B. lactis aerogenes. 
— var. transparente : caractères se rapprochant beaucoup de 
ceux du B. coli. 
Pas d’indol. 
Bulles dans le bouillon lactosé. 
Coagulation du lait. 


(1) Soc. de Biologie, 1 mai 1892, Mémoires, p. 173. 


SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE . 987 


Type C : 
Cullures : caractères du type A. 
Pas d'indol. 
Pas de bulles dans le bouillon lactosé. 
Coagulation du lait à froid, mais tardivement. 
Type D : 
Cultures : caractères du type A. 
Indol. 
Bulles dans le bouillon lactosé. 
Coagulation du lait. 
Type E : 
Cultures : caractères du type A. 
Pas d’indol. 
Pas de bulles dans le bouillon lactosé. 
Pas de coagulation du lait à froid, mais coagulation par la chaleur. 


Les recherches que nous venons d'exposer nous paraissent montrer que 
tous nos bacilles urinaires font partie d’un même groupe naturel, qu'on 
peut appeler le groupe du Z. coli. Dans ce groupe il est possible de dis- 
tinguer divers types extrêmement voisins, mais il faut, pour en faire la 
différence, recourir à des procédés plus délicats que les cultures usuelles, 
il faut notamment employer le réensemencement sur les milieux ayant 
servi à la culture des autres types et faire l'étude comparée de leurs pro- 
priétés biologiques. Enfin, parmi ces types, il en est qui constituent en 
quelque sorte des intermédiaires entre le Z. coli et le bacille d'Eberth. 


QUELQUES OBSERVATIONS ANATOMIQUES SUR LES MOLLUSQUES GASTÉROPODES, 


par M. E.-L. Bouvier. 


Tous les zoologistes divisent actuellement les Gastéropodes en deux 
groupes parallèles, dont l’un comprend tous les Prosobranches, l’autre 
les Opisthobranches avec les Pulmonés et les Ptéropodes. 

Parmi les caractères qui distinguent ces deux groupes, on a signalé les 
relations différentes de l'aorte antérieure avec les centres nerveux, le croi- 
sement de la commissure viscérale qui serait caractéristique des Proso- 
branches, l'existence de nerfs issus des ganglions antérieurs de la com- 
missure (ganglions commissuraux) chez les Gastéropodes du premier 
groupe, et l’absence totale de nerfs semblables chez ceux qui appartien- 
nent au second, enfin la présence d’une commissure pédieuse accessoire 
(commissure parapédieuse) chez la plupart des Gastéropodes du second 
groupe, sinon chez tous, 

Mon intention est d'établir que ces différences sont illusoires, et que le 


988 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


groupe des Gastéropodes est beaucoup plus homogène qu'on ne l’a cru 
jusqu'ici. 

I. — Dans une note publiée antérieurement dans le Pulletin de la So- 
ciété zoologique de France, j'ai montré combien sont variables les relations 
de l’aorte antérieure avec les centres nerveux chez les Mollusques du 
second groupe. Depuis j'ai étendu ces observations à un grand nombre 


d'espèces (Janthines, Auricules, Partules, Amphiboles, etc.), et je crois : 


pouvoir dire aujourd'hui : 

1° Que chez les Opisthobranches (Bullidés, Aplysiidés, Doris, Tritonie, 
Eolis), l'aorte antérieure passe en dehors du collier nerveux cérébro- 
pédieux. À 

90 Que chez les Pulmonés (et, d’après Pelseneer, chez les Ptéropodes), 
l'aorte antérieure passe au-dessous de la commissure viscérale, au-dessus 
des ganglions pédieux et traverse ensuite le collier nerveux. ji 

3° Que chez les Prosobranches l’aorte passe au-dessous de la branche 
sus-intestinale de la commissure, au-dessus de la branche sous-intestinale, 
et, quand elle ne forme point un sinus traverse le collier nerveux en 
passant au-dessus des ganglions pédieux. 

4° Que les relations de l’aorte antérieure avec la commissure parapé- 
dieuse sont assez variables ; que l’aorte passe au-dessus de cette commis- 
sure chez les Janthines, chez l’Aplysie etchez les Pulmonés, mais qu’elle 
n’a aucune relation avec elle chez la plupart des Opisthobranches, soit 
qu'elle passe complètement en dehors comme chez les Bullidés et chez 
les Tritonies, soil qu’elle passe au-dessous comme chez l'Eolés. 

Les relations de l’aorte sont anatomiquement les mêmes chez les Pul- 
monés et chez les Prosobranches, et l’on doit attribuer cette ressemblance 
remarquable à l’organisation prosobranche de tous les Gastéropodes qui 
appartiennent à ces deux groupes. Mais si l’on se place au point de vue 


de la morphologie comparative, et si l’on ramène dans sa position ortho- 


neure primitive la commissure croisée des Prosobranches, on trouve que 
l'aorte antérieure passe en réalité au-dessus de la commissure viscérale 
chez les Prosobranches, et au-dessous chez les Pulmonés. 

Chez les Opisthobranches, l'aorte antérieure passe tantôt un peu au- 
dessous de la branche commissurale droite, tantôt complètement en 
dehors, si bien qu’on rencontre chez ces animaux une disposition mixte 
qui permet de passer, soit au type Pulmoné, soit au type Prosobranche, 
au moyen des modifications les plus simples. 

Quoi qu'il en soit, on doit conelure de ce qui précède qu’il est impossible 
de diviser les Gastéropodes en deux groupes indépendants, en se basantsur 
les rapports du système nerveux et de l'appareil circulatoire. 

II. — On sait aujourd’hui que le croisement en 8 de chiffre de la com- 
missure viscérale des Prosobranches est dû au déplacement à gauche de 
la branchie droite primitive de ces animaux, et que celle branchie étant 
demeurée à droite chez les Opisthobranches et dans les Pulmonés, le eroise- 


POSE ESC 


SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 989 


ment de la commissure n’a pu avoir lieu. Toutefois comme la branchie 
s'est portée en avant et quelquefois même dans la région dorsale, il est 
paturel qu’une asymétrie et un commencement de torsion se soient pro- 
duites dans la commissure viscérale de ces animaux, et c’est ce qu’on.a 
depuis longtemps observé, en effet, chez les Bullidés et chez les Aplysies, 
Opisthobranches dont la branche commissurale droite est plus courte 
que la gauche et dont le ganglion viscéral médian est par conséquent 
rejeté du côté droit. 

‘On prétend que cette asymétrie généralement n’irait pas chez les Pul- 
monés, parce que leur commissure viscérale est trop courte, mais cette 
explication n'est point suffisante, car l’asymétrie maximum s’observe 
chez les Siphonaires, qui ont une commissure viscérale aussi courte que 
possible, tandis qu’elle est presque complètement masquée chez les Lym- 
nées, où la commissure viscérale est certainement plus longue que celle 
des Siphonaires. En fait, cette asymétrie est passée par hérédité, des 
Tectibranches aux Pulmonés aquatiques, et c’est dans les formes les plus 
spécialisées de ce dernier groupe qu'elle se présente naturellement avec. 
son atténuation la plus grande (1). 

Voici du reste ce que j'ai observé chez les Pulmonés aquatiques. La 
commissure viscérale est courte et présente son asymétrie maximum chez 
les Siphonaires, la branchie droite de la commissure étant, chez ces 
animaux, infiniment moins développée que la droite ; chez les Amphiboles 
la commissure viscérale est beaucoup plus longue, et encore très asymé- 
trique; elle l’est davantage encore dans les Auricules et surtout dans les 
Scarabus, où, plus allongée, peut-être, que dans les Amphiboles, elle est 
fortement rejetée vers la droite. 

Il faut conclure de ces faits que la torsion et le croisement de la com- 
missure existent plus ou moins chez tous les Gastéropodes, et que les 
Prosobranches ne diffèrent, à ce point de vue, des autres animaux du 
groupe, que par une exagération considérable dans l'amplitude de la 
torsion. ; 

III. — Chez les Prosobranches, les ganglions commissuraux donnent 
toujours naissance à un certain nombre de nerfs pariétaux et palléaux, en 
est-il de même chez les Gastéropodes du second groupe? 

Les derniers auteurs qui ont étudié jusqu'ici les Opistobranches et les 
Pulmonés considèrent les ganglions commissuraux comme complètement 
dépourvus de nerfs, et c’est à M. Amaudrut qu'on doit d’avoir établi 
qu il n’en est pas ainsi, au moins chez les Pulmonés terrestres et chez les 
Opisthobranches du genre Dolabelle. 


Je crois, pour ma part, qu’il en est de même, sinon en apparence, au 


(1) On observe des faits analogues chez les Prosobranches les plus spécia- 


lisés (Sténoglosses) dont le système nerveux acquiert une symétrie apparente 
des plus caractéristiques, 


39.. 


990 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


moins en réalité chez les Opisthobranches à ganglion commissuraux dis- 
tinctes, et chez tous les Pulmonés. 

Les Aplysies sont à ce point de vue, singulièrement démonstratives: 
dans une espèce de nos côtes, l’Aplysia punctata (1), les ganglions com- 
missuraux émettent, un, deux ou trois gros nerfs pariétaux; chez les autres 
espèces, on voit ces mêmes nerfs se détacher des ganglions pédieux au 
voisinage du connectif commissuro-pédieux, ou même de la base de ce 
connectif. Si bien que dans ces dernières, on croirait que les nerfs parié- 
taux ont une origine pédieuse, tandis qu’en réalité, ils ont une origine 
commissurale. 

Les Bullidés ressemblent à cet égard aux Aplysies dépourvus de nerfs 
à origine commissurale apparente, ils ressemblent aussi à ces dernières, 
parce qu’on voit généralement un gros nerf pariétal se détacher des gan- 
glions pédieux, au point où y pénètre le conneclif commissuro-pédieux. 
Cette disposition est notamment très frappante dans le Scaphander 
lignarius, et cette espèce me paraît être la meilleure de toutes pour étu- 

- dier l’origine réelle des nerfs pariétaux chez les Bullidés. 

Les Pulmonés se rattachent vraisemblablement à des Tectibranches 
dont les nerfs pariétaux auraient leur origine dans les ganglions commis- 
suraux. Chez les Amphiboles, en effet, les ganglions commissuraux émet- 
tent un ou.deux nerfs pariétaux importants ; chez les Auricules (A. Mi: 
dæ), certains nerfs pariétaux naissent du milieu des ganglions commissu- 
raux, les autres de la partie des ganglions qui sert de point de départ 
aux connectifs commissuro-pédieux ; chez le Scarabus, on voit dans l’es- 
pèce (indéterminée) que j'ai étudiée, les nerfs pariétaux naître à droite 
au ganglion commissural et à gauche du connectif commissuro-pédieux; 
nous arrivons ainsi aux Lymnéens, qui sont les formes les plus spéciali- 
sées du groupe, et dont les nerfs pariétaux, d'après M. de Lacaze-Du- 
thiers, se détachent du. connectif commissuro-pédieux, au voisinage 
immédiat des ganglions pédieux. 

Les observations qui précèdent permettent d'établir que l'origine réelle 
d'un certain nombre de nerfs pariétaux se trouve dans les ganglions 
commissuraux, mais elles ne donnent pasla raison d’une différence assez 
importante qui, à ce point de vue, distingue les Prosobranches des Opis- 
thobranches et des Pulmonés. Pourquoi les ganglions commissuraux 
émettent-ils des nerfs pariétaux et des nerfs palléaux chez les Proso- 
branches, tandis qu'ils ne donnent naissance à aucun nerf palléal de quel- 
que importance dans les deux autres ordres ? | 

La raison de ce fait est, à mon avis, dans la présence d’une commis- 


(1) Je crois avoir bien déterminé cette espèce d'Aplysie, bien que son 
système nerveux ne ressemble guère à celui que M, Vayssière a décrit comme 
celui de l'A. punctata. C'est une question à revoir, J’ajouterai que M. Vayssière 
a signalé des nerfs issus des ganglions commissuraux dans le Notarchus. 


Me. 


SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 991 


mt = 


sure viscérale tordue en 8 de chiffre chez les Prosobranches. Chez ces 
derniers Gastéropodes, comme chez les Opisthobranches et les Pulmonés, 
les ganglions commissuraux existent phylogénétiquement avant les 
ganglions palléaux, et quand ils existent seuls, chacun d'eux émet, 
outre des nerfs pariétaux, la plus grande partie ou la totalité des nerfs 
palléaux qui se rendent aux régions des corps situées du même côté. Plus 
lard, des nerfs palléaux partent de la commissure, et à leur base se forme 
un ganglion palléal plus ou moins volumineux. Chez les Opisthobranches 
et chez les Pulmonés, les nerfs palléaux qui se rendent aux parties du 
manteau situées sur l’un des côtés du corps finissent par se détacher tous 
du ganglion palléal correspondant; ceux du côté droit viennent du gan- 
glion palléal droit, ceux du côté gauche du ganglion palléal gauche, 
mais les nerfs pariétaux, ayant un champ de distribution situé en grande 
partie en avant du manteau, continuent à se détacher des ganglions 
commissuraux. Îl ne saurait en être de même chez les Prosobranches, 
quand des nerfs palléaux viennent à prendre naissance sur leur commis- 
sure viscérale en arrière des ganglions commissuraux, la commissure 
est déjà tordue en 8 de chiffre, de sorte que les nerfs palléaux de la 
branche droite se rendront aux parties gauches du manteau, et les nerfs 
palléaux de la branche gauche aux parties situées à droite. Et comme 
les nerfs palléaux issus d’un ganglion commissural et de la branche com- 
missurale correspondante ne se rendent pas aux parties du manteau 
situées du même côté, les nerfs palléaux primaires continuent à prendre 
naissance dans les ganglions commissuraux, et les nerfs palléaux secon- 
daires se détachent seuls de la commissure viscérale, aux points où se 
sont constitués des ganglions palléaux (sus-intestinal et sous-intestinal). 
En d’autres termes, les nerfs palléaux issus d’une même branche commis- 
surale se rendant en deux points du corps opposés, il est tout naturel 
qu'ils se détachent de la commissure en deux points aussi rapprochés que 
possible de leur champ de distribution. 

IV. — Outre les commissures principales qui servent à réunir les gan- 
glions du système nerveux central, il existe chez les Gastéropodes un 
certain nombre de commissures beaucoup plus fines, dont l'importance 
systématique est très grande puisqu'elles constituent vraisemblablement 
des organes rudimentaires. Ces commissures accessoires sont, d'avant en 
arrière, la commissure labiale, la commissure subcérébrale, et la com- 
missure parapédieuse. 

La commissure labiale est, comme on sait, caractéristique de tous les 
Prosobranches inférieurs, elle disparait chez les formes les plus élevées 
du groupe, ainsi que chez les Opisthobranches et chez les Pulmonés. On 
la connaît toutefois chez un certain nombre d'animaux de ces deux 
groupes (Lymnée, d’après M. de Lacaze-Duthiers, Archidorms, d’après Jhe- 
ring), et cela suffit pour montrer qu’on ne saurait considérer cette com- 
missure comme caractéristique des Prosobranches. 


992 : SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


La commissure subcérébrale n’a pas encore été signalée chez les Pro- 
sobranches: chez les Opisthobranches et chez les Pulmonés, on la voit 
assez fréquemment se confondre avec les commissures pédieuses. 

Quant à la commissure parapédieuse, on la croyait jusqu'ici localisée 
dans les deux derniers groupes, comme la commissure subcérébrale, mais 
je viens de la découvrir dans les Janthines, et je ne doute pas qu’on la ren- 
contre chez la plupart des Prosobranches à ganglions pédieux bien sépa- 
rée. Chez les Opisthobranches et chez les Pulmonés, cette commissure se 
détache des ganglions pédieux, au voisinage des nerfs pédieux postérieurs 
les plus internes; dans les Janthines, elle se détache de ces nerfs eux- 
mêmes, à une faible distance de leur origine et se dirige transversalement 
dans la couche la plus superficielle des muscles postérieurs du pied. 


En résumé, les barrières qu’on avait voulu éleverentre les Prosobranches 
et les autres Gastéropodes sont bien près d’être renversées, et on est en 
droit de penser que dorénavant bien peu de naturalistes consentiront à 
à former avec Jhering, deux phylium distincts et complètement indépen- 
dants dans la classe des Gastéropodes. 

Cette note est le résumé d’une étude faite au laboratoire de M. le pro- 
fesseur Perrier, sur les Mollusques recueilli par S. A. le Prince de Monaco 
à bord de l’Æirondelle, et sur ceux des galeries du Muséum. L'étude 
elle-même, quand eile sera complètement achevée,'prendra place Je la 
collection scientifique pH sous les auspices du Prince. 


DE L'ISSUE DES BACTÉRIES NORMALES DE L'ORGANISME HORS DES CAVITÉS 
NATURELLES PENDANT LA VIE, 


par M. le D' R. Wurz. 


L'action pathogène d’un certain nombre de bactéries intestinales, entre 
autres, du B. coli et du Proteus vulgaris, a été bien mise en évidence 
depuis quelques années, depuis les travaux de Laruelle, Gilbert, Girode, 
Tavel, Malvoz, et de bien d’autres expérimentateurs. 

On a en effet constaté la présence de ces' organismes, et surtout du 
premier, le B. coli, dans un grand nombre d'’affections diverses portant 
sur les différents organes. A la suite de ces constatations, on a recherché 
si la putréfaction ne pouvait pas être incriminée comme ayant amené 
dans un certain nombre de ces autopsies la présence des bacilles intes- 
tinaux. Wurtz et Herman (1), Lesage et Macaigne (2), ont constaté que le 
B. coli envahissait les cadavres, dans un certain nombre de cas, vingt- 


(1) Arch. de méd. expérimentale, 1891, p. 734. : 
(2) Td., 1892, p. 350. E 


SÉANCE DU 471 DÉCEMBRE 993 


quatre heures après la mort, surtout chez les malades atteints de diarrhée 
et d’ulcérations intestinales. 

 Letienne (4) a trouvé dans la bile, quelques instants après la mort, le 
B. coli dans un certain nombre de cas. 

J'ai cherché à déterminer le moment précis où cet envahissement de 
l'organisme pouvait se faire, et j'ai eu recours à divers procédés qui 
m'ont tous donné, avec une fréquence variable, il est vrai, des résultals 
analogues. 

En faisant pendant l’hiver des autopsies de lapins sains morts de froid, 
quelques instants après la mort, j'avais été frappé de trouver dans un 
certain nombre de cas, le B. coli à l’état de pureté dans le sang du cœur. 
J'ai pensé qu’il y avait peut-être là une relation de cause à effet, et pour 
le vérifier, j'ai soumis une série d'animaux à la mort par congélation. 

Mes expériences ont porté sur 4 lapins, 15 cobayes et 15 souris (41 gri- 
ses, 4 blanches). 

Pour les cobayes et les lapins, j'ai utilisé les glacières de la Morgue, à 
A5 degrés, mises obligeamment à ma disposilion par M. le profes- 
seur Brouardel. J’ai tué les souris en les plaçant dans des tubes de verre 
bouchés à l’aide d’un bouchon à un trou et plongés dans un mélange de 
glace et de sel marin à — 10 degrés. 

_ Les animaux étaient autopsiés au moment de leur mort, le cœur se 
contractant encore. Dans un bon nombre de cas, alors qu'ils étaient 
mourants, je les ai achevés par piqüre du buble. 

Les lésions trouvées à l’autopsie de tous ces animaux morts par le 
froid sont trop connues pour être relatées ici. Notons seulement, outre 
la congestion des organes abdominaux et des poumons, une distension 
considérable de la vésicule biliaire chez le lapin et le cobaye. Chez un 
lapin, il y avait une hémorragie vésicale. Il y a un léger exsudat périto- 
néal. | 

Examen bactériologique. 
L'examen bactériologique a montré que dans un très grand nombre de 


cas, les bactéries de l'intestin se trouvent dans le sang du cœur pen- 
dant l’agonie. Ces cas se répartissent ainsi : 


AS GR Re MOMENT AE MEDLS +. 1 cas positif sur 4 
CobDaves eee: D 0 CdS ee  SUT 14 
SOUL CD ES GR ONE 12 cas — sur 15 


C’est en effet les souris, et en particulier les souris grises, qui m'ont 
donné les résultats les plus constants (11 résultats positifs sur M cas). 

Le sang du cœur et l’exsudat péritonéal, semés dans le bouillon et la 
gélose, sont mis à l’étuve à 37 degrés. 


(1) Arch. de méd. expérimentale, 1891, p. 761. 


994 . SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


SELS É 


Les espèces bactériennes que j'aiisolées et identifiées se trouvent, soit à 
l’état de pureté, soit mélangées à d’autres microbes intestinaux. Parmi les 
espèces connues, je citerai le B. coli, le Proteus vulgaris et un strepto- 
coque rappelant par sa morphologie et ses cas de cultures le St. pyo- 
gène. Il est pathogène pour le lapin. Ces espèces se trouvent à Pétat 
d'unités isolées dans un grand nombre de cas et ne se développent souvent 
qu’au bout de deux jours à 37 degrés. 

De nombreuses bactéries, d’origine intestinale, sont associées à ces 
espèces pathogènes. | 

Dans l’exsudat péritonéal, j'ai trouvé, une fois sur trois environ, “. 
bactéries, en particulier le B. coli. Ce fait permettrait peut-être dl 
cider l’étiologie de certaines Dunes 

Comme expériences de contrôle, j'ai tué par section du bulbe un certairi 
nombre de lapins (3), 6 cobayes, 12 souris, et j'ai semé dans un grand 
nombre de tubes la sérosité péritonéale et le sang du cœur. Ce sang et 
cette sérosilé sont soujours restés stériles, comme il fallait s’y attendre. 
Au point de vue des impuretés, j'ai eu, en moyenne, {À impureté par 
12 tubes ensemencés. Si donc on défalque ces causes d’erreur, même en 
les triplant, on voit qu’il reste un assez grand nombre de cas positifs 
pour pouvoir rapporter à l’action du froid l’envahissement de l’orga 
nisme. Les frotlis d'organes et la bile, ensemencés, ne m'ont pas donné 
de résultats positifs. 

Par l’asphyxie, chez la souris, j’ai obtenu également les mêmes résul- 
tats qu'avec la congélation. Par contre, en laissant mourir un certain 
nombre de cobayes et de souris de faim, l’ensemencement de leur sang 
est loujours resté stérile. 

Le froid peut donc, aux derniers moments de la vie, déterminer la 
pénétration, dans le péritoine et dans le sang, des bactéries intesti- 
nales (1). C’est sans doute les lésions congestives, que le froid détermine 
sur l'intestin, qui favorisent cette pénétration dans le péritoine et dans le 
sang. On a en effet constaté (Malvoz) que des lésions intestinales, sans 
ulcérations ni perforations, pouvaient déterminer des péritonites dues 
au B. coli. 

Dans une prochaine communication, je montrerai que cet den 
ment peut être déterminé par d’autres agents jte le froid et l’asphyxie, 
et, en particulier, par certains poisons. 


(1) Cette migration dans Île sang, sous l'influence de la réfrigération, avait 
déjà été constatée par M. Bouchard. (Congrès de Berlin, 1890.) 


SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 995 


DIFFUSION DES MICROPES DANS L'ORGANISME, 
par M. A. CnaRRin. 


(Simple note à l'occasion de la communication de M. Wurtz faite dans 
cette séance du 17 décembre 1892.) 


Depuis plusieurs mois, je me suis appliqué à élucider quelques-unes 
des conditions propres à intervenir dans la diffusion des bactéries au sein 
de nos tissus. 

Différents travaux, en particulier ceux de M. Bouchard, ceux de 
MM. Charrin et Roger, l’intéressante communication de M. Würtz, ont 
mis en évidence le rôle de divers agents ou facteurs, tels que le nu le 
jeûne, le surmenage, elc. 

Je me suis placé à un autre point de vue. Prenant en considération la 
part possible du genre de mort, j'ai, en quelque sorte, SUUÉ le phéno- 
mène uniquement sur le Lane 

Dans ce but, j'ai sacrifié des animaux, les uns, par le trauma- 
tisme, les autres, grâce à des injections de sublimé ou d'acide borique (1), 
injections pratiquées, soit en une dose unique, massive, soit d'une ma- 
nière progressive, par volumes fragmentés, espacés. Les sujets étaient 
ensuile conservés dans des conditions identiques de température, de 
lumière, de position. Chaque jour, pendant une à deux semaines, on 
semait, sur plaques, le foie, les reins, au début le sang. — Ce passage 
des ge mes dans ies viscères est quelquefois rapide; il y a là une source 
d'erreurs pour la signification des bactéries qu’on isole. 

Parfois, je ne suis intervenu qu’à un inst ant où toute action vitale avait 
cessé. 

Je reviendrai avec détails sur ces recherches ; je me borne, aujourd’hui 
à dire, incidemment, que les procédés, parmi ceux que j'ai mis en œuvre, 
qui m'ont paru les plus efficaces, pour atténuer ou retarder la générali- 
sation microbienne, post mortem, sont ceux qui s'adressent, les sujets 
venant de succomber, directement au tube digestif tantôt sous forme de 
dépôt à peu près continu de poudres microbicides, tantôt sous forme de 
lavages plus ou moins antiseptiques, tantôt sous forme de résections plus 
ou moins étendues. L'idéal consisterait dans l'expérience un peu naïve 
de l’ablation totale de l’estomac à l’anus. En tout cas, ces indications 
permettent de comprendre, une fois de plus, l'importance des lésions de 


(1) On sait que, le plus souvent, si on inocule le même virus à deux animaux 
et qu'on traite l’un d'eux par des injections de toxines ou d’antiseptiques, la 
diffusion des bacilles s° opère plus vite, la mort survient plus tôt chez cet 
animal traité, 


996 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


cet appareil digestif; si on meurt par l'intestin, avec des ulcérations, avec 
accroissement des fermentations, on aura chance de voir les ferments 
figurés se répandre plus vite. 

Je me hâte d'ajouter que nos connaissances antérieures permettaient 
largement de prévoir les quelques indications que je viens de rappeler. 


Élection du Bureau pour Fannée 1893. 


Vice-présidents : MM. DARESTE et GALIPPE. 

Secrétaires annuels : MM. CAPiTAN, GILBERT, FABRE-DOMERGUE, WurTz. 
Trésorier : M. BEAUREGARD. 

Archiviste : M. RETTERER. 

Membres nouveaux du Conseil: MM. LAVERAN, REGNARD. 

Comité du contrôle : MM. DucLAUX, GRIMAUX, STRAUS. 


Comité de publication : MM. Cnauveau, DASTRE, DUMONTPALLIER, 
REGNARD, RAILLIET. 


Commission des échanges : MM. BROWN-SÉQUARD, DASTRE, DUPUY, GELLÉ, 
RICHET, DE VARIGNY. 


Commission des membres correspondants : MM. BLANCHARD, D'ARSONVAL, 
DAsTRE, Dupuy, MALASSEZ, QuinquauD. 


Le. Gérant : G. MASssoNn. 


Paris. — Imprimerie de la Cour d'appel. L. MarerHEux, directeur, 1, rue Cassette. 


997 


SÉANCE DU 24 DÉCEMBRE (1899 


M. LAuranié : Des variations corrélatives de la thermogenèse et des échanges respi- 
ratoires en fonction de la contraction musculaire. (Mémoies.) — M. A. DASTRE : 
Sucre et glycose à la suite de la défibrination. — M. Brasse : Application des lois 
de la dissociation à l'étude des phénomènes biologiques. (Mémoires.) — M.E, GLey : 
Remarques au sujet de la communication de M. Moussu. — MM. J. Couruonr 
et M. Dovon : Marche des contractures dans le tétanos expérimental chez les 
Solipèdes. — M. Turrter : Lithiase urinaire expérimentale. — M. Lesacr : Note 
sur un Cas d'adénie avec suppuration ganglionnaire due au bacille typhique. 
— M. G. Neumann : Un nouveau parasite du blé (Mystrosporium abrodens). — 


M. Wurrz : Du choléra arsenical expérimental. — M. H. BrAureGaRD : Deux Ca- 
chalots échoués sur les côtes de France. — MM. BarnsBy et LAzLLemanr : De l’ac- 
tion emménagogue exercée par les injections de liquide testiculaire. — M. P. 


Gruis : Note sur un muscle costo-basilaire chez le Cochon d'Inde. 


Présidence de M. Chauveau 


CORRESPONDANCE MANUSCRITE. 


Lettres de MM. Dareste et GaLtppe qui remercient la Société de les 
avoir élus vice-présidents pour l’année 1893. 


DES VARIATIONS CORRÉLATIVES DE LA THERMOGENÈSE ET DES ÉCHANGES RES- 
PIRATOITES EN FONCTION DE LA CONTRACTION MUSCULAIRE, par M. LAULANIÉ. 
(Voir Mémoires du présent volume, p. 341.) — Mémoire présenté dans 
la séance du 17 décembre 1892. 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 9€ SÉRIE. T. IV. 40 


998 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


SUCRE ET GLYCOSE A LA SUITE DE LA DÉFIBRINATION, 


par M. A. DASTRE. 


(Communication faite dans la séance du 17 décembre 1892.) 


Les physiologistes qui se sont occupés du dosage du sucre du sang 
recommandent d'opérer avec le sang total et non pas avec le sang défi- 
briné. Cette prescription a surtout pour objet de rendre comparables les 
analyses et de permettre de rapporter le poids de sucre au poids du 
sang. Mais, en réalité, la fibrine, en se déposant dans une liqueur san- 
guine, ne fixe qu'une quantité de sucre tout à fait négligeable. 

On devaitse demander ce qui arriverait si l’on pratiquait les défibrina- 
tions successives suivies de réinjéctions qui amènent l’état physiologique 
que j'ai appelé défibrination totale. 

Il était intéressant de voir quelles modifications dans la teneur en 
sucre pouvait entrainer une opération aussi altérante qu'est celle-là. Jai 
donc cherché comment la teneur du sang en glucose variait aux diffé: 
rentes phases de l'opération. 

Le tableau suivant fait connaître les résultats de quelques-unes de ces 
déterminations : 

SUCRE P. 1000 DE SANG. 
——— 


Numéros Sang Sang Sang 

de de de prise de dernière 
l'expérience. ire prise. intermédiaire. prise. 
(HO) MERE OR 0.97 10 — 1.04 9e — 0.89 
(oi) È 1.85 De — 1.89 De — 4.58 
(OL ee 2:03 ». — 2.78 D» —  » 
(O0) ERNE et 1.54 » ee 1 (0% D =— » 
(75) j 2,38 » — 1.31 »— {1,9 
(64) . ne 2.08 » — 4.74 » — 2,66 


On remarquera que les variations du glucose ne sont pas considérables 
et qu’elles ne dépassent point la limite, sinon des oscillations physiolo- 
giques, au moins des oscillations explicables par les conditions mêmes de 
l’opération : extraction d’une certaine quantité de sang, narcose, ralen- 
tissement respiratoire et, dans l'expérience (64), hyperglycémie cura- 
rique. On constate donc, en somme, que l'équilibre glycosique est peu 
modifié, c’est-à-dire que la glycolyse et la glycogénie sont faiblement 
atteintes dans leur rapport, par cette opération de la saignée à fond, 

Une seconde question a été examinée également. C’est de savoir si ce 
sang, de plus en plus pauvre en générateurs de la fibrine, et si Le sang 
ultime incoagulable détruisent leur sucre, une fois extraits, comme le 
sang normal, 


sé Ste 


SÉANCE DU 24 DÉCEMBRE 999 


qe 


Les expériences suivantes répondent à cette question : 


Exp. (64). — Sang de début . 


Guohe ss + 027/92"08 

Après 2 heures à 40 en le 
Après # heures à 40 degrés . . . . . 1.08 
Sans desprise intermédiaire 1... 04714 
Après 2 heures à 40 degrés . . . . . 0.90 
Après 4 heures à 40 degrés . . . . . 0.75 
Sang de la dernière prise . . . , 2.66 
Après 2 heures à 40 degrés . . . ….. 2.31 
Après 4 heures à 40 degrés. . . . . 1.51 


Sang deprise Dernière 


intermédiaire. prise. . 
Exp. (15). — Sang de début . . . . . Me Rae 4.31 1.31 
Après 24 heures à 10 degrés. 1.31 0.84 0.74 
Après #8 heures — 0.65 0.06 » 
Exp. (61). — Sang de début . : 12-09 2.18 » 
Après 24 heures à 10 de 11560 2.46 » 
Après 48 heures = 0,50 0.40 » 
Sang final. 
Exp. (57). — Sang de début . Da oil EE 1280 1.58 
APE SAR DEUTES RER EU 06 1.78 » 
Apres AS heures APN TANN » 1.14 0.60 


On estimera d’après cela, que les conditions de la destruction du sucre 
en dehors de l’organisme sont modifiées d'une manière insensible, ou 
tout au moins que les variations échappent à toute progression évidente. 
Le sang de plus en plus défibriné ou même totalement défibriné détruit 
son sucre à peu près comme le sang normal. C’est là un point très par- 


ticulier sans doute, mais cependant encore instructif, de l’histoire du 
liquide sanguin. 


APPLICATION DES LOIS DE LA DISSOCIATION A L'ÉTUDE DES PHÉNOMÈNES BIOLO- 
GIQUES, par M. Brasse. (Voir Mémoires du présent volume, p. 347.) 


1000 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


REMARQUES AU SUJET DE LA COMMUNICATION DE M. Moussu, 


par M. Ë. GLey. 


A propos du procès-verbal de la séance précédente, M. Gley demande 
la parole et s'exprime en ces termes : 


« Après avoir lu la communication de M. Moussu, publiée dans le 
n° 39 de nos Comptes rendus, je me vois obligé d’ajouter quelques mots 
aux Remarques que j'ai présentées dans ce même numéro sur ce tra- 
vail (1). Je ne puis en effet laisser passer certaines expressions et certains 
procédés de discussion de M. Moussu sans les soumettre aux réflexions 
qu'ils me paraissent mériter. - 

Pages 974-975, l’auteur, parlant de ses expériences sur les chevaux, 
me reproche vivement d’en avoir méconnu la valeur. Or, M. Moussu a 
dit lui-même (Mémoires Soc. de Biol., séance du 30 juillet 1892, p. 274) 
que « malheureusement » il n’a pu conserver les « quelques » animaux 
qu'il a opérés, plus de deux ou trois jours. Quelle signification, ai-je dit 
(Arch. de physiol., oct. 1892, p. 745), peuvent donc avoir ces expériences 
au sujet de la fonction possible du corps thyroïde chez le cheval, alors 
que nous savons que, même chez le chien, c’est-à-dire chez l'animal qui 
paraît résister le moins bien à la suppression de cette glande, les acci- 
dents et la mort surviennent entre le deuxième et le troisième jour, en 
général? Je n’ignore pas, il est vrai, que M. Moussu a refait une expérience 
sur le cheval, en avril 4892 (loc. cit., p. 274), et qu'il a conservé cet ani- 
mal deux mois après l'opération, sans avoir vu de troubles graves; il a 
également gardé indemne un âne pendant deux mois et demi après l’opé- 
ration. Mais je demande comment, étant donné ce que nous savons 
aujourd'hui des effets de la thyroïdectomie, sur ‘eur début et sur leur 
durée si variables, l’on peut oser, avec ces deux seuls faits, conclure que 
cette opération est inoffensive pour les solipèdes ; c’est Ià raisonner à la 
facon de von Rapp et de Bardeleben (2) qui, l’un en 1840 et l’autre en 
1844, à la suite de quelques expériences négatives sur les chiens, décla- 
raient que la suppression de la glande thyroïde ne donne lieu à aucun 
phénomène d'aucune sorte; sans doute, par un hasard étrange, mais dont 
il ne serait pas malaisé de trouver des exemples dans l’histoire des dé- 
couvertes biologiques, ils étaient tombés d'emblée sur une série singulière, 
ils avaient eu affaire à des animaux pourvus de glandes accessoires ou 


(4) Dans ces Remarques, se trouve une faute d'impression que je tiens à 
relever : p. 979, ligne 15 de ma note, il faut lire chevreaux, et non chevaux. 

(2) Von Rapp, Ueber die Schilddrüse, dissertat, inaugurale, Tubingen, 1840 ; 
Bardeleben, Comptes rendus Acad. des sc., 1844, t. XVIIT, p. 485. 


SÉANCE DU 24 DÉCEMBRE 1001 
Le EN ER EO SNTP L  G  RAR SS e EPRTEE 
même à des animaux réfractaires (1) ; et l’on sait pourtant que la survie 
chez le chien après la thyroïdectomie est extrêmement rare (2). Quoi qu’il 
en soit, cette mésaventure de von Rapp et de Bardeleben sert à montrer 
aux physiologistes qui s'occupent des fonctions du corps thyroïde com- 
bien il importe de ne pas se hâter de tirer des conclusions fermes de 
quelques résultats négatifs. 
Cette réserve me paraissait d’ailleurs d’autant plus justifiée que mes 
propres expériences m'avaient appris que, chez des animaux considérés 
jusqu'alors comme résistant à la thyroïdectomie, il existe des glandules 
dont la conservation suffit à préserver ces animaux de tous accidents. Or, 
un anatomiste suédois, Ivar Sandstrüm, dans un travail très soigné, a 
justement signalé la présence de telles glandules chez le cheval. N'était-il 
pas logique de rapprocher des résultats de mes expériences sur le lapin 
cette donnée anatomique et ainsi d'indiquer une grave cause d'erreur 
dans laquelle avait pu tomber M. Moussu au cours de son unique expé- 
rience sur le cheval (3)? Mon contradicteur, qui n’a pu jusqu'à présent 
retrouver les glandules décrites par Sandstrôm, de me reprocher alors de 
« vouloir que les choses soient » d’une certaine façon et « d'émettre des 
hypothèses ». Ce n’est pas moi qui « veux », ce sont les observations de 
Sandstrôm qui « veulent » qu'il existe des glandules thyroïdiennes chez le 
cheval ; pour moi, je cherche simplement à m'éclairer et je pense que les 
dissections de Sandstrôm sont des dissections au même titre que celles de 
M. Moussu, et non « des hypothèses ». 
. Page 975, M. Moussu, à propos de la critique que j'ai faite de ses 
expériences sur le mouton, la chèvre et le porc, écrit cette phrase que je 
livre à l'appréciation de mes collègues : « Je pourrais m'’attarder à dis- 
cuter, je ne m'en donnerai pas la peine, car M. Gley paraît par trop inté- 
ressé à faire croire que mes expériences n’ont pas la valeur que je leur 
ai attribuée. » Ceci n’est plus de la discussion scientifique ; et on sait de 
reste que toute polémique personnelle est vaine et irrationnelle; je dirai 
simplement que je ne suis intéressé, comme M. Moussu lui-même, je me 
plais à le penser, qu’à une seule chose, la recherche de la vérité. C'est dans 
cet esprit que, critiquant dans les Archives de physiologie (octobre 1892, 
p- 745) l'expérience de M. Moussu sur un bélier et celle qu'il a faite aussi 
sur une chèvre, j'écrivais (p. 746) en des termes, je crois, assez modérés 
pour ne froisser aucune susceptibilité: « De tous ces faits, on ne peut pas, 


(1) À moins pourtant tout simplement qu'ils aient gardé en observation 
leurs animaux pendant très peu de temps. 
- (2) Voy. E. Gley. Sur les effets de l’extirpation du corps thyroïde (Comptes 
rendus Soc. de Biol., 4 juillet 1894, p. 552), 

(3) J'étais en droit, en effet, de ne tenir que très peu de compte de ces expé- 
riences antérieures, réalisées à une époque où, je l'ai déjà fait remarquer, on 
ne connaissait pas l'existence des glandules thyroïdiennes. 


1002 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


ce me semble, ne pas tirer la conclusion que les expériences de M. Moussu 
sur le cheval et l’âne et, d'autre part, sur le mouton et la chèvre, incom- 
plètes, ne sont pas décisives. » Et c'est sans doute pour répondre à ces 
quelques mots que M. Moussu écrit la phrase que je viens de citer! Vrai- 
ment, je ne puis pourtant pas considérer comme complètes et définitives 
des expériences qui ont consisté à enlever le corps thyroïde à un bélier et 
à une chèvre (1). 

Je m'empresse d'ajouter qu’il est fort possible que, à l'inverse du chien, 
du chat, du singe, du renard, du lapin, du rat, de la souris, du jeune 
mouton, du chevreau, du porcelet, le cheval, l’âne, le mouton et la 
chèvre (et aussi la poule, d’après Allara, et le pigeon, d’après R. Ewald) 
résistent à la thyroïdectomie ; mais encore faudrait-il un nombre suffisant 
d'expériences pour le démontrer. D'autant que les résultats d'ordre 
négatif sont toujours moins aisés à faire accepter. 

À cette même page 975, M. Moussu soulève une question de priorité. 
J'estime, avec beaucoup, que ces questions se tranchent d’elles-mêmes. 
Qu'on appelle du nom qu’on voudra les troubles trophiques et la maladie 
chronique consécutifs à la thyroïdectomie, — et il est de fait, d’ailleurs, que 
ces troubles sont de forme diverse, — qu’on les dénomme myxædème, 
crétinisme, cachexie strumiprive, etc., Il restera toujours que le travail 
d'Horsiey a été publié dans le British medical Journ. de 1885, que mes 
propres observations ont paru dans nos Comptes rendus, séances du 19 dé- 
cembre 1891 et du 16 juillet 1892 et dans les Archives de physiologie, 
1% janvier et 1° avril 1892, que celles de Hofmeister se trouvent rela- 
tées dans les Fortchritte der Medicin du 15 février 1892 et que la 
communication de M. Moussu sur le même sujet est du 30 juillet 1892. 

Je ne reviendrai pas maintenant au fond même de la question; j'ai 
présenté dans mes Remarques du 17 décembre les observations que je 
jugeais nécessaires concernant les interprétations données à ses expé- 
riences par M. Moussu. Deux points cependant me semblent encore à 
relever dans sa communication. M. Moussu (p. 973) est très tenté d’ap- 
peler négatifs les faits que j'ai observés sur les lapins, et positifs ses 
propres résultats. De quoi s’agit-il pourtant ? N'est-ce pas de savoir si la 
glande thyroïde exerce chez le lapin quelque importante fonction ? Or, 
les cas de survie que l’on a pu constater, s'ils ne pouvaient être expli- 
qués, s'ils devaient être acceptés tels quels, signifieraient que la glande 


(1) M. Moussu invoque maintenant (p. 976) l'autorité de Sanquirico et 
Orecchia, qui ont vu, en effet (Bollettino della R. Acad. in Siena, 1887), des 
agneaux survivre à la thyroïdectomie. Je n’ai pu me procurer le travail origi- 
nal de ces auteurs et ne sais, par conséquent, combien d'animaux ils ont 
opéré. Mais voici que von Eiselsberg trouve justement que les agneaux 
deviennent myxædémateux après l'opération (voy. le numéro précédent, 
p. 980). 


SÉANCE DU 24 DÉCEMBRE 1003 


ne joue qu’un faible rôle chez le lapin. Pour tout le monde, je pense, 
c’est là quelque chose de négatif. Au contraire, les faits que j'ai relatés 
en détail démontrent le rôle important de cet organe chez le lapin, 
comme chez le chien : c'est un résultat positif. 

D'autre part, M. Moussu se refuse à examiner la question de la sup- 
pléance possible de la thyroïde par la rate et par la glande pituitaire : il 
croirait « s'engager dans une voie sans issue et s’égarer dans le domaine 
des fantaisies expérimentales à interprétations illusoires » (p. 974). Je 
n'ai jamais parlé de la suppléance du corps thyroïde par la rate que 
pour combattre cette idée (voy. Arch, de physiol., avril 1892, p.312). En 
ce qui concerne l'hypophyse, je rappellerai simplement à ce sujet ce que 
j'ai déjà dit dans les Archives dephysiologie ‘avril 1892) et dans nos Comptes 
rendus (1891 et 1892), à savoir que Rogowitch en 1888, et Stieda, en 1889, 
ont démontré qu’à la suite de l’exlirpation incomplète du corps thyroïde 
chez le lapin, il se produit dans l’hypophyse des modifications structu- 
rales très nettes et qu'ils ont minutieusement décrites, et que Hofmeister 
et moi-même, en 1892, avons remarqué l’hypertrophie de l’hypophyse 
à la suite de la même opération. Dans ces conditions, je crois qu’on peut, 
en vertu d’une induction légitime, et nullement fantaisiste, se demander 
si la glande pituitaire ne suppléerail pas la glande thyroïde {1), dans 
certains cas, et qu’il est permis de soumettre cette idée au contrôle de 
lexpérimentation. C’est ce que j'ai commencé de faire (Arch. de physiol., 
avril 1892). En tout cas, la recherche, même très difficile, peut-être vouée 
à l’insuccès, et sûrement très longue et très laborieuse, est préférable à 
la négation a priori. » 


MARCHE DES CONTRACTURES DANS LE TÉTANOS EXPÉRIMENTAL 
CHEZ LES SOLIPÈDES, 


par MM. J. Courmont et M. Doyon. 


(Travail du Laboratoire de M. le professeur Arloing.) 


Tous les expérimentateurs qui ont inoculé le bacille de Nicolaïer ou 
ses toxines ont constaté que les contraclures débutent constamment par 
le muscle injecté, pour atteindre ensuite les muscles voisins, et de là se 
généraliser à tout le corps si l’intoxication est assez intense. MM. Vaillard 
et Vincent ont spécialement insisté sur ce fait et ont remarqué qu'il est 


(1) Tel est aussi l'avis de Pisenti et Viola, qui ont étudié l’histologie normale 
et pathologique de la glande pituitaire (Accad. med. chir. di Perugia, 
2 mars 1890). 


AR OR RE Net OS OR Pa NE OO NC CEE Re OP EME EE 
mes , ' < ù AG) SNL ER 


1004 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


même possible de localiser la contracture à un seul muscle en lui injec- 
tant une dose de toxine suffisamment faible. Cette marche dans le 
mode d'apparition et de généralisation des contractures télaniques est 
reslée jusqu’à présent sans exceptions en pathologie expérimentale. 

Il n’en est pas moins vrai que l'observation clinique assigne au létanos 
humain une tout autre physionomie dans la majorité des cas. Chez 
l'homme, les premières contractures tétaniques apparaissent le plus sou- 
vent loin de la région lésée, dans des muscles de prédilection, tels que 
les massélers. Les vétérinaires ont également noté que, fréquemment 
chez le cheval, les premiers muscles atteints n’avoisinent pas la plaie 
d'inoculation. 

Nous venons d'être témoins de faits expérimentaux qui ont fidèlement 
reproduit les cas cliniques auxquels nous faisons allusion. 

Nous avons entrepris depuis assez longtemps des expériences pour élu- 
cider la pathogénie des contractures létaniques (1). Nous nous sommes 
servis à cet effet de plusieurs espèces animales. Chez le lapin, le cobaye, 
le chien, la grenouille, nous avons toujours vu les contractures apparaitre 
d'abord dans la région inoculée ; mais il n’en a plus été de même quand 
nous nous sommes adressés aux Solpèdes. 

Ayant au préalable démontré que le poison létanique produit la con- 
tracture par voie réflexe en irritant l'extrémité périphérique des nerfs sen- 
silifs (2), nous avions voulu schématiser nos résultals dans une expé- 
rience qui nous renseignât en outre sur le rôle spécial des nerfs sensitifs 
musculaires. Pour cela, nous fondant sur ces deux faits : 1° que les con- 
tractures télaniques débutent toujours par le muscle inoculé; >? qu'il 
existe, ainsi que l’a démontré notre maître M. Chauveau, un muscle, le 
sterno-maxillaire des Solipèdes, dont toutes les fibres sensilives sont 
condensées en un seul filet anatomiquement distinct du nerf moteur, nous 
avions pensé inoculer comparalivement sur des Solipèdes des muscles 
sterno-maxillaires, les uns normaux, les autres privés de touie sensibilité 
par la section de leur filet sensitif. La situation superficielle de ces mus- 
cles, leur longueur, leur action bien nette sur les mouvements de la tête 
devaient rendre l'observation facile. 

Or, nous n'avons pu tirer parti de nos expériences en faveur d’une 
théorie pathogénique des contractures tétaniques, précisément à cause 
d'une anomalie qui présente chez ces animaux le mode d'apparition de ces 
contractures. Voici les faits : 

Un âne de 203 kilogrammes recoit, après section du filet sensitif du 
muscle sterno-maxillaire droit, dans le corps de chacun des deux muscles 


(1) Courmont et Doyon. Congrès de physiologie de Liège, août 1892. 
(2) Curarisalion, section de nerfs, destruction de la moelle, chloroformi- 
sation, section des racines rachidiennes sensitives, etc. 


ri | 


DCE D CR ER ES ER 


SÉANCE DU 24 DÉCEMBRE 1005: 


similaires, À centimètre cube d'une culture filtrée du bacille de Nicolaïer, 
tuant rapidement le cobaye à des doses infinitésimales. Aueun symptôme 
ne s'étant manifesté au bout de vingt-quatre heures, une nouvelle 
injection de 3 centimètres cubes est faite dans chaque muscle sterno- 
maxillaire; soit, au total, 4 centimètres cubes par muscle. Quatre jours 
après la première injection, les contractures apparaissent, mais immé- 
diatement généralisées, et l’animal meurt en quelques heures sans que 
ses muscles sterno-maxillaires se soient distingués des autres muscles de 
l’économie. 


L'expérience suivante, portant sur deux chevaux, est bien plus instruc- 
tive : 


Deux chevaux de très grande taille reçoivent chacun, dans le corps de 
leur muscle sterno-maxillaire droit, ? centimètres cubes de culture filtrée 
du bacille de Nicolaïer. Sur l’un d'eux, le filet sensitif du muscle inoculé 
avait été au préalable sectionné (1); l’autre n'avait subi aucune vivisec- 
tion. Ces deux animaux sont examinés avec le plus grand soin toutes les 
deux heures. Pendant cinq jours aucun symptôme ne se manifeste. Puis, 
le cinquième jour, le tétanos apparait d'une façon identique sur les 
deux chevaux. Les oreilles sont droites, raides, revenant à celte situation 
comme mues par un ressort si on les en fait dévier. La queue est égale- 
ment raide, projetée en l’air et fixée dans cette position. Tels sont, à ce 
moment, les seuls symptômes tétaniques. Les muscles sterno-maxillaires 
sont souples, la tête et le cou sont libres, la mastication facile. On ne 
peut observer la moindre différence entre les deux animaux, Quelques 
instants plus lard, on remarque, également chez tous les deux, de la 
raideur des quatre membres qui ressemblent à des piquels supportant le 
corps du cheval. A la suite d'une légère poussée, l’un des animaux tombe 
pour ne plus se relever; l’autre ne peut marcher qu’avec de grandes pré- 
cautions. 

Six heures plus tard, le tétanos s’est peu à peu généralisé à tout le 
corps des deux chevaux, sauf aux muscles du cou. Le cou est la seule 
partie du corps qui soit encore flexible; les deux muscles sterno-maxil- 
laires de chaque animal sont absolument souples. 

Au bout de trois heures, les contractures apparaissent enfin dans le cou, 
et sans y débuter par les muscles sterno-maxillaires. On peut presque 
dire que ceux-ci ont été les derniers atteints. 

Les deux chevaux meurent en quelques heures, sans qu'on puisse noter 
de différence entre le muscle sterno-maxillaire insensible et le sain, tout 
deux étant d’ailleurs les muscles les moins tétaniques du corps. 


(1) Ces vivisections ont été faites par M. Guinard, chef des travaux de phy- 
siologie à l'École vétérinaire de Lyon, à qui nous sommes heureux d'adresser 
ici tous nos remerciements. 


1006 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


On voit, par les expériences précédentes, que la loi de l’apparition pri- 
mitive des contractures tétaniques dans les muscles inoculés n’est pas 
générale et ne peut s'appliquer aux Solipèdes, ainsi que l'observation 
clinique tendait déjà à le faire croire. 

Dire que, chez l’homme et le cheval, certains muscles doivent posséder 
un certain système sensitif spécialement irritable par le poison létanique, 
n’est que reculer une explication de ces fails. 

On notera en tous cas la longue incubation de l'affection chez nos ani- 
maux ; elle semble être en rapport avec le trajet qu’a dû faire la toxine | 
pour aller agir au loin sur des nerfs sensitifs musculaires de prédilection. 
Mais, une fois déclaré, le tétanos s’est généralisé brusquement et a en- 
traîné une mort rapide. ; 

On voit une fois de plus, par cette note, combien il est important de 
multiplier les expériences sur des espèces diverses avant de poser des lois 
générales en pathologie infectieuse. 


LITHIASE URINAIRE EXPÉRIMENTALE, 


par M. TurriEr. 


Dans une série d'expériences publiées en 1888 dans les Bulletins de 
la Sociélé anatomique, j'ai démontré qu’un corps étranger aseptique 
abandonné dans l’arbre urinaire normal, ne provoquait le dépôt d’aucun 
sédiment calcaire à sa surface, et que, réciproquement, les voies de sécré- 
tion et d’excrétion de l’urine toléraient parfaitement ce corps sans mani- 
fester aucune apparence de lésion. J'ai cherché, depuis celte époque, à 
reproduire la lithiase urinaire en me rapprochant des données de la 
clinique, c’est-à-dire par l'alimentation. 

Dans une première série de recherches, entreprises en 1891, j'essayai 
de saturer d’acide urique ou d'urates l’urine des animaux, par l’ingestion 
exclusive de viande rouge. J'échouai complètement. Les animaux furent 
sacrifiés au bout de plusieurs mais ; qu'ils aient été indemnes de tout 
traumatisme, ou que j'aie placé dans les voies urinaires des corps étran- 
gers, le résultat fut négatif. 

Je tentai de même, mais avec une foi médiocre, sachant que les calculs 
phosphatiques sont secondaires, de provoquer des calculs phosphatiques 
par l'alimentation exclusive de poudre d’os avec ou sans adjonction de 
bicarbonate de soude. Ce nouvel échec ne m'étonne pas, parce que nous 
savons que les concrétions phosphatiques sont généralement secondaires. 
De même l’ingestion d’urates, d’oxalates, d’acide urique ne provoque pas 
de gravelle. Ebstein et Nicolaïer en faisant ingérer l’osanude, corps voi- 
sin de l'acide oxalique, virent se développer des excrétions dans le rein. 


SÉANCE DU 24 DÉCEMBRE 1007 


J'essayai sans succès ce procédé en 1891, je poursuivis ces expériences 
en mai dernier, et, cette fois, avec un résultat positif. L’ingestion de 
406 grammes de ce corps, chez un chien provoque, en quelques semaines 
l'apparition de la gravelle urinaire, et bientôt se forment dans le rein, 
l'uretère et la vessie, des calculs et de vraies pierres de couleur jaunâtre 
et de volume variable. La production artificielle des calculs urinaires et 
vésicaux est done résolue et elle permet de résoudre un certain nombre 
de questions discutées. Ces calculs se forment aseptiquement. MM. Chan- 
temesse et Widal ont examiné ces calculs. Au point de vue bactériolo- 
gique, leur stérilité est complète aussi bien à la périphérie qu'au centre. 
Les voies de l’urine étaient également stériles. La théorie parasitaire de 
la lithiase urinaire purulente, déjà battue en brèche par la clinique, est 
ainsi ruinée. J’ai pu, par ce procédé, prendre sur le fait même et la forma- 
tion des calculs et les lésions rénales de la lithiase urinaire, en suivant 
jour par jour leurs altérations et leur mode de réparation après l’extrac- 
tion du calcul. Les lésions ainsi déterminées se rapprochent beaucoup 
de celles de la goutte. L'appareil urinaire est frappé à l'exclusion des 
autres glandes de l’économie (foie, pancréas). Les deux reins sont atteints 
de néphrite scléreuse diffuse, mais les deux glandes ne présentent pas 
des lésions égales. Un gros calcul d’un côté peut coïncider avec des petits 
graviers du côté opposé. Le parenchyme conserve sa forme et son volume, 
sauf dans les cas où il existe une hydronéphrose provoquée par des con- 
crétions urétérales. Lorsqu'il existe un gros calcul du bassinet, le rein 
conserve si bien sa forme et sa consistance qu'il est très difficile de recon- 
naître la pierre à travers sa paroi, sur l’animal vivant laparotomisé. Ce 
n’est qu’en introduisant le doigt en crochet dans la bile, qu’on arrive à 
le sentir, manœuvre que j'ai recommandée pour l'exploration intra- 
rénale chez l’homme. ’ 

Il était intéressant de connaître l'action des corps étrangers sur la pro- 
duction de ces calculs. Les corps étrangers peuvent devenir le centre 
d’un calcul, mais dans des conditions données. Un corps aseptique précipite 
moins facilement qu’un corps septique. L'état lisse ou rugueux de sa 
surface estune condition défavorable à la formation d’une couche calcaire. 
L'influence de la nature de ce corps, et surtout sa permanence doivent 
être envisagées. C’est ainsi que la soie stérilisée s’incruste au contact de 
l'urine, alors que le catgut, dans les mêmes conditions, disparaît complè- 
tement. Cette constatation permet d'affirmer que la substance de choix 
dans toutes les sutures portant sur l'appareil urinaire et devant se trouver 
au contact permanent de l'urine, doit être le catgut qui se résorbe et ne 
peut devenir le centre d’un calcui. 

Enfin, parmi les conditions qui favorisent et retardent la production de 
ces calculs, nous avons obtenu les résultats suivants. 

La rétention incomplète de l'urine dans le bassinet obtenue par rétré- 
cissement de l’urètre au moyen d’une ligature peu serrée, à la soie, 


1008 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


retarde cette production. Il est probable que la rétention partielle ainsi 
produite diminue l’évulsion par le rein, des matières extractives de l'urine. 
Enfin les néphrites ainsi déterminées ne permettent pas la néphrectomie. 
Tous les animaux en expérience auxquels j’ai pratiqué cette opération, 
ont succombé. J'ai retrouvé ainsi la vérification d’une loi que j'ai cherché 
à établir : l'absence d'hypertrophie compensatrice dans les reins atteints 
de néphrile diffuse et les chances de mort par urésmie toutes les fois qu'un 
rein est supprimé dans ces conditions. 


NOTE SUR UN CAS D'ADÉNIE 
AVEC SUPPURATION GANGLIONNAIRE DUE AU BACILLE TYPHIQUE, 


par M. LESAGE. 


Nous avons l’honneur de présenter à la Société de Biologie l’histoire 
bact ériologique . d'une malade, qui est atteinte d’adénie et soignée à 
l'hôpital de la Pitié dans le service de M le professeur Jaccoud. 

Depuis de longues semaines, l'adénie, localisée uniquement aux gan- 
glions lymphatiques, à l'exclusion de la rate et du foie, suivaitson cours 
normal, quand, sans cause appréciable, on remarqua qu'un des ganglions 
atteints présentait un point plus mou, qui, quelques jours après, devint 
fluctuant et abcédé. M. Belin fit une ponction antiseptique de cet abeës, 
et retira du pus, qui fut étudié au point de vue bactériologique. Le bacille 
typhique fut le seul élément morphologique obtenu : il s'agissait d'un 
abcès dû au bacille d’Eberth. La culture en démontrait en effet tous les 
caractères et, entre autres, les suivants : pauvreté de la végétation sur les 
divers milieux, absence de production d’indol, absence de fermentation 
de la lactose, absence de coagulation du lait. De plus ce lait, après un 
long temps de culture, a été soumis à l’ébullition et ne s'est point coagulé. 
Ces caractères éliminent donc le Bacterium coli classique d’une part, et 
d'autre part, Le B. coli atténué, qui a une action lente sur la lactose (fer- 
mentation bulle par bulle), et sur la coagulation du lait (lait à peine 
coagulé ou qui se coagule par la chaleur). Tout récemment, MM. Achard 
et Renaut insistaient sur ces caractères. 

Nous étions donc en présence du bacille typhique. Or cette malade est 
atteinte d’adénie, et n’a jamais eu de fièvre typhoïde. D'où vient ce 
bacille typhique et comment a-t-il pu pénétrer dans ce ganglion hyper- 
plasié? Souvent la malade présente des accès de diarrhée, accès qui 
sont souvent observés dans le cours de l’adénie. Nous avons trouvé dans 
ce liquide le B. coli virulent, mais point de bacille typhique. Ne peut-on 
pas admettre, avec M. le professeur Jaccoud, que le-B. coli virulent intes- 
tinal a envahi, infecté le ganglion déjà malade, et qu’au contact de ce 


SÉANCE DU 24 DÉCEMBRE 1009 


tissu lymphatique humain, ce microbe a perdu ses propriétés végétatives 
de culture, ses propriétés de faire fermenter la lactose et de produire de 
l’indol ; en un mot, d’être transformé en une espèce, devenue stable, et se 
reproduisant en cultures, suivant les caractères du bacille typhique ? 


UN NOUVEAU PARASITE DU BLÉ (Mystrosporium abrodens), 


Note de M. G. NEUMANN. 


On ne parait pas avoir signalé d'Hyphomycète qui s'attaque au fro- 
ment cultivé. J'ai eu l’occasion d’en observer une espèce, que je crois 
plus fréquente qu'il ne semblerait d’après le silence des mycologues à son 
égard. 

Ce champignon, d'après les caractères des hyphes, rentre dans la 
famille des Dématiées, et, d’après ceux de ses spores, dans la section des 
Dictyosporées de Saccardo. Il est voisin du Wystrosporium polytrichum, 
CookE, qui a été trouvé en Amérique, en Afrique eten Italie, sur un assez 
grand nombre de plantes différentes, parmi lesquelles les Monocotylé- 
dones ne sont représentées que par des Gladiolus et des A/oe. En raison 
de la fragilité que ce champignon communique aux nœuds des chaumes 
du blé, je propose de le nommer Nystrosporium abrodens. 

La maladie déterminée par cette Dématiée s’est montrée dans plusieurs 
communes de la Haute-Garonne et de l'Ariège. Ses dommages consistent 
dans l'avortement de la plupart des grains de l’épi sur les pieds attaqués 
et dans la fragilité extrême des nœuds inférieurs de la tige. L’ayortement 
des grains n’est qu’un effet secondaire de l’état maladif de la plante. La 
fragilité des nœuds est le résultat immédiat de la présence du parasite 
en ces points du végétal. 

La maladie siège à peu près exclusivement sur les feuilles et sur les 
nœuds. Le limbe des feuilles a sur ses deux faces une teinte brunâtre 
plus ou moins foncée, due à une foule de ponctuations disposées en séries 
linéaires assez régulières. La gaine de la feuille présente le même carac- 
tère, mais à un moindre degré. 

Le chaume est resté normal, sauf à certains nœuds, qui ont une teinte 
brune, sont étranglés dans leur milieu et se brisent avec une grande 
facilité. Les deux ou trois premiers nœuds inférieurs sont très peu atteints. 
Le troisième et le quatrième le sont à un haut degré et, à mesure qu'on 
s'élève sur la tige, les signes immédiats de la maladie disparaissent sur 
les feuilles et sur les nœuds. 

Le champignon qui cause cette dématiose est formé de filaments mycé- 
liens et de spores. 

Les filaments mycéliens forment à la surface de la feuille des touffes 


1010 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


brunes ou noirâtres disposées en séries longitudinales, et correspondant 
les unes à des stomates, les autres à des poin(s quelconques de l’épiderme. 
Ces hyphes sont droites ou à peine flexueuses, rapprochées par leur base, 
divergentes par leur extrémité libre; la plupart sont indivises; quel- 
ques-unes seulement ont une ou deux ramifications courtes, de même 
diamètre ou d’un diamètre un peu plus faible. Ce diamètre est compris 
entre 5 et 8 y; il est généralement le même dans toute la longueur; cepen- 
dant le parallélisme des bords est assez souvent altéré par de légers bour- 
souflements espacés, qui indiquent des bourgeonnements esquissés. Les 
hyphes ont 20 à 100 & de longueur environ ; elles sont cloisonnées à des 
distances inégales. Leur coloration est d’un brun plus ou moins foncé; 
plusieurs d’entre elles offrent un petit nombre de taches claires qui cor- 
respondent à des amincissements de la membrane d’enveloppe. 

Elles ne portent pas de spores. Celles-ci naissent à l'extrémité de fila- 
ments très courts entremêlés aux précédents; il semble que, pour ceux- 
là, l’activité végétative, au lieu de s’employer à leur élongation, ait été 
consacrée à la formation de spores, qui seraient ainsi des hyphes à seg- 
ments raccourcis et dilatés, 

Les spores ont la même couleur que les filaments. Les plus simples 
sont globuleuses, uniloculaires, d’un diamètre à peine supérieur à celui 
des filaments. D’autres sont ovoïdes, biloculaires, à cloison perpendicu- 
laire à leur grand axe. La plupart comportent un nombre varié de loges 
formant par leur ensemble une masse allongée. Celles dont le développe- 
ment est complet sont claviformes, atténuées à leur base en un pédicule 
qui prolongeait l’hyphe-mère. Elles ont 60 à 65 & de longueur sur9 à 10 w 
de diamètre dans leur région la plus renflée. Leur cavité est divisée par 
de nombreuses cloisons, dont la plupart sont perpendiculaires à l'axe, 
mais qui, dans les spores les plus mûres, peuvent, dans la partie renflée, 
avoir des directions variées. Chaque loge présente ordinairement sur sa 
paroi externe un ou deux espaces clairs, pores ou amincissements, des- 
tinés à permettre la germination. Celle-ci peut, d’ailleurs, s'effectuer par 
une loge quelconque de la spore, mais de préférence par une de celles de 
la partie renflée. 

Le parasite paraît attaquer les uœuds par leur périphérie; il en détruit 
peu à peu le tissu en y creusant de petites cavités irrégulières, tapissées 
par le mycélium et les spores, d’où résulte la grande fragililé de ces 
nœuds. La moelle disparaît au-dessus de la cloison attaquée, et l'aspect 
de l’épi indique bien une végétation languissante. 

Cette mystrosporiose a, dans certains champs, causé des pertes évaluées 
au dixième de la récolte. J'ai retrouvé le Mystrosporium abrodens sur des 
blés rouillés, au milieu de Puccinies. J’en avais, d’ailleurs, plusieurs 
‘fois rencontré les spores claviformes dans des produits tégumentaires de 
bœufs et de chevaux, qui étaient atteints ou soupconnés de trichophytie. 


SÉANCE DU 24 VÉCEMBRE 1011 


DU CHOLÉRA ARSENICAL EXPÉRIMENTAL, 


par M. Wurrz. 


Dans une Note précédente, j'ai montré que sous l'influence de divers 
agents, les bactéries intestinales peuvent, pendant les derniers instants 
de la vie, envahir le système sanguin, où elles peuvent être aécelées par 
l'examen bactériologique. Certains poisons peuvent déterminer aussi cet 
envahissement. J’ai expérimenté d’abord l’action de l'acide arsénieux. 

L'empoisonnement aigu par l’arsenic présente des symptômes, rappe- 
lant d’assez près ceux du choléra, pour qu’on ait pu donner à l’ensemble 
de ces signes le nom de choléra arsenical. L’algidité est au nombre de ces 
symptômes, et chez les animaux, elle est très prononcée. J'ai déterminé 
l'empoisonnement aigu, dans mes expériences, soit par ingestion, soit par 
inoculation sous-cutanée ou intra-veineuse intra-péritonéale. Ces expé- 
riences ont porté sur 50 animaux (38 cobayes, 9 lapins et 3 souris). La 
mort du plus grand nombre de ces animaux a été déterminée par ingeslion. 

Comme l'acide arsénieux est peu soluble, j'ai eu recours à l’artifice 
suivant, nécessaire pour faire ingérer aux animaux des doses d’arsenic 
assez considérables. On roule dans une petite feuille de papier à cigarettes 
la dose d’arsenic, pesée, et on l’enfonce dans la gueule de l’animal, tenue 
ouverte par un aide. On y fait tomber ensuite quelques gouttes d’eau à 
l’aide d’une pissette. Si l’on a eu soin de tirer, avec une pince tenue de 
la main gauche, Ja langue de l’animal hors de la gueule, et de lâcher la 
langue au moment où l’on verse l’eau, on fait déglutir sûrement la bou- 
lette. Les doses mortelles sont les suivantes, en moyenne. Pour un cobaye 
de 450 grammes, 1 décigramme amène la mort en douze heures environ. 
Pour un lapin de 2 kilogrammes, il faut 6 décigrammes. Chez le cobaye, 
4 décigrammes amènent la mort en moins de huit heures en moyenne. 

Les symptômes observés à la suite de l’ingestion d’arsenic sont trop 
connus pour que je les relate ici. L'animal souffre besucoup, il a des 
frissons. Le poil est hérissé, l'œil terne et la température s’abaisse pro- 
gressivement. Constatée au thermomètre, l’algidité se perçoit déjà à la 
main. La température peut atteindre 29°,5 au moment de la mort. Chez 
les lapins, il y a une diarrhée abondante; chez les cobayes, on en observe 
peu ou point. 

La mort arrive après un laps de temps extrêmement variable. Suivant 
que l’animal a l'estomac plein ou vide, elle survient plus lentement, ou 
plus vite. 

Il nya pas de relation précise entre le poids d’un animal, la dose 
ingérée, et le nombre d'heures de survie. 

Ce fait rend assez difficiles à réaliser les expériences telles que je m'é- 
tais proposé de les faire; c’est-à-dire : déterminer l’algidité chez les ani- 


1012 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


maux, les tuer, par section du bulbe, et pratiquer de suite l’examen 
bactériologique. 

Or il arrive bien souvent que l’animal meurt au bout d’un temps beau- 
coup plus court que celui sur lequel on comptait. Sur 88 autopsies de 
cobayes, 14 seulement ont été faites dans les conditions énoncées ci- 
dessus (1). 

Toutes les autres autopsies ont été faites de un quart d’heure à deux 
heures après la mort, à l’exception de cinq, où les animaux, morts pendant 
la nuit, ont été trouvés déjà raides. Les lésions que l’on trouve à l’autopsie 
sont bien connues. 

Congestion veineuse énorme, ecchymoses stomacales, congestion des 
viscères abdominaux. L’intestin grèle est rouge vif. Malgré un examen 
attentif et des coupes répétées, pratiquées au niveau des points qui 
semblaient le plus lésés, je n’ai pas constaté d’ulcération intestinale. 
J'insisterai seulement sur la présence d’épanchements séreux, souvent 
abondants, dans le péritoine, le péricarde et la plèvre. L'exsudat est par- 


fois louche. 
Les ganglions inguinaux chez le cobaye sont rouges et congestionnés. 


Examen bactériologique. 


L'examen bactériologique était pratiqué de la façon suivante. Avec des 
pipeltes Pasteur, on prélevait les sérosités des séreuses, le sang de la veine 
porte et le sang du cœur, et on semait dans un grand nombre de tubes 
de bouillon, En même temps, tous les liquides recueillis étaient semés 
dans des tubes de gélose, préparés pour la culture des anaérobies. 

On mettait ces tubes à l’étuve à 37 degrés pendant plusieurs jours, et 
on procédait à l’examen des cultures. 

Voiciles résultats obtenus : 


Lapins tués dans l’aigidité à des températures variant de 32 à 299,5 — 7. 


5 fois le sang du cœur a poussé; 
2 fois il est resté stérile. 
RÉSULTATS 
positifs. 
SÉLOSNLÉMDENIIONEALE ACTE IEEE 5 
NS DÉTICARMIQUE.. SL LME ete MN RCE 3 
MAR DICUTAlE RAR Se CR NEC ENERRS il 


(1) En moyenne, en donnant à onze heures du soir à un cobaye de 
450 grammes (qui a mangé dans l'après-midi, 1 déc. 5 d’arsenic, on pourra, 
dans la grande majorité des cas, tuer l'animal le lendemain matin, de 
huit heures à midi, en période algide. Pour un lapin de 2 kilogrammes, 2 déci- 


grammes. 


SÉANCE DU 24 DÉCEMBRE 1013 


Cobayes tués à des températures variant de 36 à 30 degrés — 14. 


RÉSULTATS 

positifs. 
Veine porte . . .. 7 
SOS CCE: Me NE ere 4 
D'ÉCOLE Re ne de Tee a re 6 
PÉTICAT UOTE DMOE EME S RASE ROUTES 3 
Plèvre. . : (D 


Dans tous les cas où le sang du cœur a poussé, celui de la veine porte 
a également donné lieu à un développement de microbes. La réciproque 
n’est pas vraie. 

La dose employée influe sur les résultats positifs. 

Si elle est trop forte, le sang du cœur reste stérile, ainsi que les diffé- 
rents exsudats. L’inoculation sous-cutanée intra-veineuse ou intra-périto- 
néale donne encore plus de résultats positifs que l’intoxication par injec- 
tion. 

Plus l’empoisonnement est lent, plus les résultats positifs augmentent, 
Dans deux cas, où il avait duré trois et cinq jours, il y avait envahisse- 
ment de tous les viscères. La vessie (qui est contractée dans l’empoison- 
nement aigu) était pleine d’une urine sucrée et albumineuse contenant le 
Proteus vulgaris en grandes quantités. 

Les autopsies faites quelques moments après la mort ont donné des 
résultats identiques. Ils peuvent être interprétés de la même facon, car 
chez des animaux sains témoins, sacrifiés par piqüre du bulbe et aban- 
donnés à la température de la chambre, l'examen du sang et des viscères 
n’a montré qu'au bout de vingt-quatre heures les bactéries de la putré- 
faction. 


Microorganismes isolés. 


L'innombrable variété des microorganismes intestinaux des animaux 
d'expériences ne m'a pas permis d'identifier toutes les espèces bacté- 
riennes que j'ai isolées. Elles existaient soit à l’état de culture pure, soit 
associées à d’autres espèces, dont je les ai séparées par la méthode des 
cultures sur plaque. Entre autres organismes, j'ai noté 15 fois le Proteus 
vulgaris 9 fois, le B. coli, dont 5 fois chez le lapin, diverses sarcines el 
streptocoques, et un anaérobie vrai qui s’est trouvé dans le sang du cœur 
d’un cobaye et qui n’est ni le vibrion septique, ni le tétanos, ni le 
B. butyrique. 

Ces bactéries se trouvent à l’état d'unités isolées dans le sang du cœur 
lorsque l’animal a été empoisonné par une dose assez forte. Leur nombre 
augmente de plus en plus, avec le temps que dure l’intoxication. 

40, 


1014 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Ces microbes apparaissent dans le sang aux derniers moments de la 
vie, dans l’empoisonnement aigu, alors que la température s’est abaissée 
au-dessous de — 34 degrés ou 33 degrés. Chez les animaux que j'ai sacri- 
fiés, alors qu’ils avaient une température rectale supérieure à 35 degrés, 
il n’y a eu que des résultats négatifs. 

Il semble donc qu'il y ait, dans ces cas, un rapport entre l'algidité et 
l’envahissement de l'organisme par les bactéries. 

Quoi qu'il en soit, ces expériences me semblent mettre en évidence ce 
fait que, sous l'influence d’une intoxication, les bactéries des cavités natu- 
relles et surtout de l'intestin, peuvent envahir le sang pendant la vie et au 
moment de la mort, grâce aux lésions congestives de l'intestin. On peut 
en déduire, comme conséquence pratique, que si l’on trouve une bactérie 
donnée dans le sang du cœur d’un animal, on n'est pas en droit absolu 
de conclure que cette bactérie est la cause de la mort. 

Je pense que d’autres poisons, et en particulier les poisons microbiens, 
peut-être surtout ceux qui déterminent de la congestion de l'intestin et 
de la diarrhée, peuvent provoquer le même phénomène et donner lieu à 
de graves causes d'erreur, aussi bien chez les animaux que chez l’homme. 
Je ferai remarquer qu’à ce point de vue, l’arsenic, poison minéral violent, 
antiseptique énergique, élait certainement un des agents les plus défavo- 
rables que l’on pût choisir, pour obtenir des résultats dans le sens de 
ceux que je viens d'exposer. 


DEux CACHALOTS ÉCHOUÉS SUR LES CÔTES DE FRANCE, 


par M. H. BEAUREGARD. 


Le dimanche 4 décembre, un grand Cétacé qui avait été aperçu flottant, 
depuis quelques jours, non loin des côtes ouest de l’île d'Oléron, fut jeté 
sur la plage de la commune de Domino, à 4 kil. 1/2 environ au sud 
du village de Cheaucres. L'animal mesurait 13 mètres de long. Il fut 
aussitôt signalé par dépêche au Muséum, et M. le professeur Pouchet 
ayant, après renseignements complémentaires, reconnu qu'il s'agissait 
d’un CGachalot, me délégua pour tirer de cette épave le meilleur parti pos- 
sible. 

A mon arrivée à l'ile d'Oléron, je fus reçu par M. Estorges, commis- 
saire de l'inscription maritime, qui voulut bien me donner toutes faci- 
lités pour parvenir sans relard au lieu de l’échouement, et qui mit 
obligeamment à ma disposition un de ses gardes maritimes, M. Poirier, 
dont je ne saurais trop louer l’intelligence et le dévouement. 

Arrivé sur la plage de Domino, je pus vérifier qu'il s'agissait bien en 
effet d’un Cachalot, en état de conservation assez médiocre, il est vrai, 
mais, somme toule, bien complet, sauf toutefois à la partie postérieure, où 


SÉANCE DU 24 DÉCEMBRE 1015 


la queue manquait, arrachée probablement dans le trainage qu'avait dû 
subir l’animal à travers les roches avant d'arriver au rivage. Il était 
couché sur le côté droit, la tête au nord. Nous en primes des photogra- 
phies que nous faisons passer sous vos yeux. 

Le Cétacé, que nous avions, d'après sa taille, espéré être une femelle, 
était enréalité un jeune mâle ; à ce propos, nous croyons devoir appeler. 
l'attention sur ce fait que les récents échouements (ile de Ré, par exemple, 
en 4896) ne concernent que des mâles, tandis que les Baleinoptères, sauf 
cependant la B. musculus de Langrune, qui était un individu mâle, sont 
presque constamment des femelles. Les Gachalots femelles sont peu connus. 
Le Cabinet d'Anatomie comparée du Muséum de Paris est actuellement, à 
notre connaissance, la seule collection qui possède un squelette de femelle, 
et ce squelette a été décrit pour la première fois dans les « Recherches 
sur le Cachalot » que nous publions actuellement, en collaboration avec 
M. le professeur Pouchet, dans les Nouvelles Archives du Muséum. Nous 
avons donc éprouvé quelque déception en constatant qu'il s'agissait d’un 
mâle et non d'une femelle. Toutefois, la bonne conservation de certaines 
parties généralement incomplètes, et particulièrement des nageoires, nous 
détermina à entreprendre la dure besogne du dépeçage et de la prépara- 
tion du squelette. En quatre jours, ce travail considérable fut mené à 
bien. 

Entre temps, je prélevai la muqueuse palatine avec ses dents et 
diverses portions de viscères: cœur, reins, larynx, etc., dans le but 
d'ajouter à la collection du Cabinet d’Anatomie comparée, déjà si riche 
en matériaux propres aux Célacés. 

Comme nous possédons déjà de nombreux documents sur l'appareil 
digestif, je ne voulus pas me charger de nouvelles parties de cet appareil. 
Je me contentai de constater que l'intestin ne mesurait pas moins d'une 
centaine de mètres et je voulus me rendre compte encore une fois du 
contenu de l'estomac. Comme nos observations précédentes nous l’avaient 
montré, le Cachalot se nourrit exclusivement de Céphalopodes. J’ai 
en effet trouvé l'estomac rempli de cristallins et de becs cornés de 
ces mollusques, à l’exelusion de toute autre espèce de débris. Parmi ces 
becs cornés, dont nous rapportons quelques poignées, il s’en trouvait un 
d’une taille remarquable, alteignant près de 15 centimètres de long et qui 
devait appartenir à un animal très volumineux, comme il s’en trouve seu- 
lement dans les grandes profondeurs de la mer. 

Le lard et l’adipocire (blanc de baleine) contenue dans la tête ayant 
été revendus à des industriels de l’ile d'Oléron, je dirigeai le dépècement 
d’après les données anatomiques que nous avons établies, M. Pouchet 
et moi, sur la situation exacte de l’adipocire dans la tête. J'en profitai 
pour constater, encore une fois, l'exactitude de nos descriptions don- 
nées avec détails et figures nombreuses dans les Vouvelles Archives du 
Muséum. 


1016 _ SOCIËTÉ DE BIOLOGIE 


Somme toute, l’échouement de l'ile d'Oléron n'aura pas été perdu 
pour la science, et je me hâte d'ajouter que M. Estorges, commissaire de 
l’Inscription maritime au Château-d'Oléron, peut revendiquer une bonne 
part de cet heureux résultat. Le squelette, très beau et bien complet, 
sauf les dernières vertèbres caudales, figurera avec honneur dans les col- 
lections du Cabinet d’Anatomie comparée et diverses portions de viscères 
viendront s'ajouter à celles que nous possédions déjà. Les dents de la 
mâchoire inférieure, qui avaient élé enlevées par des curieux sur toute 
l'étendue du côté gauche, furent rapportées à peu près toutes, grâce à 
l'énergie du commissaire de la marine. 

Comme je rentrais à Paris après avoir accompli la mission qui m'avait 
été confiée, le service de l’Anatomie comparée était informé par une 
dépêche du commissaire de l'inscription maritime de Dax qu'un grand 
Cétacé, long de 12 mètres, en très mauvais état de conservation, était 
échoué le 17 décembre sur la place du Vieux-Boucau. Un échange de 
dépêches nous apprit bientôt qu'il s'agissait encore d'un Cachalot mâle. 
Nous dûmes nous contenter de cette constatation, et prier le maire du 
Vieux-Boucau, qui insistait pour être autorisé à faire enfouir sans retard 
l'animal, de procéder à cette opération en prenant bonne note de la place 
où elle se faisait, afin que, plus tard, il nous soit possible de reprendre le 
squelette. 


DE L'ACTION EMMÉNAGOGUE 
EXERCÉE PAR LES INJECTIONS DE LIQUIDE TESTICULAIRE, 


par M. BARNSBy, 
Professeur à l'École de médecine de Tours, 


et M. LALLEMANT, 
Médecin en chef de l'asile des aliénés. 


Au cours d'expériences que nous avons faites sur des malades mélan- 
coliques de notre service à l’aide des injections de liquide testiculaire, 
nous avons été à même d'observer l’action que ces injections exercent sur 
le flux menstruel, action qui n’a pas été signalée jusqu'ici. 

Dans une première série d’injections faites au mois d'octobre, pendant 
six jours consécutifs, sur des malades de notre service, avec du liquide 
testiculaire dilué, nous n’avons observé aucune action sur les menstrues. 

Dans une seconde série de six jours d’injections faites sur les mêmes 
malades, non plus avec du liquide dilué, mais avec un extrait plus con- 
centré de liquide testiculaire, nous avons vu chez d'eux d’entre elles 
apparaître les règles supprimées chez l’une depuis trois ans, chez l’autre 
depuis deux ans. 


SÉANCE DÜ 24 DÉCEMBRE 1017 


Une autre malade soumise aux injections de liquide concentré et dont 
les règles étaient supprimées depuis dix mois environ, vit réapparaitre 
les époques au dixième jour de l'injection. 

Enfin, chez une autre malade qui avait eu un écoulement menstruel 
normal dix jours auparavant, nous avons pu conslater que le deuxième 
jour des injections, un nouvel écoulement menstruel étail apparu, douze 
jours par conséquent après le premier. 

En présence de ces faits, nous avons continué nos expériences avec du 
liquide dilué sur une infirmière de notre service atteinte de chlorose assez 
prononcée, dont les règles ont cessé de se montrer depuis deux ans; le 
troisième jour de l'injection, celte malade a été prise d’une épistaxis assez 
abondante en même temps qu'elle éprouvait de vives douleurs dans les 
cuisses et dans le bas-ventre. 

Or, cetteinfirmière nous a affirmé ne pas se souvenir d’avoir jamaiseu 
de saignement de nez dans le cours de son existence. Nous avons conti- 
nué les injections pendant dix jours consécutifs, mais cette fois avec la 
solution de suc testiculaire concentré, les règles ne se sont pas montrées, 
bien que la malade continuât à se plaindre de douleurs dans le bas-ventre 
et dans les cuisses; ces douleurs ont d’ailleurs disparu après la cessation 
desinjections. 

Sans vouloir rechercher pour le moment par quel mécanisme les injec- 
tions de suc testiculaire agissent sur la menstruation et tout en consta-- 
tant que ce liquide semble favoriser l’éréthisme des organes qui sont le 
point de départ de l'écoulement menstruel, nous ferons suivre cet exposé 
succinct des fails des réflexions suivantes: 

1° Il nous semble qu’en présence des faits observés et relatés plus haut 
que le liquide testiculaire paraît posséder bien réellement une action qu'on 
pourrait qualifier d'emménagogue. 

2° L’épistaxis survenue chez l'infirmière soumise aux injections de suc 
testiculaire nous paraît appartenir à la catégorie des épistaxis succéda- 
nées de l'écoulement menstruel. 

Nous nous proposons d’ailleurs de continuer ces injections sur un cer- 
tain nombre de malades dont les règles ont disparu depuis un temps 
plus ou moins long. 

Nous ajouterons que l’état mental de nos malades ne s’est pas amendé 
ni sous l'influence des injections, ni après la réapparition des règles. 
Toutes les malades soumises aux injections étaient des mélancoliques à 
divers degrés; or, chez trois d’entre elles, il est survenu de violentes 
périodes d'agitation qui se sont prolongées même après la cessation des 
injections. 

Nous dirons enfin que les piqüres n’ont pas donné lieu au moindre 
accident local. 


1018 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 
PT ER 


NOTE SUR UN MUSCLE COSTO-BASILAIRE CHEZ LE COCHON D'INDE, 


par M. P. Gris. 


En poursuivant mes recherches d'anatomie comparée sur les scalènes 
dans l’ordre des Rongeurs, j'ai rencontré, chez le Cochon d'Inde, un 
muscle très nettement isolé que je n’ai retrouvé ni chez le rat, ni chez le 
lapin. Je ne l'ai pas trouvé indiqué dans les grands Traités d'anatomie 
comparée de Cuvier, de J.-F. Meckel. Il m'a donc paru intéressant de le 
signaler. Par ses insertions, ce muscle mérite le nom de costo-bastlaire. 

C'est un muscle pair, situé tout le long et de chaque côté de la région 
pré-vertébrale dont il fait partie. Le corps charnu est cylindroïde; à son 
extrémité antérieure, il s’effile en un tendon grêle, tandis qu'à son 
extrémité postérieure, il conserve son volume en restant charnu. 

Insertions. — Le costo-basilaire s’insère : en arrière, sur un petit 
tubercule que présente le bord interne de la première côte; — en avant, 
sur les côtés de la face inférieure de l’apophyse basilaire de l’occipital, sur 
laquelle il s'implante par un tendon grêle, à quelques millimètres en 
arrière du bord antérieur de l’apophyse, immédiatement en dedans de la 
bulle tympanique. 

Rapports.— À son extrémité antérieure, le costo-basilaire esten rapport, 
en dedans et en avant, avec le grand droit antérieur de la tête, plus en 
arrière avec le long du cou. Le pneumogastrique eroise obliquement sa 
face externe. Puis, le musle devient satellite du faisceau vasceulo-nerveux 
du cou, et, avec le costo-basilaire de l’autre côté, il forme une gouttière 
à concavité inférieure dans laquelle sont contenus : l’œsophage, la tra- 
chée et les faisceaux vasculo-nerveux du cou. Dans son quart inférieur, le 
muscle est situé au-dessous de la masse scalénique, dont il est séparé par 
le plexus brachial, au-dessus des vaisseaux auxiliaires. 

En essayant de rattacher ce muscle à un groupe musculaire, il nous a 
paru qu'on devait le rapprocher des grands droits antérieurs de la tête. 
Ceux-ci vont, en effet, de l’apophyse basilaire aux lames antérieures des 
apophyses transverses cervicales, lames qui représentent les côtes cervi- 
cales. Le costo-basilaire, étendu de la même apophyse basilaire à la pre- 
mière côte, nous semble pouvoir être considéré comme un long droit 
antérieur de la tête. 


Le Gérant : G. Masson. 


Paris. — Imprimerie de la Cour d'appel. L. Marerneux, directeur, 1, rue Cassette. 


® ; es 
ERRATA : TS 
Te v é 4 
| ; Re 


Communication de M. HeNNeGuY, page 217, séance du 2 avril 1892. ù 


Rectification publiée en supplément à la fin de la séance du 23 avril 1892, et 


fé. devant être reportée à la fin du présent volume. | ta 

é Page 633, ligne 7 en remontant, au lieu d'Amphistoma conicum, lire : 

À Amphistoma (Gastrothylax) crumeniferum. de Do 

É: Page 979, ligne 29 : au lieu de chevaux, lisez chevreaux. % É 
Page 1000, ligne 18 : au lieu de troisième, lisez trentième. 54 


Page 1001, note 3, ligne 1 : au lieu de ces, lisez ses. 


BIOLOGIE. — TABLES, LES A 


EN ES 
PATES 
1 HAUTE 


Te 


RACE 
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ts 


#2 


* 


A 


(A 


PH 


TABLE DES MÉMOIRES 


DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Pages. 


Rerrerer (Ep.). — Du tissu de. des nr. et des plaques de 


DOVOTRE MA NS pue re ; : RATER 
SÉRIEUX (P.) — Note sur un cas ‘de cécité one avec 'agraphie, suivi 
d’autopsie à: 0. : 
LAULANIÉ. — eoienoies dec nies sur ‘Le raralions concis 
dans l'intensité de la thermogenèse et des échanges respiratoires. 
CHAMBRELENT et DEMONT. — Rechiershes expérimentales sur la toxicité de 
l'urine dans les derniers mois de la grossesse. 
Movnier pe Vizcepoix. — Note sur le mode de Drerellon ds Roimatie ne 


calcaires du test des mollusques. ‘ 
Besson (A.) — Du mode d'action des Léna. 4 à 
Krippez et Bogreau. — Des troubles de la respiration dans ice Halaites 
meutales, et en particulier dans la paralysie générale . OTHER 
JaQuET (A.). — Recherches sur les oxydations organiques dans les tissus, 
Deserine (J.). — Contribution à l'étude a et clinique 
des différentes variétés de cécité verbale , 


CHenot (P.-N.) et Pico.(J.). — De l'action bactéricide sa sérum de sang 
de Bovidés sur le virus morveux, et de l’action curative de ce sérum 
dans la morve expérimentale du cobaye . . . . . ee 

Rerterer (E. DE). — Sur la morphologie et l’évolution te répit lettre Gi 

vagin des mammifères . . . . 5 : 

Vranna. — Nouveau traitement ue de a he mar l'rniit. 
DBMONNCN : TO Ne DR 

Brivois. — De Téhacnoikrs e Hnétlcanenianc cutanée. ! 

LAULANIÉ. — Faits pouvant servir à l'étude de la régulation de la ieripé 

HALURC FRE AS PO DE one) me Den ROSES AE 


CLADO. —_hppsndios cena à sm oe, embryologie, anatomie  . 
bactériologie normale et a HORS 

Roper (A.) et Roux (G.). — Bacille d’Eberth et Dacilus Fo  Gulque s 
faits relalifs à la fermentation de la galactose et de la agiose. 


15 


1022 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Pages. 
Coniz (C.). — Des résultats oblenus par la méthode de Golgi appliquée 
à l'étüde du bulbe olfactif. . . . . . ERA RE ER RE 179 
LAULANIÉ. — Recherches Soénincniales s sur es Tarim corrélatives de 
l'intensité de la thermogenèse et des échanges respiratoires . . . . . 194 
Princereau. — Note pour servir à l'histoire des anomalies musculaires 
duree Mass ele RES RÉ TE ob leo o AAA 
DEwèvre. — Etude sur le rôle de l’élasticité de la voûte Dentaire ‘ne 


le mécanisme de la marche et sur la physiologie du pied plat . . . . 207 
Barr. — Pesanteur apparente, verticale apparente et mal de mer. . . 219 
CHarcor (J.-B.). — Sur un appareil destiné à évoquer les images motrices 


graphiques chez les sujets atteints de cécité verbale. . . . . - . . . 235 
BLancHanD (R.). Notices sur les parasites de l'homme (première série). 243 
FÉRÉ (Ch.), BaTiexE (P.) et Ouvry (P.}. — Recherches sur le minimum 

perceptible de l’olfaction et de la gestation chez les épileptiques . . . 259 
Moussu (G.). — Effet de la thyroïdectomie chez nos animaux domestiques. 271 
Macnan et GaLippe. — Accumulation de stygmates physiques chez un 

GLS ER el STRESS SOA OS EE À nor PAU 0 
Nep veu (G.) (de Marseille). — Altérations des capillaires et du foie dans 

les fièvres pernicieuses . . . Ve TEE A RARE 00 
GIRODE (J.). — Examen de some he bee cas holéniqnes TN 000 
GiRODE (J.). — Action du bacille-virgule sur le foie et le pancréas . . . 299 
Tuimozorx (J.). — Etude sur les effets de la suppression lente du pan- 

créas trolemdesvlandestduodénales AMEN PRES . 303 
Marès (F. ) (de Prague), — Expériences See berne des conmlièmes. 313 
Ousrenskt (D.-M.) (de Saint-Pétersbourg). — Le traitement du choléra 


asiatique par des injections sous-cutanées de l’émulsion testiculaire. . 321 
LAvVERAN (A.). — Existe-t-il plusieurs parasites des fièvres palustres? De 

lasieniicaton desCorpSRENICrOISS AN ERP Er 
L. »’Amore, C. Fazcone- et L. Maramaznr (de Naples). — Action toxique et 

altérations anatomiques produites par l’ingestion de l’oxyde de zinc. . 335 


LaAuLanté. — Des variations corrélatives de la thermogenèse et des 
échanges respiratoires en fonction; de la contraction musculaire, , . 341 
BRasse, — Application des lois de la dissociation à l’élude des phéno- 


MÉNESIDIOLOEIQUE SAND CIRE CU CN EEE TT 


TABLE ANALYTIQUE DES MATIER 


CONTENUES 


DANS LES COMPTES RENDUS ET LES MÉMOIR 


DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


PENDANT L'ANNÉE 1892 (1) 


Acariens des oreilles chez le chat, le furet et le chien, par M. Mé- 
SN 3 ro moe oder lon cie TE Meet Dal eo 
Acariens de l'oreille chez le lapin. — Paraplégie réflexe, par 1 M. La- 
VETAM o d o-0 0 0 vo 0/60, 0 0 © 61 a Sr ON AR Re ME Pr Ce er à 
Acide urique. — Procédés de dosage, par M. Lambling. . . . . . se 
Adénie avec suppuration ganglionnaire due au bacille typhique, par 
MÉELE SAC OS ANR EE ne Se en nan LDC Nc 
Aîfinités zoologiques “es Pantopodes, par M. Jourdain . . . . . . . . 
Albumine. — Sa transformation en propeptones dans la maladie de 
Bot paniMAGEL ATOM EN RSR PR NE RE 
Albuminurie transitoire chez l’homme sain, par M. Capitan. . . . . . 
Albuminurie transitoire chez l’homme sain, par M. Ch. Finot. . . . . | 
Albuminaturie carbonatée, par M. Gaube. . . . . .. . . . . . . . 
Alue pélasique nouvelle par MAPOUChE LE ME 
Ambre cris, par MMePouchetebBeanrecard EC 
Amnies. — Anomalie nouvelle, par M. Blanc . . . . . . . . . . . . . 
Amphistomes des animaux domestiques du Tonkin, par M. Railliet. 
Anagyrine. — Action physiologique sur le cœur et sur les vaisseaux, 
DAMES GTV RER en ER Sn A AR Nr RS 
Analyseur chromatique, par M. de Ra ES TAMPON Qun SN ie à 
Angiomes de la rate transformés en kystes hématiques, par M. Pilliet. 
Anneaux intercalaires des tubes nerveux, produits par imprégnation 


GENRE, DOPAIL SESOILS OS LS oo 0 ER He RC Te GR bte de 
Anomalies musculaires du creux de l’aisselle. par M. Princeteau . . . 
Antipyrine. — Propriétés antiseptiques, par M. Albert Robin. . . . . 


Antiseptiques composés, par MM. de Christmas et Respaut . . . . . 
Aphasie pour déshydrémie cérébrale, par M. Chouppe . . . . . . . . 


(1) Les pages indiquées à la marge sont celles des Comptes rendus (c. R 


Mémoires (m.) 


CRE M 
125 » 
169 » 
216 » 

1008 » 
945 » 
398 » 
14% » 
133 » 
399 » 

34 » 
588 » 
320 » 
633 » 
680 » 
821 » 
905 » 
359 » 
201 » 
295 » 

41 » 
642 » 


9 ARS . 
SMS) À À (( 


1024 SOCIÊTÉ DE BIOLOGIE 


CHR UN 
Appareil de Corti. — Son rôle dans l'audition, par M. Beauregard . . 524 » 
Appareils à contention par M. Malassez . . . . . . . . . . . . . CO » 
Appareil musculaire de la Radula chez les Hélis, par M. Loisel . : : : 884 » 
Appendice Cæecal pare CIO PRE 134 » 
Appendice iléo- Sao, anatomie et physiologie pathologique de l’appen- 
dicite, par M. Clado SA RM ET DR TOte OT TR RE LAC Le CS et nee 95 » 
Arc osseux dans l'épaisseur du ere A de -occipital osé sene 
Dar M Ole, ONE eo ob  abe 6 0 0 » o do side 5. - 226 » 
Artères nourricières des noyaux du moteur oculaire commun et du . 
names, Dee MUR AO. Cr CANSIROSeS 367606 0 0 0 6 à oo obro à 4:92 » 
Artères. — Bourrelets valvulaires arlériels chez les poissons, par 
MES Gore s Sep ER ben ee He er Le RE EN SM 2 LE » 
Artère carotide interne chez le oo pee MS BelmreSEet Le à : 1: OÙ » 
Artèêre hépatique. — Ses rapports, par M. Retterer . . . . . . . . . 953 » 
Ataxie locomotrice guérie par des injections de suc testiculaire, par 
MESDE DOUX Me Mere ele Le nee de lee otoriodonodo to UTIbNe » 
Ataxie locomotrice guérie par les injections de liquide testiculaire, par 
MD E pOUR MEL ES A RSR RO ET eee de . 860 
Ataxie locomotrice. — Traitement par le ou testiculaire, . 
MASBrOwWNE SE QUAR APE HS ONE SE AE RE LI ECS do - 106 » 
Atrophie des muscles pendant la transformation des Batraciens, par 
AR EE TO CA RE ee den et à 1e » 
Atrophie musculaire chez Tes Tone) par M. Metchnikoff. . . . . RCE » 
Atropine. — Résistance du singe à Om oRneEne par M. Richet. 238 » 
Atropine et pilocarpine. — Action inverse sur les mouvements res- 
piratoires, par MM -Morat et Doyon-. "#0 0 TO » 
Astigmatisme déterminé par la contracture partielle eenQue (a 
inuscleraccommodatent Dar M Gale ZONES NE 293 » 
Azotometrie; Dan MÉNERÉMONLE EH PEER EEE CCE eau et Verdi » 
Azotinietre par MAMPRÉMONL MERE OS RENE 205 » 
B 
Bacillus anthracis. — Effets de son inoculation sur la cornée du lapin, 
PARMESAN ET RER RAR IE MS PEAR EST ee AE 150 » 
Bacillus anthracis. — Transmissions héréditaires de caractères acquis 
sous l'influence d’une température dysgénésique, par M. Phisalix , . 258 » 
Bacillus de Finfection urinaire, par MM. Achard et Renault. . . . . . 311 » 
Bacillus pyocyaneus. — Abolition persistante de sa fonction chro- 
mogène; par MM. Charrin et Phisalix. . .:. . . . . HALO Ur CEE Dee MONO » 
Bacille pyocyanique. — Note sur quelques différences dans PAC on 
physiologique de ses produits, par MM. Charrin et Gley. . . . . . 903 » 
Bacille d’Eberth et bacillus coli. — Fermentation de la galactose et 
dEMaMlactose SpaEMMRodetie ROUE MERE RER 173 » 
pacte virgule — Son action sur le foie et le pancréas, par M. Gi- 
POLE one NME ME NORMAL CAGE RON, à ARNO AIRE ES ER EN NP ie 299 » 
Bacilles urinaires appartenant au une actu coli. — Différents 
MES AN AGRIOU ER IREGultLe vob lo 0 a 0 0 oclote ot 983 » 
Bactéridie dans le sang des animaux morts du charbon. — Variation 
de forme de la bactéridie, par M. Phisalix . . . . . . . .. Gioleies EU » 


Bacterium coli commune, sa virulence, par MM. Lesage et Macaigne. 68 » 


TABLE DES MATIÈRES 


Bactéries normales de l'organisme. — Leur issue hors des cavités no 


relles pendant la vie, par M: Wurtz:. AREA) RL CE LAINE Le TAN EN PR A 


Balænoptera musculus, par M. mean DL VE ME RES LEE RCE SR SR CRE 
Baleine observée par Néarque, note par M. Pouchet. . . . . . . . . : 
Basses ER — Leur action D SRe par M. d'Ar- 
SONVA Le. A. Te DRE em D Pre einetel celte Nee o 6 & 
Bile. — (Circulation antéro-hépatique de la), par M. Wertheimer AUS 
Bichlorure de mercure. — Recherches expérimentales sur les lésions 
déterminées-par ce sel, par MM. Pilliet et-Cathelineau . . . : . . . 
Biographie. — Note sur Ernest von Brucke, par M. Dastre . . . . . . 
Bromures. —-Toxicité- comparée, par M: Féré . à 2 2 à: =. à à» - à 
Bromures de strontium. — Son accumulation dans l’organisme. — 
Recherches expérimentales, par MM. Féré et Herbert. .-. .:.-. .:°. 
Bromure de potassinm (accumulation) dans les différentes parties du 
système nerveux, par MM. Féré et Herbert. .-.:. . ... + . . . . . 
Bromure de potassium, — Son action chez les chiens thyroïdecto- 
MISES DA MATE PEN CNT DAME one ouromc See 
Bromure de-strontium. — Accumulation et élimination, par MM. Her- 
HERO PE TTOR IE ES OMC COM MINEURES 
Bulbe olfactif. — Etude par la méthode de Golgi, par M. Conil. 
Buthyle-chloral. — Recherches expérimentales sur son action Fi 
siologique, par MM. Athanacescu et Grigorescu. -. :. . +. . . 510 


C 


Cachalots échoués sur les côtes de France, par M. Beauregard . . . . 
Gagots. — Troubles trophiques des ongles, des cheveux et des dents, 
Pam ME Ealard ee ECC RC NO CN AO EU ALICE 
Cagots des Pyrénées, par M. Magitot A RADAR AGEN A ER ES EURE A) 
Capacité respiratoire et chaleur animale, par M. Meyer. . . . . . . . 
Canal carotidien des roussettes, par M. Beauregard . . . . . . . . . . 
Capsules surrénales chez le cobaye (Destruction des), par MM. Abe- 
loustetiiancloisee EN CNT Ur Lot 
Capsules surrénales. — Extrait aqueux des capsules once (In- 
fluence de l’}sur.les cobayes presque mourants à la suite de l’ablation :- : 
de ces organes, par M. Brown-Séquard. . . . . . . . . . . . . . . 
Capsules surrénales. — Toxicité de l'extrait alcoolique du muscle des 
grenouilles privées de -capsules surrénales, par MM. Abelous et Lan- 
BIOS. 10 ot er b0 ME OS Né oo OP CES cs 


Capsules surrénales. — Greffe sur la grenouille, par M. Abelous . . . 
Cardiographe horizontal pour le cœur de la grenouille, par M. Verdin. 
Cerveau. — État mental. modifié par les injections -sous-eutanées de 
liquidestesticulaire par MEDepOUX NC EN CN 
Gécité verbale avec-agraphie, par M. Sérieux. . + . . . . . . . . . . . 
Cécité verbale (variétés cliniques et anatomie nn EL par M. De- 
ERIC SR RES 6 ue DR SR PR ee ne nee Re et NET 
Gécité psychique expérimentale chez le dise, par M. Ch. Richet, 
Cécité psychique expérimentale chez le chien. — Lésions cérébrales, 
PAM RICHE RP EE ES NN LRO EMILE 
Cécité verbale. — Appareil destiné à évoquer les images motrices gra- 


513 
179 


219 


101% 
186 
813 
184 
914 


388 


410 


1026 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


phiques chez les sujets atteints de cécité verbale, par M. J.-B. Cha- 
AE NE ROSE DR AAA AIRE D AU TO Tale - o Ge 
Cerataspis Petiti Guerini et sur les Pénéides du genre Canon Gray, 
par MM. Giardet J. Bonnie... 


e:Welteltiolle,. atel ewetietle 


Cerveau. — Organisation dans les Rene pE groupes d’arthropodes, 
DaraMEVrallanes Ne EUR RNA E a EN OST 
Ghaleur dégagée par les végétaux et la respiration, par M. Bonnier. . . 
Champignons. — Rôle des dégobtures dans les carrières à champi- 
DONS PAMACOSTANÉNPE EN REE TE CRE UE 0 OOT CE ET 
Choc nerveux consécutif aux grandes catastrophes et pescuierenrent 
AUXPEXPIOSIONS SAME RE TAT ARE RC CENTS o 6 ae 
Choléra. — Clinique, anatomie pathologique et bactériologie, der Gi- 
DOME Eee re enter Re Re AA ARE ete OS Pr Res 
Gholéra asiatique. — lement par les injections de l’'émulsion testi- 
CUITE DA IMAOUSPENSEE CNE PEN: 
Choléra asiatique chez les cobayes, par M. Haffkine . . . . . . . . . 
Choléra. — Immunité conférée par le lait, par M. Ketscher. . . . . . 
Choléra asiatique chez le lapin et le pigeon, par M. Haffkine . . . . . 
Choléra arsenical expérimental, par M. Wurtz. . . . . . . . . . . . . 
Chorée expérimentale chez le chien, par M. Triboulet. . . . . . . . . 
Chromatophores des céphalopodes. — Réponse à M. Joubin, par 
MSP RS a TEE LT Dapaen n EURE de: 
Girrhose tuberculeuse, par MM. Haänotie AGAIDERTES ME RNREE TE 
Climats de montagne. — Action physiologique, par M. Viault. . . . . 
Goccidies nouvelles. — Parasites des poissons, par M. Thélohan . . . 
Cœur. -— Mouvements trémulatoires chez les nouveau-nés, par M. Gley. 
Cœur. — Lésion de la fibre cardiaque dans l'empoisonnement expéri- 
mental par le bichlorure de mercure, par M. Pilliet. . . . . . . . . 
Coloration. — À l'état vivant des cils ou flagella de certaines bactéries 
MOPIESAPATEMEMSITAUSE eue RENE RE EN 


GConduction nerveuse motrice accélérée chez la grenouille par. l'injec-- 


tion du suc testiculaire du cobaye, par M. Grigorescu . . . . . . . 
Gontracture plantaire produite par le surmenage, par M. Dewèvre. . 
Convulsions épileptiformes provoquées par les acariens auriculaires, 


DEue Me JRGNEES one 505 GS See De 0 RSS DT RU TO PU ER oo re 
Corps calleux. — Dégénérescence de ses fibres, par M. et Mne Deje- 
MINOR un ol dodo oc did Opodo er oo duo à Q ON NE l'E CE AN 0 
Gorps flagellés et fasellardussane, par MeNDRreille RE Re 
Corps intermédiaire de Flemming dans les cellules séminales de la Sco- 
lopendretetideslalithobie pariM Prenant EN PNR 
Corpuscule central de E. van Beneden dans les cellules séminales de , 
laiScolopendre#parMEPrenaN CRETE CC CCC 
Corpuscules de Pacini et ganglions nerveux dans le pancréas du chat, 
DarINC Pen 019 810 aa 0 OUPS PS LD Te lor 1e oo ete da. og cc 
Courants électriques alternatifs à haut potentiel. — Are on médi- 
cale, par MMetGautieret Larat. Mr. sr Len er 


Courant alternatif sinusoïdal.— Applications nouvelles en gynécologie, 
DATIM A DOS ON RME ES AN LC AN E RN n  Ee 


Criquet-p èlerin et son cryptogame parasite, par M. Giard. . . . . . 
CGriquet-pêèlerin et ses changements de coloration, par M. Kunckel 
d'Hérculais oem ner RO 9 DD A NS M OR AN RE dj 0 


Cristaux et gaz qui prennent naissance dans les cultures de l’uro- 


579 
528 


TABLE DES MAT:ÈRES 1027 

CARE EME 

bacillus septicus non liquefaciens, par M. Charrié. . . . . . . . . . 170 » 
Gupréine et ses dérivés. — Chimie et physiologie, par MM. Grimaux et 

Daho de PER A lies me dede dan tee MATE PME 608 » 
Cyanose de forme spéciale avec hyperglobulie excessive persistante, par 

é NL, VOTRE OT EL ENORME RSS EE EUR TT CREER AR ES 384 » 
Cystites expérimentales par injection intra-veineuse de culture du 

CoN=baciltesepariMeNB AZ VA MIUMONETEE NE EMULE Rae = 225 » 
Cytodiérèse dans les cancers épithéliaux. — Désorientation, par M. Fa- 

BRERDOMETEUE PREMIER MCE NE UE ae US eue LE pr At 158 » 

D 
Diabète pancréatique, par M. Thiroloïix . . . è à . | 215 » 
Diabète pancréatique. — Pathogénie, réfutation d'une hypothèse de 

AACaparClspareMEHÉ done ME ER CU Cut: 919 » 
Digestion des graisses après fistule biliaire et extirpation du pancréas, 

DARIMMAHE done Mille EAN RE ent o 308 » 
Diplopie monoculaire dans l’amblyopie hystérique, par M. a 65 » 
Diptère stratyomide imitant une Tenthrède, par M. Giard. . . . . . . 43 » 
Diphtérie. — Traitement antiseptique par l’antipyrine, par M. Vianna. » 109 
Dissociation syringomyélique dans les compressions et sections des 

ÉRONCSENE MEUASRAEMACNALC ONE ETES 941 » 
Dissociation os de la) appliquées à l'étude des phénomènes oo 

DIQUES  PATAMEIBTASSe CN RE LR ee à Le AA ERA A » 347 
Dyspeépsie pareMLevents 5e Cr RAD NE UN 5 & 0 629 » 

E 
Eau. — Stérilisation par précipitation, par M. de Santi. . . . . . . . . 711 » 
Échanges respiratoires. — Appareils pour leur étude, par M. Laulanié. 560 » 
Eclampsie puerpérale. — Nature microbienne, par MM. Combemale et 

HAE Fa ton At ARLES ROULE AM MENE RS PEER PAR EE CIC SIC RE TPS RON EE 24% » 
Ectrodactylie quadruple héréditaire, par M. Bédart. . . . . . . . . . 367 » 
Effluves magnétiques et électriques. — Leur visibilité chez les sujets 

CMÉTANMDNOIQUE DATANT VS PEER CEE 461 » 
Empreintes de la pulpe des doigts et des orteils, par MM. Féré et 

BATTRE MR MARRANT ne CRE s de DR ECS PES 802 » 
Émulsion testiculaire. — Son action sur l'évolution de la tuberculose, 

DAreM O US pense ner EMEA DRE ET ee NN 2-6fiun 518 » 
Endolÿymphe et Perilymphe. — Leur rôle dans l'audition, par 

MEAGENÉR ESS. 08 ANSE SR TT tint 2 or 489 » 
Electricité. — Traitement de la diarrhée et du choléra chez les enfants, 

DATAMPEA TS TAN AL LEE SE AN ARUNINE 2 SOLE pr ME DU IRAN EE 968 » 
Electrolyse médicamenteuse cutanée, par M. Brivois . . . . . . . . . » 119 
Electrolyse interstitielle. — Son pouvoir microbicide, par M. Gautier. 939 » 
Emménagogue (Action) exercée par les injections de liquide testicu- 

loire barMNEeBarnsbyiettlallemant 1 UNE 1016 » 


1028 _ SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Endoderme des mammifères. — Constitution, par M. Henneguy (voir 
erratum, fin du volume) . . . . 

Endolbelion en anatomie, par M. Donne 

Endothélium en anatomie, par M. Malassez. . 

Epilepsie et Pelade, par M. Féré . . 

Epilepsie acarienne de nos carnassiers uestoues, Han M. Méca 
Epilepsie et petit mal. — Inversion de Ja formule des phosphates éli- 
minés par l'urine dans l'état apathique, par MM. Féré et Herbert. . 

Epilepsie (accès d'), provoqués par la pilocarpine, par M. Féré . 

Epilepsie. — Influence des maladies infectieuses, par M. Féré. 

Epithélium du vagin des mammifères onphalasie et évolution), par 
M. Retterer 

Epithélium du vagin Che les onecute (rrunstormation périodique 
de) par Me Latest es et SUR CN Ne OR ET 

Epizootie grave de gastro- ose portée sur de lièvres, par 
M. Méonin. 

Excitation nerveuse Le Fee) een au 1 pôle De celle Fe 
rupture au pôle positif, par MM. Jolÿet et Ségalas . . . 


E 
Fenêtre ronde. — Son rôle par M. Beauregard . A GER 
Fer. — Sa répartition dans les organes chez les jeunes animaux, par 
M. Lapicque . . . . POS D ARS OT DA DURE AE ALL EE a Re Le ue 
Fibres musculaires siées — Goncitution omis “e la fibrille, par 
M. Pilliet. 


Fibrine dn < Sang rénation due É Danse), par M. Dastre . 

Fibrine de battage et fibrine de caillot, par M. Dastre. . 

Fièvre jaune, par M. Rebourgeon. SAR 
Fièvres pernicieuses. — Altération des capilires | & ju Foie. par 


DL NEVELS 0 9 0 0 à 
Fièvres palustres. — Die t- cl ee ee par M. Léon. 
Fièvre uréthrale, par MM. Achard et Hartmann. . . à . . à: 


Filaire du sang chez l'homme. — Étude sur les CHU par MM. Ne 
IDIAS CF ÉARAGÈR 3 01e 00 0 de TER CU 

Filaire des boutons hémorr agiques chsent vée . nc — écran te 
du mâle, par M. Railliet et Moussu. 

Fistule pancréatique, par M. Hédon. s RE Eee 

Foie. — Extirpation totale du foie chez la renoue, — Durée de la 
survie, par M. Roger . …« . . PRES ER OO ee BE EC QT 

Fonctions tubo-tympaniques, par M. rien. à 

Formule urinaire complète de l'attaque d'hystérie, par M. oc te 


Formule urinaire de l'attaque d'hystérie, d'épilepsie et de quelques. 


attaques épileptiformes, par M. Bosc. . . . . . . . ÉTRPMM EL die 
Fossette occipitale moyenne. Valeur en anthropologie, rori M. Debierre. 
Frisson comme appareil de régulation thermique, par M. Richet: . . . 
Fuseau achromatique nucléaire dans les cellules séminales de la Scolo- 
pendre par)M/ePremantt es UC At. Eos 


. TABLE DES MATIÈRES 


G 
Gale du chat et du lapin. — Transmissibilité, par M. Railliet. . . . . . 
Ganglion abdominal de mélolonthien. — Structure, par M. Binet. 
Glande pituitaire. — Destruction de cette glande chez le chat, par 
MÉMÉTINES CO ele Cr SRE SRE RE TUX 
Glande thyroïde. — Crétinisme expérimental dans ses deux formes ty- 
DIU ED AREMEMUNSSUER EE CCE CR NT 
Glandules thyroïdiennes chez le rat, par M. Cristiani. . . . . 
Glugea microspora, par M. Thélohan 1"... 
Glycolyse du sang contenu dans une veine fermée à ses deux bouts, 
par MINT Lénine er Barell : 65 oo b1o 9 o ototo do 0 © 0 5 do 0 
Glycogénie chez la grenouille d'hiver, par M. Deweyre. . . . . . . . 
Glycogénie chez le ver à soie pendant sa métamorphose, par MM. Ba- 
talon EC Cou. à 065 oo 5025100 0 GE + 01 Fes CN OR En : 
Glycosurie consécutive à l’intoxication par la vératrine (mécanisme), 
DarAMÉEÉpINe Ur romeo DU os MCE QU des Le PME à . 
Goutte, maladie du onnre on de couche, par M. Julien Costantin. 
Greîfe sous-cutanée du pancréas, par M. Hédon. . . . . . 
Greîfe pancréatique, par M. Thiroloix. . . . . . .". 


Grisoumètre modifié de Coquillon, par M. Gréhant. . . . . . : 
Grossesse. — Toxicité de l'urine dans les derniers moïs, par MM. rene 
brelentiie D ENMTONTENE EEE CE NT RC CCC NC 


H 
Habitat des microbes, par MM. Charrin et Gley. . . . . . . . . . . . 
Hallucinations unilatérales homonymes dans le zona de la face, par 
MAMÉÉDESMREUES PE ALAINIE RIT} RD AD RER PTT cale 
Hématies de l’homme et hématies des autres parie — Distinc- 
HOT, Da il CSD EG a c'oboh do 00 col c io. 0 0 0.0 de 
Hématozoaires du paludisme et hématozoaires des oiseaux voisins de 
ceux du paludisme. — Action du bleu de méthylène, par M. Lave- 
ANR RE M RE tee de moe ceci o-G 2 0 0180 a. 0 - 
Hématozoaire du paludisme. — Note au sujet de la communication 
GT D ROIS AN ANNONCE Se TER cas 
elec ne du paludisme, par M. Vincent . . . . . . . . NON 
Hémotozoaire du paludisme, par M. Arnaud. . . , . . . . . . . . 
Hématozoaire du paludisme. — Son importance en clinique, . 
MASQUES ét e& 0 D RES ce CHR CE ON CPE EE ad 
Hémianopsie chromatique dans une ro nerveuse, par M. Gale- 
PONTETO PE TOME E A MONO DRE PONT do vue mec 


- Hémiptère Détéroptore qui ravage les Anar en Cochinchine, par 
DAMES TA PR PR ne Me re SN AMEN LEP TEE 
Hémorragies infectieuses dans la série, par M. Charrin. . . . . . . 
Dehéreédité panMMe Charrin eleve 
Hibernation -des mammifères (Étude expérimentale), par M. Marès 
(derPrague) MEET : 


CERN 
315 » 
166 » 
509 » 
972 » 
198 » 
82 » 
220 » 
19 » 
669 » 
544 » 
197 » 
307 » 
966 » 
806 » 
FUME 
553 » 
349 » 
325 » 
88 » 
D41 » 
255 » 
289 » 
692 » 
110 » 
19 » 
402 » 
818 » 
DR TE 


1030 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE . 


Hirudinées disséminées par les palmipèdes, par M. de Guerne . . . 
Humérus (Torsion de l’) chez l’homme, par M. Lambert . . . . . . . 
Hyperoodon. — Anatomie, par M. Bouvier. . . . . . . . . . . . . : 
Hypnose. — Visibilité, par les sujets en état hypnotique, des effluves 
dépasésiparles étres Ivan LS DAME ELUVS EE 
Hystérie (Nutrition dans l'), par MM. Gilles de la Tourette et Catheli- 


Hystérie. — Troubles de nutrition, par M. Bosc . . . . . . . . . . . 
Hystérie et épilepsie. — Remarques sur le diagnostic différentiel, 

PATAMPMRÉTÉR ERA PNR EEE OS OU 0 d-+0 0 DURE 5 
Hystérie. — Sur la formule urinaire de l'hystérie, par M. Peyrot. - . 


Iconographie des Protistes, par M. Brumauld de Montgazon . . . . . 
Image renversée du fond de l'œil examinée avec un ophtalmoscope 
ORdINAITe SpATM I GUIIOZ ER ES 
Image ophtalmoscopique grossie dans l'étude de la pathologie des 
vasscauxirétiniens par MAGalezowWSRI EEE CCE 
Immunité (Rôle du sérum dans le mécanisme de l'), par MM. Chan 
CLHRODER NE NET CNT RE MAR eo Et PSE pe A ER A Er 
Impétigo (Rôle des pédiculi dans la propagation de l’), par M. De- 
WEMIROo 9 oo lo o oo € AE NE RD DES ED VO CT DA A ON du BRU ler D 
Impressions lumineuses (Durée de l’excitation sur la persistance totale 
des) par M#/Charpentiense sense RS Rens tentent Re 
Infection. — Influence du système nerveux, par M. Féré. . . . . 0. 0 
Infection biliaire, pancréatique et péritonéale par le bacterium coli 
ConEMe, Der MOCHE: 60 0 618 80e oc 64 oo vd eo 00 0e 
Infection charbonneuse. — Influence du système nerveux sur son évo- 
lution par MR Ten] ES RCE SRE CARNET ee 
Infection de la muqueuse vésicale par sa face profonde, par MM. Guyon 
CLREVMON TL EEE RE RE N EDE M NE MRC ete 
Injection de liquides organiques. — Effets généraux, par M. Onimus . 
Installation du professeur Chauveau pr ésident de la Société de Bio- 
To Ge RE TC Re A EU ta ae ne LA dires 1e PR 
Inversion de la formule des phosphates dans l'hystérie et l’épilepsie, 
Dar MSN OISE NP RE RS AE De Ole le Melle ce ne 


Inversion de la formule des phosphates dans l’hystérié et l’épilepsie, 
DAT AM OI TeR ON ER EE ee a ele LEO 
Iode. Action physiologique de ses combinaisons, par M. Lapicque . 


Iodures alcalins et alcalino-terreux. — Action comparée. — Action des 
OUUTES STE ŒUR Dar MP ADI RC CE RPC CE 
Isariées entomophytes SpariMP Giant CRE CC CC 
Isolement des couleurs dans la lumière here par leur action suc- 
cessive, par M. Charpentier . . . . . D eue Mer te eee ON PESTE 


Ivresse des mouvements chez les paralÿytiques généraux, par M. Féré. 


L 


Laboulbéniacée. — Etude, par M. Giard . . . . . . Set MOIS EE 
Larves de Muscides comme facteurs géologiques, par M. Pouchet . 


333 
108 
536 
435 
D33 
719 


156 
36 


TABLE DES MATIÈRES 


Laxicité congénitale de l'articulation radio-cubitale inférieure. — Con- 
SÉQUENCES PAR M GUÉRISON” re clio o 8 6 
Lèpre atténuée chez les cagots des Pyrénées, par M. Lajard. . 
Lésion cardiaque et tuberculose, par M. Charrin . . . . . . . . . .. 
Lésions intestinales d’origine toxique, par M. Charrin. . . . . . . . . 
Ligament rond. — Son rôle dans l'articulation dont par 
Mio Enoi ot oo 0 brordiore d'u dero SHOM Due 4 ee ioalcir QUI BUR ER 
Liquide testiculaire. — Son influence dans plusieurs cas nouveaux 
d’ataxie locomotrice et dans un cas de paraplégie de cause organique, 
par M. Brown-Séquard . . . . . . AS DEN TN EME eNL Er 


Liquide testiculaire. — Observation d'un cas d’ataxie locomotrice traité 
avec succès par les injections de liquide testiculaire, par M. d’Ar- 
SOMVA ER PPS Re te le Ra AL PEAR En DR Mate 5e © 

Liquide testiculaire. — Son influence dynamogénique chez les animaux 
que l'on va faire mourir par hémorragie, par M. Brown-Séquard . 


Liquide testiculaire. — Son emploi pour augmenter la vigueur du 
fœtus dans le sein maternel, par M. Brown-Séquard . . . . . . . . 
Liquide testiculaire. — Remarques sur son emploi par un grand 
nombre de médecins et son influence sur le cancer et autres affec- 
tions, par MM. Brown-Séquard et d'Arsonyal. » à: à. à à: à. | 
Lihiase urinaire expérimentale, par M. Tuffier . . . . . . . : . 
Lumière (Influence de la) sur l'orientation de l'embryon dans l'œuf dé 
poule, perl IE Hamess 2005 cs 0cr0e do 0: D os lella-cuiotté 
M 
Mal de mer. — Pesanteur apparente, par M. Bédart . . . . . . . . 
Maladie d'Addison. — Tracés ergographiques. Diurèse par fcefions 
de capsules surrénales, par MM. Abelous, Langlois et Charrin. . . 
Maladie pyocyanique. — Modifications de la thermogenèse, par 
MMA haneinee tel an Glois SRE CN NON ne 
Manomètre métallique servant à la mesure de la pression du sang, 
DB ML CRdneiné à 9: do 0 die à olele onelle dote t ‘ 
Mécanisme de l'élévation du poids total du corps sur la ponte dés 
pieds par MOBÉdaRte EE DU OP MORTE LOIRE 0 NE E Te 
Membrané basilaire. — Remarques. — « Sur cuique », par M. Gellé. 
Membrane basilaire, par M. J. Chatin . . . . . . Butte Lo troll ee ne die 


Mensuration du pannicule graisseux sous-cutané, par M. Richer . . . 
Méthode bactériologique au bleu de Prusse de M. Solles. Remarques, 


DAMES HA bre DOMELCUC ER REED PRO a OO eo Ne 
Microbes. — Leur élimination par les reins, par M. Enriquez. . . . . 

_ Microbes. — Leur passage à travers le placenta des femmes enceintes 
AHBNES Covenole, Dar Amdné : s do oobo ss es Lo 
Microbes. — Habitats. Contagion, par M. Charrin . . . . . . . . .. 
Microbes. — Leur diffusion dans l'organisme, par M. Charrin . . . . . 
Micro-organisme. — Méthode nouvelle de coloration, par M. Solles . 


Mode de formation cellulaire intranucléaire pouvant éveiller à tort l'idée 
de parasites dans l’épithélioma, par M. Borrel . . . . . . . . . .. 
Moelle chez l'homme. — Structure et développement du fil Foret 
par M. TO A be . « à cl A UE 


219 


1032 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Mollusques gastéropodes. — Observations anatomiques, par M. Bou- 
NL DES ets es LS LEO sad me tee SR ei RE A MES Te ee DEEE SES 
Montagnes. — Influence de l'altitude sur la formation de l’hémoglo- 
binenparMAReSNAr eee SMS ON RE PEN ET PNA es Ter : 
Muqueuse de l'estomac (histologie des érosions ; Hénommaques de la), 
p'ariM:Pulliets een AUS NN AE RENTE NOT TES E NUE 
Muqueuse utérine (modification) à l’époque du rut, par M. Retterer. 
Muscle costo-basilaire chez le cochon d'Inde, par M. Gilis. . . . . ele 
Muscles striés dans une paroi utérine, par M. CAROUE EEE EIRE 
Myographie dynamométrique, par MM. Peyron et Turchini. . . . . . 
Myxœdème traité avec succès par les injections sous-cutanées d'extrait 
: liquide du corps thyroïde du mouton, par M. Chopinet . . . . . . . . 


N 


Nématodes. — Éléments épidermiques chez les Nématodes, par M. J. 
CHATS ER RU en er LS ee SEE 


Nématodes. — Résistance vitale de leurs embryons, par M. Railliet. 
Némertiens d'eau douce. — Distribution géographique et origine, par 
MÉenGUE RNE PE SR CO SR ARS ETS OR A ET 
Nerf alaire chez quelques coléoptères aptésiques, par M. Binet. . . . . 
Nerf balancier chez quelques Diptères, par M. Binet. . . . . . . . 
Nerîs. — Système tubulaire spécial des nerfs, par MM. Blocq et a 
ES COAST Re MS RCE RER USE ue cles ee 


Odeurs. — Minima préterceptibles, par M. J. Passy. 
Odeurs. — Minima perceptibles, par M. J. Passy. . . . : . . . 
Odeurs (Perception des), par M. J. Passy . . à . . : . . . . . 
Odeur dans la série des alcools, par M. J. Passy. . . . . . 
Odeur complexe "Analyse par MAJ Pas NN 
Œil humain. — Images catoptriques, par M. Tscherning . . . . . 
Olfactométrie et physique des vapeurs, par M. Ch. Henry . . . 
Organe te ltortaDaM M INChatHINnE EEE PRE EEE 
Ossification des phalanges des coin. de la clavicule Gi ic DS 
COTES D ARAMEAPIERÉS 6 ee de te D ARE EN NPA NRA 
Otacariase. symbiotique des carnivores, Da “MM. Raïlliet et Cadiot. 
Otacariase des carnivores (Remarques sont mue), par M. RÉEL 


Œufs et embryons du Bilhargia hæmatobia, par M. Cahier. . . . . . . 
Ovule à deux noyaux chez un mammifère, par M. Louis Blanc. . 

Oxydations organiques dans les tissus, par M. Jacquet. . . . . . . . 
Oxyde de zinc. — Action toxique et altérations anatomiques détermi- 


nées par l'ingestion de l'oxyde de zinc, par MM. d’Amore, Falcone et 

Maramalets S SS 5 > 3335 0 ES DES DANS MOSS LOU A PA MEITE 
Oxyde de carbone (Loi de l’absoption de l') par le sang d’un ina imi- 

féremvivant, Par AIGrÉRaNt EN 5 9.2 8 070 8 Se 0 


135 
103 


360 
251 
358 


661 


. 163 


TABLE DES MATIÈRES 1033 
CR Ne 
P 
Pancréas. — Sa suBpression.] lente et rôles des glandes duodénales, par 

MÉSRRIROIOIE EE TRUE 200 RIT er a IS TE RSS CO le » 303 
Pancréas. — Diabète a — Effets de la greffe extra-abdomi- 

nalesdumpancréasapaniMMeSGley e MRIROlN EEE SN 0 686 » 
Pancréas. — Greffe sous-Ccutanée. — Théorie du diabète PARCrANAnE, 

DA TMRS Éd ONE ER RC EC NE RE ee 678 » 
Pancréas. — Effets de sa destruction lente. — RCE de sa fo 

On CHESUNE, DAME VOS CS EE EN ORE NE 841 » 
Paralysies produites par le bacille d'Escherich, par MM. Gilbert et 

TON NE EN AE nt mes nine 0 en lee 5 0 127 » 
ParasitestesthommeparMBlanchaci NE R » 243 
Parasitess— "Notes MDariME SES EE RTC PT DT RIO0Z » 
Parasites dans les fœtus normaux, par M. Galippe . . . . . . . . .. 955 » 
Parasite nouyeau du DIé par Me NEUMANNNN EE NE TN 1009 » 
Pedoncule cérébral. — Circulation artérielle, par MM. ee et d'As- 

UT OS SR Te à da ep ce A ne op USE NEC ER SEP NAME EARONE ACER SA 5 273 » 
Phogocyiose musculaire, Dar Me Batalllon EE 282 » 
Phosphates éliminés par l'urine dans l’épilepsie. — Réponse aux objec- 

Done GulesSdentasTontette NDaTMENRER CERN ES 328 » 
Photographies siénécseananies de pièces anatomiques, par M. De- 

IONSRRE DA E S AUIG RC RO RE APE CE SRE SE NAN QE QE 2e pu LAPS ce one 568 » 
FENTE" sieréoseonIques de pièges anatomiques, par M. Dou- 

MEFS 0 o sb via PS IC LES de DATE ne eee ee MU De Me NE SRE ES 659 » 
Photoptomètre nouveau une tnt d'évaluer rapidement en frac- 

tions de bougie-mètre les éclairements les plus faibles, par M. Henry. 935 » 
Physiologie musculaire par l'inspection du nu, par M. Richer. . . . . 371 » 
Pigments animäux. — Résection physiologique du tanin, par M. Rémy 

SANS M OUID-me et UC Lee Te 3 440 » 
Pigments des œufs des Crustacés, par M. Heiïm. . : . . 461 » 
Pigment mélanique. — Sa formation (quatrième note), par M. Po chers 516 » 
Placenta des Rongeurs et inversion des feuillets blastodermiques, par 

MAMA ET a SR DUN Ale ES RE EE ND NES SERA ARE ERA CRETE S LE 917 » 
Plagiotrèmes et Hydrosauriens. — Disposition intermédiaire à 

celles qui ont fait établir nn caractère différentiel des Plagiotrèmes et 

des Hydrosauriens, par M. Rémy Saint-Loup. . . . : . . … . : | NO » 
Plaques de Peyer chez les Ruminants et les Solipèdes (origines et dé- 

vélosrement), par ME ReterRree oo se 26500 0 0e >. 200 » 
Pneumocoque {action sur le) du sérum sanguin des lapins vaccinés 

contre infection pneumonique, Pac MAMOSAyY NN 192 » 
Pneumothorax (Expériences sur la physiologie du), par MM. Rodet et 

POURRAIT ER TR EN ee tn A da ne de ne eee nn tel sue NE Ehe 8 » 
Poison diphtéritique (action des ferments oies sur : Je}. par M. Ga- 

MN AT EE EN RE TR EE EME RO ET ANR ne opt de 153 » 
Poisons antagonistes et la calorification, par MM. Morat et Doyon. . . 643 » 
Pouls capillaire sous-unguéal, par M. Azoulay. . . . . . . . . . . . . 319 » 
Procédé de préparation histologique et bactériologique, par M. Solles. 429 » 
Protoplasme, structure. — Réponse aux remarques de M. le professeur 

Guen 06 Pa p LME d'OS EENENEE RU LA LE MR EE 60 » 


1034 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Protoplasme. — Remarques au sujet de la seconde note de M. Fayod, 
sur la structure du protoplasme, par M. Guignard . . . . . . . . . . 
Pseudo-coccidies des cancers épithéliaux, par M. Fabre-Domergue . . 
Psorospermies dans les tumeurs épithéliales, par M. Malassez . 
PUrpUrA EXPERIMENTAL MDI MENChALENPENNAEEN ENRER 


Q 


Quinine. — Sels doubles de quinine, par M. Grimaux. . . . . . . . . 
Quinine. — Action physiologique du chlorhydro-sulfate de quinine, par 
MAMA bDOn den nent de ie NE ENS ne Sn rene RE RER TE 


Rate et pancréas (leur direction) chez le fœtus et chez l'enfant, par 
MST NO lan ARR ETS CN ee A AU A EL ee NE DT 
Rate chezdlessvietlardsmpariMPITINel RE RENE 
Rayons spectraux. — Action successive sur l'œil, par M. Charpentier. 
Réflexe de l’accommodation bi-auriculaire. — Valeur symptomatique, 
par ML Gelé:é 0000810 0 805 Do 56 0 à 010 no 00e CRT AD 
Régulateur de température à flamme quelconque et spécialement son 
application à une plaque chauffante, par M. Michel. . . . . . . . . 
Rein. — Lésions histologiques produites chez les animaux par les sels 
de baryte, par MM-Pilliet et Malbec."""""""…û 
Remarques sur la communication de M. Fayol (séance du 26 décem- 
re 1801), par Mo Ctaginaml oo © 66 és so ldo o a 62 bo 0e 
Remarques sur la communication de MM. Féré, Batigne et Ouvry, par 
M, IHIG@N 5 9 9 0 © 0 0 0 SUR TEN SU AMD OL DO TS MOMRUn En AT re 
Reproduction. — Caractère de l'aptitude du cobaye mäle à la repro- 
duection, ner LILAS 0 6 810 0 0 500 0 50 0 6 3 0 do 6 6 0 
Respiration (Troubles de la) dans les maladies mentales, par MM. 
Kb pe le AB ONE QUE 
Respiration dans les maladies mentales, par M. Pachon . . . . . . . 
Respiration de la mer, par M. Regnard. . . . . . . . . . . 
Révulsifs..—Mode d'action, par M-Besson 
Rythme respiratoire de quelques poissons, par M. de Varigny . . . . 


S 


Salol (Dédoublement dans l'intestin) chez les chiens privés de pancréas, 
HOPINL CEE a no Emo ao Bono 0 0 D poor oo Bud 9 0 60 
Sang. — Analyse dans les tissus vivants, par M. Hénocque. . . . : . . 
Sang palustre. — Nature des corps en croissant, par M. Laveran . . . 
Sang. — Relation entre la richesse du sang en fibrine et la rapidité 
derlarcoasulationeparMENDAStTe RME SEEN PE 
Sardines présentant des œufs à maturité, par MM. Pouchet et Biétrix. 
Scalènes (Anatomie) chez les ruminants, les solipèdes et les carnas- 
STETS Par Met GTS se ER RUE QE ST En 


TABLE DES MATIÈRES 


Sclérose du testicule provoquée par la vaginalite chronique simple 


AUD ÉS INC MDATEMEERENAUILeE Eee le = te ne M ICT 
Sécrétions microbiennes. — Leur formation, par MM. Arnaud et 
CHAN Eee een se nee lee een ie LT cu SN SRE Re 
Sens moral du chien. — - Remares. DAME RER EC 


Sensation de pression chez les épileptiques, par MM. Féré, Batigne et 
DNA TON E Co on neS METRE ES 
Sensitive. — Mouvements de ses feuilles sous l'influence d'une dépres- 
SO a MOSDhÉTLQUE PAM É BONNE Eh.  - c ie 0 --e . 
Septicémie. — Recherches bactériologiques, par M. Roger. . . . . . 
Souffle crural double et manière de l'obtenir, par M. Azoulay. . . . . 
Spasme réflexe bi-auriculaire causant la surdilé, par M. Gellé. . . . . 
Spectroscope. — Étude de la vitesse de la circulation du sang, par 
MÉSMEVERENR ES ART D ut le JADE MO PE ROME AUOT MO ME: TE ae aile 
Spermatogénies chez la Sem dre d'hiver, par M. Nicolas. . . . , 
Sphères attractives et fuseau achromatique dans le testicule adulte, 
dans la glande génitale et le rein embryonnaire de la Salamandre, 


PALEMPENICOlAS EEE NT MS er EE (0 ne SMS AR RTS RES 
Sporozoaire parasite des muscles des crustacés décapodes, par M. Hen- 
MCE CC nel, à EN Bios © 0 6 50 ooo ou 
Staphylocoque pyogène. — Te cie des produits bte Ge one 
locoque pyogène, par MM. Rodet et Courmont . . . . . . . . . . . 
Sreptocoque et bacille typhique (résultats expérimentaux sur leur 
association), par M. Vincent . . . . . . . . . RO AE ET PAT PEN 
Streptocoque de la bouche. — Caractère différentiel, par M. Marot. . 
Streptocoque pyogène et Proteus vulgaris, leur association, par 
NIMPADOlÉRS SE ROUTSES ER EE ET CC CET 


Strongylus vasorum, sa transmission négative du chien au chien, par 
ML, Relier Er CHOSE à 0 6 © © à ve a lo oo cote 0 pote 0 6016 
Strontium. — Action de son iodure sur la circulation, par MM. La- 
eue € Male cs or0 00 60 00 0 0 0 #66 deu ee 0 ose 
Suc testiculaire. — Observation d’ataxie loomones traitée avec succès 
par le suc testiculaire, par M. Depoux. . . . . . . . . . . D 0 20 
Suc testiculaire. — Son influence curative dans l'ataxie locomotrice, par 
MÉSE LOMNESÉQUARENS RE E - c CI-O CEE 50 
Suc testiculaire. — Remarques sur la communication de M. Nourry et 
Miel ApaTMESBrOMNESÉQUALT SE PR NC CT o 
Suc testiculaire. — Immunisation contre la tuberculose par les injec- 
tions sous-cutanées de liquide testiculaire, par MM. Nourry et Mi- 
CHE gere octo DORE TDR MONS 1e 107 to MONS Te OP EM OO CORDON : 
Sucre et glycose à la suite de la défibrination, par M. Dastre . . . . . 
Sulfate de cinchonanine, par MM. Arnaud et Charrin. . . . . . . . . 
Suppurations péri-rénales à pneumocoques consécutives aux affec- 
tions pleuro-pulmonaires, par M. Tuffier. . . . . . . . . . . . . . 
Support destiné à maintenir le bras dans l'application du myographe 
dynamométrique, par M. Gréhant . . . . . . . . . . . . . . . 
Suppurations rénales. — Stérilité de certaines suppurations Hs. 
DarM Cluffereee ei ee 0 fade orne cu horse ei 
Symétrie bilatérale chez le turbot et hérédité des caractères acquis 
chez les pleuronectes, Dan MEGA. Une ce an 


BIOLOGIE. — TABLES. 


1035 


JUUET > ie) (w2] 
O7 & ND ©: D 
D À & (er) 


Le] 
D 
CO 


590 


»11 


1036 SUCIÈTE DE BIOLOGIE 


Sympathique (Développement des fibres du grand), par M. Taft . . . 
Syringomyélie unilatérale et à début tardif. —- Autopsie, par MM. De- 


JEnmEe Et SOUS à so 8 600 02 SN e ED A ee te ee Lo LE 
Système nerveux et maladies, par M. ec che ANRT EE US 
Systoles stériles et nature de la contraction cadenas par M. Laula- 

LE PO ER Pr EE PR ES A DE SE GÉRÉE Re PAROI CM AM 

T 
Température. — Régulation, par M. Laulanié . . . 
Tératogénie. — Effets de la lumière blanche sur leur & sonle SRE 

MBlan ce SA rl a Or AR RO M Le lt cd el A 
Tétanos ne odial — Renrarques sur sa anne de les solipèdes, 

Der MIE Courmont. Gr DOyOn is 0 oiaic dléle o ailes loto 61616 oûc 
Test des Mollusques. — Formations calcaires, par M. Moynier de Ville- 

PORC ER I AN PSS LEE NE ARRET ARS TEST PRE QE 


Testicule. — Circulation, par MM. Sebileau et Arron . : 
Thermogenése et échanges respiratoires, par M. Laulanié . . 
Thermogenèse et échanges respiratoires, par M. Lauianié. 
Thermogenèse et échanges respiratoires, par M. Laulanié. 
Thermogenèse et échanges respiratoires (Variations sole tes x par 


MÉLANIE RUES NEINISEENRMELEONEeS Si ee ane Er di 
Thyroïdectomie. — Remarques sur ses conséquences à l’occasion de 
la communication de M. Moussu, par M Gley . ; 
sos eeonee chez le lapin. — Troubles tardifs donséconre le par 

MAGIE VAN ACER AA er nn TOC AE ER) DUO A 
Thyroïdectomie. — Remarques sur la D an de M. Moussu) 
DANCE VE RER n Re en ARR AT ARR RE SEP NUS 
Tissu angiothélial des amygdales et des plaques de PUS par M. Ret- 
HORDE A NO an pal D UD 0 ADP One AS IE PDO D 00 100 DIU MA ENT OO + 0 0120 
+ à cononetit fra de lobule HénaUque de certains mammifères, par 
METEO EEE RS SR re 
a du pigeon no. ancee par M. Rae 
Tænia diminuta (Cas ancien) chez l’homme, par M. Raïlliet. . . . . . . 
Toxicité du sang des mamuifères après la destruction des capsules sur- 
rénales, par MM. Abelous et Langlois. . . . . . . . CR al Lo 
Toxicité du sérum sanguin dans deux cas d’éclampsie RASE. par 
MINE Tamer Er ChamialEmEs se io Ne 0 oc 44 Boot lon 


Toxicité du sang des femmes Éd tiques ou albuminuriques, par 

AVE Tarmer Et Ciemmiorelemioe à 0 0 810 0010 0 db 6 00 6 010 0 © 
Toxine du bacille de la diphtérie, par M. Guinochet. . . . . . . . ie 
Tracés graphiques de la respiration dans les maladies mentales, par 


MÉSP a CN ON RE eee nait Cole ee ee OT re : 
Tracé sphygmographique. — Tuitonce GE la position du corps, par 
MSA OU VA PE Re ER Re eee ter ae er R Sert ee 
Fravaïiletstempsideméaeton  panMEMEEÉT EN RER R 
Trématodes parasites des bœufs du Tonkin, par MAL. Giard et Billet. . 
Truite de mer. — Remarques, par M. Giard. . . . . . . . . . . o 0 0 
Tuberculose aviaire. — Son inuocuité chez le singe, par MM. Héricourt 
CRINONEL EM RRQ ES SNS nr nb otre al ait li to ce eee 


Tuberculose humaine à virulence anormale, par MM. Charrin et Roger. 


TABLE DES MATIÈRES 


e 


Tuberculose humaine à virulence anormale. — Remarques, par M. Ma- 
ASS EAP EE CE CN CT NO DUC CE 

Tuberculose aviaire, A ccinant contre la tuberculose humaine, chez 
les singes et les chiens, par MM. Héricourt et Richet . 

Turbots à face nadirale pigmentée, par M. Pouchet. . . . . . . . . . 


U 
Urée et bacilles urinaires, par MM. Achard et Renault. . . . . . . . . 
Urine, toxicité, dans les maladies du foie, par M. Surmont . . 
Urine. — Phosphates terreux. — Procédé employé pour les séparer, 
per ML MERE s 3 8 à 40 0 oo 0 
V 


Vaccination du lapin contre le vibrio avicide et sur l’action curative 
du sérum de lapin immunisé contre l'infection par le vibrio avicide, 
DAME QUNI ER RC 0 


Vaccination oérque, _. M. Hrném. AE : 
Vaccination cholérique de Ferran. — Remorques, | par M. Games : 
Vaccination cholérique de Ferran. — Remarques, par M. Laveran . 
Vagin.. — Épithélium. — Evolution, par M. Retterer . . . . . . . .. 
Vélocipède. — Influence sur de fonctions au par 
MSTISSIÉREER-Er RTE A RP SRE 
Virus morveux oo aan A sérum de sang de bovidés sur 
1e), DARMUL Chen Gr er 616 à 46 0 He RAS LOC UE : 
Virus. — Leur atténuation dans le sang is animaux vaccinés, par 


MM. Charrin et Roger . ere 6 

Vitesse de la transmission nerveuse ae ner he one 
par le liquide de Brown-Séquard, par M. Grigoreseu . . . . , . .. 

Vitesse accélérée des transmissions sensitives chez un ataxique traité 
par les injections du liquide testiculaire du cobaye, par M. Grigo- 
POSOU PE PME o 

Voûte plantaire. — Son rot eue de ja nee. ner M. De- 
wêvre. 


928 


319 


Kaa} 
ETES ; 
£ PA EE Len 0 


TABLE DES MATIÈRES 


PAR NOMS D'AUTEURS (1) 


ABELOUS. « + « . Essais de greffe de capsules surrénales sur la grenouille. 
ABEcous et LanaLoïs. Action toxique du sang des mammifères après la 
destruction des capsules surrénales. . . . . . . . . 

— Destruction des capsules surrénales chez le cobaye . . 

— Capsules surrénales. — Toxicité de l'extrait alcoolique 

des muscles des grenouilles privées de capsules 


SUPLÉN ASE ST IC TT ET ce 

ABELOUS, LanNGLoIs et CHarri. Maladie d’Addison. — Mecs ergogra- 
phiques. — Diurèse par injections de capsules sur- 
Lénales RIRE RARE RER 


AcHarD et Harrmann. Fièvre uréthrale. . . . . . . 
Acxarp et RENAULT. Bacilles de l'infection urinaire . 
— Urée et bacilles urinaires . . . . . . . 
— Différents types de bacilles urinaires Snronement au 
Groupe du bac ePIUMACON EEE EEE 
ALezais et D'Asrros. Circulation artérielle du pédoncule cérébral . . . 
— Artères nourricières des noyaux du moteur oculaire 
COMMUNE MAUMPA UNE TUE NE ENT ET 
AmorEe (Dp’), FaLcONE et MaramaLpr. Action toxique et altérations anato- 
miques produites par l’ingestion de l’oxyde de zinc. 
APOSTOLI. « . . . Applications nouvelles du courant alternatif sinusoïdal 
EN AMÉOOEE.S S 51000 6 00 lle béc olo dig 00 
ARNAUD . .« .« « « Hématozoaire du paludisme . . . . . ÉRÉRAPEeS 
ARNAUD et CHARRIN. Sécrétions microbiennes. — Leur Donation, COQUE 
— Sulfate de cinChonanine ER EN NN 
ARSLAN . . . . .« Traitement électrique de la diarrhée et du Dholére 
ChezMeS tenants EN RCE Der : 
ARSONVAL (D) . . Observation sur un cas d'ataxie locomotrice traité so 
les injections de liquide testiculaire . . . . . . . . 
— Action physiologique des très basses températures . . 
ATHANACESCU et GriGoresou. Recherches expérimentales sur l’action phy- 
siologique du buthyle-chloral. . . . . . . . . . . . 
AUCHÉ. ... . . + Passage des microbes à travers le placenta des femmes 
enceintes atteintes de variole. . . . . . . . . . . 


(1) Les pages indiquées à la marge sont celles des Comptes rendus (c. 


Mémoires (m.). 


490 » 


r.) et des 


1040 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 

CRM 
AZOULAY. . . . . Pouls capillaire sous-ungual. . . . . PÈRES SRE ARE à SHC) » 
— Double souffle crural et manière de l'obtenir. . . . . 344 » 

— Influence de la position du corps sur le tracé sphyg- 
MOSLA RIT PS NMENOREPNRe NE ERP ENNE 395 » 

B 

BansBy et LaLLEMANT. Action emménagogue exercée par les injections 
d'enlqnide rtestieulaine EEE EE 1016 » 

BATAILLON . . . . Atrophie des muscles pendant la transformation des 
BALACIEN SR NA en ed en SIDE Lt te 185 » 
— Phagocytose musculaire . . . . . . . : . . ÉD HAS » 

BaraILLoN et Couvreur. Fonction glycogénique chez le ver à soie pen- 
dant le MÉRMONDNOSE 5 5 5 6 6 0 0 0 à 0 © bo 0 669 » 

Bazyx, . . . . . , Cystites expérimentales par injection intra-veineuse 
deveulturerdutcoli= bac lle eee EEE eue 225 » 

BeaurEGarp . . . Note sur deux échouements récents de Balænoptera 
MUSCULUS ALERT AE Ve RS Tee nt Ne Ë DANS) 
— Rôle de l’appareïl de Corti dans l'audition . . . . . . 524 » 
— Rôlerde/ la fenètre ronde EM mue SR Re M NE D DD » 
— Canal carotidien des Roussettes 2 OA » 
— Artère carotide interne chez le mouton. . . . . . . . 930 » 
— Cachalots échoués sur les côtes de France. . . . . . . 1014 » 

DDR Eee Ectrodactylie quadruple des pieds et des mains se ons 
mettant pendant trois générations . . . , . . , . . 7163 » 

— Mécanisme de l'élévation du poids total du corps sur 
lapointe deshpie dE SUR MATE TN ET RAM » 
— Pesanteur apparente et mal de mer . . . . . . . . . » 219 
BESSON ee Mode d'action deserévulIsiis nn DES 
INR 0 0 e 8 ec Structure d'un ganglion abdominal de An Ron. 166 » 
— Le nerf alaire chez quelques coléoptères aptésiques. . 251 » 
— Nerf balancier chez quelques Diptères . . . . . . . . 358 » 
TLANG be a oi oo 0 Ammos "AnomalennouvelleR ENS ENR ONE r 320 » 
— Ovule à deux noyaux chez un mamimifère . . . . . . 563 » 


— De l'influence de la lumière sur l'orientation de l’em- 
eo cle cout de ones : 4 à 54 04 0 elorce 114 » 
— Effets tératogéniques de la lumière blanche sur l'œuf 


dePOUleR EE ERA re ME NS 969 » 
BLANCHARD a RP aTAa site SA cle lo EME EN AT CO » 243 
BÉOCHR EM . Remarques sur la communication de MM. Féré, Batigne 
COUNTY ETAPE ER UN RERe TEERES 902 » 
Bzoca et Mariesco. Système tubulaire spécial des nerfs. . . . . . . . 661 » 
Bonnier . . . . .« Remarques au sujet d’une communication de M. Fayol 
sure PEODTODIAS MA ER RENE CNET 97 » 
— Compensation entre la lens dégagée par les végé- 
taux et la respiration . . . . . . A Le RE 119 » 
— Fonctions tubo-tympaniques. . . . . . . . ... . Bit TE » 
— Sensitive. — Mouvements de ses feuilles sous l'influence 
d'une dépression atmosphérique. . . . . … . 951 » 
Borne. , . . . . Mode de formation cellulaire nie nait on el 


éveiller à tort l’idée de parasites dans l’épithélioma. 14 » 


TABLE PAR NOMS D'AUTEURS 


Bosc." Mroubles delasnutrition dans l'hystérie M" un 
— Formule urinaire complète de l'attaque d'hystérie. . . 
— Formule urinaire de l'attaque d'hystérie, d'épilepsie 


et de quelques attaques as AMAR SE nd 

PBOUVIERS SE MEET DECO EE AANAtOMICREREN EN MEME : 

— Observations anatomiques sur les mo regis sie 

FODOE SEMESTRE ag nc ne 

BRASSE. . . . . . Lois de la dissociation appliquées à l'étude des phéno- 
MÊMES DoOlsiqueEs "NS SR LC 


Brivois . . . . . De l’électrolyse Fnéennentene cutanée. . 
Brown-Séquar» . Influence de l'extrait aqueux de capsules Serena 
eur les cobayes presque mourants à la suite de l’abla- 
OM CO CES OÉAMENT 605 7 00: ns 00e 
— Influence curative du liquide testiculaire dans l’ataxie 
lOCOMO (RICE EEE ED RE ATEE à 
— Suc testiculaire. — Remarques sur la cnimetion 
deMMPANOUuREyAe AMEN e SRE 
— Influence du liquide testiculaire dans Done cas 
nouveaux d’ataxie locomotrice et dans un cas de 
paraplégie de cause organique. . . . . . 
— Influence dynamogénique uote ne 
animaux que l’on va faire mourir par hémorragie . 
— Traitement de l’ataxie locomotrice par le liquide testi- 
GUIAIRES 0.3 6 0 6 0 0 < Re 
— Emploi du liquide see iee à pour . la vi- 
gueur des fœtus dans le sein maternel . . . . . . . 
Browx-SéouarD et D'ArsONvAL. Remarques sur l'emploi du liquide testi- 
culaire par plus de douze cents médecins et en parti- 
culier sur l’influence favorable exercée par ce liquide 
dans vingt et un cas de cancer et dans quelques 
APRES AANTECHONS EE Se CRE 
BRUHL. . . . . . Vaccination du lapin contre le vibrio avicide et sur 
l’action curative du sérum de lapin immunisé conlre 
linfection pau lemibrio avicide MU M EN 
BRuMAULD DE MonrGazon. Monographie iconographique des Pr Dates ie 


CG ) 


CAHIER. . . . . . Note sur les œufs et l'embryon du Bilharzia hœma- 
ÉOD A RE RSS RSR A ST UE AC ER ere 
Capiran . . . . . Albuminurie transitoire chez l’homme sain. . . 


CHaAmBreLENT et DEmonr. Toxicité de l’urine dans les derniers mois île la 
DLOSSESSE MANN CE Eee des. eee 
CHamBReLenT et TaARNIER. Recherche de la toxicité du sérum sanguin dans 
deux cas d'éclampsie puerpérale . . . . . . . . . . 
Cuarcor (J.-B.). . Cécité verbale. — Appareil destiné à évoquer les images 
motrices graphiques chez les sujets atteints de cécité 
VÉTAOENES RE" 07 50e ONE 0 MDI DIE ME So 0 0 
= Dissociation dite syringomyélique dans les compres- 

sions et sections des troncs nerveux . . . . . . . 


551 


607 


196 


797 


673 


383 


» 


941 


» 


21 


1042 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


CHARPENTIER . . . Impressions lumineuses (influence de la durée de l’exci- 
tation sur la persistance totale des). . . . . . . . . 
— Action successive sur l'œil des différents rayons spec- 
ÉTAT LUE RAM RS PU AU NS Cr EE 
— Isolement des couleurs dans la lumière blanche par 
letreaetion SUCCESSINE PMR ER 
CHARRIÉ . . . . . Nature des cristaux et des gaz qui prennent naissance 
dans les cultures de l’urobacillus septicus non liquæ- 
LACIeN SEE EE an ele ce 
CHARRIN . . . . . Lésion cardiaque et notoune. É 
— Hémorragies infectieuses dans la série . . . . 
— Lésions intestinales d'origine toxique. . . 
— Purpura expérimental . . . . . . . 
— Habitats microbiens. — Contagion. 
—- Diffusion des microbes dans l'organisme 
CHARRIN et GLEY. De l’hérédité . . . . . . ASTON NET IRe SERPE EN 
— Bacille pyocyanique. — Die dans l’action phy- 
SIDIOSIQUE TES ESS DOUÉ ER AE PNR EN 
CHanrin et LanGrois. Modification de la thermogenèse dans la maladie 
— D'YOCYANIUE MAMAN IEIUE MANN SIN STE ARE LE PANNE 
CHarrin et Pmisazix. Abolition persistante de la fonction chromogène du 
bacillus pyocyaneus. . . . . SAN DO Do 
CHarRix et RoGEer. Atténuation des virus dans le sang des animaux vac- 
CINÉS EEE ë DRE EE MOULE DS EU 
— Tuberculose none à aulense anormale. . . 
— Rôle du sérum dans le mécanisme de l'immunité. . 
J. CaariN. . . . . Contribution à l'étude des éléments épidermiques chez 
lES MÉMANOLES 6° 0121440701 0110 08 0,0 
— Membrane ba SAT EEE ES EE 
— Organe de Corti. . . . . ALES LR EEE 
CHAUVEAU . . . . Discours de M. Chauveau, eue dE ja Société de 
BIOS 5 0.5 0 010 CO LE PO UNI PCA 
— Remarques sur la AGE de M. Ferran. — Vaccination 
cholériquenetente ln ANNEE ESS 


Cxexor et Pico. Action bactéricide du sérum du sang de Bovidès sur le 


MICUS AU OLMEUX- MR EE ne ee PO TAN ee 
CHopiner. . . . . Myxœædème traité avec succès par Es injections sous- 
cutanées de l'extrait liquide du corps thyroïde du 
AO ONE TE NCNE PS ERRRE ER R P E 


CHOUPPE . . - . : Aphasie par déshydrémie re, AUOT EL 
— Hlechonmmmnembhre titi RER ER 
Carisruas (DE) et Respaur. Notes sur les antiseptiques composés . . . . . 
CLapo . . . . . . Appendice iléo-cæcal.— Anatomie. — Physiologie patho- 
LODTQU'E AMEN ARR ME RER RER EEE 

— Appendice cæcal. . . . . . dE en ee res Ie 


ComBemaLE et Bus. Nature microbienne de Toners Renée. : 
ConiIL . . . . . . Bulbe olfactif. — Étude par la méthode de Golgi . . . 
CosranTIN . . . . Champignons. — Rôle des dégobtures dans les car- 

MÈRES dOEMONENONSIS LUE ol 0 0 oo big 
Couruowr et Doyox. Marche des contractures ins le tétanos expérimen- 

alNCReZMESSONDÈTES RSR EE EN 2 
CRISTIANI. . . . . Glandules thyroïdiennes chez le rat. . . . . . . . . . 


386 


533 


De LC ns ES ST LORS PSN ee De A RER 2e HA QU E-tn re 


TABLE PAR NOMS D'AUTEURS 


D 


DasTReE . . . . . Note biographique sur Ernest von Brucke . . . . . . 
— Préparation de la fibrine du sang par le battage . 
— Fibrine de battage et fibrine de caillot. . . . . . . . 
— Sucre et glycose à la suite de la défibrination. . . . . 
— Relation entre la richesse du sang en fibrine et la ra- 
pidité de la coagulation. . . . . . . . . . . . . . ce 
DEBIERRE. ... ... Photographies stéoroscopiques de pièces anatomiques. 
— * Valeur de la fossette occipitale moyenne en anthropo- 
JO STE RER ANR ARMES RE ES 
DEJERINE. . . . . VERIEUES CO CNE ETIENNE M CU SS S 06e 
M. et Mme DeyJerINE. Contribution à l'étude de la dégénérescence des fibres 
Gt COS CES 556 So 0 5 so 0860 . 
DEJERINE et Socras. Syringomyélie unilatérale et à début tardif. ose. 
DEROUX EE Suc testiculaire. — Guérison de l’ataxie locomotrice. . 
— Observation d’ataxie locomotrice guérie par des injec- 
l'onssdesucitesticulaire RAREMENT CCC 
— Ataxie locomotrice guérie par les injections sous-cuta- 
néestduniquidentesticulaire CRE CE 
— Cerveau. — Influence des injections sous-cutanées du 
liquide testiculaire sur l’état mental . . . . . Hire 


DEWEYRE. . . . . Fonction glycogénique chez la grenouille d'hiver . . 
— Rôle des pediculi dans la propagation de l’impétigo. . 
— Voüûte plantaire. — Son élasticité. — Mécanisme de la 
HEMENEN So © old oo so 00 0 6-0 © oro 6 id o 
— Contracture plantaire produite par le surmenage . . . 
Doris et BourGes. Association du streptocoque pyogène et du proteus 
VU ATIS ER AR Ten ERA SPP 1 AUS 
DounEr. . . . . . Photographies stéréoscopiques de pièces anatomiques. 
DumonrPALLieR. . Action des injections du suc testiculaire et du suc pan- 
créatique dans le traitement du diabète de nature 


CASE 5 0 » 9 0 6 0 6 0 ob ob ,6 00 9 0e 0.8 0 0 

ENRIQUEZ. . . . . Recherches expérimentales sur l'élimination des mi- 
CRODESSDAT ESS EE CR Ce 5 © o 

FABRE-DOMERGUE . Sur la désorientation de la cytodiérèse dans les can- 
CersMÉPITRÉ MAUR ET DE LOT SIDE 

= Pseudo-coccidies des cancers note ae SEE ou E 


= 0 Note à propos de la méthode bactériologique au bleu 
dePrusserde /MS0lles EME EN. 


Fayop, . . . . . Structure du protoplasma. — Réponse aux remarques. 


de M. le professeur Guignard . . . . . . . . 6 9 0 


680 


T5 


1044 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


FÉRÉ. . . . . . . Toxicité comparée des bromures en injections intra- 
MEITEUS SAM NES MEN ER AE er 
— Épilepsie et pelade . . . . . . SAR ne 
— Influence du système nerveux sur  Pateaon Lente 
— Remarques sur le sens moral du chien. . . . . . . . 


-— Inversion de la formule des phosphates Front par 
l'urine dans l’épilepsie. — Réponse aux objections de 
MoiGiNestdeMattonrete een PRE 2 

— .Hallucinations unilatérales homonymes dans la zone 
de daffacemes Sn TE NÉE DEAR. JEU 
— Hystérie et épilepsie. — Diagnostic différentiel . 
— Accès d'épilepsie provoqués par la pilocarpine . 
— Le travail et le temps de réaction . . . . . . . 
— Influence des maladies infectieuses sur la marche de 
l'EMEDSE s 570,0 4 DRE Lot a out DR Re ES 
= Ivresse du mouvement Me Le paralytiques généraux . 
FéÉré et Bariexe . Note sur les empreintes de la pulpe des doigts et .des 
ORLEALS SR PE RE EE ae ER ARE 
FéRÉ, BaATIGxE et Ouvry. Étude sur la sensation de pression chez les épi- 
etes MERE ARE RME RENNES RES 
Féré et Hergerr . Recherches expérimentales sur l ee on du bro- 
mure de strontium daus l'organisme . . . . . . . . 
— Accumulation du bromure de potassium dans ditfér entes 
parties du système nerveux . . . . . 00 
— Inversion de la formule des phosphates nimes par 
l'urine dans l’apathie épileptique et dans le petit mal. 


FERRAND  NacCmanon Chale nique re 
FINOT . . ... . . Albuminurie transitoire chez l'homme sain. 
FRÉMONT ASE AZ Opine re RTE AMENER 
= AZOLOMÉEIE ES in o 
FRENKEL. . . . . Tissu conjonctif dans le Toute anne de Rent 
mammifères. . . . DD LE la Al GO Voie OL 
— Influence du système nerveux sur l’évolution de Pi 
RAOUON BEMDDANEUTE 0 8 à à o « cd 6 0 0 0 0 à 5 ob 
G 


GALEZOWSKI . . . Diplopie monoculaire dans l'amblyopie hystérique . 
= Contracture partielle hystérique du muscle accommo- 
detete, AGHSMAUSNNE ei de see Se 
— Du grossissement de l'image ophtalmoscopique dans 
l'étude de la pathologie des vaisseaux rétiniens. . 
= Hémianopsie chromatique dans une amblyopie ner- 
MÉUÉENS 0 color ot 0r oo de ie TB oi er om QU br 0 
GALIPPE. , , . . Présence de parasites dans les fœtus normaux . . . 
GAMALFIA . . . . Action des ferments solubles sur le poison diphtéri- 
LE RENE TN CEE UE AT dore A EL, MP EE 
GAUBE. . . . . . Albuminaturie carbonatée . . . . 2: ON PRET AC 
GAUTIER . . . . . Pouvoir microbicide de seen initiale. : 
Gaurier et Larar. Utilisation médicale des courants alternatifs à haut. 
D'OÉCTTICI MER TRE ENS RS En 0 NE FOR 


103 
148 


65 


293 


GOL 


110 
955 


153 
399 
939 


229 


GELLÉ . 


GÉRARD . 


GIARD . . . 


GiARD et BILLET . 
GrarD et BONNIEr. 


GizBert et LIon . 
GiLIs 


TABLE PAR NOMS D'AUTEURS 


. Valeur symptomatique du réflexe de l’accommodation 


bi-auriculaire , . , . . . . UP 11 © RENE : 
Remarques sur la membrane Poe « SUUM Cuique ». 
Réponse à la communication de M. J. Chatin . 
Spasme réflexe bi-auriculaire causant la surdité . . . 


. Transformation de l’albumine en propeptones dans la 


maladie de Bright . . . . . . SHIRT 
Criquet-pèlerin et son cr on parasite. 
Persistance partielle de la symétrie bilatérale chez le 
turbot et sur l’hérédité des caractères acquis chez 
JESMpleUONECLES PRE CRE c 
Sur un diptère stratyomide imitant une Tenthrède : 
Hémiptère hétéroptère qui ravage les Arachides en 
CochiBChneE EC 
Sur une Laboulbéniacée . . . 
Isariées entomophytes . : 
Remarques sur la truite de mer . . . . 
Trématodes parasites des bœufs du T cn, 
Cerataspis Petiti Guerini et sur les Pénéides du genre 
Cerataspis ELA EN Pr Ste 
Paralysies produites par le bacille d° de 


. Anatomie des scalènes chez les Ruminants, les Soli- 


pêdes et les Carnassiers . . . . . . . . 
Ligament rond. — Son rôle dans Pantalon COXO- 
LÉMORALE RER RE D amener 


Muscle costo-basilaire chez le cochon d'Inde . 


GizLes DE LA Tourerte et Carneuineau. La nutrition dans l'hystérie . . 


GLEY . 


Fibres musculaires striées dans une paroi utérine . 

Infection biliaire, pancréatique et péritonéale par le 
Bacterium coli commune. . . ., © 

Examen de soixante-dix-huit cas D ner 

Action du bacille-virgule sur le foie et le pancréas . . 


. Dédoublement du salol dans l'intestin des chiens pri- 


NÉSIAC PARCS CIE SAR ME NET. 
Action du bromure de potassium sur les chiens thy- 
ROLÉCLOEMRES "6-00 ao oetb colo diella ocre 0 gaie 
Troubles tardifs consécutifs à la a chez 


JéAADINNE EN EE : c PE 
Action physiologique de megane. — ton sur 1 
CŒUTELSUMIeS MASSE CNE OT ENS 
Mouvements trémulatoires du cœur chez les animaux 
nouveau-nés . . . . . Ste DAC ; 
Effets de la destruction lente Fi SenonEns. — Impor- 
tance de la fonction digestive du pancréas . . . . . 
Effets de la thvroïdectomie. — Remarques sur la com- 
mumcahonideMAMONSSUMAL TR ARR. 2 7, 


Remarques au sujet de la communication de M. Mous- 
su sur les conséquences de la thyroïdectomie expé- 


RIMENTAEN RER EEE 
Grey et Chan. VHabitatides microbes. 2.14... 410 ue 
GLEy et TuiroLorx. Diabète pancréatique. — Effets de la greffe extra- 


abdominale du pancréas EU NEO 


1045 


156 
435 
812 
613 


686 


1046 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


GRÉHANT. Support destiné à maintenir le bras dans l’application 
War du myographe dynamométrique . . . . . . . . . . 

— Loi d'absorption de l’oxyde de carbone par le sang 
dunmammiiere VIVANT EEE RE NT 

— Manomètre métallique servant à la mesure de la pres- 

SION AUAS ATEN o bio lb 6 oc oo 0 

— Grisoumètre modifié de Co on do MERE OE 
GRIGORESCU. . . . Hématies de l’homme et hématies des autres mammi- 
Terres ME SDIS INCONNU ER 


— Accélération de la vitesse de la transmission nerveuse 
sensitive chez l'homme par le liquide de Brown- 
SÉQUAT AS EMI RU RM ee UT 
— Accélération de la vitesse des transmissions sensitives 
chez un ataxique traité par les injections du liquide 
testiculaire du cobaye . . . . . . GLo 9 0 6 00 0 
= Conduction nerveuse. motrice dec chez la gre- 
nouille après le traitement par le suc testiculaire du 


CODAYE EE PAR ENNEMI EN RRMR AR 
GRIMAUX. . . . . Sur quelques sels doubles de quinine. . . . . . ob 0 
GRIMAUX et iso. Cupréine et ses dérivés. — Chimie et ie c 


DE GUERNE. . . . Dissémination des Hirudinées par les palmipèdes. 
— Histoire des Némertiens d'eau douce, distribution 


CÉDRANITUS CHOMAINE 3 000.0 0 à dia oo b 0 0 0 

GUÉPIN. . . . . . Laxité congénitale de l’articulation radio-cubitale infé- 
rieure. — Conséquences . . . . . . » . . . tes 

GuiGNarD . . . . Remarques sur la communication faite par M. He ou 
(séancerdup6décembhremMeUD) PRESENT 

— Remarques au sujet de la seconde note de M. Fayod 

sur la structure du protoplasme . . . . . . . . . . 

GUILLOZ . . . . . Examen binoculaire de l’image renversée du fond de 
l'œil avec un ophtalmoscope ordinaire . . . . . . . 

GuiNocHer . . . . Contribution à l'étude de la toxine du bacille de la 
ATDRÉÉR ERA EAN ESRI ER ee 22e 

Guyon et REymonp. Infection de la muqueuse vésicale par sa face pro- 
HONTE 0 50 4 010010 o 6.0 vo o 0 &lo 6 6 0 0 6 0 


HAFFKINE. . . . . Choléra asiatique chez le cobaye. . . . . . Dos late 

— Choléra asiatique chez le lapin et chez le Riseon dou o 

Hanor et GizBerr. Cirrhose tuberculeuse. . . . . . . . . . . Mao oise 
HÉDON. . . . . . Greffe sous-cutanée du pancréas. . . . . . . . o 

— Greffe sous-cutanée du pancréas; résultats au cat 

de vue de la théorie du diabète pancréatique. . . . 

— FHSTUIeRDAR Cr IQUE PSN NET o ob 0 0 0% 

— Pathogénie du diabète pancréatique. — Réfutation 


d'une hypothèse de A. Caparelli . . . ._. 
Hépon et Vice . Digestion des graisses après fistule biliaire " nes 
tion du pancréas. . . . . . . . Nes en ete 
Hem 0 ‘Pioments des œufs delCrus tac és MINIME ON 


806 


AA 


635 
67L 

72 
307 


678 
163 


919 


308 
167 


TABLE PAR NOMS D'AUTEURS 


Henxecuy . . . . Constitution de l'endoderme des mammifères. (Voir . 


CRNUYP EC CA COUIOE) © 5515 Elo T0 0 © 0 0 à à 
HexNeeuY et THéLonaAn. Sporozoaire parasite des muscles des Crustacés 
TÉCAPOUES Ar MM EME AT 


Hénocque . . . . Avalyseur chromatique : 
— Analyse du sang dans les tissus ane 
Henry. . . .« |. .« Olfactométrie et physique des vapeurs . . . . . . . 
— Nouveau photoptomètre permettant d'évaluer nee 
ment en fractions de bougie-mètre les éclairements 
les plus faibles. . . . . . ob Moro Où La LD : SOC 
Hergerr et Peyror. Accumulation et néon di bromure de stron- 
UN 9 90 0 à &'o blood ho o em allo oo oo co 
Héricourr et Ricaert. Effets de la tuberculose aviaire, vaccinant contre 
la tuberculose humaine, chez les singes et les chiens. 
— Innocuité de la tuberculose aviaire chez le singe . . . 


J 


JAQUET. . . .. .-Oxydation organique dans les tissus . . . . . . . . . 
Jorveret Sécacas. L’excitation nerveuse de fermeture naît au pôle néga- 
tif, celle de rupture au pôle positif. (Expérience dé- 
monstrative).. A Rae) PO SO 1 Oe OUTONC RCE 
JourpaIx. . . . . Affinités nn ie Pantopodes MCE CC 
Jourpan . . . . . De la valeur du mot endothélium en anatomie. . . . 
Jucrenx Cosranrix. La goutte, maladie du champignon de couche . ... 


K 


KerscHER. . . . |. Immunité contre le choléra conféré par le lait. . . . 
Kzippec et Bogteau. Troubles de la re dans les maladies men- 


Ale SEE HUE 00 aout Go Lo Dit Due 
Koxekez p'HercuLais. Le eriquet En di ses changements de color a- 
HONTE AOL ER EEE 
E 

Lagorne . . . . . Action physiologique du chlorhydro-sulfate de qui- 
MINE ee Re D TA See ee etes ke ee 
LAGUESSE . . . . ME rrdiete al loire artériels chez les poissons . . 
Lajarp . . . . à à Cagots. — Troubles trophiquès des ongles, des che- 
veux et des dents ... . .. . .. . .. . . . . . + + + 
ue Lèpre atténuée chez les cagots des Pyrénées. . . . . 

LamBerntr . . - - . Torsion de l’humérus chez l’homme ... . . . . 
LAMBLING. . - . . Dosage de l'acide urique , . + . « . . . + « + + + - 
Laroque . . . . . Action physiologique des combinaisons de l'iode . . . 


— . - Répartition du fer chez les jeunes animaux . . . . + 

Part. Action comparée des iodures alcalins et alcalino-ter- 

reux. — Action des iodures sur le cœur . . , . . + 

Larrcour et Mazerc. Action de l’iodure de strontium sur la circulation. 


1047 


834 
211 


186 
809 
343 
216 
108 
697 


536 
299 


55 


1048 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Larasre . . . . . Caractères de l'aptitude du cobaye mâle à la repro- 

CHOMONAIREMARPINEEE) 0 106 D'ORIENT 00 

— Transformation a de l’épithélium du vagin 
CHEZNESMRONEEDRSIE RER EN PC 
LaAuLAnIÉ. . . . . Thermogenèse et échanges respiratoires. . 
— Régulation de la température. . . . . . . 


— Intensité de la thermogenèse et échanges en oiiiee 


— Thermogenèse et échanges respiratoires . . . . . . . 
— Systoles stériles et nature de la contraction car- 
TA QUE RARE ES A Eee EE RS EE 
— Appareil pour l'étude des échanges respiratoires . 
— . Variations corrélatives de l'intensité de la thermoge- 
nèse et des échanges respiratoires . . . . . . . 
LAVERAN . . . . . Action du bleu de méthylène sur les hématozoaires don 
paludisme et sur les hématozoaires des oiseaux voi- 
SNS EUIUPAlISME EEE EN EE 
— Acariens de l'oreille chez le lapin, Donnée réflexe. 
— Existe-t-il plusieurs parasites des fièvres palustres . 
— Note à l'occasion de la communication du D' Treille. 
— Vaccination cholérique de Ferran. (Remarques.). . . . 
— De la nature des corps en croissant du sang palustre. 
LÉPINE. . . . . .« Mécanisme de la glycosurie consécutive à l’intoxication 
D'ATÉLANÉT ALIEN € PEN EE EN EE 
Lépine et Barraz. Glycolyse du sang contenu dans une veine fermée à ses 
deux DONS TER EE ES AnE DEEE Qu Eee 
LESAGE . . . . . Adénie avec suppuration ganglionnaire due au bacille 
IMDINIEe o b so vo 0e o dd 
LesaGE et Macaiene. Contribution à l’étude de la lente Ga Damian 
COLACOMMENMNEN EAN NET PRE ee 
ID EN oo 010 00 SN ÉÉMTETO EU CMAIACNES S.à Ce MERE 0 € 
— D:YSDE PSN NATURE DE Nr OR TENe 
Loisez. . . . . . Sur l'appareil musculaire de la Radula chez les Hélix. 
Luvs. . . . . . Effluves magnétiques et électriques. — Leur visibilité 
chez les sujets en état hypnotique . - . . . . . . . 
— De la visibilité, par les sujets hypnotisés, des effluves 
déSasésipan les étre sVIVANTSE EN ER EE 


M 
MAGiTOM. . .-.:. Cagots des Pyrénées. . . . … . o 00: L'c.0 0 0 
MaAïRET . . . . . Phosphates terreux de l'urine. LE Procadé employé pour 
Res SÉ PAT TE NEA EU TE NE Re e 
Mazassez . . . . Endothélium en anatomie. . ho 
— Présence des psorospermies rs É- Foro Épithes 
Wales sr ERNEST ent RTS 
— Appareils à contention. . . . . cale 


Marës (de Prague). Expériences sur l’hibernation Fa Don res 
MARINESCO . .-. . Destruction de la glande pituitaire chez le chat. . . . 
MaRoOT. . . . . . Caractère diftérentiel d'un streptocoque de la bouche. 
Marnias DuvaL. . Placenta des rongeurs et inversion des feuillets blasto- 
DEFMIQUES A MENT UE ME ER ER TE 


813 


319 
31 


183 
947 

» 
209 
851 


917 


» 


321 


TABLE PAR NOMS D'AUTEURS 1049 
CR Me 
MÉGNIN . . . . . Acariens des oreïlles, chez le chat, le furet et le chien. 125 » 
— Epilepsie acarienne de nos carnassiers domestiques. . 142 » 
— Epizootie grave de gastro-entérite coccidienne sur les 
DEMI CSS RME ARTE EN MER RAR NES 09) » 
MetrcaniKorr. . . Atrophie musculaire chez les tétards. . . . . a PER » 
Meyer. . . . . . Rapports de la capacité respiratoire du sang avec la 
LEMIPÉRAIUEC NANTAIS EE EE NE EN UT » 
— Procédé spectroscopique pour étudier la vitesse moyenne 
delNCIECUIAON CUS ANTENNES RE CT 060 » 
MicueL. . . . . . Sur un régulateur de température à flamme quelconque 
et spécialement son application à une plaque chauf- 
NEA 0 sono NÉ AS OO Sn PP vie CHURE IEEE CN G D » 
Morar et Doyon. Poisons antagonistes et calorification . . . . . . . . . 643 » 
— Atropine et piocarpine. — Leur action inverse sur les 
MOUVEMENTS TÉHNENOES lolo nolon or piotoddro 0160 AU » 
Mosny. . . . . . Action sur le pneumocoque du sérum sanguin des la- 
pins vaccinés contre l'infection pneumonique. . . . 192 » 
Moussu . . . . . Fonction thyroïdienne. — Crétinisme expérimental 
SOUSISESUEUR M ÉEOTMESNEMPIQUES EN OT? » 
Moynier DE Vizcerorx. Formations calcaires du test des mollusques. . . nl 188 
N 
Nagras et SaBrazès. Embryon de la filaire du sang chez l'homme . . . . 455 » 
NepvEeu . . . . . Altération des capillaires et du foie dans les fièvres 
DÉFNICIEUSES Men EEE NEN Ce CRe » 289 
NEUMANN. . . . . Nouveau parasite du blé. 1009 » 
Nicozas . . . . . Sphères attractives et fuseau one dans le 
testicule adulte, dans la glande génitale et le rein 
embryonnaires de la salamandre . . . . . . . . . . 12 » 
— Spermatogonies chez la salamandre d'hiver. . . . . . 590 » 
Nourry et Micuez. Suc testiculaire. — Immunisation contre la tuber- 
culose par les injections du suc testiculaire. . . . . 507 » 
O 
OLIVIERO. . . . . [nversion de la formule des phosphates dans l’hystérie 
et l'épilepsie. — Remarques sur les analyses chi- 
TUE Nr EU AN EME EN ETS 398 » 
OxImus . . . . . . Effets généraux des injections des liquides organiques. 820 » 
OUSPENSKkI . . . . Traitement du choléra asiatique par les injections de 
Lémulsionihentare EAN ET EEE TEE ANT » 321 
— Action de l’'émulsion testiculaire sur l'évolution de la 
LUBELCULOSE REP E PP UUPe IeNer 0. ON 518 » 
P 
PACHON . . . . . Recherches sur la respiration dans les maladies men- 
TAB 0.0 0 070 0-0 0.0 clotobo cho ohotudirorblotosu v AI » 
— Tracés graphiques de la respiration dans les maladies 
EME sLoco ob ace lion MT » 


1050 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Passy . . . . . . Minima perceptibles de quelques odeurs . . . . . . . 
— Minima perceptibles de quelques odeurs . . . . . . . 

— Percephon des Fodeurs RPM ER NENEE E 

— Odeur dans la série des alcools. . . . . . . . . . . . 

— Analyse d'une odeur complexe . . . . ; RS 
PÉTRINI . . . . . Présence de corpuscules de Pacini et de sracions ner- 
veux danse panCréas URChATEREREE EC 

Pevrou et Turcuii. Myographie dynamométrique . . . . . . . . . . . .” 
PEYROT. . . . .« . Sur la formule urinaire dans l'hystérie . . . . . . . . 
Pxisaztx. . . . . Transmission héréditaire des caractères acquis . le 
bacillus anthracis sous l'influence d’une MR 

AYSSÉNÉSIQUE CE ER CEE Dee Mer 


— Chromatophores des néneloneues. — Rénossee à M. Jon- 

— Sur une condition qui fait varier la forme de la Bac- 

téridie dans le sang d'animaux morts du charbon. . 

Picqué. . . . . . Formule de l’ossification des phalanges des métacar- 
piens, de la clavicule et des côtes. . . . . . . . . . 

Przrier. . . . . . Muqueuse de l'estomac (histologie des érosions hémor- 
ô PAGES COR) S 616 oo o oo 0 co vo so dose 

— Recherches sur l’état de la rate chez le vieillard. . . . 

— Constitution homogène de la fibrille des fibres muscu- 
DANS CHAOS E oder 0 lola to deb role reio toit € 

— Lésion particulière de la fibre cardiaque dans l’empoi- 

€ sonnement expérimental par le bichlorure de mer- 
CUDE A SU este Re ane ln Pole AR een ere à LT 

—— Transformation des angiomes de 1 rate en kystes hé- 
matiques. . . . . DDC E OR EU A PTE SAME 

PrLLieT et CATHELINEAU. Recherches npnalle sur les some. déter- 
minées par le bichlorure de mercure. .… . . 

Przurer et MaLBec. Lésions histologiques du rein produites sur les ani- 
MAUSSDARIES AS ele DAC PEER CEE 

PoucHer. . . . . Algue pélagique nouvelle. . . . . . HMS 0 
— Larves des muscides comme facteurs none his 

— Turbots à face nadirale pigmentée . . . . . . . . . . 

— Note sur la baleine observée par Néarque. . . . . . . 

— Formation du pigment mélanique (quatrième note). . 
Poucuer et BEAUREGARD. Note sur l’ambre gris. . . . . . . . . . . . . . 
Poucuer et Brérrix. Sardines présentant des œufs à maturité. . . . . . . 
PRENANT. . . . . Le corps intermédiaire de Klemming dans les cellules 
séminales de la scolopendre et de la lithobie . . . . 

— Le corpuscule central de E. van Beneden, dans les 
cellules séminales de la scolopendre . . . . . . . . 

— Origine du fuseau achromatique nucléaire dans les 
cellules séminales de la scolopendre . . . . . . . . 


PRINGETEAU. . . . Anomalies musculaires du creux de l’aisselle. 
RAILLIET. . . . . Tænia du pigeon domestique (Espèce nouvelle). . . . 


— . , Remarques historiques sur l’otacariase des carnivores. 


241 


283 


_49 
126 


201 


TABLE PAR NOMS D AUTEURS 


— Couvulsions épileptiformes provoquées par les acariens 
auriculaires . . . . Ne 
— Transmissibilité de la ze dx ur et lan / 
— Amphistomes des animaux domestiques du Tonkin. 
— Résistance vilale des embryons de quelques hématodes. 
nie Un cas très ancien de tænia diminutfa chez l'homme. 
Razer et CaprorT. Otacariase symbiotique des carnivores. à 
—  ‘ : Strongylose du cœur et du poumon chez un Eee ge 
— Transmission du Sérongylus vusorum du chien au chien: 
résultats négalifs. k ; 
Rarcuier et Moussu. Filaire des boutons hanoscones Sieance he 
l'âne ; découverte du mâle . SH 
REBOURGEON . . . Fièvre jaune. 
REGNARD. . . . . Allocution. — D on d M. & oc Ces 
veau, président de la Société de Biologie. 
— Choc nerveux consécutif aux grandes es et 
particulièrement aux explosions +. . 
— Sur la respiration de la mer. … 2. 
— Les anémiques sur les montagnes. — Pere de l'al- 
— titude sur la formation de l'hémoglobine. 
REGNAULT . . . . Sclérose du testicule provoquée par la vaginalite Aro 
nique simple adhésive . 
FÉmy-Saint-Lour. Disposition intermédiaire à cceR à qui ont fai are 
un caractère anatomique différentiel des Plagiotrèmes 


CRAESVOAEOSANRICN SEEN RE o 

— Pigments animaux.— Réaction phy Soostque de in, 

RETTERER . . . . Tissu angiothélial des amygdales et des DEA de 
DOVE ee 


— Morphologie et Soon de lépithéliun Gt vagin it 


mammifères . 
— Origine et A cn des re “e De er 
les Ruminants et les Solipèdes . 
— Epithélium du vagin. — Évolution. 
= Modifications de la muqueuse utérine à l’époque de Ru. 
— Rapports de l'artère hépatique . 


Rey-PAILHADE. . . Travaux sur les Philothion . : 
RICHER. . . . . . Physiologie musculaire ee oi Hn ae 

— Mensuration du pannicule graisseux sous-cutané . 
RicHer (Ch.) . ‘. . Cécité psychique expérimentale chez le chien. 

— Cécité psychique expérimentale chez le chien. — Lé- 


‘sions cérébrales . 
— Résistance du singe à Pl bmenets par ; nn 
= ‘Le frisson comme appareil de régulation PR : 


Romix (Albert). . Propriétés antiseptiques de l’antipyrine. : 

Roper et CU Toxicité des produits solubles de oem py0- 
EME d: Ne Pa Lee ER 

Rover et Pourrar. Pie no DRO (Expériences). So CAES 2 

Rover et Roux. . Bacille d’Eberth ou bacillus coli; en non de le 
galactose et de la lactose . . . . 

ROGER. . . . . . Extirpation totale du foie chez la grenouille: Érnue de 


la survie. . . : 
— Recherches D nue sur un cas Me bcenies 


BIOLOGIE. TABLES. 


1051 


231 » 
238 » 


295 » 


1052 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 
C. R. M. 
S 
SANTI (DE).. . . . Stérilisation de l’eau -par précipitation . . . . . . . . 711 » 
SEBILEAU et ARRou. Circulation du testicule . . : . . . . . . . . . . . . 53 » 
SÉGALL. . . .« . » Sur les anneaux intercalaires du tube nerveux . . . . 359 » 
SÉRIEUX Observation de cécité verbale avec agraphie suivi d'au- 
ÉOPDSIC RS CEE EME RE - CRTU > eee -0a Vol 0 » 13 
SOLLES. . . . . .« Méthode nouvelle de coloration générale pour la re- 
cherche des micro-organismes . . . . . . . . . © 366 » 
= à Remarques sur son procédé de coloration des nrinonee 
tions histologiques et bactériologiques. . . . . . . . 429 » 
BOULE C0 Hématozoaire du paludisme et son importance en cli- 
DD NO NEO" AMEN EE DAT MEN PS TT Et EN It our d'oudols 608 » 
SOUDE SE Te Nofesssur les parasite EPP NES 664 » 
STRAUS. . . . . . Effet de l’inoculation du Bacillus anthracis sur la cor- 
née du lapin. tree RUES ner ee nn 150 » 
— Procédé de coloration à l'état vivant des cils ou flagella 
de certaines bactéries mobiles . . . . . . . . . . . 542 » 
SURMONT. . . . . Toxicité urinaire dans les maladies du foie. . . . . . 23 » 
T 
PART IR Rene . Développement des fibres du grand sympathique . . . 231 » 
Tarnier et CHAMRRELENT. Toxicité du sang des femmes atteintes d’éclamp- 
sie ou d'albuminurie puerpérale . . - . . A UN TO » 
THÉLOHAN , . . . Nouvelles coccidies, parasites des poissons . . . . . ë 42 » 
— GITÉEARMICLOSDORA RE 82 » 
MHIROLOIN 0 Dia DEteNDaNn Craie ER ERP NE NE CCR 215 » 
— Pancréas. — Étude sur les effets de la suppression lente 
du pancréas et rôle des glandes duodénales. . . . . » 303 
— Grelteipancréatique 9e) MN RE 966 » 
THOLARD. . . . . Arc osseux dans l'épaisseur du ligament atloïdo-occi- 
pital postérieur. . . . . . ae NON AE Teite le Ra 20 » 
— Direction de la rate et du pancréas be UE fœtus et 
EE MODE 6 0 à «6 6 0 do e 6 0 0 6 do 910 0 0 221 » 
1HER) a o ao d 0 Influence du vélocipède sur quelques fonctions orga- 
NUS 0 cha cs Die 6 0 670 SEE DS Pro do otre V0) » 
TourNeux . . . . Structure et développement du fil terminal de la moëlle 
Chez NOMME RE CC Moro te où gros ee ee) » 
DREILLEL. 0 ce Corps flagellés et flagella du sang. . . . . . . He 0028 » 
TRIBOULET ... . . Production expérimentale d’une ne à ornements À 
chorciiormesichezile chien RD A9 » 
TSCHERNING. . . . Images catoptriques de l'œil humain . . . . . . . . . 688 » 
TuFFIER . . . . . Suppurations rénales consécutives aux affections pleuro- 
pulmonaires. — Abcès périnéphrétique à pneumo- 
COŒUES AR A CEA ad eee AIR eee en en 001 » 
— Stérilité de cer Hitres suppurations rénales . . . . . HO » 
— Lithiase urinaire expérimentale. . . . . . . . . . . . 1006 » 


TABLE PAR NOMS D'AUTEURS 


NAOUEZ RUES 


VARIGNY (DE). 
VERDIN. 


VIALLANES . . . 


NTAUET 2 -Ce 
. Traitement antiseptique de la diphtérie par l’antipy- 


VIANNA. . 


VINCENT 


Voisin (Jules) . 


VURTZ. 


WERTHEIMER . . 


site ec; rx 


V 


Cyanose de forme spéciale s’accompagnant d'hyperglo- 

bulie excessive et persistante. . . . . . . . . . . . 
. Rythme respiratoire de quelques poissons. . . . . . . 
. Cardiographe horizontal pour le cœur de la remove, 


. Recherches comparatives sur l’organisation du cerveau 


dans les principaux groupes d’arthropodes . . . . . 
Action physiologique des climats de montagne . . 


DES EN AR A ES SR ONE ON D CENTS 
HÉématozoare dubaludisMe RCE 
Résultats expérimentaux de l'association du strepto- 

coque et du bacille typhique. 


. Note sur l'inversion de la formule des phosphates dans 


l'hystérie ct l’épilepsie. . . . 
Bactéries normales de l'organisme. — Leur issue hors 
des cavités naturelles pendant la vie. . . . . . . . 
Choléra arsenical expérimental. . . . . . . . . . .. 


ele Vel Lee) ere, jette; ste 


W 


. Circulation entéro-hépatique de la bile. . . . . . . . 


Paris. -— Imprimerie de la Cour d'appel, L. MARETHEUX, directeur, 1, rue Cassette. 


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DU 


TISSU ANGIOTHÉLIAL DES AMYGDALES 


ET DES 
PLAQUES DE PEYER 


PAR 


le D' ÉD. RETTERER 


DOCTEUR ÈS SCIENCES NATURELLES, 
PROFESSEUR AGRÉGÉ A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE PARIS, 
MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Mémoire lu dans la séance du 9 janvier 1892. 


En 1888, lorsque je publiai l’ensemble de mes observations sur l’Ori- 
gine et l'évolution des amygdales chez les mammifères (1), je fus amené à 
parler (p. 340 et suiv.) de M. Pu. Srôur. de fis remarquer que cet auteur, 
aujourd’hui professeur d'anatomie à Zürich, avait pris pour des leucocytes 
les cellules arrondies ou basilaires des bourgeons épithéliaux. « Au lieu de 
suivre réellement les éléments », avais-je conclu (p. 342), « qui vont de 
dehors en dedans, de la surface du chorion dans sa profondeur, STüar 
les fait voyager en sens contraire. Il a vu l'identité de nature des éléments 
propres des amygdales avec les cellules basilaires; maïs, partant de 
l’idée préconçue de leucocytes mésodermiques, et ayant une notion 
incomplète de la couche profonde des épithéliums, il a cru pouvoir 
expliquer la présence des éléments basilaires dans les involutions, par 
une migration des leucocytes vers la surface. » 

.. Au trente-neuvième Congrès des médecins suisses, tenu à Zürich le 
31 mai 1890, M. Srôdur (2) reconaut que mon mémoire renfermait des 
observations importantes. Il me reprocha, alors comme dans la suite, 
de n'avoir pas fait des coupes sériées. Il avait donc mal lu mon travail, 
puisque j'y ai longuement insisté (p. 314 de mon mémoire) sur la néces- 
sité des coupes en série. M. Srôüxr pensa alors que l'étude du développe- 
ment des amygdales chez l’homme ne valait pas celle du même organe 
chez le lapin. 


(1) Journal de l'Anatomie et de la Physiologie, 1888, p. 1 à 80 et p. 274 à 360, 
(2) D’après le compte rendu du Progrès médical, 1890, p. 462. 


Bioocre. Mémoires. — 9e Série, T. [V. 4 


2 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Dès 1888, j'ai signalé (p. 74) la difficulté de suivre l’évolution des 


amygdales sur les mammifères de petite taille. Quand on veut connaître 


un processus embryologique ou la véritable signification d’un organe, on 
l’étudie non seulement chez les animaux où il est à l’état rudimentaire, 
mais surlout chez ceux où il présente son plus grand développement. 
L'histoire de la glande pinéale est là pour nous le prouver. 

Oui, il est difficile, comme je l’ai expressément déclaré (p. 318), de 
suivre chez le lapin la pénétration réciproque des cellules épithéliales et 
du tissu conjonctif, quand il s’agit de l’amygdale. Depuis cette époque, 
j'ai retrouvé dans l’appendice vermiculaire des jeunes lapins (1) un organe 
plus propice pour reconnaître ce mode de formation du tissu en question. 

Dès le mois de septembre 1890, M. Srôar (2) nie l'existence du tissu 
nouveau que j'ai décrit sous le nom de tissu angiothélial (voyez plus loin). 
Il a cru voir que l’immigration des leucocytes remonte, chez le lapin, aux 
premières phases du développement, tandis que les follicules n’appa- 
raissent qu'après la naissance. | 

Enfin, M. Srôüur vient de publier le résultat de ses observations sur le 
développement des follicules clos de la base de la langue et des amygdales 
chez le fœtus humain (3), qu'il a reconnu d’abord peu propre à cette 
étude. Pour bien faire connaître ses conclusions, il a résumé lui-même ce 
dernier travail dans l’Anatomischer Anzeiger (27 octobre 1891, n° 19, 
p. 545). 

Cette fois-ci, M. Srônr trouve mauvais et défectueux tout ce que j'ai 
fait (procédés, méthode, dessins). Mon Mémoire n'est qu'une suite d’er- 
reurs grossières. 

Si je n'ai pas répondu plus tôt à M. STôg, c’est qu'il m'a paru oiseux 
de discuter avec lui, avant de connaître les observations elles-mêmes sur 
lesquelles il se fonde pour mettre tous mes résultats en doute. 

Comparons les procédés, la méthode et les résultats. 


I, — PROCÉDÉS. 


M. Stôhr a fixé ses matériaux avec de l'alcool fort. 


J'ai fixé mes embryons et fœtus humains, soit dans du liquide de 
Müller, soit dans l’alcool. Il est vrai que, quand il s'agit de l'espèce. 
humaine, nous n’avons pas toujours les pièces dans un état de fraicheur 
parfaite. C’est pour ce motif que j'ai employé, dès le début de mes 


(1) Comptes rendus de la Société de Biologie, 26 décembre 1891. 

(2) Ueber die Mandeln und deren Entwicklung (Correspondenz-Blatt für 
schweîitzer Ærlze, n° 17, p. 531). 

(3) Die Entwicklung des adenoïden Gewebes, der Zungenbälge und der Man- 


deln des Menschen, mit einer Tafel. Festschrift zur Feier des 50° Doctor-Jubiläum 


de W. von Nägeli et Al. von Kôlliker. Zürich, 1891. 


DU TISSU ANGIOTHÉLIAL DES AMYGDALES 3 


recherches, un moyen de contrôle qui rachète amplement ce qu'il peut y 
avoir de défectueux dans certains matériaux concernant l'homme. Pen- 
dant quatre ans, j'ai mis tous mes soins à collectionner, dans les abattoirs 
de Paris les embryons et les fœtus des diverses espèces de grands mam- 
mifères ; j'ai sacrifié des chiens, des chats, des lapins; enfin, j'ai fait deux 
séjours au Laboratoire maritime de Concarneau, pour trouver des amyg- 
dales de cétacés. 

Chacun sait que les pièces fraiches sont fixées suffisamment pour 
l'étude des tissus, quand on emploie, comme je l'ai fait et indiqué pour 
la plupart des embryons et fœtus, soit le liquide de Müller, soit l'alcool 
absolu, soit l’acide osmique. 

En 1885 et 1886, j'ai fait les coupes sériées avec le microtome ordinaire 
et après durcissement dans la gomme et l'alcool. Depuis la publication de 
mon travail, j'ai complété plusieurs séries en faisant l'inclusion dans la 
paraffine et les coupes au moyen du microtome à bascule. Je me hâte 
d'ajouter que ce nouveau procédé n’a fait que confirmer mes résultats 
antérieurs. 


II. — MÉTHODE. 


a). Méthode de M. Stühr. — Cet auteur (Mémoire cité de 1891) a étudié 
un seul stade du développement des follicules clos de la base de la langue 
et trois stades de celui des amygdales de fœtus humains. Ayant examiné 
la base de la langue d’un jeune embryon, il n’a obtenu qu’un résultat 
négatif; les amygdales de deux enfants, l’un de six mois et l’autre de dix 
mois, ne lui ont fourni aucun fait nouveau. 

Il donne six figures : deux se rapportent à l’ébauche d'un follicule 
clos de la langue d’un fœtus humain de huit mois. La troisième est une 
coupe du rudiment tonsillaire d’un fœtus humain de seize semaines ; la 
quatrième est celle du même organe d’un fœtus de cinq mois; la cin- 
quième est un bourgeon épithélial de l’amygdale du même fœtus ; enfin 
la sixième est la section d’une tonsille d’un enfant nouveau-né. 


b). Ma propre méthode. — Après m'être procuré toute la série des stades 
marquant l’évolution des amygdales, j'ai étudié ces organes chez les 
diverses espèces animales. 

J'ai pu ainsi déterminer l’ensemble des phases parcourues par les 
éléments qui forment l’amygdale depuis leur apparition jusqu’à l'état 
adulte et la vieillesse. C’est par l'observation de ces diverses étapes que 
ma méthode diffère de celle de M. Stühr, qui a remplacé l'absence de 
matériaux par. des considérations anatomo-pathologiques et autres, 
comprenant la plus grande partie de son Mémoire. 

Voici la liste des pièces concernant aussi bien l'homme que les autres 


4 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


mammifères dont j'ai fait l'examen détaillé et que j'ai décrites et figurées 
dans mon Mémoire de 1888. Elle représente plusieurs séries complètes des 
états successifs de l’amygdale depuis son apparition jusqu’à la vieillesse. 

Dans l'espèce humaine, j'ai étudié les stades suivants : 2 fœtus du qua- 
trième mois; 2 fœtus du cinquième mois; 2 fœtus du septième mois: 
4 fœtus du neuvième mois ; À enfant à la naissance ; À enfant d'un an; 
1 enfant de deux ans ; À enfant de trois ans et demi ; 1 enfant de quatre 
ans et demi; À enfant de cinq ans et demi; un supplicié de vingt ans; 
2 suppliciés de trente ans ; un homme de trente-cinq ans ; un homme 
de soixante-six ans; une femme de quatre-vingt-trois ans : en tout 
15 stades chez l'homme. 

Sur le bœuf, j'ai examiné de la même façon : un veau de 95 centi- 
mètres de long; un veau de 41 centimètres ; un veau de 63 centimètres ; 
un veau à terme ; un veau de trois semaines après la naissance ; un bœuf 
de trois ans ; une vache de sept ans : en tout 7 stades chez le bœuf. 

Sur le mouton, j'ai étudié un fœtus long de 20 centimètres ; un autre 
de 30 centimètres ; un troisième de 4l centimètres ; un quatrième de 
49 centimètres, et enfin un mouton adulte : en tout 5 stades chez le mouton. 

Sur les Cétacés, j'ai eu l’occasion de faire l'étude des amygdales d’un 
dauphin à la naissance; de celles de sa mère ainsi que de celles d’un 
marsouin : en tout 3 stades chez les cétacés. 

Sur le chien, j'ai examiné les amygdales d’un fœtus de 8 centimètres ; 
d'un chien à la naissance ; d’un chien âgé de huit jours, d’un chien d’un 
mois ; d'un chien de un an et demi; de trois chiens de quatorze ans : en 
tout 6 stades chez le chien. 

Sur le chat, j'ai étudié les mêmes organes d’un chat à terme, d'un chat 
de quelques mois, d'un chat d’un an, d’un chat de sept ans et d’un chat 
de quatorze ans : en tout 5 stades bee le chat. 

Dans les solipèdes, J'ai eu à ma disposition des amygdales d’âne et de 
dauw. J’ai examiné en outre le développement de ces organes sur un 
fœtus de cheval de 26 centimètres de long, sur un autre de 31 centimètres; 
sur un troisième de 65 centimètres; sur un quatrième de 70 centimètres; 
sur un cinquième de 80 centimètres; sur un sixième de 90 centimètres. 
L'étude comparée d’amygdales d'un cheval de dix et d’un autre de vingt 
ans a complété la série : en tout 10 stades chez les solipèdes. 

Chez les porcins, j'ai étudié des amygdales de pore et de sanglier 
adultes. J'ai pu me procurer des fœtus longs de 7 centimètres, de 15 cen- 
timètres, de 17 centimètres, de 19 centimètres, de 20 centimètres, de 
22 centimètres, de 32 centimètres (à terme) : en tout 9 stades chez les 
porcins. 

Sur le lapin, j'ai examiné le même organe à la naissance, le dixième 
Jour, à huit mois et à un an : en tout 4 stades chez le lapin. 

J'ai donc étudié, en résumé, 64 stades de l'évolution des amygdales chez 
les divers mammifères. S 


ot 


DU TISSU ANGIOTHÉLIAL DES AMYGDALES 


De ces nombreuses séries de préparations, j'ai extrait quarante figures 
formant quatre planches doubles. 

M. Stôhr trouve mes dessins inexacts; s’il avait lu mon Mémoire 
(p. 333), il aurait vu que le dessinateur, M. Millot, a lithographié mes 
figures d’après mes préparations mêmes. Il se serait aperçu que M. Millot 
sait regarder au microscope, quil est observateur, puisqu'il a découvert, 
dans mes préparations, le réseau lymphatique des amygdales du dauphin 
qui avait échappé à mon attention et qui Es représenté dans la figure 26, 
pl. xur. 

M. Stühr prétend que j'ai confondu les bourgeons épithéliaux avec les 
leucocytes des follicules clos. Je les ai si peu confondus, qu’en comparant 
sa figure 6 à mes fig. 2, 3, 4, j'avance, me fondant sur la connaissance 
que j'ai du sujet, que ce que M. Stôhr explique et désigne par la légende 
« Follikel », n’est qu'un amas de cellules épithéliales, à l’état de cellules 
arrondies ou basilaires. 


III. — RÉSULTATS. 


a). Résultats de M. Stünr. — 1° Le follicules clos sont formés de leu- 
cocytes. 
2° Ceux-ci sortent des vaisseaux sanguins par diapédèse. Il en a sur- 
pris, chez les embryons bamains, en train de traverser la paroi vascu- 
laire. 
3° Les leucocytes s'accumulent entre les trabécules du tissu conjonctif 
du chorion et le transforment en tissu adénoïde. 


De cette façon se forment les follicules clos de la base de la langue et 
des amygdales. 

Je suis heureux de constater que M. STôar, confirme, sans me citer, le 
point suivant, que j'ai le premier mis en lumière : le développement des 
follicules elos n’est achevé ni le sixième ni le dixième mois après la 
naissance. 

Dans un travail antérieur sur les plaques de Peyer (1), M. STôüxr 
assigne aux éléments propres de ces organes une origine également vas- 
culaire. Une fois logés dans les. mailles du tissu réticulé, les leucocytes, 
sorlis des vaisseaux, se multiplient, selon lui, par karyokinèse. 


b. Mes propres résultats. — Sans se douter que de nombreux histolo- 
gistes français et étrangers ont pu examiner mes préparations au labora- 
toire d'histologie de la Faculté de médecine de Paris et se faire ainsi eux- 
mêmes une opinion sur ce sujet, M. anne s'écrie que je suis et que je 
resterai seul de mon avis. 


(1) Archiv fur mik. Anat., vol. XXXHI, p. 260, 1889 


6 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 

Dès 1885, j'ai essayé de montrer que les éléments arrondis qui consti- 
tuent le tissu des amygdales proviennent de la division des cellules épi- 
théliales. L'épithélium de la ‘surface du canal alimentaire pousse des 
bourgeons qui pénètrent dans le tissu mésodermique, comme lorsqu'il 
s’agit de la formation des glandes en général. Ils produisent des amas de 
cellules arrondies, à faible corps cellulaire (cellules basilaires). Ces amas 
sont entourés par le tissu mésodermique qu les sépare complètement de 
l’épithélium originel. 

Avant cette séparation, la limite (paroi propre ou membrane basilaire) 
a disparu entre les cellules basilaires et le tissu conjonctif; les prolon- 
gements de ce dernier ont déjà pénétré entre les cellules basilaires. 

Tandis que la portion périphérique de cette formation est alors consti- 
tuée par un tissu dont le réseau est conjonctif et dont les mailles sont 
remplies par les cellules épithéliales, sa portion centrale est purement épi- 
théliale à ce stade. 

Avec les progrès du développement, le réseau conjonctif s'étend de plus 
en plus vers le centre, en s’insinuant entre les cellules épithéliales qui se 
divisent et se transforment en cellules basilaires. C’est ainsi que se forme 
le tissu nouveau du follicule clos, à charpente conjonctive et à éléments 
propres, qui sont d'origine épithéliale. Les vaisseaux sanguins et lym- 
phatiques accompagnent le réseau conjonctif. 

Ce tissu nouveau est donc formé de cellules épithéliales, incluses dans 
une trame conjonctive etil est parcouru de vaisseaux sanguins et lym- 
phatiques; pour rappeler cette origine épithéliale des cellules glandu- 
laires et la présence de vaisseaux sanguins et lymphatiques dans le tissu 
_ complètement développé, je l'ai appelé angiothélial (loc. cit., p. 26). 

Scampr (Voy. mon mémoire) a prétendu, dès 1863, que les leucocytes des 
amygdales provenaient de la division des cellules constituant la tunique 
adventice des veines. 

En 1891, M. Srüsr décrit et figure les follicules clos comme prenant 
naissance sur le pourtour immédiat d'une veine, qui en occupe dès 
l’origine le centre. 

À l'encontre de ces auteurs, j'ai toujours vu que le centre du follicule 
clos, ou lobule du tissu sa, est privé de vaisseaux, tant qu'il 
n’est formé que de cellules épithéliales. Quand la trame réticulée a 
pénétré entre les cellules épithéliales, elle est suivie de près par les vais- 
seaux sanguins, qui affectent une disposition rayonnée. Plus tard, la 
partie centrale du lobule devient aussi vasculaire que sa partie périphé- 
rique. 

Le premier, j'ai injecté avec du nitrate d'argent les vaisseaux lÿmpha- 
tiques des amygdales qui constituent un système de canaux parfaitement 
clos, ne s’ouvrant dans le réticulum conjonctif ni par des stomates ni par 
des extrémités béantes. 

En résumé, la seule nouveauté des travaux de M. SrTôüsr consiste dans 


DU TISSU ANGIOTHÉLIAL DES AMYGDALES 7 


A  … 
la provenance qu'il attribue aux leucocytes ; il Les fait sortir des vaisseaux 
sanguins, tandis que Schmidt et ceux qui l'ont suivi estiment qu'ils 
résultent de la division des cellules conjonctives. Il est vrai que M. SrôHr 
adopte pour désigner le follicule clos le terme plus moderne de Sekundür- 
lymphknôtchen (petit nœud lymphatique secondaire). 

Il résulte de mes observations, aussi bien sur les amygdales que sur les 
plaques de Peyer (1), que les cellules arrondies qui remplissent les mailles 
conjonctives de ces organes sont d'origine épithéliale. 

Voici quel est, d’après M. SrüR, le rôle des leucocytes dans les organes 
lymphoïdes du tube digestif : ils se chargent des déchets organiques ou 
produits d’exerétion, ce qui les conduit à une mort certaine; mais aupa- 
ravant ils se hâtent de débarrasser l’organisme; ils émigrent à travers 
l'épithélium superficiel et tombent dans l'intérieur du canal alimen- 
taire. 

Voilà sans doute le point le plus original des recherches de M. Srôr et 
personne ne lui en contestera la priorité; car, jusqu'à ce jour, aucun 
auteur n'avait soupçonné une pareille origine aux matières fécales. 

Il y a vingt ans, on a attribué aux leucocytes un rôle immense dans la 
formation des tissus et des organes. « Aujourd'hui, dit M. V. vox EBxER (2), 
on est devenu très sceptique à l'égard de la régénération des tissus aux 
dépens des globules blancs. » 

D'autre part, le professeur Nrcoras (de Nancy) a montré (3) que les 
éléments que l’on prend pour des leucocytes ou phagocytes dans l’épithé- 
-lium du tube digestif ne sont que des cellules épithéliales, qui ont subi 
la dégénérescence. 

Pour ma part, j'ignore le rôle des cellules glandulaires du tissu angio- 
thélial ; mais, me fondant sur leur provenance, je pense que les éléments 
propres des amygdales el des plaques de Peyer doivent conserver, de par 
leur origine, des attributs glandulaires. 

M. Srôur a vu, comme moi, l'existence de bourgeons épithéliaux aussi 
bien dans les amygdales, qu'au voisinage des follicules clos de la base de 
la langue. 
- Quant aux plaques de Peyer(4), il avait lui-même signalé chez le chat 
adulte dans une note, au bas de la page 262, l'existence de tubes épithé- 
liaux plongeant dans le parenchyme de la plaque. «Ces dépressions 
épithéliales, dit-il, sont plus larges et plus longues que les glandes de 
Lieberkühn et renferment souvent des masses de leucocytes immigrés. » 

En dehors de la migration des leucocytes, de leur sortie des vaisseaux 


(1) Comptes rendus Soc. de Biologie, 26 décembre 1891, p. 871. 
- {2) Archiv für mik. Anat., vol. XXXI, p. 262, 1888. 

(3) Recherches sur l’épithélium de l'intestin grêle. (Journal inlernational 
d’Anat. el de Physiol., t, VII, p. 26 et suiv.) 
- (4) Archiv für mikros. Anat., vol. XXXIIT, p. 262, 1889. Per \É 


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8 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


sanguins, de leur accumulation entre les fibrilles conjonctives, et de 
leur immigralion ultérieure à travers l’épithélium, M. Srôur n’accorde 
qu’une mince attention aux phénomènes évolutifs et aux faits anatomi- 
ques. Les diverticules épithéliaux (cryptes ou lacunes des amygdales et 
des plaques de Peyer) ne sont là que pour servir de porte de sortie aux 
leucocytes. La présence de ceux-ci aurait même pour effet de kératiniser 
les globes épidermiques (1). 

M. Srüur se complaît dans ces détails secondaires, ‘contestés et infirmés 
à l’heure actuelle, tandis que le fait essentiel, capital, au point de vue 
du développement et de la structure, aussi bien des amygdales que des 
plaques de -Peyer, lui a absolument échappé. Ce fait consiste dans l’ori- 
gine des éléments propres des amygdales et des plaques de Peyer, dans 
leur provenance épithéliale (2). 


IV. — MOYEN PRATIQUE POUR ÉTUDIER LE DÉVELOPPEMENT 
DU TISSU ANGIOTHÉLIAL. 


J'ai essayé d'examiner point par point les chapitres en litige; mais Ja 
polémique ne mène pas à grand’chose en science; aussi l’ai-je évitée 
jusqu’à ce jour. Pendant ce temps, j'ai cherché à étendre mes observa- 
tions. 


_ (4) Chez un fœtus humain de cinq mois, j'ai signalé (Voy. mon mémoire, p. 21), 
dans les diverticules amygdaliens, l'existence de globes épidermiques dont 
les cellules ont tous les caractères d’une couche cornée. Il n’est pas étonnant 
que M. Srüxr les retrouve chez un fœtus du même âge. M. Srür décrit et 
figure nombre de leucocytes entre les cellules cornées; ils y auraient pénétré, 
selon lui, pour produire la kératinisation des cellules épithéliales. C’est là une 
hypothèse bien invraisemblable. Il n’est même pas question de leucocytes, 
puisque nous savons, d'après les recherches de M. Nicozas citées plus haut, 
que les prétendus leucocytes inter-épithéliaux ne sont que des cellules épithé- 
liales ayant subi la dégénérescence. 

(2) Il ne me plaît point de suivre M. Srür sur le terrain de la polémique. Je 
passe sur les aménités de son style, sur ses traits d'esprit si originaux, bien 
que parfois empruntés à un répertoire de citations latines. A ce jeu, l’'his- 
toire des amygdales ne s’éclaire guère de lumières nouvelles. 

Qu'il me soit permis cependant de lui expliquer le sens du mot français 
enchevétré, qu'il a eu le tort de traduire par le mot allemand Wirrwar (pêle- 
mêle, brouillamini). Je reproduis le mot tel que l'écrit M. STôHR, car si je ne 
m'abuse point, les classiques allemands admettent l'orthographe WIRRWARR 
(&r). | | | 

En architecture, l'expression enchevétrure signifie un assemblage de .solivés 
et d’un chevétre qui laissent un vide carré ou qui forment un cadre autour 


DU TISSU ANGIOTHÉLIAL DES AMYGDALES 9 


En ce qui concerne les amygdales, la liste donnée plus haut des 
embryons et des fœtus de mammifères effrayera plus d’un travailleur et 
le fera hésiter à collectionner la série des matériaux nécessaires pour se 
rendre compte par lui-même de la nature des choses. Encore faut-il être 
dans un centre comme Paris pour pouvoir se les procurer. 

C'est alors que j'ai songé à trouver un organe ayant un développe- 
ment et une structure semblables à ceux des amygdales; un organe où 
c'est un jeu de vérifier, comme dans une expérience courante de labora- 
toire, les faits essentiels que j'ai décrits dans la formation du tissu angio- 
thélial. 

Il fallait de plus que cet organe püt être fixé à l’état absolument frais 
pour surprendre les cellules en voie de division. Pour des raisons faciles 
à comprendre, cette condition ne peut guère être réalisée en ce qui 
regarde les amygdales de l’homme et de la plupart des fœtus de grands 
mammifères. 

Il s'agissait, en un mot, de trouver chez un animal commun, un organe 
constant et à situation parfaitement déterminée. Il fallait pouvoir, à coup 
sûr, même lorsque l'examen à l’œil nu ne révèle aucune trace de l’organe, 
enlever le point précis du tube digestif où le tissu angiothélial est en 
train de se développer. 

Après bien des tâtonnements, j'ai eu la chance de mettre la main sur 
un animal répondant à ces desiderata. Get animal est le cobaye. 

La partie du côlon du cobaye qui fait suite au cæcum se recourbe à 
angle droit au bout d’un trajet de quelques millimètres. Le côlon forme 
ainsi un coude, dont le fond est occupé par une plaque de Peyer. Sur 
tous les cobayes que j'ai examinés à cet effet, j'ai constamment trouvé à 
cet endroit une plaque de Peyer. Cette observation concorde avec celle 
de Cuvier (1) : « Le commencement du côlon (du cobaye) présente une 
plaque de Peyer. » 

Si on ne tient pas à avoir la série complète des stades d'évolution de 
la plaque de Peyÿer, mais si l’on veut se borner aux phases essentielles 


d’une cheminée. Un chevétre (capistrum, Halfter, licou, courroie, muselière), 
est une pièce de bois qui emboîte les soliveaux d’un plancher. 

C’est dans le même sens qu’en médecine on donne le nom de chevélre (Halfter- 
binde en allemand), à un bandage, dont les chefs font plusieurs fois le tour 
de la tête et s’entre-croisent pour embrasser et maintenir le menton, les 
branches du maxillaire inférieur, etc. 

Enchevétrer (incapistrare, halftern en allemand), c'est donc mettre un licou, 
un chevêtre, c'est joindre des solives par un chevêtre, c’est enlacer. 

Un tissu dont le réticulum encadre, enlace et maintient dans ses mailles des 
éléments arrondis, d'origine différente, me semble pouvoir être appelé, à juste 
titre, tissu enchevétré. ; 

(4) Anat. comparée, t. IV, p. 254, 1835. 


10 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


du développement du tissu angiothélial, je conseillerai de procéder de la 
facon suivante : 

Une seule femelle et ses deux petits suffisent. On choisit un cobaye 
femelle, à l’état de grossesse. On le laisse mettre bas. Généralement, à 
partir du second part, le cobaye a deux petits. 

1° L'un des petits est sacrifié à la naissance, et, le cul-de-sac clique 
bien développé déjà, est fixé d’après l’un des procédés qui permettent de 
voir les phénomènes de la karyokinèse. 

- 2° Le second petit est sacrifié du dixième au quinzième jour, en même 
temps que la mère, et, l'organe en question est traité de la même façon. 


L'examen (i) de la plaque de Peyer du cobaye à la naissance montrera 
en résumé les faits suivants : 


1° Les bourgons épithéliaux traversent la muscularis mucosæ et leur 
fond arrive au contact de la musculeuse. Ils se ramifient en bourgeons 
secondaires, multiples, qui occupent le centre du tissu angiothélial 
déjà formé à cette époque. Les cellules épithéliales sont le siège de nom- 
breuses divisions par voie karyokinétique et elles forment ainsi des cellules 
arrondies à faible corps cellulaire (basilaires). 

2 Bien limités sur les parties les plus voisines de la surface intestinale, 
ces bourgeons sont comme égrenés du côté de la muasculeuse. Sur de 
nombreux points, on peut voir le tissu conjonctif pénétrer dans l'inter- 
valle des cellules basilaires. 

3° Il en résulte un tissu à éléments serrés : le réticulum est formé par 
le tissu conjonctif, et les mailles sont remplies par les cellules basilaires, 
d’origine épithéliale. 


Sur le cobaye de dix à quinze jours, les bourgeons épithéliaux sont 
beaucoup plus rares du côté de la musculeuse où la plupart se sont 
enchevêtrés avec le tissu conjonctif et ont formé du tissu angiothélial. Ils 
sont très nombreux, au contraire, dans la moitié de la plaque de Peyer 
sous-jacente et contiguë à la muscularis mucosæ. Ils continuent à présenter 
les mêmes phénomènes évolutifs que ceux décrits plus haut. 


Sur le cobaye mère, la plus grande partie de la plaque Peyer est formée 
d’une épaisse couche de tissu angiothélial subdivisée en lobules ou folli- 
cules clos. Les bourgeons épithéliaux secondaires, très rares, sont confinés 
sur le pourtour du bourgeon épithélial primitif persistant à l’état de eryptes 


(1) Voyez ma communication à la Société de Biologie, Comptes rendus de 
cette Société, 26 décembre 1891. On y trouvera également l'historique du 
développement des plaques de Peyer. 


DU TISSU ANGIOTHÉLIAL DES AMYGDALES 11 


ou de divercules, tels qu’on les observe dans les amygdales de l’homme et 
de la plupart des mammifères. 


Je signale en passant quelques nuances secondaires dans le développe- 
ment : dans les amygdales des grands mammifères, chaque bourgeon 
épithélial est le centre de formation d’un follicule clos ou lobule amyg- 
dalien ; dans l’amygdale côlique du cobaye, plusieurs bourgeons très voi- 
sins sont le point de départ d’une masse angiothéliale commune ou folli- 
cule clos. 


Malgré ces différences, le processus général est le même. Sur l’amyg- 
dale côlique du cobaye, un débutant peut s'assurer, par lui-même, de la 
part que prend le tissu épithélial à la constitution des plaques de Peyer 
et suivre les phénomènes évolutifs du tissu angiothélial, tels que je les ai 
décrits dès 1885. Chacun peut ainsi se faire une opinion d’après ses 
propres préparations et choisir entre la théorie leucocytaire que M. Srôr 
a remise à neuf, et les faits d'observation que j'ai été le premier à 
annoncer. 

Le tout se résume dans ce point capital : « les cellules arrondies, élé- 
ments propres des amygdales et des plaques de Peyer, sont des dérivés des 
cellules épithéliales ; de par leur origine, ce sont donc des cellules glandu- 
laires. 


tir note") ER NE ne DURS A GERS EE Et TEE US RER ec at 2 


NOTE 


SUR UN 


(AS DE CÉCITÉ VERBALR AVEC AGRAPHUE 
SUIVI D’AUTOPSIE 


PAR 


M. le D' PAUL SÉRIEUX 


MÉDECIN-ADJOINT A L'ASILE DE VILLEJUIF. 


(Mémoire présenté à la Société de biologie dans la séance du 16 janvier 1892.) 


Nous avons l'honneur de présenter à la Société le cerveau d’une 
femme qui était atteinte de cécité verbale et d'agraphie. Comme on peut 
Je constater, il n’existe qu’une seule lésion qui puisse expliquer la perte 
de la vision mentale des signes graphiques et les troubles de l'écriture, à 
savoir un foyer de ramollissement siégeant au niveau du lobule pariétal 
inférieur de l'hémisphère gauche. Les deuxième et troisième frontales en 
-particulier sont indemnes. 


OBSERVATION. 


Cécité verbale. Agraphie totale (perte de l'écriture spontanée, sous diclée et d’après 
copie). Paraphasie légère. Absence de troubles moteurs ou intellectuels. Mort par 
hémorragie ventriculaire. Foyer de ramollissement ancien et unique au niveau du 
lobule pariétal inférieur gauche. Destruction récente de la capsule interne de 
l'hémisphère droit par un foyer hémorragique. 


Augustine Ver..., âgée de soixante-treize ans, entre le 29 septembre 1891 à 
l'asile de Villejuif (service du D' Marcel Briand). C’est une femme à la physio- 
nomie éveillée qui ne présente aucune idée délirante. À un premier examen 
on constate qu’elle entend et comprend très bien les questions qu'on lui pose; 
mais il existe un certain degré d’amnésie verbale. Elle cherche longtemps, 
parfois inutilement, ses mots et se rend compte de la difficulté qu’elle éprouve : 
« Voyons, ça va-t-il venir ? dit-elle. » 

La lecture et l'écriture sont impossibles; cependant la vision est intacte ; la 
malade distingue bien les objets qui l'entourent et les caractères qu’on met 


BioLOG1E. Mémoires. — 9e SéRir, 7. LV. 2 


14 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


sous ses yeux ; mais elle ne peut lire les mots et les leltres imprimés. De 
même la main droite, qui a conservé tous ses mouvements, qui peut tenir une 
plume, ne sait plus tracer aucune lettre déchiffrable, bien qu'auparavant la 
malade sût parfaitement écrire. Il existe donc de la cécité verbale et de 
l'agraphie. 

Peu de temps après son entrée, Me V....., qui se voyait avec peine incapable 
d'écrire, se mit à faire des exercices d'écriture, et les cahiers qu’elle remplissait 
de ses essais graphiques nous donnent des spécimens intéressauts. Au début, 
elle ne peut tracer d’autres lettres que celles dont le dessin est le plus simple : 
m, n, U, 0, a; son alphabet n'est guère composé que de ces lettres. Le dessin 
en est tremblé, et, à côté de lettres mal formées, se trouvent des signes abso- 
lument méconnaissables. Les lettres sont parfois réunies par groupes de cinq, 
six, sept, de facon à former des mots ou plutôt des apparences de mots 
comme impression totale; mais ce n’est. qu'une succession incoordonnée de 
lettres au.…..um, aa, monon, mono, muosi; les M majuscules et minuscules sont 
assez bien tracés. Parfois, au milieu des lettres simples se trouvent des essais 
de lettres plus difficiles b, h, e, L. 

Dans le courant du mois de novembre, on constatait les phénomènes sui- 
vants : l'intelligence est normale; il n'existe pas de troubles paralytiques. 
Au dynamomètre : main droite, 15; main gauche, 9. La malade comprend les 
questions, elle peut raconter un fait-divers après que nous lui en avons fait la 
lecture ; elle exécute les ordres qu’on lui donne; il n'y a donc pas de surdité 
verbale appréciable. Mais 1l existe un léger degré de paraphasie : Me V....., 
en nous répondant, dit : « Oui madame, mademoiselle, enfin elle finit par dire 
monsieur. » Voici quelques réponses qui feront juger de ce trouble du lan- 
gage : J'ai été pendant cinq ans la danse de Saint-Guy... Je suis comme une espèce 
‘de paralysie... Pendant vingt ans lacon la névralgie. —- D. Où habitez-vous ? — 
R. Je suis du faubourg Saint-Martin, ce bon mel... maire m'aimait beaucoup. 
J'ai été élevée pur toute petite. Au lieu de « Bourbons et de profession, Me V... 
dit Bourrons et confession. 

Il n’existe pas de cécité psychique. La malade reconnait bien les visages de 
ceux qui l'entourent; elle nomme les divers objets qu’on lui présente ou dont 
on lui montre la reproduction par la gravure ; nous lui mettons sous les yeux 
le dessin d’une carafe : c’est une bouteille, dit-elle, une carache, crache. carafe. 
En revanche, la cécité verbale est des plus accentuées. L'alexie n’est cependant 
point complète, car la malade peut reconnaître un certain nombre de lettres; 
mais la lecture d’un mot est des plus difficiles et ne se produit qu'à la suite 
de longs et pénibles tâtonnements, et à condition qu’on aide la malade. Nous 
lui mettons sous les yeux le titre d’un journal : Le Progrès médical, et lui disons 
d'épeler. Me V..., en s'appliquant, peut nommer, non sans hésitation, les 
Jettres P... 0... G... d.; elle ne reconnait point l’r qu’elle appelle / ; quand on 
‘attire son attention sur son erreur elle la rectifie... éest pris pour un 0... test 
nommé « le petit point ». Invitée à lire les trois mots et après que nous avons 
corrigé ses erreurs, Mme V.…., ne peut que prononcer « Pro... progrès... je 
-crois » et cela à grand'peine et non sans se reprendre à maintes reprises. Le 
mot Espagne en caractères d'imprimerie est épelé et lu. L'écriture cursive 
est presque indéchiffrable pour la malade : de la phrase suivante; Madame 
Vermot n'aime pas ses enfants, elle ne peut lire que le premier mot, le deuxième 


UN CAS DE CÉCITÉ VERBALE 15 


est prononcé « Bureau », les mots suivants ne sont pas lus en dépit de ses 
efforts, et le sens de la phrase n’est évidemment pas saisi. Il n'existe pas 
d’hémianopsie. L’agraphie est encore très nette : invitée à écrire son nom, son 
adresse, Me V... prend la plume, la tient correctement, mais ne réussit 
point à tracer des caractères lisibles : « Je ne peux plus, je ne sais plus dire, je 
n'ai plus ma tête. » Invitée de nouveau à écrire son nom et son adresse, la 
malade écrit en caractères souvent difficiles à reconnaitre ; Madame Aaddm 
Ao...msono umc. Tout en écrivant elle épèle fort correctement chaque syllabe 
du mot.qu'elle, veut. écrire,;,«,B...su… Bu; Qu... 0, 4...1m.... ete. 
Quincampoix. » 


JA CN 
Ua 
NA PAU ei LAjat ce, 


J 
G Up Lo um M4 ÿpsne 


Écriture spontanée, 


Écrilure spontance et sous dictée, 


A sans Mas She ‘8 ou no nues 
Dé WA JUS WC ef ue 


Écriture spontanée : Madame Bureau, rue Quincampoix. 


Les lettres sont parfois méconnaissables : on trouve un accent sur un 4, une 
barre horizontale sur un m, des jambages supplémentaires, des caractères 
sans signification. L'écriture sous dictée est tout aussi défectueuse que l'écriture 
spontanée, il en est de même de la copie de l'écriture cursive. 

Le 23 novembre survient une attaque apoplectiforme. État comateux. Réso- 
lution du côté gauche, contracture du côté droit. Déviation de la tête et des 
yeux à gauche. Mort. 


16 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


ur où. AM ge 922 


Écriture d’après copie. Modèle en écriture cursive : Un pain. 


Aulopsie. — Calotte cranienne hyperostosée; dure-mère adhérente à la 
table interne, surtout à la partie antérieure. Pas de lésions de pachyméningite ; 
arachnoïde et fpie-mère normales et non adhérentes. Les artères de l’encé- 
phale (artères vertébrales, basilaire, sylvienne, etc.) sont très athéromateuses. 
A la section du corps calleux on tombe sur un énorme caillot gelée de gro- 
seille, remplissant les ventricules latéraux et médian et se prolongeant dans 
le quatrième ventricule. 


Face externe. Hémisphère gauche. 


Hémisphère gauche. — Il n'existe pas d’autres lésions qu’un foyer de ramol- 
lissement situé en arrière de la pariétale ascendante; les deuxième et: 
troisième frontales, le lobule de l'insula, les frontale et pariétale ascendantes 
paraissent absolument intactes : les méninges qui les recouvrent ne sont ni 
épaissies, ni adhérentes. Des coupes faites dans l'épaisseur de la couche’cor- 
ticale et de la substance blanche sous-jacente ne révèlent aucune lésion cor- 
ticale ou sous-corticale des zones motrices. L'examen microscopique montre 
qu'il n'existe pas de corps granuleux au niveau du pied de la deuxième fron- 
tale. Le foyer de ramollissement, plus étendu qu’une pièce de 5 francs, 
occupe tout le Zobule pariétal inférieur y compris le pli courbe (circonvolutions 
coiffant la partie postérieure de la scissure de Sylvius et de la scissure paral- 
lèle). Les méninges sont adhérentes ; les circonvolutions sont jaunâtres, 
ramollies et atrophiées à la périphérie du foyer; réduites, au centre, à une 
coque mince qui se rompt facilement et laisse écouler un liquide jaunâtre. 
Les circonvolutions avoisinantes du lobule pariétal supérieur, la partie posté- 


UN CAS DE CÉCITÉ VERBALE 17 


rieure de la première et de la deuxième temporale sont jaunâtres et atro- 
phiées. Le lobe occipital, le cunéus sont intacts. 


Hémisphère droit. — Pas de lésions corticales. Sur une coupe de Flechsig on 
constate que l’hémorragie qui a déterminé la mort s’est faite au niveau de 
la moitié antérieure du segment postérieur de la capsule interne qu'elle a 
détruite ainsi que la partie avoisinante de la couche optique. 


Cervelet, bulbe et protubérance : sains. 


Cette observation nous paraît des plus démonstratives. D'une part, au 
point de vue clinique, nous étions en présence d’une femme dont l'intelli- 
gence était suffisamment conservée, qui jouissait de l'intégrité des mou- 
vements du membre supérieur droit, qui voyait et reconnaissait tout ce 
qui l’entourait, mais chez laquelle la lecture était devenue impossible par 
suite de la disparition de la mémoire des signes figurés de l'écriture. En 
outre de cette cécité verbale, impossibilité d'écrire (agraphie). 

D'autre part, au point de vue anatomo-pathologique, nous ne trouvons 
point d’altérations intéressant les circonvolutions motrices et en particu- 
lier la deuxième frontale; mais nous constatons une lésion réunissant tous 
les desiderata nécessaires pour l’étude des localisations cérébrales : foyer 
de ramollissement unique, destructif, ancien, limité au lobule pariétal infé- 
rieur de l'hémisphère gauche. 

Pour la localisation de la cécité verbale, ce cas est des plus probants : 
le siège de la mémoire visuelle des mots dans le lobule pariétal inférieur 
est une fois de plus démontré, puisque la seule lésion cérébrale à laquelle 
on put rattacher l’alexie, avait détruit ce territoire cortical. 

La paraphasie légère de notre malade doit être attribuée, en l’absence 
_de surdité verbale, à des lésions de conductibilité (altération de l’extré- 
mité postérieure des temporales.) 

Mais notre fait est surtout instructif au point de vue de la physiologie 
pathologique des troubles de l’écriture. La conception de l’agraphie, telle 
qu’elle résulte des travaux d'Exner, de Charcot, de Pitres, de Ballet, est 
trop connue pour que nous ayons à y insister. On sait que, pour ces 
auteurs, il existe un centre moteur, autonome, où s’emmagasinent les 
images motrices graphiques dont l’ensemble constitue la mémoire « des 
synergies musculaires très complexes qui président aux mouvements de 
la main et de l’avant-bras dans l’acte d'écrire » (Pitres). Ce centre serait 
situé au niveau du pied de la deuxième frontale. 

À côté de cette forme d’agraphie, dans laquelle l'élément moteur gra- 
phique joue un rôle prédominant, doivent prendre place l’agraphie con- 
sécutive à l’aphasie motrice (Trousseau), que nous ne faisons que men- 
tionner, et l’agraphie par lésion sensorielle. Le mécanisme de la perte de 
l'écriture est ici différent : la faculté d'écrire est lésée, parfois anéanlie, 


18 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


bien qu'on ne puisse faire intervenir aucune altération des régions 
motrices. Ces faits doivent être interprétés de la façon suivante : l'écriture, 
étant avant tout une copie de l’image optique des lettres et des mots, 
disparaît avec la perte des images visuelles verbales et littérales (cécité 
verbale corticale; Wernicke, Dejerine). L'élément sensoriel est ici au pre- 
mier plan, et l'agraphie, au lieu de pouvoir être définie, comme précédem- 
ment, une amnésie motrice graphique, n’est pas autre chose qu’une 
amnésie visuelle graphique. 

C'est dans cette forme d’agraphie par lésion sensorielle que rentre 
notre cas; il vient s’ajouter à ceux publiés par M. Dejerine et à celui 
que nous avons antérieurement communiqué (1). Get ensemble de faits 
cliniques et anatomo-pathologiques dans lesquels l'agraphie n’est qu’un 
retentissement de la cécité verbale permet d’hésiter à admettre, comme on 
le disait il y a quelques années, qu'il n'existe pas de cas de cécité verbale 
pure suivie d’agraphie (Bernard). Nous croirions plus volontiers à la 
possibilité de la perte de l'écriture indépendamment de toute lésion des 
frontales et consécutivement à la disparition des images optiques ver- 
bales. 

Ajoutons qu’on a établi entre l’agraphie motrice par perte de la 
mémoire motrice (lésion du pied de la deuxième frontale), et l’agraphie 
par cécité verbale, une distinction basée sur ce que, dans cette dernière 
forme, le malade ne pourrait écrire d’après un modèle bien qu'il puisse 
encore écrire de tête ou sous la dictée; cette distinction nous paraît s’ac- 
corder difficilement avec les observations analogues à celle que nous 
rapportons. 


(1) Soc. de Biologie, 28 nov. 1891. 


ER a à 


RECHERCHES EXPÉRIMENTALES 


SUR LES VARIATIONS CORRÉLATIVES 


LE 


DANS L'INTENITÉ DE LA THERMOUENENE 


ÉCHANGES RESPIRATOIRES 


PAR 


M. LAULANIÉ 


I. — INFLUENCE DE L'ÉTAT DES TÉGUMENTS. — ToNTE. 


Je m’abstiendrai, dans cette note, de tout préliminaire historique. On 
connaît assez les objections que soulève la doctrine de Lavoisier impli- 
quant une relation constante entre la thermogenèse el la respiration, 
pour qu’il soit provisoirement inutile de faire une introduction critique 
sur ce côté de l’œuvre du grand créateur et sur les efforts de ceux qui 
l'ont suivi. 

Les raisons a priori qui permettent de contester la justesse de cette 
doctrine sont très grandes et elles m'ont paru de nature à motiver des 
recherches expérimentales. 

Je les ai entreprises avec l'espérance de surprendre le sens et la mesure 
des variations qui se produisent dans la calorification et les échanges chi- 
miques sous l'empire des diverses conditions qui peuvent agir sur les êtres 
vivants. 

Un motsur la méthode et sur le langage. 

L'appareil que j’ai installé dans mon laboratoire pour cet ordre de 
recherches, permet la détermination simultanée de l'oxygène consommé, 
de l'acide carbonique et de la chaleur produits par un animal. Il constitue 
done à la fois un calorimètre et un appareil servant à mesurer les échanges 
respiratoires. J’ai déjà décrit ce dernier dans les Archives de physiolo- 
gie (1), et je ne m'y arrêterai pas autrement, si ce n'est pour rappeler 


(4) Sur un oxygénographe à écoulement donnant la mesure et l'expression 
graphique de la consommation de l’oxygène dans la respiration des animaux. 
(Arch. de Phys. norm. et path., Paris 1890.) 


BioLocte. MÉMOIRES. — 9e Série, m LV. 3 


20 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE ‘ 


qu'il dérive du type de celui de Regnault et Reiset, et qu'il permet la 
mesure et l'inscription automatiques de l'oxygène consommé. J’ai adopté 
la méthode de calorimétrie par rayonnement, où la chaleur se mesure à 
l’échauffement que l'animal communique à l'enceinte. Ce n’est pas le lieu 
de refaire ici le procès de la méthode. La critique magistrale de d’Arsonval 
lui laisse assez de mérite pour en justifier l'emploi. Dans le dispositif 
que j'utilise, l’échauffement de l'enceinte est indiqué par un manomètre 
inscripteur relié à la cavité pariélale qui enveloppe la chambre à respi- 
ration. 

La simultanéité des observations et des mesures assure l’uniformité 
des conditions qui pèsent sur les variables à mesurer, et il n’y a pas lieu 
d'insister sur l'importance de ce point. 

Les observations ont toutes une durée de deux heures, et ont lieu pour 
le même animal au même moment de la journée. 

Les quantités qui mesurent les variables : oxygène consommé, acide 
carbonique produit, chaleur rayonnée sont rapportées à l’heure et au 
kilogramme d'animal. On obtient ainsi trois coefficients. Le coefficient res- 
piratoire en oxygène, le coefficient respiratoire en acide carbonique et le 
coefficient thermique. Ces trois valeurs dépendent de la condition parti- 
culière que l’on fait intervenir ou qui intervient naturellement dans 
l'expérience. Elles sont par là même caractéristiques de cette condition, 
et j'ai trouvé commode de les embrasser dans l'expression commune de 
caractéristiques biologiques. 

Le rapport du coefficient thermique avec chacun des coefficients respi- 
ratoires exprime la quantité de chaleur répondant à l'unité de poids 
de l'oxygène et de l’acide carbonique. C’est ce rapport que Hirn dési- 
gnait sous le nom de coefficient calorifique et il ne s'était préoccupé que 
de celui de l'oxygène. Pour éviter toute confusion, étant donnée l’aecep- 
tion déjà très particulière du mot coefficient, je désigne ce rapport sousle 
nom de quotient thermique. La relation du coefficient thermique d'un 
animal avec chacun de ses deux coefficients respiratoires donne donc lieu 
à deux quotients thermiques : le quotient thermique de l’oxygène, et le 
quotient thermique du carbone. J'ai pensé, en effet, qu'il était plus 
rationnel de rapporter le coefficient thermique au poids du carbone con- 
tenu dans le coefficient respiratoire en CO?. 

La terminologie devient ainsi très simple, très précise et tout à fait 
symétrique. D'un côté, on a, pour un animal et pour une condition déter- 
minée, les trois coefficients caractéristiques, et, de l’autre, les trois quo- 
tients : le quotient respiratoire et les deux quotients thermiques. 

On remarquera que ces deux derniers mesurent immédiatement les 
rendements thermiques de l'oxygène et du carbone, et il m'arrivera d’em- 
ployer indifféremment l’une ou l’autre de ces deux expressions : rende- 
ments et quotients thermiques. 

Le problème expérimental à résoudre est précisément de déterminer les 


INTENSITÉ DE LA THERMOGENÈSE SUR LES ÉCHANGES RESPIRATOIRES 21 


lois qui dominent les variations des quotients thermiques. J'ai étudié jus- 
qu'ici celles qui dépendent de la tonte, de l’inanition et de la contraction 
musculaire, et j'expose, dans cette note, les résultats qui touchent à la 
première de ces condilions. 


Variations des rendements thermiques de l'oxygène et du carbone 
en fonction de la tonte. 


J'ai expérimenté sur sept lapins, et le résultat constant de la tonte pra- 
tiquée sur ces animaux a été d’infliger un abaissement très notable aux 
rendements thermiques. L’accroissement de la thermogenèse qui accom- 
pagne cette opération est, en effet, beaucoup moins considérable que 
l'accroissement qui se produit dans l'intensité des échanges respiratoires. 

L'expérience suivante est une des plus complètes et des plus démons- 
tratives. Elle porte sur un lapin très vigoureux du poids de 2 kil. 750. 
L'animal est mis au laboratoire où il demeure quelques jours dans des 
conditions déterminées de régime et de température avant d’être rasé. 
Pendant ce temps, il est soumis à des observations réitérées dans les- 
quelles on détermine ses caractéristiques biologiques. On obtient ainsi les 
coefficients moyens. 

Ces résultats et ceux qui ont suivi la tonte figurent dans le tableau ci- 
contre. 


La série entière comprend trois périodes. La première embrasse quatre 
observations faites avant la tonte pour déterminer les caractéristiques 
moyennes, Ces moyennes figurent à la ligne À du tableau. 

Les deux autres périodes comprennentchacune quatre observations faites 
sur l’animal rasé et dont les résultats moyens figurent aux lignes B et E. 

Elles sont séparées par une petite période où on a essayé de restituer 
les conditions normales en recouvrant l'animal d’une couverture légère 
(voir ligne C) et d’une enveloppe d’ouate (ligne D). 

En examinant attentivement ces chiffres, on constate facilement la dis- 
proportion que je signalais tout à l’heure dans l’accroissement corrélatif 
des échanges respiratoires et de la calorification. 

Si on ne retient que les moyennes et qu’on les dispose en regard les 
unes des autres comme dans le tableau ci-dessous, la loi de cette dispro- 
portion se dessine mieux et s'aperçoit plus aisément encore, par la 
simple lecture des séries transversales. 


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INTENSITÉ DE LA THERMOGENÈSE SUR LES ÉCHANGES RESPIRATOIRES 923 


Accroissements corrélatifs des coefficients respiratoires et du 
coefficient thermique sous l'influence de la tonte. 


APRÈS LA TONTE 
RQ 


Caractéristiques _ à l'état Are 2e 
biologiques normal période période 
litres litres litres 
Coeff. resp. en O. . 0,613 ITS 1,052 
Coeff. resp. en CO?. 0,587 1,032 0,985 
Coeff. thermique. . 4,006 (microc.) 6,079 5,587 


En prenant pour unité les premiers termes de chaque série, on voit que 
dans la première période : 


La consommation de l’oxygène s’accroit de. à l 
La production de l’acide carbonique s'accroît de . . . . . 1 
La production de la chaleur s'accroît de . 1 


Dans la deuxième période, l’accoutumance a amené une faible diminu- 
tion dans les coefficients, mais la disproportion entre les échanges respi- 
-ratoires et la calorification demeure toujours très grande. En effet, les 
accroissements, pour cette deuxième période, ont lieu dans la mesure 
suivante : 


Poudlaconsommation de Noxyeenerdes Pr nn at 
PonaproducHon- de BOT MR SR RSR ne CH 
Pourlproduelion deta/chaleurde Ra en 00 


Il en résulte un abaissement notable dans les rendements thermiques, 


qui ont eu les valeurs suivantes : 
APRÈS LA TONTE 


CR. 
Rendements à l’état 1re 2e 
thermiques normal période période 
AUAROSY CONE MM NN ARR 4,552 3,040 3,120 
Er CAaTD'One A0 EAP LE 12,922 10,970 10,621 


Le rendement thermique de l'oxygène est tombé, dans la première 
période, aux 0,794 et, dans la deuxième, aux 0,817 de sa valeur normale. 
Les chutes correspondantes du carbone l'ont fait descen dre aux 0,850 et 
aux 0,821 de sa valeur primitive. 

Si on se reporte aux chiffres du tableau qui mesurent les effets de l’ap- 
plication de la couverture ou de l’enveloppement ouaté, on voit que cette 
dernière condition seule a amélioré les rendements qui ont même légère- 


24 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


ment dépassé leur valeur normale, mais l’écart reste dans les limites des 
erreurs de détermination. 

Il est encore un fait qui se détache des résultats exposés dans ce tableau 
et que le moment est venu de signaler : c’est l’abaissement que la tonte 
fait immédiatement subir au quotient respiratoire. Nous aurons bientôt 
à l’interpréter. Il suffit, pour le moment, de remarquer qu'il va s’amélio- 
rant au fur et à mesure qu'on s'éloigne du jour de ls tonte et que l’appli- 
cation de la couverture et de l’enveloppement ouaté ont pour effet de le 
ramener à sa valeur normale. 

La loi des variations qui viennent d’être exposées se retrouve avec une 
clarté particulière dans les graphiques qui les expriment et qui figurent : 
le premier, la marche des coefficients, et le second, la marche des quo- 
tients. On y retrouve la divergence dans l'accroissement des coefficients, 
le retour à la proportionnalité de ces trois termes sous l'influence d’une 
condition faite pour annuler les effets de la tonte, l’abaissement immédiat 
et le relèvement progressif du quotient respiratoire. 

Les conclusions se dégagent ainsi plus aisément, et en les formulant 
nous retrouverons l’occasion de relever quelques détails qui n’ont pu 
trouver place jusqu'ici et d'essayer de timides interprétations. 

1° Sous l’influence de la Lonte, l’intensité des échanges respiratoires et 
celle de la thermogenèse s’accroissent simultanément, mais non pas pro- 
portionnellement ; 

9% L’'accroissement dans l'intensité des échanges respiratoires l'emporte 
sur l’accroissement dans l'intensité de la thermogenèse; 

8° Le quotient respiratoire subit un abaissement immédiat pour se 
relever lentement au voisinage de sa valeur première ; 

4° Il en résulte que les rendements thermiques de l’oxygène et du car- 
bone sont affectés d’une diminution très sensible (de 1/5° environ). Cette 
diminution est plus grave pour le rendement thermique de l'oxygène que 
pour celui du carbone par la raison que la consommation de l'oxygène 
l'emporte sur la production de l’acide carbonique. 

La production de la chaleur chez les animaux tondus ne se fait donc 
pas économiquement. Elle réclame, toute proportion gardée, plus de frais 
d'oxygène et de carbone qu à l’état normal. Et il faut en inférer : ou bien 
que la calorification s’alimente à des réactions nouvelles moins thermo- 
gènes que les réactions accoutumées, ou bien que celles-ci se compliquent 
de réactions endothermiques. 

L’abaissement du quotient respiratoire témoignerait encore d’un chan- 
gement dans les réactions, mais ce phénomène semble très superficiel. 
On a déjà vu, en effet, que le quotient respiratoire tend à se relever insen- 
siblement au fur et à mesure qu'on s'éloigne du commencement de l’expé- 
rience et alors que les effets refroidissants de la tonte se font toujours 
sentir très fortement et se traduisent par l’exagération de tous les coefi- 
cients. On a vu aussi qu'il a suffi de revêtir l'animal d’une couverture 


2 
1 


TRS 


INTENSITÉ DE LA THERMOGENÈSE ET DES ÉCHANGES RESPIRATOIRES 25 


J? ae A 


ue Lu : Mes 
FiG. 1. — Courbes des variations des coefficients respiratoires et thermiques pro- 
duites chez le lapin sous l'influence de la tonte. 


À. B. Ordonnée commune aux trois coefficients dont la valeur normale est prise 
pour unité. 


C. R. O. Valeurs prises par le coefficient respiratoire en oxygène. 
C. R. CO?. Valeurs prises par le coefficient respiratoire en Co. 
C. Th. Valeurs prises par le coefficient thermique. 


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79% 


F16. 2. — Graphique montrant l'influence de la tonte sur le quotient respiratoire 
et les quotients thermiques. 


On n’a pas figuré l’ordonnée comme aux trois quolients dont la valeur normale 
est prise pour unité. Cette ordonnée est faite égale à 0m,10 (10 centimètres). 

Q. R. Quotient respiratoire. 

Q. Th. 0. Quotient thermique de l'oxygène. 


26 ‘ MÉMOIRES. DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 
D a na D RC EN PE A A EE tee RE CSSS RS 


légère, insuffisante, d’ailleurs, pour le protéger contre le froid, pour 
ramener passagèrement le quotient respiratoire à sa valeur première. 

Pour toutes ces raisons, j'incline à penser que l’abaissement du quotient 
respiratoire se rattache à l’hyperesthésie de la peau soudainement éveillée, 
et que l'excédent de l'oxygène sur l'acide carbonique est employé à des 
réactions liées au fonctionnement du système nerveux central. 


RECHERCHES EXPÉRIMENTALES 


SUR 


LA TOXICITÉ DE L'URINE 


DANS LES 


DERNIERS MOIS DE LA GROSSESSE 


TRAVAIL DU LABORATOIRE DE LA CLINIQUE BÉUDELQRUNS 


(Service de M. le professeur Prnarn) 


PAR 
MM. CHAMBRELENT et DEMONT 


(Mémoire lu dans la séance du 13 février 1892.) 


Au mois de juillet 1890, M. le professeur Tarnier présentait à l’Aca- 
démie de médecine, au nom de l’un de nous et de M. le D" Laulanié, 
directeur de l'École de médecine vétérinaire de Toulouse, un travail sur 
la toxicité de l'urine des femmes enceintes. 

11 résultait d’une série d'expériences entreprises à l'École de médecine 
vétérinaire de Toulouse, que l'urine des femmes enceintes que nous avions 
expérimentée, s était toujours montrée manifestement moins toxique que 
l'urine de l’état purement phys'ologique. 

C'était là un point de physiologie obstétricale qu’il nous avait paru 
intéressant d’élucider, comme pouvant aider à éclairer la pathogénie de 
quelques affections puerpérales, particulièrement de l’éclampsie. 

Quelques objections ont été faites à nos expériences, c’est ainsi qu’on 
nous à opposé que nous n'avions pas tenu compte de la quantité plus 
considérable d'urine, secrétée dans les vingt-quatre heures par la femme 
enceinte, et, de plus, que l'urine des femmes enceintes que nous avions 
expérimentée provenait de femmes hospitalisées dans une clinique d’ac- 
couchements, où les conditions spéciales de régime auxquelles elles étaient 
soumises avaient pu influencer la toxicité urinaire. 

L'importance que nous attachons à l'étude de cette question nous a 
engagé à compléter nos expériences sur ce sujet et à répondre aux objec- 
tions qui avaient pu y être faites. 

Les expériences que nous publions aujourd’hui ont été faites au labo- 
ratoire de la clinique d'accouchements Baudelocque, que M. le professeur 
Pinard et son chef de laboratoire, M. le D' Lepage, avaient bien voulu 
ouvrir gracieusement à nos travaux. 

Le manuel opératoire que nous avons suivi est des plus simples. Il côn- 


Biococre. Mémoires. — 9° SÉRir, T. LV. 4 


928 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


sistait, après avoir recueilli très exactement les urines des vingt-quatre 
heures d’une femme arrivée dans les deux ou trois derniers mois de la 
grossesse et ne présentant aucune affection intercurrente, ni la moindre 
trace d’albumine dans les urines, d’injecter une certaine quantité de 
cette urine préalablement filtrée, dans la veine auriculaire d’un lapin. 

L’injection était faite à l’aide d’une seringue d’une capacité de 75 cen- 
timètres cubes, et était poussée lentement jusqu’à ce que les convulsions 
et la mort de l'animal survinssent. 

La durée totale de chaque expérience était ainsi de dix à quinze 
minutes. 

Divisant alors la quantité d'urine injectée par le poids de l’animal, 
nous avions la quantité d'urine nécessaire pour tuer un kilogramme 
d'animal. 

Au lieu de nous en tenir à ce premier résultat, comme dans nos expé- 
riences précédentes, nous avons, de plus, déterminé le coefficient wro- 
toxique, c’est-à-dire, selon la définition de M. le professeur Bouchard, la 
quantité de matière toxique secrétée par l'unité de poids dans l’unité de 
temps, pour chacune des femmes enceintes, dont nous avons expérimenté 
l'urine. 

Nous répondions ainsi à la première objection qui nous avait été faite 
relativement à l’augmentation de la sécrétion urinaire chez les femmes 
enceintes. 

Enfin, pour répondre à la seconde objection, nous avons calculé de la 
même façon le coefficient de toxicité urinaire des femmes non-enceintes et 
placées, autant que possible, dans les mêmes conditions que les femmes 
enceintes soumises à notre observation. 


PREMIÈRE SÉRIE D'EXPÉRIENCES. 


Infirmières non enceintes. 


Expér. I. — Infirmière de la salle des femmes enceintes. 


Femme de vingt-huit ans. Bien portante. Soumise au même régime que les 
femmes enceintes de la salle. 

Quantité d'urine rendue dans les vingt-quatre heures, 1,000 centimètres 
cubes, 

Poids de cette femme, 68 kilogrammes. 


Un lapin, du poids de 1,850 grammes, recoit dans la veine auriculaire 
55-centimètres cubes d'urine. 

A ce moment, l'animal est pris de convulsions et succombe : d’où 38 cen- 
timètres cubes par kilogramme d'animal. 

La quantité d'urine fournie par cette femme dans les vingt-quatre heures a 
été de 1,000 centimètres cubes. 


TOXICITÉ DE L’URINE DANS LES DERNIERS MOIS DE LA GROSSESSE 29 


On a donc, pour elle : 
1000 
De 38 X 68 
On voit dont que le coefficient urotoxique pour cette femme, quoiqu'un peu 
au-dessous de la moyenne fixée par Bouchard, 0.46, s’en rapproche sensible- 
ment. 


107007 


ExPér. II. — Infirinière de la clinique Baudelocque. 


Cette femme a rendu, pendant les vingt-quatre heures, 1,800 centimètres 
cubes d'urine. 
Son poids est de 54 kilogrammes. 


Un lapin, du poids de 2,050 grammes, recoit dans la veine auriculaire 
135 centimètres cubes d'urine et succombe. 


; 135 à : ne SAGE a 
C'est donc an — 65.8 centimètres cubes d'urine qu'il a fallu pour tuer 
1 kilogramme, d’où le coefficient d’urotoxie : 
1800 
= 57, — 0.60. 
Ê 65,8 X 04 ° 
DEUXIÈME SÉRIE D'EXPÉRIENCES. 
Femmes enceintes. 
Expér. III. — Femme enceinte de la clinique Baudelocque. Salle Dugès, 
Lit n° 19. 


Poids, 72 kilogrammes. 

Grossesse normale à lerme. 

Pas d’affections intercurrentes. Pas d’albumine dans l'urine. 

Quantité d'urine émise en vingt-quatre heures : 1,840 centimètres cubes. 


Un lapin, du poids de 1,850 grammes, reçoit dans la veine auriculaire 
210 centimètres cubes de cette urine. À cette dose, convulsions suivies bientôt 
de la mort de l'animal. 

L'animal a un peu uriné pendant l'expérience, mais la quantité d'urine 
émise n’a pas dépassé 10 grammes, car pesé après la mort, on trouve une 
augmentation de 200 grammes sur son poids primitif. 

Il a donc fallu : 

210 
1850 
de cette urine, pour tuer 1 kilogramme de lapin. 


— 114 centimètres cubes 


Donc, le coefficient d'urotoxie de cette urine : 


30 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Expér. IV. — Femme enceinte de la clinique Baudelocque. Salle Dugès. Lit no 9. 


Poids, 52 kilogrammes. 
Grossesse normale, à terme. Pas d’albumine dans l'urine. 
Quantité d'urine émise dans les vingt-quatre heures, 600 centimètres cubes. 


Un lapin, du poids de 1,800 grammes, recoit dans la veine auriculaire 
60 centimètres cubes de cette urine. À cette dose, convulsions suivies de mort 
de l’animal, 

om donc fallu 33 centimètres cubes de cette urine pour tuer 1 kilogramme 
de lapin. 

Done, le coefficient d'urotoxie de cette urine était : 


600 


Des 


— (1099 


Expér. V. — Femme enceinte de la clinique Baudelocque. Salle Dugès. Lit n° 13. 


Poids, 70 kilogrammes. 
Grossesse de six mois. Enfant mort. Pas d'affection de la mère. Pas d’albu- 
mine dans l'urine. 


Quantité d'urine émise dans les vingt-quatre heures, 1,550 centimètres 
cubes. 


Un lapin, du poids de 1,390 grammes, recoit dans la veine auriculaire 
120 centimètres cubes de cette urine. À cette dose, convulsions suivies de 
mort. 

Donc, 85 centimètres cubes pour tuer 1 kilogramme de lapin. 

D'où : 


Expér. VI. — Femme enceinte de la clinique Baudelocque. Salle Dugès. Lit n° 7. 


Poids, 90 kilogrammes. 
Grossesse à terme. Pas d'affection intéressante. Pas d’albumine dans 
l'urine. 


Quantité d'urine émise dans les vingt-quatre heures, 2,480 centimètres 
cubes. 


Un lapin, du poids de 1,200 grammes, recoit dans la veine auriculaire 
150 centimètres cubes d'urine. 
Convulsions et mort de l'animal. 
Donc, 125 centimètres cubes ont été nécessaires pour tuer 1 kilogramme 
d'animal. 
D'où : 
2480 


(D ——— (1). 5%) 


150 X 90 


rt 


D CU Dee do + 
CEE = ë j lle 


TOXICITÉ DE L'URINE DANS LES DERNIERS MOIS DE LA GROSSESSE abl 


Expér. VIL — Femme enceinte de la clinique Baudelocque. Salle Dugès. 


Poids, 74 kilogrammes. 

Grossesse de sept mois. Enfant mort. Pas d'affection chez la mère. (Père 
saturnin.) Pas d’albumine dans l'urine. 

Quantité d'urine émise dans les vingt-quatre heures, 1,610 centimètres 
cubes. 


Un lapin, du poids de 2,400 grammes, reçoit dans la veine auriculaire 
210 centimètres cubes de cette urine. À ce moment, convulsions suivies de 


mort. 
Donc, 87.5 centimètres cubes par kilogramme d’animal. 
D'où : 
1610 ; 
ÙU= 81.5 X 14 — (0229; 


Exrér. VIIL. — Femme enceinte de la clinique Baudelocque. Salle Dugès. Lit n° 6 


Poids, 53 kilogrammes. 

Grossesse normale à terme. Pas d’ Se ctone intercurrentes. Pas d’albumine 
dans l'urine. 

Quantité d'urine émise dans les vingl-quatre heures, 870 centimètres cubes. 


Un lapin, du poids de 1,900 grammes, recoit dans la veine auriculaire 
140 centimètres cubes d'urine. 

Convulsions et mort de l’animal. 

Donc, 73.7 centimètres cubes pour tuer 1 kilogramme d’animal. 


D'où : 
870 
= > — 0.22. 
D 13.7 X 53 g 
TROISIÈME SÉRIE D'EXPÉRIENCES. 
Femmes hospitalisées non enceintes. 
Expér. IX. — Femme du service de M. Duplay (hôpital de la Charité) non 


enceinte, atteinte d’un petit adéno-fibrome du sein gauche. 


R... (Blanche), âgée de dix-sept ans, est entrée il y a quelques jours, à l’hô- 
pital de la Charité (service de M. Duplay), pour se faire opérer d’un petit adéno- 
fibrome du sein gauche. Cette jeune femme ne présente, d’ailleurs, aucune 
autre affection, elle attend dans le service le jour fixé pour être opérée. 

La quantité d'urine rendue par cette femme, du 25 décembre, 8 heures du 
matin, au 26 décembre à la même heure, a été de 1,300 centimètres cubes. 

Le poids de la malade est de 52 kilogrammes, 


932 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Un lapin, du poids de 2,250 grammes recoit dans la veine auriculaire 90 cen- 
timètres cubes de cette urine. À ce moment, l'animal est pris de convulsions 
cloniques et succombe au bout de quelques secondes. 


Il a donc fallu : 
3350 — centimètres cubes 
d'urine de cette femme pour tuer 1 kilogramme d'animal. 


_ La quantité d'urine émise dans les vingt-quatre heures élant de 1,300 gram- 
mes et le poids de la femme de 52 kilogrammes. On aura : 


1300 
— 40 X 52 — 0.62. 
Expér. X. — Femme du service de M. Després, à la Charité, traitée depuis 


quelques semaines dans le service pour varices enflammées de la jambe. Le 
traitement consiste simplement en repos au lit et applications de cataplasmes 


sur les jambes. 


Poids de la malade : 58 kilogrammes. 
Quantité d'urine des vingt-quatre heures : 1,000 centimètres cubes, 


Il faut injecter 80 centimètres cubes de cette urine pour amener la mort 
d’un lapin du poids de 1,760 grammes. 
Donc : 45 centimètres cubes par kilogramme d'animal. 


Donc : 
1000 


U == 15 X 58 == 0.39. 


Il résulte de ces expériences, que nous résumons dans les schémas sui- 
vants, que l’examen de l'urine de six femmes enceintes arrivées aux trois 
derniers mois de la grossesse nous a constamment donné une toxicité mani- 
festement au-dessous de la normale. La moyenne du coefficient d’urotoxie 
a été, dans ces six observations, de 0.25, au lieu de 0,46 chiffre de toxicité 
physiologique déterminé par M. Bouchard et que nous ont confirmé nos 
expériences sur les femmes non enceintes placées dans les mêmes condi- 
tions que les femmes enceintes qui ont servi à nos expériences. 


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934 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


NOTE SUR LE MODE DE PRODUCTION 


DES FORMATIONS CALCAIRES 
DU TEST DES MOLLUSQUES 


PAR 
M. MOYNIER DE VILLEPOIX 


PROFESSEUR A L'ÉCOLE DE MÉDECINE D'AMIENS. 


(Mémoire présenté à la Société de biologie dans la séance du 30 janvier 1892. 


Les nombreux observateurs qui ont étudié le test des Mollusques ont 
reconnu, depuis longtemps, que celui-ci est constitué par un mélange de 
conchyoline dont l’abondance varie suivant les différentes coquilles et 
même suivant les diverses parties d’une même coquille, et de carbonate 
de chaux, dont les formes cristallines sont également variables. 

Quelques-uns, Nath. von Kœænigsborn (1), entre autres, et après lui 
O. F. Müller (2) ont attribué à ce mélange de substance organique et 
minérale la propriété de s’accroître et tenté d'expliquer ce phénomène en 
accordant à la coquille une vitalité propre, bien qu'ils n’aient pu constater 
l'existence, en aucune partie du test, d'aucun tissu ni même d'aucun élé- 
ment cellulaire. Il est vrai que pour N. von Kœnigsborn, « l’organisation et 
la vie peuvent exister et existent en dehors du domaine de la cellule dans 
une très large mesure. Quant au processus, l’intussusception lui semble 
toute indiquée comme mode de nutrition de l’ensemble ainsi que de la 
trame de conchyoline qu’il considère, bien que dépourvue de toute orga- 
nisation cellulaire, comme un tissu de substance conjonctive (Pinde- 
substanzgewebe). 

Dans son mémoire sur l'anatomie des Brachiopodes inarticulés, M. Jou- 
bin, étudiant les canaux qui se ramifient dans la coquille de la Cranie 
et les prolongements du manteau qui y pénètrent, pense que la fonction 
de ces canaux est de nourrir le tissu vivant que contient la coquille, sans 
toutefois se prononcer sur la nature et le mode de cette nutrition. 

L'étude à laquelle je me suis livré de l’accroissement de la coquille des 
Mollusques, ainsi que les expériences que j'ai été amené à instituer sur la 
réfection du test chez l’Anodonte et l’Helix aspersa (3), m'ont convaincu 
qu’on ne doit voir dans les formations calcaires du test, que le résultat de 
phénomènes d'ordre purement physique ainsi que l'ont pressenti quelques 
auteurs. 


(1) Nath. von Kænigsborn. Untersuchungen über nicht celluläre organismen.…; 
Berlin, 1871. 


(2) O. F. Müller. Ueber die Schalenbildung bei Lamellibranhraten; Breslau, 
1885. 


(3) Comptes rendus Acad. des sciences, 21 juillet 1890 — 10 août 1891. 
BIOLOGIE. MÉMOIRES. — 9e SÉRIE, 7. IV. Li) 


36 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Je ne saurais entrer dans les détails de ces recherches : je tiens toute- 
fois à relater ici, aussi brièvement que possible, les principales observa- 
tions qui m'ont conduit à cette conviction. 

Si nous prenons pour type l’Anodonte, nous reconnaîtrons par l'examen 
du bord de la coquille, que les formations calcaires de la couche de 
prismes sont, à leur début, de petites cavités rondes ou ovoïdes, à con- 
tours nets ou sinueux, isolées ou groupées deux par deux, et réfractant 
fortement la lumière. Elles augmentent peu à peu de diamètre et se rem- 
plissent en même temps d’une substance finement granuleuse. Dans ces 
conditions, elles demeurent brillantes dans le rayon de lumière polarisée, 
après Je croisement des nicols. 

Leur étude attentive montre qu’on peut y suivre toutes Les phases d’une 
véritable séparation moléculaire entre deux éléments : l’un, organique, 
la conchyoline ; l’autre, minéral, le carbonate de chaux. Le résultat 
ultime de cette séparation est la formation de véritables sphéro-cristaux 
présentant une structure à la fois radiaire et concentrique et s’accroissant 
dans toutes les directions. Par suite de cet accroissement, les cristaux 
ainsi formés, qui mériteraient peut-être le nom de cristalloïdes que leur 
a donné Harting (1), ne tardent pas à se rencontrer et à former par leur 
juxtaposition et leur superposition les polyèdres caractéristiques de la 
couche de prismes. 

Placés dans une cavité close de toutes parts, en regard d’un épithéliam 
manifestement sécréteur, mais non en contact absolu avec lui, puisque le 
lobe du manteau limité par cet épithélium est libre dans la cavité, ces 
prismes ne sauraient être attribués à la sécrétion individuelle des cellules 
de l’épithélium dont la position peut varier à chaque instant. On ne peut 
nier, toutefois, que la coquille ne procède, par son bord, de cet épithé- 
lium, puisque j'ai obtenu, après ablation de la marge de la coquille, son 
entière réfection sous forme de couche calcaire normale, ou la simple 
membrane organique dépourvue de toute matière minérale, suivant que 
les individus en expérience étaient forcés de vivre dans l’eau de rivière, 
ou dans l’eau dépourvue de toute trace de sel calcaire. 

J'ai constaté, d'autre part, à différentes reprises, sur la paroi interne 
de l’épiderme de l’Anodonte, la présence de masses cristallines en forme 

‘de double houppe, constitués par un sel calcaire ne faisant pas effer- 
vescence aux acides, et par la conchyoline qui fournit au cristal une 
enveloppe colorée par les différentes teintures et conservant, après l’ac- 
tion des acides, la forme extérieure du cristal. Ces productions, qui sem- 
blent une réserve de matériaux non employés, indiquent que si les forma- 
tions calcaires du bord de la coquille sont le produit de l’activité des 
cellules épithéliales de la marge du manteau, elles ne peuvent se déposer 


(1) Harting. Recherches de morphologie synthétique sur la production artifi- 
cielle de quelques formations calcaires organiques ; Amsterdam, 1872. 


LOC 


- cnrs 
A ï 


FORMATIONS CALCAIRES DU TEST DES MOLLUSQUES 31. 


qu’au sein d’un liquide primitivement homogène et n'être, par conséquent, 
sécrétées qu'à cet état. 

Ces diverses considérations m'amenèrent tout naturellement à exa- 
miner le mucus contenu dans la cavité limitée par la marge de lacoquille, 
le manteau, l'insertion des muscles nalléaux, et l’épiderme. 

Ce liquide visqueux, clair ou très légèrement opalin, contient à la vérité 
quelques éléments figurés sur lesquels se porta d’abord mon attention. 
Ce sont des globules amiboïdes qu'il est facile de reconnaitre pour des 
globules sanguins, et des sphères hyalines plus volumineuses contenant 
des granulations de nature plasmique. Je crois devoir rapporter ces der- 
nières à des noyaux cellulaires mis en liberté, de même que les globules: 
sanguins, par suite de blessures du manteau occasionnées par la récolte du 
mucus. On pourrait peut-être admettre le passage du liquide sanguin 
dans cette cavité marginale. Je ne pense pas qu’il soit permis jusqu'ici de 
rien affirmer à cet égard : j'ai vainement cherché tant par la méthode des 
injections que par les imprégnations à l’aide de corps gras et d'acide; 
osmique (procédé indiqué par Nalepa) (1), à démontrer l'existence dé: 
communications intercellulaires entre le système vasculaire et l'extérieur. 
Comme le sang, le mucus contient en dissolution un sel calcaire. On peut 
facilement s’en convaincre en le soumettant à l’action de la potasse qui 
le trouble, et surtout à l’action de l’oxalate d’ammoniaque qui y déter- 
mine la formation d’octaèdres caractéristiques d'oxalate de chaux. Il n'y 
a donc aucun doute sur la présence du caicaire dans le mucus, mais à 
quel état s’y trouve-t-il? 

L’addition d'acide acétique n’y détermine aucune effervescence 
et lorsque je fis l'expérience sur la platine même du microscope, les 
quelques bulles gazeuses que je pus observer étaient si rares, que je crus 
devoir attribuer leur formation à l’action de l'acide sur quelques parcelles 
calcaires arrachées à la coquille en recueillant le mucus. 

Je ne dois pas omettre d'indiquer la présence, dans le mucus et sur la 
paroi interne de l’épiderme, de globules anhistes et réfringents que je 
considère comme faisant partie intégrante du muceus. J’ai rencontré ces 
productions chez presque toutes les espèces que j'ai examinées, el j'ai pu, 
une fois ou deux, les voir sortir des cellules épithéliales. 

Je me posai de cette double question : 1° Le calcaire existant dans le 
mucus ne pouvant provenir que de l’épithélium, est-il possible de déceler 
sa présence dans les cellules de ce dernier; 2 à quel état le calcaire 
existe-t-il dans le mucus ? 

J'avoue que, jusqu'à présent, tous mes efforts pour distinguer dans les cel: 
lules de l'épithélium la localisation du calcaire sont demeurés infructueux. 

J'ai vainement essayé les réactifs les plus sensibles qui, par un change- 


(1) Nalepa. Die intercellulärräume des Epithels und ihre physiol. Bedeutung 
bei Pulmonaten, 1883. 


E) 


38 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


ment de coloration, auraient pu m'indiquer la présence de la chaux, 
après sa précipitation par un alcali et la dissolution de celui-ci par 
l'alcool (phtaléine du phénol, par exemple). La teinture de cochenille ne 
m'a pas donné les résultats que j'en attendais. Enfin, de nombreux essais 
d'imprégnalion des tissus par un long séjour dans une solution d’oxalate 
d’ammoniaque neutre ou en présence d’un acide, ne m'ont pas permis, 
contre mon attente, de constater, par la formalion de microscopiques 
octaèdres, la présence du calcaire dans le noyau ou le plasma des cel- 
lules. 

Quoi qu'il en soit, la présence du calcaire dûment constaté dans le 
mucus, il s’agissait de rechercher à quel état il s'y trouve. 

Hessling (1) a proposé d'expliquer, par l’action de l’acide carbonique 
de l’eau, la décomposition du produit de la sécrétion de la surface du 
manteau, en conchyoline et en carbonate de chaux. Pour Schmidt (2), le 
calcaire serait contenu dans le sang des Mollusques à l’état d’albuminate 
neutre qui serait décomposé par les cellules épithéliales en albumine 
libre et en albuminate basique, lequel serait à son tour dédoublé par 
l'acide carbonique de l’eau en albumine et en carbonate de chaux. 

Ces deux explications supposent d’abord l'intervention du milieu 
ambiant. Or, chez l’animal placé dans les conditions normales d'existence, 
l’eau ne saurait pénétrer dans la cavité marginale fermée de toutes parts. 

Dans l’impossibilité où je me trouvais d'essayer l'élevage d'animaux 
sous une eau privée d’acide carbonique, puisque l’activité respiratoire de 
l'animal n’eût pas tardé à en produire quand même, j'ai cherché à tourner 
la difficulté. Je me suis adressé pour cela aux gastéropodes pulmonés 
terrestres chez lesquels il était permis de supposer, dans le même ordre 
d'idées, que l’acide carbonique de l’air produisait la calcification. 

Des individus d'Æelix aspersa Lin. dénudés d’une partie de leur test, 
furent placés dans une éprouvette à dessécher les gaz contenant dans sa 
partie inférieure, bouchée par un tampon d’ouate, quelques fragments 
de potasse destinés à absorber l'acide carbonique produit par la respira- 
tion. Par l'ouverture supérieure de l’éprouvette, je fis arriver, bulle à 
bulle, au moyen d’un aspirateur, de l’air dépouillé de toute trace d’acide 
carbonique par son passage au travers de tubes en U remplis de frag- 
ments de potasse humide. A l’entrée comme à la sortie de l’appareil, l'air 
traversait un tube à boules de Liebig contenant de l’eau de chaux qui 
est demeurée limpide pendant toute la durée de l’expérience. D’autres 
animaux, également dénudés d’une partie de leur test, furent placés 
comme témoins dans l’atmosphère du laboratoire. J'ai dit ailleurs (3) 
avec quelle rapidité les animaux dont la coquille a été mutilée ainsi 


(1) Hessling. Die Perlmuscheln und ile Perlen; Leipzig, 1859. 
(2) O0. Schmidt. Zur Entwickelungsgeschichte der Najaden; Vien, 1855. 
(3) Comptes rendus Ac. Sc. Loc. cit. 


FORMATIONS CALCAIRES DU TEST. DES MOLLUSQUES 39 


bouchent la blessure à l’aide d’un cal de nature organo-calcaire. Aucune 
différence entre les témoins et les animaux placés dans l’air dépourvu de 
son acide carbonique n’a pu être constatée à la fin de l'expérience qui a 
duré plusieurs jours. C’est tout au plus si, dans le début, la formation de 
la membrane de réfection a été un peu moins rapide pour les seconds. 
Mais il faut altribuer ce retard à l’action desséchante de la potasse qui 
devait évidemment gêner la sécrétion. Je crois pouvoir conclure de cette 
expérience que le milieu ambiant n'intervient pas dans la formation du 
carbonate de chaux. 

Ce corps doit donc, ou bien exister tout formé dans le mucus, ou bien 
y prendre naissance par la mutuelle réaction de ses éléments constitutifs 
sécrétés séparément. 

Harting a réussi à produire, en faisant réagir dans un milieu albumi- 
neux des carbonates alcalins sur un sel de calcium, des formes eristal- 
lines analogues à celles qui se produisent dans les parties jeunes des 
coquilles en voie d’accroissement. Ces corps, auxquels il a donné le nom 
de Calcosphérites prennent naissance toutes les fois que le carbonate cal- 
caire se trouve à l’état naissant en présence de l’albumine. Malgré les 
remarquables résultats de ces expériences synthétiques, il me répugnait, 
a priori, d'admettre que les formes en question pussent se produire, sans 
la nature, par la voie compliquée de la double décomposition. 

L'identité de forme et de structure des cellules épithéliales du bord du 
manteau laisse d’ailleurs difficilement supposer chez elles des fonctions dif- 
férentes, et attribuer aux unes la production d’un sel calcaire, aux 
autres la sécrétion d’un sel alcalin. Enfin, une troisième opinion, émise à 
propos de la formation des récifs de corail, attribue aux matières azotées 
excrétées et au carbonate d'ammoniaque produit par les animaux, la pré- 
cipitation du calcaire (1). 

Je me suis assuré à différentes reprises, en interrogeant, par le réactif 
de Nessler, le mucus palléal de l’Anodonte, qu'il ne contient aucune 
trace de composé ammoniacal. 

Restait l'hypothèse que Le carbonate existât tout formé dans le mucus 
en dissolution sous forme de bicarbonate de chaux. Quant au processus 
de cette formation, je me l’expliquais ainsi : Le sang chargé d'acide 
carbonique provenant des combustions organiques apporterait, à la 
faveur de ce dissolvant, le calcaire emprunté, soit au milieu ambiant 
(Mollusques aquatiques), soit à la nourriture (Mollusques terrestres), aux 
cellules de l’épithélium qui le déverseraient au dehors en mélange avec 
la matière organique élaborée par elles, sous forme de mucus. 

Un simple phénomène de dissociation amènerait ensuile la séparation 
du carbonate et sa cristallisation en mélange avec l’albumine sous l'état 
de Calcosphérites. 


(4) John Murray. Les récifs de corail et les autres formations calcaires des 
mers modernes ; Rev. Scientif., t. XLVI, 2° sem. 1890, n° 4. 


40 À MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Une seule objection, assez grave il est vrai, se présentait à l'encontre 
de cette hypothèse, qui me paraissait, en raison de sa grande simplicité, 
plus en harmonie avec les procédés habituels de la nature : Gest qu’il 
m'était impossible de déceler par l’action des acides, la présence d'un car- 
bonate dans le mucus. Je me décidai, toutefois, en dernier lieu, à suivre 
la méthode inaugurée par Harting, et à tenter de reproduire artificielle- 
ment les formations calcaires du bord de la coquille dans les conditions 
que je viens d’énoncer. 

A cet effet, je préparai un mucus artificiel de la manière suivante : 
Dans un flacon, je mis en contact de l’eau albumineuse obtenue par le 
battage d'un blanc d'œuf dans une petite quantité d’eau distillée, avec. 
de l’eau de Seltz et quelques pincées de carbonate de chaux précipité et 
lavé (craie préparée des pharmaciens). Après agitation et quelque 
temps de contact, le liquide fut filtré. Une partie du filtratum limpide 
fut abandonné à lui-même dans un flacon recouvert d’une feuille de 
papier à filtre. 

D'autre part, des gouttes du liquide filtré, placées sur des lamelles de 
verre, furent évaporées lentement à une douce chaleur, ou, sous une 
cloche en présence de chaux vive. 

Dans ces conditions, Le liquide se trouble, au bout de quelques minutes 
par la formation de très fines granulations animées du mouvement 
Brownien, puis il s'évapore lentement en laissant sur la lamelle une tache 
blanchâtre brillante. 

Celle-ci examinée au microscope présente sur ses bords, sous une pel- 
licule d’albumine coagulée et fendillée par la dessiccation, des formations 
d'aspect et de structure semblables à celles du bord de la coquille de 
l’Anodonte. Ce sont des cristallisations sphériques {souvent brisées en 
deux ou trois segments par la dessiccation rapide de la pellicule) isolées ou 
accolées deux à deux, et demeurant brillantes dans la lumière polarisée. 
Ces cristallisations présentent une structure à la fois radiaire et concen- 
trique. En suivant leur genèse et leur développement, on voit qu’elles 
débutent toujours par la formation, au milieu du mucus artificiel, de 
petites sphérules jaunâtres et réfringentes, d'une complète transparence. 
Entièrement dépourvues de toute granulation, au début, elles s'obscur- 
cissent et prennent peu à peu la structure que je viens d'indiquer, et 
augmentent de volume. Il est probable que si l’évaporation trop rapide 
de la petite quantité de liquide observé ne venait pas mettre fin à l’expé- 
rience, il serait possible de voir ces corps augmenter encore de volume 
et se réunir pour former des champs continus de polyèdres, comme cela 
se passe dans la coquille, et comme Harting a pu les réaliser par une 
autre voie. 

Le début de ces formations artificielles est identique aux formes glo- 
bulaires que j'ai rencontrées chez la presque totalité des animaux que 
J'ai observés, sur la face interne de l’épiderme. Je ne crois pas trop 


FORMATIONS CALCAIRES DU TEST DES MOLLUSQUES 41 


m'avancer en considérant ces formes comme l’origine des productions 
calcaires du test. 

En faisant varier les proportions de l’albumine et de la solution cal- 
caire, et, par suite, la concentration et la densité du mucus artificiel, on 
obtient des variations intéressantes dans l'aspect et la structure des for- 
mations cristallines. L 

Lorsque le calcaire est en quantité suffisante, comme dans l’expérience 
que je viens de citer, les cristallisations sont assez volumineuses, ont une 
tendance à se grouper deux à deux, leurs contours sont quelquefois irré- 
guliers et la structure radiaire y domine. 

Si au contraire, on augmente la proportion d’albumine, la tendance au 
groupement diminue, les sphères sont plus régulières et la structure 
concentrique devient prédominante, à tel point que, dans la lumière 
polarisée, les éléments cristallisés plus petits, plus nombreux et plus 
réguliers, présentent tous la croix noire caractéristique des corps composés 
de couches concentriques de densité ou d’hydratation différentes. L'action 
de l’acide acétique, en détruisant le calcaire, empêche la reproduction 
du phénomène. Ajoutons que, comme l’a également constaté Harting, 
la température favorise la formation de ces productions. 

Quant au liquide abandonné à lui-même, il se trouble près de la sur- 
face sur laquelle se forme lentement une mince pellicule d’albumine 
parsemée de cristaux extrêmement ténus de carbonate de chaux. 

Ces cristaux disparaissent, bien entendu, sous l’action de l'acide acéti- 
que étendu en laissant une très mince membrane d’albumine. 

Ici encore nous retrouvons une analogie frappante avec ce qui se passe 
normalement dans la formation de la coquille, car, avant, comme après 
la décalcification, la séructure de cette membrane est identique à celle des 
membranes de la couche de nacre des Lamellibranches et particulièrement de 
l’'Anodonte. 

Quant à l’action de l’acide acétique sur le mucus artificiel, elle est la 
même que sur le mucus naturel, c'est-à-dire presque nulle : sur une 
lamelle de verre, la réaction n’est pas visible à l'œil nu; tout au plus y 
voit-on, au microscope, apparaître quelques bulles gazeuses. 

Fait-on l'expérience plus en grand, dans un tube à essai, l’addition au 
mucus artificiel d’un volume d’acide acétique étendu égal au sien n’amène 
aucune réaction si l’on n’agite pas le tube, et, le dégagement gazeux que 
l’on obtient par l’agitation est insignifiant auprès de ce qu’il devrait être. 

La seule objection que je m'étais faite se trouve donc réduite à néant 
par cette expérience qui montre que la présence de l’albumine s'oppose 
au dégagement de l'acide carbonique ou, tout au moins, le retarde con- 
sidérablement. Peut-être les matières albuminoïdes jouent-elles vis-à-vis 
de ce gaz le même rôle que l’essence de térébenthine vis-à-vis de l'air, 
propriété mise à profit par les histologistes pour débarrasser des bulles 
d’air les préparations destinées à l’inclusion en paraffine. RE 


42 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 

La seule différence que l’on puisse établir entre ces formations et les 
formations naturelles, consiste dans le développement plus considérable 
que prennent ces dernières. Mais il ne faut pas oublier que la sécrétion 
continue par l'épithélium vient constamment enrichir le mucus et en 
maintient la composition constante. 

On à pu voir par ce qui précède que la proportion des matières col- 
loïdes et minérales et, par, suite la concentration et la viscosité du liquide 
ont, ainsi que l'avait d’ailleurs indiqué Harting, une action déterminante 
sur les arrangements moléculaires. Cette observation permet d'expliquer 
les nombreuses variations que présente la structure cristalline des diffé- 
rentes coquilles, et l’origine de ces variations peut être simplement rap- 
portée à des états différents de viscosité et de composition du mucus qui 
les produit. 

Si incomplètes que soient encore ces recherches elles me paraissent 
d'ores et déjà susceptibles de prouver qu'il ne faut voir dans le test cal- 
caire des mollusques autre chose que le résultat de simples séparations 

moléculaires, de phénomènes de dissociation et, pe conséquent, d'ordre 
purement physique. 

L'origine première des matières qui, en dehors de on pure- 
ment chitineuses, contribuent à la genèse de la coquille, est évidemment 
l’activité sécrétrice de l’épithélium, et c’est dans ce sens que l’on peut 
affirmer, avec la plupart des zoologistes, que le test est un produit de 
sécrétion du manteau. 

Mais, les produits sécrétés, une fois issus des cellules de l’animal, sont 
complètement soustraits à son influence, et la formation du test n’est plus 
qu'une affaire de phénomènes moléculaires soumis aux lois générales de 
la physique et complètement étrangers à la biologie cellulaire. 

L’accroissement des matériaux ainsi constitués ne saurait donc, là où il 
existe, c’est-à-dire seulement au bord de la coquille, avoir rien de com- 
mun avec les phénomènes vitaux tels que nous les concevons actuel- 
lement. L’intussusception ne doit être invoquée à l’égard de semblables 
formations que sous la forme de phénomènes — osmotiques, si l’on veut 
— communs à toutes les substances cristalloïdes placées dans un milieu 
susceptible de les nourrir ; et si l’on tient à toute force à voir dans ces 
productions des manifestations vitales, on n'est, à mon avis, autorisé à 
donner à cette expression d’autre sens que celui que lui accordent les 
minéralogistes. 

Peut-être des recherches plus approfondies, dirigées dans ce sens, per- 
mettraient-elles d'expliquer de la même manière la genèse des différentes 
formations calcaires qui abondent dans les téguments des animaux infé- 
rieurs et dans le squelette des vertébrés, et de reconnaître que les états 
si divers sous lesquels se présente la production du calcaire dans les tissus 
organiques, ne sont le résultat que d’un seul et unique processus. 


DU 


MODE D'ACTION DES RÉVULSIFS 


PAR 


M. le Dr Albert BESSON 


MÉDECIN STAGIAIRE AU VAL-DE-GRACE 


(Mémoire présenté dans la séance du 27 février 1892.) 


Dans une série de recherches faites dans le laboratoire de M. le profes- 
seur Arloing, nous avons essayé de déterminer le mode d'action des 
agents révulsifs. La médication révulsive utilise les actions exercées sur 
les fonctions organiques par les excitations cutanées; Naumann est le 
premier qui ait insisté sur ce mécanisme; il montra que les effets des 
révulsifs sur la circulation se produisent par voie réflexe, et il essaya de 
déterminer dans quel sens la circulation et la température sont influen- 
cées par une application révulsive; les résultats que cet auteur a obtenus 
se trouvent en contradiction avec les recherches plus récentes de Hei- 
denhain, Riegel, François-Frank et Kaufmann sur l’action des excita- 
tions cutanées. Nous avons repris l'étude de cette question, et nos expé- 
riences (1) nous ont conduit à des conclusions nouvelles relativement à 
l’action des révulsifs sur la circulation, la température, la respiration et 
la nutrition. 


L. Action sur la circulation. — Quand on excite faiblement la peau, en 
la frottant légèrement avec une pointe mousse, par exemple, on voit 
apparaître une ligne blanche correspondant à l’espace touché, ligne 
blanche qui traduit une constriction des vaisseaux de cet espace. L’exci- 
tation a-t-elle été plus intense, à la ligne blanche succède une ligne 
rouge indiquant une dilatation des vaisseaux primitivement contractés. 
À mesure que croît l'énergie de l'excitation, la durée de la vaso-constric- 


(1) Le détail de ces expériences se trouve exposé dans notre Étude exepri- 
mentale sur la révulsion; thèse Lyon, J.-B. Baiïllière, éditeur. 


BioLocte. MÉmorres. — 9e SéRir, T. LV. 6 


At MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


tion diminue au profit de la vaso-dilatation, et, avec une excitation suffi- 
samment énergique, celle que l'on produit avec une solution saturée de 
chloral ou de l'essence de moutarde, par exemple, la vaso-dilatation est 
le seul phénomène que l’on puisse constater. 

Pour une excitation suffisante, ces phénomènes locaux se généralisent 
à la totalité du système vasculaire et se rencontrent, là encore, aux dif- 
férents degrés que nous venons de déerire : les auteurs qui, avant nous, 
avaient étudié cette aclion des excitations cutanées semblent n'avoir 
constaté que la phase de vaso-constriction correspondant à la première 
période; cela tient, soit à ce qu'ils ont interrompu trop tôt leurs expé- 
riences, au moment où la vaso-dilatalion commencait à se manifester, 
soit à ce qu'ils ont attribué à l’action de l'excitation cutanée sur le cœur, 
l’abaissement de pression qu'ils observaient. 

Nos premières expériences furent effectuées sur des chiens curarisés et 
soumis à la respiration artificielle ; la pression artérielle était prise dans 
une grosse artère avec le manomètre enregistreur de M. Chauveau ; l’ins- 
cription du tracé était prolongée pendant une heure et plus. 

Toutes les fois que la révulsion fut énergique, nous obtîinmes, après 
une légère et brève élévation de la pression artérieile, un abaissement 
notable et durable de cette pression (larges sinapismes, pointes de feu) ; 
au contraire, la révulsion était-elle faible (petits sinapismes), nous obser- 
vions uniquement une élévation de pression pouvant durer plus d’une 
heure. 

Chez l’homme, à l’aide du plétysmographe de Mosso, nous avons cons- 
tamment noté, après l'application d’un sinapisme en un point quelconque 
du corps : en premier lieu, une diminution du volume de l’avant-bras, 
c’est-à-dire une vaso-constriction et une élévation de la pression arté- 
rielle, et, quelques secondes après, une augmentation du volume du 
membre, traduisant une vaso-dilatation et un abaïssement de pression. 

D'un autre côté, à la suite de l'application d’un révulsif rapide et éner- 
gique, nous avons toujours observé un ralentissement du pouls en même 
temps qu'une augmentation marquée de l'amplitude des pulsations et 
une exagération du dicrotisme normal (homme, chien); au contraire, un 
révulsif faible ou à action lente et progressive entraîne une accélération 
et une diminution d'amplitude du pouls. 

Déjà, pour expliquer ces faits, nous sommes conduit à admettre, à côté 
des modifications du calibre des vaisseaux, une participation active du 
cœur; la coïncidence de l'augmentation d'amplitude des pulsations avec 
leur ralentissement ne pouvant relever d’un simple phénomène vaso- 
moteur. L’expérience suivante ne laisse aucun doute à cet égard : 

A un chien, nous appliquons un large sinapisme : il se produit une 
élévation de courte durée de la pression artérielle; bientôt la pression 
s'abaisse au-dessous de la normale en même temps que le nombre des 
pulsations diminue (70 au lieu de 80) et que leur amplitude augmente ; 


MODE D'ACTION DES RÉVULSIFS 45 


au bout de quelques instants on coupe les pneumo-gastriques, immédia- 
tement le pouls s’accélère (110) et la pression remonte, tout en restant 
cependant un peu au-dessous de la normale; puis la pression s’abaisse 
un peu mais n’atteint jamais le minimum où elle était avant la section 
des nerfs vagues (100 pulsations). Un deuxième sinapisme est alors appli- 
qué, et, en même temps que la pression s'abaisse davantage, le pouls 
s'accélère. Dans cette dernière partie de l'expérience, le cœur, soustrait 
à l’action réflexe venue de la peau, n’est pas intervenu activement, il a 
modifié ses battements d’après l’élat de la pression dans les vaisseaux. 

Nous pouvons donc conclure que l'excitation cutanée forte qui abaisse 
la pression artérielle, en même temps qu’elle élève la pression veineuse, 
agit directement sur le cœur pour le ralentir. Au contraire, les excitations 
cutanées faibles amènent une accélération notable du cœur. 

Ces expériences nous ont encore permis d’éclaircir certains faits tou- 
chant l’action locale des révulsifs. Ayant placé un manomètre sur une 
carolide, un autre sur une fémorale alors qu'un sinapisme élait appliqué 
sur le cou, nous vimes s’abaisser la pression artérielle du territoire révulsé 
(carotide) et en mème temps s'élever la pression générale (fémorale) : il 
peut donc y avoir un balancement entre une circulation locale et la cir- 
culation générale; d'autre part, nous avons vu qu’une excitation capable 
d'amener une hyperémie généralisée à toute la peau pouvait entrainer, 
en même temps, une élévation de la pression artérielle. Pour expliquer 
ces faits, nous ne croyons pas qu'il faille invoquer un antagonisme 
absolu entre les circulations centrale et périphérique et admettre que les 
vaisseaux lhoraciques et abdominaux se contractent quand ceux de la 
peau se dilatent; dans nos expériences, nous avons souvent constaté avec 
des révulsifs faibles et prolongés une congestion du rein en même temps 
que l'hyperémie de la peau et, d'autre part, après avoir appliqué an 
vésicatoire, de l’huile de croton, un séton, etc., sur un membre (chien, 
lapin) nons avons toujours trouvé à l’autopsie une anémie évidente des 
couches musculaires profondes accompagnant l’hyperémie de la peau et 
des couches sous-cutanées. Quand le révulsif était appliqué sur le thorax, 
nous observions les mêmes phénomènes, mais, jamais nous n'avons pu 
obtenir, au contraire de ce que Zuelzer aurait vu, une anémie du poumon 
sous-jacent; loin de là, quand le révulsif était large et son temps d’appli- 
cation prolongé, ce poumon présentait des noyaux de congestion que 
nous croyons devoir attribuer à l’hypostase consécutive à l'immobilisa- 
tion du thorax par l'excitation douloureuse. Ces faits nous ont amené à 
rechercher ce qu’il fallait penser des actions localisées à distance des 
révulsifs, actions si souvent invoquées par la thérapeutique empirique : 
tous les auteurs qui les décrivent ces actions s'appuient sur ces faits, que 
lorsqu'on excite une oreille, chez le lapin, on voit se produire une vaso- 
dilatation non seulement de l'oreille excitée mais encore de celle restée 
intacte, et que, en faisant porter l'excitation sur la peau d’un bras, chez 


46 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


l'homme, on peut, à l’aide du plétysmographe, constater une modifica- 
tion du calibre des vaisseaux de l’autre bras. Or, si au lieu d’exciter la 
peau d’une oreille du Japin, on excite tout autre point de la surface 
cutanée, on voit survenir la vaso-dilatation auriculaire, de même dans la 
seconde expérience, on obtient les modifications de volume du bras en 
faisant porter l'excitation sur un point quelconque du corps. 


Pour ce qui est de la localisation sur le poumon de l’action d’une exci- 
tation de la peau du thorax, aucun fait expérimental, nous l'avons dit, ne 
nous autorise à l’admettre; cependant, l'on conçoit qu'une excitation 
intense qui abaisse la pression artérielle, et qui facilite ainsi la déplétion 
du cœur gauche el l’arrivée du sang par les veines pulmonaires, pourra 
combattre une congestion du poumon; mais c’est là une conséquence de 
l’action générale des révulsifs et non une action localisée. 

A l'heure actuelle, nous ne pouvons done nous appuyer sur aucune 
donnée expérimentale pour admettre la localisation sur un point de l’or- 
ganisme des effets d’une excitation exercée sur telle ou telle partie du 
tégument. 


Action sur la température. — L'application d'un révulsif rapide et 
énergique a pour effet d’abaisser la température centrale après un court 
stade d’élévation; au contraire, les révulsifs lents et faibles élèvent Ja 
température centrale. Pour avoir l'explication de ces phénomènes, nous 
avons institué une série d'expériences avec le sinapisme. De nombreuses 
recherches effectuées sur l’homme, le chien, le lapin, nous avaient montré 
que l’application d’un large sinapisme abaisse la température centrale, 
prise dans le rectum, de 0°,7 à 1 degré environ, et que cet effet du sina- 
pisme se produit aussi bien chez l'individu fébricitant que chez l'individu 
sain. 

Nous avons alors étudié les modifications de la température périphé- 
rique, et au moyen de ‘sondes thermo-électriques enfoncées dans le tissu 
cellulaire sous-cutané, nous avons constaté que la température de ce tissu 
au point d'application du sinapisme, après avoir été abaïssée de quelques 
dizièmes de degrés, pendant quelques secondes, s'élève d'environ 2 de- 
grés, d’une façon durable; cette élévation de température se retrouve, 
bien que moins intense, sur loute la surface du corps. — Ainsi, aussitôt 
après l'application révulsive, il y a en même temps que vaso-constriction, 
abaissement de la température cutanée et élévation de la température 
rectale; mais bientôt la circulation périphériqne devient plus active, il se 
produit une vaso-dilatation, la peau s’échaufle, la perte de chaleur par 
rayonnement augmente et la température centrale s’abaisse. 


Action sur la respiration. — Un révulsif appliqué sur la paroi thora- 
cique ralentit, proportionnellement à son intensité, les mouvements respi. 


MODE D'ACTION DES RÉVULSIFS 47 


——————————————…—.—…—…—…——_…—…—…—…—…—…—…—…—…——…_…—…—…—…———…—…——…—…—_—_——————_.…………—……………“………—…—…—…’“…—…——" 


ratoires et en diminue l’amplitude : cette action peut persister, même 
après que le révulsif a été enlevé. 

Si le révulsif a été appliqué sur un point du corps autre que le thorax, 
après une phase de ralentissement, dont la durée et l'importance varient 
comme l'intensité du révulsif, on voit survenir une accélération et une 
augmentation d'amplitude des mouvements respiratoires. 


Action sur la nutrition. — Nos recherches ont porté sur les gaz de la 
respiration, sur les gaz et le sucre du sang. 


1° Gaz de la respiration. — Nous avons expérimenté sur l’homme à 
l’aide d’un appareil que nous avons construit d’après les conseils de M. le 
professeur Arloing. 

La quantité d'oxygène absorbée s’est accrue dans toutes nos expé- 
riences, sous l'influence de l’application d’un sinapisme. 

L’accroissement de la quantité d’O absorbé n'est pas proportionnel à 


2 


l’accroissement du CO? produit : tandis que le rapport décroit par 


O 
l'application révulsive, on voit, à chaque fois, croître le rapport C0? il y 


a donc une partie de l'oxygène absorbé qui n’est pas transformée en CO* ; 
d'après les expériences de Robin sur les bains salins, nous sommes portés 
à croire que cette quantité d’O est employé à accroître les combustions 
azotées. 


2 Sucre du sang. — Nos expériences ont été faites sur le chien en 
prenant du sang avant et après la révulsion, soit dans la veine du membre 
révulsé (phénomènes locaux), soit dans une artère d’un point éloigné, 
(phénomènes généraux). — À chaque fois, l’on note après la révulsion une 
diminution de la teneur du sang en sucre (0 gr. 75 au lieu de 1 gr. 20 dans 
une expérience), ce qui traduit une augmentation des oxydations. 


3° Gaz du sang. — Expériences faites sur le chien et portant sur le: 
sang artériel et sur le sang veineux. Toutes ces expériences montrent une 
augmentalion de l'acide carbonique du sang : dans le sang artériel, la 
quantité d'oxygène varie peu, mais dans une expérience où l'analyse a 
porté sur le sang de l’oreillette droite, nous avons constaté, en même 
temps que l'augmentation de CO?, la diminution de l'oxygène. 

En résumé, les excitations de la peau par les révulsifs ont une action 
énergique sur les échanges organiques, elles augmentent la consomma- 
tion d'oxygène, la production d'acide carbonique; sous leur influence, le 
sucre du sang diminue et son acide carbonique augmente. 


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DES 


TROUBLES DE LA RESPIRATION 


DANS LES MALADIES MENTALES 


ET EN PARTICULIER 


DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE 


PAR 


MM. KLIPPEL et BOETEAU 


(Mémoire présenté à la Société de biologie dans la séance du 27 février 1892.) 


Les auteurs ont parfois signalé des troubles de la respiration dans les 
maladies mentales; mais aucun, croyons-nous, n’a cherché à en appré- 
cier d’une manière absolument exacte les principaux caractères. L’accé- 
lération des mouvements inspiratoires et expiratoires dans la manie et 
leur ralentissement dans la mélancolie ont été seulement mentionnés, et 
dans la paralysie générale, ces troubles sont considérés comme excep 
tionnels. 

Depuis un an, nous nous occupons de cette question, et si nous ne 
pouvons encore donner un travail complet, du moins avons-nous été 
conduits à plusieurs considérations intéressantes. 

Nos tracés, dont le nombre s'élève à quatre-vingt environ,ont été pris 
au moyen de l’appareil inscripteur de Marey sur des malades du service 
de M. le professeur Ball. Chez tous ces malades, le pneumographe a été 
placé sur le sternum au niveau de la troisième côte ; de plus, nous nous 
sommes toujours assurés qu'il ne s'agissait pas de lésions pulmonaires 
proprement dites. 

Les tracés recueillis dans des conditions ainsi déterminées, montrent 
un premier point important à relever. 

Tandis que, normalement, le rythme de la respiration est dans ses 
différents modes d’une régularité parfaite; chez les vésaniques, au con- 
traire, par suite de perturbations apportées à l’innervation des muscles 


BioLociEe. MÉMOIRES. — 9e SÉRIE, T. LV. ï 


90 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


—————————————…——.—…————————————]]]]—  —_——…—…"…"…"”…"…"…"…"…———.-._——_——…—…—…"…—… …—_… …—…—…———— 


respirateurs, le rythme s’est toujours montré profondément altéré, au : 


moins dans l’un de ses caractères essentiels, ainsi que nous allons cher- 
cher à le démontrer en donnant ici quelques-unes de nos observations. 
Nous tenterons ensuite d’en tirer quelques résultats généraux. 

Voici d'abord plusieurs cas de paralysie générale bien manifeste et 
dont nous croyons ne devoir énumérer ici que les principaux symptômes. 


O8s. I. — Te..., trente-deux ans. Paralysie générale parvenue à la période d'état 
(affaiblissement des facultés intellectuelles; perte des sentiments affectifs; forme 
féminine de paralysie générale). 


Te... a de beaux yeux.…., les plus belles dentelles, elle est la première 
ouvrière de Paris. Troubles de la parole tout à fait caractéristiques. Trem- 
blement fibrillaire de la langue et des muscles de la face... myosis à droite... 
Parésie des membres inférieurs: 

Chez Te.…., le tracé des mouvements respiratoires que nous reproduisons ici 


Fra. 1. — Graphique de la respiration de Te.…, paralysie générale. 


permet de constater, entre autres particularités, la remarquable inégalité et 
l'irrégularité continue du rythme respiratoire; c'est là le phénomène prédo- 
minant, celui qui frappe surtout l'attention. 

Au point de vue de leur amplitude, les oscillations sont, d’une facon générale 
très diminuées et, étudiées comparativement, on voit qu’elles présentent toutes 
les variétés. Une remarque analogue est applicable à leurs formes, qui ne se 
ressemblent nullement. Leur durée, de même que l'intervalle qui les sépare, 
non seulement s’écartent du type physiologique, mais encore ne sont pas non 
plus à beaucoup près comparables. Enfin l'étendue respective de l'inspiration 
et de l’expiration est tantôt trop courte, tantôt prolongée. On est donc auto- 
risé à conclure que l’arythmie est portée à son comble. C’est là, sans conteste, 
un des modes respiraloires que nous avons jusqu'ici le plus fréquemment 
rencontré dans la paralysie générale. 


Os, II. — Bouv..., quarante-deux ans. Paralysie générale arrivée à la période 
de démence. — Nullité absolue de la vie intellectuelle; apathie complète. 


Les quelques paroles que prononce encore le malade sont presque inintelli- 
gibles. Paralysie des membres inférieurs. Gâtisme. 


TROUBLES DE LA RESPIRATION DANS LES MALADIES MENTALES o1 


Voici un tracé reproduisant les mouvements respiratoires de ce malade. 


FiG. 2. — Graphique de la respiration normale (homme). 


Chez Bouv..., on constate tout d’abord la même absence totale de rythme 
que dans l'observation précédente; mais, en outre, deux autres phénomènes 
intéressants sont également à noter : on remarque, d’une part, à des inter- 
valles éloignés des mouvements respiratoires avortés, impuissants à trans- 
mettre une onde de vibration jusqu’au stylet enregistreur, indiquant que dans 
cette respiration uniformément courte, saccadée, laborieuse, il se produit de 


Fic. 3. — Graphique de la respiration de Bouv..., paralysie générale. 


temps en temps des pauses, comme si le malade oubliait de respirer. C’est là 
une deuxième observation ui nous a paru le mieux résumer les principaux 
caractères cliniques que l’on rencontre dans bon nombre de cas. 


Sans multiplier des exemples, qui ne seraient que la reproduction des 
précédents, nous croyons pouvoir formuler certaines conclusions qui peu- 
vent se traduire ainsi: dans la paralysie générale, les mouvements respi- 
ratoires se caractérisent par leur arythmie, par leur faiblesse et par l'in- 
termittence de mouvements physiologiques ainsi que de faux pas de la 
respiration. 

Telle est la notion générale qui semble résulter des tracés précédents, 
qui, d’après nos recherches actuelles, peuvent servir de type dans la 
majorité des cas; mais à côté de ces principaux types cliniques, il y a des 
variétés, parmi lesquelles nous tenons à signaler la suivante : 


Fic. 4, — Graphique de la respiration de Dum..., paralysie générale. 


Nous voyons que chez cette paralytique générale les inspirations et les 
expirations très saccadées, présentent un véritable tremblement oscilla- 


2 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


toire, rappelant absolument les caractères de la respiration chez des 
malades atteints de sclérose en plaques (1). 

Cette variété ainsi que certaines autres que nous comptons signaler plus 
tard nous paraissent comporter une distinction que nous formulons 
ainsi : 

Les anomalies des mouvements de la respiration sont, chez ces malades, 
comparables à celles qu'on observe du côté des membres. Plus la fai- 
blesse musculaire est accusée du côlé des membres, plus elle est visible 
aussi sur les tracés de la respiration; il en est de même de l’irrégularité 
motrice. Chez la malade dont nous parlons, le tremblement des mains 
qui se remarquait au moindre mouvement volontaire, ressemblait aussi 
à celui de la sclérose en plaques, et, du côté des membres inférieurs, on 
observait également de l’exagération des réflexes, du tremblement 
intense et même de l’épilepsie spinale. 

C’est en réunissant certains faits semblables qu'il nous est permis de 
conclure par analogie des troubles moteurs des membres à ceux qui 
caractérisent la respiration chez un même malade. 

Comme valeur de ces troubles pour établir un diagnostic différentiel 
des maladies mentales, nous avons pris des tracés dans diverses maladies 
autres que la paralysie générale : 

Le tracé (fig. 5) montre bien les caractères des mouvements respira- 
toires dans la mélancolie; ces mouvements sont tous très petits, comme 


Fi. 5. — Graphique de la respiration de Her..., mélancolie. 


dans la paralysie générale, maïs beaucoup plus lents et plus uniformes ; 
à peu près tous égaux, on peut dire que leur tracé est régulièrement irré- 
gulier. 

Mêmes caractères dans un cas de cachexie strumiprive où la lenteur 
des mouvements est encore plus évidente que dans la mélancolie. 

Par contraste, dans l'excitation maniaque, les tracés montrent que la 
respiration est très manifestement accélérée, et l'on remarque des mou- 
vements respiratoires excessifs, très marqués, sans que l’on puisse cepen- 
dant incriminer comme cause l’augmentation de l’activité musculaire 
par suite de l’agitation du malade, puisque nous avons, pour ces tracés, 
profité d’une période de calme qui se prolongeait depuis plusieurs 
heures. 

En résumé, nous voyons que les tracés des mouvements respiratoires, 


(1) Oppenheim. Berliner klinische Wochenschrift, n° 48, 1887. 


TROUBLES DE LA RESPIRATION DANS LES MALADIES MENTALES 03 


dans les principales formes d’aliénation mentale, sont très différents les 
uns des autres, et très différents également de ceux que nous avons obte- 
nus dans la paralysie générale, et une étude complète en fera sans doute 
un signe diagnostique différentiel important. 

Enfin, dernière remarque, analogie que nous signalions entre les ano- 
malies motrices des membres et celles des muscles de la respiration dé- 
montre que la paralysie générale touche ces deux ordres de centres sous 
la même forme anatomique. 

Il en est de même pour la mélancolie et pour les autres formes des 
maladies mentales. 


PA Re 


RECHERCHES 


SUR 


LES OXYDATIONS ORGANIQUES 


DANS LES TISSUS 


PAR 


M. A. JAQUET 


(Mémoire présenté par M. P. LancLois, dans la séance du 12 mars 1892.) 


Un trait caractéristique de la combustion dans le corps animal réside 
dans le fait que, sous l'influence de l'oxygène du sang, nombre de sub- 
stances sont oxydées complètement et sans difficulté à la température du 
corps, tandis que, dans des conditions analogues, l'oxygène atmosphérique 
n’a aucune prise sur elles. On a cherché de différentes manières à repro- 
duire artificiellement ce procédé, espérant arriver ainsi à découvrir les 
causes déterminantes de la combustion dans l'organisme. Malgré tout 
l'intérêt qu'offrent ces recherches, nous n'avons pas à nous occuper ici 
de leurs résultats, nos expériences ayant été entreprises uniquement 
dans le but d'étudier d'un peu plus près les conditions qui président aux 
oxydations dans les tissus. 

Pour entreprendre une étude de ce genre, il est indispensable de 
travailler avec des corps dont, l’oxydation soit assez simple et assez 
connue dans ses détails, pour que l’on puisse suivre le cours de leurs 
transformations dans l'organisme. Les graisses, par exemple, qui brûlent 
si facilement, ne peuvent nous être d'aucune utilité. Si nous savons que 
leur combustion produit en dernier lieu de l’eau et de l’acide carbonique, 
il nous est impossible de déterminer de quelle façon cette oxydation 
s’accomplit, quel est, par exemple, celui des atomes de carbone de 
l’acide oléique par lequel elle débute, quels en sont les produits inter- 
médiaires, et quelle est la part de l'acide oléique dans la quantité d’eau 
et d'acide carbonique produits. 

D'après M. Schmiedeberg (1), auquel nous devons d’avoir posé les 
bases méthodiques de ce genre de recherches, il est nécessaire que les 
corps dont on veut étudier l'oxydation réunissent trois conditions essen- 


(1) Arch. für exper. Pathol. und Pharm., t. VI, p. 233, 1876, et 1. XIV, p. 288 
et 319, 1881. 


BioLocte. Mémoires. — 9e SÉRIE, T. [V. 8 


56 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


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lielles : 4° ces corps doivent êlre inaltérables à l’air, à la température 
du corps, mais facilement oxydables dans l'organisme ; 2° ils doivent 
être oxydés d'upe façon déterminée, en un point connu de leur molécule; 
3° leurs produits d’oxydation ne doivent pas avoir d'autre source dans 
l'organisme ; ils doivent être faciles à isoler et à doser exactement. Cer- 
tains corps de la série aromatique, l'alcool benzylique, l’aldéhyde salicy- 
lique et, pour les recherches sur l'organisme vivant, le benzol et le toluol, 
remplissent parfaitement les conditions exigées. 

Pour étudier dans ses détails le procédé de l'oxydation dans les tissus, 
l’organisme:entier de l’animal vivant n’est que d’une utilité restreinte; 
certaines conditions expérimentales sont mortelles pour l'animal vivant, 
tandis que d’autres ne sont pas applicables à l'organisme intact. La 
méthode de la circulation artificielle à travers des organes isolés, dont 
l'emploi a été couronné de succès dans les recherches de MM. Bunge et 
Schmiedeberg sur le foyer de formation de l'acide hippurique, devait nous 
être d’un grand secours pour notre étude. 

Nous savons par de nombreuses expériences anciennes et récentes que 
le siège des oxydations n’est pas dans le sang, mais à l'intérieur des 
tissus. Dans ses études sur les oxydations, les dédoublements et les syn- 
thèses dans l'organisme, M. Schmiedeberg a confirmé ce résultat en 
recherchant comment se comportent l'alcool benzylique et l’aldéhyde 
salicylijue, lorsque d’un côté on les met en contact avec du sang artéria- 
lisé, et que de l’autre on fait circuler le sang contenant ces substances 
à travers des organes isolés d'animaux fraichement tués. 

Ces recherches, que j'ai poursuivies, nous ont démontré que le contact 
du sang seul n’a qu'un effet à peine appréciable sur l'oxydation de 
l'alcool benzylique. 0 gr. 2 à 1 gr. 5 de celte substance en contact avec 
300 à 4,000 centimètres cubes de sang artérialisé pendant 17 à 48 heures, 
à une température variant entre 10 et 30 degrés, ne produisent que 
2 milligr. 7 d'acide benzoïque On obtient le même résultat avec une 
solution de carbonate de soude à 0.3 p. 100 pour peu que l’on ait soin 
de favoriser le contact de l'air. 

Dans les mêmes conditions, l’aldéhyde salicylique n’est pas oxydé du 
tout. 

Si, par contre, on fait circuler le sang contenant l’une de ces substances 
pendant quelques heures à travers un poumon ou un rein isolé, l'oxyda- 
tion devient manifeste, et à la fin de l’expérience on trouve de l'acide 
benzoïque ou de l’acide salicylique en quantités relativement considé- 
rables. Le poumon est particulièrement favorable à des expériences de 
ce genre. Placé dans un tambour à une température de 35 degrés, on 
peut, au moyen de la respiration artificielle, artérialiser facilement le 
sang, ce qui pour d’autres organes n’est possible qu'au moyen d'appareils 
compliqués, entre autres de l'appareil de Jacaby, dont je me suis servi 
pour la circulation artificielle du rein. 


OXYDATIONS ORGANIQUES DANS LES TISSUS 91 


Un poumon de bœuf dans les vaisseaux duquel on a injecté 800 centi- 
mètres cubes de sang défibriné contenant À gramme d’aicool benzy- 
lique, a produit, en 5 heures, 185 milligrammes d'acide benzoïque. 

Un rein de chien ou de cochon, irrigué artificiellement pendant 3 à 
5 heures, avec du sang contenant 0 gr. 4 à 1 gramme d’alcool benzylique, 
produit de 15 à 140 mulligrammes d'acide benzoïque. 

Dans deux expériences avec de l’aldéhyde salicylique, nous avons 
obtenu 39 et 120 malligrammes d'acide salicylique. 

Ces résultats font ressortir toute l'importance des tissus pour les oxy- 
dations dans l’organisme. 

Quel est maintenant le rôle joué par l'oxygène du sang dans ce pro- 
cédé? Sa présence est-elle indispensable, ou peut-il être remplacé par 
l'oxygène atmosphérique. L'étude de cette question nous a été singuliè- 
rement facilitée par l'emploi du poumon isolé. Ayant introduit dans 
l'organe la substance oxydable dissoute dans un liquide indifférent, nous 
avons au moyen de la respiration artificielle fait agir directement l'air 
atmosphérique. 

Après avoir injecté dans un poumon de cheval 4 gr. 5 d'alcool benzy- 
lique dissous dans 1,500 centimètres cubes de sérum et fait la respiration 
artificielle pendant quatre heures, nous avons trouvé 323 milligrammes 
d'acide benzoïque. 

Dans une seconde expérience, nous avons commencé par injecter dans 
l'artère pulmonaire d'un poumon de cheval, 6 litres d’une solution phy- 
siologique de chlorure de sodium, pour débarrasser autant que possible 
l'organe du sang qu'il contenait encore. Ayant injecté ensuite 1 gr. 5 d’al- 
cool benzylique dissous dans 1,500 centimètres cubes de solution de sel 
de cuisine à 0.7 p. 400 et fait respirer l'organe pendant 4 heures, il a pro- 
duit 212 milligrammes d'acide benzoïque. 

L'oxygène atmosphérique oxyde donc avec la même puissance que 
l’oxygène du sang. Ce résultat concorde exactement avec les procédés 
d'oxydation que nous pouvons observer chez les animaux à sang blanc, 

Dans quelles conditions les tissus doivent-ils se trouver pour être à 
_ même de produire ces oxydations ? Une question, qui au premier abord 
peut paraître oiseuse, tant on s’est habitué à l'envisager comme hors de 
cause, est celle de savoir jusqu’à quel point la faculté d’oxyder est 
dépendante de la vie des organes. A cet effet, j'ai recherché comment se 
comporte l'oxydation de l’alcool benzylique et de l’aldéhyde salicylique 
dans des organes que l’on a préalablement soumis à l’action d'agents 
toxiques puissants. J'ai choisi pour cela la quinine et l’acide phénique, 
deux poisons connus par l'influence délétère qu'ils exercent sur le proto- 
plasma. 

Un poumon de cheval qu'on avait soumis pendant plusieurs heures à 
l’action d’une solution de chlorhydrate de quinine à 2.5 p. 100, a oxydé 
en 4 heures 1 gr. 2 d'alcool benzylique dissous dans 500 centimètres cubes 


58 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


de la solution de quinine, de façon à produire dans un cas 113 mulligram- 
mes, dans un autre 43 milligrammes d'acide benzoïque. 

Dans une troisième expérience, un poumon de cheval plongé pendant 
48 heures dans une solution d'acide phénique à 2 p. 100 et mis ensuite 
en contact avec 4 gr. 2 d’aldéhyde salicylique a produit 60 milligrammes 
d'acide salicylique. 

J'ai étudié ensuite l’effet de la congélation sur la faculté oxydante des 
tissus. J’ai fait geler deux poumons de cheval à une température variant 
entre — 12° et — 18° pendant 24 et 48 heures. Après les avoir fait dége- 
ler soigneusement, j'ai injecté dans le premier 1 gr. 1 d’alcool benzy- 
lique dissous dans une solution de chlorure de sodium, et trouvé, après 
4 heures de respiration artificielle, 73 milligrammes d'acide benzoïque. 
Dans le second cas, l'oxydation de 4 gr. 2 d’aldéhyde salicylique a pro- 
duit 93 melligrammes d'acide salicylique. 

D’après ces résultats, la vie des éléments organiques et sans aucun 
rapport avec la faculté oxydante des tissus, puisque cette dernière per- 
siste après la mort. Les expériences suivantes ne font que confirmer ce 
résultat. 

Ces expériences ont été entreprises dans le but de rechercher si la 
faculté oxydante persistant dans les organes, même après qu'ils ont cessé 
de vivre, provient peut-être de leur configuration anatomique, d'un 
arrangement particulier des éléments histologiques, et si cette faculté est 
détruite par la destruction de l’organe. Pour cela, j'ai soumis les organes, 
poumons ou reins, à l’action de l'alcool à 75 p. 100 pendant 12 à 14 jours, 
et après les avoir rincés dans une solution de sel de cuisine, j'ai trouvé 
qu'un poumon auquel on avait injecté 1 gr. 1 d'aldéhyde salicylique, dis- 
sous dans 4,500 centimètres cubes de solution de chlorure de sodium, 
était encore capable de produire 35 milligrammes d'acide salicylique. 
Dans deux autres expériences, où j'ai fait la circulation artificieile avec 
du sang contenant en dissolution À gramme de substance oxydable à 
travers des reins de cheval ayant séjourné 14 jours dans l'alcool, ces 
organes ont produit en 3 heures, une fois 53 milligrammes d'acide salicy- 
lique, une autre 38 milligrammes d’acide benzoïque. 

Si maintenant on hache l’organe de façon à le réduire en bouillie, que 
l’on fasse durcir cette bouillie dans l’alcool et qu’on la sèche ensuite, on 
peut constater que l'organe traité de cette manière n'a rien perdu de sa 
puissance oxydante. Il suffit de mélanger avec du sang cette poudre, 
préalablement amollie dans une solution tiède de chlorure de sodium, et 
de laisser ce mélange pendant 24 à 48 heures à une température de 25 à 
35, en ayant soin de l’agiter de temps à autre pour le saturer d'oxygène, 
pour qu’une oxydation énergique se manifeste. Deux reins réduits en 
bouillie et traités de la façon indiquée ci-dessus, mis en contact avec 
1! gramme d’aldéhyde salicylique et 1 litre de sang, ont produit, une fois 
137 milligrammes, une autre 123 milligrammes d'acide salicylique. 


: FRS 


OXYDATIONS ORGANIQUES DANS LES TISSUS 09 


2 kilos de filet de cheval traités de la même manière ont produit 20 milli- 
grammes d'acide salicylique. 

La configuration histologique des organes n’a donc rien de commun 
avec l’oxydation, et nous avons très probablement affaire à l’interven- 
tion d’une substance chimique. On pourrait cependant objecter que l’or- 
gane réduit en poudre peut agir comme condenseur d'oxygène à la façon 
de la mousse de platine et de la poudre de charbon de bois. Pour lever 
cette objection, j'ai extrait dans une solution de sel de cuisine l’organe 
haché, soumis cet extrait à l’action de la force centrifuge pour le débar- 
rasser des éléments histologiques, et éprouvé son actior sur l'oxydation 
de l’aldéhyde salicylique. Pour cela, je l’ai mélangé à un volume desang, 
et laissé le mélange pendant 24 heures à une température de 35°. Dans 
deux expériences, faites l’une avec un poumon, l’autre avec un rein de 
cheval et 1 gramme d’aldéhyde salicylique, j'ai observé la formation 
de 23 et de 35 milligrammes d'acide salicylique. 

Mais nous avons vu que l'organe entier n’a nullement besoin de l’oxy- 
gène du sang pour ses oxydations. L’extrait aqueux, s’il contient une 
substance soluble, doit donc aussi pouvoir oxyder sans le secours de 
l’oxygène du sang. Pour mettre le liquide en contact plus intime avec 
l’oxygène atmosphérique, je l’ai fait couler en filet mince pendant plu- 
sieurs heures à la surface interne d’un tube de verre de 1",50 de hauteur 
chauffé à 35°. Dans une série de 5 expériences faites de cette manière 
avec des extraits de poumons ou de reins et À gramme d’aldéhyde sali- 
cylique, j'ai obtenu 11, 21, 48, 53 et 85 milligrammes d'acide salicy- 
lique. 

Mais poursuivant dans cette direction, au lieu de préparer un extrait 
de l'organe frais, j'ai soumis l’organe haché en bouillie pendant plusieurs 
heures à l’action de l'alcool, et, après l'avoir séché, préparé l'extrait 
aqueux. De cette manière, je suis arrivé à avoir une solution parfaitement 
claire, dont j'ai pu constater la puissance d’oxydation dans trois expé- 
riences identiques aux précédentes, où j'ai obtenu 12, 25 et 36 milli- 
grammes d'acide salicylique. 

La quantité d'acide salicylique formé dans ces expériences n’est, il est 
vrai, pas considérable, mais si nous songeons que le sang seul n’a aucune 
action sur l'oxydation de l’aldéhyde salicylique, nous devons reconnaître 
qu'une nouvelle force se manifeste ici, sous forme d’une substance soluble 
dans l’eau (probablement peu soluble) et capable d'oxyder l'alcool ben- 
zylique en acide benzoïque et l’aldéhyde salicylique en acide salicylique. 

Mais si les tissus ou un de leurs composants ont conservé leurs pro- 
priétés oxydantes dans toutes les conditions dans lesquelles nous les 
avons placés jusqu'ici, il en est une qui anéantit promptement cette 
faculté, c’est la chaleur. 11 suffit de soumettre les tissus un instant à la 
température d’ébullition pour les mettre absolument hors d’état d'oxyder 
l’aldéhyde salicylique. 


60 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


En présence des résultats obtenus, et si nous considérons : 4° que le 
sang seul ne possède par la faculté d’oxyder; 2° que les tissus traités de 
différentes manières ou un extrait de ces tissus oxydent énergiquementen 
présence de l'oxygène de l'air; 3° que cette faculté est détruite par la tem- 
pérature d’ébullition, il ne nous reste pour ainsi dire pas d’autre conclu- 
sion que celle d’un ferment soluble ou d’une diastase comme principe actif 
des oxydations dans le corps animal... | 

Cette solution nous a surpris autant qu’elle était inattendue, et au pre- 
mier abord elle pouvait paraître peu satisfaisante, car nous n'avons fait 
que reculer sans le résoudre le problème des oxydations dans l'organisme. 
Mais, d'un autre côté, nous devons reconnaître que la nature des autres 
procédés de fermentation nous est tout aussi inconnue, et que même le 
problème de la combustion ordinaire à haute température est loin d’être 
résolu dans tous ses détails. La moléculede soufre, par exemple, est encore 
formée de deux atomes à une température de 1,000 à 1,200 degrés: 
cette température élevée est insuffisante pour mettre les atomes en liberté, 
et cependant la température d'inflammation du soufre est de 250-260 de- 
grés, c'est-à-dire qu’en présence de l’oxygène, la chaleur dédouble déjà la 
molécule à cette température relativement basse. Il en est de même pour 
le phosphore à la température ordinaire. 

La substance en question joue dans les oxydations organiques le même 
rôle que la chaleur dans la combustion ordinaire. Son action ne peut pas 
être séparée des autres procédés catalytiques, car il ne s’agit, comme 
M. Schmiedeberq l'a démontré, dans l’oxydation aussi, que d’un relâche- 
ment dans l'union des atomes d'hydrogène et des atomes de carbone. 

Quoi qu'il en soit, un résultat positif de nos recherches est d’être parvenu 
à ramener jusqu'à un cerlain point les oxydations dans l'organisme dans 
les limites d’un problème de chimie, en les débarrassant ainsi du carac- 
tère mystérieux inhérent à tout procédé pour l'explication duquel on n’a 
pas d’autre ressource que la force vitale. 


Strasbourg, Laboratoire de pharmacologie expérimentale, 1892. 


CONTRIBUTION A L’'ÉTUDE 
ANATOMO-PATHOLOGIQUE ET CLINIQUE 


DIFFÉRENTES VARIÉTEN DE CÉUTÉ VERBALE 
Re ÉS DE L’ÉCRITURE. 


AVEC INTÉGRITÉ DE L'ÉCRITURE SPONTANÉE ET SOUS DICTÉE. 


Par M. J. DEJERINE 


PROFESSEUR AGRÉGÉ, MÉDECIN DE L'HOSPICE DE BICÈTRE, 


Mémoire présenté à la Société de Biologie, à la séance du 27 février 1892. 


(Avec figures dans le texte.) 


On connaît aujourd'hui en clinique, deux variétés bien distinctes de 
cécité verbale. Le symptôme cécité verbale, caractérisé par l'abolition 
plus ou moins complète de la compréhension des signes figurés de l’écri- 
ture, est le même dans les deux variétés, mais l’état de l'écriture les 
distingue l’une de l’autre. Dans l’une, en effet, le malade incapable 
de lire l'écriture imprimée ou cursive, est également incapable d'écrire 
soit spontanément, soit sous dictée, ou n’écrit que fort défectueusement. 
Dans l’autre, au contraire, le malade, incapable de lire et de se relire, écrit 
facilement et correctement, soit spontanément, soit sous dictée : l'acte de 
copier seul est plus ou moins défectueux. La première variété s’accom- 
pagne, en d’autres termes, d'un degré plus ou moins complet d’agra- 
phie, tandis que celle-ci fait défaut dans la seconde variété. 

Première variété. — Cécité verbale avec agraphie. — Cette variété s’ac- 
compagne souvent d’autres formes d’aphasie : d’aphasie motrice, en 
particulier de paraphasie, ou encore de surdité verbale. Mais elle peut 
s’observer à l’élat isolé. 

Associée à la surdité verbale, elle répond au syndrome clinique décrit 
par Wernicke sous le nom d’aphasie sensorielle, -et relève, en général, 
d’une lésion étendue de la partie postérieure de la circonvolution d’en- 
ceinte de la scissure de STI. Isolée, elle relève d’une lésion du pli 
courbe; cette localisation n’a été nettement établie que récemment. Dans 
les chsemithe anciennes, en effét (Broadbent, Dejerine, d'Heilly et 
Chantemesse, Rosenthal), ou bien la cécité verbale n'avait pas existé à 
l'état isolé, mais était combinée à d’autres formes d’ aphasie, en parti- 
culier à la surdité verbale. — .ou bien la lésion plus ou moins étendue 


BioLoaie. MÉMOIRES. — 9€ SÉRIE, 7. IV. 9 


62 : /! .: MÉMOIRES DÉ LA SOCIÉYÉ DE BIOLOGIE 


rencontrée à l’autopsie n'était pas exclusivement limitée au pli courbe. 

L'an dernier, j'ai rapporté à la Sociélé un exemple de cécité verbale 

isolée avec agraphie totale, relevant d'une lésion exactement limitée au 
pli courbe (1). Berkhan (2) et Sérieux (3) ont depuis rapporté chacun un 
fait analogue. 
_ Aujourd’hui, la localisation de la première variété de cécité ve bal 
(cécité verbale avec agraphie ou avec altérations très marquées de l’écri- 
ture), est donc bien établie. Elle relève d'une destruction du pli courbe 
de l'hémisphère gauche, ainsi que l'ont démontré ces trois observations 
récentes dans lesquelles la symptomatologie était extrêmement nette et 
la lésion très localisée. | 

L'agraphie, qui dans cette variété, accompagne la cécité verbale relève 
donc, comme cette dernière, d’une seule et même lésion localisée au pli 
courbe ét non pas de deux lésions distinctes, dont l’une (destruction du 
c2ntre visuel verbal), expliquerait la cécité verbale et l’autre (destruction 
du centre dit graphique, deuxième frontale), le symptôme agraphie. 

La détermination de cette localisation était importante à établir, car 
nous possédons précisément un cas, publié par Henschen (4), de cécité ver- 
bale avec agraphie, dans lequel l’autopsie fit reconnaître deux lésions très 
limitées, siégeant l’une au pli courbe, l’autre au pied de la deuxième fron- 
tale. L'auteur pose la question, sans la résoudre, à savoir si l’agraphie 
était, dans ce cas, la conséquence obligée de la cécité verbale ou un symp- 
tome surajouté et relevant de la lésion de la deuxième frontale. Çette 
question me paraît tranchée aujourd’hui, de par les trois observations 
dont je viens de parler, et dans lesquelles une lésion exactement limitée 
au pli courbe, avait déterminé une cécité verbale avec agraphie totale 


(1) J. Dejerine. Sur un cas de cécité verbale avec agraphie suivi d’autopsie: 
(Soc. de Biologie, 1891, p. 197). 

(2) 0. Berkhan. Ein Fall von subcorticaler Alexie (Wernicke). (Arch. für Psych. 
und Nervenkr., 1891, p. 558.) Ce cas, à l’autopsie duquel on trouva une lésion 
(plaque jaune) localisée au pli courbe du côté gauche, est regardé à tort par son 
auteur comme un cas d’alexie sous-corticale. C'est un cas, au contraire, d’alexie 
corticale, ainsi que le montrent les troubles très marqués de l'écriture 
envisagée sous sés trois modes, qui existaient, chez ce malade. Ce dernier en 
effet, présentait du côté de l'écriture les mêmes troubles (paragraphie) que ceux 
qui existaient du côté de la parole (paraphasie). Je ferai remarquer à cet égard 
que, dans la cécité verbale par destruction du pli courbe, on observe assez 
souvent un certain degré de paraphasie (Dejerine, Sérieux), phénomène qui 
fait défaut dans la cécité verbale pure. 

- (3) P. Sérieux. Note sur un cas de cécité verbale avec agraphie suivi d’au- 
topsie (Soc. de Biologie, 16 janvier 1892). 

(4) Henschen. Klinisch. und anat. Beiträge zur Pathologie des Gehirns, erster 
Theil; Upsala, 1890. Observation, avec autopsie, de Margaretha Anderson, 
p. 173 et suiv., pl. 35 et 36. 

Dans ce cas, il s’agit d’une femme atteinte de cécité verbale avec agraphie; 


DIFFÉRENTES VARIÉTÉS LE CÉCITÉ VERBALE 63 


dans deux cas et troubles très marqués de l'écriture dans le troisième. 

Deuxième variété. — Cécité verbale avec intégrité de l'écriture spontanée 
et sous dictée. Cécité verbale pure. — Nous possédons plusieurs belles 
observations cliniques de la seconde variété de cécité verbale (celles; 
entre autres, rapportées par Bernard) (1). L'intégrité de l'écriture soitspon- 
tanée, soit sous dictée, est parfaite; l'acte de copier est seul plus ow 
moins lésé. Tantôt, en effet, la copie ne s’effectue que très difficilement, 
à la facon d'un dessin technique ou d’un dessin linéaire quelconque, et 
à condition d’avoir le modèle incessamment sous les yeux. Tantôt, le 
malade ne peut traduire en écriture cursive, l'écriture imprimée. 

Ce malade, qui ne peut ni lire ni se relire, y arrive cependant en em- 
ployant un artifice qui met en jeu son sens musculaire. En suivant du doigt 
les contours des lettres ou en les traçant dans le creux de sa main, il 
arrive à épeler des lettres et des mots. 

La localisation anatomique de cette seconde variété de cécité verbale, 
cécité verbale sans altération de l'écriture, cécité verbale pure, n’a pas 
encore été établie. 

Wernicke (2), partant d’un point de vue théorique, admit pour la pre- 
mière variété une lésion du centre des images visuelles des lettres et la 
désigna sous le nom d’alexie corticale. Il réserva le nom d’alexie sous-cor- 
ticale à la seconde variété, voulant indiquer par là, que, duns cette der- 
nière, le centre des images visuelles des mots est intact et que la lésion 
dont elle relève, consiste dans une séparation de ce centre d’avec les ter- 
minaisons centrales du nerf optique. 

Dans cette variété, en effet, toute la symptomatologie est en faveur de 
l'intégrité du centre des images optiques, comme l’a indiqué très juste- 
ment Wernicke, car la conservation de l'écriture spontanée et sous dictée 


chez elle l'écriture spontanée et sous dictée étaient très altérées, tandis que la 
faculté de copier était relativement conservée. A l’autopsie, on trouva un foyer 
de ramollissement siégeant dans le pli courbe du côlé gauche, expliquant la 
cécité verbale, et une autre lésion ayant détruit en entier la partie postérieure 
-de la deuxième frontale du même côté, — centre des mouvements de l'écriture 
pour Exner et pour Charcot. — Or, si le pied de la deuxième frontale gauche 
-est le centre de la mémoire des mouvements de l'écriture, sa destruction doit 
amener la disparition de tous les modes de l'écriture (écriture spontanée, 
sous dictée et d’après copie), de même que la destruction de la circonvolution 
de Broca amène la perte de toutes les modalités de la parole articulée (parole 
spontanée, répélition des mots, chant). 

La destruction du pli courbe, dans le cas de Henschen, suffit pour expliquer 
les troubles de l'écriture présentés par sa malade. 

(1) Bernard. De l’aphasie et de ses différentes formes. Thèse inaug., 
Paris, 1885. 

(2) G. Wernicke. Die neueren.Arbeiten über Aphasie. Fortsehritt der Mede- 
cin, 1885 et 1886. ; 


64 : MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


————_—_————…——…—…—…—…— ——…— ————————————————————————————…—…—…—…"…"”— — _"— — —_—_—————————————————…—— 


pe sont possibles que si ces dernières sont conservées. L'observation sui- 
vante, avec autopsie, vient démontrer l'exactitude de cette hypothèse. 

L'histoire clinique de ce malade constitue le plus bel exemple de 
cécilé verbale pure sans agraphie, qui ait encore été publié, et son 
autopsie apporte à la doctrine des aphasies sensorielles un document de 
la plus grande importance, car elle montre qu’aux deux formes cliniques 
actuellement connues de cécité verbale, correspondent deux localisations 
anatomiques absolument distinctes. 


En novembre 1887, mon ami M. le D' Landolt m’envoyait, à Bicètre, un 
malade chez lequel il avait diagnostiqué l’existence d’une cécité verbale 
avec hémianopsie et hémischromatopsie du côté droit; malade dont il 
publia l'observation clinique en 1888 (1). Je revis ce malade un assez 
grand nombre de fois dans le courant de l'hiver 1887-1888, dans mon 
service, où il vint assez longtemps et régulièrement deux fois par semaine. 
Je le revis ensuite pendant les années 1889-1890 et 1891. Il mourut en 
quelques jours au commencement de cette année (1892), et la famille 
m'autorisa à pratiquer à domicile son autopsie. 


Ossenvarion. — Cécité verbale totale — littérale et verbale — durant depuis quatre 
__ans, chez un homme de soixante-huit ans, très intelligent et très cultivé. — Perte 
. totale de la compréhension cles signes figurés de la musique — cécité musicale. — 
Conservation complète de la lecture des chiffres ainsi que de la faculté de calculer. 
— Pas trace de surdité verbale. — Pas trace de troubles de la parole articulée. — 
Langage intérieur intact. — Pas de cécité psychique ni d'aphasie optique. — 
 Mimique parfaite et très expressive. — Conservation parfaite de l'écriture spon- 

- tanée et sous dictée; le malade peut. écrire correctement des pages entières soit 

* spontanément, soit sous dictée. — Ecriture d'après copie, pénible et défectueuse. 
— Hémianopsie homonyme latérale droite avec hémiachromatopsie du même 
côté. — Nuégrité de la motilité, de la sensibilité générale et spéciale ainsi que du 
sens musculaire. — Persistance des mêmes symptômes pendant qualre ans. 

Mort subite, après avoir présenté pendant dix jours de la paraphasie avec agraphie 
totale, sans trace de surdité verbale. — Conservation parfaite de l'intelligence et 
de la mimique. : 

Auroprsie : Hémisphère gauche. Lésions récentes de ramollissement rouge dans le 


lobe pariélal inférieur et le pli courbe. — Lésions anciennes — plaques jaunes 


atrophiques — siégeant dans le lobule lingual, le lobule fusiforme, le cunéus et 
la pointe du lobe occipital ainsi que dans le bourrelet du corps calleux. Atrophie 
très prononcée des radiations optiques. Hémisphère droit intact. 


C..., âgé de soixante-huit ans, a toujours joui d'une excellente santé. Il n’a 
jamais fait de maladies sérieuses, n’est pas alcoolique et n’a pas eu la syphilis. 


_ 4) E. Landolt. De la cécité verbale. Travail publié dans l'ouvrage dédié à 
Donders à l’occasion de son jubilé. Utrecht, 27 mai 1888. Ce travail comprend 
trois observations cliniques de cécité verbale. L'observation: I (p. 3) est celle 
du malade qui fait l’objet du présent travail. 


rat 


DIFFÉRENTES VARIÉTÉS DE CÉCITÉ VERBALE 65 


C’est un homme d’une intelligence plus qu’ordinaire. Ayant été assez long- 
temps négociant en tissus, il a acquis une petite fortune, lui permettant depuis 
plusieurs années de vivre de ses rentes. IL est marié et n’a pas eu d'enfants. 
Le ménage C... est très uni; sa femme, plus jeune que son mari de quelques 
années, est également très cultivée ; elle est, en particulier, très forte musicienne 
et a inculqué ce goût à son mari depuis longtemps. C... en effet, faisait beaucoup 
de musique avec sa femme, déchiffrait facilement-les partitions difficiles, et 
chantait soit seul, soit avec elle. CG... se tenait également au courant de la 
littérature et lisait beaucoup. Il est facile, du reste, en causant avec lui, de se 
rendre compte de son intelligence et de son instruction. 

Son père est mort à quatre-vingt-deux ans, sa mère à soixante-treize d’un 
ramollissement cérébral : elle avait été hémiplégique pendant les dix dernières 
années de sa vie, et était tombée en enfance. 

C... n’a jamais été malade, sauf quelques indigestions, s’accompagnant de 
vertige et de perte de connaissance et survenant surtout à l’occasion de l'inges- 
tion d'aliments toujours les mêmes. Sa vue a toujours été excellente. Pendant 
qu'il s’occupait du négoce des tissus, il était astreint à un travail très fatigant 
pour les yeux. Il inventait les dessins des tissus, les reportait sur du papier 
quadrillé au millimètre, comptait les fils des étoffes, etc. Il n’est pas sujet aux 
migraines et n’a présenté aucun trouble cérébral avant la fin d'octobre 1887. 

Me C....raconte que le 19 octobre 1887, son mari éprouva subitement et 
sans aucune perte de connaissance de fréquents engourdissements de la 
jambe droite, ne durant que quelques minutes. Ces petites allaques se sont 
renouvelées fréquemment les jours suivants, et se sont accompagnées d’une 
sensation d’engourdissement et d’un certain degré de faiblesse du bras et de 
la jambe du côté droit, ainsi que de très légers troubles de la parole. Tous ces 
troubles n’empêchaient cependant pas le malade de marcher, ni même de 
faire d'assez longues courses. Le 23 octobre, en particulier, malgré une dizaine 
d'attaques d’engourdissement, le malade s’est promené à pied et se rappelle 
parfaitement avoir pu lire les enseignes des magasins et les affiches dans les 
rues, Au dire de Me C... (car le malade n’a aucun souvenir des troubles 
précités), la faiblesse de la jambe et du bras droit auraient augmenté le 
lendemain et le surlendemain, le malade s’aperçut brusquement qu’il ne pou- 
vait plus lire un seul mot, fout en écrivant et en parlant très bien et en distinguant 
aussi nettement qu'auparavant les objets et les personnes qui l’entouraient. Per- 
suadé qu'il n'était atteint tire de troubles de la vision qui céderaient à l'emploi 
de lunettes appropriées, il s’en alla consulter le D' Landolt quinse jours après 
l'apparition de ces symptômes. 


J'emprunte à l'observation de mon ami Landolt les détails suivants : 


« Mis en présence de l'échelle de Snellen, il ne peut nommer aucune des 
lettres du tableau; cependant, il affirme les voir parfaitement. Instinctivement 
il esquisse du geste leur forme sans arriver à dire leur nom. Le priant de 
recopier sur du papier ce qu'il voit, il y parvient, mais non sans peine, en 
recopiant les lettres trait après trait, comme s'il s'agissait d'un dessin techni- 
que, examinant chaque jambage pour s'assurer de l'exactitude du dessin. 
Malgré tous ces efforts, il est incapable de nommer les lettres. Il compare l’A 


66 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


à un chevalet, le Z à un serpent, le P à une boucle. Cette incapacité de 
s'exprimer l’effraye; il croit « avoir perdu la tête », car il se rend bien compte 
que les signes dont les noms lui échappent sont des lettres. En effet, si on 
lui montre des chiffres, il les distingue, après hésitation, des lettres. D'ailleurs, 
la signification de la copie qu'il vient d'exécuter lui échappe; les lettres qu'il a 
tracées présentent des irrégularités très significatives à cet égard. Le Z est 
recopié comme un 7 ou un 1 ; les jambages des lettres sont mal indiqués ou 
mal placés. ur ) 

L’acuité visuelle est bonne et atteint 8/10 après correction d’une hypermé- 
tropie de 1,5 D. La mémoire générale semble excellente, et bien que le malade 
ait peur de ne pouvoir exprimer sa pensée, il parle couramment sans faute, 
entend et comprend aisément tout ce qu'on lui dit. 

Si on lui montre des objets, il les nomme sans difficulté; il indique par 
leurs noms toutes les parties des instruments contenus dans un album de 
technique industrielle. Cet examen ne met pas une seule fois sa mémoire en 
défaut; les dessins éveillent aussitôt le mot propre et l’idée de l'usage des 
objets. 

En lui donvant le journal ze Marin qu'illit souvent, le malade dit : « C’est le 
Matin, je le reconnais à sa forme. » Mais il ne peut lire aucune des lettres du 
titre. Si on lui donne le journal « l’INTRANSIGEANT » à lire, journal dont il ne 
connaît pas le format, M. C.., au bout de cinq minutes d'efforts, dit. : « C’est 
« l'International ou l’Estafette. » Après une lecon d'épellation d'un quart 
d'heure, il arrive enfin à lire ce titre, mais pour se rappeler les lettres, il est obligé 
de dessiner leur forme du geste en quittant des yeux le journal... Tandis que la 
lecture est impossible, le malade copie son nom correctement; il écrit sous 
dictée, tout ce qu’on veut sans faute et couramment. Mais vient-on à l’inter- 
rompre dans une phrase qu'il écrit sous dictée, il s'embrouille et ne sait plus 
où reprendre ses lettres; de même, s’il fait une faute, il ne peut la retrouver. 
Autrefois il écrivait plus vite et mieux, maintenant les carâctères sont plus gros, 
tracés avec une certaine hésitation, car, dit-il, «àl n’a plus le contrôle des yeux ». 
En effet, loin de le guider, la vue de ce qu’il écrit semble plutôt le troubler, 
si bien qu’il préfère écrire les yeux fermés, attendu, dit-il, « qu’en regardant ce 
qu’il écril, d s'embrouille ». Lorsqu'au début de sa maladie, il avait essayé 
d'écrire, les lettres se recouvraient et étaient quelquefois les unes sur les 
autres. Ainsi, il avait écrit Oscar, son prénom, en plaçant le e sur ls. 

Actuellement, il écrit de mémoire ce qu’il veut, mais, que ce soit de songré 

ou sous dictée, il ne peut jamais se relire; même les lettres isolées sont 
mortes pour lui; il ne peut les reconnaître qu'après un bon moment d’hési- 
tation et toujours en s'aidant du geste qui dessine les contours de la lettre. C’est 
donc le sens musculaire qui réveille le nom de la lettre; et la preuve, c’est 
qu’on peut lui faire dire un mot les yeux fermés en conduisant sa main dans 
l'air pour lui faire exécuter les contours des lettres. 
- Dans les opérations d’ arithmétique, il parvient à faire une addition très 
simple, car il reconnait assez facilement les chiffres; cependant, il procède 
avec une lenteur extrême. Les nombres sont mal lus car, il ne peut reconnaître. 
la valeur de plusieurs chiffres en même temps; à la vue du nombre 412, il 
déclare, « c’est un 1, un 4, et un 2 », mais ce n’est qu’en écrivant qu'il arrive: 
à dire cent douze, 


DIFFÉRENTES VARIÉTÉS DE :CÉCITÉ VERBALE 67 


- Pour lire et regarder des objets fins, le malade met toujours les objets un: 
peu à gauche du point de fixation. L'étude du champ visuel révèle une hémio-: 
pie droite. Cette hémiopie n’est pas absolue, la sensation visuelle de la moitié: 
gauche des deux rétines n'étant pas complètement abolie, mais seulement 
diminuée. Placés dans la moitié droite des champs visuels, les objets y sem- 
blent plus obscurs, moins nets que dans l’autre moitié ; ajoutons d’ailleurs 
que les limites extrèmes des champs visuels sont normales. 

Les couleurs sont parfaitement reconnues à l'examen des laines colorées. 
Dans la vision directe, le malade jouit d’un sens chromatique excellent (il était 
dessinateur et coloriste en tissus) et semble n'avoir rien perdu de sa percep- 
tion chromatique affinée par les exigences de sa profession. Il n’en est pas de 
même pour la vision indirecte; tandis qu'il n’existe aucune limitation pour le 
champ visuel du blanc, qui est seulement vu gris dans les moitiés droites des 
champs visuels, il y à hémiachromatopsie droite absolue. Aucune couleur n’est 
percue dès que l’objet coloré a dépassé la ligne verticale passant par le centre 
du champ visuel. Les couleurs les plus vives ne produisent que l'impression 
du gris. Cependant, les objets sont reconnus dans leurs formes et leurs dimen- 
sions. Une boîte carrée et une coupe promenées le long dela moitié droite de 
l'arc périmétrique sont indiquées la première comme rectangulaire, la se-. 
conde comme creuse ou bombée. Les objets colorés fixés au niveau du 0 degré 
semblent n'être colorés que dans leur moitié gauche, même si l'on vient à 
éclairer avec plus d'intensité leur moitié droite. » 


Je vis le malade à Bicêtre le 15 novembre 1887. 


Il présentait comme seul et unique symptôme une cécité verbale des mieux 
caractérisée, avec hémianopsie et hémiachromatopsie droites. Les légers troubles 
moteurs des membres du côté droit ont complètement disparu. Il n'existe pas 
trace d’hémiplégie, le malade est droitier et serre aussi bien de la maïn droite 
que de la gauche, se tient aussi bien sur une jambe que sur l'autre. Il fait: 
avec plaisir et sans aucune fatigue de longues courses. Pas trace d’hémiplégie 
faciale, pas trace de troubles dela sensibilité, soit générale, soit spéciale (la 
vue excepté). Intégrité complète du sens musculaire et de la notion de posi- 
tion des membres. Le malade reconnaît tous les objets qu’on lui met dans la 
main et apprécie des différences de poids mêmes légères. 

Le malade rend très bien compte des symplômes qu'il présente, il s’ex- 
plique très facilement et très clairement, sans aucune hésitation, sans aucune 
difficulté, sa conversation est celle d’un homme intelligent et cultivé. Son. 
langage est très correct, très choisi même; il- emploie toujours les termes 
appropriés et ne présente aucune trace de paraphasie. Il reconnait tous les 
objets qu'on lui présente, les dénomme facilement et sans la moindre hésita- 
tion. On ne constate chez lui aucune trace de cécité psychique, ni d’aphasie 
optique. On ne constate non plus aucune trace de surdité verbale. Le ma- 
lade comprend parfaitement tout ce qu’on lui dit. Malgré son âge, il a l'oreille : 
très fine, + | 

L'écriture spontanée et sous dictée est parfaitement conservée. On note 
seulement en comparant les spécimens d'écriture, après et avant le début de sa 
maladie, que les lettres sont actuellement plus grandes, un peu plus espacées. 


68 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Spontanément, le malade écrit aussi bien qu’il parle. En comparant de nom- 
breux spécimens d'écriture que je lui fais tracer, on ne note aucune erreur, 
aucune faute d'orthographe, aucune transposition de lettres, encore moins 


er r= rer ea /7— Plrgnaphe 2277 a SC k 
en LP LR tonnes di fre: JT 
A 2e Fe) : DATA EN Ed ne Ë 
papes 4e ei, LATE REC 


SPÉCIMEN 1. — Écriture spontanée antérieure au début de la cécité verbale (1886). 


de la paragraphie littérale ou verbale. Le malade écrit facilement, il note 
rapidement le nom des objets qu’on lui présente. Il éprouve cependant quelque 


SPÉCIMEN 2. — Écriture spontanée (17 novémbre 1881). 


DT peer 2 


Cf 


SPÉCIMEN 3. — Écriture spontanée (10 décembre 1881). 


j 
rat 


DIFFÉRENTES VARIÉTÉS DE CÉCITÉ VERBALE 69 


=. Lg AE pe DRE  — 


——. 


pots à do ele © due 


m'a 

À Pay, ; ns 

par / Pen aff QG. Cocl] Hnrbil. 
SPÉCIMEN #. — Écriture spontanée (janvier 1888). 


difficulté à se servir de la plume, il écrit de préférence au crayon. 
Il indique la marque de la maison, c’est-à-dire la valeur numérique donnée 
à certaines lettres pour cacher aux clients le prix des objets en vente, me 


SPÉCIMEN 5. — Écriture spontanée. Marque de la maison de commerce du malade 
(novembre 1881). 


l'écrit, place sous chaque lettre le chiffre correspondant, mais il est incapable 
de lire sans arlifice les lettres isolées qui en font-partie. 

L'écriture sous dictée s'exécute également facilement et couramment, mais 
la lecture de ce que le malade vient d'écrire est absolument impossible. Il 
s’agit ici en effet d’un cas de cécité verbale absolument pure. Le malade ne 
reconnait pas une leltre, pas un mot, sauf son nom toutefois. Il s'impatiente 
de ces phénomènes, écrit les lettres les unes après les autres, et dit: « Je sais 
cependant écrire des lettres, les voici; pourquoi ne puis-je les lire ? » 5 

La cécité verbale est tout aussi prononcée pour les lettres imprimées que 


70 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


5" 


pour les lettres manuscrites. Il est incapable de reconnaître une seule lettre, 
un seul mot imprimés. Il reconnait le journal le Matin à sa forme générale 


SPÉCIMEN 7. — Écriture sous dictée (10 décembre 1887). 


— c'est, en effet, son journal habituel — mais il ne peut en reconnaître aucun 
autre. 


DIFFÉRENTES VARIÉTÉS DE CÉCITÉ VERBALE 71 


En s’aidant d'un artifice, il arrive cependant à pouvoir lire des lettres, voire 
même des mots. JI dessine .du geste les contours des lettres et arrive ainsi, 
comme l'avait déjà constaté le Dr Landolt, à reconnaître la lettre. De même, il 
reconnaît la plupart des lettres lorsqu'on conduit son index en l'air pour lui 
en faire exécuter les contours, à condition toutefois qu’on lui fasse tracer en 
l'air des lettres de grand diamètre. On arrive au même résultat si au lieu de 
conduire son index droit, on conduit en l’air son index gauche ou |’ Exinerte 
de son pied. 

S'il écrit facilement et couramment, soit punk aime soit sous dictée, il 
éprouve la plus grande difficulté à copier ; il n’y arrive qu’en ayant incesam- 
ment le modèle sous les yeux, en comparant la lettre qu’il copie, après chaque 


de ne #e Pis 


SPÉCIMEN 8. — Écriture d'après copie de manuscrit (22 novembre 1887). 


Due Dore on W0 


th wine Ut mne 


7 und dchsene 


SPÉCIMEN 9, — Écriture d’après copie de manuscrit (22 novembre 1881). 


12 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


—— 


trait, chaque jambage. Si on l'arrête, ou si on enlève le modèle il ne sait 
reprendre ni la lettre, ni la phrase commencée. Il copie, en effet, mécani- 
quement et comme il copierait un dessin quelconque. Ce fait est très net et 
plus frappant encore, lorsqu'on lui fait copier consécutivemenit de l'écriture 
cursive et de Moprine En effet, dans l’un et l’autre cas, la forme des lettres 
est changée. Dans le premier cas, copie d'écriture cursive — ses lettres sont 
mal faites, mais leur forme générale est celle des lettres qu'il forme en écri- 
vant spontanément ou sous dictée. Dans le deuxième cas, au contraire, — 
copie d'imprimé, — la forme des lettres est toute différente et se rapproche de 
celle de l’imprimé ainsi que le montrent less, les j les c, du spécimen ci-contre. 


Pr. —. Ve prioe 
2e, | 


SPÉCIMEN 10. — Écriture d'après copie d'imprimé (journal) (22 novembre 1881). Les 
lettres s et, comparées aux mêmes lettres de son écriture spontanée, sous dictée ou 
de l'écriture, d’après copie de manuscrits, sont caractéristiques : ce sont des lettres 
d'imprimés, et non des lettres de manuscrit. 


Par contre, le malade reconnaît très bien tous les chiffres et fait très faci- 
lement et très exactement des opérations d’arithmétique de plusieurs chiffres, 
— additions, soustractions, multiplications, divisions, — ainsi que le mon- 
trent les exemples ci-joint faits à Bicêtre dans le courant de novembre. 

Lorsqu'on cherche à étudier l’état du langage intérieur chez C..., ce qui est 
facile étant donné qu'il est très intelligent, voici ce que l'on constate : lorsque 


x 


C... pense à quelque chose, il entend les mots résonner à son oreille, il 


SPÉCIMEN 11. — Addition. Les chiffrés de la somme de l'addition sont seuls du malade, 
ainsi que le 5 de droite de la première rangée, qu ‘il corrigea, ne le trouvant pas 
assez net. - 


DIFFÉRENTES VARIÉTÉS DE CÉCITÉ VERBALE 13 


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SPÉCIMEN 12. — Addition à gauche. Division à droite. Multiplication au-dessous. Le 
produit de la multiplication a été divisé en deux parties par une raie verticale. 
La partie droite a été prise comme première rangée de chiffre pour une addition; 
les chiffres de la seconde rangée de cette dernière ont été un peu serrés, de te Ë 
sorte que les chiffres à additionner ne sont pas superposés; le total de l'addition 
n’en est pas moins exact. 

Devant la partie gauche du produit de la multiplication, le malade a placé un 4 et 
a soustrait du nombre ainsi obtenu 51841. Tous les chiffres sont du malade. 


cause avec lui-même et, lorsqu'il concentre son attention sur un mot, ille voit 
mentalement après l’avoir entendu. Lorsqu'il veut l'écrire spontanément, il 
l'entend, puis le voit. Lorsqu'on lui demande comment s'écrit un mot prononcé 
à haute voix, il dit: « Je vois bien écrit dans mon cerveau le mot que je viens 
d'entendre et je vais vous l'écrire de suite ! » Il l'écrit, en effet, très facilement, 
Si au même moment on lui dit derelire le mot, il répond : «Je me rappelle ce 
que je viens d'écrire et je vais vous dire le mot, mais je le réciterai de mémoire 
car je ne le lis pas ». Il répète, en effet, le mot écrit, mais ce qui montre bien 
qu'il ne le lit pas, c'est que, si on attire son attention sur un autre sujet, et 
qu'ensuite on lui remontre le mot qu'il a écrit quelques instants RATER 
il est incapable de le lire. 9 


714 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Cette cécité verbale, si nette pour les lettres, s'accompagne d’une cécité musi- 
cale tout à fait analogue. J'ai dit plus haut qu'autrefois Le malade déchiffrait faci- 
lement la musique et chantait. Aujourd’hui, il lui est impossible de déchiffrer 
quoi que ce soit, il ne reconnaît pas plus les notes que les lettres ; il peut 
cependant écrire sur ma demande une clef de sol ou de fa, des notes de valeurs 
différentes, etc. Il a conservé intacte la faculté de chanter; au dire de sa femme, 
il chante aussi bien aujourd’hui qu'avant d’être atteint de cécité verbale. A 
ma demande, en effet, C... chante très correctement différents morceaux 
d'opéra. 

Je constate, en outre, à Bicêtre les mêmes troubles du côté de l'œil constatés 
par le D' Landolt à savoir une hémiopie homonyme latérale droite qui n’est 
pas absolue et une hémiachromatopsie droite, 


JIILATÉRAL 


ŒIL GAUCHE ŒIL DROIT 


fmo Hide Borniol.I2.P® S' Sulpree Paris 


Fi. 1. — Champ visuel pris au périmètre. Hémianopsie homonyme latérale droite. 
L’hémiachromatopsie présente la même topographie que l'hémianopsie (22 no- 
vembre 1887). 


Je revis le malade à Bicètre deux fois par semaine, à partir du 17 no- 
vembre jusqu’à la fin de janvier de l’année suivante (1888). À partir de 
cette époque, je le vis régulièrement tous les mois ou toutes les six 
semaines pendant l’année 1888, puis tous les deux ou trois mois en 1889, 
1890, 1891, soit à Bicêtre, soit chez moi. 

Les symptômes étaient toujours les mêmes, et, pour ne pas m'exposer 
à des redites, je les résumerai de la manière suivante : 


C... passe ses journées à faire de longues promenades avec sa femme. Il 
marche facilement et fait tous les jours à pied la course du boulevard Mont- 
martre à l'Arc de Triomphe et retour. Il s'intéresse à ce qui se passe 
autour de lui, s'arrête devant les magasins, les tableaux, etc.; seules les 
affiches, les enseignes des magasins restent lettres mortes pour lui. Ce fait 
l’exaspère souvent et quoique son affection ait duré quatre ans, il n’a jamais 
pu se faire à cette idée qu'il ne püt lire, tout en ayant conservé la faculté 
d'écrire. Après la promenade, M. et Mme C... font de la musique jusqu’au 


diner, ou M®° C..…. fait la lecture à son mari. Lectures souvent sérieuses, 


DIFFÉRENTES VARIÉTÉS DE CÉCITÉ VERBALE 75 


biographies des musiciens, romans ou journaux. M. C..…., s'intéresse à tout, 
discute souvent les caractères des personnages, et prend, en général, soit avec 
sa femme, soit lorsqu'il est avec quelques amis, une part très active à la con- 
versation. Le soir, il fait encore de la musique, puis une partie de cartes. Il 
joue parfaitement, calcule très bien, prépare des coups à longue échéance et 
gagne la plupart du temps. 

De temps en temps, il a des périodes d’agitation. Il ne peut rester en place, 
s’agite, sort, se promène, cause beaucoup, se fâche, s’impatiente de sa 
maladie, dit qu'il est de trop sur la terre, etc., etc. À deux reprises, dans un 
accès d’excitation et d’égarement, il a dit à sa femme (qu'il aime beaucoup) 
qu’il l'étranglerait, la tuerait et se tuerait après. Un jour, il entend dire devant 
lui que le moyen le plus sûr d’en finir avec la vie était de se jeter du haut de 
la colonne de la place Vendôme, que jamais on n’en a vu revenir. Cette idée 
s’ancre dans son cerveau; il en parle pendant ses périodes d’excitation; les 
mentionne dans ses promenades journalières en passant par la place Ven- 
dôme. Un jour même, étant sorti seul, il va à la place Vendôme, s'adresse au 
gardien et lui demande l'autorisation de visiter l’intérieur de la colonne. Le 
gardien la lui refuse en disant que la visite de la colonne n’est plus autorisée 
depuis que dans une même semaine deux individus se sont suicidés en se 
jetant du sommet. : 

Après ces accès d’agilation, l'écriture spontanée est plus irrégulière, les 
lettres sont superposées et moins bien formées; les mots ne se trouvent plus 
sur une ligne régulière, et on reconnaît une incertitude manifeste pour 
reprendre un mot commencé, ainsi que le montre le spécimen suivant écrit 
le 20 décembre 1890, et qui représente le brouillon d’une lettre écrite par le 
malade, et qu'il demandait à sa femme de copier en son nom et d'envoyer à 
une dame avec laquelle il venait d’avoir des froissements à propos d’une 
bagatelle. 


SPÉGIMEN 13. — Écriture spontanée après un accès d’agitation (20 décembre 1890). 
Le malade a voulu écrire : 


- Oscar a besoin de beaucoup de calme, comme il ne veut plus faire votre partie, 


716 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


que vous aimez beaucoup le changement, que votre présence ne peut le ONE SE il 
juge qu'il vaut mieux que nous restions chacun chez nous. 


Le sens de l'orientation est parfaitement conservé. Non seulement le 
malade se retrouve dans tous les lieux et maisons qu'il a connus avant 
octobre 1887, mais il peul acquérir de nouvelles notions. Il va voir des amis 
qui ont déménagé, s'oriente dans des quartiers nouveaux ou peu connus par 
lui, etc. Malgré de patients exercices, et beaucoup d'efforts, il n’a jamais pu 
réapprendre la signification des lettres et des mots, pas plus qu'il n’a jamais 
pu réapprendre la signification des notes musicales. 

Cependant, il a pu acquérir de nouvelles notions de musique; ainsi, il a 
appris à chanter toute la partition d’Ascanio et celle de Sigurd, parues posté- 
rieurement à l'apparition de la cécité verbale; sa femme les lui jouait, les 
chantait avec lui et lui en disait les paroles. Après un peu d'exercice, il a pu 
chanter la partition entière d’Ascanio sans que sa femme ait eu souvent 
besoin de lui souffler un seul mot. Il a une notion parfaite du rythme 
musical. 

Son intelligence est parfaite et est restée telle jusqu’à la fin. Il s’occupe de 
ses interêts, donne des conseils à sa femme et à ses amis sur les placements 
d'argent, etc., conseils fort judicieux souvent. Ainsi, il a placé son argent en 
rentes viagères; un de ses amis veut en faire autant. En 1891, C... s’en va 
voir le directeur d’une agence pour son ami, discute le placement et les 
détails du placement si bien, et d’une manière si entendue, que le directeur le 
prenant pour un agent, lui offre une commission de 700 francs. 

Les choses en restèrent là jusqu'à la fin de l’année 1891. Pendant 1891, 
M. C... écrivait peut-être moins volontiers et se reposait sur sa femme pour 
toute correspondance qui était affaire. 

Le 5 janvier 1892, au soir, pendant une partie de cartes, M. C... ‘se plaint 
de fourmillements et d’engourdissement dans la jambe et le bras droits, de 
verliges, d'éblouissements et de difficultés dans l’articulation des mots, il 
bredouille, et se sent faible de toute la moitié droite du corps. Il fléchit en 
essayant de marcher, mais ne perd nullement connaissance, sa femme le 
couche et il s'endort sans avoir présenté d’autres phénomènes. Le lendemain 
au réveil, les troubles de la parole sont plus accentués, le malade prononce un 
mot à la place d’un autre ou des mois incompréhensibles (paraphasie). La 
faiblesse des muscles a disparu, il serre aussi bien à droite qu'à gauche, peut 
se lever seul sur son séant; l'après-midi, il se lève même, et marche dans l’ap- 
partement sans difficulté apparente. Il présente une mimique extrêmement 
expressive, se fait comprendre par des gestes ou en répondant aux questions 
de sa femme par des signes d’affirmation ou de négation. Sa femme lui pré- 
sente du papier et un crayon, mais il s'aperçoit avec effroi qu'il ne peut plus 
écrire, il ne trace sur le papier que des jambages ou des traits tout à fait 
néon ainsi que le montre l’exemple ci-joint. 

Son intelligence est parfaitement conservée, il comprend toutes se questions 
qu’on lui pose, s'intéresse encore à tout ce qui se passe autour de lui. Sa 
mimique est extrêmement expressive, sa pantomime très saisissante. Il hausse 
les épaules et donne des signes de désapprobation, en entendant causer son 
médecin qui s'exprime un peu trop librement peut-être, sur le compte du 


DIFFÉRENTES VARIÉTÉS DE CÉCITÉ VERBALE T1 


malade, parle de tumeur cérébrale, etc. Pour montrer combien l'intelligence 

était conservée et la mémoire peu altérée, je ne citerai que les deux exemples 

suivants : 
M. C... avait l'habitude de recevoir tous les samedis à déjeuner sa nièce. 


7e 


Ÿ 

SPÉCIMEN 14. — Agraphie totale. Essai d'écriture les derniers jours de la vie (8 jan- 
vier 1892). On ne reconnaît dans cette tentative d'écriture aucune lettre. Le 
_malade avait connaissance du peu de résultat de ses tentatives d'écriture et 
s’impatientait, ainsi que le montrent les traits vigoureusement tracés qui soulignent 
la première tentative d'écriture. 


Voici le moyen dont il s’est servi pour indiquer à sa femme qu'il ne voulait 
pas la voir. Le jeudi 7 janvier, il montra des signes d’agitation, sa femme lui 
posa différentes questions sans arriver à découvrir ce qui préoccupait le 
malade. Finalement il se lève, va dans la salle à manger et met aux places 
habituelles, son couvert, celui de sa femme et celui de sa nièce. Sa femme com- 
prend : « C’est de ta nièce dont tu veux perler? — Signe d'approbation. — «Il 
faut lui écrire. » — Vifs signes d’assentiment. — « Lui dire que tu es malade. » 
— Signes énergiques de dénégation. « Lui écrire de ne pas venir samedi? » 
Vifs signes d’assentiments et de satisfaction de la part du malade. La même 
pantomime se reproduit à huit jours de distance, l’avant-veille de sa mort. 

_ Le 3 janvier, l’avant-veille de son attaque, Me C.…., avait envoyé à des 
parents habitant les environs de Grenoble deux reçus de cotisalion à une 
société musicale de secours mutuels, elle y avait joint sans en rien dire à son 
mari une petite somme en bon de poste. La réponse à cette lettre se fait un 
peu attendre et n'arrive que le 10 janvier. M" C... lit la lettre à son mari, 
mais omet intentionnellement de lire le passage par lequelses parents la remer- 
cient des deux recus de cotisations et de la petite somme d'argent. Après avoir 
entendu la lecture de la lettre, une longue lettre de quatre pages, M.C... dessine 
avec les doigts un petit carré de papier et fait le geste de le mettre dans l’en- 
veloppe, IL répète cette mimique à différentes reprises. M® C... comprend 


9. 


18 .- MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


qu'il veut parler des reçus dont il indique très exactement la grandeur, et lui 
annonce que les parents ont reçu les envois d'argent et l’en remercient. Il avait 
donc pensé spontanément à ces faits se rapportant à une époque antérieure à 
sa dernière attaque . & 

Pendant les dix jours qu'il a survécu à son aftaque, sa femme lui faisait 
fréquemment de la musique. Depuis son attaque, M. C... était incapable et 
chanter, comme il était incapable de parler, mais il faisait comprendre à sa 
femme, les morceaux qu'il désirait entendre, en tambourinant très exactement 
avec les doigts le rythme des morceaux demandés. La veille de sa mort, il 
tambourine le rythme d'une marche; Mme C..… passe en revue toutes les 
marches qu’elle avait l'habitude de jouer, mais ne réussit pas à satisfaire Le 
malade ni à trouver la marche demandée dont le rythme lui semblait familier. 
Ce n’est que dernièrement, en entendant chantonner la marche de l'Arlésienne 
à sa nièce, que le rythme lui rappelle celui de la marche demandée par son 
mari la veille de sa mort. 

lne semble pas avoir existé d’aphasie optique, ni de cécité psychique pen- 
dant cette dernière période de la maladie. Cependant, un matin quelques jours 
après l'attaque, M. C..., se leva comme d'habitude pour rentrer la boîte au lait, 
mais se perdit dans son appartement composé de trois pièces. Il ne peut trou- 
ver la porte de la pièce du milieu. Ge symptôme, tout à fait passager, semble 
bien indiquer qu'il a existé momentanément de la cécité psychique. 

Jusqu’à la fin, l'ouïe et la compréhension du langage parlé furent parfaites. 
Il entendait le moindre bruit insolite se passant dans l'appartement, com- 
prenait tout ce que l’on disait même si sa femme baïssait la voix, il entendait 
la pendule sonner et indiquait avec ses doigts le nombre d'heures sonnées. 
© Dans la nuit du 13 au 16 janvier il tombe dans le coma et succombe le 
samedi 46 janvier à dix heures du matin. 

Autopsie accordée par la famille et pratiquéele 17 janvier 1892, vingt-quatre 
heures après la mort. Le cerveau seul a été examiné. 

Cerveau. — Toutes Les artères de la base, tronc basilaire, carotide interne, 
sylvienne et cérébrale antérieure sont fortement athéromateuses et jaunes, 
incrustées par place de dépôts calcaires. 

Hémisphère gauche. — Les lésions que l’on constate sur l'hémisphère gauche 
sont de deux ordres : les unes, récentes ; d’autres, anciennes. La lésion récente 
consiste en un foyer de ramollissement rouge par places, blanc sur d'autres, 
occupant la partie postérieure et inférieure du lobule pariétal inférieur, le pli 
courbe, et l'union des deuxième et troisième circonvolutions temporales avec 
la première circonvolution occipilale. Cette plaque de ramollissement est 
limitée, en haut, par le sillon interpariétal dont le fond et les parois sont in- 
facts: en bas, par une ligne réunissant la scissure de Sylvius au sillon inter- 
occipital. La partie superficielle comme le fond de la scissure de Sylvius sont 
absolument intacts ; il existe de même une intégrité parfaite de l'insula, des 
circonvolutions pariétale et frontale ascendantes, première, deuxième et troi- 
sième frontales, et première temporale. 

Ces deux dernières circonvolutions, en particulier, aussi bien sur leur face 
profonde que sur leur face superficielle, ainsi que le pied, le cap et la région 
orbitaire de la troisième circonvolution frontale sont absolument normales. Il 
en est de même des deuxième et troisième circonvolutions temporales et du 


DIFFÉRENTES VARIÉTÉS DE CÉCITÉ VERBALE 19 


sillon parallèle, lesquels ne se trouvent lésés qu’à leur partie tout à fait pos- 
térieure. Pas de corps granuleux dans la circonvolution de Broca ni dans la 
deuxième frontale. 

Ce foyer de ramollissement récent intéresse la substance grise et la sub- 
stance blanche sous-jacente, s’étend en profondeur jusqu’à l'épendyme ven- 


Fic. 2. — Hémisphère gauche, Face externe. Les hachures du lobe occipital repré- 
sentent la plaque jaune ancienne; le pointillé du pli courbe et du lobuleïpariétal 


inférieur la lésion récente. 


Fic. 3. — Hémisphère gauche. Face interne. Plaque jaune ancienne de la base du 
cuneus, de la partie postérieure du lobe lingual (TO?) et du lobe fusiforme (TO!), 
ainsi que du sillon temporo-occipital interne, Lésion du bourrelet du corps calleux. 


triculaire et sectionne les radiations optiques de Gratiolet, comme le montre 
la coupe de Flechsig. 


80 : MÉMOIRES DE LA SOCIËIÉ DE BIOLOGIE 


- Dans ce foyer de ramollissement récent, le degré de la lésion est le même 
dans toute l'étendue, l’adhérence aux méninges est faible et telle qu’on la 
trouve dans les foyers de ramollissement récents; nulle part on ne constate les 
adhérences très tenaces, les épaississements des méninges, la vascularisation 
plus abondante ou l’état jaunâtre, si fréquent, des plaques anciennes. Il n'existe 
pas davantage de ratatinement ou d'atrophie des circonvolutions malades qui 
ont conservé leur forme et leur volume normaux. 

Les lésions anciennes sont les suivantes : 4° A la face inféro-interne du cer- 
veau, l'extrémité postérieure du lobule lingual est affaissée entre la scissure 
calcarine et le sillon temporo-occipital interne. Les circonvolutions sont 
étroites, atrophiées à ce niveau, mais ne présentent pas de plaques jaunes 
superficielles. Il existe, par contre, dans la moitié postérieure du fond du 
sillon temporo-occipital interne, une plaque atrophique ancienne d’un jaune 
ocreux de 5 centimètres et demi de longueur mesurant dans sa plus grande 
largeur un centimètre et demi ; cette plaque s’effile, en arrière, au niveau de 
l'extrémité du lobe occipital; en avant, elle ne dépasse pas une ligne verticale 
passant par l'union des scissures calcarine et perpendiculaire interne (fig. 3). 

2° Une seconde plaque jaune atrophique de 2 centimètres et demi de lon- 
gueur, qui, au-dessus du lobe lingual, fait suite à la plaque précédente, occupe 
l'extrémité postérieure de la scissure calcarine et intéresse la face supérieure 
du lobe lingual et la face inférieure du cuneus. 


FiG 4. — Face inférieure du cerveau. Plaque jaune ancienne de la partie postérieure 
des lobules lingual et fusiforme de l'hémisphère gauche. : 


DIFFÉRENTES VARIÉTÉS DE CÉCITÉ VERBALE 81 
C1 


3° Une troisième petite plaque jaune, de un centimètre de longueur sur 
5 millimètres de largeur, occupe le cunéus et plus particulièrement la face 
interne de la circonvolution qui borde à ce niveau la scissure interhémisphé- 
rique. À son niveau, la substance grise est atrophiée. Tout le sommet du cu- 
neus y compris le pli cunéo-limbique, est intact. 

4° Un quatrième foyer ancien de 1 centimètre de long sur 5 millimètres 
de large, existe à la pointe du lobe occipital et siège sur le gyrus descendant 
d'Ecker. Ce foyer s'étend à la face externe du lobe occipital et recoit l'extré- 
mité postérieure effilée des deux premières plaques. 

Corps calleux. — A la partie inférieure du bourrelet du corps calleux, on 
trouve un petit foyer jaune, de 1 centimètre de long sur 3 millimètres de 
large (fig. 3). 

La couche optique, le pulvinar, les corps genouillés, les tubercules quadri- 
jumeaux paraissent intacts à droite comme à gauche. 


Fia. 5. — Hémisphère gauche. Coupe de Flechsig. Plaque jaune ancienne (hachures) 
de la pointe du lobe occipital pénétrant à la facon d'un coin dans les masses 
blanches sous-jacentes et atteignant l’'épendyme ventriculaire. Ramollissement 
récent (pointillé) du pli courbe atteignant en profondeur l’épendyme ventriculaire. 


La coupe de Flechsig est faite un peu plus bas que d'habitude; elle passe 
un peu au-dessus de la commissure blanche antérieure, et intéresse la tête du 
noyau caudé au niveau de sa réunion avec le noyau lenticulaire. Le ramollis- 
sement ancien comprend toute la substance blanche du lobe occipital, et se 
présente sous l’aspect d’un foyer cicatriciel jaune ocreux, fortement pigmenté 
sur les bords, et dont le centre présente des taches blanchâtres et des trainées 
rouge-brique riches en cristaux d’hématoïdine, Ce foyer pénètre à la façon 
d’un coin dans la substance blanche, son sommet alteint l’'épendyme au 
niveau de la pointe de la corne occipitale, et se continue à ce niveau avec un 
faisceau gris dégénéré, mince et étroit correspondant aux radiations optiques 
de Gratiolet extrêmement atrophiées. 

En avant de ce foyer et provenant de la face externe, on voit le foyer récent, 
mou, diffluent, d'aspect rectangulaire qui comprend la substance grise du pli 
courbe, toule la substance blanche sous-jacente, et qui atteint en dedans 
l’épendyme ventriculaire en sectionnant les radiations optiques. La partie 
postérieure de la capsule interne apparaît grisâtre et amincie. La couche 
optique, les noyaux caudé et lenticulaires, la région de l’insula et de la troi- 
sième frontale sont absolument normaux. Sur la paroi inférieure du prolon- 


82 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


x 


gement occipital du ventricule latéral, on voit par transparence à travers 
l’'épendyme, le fond du foyer de ramollissement qui correspond au sillon 
temporo-occipital interne. 

Les circonvolutions du lobe occipital sont petites, dures, ratatinées, 
adhérentes à la pie-mère. Sur une coupe oblique faite au-dessous de la coupe 
de Flechsig, et intéressant le sillon temporo-occipital interne, la substance 
grise de la région occipitale interne fait défaut, de telle sorte que la substance 
blanche est à découvert, et n’est recouverte que par la mince lamelle fibreuse 
qui recouvre toute la plaque jaune. 

Hémisphère droit. — Intact à la surface et sur les coupes. 

Intégrité complète des pédoncules, de la protubérance, du cervelet et du 
bulbe rachidien. 


L'observation précédente constitue, au point de vue de l'étude de la 
cécité verbale, un document sur l’importance duquel il me paraît inutile 
d'insister et, le fait que j'ai pu suivre et observer ce malade pendant 
quatre années consécutives, vient encore contribuer à en augmenter l’in- 
térêt. L'’autopsie enfin — pratiquée pour la première fois dans cette 
variété de cécité verbale — vient donner à cette observation la valeur 
rigoureuse d’une expérience de physiologie. ; 

Pendant quatre ans, cet homme, très intelligent et très cultivé, fut 
incapable de lire un manuscrit, un imprimé, un nom de rue, une affiche, 
un journal. 1l écrivait des pages entières sans pouvoir se relire. La cécité 
verbale était chez lui totale — littérale et verbale — et s'accompagnait 


d'hémianopsie et d'hémiachromatopsie homonymes latérales droites. Cet 


homme était en outre atteint de cécité musicale, car, très bon musicien, 
il ne pouvait plus déchiffrer aucune note, et la cécité musicale demeura 
chez lui permanente comme la cécité verbale. 

Mais, chose intéressante, tout en ne pouvant déchiffrer une seule note 
musicale, il chantait néanmoins comme par le passé et put apprendre à 
chanter en enterdant sa femme les lui jouer sur le piano ou les lui chan- 
ter, les partitions entières de Sigurd et d’Ascanio, opéras dont les parti- 
tions parurent postérieurement à l'apparition de sa cécité verbale. 

Chez lui, l'écriture spontanée et sous dictée étaient parfaites et s'exécu- 
taient aussi facilement qu'autrefois : les lettres étaient seulement un peu 
plus grosses; phénomène commun du reste chez nous tous lorsque nous 
essayons d'écrire les yeux fermés. Par contre, l’acte de copier était 
défectueux, il ne copiait que lentement et péniblement, et à conaition 
d’avoir incessamment le modèle sous les yeux, car, dès qu’on retirait ce 
dernier, il s’arrêtait et n’achevait pas le mot commencé. Il copiait d’une 
manière absolument mécanique, comme il aurait copié un dessin quel- 
conque n'ayant pour lui aucune signification. La copie était pour luj 
pénible, il traçait mal et très lentement les caractères qu'il avait devant 
les yeux et, en comparant les spécimens de son écriture spontanée et sous 
dictée avec des spécimens d’écriture d’après copie, on ne pourrait croire 


ER 


LL ES Su nf RS CR OS TG TRE A RE PSE ECS Cu 


DIFFÉRENTES VARIÉTÉS DE CÉCITÉ VERBALE 83 


de prime abord, si l’on n'était prévenu, que ces spécimens d'écriture pro- 
viennent du même individu. Ce qui prouve bien encore qu’il copiait les 
lettres en les dessinant, c'est qu'il copiait l’imprimé différemment de 
l'écriture eursive, et en se rapprochant autant que possible de la forme 
des lettres imprimées. 

Cet homme, atteint de cécité verbale et musicale, avait conservé 
intacte la lecture des chiffres, et pouvail exécuter mentalement et par 
écrit des calculs tout aussi bien qu'auparavant. Jamais cet homme ne 
présenta le moindre symptôme de surdité verbale, et jamais — sauf 
pendant les dix jours qui précédèrent la mort — il ne présenta le moindre 
trouble de la parole. Très intelligent et très cultivé, au courant de la 
littérature et de la musique, gérant très bien ses affaires et même celles 
de ses proches, l'analyse clinique et psychologique était chez lui chose 
facile. Lorsqu'on cherchait à se renseigner sur l’état de son langage 
intérieur, il était facile d'obtenir des renseignements et de voir que ce 
dernier fonctionnait comme à l’état normal. Il pensait avec la parole 
parlée en entendant mentalement résonner les mots à son oreille et, 
lorsqu'il voulait écrire spontanément, il entendait le mot et le voyait 
ensuite. Chez lui, les images visuelles des lettres étaient intactes dans 
son langage intérieur, — l'intégrité de l'écriture spontanée et sous 
dictée le démontrent, — et on arrivait facilement à les réveiller encore 
par un autre procédé, en lui faisant tracer passivement en l'air des 
lettres avec son index droit ou gauche ou avec son pied droit. La lettre 
était alors reconnue et dénommée, à condition toutefois de tracer des 
lettres de grand diamètre ; mais cette opération d'esprit s’exécutait chez 
lui trop lentement pour qu’il pût réapprendre à lire de cette façon. 

Le 5 janvier 1892, ce malade fut pris brusquement, sans attaque, sans 
perte de connaissance et sans hémiplégie, de paraphasie très prononcée 
et d’agraphie totale. IL devint incapable d'écrire le moindre mot, la 
moindre lettre, et ne put aligner que des traits informes. Il mourut brus- 
quement, dix jours après, ayant conservé jusqu'à la fin toute son intelli- 
gence et la compréhension parfaite de la parole parlée. On ne constata 
pas chez lui, durant cette dernière période, la moindre trace de surdité 
verbale. | 

- En résumé, l’histoire clinique de ce malade se compose de deux stades. 
Pendant le premier stade, qui a duré quatre ans, le malade présenta le 
tableau clinique le plus pur que l’on puisse imaginer de la deuxième 
variété de cécité verbale, de la cécité verbale pure sans altération aucune 
de l'écriture spontanée ou sous dictée. Pendant le deuxième stade, qui n’a 
duré qu'une dizaine de jours, une agraphie complète avec paraphasie est 
venue compliquer la cécité verbale. Dans ce deuxième stade, le tableau 
clinique répondait donc à celui de la première variété de cécité verbale, 
cécité verbale avec altération marquée de l'écriture. | 

- À ces deux stades cliniques répondaient, ainsi que l’autopsie le montra, 


84 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


deux lésions anatomiques distinctes de l'hémisphère gauche : l’une, 
ancienne, occupait le lobe occipital et plus particulièrement les circon- 
volutions de la pointe occipitale, de la base du cunéus, ainsi que celles 
du lobule lingual et du lobule fusiforme. Les circonvolutions de cette 
région étaient petites, ralatinées, atrophiées, et jaunes. La lésion se con- 
tinuait dans la substance blanche sous-jacente, et pénétrait en forme de 
coin, dans la profondeur, atteignant l’épendyme ventriculaire de la corne 
occipitale et les radiations optiques qui étaient grises, atrophiées et dégé- 
nérées. Du côté de la corticalité, ce foyer avait détruit la substance grise 
des circonvolutions qui bordent la partie postérieure du sillon temporo- 
occipital interne. Cette lésion était donc située en pleine zone corticale 
visuelle. 

L'autre lésion, de date récente, occupait le pli courbe et le lobule pa- 
riétal inférieur, c'est-à-dire la région que nous sommes habitués à voir 
lésée dans le cas de cécité verbale avec troubles de l'écriture. Elle ex- 
plique parfaitement les symptômes observés pendant les derniers jours de 
la vie de ce malade. La lésion ancienne explique-t-elle de même les 
symptômes du premier stade de l'affection à savoir : la cécité verbale pure 
sans troubles de l’écriture, l’hémianopsie et l’hémiachromatopsie ? Avant 
de discuter cette question, je résumerai brièvement nos notions actuelles 
sur le trajet intracérébral des nerfs optiques et sur les régions corticales 
qui entrent en fonction pendant l’acte de lire. 

Noussavons quelesnerfs optiques,arrivés au niveau du chiasma,s’yentre- 
croisent incomplètement et de telle sorte que la partie externe de chaque 
nerf optique, provenant de la partie temporale de la rétine, passe directe- 
ment dans la bandelette optique du même côté, tandis que la partie in- 
terne, provenant de la parlie nasale de la rétine, s’entre-croise et passe 
dans la bandelette du côté opposé. Chaque bandelette se rend donc à la 
moitié homonyme des deux rétines ou, en d’autres termes, la bandelette 
optique droite se rend à la moitié droite des deux rétines, la bandelette 
gauche à la moitié gauche des deux rétines. 

Chaque bandelette optique contourne les pédoncules cérébraux et se: 
divise au niveau de la partie postéro-inférieure de la couche optique, en: 
deux racines: l’une, petile, interne, qui se rend dans le corps genouillé. 
interne et de là dans le tubercule quadrijumeau postérieur ; l’autre, plus 
volumineuse, externe,qui se rend dans le corps genouillé externe, le tuber- 
cule quadrijumeau antérieur et la partie postérieure de la couche optique. 
Cette racine externe semble seule faire partie du nerf optique ; elle dégé- 
nère, en effet, seule avec le corps genouillé externe, le tubercule quadri- 
jumeau antérieur et la partie postérieure de la couche optique à la suite 
de toutes les lésions qui entraînent une atrophie du globe oculaire, ou à 
la suite de l'énucléation de l'œil pratiquée soit chez l’homme, soit sur de: 
jeunes animaux peu de temps après la naissance. 

La dégénérescence des deux nerfs optiques entraîne de même la dégé- 


DIFFÉRENTES VARIÉTÉS DE CÉCITÉ VERBALE 89 


——————————————_————— … —…— —…"—— ——…—.———_——— 


nérescence de la plus grande partie des bandeleltes optiques, celle des 
corps genouillés externes, des tubercules quadrijumeaux antérieurs et de 
la partie postérieure, des deux couches optiques. Mais les corps genouillés 
interne, les tubercules quadrijumeaux postérieures ne sont pas dégénérés, 
et l’on constate à la partie interne de chacune des bandelettes optiques, 
des fibres saines qui s’entre-croisent au niveau du chiasma dont ils occu- 
pent la partie postérieure, et qui forment entre les deux corps genouillés 
internes une commissure connue sous le nom de commissure inférieure ou 
commissure de Gudden. Ges fibres ne font pas partie du nerf optique, mais 
semblent, par l’intermédiaire du tubercule quadrijumeau postérieur, entrer 
en connexion avec le lobe temporal. (Monakow.) 

Les nerfs et les bandelettes optiques présentent doncune dégénérescence 
ascendante, mais ils peuvent également présenter une dégénérescence 
descendante, à la suite de lésions corticales. Les corps genouillés externes, 
les tubercules quadrijumeaux antérieurs et l'extrémité postérieure de la 
couche optique, qui constituent les premiers centres optiques donnent en 
effet naissance à un gros faisceau de fibres corticales décrit déjà par Gra- 
tiolet sous le nom de radiations optiques; ces fibres, dans la partie la plus 
postérieure de la capsule interne, se portent horizontalement en arrière, 
contournent la paroi externe du prolongement occipital du ventricule laté- 
ral, où elles sont séparées de l’épendyme ventriculaire par les fibres ver- 
ticales du tapetum qui croisent leur direction ; elles se terminent dans le 
cuneus et les circonvolutions de la pointe occipitale, régions qui constituent 
les centres visuels ou optiques corticaux. Une lésion de ces centres corticaux 
entraîne à sa suite une dégénérescence des radiations optiques et de la 
partie postérieure de la couche optique. Chez des animaux nouveau-nés 
et quelquefois chez l’homme, cette dégénérescence s'étend jusqu’au corps 
genouillé externe, au tubercule quadrijumeau antérieur, à la bandelette 
et au nerf optique du même côté ainsi qu’au nerf optique du côté opposé. 
(Monakow.) 

En résumé, donc, une lésion des centres visuels corticaux, des radia- 
tions optiques ou de la bandelette optique, entraine pour les deux yeux 
une perte de la sensibilité rétinienne de la partie correspondante, etcomme 
les rayons visuels s’entre-croisent au niveau du cristallin, elle entraine 
une hémianopsie homonyme latérale du côté opposé ; en d’autres termes, 
une lésion de la bandelette, des radiations ou du cuneus gauche entraine 
une hémianopsie homonyme latérale droite, de même qu’une lésion des 
mêmes régions à droite entraîne une hémianopsie homonyme latérale 
gauche. Ces faits sont faciles à comprendre lorsqu'on jette un coup d'œil 
sur le schéma ci-contre. . 

Pour assurer chez l’homme, la vision soit binoculaire, soit monocu- 
laire, il faut que les deux cunei entrent en jeu simultanément. Cette 
action simultanée est due à la présence de fibres anastomotiques reliant 
les deux cunei et passant par le corps calleux, mais ni l'existence, ni le 


F1G. 6. — Figure schématique du trajet intra-cérébral des nerfs optiques 
et des connexions du pli courbe gauche. 


(Les corps génouillés et les bandelettes optiques sont vus par transparence. Les 
tubercules quadrijumeaux ont été figurés sur un plan plus antérieur qu’à l’état 
normal afin de pouvoir comprendre dans le schéma le bourrelet du corps calleux.) 
NO, Nerf optique gauche. — NO’, Nerf optique droit. — BO, Bandelette optique 

gauche. — B0', Bandelette optique droite. — CO, Couche optique gauche. — CO’, 

Couche optique droite. — TQ, Tubercules quadrijumeaux. — GE, Corps genouillés 
. externes. —C.C, Bourrelet du corps calleux.— C, Cuneus (l'écorce du cuneus gauche 

présente des hachures). — Pc, Pli courbe gauche (centre de mémoire visuelle des 
. mots). — Ty, Première circonvolution temporale (centre de mémoire auditive des 

mots). — F3, Circonvolution de Broca (centre de mémoire d'articulation des mots). 
1, 1, Radiations optiques de Gratiolet, gauches et droites, se détachant de l’extré- 
mité postérieure de la couche optique et se terminant dans l'écorce du cuneus et 
de la pointe du lobe occipital. — 2, Fibres reliant le pli courbe gauche avec (2) le 
Cuneus gauche et, par l'intermédiaire du corps calleux (2' et 2/) avec le cuneus 
droit. Une lésion située en X sectionne ces fibres ainsi que les radiations optiques 
et détermine, avec une hémianopsie homonyme latérale droite,. la cécité verbale 
sans trouble de l'écriture. — 3, Fibres reliant le pli courbe à la circonvolution de 
- Wernicke. — 4, Le trait noir représente les connexions entre la circonvolution 
de Wernicke et de Broca que la coupe des hémisphères n’a pas permis de repré- 
senter autrement. — 6, Le trait noir se bifurquant en avant représente les. con- 

nexions du pli courbe gauche avec les zones motrices de l'hémisphère gauche (5) 
_et de l'hémisphère droit (5”). Les fibres 5’ étaient probablement seules lésées dans 

le cas d’agraphie motrice rapporté par Pitres. ne : 


Ms 16 GER NE 


DIFFÉRENTES VARIÉTÉS DE CÉCITÉ VERBALE 81 


trajet de ces fibres ne sont encore actuellement connus. En regardant 
donc un objet avec un seul œil ou avec les deux yeux, nous le voyons 
avec nos deux hémisphères ; il en est de même des lettres; nous les 
voyons avec nos deux lobes occipitaux, mais nous les voyons à l’aide de 
ces centres visuels communs, en tant que dessins quelconques, comme 
nous voyons les lettres d’une langue qui nous est étrangère (comme je 
vois, par exemple, les caractères russes ou hébreux). Pour que nous recon- 
naïssions une lettre, pour que l'assemblage de certaines lettres détermi- 
nées, réveille l’idée du mot, il faut que ces centres corlicaux de la vision 
commune entrent en connexion avec la zone du langage; or cette zone 
n’est représentée que dans l'hémisphère gauche — au moins chez les 
droitiers — et la pathologie montre que le centre de mémoire visuelle 
des lettres siège au niveau du pli courbe. 

Le pli courbe gauche est donc en connexion intime avec le lobe 
occipital gauche et avec le lobe occipital droit. Par l'intermédiaire de 
quelles fibres se font ces connexions ? s’agit-il ici d'associations se faisant 
-par l’écorce grise ou, comme il est plus probable, d'associations se faisant 
par l'intermédiaire des masses blanches? Nous ne pouvons que soup- 
çonner ces fibres sans pouvoir encore en démontrer nile trajet, ni même 
l'existence. 

Mais le centre visuel des lettres (pli courbe) est encore en connexion 
‘avec le centre auditif des mots et, par son intermédiaire, avec le centre 
moteur d’articulation. Ges deux derniers centres sont reliés entre eux par 
une des plus fortés associations cérébrales qui existent, car elle date, en 
effet, de la première enfance, et il est fort probable que lorsque nous 
apprenons à lire ou lorsque plus tard, nous lisons couramment, il est 
fort probable, dis-je, que l'image visuelle des lettres réveille simulta- 
nément l’image auditive et l’image motrice d’articulation. 

Le pli courbe est, en outre, en rapport avec le centre moteur du membre 
supérieur et en particulier avec celui de la main. Ces connexions sont bila- 
térales comme celle des lobes occipitaux. Si l'habitude veut, en effet, 
que nous écrivions de préférence avec la main droite, c'est-à-dire avec 
notre centre moteur de l'hémisphère gauche, nous pouvons cependant 
arriver à écrire, ainsi que Wernicke l’a déjà indiqué, avec notre main 
gauche, voire même avec notre pied. Nous pouvons de même arriver à 
écrire en maintenant un crayon entre les dents et en imprimant à la lête 
les mouvements nécessaires. 

Il n’est donc pas nécessaire de faire intervenir, pour l'écriture, l'exis- 
tence d’un soi-disant centre graphique spécial,-encore moins de le loca- 
liser au pied de la deuxième circonvolution frontale gauche, car si ce 
centre existait, on devrait au moins l'étendre à toute la zone motrice des 
membres, non seulement de l'hémisphère gauche, mais encore de l’hémi- 
sphère droit. | 

La pathologie montre que la lésion du centre visuel des lettres (pli 


88 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


courbe) entraine l’agraphie comme une de ses conséquences. Je crois, 
comme je l'ai dit ailleurs. que l’agraphie tient dans ce cas à la perte même 
de l’image optique des lettres (1). Mais l’agraphie peut s’observer dans 
l’aphasie motrice ou dans la surdité verbale, toutes les fois que la notion 
du mot se.trouve elle-même plus ou moins lésée, toutes les fois, en somme, 
que la zone corticale du langage est intéressée. La connexion du centre 
visuel des lettres avec les zones motrices des deux hémisphères est encore 
démontrée par l'observation très intéressante de Pitres (2). Son malade 
présentait, comme reliquat d’une aphasie motrice, une hémianopsie droite 
avec agraphie de la main droite. Il écrivait parfaitement de la main 
gauche, soit spontanément, soit sous dictée, soit d’après copie, mais de la 
main droite il ne pouvait écrire ni spontanément, ni sous dictée, il ne 
pouvait que copier ce qu'il venait d'écrire de la main gauche. Chez lui, il 
faut nécessairement admettre une interruption entre la zone du membre 
supérieur de l’hémisphère gauche et le pli courbe gauche, alors que les 
connexions du pli courbe avec la zone motrice de l'hémisphère droit 
étaient intactes.A ce point de vue,je partage entièrement l’opinion de Wer- 
-nicke sur ce cas. Du reste, comme je l’ai dit plus haut à propos du cas 
d'Henschen, on comprend difficilement, dans le cas de Pitres, la lésion 
d’un centre soi-disant graphique, qui permettrait l’écriture d’après copie, 
alors que l'écriture sous dictée ou l'écriture spontanée est impossible. 

Ces données étant établies, essayons de déterminer les symptômes qui 
résultent de la lésion de ces différentes parties, et essayons d'expliquer 
les symptômes de cécité verbale, puis d’hémianopsie et d’hémiachroma- 
topsie présentés par le malade dont j’ai rapporté plus haut l'observation. 

Une lésion du cuneus gauche entraîne une hémianopsie homonyme 
latérale droite; la lésion des deux cunei, une cécité complète dite corti- 
cale; la lésion du pli courbe gauche, une cécité verbale avec troubles 
très marqués de l'écriture ou agraphie totale. 

Chez mon malade, la lésion du cuneus gauche et la dégénérescence 
secondaire des radiations optiques suffisent pour expliquer l'hémia- 
nopsie droite. Comment expliquer ici la cécité verbale pure ? Du fait de 
son hémianopsie droite, cet homme ne voyait plus les lettres avec son 
hémisphère gauche, et il ne les voyait qu'avec la moitié droite de chacune 
de ses rétines, en rapport avec son hémisphère droit intact (3). IL voyait 
donc ces lettres, en tant que dessins quelconques et les copiait comme 


(4) J. Dejerine. Contribution à l'étude des troubles de l'écriture chez les 
aphasiques, Mém. de la Soc. de Biol., 1891, p. 97. 

(2) Pitres. Considérations sur l’agraphie à propos d’une observation nouvelle 
d’agraphie motrice pure, Revue de méd. 1887, p. 855. 

(3) Je ferai remarquer avec Landolt, que chez ce malade l’hémianopsie droite 
-n’était pas une hémianopsie complètement négative, car il n'avait pas une 
vision nulle dans la moitié droite de chacun de ses champs visuels, mais bien 
une sensation de vision obscure. Il était, en réalité, plus hémiachromatopsique 


DIFFÉRENTES VARIÉTÉS DE CÉCITÉ VERBALE 89. 


telles, mais elles n'avaient aucun sens pour lui, car les connexions entre 
ses deux centres visuels communs et son centre visuel des mots (pli courbe 
gauche) étaient interrompues. Ce dernier centre n’était pas lésé, ainsi que 
le montre l'étude de son langage intérieur, l'intégrité parfaite de son 
écriture soit spontanée, soit sous dictée, et ce fait que l'on pouvait 
raviver ses images optiques des lettres, en mettant en jeu son sens 
musculaire, en traçant en l’air les contours des lettres soit avec la main 
gauche, soit avec la main droite. Quant à la défectuosité de la copie, elle 
se comprend aisément en admettant cetle interruption, entre le pli 
courbe gauche et les deux lobes occipitaux. 

La lésion des masses blanches sous-jacentes au lobe occipital gauche 
était assez étendue, puisqu'elle atteignait l'épendyme ventriculaire, pour 
que nous puissions admettre que les fibres qui relient le pli courbe 
gauche aux deux lobes occipitaux aient été intéressées, et sans que nous 
ayons besoin de faire intervenir une seconde lésion, la petite lésion 
siégeant dans le bourrelet du corps calleux. 

Les symptômes relevant de lésions du corps calleux sont en effet trop 
obscurs, et surtout trop peu connus encore pour qu'il me paraisse oppor- 
tun d’y insister. 

Quant à l’hémiachromatopsie, sa localisation corticale n’est pas encore 
établie avec certitude, mais la lésion des lobules lingual et fusiforme 
n’est peut-être pas étrangère à la production de ce symptôme, ainsi que 
tend à le prouver l'observation de Verrey rapportée par Landolt (1). 

C’est donc à son intégrité du pli courbe que cet homme, atteint de cécité 
verbale totale, dut de pouvoir, pendant quatre ans, écrire normalement 
soit spontanément soit sous dictée. C’est pour la même raison qu'il ne 
présenta jamais aucun trouble du langage articulé et qu’il conserva intact 
son langage intérieur. Par contre, du jour où son pli courbe fut altéré — 
dix jours avant sa mort — cet homme devint subitement et totalement 
agraphique, en même temps qu’il fut atteint de paraphasie. Il présenta 
donc l’une après l’autre, les deux formes cliniques actuellement connues 
de cécité verbale, relevant, l’une et l’autre, d’une localisation différente. 


En résumé, nous devons donc admettre aujourd’hui en clinique, deux 
variétés bien distinctes de cécité verbale, relevant l’une et l’autre d’une 
localisation différente. 

La première variété est produite par une lésion siégeant dans la sphère 
du langage (pli courbe du côté gauche) ; la deuxième, par une lésion sié- 
geant dans la sphère visuelle commune et séparant le pli courbe de cette 
dernière. 


qu'hémianopsique proprement dit. (Voy. à propos de l’état de la vision dans 
l'hémiopie, le travail de Dufour (de Lausanne) sur la Vision nulle dans 
l'hémiopie. Revue méd. de la Suisse romande, 1889, p. 445.) 

(1) Landolt. Loco citato. 


90 . MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


- Dans la première variété — cécité verbale avec agraphie ou aliérations 
srès marquées de l'écriture — les images optiques des lettres sont détruites 
et la cécité verbale s’accompagne soit d'agraphie totale, soit d’altérations 
très marquées des différents. modes de l'écriture. Gette lésion intéressant 
la sphère du langage, il est facile de comprendre pourquoi les malades 
présentent, en général, un certain degré de paraphasie. La destruction: 
du centre optique des lettres explique encore pourquoi on ne peut, chez 
eux, réveiller les images optiques des lettres à l’aide du sens musculaire. 

Dans la deuxième variété — cécité verbale pure avec intégrité de l'écri- 
ture spontanée et sous dictée — le centre des images optiques des lettres 
— pli courbe — est intact, mais la lésion le sépare, l'isole du centre 
visuel commun. Le pli courbe ne peut plus, par conséquent, être mis en 
jeu par une excitation visuelle. Par contre, il peut l'être : par uneexcitation: 
volontaire, telle que l'écriture spontanée ; — par une excitation auditive, 
telle que l'écriture sous dictée; — ou encore par le sens musculaire 
(lettres tracées en l’air par les.mains ou les pieds). L'écriture spontanée. 
et sous dictée sont donc intactes; l'acte de copier, seul, est défectueux. La 
lésion étant ici complètement en dehors de la sphère du langage, les 
malades ne présentent pas de troubles de la parole, et leur langage inté-. 
rieur est intact. | ÿ 

: A l’aide des données précédentes, il sera toujours facile, en clinique, de 
reconnaître l’une ou l’autre de ces formes, qui correspondent, ainsi que: 
je viens de l’établir, à des localisations bien distinctes. 


DE L'ACTION BACTÉRICIDE 


DU SÉRUM DE SANG DE BOVIDÉS 


SUR LE VIRUS MORVEUX 
ET DE 


L'ACTION CURATIVE DE CE SÉRUM 
DANS LA MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 


PAR MM. 


P. N. CHENOT ET J. PICQ 


Vétérinaire militaire. Vétérinaire, directeur du service sanitaire 
de Nantes. 


(Mémoire lu à la Société de Biologie dans la séance du 19 mars 1892.) 


Pour faire suite aux expériences de MM. J. Héricourt et Ch. Richet 
relatives aux transfusions péritonéales de certains sérums et aux immu- 
nités qu'elles confèrent dans diverses maladies, nous avons étudié les 
inoculations de morve chez les Cobayes, auxquels nous faisions des trans- 
fusions de sérum de sang de bovidés, animaux absolument réfractaires à 
cette affection microbienne. 

Des expériences antérieures faites avec du sang complet, nous avaient 
déjà donné des résultats satisfaisants. On verra que celles pratiquées avec 
le sérum ne sont pas moins concluantes. 


Os. I. — Le 26 février 1891, douze cobayes, d’un poids moyen de 516 gram- 
mes et âgés de huit à dix mois recoivent, chacun, un gramme environ de 
sérum frais de sang de bœuf (une seringue de Pravaz), en injections hypoder- 
miques. Immédiatement après, on leur inocule, aux mêmes points, des frag- 
ments de tubercules recueillis, la veille, chez un cheval atteint de morve 
subaiguë. 5 

Le 1% mars, toutes les plaies d'inoculation sont cicatrisées par première 
intention. : 

Le 10 mars, la plupart des cobayes présentent depuis les points d’inocula- 
tion (plat de la cuisse droite) jusqu'aux ganglions précruraux de tout petits 
cordons lÿmphatiques sans caractères spécifiques. 

Le 14 mars, on sacrifie six cobayes. res 

Pas traces de lésions viscérales. Les ganglions précruraux droits sont légè- 
rement hypertrophiés, de la grosseur d'un grain de mil à celui d’une tête 
d'épingle. Ils sont durs, résistants, à coupe à peine humide. Les examens 
microscopiques faits après coloration par les procédés de Lôüffler et de Kühne 


BioLOGIE. MÉMOIRES. — 9€ SÉRIE, 1. IV. 10 


92 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


n’ont pas permis de voir les bacilles de la morve; plusieurs ensemencements 
sur pomme de terre sont restés stériles. 

On continue à observer les six autres cobayes. 

Le 20 mars, trois conservent encore un léger empâtement des ganglions 
primitivement hypertrophiés. 

Le 15 avril, un de ces cobayes présente une petite adénite précrurale droite. 
On fait l’énucléation de la tumeur dont le volume atteint celui d’un grain de 
chenevis. Sa consistance est ferme; sa coupe a l'aspect fibroïde. En pressant, 
on fait sourdre un liquide séreux, blanchâtre, très peu abondant. Examen 
bacillaire négatif, culture stérile. Une inoculation frontale faite à une petite 
chienne par frottage sur des scarifications quadrillées n’a donné qu'un résultat 
négatif, car les scarifications étaient complètement cicatrisées quatre jours 
après. | 

Le 25 avril (cinquante-sept jours après l'infection), ce cobaye, qui a augmenté 
de 50 grammes environ est sacrifié : Tous les organes parenchymateux, abdo- 
minaux et thoraciques sont trouvés sains à l’autopsie. 

Les cinq autres cobayes ont toutes les apparences de la santé. 


Ogs. II. — Le 1% mars on vide aseptiquement un gros abcès morveux de 
treizième passage, provenant d'un cohaye qui avait servi à des expériences 
antérieures. 

La moitié, environ, du pus recueilli est diluée dans 6 à 7 centimètres cubes 
de sérum frais de sang de veau puis filtrée au bout de quatre à cinq heures 
sur papier Berzélius et injectée à six cobayes à raison d’une demi-seringue 
par cobaye. Trois injections sont faites sous la peau et trois dans la cavité 
péritonéale. L'autre moitié du pus est diluée dans de l’eau bouillie et injectée 
de la même facon à six autres cobayes. 

Le 3 mars, on apercoit des petites tuméfactions phlegmoneuses aux points 
d’inoculations sous-cutanées. 

Pour trois des cobayes injectés au sérum, ces phlegmons se résorbent petit 
à petitet disparaissent du 10 au 15 mars à l'exception d’un seul qui augmente 
et finit par s’abcéder le 19 mars. Le pus examiné au microscope (procédé 
Lôffler), ne montre pas de bacilles; cultivé sur pomme de terre, il ne donne 
que des colonies roses de micrococcus prodigiosus. D'ailleurs la plaie résul- 
tant de l'ouverture spontanée de l’abcès se cicatrise naturellement en quatre 
à cinq jours. 

Le 3 avril ce cobaye est sacrifié : Pas de lésions morveuses à l’autopsie. 

Les cinq cobayes qui restent sont considérés comme guéris. Une femelle 
met bas deux petits le 6 avril. 

Trois des six cobayes inoculés avec le même pus, de 13° passage, mais 
dilué dans l’eau simple, présentent, comme ceux injectés au sérum, des petits 
abcès aux points d'inoculation dès le 3 mars. 

Les trois à injections intra-péritonéales sont tristes, l’un marche difficile- 
ment. 

Le 5 mars, à six heures du soir, deux de ces cobayes sont trouvés morts. 


Autopsies. — Plaie ulcéreuse d’inoculation ckez l’un, abrès inguinal, splé- 
nite tuberculeuse perlée, infarctus pulmonaires. Chez le second, inoculé dans 


AR PRE RCI Net CR PE PET D'URT 2 oct, + à Le 4 


DU SÉRUM DE SANG DE BOVIDÉS 93 


la cavité abdominale, péritonite purulente, pas d’abcès ni de tubercules. 

Le pus inguinal ensemencé sur pomme de terre suivant le procédé de mon 
maitre M. Nocard, donne une récolte extrêmement riche de bacilles morveux 
(proc. Lôffler). Dès le 9 mars, il se forme aux points inoculés «une sorte d’enduit 
épais, humide, luisant, visqueux reflétant la couleur chocolat clair caractéris- 
tique » (Nocard). Le liquide péritonéal, assez adondant, séro-purulent, est 
inoculé à une petite chienne par frictions sur des scarifications frontales. Au 
bout de trois jours, les plaies linéaires sont recouvertes d’une croûte grisätre, 
striée de rouge foncée. Le 10, la croûte est tombée et l’on voit une large plaie 
-ulcéreuse, pouvant loger une pièce d’un franc, irrégulièrement circulaire, à 
bords déchiquetés et taillés à pic, profonde, suppurante. Le pourtour est 
chaud, tendu, douloureux à la pression. Le liquide exsudé est très riche en 
bacilles. Le 14, la plaie s'était encore élargie; à partir du 17 elle diminue et le 
3 avril, elle est complètement cicatrisée. 

Le 6 mars, les quatre autres témoins sont couverts d’ulcérations multiples 
(vulvaire, costales, abdominales); deux ont des sarcocèles, etc. On décide de 
les traiter... On leur fait, tous les deux jours, des injections de sérum de bœuf 
à la dose de 50 centigrammes à un gramme, suivant leur taille et l'intensité 
des lésions visibles. Les injections sont faites aux points cardinaux des ulcéra- 
tions cutanées et dans la cavité péritonéale. 

Un de ces cobayes meurt le 29 mars. 


Autopsie. — Nombreux abcès péritonéaux de différentes grosseurs, splénite 
morveuse confluente, quelques tubercules hépatiques sclérosés. Les poumons 
sont sains. 

Ce cobaye avait été inoculé au moyen d’une injection péritonéale. 

À partir de ce jour, 29 mars, on cesse tout traitement. Les trois derniers 
cobayes sont très amaigris, toutefois les lésions externes : chancres d’ino- 
culation, ulcérations cutanées multiples se sont cicatrisés sous l'influence 
des irrégulations du sérum. 

Le 3 avril, nouvelle mort (femelle). 


Autopsie. — Abcès sous-lombaires volumineux, rate farcie de tubercules 
miliaires grisâtres donnant, sous le doigt, la sensation de grains polymorphes 
d’une assez grande consistance. 

Le 9 et le 13 avril, les deux derniers cobayes succombent à la cachexie mor- 
veuse : Abcès péri-lesticulaires, trainées ganglionnaires avec foyers purulents 
nombreux, à contenu épais, grumeleux, très pauvres en bacilles. 

Le 5 mai, l’un des guéris meurt subitement. Autopsie négative, pas traces 
de lésions. 


Oss. III. — Le 7 mars, à neuf heures du matin, on fait, avec des produits 
morveux recueillis chez deux cobayes, morts le 5 de morve suraiguë 
(14° passage, observ. III, p. 6), des émulsions. 


1° Dans du sérum de sang de bœuf. 
2° — — — cheval. 
39 — — — mouton. 


94 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


- Avec chaque émulsion filtrée au bout de cinq à six heures, l’on a inoculé 
cinq cobayes (trois injections sous-cutanées, deux intra-péritonéales). 

Le 9 mars, les points où ont été faites les inoculations sous-cutanées sont 
chauds, rouges et tuméfiés. 

Le 14 mars au matin, {rois cobayes sont trouvés morts dans la caisse des 
injectés au sérum de chenal 


Autopsies. — Péritonites purulentes, infarctus pulmonaires, poinüllés de 
congestion splénique et hépatique. 

Le liquide péritonéal d’un des cobayes (femelle) contient une quantité pro- 
digieuse de microcoques ou de granulations indéterminées. 

Le 15, les deux autres infectés au sérum de cheval succombent l’un à une 
péritonite, l’autre à une pneumonie lobulaire. 

Un des cobayes inoculés au sérum de mouton meurt le 15, dans la soirée, 
sans lésions macroscopiques appréciables à l’autopsie. 

Le 147 mars au matin, deux autres sont trouvés morts, l’un de péritonite 
avec liquide épanché très abondant, grisâtre, purulent, riche en phagocytes 
qui contiennent de deux à cinq ou six bâtonnets d’une ténuité extrême et en 
granulations protéiques. Il à été impossible de retrouver le bacille de Lôffler. 
L'autre cobaye ne présentait comme lésion que des points hémorrhagiques à 
la surface de la rate où pullulaient les microbes de la morve. 

Chez les deux autres inoculés avec l’émulsion au sérum de mouton, il n'y a 
eu que des accidents locaux, malgré l'extrême virulence du produit inoculé. 
Deux des cinq cobayes injectés à l’'émulsion de sérum ont présenté des petits, 
abcès locaux qui ont disparu en quelques jours. 

Les trois autres ont toujours conservé les apparences de la santé. Inoculés 
de nouveau, cinq mois plus tard (12 août 1891) avec de la morve de quatrième 
passage, deux ont succombé à l'infection en onze et quatorze jours, le troi- 
sième est resté réfractaire. | 

O8s. IV. — Le 3 avril, on inocule à six cobayes d’un poids moyen de 
450 grammes, en injections hypodermiques, au plat de la cuisse droite, des 
produits tuberculeux provenant d'un cheval atteint de morve subaiguë. Trois 
sont marqués à l’éosine et servent de témoins. 

Le 3 avril, toutes les plaies d’inoculation sont cicatrisées. 

Ls 6, injection à trois cobayes, autour des points d'inoculation, de 50 centi- 
grammes de sérum de bœuf recueilli le3, et conservé dans les tubes stérilisés 
modèle Nocard (préparés par Graillot). 

Le 10, les plaies cicatrisées s'ouvrent chez deux témoins et laissent Serie 
une petile quantité de pus très riche en bacilles- 

On pratique une seconde injection séreuse à chacun des trois SH Date. 

Le 13, les deux témoins, dont les cicatrices d'inoculation s'étaient ouvertes 
le 10, présentent, à ces points, de véritables chancres morveux à bords irrégu- 
liers, taillés à l'emportle-pièce, à fond recouvert d'une couche de pus grisâtre. 

Les ganglions précruraux correspondants commencent à s'engager. 

Le troisième témoin, un mâle de 478 grammes, est atteint d’une tuméfaction 
testiculaire à gauche, côté opposé à l’inoculation, et d’un petit foyer inflam- 
matoire en avant du flanc droit. 


DU SÉRUM DE SANG DE BOVIDÉS 95 


Chez les trois cobayes traités on perçoit une légère adénite au-dessus des 
points d’inoculation qui sont complètement cicatrisés. 

Injections de 50 centigrammes de sérum frais au niveau des ganglions 
hypertrophiés. 

Le 16 avril, un témoin présente une large ulcération dorsale à bords déchi- 
quetés, profonde, recouverte d’une sorte d’enduit grisâtre, odorant; il a sensi- 
blement maigri. En outre, un abcès s'est développé au milieu du triceps crural 
et rend la marche très difficile. 

Le témoin à pseudo-orchite, qui pesait 458 grammes, le 3 avril, jour de 
l’inoculation, a perdu 57 grammes et ne pèse plus que 401 grammes. Depuis 
deux ou trois jours, une petite plaie ulcéreuse s’est développée sur les côtes 
droites. Le testicule est toujours volumineux. 

L'état général du troisième témoin est stationnaire mais l’adénite précrurale 
‘est devenue manifeste. 

Les sujets traités reçoivent une nouvelle injection de 50 centigrammes de 
sérum. Ils sont pesés en bloc et donnent un poids total de 1340 grammes. 

Le 20 au matin, le cobaye à ulcération dorsale est trouvé mort. 


Autopsie. — Cordes farcineuses reliant le point d'inoculation au chancre 
dorsal. Adénites purulentes des ganglions proplités, cruraux et inguinaux. La 
rate contient quelques tubercules miliaires perlés. Le foie et les organes tho- 
raciques sont sains. 


Le cobaye à orchite meurt le 27. Il ne pèse plus que 366 grammes. Il a 
perdu 92 grammes en vingt-quatre jours, soit un quart de son poids. 


. Autopsie. — Le parenchyme testiculaire est sain, mais tout l'organe est 
encapuchonné dans un vaste abcès à contenu épais gris jaunâtre, finement 
grumeleux. La rate, volumineuse, est farcie de tubercules de différentes 
grosseurs et de différents âges. De l’ulcération costale partent plusieurs cordes 
farcineuses, moniliformes, qui aboutissent aux ganglions hypertrophiés. 


Les trois cobayes traités au sérum ont reçu leur quatrième et dernière 
injection le 16. 
. Le 27, ils paraissent guéris. Leur poids a augmenté de 67 grammes, soit 
près de 23 grammes pour chacun. L'un d’eux n’a plus d’engorgement gan- 
glionnaire. Les autres présentent encore un peu d'empâtement au flanc. 

Le 29 avril, on sacrifie le troisième témoin qui n'avait qu’une petite adénite 
précrurale. On trouve dans la cavité abdominale des tubercules disséminés 
dans le mésentère; la rate et le foie en contiennent quelques-uns. 


On sacrifie, le même jour, un des cobayes trailés qui présentait, comme le 
témoin précédent, une hypertrophie ganglionnaire. 


Autopsie. — Pas trace d'infection; tous les organes, abdominaux et thora- 
ciques, sont absolument sains. Le ganglion précrural hypertrophié a le 
volume d’un petit pois. 1l est le siège de lésions très intéressantes. Au lieu de 
présenter une cavité unique, sur la coupe, comme on l’observe généralement, 


96 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


il montre un certain nombre de logettes contenant chacune une petite goutte 
de pus crémeux, qu'on fait sourdre par la pression. 

Les parois de ces logettes sont constituées par la prolifération scléreuse des 
cloisons interglandulaires. Il est probable que, par la suite, la sclérose des: 
lamelles conjonctives, se continuant, aurait transformé les petites tumeurs 
en un véritable fibrome indifférent. L'examen microscopique du pus est resté 
négatif. Après avoir été réduite en petits fragments la glande a été triturée 
dans de l’eau distillée et injectée dans la cavité péritonéale de deux cobayes 
(un mâle et une femelle). Cette dernière était pleine. Malgré son état de ges- 
tation, elle n’a pas paru incommodée par l'injection abdominale d’un gramme 
d'émulsion et est accouchée, quinze jours après, le 14 mai, de trois petits 
bien constitués. 


Le 20 juin le mâle, la femelle et les trois jeunes se portent très bien. 


En résumé on voit, dans cette observation, que les cobayes traités trois 
jours après l'infection, et, peut-être, avant que la maladie ne se soit 
généralisée, ont tous guéri, tandis que deux des témoins sont morts en 
dix-sept et vingt-quatre jours. Quant au troisième témoin, que l'on 
croyait immune, l’autopsie a montré qu’il était réellement morveux et 
qu’il aurait fini, vraisemblablement, étant donné l’état des lésions, par 
succomber à la diathèse farcino-morveuse. 


O8s. V. — Le 29 avril, on inocule douze cobayes d’âge et de poids très variés 
avec les produits morveux recueillis chez le témoin sacrifié ce même jour 
(obs. IV, p. 15). Toutes les inoculations sont faites au plat de la cuisse droite. 

Le 6 mai, presque tous les points d’inoculation sont ulcérés. On prend au 
hasard six cobayes (dont quatre mâles) qui serviront de témoins. Les six 
autres (cinq mâles et une femelle) sont laissés dans la caisse et injectés le 
même jour, septième de l'infection, avec du sérum de bœuf recueilli depuis 
quarante-huit heures. Les doses de sérum varient entre 50 centigrammes et 
À gramme, suivant le poids des sujets qui va de 400 à 800 grammes. 

Le 8, injections péritonéales de 25 à 50 centigrammes de sérum aux six 
cobayes traités dont deux, en outre des chancres d’inoculalion, présentent : 
l’un une ulcération labiale, l’autre une plaie caractéristique à la partie posté- 
rieure de la jambe. 

Le 9 mai, un des témoins mâles, malmené par ses camarades, a le dos cou- 
vert d’excoriations, on l’isole dans une petite boîte. Le 11, les plaies dorsales 
se transforment en une large ulcération fétide ; il meurt le 15. 


Autopsie. — Peu de lésions viscérales : infarctus discrets à la base des deux 
poumons, longues traînées de lymphangites farcineuses. 

Le 11 mai, trois cobayes traités ont de nouveaux chancres abdominaux et 
costaux. Injections locales de sérum. 

Une des deux femelles témoins accouche de deux pelits le 12 mai. On les 


laisse au milieu des autres qui sont morveux à des degrés plus ou moins 
avancés. : 


DU SÉRUM DE SANG DE BOVIDES 97 


Le 12, la troisième femelle témoin a un petit chancre vulvaire, 

Le 13 mai, chez la femelle des cobayes traités existe un abcès précrural 
gros comme une noisette. On l’ouvre (il s'en écoule du pus liquide, mal lié, 
granuleux), on en gratte la paroi pyogène avec une petite curette eton irrigue 
la cavité avec du sérum vieux de neuf jours. Le lendemain la plaie laisse 
écouler un liquide très séreux : nouvelle irrigation avec sérum frais. 

Le 14 mai, les cinq autres cobayes traités reçoivent une nouvelle injection 
de sérum frais. Les chancres sont tous en voie de cicatrisation, à l'exception 
du chancre labial qui occupe maintenant tout l’espace compris entre les 
naseaux et la lèvre supérieure atteinte depuis sa commissure gauche jusqu’à 
son milieu. Cette ulcération spécifique est probablement entretenue par le 
jetage abondant qui s'écoule du naseau gauche. Les injections étant difficiles 
à praliquer dans cette région, on se contente d’irrigalions et de lavages au 
sérum. 

Le 14 au soir, on trouve morts un mâle et une femelle témoins. 


Autopsie, — La femelle, en état de gestation, a la rate remplie de petits 
tubercules semi-transparents et un gros abcès sous-lombaire. Le mâle a le 
testicule gauche (côté opposé à l'inoculatiou) enveloppé dans une poche puru- 
lente à contenu épais, blanc jaunâtre ; de plus, son rein gauche est hyper- 
trophié et entouré de cinq ou six petits tubercules miliaires. Le bord posté- 
rieur des poumons, chez tous deux, est le siège de tubercules subaigus et 
aigus. 

La femelle témoin qui a mis bas le 14, et ses trois petits, onttoutes les 
apparences de la santé. Chez la mère, le chancre d'inoculation s’est cicatrisé 
naturellement, elle présente seulement un petit noyau induré à 5 ou 6 milli- 
mètres de la cicatrisation d’inoculation. 

Les deux autres témoins mâles sont très maigres ; l’un est couvert sur toute 
la région gauche de l’abdomen, de plaies spécifiques disséminées ou con- 
fluentes, qui laissent écouler un pus fétide plus ou moins séreux. Il meurt 
le 16. 

Parmi les six cobayes en traitement depuis le 6 mai, cinq sont en voie de 
guérison : les chancres se sont cicatrisés, les adénites ont presque disparu ; 
l’abcès, vidé, gratté et irrigué, ne s'est pas reproduit. Le cobaye à chancre 
labial est très maigre. Le 15, on lui injecte quelques gouttes de sérum dans les 
naseaux. 

Le 16, transfusions péritonéales de 25 à 50 centigrammes de sérum à tous 
les traités. 

L’un des deux mâles témoins meurt dans la soirée. 


Autopsie. — Tout le côté gauche de la paroi abdominale ne forme plus qu'une 
plaie fétide. De cette plaie rayonnent des vaisseaux lymphatiques monili- 
formes. La rate renferme quelques tubercules miliaires. 

L'autre mâle, très amaigri, a un sarcocèle volumineux et un abcès sus-orbi- 
taire qui s'ouvre pendant la nuit. 

La femelle et ses petits, qui vivent dans la même boite que les autres 
témoins, se portent lrès bien. 

Le 17 mai, le chancre labial du cobaye traité se comble ; on voit de très fins 


98 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


bourgeons envahir les parlies centrales, il est moilié moins étendu, il 
déforme la région par la cicatrice, qui produit un bec-de-lièvre très marqué. 
Le jetage a disparu le 19. 

Le 20, la cicatrisation déformante de l'ulcération labiale est achevée. Injec- 
tions péritonéales à tous les cobayes traités. 

Le 28 mai, le dernier cobaye mâle à sarcocèle meurt de cachexie morveuse. 


Aulopsie. — Abcès péri-testiculaire contenant un pus épais, crémeux. Abcès 
sous-lombaire volumineux, occupant au moins le cinquième de la cavité 
abdominale à contenu séro-purulent, gris jaunâtre, à parois très épaisses et 
très résistantes. Capsules surrénales très hypertrophiées et contenant à leur 
intérieur des petils foyers purulents. Rien dans les poumons. Le cœur est 
parsemé sur ses faces ventriculaires de pointillés tuberculeux blancs ou blanc 
grisâtre. 

Le 25 juin, nous nous décidons à sacrifier le cobaye à ulcération labiale 
cicatrisée depuis un mois et dont l’état général s’est considérablement amé- 
 lioré. Nous pratiquons l'autopsie avec soin et non sans une certaine émotion. 


Autopsie. — Le foie est le siège d’altérations très remarquables. Il porte, 
en saillie, à la surface postérieure quatre tubercules crétacés, gros comme des 
têtes d’épingle et absolument semblables aux tubercules hépatiques qu’on 
rencontre fréquemment chez les chevaux destinés à l'alimentation et que les 
bouchers hippophagiques appellent « pierre ou gravier (1) ».: 

Ces tubercules calcifiées, véritables hépathalithes, qui soulèvent la capsule 
de Glisson, sont emprisonnés dans uue coque fibreuse, épaisse et très résis- 
tante. Énucléés ils ressemblent à des petits graviers dont ils ont la dureté. Ils 
se dissolvent, en partie, avec effervescence dans l'acide acétique dilué. 

A l'intérieur du foie on trouve trois autres granulations présentant les 
mêmes caractères. On les triture dans un mortier, on en fait ensuile une 
émulsion qu'on injecte dans le péritoine d’un cobaye mâle qui n’a cessé de se 
bien porter. Ensemencée sur pomme de terre elle n’a rien donné. 

Les poumons contiennent comme le foie, six ou sept concrétions calcaires 


(1) Depuis sept ans, nous avons maintes fois, pour diverses raisons, inoculé 
de ce gravier hépatique. Sans avoir enregistré tous les cas, nous pouvons 
affirmer qu'on ne produit pas plus d’une fois sur dix l'infection chez le cobaye, 
tandis que les tubercules plus jeunes, perlés, ou contenant encore une goutte- 
lette de pus, recueillis chez le même sujet (particularité qui n’est pas très rare), 
donnent la morve cinq à six fois sur dix. 

Quand on inocule du « gravier », il se forme un petit travail inflammatoire 
accompagné ou non de suppuration, puis tout rentre dans l’ordre, au bout de 
quelques jours. Le gravier s'enkyste et quand on sacrifie, un, deux, quatre, 
six mois après, le sujet inoculé, on ne trouve comme lésions, que le gravier 
complètement isolé dans une coque plus oy moins épaisse. A l’abattoir hip- 
pophagique de Nantes, on voit beaucoup de chevaux en excellent état, atteints 
de cette morve chronique très ancienne, éteinte, non inoculable, par consé- 
quent guérie. . td e 


DU SÉRUM DE SANG DE BOVIDÉS 99 


— 


logées au milieu du tissu sain et enveloppées dans une coque fibreuse épaisse 
d’un millimètre environ. Deux de ces pneumolithes, insérés sous la peau d’un 
cobaye, n’ont produit que des petits abcès aux points d’inoculation (cuisse 
droite et cuisse gauche). 

La muqueuse des cavités nasales porte, à la partie supérieure de sa cloison, 
trois légères cicatrices blanchâtres, rayonnées, qui résultént, certainement, 
de la réparation des chancres qui avaient provoqué le jetage muco-purulent. 

Le 31 juillet, les cinq cobayes traités après infection, du‘ 6 au 20 mai, sont 
considérés comme guéris. 

Le plus gros mâle (865 grammes) est sacrifié. 


Autopsie. — La rate est hypertrophiée, elle offre à l’œil nu un pointillé 
blanchâtre clairsemé, surtout dans l'épaisseur de l'organe. Examinées à la 
loupe et-à un faible grossissement, ces taches fibroïdes ont l'aspect de lentilles 
biconvexes. Préparées et examinées à 800 diam., après colorations diverses 
(Erbhlich, Kuhne, Lôüffler, Gram), elles nous ont paru exclusivement constituées 
par des cellules fusiformes disposées en zones concentriques plus ou moins 
régulières. 

Le foie, comme celui du cobaye précédent, contient six ou sept granulations 
pierreuses enkystées. Les poumons sont absolument sains. 

Ces altérations sont, pour nous, la marque indéniable d’une infection mor- 
veuse éteinte depuis longtemps, ayant absolument perdu ses caractères infec- 
tants ; en un mot ayant subi la terminaison heureuse, c’est-à-dire la guérison. 

Le 21 août, un cobaye guéri meurt et, particularité bizarre, ne présente pas 
la moindre lésion morveuse à l’autopsie. 

Sacrifice de trois autres : chez deux, sphénolithes comme dans les autopsies 
précédentes ; chez le troisième pneumonie chronique, induration grise de la 
partie inférieure du lobe gauche. Cultures négatives. 


Os. VI. — Le 22 août on inocule cinq cobayes guéris depuis six mois d’une 
première atteinte de morve (obs. 1), avec des tubercules prélevés chez un 
cheval mort de morve aiguë. 

Le 26, trois plaies d’inoculation donnent du pus (plat de la cuisse); chez le 
quatrième inoculé, tuméfaction chaude et douloureuse à la pression; chez le 
cinquième, très légère tuméfaction. 

Le 30 août, plaie dorsale chez un mâle déjà atteint d’un large chancre 
d'inoculation. 

Le 12 septembre ce cobaye meurt. 


Autopsie. — Adénile inguinale opposée au point d’inoculation, splénite et 
hépatite morveuses. 

Le 14 et le 15. Deux nouvelles morts : 

Lésions semblables, à l’autopsie. Les deux autres cobayes sont encore bien 
portants le 14 mars 92. 


IL résulte des observations ci-dessus relatées : 
«.) Que le sérum de sang de bovidés est doué d’une propriété bacté- 
ricide à l'égard du virus morveux. 


100 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


6.) Que des sujets infectés avec du virus équin et traités au sérum 
avant et après inoculation morveuse, guérissent sept fois sur dix. 

y.) Que des sujets condamnés à une mort fatale et rapide par suite de 
l'exaltation de la virulence obtenue par des passages successifs dans l’or- 
ganisme du cobaye, ont survécu de vingt-un à quarante-deux jours 
pendant que les témoins mouraient dans une période de cinq jours (obs. II, 
p. 2 et suivantes). 

Ô.) Que les autopsies des sujets considérés de leur vivant comme 
guéris ont effectivement montré des altérations de tissu (sclérose, calci- 
fication) qui, pour nous, sont la preuve de la guérison. 

£.) Qu'une première atteinte, guérie, ne confère pas une immunité 
absolue (obs. IIT, p. 2 etobs. VI). 


SUR LA MORPHOLOGIE ET L'ÉVOLUTION 


DE 


L'ÉPIBLUN DE VAUX DEN AMMIPERE 


PAR 


E. DE RETTERER 


(Mémoire lu à la Société de Biologie dans la séance du 26 mars 1892.) 


Selon l’enseignement classique, le revêtement épithélial du vagin est 
composé de cellules pavimenteuses stratifiées. 

M. H. Morau (1), a montré, le premier, dans ses intéressantes recher- 
ches sur les transformations épithéliales, qu'il n’en est pas toujours 
ainsi chez les Rongeurs. Il est vrai que selon M. Morau, « le jour du 
coït, la muqueuse vaginale de la souris blanche a un aspect dermique, 
c'est-à-dire que les cellules superficielles sont kératinisées. Le quatrième 
jour, la couche cornée a disparu ; les cellules superficielles ont subi la 
transformation muqueuse et il n’y a plus de noyau. Le neuvième jour, 
ces cellules muqueuses superficielles sont disposées en plusieurs rangées. 
Ces phénomènes vont en s’accentuant jusqu’à la parturition « où la pro- 
lifération des éléments muqueux atteint pour-ainsi dire son apogée ». 

Si la souris n'est pas fécondée, elle présente le vingtième jour après le 
rut, une muqueuse qui offre le même aspect qu’au jour même du rut. 

M. Morau ajoute qu'il a vu les mêmes phénomènes se produire sur le 
rat noir ou albinos, le cobaye, le lapin et le meriones Shawi. : 

M. Morau admet (p. 1,18, 19) que le vagin de ces divers rongeurs 
présente au moment du rut un revêtement pavimenteux stratifié dans 
toute son étendue. Il conclut de ses observations que la transformation 
épithéliale s'effectue sous l'influence du coït fécondateur. Si la femelle 
est fécondée, il y a, à partir du deuxième jour un état stationnaire jus- 
qu'au moment de la parturition. Lorsqu'il n’y a pas eu de coït féconda- 
teur, on voit à partir du deuxième jour, les éléments épithéliaux subir 
une régression vers leur forme primitive, c'est-à-dire vers la forme pavi- 
menteuse stratifiée. â 


(1) Des transformations épithéliales, physiologiques et pathologiques. 
Thèse de Paris, 1889 et Journal de l' Anatomie et de la Physiologie, 1889. 


102 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Pour M. Morau, les transformations épithéliales sont sous la dépen- 
dance du rut et de l'ovulation ; la gestation ne fait que prolonger et 
accentuer cet état. 

M. I. SALvrozt vient de publier un travail (1) dans lequel il arrive à des 
conclusions différentes quant à la structure du vagin de la lapine. Il 
trouve que cet épithélium se maintient toujours cylindrique dans Île 
segment antérieur (uférin) du vagin, tandis qu’il subit des transformations 
dans le segment postérieur (vulvaire) du même conduit. 

Dans les premiers temps de la gestation, conclut Sarviout, l'épithélium 
qui était pavimenteux stratifié, devient cylindrique par suite d’une méta- 
morphose de ses cellules superficielles. A partir du vingt et unième jour 
de la gestation, le revêtement épithélial devient de nouveau pavimenteux. 
A partir du part, tout l’épithélium du segment vulvaire est de nouveau 
pavimenteux. 

Pour ce qui concerne l’origine embryonnaire du vagin des mammi- 
fères, j'ai montré (2) que le segment de ce conduit qui fait suite à l'utérus 
(segment ut‘rin ou proximal) provient des conduits de Müller, tandis que 
le segment qui précède le vestibule du vagin (segment vulvaire ou distal) 
dérive du cloisonnement du sinus urogénilal. 

Ces deux segments d’origine distincte sont recouverts d’un épithélium 
ayant une forme différente pendant la période embryonnaire et fœtale. 

Je me hâte de rappeler un fait semblable signalé par M. TourNEUXx : 
cet auteur a décrit sur les embryons humains du troisième mois (3) la 
facon dont l’épithélium pavimenteux et stratifié se substitue, à partir de 
l'extrémité inférieure du vagin, à l’épithélium polyédrique et stratifié 
du canal génital. 


I. EVOLUTION ET STRUCTURE DE L'ÉPITHÉLIUM VAGINAL DU COBAYE. 


Sur les embryons de cobaye longs de 3, 4, 5,5, et 7 centimètres, les 
conduits de Müller, futur segment proximal du vagin, sont revêtus d'un 
épithélium polyédrique siratifié, landis que le sinus uro-génital, futur 
segment distal, est pourvu d’un épithélium pavimenteux stratifié (4). 


(1) De la structure de l’épithélium vaginal de la lapine et des modifications 
qu’il subit pendant la gestation (Archives italiennes de Biologie, t. XVII, p. 36, 
1892. 

(2) Comptes rendus de la Société de Biologie, 2 mai et 9 mai 1891. 

(3) Tourneux et Legay. Mémoire sur le développement de l'utérus et du 
vagin (Journal de l’ Anatomie et de la Physiologie, 1884). 

(4) Je dis une fois pour toutes qu'en parlant de l’épithélium du vagin, 
j'omets à dessein dans mes descriptions, l’assise profonde, formée de cellules 
cylindriques, reposant sur le chorion et figurant la couche génératrice ou 
basilaire. Jet 


DE L'ÉPITHÉLIUM DU VAGIN DES MAMMIFÈRES 103 


Dans la suite du développement, le segment distal du vagin continue à 
conserver son épithélium pavimenteux stratifié dont les assises superfi- 
cielles deviennent lamelleuses et se desquament sous cette forme. Quant 
au segment proximal du vagin, on y voit les cellules superficielles de 
l’épithélium s’allonger de plus en plus et devenir cylindriques. Cette 
transformation est très précoce : sur les cobayes âgés de /0 à 15 jours, 
l’épithélium du segment proximal du vagin est composé de plusieurs 
assises de cellules polyédriques, surmontées par une rangée superficielle 
de cellules cylindriques et muqueuses. Sur les cobayes d’un mois, on y 
voit plusieurs rangées de cellules muqueuses et, sur ceux de deux mois, 
celles-ci constituent des colonnes épaisses d’épithélium caliciforme. 

Notons ce fait d'observation que les cobayes femelles ne sont aptes à 
être fécondées qu’à partir du troisième mois après la naissance (1). 

Chez le cobaye adulte, j’ai toujours observé un revêlement épais de 
cellules muqueuses dans le segment proximal du vagin. 

Les observations de M. SaLvion pour ce qui concerne la lapine, les 
miennes propres pour ce qui a trait au cobaye sont en contradiction avec 
l’assertion de M. Morau, attribuant au segment proximal du vagin des 
Rongeurs un épithélium pavimenteux stratifié, à couches superficieiles 
kératinisées. Bien avant que le cobaye soit apte à la reproduction, en 
dehors de toute influence du rut et du coït, le segment proximal de son 
vagin est pourvu d'assises nombreuses de cellules cylindriques ayant subi 
la transformation muqueuse. 

Cette constitution du segment proximal du vagin me semble apporter 
quelques éclaireissements à l’origine du bouchon vaginal que présentent 
certains Rongeurs. On sait que BERGMANN et LEUKART en 1852, puis 
BiscoFr avaient observé, chez la femelle du cobaye, un bouchon obtu- 
rant le vagin après-la copulation. Ces auteurs (2), considèrent le bouchon 


(1) La détermination de l’âge exact où s'établit la fonction génésique chez 
les cobayes, vient d’être faite par des recherches récentes. M. A. HÉNOGQuE (1) 
a établi qu'à l’âge de trois mois, les mâles sont aptes à la reproduction. 
D'autre part, C.-S. Minor (2) affirme qu’en général les jeunes femelles de 
cobayes sont fécondées du 100° au 150e jour par les mâles adultes. Mais ce 
dernier auteur ajoute en note qu'il a vu des jeunes femelles être fécondées 
avant l’âge de deux mois. 

(2) Je renvoie pour les indications bibliographiques relatives à cette question 
aux nombreuses publications de M. F. Lataste et spécialement aux Mémoires 
suivants : 4° Sur le bouchon vaginal des Rongeurs (Journal de l'Anat. et de la 
Physiol., 1883, p. 144) ; 2° Recherches de zooéthique (Actes de la Sociélé Linnéenne 
de Bordeaux, XL£ vol., 1887); 30 Comptes rendus Soc. Biol., 3 nov. et 8 décembre 
1888. FES 


{4) Archives de Physiol. normale et pathol., 1891, p. 108 et suivantes. 
(2) Senescence and Rejuvenation, Journal of Physioly., vol. XIX, n° 2, 1891, p 133 


104 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


vaginal du cobaye comme un produit des vésicules séminales du mâle. 

MM. Héron-Boyer et R. BLANCHARD (1) trouvent que, chez le Pachyu- 
romys Duprasi, le bouchon est formé par une couche corticale de mucus 
concrétionné, dans lequel on ne découvre la présence d'aucun élément 
anatomique, tandis que la partie centrale est constituée par un amas de 
spermatozoïdes. 

M. HéroN-Royer pense que le mucus constituant la partie externe du 
bouchon vient essentiellement de l’utérus. 

M. F.Larasre (Soc. Linéenne, p. 325 et suivantes), résumant ses patientes 
et belles observations faites sur nombre de rongeurs arrive à la conclu- 
sion suivante : 

« Le bouchon vaginal est composé de deux parties distinctes aussi bien 
par leur nature que par leur origine : une masse éjaculée par le mâle et 
une enveloppe surajoutée par la femelle. Sa masse est fournie par le 
double réservoir des vésicules séminales du mâle; l’enveloppe est com- 
posée des cellules épidermiques stratifiées, évidemment détachées sur 
place de la muqueuse vaginale. 

« La partie centrale du bouchon contient accessoirement toutes les 
parties du sperme. » 

Après avoir suivi le développement des nombreuses couches de cellules 
muqueuses revétant le vagin du cobaye, j'ai examiné au microscope, à 
l'état frais et après fixation et coloration, le bouchon vaginal du cobaye 
après la copulation. Il est formé d’une masse visqueuse présentant les 
mêmes caractères et les mêmes cellules que l’épithélium superficiel du 
segment proximal du vagin. D'après cette constatation, je m'explique 
la formation du bouchon de la façon suivante : les frottements du pénis 
contre la surface intérieure du vagin détachent des amas des cellules 
muqueuses auxquelles se mêle le sperme du mâle (contenu des vésicales 
séminales et spermatozoïdes). En un mot, le bouchon vaginal provient 
essentiellement des cellules muqueuses qui recouvrent chez cet animal, 
en couches nombreuses, le segment proximal du vagin. En se détachant, 
elles prennent le moule que leur prête la cavité du vagin et constituent 
une sorte de bouchon, composé d'assises concentriques de cellules mu- 
queuses. Celles-ci peuvent englober toutes les parties du sperme éjaculé. 


II. —— EVOLUTION ET STRUCTURE DE L'ÉPITHÉLIUM VAGINAL 
CHEZ LES CARNIVORES ET LES RUMINANTS. 


a.) Chienne. 


Sur les embryons et les fœtus de chien longs de 12 centimètres, le seg- 
ment distal du vagin possède le même épithélium pavimenteux de 0®",1 
que le sinus urogénital, alors que le segment proximal n’a qu’un revête- 


(1) Zoologiger Anzeiger, 28 novembre 1881. 


DE L'ÉPITHÉLIUM DU VAGIN DES MAMMIFÈRES 105 


ment épithélial de 25 w, formé de deux à trois rangées de petites cellules 
arrondies ou polyédriques. 

Sur une chienne de dix-huit mois, nullipare, le segment proximal du 
vagin est composé de plusieurs rangées de cellules polyédriques. Par 
places seulement, on voit un mince liséré superficiel formé de quelques 
éléments aplatis. Dans les diverticules, les cellules superficielles sont 
cylindriques basses. 

Dans le segment distal, l’épithélium est pavimenteux stratifié. 

Sur une chienne adulte, en dehors de l'époque de la gestation, le seg- 
ment proximal du vagin est pourvu d’un épithélium polyédrique stra- 
tifié. A la surface de l’épithélium, on trouve une ou deux assises de cel- 
lules aplaties. 

Dans le segment distal, l'épithélium est franchement pavimenteux stra- 
tifié et deux fois aussi épais que celui du segment proximal. 

Sur les chiennes en gestation (dans un cas, embryons longs de 1 centi- 
mètre; dans un autre cas, fœtus longs de 10 centimètres), le segment 
proximal du vagin est revêtu d’un épithélium polyédrique ; mais dans les 
replis de la muqueuse, il existe une assise superficieile de cellules cylin- 
driques. L'épithélium de cette portion proximale est de moitié moins 
épais que celui du segment distal où il est pavimenteux stratifié et recou- 
vert de plusieurs assises de cellules aplaties. 

Examen de trois chiennes, 2, 3, 4 jours après la parturition : Sur toute 
l'étendue du vagin, l’épithélium stratifié présente une couche superfi- 
cielle de cellules hautes et cylindriques ayant subi la transformation 
muqueuse. 

b.) Chatte presque à terme. Le segment proximal du vagin est pourvu 
d'un épithélium polyédrique stratifié, mais dans les replis de la muqueuse 
les cellules superficielles ont le grand axe perpendiculaire à la surface et 
elles sont pourvues d’une extrémité libre saillante. Le segment distal a 
un épithélium pavimenteux stratifié dont les éléments superficiels sont 
aplatis parallèlement à la surface. 

c.) Ruminants et Solipèdes. 

Brebis en dehors de l'époque de la gestation et nullipare. L'épithélium 
du vagin est pavimenteux stratifié dans toute son étendue. Les assises 
superficielles sont aplaties et pourvues d’un noyau. 

Brebis pendant la gestation. Le segment distal a la même structure que 
sur la précédente, tandis que le segment proximal a un épithélium dont 
les assises superficielles sont polyédriques. Les cellules superficielles ont 
le grand axe perpendiculaire à la surface et commencent à subir la 
transformation muqueuse. 

Une jument en dehors de l’époque de la gestation a un épithélium vagi- 
nal formé de nombreuses assises dont les superficielles sont lamelleuses. 

Sur les fœtus de veau, on voit de même l’épithélium polyédrique stra- 


. tfié du segment proximal du vagin persister jusqu’à la naissance ; sur un 


106 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


veau de 4 m. 5, on trouve de plus des cellules cylindriques dans les 
replis de la muqueuse vaginale. 

Vache en dehors de l’époque de la gestation. Le segment proximal et dis- 
tal du vagin sont pourvus d'un épithélium pavimenteux stratifié. Les 
cellules superficielles sont aplaties parallèlement à la surface. 

Vache pendant la gestation. Le segment proximal du vagin est recouvert 
d'un épithélium pavimenteux stratifié ; les cellules superficielles sont 
polyédriques par places, et, plus loin, elles tendent à prendre la forme 
cylindrique. Dans les replis de la muqueuse, on voit l'épithélium superfi- 
ciel présenter des cellules cylindriques ayant subi la transformation 
muqueuse. 

Pas plus que Verru (1) chez la femme, je n’ai trouvé de véritables 
glandes dans le vagin des quadrupèdes précédents. Gomme chez la femme, 
il existe chez la chienne, la chatte, la vache et la brebis, des saillies du 
chorion ou derme rappelant les papilles de la peau. Elles sont d'autant 
plus nombreuses et plus élevées qu'on approche davantage du vestibule 
du vagin. 

En outre, on observe dans le vagin de ces animaux des bourgeons 
épithéliaux constitués par un épithélium pavimenteux stratifié; leur fond 
plonge dans le chorion sous la forme de saillie conique ou Ps De 
rique. Veith (loc. cit.) a décrit et figuré des formations semblables chez la 
femme. 

À côté de ces bourgeons pleins, on remarque chez tous ces quadru- 
pèdes, surtout dans le segment proximal, des replis, diverticules ou 
dépressions creuses de la muqueuse. Je rappelle que l’épithélium de ces 
dépressions se modifie en premier lieu dans les diverses conditions phy- 
siologiques amenant la transformation des éléments superficielles en cel- 
lules cylindriques et muqueuses. | 

J'aurais voulu étendre ces observations à la femme, mais le manque de 
matériaux m'a empêché de vérifier si la gestation et la parturition 
exercent une influence semblable sur la forme de l’épithélium vaginal. 

Les faits de structure que je viens de rapporter montrent combien 
il est nécessaire de multiplier les observations afin de se procurer 
la série complète des stades marquant l’évolution de la muqueuse dü 
vagin. De cette façon.seule on se rendra compte de l'influence qu'exercent 
sur le vagin l'ovulation, la fécondation, la gestation et la parturi- 
tion. 

Malgré le nombre restreint de stades et d’animaux que j’ai pu étudier, 
voici les conclusions que me semblent comporter les faits que J'ai rap- 
portés plus haut. 


. I. Le segment proximal du vagin du cobaye est revêtu d'épaisses couches 


(1) Archiv. für pathol. Anat. und Physiol., Bd CXVII, Heft I, p. 171, 1889. 


DE L'ÉPITHÉLIUM DU VAGIN DES MAMMIFÈRES 107 


de cellules muqueuses, avant que cet animal soit en äge d’être fécondé. Dans 
la suile, le cobaye adulte possède constamment, dans le segment proximal 
du vagin, un épithélium dont les nombreuses assises superficielles ont subi 
la modification muqueuse. 


II. Chez la chienne, la chatte, la brebis et la vache, l'épithélium du seg- 
ment proximal du vagin reste pavimenteux ou polyédrique stratifié jusqu’à 
une époque avancée de la gestation. C’est dans les replis de la muqueuse 
que débute la transformation muqueuse des cellules superficielles devenues 
cylindriques. 

La modification muqueuse atteint son plus haut degré de développe- 
ment quelques jours après la parturition. 


UT. Chez les carnivores et les ruminants, ni l'époque du rut nt le coït ne 
semblent produire aucune modification appréciable dans la structure de 
_l'épithélium du vagin. La dernière période de la gestation et surtout la 
parturition exercent une influence directe sur la transformation muqueuse 
des cellules épithéliales du vagin. ; 


SN ENAEUTE 


NOUVEAU 


TRAITEMENT AXTINEPTIQUE DE LA DIPHTERIE 


PAR L'ANTIPYRINE 


par M. le D' A. VIANNA 


DE BAHIA (BRÉSIL) 


Travail du laboratoire de M. le professeur Slraus. 


(Mémoire lu à la Société de Biologie dans la séance du 26 mars 1892.) 


Depuis qu’on a montré quel rôle important les microorganismes jouent 
dans la production et la dissémination des maladies, les expérimentateurs 
ont cherché s’il existe des substances capables de tuer les différents 
microbes ou d'empêcher leur évolution, sans en même temps porter 
atteinte aux cellules de l’économie, et sans modifier profondément la 
structure des tissus. Beaucoup d'agents chimiques ont été étudiés : l'acide 
phénique, le sublimé corrosif, l'acide borique, le sulfate de cuivre, l’io= 
doforme, etc. Dès à présent, on peut dire que grâce à ces agents, toutes 
les audaces sont permises aux chirurgiens, puisqu'elles sont le plus sou- 
vent couronnées de succès. À la suite de ces découvertes, la thérapeutique 
médicale a voulu, elle aussi, utiliser les agents microbicides et les antisep- 
tiques. Mais les résultats obtenus ont été peu satisfaisants, soit en raison 
du peu de solubilité ou de diffusion dans l'organisme, des produits 
employés, soit à cause de leurs propriétés toxiques ou caustiques. Le but 
idéal à atteindre serait de trouver un antiseptique capable de tuer les 
bactéries, ou de les empêcher de se développer, tout en ayant la propriété 
de pouvoir être employés sans danger, local ni général, pour les malades. 

Dès que la diméthyloxyquinizine eût été découverte par Knorr, en 1884, 
son action antithermique fut reconnue immédiatement, et c’est sous le 
nom d'antipyrine que Filehne, après l'avoir expérimentée, la présenta au 
monde savant. 

Immédiatement, le nouveau corps fut étudié par un grand nombre 
d'observateurs qui recherchèrent ses propriétés physiologiques et toxiques 
et s’attachèrent surtout à démontrer et à interpréter son action antither- 


110 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


mique. L'antipyrine a été appliquée au traitement du rhumatisme arli- 
culaire aigu par plusieurs auteurs, ainsi qu'à celui de la migraine. Les 
nombreuses applications qu’on en peut faire avec succès à d’autres affec- 
tions douloureuses et inflammatoires avaient échappé aux recherches. Ce 
n’est que dans la communication de M. Germain Sée à l’Académie des 
sciences (18 avril 1887), que nous voyons nettement indiquées les nom- 
breuses maladies justiciables du traitement par l’antipyrine. Il est égale- 
ment deux autres points fort intéressants de l’étude de l’antipyrine, c’est, 
d’une part, l'analyse de son action hémostatique (Hénocque et Ardouin) 
et, d'autre part, celle très importante de son pouvoir antifermentescible 
(Brouardel et Loye). 

L’antipyrine est un corps cristallisé, grisâtre ou d’un blanc tirant sur le 
rouge, ayant au microscope l'aspect de petites colonnes tronquées ou de 
feuilles. Sa saveur est un peu amère, mais moins que celle de la quinine. 
Elle est soluble dans l'alcool, peu soluble dans l’éther, et très soluble 
dans l'eau {roide; à chaud sa solubilité est encore plus grande : quatre- 
vingts parties d’antipyrine se dissolvent dans cent parties d’eau à chaud. 

M. Germain Sée, dans sa communication à l’Académie des sciences, 
donna un résumé succinct des recherches cliniques et expérimentales entre- 
prises depuis cinq mois dans le service de la clinique médicale de l'Hôtel- 
Dieu, sur le traitement par l’antipyrine de diverses affections. M. Cara- 
vias (1) a bien étudié l’antipyrine, principalement au point de vue de 
l’action antidouloureuse, analgésiante du médicament. Mais dans son 
travail, il dit qu’à côté de la douleur, il est une autre indication pour 
l'administration de l’antipyrine, c'est l’état inflammatoire local : les 
œdèmes, les épanchements articulaires. Dans le rhumatisme, ces deux 
éléments, douleur et tuméfaction, sont fort souvent réunis; l’antipyrime 
agit sur l’un comme sur l'autre; dans d’autres cas, comme quand il 
s'agit de névralgies, la douleur seule est manifeste, l’antipyrine la calme 
souvent. Dans l’hydarthrose, il n’existe que de l’épanchement articulaire, 
cause de gêne plutôt que de douleurs, et là encore l'antipyrine agit 
admirablement en faisant rapidement disparaître le liquide. Enfin, dans 
les déterminations articulaires d'une maladie infectieuse bien nette, la 
blennorrhagie, elle, a une action évidente, parfois même radicalement 
curative. Dans le purpura hémorragique, le pouvoir antihémorragique, 
signalé par Hénocque et Ardouin, se traduit sur les foyers hémorragiques 
sous-cutanés, qui pâlissent lrès rapidement et beaucoup plus vite qu'ils 
ne le font d'ordinaire. 

L'antipyrine, comme antithermique, est employée aujourd’hui par pres- 
que tous les médecins; comme hémostatique, elle a été employée par le 
D’ Labadie-Lagrave, qui en a obtenu de bons résultats dans le traitement 


(1) Recherches expérimentales et cliniques sur l'antipyrine, 1887. 


NOUVEAU TRAITEMENT ANTISEPTIQUE DE LA DIPHTÉRIE 411 


des métrorrhagies. Le D' Capitan l’a employée en inhalations nasales 
dans divers cas d’épistaxis. | 

Jusqu’à présent, personne n'a employé l’antipyrine comme antisep- 
tique. J’ai commencé mes études expérimentales sur l’antipyrine comme 
antiseptique après l'observation des faits, suivants. Dans ma clientèle au 
Brésil, et dans quelques cas observés à Paris, j'avais employé l’anti- 
pyrine (comme cela avait été déjà fait d'ailleurs) dans le traitement des 
angines simples : traitement basé sur les propriétés anti-inflammatoires 
très notables de cette substance. Me trouvant un jour atteint d’une 
angine qui me paraissait couenneuse (diagnostic confirmé par le D' Luc), 
j'essayai le traitement par l’antipyrine, et j'obtins une guérison rapide 
sans avoir besoin de faire usage d’autres médicaments. L’antipyrine m'a 
donc paru avoir agi, dans ce cas, comme anti-inflammatoire et comme 
antiseptique puissant. 

Je commençai, dans une série d'expériences, par rechercher si l’anti- 
pyrine avait quelque action sur le bacille de la diphtérie. La diphtérie est 
produite par le bacille que Lôffler a isolé dans les fausses membranes, et 
qui est aujourd'hui reconnu comme l'agent pathogène de la maladie, 
grâce surtout aux travaux de MM. Roux et Yersin. 

L'opinion formulée, il y a longtemps, par M. Jaccoud notamment, que 
la diphtérie est une maladie commençant par une infection locale, sus- 
ceptible de généralisation, a donc été démontrée exacte par l’expérimen- 
tation. N’élaient les accidents d'ordre purement mécanique, l'obstruction 
des voies respiratoires, on peut dire que tout le danger de la diphtérie 
vient de la résorption des substances chimiques élaborées par le bacille 
au niveau du foyer local. De toutes les maladies infectieuses, la diphtérie 
est peut-être celle où l’on voit le plus facilement le rôle de l'intoxication. 
Tout malade diphtéritique est atteint d’empoisonnement, léger ou grave. Si 
la quantité de poison qui entre rapidement dans l'organisme est trop grande, 
peut-être parce que le bacille est particulièrement actif ou virulent, le 
malade succombe fatalement. La mort peut être aussi la conséquence 
plus tardive de lésions anatomiques créées par l’empoisonnement. Enfin, 
quand le poison est résorbé en quantité minime, ou qu'il est détruit par 
Ja nutrition cellulaire, ou qu'il est suffisamment éliminé par les émonc- 
toires, le malade guérit. La première indication est donc de supprimer la 
source du poison. On conçoit que cette suppression, füt-elle immédiate, 
peut rester, dans certains cas, inefficace, parce que, au moment de l’inter- 
vention, l’'empoisonnement mortel est effectué. Le plus souvent, avec l'éli- 
mination complèle ou partielle de la cause, on peut espérer que la résis- 
tance de l'organisme triomphera. Il faut dont attaquer le mal localement, 
le plus vite possible. 

Depuis longtemps, on s’est efforcé de réaliser cette indication, et 
diverses substances ont été préconisées, puis délaissées : telle qui réussis- 
sait dans les mains d’un médecin, échouait dans les mains d'un autre. 


112 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Les résultats de mes recherches établissent, je pense, le pouvoir antisep- 
tique très énergique de l’antipyrine sur le bacille de la diphtérie. C’est en 
me plaçant à ce point de vue que j'ai entrepris mes recherches. J'ai pro- 
eédé de la manière suivante. Des tubes de bouillon et de gélose ont été 
additionnés dans des proportions variables avec de l’antipyrine, puis 
ensemencés avec le bacille très virulent de la diphtérie. En même temps, 
des tubes de gélose et de bouillon furent ensemencés de même, et servirent 
de témoins. Le tout fut mis à l’étuve à 38 degrés. Après 24 heures, 
on vit déjà dans les tubes témoins un développement très actif, tandis 
que dans les autres, le développement fut plus ou moins entravé ou nul. 
Dans les tubes qui contenaient l’antipyrine, à la dose de 4 et 2 p. 100, 
il y avait un léger développement. Maïs dans les tubes qui contenaient 
l'antipyrine à la dose de 2 gr. 50 et plus p. 100, aucun développe- 
ment ne s’est manifesté. Après 48 heures, la culture était abondante 
et caractéristique dans les tubes témoins, et même dans ceux qui con- 
tenaient l’antipyrine à la dose de 1 et 2 p. 100; tandis que dans les 
tubes contenant l'antipyrine à la dose de 2 gr. 50 et plus p. 100, toute 
végétation faisait défaut (voir le tableau A). Ve plus, j'inoculai à des 
cobayes le contenu des tubes à antipyrine n'ayant donné lieu à aucun 
développement et en même temps j'ensemençai avec le contenu de ces 
tubes, de nouveaux tubes de gélose et de bouillon simples. Des tubes de 
gélose et de bouillon, servant de témoins, furent ensemencés en même 
temps avec le bacille diphtéritique. Les résultats ont été les suivants : les 
tubes témoins présentaient un développement manifeste, après vingt- 
quatre heures, tandis que les autres ne présentaient aucun dévelop- 
pement après vingt-quatre et quarante-huit heures. Les cobayes témoins, 
inoculés avec culture normale de diphtérie, moururent en trente-six et 
quarante-huit heures, en présentant toutes les lésions caractéristiques de 
la diphtérie; les autres, inoculés avec les tubes à antipyrine, ne présen- 
tèrent aucun phénomène morbide (voir les tableaux n°* 1, 2 et B). 

Je poursuivis ces recherches, et dans toutes les expériences faites avec 
l’antipyrine à la dose de 2 gr. 50 et plus p. 100 dans le bouillon et gé- 
lose, j'ai toujours obtenu les mêmes résultats, c'est-à-dire que jamais je 
n’ai obtenu de cultures : d’où cette conclusion, que l’antipyrine, à partir 
de la dose de 2 gr. 50 p. 100, a la propriété d'empêcher le développement 
du bacille diphtéritique dans le bouillon et dans la gélose et que, après le 
contact au plus de 48 heures pour la dose de 2 gr. 50 p. 100 d’antipy- 
rine, et au plus de 24 heures à partir de la dose de 5 p. 100, l’antipyrine 
a la propriété de tuer les bacilles (voir les tableaux B et n° 1). 

J'ai varié ces expériences de la façon suivante. Dans des cultures diph- 
téritiques en bouillon et en complet état de développement, j'ai introduit 
l’antipyrine à la dose de 2 gr. 50, 4 et 5 p. 100, pour rechercher si l’ac- 
tion après le complet développement était le même que quand on sème 
le virus diphtéritique dans des tubes additionnés d’antipyrine. Les tubes 


TABLEAU À. - 


Ensemencement fait dans les milieux de culture sans mélange d'antipy- 
rine ou contenant l’antipyrine à la dose de 1 à 5 gr. pour 100, avec 
le même virus diphtérique. 


à MILIEUX É MILIEUX DOSE 
NUMEROS ë UMEROS 
Ar sans RESULTATS EEE dE 
D'ORDRE f D'ORDRE L'ANTI- L'ANTI- 
ANTIPYRINE BRIE NE 


RÉSULTATS 


St-terenetertter tester |); 
HE 


D © © p à © p p © pp À 


& D D = D D À D D = NN D = D D Eee D = & D D À D D = D D À OC 10 100 À Où & 10 1 ee © À 1 D = 


==++et+ettethtet+ettsettett+ett+esetfsseth+eset+ 


a 


Selon un usage adopté par plusieurs auteurs, le signe + indique un ense- 
mencement qui à donné une culture; le signe O un ensemencement resté sté- 
rile; À indique que l'ensemencement a été fait sur la gélose, et B qu’il a été fait 
dans le bouillon. 


114 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


TABLEAU B. 


Tubes témoins, sans addition d'antipyrine, ensemencés avec le contenu 
des tubes du tableau A. 


ENSEMENCE- ENSEMENCE- 


Nae MENT AE ON el AGE 
*  [ducontenu| des RÉSULTATS OO ERT ÉSTAUTS 
D'ORDRE des p’orpre | des tubes 
tubes purs | CULTURES nr CULTURES 
heures. p- 100 heures. 
1 a b |24 et 48 . 4 PTE 24 —- 
2 a b 24 et 48 + 4 » 0 
3 a b |24 et 48 + 5 » 0 
4 a b |24 et 48 —— 2 ae 24 + 
5 a b 24 et 48 + 4 » 0 
6 a b |24 et 48 —- ù. » 0 
7 a b |24 et 48 — 2 4/2 48 0 
8 a b |24 et 48 + 3 2 1/2 24 + 
9 a b 7|24 et 48 = mn » 0 
10 a b |24 et 48 +- 5 » 0 
2 1/2 48 0 
4 2 1/2 24 +- 
L » 0 
5 » 0 
2472 48 0 
5 ut? 2% + 
d) » 0 
DUA2 48 0 
6 21/2 24 —+ 
4 » 0 
2472 48 0 
7 220 1yP2 24 + 
5 » 0 
2?) 48 0 
8: 2 4172 24 +- 
" » 0 
D » 0 
24/2 48 0 
9 Du 24 + 
) » 0 
A4)? 48 0 
10 AR 24 + 
A » 0 
5 » Û 
ty 2 48 0 


Selon un usage adopté par plusieurs auteurs, le signe — indique un ense- 
mencement qui a donné une culture; le signe O, un ensemencement resté sté- 
rile, À indique que l'ensemencement a été fait sur la gélose, et B qu'il a été fait 
dans le bouillon. | 

EEE 


NOUVEAU TRAITEMENT ANTISEPTIQUE DE LA DIPHTÉRIE 115 


—_— 


furent mis à l’étuve à 38 degrés. Après 24 heures, j'ai prélevé dans ces 
tubes des anses de cultures, que j'ai resemé dans des tubes purs de gélose 
et de bouillon. Les résultats ont été les suivants. Les tubes où l’anti- 
pyrine fut mise à la dose de 2 gr. 50 p. 100 donnèrent encore, au bout de 
24 heures, une culture féconde. Les tubes où l’antipyrine fut mise à la 
dose de 5 p. 100 pendant 24 heures ne donnèrent aucun développement. 
Après 48 heures, tous les ensemencements demeurèrent stériles, même 


TABLEAU 1. 


Cobayes inoculés sous la peau, avec le contenu des tubes de bouillon contenant 
l’antipyrine à dose de 2 1/2, 4 et 5 pour 100, du tableau À. 


: POIDS 
NUMÉROS JOURS Re DOSE 


D'INOCULATION L'INOCULA- INOCULÉE 


RÉSULTATS 


D'ORDRE 


grammes cent. c. 


6 janvier 1892 270 1 Ce cobaye existe encore 
dans la ménagerie du la- 
boratoire. Poids 420 gr. 

485 

690 

580 

250 

410 

… 310 - 
400 
465 


130 


8 janvier 1892 460 
10 janvier 1892 710 
14 janvier 1892 680 
16 janvier 1892 510 
20 janvier 1892 460 
25 janvier 1892 420 
25 Janvier 1892 4710 

2 février 1892 520 

5 février 1892 540 

6 février 1892 550 

1 février 1892 960 


DNDUNNerr re = 


ceux faits avec les cultures additionnées seulement à la dose de 2 gr. 50 
p- 100 d’antipyrine. 

Ces résultats ont été obtenus d’une façon constante. Dans une nouvelle 
série de recherches, je crois avoir mis en évidence, que l’antipyrine 
exerce, non seulement une action bactéricide sur le bacille diphtérique, 
mais qu’elle a aussi la propriété d’atténuer plus ou moins énergiquement 
le poison diphtéritique. Voici les faits qui le démontrent. Nous nous 
sommes assuré que dans nos cultures dans le bouillon, déjà au bout de 
48 heures il se produisait une toxine très puissante. 

En effet, ces cultures filtrées, inoculées a la dose de 1 centi- 
mètre cube sous la peau d’un cobaye, le faisaient mourir au bout de 
48 heures avec les lésions caractéristiques de la diphtérie. Si l’on addi- 


116 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


TABLEAU 9. : 


+ 


Cobayes témoins inoculés sous la peau, avec le contenu des tubes de bouillon 
sans addition d’antipyrine, du tableau A. 


| OID£ 
NUMÉROS JOUR ae à MDESE : 
avant RESULTATS 
D'ODRE D'INOGULATION L'INOCULA- | INOGULÉE 


TION 


grammes cent. c. 


1 6 janvier 1892 510 4/2 Mort le 8 janvier. Poids, 
450 gr. Autopsie : œdème 
au point d'inoculation, 
congestion des intestins 
et des capsules surré- 

: 4 nales, pas de bacille. 

2 8 janvier 1892 620 1 12 Mort le 10 janvier. Poids, 
500 gr. Autopsie, mêmes 
lésions. 

3 10 janvier 1892 520 1/2 Mort le 13 janvier. Poids, 
380 gr. Autopsie, mêmes 
lésions. 

4 14 janvier 1892 570 1/2 Mort le 18 janvier. Poids, 
400 gr. Autopsie, mêmes 
lésions, moins l’æœdème 
au point d'inoculation. 


5 16 janvier 1892 600 1/2 Mort le 19 janvier. Poids, 
420 gr. Autopsie, mêmes 
lésions. 

6 20 janvier 1892 560 1/3 Mort le 24 janvier. Poids, 
350 gr. Autopsie, mêmes 
lésions. 

7 25 Janvier 1892 580 1/3 Mort le 30 janvier. Poids, 
360 gr. Autopsie, mêmes 

S lésions, moins l’æœdème. 


8 27 janvier 1892 300 115 Mort le 30 janvier. Poids, 
210 gr. Autopsie, mêmes 
lésions. 

9 2 février 1892 450 1/2 Mort le 6 février. Poids, 
320 gr. Autopsie, mêmes 
lésions, moins l'œdème 
au point d’inoculation. 


10 5 février 1892 460 1/3 Mort le 9 février. Poids, 
280 gr. Autopsie, mêmes 
lésions. 

A1 6 février 1892 490 1/3 Mort le 9 février. Poids, 

310 gr. Autopsie, mêmes 
lésions. 

12 7 février 1892 450 1/2 Mort le 9 février. Poids, 
320 gr. Autopsie, mêmes 

lésions. 


NOUVEAU TRAITEMENT ANTISEPTIQUE DE LA DIPHTÉRIE 417 


tionnait des cultures en plein développement avec l’antipvrine à la dose 
de 2 gr. 50 p. 400 et qu’on laisse séjourner le tout à l’étuve à 38 degrés 
pendant 24 et 48 heures, l’inoculation sous-cutanée de 1 et 2 centimètres 
cubes de ces cultures tuerait encore les cobayes, mais le plus souvent 
au bout d’un temps beaucoup plus long, 3 à 5 jours. Les résultats étant 
toujours les mêmes, soit qu’on inoculât la culture entière contenant 
encore les bacilles tués par l’antipyrine, ou les cultures privées de ces 
bacilles par la filtration à travers le filtre de Chamberland : lorsque la 
dose d’antipyrine ajoutée à la culture a été plus forte, les cobayes étaient 
encore tués, à la suite d’inoculations sous-cutanées de cultures non filtrées 
et filtrées, seulement la survie a été plus longue, 5, 6, 8 et 10 jours. 
Enfin si l’on additionnait à la culture une dose plus considérable encore 
d'antipyrine, 6 à 8 grammes p. 100, et si on l’injectait après un séjour à 
l’'étuve à 38 degrés pendant 24 et 48 heures, l'injection de ces mêmes 
doses ne provoquait la mort qu’au bout de 10, 12, 15, 18, 20 et 24 jours. 
On voit donc que l’action de l’antipyrine s’exerce non seulement sur le 
bacille, mais aussi sur les produits de sécrétion déjà formés sur la toxine. 
Pour bien mettre en lumière ce fait, j'ai expérimenté sur la toxine elle- 
même, c'est-à-dire sur les cultures privées de bacille par la filtration. 
Des cullures de diphtérie, très virulentes, âgées de 6 à 12 jours, ont 
été filtrées par le filtre Pasteur ; le filtrat a été réparti en des flacons 
d'Erlenmeyer stérilisés, additionnés d’antipyrine à doses variées, puis 
placés à l’étuve à 38 degrés. Après un séjour de 24, 48 heures et plus, 
j'ai inoculé aux cobayes ces produits filtrés et chauffés; les résultats ont 
été les suivants : les cobayes inoculés avec les cultures filtrées et sans 
l’antipyrine sont morts en 2 et 3 jours, tandis que d’autres, inoculés en 
même temps et à la même dose et plus, avec les cultures filtrées et con- 
tenant l’antipyrine sont morts, les uns, dans un délai de 3 à 10 jours, les 
autres ne sont morts qu'au bout de 15, 18, 20 et 24 jours. Il me semble 
donc ressortir de ces expériences que l’antipyrine a une propriété anti- 
septique puissante sur le bacille de la diphtérie : propriété antiseptique 
très marquée qui la rend bien supérieure et préférable aux autres anti- 
septiques employés jusqu'ici. Elle peut être, en effet, employée sans dan- 
ger pour les malades, par l'usage interne et localement. Cette application 
locale peut être faite en même temps, soit sous forme de pulvérisations 
ou vaporisations à doses variables. Les mêmes applications ne peuvent 
être faites avec les antiseptiques qui ont la propriété d'empêcher le déve- 
loppement du bacille ou de le tuer, parce qu'ils sont en général caus- 
tiques et dangereux dans leur emploi. C’est justement ce qui fait jusqu'à 
présent la difficulté du traitement de la diphtérie. Le traitement jusqu'ici 
employé par tous les médecins consiste dans l'association de divers anti- 
septiques ne produisant le plus souvent qu’un résultat médiocre ou nul. 
La stalistique prouve que la mortalité de cette maladie est énorme malgré 
tous les traitements employés. Toute la difficulté est donc de trouver un 


118 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


antiseptique, qui, ayant les propriétés d'empêcher le développement du 
bacille ou de le tuer, puisse être cependant administré souvent aux ma- 
lades localement et par l'usage interne. Du moment qu’il est démontré 
que le plus grand danger de la diphtérie est l'empoisonnement produit 
par les sécrétions des microbes, c'est-à-dire la toxine, l’antipyrine nous 
semble tout indiquée, puisqu'elle empêche le développement du bacille 
diphtérique, le tue et produit une atténuation très considérable de la 
toxine. 

Grâce aux résultats obtenus à la suite de mes recherches, je suis con- 
vaincu que, maintenant, avec l’antipyrine seule, les médecins auront dans 
le traitement de la diphtérie des résultats encourageants ou en tous cas 
très supérieurs à ceux obtenus jusqu'ici par les autres médicaments. Nous 
savons que l’antipyrine peut être employée jusqu à la dose de 6 grammes 
par jour, soit par la voie stomacale, soit par injections sous-cutanées à la 
dose de 50 centigrammes à 1 gramme, une ou deux fois par jour. Cette 
seconde méthode devra être réservée dans le cas d’intolérance gastrique 
du médicament. Localement, l’antipyrine peut être employée à doses très 
considérables : en poudre, sur les fausses membranes, et en solution dans 
l’eau jusqu'à la dose de 30 à 40 grammes p. 100 sans aucun inconvénient, 
en gargarismes et en vaporisations. 

Je regrette de n'avoir pas pu confirmer cette étude par des applica- 
tions cliniques, ne disposant malheureusement pas ici de malades diph- 
téritiques. 

En tout cas, je suis convaincu de l'efficacité du traitement de la diphtérie 
par l’antipyrine, et j'espère voir bientôt confirmer les résultats de mes 
études, par les médecins qui ont des malades diphtériques. En tout cas, 
ceux qui voudront bien essayer ce traitement, trouveront qu’il ne peut 
entrainer aucun inconvénient pour les malades. 


L'ÉLECTROLYSE MÉDICAMENTEUNE CUTANEE 


M. le Dr BRIVOIS 


(Mémoire présenté par M. D’ArsonvaL, dans la séance du 26 mars 1892.) 


La décomposition des sels métalliques, des acides, des composées bi- 
naires et lernaires a été tentée et réalisée avec succès par le courant vol- 
taique. Faraday a établi les lois qui président à l’Electrolyse. Beaucoup 
de savants et de médecins ont cherché à décomposer cerlains médica- 
ments dans les tissus et au contact des muqueuses des cavités du corps 
humain. L’électrolyse des corps composés à travers la peau, a été aussi 
tentée souvent, mais sans succès. Un mémoire sur ce sujet, a été présenté 
à l’Académie par un de nos confrères d'Algérie. L'iode semblait, d’après 
son procédé, traverser les articulations du pôle — au pôle suivant les 
lois de Faraday et conformément à la théorie de Grothus. Au congrès de 
Berlin, Edison présentait un travail sur l’électrolyse des médicaments à 
travers la peau. Un récent mémoire s'appuyant sur des expériences, faile 
sur les animaux, concluait dans le sens de la pénétralion à travers les 
téguments. L’académie de médecine en a entendu la lecture dans sa 
séance du 2 février 1892. Dans tous ces traveaux on a négligé le point im- 
portant, qui consiste dans la recherche du corps décomposé, dans l’inti- 
milé même des tissus et dans son élimination par l'urine. 

Si le médicament se retrouve dans le produit de l’excrétion urinaire — 
le doute n'est plus permis ; chacun peut répéter l'expérience et se livrer à 
des analyses qui confirmeront ou infirmeront le fait. C’est sur ce principe 
que je me suis basé, pour chercher à faire pénétrer dans les lissus, à tra- 
vers la peau, sans la léser jamais, un certain nombre de médicaments 
sous l'influence du courant voltaïque. C’est sur ce fait que j’attire aujour- 
d’hui l'attention de l’Académie. 

La peau offre par son épiderme une résistance considérable au courant 


BioLoGiE. MÉmoires. — 90 SÉRIE, 1. IV. 11 


120 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


— —_—__——————_———————————…—...— ..—————  ————_—]—_—_——_——— 2 ————"—— 


électrique. On ne peut vaincre, en partie du moins, cetle résistance, 
qu’en l’humectant, en la ramollissant, et en débarrassant les pores et les 
orifices des glandules, des produits sébacés et huileux qui les obstruent. 
L'eau tiède, additionnée de savon, l'éther, le chloroforme nettoient la 
peau et diminuent sa résistance en la rendant plus perméable. Cette pre- 
mière condition est indispensable dans le cas qui nous occupe. On choisira 
également pour les expériences qu'on voudra faire, des régions où la 
couche cornée est moins épaisse et moins dense et où les villosités et les 
orifices glandulaires sont plus nombreux. 

Au début de mes expériences que J'ai commencées en 1890, je me ser- 
vais de solutions plus ou moins concentrées des divers médicaments les 
plus employés en médecine. L'eau, la glycérine, l'alcool, l'éther me ser- 
vaient alternativement de véhicule. Je n’ai jamais réussi à faire passer 
aucun médicament, je ne dis pas dans l'organisme, mais dans l’urine des 
sujets en expérimentation. Les chimistes répondaient toujours à mes 
expériences par un zéro désespérant. Un jour j’eus l’idée de me servir 
comme véhicule du chloroforme et j'ai réussi au delà de mes espé- 
rances. 

Le chloroforme est le médicament qui passe avec le plus de facilité à 
travers la peau sous l'influence du courant voltaïque. Ma première appli- 
calion date du 7 décembre 1890. Elle s’adressait à un cas de sciatique très 
rebelle, pour lequel j'avais épuisé la série des applications électriques 
ordinaires. Voilà donc un peu plus de deux ans, que j'électrolyse le chlo- 
roforme et les solutions médicamenteuses chloroformiques à travers la 
peau. Beaucoup de médecins et d'étudiants m'ont vu opérer à ma clinique 
d'électrothérapie. Ce n’est que quelque temps après, en voyant les résul- 
tats thérapeutiques obtenus que j'ai été amené à rechercher ce corps 
dans l'urine des individus chez qui j'appliquais cette médication dans un 
but thérapeutique. 


MODE D'APPLICATION 


J'applique toujours le tampon négatif imbibé de chloroforme sur la 
partie douloureuse, généralement avec un résultat curatif très satisfaisant 
dans les névralgies les plus diverses. Je me réserve de montrer, en détail, 
les cures de celte médication, qui a eu ses succès, dans les cas de névral- 
gies les plus rebelles, qui n’avaient cédé à aucune autre médication em- 
ployée précédemment. 

Le sens du courant est toujours centripète. L'application du tampon 
chloroformé est toujours suivi, au point de vue symptomatique, d’une 
sédation plus ou moins complète de la douleur. Au point de vue physio- 
logique, qui nous intéresse davantage, la passage du médicament laisse 
dans les tissus sous-cutanées une marque apparente qui est la démons- 


ÉLECTROLYSE MÉDICAMENTEUSE CUTANÉE 191 


tration microscopique de son passage à travers la peau. L'application 
chloroformique est donc marquée d’un sceau particulier. C'est une sur- 
face rouge, violacée, granulée avec les pores de la peau saillants et gon- 
flés. La sensibilité très obtuse est presque éteinte. Rarement il y a des- 
quamalions épithéliale. Les tissus semblent avoir reçu un traumatisme, 
et l'illusion est encore plus complète les jours suivants : on peut se croire 
en présence d'une contusion en voie de résorption. Il y a donc eu extra- 
vasation sanguine et coagulation dans le système capillaire périphérique. 
Cette contusion d’un nouveau genre suit la marche ordinaire des trau- 
matismes de cette espèce, et au bout de quinze jours ou trois semaines, 
en moyenne, il n’y a plus trace de l'application voltaique médicamenteuse. 
La restitution ad integrum est parfaite, par contre l’autre pôle ne pré- 
sente aucune trace de réaction quelconque sur la peau avec la même 
intensité du courant employé. Il y a donc là une phénomène électrique 
qui a attiré forcément mon attention, puisque, à intensité égale, le pôle 
médicamenteux donne seul lieu à une lésion très appréciable. 

J'ai répété nombre de fois cette expérience toujours avec le même 
résultat. L'agent médicamenteux joue donc un rôle dans la production 
de l’ecchymose et passe dans l'organisme malgré les téguments. Si le 
médicament passe, il doit être absorbé et on doit le retrouver dans l'urine, 

La seconde partie de ces expériences a été faite et M. Gautrelet, chi- 
miste urologiste, s’est chargé de me dire si on retrouvait dans l’urine le 
chloroforme qui imbibait mon tampon. 

Constamment M. Gautrelet a retrouvé dans l’urine le chloroforme 
passé à travers la peau sous l'influence du courant voltaïque. Il l’a retrouvé 
sous les deux formes par lesquelles il s’élimine : l’une minérale, et l’autre 
organique, et il y a décélé sa présence par la méthode du professeur 
Hayem. Tous les dosages du chlore organique ont donc été effectués par la 
méthode indiquée par Hayem-Winter pour le dosage du chlore organique 
des vues gastriques, modifiée par Gautrelet (in Bulletin de Soc.médico-chi- 
rurgicale), c'est-à-dire par la transformation du chlore organique en 
chlore chlorure salin par la potasse caustique (KO HO). 

Pour faciliter les recherches de M. Gautrelet j'avais le soin de recueillir 
l'urine du malade avant mon application chloroformique et environ deux 
heures après. Le taux urinaire-étalon étant connu, il était plus facile, en 
en ayant une base de comparaison, de doser le chlore et les chlorures. 
De nombreuses analyses ont été faites par M. Gautrelet qui a toujours 
relaté les mêmes résultats. Les malades ont été systématiquement pris 
par séries, sans choix ni distinction d'âge ni de sexe. L’application du 
tampon chloroformique a été faite dans les endroits les plus variés du 
corps humain avec le même résultat. 

L'intensité du courant voltaïque a été faible: 10 à 12 milliampères 
maximum. 

La durée a élé courte : trois minutes en général, rarement cinq. 


129 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTE DE BIOLOGIE 


L'électrode emplovée a été tantôt une électrode métallique et tantôt 
une électrode en charbon de moyenne grandeur, telles qu’on les trouve 
chez les marchands d'instruments. Je n’ai pas constaté grande différence 
dans l’application de ces deux électrodes. 

Jamais ou presque jamais je n'ai eu de lésion à la peau. Je dis presque 
jamais parce que, sur le grand nombre de séances qui ont élé faites, 
quelques opérations ont été réalisées par mes aides de clinique. Le peu 
d'intensité, 10 milliampères, la petile durée des applications, trois minutes 
ne comportent pas généralement de lésions à la peau. Quand, par 
hasard, une fois sur vingt-cinq ou trente applications, cet accident se pro- 
duisait, je ne faisais pas l'analyse de l'urine ; l'absorption pouvant se 
faire par la partie dénudée. Dans toutes mes as. personnelles 
l’épiderme est resté intact. 

Le pôle employé a été surtout le négatif (—). J'ai Ho voulu voir 
si le pôle + favorisait l'absorption chloroformique. Dans toutes les appli- 
cations que j'ai faites, à la même intensité, pendant la même durée, 
dans le même sens du courant, je n’ai pas trouvé la réaction sur la peau 
aussi nelle et le chimiste n’a pas constaté dans l'urine, les proportions 
habituelles des décomposés chloroformiques. La seule forme sous 
laquelle le chioroforme paraît passer est la forme inorganique. En pré- 
sence de ces résultats on doit se demander pourquoi le pôle (-—) est pré- 
pondérant, tout en admettant la possibilité d'une introduction partielle 
par le pôle (+). En un mot le chloroforme, sous l'influence du courant 
voltaique pénètre-t-il dans l'organisme sous sa forme ordinaire ou sous 
forme de décomposition éclectrolytique ? Autrement dit le courant est- 
il vecteur ou électrolyseur ? d 

Je pense qu'il n’y a aucune décomposition moléculaire du chloroforme 
au pôle (—), et que le médicament pénètre en nature dans l'organisme. 
Deux causes contribuent à lui faire träverser l’'épiderme. 


1° Le ramollissement de la couche épidermique imbibée du médica- 
ment. 

2 La paralysie vasomotrice des orifices cutanés et du système capil- 
laire sous-épidermique. Une petite quantité est immédiatement éliminée, 
mais il en reste encore une assez forte dose puisque les applications suc- 
cessives, faites les jours suivants, donnent un taux croissant de chlore et 
de chlorures dans l'élimination urinaire. Il séjourne done dans l’orga- 
nisme et nous le retrouvons en quantité plus considérable quand on pro- 
cède, par exemple, pendant plusieurs jours successivement à une appli- 
calion électrique quotidienne. Je ferai remarquer, en outre, que le taux 
d'absorption est grand si l'on considère la petite durée de l'application 
(3°) et la petite dose généralement employée (environ six à huit grammes.) 


Quelques chiffres et quelques analyses pour finir : 


ÉLECTROLYSE MÉDICAMENTEUSE CUTANÉE 


1° 
URINE 
avant l'application chloroformique 
OU URINE-ÉTALON 


(Cas de sciatique) 


Chlore deschlorures. 


Chlore organique. . 0 gr. (1) 


2 gr. 60 0 0,0 


Chlore des chlorures. 
Chlore organique. . 


URINE 
recueillie après 
L’APPLICATION CHLOROFORMIQUE 


Pôle (—) (2 heures après) 


5 gr. 70 0 
0 gr. 28 


URINE APRÈS UNE DEUXIÈME APPLICATION 
LE LENDEMAIN 


Chlore des chlorures., . 
Chlore organique. 


CHLORURES 


DIFFÉRENCE . . . , 


90 
URINE AVANT 
URINE-ÉTALON 
(Cas de sciatique) 


Chlore des chlorures : . 


Chlore organique. O-gr. 


9 en ule TENOUr 
6 gr. le 2° ° — 


8-gr. 48 


CAO PAS ZE L AU IE 
À gr. 04 


CHLORE ORGANIQUE 


0 gr. 28 le-1° jour 
4 gr: 04 le 2° — 


URINE 
APRÈS 2 HEURES 


Pôle (—) 


Chlore des chlorures , . . 
Chlore organique. . . . . 


URINE RECUEILLIE APRÈS UNE DEUXIEME APPLICATION 
LE LENDEMAIN 


Chlore des chlorures. 
Chlore organique . . 


CHLORURES 
: 0 gr. 12 le 1 jour 
DiFFÉRENCE. . . o J 
1 gr. env. le 2° — 
30 


URINE-ÉTALON 
(Névralgie brachiale) 


Chlore des chlorures. . , 7 
Chlore organique. . . . . O0 gr. 
1 


DiFrrÉRENCE : Chlorures . . 


40 
URINE-ÉTALON 
Pôle (—) 
DOSE TOTALE 


Chlore des chlorures. 


11 gr. 24 O 0/0 
DIFFÉRENCE 


Pôle (—) 


9 gr. 44 
0 gr. 72 


CHLORE ORGANIQUE 


0 gr. 40 le 1°r jour 
Open #e/le)2: 


URINE APRÈS 2 HEURES 
Pôle (—) 


Chlore des chlorures . 
Chlore organique. . . 


Chlore organique. , . . . 


URINE 2 HEURES APRÈS 
Pôle (—) 
DOSE TOTALE 


Chlore des chlorures. 


: À gr. 36 


8 gr. 
0 gr, 


123 


0,0 


60 
40 


12 gr. 60 0 0/0 


124 


MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


RECHERCHES DIRECTES DU CHLOROFORME 


APRÈS APPLICATION AU POLE (—) 


5° OBs. {n° 375). — Cas de sciatique. 
DETSUEMEMNEUNS 1019 
Réaction. . acide 


Éléments fixes. . RAR 
Chlore des chlorures . . , 
organique . . 


6° Ogs. (n° 376). — Cas de sciatique. 


Densité . . . . 
Réaction . . 
Eléments fixes. . 


: :: . N 40 01.08 mp AU00 
ST TRE OÙ 
2 (5 Pot GI) 


1026 
acide forte 
65 gr. 11 p. 1000 


Chlore des chlorures, 18 gr. 50 — 

— organique . . 3 gr. 30 — 
1 Ogs. (n° 377). — Cas de sciatique. 

Densité . 1021 

Réaction . neutre 

Éléments fixes. . ; 50 gr. 82 p. 1000 

Chlore des chlorures, . 17 gr. 20 — 
— organique . . 2 EL RO0 — 


8° 


RECHERCHES DU CHLOROFORME 


APRÈS APPLICATION ÉLECTRIQUE POLE (+) 


URINE AVANT 


Chlore des chlorures. 3 gr. 90 0 0/0 


URINE APRÈS POLE (+) 


Chlore des chlorures. 8 gr. 10 0 0/0 


— organique . . Ogr. 00 — — organique. 0 gr. 00 — 
O0 URINE 
APRÈS APPLICATION AU POLE -- (TOTALE) 
Densité 10.15 
Réaction . acide 
Eléments fixes. . 34 gr. 50 p. 1000 
Chlore des chlorures, TOUT MOTS 
— organique . 0 gr. 00 — 


Je ferai remarquer que le passage du chloroforme dans ces deux dernières 
analyses a lieu sous forme de chlore des chlorures seulement et est faible 


comparé aux analyses du pôle (—). 
Pas de traces de chlore organique. 


En dehors du chloroforme, j'ai fait de nombreuses tentatives pour 
introduire dans l'organisme, à travers la peau, les principaux médica- 
ments. Je n’y suis parvenu que pour un très petit nombre, que la chimie 


ÉLECTROLYSE MÉDICAMENTEUSE CUTANÉE 195 


a retrouvés dans l'urine, mais mes études de ce côté ne sont pas encore 
assez avancées pour que je puisse annoncer un résultat certain. Le brome, 
la cocaïne, la ‘pilocarpine sont les médicaments qui ont été retrouvés par 
l'analyse, mais qui n'ont pu être dosés. Souvent même la réaction a été 
douteuse. La difficulté est grande, en effet, quand on opère comme je l’ai 
fait sur l’homme, dans un but thérapeutique. Il y a un côté dangereux 
qui n’échappera à personne et qui a peut-être paralysé mes efforts. La 
minime quantité de médicament que j'étais obligé d'employer fait que, 
malgré les effets physiologiques et thérapeutiques que j'ai observés, le 
chimiste n'a pas retrouvé d'une facon certaine le médicament employé. 
Je ne m'étendrai donc pas davantage sur ces recherches dont les résultats 
me paraissent encore incertains. 

Au point de vue thérapeutique général, en laissant de côté les effets 
locaux sédatifs de l’électrolyse médicamenteuse cutanée, il y a, d’après 
les analyses, une indication pour saturer de chlore tous les états hypo- 
chloriques. 


Conclusions. 


1° Le chloroforme est le médicament qui passe le mieux à travers la 
peau sous l'influence du courant électrique; 

2 Le pôle (—) est prédominant dans les applications électrolytiques; 

3° Le sens du courant doit être centripète; 

4° Le médicament pénètre en nature par suite du pouvoir vecteur du 
courant; 

5° Sa présence dans l’urine est facilement constatée et dosée sous ses 
deux formes d'élimination, par la méthode Hayem-Winter (modifiée par 
Gautrelet); 

6° L'élimination se fait progressivement, d’où la facilité de saturer 
l'organisme de chlore; 

1° Le chloroforme doit servir de véhicule pour introduire les autres 
médicaments à travers la peau ; 

8° Les solutions médicamenteuses à base de chloroforme augmentent 
la résistance au passage ; 

Son action thérapeutique est locale dans les névralgies et (ous les états 
douloureux et générale dans les états hypochloriques. 


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POUVANT SERVIR A L'ÉTUDE 


* DE LA 


RÉGULATION DE LA TEMPÉRATURE 


PAR 


M. le Dr LAULANIÉ 


(Mémoire lu à la Société de Biologie, dans la séance du 9 avril 1892.) 


Je me suis proposé de rechercher le mécanisme de la régulation de la 
température chez les animaux refroidis. 

Le choix des moyens de refroidissement n'est pas indifférent. A l’aide 
des moyens directs on est exposé à dépasser la mesure. J’ai adopté un 
procédé indirect, l’asphyxie en vase clos. L’hypothermie résultant de la 
diminution progressive dans l'intensité des combustions respiratoires 
n’est jamais assez forle pour produire une action dépressive et atteint 
cependant une mesure assez marquée pour permettre la manifestation 
grossie des efforts de régulation. 

Les changements qui surviennent chez les animaux ainsi refroidis se 
produisent en deux sens. Ils affectent la mesure du rayonnement calori- 
fique, c’est-à-dire de la dépense de la chaleur et celle des échanges HET 
ratoires, c’est-à-dire de la production de la chaleur, 


. Diminution du rayonnement externe de la chaleur chez les animaux qui 
ont subi le refroidissement asphyxique. 


Ex. I. — Lapin; Poids : 2 k. 200, l'animal est placé dans un calorimètre 
à rayonnement dont les indications sont inscrites sur un cylindre enregis- 
treur, 

La courbe recueillie a une hauteur de 55 millimètres. 

L’animal est mis en vase clos et soumis à une asphyxie incomplète. À sa 
sortie de l’enceinte, sa température centrale est de 37,2, sa courbe calorimé- 
trique n’est plus que de 25 millimètres, 

Le rayonnement est ainsi réduit aux 0,454 de sa valeur normale, 


BIOLOGIE. Mémoires. — 9e SÉRIE, T. IV. 12 


ë 


128 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Exp. II. — Petit chien âgé de trois mois ; Poids : 5 k. 800. 

Courbe calorimétrique normale : 110 millimètres. L'animal est mis en vase 
clos et soumis à une asphyxie incomplète. 

Température centrale à la sortie : 36°,3. 

Courbe calorimétrique post-asphyxique : 70. 

Le rayonnement calorifique est tombé aux 0,636 de sa valeur normale. 


Exp. IIL. — Lapin de 2 k. 600, rasé il y a quelques jours. Courbe calori- 
métrique normale : 68 millimètres. Mise en vase clos. Température centrale 
avant son entrée : 389,8. Entrée à 7 h. 45; mort apparente à 9 h. 30. La res- 
piration artificielle ranime rapidement l'animal. Température centrale : 360,8. 

Mis dans le calorimètre, il fournit une courbe dont la hauteur atteint 


32 millimètres. 
Le refroidissement asphyxique a donc réduit le rayonnement calorifique 
aux 0,470 de sa valeur normale. 


Il se dégage de ces faits une première constatation : chez les animaux 
refroidis, le rayonnement et par conséquent la déperdition, la dépense 
extérieure de la chaleur sont considérablement réduits. Le phénomène 
est plus marqué chez le lapin que chez le chien; maïs si on confond les 
résultats précédents pour en tirer la moyenne, et, si on représente 
par 1000 le rayonnement normal, ce rayonnement tombe à 520 après le 
refroidissement asphyxique. Pour interpréter cette diminution dans la 
dépense extérieure de la chaleur chez les animaux refroidis, il est indis- 
pensable de connaître les changements apportés dans la production et 
nous ne pouvons évidemment les atteindre qu'en déterminant l'intensité 
des échanges respiratoires. C’est là en effet l’unique expression et la seule 
mesure, d’ailleurs très approximative, de la thermogénèse pendant la 
régulation. 


Accroissement dans l'intensité des échanges respiratoires chez les animaux 
qui se réchauffent rapidemen après avoir subi le refroidissement asphyxi- 
que. 


Exp. IV. — Chien adulte; Poids: 5 k. 927. L'animal est placé dans l’oxygé- 
nographe et on recueille la courbe de sa consommation normale d'oxygène. 
Rapportée à l'heure et au kilogr., la quantité recueillie donne un coefficient 
respiratoire de 0 1. 658. Ce chiffre est faible comme pour tous les chiens de 
mon laboratoire qui sont nourris au pain et ne font qu'un repas le soir. 

Le lendemain l'animal est mis de très bonne heure en vase clos où il 
séjourne pendant 3 h. 30. À son entrée, sa température centrale est de 39 de- 
grés. À sa sortie, elle est tombée à 35°,1 : soit un refroidissement de 30,9. 

L'animal est mis aussitôt dans l’oxygénographe et on recueille la courbe 
de sa consommation d'oxygène; elle a tout d'abord une très grande amplitude, 
mais décroît progressivement et retrouve son amplitude normale une heure 
environ après le début. 


RÉGULATION DE LA TEMPÉRATURE 199 


Si on partage la durée de l'épreuve en quatre périodes. Le coefficient 
respiratoire atteint les valeurs correspondantes ci-dessous : 


pour la 1" période (45/), 4 1. 019; 
— 2% période (15), LE 963; 
— 2% période (15/), 0 1. 885; 
— 4° période (15°), us 703; 


Dans la période suivante qui comprend 25”, le coefficient est descendu 
à sa valeur normale. En résumé, immédiatement après le refroidissement 
asphyxique, le coefficient respiratoire s’est élevé de 0 1. 658, sa valeur 
normale, à 1 1. 019. II a diminué progressivement, ensuite, et passé en une 
heure par toutes les valeurs jusqu’à sa valeur normale. Ces faits annon- 
çent sans doute que la réparation des pertes infligées par l’asphyxie a 
été très rapide, et, en fait, la température centrale de l’animal à sa sortie 
de l’oxygénographe est de 38°,4. 

En une heure, l'animal s’est réchauffé de 3 degrés et la rapidité de son 
réchauffement a coïncidé avec l’exagération de ses combustions respira- 
toires, c’est-à-dire un accroissement dans la production de la chaleur. 
Cette hyperthermogénèse va s’atténuant au fur et à mesure que la tem- 
pérature centrale de l’animal se relève. 


Exp. V. — Lapin du poids de 1,200 grammes. Coefficient respiratoire nor- 
mal : 0,892. Il est relativement très élevé à cause de la petite taille de l’ani- 
mal. Après l’asphyxie qui a fait descendre la température centrale du sujet 
de 38°,7 à 36°,7, la courbe de la consommation d'oxygène fait ressortir pour 
le coefficient respiratoire les valeurs successives suivantes : À 1.840 — 11. 673, 
— 1 1. 330 — 1 1. 171,900. 


Ce fait est du même ordre que celui qui précède et donnerait lieu à 
des observations analogues. 

Ainsi, dans le type représenté par les deux faits ci-dessus, le calorimètre 
accuse une très grande diminution dans le rayonnement, c’est-à-dire dans 
la dépense extérieure de la chaleur et l’oxygénographe trahit par voie 
indirecte un accroissement dans la production. 

La régulation se fait donc simultanément par une exagération ee la 
production et une diminution dans la déperdition de la chaleur. 

Il y a d’ailleurs, entre ces deux termes, une disproportion considérable. 
Les expériences I, IT et LIL nous ont fait voir que le rayonnement calori- 
fique tombe en moyenne aux 0,520, c’est-à-dire à la moitié environ de sa 
valeur normale; les expériences IV et V établissent, d'autre part, que la 
production de la chaleur mesurée au chimisme respiratoire peut s'élever 
au double de la production normale. Il en résulte que chez les animaux 
refroidis par l’asphyxie, la production de la chaleur est à un certain mo- 
ment quatre fois plus considérable que la perte due au rayonnement. 


130 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Cette disproportion va s’atténuant jusqu'à la restitution de la tempé- 
rature centrale de l’état normal. 

Ainsi, pendant et pour la régulation, la plus grande partie de la cha- 
leur produite est captée à l’intérieur de l'organisme et utilisée à l’échauf- 
fement des tissus. 

Le rayonnement cutané n'est donc plus exclusivement fonction de la 
surface de la peau et une modification est intervenue capable de diminuer 
le pouvoir émissif normal du tégument. Cette modification consiste, 
comme on le sait, ou comme on le présume, en un rétrécissement des 
vaisseaux cutanés procédant d'un reflexe vaso-constricteur. Mais la 
réalité de ce phénomène n'avait pas été, que je sache, rigoureusement 
déterminée par des mesures établissant la coïncidence d’une exagération 
dans la production et d’une diminution dans la perte de la chaleur. 

Il est vrai que l’abaissement de la température extérieure amène une 
disproportion de même ordre, très réelle et très démontrée. Tous les 
physiologistes ont été frappés des résultats inattendus obtenus de ce côté 
par d’Arsonval et retrouvés par Richet, Langlois et Ansiaux. Je rappelle 
sommairement que : au-dessous d’une température optima oscillant au 
voisinage de 16°, la production de la chaleur mesurée à l'intensité des 
échanges respiratoires, est en raison inverse de la température extérieure, 
tandis que la perte mesurée au rayonnement, est en raison directe de 
cette même température extérieure. 

À ne tenir compte que des apparences, pour une échelle thermomé- 
trique située au-dessous de 15° environ, la production et la déperdition 
de la chaleur subiraient des variations inverses sous l'influence des chan- 
gements de la température extérieure. Mais il y a là une impossibilité 
physique. La production ne saurait dépasser la déperdition sans amener 
l’'échauffement de l’animal, et il faut admettre ou bien que l'excédent de 
chaleur que dénonce l'accroissement dans lintensité des combustions, 
s'éteint et se dépense dans la production d'énergies internes parfaitement 
inconnues d’ailleurs, ou bien que les échanges respiratoires répondent à 
des réactions d'autant moins thermogènes qu'il fait plus froid. Or, dans 
l’état actuel de la science, il est impossible de faire un choix entre les 
deux hypothèses. 

Les faits que nous exposons sont, au contraire, très faciles à inter- 
préter, car l’excédent de la chaleur produite sur la chaleur émise est 
employé à l’échauffement des tissus. 

En résumé, le réchauffement rapide des animaux qui ont subi le refroi- 
dissement asphyxique, est obtenu par l'accroissement dans la production 
et la diminution dans la dépense extérieure de la chaleur. Ce mécanisme 
réclame la double intervention du système nerveux qui, par voie réflexe, 
limite à un minimum convenable la circulation cutanée et exagère la 
tonicité musculaire. 

C’est par cette double intervention que la régulation atteint toute sa 


RÉGULATION DE LA TEMPÉRATURE 131 


em 


perfection et toute sa rapidité. Elle devient singulièrement lente et diffi- 
cile lorsque, comme il arrive chez les jeunes animaux, les centres ther- 
mogènes ne sont pas encore spécialisés. La régulation de la température 
s'obtient alors par la seule limitation imposée au rayonnement, c'est-à- 
dire par la seule intervention du réflexe cutané vaso-constricteur. Ge 
phénomène prend ainsi, par son isolement même et par son efficacité, une 
très grande importance. On en jugera par les faits suivants. 


Réchauffement lent des animaux refroidis par l'asphyxie, coincidant 
avec une diminution dans l'intensité des échanges respiratoires, 


Exp. VI. — Chien jeune âgé de trois mois. Poids 5 k. 800. Coefficient respi- 
ratoire normal : 01. 698. Température centrale 399,2. L'animal est mis en 
vase clos-et subit une asphyxie imparfaite qui fait descendre sa température 
à 370,2. Il est mis aussitôt dans l’oxygénographe et la courbe fait ressortir un 
coefficient de 0 1. 505 qui conserve la même valeur pendant plus de deux 
heures, 


Exe. VIL. — Le lendemain, le même animal est remis en vase clos et y subit 
une asphyxie prolongée. A la sortie, sa température est descendue à 35°,2. Il 
esl immédiatement introduit dans l’oxygénographe et fournit une courbe 
remarquablement uniforme et de très faible amplitude. Le calcul du coeffi- 
cient respiratoire donne le chiffre 0 1. 460 qui a encore cette valeur deux 
heures après. On arrête l'expérience el on prend la température de l'animal, 
elle est de 35°,8. On la reprend 1 h. 30 plus tard, elle n’est encore qu’à 37°,2. 


On voit donc coïncider chez cet animal un amoindrissement très mar- 
qué dans l'intensité des échanges respiratoires et une très grande lenteur 
dans la régulation. Le refroidissement asphyxique a eu pour effet d’ame- 
ner chez lui une dépression respiratoire qui trahit assurément une dimi- 
nulion corrélative de la thermogénèse. 

On a vu pourtant que la régulation de la température s’opère tout de 
même. Il est vrai qu’elle s’opère très lentement et, à cet égard, le chien 
adulte de l'expérience V nous devient un excellent repère. En moins 
d'une heure cet animal avait gagné 3 degrés, tandis que le chien jeune ne 
s’est échauffé que de 2 degrés en trois heures et demie. Il en résulle que 
le réchauffement a été au moins cinq fois plus rapide chez le premier que 
chez le second. Mais, si lentement que s'opère la régulalion chez les 
jeunes chiens, elle s'opère tout de même, si bien que l’animal retrouve à 
un certain moment sa température et son coefficient respiratoire nor- 
maux. Et ce retour à l’état physiologique est obtenu en dépit de la dépres- 
sion que le refroidissement asphyxique a infligée à l'animal et qui a eu 
pour effet de faire tomber son coefficient respiratoire de sa valeur nor- 
male, 0 c. 698 aux chiffres de 0 c. 505 dans une première expérience 
et 0,460 dans une deuxième où l’asphyxie avait été poussée plus loin, IL 


132 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


est légitime d’en inférer que, loin d’être accrues comme chez l’adulte 
après le refroidissement asphyxique, la tonicité musculaire et la thermo- 
genèse sont diminuées chez les jeunes animaux. Le mécanisme de la 
régulation ne comporte donc pas ici l'intervention du réflexe neuro- 
moteur aboutissant à l'augmentation de la tension active des muscles au 
repos. Mais à défaut de ce moyen si puissant et tout à fait direct, il reste 
aux jeunes animaux la ressource du réflexe cutané vaso-constricteur qui 
limite le rayonnement et fait tomber la mesure de la déperdition de la 
chaleur au-dessous de la production. Nous avons vu en effet que le rayon- 
nement peut tomber à peu près à la moitié de sa valeur normale sous 
l'influence du refroidissement asphyxique; tandis que les échanges respi- 
ratoires, pris pour mesure de la production de la chaleur, sont tombés au 
maximum, dans nos expériences, aux deux Liers environ de leur mesure 
normale. [l en résulte que la production de la chaleur, si affaiblie qu’elle 
soit, reste supérieure à la déperdition plus affaiblie encore. 

De ces faits, on peut conclure ce qui suit : 

Chez les animaux (chiens, lapins), qui ont subile refroidissement asphy- 
xique, le rayonnement calorifique subit une diminution plus ou moins 
forte et peut tomber à la moitié de sa valeur normale. C'est, semble-t-il, le 
seul fait scientifiquement déterminé qui établisse la réalité du réflexe 
cutané vaso-constricteur se produisant en fonction de l’abaissement de la 
température centrale. 

La régulation de la température, chez les animaux qui ont subi le 
refroidissement asphyxique, peut s’opérer par deux moyens : un moyen 
direct, l'accroissement dans la production de la chaleur dénoncée par 
l'augmentation des combustions respiratoires et impliquant la produc- 
tion du réflexe neuro-moteur qui exagère la tonicité musculaire; un 
moyen indirect, la diminution dans la déperdition de la chaleur dénoncée 
par les indications du calorimètre et impliquant la production du réflexe 
cutané vaso-constricteur. rs si 

Après le refroidissement asphyxique, l’automatisme régulateur de la 
température comporte chez l'adulte l'emploi de ces deux moyens et la 
mise en œuvre des deux réflexes. Chez les jeunes animaux, il se borne au 
réflexe cutané vaso-constricteur. uvre loc 34 IN MINS 

Cette évolulion en deux étapes, dans l'achèvement de la fonction qui 
règle la température, rend très probable la réalité de centres nerveux 
thermogènes. Il devient au moins très visible que les centres nerveux se 
spécialisent à un certain moment par l’acquisition d’une sensibilité qu'ils 
n'avaient pas encore, la sensibilité au froid interne. 


APPENDICE CÆECAL 


ANATOMIE — EMBRYOLOGIE — ANATOMIE COMPARÉE 
BACTÉRIOLOGIE NORMALE ET PATHOLOGIQUE 


Par M. le Dr CLADO 


CHEF DE GLINIQUE DE LA FACULTÉ A L'HOTEL-DIEU. 


Travail du laboratoire d'histologie de M. le professeur Mathias Duval. 


(Mémoire lu à la Société de Biologie, dans la séance du 30 janvier 14892.) 


HISTORIQUE 


A l’occasion de cette étude de l’Appendice cæcal, j'ai fait quelques re- 
cherches bibliographiques dans le but d'établir à qui revenait le mérite 
de l'avoir décrit le premier. Ces recherches m'ont fourni quelques rensei- 
gnements historiques, intéressants à rapporter, notamment les opinions 
curieuses des anciens anatomistes, touchant les fonctions du processus 
vermiculaire. On sera surpris, en parcourant les extraits qui suivent, de 
voir certains auteurs s'approcher tellement de la vérité, qu'ils semblent 
avoir le pressentiment des théories actuelles sur le rôle des ferments et 
des produits microbiens dans la digestion. 

Avant le xvi° siècle, on n’était guère fixé sur la dénomination des pre- 
mières portions du gros intestin. Le nom d’Appendix était souvent donné 
au cæcum considéré dans ses rapports avec le côlon. 

Bérenge: Carpi (1524), {aurait le premier, d’après Portal, distingué 
clairement le véritable appendice. ‘Aucun anatomiste de cette époque 
ne réclame, du reste, la priorité de la description du petit prolongement 
cæcal, d'une importance minime à leurs yeux. £stienne, postérieur à 
Bérenger Carpi, le passe sous silence, bien qu'on le voie figuré sur une 
planche de son Anatomie (1545). Colombus le mentionne ; Vésale (1543) 
et fallope (1561) donnent déjà quelques détails sur sa configuration. 
Vidus Vidius (1561), le compare à un ver, d’où la qualification de Vermi- 
formix. Laurentius y a vu séjourner pendant plus de quatre mois des 
noyaux de cerise. 

Avec le xvn° siècle, les descriptions deviennent plus complètes. Ce sont 
surtout les usages probables de l’appendice qui exercent l'imagination 
des auteurs. Voici ce qu’en dit Bauhin (1605). 


BIOLOGIE. MÉMOIRES. — 9e SÉRIE, T. IV. 13 


134 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


« Chez l’homme, cet appendice est mince, allongé, semblable à un 
gros lombric enroulé sur lui-même, ou bien à une sorte de sac (d'où le 
nom de sac qu'on lui donne) acuminé; plus petit et plus étroit que tous 
les autres intestins, d'une longueur de quatre doigts et de la largeur d’un 
pouce; il est en rapport avec le rein droit, par l’intermédiare du péritoine, 
et libre de tout mésentère. » 

D'après lui, l’appendice a pour usage de recevoir les fèces qui s’accu- 
mulent pendant la durée de la vie intra-utérine. Après la naissance, sa 
fonction cesse ; les matières expulsées ne se renouvellent plus. L'organe 
reste contracté, de même longueur, mais réduit de calibre. Ce processus 
atrophique par défaut d'usage, qu'il assimile à celui des vaisseaux ombili- 
caux, avait déjà été indiqué, dit-il, par Constantinus. 

Les anciens anatomistes, avons-nous dii, n’élaient pas d'accord sur les 
portions de l'intestin auxqueiles devaient s'appliquer les noms de cæcum 
et d'appendice. Bauhin ne manque pas d’invoquer sur ce point l'autorité 
de Galien. Philippe Verheyen (1693) y revient à propos du processus ver- 
miforme. 

« Il sort, dit-il, du gros intestin, presque au même point où naît l'iléon, 
un certain appendice, d’une longueur de cinq doigts environ, d’une 
épaisseur moindre que le petit doigt, qui s'étend au-dessus du gros intes- 
tin à la manière d'un ver contourné. On prend également cet appendice 
pour l'intestin cæcum, maïs à tort, selon moi. Tout le monde, en effet, 
range le cæcum parmi les gros intestins ; or, ce processus ou appendice 
ne peut être dit, en aucune manière, un gros intestin. » 

Santorini (1724), dans ses Observationes anatomicæ, s'étend sur les 
variétés de posilion de l’appendice vermiforme, et surtout sur son rôle de 
réceptacle à lombrics ! 

« Si je passe maintenant à l’appendice vermiforme, je ne rappellerai 
plus qu’il est enveloppé par les trois ligaments ou plutôt par les trois 
muscles du côlon, ni qu’il est pris à tort pour le cæcum, ni qu'il y a dans 
son intérieur un grand nombre de glandes qui sont jointes ensemble, 
parce que tout cela est assez connu. Il n’est pas non plus nécessaire d’a- 
jouter qu'il peut manquer parfois, comme je l’ai remarqué naguère à 
propos du cas auquel fait allusion l’illustre Morgagni, qui à ce moment 
assistait souvent et avec bienveillance à nos disseclions ; que, d’autres fois. 
il est ou bien affermi par un segment très ténu ou très court du mésentère, 
ou bien n’est soutenu par rien. Cependant je ne passerai pas sous silence 
trois choses, dont l’une se rapporte à la position de l’appendice lui-même, 
les deux autres, à ses diverses parties constituantes. Il se trouve donc placé 
de toutes les façons : c’est là un point qui a été assez souvent mis en évi- 
dence. En effet, nous avons pu observer qu'il est quelquefois rejelé vers 
le bassin et fort incliné, quelquefois tourné vers la gauche d’une manière 
presque horizontale. Souvent il est droit, souvent il est oblique et s'étend 
ainsi sur les parties supérieures ; placé entre le muscle psoas et la place 


a der NA ER 
* ds 


APPENDICE CÆCAL 135 


vide du foie, il semble suspendu perpendiculairement au-dessus de la 
cavité du cæcum. J'ai trouvé que son ouverture, bien qu'elle paraisse 
située de manière à être très propre pour recevoir, est pourtant presque 
toujours moins élevée que l’autre extrémité. Comme nous, tous ceux qui 
ont assisté aux observations que nous avons faites sur des personnes enle- 
vées par une mort instantanée ont pu voir que cet appendice est le plus 
souvent, sinon toujours, rempli jusqu’à son extrémité de matières fécales, 
la plupart du temps assez consistantes. 

« Le second point sur lequel il importe davantage de fixer notre atten- 
tion, c’est que dans l'intérieur de cet appendice nous avons pu découvrir 
par son ouverture (d’autres aussi avaient indiqué ce fait) des vers réels que 
nous avons rangés résolument dans le genre teretium. Ces vers ne nous 
ont pas paru dépasser la grosseur des cheveux ni la longueur d’un doigt. 
Leur nombre el leur mouvement, d’après l’opinion de celui qui les a 
signalés pour la première fois et d’après les nombreuses observations que 
l'on n’a pas cessé de multiplier, ne semblent pas tout à fait tels que noùs 
les proposons. Nous avons trouvé au contraire depuis quelque temps un 
ver cylindrique d’une égale épaisseur occupant toute la cavité de l’appen- 
dice jusqu’au fond. Dès que nous l'avons tiré dehors, nous avons trouvé 
encore dans cette cavité deux autres vers très minces. D'où il ne paraît 
pas tout à fait impossible de déterminer l'usage de l’appendice. En effet, 
comme il a été établi d’une manière à peu près certaine, il reste à dire 
de ces vers qu'ils s’acquièrent une place qui, par sa nature, est propre à 
les réchauffer et les empêcher de sortir; si l’on disait que cette place 
apparlient à l’appendice vermiforme, ceci ne serait pas tout à fait impro- 
bable, parce que ces animalcules très minces passent leur vie dans un 
lieu sûr comme dans une petite ruelle, et leur place ne peut pas être 
ailleurs, où il y a de puissants mouvements des intestins ou une grande 
quantité des matières fécales; ils se placent comme les poissons dont on 
dit qu'ils déposent leurs œufs plutôt dans l'eau tranquille que dans l’eau 
rapide. » 

Avec Sabatier (1791) nous arrivons à des notions anatomiques plus pré- 
cises. Cet auteur signale le méso-appendice, mentionne les follicules 
muqueux, et émet, enfin, sur le rôle physiologique de l'organe, des idées 
d'une étonnante justesse, bien que purement intuitives ou appuyées 
d'expériences évidemment erronées. 

Après avoir localisé le cæcum dans la régioniliaque, Sabatier continue 
en ces termes : 

« On ne voit rien qui le distingue d’avec le côlon, si ce n’est qu'il est 
aveugle et qu’il donne naissance à un appendice long de cinq à six 
travers de doigts, dont la grosseur ne surpasse guère celle d’une plume à 
écrire ordinaire, et qui paraît en être la continuation. Get appendice 
tortueux et replié sur lui-même, a quelque ressemblance avec un ver 
de terre, ce qu’il lui a fait donner le nom d'Appendice vermiforme ; il 


4306 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


est retenu par un lien membraneux qui lui tient lieu de mésentère. Sa 
structure ne diffère point de celle des mammifères. On remarque seule- 
ment que sa tunique musculeuse a beaucoup d'épaisseur et que les fibres 
longitudinales y sont fort multipliées. — Les follicules muqueux y sont 
aussi en grand nombre. Il s'ouvre ordinairement à la parlie inférieure, 
antérieure et gauche du cæcum ; et son orifice un peu plus évasé que le 
reste de son étendue, est constamment tourné de haut en bas. » 

« L’Appendice est à proportion plus gros dans le fœtus que dans les 
adultes. On le trouve toujours rempli d’une humeur muqueuse, dont la 
‘quantité n’est plus aussi grande après la naissance. Les corps étrangers 
qu’il contient quelquefois, tels que des noyaux de cerises, des grains 
de plomb et autres, avaient fait penser qu'il était destiné à servir 
quelque temps de réceptacle aux matières déposées dans le cæcum; mais 
son peu de grosseur, la disposition de son orifice, qui est toujours tourné 
de-haut en bas, ses connexions avec les fibres longitudinales du cæcum 
et du côlon, ét qui sont telles, que ces intestins ne peuvent se contracter 
sans qu'il se vide en même temps, la grande quantité de mucosités 
qu'il contient, la flaccidité que l'on y remarque souvent, lors même 
que le cæcum est le pius distendu, tout semble prouver que son usage est 
de filtrer et de verser dans le cæcum une humeur propre à lubréfier, à 
ramollir les excréments qui y séjournent, ou peut-être à irriter les parois 
de cet inleslin, pour qu'il se contracte avec plus de force et qu'il se 
débarrasse plus aisément du dépôt fécal. » 

« L'observation de Zambeccari, rapportée par Morgagni, vient à l'appui 
de ce qu'on vient de dire ; car ce médecin ayant coupé une parlie de 
l’'appendice sur un chat, a trouvé au bout de trois mois quil ne s'était 
fait aucune effusion de matière dans le ventre quoique cel appendice ne 
füt point fermé. 

« Si cetle partie est plus grosse dans le fœtus que dans l'adulte, cela 
vient sans doute de ce que le méconium dont les inleslins sont remplis 
l’'empèche de se vider, de sorte qu’elle reste continuellement distendue 
-par humeur qui s’y amasse. » 

Est-il besoin d'’insister sur le peu de valeur de l'expérience de Zambec- 
cari, bien que Morgagni la couvre de son autorilé ? Portal dit aussi avoir 
fait avec succès l’ablation de l’appendice chez l’animal, mais en la faisant 
précéder d'une ligature. L'absence de l'organe n'aurait entrainé aucun 
trouble physiologique. Plusieurs anatomistes, du reste (Masso, Morgagni, 
J. Hunter, Haller, etc.,) avaient signalé chez beaucoup de sujets l'absence 
totale de processus vermiculaire ou son extrême atrophie. 

À partir du xix° siècle, les auteurs confessent franchement leur igno- 
rance des usages de l’appendice iléo-cæcal, et se bornent à rapporter sur 
ce point les opinions de leurs devanciers. En même temps, on commence 
à s'occuper des particularités que présente l'organe durant la vie intra- 
-utérine. | 


APPENDICE CÆCAL 137 


Je me contenterai de reproduire les intéressantes descriptions de Boyer, 
de Marjolin et de Bichat. 

Boyer (1810). — « En bas, la surface extrême du cæcum est arrondie, 
bosselée, et répond au cul-de-sac que forme cet intestin, et d'où naît, à 
gauche, et un peu antérieurement, le prolongement qu'on nomme 
Appendice vermiforme ou cæcal. 

« Cet Appendice est cylindrique, à peu près de la grosseur d'un tuyau 
de plume à écrire, d’une longueur variable, mais qui n’a guère au delà 
de cinq à six travers de doigts. Il est replié sur lui-même et fixé 
contre la partie gauche du cæcum, par un prolongement du périloine 
qui lui forme un petit mésentère particulier. Le plus ordinairement, il 
est fluxueux dans toute son étendue; mais il n’est pas rare de le trouver 
droit et pendant dans le bassin. La surface est lisse, polie, blanchâtre 
et parsemée de petits vaisseaux sanguins. — En haut, il se termine au 
cæcum ; en bas, il est arrondi et libre. L’appendice vermiforme est 
creux dans toute sa longueur ; mais sa cavité n’a guère que deux lignes 
de diamètre, tandis que ces parois ont une épaisseur égale à celle des 
parois des intestins. Celte cavité, terminée en bas par un cul-de-sac, et 
ouverte en haut dans le cæcum, est habituellement remplie d’une matière 
muqueuse qu'elle verse dans l'intestin. On y a trouvé quelquefois des 
corps étrangers, tels que des noyaux de cerises, des grains de plomb, etc. 
Sa consistance est très ferme. Son organisation est la même que celle 
des intestins, avec cette différence que sa tunique musculeuse est fort 
épaisse, et composée presque en entier de fibres longitudinales, qui sem- 
blent donner naissance aux trois bandelettes charnues dont il a été parlé 
plus haut. » 

« Elle a, du reste, une tunique extérieure qui lui est fournie par le 
péritoine et à l’intérieur une membrane muqueuse qui se continue avec 
celle du cæcum. 

« Dans le fœtus, l'appendice est très développé, surtout en compa- 
raison du cæcum. Quelquefois il égale alors la moitié de la grosseur 
de l’iléon. Souvent il est plus droit que chez l'adulte. aller l'a vu sur 
un enfant de quelques semaines, replié en haut et couché le long du 
sillon horizontal du foie dans une direction parallèle à la vésicule du 
fiel. Il n’est pas rare de trouver dans le fœtus cet appendice plein de 
méconium. 

« Quels sont les usages de l’appendice qui semble former un petit 
intestin accessoire ? Nous l’ignorons entièrement. Nous savons seule- 
ment : 1° qu’il sécrète habituellement une grande quantité de mucus qui 
est versé dans le cæcum; 2 qu'il a élé extirpé plusieurs fois sur des 
animaux sans qu'il en soit résulté aucun inconvénient; 3° que Haller a 
trouvé deux fois sa cavité oblitérée ; 4° que d’autres auteurs disent avoir 
observé des cas où cet appendice manquait entièrement et où l'on ne 
voyait à sa place qu'un très petit tubercule. Du reste, sert-il, comme 


138 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


quelques-uns l’ont prétendu, à retenir pendant quelque temps les matières 
fécales déposées dans le cæcum? ou bien fournit-il un ferment propre à 
donner à ces matières la forme, la consistance et l'odeur qu’elles ont? 
Rien ne le prouve. » 

Marjolin (1815). — « On distingue sur la surface extérieure du cæcum 
plusieurs appendices épiploïques; en bas et en arrière, elle donne naïis- 
sance à l’apperdice vermiforme ou cæcal. Celui-ci est long de 2 à 4 pouces, 
recourbé sur lui-même, de la grosseur d’une plume à écrire, lisse exté- 
rieurement, terminé en cul-de sac, et assujetti par un repli bilaminé de 
péritoine dans l’épaisseur duquel on trouve des vaisseaux el des nerfs. 
L'appendice cæcal est creux intérieurement; sa cavité, très étroite, 
revêtue par la muqueuse de l'intestin, ne contient ordinairemeut que 
des mucosités. Les parois, aussi épaisses que celles de l'intestin, offrent 
la même texture : ses usages sont encore inconnus. 

Bichat (1823). « A droite et en arrière, un appendice très remarquable 
que l’on nomme vernufore ou cæcal. 

« Cet appendice cylindrique offre la grosseur d’un médiocre tuyau de 
plume à écrire ; une longueur variable, mais qui ne va guère au delà de 
2 pouces 1/2 ou 3 pouces. Libre dans presque toute sa circonférence, il 
est replié sur lui-même et assujetti à gauche contre le cæcum par un 
repli péritonéal qui lui est propre. Sa surface extérieure est lisse, polie, 
blanchâtre, parsemée de vaisseaux sanguins fournis par l'artère iléo- 
côlique. Terminé supérieurement au cæcum, il finit en bas par un 
cul-de-sac arrondi. Cet appendice est creux dans toute sa longueur; 
mais sa cavité, qui n’a guère que 2 lignes de diamètre, est dispropor- 
tionnée à l’épaisseur des paroïs qui la forment, épaisseur égale à celle des 
instestins. Un fluide muqueux remplit habituellement cette cavité ouverte 
en haut dans le cæcum. On trouve dans l’appendice la même organisa- 
tion intime que dans les intestins. Le péritoine lui forme une tunique 
séreuse au-dessous de laquelle on observe une tunique musculeuse fort 
épaisse, composée presque en entier de fibres longitudinales. La mem- 
brane muqueuse du cæcum se prolonge dans la cavité et la tapisse en 
entier. 

« On voit que l’appendice peut être considéré comme un petit intestin 
accessoire. Quels sont ses usages? on l’ignore; et tout ce que l'inspection 
prouve, c’est qu'il verse habituellement dans le cæcum une grande 
quantité de fluide muqueux ; mais son extirpalion, tentée quelquefois sur 
les animaux, n’a pas paru apporler de trouble sensible dans la suite des 
phénomènes digestifs. » 

Signalons vers la même époque le premier travail d'ensemble sur la 
pathologie de l’appendice (Observations pour servir à l’histoire des inflam- 
mations de l’appendice du cæcum, par Longer- Villermay. — Arch. gén. 
de méd., 1824). 

D'autre part, à mesure qu’on se rapproche dela période contemporaine, 


APPENDICE CÆCAL 139 


lesnotions embryologiques se précisent. Okenavaitannoncé que l’appendice 
représentaitun vestige du canal par lequel l'intestin de l'embryon commu- 
nique avec la vésicule allantoïde. Cette erreur est réfutée par Meckel, qui 
montre que la communication dont il s’agit a lieu beaucoup plus haut et 
au-dessus de l'intestin grêle. 

Coste, un des premiers, aborde l’étude du développement. Il observe 
que le cæcum apparaît vers la cinquième ou sixième semaine, et que 
l’appendice commence seulement à se montrer vers la dixième (2 mois 
et demi). Sauf quelques erreurs sur le calibre, la longueur de l'organe et 
sur son rétrécissement consécutif, les idées de Coste sont absolument 
exactes. Goldschmid est tombé dans la même erreur relativement à ce 
rétrécissement, lequel, d’après lui, s’opérerait de bas en haut. 

En ce qui concerne l'Anatomie comparée, je ne rappellerai pas les 
asserlions bizarres et sans valeur scientifique des anciens auteurs. On sait 
que l’appendice manque chez les mammifères, sauf l’homme, quelques 
singes et de rares exceptions signalées par Cuvier (le lagomys, le wom- 
bat). Daubenton et Buffon avaient décrit chez le gibbon un appendice 
beaucoup plus long que chez l'homme. Milne-Edwards, dans ses leçons, 
à établi que les anthropoïdes seuls, parmi les singes, possédaient un 
appendice. 

De nos jours, l’appendice cæcal a été parfaitement étudié, au point de 
vue macroscopique, dans les traités classiques d'anatomie descriptive ou 
topographique. Malheureusement, on n’y trouve sur sa structure que des 
notions peu précises, qui semblent déduites pour la plupart non de 
l'observation directe, mais de l’analogie de l'organe avec le gros intestin. 

L'essor qu'a pris tout récemment, en Amérique, en Angleterre, en 
Allemagne, en Suisse comme en France, l'étude des affections appen- 
diculaires, a conduit quelques auteurs à rependre la description de 
l’appendice. Un petit nombre de particularités anatomiques sont ainsi 
venues s'ajouter à celles que nous possédions déjà. On en trouvera le 
détail dans l'exposé qui suit. Quant à la structure embryologique de 
l'organe, elle n’a pas été abordée directement jusqu'ici. À peine trouve- 
t-on dans les ouvrages modernes quelques indications évidemment 
empruntées à l’embryologie du gros intestin. 

Enreprenant,à mon tour, l'étude de l’appendice vermiforme, je me suis 
proposé de la compléter par de nouveaux renseignements relatifs à l’Ana- 
tomie, l’Histologie, la Bactériologie, l’'Embryologie et aussi l’'Anatomie 
comparée, dans ses rapports avec l’évolution atavique de l’organe. 

Ces diverses données m'ont permis d’ébaucher, sur le rôle physiolo- 
gique de l’appendice, quelques vues que j'espère préciser ultérieurement 
‘en poursuivant mes recherches. 

Enfin, l’étude histologique et bactériologique des cas d’appendicite que 
j'ai rencontrés m'a fourni les éléments nécessaires pour éclaircir la pa- 
thogénie et l'évolution pathologique des inflammations appendiculaires. 


140 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


ANATOMIE 


Appendice. — L'appendice cæcal naît sur l'extrémité libre du cæcum, 
à l'endroit où les trois bandelettes s’entrecroisent, c’est-à-dire à sa partie 
inférieure et interne. 

Il a une forme cylindrique. On remarque assez souvent, à sa partie 
moyenne, une sorte de dilatation qui le rend fusiforme. Quelquefois, de 
petites bosselures lui donnent un aspect rappelant vaguement celui du 
gros intestin. Presque toujours, il est recourbé suivant une de ses faces, 
et la concavité embrasse les vaisseaux iliaques. 

Dans la généralité des cas, sa longueur mesure 8 centimètres. Sappey 
lui donne 6, 8 ou 12 centimètres de longueur; Mariage (Th. de Paris), 
5 à 6; Benoît, 6 à 12. On rencontre des appendices qui mesurent jusqu’à 
48 centimètres de longueur et plus (22, Henle), de même qu’on en trouve 
qui ne dépassent pas 3 à 4 centimètres. Ces derniers peuvent êlre con- 
sidérés comme étant frappés d’atrophie. Ils ont, en effet, un aspect 
fibreux; mais leur calibre persiste toujours, de même que le calibre des 
longs appendices est peu modifié. 

Le calibre de l’appendice est toujours circulaire, lorsqu'on l’insuffle. 
Il a environ le diamètre d’une plume d'oie, ce qui, en ajoutant l’épais- 
seur des parois, forme la grosseur, qu'on lui assigne habituellement, 
d’une plume à écrire ou un peu plus. À la partie inférieure, ce calibre 
diminue et se réduit jusqu'à disparaître presque, les parois de sa mu- 
queuse venant au contact. L'orifice supérieur est ordinairement évasé, 
Jamais je n’ai trouvé la valvule décrite par quelques auteurs. Je n'ai pas 
non plus rencontré les saillies valvulaires de la muqueuse, signalées dans 
certains traités d'anatomie (ces résuitats ont été observés à l'état frais, 
comme après l’insufflation). ; 

L’appendice est situé à 2 ou 3 centimètres du bord inférieur de la por- 
tion terminale de l'intestin grêle. Il est relié à la partie terminale de cet 
intestin et au cæcum par un repli du péritoine dont la meilleure descrip- 
tion a été donnée par M. Jonnesco, prosecteur de la Faculté. 

A mon tour, j'en donnerai la descriplion suivante : Le péritoine, qui 
enveloppe le cæcum de toutes parts, vient également engainer dans sa 
totalité l'appendice iléo-cæcal. De la face interne de cet organe, les deux 
feuillets qui recouvrent ses faces se délachent, à la façon d'un rideau, et 
viennent se terminer en se continuant avec la face antérieure du mésen- 
tère, au-dessous de l'intestin grêle (la partie du mésentère qui engaine la 
portion valvulaire de l'intestin grêle). 

Méso-appendice. —Le méso-appendice présente une forme triangulaire. 
Par son bord externe il s’insère donc sur toute l'étendue de l'appendice 
vermiforme. Les auteurs le font se terminer à la portion moyenne ou 
même au tiers supérieur de l'organe, et soutiennent que la portion ter- 


APPENDICE CÆCAL 141 


minale de ce dernier reste libre et flottante. Mais en y regardant de très 
près et surtout en examinant les coupes histologiques, on peut toujours 
retrouver la trace des deux feuillets jusqu’à sa pointe. Si j'insiste sur ce 
petit détail, c’est qu'il a une grande importance au point de vue de l'évo- 
lution atavique de l’appendice, ainsi qu'on le verra plus loin. 

- Ainsi, par son bord externe, le méso-appendice s'attache sur toute la 
longueur de l’organe. Parfois même, il en dépasse la pointe. Plus ordi- 
nairement, il n’est bien visible que sur la moitié supérieure. Son bord 
supéro-externe s’atlache sur le cæcum depuis l’origine de l’appendice, 
jusqu’à la terminaison de l'intestin grêle. 

Son bord supérieur est fixé sur la lame mésentérique sous-iléale, dans 
une étendue de 3 ou 4 centimètres. Enfin son bord interne est libre, falci- 
forme, à concavité interne. Il contient l’artère appendiculaire. 

De la face antérieure du méso-appendice part un repli péritonéal verti- 
calement implanté sur lui à la manière d’une cloison antéro-postérieure. 
C'est le repli iléo-appendiculaire de Jonnesco, le repli iléo-cæcal de Wai- 
deyer, Trèves et Tuffier. Ce repli se termine en haut à la face antérieure 
de la portion terminale de l'intestin grêle. Il divise de la sorte la face 
antérieure du méso-appendice en deux parties inégales (interne et ex- 
terne). Cette disposition est évidente chez l'enfant. Chez l'adulte, le 
bord adhérent du repli semble se déplacer, et vient prendre son inser- 
tion sur le bord gauche du cæcum, entre l’appendice et l'intestin grêle. 
Comme dans le jeune âge, son extrémité inférieure adhère au méso- 
appendice. Il en résulte, comme le fait remarquer Jonnesco, que le repli 
possède alors quatre bords, dont l’interne est libre. — Lorsque, sous ce 
repli, on introduit le doigt, l'extrémité de celui-ci est coiffé de toutes 
parts, et se mel en contact : 1° avec le bord du cæcum; 2° avec le bord 
inférieur de la partie valvulaire de l'intestin grêle; 3° avec le méso-appen- 
dice ; 4° enfin, avec la face profonde du repliiléo-appendiculaire. Dans 
celte situation, le doigt se trouve donc dans une fossette iléo-appendieu- 
laire (Jonnesco), ou iléo-cæcale (Waldeyÿer, Trèves et Tuffier). 

Si je ne craignais de compliquer encore la nomenclature de la question, 
je proposerais d'appeler les replis péritonéaux de l’appendice : méso- 
appendice postérieur (vrai méso-appendice) et méso-appendice antérieur 
(repli iléo-appendiculaire de Jonnesco, ou iléo-cœcal supérieur de Tuffier). 
Quant à la fossette, le nom de fossette vermi-iléo-cæcale lui convient 
parfaitement, et indique en même temps sa situation exacte. 

Je n’insiste pas sur les usages qu’on a attribués au méso-appendice anté- 
rieur (conducteur de fibres musculaires, repli veineux, etc.); à mes yeux, 
son importance est insignifiante. Il est, chez l'adulte, fréquemment 
envahi par la graisse. 

Le méso-appendice postérieur peut aussi être envahi par la graisse. 
Celle-ci apparaît d’abord autour de l'artère appendiculaire, le long du 
bord libre de ce repli péritonéal. Puis elle s’avance dans son épaisseur en 


149 : MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


dédoublant ses deux feuillets, et arrive jusqu’au contact du bord adhérent. 
Dans certains cas, l'envahissement graisseux est tel, qu’à la place du 
méso-appendice il n'existe plus qu’une boule adipeuse. La cloison qui le 
divise subit en même temps l'infiltration graisseuse. Dans ces conditions, 
les replis péritonéaux deviennent tout à fait informes, méconnaissables et. 
masquent l'artère de l'organe. Dans des cas analogues, j'ai vu une traînée 
adipeuse croiser la face antérieure des vaisseaux iliaques, et aller se 
continuer avec la graisse qui infiltre les ligaments larges. 


Fi. 1. — Appendice iléo-cæcal. Franges épiploïques. Dans l'angle vermi-iléo-cæcal, 
on voit le ganglion appendiculaire. 


Ganglion appendiculaire, — Au niveau de la base du méso-appendice, 
dans l'angle qui sépare l’appendice iléo-cæcal et le cæcum de l'intestin 
grêle, il existe un ganglion que j'appellerai le ganglion appendiculaire. I] 
est situé entre les deux lames du repli appendiculaire ; il peut prendre 
des dimensions considérables, ainsi que je l’ai observé dans plusieurs 
cas (fièvre typhoïde, tuberculose, appendicite). 

Ce ganglion est constant; mais, cependant, il se déplace quelquefois 
jusqu’à empiéter sur la portion terminale du mésentère et peut être alors 
considéré comme le dernier des ganglions mésentériques. Il représente 
encore un reste d'évolution atavique. Chez les grands herbivores à 
cæcum contourné en forme d’appendice, ce ganglion très développé 
recoit ses lymphatiques et est indépendant des glandes mésentériques. 
(Voir plus loin le cæcum du mouton et du veau.) 

Position de l’appendice. — L’appendice vermiculaire est généralement 
flexueux. Pour bien voir les sinuosités qu'il décrit, il convient de l’insuf- 


APPENDICE CÆCAL 143 


fler. On peut remarquer alors qu'il se contourne souvent à la façon du 
canal cystique en décrivant un tour et demi ou deux tours de spire. Il doit 
cette configuration à la tension de son méso-appendice. Très souvent, 
cependant, cette forme spiroïde, que je considère comme typique et d'ori- 
gine atavique, est modifiée, mais on ne trouve presque jamais l'organe 
tout à fait droit. Il décrit toujours une courbe gauche à concavité variable 
et c’est là sa direction habituelle. 

Presque tous les livres d'anatomie s'accordent à reconnaitre que l’ap- 
pendice iléo-cæcal est situé dans la fosse iliaque. Quelques-uns parlent de 
situations anormales de l'organe. Les auteurs modernes cherchent à 
mieux préciser cette situation. 

Chez l'adulte, dit Mariage, l’appendice est généralement couché derrière 
la fin de l’iléon et derrière son mésentère. Son axe prolongé se dirige 
vers la rate. Chez l'enfant, il siège plus souvent en arrière du cæcum. 
On peut le rencontrer dans le bassin, en contact avec l’S iliaque, le 
rectum, l'utérus ou ses annexes (Richelot), la vessie, etc. 

Trèves a décrit des situations anormales de l’appendice résultant 
d’adhérences qu'il avait contractées avec le rein droit, le côlon ascendant, 
le duodénum. 

John Fergusson (An international Journal of medical Sciences, jan- 
vier 4891), sur 200 cas, a trouvé l’appendice : 

19 fois le long du bord du cæcum; 


11 — descendant vers le bassin; 
18 — sur le bord interne du cæcum; 
65 — en arrière. 


Sur ces 200 cas, une perforation, si elle avait eu lieu, se serait 
ouverte 133 fois dans la cavité péritonéale, 67 fois dans le tissu cellu- 
laire sous-péritonéal. 

D'après Benoit, le plus souvent, l’appendice s’enroule autour de 
l'extrémité terminale de l'iléon. 

L'appendice cæcal est un organe de la petile cavité pelvienne ou des 
régions limitrophes (détroit supérieur). 11 suffit de connaitre les récents 
travaux sur la direction du cæcum pour se rendre compte de cette 
situation qui est presque constante, surtout chez la femme. En effet, l’ap- 
pendiee qui naît au niveau du cæcum, au voisinage du détroit supérieur, 
se porte en bas et en dedans et vient se loger dans la cavité pelvienne. Il 
croise de la sorte les vaisseaux iliaques externes, l’uretère et le plexus 
utéro-ovarien droits, 

Ainsi donc, normalement, il faut lui assigner la situation laque interne. 

Dans certain cas, il occupe la fosse iliaque (situation iliaque externe) et 
peut aller, comme on l’a dit, jusqu’à l’arcade crurale. Enfin, une fois sur 
dix environ, on le trouve replié de bas en haut, et couché sous la face 
postérieure du cæcum en dehors de son ligament supérieur, comme la 
queue d’un chien sous son ventre. Dans ces circonstances, il existe assez 


144 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


souvent, dans la fosse iliaque, une sorte d’excavalion limitée en dehors 
par le ligament supérieur du cæcum anormalement prolongé. 

Cette situation rétro-cæcale, si commune, n’est que la persistance de 
celle qu’occupe l’appendice chez l'embryon et au début de la vie fœtale. 
Caché derrière le cæcum, il peut ne pas se dérouler de haut en bas et 


donner naissance à la situation rétro-cæcale. 


À 
& 
Z 
| 
he 
À 
Fr@. 2. — Appendice croisant les vaisseaux iliaques et plongeant dans le bassin. 


Je ne saurais trop insister sur cette situation anormale qui, je pense, a 
dû donner lieu à des erreurs de diagnostic. En effet, en cas d'appendi- 
cite, l'organe tuméfié a pu faire croire à une typhlite ou une pérityphlite 
suppurée. La tuméfaction, dans ces circonstances, se développe aux dé- 
pens de la cavité cæcale, refoulée en avant. Et ce n’est pas là une vue de 
l'esprit. Je possède le dessin d’une pièce anatomique de perforation ap- 
pendiculaire où les choses se sont passées précisément de la sorte. J'ajou- 
terai que, pour moi, cette situation anormale de l’appendice iléo-cæcal 


crée un danger permanent en amenant une obstruction, par coudure, de 
l'orifice appendiculaire. 


APPENDICE CÆCAL 145 


Par sa face profonde, l'appendice est en rapport avec le péritoine qui 
le sépare du détroit supérieur du bassin (garni par le psoas) et des parois 
de la cavité pelvienne. Il croise donc les vaisseaux iliaques, l’uretère et 
les vaisseaux utéro-ovariens au voisinage du détroit supérieur. 

Par sa face superficielle, il est en rapport avec les anses de l'intestin 
grêle ou plus rarement avec le cæcum, lorsque cet organe, considérable- 
ment dilaté et mobile, vient recouvrir l'appendice sans que ce dernier ait 
quilté sa situation normale. 

En dehors, l’appendice vermiforme répond à la parlie terminale du 
cæcum; en haut, à l'extrémité inférieure de l'intestin grêle. 

Ces rapports sont importants à connaître, parce qu'ils expliquent la 
localisation des différents abcès d’origine appendiculaire. 

Lorsque l’on procède à la recherche de l'appendice sur le cadavre ou 
sur le vivant, on a de la peine à écarter les anses intestinales et à le dé- 
couvrir. Le moven que je conseille consiste à prendre pour point de repère 
le détroit supérieur en se tenant à la hauteur de l'épine iliaque antéro- 
supérieure. En explorant avec le doigt, à travers l’incision abdominale, on 
reconnait facilement l'organe à sa forme et à sa consistance. S'il échappe, 
il faut reporter le doigt un peu en dehors du détroit. On est alors arrêté 
par la saillie du cæcum. En parcourant la face interne de cet organe, on 
finit par retrouver le point où il donne naissance à l’appendice. 

Ici se pose une question, savoir : Quel est Je point précis de la paroi 
abdominale antérieure qui répond à l’appendicecæcal, et, par suite, quelle 
est la meilleure incision à faire pour arriver jusqu’à l'organe? 

Bien que ce point soit un peu variable à cause de la mobilité de l’in- 
teslin, on peut considérer le procédé suivant comme suffisamment 
exact : une ligne verticale étant tracée sur le bord externe du muscle 
droit; on abaisse sur cette ligne une perpendiculaire partant de l’épine 
iliaque antéro-supérieure ou un peu au-dessous. Le point où la perpen- 
diculaire rencontre la ligne verticale répond à l’origine de l’appendice. 
Le reste de l'organe se trouve au-dessous et en dedans. Ainsi donc, sur 
le cadavre, ia meilleure incision est celle qui répond au bord externe du 
muscle droit, mi-partie au-dessus, mi-partie au-dessous du point établi. 
En cas d’appendicite, est-ce là l’incision de choix ? Évidemment il y a des 
cas où l’hésitation n’est pas permise (mobilité de l’appendice enflammé, 
adhérences faibles, suppuration intra-appendiculaire, etc.); il faut aller à 
la recherche de l’appendice par le plus court chemin et à travers une in- 
cision petite. Mais à mesure que l'étude de la question avance, les indica- 
tions opératoires des appendicites deviennent plus précises. On peut dire 
qu'actuellement, la tendance des chirurgiens est d'opérer seulement les 
appendicites à répétition, et celles dont les lésions anatomo-pathologiques 
ont dépassé la cavité de l'organe. En d’autres termes, on se trouve sou- 
vent en présence de lésions ayant déterminé la formation d'adhérences, 
par lesquelles l'organe malade est relié à l'intestin ou aux parois abdomi 


4146 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


nales. Les rapports de l’appendice avec les vaisseaux iliaques et Les adhé- 
rences qui peuvent s’y établir, rendent très dangereuse l’énucléation de 
l'organe enflammé. 

Dans ces conditions, l’incision médiane me paraît préférable. Elle 


Fig. 3. — Projection de l'appendice sur la paroi abdominale antérieure. 
00, VV, lignes dont l'intersection détermine le point d'origine. 


permet de mieux explorer le détroit supérieur et la cavité du petit 
bassin. Si l’énucléation et la résection ne paraissent pas faciles, il n°y 
a qu'à repousser la masse en dehors, faire une pelite incision à la 
paroi, attirer l’appendice et l’y suturer. On peut attendre au lende- 
main pour ouvrir la cavité avec le thermo-cautère. J'ai observé un cas 


SLT TN 


APPENDICE CÆCAL 147 


où tout faisait prévoir une résection aisée : mobilité de la tumeur, iso- 
lement facile, deuxième récidive seulement, et cependant les adhérences 
étaient telles que je n’ai pas hésité à pratiquer un anus appendiculaire. 
En opérant autrement, j'aurais indubitablement déchiré les vaisseaux 
iliaques. 

En résumé, dans les cas d'appendicite, lorsqu'on suppose devoir ren- 
contrer des adhérences, l’incision médiane est, selon moi, l’incision de 
choix. Dans les cas où l’on prévoit une résection facile de l’appendice, on 
donnera la préférence à l’incision latérale dont le milieu correspond à 
l'origine de l’appendice (point d’entre-croisement de la ligne qui réunit 
les deux épines iliaques et de la ligne qui représente le bord externe du 
muscle droit). La situation pelvienne de l'organe explique comment il 


Fic. 4. — Appendice adhérent aux annexes de l'utérus. 
Ligament appendiculo-ovarien. 


peut contracter des adhérences avec le reclum et même la vessie dans 
certains cas d’inflammation. 

Ligament appendiculo-ovarien. — 1] me reste, pour compléter l'étude 
des rapports de l’appendice, à les considérer dans le sexe féminin. 

Chez la femme, l’appendice iléo-cæcal, grâce à sa situation pelvienne, 
vient se mettre en rapport avec la face postérieure du ligament large; 
souvent il est en contact avec l'ovaire et la trompe. 

Le dessin ci-joint indique qu'il peut contracter des adhérences avec 
ces deux organes, ainsi que MM. Richelot, Pozzi et d'autres gynécolo- 
gistes l'ont déjà signalé, mais ce n’est point là le rapportle plus important. 

En relevant l’appendice cæcal, on peut voir qu'il se forme un repli 
péritonéal qui part de son méso, pour aller se continuer avec le bord 
supérieur du ligament large à concavité supérieure. On pourrait donner 
à ce repli le nom de ligament appendiculo-ovarien. Il est falciforme, sa 
partie moyenne, la moins haute, répond aux vaisseaux iliaques et mesure 
4 ou 2 centimètres de hauteur. 

Qu'on ne se figure pas que ce ligament est un arlifice de préparation 


2 


2 


2 


MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ: DE BIOLOGIE 


148 


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APPENDICE CÆCAL 149 


Plus d’une fois, je l'ai vu isolé. J'en possède quelques préparations, et le 
dessin ci-joint en donne une idée assez exacte. D'ailleurs, on en trouve 
quelquelois des vestiges chez l’homme, sous forme d’un petit repli qui 
croise les vaisseaux iliaques et se perd dans le petit bassin. 

Ge ligament est presque constant et il représente un organe établissant 
des communications lymphatiques, entre l'ovaire et l’appendice ver- 
miforme. 


Structure. 


Dans tous les livres classiques, on trouvera des renseignements vagues 
sur la structure de l’appendice iléo-cæcal. Parmi les auteurs modernes 
qui ont étudié l’appendice et les appendicites, aucun ne s’est occupé 
spécialement de son anatomie. La plupart se contentent de reproduire les 
notions fournies par leurs prédécesseurs. Je me propose ici de préciser 
cette structure, d’après mes recherches personnelles faites sur plus de 
60 appendices, et de montrer ce qu’elle a de particulier. 

La meilleure technique à suivre est celle-ci: 4° Recueillir l’appendice 
immédiatement après la morl; 2 Le distendre avec une injection de 
liquide de Müller ou celui de Kleinemberg. Je préfère le premier; 
3 Plonger l’appendice ainsi distendu dans l'alcool absolu. 

Grâce aux échanges osmotiques. les tissus sont rapidement pénétrés par 

les liquides fixateur et durcissant, et dès le lendemain, on peut faire des 
coupes au rasoir. Je conseille encore de suivre la technique du professeur 
Mathias Duval, soit en serrant l’appendice dans le paraffine, soit en 
l'enchâssant dans le collodion non élastique et injectant de ce même col- 
lodion dans sa cavité. Cette pratique du collodion dont on trouvera les 
détails dans la monographie de M. Mathias Duval sur la corne d’Ammon 
(Arch. de Neurologie, 1881-1882), convient plus spécialement aux appen- 
dices d'embryons et d'enfants. 
_ En débitant depuis son extrémité supérieure, jusqu’à son extrémité 
inférieure l’appendice iléo-cæcal, voiciles détails de structure qu’on peut 
y remarquer : 

Deux zones se présentent à l'observateur : 


1° L’appendice proprement dit avec son hile ; 
2° Le méso-appendice. 


Appendice. — Sa cavité est circulaire sans contour régulier ; à l'endroit 
où s'implante le méso-appendice, il existe une plicature de la tunique 
musculeuse et de la tunique celluleuse. J’appellerai cette plicature le hile 
de l'organe. 

_ La concavité du pli regarde le méso-appendice. Sa présence détermine 
un grand épaississement en ce point de la paroi de l’appendice. 


13. 


450 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


L'appendice présente exactement la même structure que le gros intes- 
tin. De dehors en dedans on rencontre : 

1° La tunique péritonéale; 

2° La tunique musculeuse; 

3° La couche conjonctive; 

4° La muqueuse. 

À. Tunique péritoneale. — Elle recouvre, de toutes parts, l'appendice 
et se continue en haut avec le péritoine 
cæcal. A la face interne de l’appendice, 
deux lames du péritoine se réunissent pour 
constituer le méso-appendice. Là, il existe 
un espace triangulaire rempli de tissus 
celluleux, infiltré de graisse, qui contient 
les dernières divisions de l'artère appen- 
diculaire, lesquelles vont se distribuer dans 
le hile de l'organe. 

B. Couche musculeuse. — Elle est for- 
mée comme sur le gros intestin, de deux 
plans de fibres lisses. Le plan superficiel 
est constitué par une réunion des trois 
Bio 6 -Coune a dede bandelettes du cæcum et est interrompu 

l'appendice montrant la plica- dePuis la base jusqu'au sommet. Le plan 

ture ou Aile. profond est composé de fibres circulaires, 

à direction transversale, et il est deux fois 

plus épais que le plan précédent. Aucun strate intermédiaire n'existe entre 

les deux plans. Seule, la direction des fibres les distingue l’un de l’autre 
au microscope. 

C. Couche conjonctive. — Elle est très épaisse, formée dans toute son 
étendue de tissu conjonctif adulte, muni de cellules. II ne s’y trouve pas 
de fibres élastiques, ce qui nous explique le peu d’extensibilité de l'organe. 
Au voisinage de la muqueuse, ce tissu conjonctif, très condensé partout 
ailleurs, devient un peu lâche et permet vraisemblablement le déplace- 
ment de la couche muqueuse. Le tissu conjonctif présente de nombreux 
orifices vasculaires et une grande quantité de fentes lymphatiques. 

En resumé, la couche conjonctive peut être considérée comme un véri- 
table organe d'irrigation sanguine et lymphatique, destiné à tamiser les 
vaisseaux dans l’épaisseur de la quatrième tunique. 

D. Muqueuse. — Bien qu'elle soit séparée de la précédente par la partie 
lâche du tissu cellulaire, elle est encore assez adhérente pour qu’on ne 
puisse pas le séparer par dissection. Elle est comparable, quant à sa 
structure, à celle du gros intestin. On peut lui considérer de dedans au 
dehors, trois couches : une couche superficielle épithéliale, une couche 
moyenne ou adénoïde, et une couche profonde ou musculaire (muscu- 
laris mucosæ). Cette dernière couche, peu importante, est formée d’une 


APPENDICE CÆCAL 151 


mince bandelette de fibres lisses qui sont en contact avec la tunique 
conjonctive. 

La couche‘épithéliale est formée de cellules cylindriques analogues à 
celles qui tapissent la muqueuse du côlon. Le sitroma est formé de tissu 
adénoïde. De place en place on rencontre, soit des amas irréguliers d’élé- 
ments embryonnaires, soit des follicules clos très nettement délimités et 
visibles à un faible grossissement. 

Ces, follicules clos présentent parfois des dimensions telles qu'ils 


Fic. 1. — Coupe transversale de l’appendice iléo-cæcal. Glandes en tube. Follicules 


clos. Sinus lymphatiques. Couche conjonctive et fentes lymphatiques. Couche mus- 
culaire. 


occupent environ le quart de la circonférence de l’appendice. Dans ce cas, 
ils sont aplatis et situés en contrebas des culs-de-sac des glandes. Ils 
sont entourés de tissu lymphatique cloisonné par place. (Voir la figure.) 

Dans l'épaisseur de la muqueuse il existe une série de glandes en tubes, 
très régulièrement disposées et munies d’un épithélium mucoïde. Ces 
glandes commencent au niveau de la couche épithéliale superficielle et se 
terminent près de la muscularis mucosæ. Elles occupent environ les 2/3 
de l'épaisseur de la muqueuse. La distance qui les sépare, examinée aussi 


bien sur des coupes longitudinales que transversales, mesure à peu près 
leur épaisseur. 


152 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


————————————— 


Il en résulte que, vues à un faible grossissement,elles représentent une 
figure quasi géométrique, en rayonnant autour de la cavité centrale. : 
Lorsque les follicules clos sont bien développés et arrondis, on les voit 
pointer à la superficie de la muqueuse, dont ils écartent les glandes, 
lesquelles prennent une direction oblique par rapport à la surface libre. 
Quelquefois, on voit ces glandes présenter une ébauche de bifurcation 
dans leur partie profonde. Je suis heureux d’avoir retrouvé dans l’appen- 
dice cette conformation glandulaire, si bien décrite pour le gros intestin 
par le professeur Sappey. 

A mesure qu'on avance vers l'extrémité de l’appendice,les glandes 
deviennent plus nombreuses, 
en sorte qu'elles arrivent pour 
ainsi dire au contact les unes 
des autres. La disposition 
rayonné par rapport à l’axe de 
l’appendice est également con- 
servée vers la pointe. 

Les glandes appendiculaires 
sont formées d’une gaine ex- 
terne de cellules plates à la 
face interne de laquelle il 
existe une mince lame de tissu 
amorphe. En dedans de cette 
gaine, sont implantées les cel- 
lules cylindriques de la variété 
muqueuse qui s'avancent jus- 
qu'à l'axe de la glande en mé- 
nageant une lumière très pe- 
tite. À 

FiG. 8. — Coupe du méso-appendice. Cette étroitesse de l'orifice 
+. [Vaisseaux et fentes lymphatiques. glandulaire est intéressante à 
RATE noter par opposition à ce qui 
se remarque chez l'embryon. Au troisième mois, comme nous le ver- 
rons, les glandes sont représentées par de véritables excavations quatre 
ou cinq fois plus larges que chez l'adulte. 

La face externe de la gaine se confond avec le tissu réticulé. La mem- 
brane propre des glandes semble se prolonger sous l'épithélium de la 
superficie et fournir de la sorte à cet épithélinm un substratum qui l’isole 
du tissu adénoïde. 

La pointe de l’appendice présente quelques détails de structure qu'il 
est bon de signaler et qui nous fourniront peut-être l'explication de la 
perforation si fréquemment constatée à l'extrémité de l'organe. Rien à 
noter pour la tunique séreuse. Les deux plans de fibre musculaire y sont 
à peine visibles.La couche conjonctive, au contraire,prend «an développe- 


: APPENDICE CÆCAL 153 


ment considérable, et les glandes y font défaut, alors qu'immédiatement 
au-dessus elles sont beaucoup plus nombreuses que partout ailleurs au 
point d'arriver au conctact lesjunes des autres. 

Méso-appendice. — Avant de terminer avec l’appendice, il est intéres- 
sant d'étudier sur les coupes histologiques la structure de son repli péri- 
tonéal. Je serai bref sur la structure du méso-appendice et ne ferai res- 
sortir que les particularités histologiques les plus intéressantes. 

Sur une coupe transversale, on rencontre entre les deux feuillets du 
péritoine une mince couche de tissu cellulaire qui s’épaissit au niveau de 
son insertion à l'appendice (espace prismatique triangulaire). On y voit : 
1° des artérioles appendiculaires munies de leurs trois tuniques ; 2° des 
veines ; 3° des lymphatiques très nombreux, qui se présentent sous la 
forme soit de simples fentes, soit de vaisseaux constitués. 

Tous ces organes sont plongés au milieu d’un tissu cellulaire contenant 
des cellules graisseuses, lesquelles deviennent très abondantes en cas d’adi- 
pose appendiculaire. Un fait curieux à noter, que j'ai déjà observé pour 
d’autres régions de l’économie, c’est qu’à mesure que le tissu adipeux 
augmente, les artères de l'organe semblent se rétrécir. 

Comme déduction pathologique de l'existence de ce tissu graisseux, je 
noterai la propagation possible de la suppuration dans l'épaisseur du 
méso-appendice. 


VAISSEAUX ET NERFS 


Artères. — Les classiques admettent que l'artère appendiculaire prend 
son origine sur l’arcade terminale qui résulte de l’anastomose de l’artère 
mésentérique supérieure et de la branche descendante de la colique infé- 
rieure droite (artère iléo-colique). Cela est vrai pour l'adulte. 

L'embryoiogie démontre que l’artère appendiculaire représente la por- 
tion terminale de la mésentérique supérieure. En effet, chez un fœtus de 
six mois, l’artère injectée présente un calibre considérable et peut être 
suivie jusqu’à la pointe de l’appendice. Ce point d'anatomie descriptive 
offre à nos yeux une importance physiologique considérable relative à 
l’origine et l'évolution de l’appendice. 

L’artère mésentérique inférieure, ou si l’on aime mieux, le rameau de 
l’iléo-colique, ainsi que l’a fait remarquer Jonnesco, descend en croisant 
Pintestin grêle et se dirige vers la pointe de l’appendice iléo-cæcal. Il 
en résulte qu’elle soulève le péritoine et détermine la formation du repli 
méso-appendiculaire. Si cette artériole s’était bornée à suivre la paroi 
intestinale pour descendre sur l’appendice, le méso-appendice n'aurait 
certainement pas existé : telle est l'explication que donne Jonnesco. Elle 
est acceptable comme vue théorique et justifiée par la présence constante 
de l’artère le long du rebord appendiculaire. Je m'’expliquerai plus loin 
sur l'origine de ce repli. 


154 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Cette artère est relativement volumineuse ; elle représente,chezl’homme 
l'artère cæcale des herbivores. 

L’artère appendiculaire, ainsi qu'il a été dit plus haut,se trouve sur le 
bord libre du méso-appendice, qu'elle parcourt dans toute son étendue 
jusqu’à la pointe de l'organe. Elle donne naissance à trois branches : la 
branche supérieure, la branche moyenne et la branche inférieure. Elles 
sont constantes et se voient aussi bien chez l'embryon que chez l'adulte. Elles 
reproduisent la même distribution que les artères coliques. En effet, peu 
avant d'atteindre le bord fixe du méso-appendice, chacune d'elles se divise 
en branches ascendantes et branches descendantes quis’anastomosent en 
arcades au-devant du hile appendiculaire. De ces arcades partent de fines 
artérioles qui contournent les faces latérales de l’appendice et viennent 


Fic. 9. — Appen- 
dice de fœtus de 
six mois. Artère 


appendiculaire Fire. 140. — Artère appendiculaire, 
avec ses trois avec ses trois branches sembla- 
branches. bles aux artères coliques. 


se terminer sur le bord opposé. On peut les voir par transparence sous le 
péritoine. De là, elles vont se distribuer dans l'épaisseur des parois. 

Des mêmes arcades naissent des vaisseaux beaucoup plus importants 
qui traversent perpendiculairement le hile; ce sont eux qui assurent 
l'irrigation principale des tuniques internes de l’appendice vermiforme. 

Je me propose plus tard de montrer comment ces vaisseaux se pré- 
sentent sur les coupes de l’appendice et de son méso. Je dois cependant 
dire, dès à présent, que la région la plus vasculaire de l’appendice se 
trouve précisément au niveau de la plicature de la tunique, vis-à-vis du 
point que j'ai appelé le hile de l'organe. A partir de la tunique conjonc- 
tive, les artères se résolvent en capillaires, qui viennent se distribuer 
dans la muqueuse où l'on peut Les suivre autour des glandes et dans les 
intervalles qui les séparent. 

Veines. — Les veines de l’appendice ne paraissent pas suivre le trajel 


APPENDICE CÆCAL 154 
SRE RON RE En VAR QD LU ep UN ME ANUS APN MR 


des artères; on ne trouve que rarement une veine appendiculaire, accotée 
à l’artériole. On en voit, au contraire, fréquemment qui suivent le hile de 
l'organe et vont se confondre avec les veines cæcales. 

Liymphatiques. — Ils naissent principalement de la muqueuse; on les 
voit très nettement sur les coupes {ransversales ou longitudinales de 
l’appendice. Ils se montrent sous la forme de fentes, pour la plupart 
transversales, tapissées d'un épithélium plat où apparaît la saillie des 
noyaux des cellules. Autour des follienles clos, ils constituent des espaces 
dont la cavité est parfois cloisonnée et qui sont appliqués à la facon 
d’une calotte sur la partie profonde des follicules. Pareille disposition se 
voit quelquefois autour des culs-de-sac des glandes. On rencontre encore 
des lymphatiques dans la couche conjonctive. 

De ces différentes origines naissent les vaisseaux lymphatiques de 
l'organe qui suivent le méso-appendice et vont se jeter dans le ganglion: 
appendiculaire, comme le montrent les injections. 

En injectant ces lymphatiques soit avec des matières colorantes, soit 
avec le mercure, deux fois j'ai pu constater une communication évidente 
avec les lyÿymphatiques utéro-ovariens, c’est là un point fécond en déduc- 
tions pathologiques ; il nous explique la marche des fusées purulentes du: 
ligament large vers le cæcum et vice versä. J'ajoute que la fréquence plus 
grande des fusées purulentes du ligament large vers la fosse iliaque, 
notée depuis très longtemps par les gynécologistes, trouve là une expli- 
cation anatomique acceptable. : 

De la même manière on doit expliquer les fusées purulentes partant de 
l’appendice iléo-cæcal et se dirigeant vers la cavité pelvienne (abcès péri- 
reclaux, péri-vésicaux, etc.) 

Chez l'homme, le vestige du ligament appendiculo-ovarien me paraît 
jouer un rôle semblable vis-à-vis des fusées purulentes à direction 
pelvienne. 

Nerfs. — A l'œil nu, on ne peut distinguer des filets nerveux dans 
l’appendice on son méso. Sur les coupes, on les voit avec une grande 
netteté dans le méso-appendice. Ge sont des filets nerveux appartenant, 
au système du grand sympathique, lesquels suivent l’artère appendicu- 
laire après s'être détachés du plexus mésentérique. 


Quelques propriétés physiques de l'appendice. 


Je ne dirai que peu de mots sur les propriétés physiques de l’appendice 
vermiforme. C’est un organe contractile. Chez une femme, immédiatement 
après la mort, en aspergeant l’appendice avec de l’eau froide, je l’ai va 
manifestement se contracter lentement de bas en haut et rétrécir son 
calibre. 

Chez le rat vivant, on peut également surprendre la contraction. 

Chez le chat, il n'existe pas d’appendice iléo-cæcal proprement dit, 


156 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


malgré l'assertion de Zambeccari. Le cæcum se termine, chez cet animal, 
par une extrémité pointue. Mais lorsqu'on excite ce long cæcum, on voit 
un fait intéressant se produire. L'’organe se contracte de bas en haut 
lentement et lorsqu'il a atteint les limites de la contraction il est divisé 
neltement en deux parties qui rappellent le cæcum et l’appendice du rat. 
La partie inférieure cylindrique pointue réduite dans son calibre est 
séparée de la partie supérieure plus large par un rétrécissement cir- 
culaire. 

Sur le cadavre, j'ai essayé quelles pouvaient être la dilatabilité de 
l’appendice et la résistance de ses parois. En faisant agir la pression 
hydraulique, on arrive à rompre le cæcum avec environ un tiers d'atmos- 
phère de pression, alors qu'avec la pression d’une demi-atmosphère, 
l’appendice ne semble subir aucune altération dans ses parois. En faisant 
agir, pendant vingt-quatre heures, une pression continue d’une colonne 
d'eau de 2 mètres sur l’appendice, on n'arrive à obtenir aucune dilatation 
de sa paroi. L’organe, par conséquent, paraît être inextensible. Gette 
pression à déterminé la rupture de la muqueuse seule, à sa partie 
moyenne. C’est un fait à rapprocher des recherches de Nicaise et autres 
sur le point de départ de l’ulcération en cas de stricture de l'intestin. 

Cette inextensibilité paraît être en rapport avec l'épaisseur de la couche 
conjonctive; elle nous explique différents faits pathologiques: 

- 4° Les phénomènes d'étranglement interne à la suite desinflammations 
appendiculaires avec distension exagérée de l’organe ; 

2° La gangrène des parois à la suite de l'accumulation des produits 
purulents dans la cavité de l’appendice, démontrée par un grand nombre 
d'observations. 


Anomalies de l'appendice iléo-cæcal. 


* Au cours de cetteétude, nous avons déjà signalé plusieurs particularités 
dans les formes ou la posilion anormale de l’appendice. Il est bon de les 
rappeler dans un tableau synthétique en y ajoutant quelques détails. 

L'appendice vermiforme peut être très Long ; on en a vus qui mesuraient 
plus de 20 centimètres, tout en conservant sensiblement le calibre ordi- 
naire. M. le professeur Lannelongue m'a affirmé en avoir rencontré qui 
dépassaient cette longueur. Contrairement à ce que pensent les auteurs 
anglais et allemands, cette longueur n’est pas en rapport avec une dimi- 
nution de la longueur du cæcum. 

Par contre, il existe des appendices fort courts ne mesurant pas »lus de 
2 ou 3 centimètres. Jamais je n'ai vu la cavité de l’appendice disparaître 
par oblitération, ainsi que l'ont noté plusieurs auteurs. 

Il existe des appendices droits ou à peine recourbés. Le méso-appen- 
dice, qui parcourt habituellement tout le bord adhérent de l’organe, 
s'arrête quelquefois à sa partie moyenne, mais on en retrouve toujours 


APPENDICE CÆCAL 157 


des vestiges jusqu’à la pointe de l’appendice. /amais il ne disparait com- 
plètement, quoi qu’en aient dit certains auteurs. 

Quelquefois, le méso-appendice descend même un peu plus bas que la 
pointe, prolongé par une frange épiploïque. 

Dans des cas exceplionnels, les deux feuillets du méso-appendice vont 
se perdre sur le péritoine de la fosse iliaque. Il en résulte que le bord 
libre n'existe plus et que le méso-appendice représente une cloison ver- 
ticale, étendue de champ, entre l’appendice et la fosse iliaque. Dans ces 
cas, l'artère appendiculaire suit le bord adhérent à la fosse iliaque. 


Certains auteurs ont noté, indépendamment de la variété sous-cæcale, 
des situations anormales qu il ne m’a pas été donné d’observer. On ren- 
contre l’appendice sur le bord externe du cæcum, sur sa face antérieure, 
le long de l'intestin grêle, derrière le côlon ascendant, adhérent à la face 
antérieure du rein, au duodénum, elc., etc. Dans des cas très rares, on 
l'a vu remonter jusqu’à la face inférieure du foie et y contracter des 
adhérences. 

Ces différentes variété de situation s'expliquent, ainsi que je le montre- 
rai à propos de l’embryologie, par les positions successives qu’occupent le 
cæcum et son appendice dans la vie intra-utérine. En effet, durant leur 
migration, l’appendice, qui occupe le face postérieure du cæcum, peut 
contracter des adhérences avec le foie ou la paroï abdominale postérieure. 
Si le cæcum continue à descendre, l’appendice, fixé par son extrémité, 
est obligé de s’allonger et de prendre des situations anormales. 

Un point intéressant à envisager est celui de la pathogénie des adhé- 
rences de l’appendice iléo-cæcal. Celles-ci se forment-elles avant la nais- 
sance, ou bien postérieurement à la suite d’une inflammation ayant pour 
point de depart l’appendice ou un organe voisin? Ce dernier genre 
d’adhérences ne saurait être discuté. Mais les premières existent-elles 
réellement? On peut, je crois, répondre par l'affirmative. J'ai plus d’une 
fois trouvé l’appendice adhérent par sa pointe au ligament large ou à 
l’un des organes de ce ligament (trompe, ovaire). Or, comment admettre 
que des adhérences formées après la naissance, de nature inflammatoire, 
fixent seulement l'extrémité de l'organe le moins vasculaire et non 
point les parties sus-jacentes? Passe encore pour l'utérus et les liga- 
ments larges, ainsi que pour le rectum et la vessie. Mais les adhérences 
rénales qui fixent les points de l’appendice vermiculaire à la face anté- 
rieure du rein (Trèves), les adhérences hépatiques ou duodénales (Sap- 
pey, Haller, etc.), comment les expliquer ? On peut poser en principe que 
tout ce qui est adhérence supérieure résulte de la fixation de l’organe 
pendant la vie intra-utérine et peut être considéré comme une anomalie 
de développement. Les adhérences avec le rectum, le ligament large, ia 
vessie, l’S iliaque, l'intestin grêle, etc., sont d'ordre inflammatoire. 

En résumé, les situations normales ou anormales de l’appendice ver- 


158 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


miforme peuvent être rapportées à trois variétés : 1° la variété pel- 
vienne ; 2° la variété iliaque ; 3° la variété lombaire ; ou, si l'on veut : 
variétés interne, moyenne et supérieure. 


EMBRYOLOGIE 


N'ayant pu suivre l’appendice vermiforme qu'à partir de la moitié du 
troisième mois de la vie intra-utérine, je ne dirai rien de ce qui concerne 
l’embryologie de l'organe avant cette époque. 

On admet que l’appendice ne présente avant l’âge de trois mois aucune 
différenciation, mais se continue à plein canal avec le cæcum dont il aurait 
le diamètre et la structure, dont il ne serait, en un mot, que le prolonge- 
ment. Pour certains auteurs même, il ne serait guère distinct qu'à partir 
du sixième ou du septième mois. Je puis affirmer qu’à partir du deuxième 
mois et demi, l’appendice est déjà nettement différencié et présente, au 
point de vue de son calibre, les mêmes proportions par rapport au 
cæcum qu'à l'âge adulte. C’est du moins le résultat que m'a fourni lob- 
servation d’une dizaine de fœtus âgés de deux mois et demi à six mois. 
A l’âge de deux mois et demi, le cæcum se trouve situé sous la face infé- 
rieure du foie, et présente une direction transversale (il continue la direc- 
tion du côlon transverse). L’intestin grêle monte de bas en haut, et vient 
s’aboucher dans sa cavité; autrement dit, à cette époque de la vie intra- 
ulérine la face gauche du cæcum regarde en bas. 

Derrière le cæcum se trouve l’appendice vermiforme, tantôt replié en 
spirale, tantôt en 8 de chiffre. Il est caché derrière le cæcum qu'il faut 
rabattre de haut en bas pour le découvrir. Le cæcum et son appendice 
restent dans cette situation jusqu’au sixième mois. Ce n’est que plus tard, 
à l'approche de la naissance, qu’on trouve le cæcum dans la fosse iliaque. 
Encore dois-je ajouter que sur deux enfants mort-nés cet organe se 
trouvait au-devant da rein. Je le répète, le calibre de l’appendice paraît: 
être dans le même rapport que chez l'adulte. Dans un cas seulement, je 
l'ai trouvé plus large du côté de son extrémité cæcale (fætus de cinq mois) 
mais toujours nettement différencié. Sa longueur, au contraire, fait un 
contraste frappant, comparativement à celle du cæcum. Elle est dix à 
douze fois plus considérable que celle du cæcum, mais celui-ci prenant 
des proportions de plus en plus grandes à mesure qu’on approche de la 
naissance, leur rapport définitif s'établit peu à’peu. 

J'insiste à dessein surle calibre et la longueur de l’appendice vermi- 
forme, en raison des erreurs que l’on trouve souvent dans les auteurs à ce 
sujet. C'est ainsi que Meckel soutient que la grosseur serait à peu près la 
même pour le eæcum et son appendice jusqu'à l’âge de sept mois. 

Une autre particularité, déjà signalée par Jonnesco, c’est que le méso- 
appendice muni de son artère existe dès le troisième mois de la vie intra- 
utérine. 


APPENDICE CÆCAL 159 


La différenciation rapide de l’appendice iléo-cœcal nous montre, en 
somme, qu'il s’agit d’un organe héréditairement atrophié, probablement 
par suite du mode d'alimentation, et que cette atrophie est fixée de bonne 
heure chez le fœtus, par l’atavisme. 

Structure. — L’embryologie microscopique de l’appendice iléo-cæcal 
n’a pas encore été faite dans tous ses détails. Les quelques renseignements 


FrG. 11. — Cæcum chez un fœtus de six mois. 
Il est situé sous le foie et cache l’appendice. Artère mésentérique. 


donnés par les auteurs ne concordent pas avec mes propres recherches. 

Pour Baginsky et pour Tourneux, les glandes de Lieberkün se déve- 
loppent après l’âge de trois mois et demi. Pour Baginsky, les follicules 
clos apparaissent dans l’appendice vers le quatrième mois et sont com- 
plètement développés vers. le cinquième. Il prétend qu’à cette époque, ils 
deviennent tellement volumineux qu'ils écartent les glandes de Lieber- 
kün pour se loger entre elles. 

Pour Külliker aussi, les glandes en tube du gros intestin apparaitraient, 


460 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


vers le troisième mois. Les auteurs ne donnent aucun détail sur le mode 
intime de la formation des glandes en tube. Comme Külliker, Tourneux 
et Baginsky l’ont fait pour le gros inteslin, j'ai pu observer que les pre- 
mières ébauches des glandes en tube de l'appendice apparaissent chez 
l'embryon vers le troisième mois. Quant aux follicules clos, je n'en ai 
trouvé aucune trace même à la naïssance, ce qui me porte à croire qu'ils se 
forment après la naissance. 

Glandes en tube. — A la fin du deuxième ou au commencement du troi- 
sième mois de la vie intra-utérine, l’épithélium cylindrique tapissant la 
face interne de la muqueuse appendiculaire s’invagine dans l'épaisseur 
de la paroi de l'organe sous forme de larges dépressions en doigt de gant, 
qui mesurent deux ou trois fois le volume des glandes de l’appendice à 
l’état adulte. Il en résulte que ces ébauches de glandes sont plus larges 
que ne le seront plus tard les glandes normales. On en compte à peine 
une dizaine sur une coupe transversale. Le tissu intermédiaire qui sépare 
ces dépressions mesure habituellement la longueur de leur diamètre. 

Par places, quelquefois, on rencontre au contraire des blocs de tissu 
intermédiaire beaucoup plus volumineux. Sur ces blocs, du côté de la 
cavité, on constate parfois un commencement d’invaginalion. 

Sur d’autres points, le cul-de-sae glandulaire est deux ou trois plus 
large que ses voisins, mais son extrémité, au lieu d'être arrondie, est 
soulevée en forme de cône par une cloison qui semble marcher de la 
périphérie vers le centre de la cavité. Il en résulte que les dépressions 
deviennent bifides et quelquefois trifides; autant de culs-de-sac, autant 
de glandes futures. Sur la coupe, la réunion de ces diverses figures donne 
à la face interne de la muqueuse appendiculaire une apparence fes- 
tonnée, comme on peut le voir sur Ja figure. 

Plus tard, ces glandes se multiplient par le même mode de formation 
et cette multiplication continue après la naissance, à en juger du moins 
par le nombre des organes glandulaires considéré chez l'enfant et chez 
l’adulte. 

Le tissu sous-jacent à l’épithélium est composé d’éléments embryon- 
naires. 

Dans le méso-appéndiculaire, on reconnaît très bien les vaisseaux. 
Tout à fait à la périphérie, déjà avant cette époque (deux mois et demi), 
les fibres lisses présentent une différenciation très nette et le double plan 
des fibres circulaires et longitudinales est nettement reconnaissable. 
Leur orientation est telle qu'on les distingue très facilement de la couche 
des éléments embryonnaires situés en dedans, c’est-à-dire du côté de la 
cavité. 

En résumé, à l’âge de trois mois, l’appendice est constitué de la 
manière suivante : 

1° Un épithélium formé de cellules cylindriques à plateau sur une seule 
assise ; 


APPENDICE CÆCAL 161 


% Une couche d'éléments embryonnaires représentant Le chorion de 
la muqueuse et la couche conjonctive sous-jacente ; 

3° Une couche superficielle formée d’un double plan de fibres lisses, 
distincte des précédentes par une orientation particulière de ses éléments 
et par leurs caractères physiques et chimiques; 

ko L’appendice est creusé de dépressions glandulaires dont la cavité 
est limitée par les invaginativns de l’épithélium cylindrique ; 

5° Enfin, on peul reconnaitre à la superficie de l'organe du côté du méso, 
la coupe des vaisseaux. 

Avant l’âge de deux mois et demi, l’épithélium repose sur une couche 
d’éléments embryonnaires, aucune ébauche glandulaire ; à deux mois 
et demi, différenciation de la couche musculaire ; à trois mois, forma- 
tion des glandes ; à six mois, continuation de la formation glandulaire. 
A la naissance, les glandes sont encore plus larges que celles de l’adulte 
(proportionnellement). Les follicules clos n'apparaissent qu'après la 
naissance. 


ÉVOLUTION TOPOGRAPHIQUE 


À deux mois et demi, le cæcum, déjà visible et muni de son appendice, 
est situé sous le foie, transversalement. Son appendice est caché derrière 
cet organe. Celle situation sous- 
hépatique persiste. jusqu'à six 
mois. À partir de celte époque, il 
commence à descendre et occupe 
ordinairement la fosse iliaque au 
moment de la naissance. 

Deux fois, j’ai pu m'assurér, 
que le cæcum et son appendice 
étaient restés dans le flanc droit 
chez le nouveau-né. 

Il était utile de faire ressortir 
ces particularités sur la topogra- 
phie de l’appendice et du cæcum 
à cause des adhérences que ces or- 
ganes peuvent contracter avec les pig. 12. Adhérence de l'appendice au 
glandes génitales (mâle et femelle) testicule (hernie opérée par le Dr Lyot). 
pendant la période de leur déve- 
loppement. Les adhérences déjà signalées et admises sous une forme 
théorique trouvent une explication plausible dans les faits qui précèdent. 
La figure 12 représente une hernie, avec adhérence de l’appendice au 
teslicule, opérée par mon ami Lyot qui a bien voulu m’en faire le dessin. 

Tous les auteurs parlent de la présence du méconium dans la cavité 
de l'appendice. Depuis le sixième mois de la vie intra-utérine, on peut, en 
effet, constater sa présence à l’œil nu. 


162 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Au microscope, le liquide qui y est contenu se présente sous la forme 
d’un amas de granulations et de parcelles cellulaires réunies par du 
mucus. 

Dans les premiers mois qui suivent la naissance, le contenu de l’ap- 
pendice ne diffère pas de celui de l'adulte. C'est un liquide transparent 
ou légèrement trouble contenant des débris de cellules. 


APERÇU D'ANATOMIE COMPARÉE 


Je ne donnerai pas ici la description des cæcums de toutes les espèces 
HIT qu'il m'a été donné d'observer. Je ne me servirai de l'anatomie 

comparée que pour montrer ies rapports que 
l’appendice vermiculaire offre avec le cæcum 
des herbivores et pour démontrer que la modi- 
fication ontogénique de l'organe résulte du 
mode d'alimentation de l’homme. 

On a dit, jusqu'ici, que l’appendice iléo-cæcal 
était l'apanage exclusif de l’homme et de cer- 
lains quadrumanes (orangs et gibbons). J’ai 
cherché à vérifier cette assertion, et le résultat 
de mes recherches m'a conduit à considérer 
A l'existence de l'appendice, comme étant en 
Ho . rapport avec le mode d’alimentation. En obser- 

au cæcum. Méso-appen.  Vant les herbivores, d’une part, et les carnivo- 

dice. res, d'autre part, on peut voir que les pre- 
miers sont munis d'un énorme cæcum, con- 
tourné en forme d'appendice iléo-cæcal, muni d’un ganglion analogue 
au ganglion appendiclaire, alors que les seconds en présentent qu'un 
cæcum relativement atrophié, souvent plus petit que celui de l’homme 
etsans aucun vestige d'appendice. Comme l'homme, au point de vue de 
l’alimentation, est intermédiaire à ces deux classes d'animaux, il m’a 
fallu chercher un animal se rapprochant de l’homme à cet égard, pour 
voir s’il ne présenterait pas une ébauche d’appendice vermiforme. Le 
rat et la souris offrent, en effet, un commencement de formation d’un 
appendice iléo-cæcal. Leur cæcum, large etrégulièrement calibré, porte 
à sa partie inférieure, un rétrécissement qui donne accès dans un pro- 
longement appendiculaire. Cet appendice offre à peu près la même lon- 
gueur que le cæcum ; i! est plus évasé que chez l'homme et légèrement 
contourné en dedans. (Milne Edwards, 1860. Lecons sur la physiologie 
et l'anatomie comparée.) 
.- À part quelques exceptions, signalées d’ailleurs dans les ouvrages 
d'anatomie comparée et dans le Traité de M. Sappey, il semble que le 
développement en longueur du cæcum soit en rapport avec l’alimentation 
végétale. Les grands carnassiers en sont complètement dépourvus. 


APPENDICE CÆCAL 


Fi. 14. — Culture 
sur agar-agar de 
bacterium ‘coli pris 
dans la cavité d’un 
appendice enflam- 
mé. 


Fi. 14 bis. — Culture 
par piqûre dans la 
gélatine (coli-ba- 
cille). 


Fic. 14 bis. 


163 


164 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTE DE BIOLOGIE 


Ce court aperçu d'anatomie comparée nous explique pourquoi l’homme, 
qui est omnivore, présente une différence de calibre dans son cæcum, 
dont la moitié inférieure constitue l’appendice vermiforme. Sur ce point, 
le rat et la souris se rapprochent beaucoup de l’homme. 

Je vais maintenant démontrer que l’appendice iléo-cæcal, loin d'être 
un organe inutile, constitue une véritable glande à laquelle le nom de 
glande appendiculaire convient parfaitement. 

Il suffit, en effet, de jeter un coup d'œil sur sa structure pour voir que 
toutes les particularités qui existent dans le gros intestin, se retrouvent 
dans l’appendice. Le tissu adénoïde qui forme le chorion de la muqueuse 
est semblable à celui du gros intestin, muni de follicules clos beaucoup 
plus rares, et situés à sa partie supérieure seulement. Les glandes, au 
contraire, y sont très nombreuses et ont la même conformation que celles 
du gros intestin. 

Autrement dit, persistance de l'élément sécrétoire et diminution des 
organes d'absorption, tels sont, anatomiquement, les caractères spéciaux 
de l’appendice iléo-cæcal. 

D'autre part, nous avons vu qu'il est, chez le vivant, rempli de mucus, 
et que les malières fécales n’y pénètrent point, sauf dans de rares excep- 
lions et dans quelques cas pathologiques. 

En troisième lieu, nous avons vérifié qu’il existait normalement dans sa 
cavité des agents de fermentation ; je veux parler du bacterium coli qui 
s'y trouve à l’état de pureté. 

Toutes ces données nous conduisent à admettre que l’appendice iléo- 
cæcal est une véritable glande en tube, sécrétant un mucus dans lequel 
prolifère un microbe zymogène. Ce mucus, déversé continuellement dans 
le cæcum, fait fermenter les produits de la digestion accumulés dans cet 
organe et particulièrement les matières végétales. 

Le rèle physiologique du cæcum n’est pas encore bien déterminé, maïs 
si l’on considère les fermentations qui s’y passent chez les herbivores et 
les granivores, la théorie que je propose sur les fonctions de l’appendice 
paraît bien probable. En deux mots, ce serait un organe à sécrétion zymo- 
tique, et non point un organe d'absorption. 


BACTÉRIOLOGIE DE L’APPENDICE ILÉO-CÆCAL 


Je ne donnerai pas une grande extension à ce chapitre. Je ne ferai que 
résumer les résultats de mes recherches. 

Lorsqu'on examine l’appendice iléo-cæcal au point de vue bactériolo- 
gique, vingt-quatre heures après la mort, on y rencontre une variété in- 
finie d'espèces microbiennes pour la plupart appartenant à la catégorie 
des bactéries de la putréfaction. 

J1 fallait done, pour se rapprocher de l’état normal, examiner le con- 
tenu de l’organe immédiatement après la mort. 


APPENDICE CÆCAL 165 


Sur les cadavres frais, le seul parasite que j'aie rencontré dans l’appen- 
dice est le bacillus coli communis. Il vit à l’état de pureté dans le mucus 
sécrété par les glandes appendiculaires. Ce produit de sécrétion a une 
réaction franchement acide. Je l’ai recueilli en sectionnant l’appendice au 
voisinage de la pointe. Les plaques de culture, les tubes de culture, les 
réactions chimiques et les inoculations aux animaux m'ont toujours 
donné des résultats probants. Mon examen a porté sur dix cadavres 
frais. 

Sur les plaques, j'ai isolé un bacille dont les colonies offrent les carac- 
tères de celles du bacillus coli communis. Les colonies de ce bacille se 
montrent sous deux aspects différents, mais ne liquéfient jamais la géla- 
tine. Tantôt elles sont opaques, épaisses, sèches, d’un blanc d'ivoire, très 
saillantes à la superficie, tantôt,au contraire,opalines minces, presque 
transparentes avec un point opaque à la partie centrale. Dans ces con- 
ditions, il n’est pas rare de trouver à la coupe des stries concentriques 
ou divergentes donnant un aspect fendillé à la colonie. Les deux formes 
sont plus ou moins circulaires; la seconde, cependant, présente volontiers 
des irrégularités. 

Dans les tubes, la culture par piqûre comporte une tige fragmentée, 
blanchâtre, offrant rarement des colonies lenticulaires, en tout cas fort 
irrégulières dans leurs contours. La partie superficielle, au contraire, est 
exubérante, en forme de tête de clou arrondie, ou bien présente une 
série de cercles concentriques, saillants au-dessus du niveau de la géla- 
tine. 

Presque constamment, surtout si les cultures sont placées dans une 
température de 20-22 degrés, il se développe des bulles de gaz dans la 
profondeur et souvent il s’exhale du tube une odeur qui rappelle celle du 
contenu intestinal. F 

Le contenu des tubes est constamment acide. J'ai trouvé la réaction 
de Wurtz (Soc. de Biologie, janvier 1892) chaque fois que je l’ai cher- 
Chée. 

Dans les cultures âgées de plus de quinze jours, un nuage blanc et 
transparent se développe sur la partie supérieure du tube, prédominant 
autour de la piqûre. 

Sur la pomme de terre, la bactérie donne naissance à des colonies 
réunies en couche irrégulière, saillantes et luxuriantes ; les bords en sont 
notablement surélevés de manière à isoler parfaitement la culture. Au 
début, sa couleur est d’un jaune clair ; plus tard, elle devient brunâtre. 

Les cultures fraîches offrent à l'examen un bâtonnet court, mince, à 
bouts arrondis, mobile, droit ou légèrement recourbé. 

Souvent aussi on rencontre, surtout dans les cultures anciennes, des 
formes involutives ou sporulées ; bref, un polymorphisme remarquable. 
Toutefois ces cultures restent pures ; réensemencées dans d’autres tubes, 
elles reproduisent la forme typique. Quel que soit l'âge de la culture, 

13. 


166 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Finoculation aux animaux donne des résultats positifs. La culture est 
meurtrière au plus haut point. 

: L'inoculation pleurale ou péritonéale produit chez les cobayes ou les. 
souris des accidents mortels en quelques heures. Dans le tissu cellulaire, 
on ne tue l’animal qu’en se servant d'une culture soumise à une tempé- 
rature de 37 degrés ou bien en injectant des doses un peu fortes. 

- Les caractères que je viens de résumer se retrouvent dans chacune de 
mes observations. Je n'ai pas expérimenté avec des cultures provenant 
d’appendices d'enfants, n'ayant pu me procurer des cadavres frais, mais 
je puis affirmer que, chez l'adulte, la virulence du microbe est toujours 
très grande. 

En résumé, l’appendice iléo-cæcal est habité par un seul microbe, le 
bacterium coli commune. Cette espèce y vit à l’état de pureté et présente, 
au plus haut point, les caractères habituels de virulence. 

Pour moi, ainsi que je l’ai dit plus haut, il n'ya aucun doute que cette 
bactérie soit l’agent principal, sinon unique, de la fermentation des ma- 
tières contenues dans le cæcum, et, en particulier, des matières végé- 
tales. 

Des recherches, faciles à entreprendre, pourraient confirmer cette ma- 
nière de voir, et rendraient certainement un service considérable à l'étude 
de la digestion cæcale, encore si peu connue. 


Quelques mots sur l'anatomie pathologique 
et la pathogénie des appendicites d'origine inflammatoire. 


: L'anatomie pathologique macroscopique des appendicites a été, dans 
ces dernières années, l’objet de plusieurs études remarquables, tant en 
France qu'à l'étranger. Le seul reproche qu’on peut adresser à tous ces 
travaux est la difficulté qu’on éprouve à dégager de leur lecture des idées 
générales, applicables à la plupart des cas. Il en est des appendicites’ 
comme de toutes les maladies qui sont encore à l'étude. Les auleurs, dans 
leurs descriptions, accumulent des faits tellement dissemblables que leur 
classification pèche toujours par le défaut de synthèse. 

Je n’ai pas l'intention d’entreprendre cette synthèse, mais je me pro- 
pose d'étudier les lésions histologiques très imparfaitement connues que 
j'ai pu observer dans trois cas d'appendicite. Les altérations histologiques 
de ces cas étaient tellement semblables que j'ai pu en tirer des déductions 
intéressantes sur la pathogénie des appendicites. 

Au cours de mes recherches sur les cadavres, j’ai rencontré quelquefois 
l'appendice un peu altéré et j'ai soigneusement recueilli ces cas pour les 
étudier ; ils me serviront dans l'exposé qui va suivre. 

.Je dois à l’obligeance de mon ami Lyot, chef de clinique de la Faculté, 
un cas d'appendicite à répétition opéré par M. le professeur Le Dentu. 


APPENDICE CÆCAL 167 


L’appendice, du volume du pouce, recouvert de quelques fausses mem- 
branes, mais non perforé, a été réséqué et le moignon suturé à la plaie 
abdominale. Au niveau de la suture, il s'est formé consécutivement un 
abcès qui a très bien guéri. 

Après avoir fait des cultures avec le contenu de l’appendice et avec le 
produit du raclage de sa face interne, j'ai débité l'organe en coupes trans- 
versales pour procéder à son étude histologique. 

Les lésions microscopiques s’y montrent à différents degrés, suivant lés 
points examinés, mais plus prononcés en bas, du côté de la pointe. 

La coupe transversale, même à un faible grossissement, présente : 4° un 
grand épaississement de la paroi appendiculaire: 2° une série de loges 
cereusées aux dépens de cette paroi, et con- 
tenant des globules de pus; 3° la cavité de 
l’organe, considérablement dilatée et reni- 
plie également par le pus. 

1° Paroi. — Elle est uniformément aug- 
mentée dans son épaisseur, atteignant 
même trois ou quatre fois l’épaisseur nor- 
male. Avec un grossissement un peu plus 
fort, on le trouve constitué par du tissu 
fibreux, adulte, disposé en faisceaux con- pie, 415, — Appendicite coli-ba- 
centriques : la tunique musculairea disparu  cillaire. Abcès intra-cavitaire. 
ou, du moins, ne peut plus être reconnue.  Logettes multiples. 

En dedans, la muqueuse a complètement 

perdu ses caractères normaux. Elle est également représentée par des 
strates fibreux. Tout à fait en dedans, on rencontre des éléments embryon- 
naires infiltrant le tissu fibreux. Dans les trois cas d’appendicite que j'ai 
observés, le même tissu fibreux avait remplacé la texture normale de 
l'organe. Il est évident que cette dégénérescence fibreuse de la paroi est 
en rapport avec l’appendicite à répétition et répond à l’évolution inflam- 
matoire chronique, silencieuse, qui se poursuit dans les intervalles des 
poussées aiguës. C'est là une parlicularité que je ne saurai trop metlre en 
évidence et qui nous explique pourquoi l’appendice peut subir une dila- 
tation aussi considérable sans se rompre. 

2° Loges. — De la face interne de cette couche fibreuse représentant la 
paroi, se détachent des cloisons limitant des loges tantôt complètes, tantôt 
ouvertes et qui communiquent avec la cavité de l’appendice. Ces cloisons 
sont formées de tissu conjonctif infiltré de cellules rondes. Dans les loges 
on trouve des globules de pus. Ce sont, en somme, des abcès creusés aux 
dépens de la paroi. Leur volume varie suivant les points sur une coupe 
transversale ou en compte une dizaine environ. 

Quand on examine attentivement les loges, on en trouve qui con- 
tiennent encore des glandes eu tube, reconnaissables mais considérable- 
ment déformées. Habituellement, elles sont tassées les unes sur les autres 


168 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


et détruites en partie dans leur moitié correspondant à la lumière du 
canal appendiculaire. Si on les examine avec un fort grossissement, on 
reconnait que leur épithélium a proliféré. Les cellules épithéliales ont 
perdu leurs caractères; elles sont devenues cubiques ou sphériques; leur 
contour est moins net et souvent elles se fusionnent en formant des blocs 
cellulaires. 

La longueur des glandes altérées est double ou triple de la longueur 
des mêmes glandes à l’état normal. De plus, leur nombre considérable 
dans un espace restreint conduit à admettre une néoformation de ces 
organes. 

En résumé, dans les loges où la suppuration n’a pas détruit complète- 
ment l'élément glandulaire, les glandes enflammées elles-mêmes ont 
augmenté de longueur et se sont multipliées. 

Sur d’autres points, intermédiaires aux altérations précédentes, le pus 
paraît avoir décollé ces amas glandulaires, lesquels sont entourés de toute 
part par les leucocytes. 

Les appendices à peine altérés que j'ai recueillis sur le cadavre m'ont 
paru offrir des lésions qui se rapprochent des précédentes et qui, selon 
moi, constituent Le premier degré de l'appendicite. 

La cavité de ces appendices est un peu dilatée et remplie d’un liquide 
lactescent. La face interne de la paroi est veloutée,rougeâtre ou violacée. 

Après action de la liqueur de Müller et durcissement dans l'alcool 
absolu, on peut voir que les altérations portent principalement sur les 
glandes et que le tissu intermédiaire est peu atteint. Ces lésions rappellent 
l'aspect des points peu altérés, signalés précédemment. 

Les glandes examinées à différents grossissements, paraissent augmen- 
tées de longueur et un peu élargies. Leur orifice est légèrement évasé; 
leur cavité remplie de cellules réunies par une subtance demi transpa- 
rente, un peu granuleuse. Parmi les cellules qui comblent la cavité, ie plus 
grand nombre sont altérées, déformées ou réduites à l’état de parcelles. 
Non seulement les glandes sont plus volumineuses, mais elles sont aussi 
plus nombreuses. Elles se touchent par leurs parties latérales et sont 
comme tassées les unes sur les autres. C’est à peine si l’on trouve dans 
leurs intervalles un petit espace occupé par des cellules rondes et des 
cellules fusiformes. 

L'augmentation de volume des glandes donne à la paroi de l’appen- 
dices un épaisseur plus grande qu'à l’état normal, cette augmentation est 
due à l’épaississement de la muqueuse résultant de l’hypertrophie des 
glandes. 

On voit, en somme, que les lésions appartiennent à une inflammation 
glandulaire primitive, autrement dit, à une glandulite appendiculaire. 

Je me suis demandé si ces lésions ne répondaient pas à ce que certains 
auteurs (Jules Simon, clin. 1890) ont décrit, sous le nom d’appendicite 
catarrhale, maladie observée dans l’enfance principalement. 


APPENDICE CÆCAL AÿE 169 


En comparant les lésions glandulaires trouvées sur le cadavre avec les 
points peu altérés de mes trois appendicites, on arrive à se convaincre 
qu'il s'agit des mêmes altérations. Mais dans les cas d’appendicite sup- 
purée, les lésions se correspondent à un stade plus avancé. 

Avant d'aller plus loin dans la description des lésions anatomo-patho- 
logiques de mes trois cas d'appendicite, je dois formuler ma manière de 
voir sur l’origine et l’évolution de l’inflammation appendiculaire, 

Dans un premier degré, il y à inflammation des glandes de l’appendice : 
glandulité appendiculaire. Celle-ci amène l'augmentation de l'épaisseur 
de la muqueuse par suite de l'accroissement en nombre et en volume 
des glandes (appendicite catarrhale). 

Dans un deuxième stade, l’inflammation dépasse la cavité de la glande 
et envahit le tissu périphérique. Il y a périglandulite. 

La prolifération des éléments embryonnaires et la diapédèse amène la 
formation d’abcès qui occupent la place des glandes. Comme la suppura- 
tion détruit par groupes les glandes enflammées, il en résulte que les 
abcès sont petits, séparés et logés à la place des groupes glandulaires 
détruits. D'où la formation des logettes précédemment décrites. 

En même temps que ces lésions évoluent du côté de la muqueuse, les 
poussées inflammatoires successives amènent la dégénérescence fibreuse 
des autres tuniques de l’appendice iléo-cæcal. 

Appendicites anciennes. — Dans les cas plus avancés, on trouve tantôt 
un épaississement de la paroi, tantôt un amincissement. L'’épaississement 
est dû non seulement à l’hypertrophie et à la dégénérescence fibreuse 
des tuniques propres de l’appendice, mais encore aux dépôts successifs de 
néo-membranes qui recouvrent la surface externe et font corps avec la 
paroi. J'ai étudié un appendice (dû à l'obligeance de mon ami le D" Thi- 
roloix) dans les parois duquel on peut reconnaître de petits abcès isolés 
dont quelques-uns s'ouvrent dans la cavité de l'organe. Il est possible que 
ces abcès soient l’origine des perforations de l’appendice. 

L'étude histologique de la paroi des appendices anciennement enflam- 
més nous montre la même dégénérescence fibreuse que précédemment. 
Mais ici on ne peut plus reconnaître sur aucun point les glandes appen- 
diculaires. La muqueuse, avec ses éléments, a disparu. A sa place, on trouve 
une couche mince de cellules rondes. Les autres tuniques sont repré- 
sentées par des faisceaux de tissu fibreux, adulte, disposé concentrique- 
ment par rapport à l’axe de l’appendice. 

Vaisseaux. — Dans l'épaisseur des parois, on trouve dans les appendi- 
cites peu anciennes, des vaisseaux en grand nombre, principalement du 
côté du hile de l'organe et dans le méso-appendice. Cette augmentation 
du nombre des vaisseaux, en rapport avec les phénomènes inflammatoires, 
existe aussi bien pour les cas anciens que pour les cas récents. 

Perforation de l'appendice. — I] suffit d'examiner la coupe représentée 
ci-après pour se rendre compte du mode ou plutôt d'un des modes de 


1470 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


perforation de l’appendice. Du côté du méso-appendice on peut voir un 
point où la suppuration a détruit la paroi dans une profondeur telle que 
Ja perforation semble imminente. C'est à peine si quelques faisceaux de 
tissu conjonctif limitent la cavité de ce côté. C’est la perforation de l’ap- 
-pendice par ulcération de la paroi. 

Dans le cas du D: Thiroloix, l'extrémité de l’appendice était décapitée, 
et l'organe, largement ouvert, communiquait avec la cavité abdominale. 
Il s'agit évidemment là d’une gangrène ayant frappé tout un fragment de 
l’'appendice, gangrène reconnaissable à l’œil nu et au microscope. Ges faite 
ne sont pas rares; plusieurs auteurs en ont donné des descriptions. 

Pourquoi le bout de l’appendice est-il si souvent atteint de perforation? 
Pourquoi celle-ci affecte-t-elle si souvent la forme circulaire ? — Nous ne 
pouvons donner encore d'explication satisfaisante pour cette dernière 
particularité. Quant à la première, il est possible que la distribution des 
vaisseaux, telle que je l’ai décrite, soit la cause de celte gangrène totale 
du bout de l’appendice par obstruction de la branche inférieure de l'ar- 
tère appendiculaire. 

Pour les petites perforations de l'extrémité de l’appendice, elles trouvent 
leur explication dans la distribution glandulaire de l'organe. Les glandes, 
comme je l'ai dit, sont très multipliées à l'extrémité inférieure; leur sup- 
puration entraîne une désorganisation plus étendue de la paroi: d'où 
l’amincissement de celle-ci et la perforation plus facile. 


QUELQUES MOTS SUR LA MARCHE DE LA SUPPURATION. 


- Les faits anatomiques que j'ai rapportés plus haut nous expliquent, en 
partie, la marche de la suppuration. 

L'appendice perforé se met en communication avec le tissu cellulaire 
de son méso. Grâce à l’épaississement de ce repli péritonéal, le pus peut 
rester extra-péritonéal tout en étant sorti de l’appendice. La suppuration 
peut encore frapper le ganglion appendiculaire (adénite appendiculaire) 
et donner naissance à un abcès péri-appendiculaire sans communication 
avec la cavité péritonéale. Plusieurs faits d’abcès localisés dans l’angle 
iléo-cæcal ne doivent pas reconnaître d'autre origine. 

. Si l'appendice occupe la situation sous-cæcale, l'augmentation de son 
volume se fait aux dépens de la cavité cæcale, ainsi que je l’ai déjà fait 
remarquer. La coilection purulente repousse la paroi postérieure du cæcum 
qui s’accole à la paroi antérieure et fait bomber le cæcum en avant. La 
perforation, en ce cas, peut très bien simuler la pérityphlite suppurée, 

Ilest des cas où Les abcès péri-appendiculaires se forment sans que 
l'organe présente une solution de continuité. On a égalément décrit des 
péritoniles indépendantes de la perforation; ce sont là des lésions dites de 
propagation. 

En résumé, les cinq variétés de collection purulente (abcès appendis 


: APPENDICE CÆCAL ASE UNE D 


culaires) décrits par Gœærster trouvent leur explication dans les rapports: 
et les particularités anatomiques qu'offre l'appendice vermiculaire, 

L'abcès de la fosse iliaque et celui de la petite cavité pelvienne résul- 
tent des rapports anatomiques de l'appendice. Les abcès lombaires 
reconnaissant pour origine la situation sous-cæcale ou supérieure de: 
l’appendice. L’abcès iléo-appendiculaire est une véritable adénite sup- 
purée du ganglion appendiculaire. 

Microbiologie des appendicites. — L'explication de ces lésions doit être 
cherchée, je crois, dans la microbiologie des appendicites. Dans les trois 
cas d’appendicite que j'ai observés, le seul microbe qne j'ai isolé du pus 
était le bacterium coli commune à l'état de pureté. 

M. Adenot (Soc. de Biol., 1891, n° 740) a rapporté quatre cas d’ appen- 
dicite causés par le même Pull à l’exclusion de toute autre bactérie. 

M. Malvoz a également publié un cas identique aux nôtres (Arch. de 
méd. exp., 1891, n° 5). 

Ainsi, les huit seuls cas d’appendicite qui aient été examinés au point 
de vue bactériologique étaient sous la dépendance du coli-bacille. Je 
ne parle pas d’un autre cas d’appendicite tuberculeuse rapporté par 
M. Adenot. Il n’est nullement comparable aux autres. On peut dire que 
jusqu’à nouvel ordre, l’appendicite doit être regardée comme une affec- 
tion de nature parasitaire et due à l'infection colienne. 

Dans un précédent travail communiqué au Congrès de chirur gie (Bac- 
térie de l'infection herniaire; Congrès de chirurgie, 1889), m’inspirant des 
idées de mon maître, M. le professeur Verneuil, j'ai démontré la pénétra- 
tion du coli-bacille à travers la paroi intestinale. Cette pénétration a lieu 
au niveau du sillon qui divise la muqueuse lorsque ce sillon existe. Sur 
les points où l’épithélium fait défaut, ou bien est tellement aliéré qu'il ne 
constitue plus une barrière suffisante à la pénétration des microbes, cette. 
pénétration est favorisée non seulement par l’altération ou l’absence de 
l’épithélium, mais surtout par la distension qui fait en quelque sorte 
filtrer les microbes de vive force à travers la paroi de l'organe. La 
conception pathogénique émise par M. Verneuil pour les hernies et nombre 
de suppurations accompagnées de phénomènes infectieux, trouve encore 
son application dans les phénomènes appendiculaires. 

. Dans le cas que mon ami Lyot a bien voulu me donner, j'ai pu suivre 
la migration du coli-bacille dans la paroi, comme je l'avais fait autrefois 
pour la hernie étranglée. J'ai cultivé le pus intra-appendiculaire et le 
produit du raclage de la superficie. Les deux cultures m'ont donné le bac- 
terium coli commune à l’état de pureté. Les résultats ont été aussi con- 
cluants pour les tubes ensemencés par piqüre que pour les plaques. 

‘Le fait est donc certain : le microbe a traversé la paroi. Mais la théorie 
de M. Verneuil lui est-elle applicable? Certainement oui. L'épithélium de* 
l’appendice est détruit sur plusieurs points, sinon partout. La tension 
existe ici au plus haut degré et est en rapport direct avec l’inextensibilité 


179: MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


relative de la paroi appendiculaire. Tous les auteurs insistent sur la 
distension qui cause. parfois [a gangrène de la paroi. Dès lors, rien 
d'étonnant que la bactérie pénètre dans cette paroiï et la traverse même, à 
l'exclusion de toute perforation, pour donner lieu soit à des lésions 
inflammatoires localisées, soit à une péritonite qui peut être limitée ou 
généralisée. Ici, comme dans la hernie étranglée, nous nous trouvons en 
présence de conditions de physiologie pathologique semblables, auxquelles 
la même pathogénie doit s'appliquer. 


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Martinez. Th. inaug. Paris (1891). 
Mariage. Th. inaug. Paris (1891). 
Ricard. Gazette des Hôpitaux (1891). 
Benoit. Th. inaug. Paris (1891). 


PUCES .&: 


BACILLE D'EBERTH ET BACILLUS COL" 


QUELQUES FAITS RELATIFS À LA FERMENTATION 


DE LA GALACTOSE ET DE LA LACTOSE 


PAR 


MM. A. RODET et GABRIEL ROUX. 


(Mémoire présenté à la Société de Biologie dans la séance du 7 mai 1892.) 


MM. Chantemesse et Widal ont dit que la principale différence entre le 
B. d'Eberth et le B. coli réside dans leurs propriétés vis-à-vis des sucres, 
le second seul les faisant fermenter. Ils ont dû reconnaître, après les 
faits de M. Dubief, que leur proposition n'était pas complètement exacte, 
appliquée aux sucres en général : ils ont restreint alors le caractère dis- 
tinctifà un seul sucre, la lactose. 

Cette note a pour but : d’une part, de donner le résultat de nos expé- 
riences sur la fermentation de la galactose, sucre pour lequel nous avons 
trouvé le même pouvoir de ferment aux deux microbes ; d'autre part, de 
faire connaître l’état actuel de nos recherches sur la fermentation de la 
lactose par le bacille d’Eberth et le B. coli, et de signaler des faits qui 
ruinent la séparation absolue basée sur cette réaction. 

I. — Nous avons surtout cherché la fermentation de la galactose dans 
des milieux liquides, tantôt à base de bouillon de viande, tantôt consti- 
tués de toute pièce. Le B. coli, en poussant dans ce milieu, le rend très 
rapidement et fortement acide : même avec une faible proportion 
(1 p. 400),on a avant vingt-quatre heures une acidité franche. Le 
B. d’Eberth se comporte de même ; et, à titre égal en galactose, déter- 
mine une acidité sensiblement égal. La fermentation se manifeste en 
outre par un dégagement de gaz (même sans addition de craie); toute- 
fois la production de bulles est un phénomène fugace, qu’on ne parvient 
pas toujours à saisir, mais qu’on peut observer aussi bien dans des cul- 
tures de bacille d’Eberth que dans des cultures de 2. coli. 

Lorsque le titre du milieu en galactose est élevé (40,10, même 5 p; 100), 


(1) Travail des laboratoires de médecine expérimentale et de clinique médi- 
cale de la Faculté de Lyon. 


BioLocte. Mémotres. — 9e Série, 7. LV. 14 


174 : MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


l'acidité produite est persistante. Au contraire, si la proportion initiale 
du sucre est faible (1 p. 1000), l'acidité ne tarde pas à disparaître (le mo- 
ment de ce changement dépend de la quantité du milieu de culture et est 
d'autant plus précoce que cette quantité est plus faible) ; il se produit une 
base forte (sans doute de l’ammoniaque), qui, si le milieu est additionné 
de teinture de tournesol, fait passer la couleur du rouge vif au bleu franc. 
Qu'il s'agisse du 2. coli ou du PB. d’Eberth, ce phénomène est semblable ; 
le premier ne donne pas, à proportion égale de galactose, une acidité 
plus durable: s’il y a une légère différence, elle est plutôt en sens inverse. 
La limite du titre en galactose au-dessus de laquelle une phase d’aleali- 
nité succède à l'acidité est sensiblement la même pour l’un et l’autre (en- 
viron 3 p. 1000). Si la seconde phase ne survient pas dans les milieux à 
titre élevé, c’est sans doute qu’elle est liée à un progrès de la pullulation 
qui est empêché par l'acidité forte des milieux primitivement riches en 
sucre (1). 

La présence du bouillon de viande n'apporte pas de changement essen- 
tiel dans ces phénomènes : il favorise seulement et hâte un peu la phase 
d’alcalinité. 

Dans la gélatine galactosée, si on l’ensemence liquéfiée, de manière que 
la culture se fasse dans l'intimité du milieu, les choses se passent comme 
dans les milieux liquides : il est à remarquer que, lorsque la phase d’al- 
calinité est rendue possible par le faible titre en galactose (et par le pou- 
voir nutritif du milieu), la formation de la base commence par les couches 
superficielles, tandis que l'acide se développe simultanément dans toute 
la masse. Toujours est-il que là aussi le B. d’Eberth se comporte comme 
le Z. coli. 

Lorsque l’ensemencement est fait en série sur la gélatine galactosée et 
tournesolée, on peut avoir de la végétation sans trace d’acidité, si le titre 
en galactose n'est pas très élevé, quoique très suffisant pour donner lieu à 
une belle fermentation acide si la culture était faite en profondeur ; et 
cela aussi bien avec le Z. coli qu'avec le B. d’'Eberth. Il est intéressant 
de constater que ce mode de culture n’est pas favorable à la. manifesta- 
tion d’un pouvoir de ferment, et qu’on peut de la sorte laisser échapper 
une propriété fermentative qui se révélerait dans un milieu liquide. 

Il. — Il est indéniable que le procédé indiqué par M. Wurtz pour la 
différenciation rapide du PB. coli (forme coli) et du 2. d'Eberth (forme 
Eberth) (2), est des plus précieux et rend de réels services. 


(4) La nocuité du liquide acide qui résulte d'une culture en galactose est 
révélée par la mort assez rapide, dans ce milieu, des éléments qui y ont pul- 
lulé : le B. d'Eberth y meurt un peu plus vite que le B. coli, et, là comme 
ailleurs, se montre le plus faible. 
= (2) Nous considérons d’une manière systématique comme « forme Eberth » 
les bacilles tirés de la rate des typhiques. 


BACILLE D'EBERTH ET BACILLUS COL 175 


Ensemencés comparativement sur les milieux lactosés tournesolés 
bleus, ces deux micro-organismes fournissent des indications d'autant plus 
utiles qu’elles sont très nettes et presque immédiates, les milieux deve- 
nant très rapidement rouges avc le B. coli et restant bleus avec le B. d'E- 
berth. | 


Aux substrata solides nous préférons, pour notre part, le bouillon lac- 
tosé tournesolé, dans lequel,à 37 degrés, la réaction avec le B.colr se pro- 
duit en quelques heures, plus rapidement et plus sûrement que sur les 
solides, et qui est aussi plus facile à préparer. 

C'est grâce à l'emploi de ces nouveaux milieux colorés, que M. Wurlz a 
eu le mérite de vulgariser, que nous avons pu étudier dans leurs plus pe- 
tits détails les phénomènes qui font l'objet de cette note. 

Dans les selles d’un typhique en pleine période d'état, nous avons 
isolé (en novembre 1891) à l’état de pureté un micro-organisme ayant 
tous les caractères fondamentaux du 2. coli communis typique, avec 
végétation luxuriante et coloration jaune brunâtre de ses colonies sur 
pomme de terre, produisant par l'inoculation dans le péritoine des 
cobayes de la péritonite avec fausses membranes et la mort Es dans 
le collapsus avec hypothermie. 

Il ne Fret certainement y avoir doute sur l'identité de ce bacille et 
jamais nous n'avions pensé à le considérer comme un £. d'Eberth, lors- 
que, dans le milieu du mois de décembre 1891, l'ayant ensemencé dans 
du lait stérilisé, concurremment avec d’autres 2. coli de provenance 
variée et des 2. d'Eberth authentiques, nous constatâmes qu’il ne produi- 
sait pas la coagulation de ce liquide, même à la longue. Nous crûmes 
tout d’abord, à la suite de nos premières expériences, que c'était à l’ac- 
tion de l’antipyrine qu'il fallait attribuer ce résultat; mais nous ne tar- 
dâmes à reconnaître que cette propriété négative, appartenait bien en 
propre à notre bacille, et que l’antipyrine ne jouait aucun rôle en cette 
circonstance. 

Nous employâmes alors, à titre de réactif plus sensible que le lait, des 
milieux nutritifs lactosés tournesolés analogues à ceux indiqués par 
M. Wurtz, les uns solides (gélose ou gélatine), les autres liquides (bouil- 
lon), et voici ce que nous avons constaté : 

Au moment où nos expériences ont été instituées (fin décembre 1891), 
le 2, col dont il est ici question, ensemencé, soit sur gélose ou gélatine 
lactosée tournesolée bleue, soit dans bouillon de même composition chi- 
mique, ne modifia en rien la coloration bleue de ces différents milieux, 
et ne les avait pas encore modifiés après deux mois, bien que certaines de 
nos cultures (gélose et bouillon) soient restées à l’étuve à 37 degrés. À ce 
moment donc, et pour les générations assez rapprochées de la colonie 
initiale (nous avions utilisé des quatrième ou cinquième générations, et 
le bacille avait été isolé vers le 15 novembre), la propriété de faire fer- 


476 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


menter la lactose était absolument nulle, et, sous ce rapport, notre 
bacille se comportait exactement comme le bacille d'Eberth. 

Mais, à partir de cette époque, les nouvelles générations, issues même 
de celles qui laissaient intacts les milieux lactosés, récupérèrent la pro- 
priété de faire fermenter le sucre de lait, d’abord avec un retard très con- 
sidérable (nous avons des tubes de bouillon qui ne sont devenus rouges 
qu’au bout d’un mois), puis avec un retard de moins en moins prononcé 
(huit jours, quatre jours, deux jours), retard constant néanmoins, si on 
prend comme terme de comparaison des 2. coli normaux qui, en quelques 
heures, dans le bouillon lactosé tournesolé bleu et à l’étuve, font virer la 
couleur au rouge franc. 

Les propriétés biologiques du 2. coli s'affirmaient donc à nouveau avec 
leur type à peu près normal. 

Il nous a été possible, grâce à cette sorte de graduation dans la réap- 
parition du pouvoir fermentatif, de faire quelques observations très inté- 
ressantes sur la marche et les conditions de produclion du phénomène, 
observations que nous développerons plus tard. Nous nous contenterons 
d'affirmer que la température, l’accès plus ou moins facile de l'air 
atmosphérique, l’état solide ou liquide du substratum ont une très grande 
influence sur la rapidité de la fermentation et par conséquent de la réac- 
tion colorante ; de plus, des phases mulliples se succèdent ici comme 
dans les expériences sur la galactose, qui font qu’à la teinte rouge du 
début succède, à la surface du liquide, tout au moins pendant quelques 
jours, une nouvelle teinte bleue qui bientôt cède définitivement la place à 
la coloration rouge. 

La réaction est, en tout cas, beaucoup plus sensible dans les liquides 
que sur les milieux solides, et des bouillons peuvent être rouges depuis 
très longtemps alors que des tubes de gélatine ensemencés en même temps 
conservent absolument leur teinte bleue ; il suffit, pour faire virer celle-ci 
au rouge, de liquéfier en partie la gélatine, en enfermant la culture dans 
son épaisseur (la réaction se produit très rapidement alors, même à la 
température de 18 à 20 degrés.) 

Les cultures provenant de pomme de terre se sont toujours montrées 
plus actives à ce point de vue particulier de la fermentatioà de la lactose. 

En résumé, nous avons rencontré dans les selles d’un malade atteint de 
fièvre typhoïde un Bacillus coli qui avait perdu la propriété de faire fer- 
menter la lactose, et se rapprochait ainsi singulièrement du B. d'Eberth, 
bien que tous ses caractères d'ordre morphologique fussent ceux du 
B. coli; par des cultures successives sur des milieux artificiels, la pro- 
priété fermentative a été récupérée, non pas d’un seul coup, mais peu à 
peu, avec des retards considérables au début. 

Nous possédons un autre P. coli qui est dépourvu du pouvoir de Fe 
ment pour la lactose. C’est celui que nous avons trouvé dans une lésion 
suppurée du rein (Soc. biol., 19 déc. 1891). L'histoire de ce microbe est 


BACILLE D'EBERTH ET BACILLUS COLI 477 


intéressante à plus d’un titre : après avoir donné sur la pomme de terre 
des végétations épaisses, crémeuses, très colorées en jaune brun, il cessa 
de se cultiver sous cette forme; et, dans les générations ultérieures, ses 
cultures sur pomme de terre devinrent tout à fait identiques à des cultures 
de bacille d’Eberth; l’origine de ce microbe (lésion suppurée indépen- 
dante de la fièvre typhoïde), jointe aux caractères des premières cultures 
nous empêche cependant de le considérer comme tel. Ce bacille rend très 
rapidement acides les milieux à galactose, mais ne fait subir aucune fer- 
mentation acide à la lactose. Etait-il dépourvu primitivement du pouvoir 
de ferment pour ce sucre? ou bien l’a-t-il perdu dans la série de nos cul- 
tures ; nous ne l'avons pas éprouvé au début à ce point de vue ; mais nous 
avons essayé deux cultures anciennes en bouillon, de deuxième généra- 
tion, sœurs de culture sur pomme de terre à type coli très caractérisé : 
elles se sont montrées, aussi bien que les cultures ultérieures à type Z'bherth, 
dénuées du pouvoir de ferment pour la lactose. Quoi qu’il en soit, que ce 
microbe ait été dépourvu originellement d'action fermentative sur ce 
sucre, ou qu'il l'ait perdue entre nos mains, il n’en résulte pas moins que 
c’est là une propriété fragile et contingente. 

Nous concluons de ces faits que, conformément à l'opinion déjà émise 
par nous dans notre note à l’Académie de médecine, le caractère tiré de 
la propriété fermentative n’est pas absolu, et ne peut, pas plus du reste 
qu'aucun des caractères déjà signalés et invoqués, être considéré comme 
spécifiquement différentiel entre le B. coli communis et le B. d'Eberth. 
C'est une propriété très probablement originelle du 2. coli, mais qui, 
nous venons de le voir, peut disparaître, au moins temporairement. A 
ce point de vue, comme à tous les autres, il existe des variétés naturelles, 
des races, qui constituent des transitions entre Les types tranchés d’Esche- 
rich et d'Eberth. 


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DES RÉSULTATS OBTENUS 


PAR LA MÉTHODE DE GOLGI 


APPLIQUÉE A 


L'ÉTUDE DU BULBE OLFACTIF 


PAR 


M. le Dr C. CONIL 


(Mémoire présenté à la Société de biologie, dans la séance du 7 mai 1892.) 


Leydig, Owsiannikow, Walter, Clarke, Meynert, Babuchin, Henle, 
Schwalbe, Broca et Planteau (1), ont étudié la structure du bulbe olfactif. 
Ils ont reconnu que cet organe se compose en allant de la surface vers la 
profondeur : 

41° D’une couche formée par les fibres du nerf olfactif. Ces fibres pro- 
viennent de la muqueuse olfactive, après avoir traversé les trous de la 
lame criblée. 

2° D'une couche de substance grise qui renferme en procédant de 
dehors en dedans : 

«) Des corps arrondis connus sous le nom de glomérules olfactifs. 
Entre ces corps existent des éléments cellulaires de forme sphérique ; 

6) D'un réseau de filaments nerveux ; 

y) De cellules de forme pyramidale disposées en une couche continue à 
la limite interne de la substance grise. 

3° D'une couche de substance blanche constituée par des fibres ner- 
veuses à myéline alternant avec des éléments cellulaires. 

Au centre de cette substance se trouve chez tous les embryons de 
mammifères et chez les adultes de certaines espèces (chien, chat, etc.) 
un canal communiquant avec les ventricules latéraux. Sa paroi est 


(1) Leydig. Lehrbuch der Histologie, 1857 ; — Owsiannikow. Archives de Müller, 
1860 ; — Walter. Archives de Virchow, 1861 ; — Clarke. Zeitschr. f. wiss. zool., 
1862; — Meynert. Stricker’s Handbuch der Lehre von den Gewebe, 1872; — Babu- 
chin. Article « Odorat », Manuel de Stricker; — Henle. Handbuch der sistema- 
lischen Anatomie, 1872; Schwalbe. Lehrbuch der Neurologie; —  Broca et 
Planteau. Société d'anthropologie, 1879. 


BIOLOGIE. MÉMOIRES. — 90 SÉRIE, Tr. IV. 415 


180 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


tapissée par des cellules épithéliales analogues à celles qui revêlent le 
canal central des autres parties du système nerveux. 

Au point de vue de la connexion des différents éléments, ils ont vu que 
les fibres du nerf olfactif pénètrent dans les glomérules, que le prolonge- 
ment cylindre-axile des cellules nerveuses se continue avec les fibres de 
la substance blanche. 

Pe plus, d’après Owsiannikow, Clarke et Walter, les cellules qui en- 
tourent le canal central du bulbe ont un prolongement périphérique qui 

s'enfonce dans la substance blanche et se met en rapport avec les cellules 
de la névroglie. 

Théoriquement, ils ont admis que les fibres du nerf olfactif, les pro- 
longements des éléments de la substance grise el Les fibres de la substance 
blanche ont entre eux des rapports de continuité. 


En 1875, Golgi (1) a appliqué à l'étude du bulbe olfactif la méthode 
dont il est l'inventeur. Cette méthode consiste à plonger des fragments 
de système nerveux d'animaux récemment tués dans une solution de 
bichromate de potasse à 3 p. 400. (Il est bon de faire au préalable dans 
les tissus que l’on veut étudier une injection interstitielle d'acide osmique 
à 4 p. 100.) 

Après un ou deux mois, les pièces sont retirées de cette solution et 
portées dans une solution de nitrate d'argent à 4 p. 400, il se produit un 
dépôt de sel d'argent sur les cellules nerveuses, sur les éléments cellu- 
laires de la névroglie, et dans les vaisseaux sanguins. 

Grâce à cette méthode, Golgi a obtenu des résultats auxquels n'avaient 
pu arriver les autres auteurs. 

D’après lui, les fibres du nerf olfactif pénètrent dans les glomér ules 
et, après s’y être divisées et subdivisées, y forment un réseau. 

Les éléments cellulaires de la substance grise sont de trois sortes : 

1° Des éléments semblables aux cellules du cervelet situées à la limite 
de la substance grise et de la substance blanche. 

2 Des éléments ovalaires placés dans la partie moyenne de la substance 
grise. 

3° Des éléments de forme irrégulière situés entre les glomérules. 

Tous les prolongements protoplasmiques de ces cellules contribuent à 
former le réseau de la substance grise, puis se dirigent vers les glomé- 
rules. 

Ils se mettent en rapport avec la paroi des vaisseaux sanguins. 

Leur prolongement cylindre-axile affecte deux modalités différentes; 
tantôt il se résout en un grand nombre de fibrilles et perd son indi- 


4) Golgi. Revista sperimentale di freniatria e di medicina, leg. nov., 1855 ; Ori- 
gine du tractus olfactorius et structure des lobes olfactifs de l’homme et 
d’autres mammifères. Archives italiennes de biologie, 1882. 


ÉTUDE DU BULBE OLFACTIF 181 


vidualité, tantôt il donne simplement quelques branches collatérales et 


‘pénètre dans la substance blanche où il se continue avec les fibres de 


cette substance. 

Dans la substance blanche se trouvent des fibres à myéline alternant 
avec des cellules. 

Les fibres proviennent en partie seulement du prolongement cylindre- 
axile des cellules de la substance grise. Plusieurs ne se mettent en rapport 


‘dans le bulbe avec aucun élément cellulaire, elles se rendent dans les 


glomérules où elles forment un réseau analogue à celui des fibres du 
nerf olfactif. L'auteur ne se prononce pas pour savoir si ces deux réseaux 
sont continus ou simplement contigus. 

Les éléments cellulaires ont la forme de pyramides à base dirigée vers 
le centre du bulbe ; ils sont munis de prolongements au milieu desquels 
il est difficile de distinguer un prolongement axile. 

Parmi eux, se trouvent quelquefois des cellules plus volumineuses, 
ovales, fusiformes ou irrégulièrement polygonales. Toutes ces cellules 
sont probablement de nature nerveuse. 

En résumé, d’après Golgi, les fibres du nerf olfactif sont directement 
en rapport dans les glomérules avec les fibres nerveuses de la substance 
blanche qui se rendent dans ces glomérules. Ces fibres servent de voie de 
transmission directe entre la périphérie et le cerveau. Les cellules ner- 
veuses du bulbe ne sont qu'une voie de transmission indirecte. 


Ramon y Cajal (1) a repris les travaux de Golgi sur le bulbe olfactif. 

Pour faire ces recherches, il a modifié la technique du professeur de 
Pavie. | 

Sa méthode consiste à prendre des morceaux de bulbe olfactif, à les 
plonger pendant vingt, vingt-quatre, trente heures dans un mélange 
composé de quatre parties d’une solution de bichromate de potasse à 
3 p. 100 et d’une partie de solution d’acide osmique à 4 p. 100. 

Au sortir de ce bain on met les fragments dans une solution de nitrate 
d'argent à 1 p. 100 ; on les y laisse vingt-quatre à quarante-huit heures. 

D'une façon générale plus les Lissus que l'on veut examiner sont jeunes, 
et moins long doit être le durcissement préalable dans le mélange de 
bichromate de potasse et d'acide osmique. 

Cette méthode a sur celle de Golgi l'avantage d’être plus rapide ; après 
trois ou quatre jours, les lissus peuvent être coupés et examinés. 

D’après cet auteur, les fibrilles du nerf olfactif sont fines, variqueuses 
et ne se ramifient jamais dans la couche périphérique du bulbe olfactif: 
arrivée dans lé glomérule, chacune de ces fibrilles se divise et se subdivise 
en filaments qui ne s’anastomosent pas et se terminent librement. 


(1) Origen y terminacion de las fibras nerviosas olfatorias, Gaceta sanilaria, 
10 décembre 1890. 


182 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Les cellules qui forment une couche continue à la limite de la substance 
blanche et de la substance grise sont désignées sous le nom de cellules 
mitrales ou empanachées supérieures. 

Les deux autres variétés d'éléments nerveux décrits par Golgi dans la 
substance grise sont désignés sous le nom de cellules empanachées 
médianes et de cellules empanachées inférieures. 

La forme de ces éléments est celle déjà assignée par Golgi. 

Tous ont un prolongement cylindre-axile qui se détache de la partie 
de la cellule tournée vers le centre du bulbe. Dans la première portion 
de son trajet, il descend verticalement dans l'intérieur de la substance 
blanche, puis il se coude à angle droit et prend une direction antéro- 
postérieure parallèle par conséquent au grand axe du bulbe. 

Dans sa porlion verticale ce prolongement émet de nombreuses branches 
collatérales. Elles naissent à angle droit du prolongement cylindre-axile, 
ont dès leur origine une direction antéro-postérieure el se terminent 
librement après s'être bifurquées dans l’intérieur de la substance blanche. 

Les prolongements protoplasmiques de tous les éléments nerveux de 
la substance grise sont divisés en deux variétés : 

4° Un prolongement unique quise dirige à peu près verticalement vers 
un glomérule. IL s’y termine par une arborisation dont les branches ter- 
minales, ordinairement variqueuses, sont libres. Ce prolongement est 
désigné sous le nom de prolongement descendant. 

2 Piusieurs prolongements qui se dirigent horizontalement ou un peu 
obliquement dans l’intérieur de la substance grise et qui s’y terminent 
par des extrémités libres après s'être bifurqués. 

Contrairement à l’opinion de Golgi, ces prolongements protoplasmiques 
ne se mettent jamais en rapport avec les vaisseaux sanguins. 

Dans la substance blanche du bulbe, on trouve deux choses : 


1° Des fibres nerveuses qui sont toutes la continuation du prolon- 
gement cylindre-axile des éléments nerveux de la substance grise. 

2 Des éléments cellulaires. 

Les éléments cellulaires sont désignés sous le nom de grains et de cel- 
lules étoilées. 

Les grains sont situés à différentes hauteurs ; ils ont la forme de pyra- 
mides triangulaires à base interne et à sommet externe. Du sommet part 
un prolongement protoplasmique unique qui alteint la zone des cellules 
mitrales, la traverse et se termine librement dans la partie interne de la 
substance grise par un grand nombre de branches divergentes. De la base 
partent trois ou quatre prolongements minces qui se dirigent vers la 
partie centrale du bulbe et s’y terminent librement après un court trajet. 

Outre ces grains de forme triangulaire, on en trouve d’autres fusi- 
formes possédant un prolongement périphérique et un prolongement 
central qui se comportent d’ailleurs comme ceux des grains triangulaires. 


ÉTUDE DU BULBE OLFACTIF 183 


_ Tous les prolongements périphériques sont hérissés de petites épines 
collatérales. 

À côté de ces éléments dépourvus de prolongement cylindre-axile, s’en 
trouvent d'autres décrits pour la première fois par Ramon y Cajal et 
désignés par lui sous le nom de cellules étoilées. 

Ces cellules ont un prolongement cylindre-axile qui se dirige vers la 
substance grise où il se termine par une arborisation libre et de nombreux 
prolongements protoplasmiques qui se terminent dans la substance 
blanche. 

Ramon y Cajal a également décrit des cellules de névroglie que l’on 
trouve dans la substance grise et les cellules épithéliales ou épen- 
dymaires. 

Ces dernières, de même que celles du canal central dans tous les cen- 
tres nerveux, sont des cellules bipolaires présentant un prolongement 
dirigé vers la cavité centrale court et épais, et un prolongement périphé- 
rique qui, chez les animaux jeunes, traverse toute la substance blanche et 
toute la substance grise et se termine en pointe à la périphérie du bulbe. 

En résumé, les fibres du nerf olfactif sont en rapport de contact dans 
l’intérieur du glomérule avec le pralongement descendant des trois 
variétés d'éléments cellulaires de la substance grise. Ces cellules donnent 
toutes naissance à un prolongement cylindre-axile qui va constituer les 
fibres de la substance blanche du bulbe allant vers le cerveau. 

Faits remarquables : 

1° Le prolongement cylindre-axile n’est pas indivis, mais donne des 
branches collatérales. 

2 Les prolongements périphériques des cellules nerveuses et des grains 
présentent des arborisations terminales. 

30 Tous les prolongements sans exception se terminent librement. 
Donc pas d’anastomose entre les prolongements des cellules voisines. 


Van Gehuchten et I. Martin, ont publié dans la Cellule, t. VII, 2: fas- 
cicule, 1891, un intéressant mémoire intitulé : « Le bulbe olfactif chez 
quelques mammifères. » 

Ils arrivent aux mêmes conclusions que Ramon y Cajal dont ils diffèrent 
en quelques points secondaires. 

Les fibrilles du nerf olfactif, au lieu d’être variqueuses, comme l’a écrit 
Ramon y Cajal, sont lisses quand la réduction du sel d’argent est com- 
plète. 

Un grand nombre de fibrilles se bifurquent dans la couche superficielle 
du bulbe en deux branches de même épaisseur. Celles-ci se rendent 
toutes deux dans un seul glomérule ou chacune aboutit à un glomérule 
distinct. 

Les éléments cellulaires de la couche grise sont décrits par Van 
Gehuchten et I. Martin comme par Ramon y Cajal. r* 


# 


ER 


184 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


De plus, ils ont observé dans la substance grise du bulbe du chien seu- 
lement, des cellules nerveuses spéciales. Ces cellules ont une forme irré- 
gulière, un petit nombre de prolongements protoplasmiques qui se per- 
dent dans la substance grise et un prolongement cylindre-axile. Celui-ci, 
après un court trajet, se divise et perd son individualité en donnant nais- 
sance à un plexus assez complexe. 

Chez le chien adulte, les glomérules sont très volumineux et chacun 
d’eux reçoit d’une façon constante le prolongement protoplasmique ss 
cendant d’un grand nombre de cellules mitrales. 

Les fibres nerveuses de la substance blanche présentent non seulement 
des branches collatérales horizontales maïs aussi des collatérales descen- 
dantes. Celles-ci ont été trouvées sur des coupes de bulbe olfactif d’un 
chat de deux jours. Elles naissent par un petit épaississement triangulaire 
de la partie horizontale de la fibre nerveuse. Elles parcourent verticale- 
ment lasubstance blanche et, après s’être divisées, se terminent librement 
par une arborisation soit dans la substance blanche elle-même, soit entre 
les cellules mitrales, soit un peu plus profondément dans la substance 
grise. 

Au lieu de se rendre constamment dans la substance grise, comme 
le veut Ramon y Cajal, le prolongement périphérique des grains se ter- 
mine également dans la substance blanche. Il se met en rapport de 
contact avec les branches terminales des collatérales horizontales et des- 
cendantes du prolongement cylindre-axile. 

Dans la substance blanche, on trouve au voisinage des cellules mitrales 
de grandes cellules nerveuses à corps volumineux excessivement riches 
en prolongements protoplasmiques qui rayonnent dans toutes les direc- 
tions. Ces cellules ne présentent pas de prolongements cylindre-axile. 

Le prolongement périphérique des cellules entourant le canal central 
du bulbe, peut être ainsi suivi jusque dans la couche des fibrilles du nerf 
olfactif. Il s'y termine par une arborisation libre. 

En résumé, pour Gehuchten et Martin, les connexions des éléments ner- 
veux dans le bulbe sont lés mêmes que pour Ramon y Cajal. 

Comme principaux faits nouveaux, on trouve : 

1° Les collatérales descendantes du prolongement cylindre-axile ; 

9° La présence dans la substance grise du bulbe du chien de cellules 
dont le cylindre-axe se ramifie immédiatement après son origine et perd 
son individualité ; 

3° La terminaison par une arborisation terminale non seulement dans 
la substance grise, mais aussi dans la substance blanche du prolongement 
périphérique des grains. 


pi: Met à eee ES EC OO 4 


+ 


OÙ MR 8: 
Re, M RER 


. 


# 


185 


‘ÉTUDE DU BULBE OLFACTIF 


PLANCHE I. 


ibres du nerf olfactif. — 


F 
gl, Glomérules olfactifs. — p, Plexus nerveux, — #”, Cellules mitrales. 


? 


Substance blanche. — o 


? 


G, Substance grise. — B 


186 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


OBSERVATIONS PERSONNELLES 


J'ai fait durant l’année 1892, dans le laboratoire d'histologie de la Faculté 
de médecine de Paris, des recherches sur le bulbe olfactif de certains mammi- 
fères (chien, chat, lapin, souris, rat, cobaye), m'’efforçant de retrouver ce qui 
avait été vu par Golgi, Ramon y Cajal, Gehuchten et I. Martin plutôt que 
d'apporter des faits nouveaux dans une question déjà si compliquée. 

Comme procédé de durcissement et de nitratation j'ai employé la méthode 
rapide de Ramon y Cajal. 

Pour faire les coupes, je prends les morceaux de bulbe à leur sortie de la 
solution ‘de nitrate d'argent et les inclus dans un mélange de cire et d'huile. 

Après déshydratation et éclaircissement, je les monte dans le baume de 
Canada. 

Comme elles doivent être épaisses afin de pouvoir observer plusieurs plans, 
il est bon de ne pas les recouvrir de lamelle. 

Sur les préparations que j'ai eu l'honneur de présenter à la Société de Bio- 
logie, on peut s'assurer des faits suivants (1): 

4° Les fibrilles du nerf olfactif se ramifient dans l’intérieur des glomérules 
olfactifs et s’y terminent librement par une arborisation à branches très fines 
(pL. I, G, gl). 

2° Les glomérules recoivent non seulement les fibrilles du nerf olfactif 
mais un seul prolongement provenant des différents éléments cellulaires 
(pl. I, M) de la substance grise (pl. 1, G, gl). 

Chez le chien cependant, plusieurs prolongements se rendent à un seul 
glomérule, comme l'ont vu les premiers van Gehuchten et Martin. 

J'ai vu quelques glomérules de la souris adulte recevoir non pas un seul, 
mais deux prolongements cellulaires. 

3° Tous ces prolongements se terminent librement dans le glomérule par 
une arborisation à branches variqueuses (pl. I, G). 

4 Les rapports qui existent entre les fibrilles du nert olfacüif et les termi- 
naisons du prolongement descendant des cellules de la substance grise ne 
peuvent s’observer dans le glomérule que lorsque la nitratation a atteint quel- 
ques-uns de ces éléments. Dans le cas où ils sont tous imprégnés, on ne peut 
rien distinguer de précis. 

5° Les prolongements protoplasmiques autres que le prolongement descen- 
dant se terminent librement dans la substance grise après s'être bifurqués 
une ou deux fois. Certains peuvent être suivis à une grande distance de leur 
cellule d’origine (pl. I, pl et pl. IF, G). 

6° Le prolongement cylindre-axile des éléments cellulaires de la substance 


(4) La plupart de ces faits sont visibles sur les deux planches que je joins à 
cet exposé. 

Elles ont été dessinées d’après nature. Elles proviennent : la planche I, du 
bulbe olfactif d’un chien de trois jours; la planche Il, du bulbe d’un chat de 
deux jours. 


187 


ÉTUDE DU BULBE OLFACTIF 


G Substance grise. — B, Substance blanche. — v, Vaisseaux sanguins. 


188 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


grise se nitrate dans une très faible étendue chez les animaux adultes. Ce fait 
lient à ce que ce prolongement est revêtu d’une gaine épaisse de myéline qui 
s'oppose à la pénétration du réactif. 

Chez les animaux jeunes et chez les embryons de mammifères (fœtus de 
lapin de vingt-huit jours, lapin à la naissance, souris à peu près à terme) il se 
nitrate dans une étendue telle qu'on peut le voir, dans une première partie 
de son trajet, descendre dans la substance blanche (pl. I, B); dans une seconde 
partie, se contourner à angle droit et prendre une direction parallèle au 
grand axe du bulbe. 

Les collatérales horizontales de ce prolongement décrites par Ramon y Cajal 
et Gehuchten et Marlin ne sont pas toutes nitratées sur mes préparations. 
On n’en trouve que quelques-unes. 

Sur plusieurs coupes de bulbe olfactif de chat àgé d’un jour, on peut voir 
des fibres qui descendent dans l’intérieur de la substance blanche et se termi- 
nent dans la substance grise par une arborisation libre. 

Ces fibres ne se rattachent à aucun élément cellulaire. Elles présentent le 
caractère des fibres nerveuses, mais comme on ne les voit pas se détacher 
d’une autre fibre nerveuse, il est impossible d'affirmer si elles sont analogues 
aux collatérales descendantes décrites pour la première fois par van Gehuchten 
et I. Martin. 

1° Les grains de la substance blanche (pl. II, B) sont tels que les ont décrits 
Ramon y Cajal et van Gehuchten et I. Martin. Presque tous leurs prolonge- 
ments sont hérissés de saillies collatérales. Le prolongement périphérique de 
ces éléments ne se termine pas toujours dans la substance grise (Ramon y 
Cajal), mais aussi dans la substance blanche (Gehuchten et Martin). 

8° Les cellules qui entourent le canal central ont un long prolongement 
périphérique qui s’avance très loin dans l’intérieur de la substance blanche. 

9° Les cellules de névroglie sont abondantes dans la plupart des prépa- 
rations (pl. II, B). 

10° Les vaisseaux sanguins seuls nitratés sur certaines coupes, le sont 
presque constamment sur toutes. Dans quelques-unes cependant on n’en voit 


aucune trace. 


Jamais aucun prolongement cellulaire ne se continue avec la paroi des 
vaisseaux. 


CONCLUSION 


En se servant pour l’étude du bulbe olfactif de la méthode de Golgi 
modifiée par Ramon y Cajal, on obtient un dépôt de chromate d'argent 
sur les éléments cellulaires et leurs prolongements et dans les vaisseaux 
sanguins. 

Ce dépôt est très souvent irrégulier. Ainsi en traitant des fragments de 
Uissu de la même façon, lantôt ce sont les vaisseaux sanguins, tantôt ce 
sont les cellules nerveuses et leurs prolongements, tantôt les cellules 
de la névroglie, tantôt les fibres nerveuses, tantôt un certain nombre 
de ces différents éléments qui s’imprègnent. 


ÉTUDE DU BULBE OLFACTIF 189 


Habituellement, tous les éléments ne sont pas atteints par le réactif, ce 
qui permet de mieux apprécier leurs rapports. 

Ne donnant aucun renseignement sur la structure des cellules, cette 
méthode est excellente pour établir leurs connexions. 

Grâce à elle, on peut voir qu'une impression transmise par les fibres 
du nerf olfactif au bulbe à pour se diriger vers le cerveau. 

1° Une voie principale, la plus directe, qui suit le prolongement des- 
cendant des cellules de la substance grise et le prolongement cylindre- 
axile de ces mêmes éléments; 

2° De nombreuses voies collatérales, beaucoup moins directes qui lui 
sont offertes, grâce aux rapports multiples que les éléments cellulaires 
affectent entre eux. 

Contrairement à l’opinion accréditée jusque dans ces dernières années, 
toutes ces voies sont interrompues ; la voie la plus directe en un point de 
son trajet, au niveau du glomérule; les voies collatérales en plusieurs 
points. 


RIVE 


RECHERCHES . EXPÉRIMENTALES 


SUR LES 


 VARIATIONS CORRÉLATIVES 


DE L INTEN SITÉ DE LA THERMOGENÈSE 


DES ÉCHANGES RESPIRATOIRES 
M. LAU LANIEÉ. 


(Mémoire présenté à la Société de biologie, dans la séance du 21 mai 1892.) 


INFLUENCE DE L'ALIMENTATION. 


: L'influence de l'alimentation sur JE intensité de la thermogenèse de 
à la fois de la nature et de la mesure de celte alimentation c’est-à-dire 
de la composition et du poids de la ration alimentaire. Pour étudier l’in- 
fluence exercée par ces deux conditions sur la valeur des rendements 
thermiques de l'oxygène et du carbone, j'ai expérimenté sur un chien 
adulte que j’ai soumis alternativement au régime de la viande et au 
régime de la soupe ou du pain, en faisant varier le poids de la ration 
dans le premier cas. 

L'expérience totale se partage en cinq périodes d'à peu près égale 
durée, pendant lesquelles l'animal a reçu successivement 100 grammes 
de pain, 200, 300, 100 grammes de viande et 300 grammes de soupe. Le 
repas avait lieu tous les jours à midi et la détermination des échanges 
respiratoires et de la calorification était faite à trois heures du soir dans 
une expérience qui avait toujours une durée de deux heures et à l'aide 
d’un appareil servant en même temps de calorimètre et de chambre à 
respiration. 

_ Les résultats obtenus figurent dans le tableau n° 4 où, pour simplifier, 
j'ai supprimé les colonnes relatives à la température. Mais comme tou- 
jours, il a été tenu compte des variations subies par la température cen- 
trale de l'animal au cours de l’ CRPETEnEe pour {a détermination du coef- 
ficient thermique. | 


BioLocre. Mémoires. — 9e SÉRIE, T. LV. 16 


192 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTE DE BIOLOGIE 


On remarquera, par la succession des dates qui figurent dans ce tableau, 
que les résultats ne sont pas disposés dans l’ordre où ils ont élé obtenus. 
On a fait figurer d’abord ceux qui se rattachent à l'influence du régime 
azoté, et on les a placés dans l’ordre de leur accroissement (T, IT, ID). 

En dernier lieu, figurent les chiffres obtenus chez Le, sujet soumis au 
régime de la soupe (IV) et du pain (V). 3 

Il résulte de cette interversion que le poids moyen du se dans cha- 

cune de ces périodes n’est pas exactement la mesure du niveau où sa 
ration l’entretenait, mais ce délail est sans importance pour le fond de 
la question, car il né change en aucune manière le sens des phénomènes. 

Je dois également faire remarquer qu'il s’est écoulé plus d’un mois 
entre la dernière période de régime azoté (100 grammes de viande) qui 
s'étend du 18 au 23 février et la période du régime non azoté qui s'étend 
du 8 au 12 avril et comprend cinq jours. 

On pourrait dès lors incliner à penser que des résultats séparés a un 
si long intervalle cessent d’être comparables. Mais, d'une part, je n'ai pas 
pu faire autrement, car l'animal, fatigué sans doute par le régime exclusif 
auquel il était soumis, a été malade fort longtemps d’une entérite et tous 
ses coefficients ont été affectés au point qu'il a fallu renoncer à pour- 
suivre l'étude commencée et attendre le retour du sujet à l’état normal. 

D'autre part, la condition tirée du régime exerce son influence en un 
sens si décisif et si inévitable qu'elle domine les effets des changements 
qui ont pu se produire dans les conditions extérieures. C’est au point que 
les résultats des périodes IV et V, qui ont été obtenus les premiers en avril 
et les seconds en janvier, sont quasi identiques en dépit des changements 
intervenus dans la température extérieure. Il est vrai que, pendant ces 
deux périodes, l'animal était soumis à un régime hydrocarboné qui 
emporte avec lui une mesure déterminée dans la respiration et la calori- 
fication. 

Ceci dit, nous pouvons reprendre et étudier les résultats qui figurent 
au tableau n° 1. Ils se résument dans les moyennes À, B, C, D, E, et on 
voit immédiatement que ces moyennes ont en quelque sorte une très 
grande sincérité, car les chiffres qui composent chaque série et qui se 
fondent dans ces moyennes sont très peu différents les uns des autres. Il 
faut excepter seulement les deux premiers chiffres (4.932 et 5.207), qui 
mesurent les coefficients thermiques dans les deux premiers jours de la 
première période. Ces coefficients tirent leur valeur excessive de cette 
circonstance particulière que l’animal venait d’être soumis à une ration 
de 300 grammes de viande par jour et qu'il vivait sur ses réserves. Aussi 
n’ai-je point fait entrer ces deux chiffres dans le calcul de la moyenne. 

Les faits étant déterminés et mesurés, il convient de les examiner aux 
deux points de vue précédemment indiqués et d'y rechercher l'influence 
äpportée : 4° par le poids de la ration; 2° par le régime. 


#3 


: Tableau n° 


CONDITIONS 
DATES POIDS 
INTRODUITES 


kil. 


4 


18 févr. 1892.| 100 gr. de viande 


par jour 
enunseulrepas. | 2 600 
Dioe — Le. 2 530 
120 — — 2 450 
1 21 — — 2 500 
22 — — 2 450 
23  — — 2 450 
Moyennes. . 2 500 
IT 
10 févr. 1892.| 200 gr. de viande. | 2 350 
11  — — 2 400 
12 — — 2 350 
13 — 2 400 
2 375 
III 
1114 févr. 1892.| 500 gr. de viande. | 2 400 
A 15 — — 2 450 
16  — — 2 500 
17 — 2 929 
2 468 


IV 


8avril1892.| 300 gr. de soupe 
e par jour. 
1) | 9 rs LEE 
| 10 — — 
M 11 — .— 
12 = 


Moyennes, . 


Y 100 gr. de pain 
par jour. 
1 Moyennes de 
la soupe et 
du pain .. 


COEFFICIENT 
RESPIRATOIRE 


CD AN RS 


en 
oxygène| en CO 


litres 


7163 
808 
802 
135 
712 
760 


763 


poids 


m8 SS00c0o 


litres 


996 
627 


en poids 


r.09 |Ogr.322 


0 723 
0 723 
0 750 
0 723 


RESPIRATOIRE 


QUOTIENT 
COEFFICIENT 
THERMIQUE 


ee RE OT 


0 78614 47914 109113 909! A 


362 
237 
690 


Qt Où Qt 


QUOTIENT 
THERMIQUE 


| OBSERVATIONS 


0 915 


0 937 
0 918 
1 018 
1 007 


0 970 
Agr.30 |[Ogr.41#4 


0 696 
0 662 
0 719 
0 688 
0 688 


0 690 


Ogr. 98 lOgr. 363 


0 702 


0 329 


Agr.31 |[0Ogr.392 


0 775 
0 734 
0 780 


0 792 


0 770 


681 
612 
666 
120 
104 


© © © © © 


0 676 


0 79615 42914 144113 773| B 


Qt Et © 
© 
© 
© 


0 79315 890/4 207|14 226| C || 


4 569 
4 454 
4 573 
4 795 
4 695 


0 982,4 616|14 710 


0 711 |1 02 |4 46714 681 


0 696 |_ O0 693 


12 716| D | 


12 456 


——_—__——— 1 —— | —— | —————— | —— Ê 


Ogr.99510 gr.a72)0 996|€ 541/4 56412 207) E 


194 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


INFLUENCE DU POIDS DE LA RATION. 


Sur ce point, la loi devient l1ès visible dans le tableau n° 2, où on a mis 
en regard les unes des autres, en séries horizontales, les valeurs prises par 
les coefficients respiratoires et thermique en fonction de ia ration. 


Tableau n° 2. 


Valeurs réelles prises par les coefficients en'fonction d'une ration croissante 
de viande. ; FR 


VALEUR | 1 PÉRIODE |. 2° PÉRIODE 3e PÉRIODE 
de la 100 grammes 200 grammes 300 grammes 
RATION DE VIANDE | DE VIANDE DE VIANDE 


| È 
Resp. enoxyg. 01763 02915 01970 $ 
en poids, 15709 en poids, 18°31 | en poids, 18139 


Resp. en Co?.| 01600 01729 On 000 
[poids deC—08"322|poids de C— 08" 392| poids de C—0:"414 


FA 
+ 
= 
© 
+ 
Le] 
(| 
Cl 
(a) 
© 
© 


Thermique. :| 4,419 micr. cal. 5,429 micr. cal. | 5,890 micr. cal. 


Il ressort immédiatement de l’examen de ces trois séries transversales 
de chiffres : 1° que la calorification et les échanges gazeux de la respira- 
tion s’accroissent proportionnellement entre eux sous l'influence d'une 


Tableau n° 3. 


Valeurs proportionnelles prises par les coefficients 
en fonction d'une ration croissante de viande. 


INDedatration, EAN" il 


2 3 
| 
Du coeffic. resp. en oxyg. 1 1.221 IE 
ACCrOissements. "| | | 
Du coeffic. resp. en-CO?. A a 1.245 


\ Du coeffic. thermique. . 1 1.212 


| 


‘DE L'INTENSITÉ :DE LA THERMOGENÈSE 195 


ration croissante de viande; 2° que leur accroissement est beaucoup 
moins rapide que celui de la ration. Ces résultats Fppanes en ne Po 
_rement encore dans le tableau suivant (n° 3). : 
.-Il y aurait donc à envisager deux faits : d'une part, la disproportion 
véritablement démesurée qui se manifeste dans les accroissements corré- 


Boo gene Soupe 
100 av De vive 


D 


Fic. 1. — Valeurs prises par les coefficients respiratoires et thermique sous l'in- 
fluence des changements apportés dans la composition et le DOUÉ de la “RUE 


: :CR.O. Coefficient respiratoire en oxygène. 
C.R.CO?2. Coefficient respiratoire en acide carbonique. 
Gin Coefficient RES 


latifs de la Un et de inieie de la thermogenèse et d'autre part la 
proportionnalité qui préside à l'accroissement des trois coefficients. 

- I ressort immédiatement du premier fait que la chaleur produite par 
un animal dans les vingt-quatre heures ne représente qu’une faible 
partie. de l'énergie contenue dans la ration et que le déficit va croissant 
avec la ration. Ce.déficit éveille tout d’abord l'idée d’un gaspillage consi- 
dérable, mais il est clair que.le principe. de la: conservation de l'énergie 


a 


196 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


ne saurait être en défaut: et: le mot gaspillage doit être entendu’au sens 
d’une dépense inutile et non'pas au sens d’une consommation stérile. Lé 
problème est précisément de rendre compte de tout le potentiel alimen- 
taire et de déterminer les directions variées dans lesquelles il se A DPALe 
C'est ce que je me proposé d'essayer dans un prochain travail. : 

Pour le moment, l'étude du partage de l’énergie alimentaire nous éloi- 
gnerait trop de Ja question principale qui est de rechercher la loi des 
variations des rendements thermiques de l'oxygène et du carbone en 
fonction de la ration et du régime. 

Les tableaux 2 et 3 nous ont montré l'influence de la ration. On voit 
immédiatement dans ce dernier, que les chiffres de la même série verticale 
sont séparés par des différences négligeables et restant dans la limite des 
erreurs inévitables en des recherches de cet ordre. C'est au point que, si 
on exprime par des graphiques l'accroissement des trois coefficients, on 
obtient le diagramme de la figure 1 qui accompagne ce travail et où les 
trois courbes qui indiquent la marche des trois coefficients restent paral- 
lèles pendant toute-la durée du régime azoté. 

Ce parallélisme dénonce avec une grande clarté la proportionnalité de 
trois coefficients dans les trois périodes de ce régime, et cette proportion- 
nalité trouve une nouvelle expression dans la constance des-trois quotients 
dont le tableau suivant (n° 4) indique les valeurs. 


Tableau n° 4. 


Valeurs réelles prises par les quotients respiratoire et thermiques, sous l'influence 
d'une ration croissunte de viande. 


1"e PÉRIODE | 2° PÉRIODE | 3° PÉRIODE 
RATIONS 100 grammes | 200 grammes | 300 grammes 
DE VIANDE DE VIANDE DE VIANDE 


Respiraloire. . . . 0.786 0.796 0.793 
Quotients. . { Ther. de l'oxygène. 4.109 4 144 4.207 


Therm. du carbone. 13.909 13,713 
| 


Ici encore les différences en plus ou en moins que présentent les chif- 
fres de chaque série horizontale sont de l’ordre de celles qu'il est impos- 
sible d'éviter dans des expériences aussi complexes, et on peut admettre 
l'invariabilité des quotients thermiques. Gela veut dire, et c'est la con- 
clusion de la première partie de ce travail que : le rapport entre l'oxygène 


DE L'INTENSITÉ DE LA; THERMOGENÈSE 497 


consommé, l'acide carbonique et la chaleur produits par un animal resté 
constant pour ‘un régime déterminé, quel que soit le poids de la ration 
alimentaire. Bite 
Sous une autre forme : des rendements thermiques de rase et du 
carbone mis en œuvre-dans la respiration d'un animal conservent la même 
valeur, quel que soit le poids de la ration slimentaine de viande reçue par 
cet. patte. ici ; 


: INFLUENCE DUPREGIME. 


. Les valeurs relatives des moon respiratoires et fetire ‘dépen- 
de très étroitement du régime. Il nous sulfira, pour saisir le sens de cette 
dépendance, de mettre en regard les chiffres qui mesurent les valeurs 
prises successivement par ces coefficients dans deux périodes de régime 
différent, de comparer par ‘exemple les résultats obtenus dans les IV° et 
Ve périodes (régime hydrocarboné) avec ceux de l’une quelconque des 
autres périodes où le régime était azoté. La om Ranen se fait aisément 
dans le tableau suivant. 


Tableau n° 9. 


Valeurs prises par les coefficients respiratoires-el thermique en fonction 
du régime hydrocarboné.et du régime azoté. 


ais RÉGIME AZOTÉ 
REGIME 
TE 
DONNE 100 grammes | 300 grammes 
DE VIANDE DE VIANDE 


[ 
Resp. en oxygène. 01696 01763 01970 


Coefficients. 4 Resp. en CO? . . . 0 693 0 600 0 776 


\ Thermique . . . .|4,541 mic. c.|4,479 mic. c.|5,890 mic.c. 


RG QG QG RER QUO ROUE RQ CC € 


Les faits répondant aux colonnes 4 et 2 ont cet intérêt particulier 
que les rations, très différentes par leur composition, avaient le même 
pouvoir thermogène sinon la même teneur en énergie, car le coefficient 


198 MÉMOIRES DE LA’ SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


— 


thermique a sensiblement la: même valeur dans les deux cas. Par 
contre, les échanges gazeux subissent de graves changements, liés aux 
variations bien connues AU le rene fait subie à la Fate “E quotient 
respiratoire. : 

: On voit, en effet, que ler passage du régime non azoté à un régime 
azoté de. même puissance thermogène a pour résultat d'augmenter là 
consommation de l'oxygène et de diminuer la production de l'acide car- 
bonique. La diminution du quotient respiratoire résultant du régime 
azoté implique donc, dans ce cas particulier, des variations inverses dans 
les deux coefficients respiratoires. 

Ces variations inverses deviennent très sensibles dans le graphique de 
la figure 4 (ordonnées À et B). Alors que la courbe thermique demeure 
à peu près parallèle à l’abscisse, on voit s'élever la courbé de l'oxygène 
et s’abaisser celle de l’acide carbonique. Donc, dans ce cas particulier où 
les rations de composition différente ont la même valeur thermogène 
dénoncée par la constance du coefficient thermique, l’ animal, en passant 
du régime hydrocarboné au régime azoté, consomme plus d'oxygène et 
dépense moins de carbone pour produire la même quantité de chaleur. 
On devine le changement qui va résulter, de ce fait, dans la valeur des 
quotients thermiques. Celui de l'oxygène diminue et celui du carbone 
augmente. ; 

Ici nous venons d'assister à un mouvement divergent dans les courbes 
de l'oxygène et du carbone qui fait constraste avec l’immobilité de la 
courbe thermique et les rapports de la thermogenèse avec les échanges 
respiratoires avaient, par là même, une clarté particulière. 

Mais ces rapports ne sont pas moins visibles dans le cas.où la ration 
azotée a un pouvoir thermogène plus considérable que celui de la ration 
hydrocarbonée. C'est le cas des faits qui figurent aux colonnes {1 et 3 
du tableau précédent. Ils dénoncent un accroissement simultané mais 
disproporlionné dans les trois coefficients; ces accroissements se on} 
-d’ ailleurs exactement dans les proportions suivantes. 


La consommation de l'oxyg gène augmente de. ._. .…..1 à 1,39 
PEaproduetion dé CO/auement de ne Da LI 
WEaïthermoseneselaugmenté des. PER ea, 1,209 


Ici la diminution, bien connue, du quotient respiratoire résulte. d’un 
accroissement inégal des deux coefficients respiratoires. Le fait nouveau 
réside dans la détermination dre l’accroissement cor rélatif du coefficient 
thermique... ; 
Le graphique de Ja Fa 2, DER Re Li Le . réelles, 
exprime encore mieux la loi de ces me eton y voit, avec la 
plus grande évidence que l'élévation de la thermogénèse est moins rapide 
que celle de la consommation de l oxygène ‘et ji Do ie celle ce . 
production de l'acide carbonique. | 


DE L'INTENSITÉ DE LA THERMOGENÈSE. 199 


Done, ici encore, c’est-à-dire dans le cas le plus général où la ration 
azotée a un pouvoir thermogène plus considérable que celui de la ration 
hydrocarbonée, l'animal, en passant de celle-ci à celle-là, consomme plus 
d'oxygène et dépense n moins de carbone pour produire la même quantité 
de chaleur. 


Fic. 2. — Valeurs réelles’prises .par les coefficients respiratoires et thermique sous 
l'influence d’une ration non azotée (A) et d'une ration azotée (B) d'une valeur ther- 
mogène plus grande. 


C.R.0. Coefficient respiratoire en oxygène. 
-.. } «G.-R.COZ2. Coefficient respiratoire en acide carbonique. 
C. Th. Coefficient Dee 


he rendements thermiques del oxygène et du carbone ont . une 
Eur inévitablement déterminée. par le HébiRe et spéciale à vire 
Fe 
Les chiffres qüen nous os dansnos here Pneu être contes- 
és dansleur valeur absolue mais non dans leurs valeurs relatives. Ils sont 
donc caractéristiques du régime et nous les présentons dans le tableau 
suivant en les mettant en relation avec le quotient respiratoire pour de 
ger la loi définitive des variations que leur impose le régime. 


200 MÉMOIRESDE :LA { SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


$ Tableau n° 6. 


Valeurs des trois quotients spéciales à chaque régime. Ai 


RÉGIME NON AZOTÉ RÉGIME AZOTÉ 
| Fe , x w 
de l'oxygène — 4.695 4.153 
Quotients thermiques. = : 
du carbone — 12.596 13.968 
Quotientrespiratoire. . 0.996 - 2 0.791 


Les valeurs ci-dessus sont, je le répète, caractéristiques du régime. 
Ainsi celles de la 1" colonne, que nous avons déterminées en étu- 
diant un chien soumis au régime hydrocarboné, sont précisément celles 
que nous obtenons le plus communément chez le lapin. Les conclusions 
des présentes recherches ont donc une très grande généralité et nous pou- 
vons les formuler en disant : Le passage du régime non azoté au régime 
azoté a pour effet de produire l'abaissement du rendement thermique de 
l'oxygène et l’élévation de celui du carbone. 

Telle est la loi des variations des rendements thermiques en fonction 
du régime. Elle est étroitement liée aux changements imposés en même 
temps à la direction et à l'intensité des échanges gazeux dont l'expres- 
sion se retrouve dans les valeurs correspondantes du quotient respira- 
toire. Les variations que subit ce dernier résultent, comme on l’a vu plus 

haut, d’une double variation affectant simultanément la consommation 
de l'oxygène et la-production de CO*. Et, d'autre part, en aucun cas, la 
thermogenèse ne se subordonne à l’un ou à l’autre de ces facteurs. Ses 
oscillations ont.une amplitude intermédiaire. Elle varie plus rapidement 
que la production de CO° et moins rapidement que la consommation de 
l'oxygène. 

Il résulte des faits et des considérations qui précèdent. que : 4° l'in- 
fluence exercée par le régime sur la respiration et la calorification atteint 
simultanément les deux rendements thermiques de l'oxygène el du car- 
bone; 2° les variations subies par ces rendements sont inverses l’une de 
l’autre; 3° elles sont liées aux changements corrélatifs du quotient respi- 
ratoire par la relation suivante : Les variations du quotient respiratoire 
produites en fonction durégime sont suivies de variations de même sens dans 
le: rendement thermique de l'oxygène et de variations de sens inverse dans 
la rendement thermique du carbone. 

Cette formule contient l'expression de tous les changements appor- 


44 


DE L’INTENSITÉ DE LA THERMOGENÈSE 201 


tés par le régime dans les valeurs relatives de l'intensité de la thermo- 
genèse etdes échanges respiratoires et c'est par:elle que nous lerminerions 
volontiers ce travail. Mais la loi qu’elle exprime ne nous donne que la 
forme extérieure des phénomènes, etil faudrait, pour les expliquer, les 
ramener à leur source même, c'est-à-dire aux réactions profondes dont 
ils ne sont que l'expression éloignée. 

S'il nous était permis de faire de ce côté une tentative, nous ferions 
d’abord une remarque touchant la loi précédemment exposée. Cette loi 
contient une conséquence intéressante : chez un animal soumis au régime 
azoté, les relations de la thermogenèse avec les échanges respiratoires 
dénoncent un excédent d'oxygène et de chalëur sur le ‘carbone dépensé 
et rejeté sous forme d'acide carbonique. 

Or, de l’ensemble des faits connus, on est autorisé à admettre que la 
source prochaine et immédiate de l'acide carbonique de la respiration 
réside exclusivement dans la résolution des hydrates de carbone et fina- 
lement du glycose. 

Je suis convaincu, pour ma part, qu'il enest ainsi, et que, quel que soit 
le régime, le glycose est la forme Poe sous laquelle se sie pe nes le 
carbone de la respiration. à 

Dès lors, on pourrait penser que parmi les: réactions qui accompa- 
gnent l’alimentation azotée, celles qui engagent l’albumine dans là gly- 
cogénie, peuvent rendre compte de l'excédent d'oxygène et de l'excédent 
de chaleur que les présentes recherches nous ont FCTASE dans la nutri- 
tion des carnivores. : 


| NOTE POUR SERVIR A L'HISTOIRE # 


DES ANOMALIES MUSCULAIRES 
DU CREUX DE L'AISSELLE | 


PAR 


M. le D’ PRINCETEAU, 


CHEF DES TRAVAUX ANATOMIQUES A LA FACUL TÉ DE MÉDECINE DE BOBDEAUX. 


(Mémoire lu dans la séance du 241 mai 1892). 


- J'ai consigné dans cette note résumée une partie des résultats de mes 
recherches exécutées au laboratoire d'anatomie de la Faculté de méde- 
cine de Bordeaux pendant les semestres d'hiver 1891 et 1892. M’étant 
attaché à vérifier quelques points d'anatomie normale du creux de l’ais- 
selle, j'ai eu l’occasion de rencontrer assez souvent une anomalie muscu- 
laire, décrite en Allemagne depuis Langer sous le nom d’Achselbogen et 
d'arc axillaire en France. L'étude attentive et détaillée des cas que j'ai 
rencontrés m'a fourni les éléments que j'ai cru utile de rassembler ici 
dans le but d’ajouter des observations nouvelles et soigneusement prises, 
à celles de Testut (1), Alezais (2), Wilson (3), Birmingham (4), Turner, 
Gordon (5), etc. 

Sur un chiffre de 208 sujets que j'ai examinés à ce point de vue parti- 
culier, j'ai rencontré 95 fois l’anomalie indiquée. 

1° J'ai rencontré 14 fois la forme simple; c’est-à-dire un faisceau mus- 
culaire unique, s’insérant à l’aide d’une intersection aponévrotique sur 
la face antérieure du tendon et du muscle grand dorsal, pour se porter 
de là, par un ou plusieurs faisceaux tendineux, soit sur l’aponévrose bra- 
chiale au-dessous du tendon du grand pectoral, soit sur la face profonde 
de ce dernier tendon, soit encore dans ces deux points à la fois. 

2° J'ai rencontré 11 fois des formes complexes. 


) Testut. Traité des anomalies musculaires. 
) Alezais. Marseille médical, 1886. 
) Wilson. Journal of anatomy and physiology, London (1887-88), page 294. 
4) Birmingham. Société d'anatomie et de physiologie de Dublin (séance du 
mars 1888). 

5) Gordon. Comptes rendus de l’Académie royale de médecine d'Irlande (1889). 


ARR VA TEE 
DE TIOUS, 1 
L & 


ANOMALIES' MUSCULAIRES DU: CREUX DE L’AISSELLE 203 


À, — Sur ces onze cas, trois fois le faisceau surajoulé était représenté 
par une lame musculaire qui était la continuation complète du bord libre 
du grand dorsal sans intersection aponévrotique d'aucune espèce. Les 
fibres musculaires parties de cette origine formaient un ruban qui, dans 
les trois cas, allait s’insérer par de courtes fibres aponévrotiques, non 
loin du premier faisceau, sur la face antéro-interne de la masse commune 
du coraco-brachial et de la courte portion du biceps. 


B. — Dans les huit autres cas, à l’arc axillaire venaient s'ajouter des 
faisceaux rubanés plus ou moins volumineux venus du groupe muscu- 
laire pectoral. 

‘æ. Six fois, ces faisceaux émanaient de bord inféro-externe dù petit 
pectoral au niveau de son insertion costale. De là les fibres se portaient 
en dehors à travers le creux de l’aisselle pour venir s’accoler au faisceau 
arqué d'origine dorsale et se terminer à côté de lui soit sur l'enveloppe 
commune du coraco-brachial et de la courte portion du biceps, soit sur 
la face profonde du grand pectoral. Deux fois sur les six derniers cas que 
je viens de citer, j'ai vu les deux faisceaux réunis au niveau de leur extré- 
mité brachiale par une lame aponévrotique commune, irrégulièrement 
triangulaire, dont l’un des bords contractait adhérence. avec la face pro- 
fonde du tendon du grand pectoral et: dont le sommet laissait partir une 
petite lame tendineuse de 4 millimètres de largeur. Ce tendon, après 
avoir côtoyé le bord interne du bras, en dedans du paquet vasculo-ner- 
veux, venait se terminer au niveau de l’épitrochlée où il s’insérait.. 

8. Dans les deux derniers cas, c'était le grand pectoral qui, de son bord 
in.éro-externe détachait deux petits faisceaux musculaires dont l'un, te 
supérieur, allait rejoindre l’arc axillaire au niveau de son insertion bra- 
chiale et dont l’autre se portait sur le même arc, mais à sa partie infé- 
rieure au niveau de son insertion sur le muscle grand dorsal. 

J'ai constaté plusieurs fois dans l’espace limité. par l'écartement des 
faisceaux d’origine dorsale et pectorale des fibres musculaires clairsemées 
réunissant ces deux ordres de faisceaux et formant au niveau de la base 
de l’aisselle un véritable voile musculaire que l’on pouvait considérer 
comme servant de limite entre les régions superficielle et See de ce 
creux axillaire. 

Innervation. — Je me suis occupé aussi de l’innervation dé ces diffé 
rents faisceaux musculaires. 

Les faisceaux dont l’origine se rattachail au groupe pectoral élaient 
toujours innervés par des filets nerveux appartenant à ce groupe. Ces 
filets abordaïent les faisceaux musculaires anormaux au niveau du point 
où ces derniers se séparaient des muscles normaux. Quant aux faisceaux 
dont l'origine se rattachait au grand dorsal, leur innervation était en 
apparence plus variable. 

Je n'ai jamais trouvé de filets nerveux distincts destinés aux faisceaux 


904 } + MÉMOIRES DE LA! SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE +: 


musculaires détachés du bord -antéro-externe du grand dorsal-et conti- 
nuant la direction des fibres de ce même bord, sans intersection aponé- 
vrotique. Mais j’ai pu, dans un cas, suivre dans l'épaisseur des fibres du 
muscle grand dorsal un filet nerveux lui appartenant en propre, quise 
dirigeait vers le faisceau surnuméraire dont il est ici question et l'in: 
nervait. C'est dire, malgré le petitnombre de mes observations à ce point 
de vue, que je crois ce faisceau détaché du muscle dorsal innervé par.le 
nerf de ce dernier muscle. 

C’est surtout pour l’innervation de l’arc axillaire que j'ai observé des 
variations plus apparentes que réelles comme on va le voir. 

Sept fois le nerf se détachait de la partie la plus élevée du plexus 
brachial et du tronc qui est le plus profond et le plus interne tout à la 
fois. 

Sept fois le filet nerveux venait de l’anse anastomotique que forment 
ordinairement les deux nerfs thoraciques supérieur et inférieur au-devant 
de l’artère axillaire. Sur ces sept fois, quatre fois le rameau d'innervation 
recevait un filet de renfoncement du brachial cutané interne et deux fois 
de l'accessoire. 

Cinq fois l'innervation était fournie par un filet venu du nerf thora- 
cique inférieur auquel venait s’ajouter un autre filet émané du tronc le 
plus interne du plexus brachial à sa partie supérieure. 

Trois fois le nerf se détachait directement de l'accessoire du brachial 
cutané interne sans autre association nerveuse. 

Dans les trois derniers cas, l’innervation était apportée par l’intermé- 
diaire d’une anse nerveuse qui, dans l’un des cas, embrassait le faisceau 
musculaire anormal dans sa concavité. L'’anse nerveuse résultait de l’anas- 
tomose de deux filets, dont l’un, le supérieur, se détachait du tronc le 
plus interne du plexus brachial à sa partie supérieure, et dont l’autre, 
l’inférieur, était fourni dans un cas par la branche perforante latérale du 
troisième nerf intercostal et dans les deux autres cas par la branche per- 
forante du deuxième nerf intercostal. 

À propos de ces filets nerveux et pour compléter ce que j’ai à dire sur 
leur compte, j'ajouterai que j'ai vu plusieurs fois un filet de moindre 
importance se détacher du nerf de l'arc axillaire pour aller se porter soit 
dans les ganglions du creux de l’aisselle, soit dans l’un des troncs voisins. 

Trois fois j’ai vu l’une de ces branches anastomotiques avec les troncs 
voisins perforer la veine axillaire de part en part. J'ai vu plusieurs fois 
également le nerf accessoire du brachial cutané interne perforer l’are 
axillaire et le diviser ainsi en deux faisceaux, sans toutefois lui fournir 
de rameaux au niveau du point de perforation. 

Rapports. — J'ai cru intéressant de signaler les rapports qu'affectaient 
ces muscles anormaux avec l’aponévrose du creux de l’aisselle et les gan- 
glions lymphatiques. J'ai constaté que tous ces faisceaux musculaires, 
quelle que fût leur provenance, étaient compris entre deux lames apo- 


ANOMALIES :MUSCULAIRES DU CREUX DE L’AISSELLE 205 


névrotiques, bien distinctes et d'autant plus résistantes que les: faisceaux 
musculaires étaient eux-mêmes plus volumineux: Dans les huit cas où il 
existait simultanément des faisceaux musculaires d'origine dorsale et 
pectorale, l’aponévrose d'enveloppement de ces faisceaux ne se bornait 
pas seulement à les revêtir, mais formait encore une nappe ininterrompue 
entre eux, de telle sorte qu'on pouvait voir alors très manifestement cette 
aponévrose axillaire superficielle si inconstante qu'elle a pu être niée par 
quelques anatomistes. 

Il y a plus, dans les cas où ce revêtement aponévrotique du creux de 
l’aisselle existait à l’état complet, il prenait un aspect rappelant celui du 
fascia cribriformis du triangle de Scarpa, c’est-à-dire que j'ai trouvé 
constamment couché sur sa face superficielle un groupe de ganglions (de 
huit à douze, suivant les cas), communiquant entre eux d’une part, et de 
l'autre avec les lymphatiques du bras en dehors et ceux du sein en 
dedans. Ce groupe de ganglions superficiels communiquait également 
avec les ganglions profonds à l’aide de troncs qui perforaient l’aponévrose 
en trois ou quatre points différents. L’aponévruse présentait encore 
d’autres orifices destinés à livrer passage à des vaisseaux sanguine, de 
petites veines surtout, et enfin des filets nerveux nombreux provenant des 
rameaux perforants latéraux des deuxième et troisième nerfs inlercos- 
taux. 

Mais l’ouverture la plus importante et que je qualifierai volontiers 
d’anneau brachio-axillaire, c'est une ouverture large et très régulière fai- 
sant communiquer librement la partie supéro-interne du bras avec la 
partie profonde du creux de l’aisselle. Cette ouverture n’est point un pro- 
duit artificiel de la dissection, car on voit très nettement l’aponévrose 
participer à sa formation de part et d'autre, et du côté du bras, et du côté 
de l’aisselle. 

Du côté du bras, l’aponévrose, à la partie supéro-interne, est constituée, 
en grande majorité, par des fibres dont la direction générale forme une 
courbe à concavité supérieure. Ces fibres présentent ceci de particulier, 
c’est qu’en approchant du point où le tendon du grand dorsal va se jeter 
sur le bras, elles se raréfient au point de disparaître complètement et de 
se transformer en un tissu cellulaire excessivement fin, formant là une 
limite indécise entre la région sous-cutanée et la région sous-aponévro- 
tique. 

Du côté de l’aisselle, l’aponévrose se comporte comme le muscle anor- 
mal auquel elle fournit une gaine complète et plus résistante en ce point 
qu'en tous les autres. C’est dire que les feuillets supérieur et inférieur 
de celte aponévrose se rejoignent et se continuent sans ligne de démar- 
calion au niveau du bord libre concave de l'arc axillaire. D'où il résulte 
que le bord concave de l'arc axillaire revêtu de son aponévrose limite 
avec la face interne du paquet vasculo-nerveux du bras un orifice cons- 
tant pouvant admettre l'index et même le pouce, dans certains cas, et 


206 ‘21 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTE DE BIOLOGIE : 


par lequel s'établit une communication large et facile, entre le tissu 
cellulaire sous-cutané de cette région et le tissu cellulaire profond du 
creux de l’aisselle. : x 

J'ai toujours trouvé cet orifice encombré par des ganglions Da 
ques variables en nombre (de 1 à 3) établissant la transition entre les 
ganglions Liban profonds et les superficiels dont j'ai Toni His 
haut. 

Anatomie comparée. — À la suite de mes dissections humaines, j'ai 
entrepris quelques recherches sur le chien et le chat (2 chiens et3 chats), 
afin de Énerer s’il m'était possible, la signification des RTE fais- 
ceaux que j'avais observés chez l’homme. 

Bien que mes recherches n'aient pas été assez multipliées et assez 
variées, elles m'ont cependant amené à cette conclusion que l’arc axillaire 
n’est autre chose que le vestige chez l’homme de Ja portion dorso-humé- 
rale du muscle panniculaire des animaux. Cette conclusion, qui est celle 
de Turner, de Birminghan et de Gordon, s'appuie sur des arguments 
solides tirés de la situation des insertions, de l’innervation et enfin de 
l'étude du panniculaire chez les différents animaux. Cependant je dois 
dire que je n’assimile à la portion correspondante du panniculaire des 
animaux que le faisceau musculaire qui s’insère sur le grand dorsal à 
l'aide d’une intersection aponévrotique. Les fibres d’origine pectorale 
sont rattachées au groupe pectoral tant par leur origine et leurs inser- 
tions que par leur innervation. Quant aux fibres d’origine dorsale qui 
se détachent du bord antérieur du muscle grand dorsal sans intersection 
aponévrotique et qui viennent grossir l'arc axillaire vrai en se juxtapo= 
sant au niveau de son bord interne, je les considère comme devant être. 
rattachées au groupe musculaire dorsal. J'ai constaté en effet chez le 
chat des faisceaux musculaires détachés manifestement du muscle grand 
dorsal sur lesquels venait s'appliquer la portion dorso-humérale du panni- 
culaire formant ainsi une lame musculaire commune qui allait s’insérer 
sur la face profonde des tendons pectoraux. 

Il va sans dire que j'ai rencontré dans mes nombreux examens bien 
d’autres anomalies, mais je n’ai voulu tenir compte dans cette note que 
des cas dans lesquels j'ai pu voir l'arc axillaire ou simple, ou associé à 
d’autres anomalies: 


ÉTUDE SUR LE ROLE 


L'ÉLANTICNTÉ DE LA YOUTE PIAVTAIRE 


DANS 


LE MÉCANISME DE LA MARCHE 


ET SUR 


LA PHYSIOLOGIE DU PIED PLAT 


Par M. le D' DEWÈVRE 


(Mémoire lu à la Société de biologie dans la séance du 28 mai 1892.) 


Les chirurgiens et les hygiénistes se sont beaucoup occupés des entraves 
apportées à la marche par des chaussures trop étroites. Les premiers ont 
incriminé surtout les déviations des orteils, des tendons et la mauvaise 
direction des tractions musculaires; les seconds la déviation de la ligne de 
sustentation plantaire. En réalité, la cause dominante agissant ici est la 
mise en défaut de l'élasticité du pied. 

Bien que paraissant admise en principe cette élasticité n’a pas encore 
élé étudiée d’une façon spéciale. Elle s’accuse cependant d’une facon très 
nette par le triple mouvement d’allongement, d'abaissement et d’élargis- 
sement que le pied subit pendant la marche à la période d'appui. Ne 
pouvant exposer ici les différentes méthodes d'évaluation dont nous nous 
sommes servi, nous ne menlionnerons que les résultats obtenus. 

Tous nos procédés (mensurations directes, photographie, empreintes 
diversement colorées, contours graphiques) se résument d’ailleurs au 
même problème : prendre sur le pied au repos des points de repère 
fixes et mesurer leur déplacement au moment de l’appui. Nous avons 
pu constater ainsi que l'allongement du pied se faisait exclusivement par 
son bord interne, le bord externe ne se déplaçant pas. Cet allongement 
est en moyenne de 18 millimètres au niveau du 2° et 3° orteil, de 15 mil- 
limètres au niveau du premier, de 10 millimètres pour le quatrième et 
de 5 millimètres pour le cinquième. L’élargissement se fait presque 
exclusivement suivant une ligne oblique allant de la malléole interne 
au 4° orteil. Au niveau du scaphoïde il atteint 2 centimètres, et envi- 
ron À centimètre au niveau des deux derniers oreils. Les deux et trois 
orteils ne se déjettent en dehors que de 3 à 5 millimètres. Quant au gros 
orteil, il se porte un peu en dedans. 


BroLoctEe. Mémoires. — 9e SÉRIE, 7. [V. 17 


208 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Enfin la voûte subit un abaissement de 14 millimètres au niveau du 
scaphoïde, tandis que la malléole interne ne s’abaisse que d’une pe 
moitié moindre. + 

Ces modifications des diamètres plantaires nous démontrent qu'à l'appui 
l’élasticité du pied est mise en jeu, ce dont il est facile de se convaincre 
en glissant le doigt sous la plante au moment de l'appui. On sent alors 
manifestement la corde musculo-fibreuse qui sous-tend la voûte se tendre 
et se durcir. 

Les travaux de Marey ont montré toute l’importance de l’élasticité au 
point de vue de la circulation artérielle et de la contraction musculaire. 
L’élasticité plantaire ne joue pas un rôle moindre dans le mécanisme de 
la marche, et il est facile de comprendre qu'elle intervient en économi- 
sant les forces et en régularisant les mouvements. Le ressort plantaire 
est comme un trait d'union élastique entre le travail de la descente 


Schéma du contour plantaire à l’appui (ligne pleine) 
et au repos (ligne pointillée). 


(appui du talon) et celui du soulèvement (appui de la pointe). Il agit en 
quelque sorte comme un tremplin, emmagasine une partie des forces de 
la descente et les restitue gratuitement à l'effort du soulèvement. Si le 
travail de la descente n’est pas recueilli par la bande plantaire, s’il 
s'épuise entièrement comme dans la marche sur le sable, l'effort 
du soulèvement, réduit à lui-même, amène vite la fatigue. De même 
encore si le lalon est trop élevé, une action inverse se produit ; il n’y a 
plus de travail de descente et la marche devient rapidement pénible. 
On ne peut accepter davantage le talon en caoutchouc préconisé derniè- 
rement, d'une part parce qu'il absorbe trop le travail de descente, d'autre 
part parce qu'il ne peut le restituer en temps utile, la réaction élastique 
ayant lieu plus en avant sur la voûte plantaire, quand le talon a déjà 
quitté le sol. 

L’élasticité du pied étant surtout musculaire, on comprend qu'elle 
s'épuise avec la fatigue et ainsi s'explique l'influence de la charge, de la 
profession, de la rapidité et de la longueur du pas, de la nature du sol 
de la chaussure, elc. 

Faisons remarquer à propos de la charge de plus elle porte en ar- 


DE L'ÉLASTICITÉ DE .LA VOUTE PLANTAIRE 209. 


rière le centre de gravité du corps plus elle affaiblit le rôle de l’élasticité 
du pied. Il n’y a donc pas là qu’une simple question d'équilibre, et si les 
coureurs, les sauteurs surtout se penchent en avant, c’est afin de ramener 
au parallélisme les deux forces reliées par la corde plantaire. Moins 
l'angle formé sur cette corde par les forces de la descente et du soulève- 
ment sera ouvert, plus la réaction et par conséquent l’économie sera 
grande. On s'explique ainsi la fatigue rapide du pas trop allongé, l’in- 
fluence d'une charge mal répartie et enfin l’atlitude spéciale de l’homme 
fatigué, qui se courbe de plus en plus en avant, de façon à perdre le 
moins possible de la réaction plantaire. 

L'influence de l’âge est assez sensible. L'élasticité du pied est nulle à 
la naissance, faible encore à quinze ans, — ce qui pourrait expliquer la 
paralysie des adolescents décrite par Gosselin, — atteint son maximum à 
vingt-cinq ans et disparaît presque entièrement chez les vieillards. 

Ce qu'il y a de plus curieux à coup sûr dans toutes ces influences 
s'exercant sur l'élasticité plantaire, c’est celle produite par la race. La 
question étant toute neuve, nous manquons évidemment de documents à 
ce sujet, mais nous pouvons faire notre profit de ceux que nous avons 
recueillis sur les pieds plats qui représentent le dernier degré de l’élas- 
ticité plantaire. La race juive est signalée comme féconde en pieds plats; 
nous avons examiné un assez grand nombre de Juifs et n'avons pas trouvé 
chez eux une élasticité plantaire moindre qu’à l’état normal. On ne pour- 
rait évidemment se prononcer sur ce point qu'après un examen sur une 
vaste échelle. En revanche, les nègres ont une élasticité plantaire certai- 
nement inférieure, et nous croyons que dans leur pays d'origine cette 
élasticité doit être presque nulle. Nous voyons en effet presque tous les 
peuples marcheurs ne posséder qu’une faible réaction plantaire. Ceci se 
voit d’ailleurs même parmi nous, et l'habitant des campagnes, surtout 
celui qui marche pieds nus, a une élasticité beaucoup moins grande que 
celui des villes. De là sans doute la démarche lourde tout à fait carac- 
téristique du paysan. Les peuples primitifs ne devaient avoir aucune 
élasticité plantaire et actuellement l'homme sauvage, marchant nu- 
pieds, toujours debout et en chasse ne doit avoir qu’une élasticité faible. 
Celle-ci a dû se développer surtout avec la création des sociétés, et dans 
ces sociétés, ce sont les individus qui ont les professions les plus séden- 
taires qui ont la plus grande élasticité plantaire. Comme c’est parmi eux 
que se classent les hommes dont le développement intellectuel est le plus 
élevé, on pourrait dire que la hauteur de l'intelligence se mesure à la 
hauteur de la voûte plantaire, ce qui ne serait en somme qu'une modi- 
fication scientifique d'une expression vulgaire, fort ancienne qu’on 
retrouve dans presque toutes les langues. Nous disons en effet couram- 
ment en jugeant l'inféricrité d’un homme par rapport à un autre 
«qu'il ne lui vient pas à la cheville ». Nous pourrions donc dire plus 
exactement qu'il n’égale pas sa voûte plantaire, Nous ajouterons que ce 


210 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ LE B:0LOGIE 


sont les départements où l'instruction est la moins développée qui ren- 
ferment les hommes à élasticité plantaire la plus faible. 

Nous avons prié deux de nos amis médecins militaires de faire relever 
l’élasticité plantaire sur cent hommes de leurs régiments. Dans l’un, les 
hommes provenaient exclusivement de Bretagne; dans l’autre, de Marseille 
et des environs. Or, chez ces derniers, la moyenne de l’élasticité plantaire 
s’est montrée double de celle des premiers. Il n’y a là rien d'étonnant, et 
bien que les Bretons descendent des Celtes et qu’il y a chez eux peut-être 


[16. 1. — Tracé du pas chez le pied plat. 


un peu d’atavisme, nous croyons que ces différences tiennent surtout à la 
différence de culture intellec!uelle, peu développée chez le bas peuple 
breton. D'ailleurs, les documents officiels nous apprennent que sur vingt 
conscrils exemptés pour pieds plats à Tarbes par exemple, il y en a cent 


16. 2. — Tracé presque normal. 


La ligne d'ascension trop verticale indique cependant un léger degré de relâchement 
plantaire. 


vingt en Bretagne. Tout ceci s’accorde avec les résultats que nous avons 
obtenus en mesurant l’élasticité plantaire, chez les ouvriers et les hommes 
appartenant aux classes élevées. Chez les enfants, la différence est plus 
frappante encore et nous n’avons pas rencontré un seul enfant riche de 
douze à quinze ans n'ayant pas l’élasticité plantaire normale, alors que 
quatre cinquièmes des enfants pauvres du même âge, travaillant debout 
dans les manufactures et portant des fardeaux, en étaient plus ou moins 
privés. Nous rappelleronsqu’il en est de même pour le pied plat, qui devient 
de plus en plus rare à mesure qu’on s'élève dans la société. Rognelta, qui 
avait étudié un peu l’anatomie du pied plat, disait que le pied plat avait 


FN Mb. 


DE à ÉLASTICITÉ DE LA VOUTE PLANTAIRE 21H 


une physionomie imbécile. On pourrait dire davantage el affirmer, d'une 
façon fort générale bien entendu, qu’il est souvent l'indice d’une infério- 
rité intellectuelle. Constatons en terminant l'étude de cette question que 
fréquemment le pied plat cache avec soin sa malformation et que dans 
certaines langues l’épithèle « pied plat » est synonyme d’ignorant. Si tout 
ce qui précède ne suffisait pas à démontrer l’importance de l’élasticité 
plantaire, nous pourrions en fournir une preuve indiscutable en mon- 
trant les conditions fâcheuses où nous place sa disparition. 


Fic. 3. — Pas ordinaire. 


Il n’est pas nécessaire pour cela de recourir à des viviseclions, ni même 
d'expérimenter sur des pieds de cadavre, expérience qui ne donnerait 
d’ailleurs que de mauvais résultats, puisque la corde plantaire est surtout 
composée de muscles. Il nous suffira d'étudier la marche du pied plat qui 
est un parfait sujet d’expérimentation, l’élasticité plantaire étant chez 
lui réduite à son minimum, 

On sait combien la marche est pénible chez ceux qui ont cette malfor- 
mation du pied et il est facile d'en comprendre les raisons en examinant 
le tracé de la figure 1. 

Tandis que dans la marche du pied normal, on relève un tracé parfai- 


912 ; ! MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


tement régulier caractérisé par une ligne d’ascension oblique, un plateau 
uniforme presque horizontal, légèrement ascendant à sa période termi- 
nale, c’est-à-dire au moment de Fappui antérieur, puis régulièrement 
descendant, nous voyons au contraire ici (fig. 2) un tracé fort tour- 
menté. À 

La ligne d’ascension est brusque, presque verticalé et présente à son 
extrémité un crochet en sursaut qui indique l'épuisement complet du 
travail de descente. C’est celte seconde période qui n'existe pas à l'état 
normal et se trouve absorbée par l’élasticité plantaire. Nous voyons immé- 
diatement la ligne redescendre puis se relever une seconde fois. Ge sou- 
Jèvement coïncide avec l’appui-antérieur du pied et cel appui se fait à peu 


Fi. 4. — Pas demi-accéléré, 


près comme à l'état normal. Nous remarquons en effet, qu'il n’a pas une 
brusquerie plus grande de la courbe et que celle-ci offre à la descente la 
même obliquité que pour le pied régulièrement conformé. Il y a même 
plus et cette période d'appui est ici incontestablement plus longue qu'à 
l’état normal, Il suffira pour mieux le prouver de remplacer le tambour 
explorateur mis sous le pied par deux tambours distincts correspondant 
l’un à l'appui antérieur, l'autre à l'appui postérieur. 

Voici un des graphiques obtenus dans ces conditions (fig. 3). La ligne 
supérieure est le tracé du pied droit n'ayant qu’un seul tambour recou- 
vrant toute la plante. 

La ligne suivante représente l’appui du talon et de la plante du pied 
gauche, la troisième ligne celui de la pointe (tête des métatarsiens), enfin 
la dernière ligne est celle du temps relevé au métronome. 


DE L'ÉLASTICITÉ DE LA VOUIE PLANTAIRE 913 


Nous retrouvons sur le tracé supérieur la courbe d'ensemble que nous 
connaissons déjà. Nous voyons sur la seconde ligne que le travail de sou- 
lèvement commence immédiatement après la chute complète de la des- 
cente, mais qu'il y a entre eux un véritable fossé interdisant toute com- 
munication. Ce travail n’est encore qu’un roulement du pied d’arrière en 
avant et il ne devient sensible que sur la troisième ligne dont le sursaut 
indique précisément l'appui de la pointe. 

Il est, en outre, facile de constater sur ce tracé, que la période du 
double appui, c’est-à-dire le moment pendant lequel les deux pieds 
appuient ensemble sur le sol est ici de un quinzième, alors que dans la 
marche normale il est de un sixième, dans une révolution complète. Il 


Fic. 5. — Pas accéléré. 


est donc facile maintenant de comprendre pourquoi le pied plat se 
fatigue plus qu'un pied normal. D'abord, il se lient sur un pied pendant 
un temps double, ensuite, il y a séparation complèle entre le travail de 
descente et de soulèvement, ce dernier ne bénéficiant plus du premier. 
Il existe, bien entendu, des degrés divers dans ces phénomènes, et l'échelle 
de l’élasticité plantaire est assez étendue. 

Ces résultats fournis par la méthode graphique sont encore plus mani- 
festes si l'allure du sujet s’exagère. 

Voici par exemple le tracé fourni par le même marcheur à une allure 
double, pas demi-accéléré (fig. 4). Sur le tracé du pied complet, les lignes 
de montée et de descente se rejoignent par des angles presque droits. Nous 


214 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


voyons sur le second tracé correspondant à l'appui du talon un sursaut 
violent, brusque, très court. La troisième ligne nous montre encore plus 
nettement ce que nous disions tout à l'heure de l’appui de la pointe. 
Nous devons dire qu'ici le tambour postérieur était strictement limité au 
talon. 

Le tambour antérieur empiétait un peu sur la plante du pied. 

Enfin à une allure tout à fait accélérée, le tracé devient désordonné, 
comme le montre le graphique ci-dessus (fig. 5). 

Le tracé supérieur représentant l’ensemble des deux appuis est absolu- 
ment à pans coupés. On voit en outre que l'effort de la pointe devient 
énorme. 

Cela se comprend d’autant mieux qu’à l’allure normale le pied plat doit 
déjà dépenser un effort additionnel considérable, de 60 à 80 kilogrammes, 
tandis qu'il est en moyenne de 20 kilogrammes pour le pied normal. 

Alors que le pied normal recoit le poids du corps, comme le biceps des 
jongleurs reçoit les sphères qu'ils projettent, c’est-à-dire, dans un état de 
tension musculaire, le pied plat, étant dépourvu de corde plantaire, le 
reçoit comme un instrument rigide. Il ne fait donc aucune économie de 
forces pendant la marche, le degré de cette économie variant avec le 
degré de l’élasticité du pied. 

Tous les pieds plats en effet, comme nous l’avons dit déjà, n’ont pas le 
même degré de passivité de la voûte plantaire, et c’est pour cela évidem- 
ment et aussi en raison de l'habitude que la marche n'est pas également 
pénible pour tous. | 

Le pied plat congénital est évidemment le plus mal partagé. On a 
beaucoup discuté sur l’origine de cette conformation et l’on a émis des 
hypothèses des plus étranges, comme celle-ci par exemple, que c’est en 
s'appuyant les pieds contre les parois de la matrice que le fœtus s’aplatit 
la voûte plantaire! Nous avons vu que l’élasticité plantaire n'existe 
jamais à Ja naissance, et il faut voir dans son absence de développement 
ultérieur, soit un fait d’atavisme, soit le résultat de quelque maladie dia- 
thésique. C’est habituellement vers dix et douze ans que le pied plat se 
montre, et nous sommes convaincu qu'indépendamment des causes adju- 
vanies, dépendant d’une mauvaise hygiène, etc., la seule cause détermi- 
nante est le travail prématuré et surtout le travail debout prolongé ac- 
compagné du transport de fardeaux. Ce que nous avons dit de l'influence 
de l’âge et du travail sur l’élasticité plantaire nous explique pourquoi on 
a pu trouver en Angleterre 17 cas de pieds plats sur 1,000 enfants de la 
campagne de dix à douze ans, alors qu’en ville la proportion atteignait 
72 p.1000 dans les manufactures, et même dans certains centres le chiffre 
formidable de 439 p. 1000. Il est certain que l'influence du travail debout 
et du poids porté n'avait pas encore dit son dernier mot et que ces mêmes 
enfants de manufactures examinés à vingt ans auraient donné une pro- 
portion de pieds plats cinq ou six fois plus forte. 


M 


DE L'ÉLASTICITÉ DE LA VOUTE PLANTAIRE 215 


Il est hors de doute en effet que certains sujets deviennent très facile- 
ment pieds plats, et l’on comprend dès lors toute l'importance qu'il y 
aurait à bien explorer l’élasticité plantaire des sujets qu'on veut forcer 
à la marche. Aussi les règlements militaires sur cette importante ques- 
tion sont-ils absolument mauvais. 

L’Instruction du Conseil de santé du 27 février 1877 dit en effet : « Le 
pied plat caractérisé par la déviation du pied en dehors avec effacement 
de la voûte plantaire, saillie anormale de l’astragale, au-dessous de la 
malléole interne et projection de l’axe de la jambe en dedans de l'arc du 
pied peut seul exempter du service militaire. Le simple effacement de la 
voûte n’est pas un motif d'incapacité de servir. » 

C’est là une fort grave erreur et cette distinction ne repose sur aucune 
base scientifique. Le pied peut en effet être complètement insuffisant au 
point de vue de la marche sans présenter cette déviation dont parle l'or- 
donnance. Ceci n’est que l'expression du pied plat arrivé à ses dernières 
limites et il y a une foule d’intermédiaires où l'impotence, pour être incom- 
plète, n’en est pas moins très grande. Il est donc inhumain d'envoyer se 
compléter au régiment des pieds plats encore curables et qu’une bonne 
thérapeutique aidée de beaucoup de repos, pourrait le plus souvent gué- 
rir. Les fatigues de la vie militaire, les marches prolongées sous un poids 
de 30 kilogrammes de charge, ne tardent pas à porter un dernier coup aux 
cordes plantaires menacées de relâchement et c’est ainsi que nos régiments 
de cavalerie sont envahis constamment par une foule de pieds plats qui 
leur sont déversés par les régiments de marche où le pied plat s’est rapi- 
dement achevé. 

Ne cherchons donc plus dans la déviation plus ou moins grande du 
pied, le critérium de l’aptitude à la marche, Le seul indice est la mesure 
de l’élasticité du pied et le mieux serait à coup süûr de le relever avant et 
après la marche. Nous croyons pouvoir conclure de nos recherches que 
tout pied ne présentant pas au moins un demi-centimètre d’atlongement 
et n’en présentant plus du tout après trois heures de marche est com- 
plètement inapte aux fatigues de la guerre. 

C'est à cette mesure de l’élasticité plantaire que pourrase diagnostiquer le 
bon marcheur, et c’est pour nous son meilleur réactif. Toutes choses égales 
d’ailleurs, la victoire appartiendra toujours dans un concours de marche 
à celui qui aura l’élasticité plantaire la plus grande et la plus résistante. 

On comprend sans peine maintenant toute l'importance d’une bonne 
chaussure, et nous pourrons en quelques mots résumer les règles physio- 
logiques qui doivent présider à sa conformation. 

À priori, il semble possible de fournir au pied platune chaussure qui 
remplace jusqu’à un certain point, l’absence de réaction plantaire, et nous 
croyons qu'il retirerait le plus grand avantage d’un ressort métallique 
fixé sous la plante du pied, arc-bouté sur le talon d'une part et sur l'appui 
antérieur à son autre extrémité. 


916 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Nous n'avons pas encore fait de recherches en. ce sens, mais nous nous 

sommes occupé de la chaussure normale. La chaussure idéale serait celle 
qui laisserait au pied toute son élasticité et toute la liberté de ses mouve- 
ments. Sous ce rapport, la chaussure ancienne et les caliges du soldat 
romain qui n'étaient, en somme, que notre sandale réalisaient la perfec- 
tion. Mais on demande à la chaussure de protéger le pied et de le garantir 
de l’eau et du froid. Or, si le cuir remplit ces deux conditions, il remplit 
à peine la première. Nous devons ajouter que nos chaussures sont encore 
rendues plus mauvaises par la façon dont les cordonniers relèvent les 
mesures du pied. C'est, en effet, toujours sur le pied élevé et soutenu, 
c'est-à-dire dans un repos complet, que ces mesures sont prises. Nous en 
avons interrogé un grand nombre et avons ainsi.appris qu'on n’augmente 
que d’un centimètre la mesure de la longueur du pied. Cela suffit en 
général, nous a-t-on dit « pour permettre au pied de descendre » ? Fort 
heureusement pour nous, la chaussure s’allonge elle-même par l'usage, et 
ainsi disparaît cette gène intolérable que provoquent des chaussures 
neuves. Si les mensurations élaient bien prises, la chaussure la plus neuve 
ne nous fatiguerait nullement. 

Il ne faudrait pas croire cependant qu’il suffirait d'augmenter les dimen- 
sions de la chaussure et de lui donner pour limites celles de notre élasti- 
cité plantaire. Ceci serait parfait au point de vue de l’allongement et de 

-l'abaissement, mais au point de vue de l'élargissement, ce serait fort 
incommode. Nous savons tous combien une chaussure trop large est 
désagréable. Le pied a en effet besoin d’être soutenu et ne doit pas se 
déplacer. On comprend en effet que s’il se porte en avant dans une chaus- 
sure trop large, il se trouve de nouveau logé dans un espace trop étroit. 
Il n’y a qu'un moyen de réaliser ce problème, c'est de recourir à un tissu 
élastique. La botline ordinaire à bandes latérales élastiques est un ache- 
minement vers cette bottine idéale. Cette élasticité est cependant insuffi- 
sante el ne permel pas un déplacement assez grand au dos du pied. Le 
meilleur serait évidemment de prolonger les bandes élastiques jusqu’à la 
semelle entre les deux portions qu’on appelle le quartier et l’empeigne, 
comme le côté interne ne s’allonge guère, on pourra se dispenser de faire 
descendre la bande élastique aussi bas de ce côté. C'est surtout du côté 
interne que cette modification sera indispensable. Mais ce n’est pas tout, 
il faut encore que la chaussure laisse à l'allongement du pied et à son 
élargissement suivant le diamètre allant du scaphoïde au troisième orteil, 
un jeu suffisant. Il suffit pour cela de relever le contour du pied appuyé 
avec un crayon et de prendre toujours pendant l’appui les mensurations 
circulaires. Avec ces données et par la simple interposition d’une bande 
élastique sur le côté interne entre l’empeigne et le quartier, on aura une 
chaussure parfaite. Nous avons fait construire des chaussures sur ces 
indications et des marcheurs expérimentés qui en ont fait usage en ont 
retiré une économie de forces extraordinaire. 


DE L'ÉLASTICITÉ DE LA VOUTE PLANTAIRE 217 


Nous ne pouvons pas admettre le tracé de la semelle donné par du 
Cazal et répété depuis sans discussion par tous les auteurs. Nous repous- 
sons absolument l’évidement de la semelle au niveau de la voûte plantaire. 


Tracé d’une chaussure normale d’après du Cazal. 


A ce niveau a lieu un élargissement important à la face interne du 
pied et il est facile de comprendre que si la semelle n’est pas suffisam- 
ment large en ce point le bord interne devra remonter sur le cuir de 
l’'empeigne, exécutant ainsi un travail fatigant. 

L’obliquité du tracé à la partie supérieure et externe est également con- 
damnable et nous en connaissons les raisons. Nous avons donné (p. 208) 
le tracé du pied de notre sujet d’études et il pourrait servir de type 
au tracé de la chaussure. Mais n'oublions pas, et il faut insister sur ce 
point, qu’on ne peut absolument pas tracer à l’avance et d’une façon uni- 
forme le modèle d’une chaussure convenable. Ce tracé est en effet variable 
d’un homme à l’autre, du pied droit au pied gauche, et ces variations sont 
encore bien plus grandes que celles relevées sur le crâne par le confor- 
mateur. 

Disons enfin que l’espace sous-plantaire doit être libre et qu'en aucun 
cas la semelle ne doit se relever à ce niveau. On en comprend la raison 
et l’on sait que les pieds gras dont la concavité plantaire est envahie par 
le tissu adipeux sont de très mauvais marcheurs. C'est donc bien à tort 
qu'on a cherché dans le cas de relâchement plantaire, d’élançonner la 
voûte du pied, comme l’a proposé un de nos éminents chirurgiens. 
La voûte plantaire doit être libre et même dans le pied pla, loin de la 
soutenir et de l’étayer, il faudrait la faire reposer sur un corps élastique. 
Chose curieuse, un médecin ancien nommé Hausmann avait devancé 
empiriquement nos déductions physiologiques et s'était fait une assez 
grande réputation par un appareil qu'il avait inventé pour le traitement 
des pieds plats. Cet appareil assez compliqué se réduisait en somme à 
une simple bande plâtrée sous laquelle il dissimulait deux coussins, l’un 
sous la plante du pied, l’autre à son extrémité. 

Les règles que nous venons de tracer au point de vue de la chaussure 
sont encore plus rigoureuses lorsqu'il s’agit d’une marche sous un poids. 
C'est ainsi que la chaussure actuelle du soldat est absolument défectueuse, 
et nous estimons que la mise en pratique d’un modèle de chaussure 
conforme à nos indications réaliserait en tout cas une très sérieuse 
économie de forces. 


218 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Indépendamment d'une bonne chaussure, le marcheur devra encore 
tenir compte de toutes les autres considérations précédemment déve- 
loppées : les bains de pieds, les massages, les frictions avec des corps 
gras, le choix d’un terrain uni, l'allongement modéré du pas, etc., 
seront pour lui tout le code de son hygiène et tout le secret de son succès 
dans un concours. 

Nous voyons en résumé tout l'intérêt qui s'attache à la question que 
nous avons souleyée, intérêt au point de vue de la science, intérêt au 
point de vue du développement physique et du sport, intérêt au point 
de vue industriel, intérêt entin et surtout au point de vue de notre 
défense. | 

N'oublions pas en effet que, suivant l'expression du maréchal Niel : 
« Les souliers sont les chevaux de l'infanterie. » 

La légèreté du pied a été de tout temps considérée comme la première 
vertu des guerriers, et Homère ne manque pas d'ajouter au nom d'Achille 
l’épithète de « pied léger ». Comme disait encore le maréchal de Saxe : 
« Les victoires se gagnent en effet plus souvent avec les pieds qu'avec les 
mains. » 


PESANTEUR APPARENTE 


VERTICALE APPARENTE 


ET MAL DE MER 


PAR 


M. le D' BÉDART 


(Mémoire présenté à la Société de biologie dans la séance du 28 mai 1892.) 


Ayant souvent payé tribut au mal de mer, mais sans aller jusqu’à la 
prostration et à l’abattement qui rendent toute observation difficile et 
impossible, j'avoue en analysant les symptômes de cette affection n’avoir 
jamais été bien satisfait par les nombreuses théories auxquelles a donné 
lieu le désir d'expliquer la pathogénie du vertige marin. Prises séparé- 
ment, ces explications sont insuffisantes ; groupées, elles présentent un 
ensemble de causes dont les effets se combinent mieux. 

J'étais déjà médecin de la marine militaire depuis huit ans, lorsque je 
fus amené à passer les examens de constructeur maritime et à étudier 
d'assez près les effets du mouvement du navire sur le matériel et le per- 
sonnel embarqués. Mon attention fut alors vivement frappée par un cha- 
pitre de la Théorie du navire dans lequel l’auteur, le commandant Guyou, 
étudie les variations de la pesanteur sur le navire en mouvement. J’estime 
que celte question de la variation de la pesanteur et la variation connexe 
de la direction de la verticale, n’ont pas été assez mises en relief comme 
causes productrices du vertige marin; d’où le titre de notre étude : « La 
pesanteur vraie et la pesanteur apparente comme causes efficientes du 
mal de mer. » 

Dans nos explications, nous aurons le moins possible recours au calcul ; 
nous substituerons à cette forme abstraite, la forme tangible des faits 
expérimentaux qüi parle mieux à l’esprit de la majorité des physiolo- 
gistes. Cet essai se partage tout naturellement en deux chapitres : 
. 1° Définition de la pesanteur vraie et de la pesanteur apparente; 2 Com- 
ment les variations de la pesanteur peuvent-elles être des facteurs du 
vertige marin ? 


220 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTE DE BIOLOGIE 


Qu'est-ce que la pesanteur apparente ? 


Les traités de mécanique disent : lorsqu'un point matériel est entraîné 
dans l’espace par des liens ou des appuis, la résultante des réactions 
qu’il exerce sur les liens ou les appuis, à un instant quelconque de son 
déplacement, est une force dirigée suivant la résultante de l’accéléra- 
tion de la pesanteur et celle d’une accélération égale, mais de sens con- 
traire à celle dont ce point est animé à cet instant; l'intensité de cette 
force est égale au produit de cette résultante sur la masse du point. 

Plus simplement et en d’autres termes: le fil à plomb, dont le point de 
suspension est entrainé dans l’espace, au lieu de se ranger suivant la 
verticale, prend une direction intermédiaire entre la direction suivant 
laquelle le point de suspension est déplacé et la direction de la pesanteur, 
cette direction intermédiaire (résultante des deux autres) est dite la ver- 
ticale apparente. 

D'autre part, la force de traction exercée par le fil à plomb sur son 
point d'appui, sera la résultante de l'intensité de la pesanteur et de l’inten- 
sité de la force dont est animé le point de suspension; cette résultante est 
dite pesanteur apparente ou poids apparent, expressions que nous pouvons 
regarder ici comme synonymes ; elle est dirigée suivant la verticale appa- 
rente. 

Donnons de ces faits des preuves expérimentales; nous choisirons 
deux mouvements simples : le mouvement du pendule et le mouvement 
d’un corps autour d’un axe horizontal. Pourquoi ce choix ? C’est que nous 
verrons, les mouvements du navire pouvant être assimilés à un corps dont 
les différents points seraient animés : 1° d’un mouvement pendulaire, et 
9 d'un mouvement autour d'un axe horizontal; les deux mouvements 
étant en quelque sorte superposés l’un à l’autre. 


MOUVEMENT PENDULAIRE. 


À. — Démonstration expérimentale de la verticale apparente. — Quand 
on fait osciller un pendule, la lentille se meut sur un cercle dontle centre 
est le point de suspension, elle se meut sous l'influence de la seule pesan- 
teur, combinée avec la résistance du fil, et la verticale apparente est 
constamment normale au cercle, c’est-à-dire qu'elle est constamment 
dirigée suivant le fil de suspension, lequel reste continuellement tendu. 

C’est bien là la verticale apparente; car si l’on suspend une cuvelte 
pleine d’eau par un fil suffisamment long par rapport aux dimensions de 
la cuvetle, voici ce que l’on pourra observer : l’eau reste au repos dans 


PESANTEUR APPARENTE, VERTICALE APPARENTE, ET MAL DE MER 221. 


les mêmes marques (fig. 1); lorsque l’on fait osciller le système librement, 
et cela quelle que soit l'amplitude des oscillations; par suite, comme au 
repos, le fil de suspension, normal à la surface de l’eau, reste encore 
normal pendant le mouvement et représente la verticale apparente, la 
pesanteur apparente est dirigée suivant cette verticale apparente à tout 
moment de l’oscillation. 

Enfin si l’on interpose sur le fil de suspension un dynamomètre, cet 
instrument marquera toutes les variations de la pesanteur, c’est-à-dire 
les différentes valeurs de la pesanteur apparente au lieu de donner Vindi- 
cation fixe de l’état de repos. 

B. — Passons maintenant aux objets placés sur ou appendus à la lentille 
du pendule, où à la cuvette (qui dans notre expérience remplace la len- 
tille). 1° Si on attache un pendule très court, au fond de la cuvette 
(fig. 1, p), on voit le fil de ce pendule rester rigoureusement parallèle au 


Fiqure 1 


til de suspension, c’est-à-dire à la verticale apparente pendant tout le mou- 
vement; 2° Si l’on fait flotter dans l’eau de la cuvette un petit plateau 
de liège / portant un court pendule, on verra ce pendule rester pendant 
l’oscillation de la cuvette avec son fil de suspension perpendiculaire à son 
plateau, c’est-à-dire à la surface du liquide de la cuvette suivant la verti- 
cale apparente. 

Dans ce dernier cas donc le petit pendule n’oscille pas pour son propre 
compte, il reste immobile par rapport à la surface de l’eau de la cuvette, 
avec lequel sa direction est toujours perpendiculaire, marquant ainsi la 
verticale apparente du système en mouvement au moment de l’observa- 
tion. 

C. — Passons à une application de ce que nous venons d'observer : à 
bord des bâtiments, on emploie des baromètres dits marins, caractérisés 


2992 MÉMOIRES DE LA SOCIËTÉ DE BIOLOGIE 


par la communication de la colonne mercurielle avecla cuvette au moyen 
d’un tube effilé en pointe ne laissant passer le mercure que lentement, 
toutefois dans les grandes oscillations de tangage, les variations de poids 
apparent du mercure sont tellement grandes que l'écoulement du liquide 
est plus rapide, malgré le tube effilé, par suite les oscillations de la 
colonne deviennent assez sensibles pour rendre l'observation baromé- 
trique impossible. Ces baromètres sont suspendus, mais si on emploie un 
baromètre ordinaire à mercure, sans tube effilé, ces oscillations du 
niveau du mercure seront sensibles par des mouvements d'amplitude 
bien plus faibles. Ces oscillations ne sont pas dues à l’inertie du mercure, 
des mouvements dus à cette cause ne s’observent que lorsqu'il y a choc 
brusque du navire par une vague se brisant sur lui et qui l’ébranle tout 
entier; mais dans les osciliations périodiques d’un navire qui roule, c’est 
la valeur du poids apparent sans cesse variable en lutte avec la pression 
atmosphérique toujours constante qui détermine les mouvements de la 
colonne mercurielle. En effet, le baromètre étant suspendu, il se range à 
tout instant suivant la verticale apparente, et la pression de la colonne 
de mercure est égale, non plus au poids du mercure au repos, mais au 
poids apparent, c’est-à-dire à la masse de mercure multipliée par l’ac- 
célération apparente de la pesanteur. 

Quand cette accélération apparente sera plus faible que l’accélération 
vraie de la pesanteur, la masse de mercure pour faire équilibre à la 
pression atmosphérique constante devra être plus grande que celle indi- 
quant cette première au repos, et inversement. Par suite la hauteur du 
mercure sera trop grande quand l’accélération sera descendante, trop 
faible quand l'accélération sera ascendante. 

Nous voici donc en possession de notions assez nettes sur les variations 
de la pesanteur et de la direction de la verticale (pesanteur apparente, 
verticale apparente) dans les corps soumis au mouvement pendulaire, 
nous y sommes arrivé sans démonstration mathématique; passons main- 
tenant à des considérations analogues pour un corps tournant autour 
d’un axe horizontal, puisque, je le rappelle, le mouvement du navire en 
eau agitée est assimilable à un mouvement de cette espèce superposé à 
un mouvement pendulaire. 


MOUVEMENT CIRCULAIRE. 


D. — Le point A (fig. 2, p. 224) d’un cercle tournant d’un mouvement 
uniforme, autour de O; son accélération est continuellement dirigée 
suivant le rayon O À, mais, dans ce mouvement, il est soumis : 

1° A l'accélération de la pesanteur suivant À 9; 

2° A l'accélération centrifuge suivant O W. 

Sous l'influence de ces deux forces, l'accélération apparente sera dirigée 
suivant À y intermédiaire à et résultante de la pesanteur g et de la force 
centrifuge W,; À y sera la verticale apparente. 


2136 


PESANTEUR APPARENTE, VERTICALE APPARENTE, ET MAL DE MER 223 


E. — Si l'on attache un petit pendule p ou un verre contenant du 
liquide en un point A du véhicule, la lentille viendra se ranger suivant 
la direction À y et le liquide aura sa surface normale à cette direction A y 
de la verticale aparente. Le liquide présentera sa surface libre normale- 
ment à cette direction; si le verre est suspendu, le liquide y demeurerait 


relativement immobile parce que le verre se placerait lui-même à chaque 
instant dans la position d'équilibre correspondant à la verticale appa- 
rente. La réalisation de cette expérience est plus délicate, elle pourrait 
être faite au moyen d'un appareil à séparation des globules du sang par 
la force centrifuge usité en physiologie; il faudrait, l'appareil une fois 
lancé et tout en entretenant la force de rotation, pencher le tout de 
manière à amener graduellement l’axe de rotation horizontal, alors les 
éprouvettes contenant le liquide au moment de leur passage au-dessus 
de l’axe se présenteraient l'ouverture en bas, et le liquide n’en serait pas 
moins en équilibre dans les mêmes marques qu'au repos; il faudrait 
pour cela ne commencer le mouvement d’inclinaison de l’axe vers la 
position horizontale que RCE. le mouvement de rotation a acquis une 
grande vitesse (1). 


(4) Dans la figure 2, soit g, l'accélération vraie de la pesanteur; r, le rayon 
du cercle ; w, la vitesse angulaire de rotation, l'accélération centrifuge a pour 
valeur w?r; mais les triangles ZO A et À Wy étant semblables, on a : 


sn 
0204 Ar 2e 


17e 


D94 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


a 


Nous voyons donc dans le mouvement circulaire des modifications en 
intensilé et en direction de la pesanteur, comme dans le mouvement pen- 
dulaire. 

F. — Le mouvement du navire flottant sur la mer agitée est très 
complexe et il est peu susceptible d’être exprimé par des équations com- 
prenant toutes les conditions qui l’accompagnent. Mais entre calculer 
exactement l’inclinaison et l'intensité des accélérations et donner une 
idée juste de leur importance sur les objets embarqués, il y a place pour 
une conception moyenne suffisante, c'est celle adoptée dans les traités 
d'architecture navale déjà exprimée : le mouvement de l’un quelconque 
des points du navire et par suite des objets qui y sont embarqués, peut 
être regardé comme le résultat de la superposition d'un mouvement cir- 
culaire et d’un mouvement pendulaire. Par suite, le matériel et le per- 
sonnel embarqué sont soumis aux varialions de pesanteur en direction et 
en intensité qui sont propres à ces mouvements. Il nous reste mainte- 


Il suit que pour une vitesse de rotation connue w, le rapport 2. est constant 
- (02) 


pendant tout le mouvement et que la position du point Z où la verticale appa- 
rente coupe la verticale menée par l'axe de rotation est indépendante de la 
position de A sur le cercle, est constante par une vitesse donnée. Z est donc 
une sorte de zénith apparent vers lequel convergent toutes les verticales appa- 
rentes dans toutes les positions de A (Poncelet. Méc. appl., 2° vol., p. 177). 
L’angle « de la verticale apparente subira des oscillations de chaque côté de la 
verticale vraie; la valeur maximum de l'angle e sera obtenue avec une posi- 
tion de À en A2, par exemple, telle que A2Z soit tangent à la trajectoire circu- 
laire parcourue par le point A; pour une révolution en 3 secondes, on à 
26 degrés d'écart, avec une roue d'un mètre de rayon ; ce qui est très sensible: 
Avec T en secondes cette valeur de e vient de la relation 


kr r? 


sin E — 1 à 


pour T — 2 secondes, on a sine— 1, ce qui implique que le point Z se trouve 
placé sur la trajectoire de A, ee il y aurait changement brusque de 
180 degrés de la verticale apparente en ce point, discontinuité dans le mouve- 
ment et troubles passagers ; pour des valeurs de T plus petites que 2 secondes 
et toujours pour une zone de { mètre de rayon, c’est-à-dire en faisant croître 
la vitesse, Z passe en dedans de la trajectoire et alors la verticale apparente 
serait dirigée de bas en haut au moment du passage de A, au-dessus du 
centre O, et les éprouvettes auraient l'ouverture dirigée en bas dans la 
machine à force centrifuge; plus Z est rapprochée de O, moins brusque est le 
changement de direction de la verticale apparente, condition à réaliser le plus 
possible pour vérifier le fait expérimental; donc il faut lancer l'appareil à 
toute vitesse et l'y maintenir pendant que l’on incline l'axe vers l'horizon et 
qu'on le ramène à la position droite. (Pour les détails, voir Guyou. Théorie du 
navire, Berger-Levrault, 1889.) 


PESANTEUR APPARENTE, VERTICALE APPARENTE, ET MAL DE MER 229 


nant à montrer comment ces variations peuvent être des facteurs du ver- 
tige marin, et comment, perçues par nos sens, elles produisent sur notre 
organisme des impressions dont le résultat cause le mal de mer. 


IT 


1 


Le vertige marin 
peut-il être produit par les variations de la pesanteur? 


Ainsi posée la question est précisée, car de tout temps on a attribué 
aux mouvements du navire la genèse du mal de mer, on a même discuté 
sur l’importance plus ou moins grande du tangage (oscillation dans le 
plan longitudinal) ou sur la prédominance d'action du roulis (oscillation 
dans le plan transversal). Mais l'analyse n’a guère été poussée plus loi. 
Toutefois Delaunay dans son Cours élémentaire de mécanique (Paris, 1862) 
invoque « les pressions exercées par les organes les uns sur les autres, 
pression développée par une force centrifuge à laquelle donnent lieu les 
mouvements du navire, s’exerçant sur chaque molécule du corps et les 
forçant à se mouvoir suivant une ligne sineuse. » M. Guiot, professeur de 
mathématiques au lycée de Dieppe, reprit l’idée de Delaunay, tout en la 
critiquant et la combina dans un petit mémoire très intéressant avec l’idée 
du médecin militaire Aronhson (Union médicale, 1861) pour lequel tout 
relève d’une question d'équilibre, et de la mévorise continnelle des mouve- 
ments qu'il faut faire pour le maintenir à bord du navire. 

Dans sa Z'héorie du navire (1887), le commandant Guyou écrit : « C'est 
aux variations du poids apparent qu'est dû le mal de mer; sous leur in- 
fluence, les organes internes exercent sur les ligaments et les membranes 
qui les souliennent des tiraillements incessants, qui, trop faibles pour être 
précisément douloureux, occasionnent cependant un malaise général. » 

Notre étude va essayer de combiner avec des arguments physiologiques 
les idées séparées d’Aronhson, de Delaunay et du commandant Guyou. 

On peut poser, avec Bénard, du Havre, comme proposition générale, 
que le vertige marin (chez les personnes qui, au moment de s’embarquer, 
n'ont aucune appréhension du mal de mer) résultera des différentes 
impressions que percevront d’une facon persistante et inaccoutumée les 
divers organes des sens à l’occasion des mouvements du navire ; et cela 
en dehors de tout sentiment de frayeur ou de crainte qui, chez les per 
sonnes pusillanimes, constitue une cause adjuvante d'ordre psychique. 

L’ordre naturel serait donc de rechercher comment les variations de la 
pesanteur peuvent amener des impressions des différents sens capables 
de produire le vertige. Nous négligerons le goût et l’odorat : étant donné 
le peu que nous connaissons sur le fonctionnement de ces sens, nous ne 
voyons guère si et comment ils pourraient être affectés. Pour l'ouïe, nous 


2926 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIR 


devrions en tenir compte, ou plutôt faire rentrer en ligne l'organe qui lui 
est annexé: les canaux semi-circulaires et l’utricule ; mais, là encore, 
il y a bien des théories diverses. Sûürement, les mouvements du 
navire ont une action sur les extrémités du nerf utriculaire; ils agissent 
comme les mouvements de rotation de l'appareil de Mach sur les per- 
sonnes placées dans le fauteuil mobile. Le fait que James a trouvé 
moins sensibles au vertige produit par des mouvements de rotation, les 
sourds-muets, chez lesquels cet appareil est plus ou moins atrophié, tandis 
que sur deux cents personnes normales une à peine résiste au vertige 
rotaloire, — ce fait, dis-je, nous conduit à regarder l’action des mouve- 
ments du navire comme probable sur la production du vertige marin 
par l'intermédiaire des canaux semi-circulaires. Mais les documents man- 
quent : il n’a jamais élé signalé que les sourds-muets fussent rebelles au 
mal de mer, un tel fait aurait une importance considérable, et éclairerait 
singulièrement la physiologie des canaux semi-cireulaires. Avouons donc, 
dans l’espèce, notre ignorance et concluons par analogie, d'après les 
phénomènes produits par les appareils rotatoires sur les sourds-muets 
et les sujets normaux, que les mouvements du navire doivent impres- 
sionner les terminaisons nerveuses des canaux semi-circulaires ; et cela 
d’une facon qui ne peut êlre qu'une cause adjuvantle de vertige; essayer 
de préciser, c’est se lancer dans l'hypothèse. 

Restent le sens de la vue et le toucher. Nous pourrions, au premier 
abord, les étudier ensemble par rapport à la pesanteur et à la verticale 
apparente, deux phénomènes connexes inséparables perçus l’un par le 
toucher, l’autre par la vue : néanmoins nous les examinerons séparément. 
Voici pourquoi: on peut séparer expérimentalement la vision du toucher; 
une personne embarquée a beau fermer les yeux à bord d’un navire en 
mouvement, elle n’en sera pas moins soumise aux variations de la pesan- 
teur, elle aura le mal de mer. Les aveugles-nés ont le mal de mer; on 
n2 peut invoquer ici le vertige visuel ou la représentation psychique par 
12 souvenir, comme à la rigueur on pourrait l’objecter dans le cas de la 
personne qui ferme simplement les yeux. 


PESANTEUR APPARENTE ET TOUCHER. 


Prenons d'abord le sens du toucher : il est sûrement impressionné par 


les variations de la pesanteur apparente puisque c’est par lui que nous 
apprécions la pesanteur vraie dont l'apparence n'est qu'une modification 


en plus ou en moins; cette sensation est excessivement nette dans les. 


grands mouvements de tangage où à certaines périodes du mouvement 
l’action de mouvement perpendiculaire et celle du mouvement de 
rotalion s'ajoutent pour modifier la pesanteur vraie : on sent le pont 
tantôt presser fortement les pieds, tantôt se dérober au point qu'il semble 
que l'objet le plus fragile résisterait à la pression du corps. 


- PESANTEUR APPARENTE, VERTICALE APPARENTE, ET MAL DE MER 221 


On sent le terrain fuir sous les pieds en quelque sorte, sensation due à 
la diminution de la pesanteur vraie, et cette sensation, à elle seule, périodi- 
quement provoquée, finit par produire le vertige. Comment? Qu'il y ait du 
verlige d'origine tactile, le fait ne peut être mis en doute; nous le verrons 
tout à l’heure en combinant la direction de la pesanteur apparente avec 
sa variation d'intensité; mais, seule, cette sensation du terrain qui se 
dérobe sous les pieds peut-elle être cause de vertige? Nous croyons que 
oui, et voici, avec Aronhson que nous avons déjà cité, l’idée que l’on peut 
se faire du mécanisme. Quand ons’asseoit dans un de ces fauteuils anciens 
garnis de coussins moelleux qui cèdent comme l’édredon, on a une sen- 
sation bizarre causée par la surprise, sensation très courte et qui cesse 
dès que la compression du tissu a arrêté le mouvement de descente. C'est 
une sensation de même genre, mais beaucoup plus intense, que nous 
éprouvons dans le faux pas. Lorsque nous arrivons à l'extrémité d’un 
trottoir sans nous en être aperçu, au cours d’une conversation animée par 
exemple, notre pas, notre marche, accordée pour le terrain plat, rencontre 
tout à coup un terrain accidenté par le fait de la différence de niveau; 
nous faisons un faux pas, « le pied manque, dit-on vulgairement, ce n'est 
pas le pied, c’est le sol qui manque », fait remarquer Aronhson que nous 
citons presque textuellement. 

De même, dans le cas d’un escalier que nous montons sans lumière : 
arrivés sur le palier, si nous ignorons que nous sommes arrivés en terrain 
plat, notre marche ascensionnelle, harmonisée pour le terrain accidenté, 
ne modifie pas son allure, une des jambes se soulève pour aller se poser 
sur la marche imaginaire de l’escalier, le corps se lance en avant pour 
déplacer le centre de gravité et le placer sur la nouvelle base imaginaire 
de sustentation offerte par le pied soulevé; mais à ce moment, le pied est 
trop haut au-dessus du sol, de toute la hauteur de la marche imaginée, 
il y a chute, le sol manque. 

Dans ces deux cas, le faux pas amène un ébranlement nerveux consi- 
dérable, assez grand pour provoquer un certain degré de sueur froide, 
une sensation d’anxiété précordiale, suivie aussitôt de réaction. Tout se 
passe en un clin d'œil; le corps tout entier se raidit, comme pour se res- 
saisir, les forces se concentrent pour rétablir l'équilibre rompu; mais tout 
l’organisme a subi une secousse (système nerveux, avec son écho sur le 
rythme cardiaque), la détente arrive quand nous sommes complètement 
rassurés. 

Les mêmes phénomènes se déroulent quand nous mettons le pied sur 
un tas de boue dont la croûte, séchée par le soleil, semble nous offrir un 
point d'appui suffisant; soit encore sur certaines plages de l'Océan où le 
sable dur se différencie à peine comme couleur de la vase et dans laquelle 
le pied s'enfonce tout à coup. On pourrait multiplier les exemples, où le 
sol manquant sous les pieds, la sensation vertigineuse se produit. Eh bien, 
dans les variations de la pesanteur sur le navire en mouvement, la même 


2928 000 __ MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


sensation se produit, non que le pont se dérobe, à proprement dire, sous 
nos pieds; mais parce que la sensation de contact va tout à coup en dimi- 
nuant, par suite de la diminution du poids vrai, et cetle sensation est 
d'autant plus marquée que l'instant d’après la sensation de contact est 
augmentée au delà de la normale, par suite des variations apparentes de 
la pesanteur. L'effet produit sur le sens du toucher est le même. 
_Ges mouvements et ces variations de la force du contact se répètent 
périodiquement à intervalles assez courts; la secousse nerveuse qui en 
résulte peut être minime, mais la variation de contact peut se répéter 
avant que l'organisme n'ait eu le temps de se remettre de la première 
secousse; de là, une sommation, une addition de petits effets qui vont en 
s’accumulant et amènent, en fin de compte, le vertige. Inutile de retracer 
ici le caractère graduellement envahissant du mal de mer et d’y insister. 
À ceux qui trouveraient cette analogie entre le faux pas et la variation de 
la pesanteur insuffisante. pour arriver au vertige, je répondrai que ceci 
n’est qu’une partie de la question, car, à bord du navire, il y a une autre 
_cause de vertige par le sens du toucher, qui est toujours présente quand la 
pesanteur varie : c'est la direction de cette pesanteur apparente; l’une ne 
va pas sans l’autre, elles coexistent toujours. 
Cette nouvelle cause de perturbation du sens du toucher joue un rôle 
. considérable dans le vertige nautique. Dans les conditions ordinaires, c’est 
_sur la direction constante de la pesanteur que sont basées toutes nos 
combinaisons de mouvement pour nous tenir en équilibre ou pour pro- 
gresser ; nos sensations musculaires, nos sensations tactiles sont, par l'édu- 
_ cation, combinées, harmonisées par rapport à la pesanteur dont nous con- 
sidérons la direction comme constante. Si cette direction varie (comme à 
bord), toutes nos notions acquises sont entachées d’erreur; il faut pouvoir 
les accorder avec la nouvelle direction de la pesanteur, avec la verticale 
apparente. Sans cela, nous nous méprenons continuellement sur le résultat 
_des mouvements que nous croyons utiles pour maintenir notre équilibre; 
à une combinaison connue, ne répond plus le même résultat d'équilibre; 
de là, une perturbation considérable capable de produire le vertige. Le 
_vertige d'origine tactile pure n’est pas une simple vue de l'esprit. Le cé- 
lèbre Darwin (1), répondant à une objection contre sa théorie du mal de 
mer basée sur le vertige visuel, objection fondée sur l’existence du mal 
de mer chez les aveugles, disait : « Lorsqu'un aveugle tourne ou qu'une 
personne non aveugle fait le même mouvement dans l'obscurité, il survient 
des vertiges qui dépendent du sens du toucher. L’aveugle se tient en 
équilibre au moyen de ce sens du toucher qui, étant un moyen moins 
parfait de déterminer les petites quantités de. déviation de la ligne 
perpendiculaire, est la cause qu’il se tient droit avec plus de soin que 


(1) Cité dans Thèse de Bénard, Paris, 1879; de précieux renseignements 
bibliographiques sur la question y sont contenus. 


eV 2e Con ES RE 


PESANTEUR APPARENTE, VERTICALE APPARENTE, ET MAL DE MER 229 


ceux qui se maintiennent par le sens de la vue. Lorsqu'il tourne, les asso- 
ciations irritatives des mouvements musculaires dont il faisait usage pour 
se tenir debout sont dérangées..…. Car alors ses pieds touchent le sol 
d’une manière et dans une direction différente de celles auxquelles il était 
habitué, et par conséquent il juge moins parfaitement de la situation des 
parties du sol relativement à celle de son corps et il perd ainsi sa perpen- 
dicularité. » À fortiori, dans le mouvement du navire, les variations de di- 
rection de la verticale apparente, combinées avecles variations d'intensité 

_de la pesanteur, sont-elles de nature à amener de profondes perturbations 
chez l’aveugle quine juge que par le sens du toucher, et à produire chez 
lui le vertige marin à l'exclusion de toute perception visuelle; un véri- 
table vertige d'origine tactile (sauf la réserve faite plus haut pour les 
canaux semi-circulaires) et dont la cause résidera dans la variation d'in- 
tensité et de direction de la pesanteur. 


PESANTEUR APPARENTE ET SENS DE LA VUE. 


Si maintenant nous faisons intervenir le sens de la vue, nous allons y 
trouver des causes adjuvantes de la production du mal de mer. Il est à 
peine besoin de rappeler que la vue seule peut provoquer le vertige; 
certaines personnes impressionnables sont prises de vertige à la vue d'une 
roue en mouvement, en regardant les remous produits par le courant 
d’une rivière sur l’avant-pile d’un pont, ou la nappe d’une chute d’eau ; 
le fait est si connu que nombre d'observateurs en ont fait une des causes 
principales du mal de mer; cette condition n’est pas nécessaire puisque 
les aveugles ont le mal de mer. Pour nous, nous ne considérons les sen- 
sations visuelles que dans ce qu’elles ont des rapports avec la verticale 
apparente, c’est-à-dire dans les fausses appréciations de la verticale par 
la vue combinées avec les indications erronées fournies par le sens du 
toucher. 
À chaque instant, la vue est un des facteurs de notre équilibre, elle 
nous renseigne constamment sur l’équilibre des objets qui nous entourent 
et nous fournit des points de comparaison pour maintenir le nôtre en 
les associant aux renseignements fournis par le toucher. L'enfant n'arrive 
à marcher que par l’éducation du sens du toucher, concurremment avec 
celle du sens visuel ; dans cette double éducation, tout est basé sur des 
comparaisons entre la position vue des objets qui nous entourent et nos 
sensations tactiles. Nous apprenons à juger de la valeur de nos mouve- 
_ments pour le maintien de notre équilibre par ces combinaisons du sens 
du toucher et des perceptions visuel'es sur les objets au repos et en 
mouvement. Lorsque cette éducation s’est complétée, le mécanisme par 
lequel nous avons acquis et perfectionné ces notions nous échappe ; il 
nous semble que nous maintenons notre équilibre par intuition, tandis 
que c'est une notion acquise. 


230 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTE DE BIOLOGIE 


C’est tellement une notion acquise et basée sur des milliers de sensa- 
tions tactiles et visuelles perçues simultanément (mais toujours dans un 
nombre relativement restreint de circonstances se répétant souvent dans 
la vie courante), que, si des circonstances nouvelles interviennent, nous 
manquons de renseignements, nous ne savons plus garder notre équi- 
libre, nous sommes obligés de parfaire notre éducation ; ces circonstances 
nouvelles surgissent pour le valseur, le patineur novices ; il leur faut 
un complément d'éducation, toujours par comparaison des sensations 
visuelles et tactiles pour arriver à garder leur équilibre. Tout mouve- 
ment extraordinaire du corps ou du terrain nous impressionnant pour la 
première fois, nous trouve ignorants des moyens de maintenir notre équi- 
libre, le vertige s'ensuit. « Lorsqu'un Européen, dit Darwin, monte pour 
la première fois un éléphant de 16 pieds de hauteur et aux mouvements 
duquel il n’est pas habitué, les objets lui paraissent ondulants à mesure 
qu'il les passe et souvent il gagne des nausées et du vertige. » La même 
observation a été faite pour le vertige produit par l'allure du chameau. 
Mais bientôt, avec sa merveilleuse aptitude de perfectionnement, notre 
organisme analyse ses nouvelles sensations, les classe, fait une nouvelle 
éducation plus parfaite, et le vertige disparaît. 

Est-il besoin de rappeler que l'éducation des sens permet aussi de 
résister au mal de mer. 

Dans les mouvements du navire, on trouve tous les éléments nécessaires 
pour amener de nouvelles sensations visuelles et tactiles. Il y a même 
plus : les variations de direction de la verticale apparente nous trompent 
à chaque instant, habitués que nous sommes à toujours reporter l'action 
de la pesanteur à la verticale vraie. Nous voulons maintenir notre équi- 
libre par rapport à cette verticale vraie, alors que nous ne devrions avoir 
de souci que de la verticale apparente, suivant laquelle agit la pesanteur 
apparente. 

On peut facilement se rendre compte de l'erreur commise, par l’expé- 
rience suivante très simple. 

On prend un bloc de plomb en forme de lentille de 10 à 12 kilo- 
grammes ; on le fixe au milieu d’une mince baguette de sapin sans nœud 
de 3 mètres sur 3 millimètres d'épaisseur et 15 millimètres de largeur 
(moulure ou vergette de tirage des facteurs d'orgues). 

On place le point de suspension de ce pendule (dont le bloc de plomb 
représente la lentilte et la baguette le fil de suspension) à 0,50 d'une 
des extrémités ; si aux différents points de la tige du pendule ainsi consti- 
tué on suspend des pendules très courts et assez légers pour ne pas in- 
fluencer le pendule conducteur, on verra ces pendules se comporter 
comme l'indique la figure. 

En deux points B et D tels que AB — AD, l’inclinaison des pendules 
courts sur la tige sera la même aux instants où le pendule conducteur 
atteindra son maximum d'inclinaison ; de même pour le point G, tel que 


PESANTEUR APPARENTE, VERTICALE APPARENTE, ET MAL DE MER 231 


OA — AC, où l'inclinaison de la verticale apparente sur la verticale 
vraie sera le double de la tige conductrice. 

Si enfin aux points À, B, C, D, on fixe successivement une caisse légère 
(boîte en carton) imitant une cabine oscillante et contenant un pendule, 
un petit verre rempli à moitié d’un liquide coloré, et enfin un plateau 
suspendu portant aussi un pelit verre contenant le même liquide, on 
verra ces objets se comporter comme l'indique la figure 3 ci-dessous. 


Œ, q Lire 3 


Quelles seront les conclusions de l'observateur placé dans la cabine ? 
Habitué à tout rapporter à la verticale vraie perpendiculaire pendant le 
repos au plancher horizontal de la cabine, il conclura dans la position 
À que cette cabine reste droite (!) pendant le mouvement, puisque son 
éducation visuelle antérieure ne lui permet d'apprécier l’inclinaison 
d'un plan que par l'angle que fait ce plan avec le fil à plomb ou le 
niveau d’eau, et que cet angle avec le plancher de la cabine n’a pas varié. 
Il n'aura donc pas de vertige visuel, il sentira seulement les variations 


232 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


du poids apparent. Dans la position B, il apprécierait son inclinaison dans 
le sens exact, mais il la croirait plus forte qu’elle n’est en réalité. 

Mais au-dessous du point A, dans les positions C et D, il se croirait, 
d’après la direction des pendules et le niveau du liquide par rapport au 
plancher de la cabine, incliné à contre de la réalité. D'où ses efforts pour 
se maintenir en équilibre iraient à l'encontre du but cherché, tout cela à 
cause de circonstances nouvelles dans lesquelles l’action de la pesanteur 
et sa direction sont placées. Combinez ces impressions visuelles avec les 
impressions nouvelles du sens tactile, vous obtiendrez facilement des 
causes suffisantes de vertige, dans ce que le D' Aronhson appelle heu- 
reusement « une méprise cruelle et continue des mouvements qu'il faut 
faire pour maintenir son équilibre et progresser ». 

Ce désaccord entre les sensations visuelles et les données du sens tac- 
tile d'après l'éducation est, dans les cas ci-dessus, une cause de vertige. 
Tel est le désaccord du même genre produit chez les pigeons en leur 
mettant des lunettes à verres prismatiques qui leur changent la direction 
vraie des objets ; cette expérience rapportée par de Cyon, dans sa Thèse 
sur le fonctionnement des canaux semi-circulaires, amène toujours le 
vertige chez les pigeons ; cela se comprend facilement, et l’on sait aussi 
que, chez l’homme, la paralysie des muscles de l’œil d’unfcôté amène une 
diplopie qui rend la marche incertaine. 

Nous voici arrivé au terme de cetle essai, qui, nous le rappelons, n’est 
pas une théorie générale du mal de mer, mais seulement l’étude d’un 
point particulier : Comment les variations de la pesanteur et de sa direc- 
tion dans les mouvements du navire (c'est-à-dire la pesanteur apparente 
et le phénomène connexe, la verticale apparente) peuvent, à elles seules, 
être des causes du vertige marin. 

On pourra nous dire que notre étude est basée plutôt sur des fails 
expérimentaux d'observation courante que sur des expériences spéciale- 
ment conduites pour élucider le fait; soit, mais les faits d'observation 
générale ont bien leur valeur. L’expérimentation ne serait point impos- 
sible à réaliser comme conditions mécaniques des mouvements. Ce qui 
serait plus délicat, ce serait le choix du sujet soumis à l'expérience. J’ai 
dit au début, et je le répète : l'appareil des canaux semi-cireulaires est 
sûrement impressionné par les mouvements du navire; il faudrait done : 
faire l'expérience sur un sourd-muet rebelle aux vertiges produits par les 
appareils rotatoires; chez un tel sujet, il y a ordinairement atrophie du 
nerf utriculaire et des rameaux ampullaires; on n'aurait done plus à 
compter qu'avec les causes de vertige, d'origine tactile et visuelle. Chez 
ce sujet spécial, les yeux bandés permettraient d’écarter le vertige d’ori- 
gine visuelle, et encore, il y aurait les représentations cérébrales excitées 
dans le centre visuel à l’occasion des sensations tactiles perçues et asso- 
ciées par l'éducation antérieure; l'idéal serait le sourd-muet aveugle-né, 
ce sujet ne serait plus sensible qu'aux modifications de la pesanteur et à 


PESANTEUR APPARENTE, VERTICALE APPARENTE, ET MAL DE MER 233 


son retentissement sur le sens du toucher; mais alors comment entrer en 
communication avec ce malheureux, séparé du monde extérieur ? 

Les conditions d'une expérimentation rigoureuse sont, on le voit, diffi- 
ciles à réunir; chez les animaux, même difficulté ; avec les anesthésiques, 
les lésions expérimentales du système nerveux on se placera dans des 
conditions un peu artificielles, nous semble-t-il. On pourrait, d’ailleurs, 
rechercher l’action de la pesanteur apparente sur la circulation, la respi- 
ration, comme l'ont déjà tenté M. Dastre et Pankoupis dans les mouve- 
ments de bascule. 


Bornons-nous donc, pour le moment, aux conclusions suivantes: 


4° Les variations de la pesanteur et de sa direction qui se produisent sur 
le navire en mouvement: pesanteur et verticale apparente, sont capables, 
par leur action sur le sens du toucher, de provoquer le vertige marin à l'exclu- 
sion du vertige d’origine visuelle, puisque les aveugles ont le mal de mer. 

2 Lesvariations de la verticale apparente, mal interprétées par le sens 
visuel, habitué à tout rapporter à la verticale vraie, deviennent une cause 
puissante du vertige marin en fournissant des notions en désaccord avec les 
autres sensations associées par l'éducation antérieure, le sens du toucher en 
particulier. 

3° Les conclusions précédentes soumises à cette réserve que nous ne savons 
pas comment la pesanteur apparente et sa direction variable agissent sur 
l'appareil des canaux semi-circulaires, il y aurait intérêt à vérifier l’immu- 
nité vis-à-vis du mal de mer des sourds-muets rebelles au vertige produit 
par les appareils rotatoires. 

4° Un complément d'éducation de nos sens nous permet d'acquérir l’im- 
munité contre le vertige marin, comme l’éducation du patineur, du valseur, 
du derviche tourneur fait disparaître le vertige spécial à ces mouvements. 


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SUR UN APPAREIL DESTINÉ 
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LES IMAGES MOTRICES GRAPHIQUES 


CHEZ LES 


SUJETS ATTEINTS DE CÉCITÉ VERBALE 


APPLICATION A LA DÉMONSTRATION D'UN CENTRE MOTEUR GRAPHIQUE 
FONCTIONNELLEMENT DISTINCT, 


PAR 


J.-B. CHARCOT 


INTERNE DES HOPITAUX. 


(Mémoire présenté à la Société de biologie, dans la séance du 11 juin 1892.) 


J’ai l'honneur de présenter à la Société de Biologie un appareil que 
j'ai imaginé et construit l’année dernière à la Salpétrière, dans le but 
d'étudier certain phénomène presque constant chez les malades atteints de 
cécité verbale. 

Voici, en deux mots, ce dont il s’agit : un malade est atteint de cécité 
verbale pure, ou liée à d’autres formes d’aphasie plus ou moins pronon- 
cées; mais c'est la cécité verbale qui est le symptôme prédominant; elle 
s’est présentée ainsi d'emblée, où les autres formes d'aphasie, se sont 
effacées la mettant au premier plan. Ce malade mis par la cécité verbale 
dans l'impossibilité de comprendre à la lecture les mots imprimés ou 
écrits, a recours quelquefois à un procédé ingénieux grâce auquel il 
arrive à saisir en partie ou en totalité le sens des mots placés devant lui. 
Il déchiffre alors les mots qu'il à lire, reproduisant avec la main les 
mouvements nécessaires pour écrire ces mots. Ce fait est indiscutable 
comme le prouvent plusieurs observalions, notamment deux bien classi- 
ques appartenant l’une à mon père, l’autre à Westphal (1). Mais ies 
malades n'ont pas toujours spontanément l’idée de se servir de ce pro- 


(1) Bernard. De l’aphasie et de ses diverses formes, Th. de doctorat, Paris, 


1885. 
Ballet. Le langage intérieur et les diverses formes de l’aphasie, Th. d'agré- 


gation, 1886. 
Westphal. Zeitschr. f. ethnologie, 1874. 


Biozocie. Mémoires. — 9° SÉRIE, T. LV. 18 


236 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 

RSR EE ET pu Ne in ue ee OR Se A RÉ 
cédé, et c’est ainsi, qu’un malade atteint de cécité verbale depuis deux 
ans, et n’ayant pu lire une seule lettre de l'alphabet pendant tout ce 
temps, put du premier coup, à son grand étonnement, lorsque je lui indi- 
quais ce moyen, lire les unes après les autres toutes les lettres de l’al- 
phabet et même quelques syllabes. 

C'est pour démontrer ce phénomène, l’étudier sur le malade et aussi 
expérimentalement chez l’hystérique, où il est si facile par la suggestion 
d'annuler momentanément les fonctions d’un centre et de reproduire 
ainsi presque exactement les symplômes dus à la lésion organique que 
j'ai imaginé cet appareil. Il servira également avec profit à l'étude des 
représentations motrices graphiques chez lindividu normal. Depuis 
longtemps déjà, pour éudier ou démontrer ce phénomène, on faisait 
copier les mots au malade soit au-dessous du modèle, soit en repassant 
sur les traits tracés ; ou bien encore, on imprimait à la main tout entière 
les mouvements nécessaires pour écrire une lettre ou une syllabe. Mais 
ces deux procédés pèchent par bien des côtés pour l'étude que nous 
voulons faire. Considérons le premier cas, d’une part, la vue intervient, le 
malade voyant le mot à copier et voyant également celui qu’il écrit; ceci 
change les données du problème;. d'autre part, son attention est en 
partie fixée par la nécessité de copier, et il s’applique souvent plus à la 
reproduction exacte qu’à la compréhension du mot. Dans le second cas, 
s’il est possible de reproduire à peu près les mouvements nécessaires 
pour écrire au tableau noir, l’on ne reproduit nullement les mouvements 
si fins, si légers, limités presque exclusivement aux doigts, dont on se sert 
dans l'écriture courante. Je crois, avec cet appareil, avoir obvié à ces 
inconvénients. S'il n’est point parfait, au moins a-t-il peut-être le mérite 
d’être simple et d'un maniement facile. On pourrait d’ailleurs aisément 
le perfectionner, mais cela ne paraît pas très utile. - 

Il se compose d’une tige de bois, longue de 50 centimètres environ 
grosse comme un crayon ordinaire, laillée à l’extrémité inférieure, et 
percée dans son bout supérieur sur une longueur de 30 centimètres de 
trous à 5 centimètres d'intervalle les uns des autres. Suivant la longueur 
de la tige dont on veut se servir (longueur dont dépendra l'amplitude des 
mouvements imprimés à la main du sujet, on fait passer dans un de ces 
trous un axe en métal situé au centre d'une suspension à la Cardan per- 
mettant ainsi des inclinaisons variées et en tous sens. La suspension est 
fixée elle-même sur deux montants verticaux de 18: centimètres. Ces 
montants sont plantés sur une petite table de 20 centimètres de hauteur, 
ils sont écartés l’un de l’autre d'environ 15 centimètres, parallèle à la 
ligne passant par le pied des deux montants et environ à 15 centimètres 
en avant d'eux une fente de 5 centimètres de largeur est coupée dans la 
table: c’est par cette fente que passera l’extrémité inférieure de la tige 
crayon. La pointe de cette dernière reposera sur un pupitre de bois d’une 
obliquité variable à volonté. La partie de la table en avant de la fente 


Ê 


25 EE 


APPAREIL DESTINÉ A ÉVOQUER LES IMAGES MOTRICES GRAPHIQUES 237 


empêche le sujet de voir les mouvements de la main de l’observateur. 
+ Voici maintenant comment on. se servira de cet appareil. Le malade est 
assis commodément, l’avant-bras droit reposant sur la petite table à expé- 
rience, la main passée entre les deux montants, tenant dans la position 
adoptée pour l'écriture habituelle la tige crayon, absolument comme si son. 
extrémité se terminaitau niveau dela petite table et qu’il faille écrire sur 
cette table. L’observateur, assis sur une chaise moins élevée que le malade, 
pâsse son bras sous la petite table et promène la pointe de la tige crayon 
sur un modèle d'écriture fixé au pupitre. Les lettres de ce modèle peuvent, 


et même doivent être très grandes pour faciliter l'exactitude des mouve- 
ments de l'observateur; conformément à une loi géométrique, suivant que 
l’on fera terminer l'extrémité de la tige crayon à une hauteur plus où 
moins grande les mouvements perçus dans la main du malade seront 
plus ou moins étendus, quelquefois extrêmement fins, mais toujours 
reproduisant d’une façon sensiblement exacte ceux imprimés à l'extrémité 
inférieure de la tige. 

J'ai pu faire avec cet appareil diverses expériences, d’abord à la Salpé- 
trière, guidé par les conseils de mon père, puis à Saint-Antoine avec mon 
cher maître M. Brissaud. 

Mes recherches ont porté sur trois espèces de sujet : 

1° Sur trois malades présentant des lésions organiques; un agraphique 
et deux malades atteints de cécité verbale ; 

2° Sur des hystériques suggestionnées ; 

3° Sur des individus normaux. 


238 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


* 


Sur les malades à lésion organique, je n'ai fait que constater avec une 
plus grande précision, ce qui a déjà été vu et écrit un peu partout et en 
particulier par mon père à la Salpétrière. L'agraphique se rendait bien 
comple que l’on imprimait à sa main des mouvements, mais ces mouve- 
ments ne lui disaient rien, il ne distinguait aucune lettre. 

Quant aux deux malades atteints de cécité verbale, l’un surtout M. P..., 
chef d'institulion, frappé depuis deux ans et ne présentant comme autre 
trouble que de la paraphasie, est particulièrement démonstratif: et si je 
ne publie aujourd’hui in extenso son intéressante observation, c’est que 
j'espère pouvoir bientôt le faire en même temps que le résultat définitif . 
de l'éducation à laquelle je l’ai soumis. Le cas de l’autre malade, beau- 
coup plus complexe dans ses symptômes (1) est cependant tout aussi 
concluant. L’un comme l’autre n'avait point encore eu l’idée de se servir 
des mouvements de l'écriture pour déchiffrer les lettres, et cependant, du 
premier coup, le résultat a été très net pour M. P... surtout. Celui-ci, 
malgré son infirmité, a conservé toute son intelligence, et le premier jour 
de la première expérience, il a manifesté un grand étonnement et une 
grande joie à pouvoir, par la copie, énoncer, en somme très facilement, les 
lettres de l'alphabet, chose qu'il n'avait pu faire depuis deux ans. C'est 
pour lui que j’imaginais l'appareil en question et, au premier essai, il 
reconnut facilement les lettres prises au hasard, ne se trompant que rare- 
ment et sur des lettres particulières F,P,Q,R,S, pour des raisons que nous 
aurons à déterminer. Avec sa propre écriture que j'agrandis pour pouvoir 
faire fonctionner l'appareil, mais qui par lui n’était perçue que dans des 
dimensions normales, même plutôt inférieures à la normale, jamais il ne 
fit une erreur, énonçant les lettres immédiatement et sans réflexion. Je 
conseillai alors à son fils de lui faire faire de nombreux exercices dans 
ce sens, de façon à perfectionner encore son centre graphique et à lui 
faciliter la création d’un nouveau centre visuel. J'ai suivi depuis le ma- 
lade régulièrement, lui faisant faire moi-même des exercices, et: j'ai 
eu le plaisir de constater une amélioration progressive; ce ne sont plus 
des lettres ou des petits mots qu'il arrive à déchiffrer, mais des phrases 
entières. 

Sur les hystériques, la démonstration faite devant mon père et d’après 
ses indications à élé non moins concluante. Les expériences ont élé pra- 
tiquées avec le concours de mes excellents amis Guinon, Souques, et 
Hallion. 

Deux jeunes filles, M D... et F..., présentant au complet les nom- 
breux stigmates de l’hystérie furent placées dans l'état de somnambu- 
lisme, bien constaté par la présence du signe somatique propre à celte 
troisième période du grand hypnotisme. Après s'être assuré qu'elles 


(4) Voir pour l'observation : Charcot, Clinique des maladies du système ner- 
veux, 1892, t. I, page 370. 


APPAREIL DESTINÉ A ÉVOQUER LES IMAGES MOTRICES GRAPHIQUES 239 


savaient parfaitement parler, lire et écrire, on leur suggéra que tout en 
pouvant continuer à parler et à écrire, il leur était devenu absolument 
impossible de lire les caractères imprimés et l'écriture courante. La 
suggestion réussit, et nous avions alors à notre disposition, des sujets 
atteints de cécité verbale absolument pure. 

Hâtons-nous de dire que c’est la première fois que pareille expérience 
avait été faite sur ces malades. Chez les deux, le résultat fut identique, 
l’une et l’autre écrivit admirablement une phrase sous la dictée, l’une 
comme l’autre fut dans l'impossibilité de la relire quelques secondes 
après. Mais, alors, soit que nous leur fassions repasser sur les mots 
tracés, soit que nous nous servions de mon appareil, avec rapidité et 
sûreté, elles énonçaient les mots. N'est-ce point ici ce que nous avons 
observé sur les malades présentant des lésions organiques? et les ana- 
logies sont nombreuses; pour n’en citer qu'une, un journal présenté à 
l'envers était immédiatement remis droit, ce qui est habituel, comme on 
le sait, chez les malades atteints de cécité verbale. 

Pour étudier les images motrices graphiques chez les gens normaux, 
mes recherches ont porté sur trois catégories de sujets : des camarades 
pris dans le monde des étudiants, c’est-à-dire instruits; des individus fai- 
sant partie du personnel des hôpitaux, c’est-à-dire d’une instruction 
moyenne et enfin une dizaine de petites filles de douze à seize ans fai- 
sant partie de l’école des enfants idiotes de la Salpêtrière. Ce sont ces 
dernières, qu'on me permette de le dire, qui m'ontété le plus utiles ; 
lisant et écrivant presque toutes admirablement bien, elles présentaient 
sur les autres sujets d'étude l'avantage considérable de ne pas chercher à 
raisonner ou à interpréter ce que je leur faisais faire, chose impossible à 
obtenir des personnes intelligentes qui nuisent à l'expérience en s’y inté- 
ressant trop. M'° Nicolle, alors directrice de cette école, m'a été de la 
plus grande utilité par la connaissance approfondie qu'elle avait de ses 
élèves, et par son empressement aimable. Dans les recherches avec ces 
sujets normaux, je me suis servi de mon appareil absolument comme pour 
les autres. Je crois pouvoir établir trois classes : 1° les personnes qui 
distinguent parfaitement; 2° celles qui distinguent bien; 3° celles qui ne 
distinguent pas du tout. Dans toutes les expériences je me suis servi de 
différentes espèces d'écriture. L'écriture imprimée, l'écriture modèle de 
calligraphie anglaise ou française, l'écriture courante de diverses person- 
nes, l'écriture courante de la personne en expérience. IL est très facile 
d'obtenir l'agrandissement récessaire de ces écritures soit en les copiant, 
ce qui est aisé avec un peu d'habitude, soit par le pantographe ou avec 
plus de difficulté dans l'exécution mais plus de rigueur dans le résultat, 
par la photographie. J'ai observé alors que : les lettres d'écriture sont 
plus facilement distinguées que les lettres d'imprimerie; les lettres minus- 
cules mieux que les majuscules; assez facilement en genéral les lettres 
modèles surtout pour les enfants; assez difficilement l'écriture d'une 


240 3714 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTE DE BIOLOGIE : : ! 


autre personne, admirablement la sienne propre. Certaines lettres, celles 
qui d’ailleurs sont le plus souvent modifiées suivant les individus, F, P, 


Q,R, S, sont très souvent impossibles à deviner sur une autre écriture 


que la sienne. De ce fait seul je conclus que cette expérience démontre 
une fois de plus l'existence d’un centre moteur graphique; que ce centre 
moteur graphique peut agir seul et sans qu'il soit nécessaire de faire 
entrer en cause le centre visuel. Je dis : peut agi seul, et non pas, agit 
Loujours seul, ce qui serait absurde, car il est certain qu'en général les 
différents centres du langage, intimement unis, viennent en aïde l’un à 
l’autre, l’un prédominant sur l’autre, suivant que l'individu est visuel 
plutôt qu'auditif, etc... En effet, les lettres F, S, R, P, reproduites sur 
des écrilures étrangères ne sont souvent point distinguées par la per- 
sonne à qui le mouvement nécessaire pour les écrire est transmis, alors 
que ces lettres de son écriture à elle sont parfaitement reconnues. Or, 
ces mêmes lettres, quelle que soit la forme bizarre et peu usitée, pré- 
sentées à la vue de cette même personne seront reconnues sans hésita- 
tion. Si le mouvement imprimé à l& main évoquait, à mesure qu'il se 
produit, une image visuelle correspondante, ne devrait-on pas pouvoir 


reconnaître immédiatement cette image comme à la lecture par la vue? 


Autre preuve à l’appui de ce que j'avance. Chez certains sujets, et en 


particulier chez trois petites filles de l'école de la Salpêirière, ces mêmes 


lettres, presque impossibles à reconnaître par le mouvement, mais repro- 
duites grâce à la mémoire du sens musculaire sur le papier étaient recon- 
nues sans faute à la vue dès que les traits étaient tracés. 


Il y a des visuels, des audilifs, il y a également des moteurs graphiques, 
probablement jamais aussi exclusifs que certains visuels el auditifs, mais 


certainement il y a des personnes qui se servent pour aider leur mémoire 


de leur centre moteur graphique. Personnellement, je rentre un peu 
dans cette calégorie, et je me souviens qu'il y a quelques années, alors 
que je soupçonnais à peine l’existence de la cécité verbale, etc., il m'ar- 
rivait, pour me rappeler un nom, une date, — tout comme un visuel cherche 
à se représenter la page d’un livre, la ligne de la page où cette date, ce 
nom, ont été vus, — de prendre une feuille de papier, et inconsciemment, 
pour ainsi dire, d'écrire ce nom, m'en souvenant alors aussitôl. Je dois 
ajouter que mon centre graphique était fortement éduqué ayant toujours 
travaillé la plume à la main. Le malade dont j'ai déjà parlé, M. P..., est 


encore une preuve de ceci. En effet, outre sa cécité verbale, symptôme. 


prédominant, il présente de la paraphasie prononcée surtout pour les 
noms propres; Jamais il ne pouvait, à ma demande, dire spontanément 
mon nom. Un jour, sur mon conseil, il cherche à l'écrire, le fait facile- 
ment, et l'avait à peine écrit qu'il s’écria « Charcot ». Ce nom, écrit par 
lui-même, il n’a pu le relire quelques secondes après. Depuis, pour re- 
trouver plusieurs mots il se sert spontanément de cette petite supercherie. 


PART SAUT 
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APPAREIL DESTINÉ A ÉVOQUER LES IMAGES MOTRICES GRAPHIQUES 241 


Ce dernier fait n'est-il pas, à lui seul, plus caractéristique encore que les 
expériences que je viens de décrire (4)? 


(1) Cet appareil à en outre servi à M. Pierre Janet, professeur agrégé de 
philosophie dans l'étude récente et si intéressante qu'il fit à la Salpêtrière 
sur l’anesthésie hystérique. Il est arrivé ainsi à démontrer que malgré l’anes- 
thésie musculaire absolue au moins en apparence, les sensations musculaires 
se produisent et qu'elles laissent même des souvenirs capables de réappa- 
raître. Pierre Janet, L’anesthésie hystérique, conférence faite à la Salpé- 
trière, le vendredi 11 mars 1872 (Arch. de Neurol.). 


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NOTICES 


SUR 


LES PARASITES DE L'HOMME 


PREMIÈRE SÉRIE 


PAR 


M. le Dr Raphaël BLANCHARD. 


(Mémoire présenté à la Société de Biologie, dans la séance du 16 juillet 1892.) 


Je me propose de publier ici, sous ce titre, mes observations relatives 
aux parasites de l'Homme, réservant à d’autres recueils et particulière- 
ment au PÆulletin et aux Mémoires de la Société zoologique de France, 
mes observations de parasitologie comparée. 


De l'existence et de la prédominance anciennes du 7ænia saginata 
dans l'Europe occidentale. 


On dit et répète couramment que le Ténia inerme (7ænia saginata 
Güze, 1782) était pour ainsi dire inconnu en France, sinon en Europe, 
avant la seconde moitié de ce siècle; qu’il s’est alors substitué progressi- 
vement au Ténia armé (7'ænia solium Rudolphi, 1810), au point de rem- 
placer presque entièrement celui-ci, qui deviendrait de jour en jour plus 
rare. L'apparition du Ténia inerme dans notre pays, puis sa fréquence 
de plus en plus grande, seraient directement en rapport avec l’introduc- 
tion chaque jour plus importante de Bœufs pénétrant en France par nos 
frontières du Sud et de l'Est. 

J'ai déjà démontré d’une façon succincte (1) l'existence et la prédomi- 
nance anciennes du Ténia inerme en Europe. Néanmoins, il me faut 
réitérer cette démonstration, puisque l’opinion erronée ci-dessus repro- 
duite compte encore des partisans, qui la produisent au grand jour de la 


(4) R. Blanchard. Trailé de zoologie médicale, t. I, p. 315-318, 1886. 
BioLocte. Mémoires. — 9e Sérir, 7. LV. 19 


24 X. MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


tribune académique et qui, d’ailleurs, ne semblent pas avoir connaissance 
de mon ouvrage. 

En effet, dans une récente discussion académique, M. Béranger-Féraud 
s'exprimait en ces termes (1) : 

« Au commencement de l’avant-dernier siècle, un praticien distingué 
de notre pays, Lazare Rivière, disait que lorsqu'on a vu quatre cas de 
Ténia dans le cours fe sa vie, on peul se considérer comme favorisé par 
les hasards de l'observation. L'opinion de Rivière se serait singulièrement 
modifiée s’il avait vécu jusqu’à nos jours, car c’est par douzaines que 
beaucoup de médecins contemporains ont l'occasion de voir le parasite. 
Depuis une cinquantaine d'années surtout, sa fréquence a tellement aug- 
menté dans certains milieux qu'il a été nécessaire de s’en prévccuper. 

« En même temps que le Ténia est devenu plus fréquent, sa variété 
zoologique a changé. Dans les siècles précédents, c'était presque nnique- 
ment le Ténia armé, provenant du Porc, qu'on rencontrait en France, 
tandis qu'aujourd'hui c'est presque exclusivement le Ténia inerme pro- 
venant du Bœuf. Quant au Bothriocéphale, qui était à peu près étranger 
à nos contrées, du temps de Lazare Rivière, il n'a pas augmenté de fré- 
quence d’une manière sensible jusqu’à présent. » 

Ces prémisses une fois posées, M. Bérenger-Féraud présente en leur 
faveur une série d'arguments de valeur très inégale. En se basant sur la 
stalistique des cas de Ténia dans les hôpitaux maritimes, depuis l'année 
1860, il démontre que le nombre de ces cas s’est considérablement accru 
depuis l’époque susdite. Il cherche à donner une démonstration semblable 
pour les hôpitaux de l’armée de terre, mais, ainsi qu'il le reconnaît lui- 
même, les statistiques manquent, et force lui est de baser son apprécia- 
tion uniquement sur les souvenirs des médecins militaires. 

Je n’insiste pas sur ce point, au sujet duquel les éléments de contrôle 
me font défaut. J'admets volontiers que M. Bérenger-Férauu a démontré 
la plus grande fréquence des cas de Ténia depuis un certain nombre 
d'années; j’admets aussi que cetle angmentalion s’est faite au profil du 
Ténia inerme, et j'en vois la raison, d’une part, dans l'usage généralisé de 
la viande de Bœuf saignante; d'autre part, dans la surveillance aelive à 
laquelle la viande de Porc est soumise, au moins dans les villes. J'admets 
encore que, parmi ces nombreux cas de Ténia, une quantité notable ont 
été contractés hors de France, et cetle explication peut être considérée en 
général comme valable pour les cas observés chez les soldats des armées 
de mer. 

Mais que dire des cas sans nombre observés chez les soldats de l’armée 
de terre et dans la population civile? M. Bérenger-Féraud les explique en 
admettant qu'ils sont, eux aussi, des cas d'importation, en ce sens qu'ils 


(1) Bérenger-Féraud. Sur l'augmentation de fréquence du Ténia en France 
depuis un demi-siècle. Bull. de l'Acud. de méd., 3° série, t. XXVIT, p. 112, 1892, 


-NOTICES SUR LES PARASITES DE L'HOMME 245 


sont dus à la consommation de la viande de Veaux ou de Bœufs étrangers, 
introduits en France par la zone méditerranéenne ou par les frontières du 
Nord-Est. L'introduction de ces bêtes étrangères se fait par chemin de 
fer ; aussi, M. Bérenger-Féraud semble-t-il admettre (c’est du moins ce qui 
ressort de son travail, bien qu’il n’ait pas indiqué ce point spécial) qu’il 
existe un rapport direct entre l'établissement des voies ferrées et la plus 
grande fréquence du Ténia inerme. 

M. Colin, d’Alfort, a déjà combattu cette manière de voir et cherché à 
réfuter les ascertions de M. Bérenger-Féraud (1). Il conteste notamment 
que le Z’ænia solium aït disparu à peu près complètement, devant l’envahis- 
sement progressif du Zæntia saginata. En effet, dit-il, avant Küchenmeister, 
on considérait sans distinction tous les Ténias comme des Vers solitaires, 
c'est-à-dire comme appartenant à l'espèce Zænia solium; personne ne 
soupçonnait l'existence d’une autre espèce. « On ne saurait done, il me 
semble, être autorisé, d’après ces cbservations du passé, à dire que le 
Ténia armé est devenu de plus en plus rare, au point d’être actuellement 
remplacé par son congénère inerme. » 

J'accepte sans restriction cette opinion, et je puis dès maintenant pré- 
senter à son appui un argument qui va directement à l’encontre des idées 
émises par M. Bérenger-Féraud. Il est bien exact, comme le dit M. Colin, 
qu'avant Küchenmeïster on attribuait au seul 7ænia solium non pas la 
totalité, mais la plupart des.cas de Ténia observés dans l'espèce humaine. 
Le travail dans lequel Küchenmeister établit la distinction entre les deux 
grands Ténias de l'Homme date de l’année 1853. Or, cette distinction, 
indiquée dans un ouvrage très peu répandu (2), n’a été longtemps con- 
nue que d'un petit nombre de spécialistes. À cette époque, l'helmin- 
thologie n'était point enseignée dans nos écoles. On arrive ainsi jusqu’à 
l’année 1859, date à laquelle Gervais et Van Beneden ont publié leur 
Zoologie médicale, premier ouvrage français où les deux espèces jus- 
qu’alors confondues sont nettement distinguées l’une de l’autre. En cette 
même année, Davaine faisait paraître la première édition de son 7Zraité 
des entozoaires ; l’année suivante, en 1860, Moquin-Tandon publiait ses 
Eléments de zoologie médicale. 

C’est donc à partir de 1859 et 1860, qu’on a appris en France à distin- 
guer le Ténia inerme : on comprend dès lors que ce dernier fasse en 1860 
sa première. apparition dans les statistiques des hôpitaux maritimes, 
militaires ou civils ; ainsi s'explique également, dans une certaine mesure, 
l’apparente augmentation progressive du Ténia inerme, au fur et à 
mesure que, dans les hôpitaux, on arrive à le mieux connaitre et à le 


(1) G. Colin. Sur la fréquence relative des diverses espèces de Ténia. Bull. de 
l'Acad. de méd., p. 176, 1892. 
. (2) Küchenmeïster. Ueber die Cestoden im Allgemeinen und die des Menschen 
insbesondere. Zittau, 1853. » 


246 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


distinguer plus sûrement du Ténia armé. Il n’est donc pas nécessaire de 
supposer une importation incessante de Bœufs ou de Veaux ladres, pour 
expliquer des faits très simples et dont nous venons, croyons-nous, de 
mettre en lumière la cause principale. 

Pour démontrer la justesse des réflexions ci-dessus, il nous reste main- 
tenant à prouver l'existence et la prédominance anciennes du Ténia 
inerme en Europe. Nous le ferons tout d’abord à l’aide de documents 
bibliographiques, puis en exposant le résultat de nos recherches dans 
divers musées, enfin en indiquant les proportions relatives des deux 
grands Ténias de l'Homme, telles qu’elles sont actuellement à Paris. 


1° DOCUMENTS BIBLIOGRAPHIQUES. 


Nous nous efforcerons de faire un choix de documents bien démons- 
tratifs. Les descriptions élant d'ordinaire très imparfaites, même chez 
les auteurs du siècle actuel, nous renverrons de préférence à des dessins, 
qui représentent souvent avec exactitude des détails dont les auteurs ont 
méconnu l'importance. 

Fr. Sancues (1636). — Cet auteur (1) cite une femme de Toulouse qui 
avait évacué un Ténia long de 16 pieds. Il en figure un court fragment : 
les anneaux sont longs de 18 à 23 millimètres et larges de 11 millimètres ; 
les pores génitaux alternent régulièrement et sont portés par des mame- 
lons proéminents, très rapprochés de l'extrémité postérieure de l’an- 
neau. Malgré l'absence de tout renseignement sur la têle et sur les arbo- 
risations utérines, il nous semble évident qu'il s’agit là du Ténia inerme. 

Edw.Tyson(1683).— Tyson (2) donne la description d’un Ver, « ou plutôt 
d'une partie d'un Ver » long de 24 pieds ou 8 yards, évacué à Londres 
par un jeune Homme ; il Le figure en entier (pl. 1}. L'animal est effective- 
ment très long, replié en anses. Les pores sexuels sont nettement indi- 
qués, mais on ne peut établir avec précision l’ordre de leur alternance, 
parce que les anneaux se recouvrent; néanmoins, on en compte six d’un 
même côlé, en un certain endroit ; ailleurs, on en compte de deux à 
quatre à la suite l’un de l’autre. Les derniers anneaux sont longs de 
27 millimètres et larges de 8 millimètres. Ge sont encore là, sans contre- 
dit, les caractères du 7'ænia saginata. On pourrait en douter pourtant, en 
voyant que Tyson a figuré (pl. IT, fig. 41 et 12) deux têtes armées de cro- 
chets; mais celles-ci se rapportent à un Ténia du Chien. 


(1) Fr. Sanches. Opera omnia. Tolosæ Tectosagum, 1636. Voir p. 130, lib. II, 
Cap. xIV, De lumbricis. 

(2) Edw. Tyson. Lumbricus latus, or À Discourse read before the Royal Society 
of the joynte l Worm.…. Philosophical Transactions, t. XII (XIII), n° 146, p. 113, 
1683. 


NOTICES SUR LES PARASITES DE L'IOMME 241 


A. DE Hein (1686). — Cet auteur (1) parle d'une jeune fille de vingt 
ans, qui rendit trois fragments de Ténia sans tête. « Latitudo hujus Lum- 
brici æquabat digitum minimum, coagmentabatur ex articulis, quorum 
singuli longitudine transverso digilo æquales, geniculis cohærent. Sub- 
stantia Lumbrici erat membranacea et tenax ; eam perrepit tubulus. In 
multos ramos laterales, tolum Lumbrici corpus obsidentes dividitur. » Les 
dimensions générales des anneaux, mais surtout l’existence de nom- 
breuses ramifications utérines, démontrent qu'il s’agit là du Ténia inerme. 

N.Anpry (1700-1741). — Les ouvrages de Nicolas Andry, réédités à 
plusieurs reprises (2), ont une importance capitale dans la question qui 
nous occupe : les observations sont faites soigneusement et accompagnées 
de très belles gravures. 

Dans le livre des Vers solitaires, les différentes planches peuvent rece- 
voir l’explication suivante : 

PI. VI. — Fig. À : Pothriocephulus lalus, évacué à Paris. — Fig. B : 


Tænia saginata, évacué à Paris. — Fig. Get D : Bothriocephalus latus, 
évacués à Paris. 
PI. VIL. — Fig. 19 : Z'ænia saginata, évacué à Paris, par M. de la 


Solaye,.-— Fig. 20 : ce Ver, qu'Andry désigne sous le nom de Ténia de la 
première espèce, est peut-être un Z'ænia solium, les anneaux étant étroits, 
grêles et aussi longs que larges. 

PI. VIIT. — Z'ænia saginata, évacué à Paris, par M. de la Solaye. 

PI. IX. — Ver long de 3 aunes, évacué par un malade, rue Dauphine; 
probablement T’ænia säginata, à cause de la dimension des anneaux. 

PI. X (non numérotée) et XI. — Bothriocephalus latus, évacués à Paris. 

PI. XII. — T'ænia saginata, évacué à Paris, par M. de la Solaye. 

PI. XIIT. — Figure du bas : Bothriocephalus latus. 

PI. XV. — Tænia saginata pelotonné sur lui-même et rendu par une 
dame de vingt-cinq ans. 

PI. XVI. — J'ænia saginatla Sorti noué. Anneaux longs de 24 millimètres, 
larges de 14 millimètres, à pores sexuels irrégulièrement alternes; on 
n'en compte pas plus de trois à la suite l’un de l’autre, d’un seul et même 
côté. 

PI. XIX. — Tænia saginaia. 

Feuilletons maintenant la troisième édition du livre De la génération 
des Vers dans le corps de l'Homme. On y lit, entre autres, l'intéressante 


(1) A. de Heide. Lumbrici lati frustum excretum el exœamini anatomico subjec- 
tum. Amstelodami, 1686. 

(2) N. Andry. De la génération des Vers dans le corps de l'Homune. Paris, 
in-12, 1700, pas de figures de Ténias; Amsterdam, 1701, sans figures; Paris, 
1708; Paris, 2° édition, 1714; Amsterdam, 1714; Paris, 3° édition en deux 
volumes in-12, 1741, avec nombreuses figures. —- Du même, Vers solitaires et 
autres de diverses espèces. Paris, in-4°, 1718, avec nombreuses planches. 


248 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


observation suivante (1), dans laquelle nous reproduisons en italiques les 
passages caractéristiques : 

« Le quatriéme de Juin de l’année 1698. je fus appellé dans la rue 
S. Denis, pour voir un jeune Homme attaqué depuis ce jour-là d’une forte 
fievre. » Andry diagnostique des accidents vermineux et provoque l’ex- 
pulsion d'un Ténia. « Ce Ver est plat comme un ruban, et long de quatre 
aunes trois pouces, sans y comprendre l'extrémité qui s’est séparée, et qui 
s’est perdue Îl a une tête et est sorti vivant. Il est mince et étroit vers la 
tête; épais d'un écu, et large de demi-pouce vers le milieu de sa longueur. 
Il a la tête noire, plate, un peu arrondie, où sont quatre ouvertures, deux 
d’un côté, et deux autres au côté opposé ; le corps tout blanc, distingué par 
plusieurs emboettures, et les côtés garnis de mammelons, dans chacun 
desquels paroît une petite ouverture, avec un petit vaisseau bleuâtre, qui 
traverse jusqu’à la moitié de la largeur du corps. 

« Ces mammelons sont inégalement rangés : il y en a tantôt deux d’un 
côté, et un de l’autre; tantôt trois d’un côté, sans qu'il y en ait aucun de 
l’autre, ets. » 

La description ci-dessus permet déjà de reconnaître le Ténia inerme: 
l’examen de la planche qui l’accompagne lève les derniers doutes. Le Ver 
qu’elle représente a les anneaux longs de 18 millimètres et larges de 
12 millimètres ; les pores génitaux sont irrégulièrement alternes et dis- 
posés suivant cette formule : 


A la page 33 se trouve reproduite la figure de Ténia inerme que nous 
avons déjà rencontrée dans le livre des Vers solitaires (pl. XV); la tête, 
dégagée du peloton, est tout à fait caractéristique. 

Pages 197 et suivantes. — Andry donne la description du Z'ænia sagi- 
nata, qu'il appelle Ténia sans épine ou de la première espèce. A la 
page 198 est intercalée une planche hors texte, avec deux figures repré- 
sentant des fragments d'un Ver rendu par M. de la Solaye, avocat au Par- 
lement, rue Saint-Séverin. Les pores sexuels sont ainsi disposés : 


19 
& 
[AO] 
1 
æ 
= 


(Fig. 1) Din Mu ue 


L] 
= 
æ 
Æ 
= 
— 
(ee) 
> 


(Fig. 2) 


Page 200. — La deuxième planche est identique à la planche VIII, 
fig. 20, du livre des Vers solitaires. 


(1) Préface, p. n-1v et planche de la page #. 


NOTICES SUR LES PARASITES DE L'HOMME 249 


Page 202. — Autre planche représentant un Zænia saginata dont les 
pores génitaux sont disposés comme suit : 
1 3 1 2 il 

3 1 2 1 6 1 


19 


Page 205. — Planche représentant un T'ænia saginata, avec diverses 
anomalies. 

Page 224. — Planche identique à la planche XI du livre des Vers soli- 
taires. On y voit représentées à différents états de contraction, les « por- 
tions cucurbitaires que rendent ceux qui ont le Ténia de la première 
espèce, » c’est-à-dire le Ténia inerme. Or, comme on sait, les anneaux de 
ce Ver sont très contractiles et sortent spontanément par l'anus. Andry 
figure quelques-uns de ces anneaux avec une longueur de 20 à 22 milli- 
mètres. 

Page 268. — Planche identique à la planche XII du livre des Vers soli- 
taires et représentant un fragment de Ténia inerme, sur lequel les ramili- 
cations utérines sont nombreuses et très exactement figurées. 

En résumé, Andry n’a décrit et figuré que le J’ænia saginata : voilà deux 
siècles, ce Ver était donc, exactement comme aujourd'hui, infiniment plas 
commun à Paris que le Z'ænia solium. Des nombreuses figures dont Andry 
a orné ses ouvrages, une seule pourrait à la rigueur être rapportée au 
T'ænia solium, mais cette attribution reste très douteuse. 

Un autre point intéressant ressort de celte revue : c’est que le Borhrio- 
cephalus latus, actuellement inconnu à Paris, n’y était point rare en 
l’année 1700 : Andry l’a observé assez fréquemment et l’a figuré plu- 
sieurs fois (pages 196, 197 et 266 du livre De la génération des Vers). 

Je crois inutile de mettre sous les yeux de la Suciété les descriptions et 
les dessins sur lesquels j’appuie cette double conclusion; les indications 
précises que j'ai données sont d’une vérification facile. Je me borne donc 
à présenter un cadre dans lequel se trouve une vieille gravure, identique 
à la figure B de la planche VI du livre des Vers solitaires, si ce n’est 
qu'elle est tournée en sens inverse. Il suffit de jeter un coup d'œil sur 
cette gravure pour reconnaître sans hésitation le Ténia inerme. Aux 
incréiules, il suffira de jeter un coup d'œil sur la légende, où ils pour- 
ront lire ces passages caractéristiques : 

«.. Ge Ver est plat comme un ruban, et a quatre aulnes trois poulces de 
long, sans y comprendre l'extrémité qui s'est rompue et qu'on n'a pu 
mesurer... [l est mince et étroit vers la teste, épais d'un écu, et large de 
demi poulce vers le milieu de sa longueur. Z! a la teste noire, des yeux 
gros, le corps tout blanc... » 

VALLISNERI (1710).— Cetauteur (1)reproduit (pl.XVIID la gravure d’An- 


(1) Vallisneri. Opere fisico-mediche. Venezia, 1733. Considerazioni, ed espe- 
rienze inlorno alla generazione de Vermi ordinarj del corpo umano, p. 113, 
Voir p. 143-144. 


250 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


dry que je viens précisément de mettre sous les yeux de la Société. IL 
donne aussi une planche originale (pl. XIX) représentant divers fragments 
d'un 7ænia saginata rendu par une juive de Finale (Emilie), âgée de 
vingt-cinq ans et au troisième mois de la grossesse (1). 

La figure 4 de la planche XIX « est un petit morceau de la très 
longue chaîne de Vers cucurbitins ». Les anneaux sont longs de 23 à 
26 millimètres, larges de 11 à 12 millimètres, à pores sexuels disposés 
ainsi : 


Les figures 2 et 3 représentent « deux Vers cucurbitins sortis d’eux- 
mêmes », caractère propre au Ténia inerme. Les figures 3 à 8 représentent 
d’autres anneaux, isolés ou réunis. 

La figure 9 est un chaînon de dix anneaux montrant leurs « vaisseaux 
lactés », c’est-à-dire leurs ramifications utérines. Celles-ci sont au 
nombre de six à huit de chaque côlé, d’où l’on pourrait peut-être 
conclure en faveur du 7ænia solium. Maïs Vallisneri dit expressément 
n'avoir pas eu la prétention de donner un dessin exact et n'avoir pu 
compter ces arborisations, dont le nombre n’est pas le même dans tous 
les anneaux. 

Leczerc (1715). — Dans son compendieux et indigeste ouvrage, 
Leclerc (2) donne une série de planches empruntées aux auteurs précé- 
dents : 

Planche [. — Figure À, identique à la pl. I de Tyson. — Fig. B, iden- 
tique à la gravure que tout à l'heure je présentais à la Société. 


Planches IT et IT, d’après Vallisneri; la pl. IIL se rapporte au Zænia 


serrata, du Chien. 


Planche VI. — La figure 3 représente un anneau de Ténia, d’après. | 


Ant. de Heide. Les ramifications utérines sont peu nombreuses, en sorte 
que l’on pourrait porter le diagnostic de 7ænia solium ; toutefois, l'anneau 
est long et relativement grêle. 

CouLer (1729). -— L'ouvrage de cet auteur (3) débute par un frontispice. 
dans lequel on remarque des‘anneaux isolés, en voie de contraction : pour 


(1) Cette femme vomissait des anneaux de Ténia, soit isolés, soit réunis 
entre eux; c'est, à ma connaissance, le cas le plus ancien de ce genre. « Ne 
vomitava spesse volte all’ora, e solilarj, e legati in una lunga fune insieme, 
ora per l'altra bocca inferiore ne scaricava nel modo medesimo larga 
copla. » 

(2) D. Clerici. Historia naturalis et medica latorum Lumbricorum. Genevæ, in-4°, 
1715. 

(3) Steph. Coulel. Tractatus historicus de Ascaridibus et Lumbrico lato.… Lug- 
duni Batavorum, 1729. 


NOTICES SUR LES PARASITES DE L'HOMME 251 


qui sait que les anneaux isolés du Ténia inerme manifestent d’actives con- 
tractions, il n’est pas possible de méconnaître ici ce même parasite, d’au- 
tant plus que l’anneau en extension (fig. 1) atteint une longueur de 
25 millimètres et une largeur de # millimètres. Au frontispice est 
annexée une planche représentant divers fragments, qui ne sauraient 
encore être attribués à une autre espèce qu'au Zænia saginata; sur l’un 
d'eux, on observe une série de 5 pores sexuels du même côté. Quant à la 
tête, si bien décrite par Andry, il n'en est plus question : non seulement 
Coulet dénie à cet organe la signification de lête, mais il refuse aux Ténias 
tout organe céphalique, d’ailleurs sans appuyer cette opinion sur la 
moindre observation (1). 

Ch. Bonner (1750). — Nous passons sous silence un certain nombre 
d'auteurs de moindre importance et arrivons au célèbre philosophe et 
naturaliste genevois. Dans un premier travail (2), il décrit le Bothrioce- 
phalus latus sous le nom de Ténia à anneaux courts, mais en lui attribuant 
une têle à quatre ventouses qui appartient sûrement au 7enia saginala : 
cette tête, il la figure sous différents aspects, soit unie au corps du Bothrio- 
céphale (pl. IL fig. 1), soit isolée (fig. 2-3). En 1747, date à laquelle Bon- 
net dit avoir observé cet helminthe fantastique, le Ténia inerme existait 
donc à Genève. 

Dans un second travail (3), Bonnet revient sur le Bothriocéphale, dont 
il voit et figure la têle avec ses bothridies (pl. IT, fig. 3). Il reprend aussi 
l'étude du Ténia à anneaux longs; il n’en voit pas la tète, mais observe 
et figure très exactement les ramifications utérines dans l’anneau mûr : 
par exemple, il en représente 26 d’un côté et 21 de l’autre (pl. IT, fig. 17). 
Ges chiffres ne peuvent s'appliquer qu'au Ténia inerme. Il semble que, à 
l’époque, la proportion relative de ce Ver n’ait pas été très considérable, 
puisque Bonnet a dû attendre trente années pour s’en procurer un spé- 
cimen. 

WERNER (1782). — Cet auteur (4) ne dit rien qui puisse être rapporté 
sûrement au Ténia inerme, mais il figure avec une ressemblance frap- 
pante la tête de cet helminthe. À 


(1) Loco citato, p. 88, 132 et 166. 

(2) Ch. Bonnet. Dissertation sur le Ver nommé en latin Tænia et en francais 
Solitaire. Mémoires de math. et de phys., présentés à l’Acad. des sciences de 
Paris, t. I, p. 478, 1750. Réimprimé sous ce titre : «Dissertation sur le Ténia, » 
in Œuvres d’hist. nat. et de philos. de Ch. Bonnet; Neuchâtel, 1779; édition 
in-40, t. 11, p. 65; édition in-8°, t. III, p. 95. 

(3) Ch. Bonnet. Nouvelles recherches sur la structure du Ténia, Observa- 
tions et mémoires sur la physique, par Rozier, t. IX, p. 243, 1777. Réimprimé en 
1781, dans Œuvres d'hist. nat. et de philos., édition in-4°, t. V, p. 178; édition 
in-8°, t. X, p. 282. 

(4) P. Ch. Fr. Werner. Vermium intestinalium præsertim Tæniæ humanæ bre- 
vis expositio. Lipsiæ, 1782. Voir pl. I, fig. 8, 4 et 9. 


252 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


GüzE (1872). — Güze (1) établit comme suit la division des « Ténias in- 
testinaux » de l'Homme : | 


1° Ténias à anneaux longs : Tænia cucurbitina ; 
a), espèce dodue, à chair épaisse : saginata ; 
b), espèce plate et translucide : pellucida. 
29 Ténia membraneux à anneaux courts : Tænia vulgaris — grisea des 
auteurs. 


3° Ténia large : Tænia lata. ; 
4° Ténia en cordon : Tænia tenella Pallas. 


Dans cette énuméralion, les 7ænia saginata, pellucida et lata repré- 
sentent sûrement les Vers que nous connaissons actuellement sous les 
noms de Tænia saginata, T. solium et Bothrivcephalus latus. Quant aux 
T. vulgaris et tenella, ce ne sont que l’un ou l’autre des précédents, ou de 
simples variétés de ceux-ci. 

Plus loin, Güze expose ses propres observations sur les Ténias de 
l'Homme. «J'en connais el possède deux genres (2), dit il : le premier est 
le grand Ver bien connu, à anneaux longs, dodus et épais, que j'appel- 
lerai. Tænia cucusbitina, grandis, saginata. 

« La seconde semble en être une variété, mais qui pourtant reste sem- 
blable à elle-même en toute circonstance et s'observe ici, dans ma contrée, 
plus fréquemment que la première. Je la nomme Tænia cucurbilina, 
plana, pellucida. 

« Je possède du premier genre sept exemplaires incomplets, sans la 
tête, et deux complets avec l'extrémité céphalique. » 

Les figures 1, 2 et 3 de la planche XXI montrent des anneaux de 7ænia 


saginata ; dans la figure 3, les pores sexuels sont disposés suivant cette 
formule : 


La figure 12, qui représente trois anneaux avec leurs ramifications 
utérines, appartient moins sûrement à ceite même espèce. 

On considère généralement, et à juste titre, Gôze comme ayant dis- 
tingué pour la première fois deux formes spécifiques parmi les Ténias à 
anneaux longs qui peuvent s’observer chez l'Homme. Nous pourrions done 
considérer comme arhevée la lâche que nous nous étions proposée et qui 
consistait essentiellement à démontrer l'existence ancienne du Ténia 
inerme en Europe. Toutefois, quelques renseignements complémentaires 
ne seront pas inutiles : ils prouveront la grande extension du parasite en 
Europe dans la première moitié de ce siècle. Il nous suffira d’ailleurs de 


(4) J. A. E. Güze. Versuch einer Naturgeschichte der Eingeweidewürmer thie> 
rischer Kôrper. Blaukenburg, in-4°, 1782. Voir p. #2 et 278. 
(2) On dirait aujourd’hui : deux espèces. 


tr. | 


NOTICES SUR LES PARASITES DE L'HOMME 253 


reproduire à peu près exactement ce que nous avons dit déjà sur ce sujet 
dans notre Zraité de zoologie médicale. 

Barscn (1786). — Comme Gôüze, cet auteur (1) distingue dans le Zænia 
cucurbitina deux variétés constantes, reconnaissables même aux ramifica- 
tions de l'utérus : l’une est grande et forte, l’autre est aplatie, délicate et 
transparente. Il semble, ajoute-t-il, que, suivant les régions, l’une ou 
l’autre variélé devienne plus fréquente. 

Ces judicieuses distinctions passèrent pourtant inaperçues. On continua 
de confondre le Tænia saginata et avec le T°. solium, le considérant 
comme une simple variété de ce dernier. 

BRUGUIÈRE (1791). — Dans l’£ncyclopédie méthodique (2), cet auteur 
adopte les idées de Güze, dont il reproduit les dessins ; il désigne le Ténia 
inerme sous le nom de 7'ænia grands. 

JüRDENS (1801). — IL attribue au Zænia solium deux figures (3) qui 
représentent en réalité la tête du Tænia saginata, et qu'il a d’ailleurs 
copiées sur Werner. 

BRERA (1816). — TU reproduit aussi (4) ces mêmes dessins de Werner et 
les attribue au Ténia armé. Celui-ci, dit-il, a la Lête de forme variable : 
elle est tantôt arrondie avec un rostre proéminent, tantôt large, aplatie, 
avec un pertuis central, sorte de cinquième ventouse. Pour nous, ces deux 
formes de tête se rapportent nettement aux deux espèces en question. Un 
autre fait démontre encore que Brera a observé le Ténia inerme : il repré- 
sente (fig. 17-19) deux anneaux isolés, provenant d'une malade qui, 
depuis plusieurs mois, en évacuait de semblables +n grand nombre: ces 
anneaux étaient d'une vivacité remarquable et avaient, par conséquent, 
les caractères des anneaux mürs de 7'ænia saginata. 

MonTBcANc 1804). — À Montpellier, il semble avoir rencontré surtout 
des Ténias inermes (5) : « In apice quatuor papillas perforatas, tenuis- 
simis pilis quandoque cireumdatas. » 

BREMSER (1819). — A Berlin, Rudolphi observait surtout des Ténias 
armés ; à Vienne, Bremser (6) examinait au contraire cinq à six Ténias 


(4) A. J. G. C. Batsch, Naturgeschichte der Bandwurmgaltung überhaupt und 
ihrer Arten insbesondere. Halle, 1786. 

(2) Tubleau encyclopédique et méthodique des trois règnes de la nature contenant 
lVhelminthlogie… Paris, in-4°, 7° livraison, 1791. Voir pl. XL, fig. 18-20 et 
pl. XLI, fig. 4. 

(3) JS. H. Jôrdens. Entomologie und Helminthologie des menschlichen Kôrpers. 
Hof, 2 vol. in-4°, 1801 ; voir fig. 3 et 7. 

(4) Brera. Memorie fisico-mediche sopra à principali Vermi del corpo umano 
vivente. Crema, iu-4°, 1816. Voir p. 64-80 et pl. I, fig. 2 et 6. 

(5) J.-B. Montblanc. « Tentamen medicum de Tænia », Th. de Montpellier, 
an XII (1804). 

(6) J. G. Bremser. Ueber lebende Würmer im lebenden Menschen. Wieri, 1819. 
— Trailé zoologique el physiologique sur les Vers intestinaux de l'Homme. Traduc- 


204 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BLOLOGIE 


sans y voir la double couronne de crochets; mais Rudolphi et Gœrgen 
lui envoyèrent chacun un exemplaire qui la présentait. Bremser pense 
alors, avec Mehlis, Gue la piupart des Ténias sont armés seulement pen- 
dant le jeune âge et perdent leurs crochets en vieillissant. 

DE BLaIN vice (1828). — L'une des planches annexées à l’article Ver du 
Dictionnaire des sciences naturelles (1) mérite encore d'être mentionnée ici : 
les figures 1 c et | d représentent une têle de Ténia « sans couronne de 
crochets », comme le dit expressément la légende. 

Goméëz (1822). — Cet auteur (2) a publié à Lisbonne une brochure 
relatant les observations qu'il avait pu faire sur le Ténia, tant au Brésil 
qu’en Portugal : il n’a jamais rencontré que des Ténias inermes, et plu- 
sieurs figures de la planche qui accompagne son mémoire permettent de 
reconnaitre sans peine la tête et les anneaux de Zænia saginata. La tête 
de l’un des individus décrits offrait une dépression centrale, que Gomez 
considéra comme une cinquième ventouse. Virey (3) proposa même d’ap- 
peler du nom de Pentastoma coarctata les Ténias qui présentent ce carac- 
tère, créant pour eux le genre Pentasloma, 5ien que celte dénomination 
eüt été aliribuée déjà par Rudolphi à d’autres parasites. 

Gomez fils (1831). — Il reprend (4) l’élude des Cestodes de l'Homme. 
Il continue à confondre Zænia saginala avec T. solium, mais constate 
l’absence fréquente du rostre et des crochets. L'année suivante, Mérat (5) 
fait la même constatation. 

DELLe CuraJe (1833). — Cet auteur (6) reproduit l'opinion de Bremser et 
de Meblis quant aux crochets et au rostre; il semble n’avoir fait aucune 
observation originale à ce sujet, mais donne une belle figure d'un Zænia 
saginata entier. 

Fucna (1835). — Il n'admet(7) qu'une seule espèce de Ténia chez 
l'Homme, le Z'ænia solium. La tête montre toujours quatre ventouses 
el une couronne de crochets en son milieu; « mais relle-ci semble se 


tion francaise, Paris, 1837; voir p. 184-185 et Atlus, 1" édition, pl. I, fig. 1, 
D DEEE Édition, plN, fe Het DIN tenez 

(1) Dictionnaire des sciences naturelles, Atlas, pl. XLIL (non numérotée) des 
Entomozoaires. Voir fig. 4,1 a, 1 c, 1 d. 

(2) B.-A. Gomez. Memoria sobre a virtude tænifuga da casea da vair de Rometra. 
Lisbosa, 1822. Analysé par Mérat dans Journal complém. du Dictionn. des se. 
méd., t. XVI, p. 194, 1823. 

(3) Virey. Usage de l'écorce de Grenadier.. Journal de pharm.,t.1X, p.219,1823. 

(4) B.-A. Gomez fils. Dissertation sur les Vers plats articulés qui existent 
chez l'Homme. Thèse de Paris, n° 187, 1831. 

(5) F-.0. Mérat. Du Tænia ou Ver solitaire. Paris, 1832. 

(6) S. delle Chiaje. Compendio di elmintografix umana. Napoli, 2 edizione, 
1833, pl. LIL, Hg. 9 et pl. IV ; 42 ediziane, 1844, pl. IV, fig. 9 et pl. VII. 

(7)-K. A. Fulda. Ueber die Eingeweidewürmer des Menschen. Inaug. diss., 
Tübingen, 1835. Voir p. 36-37. | 


NOTICES SUR LES PARASITES DE L'HOMME 255 


perdre avec l'âge du Ver, car il est fréquent de ne pas l'observer. » 

WawruCE (1844). — Parmi un grand nombre de Ténias observés par 
lui à Vienne, Wawruch (1) n’en a jamais rencontré un seul armé. Weishaar 
note que, dans la partie du Wurtemberg située dans le bassin du Danube, 
on trouve surtout le Ténia inerme, tandis que dans le bassin du Neckar 
on ne rencontre que le Ténia armé, à de rares exceptions près. 

A Java, la variété inerme semble seule exister : en 15 ans, Schmidt 
Müller observe 148 Ténias, dont aucun n’était armé ; il les décrit sous le 
nom de Bothriocephalus tropicus. 

DiesinG (1850). — Dujardin ne dit rien du Téniainerme, mais les carac- 
tères qu'il attribue à 7'ænia solium sont assez précis. Diesing n’admet 
encore que celte dernière espèce (2), mais la description qu'il en donne 
est fort ambiguë et prouve qu’il a dû observer nos deux espèces actuelles 
à peu près avec une égale fréquence. Il place en effet son 7”, solium dans 
un groupe de Cestodes dont la caractéristique serait : « Os limbo elevato, 
uncinulorum corona interdum decidua armatum. Il ajoute la remarque 
suivante : « In collectione Mus. Cæs. Vind. prostant individua longitudine 
varia, Capile inermi v. armato, arliculis brevissimis v. longissimis, latis- 
simis v. angustissimis, crassis v. tenuibus diaphanis, subquadratis, paral- 
lelepipedis, cuneatis v. lunatis. » 

SEEGER (1852). — Cet auteur (3) est peu connu et rarement cité, bien 
qu'il ait fait de bonnes observations sur les Ténias de l'Homme. fi se montre 
fort intrigué par la prétendue variété inerme de 7'ænia solium. « Le Ténia 
à Lèle inerme, dit-il, qui s’observe dans certaines régions, semble former 
une variété assez constante. » Et ailleurs : « Un phénomène remarquable, 
c'est le fait, basé sur de nombreuses observations, qu'il y a des régions, 
même des pays entiers, où le Ténia indigène n’a jamais ou presque 
jamais été trouvé armé de la couronne de crochets, tandis que dans 
d'autres le Ténia armé est presque toujours seul expulsé. » Quant à l’opi- 
nion de Bremser et Mehlis, Seeger ne peut l’accepter sans réserves 
expresses, car, chez des Ténias qui semblaient être de même âge, et 
même chez de vieux individus, il a constaté tantôt La présence et tantôt 
l'absence de la couronne de crochets. 

KÜCHENMEISTER (1853). — La question se trouvait donc déjà suffisam- 
ment élucidée, quand Küchenmeister vint déclarer qu’il y avait lieu 
de reconnaitre, parmi les grands Ténias de l'Homme, deux espèces dis- 
Unctes, caractérisées par leur aspect général, mais surlout par la struc- 
ture de leur tête et de leur ovaire. L'une, Z'ænia solium, est armée 
de crochets; l’autre, plus grande et plus large, est toujours inerme. 


(1) Wawruch. Practische Monographie der Bandwurmkrankheit. Wien, 1844. 

(2) G. M. Diesing. Systema helminthum. Yindobonæ, 1850. Voir t. 1, p. 514-516. 

(3) G. Seeger. Die Bandwümer des Menschen. Stuttgart, in-8° de 222 pages avec 
2 planches, 4852. Voir p. 13-15 et pl. I, fig. 1 8, y, d, 5 « et B, 7 et 15. 


256 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Küchenmeister donna à cette dernière le nom de 7'ænmia medioranellata. 
Au bout de soixante-dix ans, la question en était donc revenue au point 
même où Gôüze l'avait laissée. 


90 PREUVES TIRÉES DES MUSÉES. 


Les preuves que nous avons accumulées surabondamment dans les 
pages précédentes démontrent jusqu’à l'évidence l’existence du Ténia 
inerme dans l’Europe occidentale depuis plus de deux siècles, et même sa 
prédominance très marquée sur le Ténia armé. 

Puisqu'il en est ainsi, on peut croire a priori que les plus anciens 
Ténias de l'Homme que possèdent les Musées doivent appartenir pour la 
plupart au Z'ænia saginata. Quelque vraisemblable que soit cette croyance, 
elle méritait cependant d'être contrôlée : c’est ce que nous avons fait avec 
soin, et le résultat a été totalement conforme à nos prévisions. Le 
Muséum d'histoire naturelle, la Faculté de médecine de Paris, le British 
Museum et le Collège royal des chirurgiens de Londres, dont nous avons 
examiné les collections helminthologiques, possèdent des Ténias humains 
d'ancienne date, parmi lesquels le Tænia saginata est de beaucoup le 
plus abondant. 

En l'absence fréquente de la tête et à cause du respect, en quelque 
sorte, que méritent ces anciennes collections, dont l'importance histo- 
rique est considérable, nous nous sommes fait un scrupule de les exami- 
ner d’assez près pour pouvoir, dans tous les cas, faire une détermination 
absolument précise. Mais peu importe, il n'en est pas moins certain que 
le Ténia inerme prédomine dans une large mesure. 


3° PREUVES ACTUELLES. 


J'ai rapporté ailleurs (1) des faits nombreux et précis qui démontrent 
qu'actuellement le Ténia inerme est partout bien plus fréquent que le 
Ténia armé; j'ai donné aussi les raisons de cette prédominance. Sans 
revenir sur ces faits, que je considère comme définitivement établis, je 
désire indiquer ici le résultat d’une statistique qui en donne une démons- 
tration nouvelle. 

Un pharmacien de la rive gauche, qui, entre autres spécialités, en ven- 
dait une contre le Ténia, avait, depuis moins de quinze ans, réuni dans 
son laboratoire 212 bocaux de Ténias, dont plusieurs renfermaient jusqu'à 
deux ou trois Vers. Grâce à sa complaisance, j'ai pu examiner un à un 
ces 212 bocaux: ils contenaient 237 Zænia saginata, 5 Tænia solium 
et pas un Bothriocéphale. D'après cela, on peut donc dire que, à Paris, 
on rencontre actuellement 21 7ænia solium pour 1000 7'ænia saginata. 


(1) Traité de zoologie médicale, t. l;'p. 376-378. 


TA TE, 


NOTICES SUR LES PARASITES DE L'HOMME 257 


Sur 25 individus de cette dernière espèce, pris au hasard, 14 avaient la 
tête blanche et 11 l'avaient plus ou moins chargée de pigment noir, la 
teinte envahissant même deux fois le commencement du cou: le Ténia 
inerme a donc la tête plus ou moins chargée de mélanine 440 fois 
sur 4000. 

Dans cette importante série de Ténias humains, figuraient quelques 
Vers monstrueux, sur lesquels je me propose de revenir ultérieurement. 
Je me borne à signaler pour l'instant un très remarquahle cas de Tænia 
fusa ou continua, appartenant précisément au 7ænia saginata: sur une 
longeur de 312 millimètres, les anneaux étaient entrés en complète coales- 
cence; la bande continue qu'ils formaient portait 54 pores sexuels, irrégu- 
lièrement alternes, mais répartis sur l’un et l’autre bord à peu près en 
nombre égal. 


CONCLUSIONS 


De ce qui précède, nous croyons êlre en droit de tirer les conclusions 
suivantes : 

1° Le T'ænia saginata est répandu dans l'Europe occidentale depuis une 
époque très ancienne. Divers auteurs l'ont décrit ou figuré d'une façon 
parfaitement réconnaissable dès le début du xvrr° siècle. En France, San- 
ches l'observe à Toulouse en 1636, Andry à Paris en 1700, Montblanc à 
Montpellier en 1804. En Angleterre, Tyson l'observe à Londres en 1683. 
En Hollande, de Heide le rencontre en 1686. En Italie, Vallisneri l’observe 
à Padoue en 1710, delle Chiaje à Naples en 1833. En Suisse, Bonnet le 
voit à Genève en 1750. En Allemagne, il est vu par Werner et Güze en 
1782, par Fulda en 1835; Seeger le voit daus le Wurtemberg en 1852 et 
Küchenmeister en Saxe en 1853. En Autriche, il est observé à Vienne par 
Bremser en 1819, par Wawruch en 1844, par Diesing en 1850. Enfin, 
Gomez le rencontre en Portugal, et même au Brésil, avant 1822. 

2% La grande majorité des anciennes études sur les Ténias humains ont 
été faites sur le 7ænia saginata. On en doit conclure que cette espèce a 
toujours été bien plus fréquente que le Z'ænia solium. 

3° L’année 1860 n’est sûrement pas la date de son introduction en 
France, contrairement à l'opinion émise par M. Bérenger-Feraud. 

4° Sa plus grande fréquence en France et dans l’Europe occidentale 
avant l’année 1860 est d'ailleurs démontrée par l'examen d'anciennes 
collections helminthologiques appartenant à divers Musées. 

5° Si le Zænia saginata est mentionné pour la première fois en 1860 
dans les statistiques des hôpitaux de la marine, cela tient uniquement à 
ce que, en cette même année, il a été décrit pour la première fois dans un 
livre français et présenté en quelque sorte au public médical. 

6° Son augmentation de fréquence d'anuée en année, signalée par 


958 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


divers observateurs modernes, ne semble pas contestable. Elle s'explique 
d’ailleurs très aisément. 

7° D'une facon absolue, les cas de Tænia saginata augmentent, parce 
que l’usage de la viande de Bœuf saignante ou insuffisamment euite s’est 
beaucoup répandu dans ces derniers temps. 

8& D'une façon relative, les cas de Zænia saginata augmentent, en 
même temps que les cas de Zenia solium diminuent, par suite du con- 
trôle sévère auquel est soumise la viande de Porc dans les abattoirs et 
les marchés. 

9° Divers travaux anciens, notamment ceux d’Andry, démontrent la 
grande fréquence, absolue et relative, du Zænia saginata à Paris, voilà 
deux siècles. Actuellement, on y observe encore 21 7ænia solium pour 
1000 Tænia saginata: ces chiffres ne sont vraisemblablement pas très 
différents de ceux qu’on eùl obtenus du temps d’Andry. 

10° Pour expliquer la fréquence actuelle de ce même Ténia, il n’est 
donc pas besoin d'admettre, avec M. Bérenger-Féraud, une introduction 
de Bœufs ladres par nos frontières du Sud et du Nord-Est: il suffit d’ad- 
mettre la continuité de l’ancien état de choses. 

11° Le Bothriocephalus latus, commun à Paris en 1700, ne s y observe 
plus, si ce n’est chez des individus venant de Suisse ou d’autres régions 
dans lesquelles ce parasite est encore répandu. 


RECHERCHES 


SUR LE 


MAUR PERGEPTIBEE DE L'OLPAUTION 


GUSTATION CHEZ LES ÉPILEPTIQUES 


PAR MM. 


Ch. FÉRÉ, P. BATIGNE et P. OUVRY. 


(Mémoire présenté à la Société de Biologie, dans la séance du 30 juillet 1892.) 


Bien que les troubles permanents de la sensibilité générale et spéciale 
aient été déjà signalés par un certain nombre d'auteurs chez les épilep- 
tiques (1), ces troubles ne paraissent pas généralement acceptés et 
nous voyons encore leur absence tenir une place importante dans le 
diagnostic. Le doute ne peut tenir qu’à l'imperfection des méthodes d’exa- 
men. En général, lorsqu'il s’agit d'étudier l'olfaction, on fait flairer au 
malade des substances en nalure; ce sont des substances qui, même lors- 
qu'elles n’agissent que sur l’olfaction, provoquent une irritation considé- 
rable qui ne peut passer inaperçue que chez un individu à peu près 
dépourvu d'odorat. Lorsqu'il s’agit de la gustalion, on se sert aussi de 
sulfate de quinine, de vinaigre, de sel, de sucre, aussi en nature. C’est à 
l’aide d'observations de ce genre qu’on arrive à conclure que des défauts 
psychiques très importants peuvent exister sans aucun trouble physique. 
Ces procédés d'étude doivent être définitivement classés dans ce qu'an 
de nos maitres a appelé la psychologie d'infirmier, et êlre rayés de la 
technique physiologique et clinique; ils ne donnent au physiologiste et au 
clinicien que des renseignements tout à fait insuffisants. Il n'y a pas 


1) Ch. Féré. Les épilepsies el Les épileptiques, 1890, p. #16. 
) putep pile} 


BiocoGie. Mémoires. — 9c sértr, 7. IV. 20 


260 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


2 p. 100 de nos malades qui ne distinguent aucune odeur ni aucune 
saveur, tandis qu’en réalité il y en a plus de 60 p. 100 qui ont des 
défauts de la gustation et de l'olfaction. 

Ces défauts ont été mis en lumière par l'étude du minimum perceptible 
que nous avons étudié au moyen de solutions décimales titrées de subs- 
tances cristallisables. Pour l’étude des sensations olfactives, nous avons 
utilisé en outre un certain nombre d’essences dont l'étude comparative 
n’était pas sans intérêt. 


I. Olfaction. — Pour l'étude des sensations olfactives, nous nous sommes 
servis de solutions alcooliques, introduites dans des bouteilles séchées de 
un litre, au moyen d’un compte-gouttes toujours le même et donnant 
des gouttes d’un poids connu, suivant le procédé de Jacques Passy (1). 
Nos chiffres indiquent une quantité inférieure au minimum perceptible 
réel puisqu'ils représentent la quantité de substance odorante introduite 
dans un litre d'air communiquant avec l'air ambiant. Nous n'acceptons 
pas le procédé comme parfait, mais ses conditions sont cependant assez 
précises pour que la critique des résultals comparatifs puisse s'exercer 
d’une manière positive. Nous avons cru utile de donner, sous forme de 
tableau, toutes les observations individuelles avec le traitement et le 
nombre d'accès et de vertiges (moyenne paroxystique) dont l'étude pourra 
pèrmettre d'établir plus tard des comparaisons pour d'autres expériences 
et avec d’autres catégories de malades (tableau 1). 

L'examen a porté sur 123 malades dont 115 épileptiques. Nous voyons 
que les divers traitements ne paraissent avoir aucune action sur la sensi- 
bilité. Nous remarquons sur le tableau que presque tous les malades ont 
une diminulion de la sensibilité au moins pour une odeur; si nous ne 
considérons comme anesthésiques que ceux qui ont une diminution pour 
toutes les odeurs essayées sur eux, nous obtenons les chiffres suivants : 


Sur 19 malades qui prennent de 4 à 9 grammes de bromure de potas- 
sium 63, 1 p. 100 ont une diminution de la sensibilité. 

Sur 49 malades qui prennent de 10 à 19 grammes de bromure de 
polassium 68, 8 p. 400 ont une diminution de la sensibilité. Chez deux 
prenant 10 et 11 grammes de bromure de potassium, elle est complète- 
ment nulle. (Ces deux malades ne figurent pas au tableau, de même 
qu'un dégénéré qui présente la même anesthésie.) 

Sur 16 malades qui prennent du bromure de strontium de 6 à 19 grammes, 
68, 75 p. 100 ont de l’anesthésie. 


(1) Jacques Passy. Note sur les minimums perceplibles de quelques odeurs 
(C. R. Soc. de Biol., 1892, p. 84). 


MINIMUM PERCEPTIBLE DE L'OLFACTION 261 


Sur 18 malades traités par le borax, 66, 6 p. 100 ont des troubles de 
l'olfaction. 

Sur 13 malades soumis à des traitements divers ou n’ayant aucun trai- 
tement, 69 p. 400, ont une sensibilité atténuée. 

Cette proportion uniforme, ou peu s’en faut, semble indiquer que les 
bromures que l’on accuse d’abolir la sensibilité n’ont pas en réalité cet 
effet. Du reste, les observations suivantes montrent bien le peu d'in- 
fluence qu'’exerce Le bromure de potassium sur la sensibilité olfactive. 

Sur 9 malades, nous avons examiné la sensibilité olfactive sous l’in- 
fluence du traitement et un mois environ après ia suppression, el voici 
les chiffres obtenus : 


- Minimum Minimum 
Noms. Quantité. Date. Odeur. perceptible. Odeur. perceptible. 
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30 juin. —. 0.000012726 — 0.00005454 
V... 10 gr. Kbr 30 mai. =- 0.000010908 Valérianate d'éthyle 0.00000005454 
30 juin. — 0.C00010908 — 0.00000005454 
CG... 1% gr. Kbr 30 mai. — 0.000016362 — 0.0000001272 
30 juin. — 0.000016362 — 0.0000001272 
M... 4%gr.Kbr 10 juin. KE. Romarin 0.000001818 — 0.0000009090 
1 juil. — 0.0000016362 — 0.0000009090 
B... 14gr.Kbr 2 mars. Éther  0.00009090 
epuille — 0.00009090 
P... 10 gr. Kbr 19 avril. — 0.00014544 Essence d’anis 0.00001090 
in tuile — 0.0001818 = 0.000014544 
M... 15or. Kbr 9 mars. E. Girofle 0.0001818 Benzoate d’éthyle 0.000007272 
1 juil. — 0.0001818 — 0.000005454 
Q... 9gr. Kbr 19 avril. Éther  0.00010908 Essence d’anis 0.00007272 
3 juil. — 0.00007272 — 0.00007272 
C... 11 gr. Kbr 18 avr. Coumarine 0.000010908 Benzoate d'éthyle 0.000001636 
2 rule — 0.000010908 — 0.000001818 


Si le bromure de potassium modifie la sensibilité réflexe, il ne parait 
altérer la sensibilité consciente que lorsqu'il est mal toléré et produit des 
phénomènes d'intoxication. 

S'il existe à la suite des accès une obnubilation sensorielle (lemporaire, 
l'observalion ne démontre pas qu’il y ait un rapport entre l’obnubilation 
permanente et le nombre des accès. 


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Malades prenant ie bromur 


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de potassium de 3 à 9 grammes 


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potassium de 10 à 20 grammes 
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de strontium de 1 à 9 grammes 


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|_0,000009090 » » » » 
| 0,000009090 TEEN RE, PO, PR 


BENZOATE 


d'éthyle 


0,000001990 
0.000001272 


0,000001272 


0,000001090 


» 
0,000001454 
G,000001454 


0,000036360 


0,0000014544 


0,0000014544 
0,00000162362 
0,0000014544 
(,0000014544 


» 


» 
0,0000016362 
0,0000036360 


0,0000014544 
0,0000072720 


» 


0 Duse 
0, 00000! 2726 


0,0000025617 


0,0000016362 


»“ 


0,0000016362 


ALDÉHYDE 
benzoïque 


| 


0,000003636 
0,000005454 


0,00000727? 

0,000005454 

0,000003636 
n 


» 


0,000036360 


0,000005454 


» 


n 
0,000009090 
0,00.011211 


» 
» 


» 


0,000005454 


0,000007272 
» 


» 
DACOUEES 
0,00000% 212 


» 


0,000007272 
0,000005454 


L1 
SALICYLATE 
de 


méthyle 


0,00001272 
0,00001454 


0,00001272 


0,00003636 


0,00036360 


0,00013756 


» 


0,000014544 


» 
0,000010908 
0,000018180 


» 
0,000090900 
6,000011 908$ 
0.000016362 


0,0(001S1S0 
” 
0,000012726 
» 
n 


»n 


0,00001636?2 


me | mm. | | ee | ennnme | emnnmmmmmmme | mms 


0,00002%3614 


» 
0,000014544 
0,000012:26 


0,000013635 


VALÉRJANATE 


d'éthyle 


0,00000007272 
0,00000009090 


0,00000009090 
0,00000009090 


0,00000007272 


n 


0,0000000$563 


0,00000009090 
0,0000000 2090 


0,00000005454 
0,00000007272 


0,00000010908 
0,00000007272 


» 


0,00000012726 
» 
» 
» 


» 
0,00000010908 
0,0. 000009090 


0,00000012726 
0,00000012726 


» 


» 
0,00000009090 


» 


0,00000012726 


0,00000000929 


» 


0,000000109)8 


0,00000010408 


2 © 
NOMS QE = À Z 
RDA ONE 10 0,1 
Me 10 25 
Misossone 10 6,9 
(D'KSSERSEE 11 315;4 
SSSR 11 0,7 
Rene (28) ETUEZ 
CHOSE 13 25 
MÉSOPESE 14 8, 
TRE OR 16 » 
EE A 16 4,5 
IL on 1 ET 0,7 
Dhs 19 5,6 
Re 52 20) | 422: 
Moyenne...... 
DES 5 3,9 
(Er TES ARE 5 27) 
Di. 6 0,7 
(CRAN ENT 6 0,7 
(CLARA 6 7 
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Ms eee S 7 
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Hfsoceooco S 9 
1,7 
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6 
9 
8 
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7,2 
2,4 
8 
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Moyenne...... 
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Moyenne...... 


. 

ESSENCE 
de 
romarin 

» 

» 

» 

» 

» 

» 

» 

» 

» 

» 

» 

» 

» 
0,0000036360 
0,000181S000 


0,0000009090 
0,0000036360 


» 


0,0000016362 


0,0000012726 


» 


0,0000016362 


0,0000036360 
» 


» 


0,0001454400 
9962 


0,000027 


0,000005454 
» 
» 


0,000005454 


ESSENCE 
de 


girofle 


0,0009090 
0,0003636 


0600008181 | 0,0000909%M 


0,000010908 


0,00016362 
» 
0,00003636 


0,00009999 


0,00010908 


a |__| ——————…”…”…”…”"”—)…"—…—— 


ESSENCE 
de 


mirbane 


» 
» 


0,000005454 


0,000005454 


0,000023634 


0,000003636 


0,000003636 


» 


» 
0,000005454 


ESSENCE 
de 


citron 


Malades prenant le bromure. 


0,00010908 


0,00009090 


0,00010908 
0,00036360 


0,00016816 


» 


0.00009090 


» 


0,00007272 


0,00010908 


» 
0,00009090 
0,00012726 


ESSENCE 
de 


lavande 


0,000009090 


0,000054540 
0.000014544 
0,000036360 
» 
0,000016362 
0,000072720 


0,000033926 


ESSENCE 
de 


menthe 


2720 


O,U000%181% 


ESSENCE 
de 


térébenthine |. 


0,00016362 
0,00007272 


» 


0,00011819 | x 


LU EE à prenant ler: 


0, POGOUrE 
0,000007272 


» 


» 
0,000009090 


» 


» 
0,000007272 
0,000005454 
0,000007272 


0,0000072 


Malades prenant le re 


0,000009090 


0,000008181 


» 


0.060007272 


» 


0,000009090 


| 
1 
» | 


0, 00009090 + 


» 


M 


| 
L. 
| 


0, ue TER 


| 
| 


quil 


0,000072721M 1 


Traitements divers Ipi 


Traitements divers 


Traitements divers 


0,000007272 


» Î 


' 


» 
0,00007272 


» 


0, 0000 7972 


[' 


0, 0ouO | | 


| 


0,00005404 f' 


' 
j 
Ü 
à 
Lx 


0,00005454 


ESSENCE 


! 


| 
| "4 L D 

Lu d'anis 
| 


j 


ÉTHER 


COUMARINE 


VANILLINE 


CINNAMATE 


d'éthyle 


de strontium de 10 à 20 grammes 


| 0,000009090 
0,000016362 
0,000014544 


» 


» 
» 


! # 
| 0,000013332 


l » 


. 0,000010908 
0,000009090 


0,000009999 


| 0,000009090 
| 0,000018180 
» 

k » 
| 0,000009090 
| 0,000010908 


| 0000011817 


» 
LL 


‘borax de 4 à 


(Epileptiques) 


0,0003636 


Y 


0,0003636 


» 
» 


0,000072720 
0,000010908 


0,00003636 
0,00005454 


0,00005454 


» 


0,00036360 


0,0000#1814[ 0,00012728 


0,000010908 


» 


» 
0,000014544 


0.000009090 
0,000016362 


» 


» 
0,000007272 


9 grammes 


0,000016362 
0,000018180 


0,000017271 


lborax de 10 à 146 grammes 


» 
0,000127260 
0,000007272 


0,00145440 


0,00016362 
0,00005454 


0.00009090 
0,00007272 


0,00003636 
0,00005454 
0,00007272 


| ———— | ———— | ———— 


0,00006545 


0,00007272 


0,00007272 


» 
» 
0,0000 7272 


» 
0,00007272 
0,00009090 

» 

» 


» 
0,00007272 


BENZOATE 
d'éthyle 


0,0000014544 


» 


0,0000036360 
0,0000036360 
0,0000054540 
0,0000054540 
0,0000014544 


0,0000054540 


» 


ALDEHYDE 


benzoïque 


0,000005454 


» 
0,000007272 


0,0000037919 


» 


0,0000016362 
» 
» 


0,0000016362 
0,0000018180 


0,0000016968 


» 
» 


» 
0,000009090 

» 
0,000001818 


0,000005454 


» 


0,0000014544 


» 
» 
0,0000016362 


0,0000035360 
0,0000012726 


0,000006362 


0,000005454 


0,000005454 


0,000007272 


» 


0,000006363 


0,000005454 


» 
0,000005454 
» 
0,000007272 


» . 
» 


» 
0,000005454 
0.000007272 


0,000011817 


0,000009090 


es 


0,000014544 


0,00007727 


0.00003636 


0,0000019998 


0,0000010908 


0,000006182 


» 


0,000033633 


SL 


0,000016362 


» 

» 

» 
0,000016968 


SALICYLATE 
de 
méthyle 


» 


» 
0,000012726 
0,000036368 


0,001454400 
» 


» 


0,000072720 


0,000318514 


» 


0,000016362 


» 
0,000018180 
» 
0,000016362 


0,00003636 


» 
0,00003636 
0,00003636 


0,000014544 


0,000025452 


» 


0,000014544 


0,000009090 


0,000012725 


» 


0,0000 12726 


0,00003636 


0,00005454 


0,00002636 


0,0000010908 


0,0000012726 
0,0000014544 


» 


0,0000012726 


0,000033633 


0,000002636 
» 


0,000014544 


0,009010890 
0,000016362 


ES, PS, D 
—_——__———————————| ———— | ————— | — 


A » » 
| 0,000007272 | 0,00007272 
‘1 » » 
| 0,00001090$ » 
| 0,000016362 » 
| » » 
FÇ » » 
D 0,00010908 
| » 0.00009090 
» » 
À 0,000011514 | 0,00009090 
\(Hystériques) 
RD » 0,00009090 
» » 
» 0,002908800 
n 0,00149985 
(Dégénérés) 
| 0,000007272 » 
» » 
, à 
n » 
» 


0,000012726 


0,000012726| 0,00004545 


0,0000013332 


0,000003636 


0,000013535 


VALÉRIANATE 


d'éthyle 


0,00000012726 
0,00000009090 


0,00000009090 
0,00000009090 


0.00000145440 
0,00000037083 


0,00000009090 


» 
0,00000012726 
0,00900007272 
0,00000007272 


0,00000009090 


0,00000036360 
0,00000007272 


» 


0,00000010908 
0,00000018180 


0,00000009090 
0,00000009090 
0,00000007272 


0,00000008484 


Li 
0,00000005454 


» 


0,00000005454 


0,00000009090 


» 


0,00000009090 


NOMS 


COR OMIOON TT ST ET CONCOURS NI CO 


DOSE 
du 
médicament 


TABLE 
MOYENNE 
mensuelle ACIDE PICRIQUE SUCRE SEL MARIN ACIDE ACÉ 
paroxystique 
À 
Sujets norme: 
0,0000001893 0,00022 0,00015 0,000033 
0,0000002333 -0,00025 0,0001683 0,00006060 
Malades prenai 
DE 3 A 9 GRAMMES 
» 0,00000025 0,0003 » ÉMALONE | Fe 
Do 0.00000110 0,0015 0,000168 00000865 | 
\ 2 il 
0,8 0,00000033 0,0006 0,000216 0,0000618 |}! 
- CR | 
» : 0,00009110 » 0,000150 0,0000658. | 
0,3 0,00000018 0,0015 0,000168 0,0000197 
GS ES 0,00000037 0,0003 » » \ ? 
51 0,00000060 0,0003 0,000220 0,0000918 
0,5 0,00000075 0,0005 ; » 00 
ui 
0,4 0,00000020 0,0015 0,000159 0,0000606 
1,7 0,00000060 : 0,0004 0,000216 0,0000631 
| 2 
6,4 0,00000025 0,0006 0,000216 0,0000946 
3 0,00000110 0,0010 0,000432 0,0003000 
2,1 0,00000020 0,0003 k : Fe 
3 0,00000021 0,0002 0,000500 0,0000658 
1 0,00000025 0,0030 0,000189 0,0000918 || 


Moyenne. 0,00000050 0,0008 0,00238 0,0000911 


se tt él ai Ru dE 


| DOSE MOYENNE 

N Il NOMS du mensuelle ACIDE PICRIQUE SUCRE SEL MARIN ACIDE ACÉTIQUE 
| médicament |paroxystique 
| 


= ———— | ———— a 
d 
| 


] 


(fbromure de potassium 


DE 10 À 149 GRAMMES 
oo 


10 » 0,00000937 0,0005 0,000216 0,0000618 
10 1,1 0,00010018 0,0003 0,000168 » 
10 » 9.00000018 0,0002 0,000300 0,0000631 
10 4 0,00000021 0,0006 0,000216 0,0000658 
10 2 0,00000033 0,0015 0,000250 0,0001234 
10 1,4 0,00000025 0,0010 0,000150 0,0000721 
10 £ 0,00000018 0,0002 0,000432 0,0090658 
10 1,4 0,00000023 0,0010 0,000432 0,0000721 
10 4,1 » 0,0002 0,000216 0,0000891 
11 0,6 0,00000023 0,0002 0,000178 » 
11 2 0,00000055 0,0003 0,000178 0,0000644 
11 » 0,00000020 0,0006 0,000159 0,0000673 
12 » 0,00000020 0,1 003 0,000189 0,0000606 
12 0,7 0,000000120 0,0003 0,000216 0,0000688 
2 1,3 0,00000023 0,0003 0,000189 0,0000721 
»4 924 » » » » 
12 2,1 0,00000023 0.0030 0,000216 0,0000721 
42 6,1 0,00000110 » 0,000220 0,0000658 
12 » » 0,0010 0,000220 0,0000819 
12 0,4 0,00000150 0,0002 0,000168 0.0000918 
12 2,5 0,00000023 0,0010 0,000233 0,0000918 
13 0,5 0,00000027 0,0006 0,000178 0,0000606 
13 2,6 0,00000018 0,0003 0,000159 0,0000688 
13 3 0,00000021 0,0005 0,000168 0,0000658 
13 g 0,00000020 0,0003 » » 
13 2,5 0,00000021 » 0,000178 0,0000658 
13 1,4 0,00000018 0,0003 0,000189 0,0600606 
13 2 0,00000027 0,0003 0,000216 0,0000797 
13 1 0,00000018 0,0002 0,000178 0,0000704 
B. 14 4 0,00000018 0,0003 0,000168 0,0000618 
B. 14 1 0,00000189 0,0015 0,000178 0,0000739 
C. 14 1,3 0,00000018 0,0002 0,000159 6,0000631 
C. 14 31 0,00000189 0,0030 0,000275 0.0000819 
R 14 0.9 0,00000750 0,0010 0.000178 0,0000658 
|G 14 1,3 00000032 0,0003 0.001500 0,0000658 
| H. 14 1,7 0,00000018. » 0,000216 0,0000918 
| 14 13 0,00000150 » 0.000216 0,0000673 
14 2 0,1 0000027 0,0015 0,000168 0,0000606 
15 3,3 0,00000025 0,0015 0,000189 0,0000673 
15 12 0,00000037 0,C003 0,000178 0,0000658 
15 47 0,00000023 0,0007 0.000250 0,0000891 
15 ” 0,00000021 0,0005 0,000250 0,0001201 
16 3 0,00000027 0,0003 0,000189 0,0000644 
16 5 0,00000027 0,0010 0,000216 0,0000631 
16 2 0 00000330 0,004 0,001000 0,0000750 
16 1 0,00000043 0,0007 0,000178 0,0000777 
16 0,2 0.00000018 0,0002 0,000220 0,0000631 
16 25 0,00000025 0,0015 » » 
17 6,4 0,00000025 0,0005 0,000189 0,0000891 
17 14 0,00000018 » 0,000158 0,0000918 
17 4 6,00000018 0,0003 0,000178 0,0000658 
Moyenne. 0,00000068 0,0007 0,000250 0,0000723 


TABLE 
DOSE MOYENNE 
NOMS du mensuelle ACIDE PICRIQUE SUCRE SEL MARIN ACIDE AGÉTIQ 
médicament |paroxystique 
ms | Le 
Malades prenantlé 
DE 8 A 9 GRAMMES j RNA 
l'HpmeeeReree eranle 8 2 0,00000023 0,0015 » » 
SRE RE 8 8 0,00000027 0,0030 0,000168 0,0000631 
1 
—| 
Moyenne... 0,00000025 0,0023 0,000168 0,0000631 || 
Malades prenant 
DE 6 À 9 GRAMMES | | 
D AA M dE 6 0,6 0,00000021 0,00027 0,00022 0,0000819 
TD sara ee RARE 6 2,5 0,00000020 0,00043 0,00015 0,0000618 
DANIEL Dee «LUE US ÿ 3,5 0,00000023 0,00043 0,00015 0,000063 
Te dodo RS ITA 8 Î 0,00000055 » 0,00043 0,000081Æ 
CARD RER PAL 8 0,7 0,00000020 0,00150 0,00017 0,0000750 
CRANEAREES An PEUR S 7 0,00000027 0,00100 0,00021 0,0000631 
IN géo te ae CRE RR PRU RE 9 2,7 0,00000020 0,00037 0,00015 0,0000688 
ARR eu ee CUIR AUS Ti 0,00000025 0,00037 0,00017 0,0000644 
ne co 9 0,2 0,00000025 0,00027 0,00021 0,0000797 
Moyenne... 0,00000026 0,00058 0,00021 0,0000710! 
Traitements 
ÉPILEPTIQUES ‘| 
1 1 ET tt 
D SAC R ONEEN MENNRE » 5,5 0,00000024 0,00150 0,00022 0,0000606 
Cr oem ROMANE RE ” 1 0,00000021 0,00027 0,00015 0,0000618 
Ta a à Hot TS AMEN NÉE EL » 27 0,00000020 0,00100 0,00027 0,0000606% 
VU ne Bi Se nn RP | 3 0,00000110 0,00037 0,00300 0,0000946 
Visa ONE ONE » 40.9 0,00000020 = 0,00025 » 5° 0 
ID ue CRAN ROME S 5,7 0.00000037 0,00060 0,00017 0,0000606 
Ré dome CET EMEA » 0,5 0,00000020 0,00037 0,00016 0,0000618..\ 
Da 3 Re AU » 8 0,00000023 0,00300 0,00022> 0,0000819. | 
CFE Le AS AR EIRE » 4 0,00000021 0,00300 0,00018 O,0000797 | 
NE CR ERA SÉRAAE » 11 0,00000023 0,00037 » » | 
| Moyenne. 0,00000032 0,00107 0,00055 0,0000702 Il 
DÉGÉNÉRÉS || 
BEUuX LU PS VE ; , 0,00000027 0,00300 0,000216 0,0000631 | 
AN PRE DO PET ee ; » 0,00000021 0,00027 0,000216 0,0000777 
TA 0 2 CA RCE ee ÿ 0,00000750 0,00025 0,000150 - 0,0000606 
TE LA ONE ERP ; 5 . 0,00000011 0,00050 0,000168 » CITE 
AMOILOONE ARE A a à » 0,00000021 0,00043 » » - ie 
OL, : Hans ; » » 0,00027 0,000150 0,0000618 
en de AR » ÿ 0,06000018 0,00037 0,000159 0,0000606 | 
A 5 » 0,00000037 0,00027 0,000220 0,000064 | 
Moyenne … 0,00000126 0,00067 0,000183 0,0000647 
———— = ES 1 = 


| 
| _ _NOMS 
| 


(1 


DOSE 


du 


médicament 


MOYENNE 


mensuelle 


paroxystique 


bromure de strontium 


16: CON CERCCOOENE 


10 
10 
al 
11 
12 
12 
15 
16 
117) 
17 
18 
18 

s 
19 
20 


& Ot 


Ro 


ro] ES 
HÜCOCOR CONTE US OR JO 


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= # OLOT O0 7 


FES 
© 


Moyenne... 


co 


VB IRDIDIOOUVÉ ER 
# OU 


Moyenne... 


Moyenne... 


ACIDE PICRIQUE 


I — 


0,00000021 
0,00000020 
0,00000020 
0,00000020 
0.00000018 
0,00000023 
0,00000037 


» 
0,00000025 
0,00000033 
0,00000023 
0,00000025 
0,00000033 


» 
0,00003300 
0,00060060 


0,00000261 


EE 


0,00000033 
0,00000027 
0,00000150 
0,00000020 
0,00000027 
0,00000021 
» 
0,00000060 
0.00000020 
0,00000060 
0,00000189 
0.00000110 


0,00000065 


SUCRE 


DE 40 À 20 GRAMMES 


SEL MARIN 


0,00025 0,00015 
0,00027 0,00015 
0,00025 0,06ü15 
0,00033 0,C00002 
0,00025 0,00022 
0,00037 0,00016 
0,00060 0,00027 
0,00060 0,00021 
0,00060 0,00017 
0,00037 0,00017 
C,00033 0,00025 
6,00675 0,00300 
0,00(27 0,00021 
0,04033 0,00100 

DIE à 0,00021 
0,00540 0,00042 


DE 10 À 15 GRAMMES 


ACIDE ACÉTIQUE 


0,0000658 
0,0000631 
0,0000631 
0,0000644 
0,0000721 
0,0000631 
0,0000658 


» 
0,01 0658 
0,00 739 
0,00)0819 
0,(000673 
0,00€ 0865 
0,C00t 865 
0,0200739 


» 


0,00C0711 


0,0000739 
0,0000644 
0,0000688 
0,0000673 
0,0000688 
0,0000721 
0,0001370 
0,0000918 
0,0000688 
» 
0,0000704 
0,0000814 


0,0000786 


0,00000033 
0,00000033 
0,00000021 
0,00000033 


0,00000030 


0,0000946 


0,0000606 
0,0000644 
0,0000631 


0,00027 0,00022 
0,00060 000022 
0,00037 0,00021 
0,00033 0,00017 
0,00033 0,00025 
0,00100 0,00016 
0,00027 0,00018 
0.00060 0,00017 
0,00150 0,00015 
0,00027 5 
0,00100 0,00021 
0,00060 0,00021 
0,00059 0,00019 
HYSTÉRIQUES 

0,00037 0,000233 
0,00075 0.000216 
0,00043 0,000189 
0,00025 0,000168 
0,00045 0,000202 


0,0000707 


970 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Il. Gustation. — La sensibilité gustative a été étudiée à l’aide de solu- 
tions aqueuses titrées. Nous nous sommes servis de l’acide picrique, de 
l'acide acétique crislallisé, du sucre candi, du sel marin, déposés sur la 
langue à l’aide d’un compte-gouttes taré, le sujet goûtait ad libitum. Les 
résultats obtenus sont consignés dans le tableau IT. 

Il n’y a eu que deux malades qui ne sentent aucun goût sur 127 ma- 
lades examinés, dont 115 épileptiques; l'un prend 12 grammes de bro- 
mure de stronlium, et l’autre 10 grammes de bromure de potassium. 

La sensibilité gustative est au-dessous de la normale dans les propor- 
tions suivantes : 


66 malades 18 malades 

au hbromure au bromure 21 malades 

de potassium. de strontium. au horax. 
ACITe PICHIQUe LL NMENNE 55,5 0/0 44,4 07/0 57,1 0/0 
SUCER HEAR TN ARE MEMPEUTE 75,1 12,2 95,2 
SEM noel date 69,7 55,5 71,4 
ACIde IC CLIQUE ERP nee * 83,3 95,2 


Ce tableau montre encore que ce ne sont pas les malades bromurés 
qui sont le plus atteints. Dans toutes les catégories, c'est la sensibilité 
pour le sucre et l’acide acétique qui est le plus défectueuse. 

Les chiffres donnés comme normaux expriment le minimum le plus 
faible et le minimum le plus fort obtenus sur huit sujets normaux du 
personnel médical et administratif du service. 


EFFETS DE LA THYROIDECTONIE 


CHEZ NOS ANIMAUX DOMESTIQUES 


PAR 


M. G. MOUSSU 


CHEF DES TRAVAUX DE CLINIQUE A ALFORT. 


e- 


(Mémoire présenté à la Société de Biologie dans la séance du 30 juillet 1892.) 


L'étude des fonctions du corps thyroïde a été, dans ces dernières années, 
l'objet de nombreuses recherches, et si la question n’a pas encore reçu 
de solution définitive, il n’en faut pas moins reconnaitre que d'importants 
résultats ont élé enregistrés. 

Récemment, M. Gley semblait avoir fait les premiers pas dans une 
voie nouvelle, en annonçant, à l'encontre de beaucoup d’autres expéri- 
mentateurs, que la thyroïdectomie pratiquée selon sa méthode (thyroï- 
dectomie complète) (1) était presque falalement mortelle chez le lapin. 
Ses recherches sur les glandes thyroïdes accessoires (parathyroïdes de 
Sandstrôm) l'avaient poussé à faire chez le lapin trois séries d’expé- 
riences : 

-47e Série. — Thyroïdectomies simples (extirpation des corps thyroïdes 
seuls). Résultats toujours négatifs. 

2° SÉRIE. — T'hyroidectomies partielles (extirpation des glandes acces- 
soires seules). Résultais encore négatifs. 

3° SÉRIE. — Z'hyroideclomies complètes (extirpation simultanée des 
glandes accessoires et des corps thyroïdes). Résultats positifs dans 
presque tous les cas; les animaux moururent avec des accidents compa- 
rables à ceux observés chez les carnassiers thyroïdectomisés. 

1es faits d’expérimentation semblaient de la plus haute importance, et 
si Jusqu'ici l’on n'avait Jamais observé d'accidents chez le lapin à Ja suite 
de la thyroïdectomie, cela tenait à ce que l’on n'avait fait que des abla- 
tions partielles. De là à généraliser il n'y avait qu'un pas, et il a été 
franchi, car l'auteur était parfaitement en droit de se demander si l’on 
n’obtiendrait pas des résultats semblables chez les autres animaux, en 
pratiquant des thyroidectomies complètes. 


(1) Archives de physiologie, janvier 1892. 


972 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


C'est du moins l’idée dominante qui se dégage du travail de M. Gley, 
et elle parait d'autant plus plausible que Sandstrôm a décrit des glandes 
parathyroïdes chez le cheval, ie bœuf, le chien et le chat. 

J'avais pratiqué, depuis deux ou trois ans, un assez grand nombre de 
thyroïdectomies sur nos principaux animaux domestiques (cheval, âne, 
chien, bélier, bouc, porc et lapin), sans pouvoir en dégager une conclu- 
sion ferme ; mais j'avoue que les indications de M. Gley me rendirent 
encore bien plus perplexe au sujet de l’interprétation de ce que j'avais 
obtenu. — Avant donc d'attribuer à mes résultats une valeur quelconque, 
j'ai tenu à répéter sur le lapin les expériences de l’auteur précité, afin de 
vérifier si la thyroïdectomie complète provoquait toujours falalement 
l'apparition de symptômes comparables à ceux observés chez les car- 
nassiers, et ultérieurement la mort de l’opéré. 

J'ai effectué sur une douzaine de lapins adultes la thyroïdectomie 
complète; aucun n’est mort. On pourrait m'objecter peut-être que je n’ai 
pas toujours fait l’extirpation totale! — J'ai conserv: quelques animaux 
pour en fournir les preuves : deux sont au labora'oire de M. le profes- 
seur Dastre, d’autres à Alfort. 

Je ne rapporterai pas ces expériences, ce serait :bsolument hors de 
propos et sans intérêt; qu’il me suffise de dire que deux o,érés seulement 
ont été malades et que tous les autres n’ont pas semblé s’apercervoir de 
l'intervention chirurgicale. L’appétit et la vigueur ont toujours été 
conservés. 

Cependant, si la mort n’est pas une conséquence fatale de la thyroïdec- 
tomie complète, comme l’a indiqué M. Gley, je dois affirmer toutefois, 
que la suppression totale de la fonction thyroïdienne peut exceptionnel- 
lement donner naissance à des accidents qui ont beaucoup d'analogie 
avec ceux observés chez les carnassiers. — Dans les deux cas qu'il m'a 
été donné d'enregistrer, les accidents ont débuté quarante-huit heures 
après l'opération. Chez le premier lapin, ces accidents se sont manifestés 
sous forme de contractions cloniques des mâchoires et du cou, s'étendant 
ensuite au bout d’une heure et demie ou deux heures à tous les muscles de 
la région vertébrale et des parties supérieures des membres. Vers la troi- 
sième heure, la respiration devint précipitée et haletante, les battements 
du cœur accélérés et tumullueux, en même temps qu’apparaissaient des 
phénomènes d’excitation générale. 

L'animal abandonné dans le laboratoire s’élançait de côté et d'autre 
sans arriver à se guider, se jetant contre les chaises ou contre les murs. 
À ces périodes d’excitation générale succédaient des phases d’accalmie 
durant lesquelles une salivation abondante se produisait. Dès la septième 
heure, tous les symptômes alarmants s’atténuèrent, et, le lendemain, 
l'animal était revenu à la santé. 

Chez le second, il n’y eut que de la raideur générale qui disparut après 
quelques jours. 


EFFETS DE LA THYROIDECTOMIE CHEZ NOS ANIMAUX DOMESTIQUES 213 


Si donc je m'en étais tenu à celte première série d'expériences, j'aurais 
pu dire, contrairement à M. Gley, que la thyroïdectomie complète ne 
doit que très exceptionnellement provoquer la mort chez le lapin. 

Les résultats étaient tellement contradictoires que J'en cherchai l’expli- 
cation à plusieurs reprises. Dans celte première série, je n'avais opéré 
que des animaux adultes de dix mois au moins; quelques-uns même 
étaient beaucoup plus âgés. Je me demandai si la question d'âge n'était 
pas pour quelque chose dans ces résultats, et j'entrepris aussitôt une 
nouvelle série de recherches sur des sujets de trois et quatre mois. Sur 
sept opérés, deux moururent, l’un après avoir présenté des symptômes 
de tétanie générale parfaitement caractérisés, l’autre pendant la nuit 
sans qu'il füt possible de l'observer. Les accidents débutèrent dès la 
douzième ou la treizième heure, et les deux sujets succombèrent entre la 
quinzième et la vingt-cinquième heure qui suivirent l'opération. Les 
autopsies, faites avec le plus grand soin, n'ont pas montré de congestion 
cérébrale. 

Il semble résulter de ces faits que si l’on opère sur des adultes et sur 
des jeunes, les résultats peuvent différer et donner lieu à des interpréta- 
tions absolument erronées. 

Dans tous les cas, et en admettant qu'il y ait parfois des accidents à la 
suite de la thyroïdectomie complète chez le lapin, en dehors de toute 
complication opératoire, je crois que ces accidents sont beaucoup moins 
fréquents que ne l’a indiqué M. Gley. 

L'importance presque capitale que l’on pouvait attribuer à la présence 
de glandes accessoires, perdait donc beaucoup de sa valeur pour le point 
de vue auquel je m'étais placé, puisque, d’après les faits que je viens 
d'exposer, la fonction de suppléance attribuée à ces glandes accessoires 
né parait pas prouvée. Rien ne m'empêche dès lors d'attribuer une cer- 
taine valeur aux résultats très anciens que j'ai en ma possession; mais 
avant d'entrer dans quelques détails à ce sujet, je tiens à dire que durant 
cinq années J'ai disséqué pour ma part, au service d'anatomie d’Alfort, 
un assez grand nombre d'animaux domestiques (chevaux, bœufs, mou- 
tons, chiens et porcs), sans rencontrer les homologues des glandules ac- 
cessoires du lapin. 

Je n'ai pas toujours, il est vrai, mis en évidence la disposition classique 
des corps thyroïdes; il m'est bien arrivé de trouver un, deux ou trois 
petits nodules thyroïdiens accessoires de forme indéterminée et détachés 
du corps principal, mais je les ai toujours vus au voisinage immédiat de 
l'organe essentiel. Souvent même, ils lui étaient rattachés par des tractus 
fibreux ou des traînées conjonctives. 

Dans ces cas, je pense qu'il s’agit d’un simple accident d'évolution, et 
non de l'existence de glandes accessoires ; aussi je me permets une fois de 
plus de faire de sérieuses réserves au sujet de l'importance fonctionnelle 
des parathyroïdes chez les animaux domestiques. 


97% MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Les résullats que j'ai obtenus sont les suivants : 


Solipèdes. — Dans le courant de l'hiver 1890, j'ai pratiqué, sur des 
chevaux quel’on devait sacrifier pour les dissections, quelques extirpations 
thyroïdiennes, sans jamais observer le moindre trouble fonctionnel. Mal- 
heureusement, je ne pouvais conserver mes sujets plus de deux ou trois 
jours, et si J'avais voulu en tirer une conclusion, on aurait pu m'objecter 
que la durée des expériences n'avait pas été suffisante pour être démons- 
trative. J'ai donc dû combler cette lacune. 

Le 28 mai 1890, sur un âne âgé de sept à huit ans, je procédai à l’en- 
lèvement du corps thyroïde droit. L’opération, très simple en elle-même, 
ne provoqua aucun trouble réactionnel; la plaie se cicatrisa très régu- 
lièrement, et le 14 juin je pratiquai l’ablation du thyroïde gauche. L’opéré 
fut conservé tout le mois de juillet, tout le mois d'août et sacrifié à cette 
époque, sans qu'il ait été possible d'observer des troubles pouvant se 
rattacher à la suppression d’une fonction quelconque. C'était démons- 
tratif et, si l’on n'avait parlé de glandules accessoires, je crois que je 
n'aurais pas renouvelé l'expérience dans ces derniers temps. 

Pour me mettre à l'abri de tout reproche, ï’ai le 3 avril 1892, sur une 
pouliche d'un an, enlevé successivement les deux corps thyroïdes, selon 
les règles de la chirurgie, afin d’éviter toute complication de suppuration 
ou autre. Le 4, dans la soirée, on perçoit des troubles vaso-moteurs qui 
se manifestent du côté de la peau, par une poussée de sueur d'une durée de 
plusieurs heures. La peau est mouillée et les poils imbibés comme si 
l'animal avait été soumis à une longue et pénible course. 

Le 5, tout est rentré dans l’état normal. 

La bête est sacrifiée Le 8 juin, c’est-à-dire plus de deux mois après. A 
l’autopsie, je vérifie que l’extirpation étail totale, et qu'il n'y avait pas 
de glandules accessoires. Aucune lésion n’est constatée. 

En présence de ces faits, je pense être autorisé à dire que, chez les 
solipèdes, l’exlirpation des glandes thyroïdes reste sans effets immédiats, 
à moins que l'on ne veuille considérer comme tels les troubles vaso-mo- 
teurs quise sont produits du côté de la peau, chez la pouliche, le lende- 
main de l'opération. 

Je n’ai pas pu trouver l'explication de ce phénomène, mais, en admet- 
tant qu'il fût la conséquence de l'opération, j'estime qu'il n'y a pas lieu 
d'y attacher une très grande importance, puisqu'il n'a été que passager 
et ne s’est pas reproduit durant toute une période de deux mois. 

Tout semble indiquer, d’autre part, qu'il ne doit pas y avoir davantage 
de troubles chroniques, la période d'observation de deux mois paraissant 
suffisamment démonstralive. 


Ruminants. — Le 10 mai 1890, un bélier vigoureux, de trois ans environ, 
subit le même jour l'extirpation des deux thyroïdes. La cicatrisation de 


A 


EFFETS DE LA THYROIDECTOMIE CHEZ NOS ANIMAUX DOMESTIQUES 275 


la plaie est obtenue par première intention; la respiration, la tempéra- 
ture et les pulsations restent normales tous les jours suivants, et l'animal 
conserve toule sa vigueur. Il est sacrifié en septembre, sans qu'il ait été 
possible de remarquer quelque chose d'anormal. 

Le 20 mai 1892, je soumets aux mêmes manœuvres une chèvre âgée 
de six ans. Elle est conservée depuis cette époque et n’a jamais rien pré- 
senté d'anormal. 

Comme pour les solipèdes, et conformément aux opinions de Sanqui- 
rico et Orecchia, je puis donc admettre que l’ablation des corps thyroïdes 
reste sans conséquences funestes, — pour les ruminants adultes tout au 
moins. 


Porcins. — Selon certains auteurs, et Münk en particulier, la thyroïdec- 
lomie reste sans effets chez le porc. 

J'ai aussi vérifié cette assertion en pratiquant l’ablation complète de ce 
corps thyroïde chez un verrat adulte d'au moins trois ans. L'opération fut 
faite le 5 août 1891. Tout resta dans l’ordre normal, et l'animal fut sacrifié 
dans les derniers jours du mois suivant (septembre 1891). 

L'ensemble de ces faits concorde assez bien avec les résultats obtenus 
jusqu'ici et consignés par différents auteurs dans les publications françaises 
ou étrangères; aussi serait-on tenté d'admettre, sans plus ample informé, 
les conclusions générales de Sanquirico et Orecchia, acceptées par Lan- 
gendorff et Ewald, conclusions qui sont les suivantes : 

« L’extirpation des glandes thyroïdesest inoffensive pour les herbivores, 
tandis que de l'avis de tous les expérimentateurs (et je suis du nombre), 
elle est généralement mortelle pour les carnivores. » 

C’est en effet ce qui semble se dégager neltement aussi de mes expé- 
riences personnelles; mais avec cette réserve toutefois que ces faits ne 
s'appliquent guère qu'à des animaux adultes. 

Les auteurs précités vont d’ailleurs beaucoup trop loin, lorsqu'ils 
admeltent sans preuves à l'appui que les différences si caractéristiques 
qui se présentent chez les carnivores et les herbivores thyroïdectomisés 
doivent être sous la dépendance du régime. 

Les effets de la thyroïdectomie sont-ils sous la dépendance du régime? 

Qu'il me soit permis de répondre par la négative. 

Une première expérience, commencée dans un but absolument différent, 
en fournira la preuve : c’est celle pratiquée sur le verrat le 3 août 1891. 
A celte époque, je poursuivais quelques essais relatifs à l'influence du 
régime sur les ferments salivaires et, dans ce but, j'avais soumis le verrat 
en question à l'alimentation exclusive de la viande pendant plusieurs 
mois. 

La thyroïdectomie n'ayant donné naissance à aucun trouble, même 
sous l'influence de cette alimentation, il est permis d'en conclure que 
le régime n’est pour rien dans les suites de l'opération. 


Brococre. Mémoires. — 96 SÉRIE, T. IV. 2] 


4 


MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


(RS) 
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Plus récemment, d’ailleurs, et cette fois dans le seul but de contrôler 
les prétendues influences du régime, j'ai thyroïdectomisé (13 mai 1892) 
un porcelel de quinze jours encore à la mamelle, lequel n’a été sevré que 
trois semaines ou un mois plus tard. Pendant tout le temps de l’allaite- 
ment, c'est-à-dire du 13 mai au 10 juin, le régime peut être comparé à 
celui d’un carnassier, et cependant il n’y eüt pas le moindre trouble fonc- 
tionnel durant cette période. 

Au moment du sevrage, le porcelet thyroïdectomisé se trouvait en aussi 
bon état que les autres sujets de la même portée, et rien, à première vue, 
ne permettait de le différencier. 

C'est à dater du sevrage que cette dernière expérience devient surtout 
intéressante, car elle m'a permis d'observer, pour la première fois je crois, 
chez les animaux domestiques, l’évolution du myxœdème expérimental. 
Naturellement, cette expérience ne perd rien de sa valeur quant à l’inter- 
prétation que j'en ai donnée pour la période d’allaitement. 

Le jour du sevrage fut comme le terme du développement organique 
de l’animal, et dans la suite, bien qu'il n’y ait eu aucun accident aigu, 
l'accroissement ne se produisit plus. 

Comparé aux autres sujets, ce porcelet resta chélif, malingre et souf- 
releux. La peau se montra rude au toucher; les soies devinrent longues, 
raides et grossières; la voix se transforma, semblant comme avortée, 
presque plaintive. 

L’appétit paraissait néanmoins conservé. Vers le 28 juin, on s'aperçut 
que le corps de l’animal s’épaississait notablement, bien qu'il n’y eût pas 
d’accroissement sensible en hauteur, et ie contraste était d’autant plus 
frappant que les autres sujets étaient hauts et minces. C'était l'apparition 
du myxædème, qui s’accentua ensuite rapidement jusqu’au 17 juillet, 
jour de la mort du malade. Je ne m'attarderai pas à la description des 
lésions relevées à l’autopsie; ce sont toutes celles déjà connues pour l’es- 
pève humaine (œdème de la région de la nuque, du cou, du dos et des 
lombes, ainsi que des membres jusqu'aux gencux et aux jarrets; chose 
curieuse, l'extrémité inférieure des membres était absolument intacte). 

C'est là une expérience sur laquelle je n'insiste pas, que je me propose 
de reproduire et qui peut-être pourra aider puissamment à la solution du 
difficile problème de la physiologie thyroïdienne. 

Sans vouloir aujourd'hui chercher à trancher la question en quoi que 
ce soit, et à part les réserves faites dans le cours de cet exposé, je ferai 
remarquer que si l’on synthétise les expériences ci-dessus, il semble en 
résuller que la physiologie des glandes thyroïdes a une importance plus 
grande pendant le jeune âge qu’à l’état adulte. 


ACCUMULATION 


DE 


© SINATEN PHXSIQUES CHEL UX DÉBILI 


BRACHYCÉPHALIE, PLAGIOCÉPHALIE, 
ACROCÉPHALIE, ASYMÉTRIE FACIALE, ATRÉSIE BUCCALE, 
SYNDACTYLIE DES QUATRE EXTRÉMITÉS, 


PAR MM. 


MAGNAN et GALIPPE,. 


(Mémoire présenté à la Société de Biologie, dans la séance du 30 juillet 1892.) 


Le sujet que nous présentons, M. Galippe et moi, à la Société appartient 
au groupe des héréditaires dégénérés. C’est un débile qui accumule dans 
des proportions tout à fait exceptionnelles les stigmates physiques les 
plus accusés; chez lui, en effet, les déviations nutritives portent sur les 
quatre extrémités, sur le crâne, la face et notamment sur l'appareil den- 
taire, qui est le siège de profondes modifications. 

Il s’agit d'un garçon de trente-cinq ans, C.. (Pierre), dont toute la 
lignée maternelle a présenté soit de l’alcoolisme, soit des accidents ner- 
veux ou cérébraux. Quant à lui, de deux à dix ans, il a eu de fréquentes 
céphalalgies très douloureuses, revenant par accès paroxystiques, lui 
arrachant des cris et s’accompagnant de vomissements; toutefois, il n’a 
jamais eu de perte de connaissance. Ces phénomènes étaient certaine- 
ment la traduclion extérieure d’un travail phlegmasique de la base du 
crâne, ayant amené des synostoses prémalurées, lesquelles ont eu pour 
conséquence de réduire le diamètre antéro-postérieur, et de provoquer 
des voussures compensatrices dans le bregma et dans la région fronto- 
pariétale droite; du même coup, les cavités orbitaires, rétrécies en arrière, 
ont eu de la peine à loger les globes oculaires. 

Entré à Bicêtre à sept ans, ila été à treize ans, transféré dans la Lozère, 
à l’asile de Saint-Albans, lorsqu’au moment de la guerre de 4870, on a dû 
évacuer l'hospice. Il a passé dix-neuf ans à Saint-Albans, où on lui a 


9278 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


di 


donné les occupations que comportait son intelligence débile; il a d’abord 
gardé les moutons, puis il a été chargé d’un travail intérieur, à la cuisine 
et au réfectoire, dont il s’acquittait convenablement. Il a appris avec 
beaucoup de difficulté, à lireetil est parvenu, malgré la défectuosilé de 
sa main, à tenir une plume et à écrire. Il a un caractère doux, bienveil- 
lant, ne se met jamais en colère; il a peu d'appétits sexuels, mais il se 
livre, parfois, à l’onanisme. Il s’est toujours montré docile, laborieux, 
faisant tous ses efforts pour se rendre utile. Il avait peu de désirs, se con- 
tentait de ce qu’on voulait bien lui accorder et ne manileslail jamais ni 
beaucoup de satisfaction ni beaucoup de peine. Toutefois en 4889, il prête 
une attention particulière à la lecture des journaux et ne perd aucun dé- 
tail concernant l'Exposition; tout ce qu’il entend dire, tout ce qu'il lit, le 
captive et il projette de venir à Paris pour voir, dit-il, la tour Eiffel et 
embrasser sa mère. Avec assez de ruse, il prépare son départ, et un 
dimanche malin, pendant que le personnel est à la messe, il sort de 
l'asile; pour ne pas être arrêté, il se rend à pied à une station de chemin 
de fer éloignée de l'établissement; avec son pécule qu'il mettait depuis 
longtemps de côté, il prend un billet pour Paris où il arrive le lendemain 
à quatre heures du matin. 11 se rend chez sa mère, il frappe, mais celle- 
ci qui ne l'avait pas vu depuis 1870 et qui n’était pas prévenue de son 
retour, le prend, à celte heure matinale, pour un malfaiteur et refuse 
d'ouvrir; toutefois, elle se ravise, elle entre-bâille la porte et lui dit : 
« Montrez la main »; devant la main caractéristique, tout doute disparait, 
et la mère se jette au cou de son fils. 

Quelque temps après, les ressources de la maison étant épuisées, Pierre, 
incapable de pourvoir à ses besoins, est placé à l'asile Sainte-Anne. 

Le malade est à la fois brachycéphale, plagiocéphale et acrocéphale. 
Le crâne a la forme &G’une boule irrégulière asymétrique; il est aplati 
d'avant en arrière et déjeté de gauche à droite; la bosse frontale gauche 
est effacée, la droite plus étendue, plus saillante, donne au front, de ce 
côté, un développement plus considérable dans tous les sens, l’implan- 
talion des cheveux est plus élevée qu’à gauche, le sourcil au contraire est 
un peu abaissé, le front se trouve ainsi limité par deux lignes légèrement 
obliques dirigées de droite à gauche, l'inférieure de bas en haut, la supé- 
rieure de haut en bas. Le front, très étendu transversalement, offre une 
dépression horizontale au-dessus de laquelle sur la ligne médiane on sent 
une petite saillie, une sorte de crête frontale externe analogue à la crête 
occipitale externe qui est très accusée chez le malade. L’apophyse mas- 
toïde gauche est saillante en arrière et en dehors, la droite est plus petite 
et fait une saillie beaucoup moindre; le bregma s'élève donnant un certain 
degré d’acrocéphalie. Ces voussures de compensation du sinciput, de la 
région fronto-pariétale droite (fig. I, m) sont la conséquence de la suture 
prématurée des articulations sphéno et fronto-pariétale gauche et aussi 
du cartilage sphéno-basilaire qui a mis obstacle au développement régu- 


ACCUMULATION DE STIGMATES PHYSIQUES CHEZ UN DÉBILE 


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280 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


lier du diamètre antéro-postérieur et a provoqué la brachycéphalie. Le 
diamètre occipito-frontal mesure 15 centimètres 5, le diamètre bi-tem- 
poral 15 centimètres, la circonférence 52 centimètres. Les cheveux, châ- 
tains foncés, ne présentent rien d'anormal. La face, asymétrique, est apla- 
tie, les joues sont rentrées, creusées profondément. Cet aspect est dû à 
l’atrophie des os malaires et au défaut de développement de la partie 
supérieure des maxillaires supérieurs. Le nez, gros, épais, fortement 
déjeté à gauche, n'offre pas de sinuosités au niveau des narines qui, très 
petites, n’occupent que la moitié postérieure de la face inférieure. La 
fosse nasale droite est libre et laisse facilement pénétrer une sonde de 
6 millimètres de diamètre jusqu’à l'œsophage; la fosse nasale gauche 
est obstruée en partie par la cloison qui dépassant l'axe du nez, est forte- 
ment déviée de ce côté; le bec de la sonde se trouve arrêté après un trajet 
de 3 centimèlres environ; toutefois, cette fosse nasale n’est pas obstrute 
et livre facilement passage à l’air inspiré ou expiré. Le sillon labio-nasal 
gauche, très accentué, est presque vertical, le droit est oblique en bas et 
en dehors; à gauche, l'arcade sourcilière est très déprimée dans sa moitié 
externe où la partie correspondante du soureil s’abaisse pour se placer 
au-dessous. Les yeux sont écartés et les fentes palpébrales sont dirigées 
très obliquement en bas et en dehors. Les yeux fermés, les fentes palpé- 
brales prolongées se rencontreraient sous un angle de 120 degrés environ. 
Les globes oculaires, que les cavités orbitaires moins profondes ne peuvent 
pas contenir, font saillie au dehors, ils sont comme pédiculés, laissent 
voir, surtout en bas, non seulement le fond irien, mais encore la scléro- 
tique. Cette saillie des globes oculaires est telle qu'elle dépasse de 1 cen- 
timètre environ le plan prolongé du front. Les paupières supérieures 
sont presque horizontales, très allongées; les cils assez longs à la paupière 
supérieure sont rares à la partie interne des deux paupières. 

La lèvre supérieure dirigée en avant, est recouverte d’une moustache 
abondante à poils raides. La lèvre inférieure est allongée en haut en avant 
et à droite; les sinuosités de la bouche sont mal dessinées; l’angle gauche 
reste légèrement entr'ouvert et est situé plus bas que l’angle droit. La 
muqueuse de la lèvre inférieure est à peine visible. Le menton est lége- 
rement dévié à droite. La mâchoire inférieure est plus étroite, les bran- 
ches du maxillaire sont rapprochées; l'angle droit est plus petit, moins 
saillant que le gauche; cette disposition rétrécit notablement le bas de la 
face. L'oreille gauche est implantée plus bas que la droite, l'ourlet est 
interrompu par places, quelques plis du pavillon de l'oreille gauche sont 
effacés, les lobules courts et épais sont adhérents. 

Quand oninvite le malade à ouvrir la bouche, on croit voir tout d’abord 
la voûte palatine parsemée de dents et divisée en arrière, et plus profon- 
dément la paroi postérieure du pharynx. À un examen plus allentif, on 
s'aperçoit que l’on a sous les yeux un faux plancher, une sorte de sou- 
pente sous-jacente à la voûte palaline; d’autre part, la paroi postérieure 


, 


ACCUMULATION DE STIGMATES PILYSIQUES CHEZ UN DÉBILE 251 


n’est autre que le voile du palais très étendu dont le bord inférieur ter- 
miné par une luette bifide atteint la base même de la langue; si bien que 
ces parties forment une sorte de cavité buccale artificielle incluse dans la 
cavité bucco-pharyngienne normale constituée en haut par la voûte pala- 
tine cachée par la soupente et en arrière par la paroi du pharynx que 
cache complètement le voile du palais. 

Dans les atrésies des maxillaires, à tous les degrés que nous avons 


5 Fig. VI. 

1. Deuxième petite molaire supérieure droite. — 2. Incisive latérale supérieure 
droite. — 3. Première petite molaire supérieure droite. —: 4, Canine supérieure 
droite. — 5. Incisive centrale supérieure gauche. — 6. Incisive centrale supérieure 
gauche. — 7. Incisive latérale supérieure droite. — 8. Première petite molaire 
supérieure gauche. — 9. Deuxième petite molaire supérieure ganche. — C. Entrée 


de la cavité formée entre les rebords alvéolaires et la voûte palatine. 


l'habitude d'observer, nous constatons que les arcades supérieures s’inflé- 
chissent l’une vers l’autre, le plus souvent au niveau des prémolaires et 
que la voûte palatine comprimée latéralement, s'enfonce plus ou moins 
profondément en prenant une forme ogivale ou angulaire plus ou moins 
prononcée. Dans les cas les plus accusés rapportés et figurés par les 
auteurs, les arcades maxillaires peuvent se rapprocher plus ou moins. La 
voûte palatine se creuse à un degré de profondeur variable et plus ou 
moins irrégulièrement, mais jusqu'ici, on n’avait pas constaté la soudure 
du rebord alvéolaire exclusivement, la voûte palatine elle-même étant res- 
pectée. C'est la particularité que présente notre sujet. Chez lui, l’atrésie 
occupe la partie antérieure des maxillaires supérieurs, mais elle s’accom- 
pagne d’une hypertrophie du rebord alvéolaire portant également sur la 


232 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


muqueuse gingivale. Il y a une suture des deux bords alvéolaires droit et 
gauche ; cetle suture s’est faite sur un plan horizontal, de telle sorte que 
les dents ont fait leur éruption dans une direction normale et qu’elles ne 
sont que très légèrement obliques par rapport à leur base d'implantation. 

Cette suture des bords alvéolaires, comme nous le disions plus haut, ne 
s'est point étendue jusqu’à la voûte palatine et l’on voit qu’au niveau des 
secondes grosses molaires, il y a au-dessus des rebords alvéolaires ainsi 
suturés, une sorte de chambre séparant ceux-ci de la voûte palatine pro- 
prement dite et allant presque jusqu’au niveau des incisives centrales 


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Fig. VII 


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C. Cavité séparant les bords alvéolaire soudés et allant en diminuant”de dia- 
mètre, jusqu'au niveau des incisives centrales supérieures. 

Les nos 1, 2, 3, 4, 5, correspondent aux dents du maxillaire supérieur droit 
(Voir fig. 6). 


supérieures. La région d'implantation des dents forme l’étage inférieur, 
la voûte palatine l’étage supérieur et, entre ces deux étages existe un 
espace libre, allant progressivement en diminuant en largeur et se termi- 
nant en pointe. 

Si, par la pensée, on supnrimait la surface d'union des rebords alvéo- 
laires et qu’on ne laissât entre eux qu'un millimètre d’écartement, on 
aurait alors sous les yeux un cas d’atrésie, dont le maximum serait au 
niveau des incisives centrales et qui irait en diminuant jusqu'aux secondes 
grosses molaires. En effet, par l'introduction du doigt au-dessous de la 
voûle constituée par le rebord alvéolaire, on sent nettement que celle-ci 
va en diminuant rapidement de largeur d’arrière en avant, à partir des 
secondes grosses molaires; de son côté la voûte palatine reprend à ce 
niveau ses dimensions normales et dépasse d'un demi-centimètre environ, 
en arrière, le point où se termine la soudure des rebords alvéolaires. 

En acceptant celle interprétaiion des anomalies présentées par ce 


ACCUMULATION DE STIGMATES PHYSIQUES CHEZ UN DÉBILE 9283 


malade, la position occupée par les dents s'explique facilement. Les dents 
ne présentent point d'anomalies de forme, mais seulement une anomalie 


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du nombre, ainsi que des anomalies de position. Ces anomalies sont telles, 
bien qu’à un degré beaucoup plus accusé, qu'on a l'habitude de les obser- 


MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


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ver, dans la pratique courante et portant soit sur des dents symétriques, 
soit plus fréquemment sur le maxillaire gauche, chez les sujets présentant 


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de l’atrésie des deux maxillaires, souvent plus accusée sur l’un d'eux. 
Dans le cas que nous avons sous les yeux, les anomalies sont plus accu- 


ACCUMULATION DE STIGMATES PHYSIQUES CHEZ UN DÉBILE 285 


sées à gauche qu’à droite. En effet, nous voyons que l’incisive latérale 
supérieure gauche, bien qu'ayant subi une rotation sur son axe, s'est 
néanmoins logée entre l'incisive centrale et la première pelite molaire, 
cela tient à ce que de ce côté, la canine n’a point fait encore éruption. Du 
côté droit au contraire, la canine a pris la place de l’incisive latérale; 
celle-ci a évolué sur la limite du point de soudure des deux bords alvéo- 
laires. Du côté gauche, nous n'avons qu'une seule dent qui ait évolué vers 
le bord interne de l’arcade alvéolaire, en avant de la première grosse 
molaire, c’est la seconde petite molaire. Du côté droit, au contraire, nous 
avons l’incisive latérale et la deuxième petite molaire; cela lient, comme 
nous l'avons dit plus haut, à l'absence de la canine supérieure gauche, 
absence ayant créé une place dont l’incisive latérale a bénéficié. Les deux 
incisives centraies se regardent par leur face linguale; l’incisive gauche a 
fait une rotation sur son axe de 90 degrés; la rotation de l’incisive droite 
est un peu moins considérable. Cette observation vient à l’appui de l’opi- 
nion soutenue par l’un de nous que chez les droitiers, les anomalies den- 
taires sont plus prononcées et plus nombreuses à gauche qu’à droite. La 
réciproque est vraie pour les gauchers. Du côté gauche, les grosses 
molaires sont intactes; elles vont en série décroissante. La muqueuse 
buccale est saine; la mastication s'opère d’une facon relativement très 
normale et tout au moins le malade n’éprouve aucune gêne. Nous n'avons 
aucun renseignement sur l’évolution de la dentition temporaire de ce 
malade, non plus que sur l'époque de l'apparition des dents permanentes. 

Les membres supérieurs mesurent 62 centimètres, ils ne peuvent pas” 
être entièrement élendus ; les mouvements du bras sur l'épaule sont limi- 
tés pour l'élévation ; le malade est forcé de se pencher fortement de côté 
pour mettre son bras dans la position verticale : les autres mouvements 
sont normaux. Le bord externe du membre, au lieu d’être sensiblement 
rectiligne forme un angle rentrant au niveau de l'articulation du coude, 
disposition analogue à celle des jambes cagneuses, le coude est en dedans, 
la main est écartée en dehors ; la supination est incomplète et la face 
antérieure ne peut pas être portée entièrement en avant, l'extension de 
l’avant-bras sur le bras est également incomplète et l’avant-bras reste 
légèrement fléchi. 

Les deux mains offrent le même vice de conformation ; sur les deux, 
les doigts sont entièrement réunis (syndactylie), sauf la dernière phalange 
du petit doigt restée indépendante (fig. I, et IL, a). Dans son ensemble, la 
main a la forme d’une cuillère un peu profonde (fig. IT). 

Sur la main droite, les 3 premiers métacarpiens sont apparents, le 4° et 
le 5° paraissent soudés en arrière, mais en avant les deux têtes se distin- 
guent neltement. Le métacarpien du pouce s'articule en avant avec 
la 1° phalange qui suit une direction rectiligne mais la 22° phalange 
(fig. Iet Il, D), luxée sur le bord externe s’incurve en avant pour s’appli- 
quer au bord externe de l'indicateur qui est fléchi et légèrement incliné 


286 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


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en dedans, un ongle de dimension à peu près normale recouvre la 2 pha- 
lange du pouce. Le 2 mélacarpien s'articule avec la 1" phalange 
(fig. Tet IT c), qui suit la direction rectiligne, la 2° phalange est fléchie à 
angle droit et appliquée sur le pouce, la 3° phalange suit la direction de 
la 2 sans ligne de démarcation tranchée, cette dernière distincte de la 
2 phalange du pouce est juxtaposée à celle du médius, les deux ongles de 


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ces deux doigts sont unis par leur bord et semblent ne former qu'un seul 
ongle à forme angulaire recouvrant par chaque côté de cet angle l'extré- 
mité de la phalangette correspondante (fig. [, d). La 1° phalange du 
3° doigt est très allongée oblique en bas et en dehors (fig. [ et I, }), 
la % et la 3° phalanges sont incurvées en dedans et se juxtaposent aux 
deux dernières phalanges du % doigt ; pour le 4° doigt, on distingue bien 
la 1° phalange, mais la 2% et la 3° sont atrophiées dirigées en dedans 


ACCUMULATION DE STIGMATES PHYSIQUES CUEZ UN DÉBILE 287 


(fig. LetIl, g), à côté des phalanges du médius, l'extrémité n’a qu'un 
ongle rudimentaire. Le pelit doigt a sa 1" phalange recliligne la 2° et 
la 3° assez larges paraissent soudées (fig. I et II, a); l’ongle est large 
comme la phalangette. Ce doigt est très mobile et quoique adhérent se 
prête aux usages les plus variés ; le malade peut même écrire, il retient 
d’une façon assez adroite le porte-plume entre l'angle formé par la 1"° 
et la 2° phalanges du pouce et le bord interne de la 3° phalange du pelit 
doigt. - 

Sur la main gauche (fig. IV), les cinq métacarpiens sont sentis facile- 
ment sous la peau, mais les doigts réunis ont une disposition analogue à 
celle du côté droit ; toutefois, ils sont un peu moins ramassés et le creux 
de la main est moins profond. La 2° phalange du pouce est, comme de 
l’autre côté luxée, sur le bord externe et incurvée en avant {lig LV, b), 
elle a un ongle distinct; les trois autres doigts ont les ongles soudés, mais 
la lame cornée qu’elle forme recouvre les phalangettes (fig. IV, 2). Le 
petit doigt a un ongle indépendant. 

Les membres inférieurs mesurent 0®,97 cent. ; il n’y a rien de parlicu- 
lier du côté de la hanche. Les cuisses et les jambes sont bien conformées. 
Les orteils sont réunis, et la syndactylie est beaucoup pius complète que 
sur la main. Au pied qui se termine comme un coin très aplati dans sa 
moitié antérieure, on ne distingue nettement que la forme du gros orteil 
qui possède un ongle séparé (fig. I et V, à), le reste fait l'impression d'un 
pied amputé de ses quatre orteils et dont la cicatrice serait représentée 
par une cornée qui est comme incisée par places (fig. V et VI, 7). A part 
les orteils, la conformation du pied est régulière. 

Le pied gauche ressemble à peu de chose près au pied droit. 

L'exploration des organes des sens n’a rien révélé d’anormal pour la 
vue, l’ouïe et le goût ; quant à l’odorat, il est resté insensible aux agents 
organoleptiques habituellement employés (cainphre, acide acétique, eau 
de menthe, essence de citron, elc.). 


ALTÉRATIONS 


DES CAPILLAIRES ET DU FOIE 


DANS LES FIÈVRES PERNICIEUSES 


PAR 


le D' G. NEPVEU 


PROFESSEUR À L'ÉCOLE DE MÉDECINE DE MARSEILLE. 


(Mémoire présenté à la Société de Biologie, dans la séance da 15 octobre.) 


Il m’a été possible de recueillir des pièces sur des cas de fièvre perni- 
cieuse une heure à peine après la mort. Après fixation des éléments 
dans la solution acéto-chromosmique, après durcissement dans l’alcool 
à degrés progressivement croissant, je colorai mes coupes dans une solu- 
tion aqueuse faible acéto-formique phénolée de fuchsine; en les y laissant 
pendant vingt-quatre heures et je montai dans le baume de Canada. 

Les résultats obtenus dans ces condilions m'ont paru dignes de quelque 
intérêt. J’ai surtout dirigé ces recherches sur deux points, les capil- 
laires et le foie. 

Les capillaires dans le poumon (v. fig. 3) étaient tellement, bondés 
de globules rouges que dans certaines coupes, non seulement ils se trou- 
vaient tous injectés, comme forcés par la matière sanguine, mais que par 
place ils présentaient de véritables saillies latérales, des boursouflures 
pour ainsi dire ou mieux des dilatations anévrysmoïdes. 

Cette congestion intense, favorisée encore par la masse énorme de 
pigment qui çà et là s'arrête dans les coudures et les traverses qui unissent 
leur mailles, dénote les difficultés colossales des échanges gazeux chez 
certains paludiques; de telles lésions doivent amener une baisse rapide 
de la température. Dans l'intestin, les mailles des capillaires bondés de 
pigment sont partout visibles comme s'ils avaient été injectés, notam- 
ment dans les villosités. 

Je rappellerai à cette occasion que j'ai signalé la présence de parasites 
dans les villosités elles-mêmes. Ceux que j'ai vus avaient le volume et 
l’aspect de microcoques de moyenne grosseur et étaient parfois isolés, 


BioLoGie. MÉMOIRES. — 9e s£rre, mr. IV. 22 


290 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


parfois réunis en masses dans de grandes cellules nucléées qui offraient 
ainsi l'aspect de certains amibes. Elles étaient, placées les unes dans les 
chyliféres, les autres dans le tissu conjonctif lâche ambiant (v. fig. 4). 

Les fins capillaires de la pie-mére ont élé étudiés depuis longtemps. 
Laveran,yÿ, a signalé, ainsi que Kiener,«la masse:énorme de pigment qui! 
s'y trouve ; comme eux, Marchiofavo et Celli (voir Archives italiennes de 
biologie, t. IV, fase. IT, 1888) y ont démontré la prolifération énorme 
des organismes malarieng libres où à Lintérieurides globules rouges dans 
tous les cas de fièvre pernicieuse comateuse il est facile de vérifier ces 
observations. 

L'épiploon est très curieux à étudier. En dehors des capillaires, on 
reconnaît des amas de pigment sanguin qui avait fillré un peu partout 
et avait formé de petites masses de coloration variée: rouge noire, traces 
de la diffusion bien nette des principes colorants du sang. 

Les mailles des capillaires sont partout parfaitement visibles. Ils sont 
bondés, présentent parfois deux à trois rangs de globules rouges pressés 
les uns contre les autres, on n’y voit pas les dilatations anévrysmoïdes 
que nous avons remarquées dans le poumon; le pigment y est tellement 
abondant, sous forme de fines granulations cocciformes, que chaque glo- 
bule se trouve encadré par 5, 6 et plus de ces granulations pigmentaires 
(v. fig. 5). 

Mais il y a plus, l’épithélium des capillaires est plus volumineux, le 
noyau oblong est plus épais, plus allongé; le corps de la cellule est lui- 
même oceupé par une grande masse de granulations non pigmentées. 
Ces granulations sont le plus souvent périnucléaires et parfois situées aux 
extrémités du noyau, polaires. Ces granulations se colorent légèrement 
dans la solution aqueuse acéto-formique phénolée de fuchsine ; elles ne 
réduisent pas l'acide osmique ne se rapprochent pas des matières hyalines 
ou amyloïdes. Elles ont le même aspect que la globuline incolore. Une 
fois devenues libres dans l’intérieur des vaisseaux, elles s'imprègnent 
ensuite de pigment et leur aspect est celui de microcoques de volume 
moyen. 

A quoi avons-nous à faire? Est-ce à une dégénérescence de l’épithélium 
vasculaire, à une véritable capillite d’origine hématogène ? 

Est-ce à une destruction globulaire dont les fines particules pénètrent 
dans les épithéliums des capillaires ? 

Est-ce à une production de spores dans l’intérieur des épithéliums des 
capillaires, ou ces longs noyaux ne seraient-ils que les parasites eux- 
mêmes entourés de leurs spores? (Voyez fig. 5 et 6.) Cette dernière 
interprétation n’est guère possible (fig. 6) et je crois, pour ma part, à un 
développement des spores dans l'épithélium des capillaires eux-mêmes. 
Ainsi s'expliquent les figures que Celli attribue {outes au développement 
des plasmodiums dans l'intérieur des capillaires cérébraux dans la fièvre 
comateuse; l’épithélium des capillaires est-pénétré par les spores, et les 


SAS ALES 


FIÈVRES PERNICIEUSES 291 


fibres musculaires lisses des plus petits capillaires, présentent aussi 
quelques altérations granuleuses. On comprend dès lors comment: peu- 
vent être dénaturées les lois normales de la diffusion dans les tissus, 
lorsque cette altération se trouve généralisée ou très étendue. 

Le foie n'offre pas dans toute son étendue des altérations identiques, 
elles sont disséminées par places, par îlots. Dans certains points, gros 
comme des petits pois et en assez grand nombre, les cellules hépa- 
tiques étaient finalement grauuleuses, leurs limites avaïent entièrement 
disparu, leur noyau étaità peine visible ou même n'existait plus (fig. 4, a). 


Les travées formées par les cellules hépatiques étaient conservées avec 


leur épaisseur normale, mais le plus souvent réduites à une mince bande, 
parfois les noyaux des cellules étaient très nombreux, tous rassemblés 
sur les bords des travées cellulaires le long des capillaires. 

Les canalicules biliaires se reconnaissent à leur surface par la-colora- 
tion rouge brun de leur pigment. Cette altération des cellules hépatiques 
peut s'étendre à deux ou trois acinis et même former comme une masse 
arrondie sphérique, grosse comme un grain de chènevis, un petit pois. 
Dans ces ilots où la congestion vasculaire est si intense, la compression 
cellulaire si forte, les altérations nécrobiotiques des cellules sont très 
marquées. 

Autour de ces îlots il y à une ceinture de tissu plus ou moins large 
dont les lésions vont peu à peu en diminuant jusqu'à l’état normal. 

Les lésions de cette deuxième zone sont multiples : tantôt les cellules 
ont plusieurs noyaux, il y a une véritable multiplication nucléaire. Cette 
multiplication nucléaire se montre dans les travées hépatiques alors 
même que les cellules ne sont plus distinctes, que leurs lignes de sépara- 
tion ont disparu et dans ces cas les noyaux, tous de même volume, se 
rassemblent les uns derrière les autres à la file indienne sur le bord des 
capillaires généralement dilatés, les travées cellulaires sont finement 
granuleuses ; la ressemblance de ces altérations avec celles de la néphrite 
parenchymateuse au début est frappante; peu à peu les lésions dimi- 
nuent d'intensité, les divisions cellulaires reparaissent, les noyaux sont 
moins nombreux, sont à leur place, et les trabécules hépatiques repren- 
nent leur aspect normal. 

Par places aussi on observe dans le foie de jeunes “lues en plus ou 
moins grande quantité sur le bord des acinis et qui ont tout à fait l'aspect 
des cellules des canalicules biliaires. Elles sont souvent de diverse taille 
et montrent d'une façon manifeste leur tendance à se rapprocher de la 
cellule hépatique parfaite, ce sont des foyers de régénération hépatique. 

En dehors de ces diverses altérations, je dois insister sur quelques 
points spéciaux. 

On observe dans les îlots atteints d’hépatite parenchymateuse granu- 
leuse aiguë de gros noyaux; les uns présentent plusieurs points clairs, 
plusieurs gouttes d'aspect colloïde, ovoïdes ou sphériques, hyalines; les 


292 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


autres offrent une pointe comme s'ils allaient éclater. Parfois on trouve 
dans les travées hépatiques à la place que devait occuper le noyau une 
grosse gouttelette incolore, claire, hyaline, sphéroïdale (fig. 2), qui semble 
prête à éclater sous la paroi même du capillaire et dans son intérieur; 
tellement l'épaisseur des parties qui les sépare est mince, tellement la 
paroi capillaire bombe sous l’effort (v. fig. 2). 

La travée cellulaire prise isolément a l'aspect d'un véritable chapelet 
offrant des renflements alternant avec ceux de la travée située en face. 

Aussi la circulation et la tension capillaire doivent être en ces points- 
là très amoindries, sinon détruites; il doit donc se produire, à certains 
points, une véritable rupture du contenu cellulaire dans le capillaire sans 
résistance. 

Dans le tissu hépatique sain, on voit çà et là dans les acinis de gros 
noyaux qui semblent atteindre le tiers en largeur du diamètre de la 
cellule hépatique ; à côté d’eux se trouve un tout petit noyau, qui semble 
lui former comme une pointe et en est distincte. Cependant, on n'a pas 
affaire là à un phénomène de karyokinèse; nulle part, je n’ai observé une 
figure de cette nature. J'ai trouvé à plusieurs reprises dans ces noyaux 
soit de petites vésicules, soit de véritables sporules ovoïdes ou arron- 
dies au nombre de trois, quatre et plus. 11 me semble donc que, comme 
dans la psorospermie du lapin, les spores ainsi formées de gros noyaux se 
trouvent dans les voies biliaires, s’y répandent et suivent leur évolution 
particulière qui tend à les faire pénétrer dans les capillaires sanguins. 

En résumé, l’étude des cellules hépatiques nous démontre l'existence 
d'une hépatite insulaire parenchymateuse très nette, d'un mouvement 
important de réparation pour les cellules détruites et de phénomènes qui 
ne peuvent se rapporter qu'à l’évolution de spores isolées, dans les cel- 
lules hépatiques et spécialement dans les voies biliaires. 

Les capillaires du foie offrent une congestion généralisée très marquée, 
énorme en certains points. Les épithéliums vasculaires sont lrès aug- 
mentés de volume, leur protoplasme est rempli de fines granulations pig- 
mentaires et de spores, ces épithéliums doivent éclater dans le calibre des 
capillaires, y projeter leur contenu, leurs noyaux oblongs et faciliter ainsi 
les diffusions sanguines et pigmentaires, on trouve dans leur cavité une 
masse énorme de cellules pigmentées de grosses cellules, des spores sou- 
vent réunies en masse ou isolés (v. fig. 1, b). 

Le tissu conjonctif du foie est presque toujours parsemé de cellules 
blanches dans les espaces de Kiernan, il est enflammé partout comme 
aussi Le tissu conjonctif acinien (v. fig. 3). À travers les parois des vais- 
seaux capillaires, on peut apercevoir les cellules assez nombreuses du 
tissu conjonctif acinien augmentées de volume et de nombre et même en 
voie de karyokinèse (v. fig. 3). 

A l’inflammation parenchymateuse insulaire du foie s'ajoute donc l'in- 
flammalion interstitielle légère généralisée dans tout l'organe. 


FIÈVRES PERNICIEUSES 203 


Dr > 
e 
CsoscerSS GE 


USE, 


EX 
FIG. 5 


Fra. 6. 


1. — Hépatite parenchymaleuse granuleuse aiguë insulaire. 
a. Altérations des cellules, pas de division cellulaire, pas de noyaux. 
b. Spores cocciformes dans une dilatation du capillaire. 


2. — Corps d'aspect hyalin dans les trabécules hépatiques prêt à éclater 
dans le capillaire. 


3. — Karyokinèse d’une cellule conjonetive. 


4. — Cellule d'aspect amiboïde, remplie de spores, absolument analogues à 
ceux de la figure 1. 


5 et 6. — Epithélium des capillaires envahi par les spores. 


La plupart de ces figures ont été dessinées à la chambre claire d'après le 
Zeiss, Oc., n° 12 et obj. 


294 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


De toute cette étude, il ressort : 

4° Que les capillaires présentent des altérations manifestes : dilatations 
anévrysmoïdes, congestions intenses, altérations des épithéliums et des 
fibres musculaires, envahissement des épithéliums par les granulations 
pigmentaires et les spores; 

2° Que le foie présente une den lésion, l’une d'hépatite DER 
teuse granuleuse aiguë limitée, insulaire, méconnue jusqu'ici; l’autre 
interstitielle légère, étendue à tout l’organe; de plus, l’organe hépatique 
est un point de développement important des parasites du paludisme, 
spécialement dans les capillaires biliaires, les cellules hépatiques et les 
capillaires sanguins. 


EXAMEN 


DE 


SOIXANTE-DIX-HUIT CAS CHOLÉRIQUES 


PAR 


M. J. GIRODE 


(Mémoire lu à la Société de Biologie dans la séance du 15 octobre 1892.) 


La topographie initiale de l'épidémie cholérique actuelle a fait que les 
premiers malades ont été hospitalisés à Beaujon. Je dois à mes maitres de 
-cet hôpital d'avoir pu étudier la plus grande partie des cas cholériques 
qui y ont été admis. 

La première entrée date du 9 avril, et depuis j'ai pu examiner 77 autres 
malades. Sur ce nombre, il y a eu 50 décèset 28 guérisons. La réparlition 
des cas examinés a été la suivante : 6 en avril, # en mai, 9 en juin, 36 en 
juillet, 15 en août, 3 en septembre. Lee premiers cas parisiens sont du 
20 avril et du 3 mai. 

Dès le début, j'ai dirigé particulièrement mon Mate sur la déter- 
mination bactérivlogique de ces faits. Le 20 avril, j' obtenais pour la pre- 
mière fois en culture pure un bacille-virgule que j'ai observé ensuite 
-dans 66 autres cas. Sur ces 67 choléras à bacille-virgule il y a eu 44 décès 
-et 23 guérisons. Presque toujours la recherche du bacille en virgule a été 
faite dans les selles diarrhéiques, éliminées pendant la vie ; 6 fois seule- 
ment le microbe a été isolé du contenu intestinal prélevé à l’autopsie. 
Dans tous les cas notés comme positifs, le bacille-virgule a été non pas 
seulement affirmé microscopiquement, mais isolé en culture pure, pour 
fournir une élude comparative régulière. 

Je n'essayerai pas de donner une caractéristique étroile de ce microbe. 
Ce qu’on en a dit jusqu'ici peut se ramener à cette formule : ce bacille- 
virgule est généralement conforme à la description de Koch et difière très 
notablement des échantillons de bacille cholérique conservés dans les 
laboratoires. C’est la formule à laquelle j'étais arrivé dès la fin d'avril. 

Cependant, à cette époque, j'avais été arrêté un instant par la difticulté 
à produire la réaction dite du rouge cholérique, que l'examen comparatif 
-du bacille de Koch de laboratoire et du vibrion avicide permettrait d'ob- 


296 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


tenir avec une grande netteté. Sur les conseils de MM. Strauss et Gama- 
léïa, j'ai fait alors la recherche avec des bouillons plus fortement pepto- 
nisés (5 à 6 p. 400); le résultat a été dès ce moment tout à fait positif. 11 
l'était également d'une façon très démonstrative quand on faisait agir 
l'acide fort, non plus sur un bouillon, mais sur la partie liquéfiée d’un 
tube de gélatine, ou mieux encore d’une plaque de Petri restée assez long- 
temps à l'air et à la lumière. Je reviendrai ultérieurement sur une moda- 
lité assez curieuse du rouge cholérique. 

S'il m’a semblé prudent, dès le début, de garder une certaine réserve, 

quant à la caractéristique de ce bacille-virgule, il est un point qui, dans 
les faits observés par moi, ne souffre aucune discussion. C’est l'identité du 
microbe obtenu dans tous les cas. Je n’ai pas manqué d'en comparer les 
différents échantillons suivant iles méthodes usuelles ; cette recherche a 
donné lieu à des constatations tout à fait uniformes. Il s’agit donc bien, 
pour la portion d'épidémie étudiée à Beaujon, d'un microbe et d’une 
maladie classés, avec une caractéristique identique. 

Je ferai seulement une réserve ayant trait à une variation apparente de 
la virulence du bacille-virgule au début et à la fin de l'épidémie. Le 3 mai, 
j'ai injecté dans le péritoine d’un cobaye pesant 355 grammes deux 
gouttes d'une culture du bacille-virgule, datant de vingt-quatre heures. 
Le cobaye est mort en quinze heures après avoir présenté tous les signes 
du choléra expérimental. À l’autopsie, le péritoine contenait un léger 
exsudat hémorragique et visqueux; l'intestin était rouge et rempli d’un 
liquide incolore. Les plaques de Peyer étaient tuméfiées. La plupart des 
organes, le sang intra-cardiaque, le péritoine contenaient un grand nom- 
bre de bacilles-virgule; ceux-ci se montraient surtout en abondance 
excessive dans le contenu intestinal. 

Le 5 mai, j'ai injecté sous la peau du ventre d’un cobaye pesant 
370 grammes quatre gouttes d’une cullure en bouillon de quatre jours. 
L'animal, très malade le lendemain, a succombé en quarante-huit heures ; 
le dernier jour les évacuations étaient très répétées, et à la faveur du trou- 
ble apporté au péristaltisme intestinal, il s'était produit une invagination 
colique avec issue au dehors de 3 centimètres d'intestin. L’autopsie mon- 
trait les mêmes lésions et la même généralisation bacillaire que précé- 
demment. Au niveau du point d’inoculation sous la peau, il existait un 
œdème légèrement gélatineux dans lequel on retrouvait un assez grand 
nombre de bacilles-virgule, parfaitement mobiles, et quelques spirilles 
très allongées. 

J'ai répété les mêmes expériences à plusieurs reprises. Or, en opérant 
avec des cultures de bacille-virgule obtenues à la fin de septembre, dans 
un cas cholérique peu intense, j'ai éprouvé que les effets, quoique assez 
analogues, étaient moins violents et nécessitaient des doses beaucoup 
plus fortes. Mais, je le répète, cette apparence d'atténuation du microbe 
constitue la seule différence dans les cas examinés. 


EXAMEN DE SOIXANTE-DIX-HUIT CAS CHOLÉRIQUES 9297 


Je ne saurais pas davantage admettre de différence fondamentale au 
point de vue bactériologique, entre les cas cholériques cliniquement sur- 
aigus et les faits plus légers susceptibles d’être dénommés cholériformes. 
L'investigation a été parfois négative dans des choléras très caractérisés, 
et positive dans des cas chelériformes légers; je rappellerai qu’il y a eu 
23 cas positifs suivis de guérison, contre 44 suivis de mort, el que parmi 
les cas négatifs, il y eut 6 morts et 5 guérisons. 

Enfin, je n’ai pas observé qu’il y ait une relation régulière quelconque 
entre les caractères des évacuations et la présence du bacille-virgule, ni, 
par exemple, que sa constatation positive fût limitée aux cas à diarrhée 
riziforme. Sans doute, c’est dans les selles incolores, aqueuses ou d’aspect 
soupe à la farine, que le bacille-virgule existait le plus abondamment et 
le plus près de l’état de culture pure. Mais j'ai pu faire des constatations 
tout aussi positives avec des selles noires (non bismuthiques), des selles 
brunes ordinaires, enfin des diarrhées vertes. Il est assez remarquable, 
en effet, que beaucoup de cas cholériquess’accompagnaient d’évacuations 
modérément liquides, d’une teinte évoquant complètement la diarrhée 
verte des nourrissons, avec une grande richesse en filaments et lambeaux 
blanchâtres. Or, dans plusieurs de ces cas, le bacille-virgule existait 
comme précédemment. Un fait, où j'ai observé la plus grande richesse 
en bacilles-virgule et un enchevêtrement spirillaire très complexe, corres- 
pondait précisément à un cas cholérique moyen qui a guéri, et dans 
lequel la diarrhée avait, dès le début, l'aspect d’une diarrhée verte de 
nourrisson. Enfin, j'ai observé le bacille-virgule dans des faits où le cho- 
léra frappait surtout le gros intestin, s’accompagnait de quelques phéno- 
mènes dysentériformes, et donnait lieu à des évacuations glaireuses 
mêlées de sang pur. 

J'ai aussi porté mon attention du côté des vomissements dont il est 
intéressant d'établir la valeur en bacilles-virgule au point de vue de la 
désinfection et de la prophylaxie. J’ai examiné dix fois des vomissements 
aqueux, incolores, faiblement mais nettement acides. Dans 8 cas, j'ai 
obtenu par la culture le bacille-virgule tout à fait identique pour les 
caractères et les effets au bacille intestinal. Dans un cas cholérique assez 
violent, chez un jeune homme de vingt ans, qui mourut seulement après 
cinq jours, les vomissements contenaïient, pour un même volume, une 
quantité presque aussi considérable de bacilles spécifiques, que la diarrhée 
aqueuse examinée concurremment. 

J'ai fait en détail 34 autopsies cholériques et j'ai cherché chaque fois 
le bacille-virgule dans les divers appareils, en dehors des foyers précé- 
demment signalés, intestin et estomac. J’ai rencontré ce microbe seule- 
ment dans deux organes où sa constatation mérite d'être l'objet d'une 
étude particulière. 


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ACTION DÜ BACILLE-VIRGULE 


SUR LE FOIE ET LE PANCRÉAS 


PAR 


M. J. GIRODE 


(Mémoire lu à la Société de Biologie, dans la séance du 145 octobre 1892,) 


La décoloration précoce et prolongée des matières fécales, indice d’un 
trouble hépatique, a longtemps été tenue pour un caractère cholérique, 
sinon absolu, du moins extrêmement commun et très important. Or, ainsi 
que cela a été récemment noté, et qu’il ressort des faits rapportés dans 
la précédente communication, cette loi n’a rien de constant; il est des 
cas nombreux, où il semble que la fonction biliaire soit exagérée. À vrai 
dire, c'est alors une sécrétion singulièrement altérée dans les cas, par 
exemple, où les selles rappellent la diarrhée verte du nourrisson. 

Quoi qu’il en soit, Le retentissement du choléra sur le foie n’est pas 
douteux. Mais son mécanisme est loin d'être élucidé. Sans doute les mo- 
difications circulatoires mécaniques, la dyscrasie sanguine, et l’auto- 
intoxication jouent un certain rôle. Il était intéressant de chercher s’il 
n'interviendrait pas quelque processus biologique spécial, et si les lésions 
du foie ne pourraient pas tenir dans une certaine mesure à une invasion 
microbienne de cet organe. La précocité des examens nécropsiques dans 
le choléra favorise considérablement ces recherches, en même temps 
qu’elle donne plus de valeur aux constatations qui en peuvent découler. 

Dans 28 cas, j'ai examiné l’appareil hépatique au point de vue bacté- 
riologique, et dans 14 cas j'ai conslaté l'invasion de cet appareil par le 
bacille-virgule. Sur ces 14 faits positifs, il y eut 8 autopsies faites moins 
de six heures après la mort. 

Je dois faire remarquer que dans la plupart de ces cas, aucun phéno- 
mène n’avait spécialement attiré l'attention du côté du foie; il n’y avait 
eu ni ictère, ni douleur hépatique, ni modiäcation iclérique ou héma- 
phéique des urines qui même avaient été souvent supprimées. C'est donc 
intentionnellement que la recherche a été faite. 

‘De même dans 42 de ces cas, l'examen macroscopique de l'appareil 
hépatique ne révélait aucune lésion particulière et frappante. Presque 
tous les foies étaient un peu tuméfiés, d’un brun foncé, avec de grandes 


300 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


taches décolorées ; à la coupe, il s’écoulait une faible quantité de sang 
épais el poisseux. Je noterai, à propos des taches décolorées, qu’elles 
semblent résulter parfois d’anémies partielles; à plusieurs reprises, la 
simple pression un peu prolongée du doigt en produisait d’analogues 
dans des régions antérieurement brunes. 

D'autre part, en ce qui concerne l’état de la vésicule, il n’y avait rien 
de fixe. Des vésicules distendues et piriformes, aux vésicules ratatinées et 
contenant 2 à 3 grammes de bile, on observait tous les degrés. Il en était 
de même pour l’aspect de la bile; dans un cas, la vésicule contenait 
6 grammes d’un liquide absolument semblable à l’eau de roche. 

L'examen bactériologique dans tous les cas a porté sur le contenu de 
la vésicule, le canal cholédoque, le canal hépatique, et une prise de sub- 
stance hépatique faite à la convexité. Pour ce dernier point, la recherche 
a été positive dans deux faits seulement sur lesquels je vaisrevenir. Mais, 
pour la vésicule et les conduits examinés, la présence du bacille-virgule 
a été uniformément constatée dans les 14 cas. Ce microbe existait seul 
6 fois. La bile, examinée au microscope, montrait un grand nombre de 
cellules cylindriques en desquamation, et quelques globules sanguins; il 
n'y avait pas d’accumulation leucocytique pouvant constituer la puru- 
lence proprement dite. De même dans les canaux hépatique et cholédoque 
il existait une desquamation active, des éléments cellulaires analogues, 
mais pas de suppuration. Jamais je n’ai observé ni ecchymoses, ni ulcé- 
rations, ni bouchons des voies biliaires; dans mes observations, il n’est 
pas noté que les lésions intestinales cholériques fussent prédominantes 
dans le duodénum, ou spécialement vers l’ampoule de Vater. 

_J’ai pu constater que le bacille-virgule isolé de l'appareil biliaire pré- 
sentait des caractères identiques à ceux du bacille intestinal. La forme 
courte y était prédominante et la mobilité en essaim seulement un peu 
moins caractérisée; mais elle redevenait rapidement régulière dans les 
cultures pures. 

Dans deux autres observations, mon attention était particulièrement 
attirée du côlé du foie à l’autopsie. 

Dans un premier cas,il s’agit d’un jeune homme de dix-neuf ans, 
serrurier, entré le 24 août, avec des signes d’un choléra typique. Dès 
le matin de l'entrée, le bacille-virgule est constaté presque en culture 
pure dans les selles et en grande abondance dans les vomissements. 
Après une première période où l'état restait très grave, il y eut un peu 
d'amélioration vers le cinquième jour. Puis l’état général redevient mau- 
vais, la diarrhée supprimée depuis plusieurs jours reprend avec quelques 
caractères du début et un contenu virgulaire analogue. Il y avait comme 
une rechute au cours de laquelle on observait une stomatite et une angine 
intenses, un érythème généralisé morbilliforme et scarlatiniforme, et une 
nouvelle phase d’anurie. Le malade mourait le 10 septembre. A l'au- 
topsie, faite deux heures après la mort, l'appareil hépatique se montre 


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ACTION DU BACILLE-VIRGULE SUR LE FOIE ET LE PANCRÉAS 301 


considérablement altéré. Le foie est assez gros et mou. Sur toute sa sur- 
face, il est parsemé de taches ou îlots noirs, nettement limités, larges de 
un centimètre en moyenne, et présentant parfois au centre un petit point 
décoloré. Ces taches ne font aucune saillie et se distinguent à peine du 
reste par leur consistance. Sur les sections du foie on retrouve partout 
les mêmes taches noires, de même largeur et bien limitées. Mais il existe 
au centre de chacune d’elles, un canal biliaire dilaté, plus apparent, 
jaune pâle, d’où il s’échappe à l'expression une gouttelette de liquide 
louche et un peu grumeleux. La lésion de l'appareil biliaire s’accuse 
encore davantage vers la bile du foie; ici les gros canaux sont entourés 
d'une zone foncée plus large, et leur lumière est remplie d’une boue 
biliaire gris jaunâtre. Le contenu des conduits hépatique et cholédoque 
estidentique. Ce n’est pas l'aspect d'une angiocholite suppurée franche; 
mais il y a là une altération considérable du contenu des voies biliaires, 
qui se rapproche tout à fait de l’aspect suppuratif. Dans la vésicule, qui 
est un peu distendue, l'aspect de la bile modifiée se rapproche davantage 
de la purulence. La paroi de la vésicule, comme celle des gros canaux 
biliaires est épaissie, infiltrée; la surface muqueuse est; rouge, inégale, 
tomenteuse, manifestement enflammée dans toute l'étendue des voies 
biliaires, explorables par la dissection. L'examen microscopiqne du con- 
tenu des voies biliaires, aussi bien des petits canaux voisins de la con- 
vexité que des conduits du hile et de la vésicule, montre que ce liquide 
louche renferme une grande quantité d'éléments figurés, cellules épithé- 
liales et globules sanguins. Les cellules cylindriques, les leucocytes, et 
les globules rouges sont presque en nombre égal dans le contenu vésicu- 
laire; dans les petits canaux, on trouve seulement des cellules desqua- 
mées et des globules blancs. L'examen bactériologique a porté sur les 
différents points; il a été uniformément positif et a montré partout une 
culture pure du bacille-virgule parfaitement vivace. Le microbe a été 
isolé même en pleine substance hépatique et à la périphérie des îlots 
noirs hémorragiques qui ont été décrits. J’ajouterai que dans ce cas le 
processus cholérique était presque éteint dans l'intestin. 

Dans une autre observation, l'attention était attirée du côté du foie dans 
des conditions différentes. Il s’agit d'un homme de quarante-neuf ans entré 
le 29 aoûl, avec un choléra moyen; il présentait de bonne heure des signes 
d'une grande prostration et de l’anurie persistante. Il y eut vers la fin 
plusieurs ébauches de crises épileptiformes. Le malade mourait le 10 sep- 
tembre. A l’autopsie faite neuf heures après la mort, on trouve une cir- 
rhose granuleuse modérément atrophique, avec adénome. La vésicule 
est affaissée, pâle, et contient environ 6 centimèlres cubes d’une bile 
incolore et rappelant le liquide hydatique; il y a de plus 6 graviers dont 
le plus gros atteint presque le volume d’un haricot. Les coupes du foie 
sont pâles, sèches et les vaisseaux vides de sang. L'examen microbiolo- 
gique montre ici encore la présence du bacille-virgule dans les voies 


302 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


biliaires; et, de plus, l'exploration. faite à la convexité, en plein foie, a 
permis d'isoler le même microbe parfaitement actif: 

C'est en poursuivant l'étude de ce cas, que j’ai été amené à faire une 
constatation parallèle, et confirmative des données précédentes. Chez ce 
sujet, le pancréas était augmenté de volume, ferme, un peu bosselé: Au 
niveau des bosselures principales se voient des:zones congestives foncées, 
assez bien limitées; au centre de ces zones, il existe à la surface et sur 
les coupes, des points jaunâtres correspondant à un petit canal rempli 
d’une goutte de liquide louche. L'aspect évoque l’altération hépatique 
décrite plus haut. Le canal pancréatique montre une paroi interne rouge 
et inégale. La terminaison, du canal cholédoque est un peu rouge, mais 
sa lumière est vide. L'examen microscopique et bactériologique des ilots 
pancréatiques et du contenu des canaux altérés, a fourni des résultats 
également positifs : le liquide louche, riche en éléments cellulaires diver- 
siformes et en leucocytes, qui a pu être prélevé dans ces points, a fourni 
une. culture très vivace du bacille virgule. | 

Les faits qui viennent d'être décrits montrent que les deux organes en 
relation directe avec l'intestin, foyer primordial du processus cholérique, 
peuvent être le siège d’une extension de ce processus mêrne. Aux altéra- 
tions mécaniques et chimiques, que le choléra peut entrainer du côté du 
foie et du pancréas, il est nécessaire d'ajouter des altérations biologiques. 
A la faveur de la suppression, de la perversion, ou de la simple stagna- 
tion des sécrétions biliaire et pancréatique, le bacille-virgule, grâce à son 
excessive mobilité, peut envahir les canaux excréteurs de ces glandes. Et 
s’il est vraisemblable, que, dans beaucoup de cas, cet envahissement est 
tardif et sans conséquences anatomiques considérables, comportant dès 
lors une signification pronostique restreinte, il est des cas, au contraire, 
où des lésions spéciales et profondes en sont la conséquence et constituent 
certainement un facteur particulier d'aggravation. 

Ayant visé surtout ici une étude biologique, je n’ai point cherché à 
comparer mes observations aux faits cliniques ou anatomiques antérieu- 
rement signalés, à ceux en particulier qu'a récemment rapportés M. Gal- 
liard (4). Une enquête bactériologique manque ici. Du reste, j'ai eu soin 
de noter les caractères particuliers qui semblaient à signaler dans les 
observations que j'ai décrites; il s'agissait bien d’un processus irritatif 
spécial. Il y avait peut-être dela purulence en préparation, mais en tout cas 
ce n’était ni de l’angiocholite ni de la pancréatite franchement suppurées. 

À ce titre, comme aussi au point de vue des résultats de l’enquête 
microbiologique, il me paraît bien que ces faits méritent une place à 
part dans l’histoire des déterminations hépatiques et pancréatiques du 
choléra. 


(1) Sem. méd., 12 octobre 1892. 


Var lièr at BALE Ven > 


ÉTUDE SUR LES EFFETS 


DE LA 


SUPPRESSION LENTE DU PANCRÉAS 


ROLE DES GLANDES DUODÉNALES 


par M. J. THIROLOIX 


(TRAVAIL DU LABORATOIRE DE M. LANCEREAUX, À L’HÔTEL-DIEU.) 


(Mémoire présenté à la Société de Biologie dans la séance du 22 octobre 1892.) 


Nous avons l'honneur de communiquer aujourd’hui à la Société de 
Biologie, les résultats que nous avons obtenus par la suppression lente du 
pancréas au moyen des injections de substance inerte (poudre de 
charbon (1) ou bitume de Judée), combinées à des résections glandu- 
laires multiples et pratiquées à de longs intervalles. Nous avons institué 
ces expériences pour rechercher quels organes peuvent suppléer le pan- 
créas dans sa double fonction vis-à-vis de la digestion et de la consom- 
mation du sucre, quelles formes de diabète sucré suivent la suppression 
lente du pancréas observée pendant des mois. 

Avant d'interpréter les expériences, il nous paraît bon de donner en 
détail l’une d’elles : on la lira tout à l'heure (c'est l’histoire du chien que 
nous présentons). Trois autres expériences sur des chiens de même poids, 
à peu près, faites dans les mêmes conditions expérimentales, ont donné 
des résultats identiques. Voici l’une d'elles : 


15 décembre 1891. — Sur un chien du poids de 12 kil. 500 on injecte de 
l'huile avec charbon et l’on résèque la portion duodénale du pancréas. 

Le 20 janvier, il pèse 9 kil. 700. 

En février, le chien a repris son aspect habituel, il est polyphage, non 
polyurique ni azoturique. 

10 mars. — Ablation de la partie moyenne du pancréas. Pas de sucre. 
Poids : 13 kil. 100.. 


(1) Nous préférons cette substance; elle donne à la glande une teinte qui, 
lors des recherches ultérieures, permet de la reconnaître facilement dans les 
replis péritonéaux chargés de graisse. 

BIOLOGIE. MÉMOIRES. — 9€ SÉRIE, T. IV. 23 


304 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


20 mai. — Ablation de la portion splénique. Apparition d’une glycosurie 
d'abord très légère, puis variant entre 50 et 75 grammes, avec 800 et 1,100 gr. 
d'urine, 28 et 39 grammes d'’urée. 

.: Pendant deux mois, pas d'amaigrissement. Santé en apparence parfaite. 
Poids : 13 kil. 700. 

Le 20 juillet, on tente une greffe pancréatique intra-musculaire, l’animal 

succombe à un phlegmon gazeux. 


Les deux autres expériences sont absolument identiques (1). 

Les chiens sont morts lors d'essais d’ablation du duodénum hyper- 
trophié. 

On peut résumer ces expériences de la façon suivante : les chiens 
injectés commencent par maigrir, deviennent squelettiques, puis récu- 
pèrent leur poids, le dépassent et deviennent gras. La polyphagie est 
constante et d’autant plus prononcée que l’animal est plus près du début 
de l’expérience. Il n’y a ni polyurie, ni azoturie prononcées, ni glycosurie 
tant que la glande totale sclérosée reste en place; mais si, pour augmen- 
ter le travail de destruction lente qu'amène la substance inerte injectée 
dans les canaux pancréatiques, on pratique des ablations partielles suc- 
cessives, on observe d’abord la glycosurie permanente avec les amylacés 
seuls (2), puis, plus tard, lorsque tout le pancréas a ainsi disparu, se 
montre une variété de diabète qui tranche avec celle qui succède à l'extir- 
pation totale par sa très longue durée, le faible degré de la polyurie et 
l'absence pendant des mois de tout amaigrissement. A l’autopsie des ani- 
maux, on constate toujours une hypertrophie énorme des glandes duodé- 
nales, aucune autre altération d'organes. On n'observe pas ce marasme 
d'emblée qui constitue l'un des phénomènes les plus importants du dia- 
bète sucré consécutif à l’extirpation en un temps. 

Ces expériences mettent en outre en relief un fait absolument para- 
doxal, si l’on considère comme sans exception la théorie des sécrétions 
internes à laquelle nous plions nos expériences dans ce travail. 

Lorsqu'on pratique l’ablation totale du pancréas en un temps, on laisse 
toujours des débris glandulaires, parfois même assez considérables (2 à 
L grammes) dans la concavité duodéno-stomacale, et un diabète grave à 
allures rapides ne s’en montre pas moins d’une façon constante (3). 


(4) Nous pouvons y ajouter les six expériences de notre thèse (pages 34-53). 

(2) Il y aura lieu de rechercher si la glycosurie toujours peu abondante qui 
se montre parfois au cours des épithéliomes pancréatiques n’est pas analogue 
à cette glycosurie expérimentale. Elle est, en effet, toujours peu prononcée et 
ne s'accompagne ni de polyphagie, ni d'azoturie, ni de polyÿurie. 

(3) Minkowski a vu aussi que, dans ces conditions, une portion de glande 
relativement assez forte (3-4 grammes) n’empêchait pas l'apparition d’un dia- 
bète très grave. L'intensité de ce diabète n’est nullement er raison inverse du 
poids du parenchyme abandonné. Minkowski, pour expliquer ces faits, invoque 


VAE Si TT RON EEE a 


\ SE 


SUR LES EFFETS DE LA SUPPRESSION LENTE DU PANCRÉAS 305 


Il semblerait done logique de conclure qu’une glande sclérosée 
(Th., p. 44), bien au-dessous de ce poids, a perdu toute action, ce qui, on 
le verra, n’est pas vrai. Il est ainsi possible d'expliquer les divergences 
qui séparent les auteurs qui expérimentent sur le pancréas (1). 

Si certains (Reali et Renzi, de Dominicis) n'ont pas toujours vu l’abla- 
tion totale être suivie de glycosurie, c’est qu'ils avaient laissé des débris 
pancréatiques qui, atrophiés et enfouis dans les replis péritonéaux, ont 
échappé à leur examen. 

L'apparition tardive de la glycosurie peut s'expliquer de la même 
facon, par la persistance de parcelles glandulaires. à 

Enfin, nous avons essayé de nous rendre compte des effets du régime 
amylacé chez les chiens en imminence de diabète; ils ont toujours été 
désastreux. Pendant toute la durée de cette glycosurie alimentaire, les 
animaux maigrissaient, perdaient leur entrain et excrétaient moins 
d’urée. Il se faisait un ralentissement de leur nutrition. L'observation 
suivante est démonstrative à tous égards : 


À un chien adulte du poids de 13 kil. 500, on injecte le 1% mars 1892, dans 
les canaux pancréatiques, 3 ce. c. 1/2 d’un mélange d'huile de vaseline et de 
noir de fumée stérilisé à l’autoclave à 120 degrés, pendant 20 minutes. La 
portion verticale ou duodénale du pancréas est réséquée, les feuillets péri- 
tonéaux placés devant la portion duodéno-stomacale du pancréas sont dé- 
chirés. 

Pendant les trois jours qui suivent ces traumatismes, l’animal est faiblement 
glycosurique. 

Jusqu'au 15 avril, c'est-à-dire pendant un mois et demi, l'animal, malgré 
une polyphagie considérable, présente une dénutrition profonde, maigrit, perd 
ses forces; son poil, devenu terne, tombe par places. A cette date, il ne pèse 
plus que 12 kil. 100. Il n'y a pas de glycosurie; l’azoturie est uniquement 
en rapport avec l'alimentation carnée et amylacée, car les variations de l’une 
coincident avec les variations de l’autre. 

Le 18 avril, on pratique une deuxième laparotomie. On enlève toute la 
partie moyenne pancréatique, en rasant aussi près que possible la paroi intes- 
tinale. On ne laisse plus ainsi dans l'abdomen qu'une bande pancréatique 
noirâtre dont le volume est à peine le quart du pancréas normal. L’extrémité 


intestinale de cette bande est isolée dans une étendue de { centimètre 
environ. 


les nouvelles conditions de vascularisation. Sa conclusion générale est celle-ci, 
Toujours l’extirpation totale est suivie du diabète sucré, mais celui-ci peut 
apparaître après des résections partielles ou des troubles de la fonction du 
pancréas (bei partiellen Resection oder bei functions Stérungen). Berliner 
Klin. Wochensch., 1892, no 26. 

(1) Au cas contraire, il nous faudrait répéter avec Minkowski (Berl. KI. 
Woch., 1892, n° 26), « die Hunde in Neapel sich anders verhalten, wie in 
Strassburg ». 


306 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Le lendemain (19 avril), les urines renferment quelques grammes de sucre. 
La polyphagie est considérable, mais, malgré le régime mixte, la glycosurie 
n'apparait pas. 

Le 11 mai, l'animal à repris l'aspect, la vivacité du chien normal. Il a 
dépassé son poids primitif et pèse 13 kil. 900. 

Pendant les mois de mai, juin et juillet, l’état général reste parfait. Le 
14 juillet, il pèse 16 kilogrammes. 

Le 1° août, troisième laparotomie. — Le pancréas est réduit à l’état d'un 
cordonnet noirâtre, irrégulier à sa surface, malléable, qui n’a que quelques 
millimètres dans tous ses diamètres. On laisse les choses en place, après 
avoir constaté que l'extrémité intestinale, libérée dans la laparotomie précé- 
dente, a contracté avec les feuillets péritonéaux voisins des adhérences solides. 
Jusqu'au 7 septembre, on n’observe aucun phénomène nouveau. On donne à 
l'animal de la viande (800 grammes), du pain (400 et 500 grammes), du lait (200 
et 300 grammes). Les urines ne renferment pas trace de sucre. L’azolurie varie 
entre 27 et 34 grammes, les phosphates entre 3 gr. 25 et 4 gr. 50, les chlorures 
entre à et 6 grammes. 

Le 7 septembre, quatrième laparotomie (les urines, l’animal étant au régime 
mixte, n’ont jamais, jusqu'ici, renfermé de sucre). 

Pour atteindre le pancréas (l'animal étant très gras; poids, 16 kil. 050), je 
suis obligé d'extraire de l'abdomen la rate et d’étaler les feuillets périto- 
néaux pancréatico-spléniques. Le cordonnet noirâtre pancréatique n’a pas, — 
depuis la dernière laparotomie, — changé d'aspect. On en enlève la plus grande 
partie par simple arrachement, sans poser une seule ligature. On ne laisse 
dans l'abdomen que l'extrémité intestinale adhérente aux tissus voisins. La 
portion ainsi abandonnée n’a pas 1 centimètre d’étendue, et par comparaison 
avec ce que nous avons enlevé ne doit certainement pas peser un demi-sramme. 
Le pancréas sclérosé ainsi arraché pèse 1 gr. 650. 

Pendant vingt-quatre heures, les urines renferment 23 grammes de sucre 
par litre (l'animal a uriné 250 grammes). 


Nous allons maintenant donner l'observation jour par jour : 


9 septembre. — Viande, 600 grammes. — Pas de sucre. 


10 septembre. — Viande, 600 grammes. — Urines, quantité, 700 grammes. 
— Urée, 40 gr. 9 par litre; par 24 heures, 28 gr. 6. — Pas de sucre. 

A1 septembre. — Viande, 600 grammes. — Urines, 600 grammes. — Urée, 
53 gr. 8 par litre; par 24 heures, 32 gr. 2. 

42 septembre. — Viande, 800. — Urines, 650 grammes, avec 26 grammes 
d'urée, — Sucre, 0. 

43 septembre. — Niande, 800 grammes. — Urines, 600 grammes, avec 
29 grammes d’urée. — Sucre, 0. 

A4 septembre. — Viande, 800 grammes. — UÜrines, 100 grammes, avec 


32 grammes d’urée, — Sucre, 0. 

45 septembre. — Viande, 800 gr. — Pain, 300 grammes. — Urines, 600 gram- 
mes. — Urée, 51 gr. 24 par litre, 30 gr. 74 par 24 heures. — Glycose par 
litre, 43 grammes; par 24 heures, 25 gr. 8. 

16 septembre. — Viande, 800 grammes. — Pain, 400 grammes. — Urines, 


LS un DE à nuit et +, 


du, audi 


CT ORNE 


SUR LES EFFETS DE LA SUPPRESSION LENTE DU PANCRÉAS 307 


700 grammes. — Urée par litre, 51 gr. 2; par 24 heures, 35 gr. 84. — Glycose: 
par litre, 56 grammes; par 24 heures, 39 gr. 2. 

17 septembre. — Régime exclusivement carné. — Viande, 1 kilogramme. — 
Urines, 500 grammes. — Urée, par 24 heures, 39 grammes, — Pas de 
Sucre. 

18 septembre. — Viande, 1,000 grammes. — Urines, 600 grammes. — Urée 
par 24 heures, 30 gr. 6. — Pas de sucre. 

19 septembre. — Viande, 1,000 grammes. — Pain, 300 grammes. — Urines, 
750 grammes. — Sucre, 43 grammes par litre; par 24 heures, 32 gr. 25. — 
Urée, 23 grammes par litre, 17 gr. 25 par 24 heures. 

20 septembre. — Viande, 900 grammes. — Pain, 450 grammes. — Urines, 
800 grammes. — Sucre, 39 grammes par litre, 31 gr. 27 par 24 heures. — 


: Urée, 33 gr. 3 par litre, 26 gr. 26 par 24 heures. 
21 septembre. — Viande, 900 grammes. — Urines, 600 grammes. — Sucre, 0. 
— Urée, 84 gr. 5 par litre, 50 gr. T par 24 heures. 


22 septembre. — Viande, 900 grammes. — Urines, 100 grammes. — Sucre, 0. 
— Urée par litre, 81 gr. 9; par 24 heures, 57 gr. 33. 

23 septembre. — Viande, 900 grammes. — Urines, 700 grammes. — Sucre, 0. 
— Urée par litre, 84 gr. 5: par 24 heures, 59 grammes. — L'animal pèse 
15 kil. 800 grammes. 

24 septembre. — Lait, 2,000 grammes. — Pain, 300 grammes. — Viande, 


1,000 grammes.— Urines, 2,150 grammes.— Sucre, 77 gr. 4. — Urée, 32 gr. 8. 
Ces aliments ont été donnés le 23 à midi; à deux heures, les urines émises 
réduisent fortement la liqueur de Fehling. Celles du 24 à midi (l’animal 
n'ayant plus de nourriture depuis dix-huit heures) ne renferment plus de sucre. 
25 septembre. — Lait, 1,600 grammes. — Viande, 500 grammes. — Pain, 
400 grammes. 

Les urines émises de midi 24 à 6 heures du matin 25 (1,300 grammes) con- 
tiennent 19 grammes d’urée et de 61 grammes de sucre, tandis que les urines 
émises de 6 heures du matin à midi 26 (250 grammes) renferment 5 grammes 
d'urée et 3 gr. 9 de sucre. 

26 septembre. — Lait, 2,000 grammes. — Viande, 800 grammes. — Urines, 
1,150 grammes avec 27 gr. 3 d’urée et 33 grammes de sucre. — A midi 27, 
l'urine ne renferme plus de sucre, mais 61 gr. 48 d'urée par litre. 

27 septembre. — Lait, 2,000 grammes. — Viande, 800 grammes. — Urines, 
1,700 grammes, avec 32 grammes d'urée et 47 grammes de sucre. 

28 septembre. — Lait, 2,200 grammes. — Pain, 400 grammes. — Viande, 
800 grammes. — Urines, 1,700 grammes avec 26 grammes d'urée et 86 gram- 
mes de sucre. 

29 septembre. — Lait, 2,000 grammes. — Viande, 800 grammes, — Pain, 
400 grammes. — Urines, 1,900 grammes avec 25 grammes d’urée et 81 gram- 
mes de sucre. 


30 septembre. — Lait, 2,200 grammes. — Pain, 400 grammes. — Viande, 
800 grammes. — Urines, 1,700 grammes avec 26 grammes d’urée et 
66 grammes de sucre. 

1% octobre. — Lait, 1,000 grammes. — Viande, 800 grammes. — Urines, 


100 grammes, avec 23 grammes d’urée et 16 grammes de sucre (le lait conte- 
nait de 36 à 40 grammes desucre par litre). L'animal a perdu de son entrain, il 


308 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


a maigri. Il ne pèse plus que 14 kil. 850, de telle sorte qu'en huit jours de ce 
régime aux hydrocarbures, l'animal a perdu 850 grammes. 

2 octobre. — Viande, 1,000 grammes. — Urine, 700 grammes, avec 372 gram- 
mes d’urée et pas de sucre. 

3 octobre. — Viande, 100 grammes. — Urine, 100 grammes, avec 41 gram- 
mes d’urée et pas de sucre. 

4 octobre. — Viande, 1,200 grammes. — Urine, 700 grammes, avec 46 gram- 
mes d’urée et pas de sucre. 

5 octobre. — Viande, 1,400 gramnes. — Urine, 1 litre, avec 64 grammes d’urée 
et 11 gr. 5 de sucre. Le chien pèse 15 kil. 600. 


6 octobre. — Viande, 1,000 grammes. — Urines, 650 grammes. — Urée, 
k4 grammes. — Sucre, 3 gr. 57. 
1 octobre. — Viande, 1,300 grammes. — Urine, 650 grammes. — Urée, 


41 grammes.— Sucre, 11 gr. 7. 
8 octobre. — Viande, 1,200 grammes. — UÜrines, 1 litre. — Urée, 51 gr. 25. 
— Sucre, » gr. 41. 


9 octobre. — Viande, 4,200 grammes. — Urines, 500 grammes. — Urée, 
32 grammes. — Sucre 3 gr. 21. 

10 octobre. — Viande, 1,200 grammes, — Urines, 600 grammes. — Urée, 
36 grammes. — Sucre, 15 gr. 35. 

11 octobre. — Viande, 1,200 grammes. — Urines, 600 grammes. — Urée, 
36 grammes. — Sucre, 24 grammes. 

42 octobre. — Viande, 1,200 grammes. — Urines, { litre. — Urée, 56 gr. 30. 


— Sucre, 28 grammes. 
13 octobre. — Viande, 1,200 grammes.— Urines, 1 litre.— Urée, 46 grammes. 
— Sucre, 53 grammes. Le chien pèse 15 kil. 500. 


1% octobre. — Viande, 500 grammes. — Urines, 600 grammes. — Urée, 
30 grammes. — Sucre, 21 grammes. 

45 octobre. — Viande, 500 grammes. — Urines, 500 grammes. — Urée, 
33 gr. 3. — Sucre, 23 grammes. Poids de l’animal, 15 kil. 500. 

16 octobre. — Viande, 1,400 grammes. — Urines, 1,100 grammes. — Urée, 
10 grammes. —- Sucre, 49 gr. 5. 

417 octobre. — Viande, 1,400 grammes. — Urines, 1 litre. — Urée, 66 gr. 6. 
— Sucre, 64 grammes. 

18 octobre, — Viande, 1,500 grammes. — Urines, 1,100 grammies. — Urée, 


62 grammes. — Sucre, 59. Poids, 45 kil. 600. 

19 octobre. — Viande, 1,400 grammes.—Urines, 700 grammes, avec54 grammes 
d’urée et 61 grammes de sucre. 

20 octobre. — Viande, 1,400 grammes. — Urines, 1,000 grammes, avec 70 gram- 
mes durée et 57 grammes de sucre. 

21 octobre.— Viande, 1,400 grammes.—Urines, 750 grammes avec 55 grammes 
d'urée et 64 grammes de sucre. 

22 octobre. — Viande, 1,400 grammes.—Urines, 1,100 grammes avec 62 gram- 
mes d'urée et 70 grammes de sucre, 


Jusqu'à ce jour (22 octobre) les symptômes n’ont pas varié. L'animal 
“conserve sa vivacité et son poids malgré ces glycosurie et azoturie consi- 
dérables. Poids, 15 kil. 400. 


LA 
At 


SUR LES EFFETS DE LA SUPPRESSION LENTE DU PANCRÉAS 309 


La sclérose artificielle du pancréas met en évidence la suppléance 
digestive des glandes duodénales vis-à-vis de cet organe, puisque deux 
mois après l'opération, l'animal avait dépassé son poids primitif. Les 
résections glandulaires successives, en rétrécissant le champ pancréa- 
tique, font apparaître d’abord l'insuffisance de la glande pour la consom- 
mation des hydrocarbures, puis lors de l’atrophie de la dernière parcelle 
pancréatique, l'insuffisance pour la consommation du sucre venant des 
peptones. Il nous faut enfin faire remarquer l'infime volume de glande 
nécessaire pour ces actions, puisque ? grammes à peine de ce moignon 
glandulaire assuraient la consommation du sucre des hydrocarbures, et 
que quelques centisrammes de glande sclérosée séparée de toutes con- 
nexions vasculaires et nerveuses primitives ont, pendant vingt-sept jours, 
empêché la glycosurie avec le régime carné exclusif. 

Les conclusions qui nous paraissent pouvoir être tirées de ce travail 
sont les suivantes : 

Le pancréas possède une propriété spécifique, il règle la consommation 
du sucre (1). Réduit à une quantité pour ainsi dire négligeable (quelques 
centigrammes); il continue à exercer cette fonction capitale. Le: effets de 
la suppression lente de cette fonction se traduisent d’abord par une gly- 
cosurie abondante lors de l’ingestion d'aliments amylacés, de glucose, puis 
nulle si l'animal est au régime carné ; lors de l’atrophie de la dernière 
parcelle glandulaire laissée en place, malgré le régime carné exclusif, la 
glycosurie s’accuse de plus en plus, et reste à un taux élevé (50 à 
70 grammes) pour un chien de 16 kilogrammes. Jamais elle n’est intermit- 
tente. Le diabète qui suit ces altérations revêt toujours une forme très 
lente. L'animal ne perd qu'insensiblement son poids. Si, au contraire, on 
pratique trop tôt l'arrachement de là glande sclérosée (1° au 2° mois), on 
obtient les mêmes résultats qu'avec l’ablation totale de la glande saine. 

Le pancréas peut être parfaitement suppléé, au point de vue digestif, 
par les glandes intestinales, duodénales surtout (l'hypertrophie de cette 
portion de l'intestin a toujours été notée dans nos observations) (2). C’est à 
cette suppléance digestive des glandes duodénales qu'est due la lenteur 
de l’évolution du diabète qui suit la disparition absolue de tout le paren- 
chyme glandulaire sclérosé (3). 


(1) Les glandes duodénales n’exercent que d’une façon infime cette fonc- 
tion. 

(2) M. Lancereaux, dans son Mémoire de 1877 (Acad. de méd.) signalait déjà 
chez l'homme cette hypertrophie des glandes duodénales et supposait que par 
leur fonction ces glandes devaient venir en aide au pancréas altéré. 

(3) Nous n'avons jusqu'ici observé, à la suite de l’ablation totale en un 
temps, qu’un cas de diabète à très longue évolution (cent cinquante-trois jours) 
(9 avril au 41 septembre). Le chien, du poids de 14 kil. 500, ne devint glycosu- 
rique que dix jours après l’opération, À partir de ce moment, les phéno- 
mènes habituels du diabète expérimental furent observés (polyurie énorme, 


310 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


EE ZE —a—a—a——— = 


Le pancréas injecté, arrivé à un certain degré d’atrophie, ne subit plus 
de changements pendant des mois. On peut alors le séparer de ses con- 
nexions vasculaires primitives, il n’en continue pas moins à exercer son 
action. Étant donnés les résultats absolument insignifiants, fournis par 
les injections sous-cutanées, péritonéales, intra-veineuses de maeérations 
pancréatiques filirées ou non, dans les diabètes sucrés expérimentaux (1), 
il y a donc lieu de tenter la transplantation, la greffe (car toutes les expé- 
riences failes jusqu’aujourd’hui sous ce nom ne sont que des ectopies, 
des provignages ou marcottes) d’une portion pancréatique placée dans 
ces conditions, c'est-à-dire absolument privée de toute sécrétion externe. 
Cette dernière sécrétion, en effet, est le principal obstacle à la réussite 
des greffes, en digérant la glande infériorisée par la suppression de ses 
vaisseaux et nerfs. 

Les résultats obtenus par nous sont des plus encourageants, puisque 
nous avons pu faire vivre un de ces cordonnets noirâtres en l’enroulant 
dans le grand épiploon d’un chien qui, malheureusement, succomba lors 
de l’ablation totale de son propre pancréas. Peut être tout à fait péremp- 
toire, la guérison du diabète expérimental doit être obtenue dans les con- 
ditions suivantes que nous sommes en train d'essayer de réaliser, arrêter 
tous les phénomènes diabétiques par l'insertion dans le grand épiploon 
d'un pancréas sclérosé. 

La destruction ou l’ablation totale, nécessaire pour produire le diabète 
chez le chien, ne peut seule expliquer les lésions anatomiques (diminu- 
tion de volume, sclérose plus ou moins prononcée, mais yamais totale, 
hypertrophie des ganglions solaires) et Les signes du diabète humain (début 
subit surtout). Il faut y ajouter l'arrêt instantané de l’une des fonctions 
des éléments cellulaires, en sorte qu'il y aurait chez l’homme deux 
variélés de diabète pancréatique, l’une cellulaire directe, l’autre nervo- 
cellulaire indirecte, à symptomatologie univoque (2). Gette hypothèse de 


2,500 à 3,500 grammes; glycosurie permanente, 112 à 190 grammes): azoturie, 
48 à 12 grammes, phosphates, 7 à 9 grammes; chlorures, 9 et 11 grammes 
(jamais trace d’albumine); polyphagie (viande, 2 kilogrammes, et pain, 
400 grammes), amaigrissement d’abord peu prononcé pendant quinze jours, 
puis continu. À la mort, le chien pesait 7 kilogrammes. Il n'y avait plus trace 
de pancréas. 

(1) Ces dernières expériences ont été faites soit en collaboration avec 
M. Gley, soit par moi. Les résultats, chez les malades, ont été nuls. 

(2) Il est évident que dire: Tel diabète est nerveux, est tout à fait insuffisant. 
Au qualificatif nerveux, élément principal (la lésion du système nerveux de la 
nutrition n'étant appréciable pour nous que par les insuffisances des cellules 
qu'il actionne), il serait bon désormais d'ajouter un élément secondaire, le 
nom de l'organe dont les fonctions ont été troublées à la suite du désordre 
nerveux. La physiologie nous enseigne, en effet, aujourd'hui, que les altéra- 
tions des éléments constituants du foie, du pancréas, des muscles, etc., ou 


SUR LES EFFETS DE LA SUPPRESSION LENTE DU PANCRÉAS SE L 


l’inhibition fonctionnelle des cellules pancréatiques par altération du sys- 
tème nerveux solaire en la circonstance, explique encore mieux que toute 
autre et les faits de dissociation expérimentale subite des sécrétions 
externe et interne du pancréas ectopié, et les cas de diabète, malgré la 
conservation d’une portion glandulaire assez considérable. 

La théorie des sécrétions internes semble recevoir de ces expériences 
une confirmation, car les choses se passent comme si ces moignons glan- 
dulaires versaient dans le sang une substance qui agit sur d’autres tissus 
(muscles en l'espèce) pour régler la consommation du sucre. L'apparition 
successive de l'insuffisance pancréatique pour les amylacés, puis pour 
la viande exclusive, paraît démontrer que dans ces expériences la glyco- 
surie résulte plutôt d'un ralentissement dans la consommation du sucre 
introduit dans l'économie, que d’une hyperproduction. La glycosurie 
conduit toute la symptomatologie, puisqu'il suffit de l’atténuer, de la 
faire disparaître pour empêcher l’éclosion des autres phénomènes (sclé- 
roses, provignages, etc.) 


de leur système nerveux peuvent, chez l'animal, être suivis de glycosurie, 
il n'est pas contraire à la logique d'admettre chez l’homme des diabètes 
hépatique, pancréatique, musculaire ou nervoso-hépatique, nervoso-pancréa- 
tique, etc. La démonstration expérimentale de cette dernière variété ne peut 
tarder à être faite, puisque, par les marcottes ou provignages, nous pou- 
vons déterminer le rôle exact du pancréas dans les glycosuries par lésion 
nerveuse périphérique ou centrale. Tout l'appareil nerveux périphérique de la 
glande n'est-il pas réduit dans ces cas à quelques filets nerveux facilement 
accessibles? Les irritations mécaniques en électriques du pédicule nerveux 
d’une portion glandulaire pancréatique ectopiée amènent l'insuffisance des 
éléments constituants, insuffisance qui se traduit par le passage du sucre dans 
les urines. 

Notre maïtre, M. Lancereaux, considère comme un excellent signe de dia- 
gnostic différentiel, entre le diabète pancréatique et le diabète nerveux, 
l'hypertrophie du foie constante dans cette ‘dernière forme (Acad. de méd., 
7 octobre 1892). 


ET ce 


sens 


A M BANDE TEA de 2 TR 


2 
de 
A 


PACE TE PARENTS 


Le 


EXPÉRIENCES 


SUR 


L'HIBERNATION DES MAMMIFÈRES 


PAR 


M. F. MARÈS (de Prague) 


Mémoire présenté à la Société de Biologie, par M. Dastre, 
dans la séance du 22 octobre 1892. 


L'hibernation des mammifères a été assez souvent l’objet des obser- 
vations des naturalistes, mais l'étude expérimentale de ce phénomène 
physiologique très curieux, n’a pas encore fait de grand progrès à cause 
de la rareté relative des animaux et de la difficulté de les avoir en état 
d’hibernation. J'ai fait un certain nombre d'expériences sur la sécrétion, 
la circulation et la respiration de deux petits rongeurs hibernants, le 
spermophilus citillus et le hamster, qui se trouvent assez abondamment 
aux environs de Prague. 

Chez la grenouille d'hiver, l’indigocarmin injecté dans la lymphe n'est 
excrété ni par le foie, ni par les reins; le pigment reste dans les vais- 
seaux capillaires, de sorle qu’il se produit une injection naturelle de ces 
vaisseaux ; la sécrétion glandulaire est suspendue. 

Si l’on injecte de l'indigocarmin dans la veine jugulaire d’un sper- 
mophile en hibernation, on voit se produire un phénomène pareil. Chez 
ces animaux comme chez tous les mammifères, l’indigocarmin est 
excrété très rapidement par les reins, le foie ne participant pas à 
l’excrétion, si le pigment n’a pas été injecté en grande quantité. Mais en 
hibernation les reins restent entièrement libres de l’indigocarmin, il ne 
s’en trouve pas une trace dans la vessie; c’est dans le foie que l'on 
trouve l’indigocarmin, mais seulement dans les vaisseaux capillaires de 
l’artère hépatique, pas du tout dans les canaux biliaires ; l'excrétion est 
suspendue. 

Comment s’explique-t-on que les reins, exerçant une si grande attrac- 
tion sur l’indigocarmin, n’en contiennent pas à l’état d'hibernation ? C'est 
que la circulation du sang est entièrement suspendue dans toute la partie 
postérieure du corps. Après l'injection de l’indigocarmin dans la veine 
jugulaire d’un spermophile en hibernation, on observe que la peau et 
les muqueuses de la partie antérieure du corps se colorent en bleu très 


314 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


rapidement, tandis que la partie postérieure du corps reste incolore, le 
pigment bleu n’y pénétrant pas. La circulation du sang dans la partie 
postérieure du corps, dans les reins, dans tout le domaine de la veine- 
porte est suspendue ; le foie reçoit du sang seulement par les artè- 
res hépatiques; les vaisseaux capillaires injectés par l'indigocarmin 
sont disposés à la périphérie des lobules hépatiques. La suspension de 
la circulation du sang dans la partie postérieure du corps d’un animal 
en hibernation, explique un autre phénomène curieux, observé déjà par 
Quincke, c’est que la température de la partie postérieure du corps est 
en hibernation sensiblement plus basse et qu’elle monte pendant le 
réveil moins rapidement, que celle de la partie antérieure ; fait que l’on 
peut toujours constater. 

L'état de réveil d’un animal en hibernation offre un phénomène extra- 
ordinaire, qui a étonné le premier observateur, Horvath ; c’est l'échauf- 
fement très rapide du corps de l'animal. 

Voici l’échauffement d’un spermophile en réveil d’hibernation. 


TEMPÉRATURE TEMPÉRATURE 
TEMPS RE TU QU A TEERS 
ŒSOPHAGE RECTUM DE L AIR 
h. m. degrés degrés deerés 
9 30 15.7 15.5 13 
9 35 15.8 15.5 
9 36 16.0 15.6 » 
) o7 16.2 456 » 
9 38 16.8 15.6 » 
9 39 417.1 ia À 
9 40 CES) 15.6 & 
9 41 AS 135.6 < 
9 42 18.2 15.6 » 
9 44 18.7 15,65 » 
9 45 18.9 45.7 a 
9 47 1922 15.8 » 
9 48 20.4 15.85 » 
9 50 APS 16.0 » 
9 52 2233 16.3 » 
9 54 » 416.5 » 
9 58 23.3 17.1 » 


Pendant le réveil, l'animal tressaille et s’agite comme s’il avait froid; 
les battements du cœur et les mouvements respiratoires s’accélèrent très 
considérablement. 

L'échauffement très rapide du corps de l'animal en état de réveil 
suscite la question: quelle est la source de la chaleur développée si rapi- 
dement ? Cette question peut être élucidée par la mesure des échanges 


EXPÉRIENCES SER L'HIBERNATION DES MAMMIFÈRES 319 


gazeux de la respiration. Il faut connaître l’échange gazeux d’un hiber- 
nant dans l'état normal, dans l’hibernation et dans le réveil. De pareilles 
expériences, bien que peu nombreuses et fragmentaires, ont été faites 
par Regnault, Valentin, Voit et Delsaux. 

J'ai fait un nombre considérable d'expériences sur la respiration; noté 
l’absorption d'oxygène et l’exhalation d'acide carbonique dans les divers 
états des hibernants, en employant un appareil construit sur le principe 
de Regnault. 

Voici les données relatives à la respiration de spermophiles dans l’état 
normal, sous diverses conditions de taille, de régime, etc. 


Respiration du spermophile en état normal. 


TEMPÉR. POIDS 1 KIL. PAR HEURE QUOTIENT 
Nos TEMPS de A GO2 
AMBIANTE L'ANIMAL absorbeO exhale CO, xoù 
degrés grammes grammes grammes 

il AA ME PE 9.4 184 4,139 d,231 0.788 
2 DOTAMVELIE EME 14.8 231 3,231 9,942 0.655 
3 2 ONAVLTI- RES 15.9 2911 4,432 4,569 0.749 
4 28-avril001# 14.8 170 3,999 4,561 0.839 
D S0PaAVEl EE 15 17 4,094 4,315 0.766 
6 FO LNEUT LIRERARE 16.5 184 3,970 4,064 0.744 
7 Dai 17 237 4,069 3,921 0,700 
8 AMAPMATR US 15 170 4,169 4,620 0.704 
2) maine 17.3 184 2,985 2,993 0.729 
10% 95 maid. . 0 19,5 237 3,875 3197 0 701 
11 12 june ere 20 187 4,169 d,087 0.888 
42 22 UNE. 20.6 231 2,456 3,107 0.920 
43 1S]UIleCe 0 18.7 238 2,330 2,001 0.859 
14 PÉTUIIE LEE 21 189 2,974 3,812 0.929 
15 11 octobre . . 11.9 245 4,140 3,640 0.637 
16 22 octobre . . 9.6 200 3,047 3,181 0.754 
17 26 octobre . . 11 119 5,038 4,102 0.677 
18 29 octobre . . 12.2 205 3,842 3,956 0.747 
19 5 novembre . 9.6 218 3,316 3,824 0.821 
20 9 novembre . 1. 3 253 3,995 4,260 0.773 
21 15 novembre . OP 232 &,200 3,996 0.692 
22 19 novembre . 9.8 2092#29:602 3,517 0.708 
23 24 novembre . 14.6 196 3,861 3,442 0.646 
24 2 décembre . 10.7 193 3,500 3,663 0.759 
Moyenne : (spermophile) . . . . . . 3,854 3,949 9.745 

— HAMSTER ENS . 2,434 2,646 0.795 

— cochon Inde eRAr Er 2,038 2,417 0.862 
Banni done ef Hoi 0,965 1,123 0.840 


© 
C0 
©0 
D» 


— lhommenistpert.st.. . 0,444 0.536 


316 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


On trouve que l'intensité de la respiration du spermophile normal est 
très grande, fait qui est en rapport avec la petite taille de cet animal. 

Voici le tableau des expériences sur la respiration du spermophile en 
état d'hibernation : 


DURÉE POIDS 41 KiIL. PAR HEURE  QUOTENT 
Nos TEMPS US 2 CTEMPÉR. dde ee = ds 00 
RIENCE AMBIANTE L'Antmar absOTbeO exhaleCO: HO! 

heures degrés grammes grammes grammes 
1 17-19 février . 48 10,5 169 0.048 0.058 0.539 
2 1-2 mars . 23 8.2 171 0.157 0.075 0.348 
3 a 5-6 mars . 25 7 AT 0.051 0.036 0.541 
b 6-1 mars . 32 8 » 0 038 0.026 0.250 
© 8-9 mars . 34 10 » 0.054 0.047 0.629 
a 12-13 mars . 24 11.8 168 0.033 0.034 0 762 
b 13-14 mars . 20 11 » 0.156 0.155 0.721 
5 a 15-16 mars . 24 9.5 164 0.042 0.038 0.647 
b 16-17 mars . 24 9 » 0.051 0.031 0.451 
c 1HAMarSe 6 9 » 0.066 0.034 0.377 
6 ORIGIN OVENE 30 1 203 0.039 0.038 0,705 
b 17-18 nov . - 23 8 » 0.027 0.029 0.785 
c 48-19 nov . . 20 8 » 0.029 0.045 0.378 
1 'AUN24-22 nov. 24 9 198 0.045 0.062 — 
b 22-923 nov. . 24 95 » 0.050 0.114 1.664 
C 23-24 nov. . 24 1085 » 0.059 0.036 0.434 
8 a IEC 24 10.5 193 0.105 0.102 0.699 
b 122 déc 24 105 » 0.054 0.042 0.562 
9 a 4-5 déc . . 24 10.3 193 0.649 0.073 1.073 
DO ICONE 0 24 10.5 » 0 030 0.014 0.295 
10 a 14-15 déc . . 24 6 193 0.105 0.093 0.690 
DM IGN AETI 0: 24 ii) » 0.026 0.022 0.642 
41 & 47-18 déc . . 24 k 178 0.045 « 0:039 0.625 
bW48-19 déc. 24 5 » 0.030 0.029 0.686 
cu 419-:0 déc -.. 24 4 » 0.032 0.021 0.492 


On voit la diminution extraordinaire de la respiration pendant l’hiber- 
nation. Delsaux a pu constater chez la chauve-souris en hibernation, que 
la respiration augmente et diminue avec la température ambiante, 
comme c’est le cas chez les animaux à température variable. Je ne peux 
pas tirer une conclusion pareille de mes expériences, car l'influence de 
la température extérieure est combinée avec l'influence de la phase 
du sommeil ; le spermophile se réveille périodiquement de son engour- 

 dissement hibernal à des intervalles de 3-4 jours; la respiration varie 

avec la phase du sommeil, elle est augmentée au commencement et 
à la fin de l’engourdissement. Il est difficile de constater l'influence 
de la température ambiante, tandis que cela est possible chez un animal, 
à l'engourdissement durable. 

On remarque l’abaissement très considérable du quotient respiratoire 
dans l’hibernation, ce qui a été constaté déjà par Regnault et Voit. Mais 
je trouve, qu’il y a aussi des quotients surpassant de beaucoup le normal 
(exp. 9. a; 7. b.), surtout dans la première phase du sommeil; c’est 


A Va dE. 2 0 LS 
RE Meant 


ant 


EXPÉRIENCES SUR L'HIBERNATION DES MAMMIFÈRES 317 


_—__ 


l’exhalation d'acide carbonique, qui produit cette élévation du quotient, 
l'absorption d'oxygène étant beaucoup plus constante. Il semble, qu'au 
commencement de l’engourdissement, l'animal exhale tout l'acide carbo- 
nique contenu dans son corps, de sorte que le quotient s'élève, l'absorp- 
tion d'oxygène étant très diminuée. En effet, dans le sommeil hibernal, il 
n’y a pas de sang veineux, tout le sang est artériel ; l'oxygène s’accumule 
dans le corps d’un hibernant, qui se débarrasse en mème temps de tout 
l'acide carbonique. 

Regnault a trouvé qu’un animal en hibernation absorbe une quantité 
considérable d’azote de l'atmosphère. Dans mes expériences la quantité 
« d'azote » se trouvait tantôt légèrement diminuée, tantôt augmentée; 
mais je ne peux pas conclure qu'il s'agissait d'absorption ou d’exha- 
lation d’azote par l'animal. N'ayant aucune méthode directe de dosage 
de l’azote dans l'air on déduit sa quantité de la différence des autres 
gaz de l’air dosés directement; si l’on néglige la vapeur d’eau — et c'est 
le cas dans ces expériences — un changement dans l'humidité de l'air 
enfermé dans l'appareil respiratoire peut simuler une absorption ou 
une exhalation d'azote; c’est que tout gaz non dosé directement apparaît 
dans le calcul comme « azote ». 

La respiration d’un hibernant pendant le réveil de l’hibernation offre 
un intérêt particulier. Le tableau suivant donne les résultats des expé- 
riences sur la respiration du spermophile pendant l’échauffement très 
rapide du réveil. 


DURÉE TEMPÉR POIDS 1 KIL. PAR HEURE QUOTIENT 
Nos de & F de ————— ————— CO: 
L'EXPÉRIENCE AMBIANTE L'ANIMAL absorbe O exhale CO; HOE 
heures degrés grammes grammes grammes 
il 455 11.4 168 6,560 6,650 0.737 
2 4 » 10.0 253 5,088 2,988 OM 
3 4 2 A1 149 d,924 5,626 5.689 
b 2 » 14 » 5,038 4,102 0.677 - 
4 4 » 8 87 6,883 6,132 0.646 
3 a 1 30 7 253 5,339 5,629 0.780 
b 1 30 8 » 3,995 %,260 0.773 
6 a 1 45 1 232 6,066 6,215 0.743 
b 1 15 7 D 4.200 3,996 0.692 
Ta 1 30 9 203 5,503 3,797 0.762 
b 1 30 9.5 » 3,020 3,917 0.708 
8 a A 7 11.3 198 3,117 2,907 0.677 
b 1 11.6 »' 5,981 6,180 0.822 
C 425) 11.6 » 3,861 3,442 0.646 
9 a 1 20 10.5 193 1,874 1,812 0.702 
b À » 10,5 » 5,887 5,880 0.727 
( 10) 10.8 » 3,901 3,663 0.759 
10 a 3 20 4 178 1,246 1,259 0.734 
b 1 30 5 » 6,262 6,592 0.764 
c 1 » 5 » Z,499 4,589 0.740 


- Dans les expériences 8,9 et 10. — a est la respiration au commence- 
ment du réveil ; b est la phase du réveil, où l’échauffement est le plus 


318 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


rapide (de 20 degrés à la température normale du corps); c est la respira- 
tion de l’animal, quand il a atteint sa température normale; toutes ces 
expériences a b c, sont faites immédiatement l’une après l’autre, com- 
prenant ensemble une durée de 3-5 heures. 

On voit que l'échange gazeux est énormément augmenté pendant le 
réveil d’'hibernation. L'augmentation est évidente, si l’on compare la res- 
piration pendant le réveil (b) avec celle trouvée aussitôt que l’animal a 
atteint sa température normale (c). Pendant le réveil, l'animal absorbe 
en moyenne 5,9 gr. O par kilogramme et par heure, contre 3,8 gr. O 
absorbés dans l’état normal; il exhale 6 gr. CO? contre 3,9 grammes. 

Les échanges moléculaires du corps animal, manifestés par la respira- 
tion, sont la source de l’énergie dégagée par l'animal ; en prenant pour 
base l'expérience 9 #, on peut faire un bilan de l'énergie dégagée pen- 
dant le réveil de l’hibernation. Un spermophile pesant 193 grammes s’est 
échauffé dans une heure de 17 degrés à 35 degrés, c’est de 18 degrés. 
Supposons la capacité thermique du corps animal = 1, cet échauffement 
représente 3,477 calories. Dans le même temps, l’animal a absorbé 
1,136 grammes d'oxygène et exhalé 1,135 grammes d'acide carbonique. 
Si l’animal brüle des graisses accumulées dans son corps, l'absorption de 
1,136 O correspond, après Rubner, à la combustion de 0,39 gramme de 
graisses, qui dégage 3,722 calories. L'énergie dégagée par la combustion 
surpasse de beaucoup l'énergie nécessaire pour l’échauffement du corps 
de l’animal. 

Comparons maintenant les expériences 9 6 et 9 c faites sur le même 
animal pendant le réveil et aussitôt qu'il a atteint sa température normale; 
pendant le réveil, l'animal a absorbé 1,116 gr. O = 3,772 calories; dans 
l'état normal 0,765 gr. O — 2,211 calories; l'énergie dégagée pendant le 
réveil est presque de 70 p. 100 plus grande que dans l’état normal. En 
considérant que l'animal sortant de l’hibernation perd moins de chaleur 
qu’à l’état normal — car la différence entre sa température propre et la 
température ambiante est moindre et la circulation est suspendue dans 
une grande partie du corps — on peut affirmer que l'énergie dégagée par 
les échanges moléculaires manifestés par la respiration est suffisante pour 
expliquer cet échauffement rapide du corps de l'animal, qui avait tant 
étonné Horvath, qu'il imaginait quelque source occulte d'énergie propre 
à cet état physiologique. 

Maintenant la question se pose de savoir quelles sont les conditions 
qui produisent chez certains animaux l’hibernation. On a supposé que 
c’est le froid extérieur qui engourdit ces animaux et que la chaleur 
extérieure les réveille; on a même affirmé que l’état d’hibernation peut 
être arlificiellement provoqué chez les animaux qui y sont sujets; il suffi- 
rait d’abaisser la température extérieure. 

Certes, un animal hibernant peut être refroidi sans danger à une tem- 
pérature, où les autres animaux meurent. Mais ce refroidissement artifi- 


AIS 
DOS TEEN 
MES LT 

Fe 


De NE 


RL nc de dd. 


EXPÉRIENCES SUR L'HIBERNATION DES MAMMIFÈRES 319 


ciel n’est pas l’état d’hibernation; la circulation n’est pas abolie dans la 
partie postérieure du corps; la température n’y est pas plus basse, que 
dans la partie antérieure; toute la surface du corps est refroidie» 
tandis qu’il y a un noyau chaud dans l’intérieur du corps. Le froid exté- 
rieur ne produit pas l’hibernation. J'ai observé des spermophiles et des. 
hamsters, qui se sont engourdis en septembre à une température de 
— 16 degrés ; d’autres sont restés en état normal pendant tout l'hiver, la 
température étant souvent quelques degrés au-dessous de zéro. Forel a fait 
la même observation sur deux loirs. L’engourdissement du spermophile 
n’est pas continu ;l’animal se réveille spontanément à des intervalles de 
3-4 jours, mange, et s’engourdit de nouveau, sans que la température 
extérieure ait changé. Il paraît qu’il y a quelque spontanéité dans l’hiber- 
nation, c'est-à-dire que la cause effective de cet état est située dans l’ani- 
mal même. 

J’ai fait quelques expériences pour rechercher comment les hibernants 
réagissent contre le refroidissement extérieur. Tous les animaux à tempé- 
rature constante luttent contre le refroidissement extérieur par une 
augmentation de la respiration, en dégageant plus de chaleur pour main- 
tenir leur température propre. Il était intéressant de savoir si les hiber- 
nants font de même, et à quel degré ils peuvent résister au refroidisse- 
ment extérieur. 

J'ai exposé des spermophiles en état normal à un froid lrès rigoureux 
en -enveloppant la cloche de l'appareil sous laquelle l'animal respirait, 
d'un mélange réfrigerant de glace et de sel. 

Voici les résultats de ces expériences : 


TEMPÉR. DURÉE POIDS 1 KIL. PAR HEURE QUOTIENT 
de de NS GO2 
Nos AMBIANTE L'EXPÉRIENCE L'ANIMAL absorbeO exhale CO; a 
degrés heures grammes grammes grammes 
mA UNE —+ 20.6 3 236 2,456 3,107 0.920 
Froid 
b — 10 3 » 5,080 2,990 0.857 
£a — 20.8 4 189 2,974 3,812 0.929 
b Froid 3 » 6,619 7,299 0.802 
c Froid continué 3 » 5,817 5,998 0.749 
3 4 + 18.7 3 239 2,339 2,751 0.859 
b Froid 3 » 6,019 10,310 1.247 
c Froid continué 3 » 5,817 5,998 0.749 
4 a —+ 11.9 2 215 4,140 3,640 0.637 
b Froid 2 » 2,790 5,020 0.627 
€ Froid continué 2 » 6,090 5,180 0.618 
5 a —+ 9.6 2 200 3,647 3,181 0.754 
b Froid 2 » 0,380 o,112 0.765 
c Froid continué 2 » 5,305 4,885 0.661 


Ces expériences démontrent à l'évidence, que les hibernants luttent 
contre le refroidissement extérieur très énergiquement en augmentant 
leur respiration à un degré extraordinaire, et qu’ils réussissent à main- 


BioLocie. MÉMOIRES. — 9e SÉRIE, 7. IV. 24 


320 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


tenir leur température propre alors qu'ils sont exposés pendant quelques 
heures à un froid extrêmement rigoureux. 

La cause de l’hibernation est située dans ao de l'animal 
même. Je hasarderai quelques remarques sur la nature de cette dispo- 
sition à l’hibernation. On admet généralement, que la propriété des ani- 
maux à température constante de maintenir cette température est dué 


au système nerveux; le froid extérieur excite les nerf sensibles de la: 


peau et produit par action réflexe une augmentation de la production du 
calorique. C’est sur les expériences de Pflüger et de ses élèves, qu'est 
basée cette doctrine. Les animaux à température variable n’ont pas la 
même propriété, c’est-à-dire que leur système nerveux n’est pas excité 
par le froid extérieur de manière à déterminer une augmentation de la 
production de chaleur ; ces animaux s'échauffent et se refroïdissent avec 
le milieu ambiant, leur respiration augmente et diminue avec la tempé- 
rature extérieure. 

La sensibilité au système nerveux au froid n’est pas une propriété fon- 
damentale ; elle ne se trouve pas chez les animaux primitifs, les poïkilo- 
thermes ; c’est une propriété acquise par l'évolution progressive de 
l'échelle animale, de sorte qu’elle se trouve seulement chez les classes les 
plus élevées, les oiseaux et les mammifères. 

Ces idées ont été développées par Pflüger. 

Un animal à température constante, un mammifère, en s’engourdissant 
dans le sommeil hibernal, devient un animal à température variable ; il 
est descendu à un type plus primitif, il a perdu une propriété acquise 
par l’évolution, la sensibilité au froid extérieur ; l'hibernation serait un 
état d’atavisme. Il me semble donc, que la cause de l’hibernation est la 
perte temporaire de la sensibilité du système nerveux au froid exté- 
rieur, sensibilité par suite de laquelle les animaux sont capables de 
maintenir leur température constante. 

On pourrait objecter, que l'abolition de la sensibilité par les narco- 
tiques ne produit pas un abaissement de la température du corps. Mais je 
pense que cette objection n’est pas décisive, car les narcotiques abo- 
lissent la sensibilité générale, tandis que la sensibilité au froid exté- 
rieur est une sensibilité spécifique, constituant un sens spécial. Il n’y a 
pas de moyen pour abolir isolément la sensibilité au froid extérieur, 
excepté par la suggestion hypnotique, si l’on veut admettre cette méthode 
expérimentale. | 

J'ai fait avec M. Hellich, à Prague, quelques expériences communiquées 
à la Société de Biologie de Paris, le 15 juin 1889, dans lesquelles nous 
avons par suggestion hypnotique supprimé la sensibilité à la tempéra- 
ture extérieure chez une hystérique. Nous avons constaté ce résultat 
remarquable, que la température propre s’abaissait en quelques heures 
très considérablement, amenant un état de somnolence. 


LE 


TRAITEMENT DU CHOLÉRA ASIATIQUE 


PAR DES INJECTIONS SOUS-CUTANÉES 


DE L'ÉMULSION TESTICULAIRE 


PAR 


le D' D. M. OUSPENSKI 


(DE SAINT-PÉTERSBOURG ) 


Mémoire lu à la Société de Biologie dans la séance du 5 novembre 1892 (1). 


Le traitement du choléra asiatique a bien peu profité des découvertes 
remarquables du professeur R. Koch, lequel a jusqu'ici donné des résul- 
tats tout à fait insuffisants. On a recommardé beaucoup de modes de 
traitement de cette terrible maladie, mais pas un seul, selon Eihgorst et 
les meilleurs auteurs, n’a donné de succès positifs. 

On sait que la mortalité dans cette maladie, pendant les différentes 
épidémies, a été très variable, mais qu’en moyenne, selon Eihgorst, elle a 
atteint 60 p. 100. L’épidémie de l’année courante au Caucase doit être 
rangée parmi les plus intenses parce que, après son début le 6 (18) juin, à 
Bacou) elle n’était pas encore terminée le 1°” septembre. D’après les 
chiffres officiels 125,273 personnes ont élé atteintes, c’est-à-dire 1.7 p. 100 
de la population, dont jusqu’au 1° septembre 56,767 sont mortes, ce qui 
représente 51.7 p. 100 du nombre des malades ou 0.9 sur 100 habitants. 
À l’infirmerie du chemin de fer du Transcaucase jusqu'au 15 septembre 
ont été traités 300 malades dont 171 sont morts soit 57 p.100, ce qui doit 
être expliqué par l’arrivée de malades dans un état très avancé de 
la maladie. 

Il est maintenant bien démontré que l’émulsion testiculaire a de très 
fortes propriétés dynamogènes : elle rehausse le fonus de tout le système 
nerveux, concourt à la régularisation de l'activité du cœur, augmente 
l'ampleur du pouls, renforce les processus d’oxydation de l'organisme et 
active les fonctions des organes en les fortifiant en même temps. C'est à ces 


(1) Ce Mémoire, adressé à M. Brown-Séquard, est parti de Tiflis (Caucase) 
le 1°* octobre et a été présenté à la Société le 5 novembre. 


BioLo@iE. MÉMOIRES, — 9e série, 7. IV. 25 


2 MÉMOIRES DE LA SOCIËTÉ DE BIOLOGIE 


propriétés du liquide testiculaire que l’on doit attribuer son succès dans 
le traitement de plusieurs maladies, succès constatés par les observateurs 
de tous les pays (1). À | 

L’empoisonnement par l'infection cholérique donne des symptômes 
complètement opposés à ces propriétés de l’émulsion, ce qui conduit à 
se demander si ce liquide vivifiant ne pourrait régénérer la vie qui 
s'en va si rapidement dans le processus cholérique, en renforçant le 
système nerveux tout entier et les diverses fonctions de l'organisme, et si 
cette émulsion ne pourrait pas donner à cet organisme le moyen de 
résister par ses propres forces contre le processus cholérique, comme on 
peut l'observer dans les cas de guérison naturelle qui arrivent sans notre 
concours. 

Parti de cette supposition, j'ai proposé aux médecins de l’infirmerie du 
chemin de fer à Tiflis de faire des expériences sur ce mode de traite- 
ment dans les cas graves de choléra asphyxique où les autres moyens 
connus ont été habituellement inutiles. Cette proposition a été très bien 
accueillie par le médecin en chef du chemin de fer de N. A. Sakharoff 
et par les docteurs M. Z. Avtandiloff, A. I. Wartanoff et J. [. Roubinstein 
qui ont procédé ensemble à ces expériences. 

Il était très difficile de se procurer à Tiflis des lapins, des cobayes ou 
des chiens, dont les glandes testiculaires donnent l’émulsion la plus 
active; nous étions obligés de nous contenter de lémulsion reçue des 
glandes de mouton qui est comparativement assez faible. Pour les traite- 
ments des malades, nous avons employé ordinairement le liquide fraiche- 
ment préparé qui était conservé dans de la glace et qui était employé en 
dix ou douze heures, après quoi on en préparait de nouveau et l’on 
jetait les restes de la préparation précédente. 

En même temps le D' Sakharoff et moi nous avons fait quelques expé- 
riences de stérilisation du liquide testiculaire par la filtration; pour cela, 
nous avons employé le filtre du D' H. Nordtmeyer (2), en produisant une 
pression négative à l’aide d’une pompe à dilater, fonctionnant à la main 
ou à l’eau. Ces expériences ont donné des résultats tout à fait satisfaisants 
et je possède quelques portions de l’émulsion, qui se sont conservées sans 
se décomposer depuis près de deux mois. Ce moyen de stérilisation, très 
simple et à la portée de tout le monde, mérite la plus grande attention. Il 
est indispensable que le filtre soit plongé dans de l’eau bouillante avant 
l'opération. 


(1) Brown-Séouarn. Effets physiologiques d’un liquide extrait des glandes 
sexuelles et surtout des testicules. Comptes rendus des séances de l’Académie des 
sciences, t. CXIV ; séances du 30 mai et du 7 juin 1892. 

(2) Ueber Wasserfiltration durch Filter aus gebranniter Infusorienerde D° H. 
Biffer Die bacterientrüber und eimeishaltiger Flüssigkeiten durch Kieselguhr- 
filter. Zeitschrift für Hygiene, 1891, p. 145-152. 


TRAITEMENT DU CHOLÉRA ASIATIQUE 393 


Nous avons employé l’émulsion testiculaire dans le traitement de dix 
cas de choléra. 


OBsERVATION I. — F. D..., apprenti des ateliers du chemin de fer à Tiflis, 
dix-sept ans, Allemand, reçu le matin du 29 juillet ayant tous les symptômes 
du choléra asphyxique : lagophthalmus cholericus, très grande faiblesse, les 
traits du visage tirés et amincis, répondant à contre-cœur aux questions, 
demandant constamment à boire et vomissant après chaque gorgée d'eau. La 
peau est froide, visqueuse, ne reprenant sa surface plane qu'après un long temps 
si on la plisse, le poulsest à peine sensible, la cyanose est très prononcée, les 
extrémités tout à fait froides. La température est de 360,2, le soir 360,4. Les 
excréments sont toul à fait caractéristiques. À part la glace et le champagne on 
faisait au malade les injections du liquide testiculaire dans l’ordre suivant : 
Le à 10 h. du matin, 2° à 11 h. du matin, 3 à 41 h. 1/2, 4e à midi, 5e à12 h. 1/2 
GAME Me bn ESS à TAN OM ANSN EduNSoir: 

30 juillet. — L'état du malade est sans changement, le pouls est toujours 
faible, les vomissements et la diarrhée continuent, la température 360,4, le 
soir 37°,6. Les injections : 10° à 10 h. du matin, 41° à midi, 12° à 2 h., 13e à 
4 h. du soir. 

31 juillet. — Le pouls s'est un peu amélioré; le malade ne peut pas uriner; 
après la cathétérisation, on a recu une petite quantité d'urine trouble Bismuth, 
salicyl., salol âà, 0,3, opii puri 0,108. On fait des injections : 14° à midi, 15° à 
3h.,16 à 4h.,1% à 6h., 18e à 8 h., 19° à 10 h. du soir. 

4er août. — L'état du malade s'est amélioré un peu, la connaissance est 
presque complète, répond assez bien aux questions, mais sommeille tout le 
temps. La cyanose beaucoup moins prononcée. Les vomissements bien plus 
rares, la diarrhée a presque cessé, il a eu deux selles, il peut uriner. Nou- 
velles injections : 20° à 1 h. 1/2, 21e à 2 h. 1/2, 22° à 7 h., 23e à 7 h. 1/2, 24e à 
8 h. du soir. Température, le matin 360,5, le soir 36°,9. 

2 août. — Le malade se sent beaucoup mieux, les vomissements et la diar- 
rhée ont cessé, le pouls est plus ample et plus rare, l'appétit se remontre. 
Température le matin 360,4, le soir 37 degrés. Injections : 25° à 41 h. du matin, 
26° à midi, 27e à 2 h., 28e à 4 h. du soir. 

3 août. — Injections : 29° à 10 h, du malin, 30° à midi, 31° à 2 h. du soir. 
Les jours suivants le malade se sent très bien et le 8 août sort de l’infirmerie 
tout à fait rétabli. 


Ogs. IT. — D. S..., garcon de pharmacie, vingt-six ans, Russe. Dans la nuit 
du 1° août a été pris des vomissements réitérés et de diarrhée, le matin a été 
transporté à l’infirmerie en état d’apathie complète, avec perte de forces; des 
crampes aux jambes, le pouls faible à tel point qu’il est impossible de le comp- 
ter, la cyanose du visage et des extrémités qui sont froides, les traits du visage 
sont effilés, les yeux enfoncés. Les excréments sont caractéristiques. Tempéra- 
ture 36 degrés. Le malade assure que sa belle-mère a été atteinte par la même 
maladie. On donne du champagne et de la glace. On fait des injections du 
liquide testiculaire la 47e à 11 h. du matin, la 2° à 11 h. 1/4, la 3° à 41 h. 3/4, 
la 4° à 1 h. 1/2, la 5° à 2 h., la 6° à 61h. 1/2: 

2 août. — Les vomissements ont cessé, la diarrhée continue, le malade se: 


324 _ MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


sent faible. Température, 360,4 le matin, 37,4 le soir. Traitement : salicylate 
de bismuth, salol àà, 0.3, opt puri 0.0008. Injections : 7° à 14 h. du malin, 
8e à midi, 9° à 4 h., 10°, à 3 h. du soir. 

3 août. — L'état général du malade s’est un peu amélioré, mais la faiblesse 
a augmenté. Température, 36,7 le matin, 31,4 le soir. Injections : 11e à 
On rduimatinMP ati he 4172 184 raid, 1%e à 41%h.,,45° 4,6 h, 16° 
MES TOGO NUN MON SON 

4 rl — Le malade se sent beaucoup mieux; le pouls est plus ie ne 
vomissements ont cessé, l'appétit s’est remontré, quoique la faiblesse très pro- 
noncée continue. Le malade a eu seulement trois selles. Température, 369,9 le 
matin, s'élève le soir jusqu’à 39 degrés. Sur les jambes on observe de la rou- 
geur ; elles sont très sensibles, ce qui a pour cause les forts frottements à l’aide 
d’un morceau de drap de laine. Injections : 18° à 10 h. du matin, 19° à 11 h., 
20€ à midi, 21° à 2 h. du soir. Onguent à l’ichtyol. 

5 août. — Le malade se sent mieux, seulement il se plaint de faiblesse et de 
douleurs aux jambes, ou aux endroits qui ont été frictionnés, comme la peau 
des mollets, on remarque des plaies. Température, 37°,5 le matin, 389,7 le 
soir, Injections : 22° à 10 heures du matin, 23° à midi, 24 à 2h. ri soir. 

6 août. — L'état du malade est sans changement. Température, 37,1 le 
matin, 370,5 le soir. Injections : 25° à 10 h. du matin, 26° à midi, 27° à 2 h. 
du soir. À partir du 7 août, l'état du malade s'améliore chaque jour et, le 13, il 
fut transféré à la section GhUrSeAle pour le traitement des plaies aux 
mollets. 


O8s. IL. — A.K..…., vingt-deux ans, la femme du conducteur, Géorgienne. 
Elle fut prise de vomissements et de diarrhée, dans le train, entre les sta- 
tions Souram el Tiflis; à cette dernière, après l'inspection des voyageurs par le 
D' Kharkoff, elle fut envoyée à l’infirmerie où elle continua de vomir plusieurs 
fois de suite. Dans la région abdominale on peut constater une enflure d’assez 
grande dimension et très sensible. Le pouls est très faible; crampes aux 
jambes; cyanose du visage et des extrémités; dans la journée elle a eu plu- 
sieurs selles, les excréments sont caractéristiques. La malade est très apa- 
thique et se plaint de douleurs au ventre; les extrémités sont froides. Tempé- 
rature, 360,5 le matin, 310,0 le soir. Bain à 40 degrés, frictions, glace et 
champagne. On commence des injections de liquide testiculaire : 1re à { h. 
du soir, 2° à5 h., 3 à 6 h., 4e à 6 h. 1/2, 5°à 7 h., 6e à 8 h., 7 à 10.h. 

4er septembre. — Le pouls est plus ample, la diarrhée est moins forte, mais 
les vomissements continuent de temps en temps. Aucun appétit. Tempéra- 
ture, 360,4 le matin; 360,5 le soir. Pot. acidi muriat. Injections : 8° à 10 b. du 
matin, 9e à midi, 40° à 4 h., 11e à 4 h., 12€ à 6 h. du soir. 

2 septembre. -— La diarrhée a disparu, la malade se sent mieux, quoiqu'elle 
vomisse quelquefois et: se plaigne de faiblesse; la cyanose a disparu. Injec- 
tions : 13° à 9 h. 1/2 du matin, 14° à 1 h., 15° à 6 h. du soir. 

3 septembre. — L'amélioration est très manifeste. Température, 379,3 le 
matin; 37,0 le soir. Injections : 16° à 9 h. 4/2 du matin, 17° à midi, 18° à 
2 h. du soir. | 

4 septembre. — La malade, complètement rétablie, quitte l’infirmerie. 


TRAITEMENT DU CHOLÉRA ASIATIQUE 325 


Les mêmes résultats, avec rélablissement complet, ont été obtenus 
encore dans cinq cas dont trois hommes, le premier ayant eu 23, le second 7 
et le troisième 12 injections, et deux femmes, dont la première a recu en 
trois jours 17, et la seconde, dans le même temps, 21 injections, 

Dans deux cas, où il n’y avait aucun espoir, le traitement n’a pas donné 
de résultats favorables. Voici l’un de ces deux cas: 


O8s. IV. — E. S.…, paysan, âgé de vingt-deux ans, Arménien. Le malade a 
été porté du train à l'infirmerie, le 7 août entre 5 et6 heures du soir. Aussitôt 
il eut un vomissement et une selle; il explique qu'il est tombé malade le 
matin et qu'il a vomi deux fois. La cyauose est très accusée. Les extrémités 
sont froides, la langue est normale, le pouls très faible et à peine sensible ; 
crampes aux jambes ; la connaissance complète, mais le malade est apa- 
thique. La nuit, l’état du malade n’a pas changé, seulement il s’est plaint de 
sensation de brûlement dans la poitrine. Traitement : glace, champagne 
Tinet. valerian. æth., lig. anod. Hoffmanni âà demi-once, 10 gouttes chaque 
heure. Injections : 4° à 6 h. du soir, 2e à 6 h. 1/2, 3e à 7 h., 4e à 7 h. 1/2, 5°à 
BAR NO ES RM 49h 4 08472 0 a MON he A0%à 10Mh MAMMA 
Dh Men MOSS 442 ha 2 MS Ah 16 MEn A2? 
17% à2h., 48° à 2 h. 4/2, 19° à 3 h., 20e à 3 h. 1/2, 21° à 4 h., 22e à 4 h. 1/2 du 
matin. 

8 août. — La langue est normale. Le malade a eu envie de vomir, mais les 
vomissements n'ont pas eu lieu, a eu une selle, les excréments sont caracté- 
ristiques, le pouls est très faible quoiqu'il eût paru quelquefois s'améliorer 
après les injections. La connaissance complète, le malade répond à toutes les 
questions, mais à contre-cœur. La cyanose est très forte. Les extrémités sont 
froides, On essaie de réchauffer les jambes et les pieds. Injections du liquide 
testiculaire : 23° à 5 h. du matin, 24° à 5 h. 1/2, 25° à 6 h., 26° à 6 h. 1/2, 
21 à7h., 28° à Th. 1/2, 29° à 8 h., 30° à 8 h. 1/2, 31e à 9 h., 32 à 9 h. 1/2 
du matin. En outre du liquide testiculaire, on a fait au malade à 10 h. et à 
40 h. 1/2 du matin et à 3 heures du soir des injections d’éther et de muse. Il 
est mort à à heures du soir. 


Dans l’autre cas avec issue mortelle en outre de douze injections de 
liquide testiculaire qui ont été faites quolidiennement pendant trois jours, 
nous avons injecté 300 grammes de la solution physiologique de sel cu- 
linaire. 

Nous n'avons pas pu continuer nos essais de traitement du choléra par 
le liquide testiculaire, les malades atteints de cette affection manquant à 
l'infirmerie. | 

Les conclusions générales que nous pouvons tirer de dix cas seulement 
n'ont assurément pas une valeur décisive, à cause de ce petit nombre de 
faits, mais toutefois le traitement du choléra par le liquide testiculaire a 
incontestablement donné de bons résultats, puisque dans dix cas très 
graves nous n'avons perdu que deux malades et que ces derniers ont été 
portés à l’infirmerie dans un état qui ne laissait aucun espoir. Il est très 


326 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


désirable que ces essais soient renouvelés, dans des lieux où existent des 
condilions plus favorables. Et comme à présent, grâce aux expériences 
du D Haskine, nous avons la possibilité d'expérimenter sur les animaux, 
il est évident qu’on pourrait et devrait faire des expériences, pour déter- 
miner définitivement les propriétés curatives de l’émulsion testiculaire 
dans le traitement du choléra. 

Il est surtout à désirer qu'il soit éclairci s’il ne serait pas possible en 
renforçant préalablement l'organisme par les injections du liquide testi- 
culaire d'arriver à l'immunité contre Le choléra, comme on a pu y arriver 
contre la tuberculose, la morve et le charbon malin chez les animaux. Il 
est aussi très possible qu’en injectant l’émulsion plus diluée par une solu- 
tion de chlorure de sodium (par exemple, en y ajoutant dix parties de 
cette solution) et en injectant 10 grammes au lieu d’un, on arriverait 
chez les cholériques à des effets plus rapides, car chez ces malades la 
propriété de l’organisme d’absorber les injections sous-cutanées de diffé- 
rents remèdes diminue graduellement avec l’aggravation du processus 
cholérique. 


EXISTE-T-IL PLUSIEURS 


PARASITES DES FIÈVRES PALUSTRES ? 


DE LA SIGNIFICATION DES CORPS EN CROISSANT 


PAR 


A. LAVERAN 


PROFESSEUR A L'ÉCOLE DU VAL-DE-GRACE 


(Mémoire lu à la Société de Biologie dans la séance du 12 novembre 1892), 


Les éléments parasitaires du sang palustre se rapportent à deux types 
principaux : 4° éléments amiboïdes de différents volumes, presque 
toujours pigmentés, se présentant d'ordinaire sous l'aspect de corps sphé- 
riques libres ou adhérents aux hématies; 2° éléments cylindriques plus 
ou moins effilés à leurs extrémités, pigmentés vers la partie moyenne et 
d'ordinaire incurvés en croissants. 

Ces deux formes principales d’où dérivent les flagella et les corps 
segmentés, représentent-elles deux phases de l’évolution d'un même 
parasite ou bien s'agit-il de parasites différents? Depuis le début de mes 
recherches sur ce sujet j'ai admis la première de ces interprétations; 
dans ces dernières années bon nombre d'observateurs ont défendu la 
deuxième. 

Golgi le premier a signalé des différences entre les parasites de la 
tierce et de la quarte ; il a décrit ensuite avec Pietro Canalis une troi- 
sième variété de parasites donnant lieu aux fiévres irrégulières, variété 
caractérisée par les corps en croissant. Gualdi, Antolisei et Angelini ont 
publié des travaux favorables à cette opinion. 

Sous le titre de fièvres irrégulières, Golgi et P. Canalis comprenaient : 
les fièvres intermittentes à accès subintrants, les intermittentes irrégu- 
lières à longs intervalles d'apyrexie, la cachexie palustre. 

Dans ses dernières publications Golgi admet que les parasites des 
tierces, des quartes et des fièvres irrégulières peuvent se transformer 
l’un dans l’autre, qu’il s'agit par conséquent de simples variétés d’un seul 
et même parasite, mais la thèse de la pluralité des hématozoaires du 
paludisme a été reprise par d’autres observateurs. 

Grassi et Feletti ont décrit cinq espèces d’hématozoaires du paludisme : 


328 _ MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


hémalozoaires de la tierce et de la quarte, hématozoaires produisant des 
fièvres pernicieuses (deux espèces), hématozoaire caractérisé par la 
forme en croissant donnant naissance aux quotidiennes, aux subcon- 
tinues et aux intermittentes à longs intervalles d’apyrexie (1). 

Marchiafava et Bignami divisent les fièvres palustres en deux grands 
groupes : 1° fièvres qui prédominent en hiver et au printemps (quartes, 
tierces légères); 2° fièvres graves ou estivo-automnales comprenant les 
quotidiennes, les tierces graves, la plupart des subcontinues et des accès 
pernicieux. Les croissants seraient une des formes des parasites de ces 
dernières fièvres (2). 

Les fièvres d'hiver sont toujours dans nos climats, voire même en 
Algérie et en Italie, des fièvres de rechute, il est donc difficile de com- 
prendre comment on peut les attribuer à d’autres parasites qu'à ceux 
qui ont déterminé la première atteinte, le plus souvent en été ou en 
automne; l'attribution des tierces légères à d’autres parasites que les 
tierces graves semble aussi peu défendable. 

Mannaberg en Autriche-Hongrie a constaté vingt-sept fois sur trente la 
présence des croissants dans les fièvres pernicieuses (11° congrès de 
médecine interne ; Leipzig, 1892). 

Les auteurs qui croient à l'existence de plusieurs espèces d’hémato- 
zoaires du paludisme ne s'entendent, ni sur le nombre de ces espèces, ni 
sur leurs caractères, ni sur les rapports existant avec les types fébriles, il 
est cependant un point sur lequel ils s'accordent, c’est que les corps en 
croissant appartiennent à une autre espèce que les corps amiboïdes. 

Quelle est la valeur des arguments fournis à l'appui de cette thèse? 
C'est là ce que je désire examiner aujourd’hui. 

Remarquons d'abord que nos connaissances sur l'espèce d'hématozaires 
caractérisée par les corps en croissant se bornent à peu près aux crois- 
sants eux-mêmes; Grassi reconnaît que les croissants dérivent de petits 
éléments qui ne diffèrent pas sensiblement des formes très jeunes des 
autres espèces; quant au mode de reproduction il n’est pas connu; ajou- 
tons que les croissants se trouvent souvent dans le sang en même temps 
que les corps amiboïdes attribués à d’autres espèces et que, chez un 
même malade, on constate souvent, lors d’une première atteinte de fièvre, 
des corps amiboïdes, et lors d’une rechute, des corps en croissänt. 

Les croissants, a-t-on dit, ne se rencontrent que dans certaines formes 
cliniques du paludisme; c’est même là le principal argument qu'ont fait 
valoir les partisans de la pluralité des hématozoaires du paludisme. 

Malheureusement quand il s’agit de spécifier les formes cliniques qui 
relèvent des corps en croissant, les divergences sont nombreuses. Mar- 


(1) Accad. di Scienze naturali in Catania, t. V, série 4, 1892. 


(2) Marchiafava et Bignami. Sur les fièvres malariques estivo-automnales, : 


Rome, 1892. 


EXISTE-T-IL PLUSIEURS PARASITES DES FIÈVRES PALUSTRES ? 329 


chiafava et Bignami attribuent aux parasites en question les Licrces estivo- 
automnales et la plupart des continues et des accès pernicieux, tandis que, 
d’après Grassi et Feletti, toutes les tierces et la plupart des pernicieuses 
sont proluites par des hémamibes qui n’ont rien de commun avec les 
croissants. Pour Marchiafava et Bignami, il y a moins de différences entre 
les parasites de la tierce d'hiver et de printemps et ceux de la quarte, 
qu'entre les parasites des tierces d’hiver et de printemps et des tierces 
eslivo-automnales, ce qui s'accorde mal avec les opinions émises par 
Golgi, P. Canalis et d’autres observateurs. 

J'ai publié déjà un grand nombre de faits qui démontrent que les 
croissants peuvent exister dans des fièvres parfaitement régulières : 
quotidiennes, tierces ou quartes, aussi bien que dans les fièvres intermit- 
tentes irrégulières, dans les continues et dans les pernicieuses (Ju palu- 
disme, Paris 1891). 

Cent-trente-six malades dans le sang desquels j'ai constaté la présence 
des croissants se répartissent ainsi qu’il suit au point de vue clinique : 


DUO HUE DESSERTS TR NU AL 
TO RCE ST ER ne PU Ad tue 0 
Quartes . STeOu 2 
Intermittentes nent. RTE TE : 2 
Intermittentes de type indéterminé (1) PAÉTRSNS 42 
CONNUS PEU RE PR 10 
ACCIdENIS PeTHICIEUT 2. 13 
Cachéxie Sans CC î 

1136 


Le chiffre des quartes qui figurent à ce tableau est sans doute très faible, 
mais il faut dire que j'ai recueilli seulement 7 observations de quartes 
contre 223 de quotidiennes et 81 de tierces. 

Les croissants s’observent souvent chez les malades atteints d'accidents 
pernicieux ; je les ai notés 13 fois sur 18, soit dans 72 p. 100 des cas; mais 
on ne saurait en conclure qu'ils sont la cause des accidents pernicieux. 

Ea effet : 1° la présence de ces éléments n’est pas constante dans les 
fièvres pernicieuses ; 2° on les trouve fréquemment chez des malades qui 
n'ont jamais eu d'accidents pernicieux, malgré de nombreuses rechutes. 
Sept malades sont notés dans ma statistique comme cachectiques sans 
fièvre pendant la durée du séjour à : livrer 

Depuis le début de mes recherches, j'ai été frappé de ce fait que les 
croissants se rencontrent surtout chez les cachectiques, la cachexie pou- 
vant d’ailleurs se produire lentement, à la suite d’une série de rechutes 
de fièvre, ou rapidement, à la suite de quelques accès graves (cachexie 
aiguë). 


(4) Presque toujours le type de la fièvre n’a pas pu être déterminé parce 
que le sulfate de quinine a été administré après le premier accès de fièvre. 


330 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Cette relation, qui a été confirmée par les travaux de Councilman, de 
W. Osler et de James, ressort du tableau suivant dans lequel mes obser- 
vations sont groupées en tenant compte, non seulement du type fébrile, 
mais aussi de l’état général des malades et de la durée de l'invasion de la 
fièvre. 


CORPS 
FORMES CLINIQUES en croissant 

Quotidienne (ME MAnvasion ER NE EE PIN NE ONS 
Quotidienne rechute) ER AR PR TN OR 
Tierce: (rechute) 2 Te rer nee Ë — 
Quarte (rechute) a ne cart Ne een lb = 
Intermittente irrégulière (rechute). . , . . . .. 1 — 
Intermittente type indéterminé (rechute). . . . . . 12 — 
Continue palustrede AENVa SION EEE 5 — 
Intermittente (rechute) avec accidents pernicieux, 5 — 
Cachexie sans fièvre pendant le séjour à l'hôpital. T — 
Cachexie (ancienne) avec fièvre quotidienne. . . . ., 19 — 
Cachexie aiguë: avec fièvre quotidienne, , . . . . : 4 — 
CACREXIEMAVE CÉHÈVEEATIERCe ERP EN RENE 1 — 
Cachexie avec fièvre quarte. . . . , 1 — 
Cachexie avec fièvre irrégulière. ee 
Cachexie avec fièvre intermittente de ire indlaeein a) — 
Cachexie (ancienne) avec continue‘pälustre: 5 — 
Cachexie (ancienne) avec accidents ‘pérnicieux. . 6 — 
Cachexie aiguë avec accidents pernicieux: . . . . . 2 — 

136 fois 


TOTALE ee RE Ce SA Re 


Ce tableau montre que les croissants ont été rencontrés 82 fois chez 
des sujets cachectiques, 44 fois dans des rechutes de fièvre et 10 fois seu- 
lement chez des sujets atteints de fièvre de première invasion. Le chiffre 
total des cachexies qui figurent dans ma statistique est de 116 ; les crois- 
sants ont donc été rencontrés dans 70 p. 400 des cas. 

Si aux 82 cas de cachexie on ajoute les 44 cas de fièvre de rechute dans 
lesquels l’anémie était toujours profonde, on voit que les croissants ont 
été observés 426 fois sur 136 chez des sujets ou cachectiques ou profondé- 
ment anémiés. 

Au sujet des dix malades atteints de fièvre de première invasion, il faut 
remarquer qu'il est très difficile de fixer exactement la date d’invasion 
du paludisme; tel malade qui a des accès de fièvre depuis deux ou trois 
jours seulement est depuis un mois et plus en puissance de paludisme. 
On s’explique ainsi que la fièvre puisse éclater chez une personne qui 
a quitté depuis quelque temps une localité insalubre et qui n'avait jamais 
eu la fièvre pendant son séjour dans cette localité. Les malades chez 
lesquels nous avons noté les croissants lors d'une première atteinte de 


EXISTE-T-IL PLUSIEURS PARASITES DES FIÈVRES PALUSTRES ? 331 


# 


fièvre étaient très anémiés à leur entrée à l'hôpital; ils venaient d’en- 
droits notoirement insalubres, et ils n'avaient pas encore pris de quinine 
ou en avaient pris à très petite dose; il est probable qu’il y avait eu dans 
ces cas une période de latence qui avait permis à l'hématozoaire de 
prendre les mêmes formes que chez les cachectiques. 

J'ai constaté la présence des croissants 420 fois dans les six derniers 
mois de l'année et 16 fois seulement dans les six premiers. Les mois les 
plus chargés sont : novembre, octobre et décembre. Dans le tableau sui- 
vant, comme dans les précédents, chaque malade ne figure que pour une 
unité, il a été inscrit à l’époque où l'examen du sang a révélé pour la pre- 
mière fois l'existence des croissants. 


Tableau indiquant par mois le nombre des cas dans lesquels les croissants 
ont été constatés. 


AMIE es Un mena el us 3 fois 
ÉVITE EN Re RMS PAM OIEREES et ATEN ORAN SAR ANRER RER n = 
MAT SERRE ATEN TRES NITE PE EN RER ENT LORS DRE 4 — 
AV NO CET RETENIR R NN CNIL A LA Ta 25 
MUR EE, M SC En SRE TO EE) AUS À — 
JULIE Le ee AR ea gp ee Re en d — 
AOL RE A SN RU CE a Lu RE NO, — 
SERIE RE 19. —= 
Octobre. 23 — 
INOME DID RE RES SAR EEE ON EM MU AT GR etre LT RSS OR 
DÉCERIDRE PS PR EP PR ne AE IE 

Totale RES CROIS 


En Algérie on reste quelquefois pendant plusieurs mois sans observer 
les croissants; lorsqu’arrive le mois d'octobre, les cas dans lesquels on 
note leur présence se multiplient tout à coup (1). 

On comprend que Marchiafava et Bignami aient été amenés à établir un 
rapport entre les croissants et les fièvres estivo-automnales, mais en exa- 
minant les choses de plus près, on arrive à cette conclusion que l’in- 
fluence saisonnière n’est qu'apparente. 

Si l’on demande aux malades dans le sang desquels on trouve des crois- 
sants aux mois d'octobre, de novembre ou de décembre, quand ils ont eu 
la première atteinte de fièvre, on apprend que c’est de juin à octobre (je 
parle de l'Algérie), c’est-à-dire qu’en remontant à l’époque de l'invasion, 
les cas se répartissent sur loute la saison endémo-épidémique. 

Tous ceux qui ont exercé en Algérie savent que c’est aux mois d'oc- 
tobre, de novembre et de décembre qu’on observe surtout la cachexie 


(1) Voir notamment : Arnaud, Soc. de Biol., 2 avril 1892. 


332 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


palustre, chez les malades affaiblis par des rechutes successives de 
fièvre et par la persistance des chaleurs; c’est la fréquence de la cachexie 
à cette époque de l’année qui me paraît expliquer la fréquence des corps 
en croissant. À partir du mois de décembre, grâce à l’abaissement de la 
température, l'état de tous les malades s'améliore. 

- En somme, les croissants ne sont pas particuliers à telle ou telle forme 
de fièvre palustre; on peut dire seulement qu'ils se rencontrent fréquem- 
ment chez les cachectiques, et par suite dans les fièvres graves d’au- 
tomne qui se produisent souvent chez des cachectiques; leur présence est 
beaucoup plus rare dans les continues du début de la période endémo- 
épidémique qui sont souvent des fièvres de première invasion. 

Plusieurs observateurs, en tête desquels il faut citer : Gualdi, Antolisei, 
etAngelini, ont essayé de démontrer expérimentalement que les corps en 
croissant produisaient toujours certaines variétés de fièvres. Quelques-uns 
des résultats fournis par les injections, à des individus indemnes de palu- 
disme de sang renfermant des corps amiboïdes ou des croissants, sont 
très peu favorables à la doctrine de la pluralité des parasites du palu- 
disme. C’est ainsi que l'injection du sang de quarte a donné lieu dans un 
cas à une fièvre continue d’abord, puis irrégulière; lors d’une rechute, on 
signale l'apparition de corps en croissant (1). 

Di Mattei et Calandruccio, plus heureux, auraient toujours réussi à 
reproduire, chez les individus inoculés, le type de la fièvre du malade 
ayant fourni le sang (Grassi et Feletti, op. cit.); mais Di Mattei a com- 
pliqué l’expérience en pratiquant les injections chez des malades déjà 
atteints de paludisme et Calandruccio a pratiqué ses inoculations par 
injection hypodermique, c'est-à-dire par un procédé dont l'efficacité 
n’est pas démontrée pour la transmission du paludisme comme l’est celle 
des injections intra-veineuses. 

L'unité du paludisme au point de vue clinique et anatomo-patholo- 
gique paraît évidente, et a priori on pouvait dire que, bien probablement, 
les accidents palustres étaient dus à un seul et même parasite. Assuré- 
ment la gravité des formes varie beaucoup suivant les pays, la réparti- 
tion des types est différente, mais partout, sur les rives du Danube et 
sur les côtes de la Hollande, comme en Algérie, au Mexique ou aux 
Indes, les fièvres palustres, les fièvres à quinquina, forment une entité 
morbide parfaitement caractérisée. Dans tous les pays palustres on 
retrouve aussi l’hématozoaire sous ses différentes formes; les corps en 
croissant ont été vus à côté des corps amiboïdes en Algérie, en Tunisie, 
en Italie, en Russie, en Autriche-Hongrie, en Allemagne, aux États-Unis, 
au Mexique, à Cuba, aux Indes; je les ai retrouvés dans le sang de ma- 
lades qui avaient contracté la fièvre à Madagascar, à la Guyane, au 
Tonkin, au Sénégal. 


(1) Gualdi et Antoliseï. Riforma medica, nov. 1889. 


EXISTE-T-IL PLUSIEURS PARASITES DES FIÈVRES PALUSTRES ? 3933 


Ajoutons que les fièvres palustres changent souvent de type chez un 
même malade ; que les continues se transforment en quotidiennes ou en 
tierces, que les types quotidien, lierce ou quarte peuvent alterner, et que 
les accidents pernicieux peuvent compliquer toutes ces fièvres. S'il exis- 
tait plusieurs parasites du paludisme, il faudrait donc admettre que ces 
parasites coexistent sur tous les points du globe où règne le paludisme et 
que le plus souvent ils donnent naissance à des infections mixtes. 

L'existence d’un parasite unique, mais polymorphe qui semble ressortir 
des enseignements de la clinique, s’accorde très bien avec les notions que 
nous possédons sur les parasites voisins de l’hématozoaire du paludisme. 

La plupart des observateurs classent cet hématozoaire parmi les spo- 
rozoaires ; or, on sait que le polymorphisme est commun dans l’histoire 
de ces êtres; on sait aussi qu'on trouve chez différents animaux, notam- 
ment chez les oiseaux, des hématozoaires qui ont une grande analogie 
avec l’hématozoaire du paludisme et qui, comme lui, se présentent sous 
différents aspects. 

Dans une prochaine communication je chercherai à déterminer les 
relations qui existent entre les croissants et les autres formes de l’héma- 
tozoaire du paludisme, et les influences auxquelles on peut attribuer la 
production des corps en croissant. 


ne NELSON TPE DEEE ER EENERE 


eu ACTION TOXIQUE 


ET ALTÉRATIONS ANATOMIQUES 


PRODUITES PAR 


L’'INGESTION DE L’OXYDE DE ZINC 


PAR MM. LES DOCTEURS 


L. D’'AMORE, C. FALCONE et L. MARAMALDI 


(DE NAPLES) 


(Mémoire lu à la Société de Biologie dans la séance du 12 novembre 1892.) 


Les recherches que nous avons exécutées sur les sels de zinc, dans le 
laboratoire de pharmacologie de Naples, ont été faites tant au point de 
vue de l’action toxique qu'à celui de l’action biologique et du mode 
d'action de ces sels. | | 

Mais, ce que nous eroyons plus important et plus remarquable, c'est 
l’action éminemment toxique avec toutes les suites, qu’on peut clairement 
reconnaître et dont j'ai l'honneur de présenter le résumé et les conclu- 
sions à la Société de Biologie. 

Les auteurs des différents travaux, faits jusqu’à présent, se sont occu- 
pés surtout d'étudier exactement l’action biologique des sels de zinc, 
mais ils n’ont pas mis en relief l’action dangereuse que ces sels peuvent 
avoir sur l'organisme tout entier, et les altérations anatomiques, très 
nettes et très claires, qui se trouvent dans le tissu de quelques organes. 

Nos recherches ont porté presque exclusivement sur les chiens, en 
employant parmi les sels de zinc celui qui est le plus difficilement 
absorbé, c’est-à-dire l’oxyde de zinc, en le donnant avec les aliments, 
ou bien en l’introduisant dans l'estomac à l’aide de certains expédients, 
de sorte qu’on a pu toujours s'assurer de la complète ingestion du sel, 
dont la pureté avait été bien constatée avant de le donner aux animaux. 

La quantité de sel employée chaque jour a été au commencement de 
l'expérience d'un gramme, el après trois à cinq jours de un demi- 
gramme. 

Les chiens pesaient tous, à peu près, 13 kilos. 

Pendant les quatre ou cinq premiers jours qu’ils prirent l’oxÿyde de zinc, 
les chiens eurent, une demi-heure ou une heure après l’ingestion, des 
vomissements alimentaires, sans efforts, mélangés d'oxyde de zinc. Après 


330 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


ce temps-là les vomissements disparurent et l’oxyde de zinc fut bien retenu 
dans l’estomac. 

Il fut possible de donner aux chiens la DEéparaton de zinc jusqu’ à Ace 
ou trois jours avant la mort. 

La nutrition générale fut atteinte dès les premiers jours de l’expéri- 
mentation, et les chiens maigrirent jusqu’à perdre 2 ou 3 kilos; la vivacité 
des mouvements et leur énergie s’affaiblirent progressivement au point 
qu'ils ne pouvaient plus se bouger de leur place ; néanmoins l’intelli- 
gence resta toujours intacte. 

L’appétit graduellement s’éteignit, et les animaux, dans les derniers 
jours de leur vie, prirent seulement quelques petits morceaux de viande. 
La sensibüité disparut d’abord dans le train de derrière. La pâleur des 
muqueuses devint remarquable. 


Les urines, à cause de leur contenu de principes anormaux, donnèrent 


des renseignements bien clairs, et firent exactement prévoir les altéra- 
tions anatomiques du tissu de quelques organes, que l’autopsie et l’exa- 
men histologique confirmèrent plus tard. 

Au deuxième ou au troisième jour de l'expérience commença à se pré- 
senter dans les urines une nuance rose, qui, à l'examen spectroscopique, 
se montra être de l’hémoglobine, en même temps que l’examen chimique 
décelait des traces d’albumine. Successivement et graduellement, en 
rapport avec la quantité de sel pris et absorbé, les altérations des urines 
se firent de plus en plus remarquables et nettes. L’hémoglobinurie attei- 
gnit un haut degré, de sorte que les urines prirent une couleur rouge 
foncé, comme s’il s'agissait de sang pur; cependant, jamais on n’a trouvé 
d’hématies dans le sédiment ; il s'agissait seulement d’une véritable effu- 
sion de l’hémoglobine, due à la dissolution des globules rouges, comme 
nous le verrons tout à l'heure en parlant du sang. 

En même temps l’albumine augmenta de 7 à 9 grammes par litre. En 
outre, les urines renfermaient encore du sucre, qui atteignit un maximum 
de 15 à 17 grammes par litre. Il existait dans le sédiment des cylindres 
hyalins simples ou recouverts de granulations graisseuses fines et colorés 
en jaune. 

La quantité des urines baissa de 560 grammes à 100 grammes par jour, 
eton y trouva toujours plus ou moins nettement la réaction chimique 
des sels de zinc. 

Le sang, analysé avant et pendant l'expérience, nous montra, d’une 
façon très précise, des altérations des globules rouges et blancs, portant 
sur leur nombre, leurs dimensions, leur forme et leur charge en hémo- 
globine; et des modifications de la quantité d'hémoglobine. 

En effet, dès les premiers jours, le nombre des globules rouges diminua 
autant que la quantité relative d'hémoglobine, et cette diminution s’exa- 
géra toujours, jusqu’à la mort des animaux. 

Les hématies apparurent moins rouges et plus transparentes, leur 


4 eE 
hd 
“ii it dci sé 


INGESTION DE L'OXYDE DE ZINC 331 


grandeur et leur forme se modifia dans un certain nombre d’entre elles : 
ces globules, possédant un diamètre qui dépassait de beaucoup la nor- 
male, prenaient une apparence crénelée ou épineuse. Les globules 
blancs augmentèrent de telle sorte que; dans le dernier examen, ils sur- 
passèrent le nombre des hématiss. En même temps l’hémoglobine, éva- 
luée par les procédés chromométriques, diminua constamment, jusqu'à 
ne pouvoir plus être exactement déterminée. Le spectre du sang a presque 
toujours été celui de l’oxyhémoglobine et dans le même il fut facile de 
déceler la présence du sel de zinc. 

Les chiens sont morts du dixième au quinzième jour du commen- 
cement de l'expérience. Les notes de l’autopsie furent les suivantes : 

Pâleur très remarquable de tous les tissus et organes, Le foie, les 
reins et le pancréas, en outre de l’anémie très saisissante, présentèrent 
en plusieurs points des taches claires de dégénérescence graisseuse, qui 
dans les reins étaient bornées surtout à la substance corticale. Quelque- 
fois ces organes se trouvèrent en état d’hyperémie. Tout l'appareil gas- 
tro-intestinal, de la bouche au rectum, était profondément anémique et 
la muqueuse gastrique et duodénale présentait des taches hyperémiques 
irritatives, qui contrastaient avec le fond anémique. Cerveau et moelle 
aussi très anémiques. 


Examen histologique. 


Les altérations histologiques, que nous allons décrire, sont le contrôle 
éloquent de l'action générale toxique, dont nous venons de parler tout à 
l'heure. Nous passons sur les détails de la technique employée, et nous 
allons de suite résumer, d’une façon synthétique, la nature des altérations 
observées dans le tissu des différents organes. 

Ces altérations sont de deux ordres : 

Tantôt, en effet, on aperçoit surtout des altérations de nature circula- 
toire, désordre de vascularisation, plus ou moins étendues et graves, 
tantôt on remarque davantage des altérations de dégénérescence, qui 
saisissent à différent degré les éléments histologiques des divers organes. 
Certes, nous ne voulons pas affirmer qu'il y aït entre ces lésions des 
limites très nettes, de sorte qu’on ne peut pas trouver les deux altérations 
en même temps; tandis qu'il nous sera possible d'établir un rapport géné- 
tique réciproque, et c'est seulement à cause de la prévalence, qu’une 
forme anatomique prend sur l’autre, que nous avons fait cette distinction. 

En effet, il suffit du simple examen macroscopique des organes pour 
évaluer la nature de la forme anatomique. 

Quelquefois on relève à coup sûr dans la teinte assez vive, la légère 
tuméfaction et l'augmentation sensible de la résistance des organes, les 
conditions de l’hyperémie active et du processus irritatif. D’autres fois, au 
contraire, l’atrophie avec dégénérescence, qui a envahi les organes, 
s'aperçoit de suite à la pâleur et à la flaccidité des tissus. 

B10LOGIE. MÉMOIRES. — 9e SÉRIE, 7. IV, 26 


333 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


On ne peut pas écarter l’idée que ces différences, qu’on trouve dans les 
nécroscopies, ne soient avec la durée de l’intoxication, et que toutefois 
les altérations irritatives ne représentent que le premier stade, dans 
lequel les désordres circulatoires n’ont pas encore atteint les éléments 
histologiques assez, pour causer des altérations nécrotiques. 

Une démonstration plus certaine de ces faits est fournie par les mêmes 
organes, qui, bien qu'en proie à des altérations irritatives, renferment 
cependant çà et là des lésions d’un processus regressif initial. 

En même temps nous pouvons encore établir, d'après la différence de 
résistance, que les éléments parenchymateux opposent à l'action du sel 
de zinc, une distinction suffisamment précise, basée sur la fréquence 
variable d'extension, et l’importance des altérations histologiques, qui 
ne sont pas constamment en rapport avec la durée de l'intoxica- 
tion. 

Et c'est sous le point de vue de l’intensité croissante des altérations 
anatomiques, que nous ferons l’exposé de nos recherches histologiques. 

Dans l’appareil cérébro-spinal, même dans les chiens morts de la 
forme la plus grave de l’intoxication, avec des lésions nécrotiques très 
claires des différents organes, jamais les fibres nerveuses de la moelle ne 
présentaient la moindre altération. Par contre, les cellules ganglionnaires, 
surtout celles des cornes grises antérieures, ne sont pas tout à fait 
intactes, il y a quelquefois un état d’atrophie de ces cellules et de tumé- 
faction trouble du noyau, et, en rapport avec ces lésions, il existe une 
diminution dans le nombre des fibrilles radiculaires. 

Dans les formes irritatives, on trouve seulement une dilatation des 
vaisseaux. L’examen des centres encéphaliques ne nous a donné aucun 
résultat important. e 

L'appareil gastro-intestinal lui-même ne présente pas de lésions qui 
soient en rapport avec l'importance de l’intoxication, et cela est d'autant 
plus surprenant, que c'était précisément par cet appareil que se faisait 
l'introduction du sel de zinc. 

Correspondant aux taches d’hyperémie, que la nécroscopie avait mises 
en relief, surtout dans l'estomac et dans la première portion du duodé- 
num, l'examen histologique décèle une dilatation forte des vaisseaux, 
qui se distribuent dans le tissu conjonctif interstitiel, et une dilatation 
moindre de ceux de la sous-muqueuse; cependant, l'infiltration intlam- 
matoire y fait entièrement défaut. Au niveau de ces foyers irritatifs, l’épi- 
thélium glandulaire est quelquefois en grande partie altéré et détruit, 
surtout aux orifices, tandis que l’épithélium des euls-de-sac conserve son 
intégrité. 

Chez un chien seulement nous avons saisi, dans’ la région pylorique, 
siège le plus fréquent de cet état irritatif de l’appareil digestif, une infil- 
tration et une tuméfaction du tissu conjonctif sous-muqueux, qui ne 
représente que le prélude de l’état phlegmoneux de la gastrite, en 


La 


INGESTION DE L'OXYDE DE ZINC 399 


même temps que la couche glandulaire superposée montrait clairement 
un haut degré d’atrophie. 

Hors de ces foyers inflammatoires, qui se bornent toujours à l'estomac 
et au duodénum, les tuniques des autres parties de l’appareil digestif ne 
présentent qu’une anémie très prononcée. 

Les altérations du foie, du pancréas et des reins sont beaucoup plus 
graves et plus étendues. 

Dans le foie, même à l'œil nu, il fut facile de reconnaître, par la teinte 
jaune rougeâlre, et par la diminution du volume et de la consistance de 
l'organe, l’état de remarquable dégénérescence des éléments parenchy- 
mateux. En examinant des coupes on trouve, quoique en proportion 
variable, une dilatation bien accusée des capillaires de l’acinus, associée 
à une atrophie prononcée des cellules hépatiques, tandis que dans les 
autres vaisseaux on remarque de suite une tuméfaction des cellules épi- 
théliales de la tunique interne. | 

Les altérations de l'épithélium des canaux biliaires sont beaucoup plus 
accusées. On y voit, d’une façon plus ou moins nette, les éléments cellu- 
laires fortement et grossièrement granuleux, ce qui démontre la dissolu- 
tion du protoplasma. Cette dissolution est si marquée dans quelques 
canaux, qu'il ne reste plus qu’une couche très mince adhérente au noyau, 
et que dans d’autres les cellules sont totalement désorganisées. 

Le tissu conjonctif interstitiel ne présente aucune modification, en 
rapport avec les altérations graves et étendues du parenchyme. 

Si, en effet, les cellules hépatiques revêtent en quelque point l’aspect 
de l’infiltration graisseuse, lésion qui a peu d'intérêt et de valeur patho- 
logique, par contre elles ont subi, en majeure partie, tantôt la dégéné- 
rescence graisseuse, si évidente, qu'on peut aisément, sans les réactifs 
usités la distinguer ; tantôt la dissolution du protoplasma, caractérisée par 
la perte, de la forme propre à ces éléments cellulaires, de l'apparence 
caractéristique de leur protoplasma et des réactions micro-chimiques. 

Plus fréquemment les modifications commencent par le protoplasma, 
qui entoure le noyau. Après s'être raréfié et avoir pris un aspect grossiè- 
rement granuleux, il finit par se changer en une lacune entourant le 
noyau qui reste intact. 

Dans d’autres points, la lésion débute dans tout le protoplasma en 
même temps. Elle donne naissance à des petites vacuoles qui, soit en se 
fusionnant entre elles, d’une façon plus où moins irrégulière, soit en 
s agrandissant par leur périphérie, par suite d’une destruction progressive, 
donnent aux cellules un aspect réticulé, qui caractérise la dégénérescence 
avancée dans ces éléments. 

Les lésions, trouvées dans le pancréas, ressemblent jusqu’à un certain 
point à celles du foie. Pourtant, dans cet organe, elles sont disséminées en 
petits foyers, plus ou moins rapprochés, de sorte qu’on surprend dans les 
coupes des îlots de parenchyme tout à fait sain, à côté de d’autres, où les 


340 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


cellules des acini sont atteintes par la nécrobiose granulo-graisseuse 
plus ou moins accusée. Même dans le pancréas, on peut remarquer les 
différents degrés de dégénérescence, jusqu’à trouver dans quelques acini 
la destruction complète de l’épithélium. Il ne reste que la seule trame 
conjonctive, bornant une espace parfaitement libre de toute trace 
d'élément cellulaire, ou bien une couche très mince de protoplasma qui 
entoure quelque reste de noyau. Mais, en quelques autres points on voit 
que la lésion, avant d'arriver au dernier état de dissolution, commence 
par produire un resserrement atrophique de la cellule, ou bien des grosses 
granulations. | 

D'un autre côté, dans cet organe, contrairement à ce qui arrive dans 
le foie, nous apercevons un certain épaississement du tissu conjonctif, 
qui, resté ici à un degré initial, aurait pu causer, peut-être, si l'intoxica- 
tion avait été plus lente, l’induration de l’organe. 

Les reins enfin, comme le foie, à cause de leur fonclion sécrétoire et 
éliminatrice du sel minéral, ont été atteints de lésions plus ou moins in- 
tenses et étendues de substance corticale et médullaire. Il suffit de regarder 
une seule coupe de l'organe pour évaluer les altéralions anatomiques. 

Elles sont essentiellement d'ordre dégénératif, et, quoique bien accusées 
dans les tubes contournés et les anses de Henle, le siège de leur maximum 
est dans les tubes collecteurs de la substance médullaire. 

Dans les tubes contournés, l’épithélium, qui est en général gonflé, a 
perdu en grande partie ses stries caractéristiques, qui sont remplacées 
par des granulations grossières, qui ont déjà occupé toute la cellule. Ce 
sont des indices de la dégénérescence, qui progressivement amène çà et 
là la dissolution épithéliale. Dans les tubes collecteurs, on y trouve la 
même dégénérescence des tubes contournés, mais à un stade bien plus 
avancé. 

Les glomérules sont moins atteints, toutefois l'examen microscopique 
montre dans la capsule de Bowman, avec la sécrétion d’une substance 
protéique coagulée, des cellules épithéliales glomérulaires pius ou moins 
nombreuses, et en quelque point des épanchements sanguins considéra- 
bles endocapsulaires, causés par le manque de résistance des vaisseaux 
du glomérule. De plus, la paroi de la capsule s’épaissit en raisonjde la pro- 
lifération des cellules du tissu conjonctif; mais cette altération s'arrête 
bientôt, sans produire un vrai processus interstitiel. 

En résumé, on peut bien reconnaitre le pouvoir toxique de l’oxyde de 
zinc et les lésions qui suivent à cette intoxication, dont les plus remar- 
quables se rencontrent dans le sang, les urines et la nutrition générale, 
ainsi que dans le foie, les reins et le pancréas, organes où on trouve 
principalement la dégénérescence graisseuse. On peut aussi, peut-être, 
admettre un certain rapport entre les lésions anatomo-histologiques du 
pancréas et la présence du sucre dans les urines. 


aid CES EE 
Are : 


DES VARIATIONS CORRÉLATIVES 
DE LA THERMOGENESE 


ET DES 


ÉCHANGES RESPIRATOIRES EN FONCTION 


DE LA CONTRACTION MUSCULAIRE 


PAR 


M. LAULANIÉ 


PROFESSEUR A L'ÉCOLE VÉTÉRINAIRE DE TOULOUSE. 


Mémoire lu à la Société de Biologie, dans la séance du 17 décembre 1892. 


Les faits relatés dans ce travail se rattachent à l’ordre des recherches 
que nous avons entreprises pour essayer de fixer les lois qui président 
aux variations du quotient thermique de l'oxygène et du carbone mis en 
œuvre dans la respiration des animaux. Les premiers résultats en ont été 


publiés, soit dans les Archives de physiologie, soit dans les Bulletins de la 


Société de Biologie (1). 

Les travaux que nous rappelons étaient consacrés à l’étude des varia- 
tions subies par les quotients thermiques sous l'influence de la tonte, de 
l'alimentation, du régime et de l’inanition. 

Dans la présente étude nous recherchons l'influence exercée sur ces 
mêmes quotients par la contraction musculaire. 

Nos expériences ont été faites sur le lapin à l’aide de la méthode qui 
nous a servi jusqu'ici pour la détermination simultanée des caractéris- 
tiques biologiques (coefficients respiratoires en O et en CO? et coefficient 
thermique), 

L'animal est introduit dans l'enceinte calorimétrique et respiratoire 
après avoir été relié aux pôles d’un induit au moyen de deux électrodes 
aiguës implantées l’une au niveau des épaules, l’autre au niveau de la 
région lombaire. 


(4) Recherches expérimentales sur les variations corrélatives dans l’inten- 
sité de la thermogenèse et des échanges respiratoires, influence de la tonte, in 
Arch. de phys., avril 1892 ; — id. Influence de l’alimentation et du régime, in 
Bull. de la Société de Biologie, mai 1892 ; — id. Influence de l'inanilion, Biologie, 
juillet 1892. 

Biozocre. Mémoires. — 9 SÉRIE, 7. IV. | 21 


349 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


La distribution de l'électricité à l’animal réclame des précautions par- 
ticulières. Elle doit êlre graduée de manière à laisser à la série des exei- 
tations une action physiologique uniforme et d'autre part, il importe que 
les excitations elles-mêmes soient contenues dans de telles limites, que 
leurs effets musculaires ne soient pas masqués et dénaturés par leurs 
effets sensilifs, qui ont, comme nous allons le voir, chez le lapin, une im- 
portance particulière. 

Après quelques tâtonnements, nous nous sommes arrêlé aux disposi- 
tions suivantes : le courant est fourni par cinq ou six éléments Leclanché 
(pile de Bergonié) et la bobine (bobine de Ranvier) est placée d'abord à 
6 centimètres. Avec des courants plus intenses on obtiendrait des tétanos 
d’une violence incompatible avec les limites étroites de l’enceinte habitée 
par l'animal. Les excitalions sont espacées de manière à ne pas fati- 
guer le sujet : un rythme de dix excitations par minute produisant cha- 
cune un tétanos durant à peine une seconde est très aisément toléré par 
le lapin. 

Quant à l’uniformité des effets physiologiques, il serait très difficile de 
l’atteindre si nous n’en avions à chaque instant sous les yeux une indica- 
tion très précise et très claire. Cette indication nous est donnée par la 
courbe continue de la consommation d'oxygène que notre dispositif (1) 
nous permet de recueillir et qui nous donne à chaque instant la mesure 
du chimisme respiratoire et des changements qu'il peut subir au cours de 
l'expérience. La marche de la courbe chimique est donc ici un repère 
particulièrement précieux. La diminution de son amplitude acquise est, 
par exemple, l'indice d’un épuisement partiel des effets musculaires du 
courant. Il suffit alors d'augmenter légèrement l'intensité de l’induit par 
un déplacement de la bobine. Celle-ci étant, comme nous l’avons vu, à 
6 centimètres au début de l'expérience et les excitations étant maintenues 
pendant une heure et demie ou deux heures, il suffit, pour leur donner 
une influence motrice uniforme, d'imposer à la bobine un déplacement 
progressif de 4 centimètre environ. Dans ce parcours très lent et très 
limité de la bobine l'intensité des excitations s'accroît dans la mesure 
même de l’affaiblissement de leurs effets. 

Dans l'exécution, tout cela est fort difficile à conduire. Je compte beau- 
coup d'échecs et je n’ai pu mener à bien que quatre expériences dont les 
résultats figurent dans le tableau suivant. 


(1) Sur un oxygénographe à écoulement donnant la mesure de l'expression 
sraphique de la consommation de l'oxygène dans la respiration des animaux, 
in Arch. de phys., Paris, 1890. 


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AVATAVL 


344 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


On remarquera (col. i et 5) que le tétanos électrique a médiocrement 
échauffé les animaux et que, sauf dans l'expérience IV, où la température 
centrale du sujet s’est élevée de 39°,8 à 41°,2, l’échauffement a atteint à 
peine 0°,2 dans les (rois autres faits. Quoi qu'il en soit, il a toujours été 
tenu compte de l’échauffement du sujet dans le calcul de son coefficient 
thermique. 

Parmi les résultats consignés dans le tableau ci-dessus, nous devons re- 
tenir tout d’abord, pour l’interpréter et le mettre hors de cause, l’abaisse- 
ment manifeste que subit le quotient respiratoire sous l'influence des con- 
traclions électriques (col. 9). Or, dans tous les faits acquis aujourd’hui à la 


Fic. 1. — Marche des valeurs relatives prises par les coefficients respiratoires ef 
thermiques en fonction de la contraction musculaire. En A, valeurs de l’état normal 
faites égales à 1. En B, C, D, E, valeurs prises sous l'influence d'un tétanos élec- 
trique d’une intensité croissante. 


science et qui touchent aux modifications apportées au chimisme respi- 
ratoire par le travail musculaire, c’est, le plus communément, un résultat 
inverse qui a été observé. Cette divergence tient exclusivement au mode 
de l’activité musculaire qui, dans nos expériences, est artificiellement pro- 
voquée par des excitations électriques et se complique, quoi qu’on puisse 
faire, des effets sensitifs de ces excitations. Or, la mise en jeu de la sensi- 
bilité réclame toujours, au moins chez le lapin, l'emploi d'un excédent 
d'oxygène. Nous avons réuni et nous publierons très prochainement une 
série de fails établissant que dans cette espèce animale, le quotient respi- 
ratoire est toujours abaissé par les excitations sensitives. Il s’agit là d’une 
loi générale que nous sommes en mesure de dégager et qui dans les pré- 
sentes recherches prend un intérêt particulier. Les excitations électriques 
exercent en effet sur les échanges respiratoires l'influence la plus variée, 
selon que l'on fait prédominer leurs effets moteurs ou leurs effets sensi- 


CONTRACTION MUSCULAIRE 345 


tifs. Dans ce dernier cas, nous avons vu le quotient respiratoire descendre 
de 0.920, sa valeur normale moyenne, à 0.700 ou 0.720. 

Ce n’est point assurément dans des faits de cette nature qu’il convient 
de rechercher les relations de la thermogenèse avec la respiration. Ces 
relations sont trop gravement troublées par les conditions antiÿhysiolo- 
giques où se trouvent placés les animaux. La difficulté est précisément de 
réduire au minimum l'influence de ces conditions antiphysiologiques, et 
c'est à quoi nous nous sommes efforcé dans les quatre expériences que 
nous publions en donnant aux excitations la mesure et le rythme conve- 
nables et en les graduant de manière à prévenir l’affaiblissement de leurs 
effets moteurs. 

Nous pouvons maintenant examiner les résultats contenus dans le 
tableau précédent. Les chiffres réels, qu'il y a toujours le plus grand intérêt 
à fournir, montrent bien les changements apportés par la contraction élec- 
trique dans la valeur des quotients thermiques. Mais le sens des phéno- 
mènes se saisit plus aisément dans les séries suivantes, où les coefficients 
sont rapportés à leur valeur normale prise pour unité. 


Tableau des valeurs relatives prises par les caractéristiques biologiques 
sous l'influence de la contraction électrique, 


ÉTAT NORMAL CONTRACTION MUSCULAIRE 


Coefficient resp. en O. . . 1 1 1.63 1.74 Pa L 
Coefficient resp. en C0?, . 1 1.44 1.46 ASIA 2.06 
Coefficient thermique, . . êl 1255 1.50 4855 2.01 


Ces trois progressions se ressemblent fort, et si on leur donne a forme 
sensible de courbes on obtient le diagramme ci-contre (fig. 1) dans lequel 
les écarts entre les courbes pourraient être considérés comme assez faibles 
pour entrer dans la limite des erreurs inévitables en de semblables re- 
cherches. On serait dès lors tenté de conclure que les relations entre la 
thermogenèse et les échanges respiratoires ne sont pas altérées par le 
tétanos électrique. Mais si l’on examine les chiffres qui expriment cette 
relation, c’est-à-dire les quotients thermiques de l'oxygène et du carbone 
en rapportant leurs valeurs de contraction à leur valeur normale prise 
pour unité, on oblient les deux séries suivantes : 


Valeurs relatives prises war les quotients thermiques sous l'influence 
de la contraction électrique. 


ÉTAT NORMAL CONTRACTION MUSCULAIRE 
RE On EN 
Exp.I Exp. II Exp.lIlIl Exp.1V Moyennes 


Quotient ( de l’Ox. 1 0.949 0.920 0.891 0.923 " 0.921 
thermique ( du C. . 1 0.936 1,020 0.907 0.97% 0.954 


346 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


On voit ainsi tout d'abord que le quotient thermique de l’oxygène est 
plus sensiblement affecté que celui du carbone, mais cette différence 
s'explique, comme nous l’avons vu, par cette circonstance que la douleur 
plus ou moins vive qui accompagne les effets moteurs de l'électricité 
réclame l'emploi d'un excédent d'oxygène et fait baisser le quotient res- 
piratoire. Nous pouvons donc prendre pour mesure des altérations subies 
par les quotients thermiques en fonction de la contraction électrique la 
diminution qui atteint celui du carbone. Cette diminution est très faible, 
elle atteint à peine 1/20° de la valeur normale, et il est légitime de pré- 
sumer qu’elle procède des troubles respiratoires introduits par les exci- 
tations électriques dont on ne peut écarter entièrement les effets doulou- 
reux. L! devient ainsi très vraisemblable que nous ne la retrouverions pas 
dans des expériences plus pures ne comportant que l'exercice normal et 
régulier de l’activité musculaire. 

- En résumé et pour conclure : La contraction électrique modifie très 
légèrement les quotients thermiques chez le lapin. La faible diminution 
dont ils sont affectés est due aux troubles apportés par la douleur plus ou 
moins vive qui accompagne les excitations. Il est à présumer que l’activité 
normale des muscles ne change pas la nature des réactions chimiques de 
la vie. ur 


APPLICATION 


DES LOIS DE LA DISSOCIATION 


À L'ÉTUDE 


DES PHÉNOMÈNES BIOLOGIQUES 


PAR 
M. BRASSE 


Mémoire lu à la Société de Biologie dans la séance du 24 décembre 1892. 


On sait que les composés dont les éléments sont susceptibles d'union 
directe ne prennent cependant naissance qu'à une certaine température 
et que, à un degré plus élevé dans l'échelle des températures, leur décom- 
position peut avoir lieu. 

Pendant longtemps on a admis que cette décomposition n’obéissait à 
aucune loi, ou du moins que la vitesse du phénomène dépendait d’un 
nombre infini de variables dont la détermination semblait impossible. 

Les travaux de H. Sainte-Claire Deville sur la dissociation sont venus 
montrer qu'elle s’accomplit au contraire suivant des lois excessivement 
simples et que les phénomènes de production et de destruction des com- 
posés directs sont tout à fait comparables à ceux de la formation et de la 
condensation des vapeurs. [ls ont établi de plus que la séparation de 
deux éléments commence à une température bien inférieure à celle que 
leur combinaison développe et que, par conséquent, à cette température, 
la combinaison est toujours incomplète. 

« Les vues de Newton sur l’affinité, dit Dumas (1), ont rencontré un 
appui inattendu et considérable dans les belles et importantes recherches 
que M. H. Sainte-Claire Deville a consacrées au phénomène de la Disso- 
ciation, l’une des plus grandes acquisitions, non seulement de la chimie, 
mais même de la philosophie naturelle. En découvrant ce phénomène 
capital, il a ouvert une voie nouvelle à sa science en rattachant les 
décompositions chimiques par un lien étroit au phénomène purement 
physique dé la formation des vapeurs. » 

Les travaux des élèves et continuateurs de Sainte-Claire Deville ont 
confirmé ces paroles de Dumas et la notion de dissociation a éclairé bien 


(1) Remarques sur l'affinité, Ann. de Ch. et Ph. (4),t. XV, p. 70. 


348 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


des phénomènes pour lesquels les chimistes et les minéralogistes n'avaient 
jusqu'alors pu trouver une explication plausible. 

La chimie n’avait pas seule à bénéficier de cette découverte capitale: 
aussi en appliquant à l'étude des phénomènes biologiques la notion de 
dissociation, ai-je été amené à quelques résultats intéressants sur les- 
quels je crois devoir appeler l’attention des physiologistes. 

Mais avant d'entrer dans les développements que comporte ce sujet, on 
me permettra de rappeler en quelques mots ce qu'on entend par disso- 
ciation et quels sont les phénomènes dont nous trouvons les analogues 
en Biologie. 


LES LOIS DE LA DISSOCIATION 


Considérons un liquide quelconque enfermé dans un vase à une tem- 
pérature donnée Ÿ, au bout d’un certain temps, la vapeur qu’il émet sera 
saturée, c’est-à-dire que la pression P de cette vapeur sera égale à la 
tension maximum pour la température {. Si celte vapeur remplit seule 
l’espace non occupé par le liquide, c'est-à-dire si le vide existait primiti- 
vement, la pression P est égale à la dépression que l’on noterait sur un 
baromètre dont la chambre serait mise en communication avec le vase. 
Nous pouvons encore l’exprimer par le rapport entre la hauteur du 
mercure dans le baromètre ainsi disposé et la pression atmosphérique, 
ou bien par le rapport entre les volumes de vapeur ramenés à 0° et à 
760 millimètres qui remplissaient l’espace considéré à la température { et 
à la température de l’ébullition du liquide considéré. 

Si le liquide se vaporise en présence d’un gaz, sans action chimique sur 
le liquide ou sur la vapeur, l'équilibre sera rétabli lorsque le rapport 
entre les pressions relatives de la vapeur et du mélange gazeux, ou, ce 
qui revient au même, entre leurs volumes ramenés à 0° et à 760 millimètres 
sera devenu égal au rapport qui existe entre la tension maximum à {° de 
la vapeur considérée et la pression du mélange de gaz et de vapeur. 

Tant que la température { demeurera invariable, tous ces rapports 
seront exprimés par le même nombre, autrement dit, la pression de la 
vapeur émise et invariable pour une température donnée. 

Si l'on chauffe, une nouvelle quantité de liquide se vaporise et l’on 
obtiendra un nouvel état d'équilibre si après avoir augmenté, la tempé- 
rature devient de nouveau stationnaire. 

Au contraire, si l’on vient à refroidir le système, une partie de la vapeur 
se condensera jusqu'à ce que la température étant devenue de nouveau 
stationnaire, la pression de la vapeur soit devenue égale à la tension 
maximum qui caractérise celte nouvelle température. 

D'autre part, si à une température donnée on augmente la pression de 
la vapeur dans l’espace considéré, par exemple, en y introduisant une 
cerlaine quantité de cette même vapeur toute formée, cette quantité 


LOIS DE LA DISSOCIATION 349 


surnuméraire se condensera en totalité, et Le volume ramené à 0 degrés et 
à 760 millimètres de la vapeur primitivement contenue dans l’espace 
considéré n’aura pas subi la moindre variation. Inversement, si par un 
moyen quelconque on enlève une certaine quantité de vapeur, le liquide 
en émettra une quantité rigoureusement égale. 

En somme, quoi qu’on fasse, pourvu que la vapeur soit en présence du 
liquide qui lui a donné naïssance et que la pression à laquelle est soumis 
le mélange ne varie pas, la quantité de vapeur contenue dans un espace 
donné demeure invariable. 

J'insiste à dessein sur ces mots : quantités, volumes, — alors qu’on a l’ha- 
bitude de ne considérer que les pressions, parce qu’ils me permettront de 
mieux faire saisir les analogies qui existent entre la vaporisation et la 
dissocialion, quand ii s’agira d'appliquer ces notions aux fluides incom- 
pressibles. Cela n’a rien que de très rationnel, en effet, le volume de 
vapeur qui remplirait un espace égal à l’unité sous une pression de 
76 millimètres, la pression extérieure étant 76 degrés, remplirait, sous la 
pression de 760 millimètres, un espace dix fois moins grand. La tension 
de vapeur serait exprimée par le rapport 760 — 10, c'est-à-dire par un 
rapport rigoureusement égal à celui qui existe entre le volume ramené 
à 760 degrés de la vapeur qui remplissait l’espace considéré sous la pres- 
sion de 76 millimètres et le volume de vapeur qui remplirait le même 
espace sous la pression de 760 millimètres, c’est-à-dire à la température 
de l’ébullition du liquide. 

Nous serions arrivé au même résultat, si au lieu des volumes nous avions 
envisagé les quantités en poids. 

Si dans ce qui précède on remplace le mot condensalion par celui de 
combinaison, le mot vaporisation par celui de décomposition; si au lieu de 
parler d’un liquide qui se transforme en vapeurs, on parle d’un composé 
qui se sépare en ses éléments, si, enfin, au lieu de chaleur latente de 
vaporisalion on fait intervenir la chaleur de formation prise en signe 
contraire, tout ce que nous venons de dire s'applique à la décomposilion 
des composés susceptibles de se former par l'union directe de leurs com- 
posants. Tout est absolument parallèle dans ces phénomènes. 

Henri Sainte-Claire Deville a donné le nom de dissociation à cette décom- 
position limitée par la tendance à la reconstitution, absolument analogue 
à la transformation d'un liquide en vapeur et par analogie avec la tension 
maximum ; il appelle fension de dissociation à une température donnée la 
pression qu'exercent à cette température les éléments du composé qui se 
détruit, lorsque, par suite de la lempérature devenue stationnaire, la 
décomposition s'arrête. La tension de dissociation permet d'estimer au 
milieu d'une masse gazeuse en décomposition partielle la proportion des 
éléments mis en liberté. 

Elle représente aussi, dans une combinaison incomplète, le rapport des 
éléments restés libres aux éléments déjà combinés. 


390 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


À la même température, ces deux quantités sont représentées par le 
même nombre, de même que lorsque la tension maximum pour une tem- 
pérature est atteinte, le liquide cesse de fournir des vapeurs et les vapeurs 
de se condenser en rosée. 

La décomposition des combinaisons directes présente cependant cer- 
taines parlicularités qui n’ont pas d’analogues dans la formation des 
vapeurs. 

Tandis que dans la formation des vapeurs nous n’avons à considérer 
que la tension de la vapeur, sans nous occuper autrement du solide et du 
liquide puisque ce ne sont pas des fluides élastiques, nous avons au point 
de vue de la dissociation trois cas à considérer : 

1° Le composé et ses composants sont gazeux, ou le composé et l’un au 
moins de ses composants sont gazeux. Dans ce cas, la dissociation est quel- 
que chose de (rès complexe, puisque la pression du corps qui se décompose 
intervient dans le phénomène, et que, de plus, elle varie en sens inverse de 
l'étendue de la décomposition. Nous n’insisterons pas sur ce sujet, qui ne 
nous a présenté jusqu à présentaucun analogue chez les êtres organisés; 

2° Le composé est solide, ou liquide, et sa tension de vapeur est négli- 
geable à la température de l’expérience. C’est le cas-type de la dissocia- 
tion, le mieux étudié et celui qui a permis de rapprocher les phénomènes 
de dissociation de la formation des vapeurs; 

3° Le composé et l’un au moins de ses composants sont solubles. (C’est 
ce que M. Ditte a appelé dissociation par les liquides, ou dissociation des 
liquides. Gomme nous le verrons, ce cas, est celui dont les applications en 
Biologie sont les plus fécondes. 

Ici nous n'avons plus de tension, puisque les éléments en présence ne 
sont plus des fluides élastiques; cependant M. Ditte a cru devoir conserver 
ce terme, pour bien établir que les phénomènes qu’il a étudiés ne sont 
qu'un cas particulier du phénomène plus général de la dissociation. 
Quant à nous, afin d'éviter tout malentendu, nous nous servirons du mot 
tension, toutes Les fois que nous voudrons désigner des pressions, et du 
mot coefficient toutes les fois que nous voudrons désigner des rapports 
de volumes ou de poids. Comme nous l’avons dit plus haut, ces différents 
rapports, envisagés au point de vue de la formation des vapeurs, étant 
exprimés par le même nombre, nous n’altérons en rien les analogies qui 
rapprochent la dissociation de ce phénomène. 

Étudions maintenant un cas bien net de dissociation, et voyons quelles 
sont les conséquences de cette notion nouvelle. 

Nous prendrons pour type la décomposition du carbonate de chaux 
étudiée par Debray (1). 

La décomposition du spath d'Islande dans le vide, nulle à 350 degrés 
est à peine sensible à 440 degrés. C'est à peine si à cette température la 


(1) Debray. C. R. Ac. des Sc., t. LXIV, p. 603. 


TA 


Gé E  c 


LOIS DE LA DISSOCIATION 301 


surface des cristaux se ternit. À 860 degrés il se dégage de l'acide carbo- 
nique, et le dégagement s’arrête lorsque le gaz exerce dans l’appareilune 
tension de 85 millimètres de mercure. Le reste du carbonate de chaux ne 
subira plus de décomposition, tant que la température restera station- 
naire. Si l’on enlève de l'acide carbonique, ia tension diminue, mais immé- 
diatement le carbonate de chaux encore inaltéré commence à se décom- 
poser et à fournir de l’acide carbonique, jusqu'à ce que la tension de 
83 millimètres soit de nouveau atteinte. Si on laisse refroidir l'appareil, 
un phénomène inverse prend place, la chaux et l'acide carbonique se 
recombinent, et à 350 degrés le vide se rétablit dans le tube où l’on fait 
expérience. 

Tout se passe de la même façon si l’on a introduit primitivement un 
mélange de chaux et de carbonate de chaux : ce qui montre bien que, 
comme dans la formation des vapeurs, la tension maximum est indépen- 
dante de la masse non gazeuse sur laquelle on opère; mais si, dans ces 
conditions, à la température de 860, degrés quand la tension de 85 milli- 
mètres est établie, on fait entrer dans l'appareil une certaine quantité 
d'acide carbonique, la tension devient plus forte. Alors la chaux libre. 
s'empare de l'excès d’acide carbonique, et au bout d’un certain temps, la 
tension retombe à 85 millimètres, — chiffre caractéristique. 

A 1040 degrés, les phénomènes se reproduisent d’une façon identique, à 
cela près que la décomposition de carbonate de chaux s'arrête seulement 
lorsque la tension du gaz carbonique devient égale à 520 millimètres. 
Ainsi à 1040 degrés par exemple, si l’on fait passer dans l'appareil un cou- 
rant de gaz carbonique à la pression de 530 millimètres, la chaux se 
transforme en carbonate et le spath d’Islande ne subit aucune décompo- 
sition, et cela parce que la tension de l’acide carbonique dans l'appareil 
est toujours supérieure à 520 millimètres. À la même température, la 
chaux n’absorbera pas trace d’acide carbonique et le spath sera entière- 
ment décomposé si l’on fait circuler dans l'appareil un courant d’acide 
carbonique sous une pression inférieure à 520, 510 millimètres pour 
fixer les idées. 

Les mêmes éléments sont en présence ; seule la pression de l'acide 
carbonique a varié de quelques millimètres, et cela a suffi pour que le 
phénomène change de sens. Ces expériences nous montrent qu’à chaque 
température correspond une valeur particulière, mais constante, de la 
tension du gaz produit de la décomposition, et que cette tension, dite de 
dissociation va croissant à mesure que l’on chauffe davantage. On voit 
qu'il y a là analogie complète avec le phénomène de la formation des. 
vapeurs, caractérisée par une tension maximum invariable pour une 
même température mais croissant si la température s'élève. De même 
que l’on peut vaporiser totalement un liquide à une température très 
basse, pourvu qu’on enlève la vapeur à mesure qu’elle se forme, de 
manière à empêcher la tension de s'établir, de même la décomposition du 


332 ; MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


carbonate de chaux peut devenir complète à 860 degrés, par exemple, si 
l’on enlève l'acide carbonique à mesure qu’il se dégage, de manière à 
l'empêcher d’atteindre dans l’appareil la pression de 85 millimètres, 
valeur de la tension de dissociation pour cette température. 
- Dans l’expérience que nous venons de rapporter, on voit la tension de 
dissociation croître dans le même sens que la température; il n’en est pas 
toujours ainsi. 

Dans certains cas, la tension de dissociation est susceptible de passer 
par un maximum; au delà elle décroit alors que la température augmente, 


C'est ce qu’on remarque chez les corps qui jouissent de la propriété très 


remarquable de prendre naissance à une température plus élevée que 
celle de leur décomposition. C’est le cas du sous-chlorure et du sous- 
fluorure de silicium; qui sont très stables au rouge blanc, ainsi qu'aux 
tempéralures ordinaires et qui n’ont une tension de dissociation qu’au 
rouge vif pour le sous-fluorure, que vers 700 degrés pour lesous-chlorure. 
Si à partir du rouge blanc on abaïsse lentement la température, la décom- 
position de sous-fluorure devient bientôt complète; si, au contraire, on 
refroidit très brusquement, il subsiste, ce qui a permis de l'isoler. 

Ce n’est pas seulement lors de la décomposition limitée d’un corps 
composé que l’on remarque des phénomènes analogues à la formation 
des vapeurs ; on en rencontre également lorsqu'on étudie certaines modi- 
fications a!lotropiques. 

Le cyanogène gazeux soumis à l’action de la chaleur se transforme en 
un isomère solide, le paracyanogène, mais ce dernier, chauffé à une 
température plus élevée, subit la transformation inverse, et donne du 
cyanogène. Voici d’après MM. Troost et Hautefeuille (1) la marche du 
phénomène. 

C’est seulement vers 500 degrés que le cyanogène commence à se trans- 
former en paracyanogène ; mais à cette même température, le paracya- 
nogène donne du cyanogène gazeux. 

Suivant les conditions de l’expérience, l’une ou l’autre de ces réactions 
l'emporte ; si le cyanogène gazeux est en majorité il se transforme presque 
entièrement en paracyanogène ; si, au contraire, on enlève, au fur et à 
mesure, le gaz produit, on peut transformer presque complètement le 
paracyanogène en cyanogène. 

Tout dépend de la température et de la tension du cyanogène : il se 
passe là un phénomène analogue à celui qu’on observe quand on chauffe 
un mélange de chaux et de carbonate de chaux dans un courant de gaz 
carbonique. MM. Troost et Hautefeuille ont montré que, en effet, l’expli- 
cation est la même, et ils ont donné à la tension limite le nom de fension 
de transformation. Cette tension augmente à mesure que l’on chauffe, et, 
à une lempérature donnée, la transformation de l’un des isomères ou 


(1) C. R. Ac. des Sc., 1. LXVI, p. 735 et 793. 


CS SR a SE ns dé à à 


LOIS DE LA DISSOCIATION 399 


l’autre s'effectue jusqu'à ce que le gaz qui en résulte, ou qui demeure 
sans se transformer, ait atleint une tension invariable pour une lempé- 
rature donnée. 

Si l’on diminue la pression du cyanogène, on augmente la quantité du 
paracyanogène transformé ; si, au contraire, on l’augmente, une partie 
du cyanogène repasse dans l’état allotropique de paracyanogène. 

Cette transformation est done encore un phénomène analogue de tous 
points à la formation des vapeurs, la tension de transformation, jouant 
dans le premier phénomène un rôle tout à fait comparable à celui de la 
tension maximum de la vapeur dans le second. 

Il y a donc analogie complète entre les lois de la dissociation de la 
transformation allotropique et de la formation des vapeurs. 

11 est à remarquer toutefois que, tandis que la condensation d’une 
vapeur dans une enceinte à lempérature variable s'effectue au point le 
plus froid, suivant Le principe de Watt, c’est au point le plus chaud que 
s'effectuent avec le plus de facilité les transformations allotropiques. Quant 
au phénomène de la dissociation, l'existence d'un maximum de tension 
prouve que l’énergie de la réaction peut être plus grande en un point qui 
n’est ni le plus chaud ni le plus froid. | 

Pour terminer notre exposé général des Lois de la dissociation, il ne 
nous reste plus qu’à examiner le cas où le composé, et l’un au moins de 
ses composants, sont solubles. M. Ditte a fait une étude complète de ce 
cas particulier, auquel il a donné le nom de Dissociation par les liquides (1). 

Pour fixer les idées, nous étudierons d’après cet auteur la décomposi- 
tion par l’eau du sulfate double de potasse et de chaux. 

Le sulfate de chaux est légèrement soluble dans l’eau; si nous ajoutons 
à sa dissolution une quantité convenable de sulfate de potasse, il se forme 
un précipité cristallin, ayant pour formule 2 (Gao So) Ko So° 3Ho et 
qui est un sulfate double de potasse et de chaux. 

Rien ne se produit, tant que la quantité de sulfatéo-potasse introduite 
dans un litre de solution de sülfate de chaux est inférieure à 26 grammes. 
Mais dès que cette limite est atteinte, on voit apparaitre le précipité et 
toute nouvelle quantité de sulfate de potasse qu’on ajoute à la dissolution 
est apte à se combiner avec le sulfate double de potasse et de chaux. 

Par suite, une quantité quelconque de sulfate double de potasse et de 
chaux, introduite à la température de 15 degrés dans une dissolution ren- 
fermant par litre 26 grammes de sulfate de potasse, ne subit aucune 
décomposition. 

En définitive, la décomposition du sulfate double de potasse et de chaux 
sous l'influence de l’eau à 15 degrés, s'effectue de telle sorte qu’un litre de 
liqueur contienne d'une façon permanente 26 grammes de sulfate de 
potasse ; une liqueur de cette compostition est alors sans action chimique 


(1) À. Ditte. Ann. Sc. de l’Ec. Norm. Sup., mars 1876. 


394 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


sur le suifate double de potasse et de chaux. À celte température, il faut 
donc que le liquide qui baigne le sel ait une composition définie et cons- 
tanle pour que l'équilibre subsiste ; si l’on ajoute de l’eau, une partie du sel 
se décomposera et fournira du sulfate de potasse à la liqueur, jusqu'à ce 
que sa teneur en sulfate de potasse soit redevenue égale à 26 grammes 
par litre: si, au contraire, on ajoute du sulfate de potasse, la quantité 
ajoutée se combine avec le sulfate de chaux; en admettant qu’il y en ait 
eu excès dans le précipité, il se fait du sulfate double de potasse et de 
chaux, et la teneur du liquide en sulfate de potasse redevient égale.à 
26 grammes par litre. 

La quantité de sulfate de potasse nécessaire pour que la décomposition 
du sel double n’ait plus lieu augmente avec la température, mais il est à 
remarquer que le poids du sulfate de potasse dissous reste toujours de 
beaucoup inférieur à celui que peut dissoudre un litre d’eau à la même 
température. 

En résumé, lorsqu'il s’agit de la décomposition d’un sel par un liquide, 
il existe pour chaque température une liqueur de constitution telle que, 
suivant qu’on en fait varier la concentration dans un sens ou dans l’autre, 
il y a décomposition ou formation du sel considéré. En d’autres termes, 
quel que soit le point de départ, le sens du phénomène est toujours tel 
que la liqueur revienne à cette concentration limite. 

La décomposition d’un sel par un liquide rentre donc bien dans la caté- 
gorie des phénomènes de dissociation, et les lois que H. Sainte-Claire- 
Deville a formulées sont applicables, en remplaçant la tension de dissocia- 
tion de l'élément gazeux qui se dégage par le poids de l’élément que le 
dissolvant enlève et qui se répartit dans un volume déterminé de la liqueur. 
Pour la facilité du langage, M. Ditte emploie néanmoins le terme fension, 
mais avec l’acceplion que nous venons de formuler. Comme ce terme ne 
peut être compris qu'autant qu'on connait les motifs qui ont milité en 


faveur de son adoption nous préférons employer le mot coefficient de 


dissociation, qui répond à la même définition et qui a l'avantage d’être 
moins paradoxal. 

En somme, que la dissociation soit produite par la chaïeur appliquée 
directement ou en présence d’un dissolvant ou par un dissolvant seul, les 
phénomènes sont les mêmes; seule la définition de la tension change. Dans 
la suite nous emploierons le mot {ension toutes les fois que nous envisa- 
gerons des rapports de pressions, et le mot coefficient lorsqu'il s'agira de 
rapports de poids. 

Il nous resterait maintenant à examiner quelles applications à la Biolo- 
logie j'ai tirées de ces lois; mais il est préférable pour aborder fructueu- 
sement ce sujet, de donner un ensemble général et succinct de l’état de la 
question au moment où j'ai commencé mes recherches. 


à 
] 


ÊTess 


LOIS DE LA DISSOCIATION 399 


MIGRATION ET ACCUMULATION DES RÉSERVES DANS L'ORGANISME. 


Les premières et nous pouvons même dire les seules expériences qui 
aient eu pour but d’élucider le problème de l'accumulation des réserves 
ont été faites il y a vingt-cinq ans par M. Dehérain (1). 

Ce savant a montré qu'en mettant en jeu de simples forces physiques, 
comme la diffusion et la précipilation, on pouvait faire pénétrer à travers 
une membrane certains éléments choisis à l’exclusion des autres, imitant 
en cela le choix qu'exécutent les plantes vivant au sein d’une dissolution 
complexe, la préférence que montrent certains tissus en accumulant une 
seule des substances qui se trouvent à l’état dissous dans les tissus avoi- 
sinants. 

M. Dehérain n'avait alors en vue que l'accumulation des matières mi- 
nérales par les plantes; ce n’est que plus tard, lorsqu'il a montré que 
lamidon produit dans la feuille d’une céréale allait s’accumuler dans le 
grain en prenant d’abord la forme soluble, qu’il a pensé que l'explication 
antérieurement admise trouvait une nouvelle application dans l’accumu- 
lation des réserves hydroc arbonées insolubles. 

Voiei l'expérience capitale qui sert de base au travail en question : 

On place dans un vase de verre renfermant une dissolutiou de sulfate 
de cuivre un vase poreux, comme ceux qu'on emploie dans lespiles hydro- 
électriques. Ce vase intérieur est rempli d’eau distillée, et le niveau du 
liquide est le même dans les deux vases. Après quatre jours, 10 centimè- 
tres cubes de la dissolution intérieure renfermant autant de sel que 10 cen- 
timètres cubes de la dissolution extérieure, l'équilibre est établi. A ce 
moment on verse dans le vase poreux quelques gouttes d’eau de baryte, 
on précipite ainsi une partie du sulfate de cuivre à l’état de sulfate de 
baryÿte et d'oxyde de cuivre; la dissolution intérieure est appauvrie en 
sulfate de cuivre par cette précipitation, l'équilibre est rompu, et un nou- 
vel afflux de sel venant du vase extérieur tend à le rétablir. Sil'on renou- 
velle la précipitation, on détermine un nouvelafflux consécutif de sulfate 
de cuivre dans le vase intérieur. En répétant fréquemment ces précipita- 
tions, il arrive un moment où tout le sulfate de cuivre primitivement con- 
tenu à l’état de dissolution dans le vase extérieur se trouve maintenant 
accumulé dans le vase intérieur à l’état de sulfate de baryte et d'oxyde de 
cuivre. î 

Si la dissolution primitive avait été additionnée d’un sel non précipita- 
ble par l’eau de baryte, ce sel aurait d’abord diffusé de l'extérieur vers 
l’intérieur ; mais lorsque l'équilibre aurait été établi, la teneur de l’eau 


(1) P. Dehérain. Recherches sur l’assimilabilité des substances minérales 
par les plantes (Mémoire couronné par l’Académie des sciences. Prix Bordier). 
Ann. des Sc. nat. (Bot), (4),t. VII, p. 1659. 


3306 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


des deux vases n'aurait plus varié, tandis que, sous l'influence des précipi- 
tations répétées, le sulfate de cuivre du vase extérieur aurait pénétré en 
totalité dans le vase intérieur. 

: On aurait donc assisté dans celte expérience à un véritable choix 
exécuté par le vase poreux qui se serait chargé de sulfate de cuivre 
devenu insoluble, tandis qu’une fois l'équilibre établi, la proportion des 
sels solubles contenus dans les deux vases n'aurait pas varié pendant 
toute La durée de l'expérience. La cause de ce choix est unique, le sulfate 
de cuivre s'’accumule dans le vase intérieur parce que là il passe à l’état 
insoluble et qu’alors il échappe aux lois de la diffusion. 

Etudions maintenant, d’après M. Dehérain, un cas bien défini : l’accu- 
mulation de l’amidon dans le fruit d’une céréale. 

Sous l'influence des rayons solaires, les parties vertes de la plante 
absorbent l'acide carbonique que renferme l’air ambiant et lui rendent un 
volume à peu près égal d'oxygène. 

Cette assimilation d’acide carbonique se traduit immédiatement par 
un dépôt d’amidon dans l’intérieur ou dans le voisinage des grains de 
chlorophylle. 

Par quelle suite de transformations le gaz carbonique absorbé donne- 
t-il naissance à de l’amidon ? Nous pouvons tout au plus l'imaginer, car 
jusqu’à présent il a été impossible d’en observer les phases, aussi bien que 
d’en reproduire synthétiquement quelques-unes. La seule chose qui jus- 
qu'ici nous paraît sinon évidente, du moins indispensable, c'est la forma- 
tion d’une glucose précédant celle de l’amidon. 

Lorsque l'obscurité vient à succéder à la lumière du jour, l'absorption 
du gaz carbonique par les parties vertes cesse, un autre phénomène prend 
place : l'amidon formé à la lumière disparaît, un glucose se ‘orme et se 
dissémine par diffusion dans toutes les parties de la plante, ce qui fait 
dire que la glucose élait la forme de voyage de l’amidon, expression 
imagée qui rend bien compte de la réalité des faits, car l’amidon, subs- 
tance insoluble, resterait indéfiniment à l'endroit où il a pris naissance 
s’il ne se transformait en glucose, substance soluble, diffusible, et par 
suite capable de se transporter partout où se fait sentir le besoin de 
matériaux hydrocarbonés. 

Ce glucose est le plus souvent employé en nature, brülé dans l'acte 
respiratoire et transformé en nouveaux tissus; mais parfois la plante 
constitue dans certains de ses organes et spécialement dans les embryons 
des réserves qui ne seront utilisées que dans des cas bien déterminés. 

Ces réserves doivent échapper à la consommation journalière et par 
conséquent s’accumuler. Le glucose ne convient pas pour cet usage, 
puisqu'il est diffusible ; il se transforme donc en amidon, et l'accumulation 
de l'amidon se fait dans ce cas comme l’accumulation du sulfate de 
cuivre dans l'expérience de M. Dehérain. En pénétrant dans la cellule 
où se constitue la réserve, le glucose soluble se transforme en amidon 


LOIS DE LA DISSOCIATION 391 


insoluble, de même que le sulfate de cuivre soluble s'était accumulé dans 
le vase poreux par suite de sa transformation en sulfate de baryte et 
oxyde de cuivre insolubles. 

Dans cette revue rapide des transformations et du processus de l’accu- 
mulation de l’amidon nous avons passé,sans nous y arrêter,sur un certain 
nombre de points dont l'importance a toujours été jusqu'à nos recher- 
ches, considérée comme secondaire, mais dont l'étude que nous allons 
maintenantreprendre en détail va nous amener à des résultats importants. 


ÀPPLICATION DE LA NOTION DE DISSOCIATION A L'ÉTUDE DES MIGRATIONS 
ET DE L'ACCUMULATION DES RÉSERVES HYDROCARBONNÉES. 


1° Comment l’amidon chlorophyllien se transforme-t-il en glucose? et 
puisque le glucose semble avoir précédé l'apparition de l’amidon, pour- 
quoi cette transformation intermédiaire qui semble ne répondre à aucun 
besoin ? 

2° Comment s'effectue dans la feuille la transformation de l’amidon en 
glucose, alors que dans nos laboratoires nous ne sommes arrivés à repro- 
duire qu’un phénomène analogue et encore, après avoir fait subir à 
l'amidon une opération préalable et en employant des températures 
auxquelles l’organisme ne pourrait résister. 

3° Comment se fait-il que parfois la migration de l’amidon change de 
sens et qu'au lieu d'assister au transport de l’amidon de la feuille à l’or- 
gane qui emmagasine cette réserve, nous voyons inopinément l’amidon 
se diriger de cette réserve vers un point quelconque de la plante ? 

4° Enfin, si l’insolubilité de l’amidon nous permet d'expliquer la forma- 
tion de cette réserve, comment pourrons-nous expliquer l'accumulation 
d'une substance soluble en un point donné de l'organisme? le sucre de 
canne par exemple dans la betterave. 

Partant de ce fait que l’empois d’amidon soumis à l’action de la diastase 
du malt est transformé en maltose et dextrine, voici comment on a long- 
temps expliqué la dissolution de l'’amidon dans une graine de céréale en 
germination, seul cas où l'on avait constaté la présence d’un ferment 
soluble. 

1° Il se développe pendant la germination un principe qui transforme 
l’amidon eru en quelque chose d’analogue à l’'empois. 

2° Le sucre réducteur qui se forme pendant la germination et qu’on 
appelle du glucose est en réalité de la maltose. 

3° La dextrine est détruite au fur et à mesure de sa formation, puisqu'on 
n'en rencontre pour ainsi dire jamais. 

Or rien de tout cela n’a encore été démontré. La transformation de 
l'empois et celle de l’amidon physiologique suivent des processus tout 
différents. 

_Les recherches de O’Sulivan relatives à l’action de la diastase du malt 
BroLoGie. Mémoires. — 9e série, T. IV. 28 


398 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


sur l’empois d'amidon ont eu plutôt pour but la fabrication rationnelle 
de la bière que la physiologie de la germination. La dissolution de l’ami- 
don du malt a lieu à une température élevée (60 à 6%°) ; encore faut-il re- 
marquer que cet amidon n’est plus dans les conditions physiologiques, 
puisqu'il a subi l’action de la chaleur lors de la torréfaction du malt. 

A la suite de recherches d’un auteur allemand, dont le nom nous 
échappe, nous avions pensé que la pression pouvait bien être un des 
facteurs du problème et qu’à des pressions allant jusqu’à 14 atmosphères 
que l’auteur avait constatées dans les cellules, la diastase pouvait fort bien 
opérer les transformations que nous voyons s’opérer dans les cellules, 
sans que la température s'élève de beaucoup au-dessus de la normale. 

Dans ce but, nous avions rempli, avec de l’amidon cru en suspension 
dans une solution de diastase du malt, des tubes thermométriques cons- 
truits de telle facon que la dilatation produite par l'élévation de la 
température produisit la pression voulue. On chauffa ainsi, à une tempé- 
rature de 30 degrés, et sous une pression qu’on pouvait évaluer à 8 atmos- 
phères, un mélange d’amidon cru et de diastase du malt en dissolution. 
Dans ces conditions, nous avons obtenu au bout de vingt-quatre heures 
des quantités très appréciables d'un sucre réducteur sans mélange de 
dextrine, alors que, jusque-là, l’action saccharifiante de la diastase sur 
l’amidon cru était niée par tous les expérimentateurs. Mais en examinant 
attentivement un tube témoin, chauffé dans les mêmes conditions à la 
pression ordinaire, nous y trouvâmes aussi une certaine quantité de sucre 
réducteur moindre, il est vrai, que lorsqu'on fait agir la pression. 

La pression était donc bien un des facteurs du problème, mais nous 
avions aussi pu constater ce fait vraiment nouveau : à la pression ordinaire 
et à une température de 30 degrés, la diastase transforme l'amidon cru en 
un sucre sans mélange de dextrine. 

Tous les observateurs qui se sont occupés de la question ont été telle- 
ment unanimes à nier la transformation directe de l’amidon cru en glu- 
cose, qu'il devait y avoir là un point particulier qui distinguait ce phéno- 
mène de tous ceux étudiés jusqu'alors en Biologie. C'est cette inconnue 


que nous nous sommes appliqué à dégager, car notre première expérience: 


ne pouvait laisser aucun doute; l’amidon employé était pur de toute subs- 
tance possédant un pouvoir réducteur, on dosait rigoureusement, par la 
méthode d’Allihn, le sucre réducteur contenu dans la solution de diastase 
employée ainsi que celui qui y apparaissait après un séjour de vingt- 
quatre heures à 30 degrés, enfin on n’a constaté la présence d’aucun 
microbe. 

Les premiers résultats obtenus paraissaient assez paradoxaux : Plus on 
emploie de diastase et plus la dissolution est concentrée et moins il se fait 
de sucre; dans certains cas même, on ne retrouvait pas à la fin tout le 
sucre qu'on aurait dû trouver d’après les tubes témoins, disons tout de 
suite que ces cas se sont produits quand nous n’avions pas le soin de 


del fs à 


- 
; 
1 
À 
| 


LOIS DE LA DISSOCIATION 309 


maintenir la constance des volumes et l'égalité de dilution des tubes 
témoins. 

L'élévation de la température conduit aux mêmes résultats. 

Cependant quand on emploie des quantités très faibles de diastase, 
aussi exempte de sucre que possible, sans toutefois avoir été trop long- 
temps en contact avec l'alcool (1) et en expérimentant à des tempéra- 
tures aussi rapprochées que possible, voici ce qu'on peut constater : 

Au-delà de 45 degrés, l’amidon eru ne subit aucune modification sous 
l’action de la diastase. 

Au dessous de 45 degrés, la diastase transforme l’amidon cru en un 
sucre réducteur sans mélange de dextrine. 

Cette diminution de l'énergie de la réaction, alors qu'on élève la tem- 
pérature, nous montrent bien qu'il n’y a pas là deux actions qui se com- 
plètent, et qui feraient rentrer ce phénomène dans le cas plus général de 
la dissolution de l’empois, c'est-à-dire transformation de l’amidon en 
une substance ressemblant à l’empois, puis action de la diastase sur cette 
substance. Le phénomène diffère totalement de la transformation de 
l’empois sous l'influence de la diastase et, ce qui l’en éloigne encore plus, 
c'est que la transformation de l’amidon cru n’est pas indéfinie, ni fonction 
du temps et de la quantité de diastase employée, comme dans un phéno- 
mène chimique ordinaire. 

Cette transformation s'arrête lorsque la liqueur contient une certaine 
quantité de sucre réducteur, quantité qui varie avec la température et 
une pression donnée. Cet arrêt est tout à fait indépendant des quantités 
d’amidon et de diastase en présence. [l se produit toujours, quand les 
quantités d’eau et de sucre sont dans un rapport donné qui ne varie 
qu'avec la température. Si l’on fait varier les termes de ce rapport en 
ajoutant de l’eau, ou bien en enlevant du sucre par osmose, la dissolution 
de l’amidon recommence jusqu’à ce que le rapport limite soit de nouveau 
atteint. Dans une expérience où on avait introduit dans deux flacons iden- 
tiques 300 milligrammes d’amidon avec des quantités différentes de dias- 
tase, l’un des vases À avait recu une solution de diastase contenant plus de 
1 gramme de sucreréducteur au litre, l’autre, B, cette même solution quatre 
fois plus étendue. Dans ce dernier vase plongeait un large tube fermé à sa 
partie inférieure par une membrane de papier parchemin et contenant de 
l’eau distillée qu’on renouvelait chaque jour. Ces deux vases étaient main- 
tenus à la températnre de 34 degrés. Au bout de quatre jours le vase B 
ne contenait plus d’amidon, tandis qu’en recueillant et pesant celui qui 
restait dans le vase A, on retrouvait la quantité primitivement introduite. 

Or, à 34 degrés, le rapport limite auquel s'arrête la réaction est voisine 


(4) Ce qui n’est pas le cas pour la diastase du malt, qui conlient toujours 
beaucoup de sucre, dont on ne peut la débarrasser que par des lavages pro- 
longés à l'alcool. IL est préférable d'employer la diastase des feuilles. 


360 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


de 1 gramme au litre; la diastase du vase À contenant déjà une quantité 
de sucre supérieure à ce rapport, la dissolution de l'amidon n’a pu se pro- 
duire, tandis que, dans le vase B, où la diastase contenait quatre fois moins 
de sucre et où on enlevait par osmose le sucre produit au fur et à mesure 
de sa production, le rapport limite n’a jamais été atteint et la transforma- 
tion de l’amidon en sucre a été complète. 

La quantité de sucre qui produit l'arrêt de la réaction est toujours fort 
minime ; comme nous venors de le voir, à 40 degrés elle est voisine de 
1 gramme par litre. De plus, les solutions de diastase du malt aux con- 
centrations où on les emploie d'ordinaire contiennent toujours une quan- 
tité de sucre ou de substance saccharifiable supérieure à 4 p. 100 à moins 
qu'on ait prolongé les lavages à l'alcool auquel cas la diaslase n'agit 
plus sur l’amidon cru ainsi que nous avons pu nous en assurer. On com- 
prend donc facilement qu’on ait nié longtemps la dissolution de l'amidon 
cru par la diastase, puisque, à moins d'employer des solutions excessive- 
ment étendues, le phénomène ne pouvait pas se présenter aux yeux des. 
observateurs. Il est probable aussi qu’on a toujours été tenté d’opérer à 
des températures voisines de celles où.la transformation de l’empois se 
faisait le mieux et, qu'à ces tempéralures, en effet, l’amidon cru n’est 
jamais altaqué par la diastase (1). 

Ce phénomène ne ressemble-t-il pas, de &ous points aux phénomènes de 
dissociation et de transformation que nous avons étudié dans la première 
partie de ce travail. Il ressemble bien plus à un cas particulier de ces 
phénomènes, la saponification des éthers à acides organiques que M. Ber- 
thelot avait étudiée longtemps avant que la notion de dissociation ait fait 
son apparilion dans la science. Dans l’état actuel de nos connaissances, 
nous considérons en effet l’amidon comme un éther mixte du glucose ; or, 
dans la saponification d’un éther par l’eau, on voit la saponificalion 
s'effectuer lentement et s'arrêter lorsqu'il existe entre l’eau, l'acide, l’al- 
cool et l’éther non décomposé un certain état d'équilibre qui varie avec 


(1) Dans un travail sur l’amylase de l'urine publié en 1889, M. Dubourg a 
constaté que cette diastase saccharifiait l’amidon cru, ce qui la distingue, dit- 
il, de l’amylase du malt, mais il ne paraït pas avoir vérifié l'exactitude de 
cette action négative. L'action de l'amylase de l'urine doit être en effet plus 
nette à cet égard que celle de l'orge germée, car elle ne contient pas de sucre 
comme cette dernière et nous avons montré que suivant les proportions de 
sucre qu'elle renferme, la diastase du malt peut ou ne peut pas saccharifier 
l’amidon cru. 

D'autre part, M. Lindet, dans la séance du 4 mars 1889 a communiqué à 
l'Académie des sciences une note où il montre: 1° que l'accumulation de la 
maltose dans un moût cause l'arrêt de la saccharification même ; 2° que la 
diastase reprend son action quand la maltose est éliminée, soit à l’état d'acide 
carbonique et d'alcool par fermentation, soit par précipitation à l’état dérivé : 
phénylhydrazine insoluble. 


LOIS DE LA DISSOCIATION 361 


la température, mais qui est (oujours le même pour une température 
donnée. N'est-ce pas, de tous points, ce qui se passe lorsque l’amidon se 
transforme un sucre réducteur? Les phénomènes sont parallèles; nous 
n'avons comme différence, que le plus grand degré de complexité qui 
caractérise les phénomènes de la vie. 

Reste à savoir si l’on observe dans l'organisme des phénomènes de ce 
genre, et si le processus de la dissolution de l’amidon cru, tel que nous 
venons de le décrire, n’est pas aussi artificiel que celui de la dissolution 
de l’empois. 

A notre connaissance il n'existe qu’un cas en Biologie où un phéno- 
mène d'arrêt ait été bien observé et bien étudié el il a précisément trait 
à la dissolution de l’amidon dans la feuille. I! nous est fourni par M. Cu- 
boni, professeur à l’école d'agriculture de Conegliano (Venétie) (1). 

Après avoir constaté par la méthode de Sachs, qu’à l'obscurité l’amidon 
des feuilles disparait entièrement, ce savant a eu l’idée d'examiner ce qui 
se passerail dans une feuille ne pouvant plus, physiologiquement, commu- 
niquer avec la tige par diffusion. Pour réaliser cette condition, il suffit de 
faire, sur un rameau de vigne, une incision annulaire intéressant le liber 
mou. On voit alors, à l'obscurité, l’amidon disparaître de toutes les 
feuilles du rameau, et demeurer inaltéré dans toutes celles qui ont été iso- 
lées de la tige par les incisions annulaires. Il n’y a que deux facons d’in- 
terpréter ce fait : ou bien.c'est un phénomène d'arrêt causé par la pré- 
sence du sucre qui reste dans la feuilie, puisqu'il ne peut plus se répandre 


-par diffusion dans la tige, ou bien, et c’était la conclusion de M. Cuboni, 
-qui ne connaissail pas nos expériences, il manque à la feuille un ferment 


diastasique qui lui serait fourni en temps ordinaire par la tige. 
Cette seconde hypothèse est inadmissible puisque, en 1884, nous avons 


.montré que, dans toutes les feuilles renfermant de l’amidon, on trouvait 


aussi un ferment diastasique identique à la diastase de l'orage germée, 
fait que, l’année suivante, a été confirmé par M. Schimper, professeur à 
l’Université de Strasbourg (2). 

La première hypothèse subsiste donc seule, et l'expérience de M. Cu- 
boni nous semble une preuve physiologique à posteriori de l'exactitude 
des conclusions que nous avions tirées des recherches que nous venons 


d'exposer. 


Ainsi que nous l’avons vu dans la première partie de ce travail, toutes 


-les fois qu’on constate, dans une réaction, un phénomène d’arrêt causé par 
2 1 P 


la présence d'un des produits de la réaction, cette réaction est reversible 
c’est-à-dire que, de même que le composé se résout en ses éléments à une 
température donnée, dans les mêmes conditions, mais à une température 
différente, les éléments sont aptes à se recombiner pour régénérer le com- 


(4) Cuboni. Arch. italiennes de Biologie, 1886. 
(2) Schimper. Botanische Zeitung, 1885. 


302 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


posé. C’est par la prédominance de l’une de ces actions qu’on explique 
l’état d'équilibre qui correspond à la tension de dissociation. 

La transformation de l’amidon en sucre est bien caractérisée, comme 
nous venons de le voir, par un pnénomène d'arrêt; de plus, elle est en 
quelque sorte calquée sur la dissociation de sous-chlorure et du sous- 
fluorure de silicium. Ceux-ci, stables aux températures basseset aux tem- 
pératures élevées, se décomposent à des températures qui varient entre 
800 degrés et le rouge vif; l'amidon n'est pas transformé en sucre au- 
dessous de 25 degrés et au-dessus de 45 degrés la transformation ne 
s’opère qu'entre 25 degrés et 45 degrés. Toutes ces transformations sont 
réglées par le rapport existant entre le volume dé Ja liqueur et le sucre 
réducteur qu’elle contient. De même que le sous-chlorure et le sous-fluo- 
sure de sicilium se décomposent à une température moyenne, mais se for- 
ment à une température plus élevée, il faut, dans le cas de l’amidon, que 
lorsqu'on dépasse la température de 45 degrés, où le coefficient de trans- 
formalion devient nul, que le sens de la réaction change et que, sous la 
même influence, celle de la diastase, le sucre réducteur se change en 
amidon. De même que, dans le cas du sous-chlorure et du sous-fluorure, 
si l’on faisait refroidir la liqueur où un tel phénomène viendrait de se pas- 
ser à froid, on ne retrouverait plus trace de ce phénomène puisque, en 
refroidissant, on serait passé par les {températures où la transformation 
inverse, celle de l’amidon en sucre, se produit. 

Nous n'avons pu, jusqu'à présent, réaliser cette expérience d'une façon 
irréprochable ; cependant nous avons eu quelques résultats très curieux. 
En faisant agir à 55 degrés la diastase des feuilles du tabac sur du glu- 
cose, nous avons obtenu une diminution du pouvoir réducteur, toutes cor- 
rections de température étant faites, cependant il n’ÿ avait pas eu destruc- 
tion du glucose, car, après intervention, on retrouvait le chiffre primitif. 
Le glucose s'était transformé en quelque chose qui ne réduisait plus la 
liqueur cupropotassique directement, mais qui la réduisait après inter- 
version. Si l’on abandonnaït le tout au refroidissement lent, le lendemain 
on relrouvait le tout dans le même état qu'avant le chauffage; il n’yavait 
plus aucune différence entre les dosages de sucre fait avant et après 
interversion. 

Tout cela repose sur des analyses si délicates, que, bien que celles-ei 
aient élé refaites à plusieurs reprises par des observateurs différents, 
nous ne les considérons que comme une hypothèse qui découle naturel- 
lement de faits établis et d’analogies évidentes, mais dontla preuve est 
encore à faire. 

Pourtant, si nous considérons ce qui se passe dans la feuille, il nous 
-faut reconnaître que cette hypothèse expliqueraic un fait jusqu’à présent 
resté lout à fait incompréhensible. Comment se fait-il que l'absorption 
et la décomposition de l’acide carbonique par la feuille éclairée se tra- 
duise immédiatement par un dépôt dans le grain du chlorophylle ? 


x V° 


LOIS DE LA DISSOCIATION 303 


Comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire, il nous est impossible 
d'admettre, dans l’état actuel de nos connaissances, une formation 
d’amidon qui n'aurait pas été précédée de l'apparition d'un glucose. 
Alors, pourquoi cette transformation en amidon, puisque, plus tard, il va 
falloir que cet amidon redevienne soluble pour voyager. 

Cela pourrait bien tenir à la différence de température qui doit résulter 
de la présence ou de l’absence de rayons lumineux. À la lumière, quand 
la température est plus élevée, le sucre réducteur, premier produit de 
l'assimilation du carbone, ne pourrait exister en présence de la diastase 
des feuilles, et se transformerait en amidon, qui, dans l'obscurité, quand 
la température est moins élevée, pourrait, toujours, sous l'influence de la 
même diastase, se transformer en sucre réducteur, qui, par diffusion, se 
répand dans la plante, conformément à ce que nous avons vu se passer 
dans les expériences relatées plus haut. 


MIGRATION ET ACCUMULATION DES RÉSERVES SOLUBLES. 


Passons maintenant à un ordre de faits, l’accumulation des réserves 
solubles et en particulier celle de la saccharose de la partie souterraine 
de la betterave. 

Si, comme nous l’a montré M. Dehérain, on peut en appliquant les lois 
de la diffusion, expliquer les migrations des substances susceptibles 
de passer à l’état insoluble, ces lois paraissent absolument en défaut, 
quand ïil s’agit des réserves solubles, car l'accumulation de ces 
substances semble présenter avec elles une contradiction absolue. On 
-avait même été obligé, pour rendre compte de ces faits d'attribuer aux 
membranes cellulaires une propriété qu'on n’a d’ailleurs jamais pu 
démontrer, celle de n'être perméables que dans un seul sens. C’est qu’en 
effet, on était bien embarrassé pour expliquer certains phénomènes; par 
exemple, la présence de la eréatine dans les muscles et sa faible propor- 
tion dans le sang qui les baigne, la présence de l’acide chlorhydrique 
dans la cellule pepsique, la grande quantité de saccharose dans la partie 
souterraine de la betterave, en regard de la faible proportion qui se 
trouve dans la feuille, etc. 

En étudiant spécialement ce dernier cas, nous avons reconnu qu’il était 
absolument inutile de douer les membranes de propriétés électives hypo- 
thétiques que l’accumulation du sucre de canne n'était qu'un cas parti- 

-culier du phénomène général d’accumulation des réserves dont le cadre 
-a été si bien tracé par M. Dehérain. Il suffit d'y remplacer le terme inso- 
lubilité par celui de non-diffusibilité, et d'y faire entrer la notion de disso- 
ciation. 

Il serait trop long d'entrer dans le détail.des expériences qui ont été 
faites pendant les trois ans que nous avons passés à étudier ce phéno- 


304 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


mène, on le trouvera dans un recueil spécial, nous les résumerons iei en 
peu de mots. 

Toutes les fois qu'on met des fragments de betterave vivante dans une 
dissolution qui contient moins de sucre de canne que n’en renferment 
normalement les feuilles, soit environ 2 p. 100, la betterave perd du 
sucre et on relrouve ce sucre dans la dissolution. 

Toutés les foie qu'on met des fragments de betterave vivante dans une 
dissolution qui contient plus de sucre que n’en renferment normalement 
les feuilles, la dissolution s’appauvyrit ‘et on retrouve dans la betterave 
le sucre qui manque à la dissolution. Le phénomène est tellement net, 
qu'on a pu voir une betterave, contenant déjà 24 p. 100 de sucre, en 
absorber encore aux dépens d'une solution qui n'en renfermait que 
5 p. 100. 

Si la betterave n’est pas vivante, par exemple si on l’a tuée par la cha- 
leur où asphyxiée par le chloroforme, les phénomènes sont tout diffé- 
rents, la belterave cède du sucre à toutes les dissolutions qui en ren- 
ferment moins qu’elle. 

Il existe donc, au nombre des éléments du protoplasma vivant contenu 
dans certaines celluies de la partie souterraine de la betterave, une 
substance capable de se combiner au sucre pour donner un composé non 
diffusible. 

Ce composé n'est stable qu'en présence d’une dissolution contenant 
une certaine quantilé de sucre de canne non combiné. 

Toutes les fois que la dissolution sucrée, contenue dans les feuilles vient 
à se concentrer, soit par la production du sucre dans ses organes, soit 
par l’évaporation d’une certaine quantité d’eau, une partie du sucre des 
feuilles va s’accumuler dans la racine à l’état de combinaison non diffu- 
sible. 

Toutes les fois, au contraire, que la concentration de la dissolution 
sucrée, contenue dans les feuilles, vient à diminuer, soit par un accroisse- 
ment de la quantité d'eau contenue dans ses organes, soit par une perte 
de sucre, causée par l’édification de nouveaux tissus, la combinaison qui 
existe dans la racine se dédouble, et fournit une certaine quantité de 
sucre à la feuille, jusqu’à ramener la dissolution sucrée que contient 
celle-ci, au degré de concentration normal. 

Ce phénomène est exactement calqué sur ceux de la dissociation par 
les liquides de M. Ditte. 

Remplacons, dans l’exemple que nous avons choisi plus haut, sulfate 
de potasse par sucre de canne, sulfate de chaux par protoplasma et sul- 
fate double de chaux et de potasse par combinaison de sucre et de proto- 
plasma, mettons non-diffusibilité, au lieu d'insolubilité, et nous aurons 
montré comment se fait l'accumulation du sucre de canne dans la partie 
souterraine de la betterave. 

Le composé non diffusible, contenu dans la partie souterraine de la 


LOIS DE LA DISSOCIATION 3065 


betterave, possède un coefficient de dissociation précisément égal à la 
teneur en sucre que doivent présenter les feuilles, pour que cette partie 
souterraine ne subisse aucun changement dans sa composition. 

Quand, par suite de l'assimilation du carbone, qui se traduit, pour 
M. Aimé Girard, par une production de sucre dans la feuille, la teneur en 
sucre de ces organes vient à surpasser le coefficient de dissociation, 
l’excès va s’accumuler dans la partie souterraine à l’état de combinaison 
non diffusible. 

Lorsque au contraire, par suite d’une transformation du sucre des feuilles 
en d’autres principes immédiats, la teneur en sucre de ces organes vient à 
s’abaisser au-dessous du coefficient de dissociation, la combinaison non 
diffusible se dédouble et fournit du sucre aux feuilles jusqu'à ce que la 
teneur de celles-ci soit devenue de nouveau égale au coefficient de disso- 
ciation. 

Il eüt été très intéressant de pouvoir extraire des racines la combinaison 
non diffusible, ou tout au moins l’élément de protoplasma que nous avons 


supposé apte à former, avec le sucre, cette combinaison non diffusible ; 


malheureusement la chose est totalement impossible, le phénomène que 
nous étudions est un phénomène vital, il ne peut être étudié que pendant 
la vie même du protoplasma, dès que celui-ci est mort ou altéré, il se 
produit des changements dans ses propriétés et, sans doute aussi, dans ses 
éléments, puisqu’alors l’accumulation du sucre de canne n’a plus lieu. Si, 
par l’action du chloroforme, de l’acide salicylique ou de la chaleur, on 
vient à suspendre, pour un temps, ou d'une façon absolue, l’activité proto- 
plasmique, les tissus de la partie souterraine de la betterave cessent d’as- 
similer, et le sucre qui y est contenu obéit aux lois de la diffusion, c'est- 
à-dire qu'il quitte les cellules pour se dissoudre dans toutes les liqueurs 
de concentration moindre que la sienne. 

C’est ce qui se passe dans l’industrie, où l’on traite les cossettes par 
l'eau chaude, car on a reconnu depuis longtemps que, malgré la grande 
solubilité du sucre, il est impossible, à moins d'employer des quantités 
d’eau exagérées d'extraire par l’eau froide tout le sucre que renferme une 
betterave. 


THÉORIE GÉNÉRALE DE LA MIGRATION. 


Essayons, par quelques exemples, de montrer tout le parti qu'on peut 
tirer en Biologie de ces notions de dissociation que nous venons d'y 
introduire et examinons, à ce point de vue, les migrations diverses qu’ac- 
complit, pendant l’évolution d’une plante, un principe immédiat en parti- 


-culier : l’amidon. Soit une plante à lubercules amylacés, une pomme de 


terre par exemple. 
L’assimilation du carbone, sous l'influence des radiations solaires, se 


366 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


traduit immédiatement par un dépôt d'amidon dans le globule chloro- 
phyllien, nous avons dit plus haut comment on pouvait concevoir cette 
formation d’amidon. 

Sous l'influence de la diastase des feuilles, et à une température infé- 
rieure à celle qui a présidé à sa formation, cet amidon se transforme en 
sucre réducteur qui, des cellules de la feuille où il se produit, va, par 
diffusion se répandre également dans tous les tissus de la plante, si toute- 
fois il n’est en aucun point sujet à des transformations. La saccharification 
de l’amidon devrait alors s’arrêter lorsque la teneur en sucre de la plante 
entière serait devenue égale au coefficient de transformation. C’est ce qui 
se passe dans l'expérience de Cuboni lorsque la feuille est physiologique- 
ment isolée du reste de la plante, ce qui n’est pas ici le cas. En certains 
points de la plante et surtout dans les tubercules le sucre subit continuel- 
lement des transformations qui vont compliquer la question. 

Ces tubercules jouent, au point de vue de la dissociation, le même rôle 
que je joue la paroi froide lors de l’évaporation d'un liquide volatil dans 
une enceinte fermée. 

De même que la tension de vapeur tend à devenir, dans tous les points 
de l'enceinte, égale à la tension maximum de la vapeur au point le plus 
froid et que par suite de l'inégalité qui se produit sans cesse entre la 
tension maximum de la vapeur, dans tous les points de l'enceinte et la 
tension maximum au point le plus froid, il y a transport continu du 
liquide vers la paroi froide en passant par un état intermédiaire, celui de 
vapeur; de mème la teneur en sucre de toutes les cellules de la planche 
-tend à devenir égale à celle des cellules du tubercule, où cette teneur est 
moindre, puisqu'il y a transformation du sucre en amidon et que, là, cette 
transformation a un coefficient plus faible que celui de la transformation 
inverse dans la feuille, puisque la température du tubercule est inférieure 
à celle de la feuille. Par suite de cette inégalité entre les coefficients de 
transformation de l’amidon en sucre dans le tubercule, il y a transport 
de l’amidon de la feuille dans le tubercule, en passant par un état inter- 
médiaire, le sucre. 

Les anciens avaient expliqué ces migrations en admettant l'existence 
de courants qui conduiraient aux graines et aux tubercules les principes 
assimilés par les feuilles et les racines. Si l'accumulation des réserves 
avait toujours lieu dans le même endroit, pour une même plante, etsi les 
courants, qui charrient les principes immédiats, avaient une direction 
vigoureusement fixe, on pourrait à la rigueur, admettre que les choses se 
passent ainsi, mais en réalité les réserves ne sont la plupart du temps 
que transitoires, le lieu de formation variant sans cesse pendant la vie 
du végétal. Il y a tantôt formation, tantôt utilisation des réserves, suivant 
que l'assimilation l'emporte ou non sur la dépense, enfin tout est essen- 
tiellement variable dans l’accomplissement de cette “Dies et elle est 
sujette à des influences de LEE nature. 


LOIS DE LA DISSOCIATION 397 


Examinons, avec MM. Deherain et Meyer (1), un pied d'avoine sur le 
point de fermer sa panicule. Il a accumulé, dans la partie supérieure de 
de sa tige des réserves de toute nature; amylacées azotées et minérales 
pour subvenir au développement rapide des organes qui vont naitre. 
Rendons inutiles ces réserves en coupant le bourgeon terminal. La pani- 
cule ne se développera pas, mais nous verrons du pied de la plante partir 
un bourgeon qui va s'organiser en une nouvelle tige; mais comme 
l’époque est trop tardive pour que cette nouvelle formation vive de sa 
vie propre, elle emprunte à la vieille tige, les matériaux que celle-ci avait 
accumulés pour ses besoins et l’on voit disparaître les réserves qui avaient 
été provisoirement emmagasinées, à proximité du point coupé. Par l’ana- 
lyse, on peut les voir descendre jusqu'au point d'insertion du bourgeon et 
disparaître dans la jeune tige, dont le développement se fait incompara- 
blement plus vite que celui d'une tige normale. Comment admettre un 
tel renversement de l’ordre établi, si véritablement les principes immé- 
diats sont astreints à suivre, dans leurs migrations, une voie déterminée à 
l'avance par la nature ce la plante! L'’explication suivante paraît beau- 
coup plus rationnelle. Au point où se forme le bourgeon la teneur en 
sucre qui caractérise le coefficient de transformation devient nulle, 
puisque tout le sucre est brülé ou transformé en cellulose, pour servir à 
l'édification des tissus de la nouvelle tige. C'est là que se trouve la paroi 
froide, pour nous servir de la même comparaison que tout à l'heure, C’est 
là que tout le sucre va affluer, en vue de rétablir la teneur uniforme; mais 
cette teneur uniforme est inférieure au coefficient de transformation puis- 
qu'il y a eu du sucre de consommé. Dans tous les points où il y a de 
l’amidon, cet amidon va se transformer en sucre puisqu'il est dans un 
liquide qui contient moins de sucre qu’il n’en faudrait pour atteindre le 
coefficient de dissociation et comme il y a rupture de l'équilibre en un 
point, celui où il y a consommation continuelle de sucre, la dissolution de 
l’amidon et son transport sous forme de sucre seronl, eux aussi, continus. 
Tout l’amidon primilivement emmagasiné en divers points et spéciale- 
ment au sommet de la vieille tige passera à l’état de sucre et viendra ali- 
mentier la nouvelle tige. Ce principe immédiat suivra donc une marche 
inverse de celle qu'il est accoutumé de suivre et nous arrivons à pré- 
senter une explication en rapport avec les faits uniquement par la mise 
en jeu de forces physiques bien connues. 

Il est à penser que les réserves azotées et minérales obéissent à des 
lois de même nature et nous pouvons dire que l’afflux d’une substance 
en un point est déterminé par l’ulilisation en ce point de cette substance 
ou de sa forme de voyage ou par la présence des conditions qui font 
qu’en cet endroit déterminé la substance qui émigre, ou de sa forme de 
voyage échappent aux lois de la diffusion. 


(1) Déhérain et Meyer, Ann. agr., t. VII, p. 197, 


368 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


TRANSPORT DE L’OXYGÈNE PAR LE SANG. 


Il nous reste à examiner un dernier cas où la dissociation nous parait 
jouer un rôle prédominant. C’est celui du transport de l'oxygène par le 
sang. 

Les recherches de M. Fernet ont montré que l'oxygène était retenu 
dans le sang en combinaison avec l'hémoglobine des globules, et que 
l'acide carbonique se trouvait, dans le sérum, en combinaison avec les 
carbonates et les phosphates alcalins; tous ces composés possèdent une 
tension de dissociation. Nous avons repris cette question, en nous atta- 
chant surtout à déterminer les tensions de dissociation de ces composés 
aux différentes températures. Pour l’acide carbonique, les résultats ne 
sont pas encore assez complets pour qu'on en puisse tirer des consé- 
quences, mais pour l'oxygène on voit nettement la tension de dissocia- 
tion nulle à 0 degré, croître lentement d’abord avec la température, puis, 
progressivement, plus vite, de façon à atteindre environ 30 millimètres de 
mercure à 37 degrés, l'augmentation s’accusant ensuite de plus en plus 
quand on dépasse celte température. 

Ces déterminations sont très difficiles et nous n'avons pu jusqu'à pré- 
sent, y apporter toule la rigueur désirable, nous n'avons donc pas encore 
des valeurs absolues, mais nos chiffres si imparfaits qu'ils soient nous 
donnent l’allure générale du phénomène. 

Nous devons dire tout d’abord que la tension de l’oxygène où | de 
l’oxyhémoglobine ne perdrait pas d'oxygène et où de l'hémoglobine ne 
se combinerait pas à ce gaz, tension que les auteurs ont, jusqu'à présent, 
assimilée à sa tension de dissociation ne représente aucunement la véri- 
table tension de dissociation. 

L'oxyhémoglobine se trouve dans le sang entourée d’une atmosphère 
liquide, sa tension de dissociation est la quantité d'oxygène dissoute dans 
l’unité de volume de sérum sanguin et non pas la tension de l’oxygène 
dans l'atmosphère ambiante. 

Il est vrai que ces quantités sont fonction l’une de l’autre, car la quan- 
tité de gaz dissoute dans un liquide est proportionnelle à la pression indi- 
viduelle de ce gaz dans l'atmosphère en contact avec le liquide; mais il 
faut bien faire cette distinclion, car dans les capillaires, par suite de la 
consommation d'oxygène qui s’y fait, la tension de ce gaz tombe bien 
au-dessous de ce qu’on est convenu d’appeler la tension de dissociation 
de l’oxyhémoglobine et cependant l'oxyhémoglobine ne se décompose pas 
de manière à produire des embolies gazeuses. 

Nous insistons sur ce fait capital : Le coefficient de dissociation de 
l'oxyhémoglobine est exprimé par la quantité d'oxygène libre dissout dans 
l'unité de volume de sérum sanguin, pour laquelle l'hémoglobine et l’oxyhé- 
moglobine en contact ne subissent ni absorption ni perte d'oxygène. 


LOIS DE LA DISSOCIATION 369 


La tension gazeuse qui, nous le répétons, est ordinairement appelée 
tension de dissociation de l'oxyhémoglobine est proportionnelle au coeffi- 
cient de dissociation, mais incomparablement plus élevée ; d’ailleurs elle 
ne pourrait donner lieu à des considérations que dans le poumon, puisque 
là seulement le sang se trouve en rapport avec une tension gazeuse; par- 
tout ailleurs, dans l'organisme, il ne vient en contact qu'avec des liquides 
plus ou moins chargés d'oxygène, et c'est là qu’intervient le rôle du 
coefficient de dissociation. : 

Suivons maintenant les variations de ce coefficient : 

1° À 0 degré il est nul, l'oxyhémoglobine est une combinaison stable, 
elle ne peut céder d'oxygène au liquide qui baigne les globules; 

2° Le coefficient croît lentement avec la température. Aux basses tem- 
pératures l’oxyhémoglobine est stable dans des dissolutions qui ne con- 
tiennent que des traces d'oxygène libre ; ces dissolutions ont un faible 
pouvoir oxydant, les oxydations sont ralenties, la consommation 
d'oxygène est faible, l’oxyhémoglobine perd très peu d'oxygène pendant 
la circulation du sang à travers les tissus, la quantité d'acide carbonique 
produite est très faible, le sang est presque aussi rouge dans les veines 
que dans les artères. C’est ce qu’on observe en effet chez les vertébrés à 
sang froid et chez les animaux hibernants ou refroiïdis. 

3° Quand la température s’élève, la teneur en oxygène du sérum baisse 
sans cesse, par suite d'échanges au contact avec les tissus de l'organisme 
qui consomment tout l'oxygène contenu dans le liquide qui les baigne, 
l’oxyhémoglobine se décompose pour maintenir constamment la quantité 
d'oxygène dissous qui caractérise la tension de dissociation ; les oxyda- 
tions s’accélèrent, la quantité d'acide carbonique produite dans les tissus 
devient de plus en plus considérable, le sang veineux contenant de plus 
en plus d’hémoglobine et de moins en moins d'oxyhémoglobine devient 
de plus en plus noir. 

Du côté de l’hématose dans le poumon, on voit se produire des phéno- 
mènes complémentaires. 

1° À 0 degré, l’hémoglobine enlève à l'atmosphère ambiante jusqu'aux 
moindres traces d'oxygène. 

29 À basse température, le coefficient de dissociation étant très faible, la 
tension que doit avoir l'oxygène dans l’atmosphère ambiante, pour que 
l’oxyhémoglobine soit stable, est très faible. L’hématose pourra se faire 
chez les animaux à sang froid, ou refroidis dans une atmosphère où la 
tension de l'oxygène est très faible. 

C’est, en effet, ce qu'a constaté Paul Bert. Il a vu qu'aucun vertébré 
n’épuisait complètement l’oxygène d’une cloche sous laquelle il était 
astreint à respirer et que la quantité, ou plutôt la tension (car il avait 
bien établi cette différence), de l’oxygène résiduel était plus élevée quand 
c'était un oiseau qui y mourait, que lorsque c'était un mammifère, 
plus élevée aussi quand c'était un mammifère que lorsque c’était un ver- 


310 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


tébré à sang froid. De plus, une atmosphère encore respirable pour un 
animal qui v vit depuis un eertain temps peut êlre devenue immédiate- 
ment mortelle pour un animal de même espèce qu’on y introduirait alors; 
mais, dans ce cas, il est facile de constater que l’animal vivant depuis 
longtemps dans une atmosphère devenue irrespirable pour un de ses 
congénères en est arrivé à posséder une température de 45 à 20 degrés, 
inférieure à la moyenne, et que, en conséquence, de ce que nous avons 
montré, les exigences de son hématose peuvent être satisfaites avec une 
atmosphère présentant une très faible tensson en oxygène. 

3° Quand on chauffe un mammifère, il meurt lorsque la température 
de son sang est devenue voisine de 45 degrés; à ce moment, si l’on prend, 
avec toutes les précautions nécessaires pour éviter le contact de l’air, le 
sang du cœur gauche, on le trouve complètement dépourvu d'oxygène, 
alors que l'atmosphère pulmonaire en renferme encore une quantité 
notable. 

À cette température, le coefficient de dissociation est devenu assez fort, 
et la Lension de l’oxygène dans le poumon assez faible pour que l'héma- 
tose n’y soit plus possible. 

L'animal meurt donc d’asphyxie, ayant encore dans ses poumons une 
quantité d'oxygène suffisante pour produire l'hématose si le sang était à 
une température plus basse. 

4° L'oiseau vit normalement avec une température voisine de celle a 
laquelle le mammifère succombe, et chez lui, l’hématose se fait dans des 
conditions où un mammifère ne pourrait résister à l’asphyxie. Nous avons 
montré ailleurs que les oiseaux de grande altitude vivent dans des 
atmosphères à tension d'oxygène si faible, qu'un mammifère, dont la tem- 
pérature est pourtant bien inférieure, y périrait d'asphyxie. 

C’est que le système pulmonaire de l'oiseau, avec ses sacs aériens et la 
contractilité active de tout le tissu pulmonaire, est établi de telle façon 
que l’atmosphère en contact avec les capillaires des alvéoles présente, à 
peu de chose près, la composition de l’atmosphère ambiante, tandis que 
chez le mammifère, dans le cas d’inspirations larges et profondes suivies 
d’expirations aussi complètes que possible, la tension de l'oxygène du 
poumon peut être évaluée au 1/4 de la tension dans l'air ambiant. Dans 


le cas d'inspiration courtes, saccadées et fréquentes il est facile d'admettre 


que cette richesse est loin d’être atteinte. _ 

5° Dans les fièvres la respiration est d’ordinaire accélérée, et cependant 
beaucoup d’observateurs, entre autres Albert Robin, ont montré que les 
oxydations élaient ralenties. Tout cela s'explique très bien quand on tient 
compte des observations que nous venons de présenter. 

Les mouvements inspiratoires plus fréquents sont aussi moins profonds, 
le poumon est incomplètement ventilé, plus mal encore qu’à l'état nor- 
mal, la tension de l'oxygène baïsse dans l’atmosphère pulmonaire. 

La température du sang ayant augmenté la tension de dissociation de 


LOIS DE LA DISSOCIATION 9311 


l’oxyhémoglobine est devenue plus forte. A son passage dans le poumon, 
le sang se chargera donc d'une quantité d’oxygène moindre, puisque, par 
suite de sa température, il éxige pour son hématose une atmosphère plus 
riche en oxygène qu'à l’état normal et que, au contraire, par suite de l’ac- 
célération du rythme respiratoire il en trouve une plus pauvre : l’héma- 
tose sera imparfaite, la quantité d'oxygène transportée dans l'intimité des 
tissus diminue, bien que l'accélération des battements cardiaques tende à 
produire la compensation. Il y a diminution des oxydations par défaut 
d'oxygène. 

On voit par ces quelques remarques comment la température agit sur 
les échanges quis’accomplissent entre le sang et l'atmosphère, d’une part, 
le sang et les tissus, de l’autre. On savait déjà dans quel sens ces échanges 
agissaient sur la température ; il reste à rechercher si ces deux actions 
s'accordent pour entretenir la régularité dans leur fonctionnement. 

Nous ne voulons pas entrer aujourd'hui dans ce sujet, nous avons seule- 
ment, voulu montrer dans ce travail quelle importance peuvent acquérir, 
dans l'étude des phénomènes de la vie les notions de dissociation, qui, 
jusqu'à présent, n'étaient pas sorties du domaine de la Chimie pure. 


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aux Comptes rendus des séances de la Société de Biologie. 
Séance du 2 avril 1892. — Page 271. 


SUR LA CONSTITUTION DE L'ENDODERME CHEZ L'EMBRYON DES MAMMIFÈRES, 


par M. L.-F. HENNEGUY. 


L'origine des feuillets blastodermiques chez les Mammifères est une 
question encore très controversée, bien que, dans ces dernières années, 
elle ait donné lieu à des travaux importants. D’après Ed. van Beneden 
et un certain nombre d’autres embryogénistes, le stade diploblastique de 
l’œuf des Mammifères correspondrait au stade blastutéen des Amphibiens, 
la couche blastodermique superficielle, blastophore, représentant les 
micromères de la blastula, la couche interne, lécithophore, représentant 
les macromères et constituant un endoderme vitellin, distinct de l’endo- 
derme proprement dit, endoderme de l’archentéron, qui dériverait du 
blastophore. 

Ne pouvant encore me prononcer sur la valeur de cette hypothèse 
faute d'observations personnelles suffisantes, je désire seulement, dans 
cette note préliminaire, attirer l’attention des embryogénistes sur la cons- 
titution du feuillet interne, chez l'embryon de Lapin, pendant les pre- 
miers stades du développement. 

Jusqu'à la fin du septième jour, la couche interne de la vésicule blasto- 
dermique est constituée par des cellules aplaties ayant le même aspect 
dans toute l'étendue de cette couche. 

Au huitième jour, les cellules endodermiques, dans toute la partie de 
l'aire embryonnaire où apparaîtront plus tard les îlots de Wolff, deviennent 
polyédriques et deux ou trois fois plus volumineuses que celles qui se 
trouvent en dehors de l'aire opaque. Cette augmentation de volume des 
éléments endodermiques a été signalée par la plupart des auteurs, qui 
ont observé les premiers stades du développement de l’œuf des Mammi- 
fères, et entre autres par Ed. van Beneden et Julin, chez le Lapin, mais 
aucun d’eux ne paraît avoir suivi les modifications ultérieures de ces cel- 
lules hypertrophiées. Celles-ci, en plusieurs points, tendent à se disposer 
en deux couches superposées. Leur protoplasma est plus grossièrement 
granuleux que celui des autres cellules embryonnaires ; leur noyau 
présente une affinité moins grande pour le carmin et renferme un réseau 
chromatique plus lâche. 


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Ed. van Beneden et Julin (1) ont donné le nom de membrane ombi- 
licale à la membrane formée par l’endoderme uni à la splanchnopleure, 
dans les limites de l'aire vasculaire. On peut appeler endoderme ombi- 
lical la partie du feuillet interne épaissi qui suit l'extension de l’aire 
vasculaire. Cet endoderme ombilical se transforme insensiblement en une 
couche de cellules aplaties sur le bord distal de l’aire vasculaire et sur le 
bord proximal qui entoure la zone proamniotique. Il n'en est pas de 
même à l'union de l'aire vasculaire et de l'aire transparente péri- 
embryonnaire. Sur des coupes transversales intéressant la région 
moyenne d'un embryon de huit jours, on constate que l’endoderme 
ombilical s’élend à une certaine distance au-dessous de l’endoderme 
aplati de la zone transparente. 

Il existe à ce niveau une zone dans laquelle on trouve au-dessous de la 
splanchnopleure, en passant de la zone transparente à la zone opaque : 
1° une couche de cellules endodermiques aplaties; 2 cette même couche 
au-dessous de laquelle sont de grosses cellules polyédriques; 3° une cou- 
che de grosses cellules polyédriques disposées en une ou deux assises. 
Cette disposition rappelle celle du bourrelet endodermo-vitellin des 
Oiseaux, l'endoderme ombilical correspondant à l’endoderme vitellin, et 
la couche des cellules aplaties à l’endoderme définitif. 

La ressemblance entre l’endoderme ombilical et l’endoderme vitellin 
des Oiseaux devient encore plus frappante aux stades suivants. 

Au neuvième jour, les ilots de Wolff ont apparu dans l'aire vasculaire, 
et Les premiers vaisseaux se sont développés. Les cellules de l’endoderme 
ombilical se sont allongées et sont devenues prismatiques, principalement 
dans la partie distale de l'aire vasculaire. Leur extrémité externe, en rap- 
port avec la splanchnopleure est aplatie: leur extrémité interne est arron- 
die. IL en résulte que la face interne de l’endoderme, tournée vers la 
cavité du blastocyte, présente un aspect festonné. 

Le protoplasma des cellules de l’endoderme ombilical est rempli de 
grosses granulations réfringentes, brunissant sous l'influence de l’acide 
osmique; dans beaucoup de cellules, il est creusé de vacuoles irrégulières, 
qui refoulent le noyau vers la base externe. 

Au douzième jour, les vacuoles protoplasmiques ont augmenté en 
nombre et en dimension ; elles renferment presque toutes des corps réfrin- 
gents dont les uns peuvent atteindre le volume du noyau de la cellule. 
Ces corps sont identiques, par leur aspect et leurs réactions, aux grosses 
granulations intra-protoplasmiques. Les cellules de l’'endoderme ombilical 
sont devenues, à ce stade, absolument semblables à celles de l’endoderme 
vitellin des Oiseaux ; elles ne s’en distinguent que par leurs dimensions 


(1) Ed. van Beneden et Julin. Recherches sur la formation des annexes 
fætales chez les Mammifères (Lapin et Chéiroptères), Archives de Biologie, V, 
1884. 


RAGE 


plus petites et par le volume moindre des éléments vitellins qu'elles ren- 
ferment. 

Dans les œufs méroblastiques des Sauropsides les éléments vitellins 
préexistent à l'embryon; dans les œufs des Mammifères ces éléments n’ap- 
paraissent qu’à un stade déjà avancé du développement de l'embryon, un 
peu avant la formation des vaisseaux, et seulement au niveau de l'aire 
vasculaire. 

Les éléments vitellins de l’endoderme ombilical résultent vraisembla- 
blement d’une transformation du liquide albumineux du blastocyte, 
absorbé par les cellules endodermiques. Ce sont des matériaux de réserve 
que les cellules restituent progressivement, après les avoir rendus assi- 
milables, à l'embryon, par l'intermédiaire des vaisseaux, avec lesquels 
elles sont, en contact. L’endoderme ombilical joue donc, chez les Mammi- 
fères, le rôle du parablaste des œufs méroblastiques, interposé entre les 
vaisseaux et le vitellus nutritif. 

Après la fixation de l’œuf sur la muqueuse utérine, et l'établissement 
du placenta, l’'endoderme ombilical est en grande partie suppléé, dans son 
rôle physiologique, par la couche plasmodiale qui sépare les villosités 
fœtales du sang de la mère, couche plasmodiale qui peut encore être 
assimilée à une sorte de parablaste situé entre le milieu nutritif et les 
vaisseaux embryonnaires. 

L'existence, chez les Mammifères, d'un endoderme ombilical compa- 
rable à l’endoderme vitellin des Oiseaux, tant au point de vue de sa cons- 
titution histologique qu'au point de vue de sa fonction physiologique, me 
paraît être un argument en faveur de la distinction, établie par Ed. van 
Beneden, entre le lécithophore et l’endoderme définitif, et en faveur de 
l’opinion généralement admise aujourd’hui qui fait dériver les Mammi- 
fères d’ancêtres dont les œufs renfermaient un vitellus, qui a disparu pro- 
gressivement, pendant que s’établissaient des rapports de plus en plus 
intimes entre l’embryon et la mère, durant le développement intra- 


utérin (1). 


(4) Travail du laboratoire d’'Embryogénie comparée du Collège de France. 


Paris.— Typographie Gaston Née, 1, rue Cassette, — 6210. 


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