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COMPTES RENDUS DES SÉANCES
ET
MÉMOIRES
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A LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
PENDANT L'ANNÉE 1870.
Par
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COMPTES RENDUS DES SEANCES
ET
IRES
DE LA
SOCIETE DE BIOLOGIE.
TOME DEUXIÈME DE LA CINQUIÈME SERIE
ANNEE 1870
VINGT-UEUXIEME DE LA COLLECTION.
AVEC 4 PLANCHES L 1 T H OG R A P H I E ES.
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PARIS
ADRIEN DELAHAYE, hbraiue-editeur,
Place de l'École-de-Médecine.
1872
â p
LISTE
DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
EN 1870.
COMPOSITION DU BUREAU.
Président perpétuel.
Vlcc-prcsidcnts. . . .
i>ecrétaire général. .
Secrétaires ordinaires.
Trésorier.
Archiviste.
M. Claude Bernard.
M. Brown-Séquard.
M. Charcot.
M. Dumontpallier.
M. Duquel.
M. Hayera.
M. Gréhant.
M. Lépine.
M. Gallois.
M. Laborde.
MEMBRES HONORAIRES.
MM. Andral.
Becquerel.
Bernard (Claude).
Bouillaud.
Chevreul.
Coste.
MM. Dumas.
Littré.
Milne Edwards.
De Quatrefages.
N...
N...
a
VI
MEMBRES TITULAIRES-HONORAIRES (1870).
MM. Balbiani.
Bastien.
Bernard (Charles).
Berlhelot.
Blot.
Bouchut.
Bouley (Henri).
Bourguignon.
Broca.
Brown-Séquard.
Charcot,
Chatin.
Davaine.
Depaul.
Fournier (Eug.).
Giraldès.
Goubaux.
Guillemin.
Hillairet.
Houel.
MM. Jacquart (Henri).
Laboulbène.
Leblanc (C).
Le Bret.
Leconte.
Le Gendre.
Liégeois.
Lorain.
Luys.
Marey.
Martin-Magron.
Michon.
Moreau (Armand).
Regnauld.
Sappey.
Soubeiran (J. L.j.
Verneuil.
Vidai.
Vulpian.
MEMBRES TITULAIRES.
MM. Bail.
Bergeron.
Bert (Paul).
Bouchard.
Carville.
Chalvet.
Cornil.
Cotard.
Duguet.
Dumontpallier.
Gallois.
Gréhant.
Gubler.
Hardy.
Hayem.
Isambert.
Jolyet.
MM. Krishaber.
Laborde.
Lancereaux.
Legros.
Lépine.
Leven.
Liouville.
Magitot.
Magnan.
Milne Edwards (Alphonse).
Ollivier.
Rabuteau.
Ranvier.
Raymond.
Robin (Charles).
Trasbot.
Vaillant.
vu
MEMBRES ASSOCIÉS.
MM.
Agassiz.
MM. Owen (Richard)
Baer (de).
Paget (James).
Bennett (Hughes).
Pouchet père.
Ehrenberg.
Purkinje.
Gurlt (Ernst-Friedrich).
Queteley.
Huss (Magnus).
Schwann.
Jones (Bence).
Siebold.
Lebert(H.).
Sédillot.
Liebig (Justus).
Valentin.
Mohl (Hugo von).
MEMBRES CORRESPONDANTS NATIONAUX.
MM. Beylard à Paris.
Blondlot à Nancy.
Chaussât à Aubusson.
Chauveau à Lyon.
Courty à Montpellier.
Dareste à Lille.
Desgranges à Lyon.
Dufour vGustave) à Rome.
Dugès aîné au Mexique.
Duplay à Paris.
Ebrard à Bourg.
Ester à Montpellier.
Faivre (E.j. à Lyon.
Germain de Saint-Pierre., à Nice.
Gosselin à Paris.
Guérin (Jules; à Paris.
Ehrmann à Strasbourg.
Huette à Montargis.
Lecadre au Havre.
Leroy de Méricourt à Brest.
Lespès à Marseille.
Leudet (Emile) à Rouen.
Martins (Charles) à Montpellier.
Ollier à Lyon.
Pelvel à Dives.
Rouget à Montpellier.
Saint -Pierre à Montpellier.
Stoltz à Strasbourg,
VIII
MEMBRES CORRESPONDANTS ÉTRANGERS.
Grande Bretagne.
MM. Beale - à Londres.
Berkeley (M. .1.) à Kings-Cliff.
Bowman (W.) à Londres.
Carpenter (W. B.) à Londres.
Grant (R. E.) à Londres,
Jacob (A.) à Dublin.
Jones (Wharton) à Londres.
Maclise à Londres.
Marcel à Londres.
Nunneley à Leeds.
Redfern à Aberdeen.
Sharpey à Londres.
Simon (John) à Londres.
Simpson à Edimbourg.
Thomson (Allen) à Glasgow.
Toynbee à Londres.
Waller à Londres.
Williamson à Londres.
Allemagne.
MM. Bischoff à Munich.
Briicke (Ernst) à Vienne.
Carus (V.) à Leipzig.
Dubois-Reymond à Berlin.
Helmollz à Leipzig.
Henle à Gœttingen.
Hering à Stuttgardt.
Hirschfeld (Ludovic) à Varsovie.
Hoffmeister à Leipzig.
Hyrtl à Vienne.
Kœlliker à Wiirzburg.
Leuckart à Munich.
Ludwig à Vienne.
Luschka à Tubinge.
Mayer à Bonn.
Meckel (Albert). à Halle.
Rokitansky à Vienne.
Schaltze. à Bonn.
IX
MM. Stannius à Rostock.
Stilling à Cassel.
Virchow à Berlin.
Weber (Wilhelm-Eduard). . à Leipzig.
Weber (Ernst-Heinrich). . . à Leipzig.
Belgique.
MM. Gluge à Bruxelles.
Spring à Liège.
Tliiernesse à Bruxelles.
Van-Beneden à Louvain.
Danemark.
M. Hannover à Copenhague.
Suède.
M. Santesson à Stockholm.
Hollande.
MM. Donders à Utrecht.
Hartig à Utrecht.
Van der Hœven à Leyde.
Suisse.
MM. Duby à Genève.
Frey à Zurich.
De la Harpe à Lausanne.
Miescher à Bâle.
Odier à Genève.
Prévost à Genève.
Vogt à Genève.
Italie.
MM. Lusana à Palerme.
Martini à Naples.
Moleschott à Turin.
Vella à Turin.
Portugal.
M. De Mello à Lisbonne.
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E(ats>tJnis.
MM. Bigelow (Henry J.) à Boston.
Draper à New-York,
Leidy (Joseph) à Philadelphie.
Brésil.
M. Abbott à Bahia.
COMPTES RENDUS
DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ DE BJOLOGIE
PENDANT L'ANNKR 1870.
COMPTE RENDU DES SÉANCES
DE
PENDANT LE MOIS DE JANVIER 1870;
Par m. HAYEM, secrétaire.
niÈSIDENCE DE M. CL. BERNARD.
Séance du 8 janvier.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
Section et enlèvement dune portion de l'hémispoère cérébral cdez un
cocaoN d'Inde; lésions et phénomènes consécutifs a cette opération;
par MM. Laborde et Leven.
Le !"■ juillet 1869, après avoir préalablement dénudé le crâne, du
côté droit, chez un coclion d'Inde très-vigoureux, et mis également à
nu, dans toute son étendue, l'hémisphère cérébral du même côté,
nous avons enlevé, d'avant en arrière, une portion considérable de ce>
hémisphères dans sa partie superficielle, évitant autant que possible
de léser les parties profondes du cerveau et le cervelet; les symptô-
mes consécutifs ont montré que ce but avait été parfaitement atteint;
c. R. 1870. 1
il y a eu aussi très-pou de sang versé, et les téguments ont été infimé-
diatemcnt réunis à l'aide d'une suture.
L'opération à peine terminée, l'animal tomba sur le côté gauche, et
ses pattes refusèrent tout mouvement, en môme temps que la sensibi-
lité au pincement y parut très-affaiblie. La température, prise sous l'ais-
selle avant l'opération, était de 38 degrés centigrades; immédiatement
après elle était de 38°, 7.
Lorsqu'on stimulait avec instance l'animal, il opérait un léger mou-
vement de manège à droite.
Toute la journée il resta blotti dans un coin, comme absorbé et som-
nolent, couché sur le côté gauche, ne prenant pas de nourriture, ne se
mouvant que lorsqu'on l'y excitait fortement, et alors chancelant sur
ses pattes et tombant invinciblement sur les pattes antérieure et pos-
térieure gauches. Cependant la sensibilité était moins obtuse.
Le lendemain rnatin, un mieux très-appréciable s'était opéré dans
l'état de l'animal : il mange du pain que nous lui offrons et il se meut
spontanément, mais avec un dandinement particulier et tout penché
sur le côté gauche.
Les jours suivants, cet état dé parésie diminue progressivement, et
trois semaines environ après l'opération qu'il a subie, il faut un exa-
men attentif pour constater l'existence de la paralysie, laquelle semble
prédominer dans la palle antérieure gauche.
Une particularité qu'il importe dès à présent de signaler, c'est que
cette même patte est le siège d'une atropine de volume manifeste, et
nous verrons plus tard que cette atrophie coïncidait avec une réelle
altération du tissu musculaire.
Quoi qu'il en soit, et à cela près de quelques phénomènes que nous
venons de mentionner, l'animal avait complètement repris en appa-
rence son état normal, les fonctions cérébrales ne paraissaient pas no-
tamment troublées, lorsque vers les derniers jours du mois de septem-
bre dernier, nous nous aperçûmes, à la suite d'un examen attentif,
d'une manifestation nouvelle dont lun des yeux était le siège : c'était
Vœil droit, il y existait une opacité déjà très-accusée de la cornée
transparente, et il était facile de se convaincre par un essai approprié
que la vue de ce côté était très-imparfaite. Cette opacité alla croissant
jusqu'au mois de novembre, époque à laquelle la vision ne s'exerçait
plus : l'animal nous fut montré en ce moment et nous pûmes constater
que l'œil droit était complètement perdu, qu'il était flétri et comme
rentré dans l'orbite, et que sa partie antérieure et cornéenne présen-
tait une surface opaline blanchâtre et comme ridée.
L'animal étant mort accidentellement (étranglé par un chien) le
24 novembre dernier, nous en avons soigneusement l'ait l'autopsie et
3
nous vous en apportons les résultats, surtout en ce qui concerne Tor-
gane expérimentalement affecté.
Voici d'abord les deux yeux extraits de Torbite : on voit combien le
globe oculaire droit diffère du gauche et par son volume et par son
aspect. Ce volume est, en effet, réduit plus que de moitié, et tandis
que l'œil gauche a conservé tous les attributs physiques et anatomiques
normaux, le droit est comme flétri, ratatiné et entièrement opaque.
Toutefois il est à remarquer qu'il s'agit là d'une simple altération de
nutrition, sans processus aigu irritatif ou d'autre nature, puisque tout
produit d'un pareil travail morbide fait défaut, notamment le pus ou
l'ulcération. Quant à l'altération intime des membranes en particulier,
le désir de vous soumettre les pièces intactes nous a empêché de les
étudier jusqu'à présent; mais nous y reviendrons, convaincus que la
rétine doit avoir sa participation à cet état pathologique.
Ce qui semble le prouver à priori, c'est que le tronc du nerf optique
droit est visiblement atrophié relativement au nerf optique gauche.
Nous arrivons au cerveau lui-même, que nous avons dû, pour bien
l'étudier, faire suffisamment macérer dans une solution d'acide chro-
mique; cette circonstance ne permet pas de constater aussi facilement
aujourd'hui les particularités qui s'offraient à l'état frais.
La plaie faite à la voûte crânienne, singulièrement rétrécie d'ailleurs,
était fermée par un pont fibreux peu résistant, auquel adhèrent inlé-
rieurement quelques parcelles d'une substance molle, pulpeuse, (jue
nous avons bientôt reconnue pour être du tissu cérébral altéré. L'hé-
misphère cérébral droit mis à nu présentait, d'avant en arrière, vers
son milieu, une cicatrice blanche nacrée, comme rubanée, s'étendant
de la corne antérieure du lobule postérieur en traversant la scissure
sylvienne, mais très-superficiellement; toutefois la continuité de la ci-
catrice n'était pas absolument complète; elle était interrompue vers
son tiers postérieur, et là le tissu cérébral semble se jomdrc à lui-même
d'un côté à l'autre ; le tissu lui-même est comme froncé tout autour de
la cicatrice, effet de la rétraction de celle-ci. La perte de substance
qui répond à la cicatrice représente environ le tiers de 1 hémisphère
cérébral.
Le tissu cicatriciel lui-même est essentiellement constitué par des
éléments cellulo-fibreux contenant des noyaux et quelques cellules
disséminées embryo-plastiques. Nulle part au sein même de la cicatrice
nous n'avons rencontré d'éléments nerveux proprement dits; mais au
niveau de la courte interruption il y en a en grand nombre, mêlés à de?
fibrilles de tissu conjonclif qui semble prédominer, des tubes nerveux
interrompus, mais parfaitement constitués, et des cellules nucléolées,
qui pourraient bien être l'effet d'une régénération.
4
Dans toute la sphère de la lésion, les vaisseaux capillaires abondent
et leurs parois sont manifestement granuleuses.
Les autres parties de l'encéphale nous ont paru être saines. Nous
avons le regret de n'avoir pu examiner suffisamment la moelle allongée,
à raison des grandes difficultés que présente son extraction du canal
vertébral ; mais les phénomènes déjà signalés du côté de l'un des
membres supérieurs, et les altérations de structure que nous allons
signaler dans les muscles de cette patte, nous portent à croire que des
lésions secondaires descendantes existaient très-probablement dans les
jiarties supérieures de l'axe spinal.
En effet, les muscles de la patte antérieure droite ne présentaient
pas seulement une atrophie généralisée; les faisceaux primitifs eux-
mêmes étaient atrophiés et altérés, comme ils le sont habituellement
sous l'influence des lésions médullaires, c'est-à-dire qu'ils offraient la
dégénérescence granuleuse très-appréciable, la striation restant in-
tacte en elle-même.
Telles sont les principales particularités que ce fait expérimental a
présentées ; elles sont assez remarquables pour que nous les résumions
en quelques mots afin de les faire ressortir :
1° Atrophie totale de l'œil correspondant à l'hémisphère cérébral
lésé ; atrophie paraissant résulter d'une altération de nutrition pure,
sans autre processus appréciable : cette altération ne démontre-t-elle
pas une véritable influence trophique exercée par le cerveau? A cette
atrophie de l'œil se rattache évidemment celle du nerf optique cor-
respondant.
2" Phénomènes de paralysie de la motilité et de la sensibilité bien
prononcés, au début, dans les membres du côté opposé à celui de la
lésion cérébrale; préexistence de ces phénomènes avec atténuation de
plus en plus marquée jusqu'au moment de la mort de l'animal.
3° Atrophie consécutive des muscles de la patte antérieure droite
(côté de la lésion cérébrale), et de dégénération granuleuse' commen-
çante des faisceaux primitifs de ces mêmes muscles; lésions de nature
à révéler une altération secondaire et descendante de la moelle épi-
nière, bien que cette altération n'ait pu être constatée directement.
Faisons remarquer, à ce sujet, que les observations négatives ré^cem-
ment publiées, touchant à la production expérimentale des lésions se-
condaires de la moelle, sont tous relatifs à de simples incisions faites
dans la substance cérébrale; or le fait que nous venons de relater, et
d'autres qui sont en cours d'observation, nous portent à penser qu'il
ne suffit pas d'une simple piqûre ou incision, mais que l'enlèvement
d'une certaine portion de matière cérébrale est nécessaire pour réa-
liser l'une des conditions essentielles du résultat dont il s'agit; c'est
5
d'ailleurs ce que montre plus amplement la suite de ces recherches.
M. Brown-Séquard dit qu'il y a déjà près de vingt ans, il a ob-
servé l'atrophie du bout central des nerfs après leur section. Lors-
que M. Waller a fait connaître son importante théorie des centres
trophiques, M. Brown Séquard a signalé, entre autres objpclions, !o
fait que le bout central des nerfs périphériques sectionnés n'est pas
sans altération comme le voudrait cette théorie. Les mêmes causes,
selon toutes les probabilités, déterminent les altérations soit dans le
bout central, soit dans le bout périphérique d'un nerf coupé ; mais il
est tout naturel que celles-ci soient plus prononcées dans le bout in-
férieur. Il s'est assuré que l'atrophie du bout central n'est pas seule-
ment due à un arrêt de développement, cette altération se produisant
(à un moindre degré il est vrai) chez les animaux adultes, comme chez
les jeunes.
— M. Laborde fait une communication relative àun fait de dégénéra-
tion secondaire probable de la moelle survenue chez un cochon d'Inde
consécutivement à l'ablation du tiers d'un hémisphère cérébral prati-
quée au mois de juillet.
M. Charcot dit que c'est un sujet à reprendre; il rappelle que ré-
cemment M. Westphal a obtenu des résultats positifs.
M. BkowvSéquard fait remarquer que le développement de ces dé-
générations secondaires présente bien des inconnues. MM. Vulpian et
Dickinson ont vu qu'après les amputations c'est tantôt le cordon posté-
rieur, tantôt le cordon antérieur de la moelle qui est atteint. 11 croit
que l'irritation primitive se transmet par l'intermédiaire du tissu con-
jonctif et que ce sont les altérations de ce tissu qui produisent celles des
tissus nerveux.
— M. Laborde signale, à propos du fait qu'il a rapporté, que l'animal
qui était devenu épileptique a guéri par l'administration du bromure de
potassium.
— M. Brown-Séquard fait voir des animaux chez lesquels, selon toute
apparence, il y a eu transmission par hérédité d'une altération ac-
quise accidentellement par leur père. Il fait observer aussi que la
femelle, mère de ces animaux, présente une déformation semblable,
mais moindre.
M. Brown-Séquard rappelant les observations d'un observateur an-
glais de notre temps, M. Harvey, qui démontrent que les caractères
physiques û'un père peuvent se transmettre par l'intermédiaire des
petits à leur mère, dit qu'il y a lieu de croire que cette femelle a été
influencée de cette manière.
— M. Ranvier expose à la Société les résultats (qu'il a déjà com-
6
muniqués à l'Académie des sciences) sur la production de l'œdème sur
des chiens; la ligature de la veine cave n'a pas produit d'oedème, tandis
qu'il se produisit dans l'une des pattes après que sur le même animal le
nerf scialique a été sectionné.
M. Ranvier a étudié les lésions du tissu conjonctif œdématié : le
nombre des globules blancs normaux augmente considérablement. Les
cellules plates, au bout de vingt heures, sont devenues globuleuses;
elles ont toutes subi la dégénération granulo-graisseuse; on les pren-
drait pour des cellules des glandes sébacées. Le noyau, visible après
coloration, se trouve dans le milieu de la masse granuleuse. M. Ranvier
insiste sur la différence que présente cet œdème d'avec le gonflement
phlegmoneux sous le rapport de la mobilité du liquide.
— M. Carville présente un chien sur lequel il a répété avec succès
l'expérience de M. Ranvier.
— MM, CnARcoTetJoFFROY communiquent un cas d'ataxie locomotrice
avec arthropathie de l'épaule droite. Ils ont observé que la moelle,
indépendamment des lésions de l'ataxie (sclérose des cordons posté-
rieurs), présentait une déformation de la corne antérieure droite limitée
à rétendue du renflement cervical.
M. Charcot ne pense pas que la sclérose des cordons postérieurs puisse
à elle seule expliquer le développement des arthropathies spéciales de
l'ataxie, parce que la sclérose des cordons postérieurs est constante
dans cette maladie, tandis que les arthropathies y sont relativement
rares.
Répondant à quelques questions qui lui sont adressées, M. Charcot
expose les caractères cliniques de l'arthropathie de l'ataxie; quant à
l'anatomie pathologique de cette arthrite, elle n'est encore fondée que
sur une seule nécropsie que M. Charcot a communiquée l'an dernier à
la Société ! Ce qu'au point de vue anatomique cette arthrite offre de
particulier, c'est l'atrophie très-rapide des têtes osseuses qui est carac-
téristique à la première période de l'affection. Plus tard, une hypertro-
phie osseuse peut survenir.
M. Ranvier remarque à ce propos que c'est au début seulement que
les diverses arthrites ont des caractères anatomiques bien tranchés
(arthrites goutteuse, rhumatismale, tumeur blanche, arthrite sèche);
qu'à une période un peu avancée des altérations identiques peuvent se
montrer dans les différentes arthrites.
La séance est levée à cinq heures.
Séance du 15 janvier,
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. VuLPiAN, à propos du procès-verbal, donne quelques détails sur
l'examen des membres du chien qui avait été opéré par M. Carville et
présenté dans la dernière séance. Du côté de la section du nerf scia-
tiatique il existait une coagulation dans les vaisseaux plus étendue et
plus manifeste que du côté opposé. Les veines surtout contenaient des
thromboses qui siégeaient dans des troncs assez volumineux.
M. Ranvier a trouvé des thromboses veineuses une fois sur cinq ; dans
les autres cas, il existait des dilatations des capillaires et des accumu-
lations de globules blancs; mais M. Ranvier n"a pas encore terminé ses
études sur ce sujet.
IM. Laborde a vu se former des thromboses veineuses dans les
cas de section simple du nerf sciatique. Dans ces cas, les animaux
meurent avec des infarctus pulmonaires. Sur des lapins et des cochons
d'Inde auxquels MM. Leven et Laborde avaient fait la section du nerf
sciatique, il s'est produit dans quelques cas un peu d'œdème dans le
membre correspondant; mais il était moins développé que dans les
expériences de M. Ranvier.
M. Ranvier a fait un grand nombre de fois des sections du sciatique
chez le chien sans jamais produire de l'œdème. Dans ces sortes de re-
cherches, il y a une erreur à éviter, c'est de prendre pour un œdème
formé pendant la vie l'infdtration plus ou moins grande qui survient
lorsque le cadavre de l'animal est resté pendant quelque temps sur un
plan incliné.
M. Brown-Séquard n'a jamais observé d'œdème à la suite de la sec-
tion simple du nerf sciatique.
M. Hayem a profité de l'expérience faite par M. Carville et conGr-
mative de celles de M. Ranvier pour étudier au microscope l'état des
vaisseaux du membre œdématié. Il a vu qu'il existait une stase san-
guine étendue aux capillaires et aux veines avec des dilatations irrégu-
lières de ces vaisseaux, et que de plus un assez grand nombre de glo-
bules rouges s'étaient extravasés. D'ailleurs, on reconnaissait déjà à
l'œil nu de petits points ecchymotiques dans le tissu œdématié. Il y a
donc ici des phénomènes de stase et d'issue des globules comparables
à ceux qui ont été décrits par Cohnheim dans la membrane natatoire
de la grenouille.
De plus, M. Hayem a voulu voir sur cet animal si les phénomènes
de la stase étaient modifiés par la section du sciatique.
8
En coupant le sciatique d'un côté sur une grenouille curarisée, on
constate un élargissement des artérioles et une dilatation consécutive
des capillaires.
Si l'on fuit alors au niveau de chaque cuisse la ligature do la veine
principale, on se met chez la grenouille dans des conditions fort ana-
logues à celles de l'expérience de M. Ranvier. On voit alors que du
côté non sectionné les phénomènes de stase se développent peu à peu
et assez rapidement d'abord dans les capillaires, puis dans les veines,
et plus tard enfm dans les artérioles de la membrane interdigitale.
Du côté de la section du nerf sciatique les mômes phénomènes se
produisent, mais plus lentement, et la circulation est déjà arrêtée com-
plètement depuis plus de vingt-quatre heures du côté Opposé, que l'on
peut encore voir ici une circulation irès-fuible et très-gônée dans les
artérioles. De plus, les vaisseaux restent plus dilatés, et la patte offre
une coloration plus rouge. On peut donc penser que dans l'expérience
de M. Ranvier la production de l'œdème se trouve facilitée par la dila-
tation des artérioles qui permet l'abord d'une plus grande quantité de
sang, et cela pendant plus de temps que du côté opposé.
M. Ranvier étudie encore actuellement le mécanisme de la produc-
tion de l'œdème, et il ne fera connaître que plus tard sa conclusion;
mais il ne croit pas à la valeur des expériences faites sur la grenouille.
D'après lui, il y a trop de causes d'erreur à éviter. D'abord, il n'est pas
certain que le sciatique contienne des vaso-moteurs; la paralysie de
la patte qui résulte de la section du sciatique sufnt à expliquer les
changements de circulation. D'autre part, il n'est pas certain qu'il y ait
dans ce cas une dilatation des vaisseaux; car on observe chez la gre-
nouille des variations très-grandes dans le diamètre des vaisseaux sans
que l'on fasse intervenir une cause extérieure. Enfin, il n'y a pas d''œ-
dème chez la grenouille à cause du peu d'abondance du tissu conjonc-
tif. Ces considérations ont engagé M, Ranvier à laisser de côté complète-
ment les grenouilles pour ce genre d'expériences.
M. Leve.n a souvent vu de l'œdème chez la grenouille, et il croit que
cet animal a suffisamment de tissu conjonctif pour en avoir.
M. Ranvier pense que le boursouflement que présentent les grenouilles
dans certaines conditions ne constitue pas un véritable œdème. Il
change rapidement, suivant le milieu et la position dans lesquels on
observe l'animal.
iM. Hayem croit à la réalité de la dilatation des petites artères après
ia ëecliun au sciatique chez la grenouille, et il rappelle à M. Ranvier
qu'il a fait ses études sur des individus curarisés. D'ailleurs tous les
observateurs ont admis la présence de nerfs vaso-moteurs dans le scia-
tique de la grenouille.
9
M. Vllpiax demande à M. Ranvier si dans ses expériences il n'a ja-
mais vu d'œdème des deux côtés. M. Philipeaux, en répétant l'expé-
rience en question, vient d'observer dernièrement un œdème bilatéral.
M. Ranvier a toujours vu jusqu'ici l'œdème se produire uniquement
du cô'é de la section du nerf sciatique.
M. Brown-Séquap.d a déjà annoncé à la Société qu'une simple section
de la peau faite au niveau de la région épileptogène guérit souvent les
animaux rendus épileptiques par section de la moelle ou du nerf scia-
tique. Aujourd'hui M. Brown-Séquard désire attirer l'attention sur un
de ces faits plus remarquable que les autres, à cause de cette particu-
larité que la guérison a été immédiate.
Dès le moment où la section de la peau a été faite, les propriétés de
la zone épileptogène ont été modifiées. L'anesthésie qui existe toujours
à un certain degré a disparu et la zone a perdu complètement sa fa-
culté épileptogène. '
M. Charcot, à propos des faits énoncés par M. Brown-Séquard, ra-
conte brièvement l'histoire d'une malade qu'il observe en ce moment à
la Salpêtrière. Elle est atteinte d'un mal de Pott situé très-bas, avec
compression de la queue de cheval ou des nerfs qui forment le plexus
lombaire. Il existe un affaiblissement des membres inférieurs et de l'hy-
peresthésie dans quelques groupes nerveux, particulièrement sur le
trajet du crural gauche. Les moindres attouchements à ce niveau sont
très-douloureux. De temps en temps il y a des accès douloureux très-
intenses. Un mois après un de ces accès, la malade a été prise tout à
coup d'une attaque épilepliforme avec morsure de la langue, pâleur do
la face, écume sanguinolente. Depuis cette époque, il y a eu deux nou-
velles attaques du même genre. Doit-on voir dans ce fait une simple
coïncidence ou bien un certain rapport entre les phénomènes d'excita-
tion de quelques troncs nerveux et des attaques épileptiformes?
M. Charcot pense que celte dernière supposition est d'autant plus ac-
ceptable que la malade n'a jamais eu antérieurement d'affection ner-
veuse.
M. Charcot a cherché en vain chez celte femme une zone capable de
produire des attaques.
M. Leven demande à M. Brown-Séquard s'il existe dans la science un
grand nombre de faits démontrant la guérison de l'épilepsie à la suite
de sections faites au niveau du point de départ de l'aura.
M. Brown-Séquard rappelle qu'il a mentionné dans son livre et dans
ses cours un nombre considérable de faits qui démontrent qu'une irri-
tation quelconque produite sur le siège de l'aura peut guérir l'épi-
lepsie.
D'autre part, le fait expérimental sur lequel M. Brown-Séquard
10
vient de faire une nouvelle communication à la Société, ne peut laisser
aucun doute dans l'esprit sur la valeur du caractère, de l'irritation de
la zone épileptogène. Il est clair, en effet, que chez les animaux c'est
bien certainement la section qui produit la guérison, tandis que chez
l'homme on peut toujours se demander si celle-ci n'a pas été spon-
tanée.
— M.Hayeh communique à la Société les résultats complètement né-
gatifs de recherches entreprises dans le but de voir si le sang ne con-
tient pas dans quelques maladies aiguës ou chroniques un excès d'a-
cide urique.
On sait que Garrod et depuis plusieurs observateurs, parmi lesquels
il faut citer M. Charcot, ont trouvé dans la sérosité des vésicatoires
appliqués chez les goutteux une certaine quantité d'acide urique. Des
recherches du même genre entreprises dans le rhumatisme aigu ou
chronique ont donné des résultats négatifs; mais on pouvait se de-
mander si la présence de l'acide urique était un fait tout à fait spécial
à la goutte.
M. Hayem a examiné, sous ce rapport, par le procédé du fil, la séro-
sité d'un grand nombre de vésicatoires appliqués dans un service d'a-
dultes des deux sexes atteints d'affections très-diverses, et il n'a jamais
trouvé de cristaux d'acide urique.
Il fait de plus remarquer que la sérosité du vésicatoire recueillie
dans un verre se coagule constamment au bout de quelques minutes,
résultat identique à celui que RI. Vulpian a fait connaître à la Société
à propos des expériences entreprises par iSlM. Legros et Onimus sur la
genèse des leucocytes.
M. Charcot fait observer que dans certains cas indépendants de la
goutte, on trouve des cristaux d'acide urique : c'est lorsqu'il existe des
troubles de la sécrétion urinaire, comme dans les néphrites anciennes.
Il en a trouvé récemment dans un cas d'anurie de cause inconnue,
chez une malade qui n'avait aucune affection des jointures.
On n'en rencontre jamais dans le rhumatisme, même dans les cas
chroniques que beaucoup de médecins confondent encore avec la
goutte.
Dans cette dernière maladie, pour trouver l'acide urique, il convient
d'appliquer le vésicatoire loin du siège de l'inflammation.
Dans la goutte aiguë légère, il existe de l'acide urique au moment où
l'accès va se développer, mais non en général pendant l'accès môme.
Lorsque la maladie est chronique, on trouve toujours de l'acide urique
dans le sang, mais peu ou même pas du tout dans l'urine.
M. Bert demande si l'on a fait l'examen de la sérosité des vésica-
11
toires sur 1 homme sain et aux diverses périodes de la formation des
ampoules. Dans un cas où il avait fait placer un vésicatoire pour une
simple névralgie, il n'a pas observé la coagulation sig'nalée par MM. Vul-
pian et ïlayem.
M. Hayem a toujours observé cette coagulation, et cela à tous les
degrés d'évolution des ampoules et souvent chez des individus atteints
d'affections très-bénignes.
M. VuLPiAN a fait un grand nombre de recherches de ce genre, et il a
toujours trouvé un petit caillot fibrineux au bout de vingt à trente
minuies. Lorsqu'on enlève cette première coagulation, il n'est pas rare
d'en voir se former successivement plusieurs autres.
M. CnARcoT attire l'attention, de la Société sur l'état de la moelle
dans deux cas de paraplégie suivis de guérison. Le premier fait est re-
latif à un mal de Pott qui avait produit une paralysie par compression
de la moelle et dans lequel la paraplégie a disparu après plusieurs ap-
plications de pointes de fer au niveau de la déformation. Il est pro-
bable que dans ce cas, comme M. Charcot l'a vu plusieurs fois, la com-
pression est due, non pas aux fragments osseux, mais à la matière ca-
séeuse qui vient presser directement sur la dure-mère rachidienne.
La malade, après être restée quelque temps guérie de sa paralysie
des membres inférieurs, a été prise de coxalgie et a succombé.
A l'autopsie on a trouvé les lésions ordinaires de la compression de
la moelle : aplatissement de la moelle et léger ramollissement à ce ni-
veau; sclérose ascendante des faisceaux postérieurs et altération des-
cendante dans les cordons antéro-latéraux. Il n'y avait aucune diffé-
rence entre cette moelle et celle des individus qui meurent paralysés.
Le deuxième fait se rapporte à une malade atteinte de paraplégie qui
avait été considérée comme incurable. Il n'y avait pas de mal de Pott.
La guérison semble avoir été produite par un traitement au nitrate
d'argent. La malade marchait bien et n'avait conservé qu'un peu de
rigidité dans le membre inférieur droit lorsqu'elle a été prise d'a-
dénie.
A l'autopsie on a trouvé dans un point de la région dorsale de la
moelle une sorte de gonflement grisâtre, d'aspect gélatineux, sorte de
sclérose partielle occupant environ 2 centimètres de longueur. Il s'é-
tait produit encore ici une altération secondaire ascendante et descen-
dante. Dans ces deux faits la disparition des signes fonctionnels de la
paraplégie a donc été obtenue sans changement appréciable dans la
lésion médullaire. M. Charcot reviendra d'ailleurs sur l'examen histo-
logique de ces deux moelles.
M. Laborde demande à M. Charcot s'il croit véritablement à l'effica-
cité des pointes' de fer dans le traitement du mal de Pott.
12
M. Charcot possède des observations qui ne peuvent laisser aucun
doule sur la valeur réelle de cette méthode.
M. DuMONTPALLiER fait obscrver que Pott déjà avait préconisé l'em-
ploi des cautères et de la potasse caustique.
M. Charcot est persuadé que les pointes de feu réussissent mieux que
les caustiques:
M. Laborde montre des pièces analomiques qui se rapportent à un
cas de ligature du nerf sciatique chez un cochon d'Inde. L'animal est
mort rapidement à la suite d'infarctus des poumons. Le nerf a subi sa
régénération aulogénique et les lésions qui s'étaient produites à l'ex-
trémité de la patte sont complètement cicatrisées. Le bout périphéri-
que du nerf est plus gonflé que dans les expériences du môme genre.
Il existe au niveau de la ligature une névrite évidente.
La séance est levée à cinq heures et demie.
Séance du 22 janvier.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. Dumontpallier, à propos de la communication faite par M. Charcot
dans la dernière séance sur le traitement de la paralysie dans le mal
de Polt par les pointes de feu, rappelle le mémoire de Pott lui-même
qui employait une méthode très-analogue.
En effet, il appliquait sur la gibbosilé des cautères, des sétons, et
M. Dumontpallier ne comprend pas bien comment des pointes de feu
peuvent déterminer un effet plus puissant que ces derniers moyens.
M. Coarcot a fondé son opinion sur des observations prises à la Sal-
pétrière et qui paraissent très-concluantes. Les malades qu'il a obser-
vées étaient dans des conditions particulières. On envoie en effet dans
cet établissement les malades qui survivent et sont considérés comme
incurables. Elles n'ont pas d'abcès, pas de complications graves; pres-
que toutes ont été traitées sans succès par la méthode de Pott, et ce-
pendant les pointes de feu produisent une amélioration considérable
et souvent des guérisons au point de vue des troubles fonctionnels.
Toutefois M. Charcot ne sait pas pourquoi les pointes de feu réussis-
sent mieux que tout autre traitement.
M. Brown-Séquard rappelle que M. Bouvier a préconisé les cautéri-
sations avec la pointe d'une allumette et qu'il les regarde comme plus
utiles que les cautères.
M. Laboude a vu un très-grand nombre de malades atteints de mal de
Pott, et il a suivi longtemps la pratique de M. BouvieV. Il aurait donc
13
beaucoup de choses à dire à ce propos; mais il désire faire remarquer
que la question la plus importante au point de vue de la marche et du
traitement est sans contredit celle du siège. On remarque, en effet,
que lorsque le mal de Poit est situé très-haut, ce sont les symptômes
de paralysie qui dominent, qu'au contraire les abcès deviennent plus
fréquents lorsque l'affection est placée très-bas. Dans ce dernier
cas, le traitement de M. Charcot peut et doit avoir de l'impor-
tance. Mais il n'en est pas de même dans le cas contraire, parce qu'a-
lors l'abcès ne se porte pas à l'extérieur et produit par compression des
phénomènes de paralysie.
On voit souvent, ajoute M. Laborde, des paralysies qui disparaissent
tout à coup pour se répéter chaque fois qu'il y a un nouvel abcès. Il
faut donc savoir tenir compte de ces variétés dans la marche de la
maladie pour apprécier la valeur d'un traitement. M. Bouvier a depuis
longtemps abandonné les fortes cautérisations; il emploie seulement
les applications de teinture d'iode. D'ailleurs, certaines malades ont
présenté des alternatives de guérison et de paralysie sans suivre au-
cun traitement. C'est donc là, comme on le voit, une question très-
complexe.
M. Charcot ne veut pas entrer dans des développements qui lui pa-
raissent inutiles sur les différentes variétés du mal de Pott. Il n'a
parlé du traitement par les pointes de feu que d'unemanière incidente,
et les observations qu'il a recueillies à la Salpêtrière lui paraissent
extrêmement probantes.
M. LEVEt* fait une nouvelle communication sur les expériences de
ligature de la trachée. Il a cru d'abord que lorsqu'on faisait cetteopé-
ration le^^ animaux mouraient tout à coup, comme foudroyés. Depuis,
il a vu que ce résultat n'est pas constant, el que souvent les animaux
meurent asphyxiés. M. Leven ne s'est pas encore rendu un compte
exact de ces différences.
M. Grécant fait remarquer qu'en liant la trachée on peut irriter soit
le pneumo-gastrique, soit le laryngé supérieur et produire ainsi un arrêt
des mouvements respiratoires.
M. Buown-Séquard demande à M. Leven comment il opérait dans les
cas où il a vu survenir une mort subite.
M. Leven a obtenu ce résultat en cherchant à introduire dans la tra-
chée une canule qui quelquefois déchirait ce conduit.
M. Brown-Séquard fait remarquer qu''il né faut pas confondre les
effets d'une déchirure avec ceux de la simple ligature.
M. Leven a vu la ligature produire le même résultat; mais il ne sait
pas encore, comme il vient de le dire, quelles sont les conditions né-
cessaires pour obtenir une mort aussi prompte.
14
3M. Brown-Séquard a fait un très-grand nombre de fois la ligature de
la trachée sans obtenir le résultat annoncé par M. Leven.
De même pour les faits relatifs à l'asphyxie par l'acide carbonique,
M. Brown-Séquard a toujours vu, contrairement à M. Leven, survenir
des convulsions ; mais il faut pour cela que l'acide carbonique respiré
soit pur. Lorqu'il renferme une certaine quantité d'air, l'animal peut
vivre assez longtemps s;ins présenter de convulsions. Il serait impor-
tant de savoir quelles sont les conditions dans lesquelles M. Leven a
obtenu les résultats qu'il avait annoncés.
M. Leven a fait les expériences d'une manière très-simple. Il plaçait
les animaux dans une cloche qui recevait un courant d'acide carbo-
nique à la partie inférieure et se remplissait ainsi de bas en haut. De
cette manière les animaux plongés au sein d'une atmosphère d'acide
carbonique meurent sans passer par une période d'excitation, sans
avoir un seul mouvement convulsif. D'ailleurs M. Leven rappelle que
d'autres physiologistes soutiennent en Allemagne la même théorie et
considèrent l'acide carbonique comme un gaz stupéfiant et non con-
vulsivant.
M. Laborde a vu plusieurs fois, notamment dans un cas de déchirure
de la trachée, des faits de mort subite rapportés par M. Leven, en as-
sistant ce dernier dans ses expériences.
M. LiouviLLE présente plusieurs pièces anatomiques recueillies chez
un malade qui a succombé à la fièvre typhoïde. Elles sont relatives à
diverses altérations musculaires avec abcès d'un des grands droits, et
plusieurs infarctus viscéraux. (Il remettra une note.)
M. CnARcoT demande à M. Liouville si le caillot situé dans l'auricule
n'a pas pu être le point de départ d'embolies.
M. Liouville fait observer que le caillot siégeait dans l'auricule
droite et que les infarctus dépendent d'oblitérations artérielles. Il
pense que les dernières devaient être sous Tinfluence soit de throm-
boses artérielles, soit d'embolies parties des caillots veineux. C'est là
un fait assez complexe.
M. Bouchard a observé dernièrement deux cas de fièvre typho'ide
avec thromboses, et en réunissant les particularités qu'ils présentent,
ils pourraient former un ensemble comparable au fait dont vient de
parler M. Liouville. Dans un cas il y avait, en effet, des thromboses
veineuses ; dans l'autre, au contraire, une thrombose de l'artère splé-
nique avec infarctus de la rate, et dans ce dernier fait rien ne pouvait
faire songer à la possibilité d'une embolie.
M. CnARcoT rappelle qu'il a fait connaître, pour le cancer, les throm-
boses artérielles par inopexie; le fait do M. Bouchard serait donc très-
15
intéressant au point de vue de l'histoire générale des coagulations ar-
térielles spontanées.
M. LANCEREAuxfait observer que les thromboses artérielles sans alté-
ration de la paroi du vaisseau sont au moins très-rares. Il a cru pen-
dant quelque temps à leur existence, à cause du travail de M. Charcot;
mais aujourd'hui il a complètement abandonné cette opinion. D'après
les faits d'artérite observés par M. Hayem dans la fièvre typhoïde, il
est probable que la coagulation de l'artère splénique trouvée par
M. Bouchard était due à une lésion de la paroi du vaisseau.
M. Bouchard n'a pas fait l'examen de l'artère oblitérée; mais rien ne
prouve encore, d'après lui, que les ihrombosesartérielles soient incapa-
bles de se produire sans altération vasculaire,
La séance est levée à cinq heures et demie.
Séance du 29 janvier.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. Gréhaxt présente à la Société la thèse qu'il a soutenue récem-
ment pour le doctorat es sciences naturelles, sur l'excrétion de l'urée
par les reins. Il rappelle à ce propos ses précédentes communications
et attire spécialement l'attention de la Société sur la dernière conclu-
sion de son travail, qui est en contradiction avec les faits énoncés par
Zalesky :
« La ligature des uretères et la néphrotomie sont deux opérations
identiques quant à leurs résultats; elles suppriment toutes deux la
l'onction éliminatrice des reins et n'apportent aucun obstacle à la for-
mation de l'urée qui a lieu en dehors des reins. »
M. VuLPiAN demande à M. Gréhants'il a cherché à se rendre compte
des causes qui peuvent avoir induit les autres observateurs en erreur.
M. Gréoant attribue ces différences d'abord à l'exactitude plus
grande avec laquelle il a dosé l'urée dans le sang et à certaines condi-
tions de l'expérience, comme l'élimination de l'urée par l'intestin,
question qui n'a pas encore été sufBsamment élucidée.
M. Bert fait remarquer que Zalesky s'est trop pressé de conclure
que les observateurs qui l'ont précédé s'étaient trompés. Les faits sur
lesquels s'appuie cet auteur ne sont pas effectivement assez con-
cluants.
Sur ses trois expériences d'ablation des reins chez le chien, une
seule peut être regardée comme véritablement bonne. Dans ces condi-
tions, on peut se demander si M. Zalesky n'a pas observé un fait ex-
ceptionnel. Il n'a pas retrouvé d'urée dans l'estomac, mais il pouvait y
16 '
en avoir dans la sueur; en tout cas, il fallait rechercber avec plus de
soin ce que l'urée pouvait être devenue. Toutefois, M. Zalesky a mon-
tré que les conditions indiquées par M. Cl. Bernard comme devant
produire un excès d'urée dans le sang, ne suffisent pas toujours à
amener ce résultat.
Le môme reproche s'applique aux expériences faites sur les oiseaux
et les serpent?. On doit encore se demander si le défaut d'accumula-
tion d'acide urique dans ces cas n'est pas due à l'élimination de cette
substance par diverses sécrétions.
M. VuLPiAN, pour appuyer les observations de M. Bert, fait observer
que l'urée peut être éliminée en nature par l'intestin. Chez un malade
atteint d'albuminurie brightique, M. Vulpian a fait analyser les selles
par M. Guyochin, interne en pharmacie, et l'on y a trouvé de l'urée.
Si M. Zalesky ne s'est pas mis à l'abri de celte cause d'erreur, on doit
considérer ses expériences comme peu concluantes (!).
M. CuALvET croit aussi à Télimmation de l'urée en nature par l'in-
testin. Il en a trouvé plusieurs fois dans les selles de malades atteints
de fièvre typhoïde.
M. Brown-Séquard fait observer que l'urée peut s'accumuler aussi
dans les articulations et que ses voies d'élimination sont multiples.
M. CnALVET : L'urée peut s'éliminer abondamment chez l'homme par
la peau; mais nous ne savons pas ce qui se passe, sous ce rapport, chez
les animaux. On en trouve dans la sueur des individus atteints de fiè-
vre intermittente, par exemple, et, chose remarquable, il n'en existe
pas dans la sueur des rhumatisants.
i\l. Brovvn-Séquard a déjà montré à la Société des cochons d'Inde qui
offraient une altération de l'oreille transmise par hérédité. Un fait ana-
logue s'observe pour les lésions de la putte consécutives à la section
du nerf sciatique. Ainsi trois jeunes cochons d'Inde nés de parents
ayant eu le nerf sciatique coupé ont les doigts d'une patte altérés
comme ceux de leurs parents, et comme tous les autres cochons d'Inde
provenant de parents tout à fait sains n'ont rien de semblable, il y a
quelque probabilité que cette altération est due à l'influence de l'hé-
rédité.
M. Bert rapporte qu'il avait essayé en vain de faire reproduire par
hérédité certaines lésions chirurgicales. C'est ainsi qu'après avoir
enlevé les yeux successivement à quatre générations de rats, il a con-
staté que les enfants naissaient toujours avec des yeux parfaitement
normaux. 11 existait cependant chez eux une légère atrophie des lobes
(1) Voir, pages suivantes, même séance, l'analyse des matières intes-
tinales par M. Guyochin.
17
optiques. Ces expériences montrent donc que ce n"est guère qu'à partir
de la quatrième génération que l'on pourrait obtenir- un résultat. D'ailleurs
certaines pratiques très-anciennes, comme celle de la circoncision,
par exemple, prouvent que les lésions chirurgicales n'ont pas de ten-
dance à se transmettre par hérédité !
M. VuLPiAN rappelle que M. Philipeaux, dans de nombreuses expé-
riences d'ablation, soit de la rate, soit du testicule, a toujours obtenu
également des résultats négatifs. Il serait facile, d'ailleurs, de recueil-
lir un grand nombre de faits de ce genre; ce qui prouve l'intervention
d'une cause accidentelle lorsque les faits paraissent positifs.
M. Laborde demande à M. Brown-Séquard si l'hérédité agit directe-
ment pour produire les troubles de la nutrition de la patte, ou bien si
elle exerce son influence en déterminant d'abord l'épilepsie.
M. Brown-Séquard fait observer que l'hérédité de l'épilepsie provo-
quée est parfaitement établie par les faits qu'il a constatés depuis long-
temps. 11 ajoute que certaines déformations de l'oreille paraissent aussi
se transmettre directement par hérédité; mais que pour le troisième
fait, celui qui est relatif aux altérations de la patte l'influence directe
de l'hérédité ne lui semble encore que probable. En tout cas,
M. Brown-Séquard pense que certaines lésions provoquées chezles pa-
rents par la section des nerfs peuvent se transmettre directement aux
petits.
— M. VuLPiAN présente au nom de M. J. M. Philipeaux un cas de
transplantation de Cergot d'un jeune coq dans la crête du même
animal.
L'expérience a été faite le 20 juin 1850. L'ergot extirpé sur la patte
gauche d'un jeune coq, âgé de 40 jours, avait été introduit dans la
crête de ce même animal, et l'incision pratifjuée sur la crête pour
permettre cette insertion avait été réunie à l'aide d'un pain à cacheter,
imbibé de gomme.
Deux ans après, l'animal ayant été sacrifié pour dautres expériences,
on put examiner avec soin l'ergot transplanté, lequel depuis longtemps
faisait une saillie considérable hors de la crête.
Lorsque l'ergot a été introduit dans la crête, il avait l'aspect et les
dimensions de celui qui est mis sous les yeux de la Société et qui a
été enlevé sur un jeune coq d'environ 40 jours. On sait qu'à cet âge
l'ergot n'adhère pas à l'os du tarse, mais qu'il fait corps avec la peau
et qu'il est formé exclusivement, comme les ongles, d'une substance
cornée au-dessous de laquelle existe une mince couche de Malpighi
et le derme. U n'y a alors ni cellules cartilagineuses ni cellules os-
c. R. 1869. . 2
18
seuses. Peu à peu l'ergot se développe, s'ossifie et se soude à l'os du
larso d'une manière complète.
L'ergot transplanté n'avait contracté aucune adhérence avec les os
du crâne. Il s'était accru de la môme façon que l'ergot resté en place
sur le tarse du côté droit; il avait acquis la même configuration, et,
à cause sans doute de la vascularité plus grande de la crôte, sa lon-
gueur est devenue un peu plus grande que celle de l'ergot non extirpé
(ce dernier ergot a en effet 0'°,040 de longueur, tandis que l'ergot trans-
planté a 0"°, 045 de longueur).
La structure de l'ergot transplanté a aussi la même structure que
l'ergot resté en place : c'est un tissu osseux creusé de canaux de Ha-
vers plus larges que ceux du tissu osseux du tarse, comme il est facile
de s'en convaincre par l'examen microscopique de coupes minces
faites sur ces diverses parties. Les cavités osseuses (ostéoplastes) sont
aussi plus grandes dans les ergots (l'ergot transplanté et l'ergot non
extirpé) que dans les os du squelette du coq qui a subi l'expérience.
Les deux ergots sont, l'un et l'autre, recouverts de lames épidermi-
quos cornées.
Bien qu'il s'agisse là d'une expérience déjà bien connue et faite par
plusieurs physiologistes, M. Phiiipoaux a cru devoir présenter ces
pièces à la Société de biologie, non-seulement à cause de l'étude dé-
taillée qu'il a faite de l'ergot transplanté, mais encore parce que l'ab-
sence de régénération sur place de l'ergot enlevé sur la patte gauche
est un nouvel exemple à ajouter à ceux que cet expérimentateur a
déjà publiés et qui prouvent que les parties complètement enlevées
ne sont pas reproduites par régénération.
— M. CnALVET montre à la Société une famille de jeunes chiens sur
laquelle il a entrepris une série d'expériences sur l'allaitement.
Deux de ces jeunes'animaux ont été élevés au biberon, et tandis que
le chien laissé à la mère pesait 1,100 grammes, ces deux chiens pesaient
chacun 800 grammes. Us ne sont pas devenus malades, l'élevage au bibe-
ron n'a pas été pernicieux; mais, rendus à la mère, ils sont restés beau-
coup moins développés, et leur dentition se fait tardivement.
M. Chalvel fait observer qu'il y a une grande différence entre le lait
vivant et le lait mort. Il appelle laitvivant'celui qui vient d'être extrait
de l'animal; c'est le seul à l'aide duquel on puisse élever les animaux
sans les rendre malades. Toutefois, pendant les premières semaines, il
est complètement impossible de remplacer le lait de la mère.
De plus, dans ces recherches, il faut tenir compte très-exactement
de la manière dont les animaux sont protégés contre la température
extérieure. Aussi c'est en été que les expériences doivent être failes
19
de préférence. M. Chalvet reviendra prochainement sur ce sujet.
— M. Charcot raconte brièvement l'histoire clinique d'une malade
atteinte de paralysie progressive de la langue et des lèvres, etc. (labio-
glosso-pharyngée de quelques auteurs), et désire faire connaître dès
maintenant le résultat de ses recherches nécroscopiques.
La maladie était très-bien caractérisée ; la langue était paralysée,
mais n'offrait pas d'atrophie apparente. Toutefois il existait dans cer-
tains groupes musculaires une atrophie évidente. Cette combinaison
existe dans plusieurs autres observations.
Vers la fin de la maladie l'alimentation était devenue très-difficile
et se faisait à l'aide d'une sonde œsophagienne. Tout à coup, sans qu'il
y eût de la fièvre, le pouls s'éleva à 200 pulsations par minute et resta
ainsi pendant deux ou trois jours; puis la mort survint par syncope.
A l'autopsie on a trouvé plusieurs muscles atrophiés : trapèzes, del-
toïdes, plusieurs muscles du bras et de l'avant-bras. Us étaient déco-
lorés, jaunes et graisseux. La langue, non altérée à l'œil nu, était éga-
lement un peu atrophiée et contenait des fibres granuleuses analogues
à celles que l'on trouve après les sections de nerfs.
On sait que pour M. Duchenne il y a une distinction complète entre
la paralysie et l'atrophie.
Certes, ce n'est pas là ce que montrent les faits. Le système ner-
veux a été étudié au microscope avec soin. Les nerfs criàniens n'étaient
pas lésés. Le bulbe, qui paraissait parfaitement intact àlœil nu, n'of-
frait d'altération que dans les noyaux de Thypoglosse.
11 n'existait pas trace de la prétendue sclérose du bulbe. Les foyers
gris seuls étaient malades, et laltération paraissait avoir pour siège
primitif les cellules nerveuses elles-mêmes.
A l'état normal on sait que d'après L. Clarke on trouve dans le noyau
de l'hypoglosse de grandes cellules multipolaires non fortement pig-
mentées. Dans le bulbe malade, les cellules ne se coloraient pas par
le carmin comme à l'état normal; elles étaient petites et sans pôles.
En les étudiant par comparaison avec un bulbe sain, leur altération
devenait plus évidente.
MM. Charcot et Joffroy ont présenté dernièrement à la Société une
altération analogue observée dans un cas^d'atrophie musculaire pro-
gressive qui atteignait également la langue, mais ici les lésions étaient
portés à l'extrême.
M. Charcot rapproche ces altérations des centres nerveux avec atro-
phie des muscles des faits de paralysie infantile dont il a été question
dernièrement à la Société.
M. Dusîo.NTPALLiER rappelle à ne propos que Trousseau a publié dans
20
sa clinique (1) une observation analogue, dans laquelle la mort avait
eu lieu, non par syncope, mais par asphyxie.
Dans le bulbe examiné par MM. Dumonlpallier etLuys, il existait une
altération qui certainement n'a pas été aussi bien délimitée que celle
décrite par M. Charcot, mais qui paraissait cependant très-importante.
M. Brown-Séquard signale une observation analogue dans les j\Ie-
Dico-ciuRURGiCAL TRANSACTIONS. M. Browu-Séquard a vu le malade; il
était atteint d'une atrophie musculaire généralisée.
M. Hayem fait observer que dans un assez grand nombre de cas d'a-
trophie musculaire progressive, il existe à côté de l'atrophie une pa-
ralysie de quelques muscles encore intacts ou à peine altérés, et il
demande à M. Charcot si dans les faits qu'il a observés les lésions ana-
tomiques peuvent rendre compte de ces différences.
M. Charcot pense que la distinction établie entre la paralysie et l'a-
trophie est surtout théorique. Dans la majorité des cas ces deux symp-
tômes sont mélangés; mais jusqu'ici on ne sait pas encore comment les
lésions que l'on a trouvées agissent pour produire les phénomènes
cliniques.
M. IsAMBERT demande si M. Charcot a trouvé une altération du muscle -
crico-aryténoïdien postérieur. L'atrophie de ce muscle a été niée par
M. Duchenne, et il serait important de savoir si elle existe alors que
la dilatation de la glotte peut encore avoir lieu.
M. CnARcoT a trouvé les deux crico-aryténoïdiens postérieurs ma-
lades, mais inégalement atrophiés.
Examen de matières liquides diarrhéiques provenant d'un malade at-
teint DE maladie de BrIGHT ; PRÉSENCE d'aLBUMINE ET d'uRÉE DANS CES
matières; recherche faite par M. Guyochin, interne en pharmacie à
la Pitié.
Constant (Antoine) 39 ans, terrassier, né à Langres (Haute-Loire),
entre à la Pitié, salle Raphaël, n° 16, le 17 août 1869. Interrogé sur
l'état antérieur de sa santé, il dit être entré, il y a un an et demi, dans
le service de M. Gubler, à Beaujou, pour la même maladie dont il est
atteint aujourd'hui. A sa sortie de l'hôpital Beaujon, son état était
considérablement amélioré. L'urine du malade au moment de son
entrée à la Pitié contenait beaucoup d'albumine. Examinée plusieurs
fois depuis, de distance en distance, elle a toujours contenu de l'albu-
mine. Mais les recherches s'étaient bornées à ce point.
État actuel, 7 janvier 1870. — L'urine est peu abondante;
(1) T. II, p. 282 (2« édition, 1865;.
21
500 grammes au plus i)ar vingt-quatre heures, c'est-à-dire le tiers à
peine de la quantité normale. Le malade se plaint de cette miction
difficile et douloureuse; il demande des tisanes diurétiques ; il croit
qu'il serait guéri s'il pouvait, selon sa propre expression, « uriner
comme tout le monde et non par le derrière. » En effet la sécrétion
urinaire si imparfaite est en partie suppléée chez le malade par une
diarrhée très-liquide. M. le professeur Vulpian, pensant qu'il serait
intéressant de rechercher si les éléments de l'urine ou du moins son
principe essentiel, l'urée, se retrouveraient dans les matières liquides
éliminées par l'anus, me demanda de faire celte recherche. 100 gram-
mes d'urine et 100 grammes de ce flux diarrhéique ont été séparé-
ment analysés pour y rechercher et y doser spécialement l'urée.
L'urine légèrement acide marque 1,020 à l'uromètre. Sa couleur et
l'odeur ne présentent rien de particulier. Sa consistance est considé-
rablement augmentée ; le liquide semble filant comme une solution
de gélatine ou de blanc d'œuf, phénomène dû sans doute à la pré-
sence d'une assez grande quantité de mucus dans l'urine. Il y a aussi
une grande quantité d'albumine que précipitent facilement l'acide
nitrique ou la chaleur seule. L'urine pesée avec soin a été évaporée
à une basse température en consistance sirupeuse et reprise par l'al-
cool absolu. La solution alcoolique décolorée et fillrée a été évaporée
à siccité au bain-marie et après refroidissement complet traitée par
une petite quantité d'acide azotique dilué et complètement exempt
de gaz nitreux. Il s'est formé ainsi un précipité d'azotate d'urée qui,
desséché, a pesé 1 gramme 15 centigrammes, quantité qui correspond
à 55 centigrammes d'urée pure. L'urine du malade contenait donc
55 centigrammes d'urée pour 100 ou 5 grammes 50 centigrammes par
litre. Cette quantité, bien inférieure à la moyenne normale (25 à 30
grammes pour 1,000), paraîtra plus faible encore si l'on réfléchit au
peu d'urine sécrétée. Mais nous trouvons une compensation partielle
dans le liquide qui constitue les selles du malade.
A l'aspect physique, c'est un liquide filant dans lequel nagent des
grumeaux analogues à du lait caillé. Soumis au même traitement chi-
mique que l'urine, il a laissé précipiter par l'ébullition et l'alcool
concentré une quantité considérable d'albumine. L'urée y était aussi
contenue dans la proportion de 32 centigrammes pour 100, soit 3 gram-
mes 20 centigrammes pour 1,000. La présence de l'albumine et de
l'urée est ici d'autant plus remarquable que ces deux corps et sur-
tout l'urée n'entrent point ordinairement dans la composition des ma-
tières fécales.
En résumé, la somme d'urée dans les deux liquides n'est que de
8 grammes 70 centigrammes, chitîre inférieur à la quantité normale.
V.-:
00
L'urée est donc produite chez le raalade en quantité peu considérable
ou plus probablement elle est incomplètement éliminée. Elle doit s'ac-
cumuler dans les autres liquides de l'économie et principalement dans
le sang.
20 janvier. Lexamen des matières fécales a donné les résultats
suivants :
Le diarrhée est beaucoup moins liquide. Il serait impossible aujour-
d'hui d'en prendre la densité, ce qui aurait pu se faire facilement au
moment de la première analyse. Les grumeaux blanchâtres ont pres-
que entièrement disparu. L'odeur est celle des matières fécales, tandis
que la première fois elles étaient presque inodores. A l'examen chi-
mique l'albumine a été trouvée moins abondante et l'urée ne s'y trou-
vait que dans la proportion de 23 centigrammes pour 100, c'est-à-dire
2 grammes 30 centigrammes pour 1,000.
Le malade est mort le 1" février 1870. Les reins sont tous les deux
très-altérés. Leur surface est couverte de petites granulations blan-
châtres. La substance corticale présente un aspect et une coloration
qui indiquent l'existence d'une altération graisseuse. La paroi des
calices et du bassinet est épaissie et la membrane muqueuse est in-
jectée.
La séance est levée à cinq heures et demie.
Le secrétaire, Hayem.
COMPTE RENDU DES SÉANCES
DE
^ p-
LA SOCIETE DE BIOLOGIE
PENDANT LE MOIS DE FÉVRIER 1870;
Par m. R. LEPINE, secrétaire.
PRÉSIDENCE DE M. CL. BERNARD.
Séance du 5 février.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. CoRNiL communique à la Société la relation abrégée d'un cas
d'arthrite tuberculeuse.
Cette lésion a été trouvée chez un homme de 50 ans, au niveau du
coude. Le début de la lésion a pu être bien précisé et datait d'environ
vingt mois.
A l'autopsie, tuberculose presque généralisée. Il existait des granu-
lations dans la plupart des organes; en arrière de la trachée siégeait
un abcès puriforme dû è\ une transformation caséeuse très-avancée des
ganglions bronchiques. Il y avait, de plus, un mal de Pott, qui avait
détruit un disque intervertébral et produit plusieurs foyers purulents
autour de la moelle. Malgré la compression évidente de celle-ci, il n'y
a pas eu de paralysie.
24
Le point sur lequel M. Cornil attire spécialement l'attention est rela-
tif aux alléralions de la jointure.
La synoviale était rcmpiie de pus, la surface était tomenteuse, très-
épaisse dans toute la masse. A l'oeil nu on y apercevait déjà un grand
nombre de granulations tuberculeuses miliaires. Au microscope on
voyait une sorte de tissu embryonnaire au sein duquel on pouvait assez
bien délimiter les granulations tuberculeuses. Les os étaient parfaite-
ment sains. C'est donc là une synovite tuberculeuse bien caractérisée,
qui est très-différente des tumeurs blanches ordinaires.
— M. Hayem présente à la Société des pièces relatives à deux cas de
purpura hemorrliagica avec lésions des artères correspondant aux
foyers hemorrhagiques.
Le premier cas est relatif à une femme phthisique morte d'hémor-
rhagies multiples. M. Labadie-Lagrave, qui a pris l'observation de la
malade, se propose de la publier plus tard.
Les organes soumis à Tétude par M. Hayem sont la peau et l'intestin.
Dans le fragment cutané on observe une ecchymose qui porte sur
toute l'épaisseur du derme et du tissu cellulo-adipeux sous-cutané.
La teinte ecchymotique, violacée, est plus étendue dans le derme que
(kins ce dernier tissu. Au microscope, sur des sections faites perpen-
diculairement à la surface et comprenant toute l'épaisseur de la pièce,
on trouve les particularités suivantes : 1° une infiltration de globules
rouges pressés les uns contre les autres entre les éléments de tous les
tissus de la peau et du tissu cellulo-adipeux; 2" un grand nombre de
petits vaisseaux, veinules surtout, remplis par des globules rouges;
3° des vaisseaux vides, aplatis, probablement comprimés par l'épan-
chement du sang avoisinant; 4° un certain nombre d'artérioles obli-
térées offrant un épaississement plus ou moins marqué de Tendartère
qui efface presque complètement leur calibre et contenant soit des
globules rouges, soit des masses fibrineuses, finement granuleuses.
Ces vaisseaux irrités et oblitérés sont assez nombreux ; ils siègent
presque exclusivement dans les cloisons les plus volumineuses du
tissu cellulo-adipeux au pourtour de la tache ecchymotique.
Dans l'intestin on voit une infiltration sanguine diffuse et assez
étendue de la muqueuse. Sous la séreuse on aperçoit des traînées
rouges dues à la présence des vaisseaux remplis de sang coagulé. Ces
vaisseaux se poursuivent assez loin dans le fragment de mésentère
enlevé avec Tinteslin.
Au microscope la muqueuse et le tissu sous-muqueus ne sont pas
altérés. On y voit seulement quelques globules rouges plus ou moins
déformés.
25
Sur les coupes qui comprennent le tissu sous-péritonéal on voit que
les vaisseaux visibles à l'œil nu sont des branches artérielles remplies
plus ou moins complètement par des caillots sanguins. La paroi de ces
vaisseaux est saine.
Dans le mésentère, en pratiquant des coupes perpendiculaires à la
surface et au niveau des troncs vasculaires, on trouve un grand nombre
de vaisseaux artériels remplis de sang coagulé, les uns aplatis, les
autres distendus par des caillots sanguins. Dans quelques troncs obli-
térés il existe comme dans la peau une endartérite hyperplastique
plus ou moins marquée qui rétrécit ou efface presque le calibre de
l'artère. Cette lésion consiste en une sorte d'hypertrophie des élé-
ments de l'endartère dans laquelle on voit un tissu fibrillaire irrégulier
et une grande quantité de petits éléments arrondis ou un peu angu-
leux. Dans quelques points on trouve également un épaississement
notable de la tunique externe qui renferme aussi des amas d'éléments
analogues à ceux de la tunique interne. Les parties les plus altérées
sont éloignées d'abord de l'intestin d'une distance de 4 à 8 centi-
mètres.
La pièce relative au second cas de purpura hemorrhagica a été éga-
lement remise au présentateur par M. Labadie-Lagrave. Elle a été re-
cueillie chez un adulte et consiste en un lambeau de peau enlevé dans
la région deltoïdienne au niveau d'une large ecchymose.
Sur une coupe perpendiculaire à la surface, on voit que la teinte
hémorrhagique s'enfonce dans l'épaisseur du derme et du tissu cellulo-
adipeux en présentant une forme conique bierfmanifeste à base très-
large tournée du côté de l'épiderme. Vers la pointe de cône on trouve
à l'œil nu, au milieu du tissu adipeux sain, une artère assez volumi-
neuse de 2 à 3 millimètres de diamètre. Sa paroi est très-épaissie,
blanchâtre, et sa lumière à peine visible est représentée par une tache
rouge centrale.
Au microscope on constate que l'épaississement de ces vaisseaux est
dû à une endartérite hyperplastique très-prononcée et que la lumière
vasculaire est complètement oblitérée à ce niveau par un caillot formé
de fibrine et de globules rouges. En suivant les branches de cette ar-
tère qui pénètre dans le foyer hémorrhagique, on voit que l'endarlérite
et les coagulations sanguines s'étendent sur une assez grande étendue.
D'après les faits constatés, tant à l'œil nu qu'au microscope, dans
les deux cas précédents, M. Hayem pense que les hémorrhagies de la
peau et de l'intestin sont la conséquence d'une artérite diffuse des
troncs sous-cutanés et des artères du mésentère. Les foyers hémor-
rhagiques doivent être regardés comme des infarctus de la peau et de
l'intestin.
26
Mais le présentateur observe que jusqu'ici ces lésions sont excep-
tionnelles dans l'histoire anafomique du purpura, et il ajoute que ré-
cemment chez un sujet cachectique qui avait présenté pendant la vie
tous les symptômes de la maladie de Werlhoff, les parois des vaisseaux
qui environnaient les foyers hémorrhagiques n'offraient aucune lésion
appréciable. Ce dernier fait a été publié par M. Rue dans I'Union mé-
dicale, 1870.
D'ailleurs l'anatomie pathologique du purpura n'est pas encore faite.
Il est permis de supposer que ce phénomène symptomatique peut être
dû à des lésions variables nées sous l'influence de maladies diverses.
Cependant il est utile de rapprocher dès maintenant ces exemples
d'endartérite des thromboses et embolies cutanées signalées chez les
vieillards comme causes du purpura sénile et des altérations hémor-
rhagiques de la peau et des muqueuses qui ont été observées dans
plusieurs cas d'endodardite ulcéreuse.
M. Charcot fait observer que le purpura est un symptôme qui peut
être lié à des états morbides très-différents. D'autres altérations vas-
culaires que celles indiquées par M. Hayem peuvent se rencontrer dans
certains cas, et à ce propos on peut citer une observation de Fox, dans
laquelle il existait une dégénérescence amyloïde des vaisseaux de la
peau. Relativement à Thémorrhagie cérébrale, M, Charcot fait remar-
quer que lorsque cette lésion se rencontre dans le purpura elle ne pro-
duit que peu ou pas de phénomènes cliniques, et constitue ainsi une
trouvaille d'amphithéâtre. C'est ce qui a lieu aussi pour les hémorrha-
gies liées à la leucocythémie et signalées par MM. Ranvier et Ollivier.
Dans ces divers cas on ne trouve pas, en effet, de véritables foyers
hémorrhagiques, mais de simples hémorrhagies capillaires ou des
•ecchymoses. MM. Charcot et Bouchard ont donc eu raison de dire que
la véritable hémorrhagie cérébrale, telle qu'on la connaît en clinique,
est toujours liée à la lésion spéciale des artérioles qu'ils ont décrite
sous le nom d'anévrysraes miliaires,
M. Hayem est également persuadé que le purpura ne peut être con-
sidéré que comme un symptôme et qu'à ce titre il peut être sous la
dépendance do lésions variées. Mais la plupart de ces altérations sont
encore inconnues, et il lui a paru très-intéressant de pouvoir démon-
trer que dans certains cas, peut être exceptionnels, le phénomène hé-
morrhagie était lié à une artérite oblitérante. 11 resterait maintenant
à rechercher quelles sont les conditions dans lesquelles cette altéra-
tion vasculaire prend naissance.
M. Lecros demande à M. Hayem si l'oblitération des artères ne. pour-
rait pas être consécutive à Thémorrhagie. L'infiltration sanguine pour-
27
rait à elle seule déterminer une compression des vaisseaux et une
coagulation du sang dans leur intérieur.
M. Hayem fait observer que les artères dans lesquelles il existait de
l'endartériiene siégeaient pas dans les foyers mêmes d'infiltration san-
guine» Ainsi pour Ihémorrhagie intestinale c'est dans les artères du
mésentère à plusieurs centimètres de l'intestin que l'on trouve la throm-
bose par endartérite, et dans la peau on voit les artérioles malades et
oblitérées dans le tissu cellulo-adipeux à une certaine distance de
l'ecchymose. Au sein de cette dernière il existe plusieurs vaisseaux
comprimés par le sang; mais ils sont faciles à distinguer de ceux dans
lesquels la paroi altérée a été le point de départ de la coagulation.
M. BoucnARD pense aussi que le purpura peut être dû à des causes
très-variées, et il signale parmi celles-ci l'influence de l'élévation de
la température. Dans une expérience faite avec M. Blache, il a main-
tenu un chien dans un bain d'eau tiède de manière a élever la tem-
pérature de l'animal jusqu'à 44°, et ces observateurs ont produit ainsi
des ecchymoses du tissu du cœur.
M. CoRNiL n'a examiné qu'un seul cas de purpura et il na pas trouvé
de lésions vasculaires. Le malade avait eu de lastomatorrhagie, et il exis-
tait sur la muqueuse buccale de petites élevures fongueuses très-
molles et un peu papillaires.
— M. Brown-Séqoard fait voir à la Société un cochon d'Inde qui est
devenu cpileptique à la suite d'une fracture de la jambe.
Il montre ensuite une capsule surrénale très-hypertrophiée, d'une
coloration chocolat chez un cochon d'Inde mort à la suite d'une lésion
de la moelle épinière. Pour M. Brown-Séquard, il est très-probable
qu'il existe une relation évidente entre l'état morbide des capsules sur-
rénales et la terminaison fatale des lésions médullaires. Dans les cas
de fracture de la colonne vertébrale observés chez l'homme, l'hyper-
trophie des capsules surrénales n'a été encore notée qu'une seule fois.
Il serait intéressant de rechercher s'il n'existe pas dans ces cas des
symptômes que l'on pourrait rattacher aux lésions des capsules sur-
rénales.
— M. Brown-Séquard a fait depuis l'année 1862 le relevé des prin-
cipaux symptômes indiqués dans la plupart des observations de mala-
dies de l'encéphale. Il est arrivé ainsi à établir qu'il existe des diffé-
rences très-tranchées entre les symptômes des lésions traumatiques et
des affections organiques de la moitié droite et ceux des mêmes altéra-
tions de la moitié gauche du cerveau.
C'est ainsi par exemple que les lésions du côté droit produisent plus
fréquemment des troubles variés de la nutrition [escharre, œdème, etc.)
28
et des évacuations involontaires. Ainsi sur à peu près le même nombre
de faits relatifs au côté gauche de l'encéphale, ou trouve pour les lé-
sions de l'hémisphère droit :
49 fois des évacuations involontaires doubles (urine et matières
fécales);
19 fois des évacuations involontaires simples (urines ou matières
fécales).
Et pour l'hémisphère gauche :
24 fois des évacuations involontaires doubles;
H fois des évacuations involontaires simples.
Dans cette statistique il n'a pas compté les cas dans lesquels l'éva-
cuation involontaire a existé lorsqu'il y avait une perte complète de
connaissance.
— M. JoFFRQ-ï fait une communication sur le mécanisme du tremble-
ment dans la sclérose en plaques de la moelle épinière.
M. CiiARcoT fait observer à M. Joffroy que dans la sclérose en pla-
ques le tremblement n'est pas modifié lorsque les malades ont les yeux
fermés, ce qui paraît peu en rapport avec sa manière de comprendre
ce phénomène.
M. Joffroy répond à cette objection que l'incoordination de l'ataxique
qui augmente lorsqu'on ferme les yeux au malade, diffère complète-
ment du tremblement. Lorsque l'ataxique veut faire un mouvement il
s'éloigne beaucoup de son chemin, et ne peut le retrouver qu'à l'aide
de la vue. Dans la sclérose en plaques, le malade qui veut exécuter un
mouvement s'éloigne peu de son chemin, il conserve la notion de l'en-
droit où se trouve sa main par exemple, et le mouvement d'ensemble
reste coordonné.
M. Charcot n'a pas cherché jusqu'à présent à édifier une théorie des
symptômes de la sclérose en plaques. Il a rencontré dans ce sujet des
difficultés qui lui paraissent encore insurmontables. Toutefois relative-
ment au tremblement il avait songé à une autre hypothèse que celle dé-
veloppée par M. Joffroy.
Le tissu nerveux dans la sclérose en plaques n'est pas modifié comme
dans les autres variétés de sclérose. On retrouve toujours les cylindres
d'axe et par conséquent la lésion n'est pas aussi profonde qu'elle pourrait
le paraître. Ces cylindres d'axe conservent très-probablement leurs
propriétés comme conducteurs, non pas à un degré normal, mais suf-
lisant encore à la transmission.
Il en résulte que dans la sclérose en plaques les malades peuvent
mouvoir leurs membres; mais la transmission se fait lentement, d'une
manière saccadce, et le mouvement est tremblé.
29
M. BoDCHARD fait observer que lorsque les fils électriques présentent
une certaine longueur, le passage de l'électricité ne se fait plus que
d'une manière saccadée. Il pourrait donc y avoir, non pas élongation
des tubes nerveux, mais par altération de la myéline, des sortes de sac-
cades dans la transmission de Tinflux nerveux.
M. Brown-Séquard pense que la perle de la myéline permet une trans-
mission par voisinage de fibres à fibres, d'où il résulte que les ataxiques
font agir plus de parties qu'ils n'en veulent mouvoir.
M. Balbiani fait observer que la myéline n'est pas indispensable puis-
que chez les insectes et les mollusques les tubes nerveux sont dépourvus
d'enveloppe de myéline.
M. Brow\-Séquard rappelle que lorsque la myéline est coagulée
dans les nerfs, !a propriété des nerfs moteurs persiste encore un cer-
tain temps.
M. JoFFROY fait remarquer que dans la sclérose rubanée des cordons
latéraux, la lésion anatomique est analogue à celle de la sclérose en
plaques.
Les tubes nerveux deviennent plus petits, la myéline disparaît, et
malgré cette disposition on n'observe pas de tremblement dans cette
première affection.
— M. Rabcteau communique le résultat de ses recherches sur un
nouveau groupe de sels, les sulfovinates. Si l'on prend par exem-
ple le sulfovinate de soude, sa formule peut être représentée par
8Na(C2H^jSO\
Il y a donc un radical éthyle, et il était intéressant de rechercher
s'il est brûlé dans l'économie. Les expériences de M. Rabuteau prou-
vent que le sel introduit dans l'organisme s'élimine en nature. Si le
métal est inoffensif, le sel l'est également.
Le sulfovinate de soude injecté dans les veines produit de la consti-
pation. L'observateur en a conclu alors, d'après des expériences anté-
rieures, qu'il devait être purgatif. Et en effet, c'est peut-être le meil-
leur de tous les purgatifs connus jusqu'à ce jour. Sa saveur est presque
nulle et il laisse dans la bouche un arrière-goût sucré. Employé à la
dose de 10 à 1 5 grammes, il produit de trois à quatre selles chez l'homme
et sans aucune sensation de colique.
La séance est levée à cinq heures et demie.
Séance du 12 février.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. CuARcoT donne quelques nouveaux détails sur les lésions anato-
. 30
miques des noyaux de l'hypoglosse dans le cas de paralysie glosso-
labio-pharyngée dont il a entretenu dernièrement la Société.
Les cellules nerveuses en sont très-iUrophiécs et l'allération princi-
pale porte sur le corps même de la cellule. Les noyaux et le nucléole
sont relativement bien conservés. Un grand nombre des cellules atro-
phiées contiennent du pigment jaune.
M.-Charcot montre les préparations et les dessins relatifs à ces
lésions.
M. VuLPiAN demande à M. Charcot si toutes les cellules offraient cette
sorte d'atrophie pigmentaire. Dans les faits d"atrophie des cellules de
la moelle que M. Yulpian a eu l'occasion d'examiner, le corps des cel-
lules devenu très-pâle ne se colorait plus par le carmin comme à l'état
normal, et le noyau et le nucléole étaient tout à fait pâles et atro-
phiés.
M. Charcot n'a pas trouvé d'autre altération que celle qu'il vient de
décrire. Ainsi RJ. Balbiani pensait que Talléralion devait dahord por-
ter sur le nucléole et le noyau avant d'atteindre le corps de la cellule,
il ne paraît pas en être ainsi. De plus, dans ce cas, la névroglie n'est
pas altérée primitivement, il ne s'y produit pas d'irritation analogue à
celle que l'on observe dans la sclérose. Ce sont les cellules nerveuses
qui sont primitivement affectées; mais elles ne prolifèrent pas comme
celles du tissu interstitiel. M. Charcot fait en outre remarquer que dans
le fait qu'il a observé les racines nerveuses étaient moins altérées que
les cellules, ce qui prouve que les lésions ne marchent pas de la pé-
riphérie au centre comme quelques auteurs l'ont pensé.
M. Hayem fait observer que les altérations des cellules nerveuses
peuvent être de diverses espèces. Dans le cas d'atrophie musculaire
progressive qu'il a publié dans les Auch. de puys., mars-avril 1869, les
cellules étaient pâles, le noyau et le nucléole à peine apparents ; elles
ressemblaient à de petites cellules étoilées du tissu interstitiel. Dans
ce cas la lésion était donc tout à fait analogue à celle des observations
de M. Vulpian. Au contraire, les altérations décrites par M. Charcot
ont quelque analogie avec celles qui ont été signalées par F. Meschede
et par Meynert dans les cellules des couches corticales chez les para-
lytiques généraux. Relativement à la prolifération des cellules ner-
veuses, M. Hayem rappelle que Tigges, puis Meynert, prétendent l'a-
voir observée dans quelques cas. Tous ces faits démontrent donc l'im-
portance et la variété des altérations des cellules nerveuses.
M. Charcot rappelle que L. Clarke a déjà décrit avec beaucoup de
soin les lésions pigmentaires des cellules dans la moelle, et que From-
mann les a également indiquées dans la sclérose en plaques; mais il ne
31
sait pas si ces altérations sont les mêmes que celles qui ont été obser-
vées dans les couches corticales.
M. Charcot aborde ensuite une autre question relative au même fait.
M. Duménil a déjà montré la coïncidence de l'atrophie musculaire et
de la paralysie glosso-labio-pharyngée et dans le cas qu'il a observé
comme dans celui de M. Charcot la langue était altérée ; mais il n'y
avait pas d'altération granulo-graisseuse. Cette altération peut manquer
dans l'atrophie musculaire ordinaire, et ou voit alors une atrophie sim-
ple avec prolifération des noyaux musculaires.
Ces particularités font croire à M. Charcot que dans le cas où l'on a
dit que la langue n'était pas altérée, c'est que l'on recherchait exclu-
sivement la dégénérescence granulo-graisseuse. En lisant les observa-
tions on voit, en effet, que la langue était toujours un peu atrophiée.
Elle ne contenait pas de graisse; mais peut-être aurait-on pu y trouver
l'atrophie simple telle qu'elle se montre quelquefois dans les autres
muscles. -Ce point a une grande importance, parce qu'il a servi en par-
tie de base à la théorie qui place le point de départ des lésions dans le
grand sympathique. On a dit, en effet, que la langue n'était pas alté-
rée parce que le grand sympathique était sain et que l'hypoglosse seul
était malade, et c'est ainsi qu'on a voulu séparer la paralysie glosso-
labio-pharyngée de l'atrophie musculaire progressive.
M. Hayem fait remarquer à M. Charcot que dans cette dernière ma-
ladie on voit quelquefois des muscles paralysés sans atrophie. Ainsi,
dans l'observation citée plus haut, il y avait une paralysie complète
du diaphragme qui avait été parfaitement reconnue par M. Duchenne
lui-même, et cependant à l'autopsie le diaphragme a été trouvé com-
plètement sain. Ce point était d'autant plus important que les muscles
véritablement atrophiés n étaient pas graisseux ; ils offraient cette atro-
phie simple avec multiplication des corpuscules musculaires que
M. Charcot vient de rappeler.
On pourrait donc peut-être voir dans quelques cas une paralysie do
la langue sans atrophie, comme on observe une paralysie d'autres
muscles et du diaphragme en particulier.
M. CnARCoT est parfaitement convaincu que dans la plupart des cas
d'atrophie musculaire progressive, il n'y a pas de distinction bien
nette entre la paralysie et l'atrophie. On trouve toujours des muscles
qui ne fonctionnent pas, sans qu'on puisse expliquer cette paralysie
par l'atrophie des fibres. Mais il est encore Irès-difSciie de savoir
comment se produisent ces deux phénomènes différents. Ainsi, dans la
paralysie infantile qui s'accompagne également de lésions des cellules
nerveuses, on voit la paralysie survenir brusquement, puis celle-ci
disparaît, et les muscles qui restent paralysés s'atrophient. Pour la
32
lan.que, il osl certain que la paralysie reconnaît pour cause l'altération
des noyaux de l'hypoglosse, et comme cette lésion est la seule qui soit
primitive, c'est à elle aussi que Ion doit rapporter l'atrophie.
M. Laborde pense, d'après quelques-unes de ses expériences, qu'il
existe une différence réelle entre les lésions des muscles de la vie de
relation et celles de certains muscles, comme la langue, par exemple.
Il croit que Tatrophie moins rapide de ces derniers serait capable d'ex-
pliquer les différences signalées par M. Charcot.
M. VuLPiAN a fait un grand nombre de fois l'examen de la langue
après des sections expérimentales des nerfs hypoglosses, et il a tou-
jours observé des altérations très-rapides et très-profondes. Celles-ci
sont môme plus marquées que dans les autres muscles, mais elles sont
du môme genre. (Voir Arcu. de phys., septembre-octobre 1869.)
M. Vulpian a vu en outre qu'à la suite de ces sections les noyaux de
l'hypoglosse ne sont pas altérés. Les cellules restent tout à fait nor-
males, tant sous le rapport du nombre que sous celui des dimensions.
Ce résultat est conforme à la conclusion que le môme observateur a
tirée de ses études sur l'état des centres nerveux après les sections
de nerfs périphériques (ÂRcn. de pqys., novembre et décembre 1869).
Enfin, d'après M. Vulpian, lorsque la section des nerfs porte sur un
point très-rapproché de leur sortie des centres (nerf facial dans le
bulbe, par exemple), l'atrophie musculaire consécutive est la même
que lorsqu'on a coupé le tronc nerveux.
M. Charcot fait observer que l'intégrité des cellules de l'hypoglosse
signalée par M. Vulpian après la section du nerf, confirme pleinement
l'hypothèse qu'il a émise sur le point de départ de la maladie dans les
cellules elles-mêmes.
M. Laborde n'a pas voulu précédemment faire allusion à la rapidité
de Tatrophie, mais bien à la variété de cette lésion. Les recherches
qu'il a entreprises ne l'ont pas conduit, sous ce rapport, aux mêmes
résultats que ceux énoncés par M. Vulpian.
— M. Lancereaux montre à la Société les pièces anatomiques rela-
tives à un cas de cachexie saturnine avec goutte.
— M. Carville communique les premiers résultats d'expériences
entreprises avec M.Hayem, sur les variations de la tension artérielle.
— M. Brown-Séquard rapporte qu'à la suite d'une section d'une moitié
latérale de la moelle épinière chez un chien, il a observé une anssthésie
complète de tout le corps. Puis au bout de six jours la sensibilité est re-
venue. M. le docteur Séguin, présent à l'expérience, a constaté que les
oreilles et le côté droit du corps étaient sensibles, mais qu'il y avait
33
un retard très-grand dans la perception. M. Brown-Séquard dit qu'il
regrette beaucoup de n'avoir pas examiné létat de la sensibilité avant
l'opération. En effet, l'animal était peut-être déjà anesthésique avant
la lésion. On sait que l'hystérie existe chez les chiens et que chez eux
comme chez Thomme cette affection produit de l'anesthésie. Chez une
chienne mise en expérience au Collège de France, en 1855, en présence
d'une commission de l'Institut, il a constaté une analgésie absolue de
la peau et des troncs nerveux, avec persistance de. la sensibilité aux
racines postérieures des nerfs.
M. Brown-Séquard montre ensuite un cochon d'Inde qui, étant guéri
d'une épilepsie consécutive à la section du nerf sciatique, est redevenu
épileptique à la suite dune fracture de jambe.
Tous les animaux qui ont subi la section du nerf sciatique, et sont
devenus épileptiques, guérissent de l'épilepsie. La guérison se fait at-
tendre un temps qui varie de vingt-six jours à trois mois et douze jours.
Les animaux sont alors redevenus parfaitement sensibles.
— M. Ménard montre les pièces anatomiques recueillies chez un
chien mort probablement de cancer.
La séance est levée à cinq heures et demie.
Le secrétaire, M. Hayem.
Séance du 19 février.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. Laborde, à l'occasion du procès-verbal et à propos delà commu-
nication de M. Charcot, dit que d'après Guislain des corps de Gluge
pourraient être formés aux dépens du noyau de cellules nerveuses.
M. MoREAu fait une communication sur les variations de la pression
artérielle. Le fait principal qui sert de base à la communication de
1\1. Moreau est que l'énervation d'une artère mésentérique y supprime,
les pulsations pendant la demi-heure qui suit l'opération. M. Moreau
dépose une note détaillée sur le bureau.
M. Ranvier demande à M. Moreau si pendant ce temps l'artère est
contractée ou bien si elle est dilatée, l'absence de pulsation s'expli-
quant dans ce cas par l'hypothèse que la limite d'élasticité de la paroi
artérielle se trouverait dépassée.
M. Moreau ne peut répondre d'une manière catégorique à la question
de M. Ranvier. L'excès de sécrétion intestinale qui se produit dans ce
cas semble impliquer une dilatation , mais il ne l'a pas constatée aus-
sitôt après l'énervation.
C. R. 1870. 3
34
M, Legros croit que l'absence de pulsation peut s'expliquer par la
suppression des contractions artérielles péristaltiques qui est la con-
séquence de rénervation.
A ce sujet une courte discussion s'engage entre MM. Ranvier et
Legros; M. Ranvier soutient que la théorie de M. Legros n'est pas
appuyée par les faits.
— M. MicHAL'D communique un cas de tumeur hétéradénique du
rachis.
• M. Ranvieu considère la tumeur présentée par M. Michaud comme
un épithélioma cylindrique; il pense qu'il devait exister une tumeur
primitive dans l'estomac ou dans Tinteslin, l'absence de symptômes
ne suffisant pas pour exclure la possibilité d'un épithélioma étalé
plus ou moins en nappe.
— M. YuLPiAN présente, au nom de M. Philipeaux, la note suivante :
Expériences montrant que des rondelles enlevées a l'aide d'une cou-
ronne DE TRÉPAN SUR UN ANIMAL, PEUVENT ÊTRE TRANSPLANTÉES DANS
l'ouverture au CRANE DUN ANIMAL DUNE MÊME ESPÈCE ET SE SOUDER AUX.
BORDS DE CETTE OUVERTURE; par M. J.-M, PniLIPEAUX.
M. Vulpian présente à la Société de biologie, de la part de M. J.-M.
Philipeaux, des pièces montrant les résultats d'expériences relatives
à la transplantation du tissu osseux. Il s'agit, dans ces cas, de trans-
plantation de rondelles enlevées sur le crâne de cochons d'Inde, et
réimplantées dans des ouvertures faites au crâne d'autres cochons
d'Inde. Voici le procédé opératoire employé par M. Philipeaux.
Sur quatre cochons d'Inde âgés de 40 jours, il a enlevé, le 5 août
18G0, avec {une couronne de trépan d'un diamètre de 9 millimè-
tres, un disque osseux sur le côté gauche du crâne. Sur d'autres
cochons dinde du même âge, avec une couronne de trépan de 11 mil-
limètres de diamètre, il a retiré du môme côté du crâne une rondelle
osseuse qui avait 9 millimètres de diamètre, c'est-à-dire juste le dia-
mètre de l'ouverture pratiquée sur les premiers animaux. Cette ron-
delle a été immédiatement placée dans l'ouverture susdite; la plaie
des cochons d'Inde ainsi opérés a été fermée à l'aide d'un point de su-
ture. Les cochons d'Inde qui ont successivement fourni les disques
osseux transplantés ont été rais hors de cause et utilisés pour d'autres
expériences.
Aucun accident appréciable ne vint troubler la guérison des ani-
maux sur lesquels avait été faite la transplantation. Un d'eux a été
tué au bout de quinze jours, la soudure de l'os transplanté et du pour-
tour de l'ouverture crânienne n'avait pas eu lieu. Les trois autres ont
35
été tues, l'an au bout de vingt j ours, le second au bout de vingt-cinq
jours, le dernier au bout de trente jours. Ce sont les crânes de ces
trois animaux qui sont soumis à l'examen de la Société.
Sur la pièce provenant de l'animal qui a survécu vingt jours à l'opé-
ration, on reconnaît facilement que la rondelle transplantée s'est sou-
dée dans une grande partie de son pourtour au bord de Touverture du
crâne ; dans le quart environ de sa circonférence, elle est séparée de
ce pourtour par une membrane d'aspect fibreux ; à ce niveau, le bord
de l'ouverture crânienne est un peu érodé et devenu irrégulier. D'ail-
leurs la soudure paraît avoir eu lieu surtout au niveau de la face pro-
fonde du crâne, car du côté de la surface extérieure, on reconnaît
encore très-bien la circonférence de la rondelle, circonférence qui, en
certains points, fait une légère saillie au-dessus de l'os environnant.
De plus, le disque osseux transplanté a subi manifestement une exfo-
liation superficielle dans presque toute son étendue. C'est au niveau
de la surface interne du crâne qu'a eu lieu le travail de soudure, qui
a consisté surtout en une production osseuse, partie de la lame interne
du crâne, et qui s'est avancée au-dessous de la rondelle transplantée
en y adhérant et de façon à en revêtir une petite portion. L'ouverture
médiane faite sur la rondelle transplantée par le perforateur du trépan
paraît s'être un peu agrandie. ,
On peut faire à peu près les mêmes remarques à propos de la pièce
n" 2 (-animal mort vingt-cinq jours après l'opération).
Seulement ici il n'y a pas eu d'exfoliation de la lame externe de la
rondelle crânienne transplantée. Il s'est fait, du côté de la surface
interne du crâne, un travail analogue à celui qui vient d'être indiqué
pour la pièce précédente. De plus, il y a soudure évidente des bords
de la rondelle à presque toute l'étendue du bord de l'ouverture; cette
soudure peut facilement être reconnue par l'examen de la face externe
du crâne. Le trou médian de la rondelle transplantée s'est aussi un
peu agrandi.
Enfin, sur la pièce n° 3 (cochon d'Inde mort trente jours après l'o-
pération), on voit que la moitié au moins de la rondelle transplantée
a été détruite, soit par résorption, soit par nécrose. Au niveau de cette
partie détruite, l'ouverture du crâne est fermée par une membrane
d'apparence fibreuse. Ce qui reste de la rondelle transplantée paraît
avoir subi une exfoliation superficielle, mais est adhérent au bord
correspondant de l'ouverture. A sa région profonde, ce débris de ron-
delle est recouvert par du tissu osseux de nouvelle formation, né de
la lame interne de la portion du crâne contiguë, et ayant tout à fait
l'aspect de cette lame interne.
Des essais ont déjà été faits de greffe de rondelles osseuses enlevées
30
au moyen tlu trépan; M. Ollier, qui lui-môme a fait avec succès une
(cnlative de ce genre, donne un aperçu de ces essais. Mais il s'agissait
dans tous les cas de réimplanlation de rondelles osseuses dans les ou-
vertures qu'on avait pratiquées pour les enlever; c'étaient, en un mot^
des grefles d'os d'un individu sur lui-même. Dans les expériences dont
il est rendu compte ici, il s'agit au contraire de transplantatmi de
rondelles crâniennes d'animaux sur d'autres animaux de la môme es-
pèce. 11 y a d'ailleurs là peut-être une condition de succès en ce que
c'est ainsi seulement que l'on peut placer dans des ouvertures faites
avec un trépan des disques osseux les obturant exactement.
Ainsi, l'on peut considérer comme un fait prouvé expérimentalement
que des rondelles transportées au crâne d'un animal, dans une ouver-
ture faite au crâne d'un autre animal de la même espèce, peut se sou-
der aux bords de celte ouverture de façon à la fermer plus ou moins
complètement. Et cette soudure osseuse a lieu, bien que les disques
osseux transplantés soient dépouillés de pé?icrdnc et de dure-mère.
M. LiouviLLE dit qu'un crâne a été présenté récemment à la Société
anatomique sur lequel on pouvait constater que la reproduction osseuse
était restée très-imparfaite.
W. 'VuLPiAN dit que l'âge est une condition importante.
— M. Laboude expose devant la Société une théorie plujsiologiquc de
ta résorption des liquides morbides épanchés dans les tissus de Céco-
nomie ; théorie fondée sur l'influence de la contraction musculaire
provoquée par un courant électrique d'une intensité suffisante et d'une
graduation progressivement insensible.
Sur des animaux chez lesquels des petites collections purulentes
s'étaient formées au sein des masses musculaires des pattes posté-
rieures, à la suite de sections profondes des nerfs, j'ai vu, dit M. La-
borde, les collections se résorber rapidement lorsque, dans le but
d'interroger l'état de la conlractilité des muscles, je faisais poser à
travers ceux-ci un courant graduellement renforcé à l'aide d'aiguilles
implantées dans le tissu musculaire.
Faisant application de ces donnés à un cas d'hydrocèle de la tu-
jiique vaginale, datant de quatre mois et d'un volume assez considé-
rable, j'ai obtenu, dans une première séance de vingt minutes, la ré-
sorption immédiate d'un tiers au moins du liquide, et dès le lendemain
matin il avait entièrement disparu.
Je me suis servi d'aiguilles d'un nouveau modèle pourvues d'une tête
appropriée à l'adaptation des fils isolants qui font partie du petit appa-
reil do M. G. Trouvé {trousse électrique)^ appareil qui, par sa commo-
dité et par sa parfaite graduation, est éminemment approprié lui-même
37
au but dont il s'agit. Les aiguilles ont été implantées jusque dans Id
poche liquide, de manière à creuser complètement les enveloppes
scrotales, et le plus loin possible l'une de l'autre, en ayant en outre le
soin de ne pas laisser converger leurs pointes.
Le quatrième jour après l'opération une petite quantité de liquide
s'était reproduite, pouvant être évaluée auquartde la quantité première.
Une nouvelle application de vingt minutes a amené la disparition du
liquide, séance tenante. Un bandage légèrement compressif a été
placé sur le scrotum, et quinze jours après le liquide ne s'était pas
encore reproduit. Ce qu'il importe de remarquer, c'est que nous avons
usé graduellement de toute l'intensité du courant fourni par l'appareil,
de façon à provoquer la contraction musculaire la plus forte et la plus
continue possible. Cette contraction a, d'ailleurs, été telle que \e tes-
ticule a été chassé par le crémaster dans l'anneau inguinal à une assez
grande hauteur, et qu'il y est demeuré près de vingt-quatre heures;
tout cela sans douleur bien appréciable ni durant ni après l'opération.
Je n'ignore pas que cette méthode thérapeutique n'est pas nouvelle,
en principe; mais si elle a si peu de crédit aujourd'hui, n'est-ce pas à
cause de l'insufîisance des procédés et surtout à cause du mode d'ac-
tion ou moyen mis en usage ? Selon moi, l'adjonction des aiguilles est
nécessaire pour obtenir un résultat certain; et, de plus, il importe de
déterminer les contractions les plus énergiques possibles, sans passer
par de brusques secousses.
Dans ces conditions, l'intervention des contractions musculaires
provoquées et l'influence de ces contractions sur la circiUalion vei-
neuse, en particulier, et par suite sur les phénomènes de résorption,
ne saurait être mise en doute. Et s'il en est, en réalité, ainsi, il y a,
dans le fait, le point de départ d'une méthode thérapeutique qui peut
être généralisée.
Je poursuis, à cet égard, des essais dont je ferai connaître ultérieu-
rement les résultats, s'il y a lieu.
M. Ranvier combat l'interprétation de M. Laborde; il pense qu'on
agit sur les nerfs vaso-moteurs de la séreuse.
La séance est levée à cinq heures et demie.
Le secrétaire, M. R. Lépi.ne.
Séance du 26 février,
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. Ranvier, à propos de la communication faite dans la séance pré-
cédente par M. Moreau, avait dit qvie la théorie proposée par W. Le
38
gros, et qui est relative à l'influence des contractions rhylhmiques des
artères sur la progression du sang, ne lui paraissait pas fondée. A
l'appui de l'exactitude des propositions qu'il a émises dans la séance
précédente, il apporte l'expérience suivante dont il rend témoins les
membres de la Société.
La membrane interdigitale d'une grenouille étant convenablement
placée sous le champ du microscope, M. Ranvier paralyse le cœur de
l'animal au moyen de la méthode employée parLudwig, c'est-à-dire à
l'aide d'un fort courant d'induction. Or on constate que la circulation
s'arrête presque en môme temps que le cœur. M. Ranvier insiste sur
la portée de cette expérience qui, selon lui, montre péremptoirement
l'influence du cœur sur la progression du sang. L'expérience de Be-
zold (ligature de l'aorte à son origine), faite d'ailleurs dans un autre
but, excellente pour démontrer ce que Bezold se proposait de
prouver, ne serait pas dans l'espèce aussi probante, à cause du barrage
constitué par la ligature qui empêche l'arrivée du sang pulmonaire
dans le système artériel. Dans l'expérience de M. Ranvier, au con-
traire, il n'y a pas de barrage.
Relativement au fait de M. Moreau , M. Ranvier répèle ce qu'il a dit
dans la dernière séance , à savoir que le pouls est suspendu dans les
deux conditions opposées de dilatation et de rétrécissement extrêmes
de l'artère. C'est ce dont on peut s'assurer par l'examen de la mem-
brane interdigitale de la grenouille.
M. Laborde objecte à M. Ranvier que le courant interrompu ne se
limite pas au cœur, qu'il peut agir sur les nerfs, de telle sorte que
l'expérience de M. Ranvier n'aurait pas la valeur, qu'il lui attribue.
Mieux vaudrait paralyser le cœur par une compression exercée à l'aide
des doigts.
M. Ranvier dit qu'il n'est pas sûr en comprimant le cœur de ne pas
effacer plus ou moins ses cavités. Dans ce cas on retomberait dans les
conditions de l'expérience de Bezold , qu'il a précédemment criti-
quées.
— M. JoFFROY, au nom de M. Parrot et au sien , fait une communica-
tion sur un cas de paralysie infantile.
— M. Lépîne met sous les yeux de la Société l'estomac d'un cochon
d'Inde dont la muqueuse présente de petites taches ecchymotiques
très-nombreuses.
Le 10 février (il y a quinze jours), on a enfoncé une pointe de trépan
à la partie antérieure du pariétal, droit de cet animal, et, avec une
lame tranchante, on a fait une petite ponction dans l'hémisphère céré-
bral. L'animal pesait 888 grammes. — Avant l'opération la tempéra-
39
ture du rectum était 39", 4 C. — Aussitôt après elle s'était abaissée
à 38°. (La respiration avait été notablement gênée pendant qu'on le
maintenait.)
Deux heures après la température était à 39°,6. Pas de paralysie
appréciable , pas d'hyperesthésie, pas de mouvements de rotation. Le
lendemain, la température était 39°, 8. Ou répète l'expérience de la
veille en enfonçant l'instrument plus profondément. 11 y a une hémor-
rhagie assez abondante, cris et mouvements de roulement; tempéra-
ture, 39°, 7; poids, 860 grammes.
L'animal a dépéri progressivement les jours suivants. Examiné
avec soin le 23 février, il présente un amaigrissement considérable
(560 grammes); il marche difficilement, le museau appuie sur le sol ;
pas de paralysie nette, mais faiblesse générale. Température, 33°, 5.
Mort le lendemain matin. A l'autopsie , cicatrice ocreuse peu étendue
à la partie la plus antérieure du lobe cérébral droit. A l'examen
microscopique, corps granuleux, grains d'héraatosine et cristaux
d'hematoïdine.
Les poumons sont sains. Le foie , examiné comparativement avec le
foie d'un animal de môme grosseur, présente des cellules très-grais-
seuses. Les reins paraissent sains. Les capsules surrénales sont rouges
et très'friables. Les muscles (examinés au microscope) paraissent
sains. L'estomac est de volume ordinaire ; la muqueuse est couverte
de petites taches rouge brunâtre, très-régulièrement arrondies et fai-
sant un léger relief; leur diamètre moyen est de 2 à 3 millimètres. A
l'examen microscopique, on constate que les cellules des glandes
stomacales sont fortement colorées en jaune ; elles ont la couleur que
présentent les grains d'hématosine. Dans quelques glandes on recon-
naît les globules sanguins. Il ne paraît pas y avoir d'hémorrhagie en
dehors des glandes.
La muqueuse intestinale est saine.
En résumé il s'agit d'ecchymoses stomacales qui paraissent dé-
pendre de la lésion cérébrale produite chez cet animal. On sait que
Schiff a insisté sur les ecchymoses stomacales qui se produisent chez
les animaux à la suite de l'extirpation du plexus solaire.
M. Charcot rappelle qu'il a fréquemment observé à la Salpètrière
ces ecchymoses stomacales chez des apoplectiques. M. Andral en a
observé dans l'intestin. On connaît aussi celles du péricrâne, de
l'endocarde dans les mêmes conditions. Relativement à la production
de ces ecchymoses qui ont un siège si différent, M. Charcot croit
qu'elles doivent être rapportées à ia paralysie vaso-motrice. Elles ne
sont pas un phénomène précoce, contemporain de l'attaque, mais leur
époque d'apparition est tardive; elles manquent quand la mort sur-
vient très-rapidement. Tout récemment M. Charcot a observé deux
cas do de vastes foyers hémorrhagiquesavec rupture des ventricules
du cerveau et mort rapide ; il n'y avait nulle part d'ecchymoses.
M. Hayen demande à M. Charcot si l'on observe des ecchymoses
dans l'apoplexie qui est due à un ramollissement cérébral.
M. CnARcoT répond affirmativement et cite à ce sujet une observation
publiée par M. Lépine dans le numéro de septembre 1869 des Aucuives
DE PHYSIOLOGIE.
M. Brown-Séquard n'a vu que très-rarement des ecchymoses stoma-
cales; ce qu''il a observé fréquemment chez divers animaux, ce sont des
ramollissements delà muqueuse gastrique à la suite de lésions de l'en-
céphale.
Section transversale complète de la rate en deux parties sur un uat
ALBINOS ; GUÉRISON ; ÉTAT DE l'oRGANE SPLÉNIQUE AU MOMENT DE LA MORT,
SIX MOIS APRÈS l'opération; par J. M. Piiilipeaux.
Le 15 août 1869, M. Philipeaux, sur un très-jeune rat albinos, après
avoir fait sortir la rate au travers de la paroi abdominale, la divise
transversalement, d'un coup de ciseaux, en deux moitiés inégale?.
L'épiploon splénique a été respecté. La rate est réintégrée dans la ca-
vité abdominale, la plaie abdominale est rapprochée par des points de
suture; l'animal guérit, et l'on n'observe aucune modification fonc-
tionnelle à partir du moment de la guérison de la plaie.
On examine l'élatde la rate chez cet animal, mort le 25 février 1S70.
Comme les mem.bres de la Société peuvent le voir, on reconnaît bien
le lieu de la section : les deux segments de la rate sont accolés et pa-
raissent même soudés intimement dans une partie de l'étendue des
surfaces de section en contact. Au niveau du point de la coalescence,
la rate a contracté des adhérences avec les parois abdominales, et l'on
voit des vaisseaux, relativement assez larges, qui vont de ces parois à
la face convexe de Torgane, à l'endroit où a eu lieu la réunion.
La rate a augmenté considérablement de volume depuis le jour de
l'opération. Elle avait alors 17 millimètres de largeur; elle a actuelle-
ment 42 millimètres de longueur, qui se décomposent ainsi : 10 milli-
jnèlres pour un des segments et 26 pour l'autre.
M. Brown-Séquard a détruit sur un pigeon la portion inférieure de Ta
moelle depuis le milieu de la région dorsale; or, bien que la destruc-
tion ait été à peu près complète, on peut observer chez cet animal que
le pincement de l'une des pattes détermine de légers mouvements ré-
flexes dans l'autre patte. Mais ce n'est pas sur ce fait, qu'il avait déjà
signalé en 18i9 à la Société, que M. Brown-Soquard veut insister au-
41
jourdhui ; c'est sur cet autre fait que les plumes arrachées au niveau
de la plaie faite au dos n'ont pas repoussé, tandis que la cicatrisation
de la plaie s'est faite avec une très-grande rapidité.
Chez un autre pigeon, au contraire, dont la moelle a été simple-
ment sectionnée, la cicatrisation de la plaie a été plus lente, mais les
plumes ont repoussé avec une énergie tout à fait insolite, et il s'est
montré une poussée de petites plumes sur les pattes de cet animal.
M. Vblpian demandée M. Brown-Séquard s'il rapproche le fait de la
cicatrisation rapide chez le premier animal du fait de cicatrisation,
également plus énergique des plaies de l'oreille d'un lapin auquel le
grand sympathique a été sectionné au cou.
M. Brown-Sé«uard répond affirmativement. Il résulte d'expériences
qu'il a faites que la cicatrisation de toute espèce de plaies, brûlu-
res, etc., se fait plus vite dans les membres dont les nerfs ont été sec-
tionnés.
M. Laborde rappelle qu'il a antérieurement soutenu devant la Société
une opinion opposée. Contrairement à M. Brown-Séquard, il rapporte
les altérations de nutrition qui peuvent se produire à la suite de la
section des nerfs, du sciatique par exemple, à un défaut de nutrition.
M. Brown-Séquard répond que Schrœder Van der Kolk avait déjà sou-
tenu la même manière de voir que M. Laborde , mais que la justesse
de son interprétation lui est démontrée par le fait qu'il suffit, pour
empêcher les altérations de nutrition de se développer, de donner
certains soins à l'animal en expérience. Ces lésions ne se produisent
jamais d'ailleurs quand la sensibilité a reparu, parce qu'alors l'animal
cesse de se mordre. Chez le chien et chez le chat on n'observe pas de
ces altérations dénutrition. Chez l'homme il en est de même. Jamais
la section d'un nerf (sans irritation) n'en détermine.
La séance est levée à cinq heures et demie.
Le secrétaire, R. Lépine.
COMPTE RENDU DES SÉANCES
DE
r r
LA SOCIETE DE BIOLOGIE
pendant le mois de mars 1870;
Par m. GRÉHANT, secrétaire.
PRÉSIDENCE DE M. CL. BERNARD.
Séance du 5 mars.
M. Brown-Séquard présente un cochon d'Inde chez lequel tous les
nerfs du bras furent coupés il y a plus d'un an, et bien que l'animal, en
marchant, appuyait sur le sol le dos du poignet, cette partie n'a pré-
senté aucune altération de nutrition. M. Brown-Séquard a montré un
chat dont le nerf scialique a été coupé en mars, et l'on n'a observé que
les premiers symptômes de l'épilepsie, chez ce chat et chez un autre,
tous deux opérés il y a près d'un an.
M. Brown-Séquard n'a vu, après la section du nerf sciatique, qu'un
amaigrissement peu considérable du côté de la section. Il n'y a eu
aucune autre altération de nutrition.
M. Brown-Séquard présente aussi un pigeon dont la moelle épinière
fut coupée dans la région lombaire, et chez lequel la faculté du vol se
montre affaiblie.
44
M. Scliiff a signalé depuis longtemps déjà celle diminulion de puis-
sance après la seclion de la moelle épinière. Les parlicularités nou-
velles sur lesquelles M. Brown-Séquard veut appeler rallenlion sont :
l" que ce n'est pas à. une paralysie des muscles sternaux qu'est due
cette influence ; 2° que rexlirpalion d'une petite partie de la substance
grise du renflement lombaire suflit pour diminuer la puissance du vol.
11 ajoute que plus la moelle est coupée haut, ou, en d'autres termes,
plus on se rapproche de la naissance des nerfs de l'aile, plus le vol
devient difficile.
— M. Bouchard communique l'observation d'un homme qui, après une
chute sur le siège, fut pris de paralysie des muscles et de la sensi-
bilité des membres inférieurs. La paralysie a fait des progrès ascen-
dants, et le malade est mort asphyxié; à l'autopsie, on a trouvé une
myélite des plus intenses, non accompagnée d'hémorrhagie. Mais il y
avait une hémorrhagie dans chacune des capsules surrénales.
— M. MoREAO présente une tumeur des parois de l'estomac d'un chien :
c'était un kyste fermé rempli d'entozoaires vivants. M. Vaillant de-
mande à M. Moreau si l'examen attentif de l'animal a été fait ; chez le
cheval on trouve très-fréquemment des tumeurs de l'estomac qui
communiquent avec l'intérieur de cet organe, et qui contiennent or-
dinairement des filaires ou des spiroplères ; les entozoaires trouvés
par M. Moreau seront examinés avec soin.
— M. Babuteau présente un échantillon de bromal pur; par des expé-
riences faites avec M. Goujon sur des lapins et des chiens, M. Babu-
teau a reconnu que le bromal injecté en solution aqueuse sous la peau
est irritant et tonique, mais jamais les animaux n'ont présenté une
anesthésie complète, bien que le bromal traité par les alcalis donne
du bromoforme.
M. Legros, sur un chien qui avait succombé à l'action du bromal et
qui avait cessé de respirer, vit revenir les mouvements respiratoires
pendant deux ou trois minutes après l'application d'un courant con-
tinu.
M. Charcot parle des symptômes ascendants de la moelle qui se
présentent quelquefois dans les lésions des parties inférieures de la
moelle; dans le mal de Pott, par exemple, lorsqu'il y a compression
de la région lombaire, on peut observer quelquefois des troubles de la
coordination des mouvements du bras; M. Charcot pense que ces
troubles, qui n'arrivent pas à une véritable paralysie des membres su-
périeurs, tiennent à une extension de la sclérose des cordons posté-
rieurs.
M. Bkown Séquard, dans diverses affections de la partie inférieure
de la moelle, a observé de même des picotements, des fourmillements
dans le bras, signes de congestion de la moelle au niveau du plexus
brachial; mais dans certains cas, on nobservait aucun symptôme au
niveau du tronc ; on ne pouvait donc admettre alors une propagation
continue de la maladie de la moelle de bas en haut. M. Brown-Séquard
pense qu'on pourrait expliquer les symptômes par ce fait que souvent
l'irritation d'un nerf sensitif détermine de la congestion dans d'autres
parties du système nerveux.
M. LiouviLLE demande s'il ne faudrait pas dans ces cas tenir compte
de Tinflammation des méninges. M. Charcot répond que dans les cas
qu'il a observés, on n'a pas noté de méningite.
M. Brown-Séquard fait observer qu'une méningite qui se serait pro-
pagée de bas en haut aurait été reconnue par des symptômes à la ré-
gion dorsale, et d'ailleurs une méningite siégeant au voisinage de l'ori-
gine des nerfs du bras aurait été manifestée par des symptômes
beaucoup plus accusés et, en outre, par une affection herpétique très"
douloureuse que M. Brown-Séquard a observée au bras dans plusieurs
cas d'inflammation des méninges de la région indiquée.
Le secrétaire, Gréhant.
Séance du 12 mars.
M. MoREAU a examiné avec M. Vaillant le ver que renfermait la
tumeur de l'estomac du chien présentée dans la dernière séance : c'est
un spiroplera sanguinolenta, fréquent chez le loup et le chien. L'es-
jiècc du cheval est beaucoup plus petite. M. Legros a trouvé dans l'es-
tomac d'un coq le spiroplera nasiUa.
— M. Brown-Séquard présente un cochon d'Inde dont l'oreille est dé-
formée et qui provient d'un mâle dont l'oreille offrit la même défor-
mation à la suite de la section du grand sympathique au cou. D'autres
cochons d'Inde provenant de mères ayant les pattes altérées à la suite
de sections des nerfs sciatique et crural présentent aussi les mêmes
altérations des pattes.
M. GiRALDÈs pense que, pour établir si l'hérédité est en cause, il
faut multiplier la même lésion sur vingt femelles, par exemple, puis
voir combien de fois elle se transmettra.
M. Brown-Séquard répond que la question n'est pas aussi facile. J'aj,
dit-il, quarante femelles présentant des altérations des doigts et dont,
les petits ne sont pas modifiés; le fait de la transmission est donc ex-
ceptionnel et ne s'est montré plus fréquent qu'à la suite de la section
des deux nerfs de la patte chez la mère.
46
M. Grédant propose comme moyen simple d'analyse du sang appli-
cable à l'étude de ce liquide dans les maladies et dans diverses con-
ditions établies expérimentalement chez les animaux, le mode de
traitement qu'il a employé pour la recherche de l'urée du sang.
La détermination de l'eau contenue dans le sang présente déjà des
difficultés : si l'on abandonne le sang à la coagulation, le caillot placé
dans une étuve à 100° est difficile à dessécher complètement, les cou-
ches superficielles forment un vernis sec qui empêche la dessiccation
de la partie centrale. Mais si on recueille le sang non coagulé et après
l'avoir agité dans un flacon pour le défibriner, si on le traite par le
double de son volume d'alcool, on obtient une bouillie qui, soumise le
lendemain à la presse, laisse un tourteau facile à^pulvériser. Cette pou-
dre se dessèche bien dans l'étuve.
D'une autre part, on déterminera le poids du résidu de l'extrait al-
coolique, et dans ce résidu l'urée et quelques sels solubles dans l'al-
cool.
Le tourteau pesé après dessiccation renfermant les substances albu-
minoïdes, que l'alcool a coagulées et toute l'hémoglobine, pourra en-
suite être soumis à quelques autres recherches.
M. BoucnARD pense aussi que l'emploi de l'alcool est utile dans une
analyse de sang rendue pratique, mais il préfère, au lieu de défibriner
le sang, l'injecter d'abord dans un flacon renfermant un certain vo-
lume d'alcool.
HÉMICnORKE DROITE DE DATE RÉCENTE CHEZ UN VIEILLARD DE 73 ANS. A
l'autopsie, nÉMOKRnAGlE SUR LE TRAJET DU PÉDONCULE CÉRÉBRAL GAIICnE,
AU NIVEAU DE SON INSERTION SUR LA COUCDE OPTIQUE; par M. MaGNAN.
Chev... Joseph, 73 ans, lapidaire, entre au bureau d'admission
(Sainte-Anne), le 7 mars 1870. Ce malade, dont les antécédents sont
inconnus, présente, au moment de son arrivée, des mouvements cho-
réiques dans le bras et la jambe du côté droit. Il est loquace incohé-
rent, répond très-incomplétement aux questions. C'est avec la plus
grande peine que l'on parvient à savoir que cet état remonte à trois
ou quatre jours seulement. On ne peut avoir sur la sensibilité de ré-
sultats précis, toutefois, le malade paraît sentir quand on le pince ; il
retire un peu le membre.
Dans la journée du 8, les convulsions sont incessantes pendant le
réveil; elles gagnent le cou et la face, mais restent limitées au côté
droit; elles augmentent avec rémotion, diminuent quand lesujet acca-
blé de fatigue tend à s'assoupir et s'arrêtent presque entièrement lorsque
le sommeil est complet.
47
Le 9 mars, les mouvements choréiques ont augmenté d'intensité, la
face est grimaçante à droite, le bras et la jambe sont constamment
agiles. Vers une heure de l'après-midi, le malade devient pâle, puis
cyanose à deux reprises différentes; les convulsions diminuent, se
suMendent, et la mort survient brusquement comme par syncope.
AcTOPsiE le 1 1 mars. — Les méninges épaissies, opalines par places,
s'enlèvent avec facilité dans toute l'étendue du cerveau'; les circon-
volutions d'une teinte jaunâtre, d'un volume moindre, sont étroites,
saillantes, séparées par des anfractuosités profondes. Les vaisseaux
sont athéromateux, et par places on peut, en pressant, avec lesdoigts
faire sortir des cylindres assez épais d'une substance jaunâtre ne lais-
sant qu'une faible portion au centre. La surface des ventricules laté-
raux, déprimée en quelques points, présente un épaississement de
l'épendyme. Des coupes pratiquées de la superficie vers le centre,
dans toute l'étendue du cerveau, font voir des lacunes dans la sub-
stance blanche, mais surtout dans le corps strié et la couche optique,
qui en sont criblés des deux côtés.
Une incision pratiquée sur le pédoncule cérébral gauche à son inser-
tion sur la couche optique, met à découvert un foyer hémorrhagique
du volume d'une petite noisette, composé de caillots mous, rougeâ-
tres, de date récente; le tissu du voisinage, déchiré, est infiltré de
sang. La protubérance, le bulbe n'offrent point d'altération apprécia-
ble. Le lobe gauche du cervelet présente à sa face inférieure et sous-
jacente à la pie-mère une plaque jaunâtre de ramollissement ancien,
de l'étendue d'une pièce de 20 centimes.
Les méninges rachidiennes sont injectées dans toute leur étendue ;
les coupes de la moelle ne montrent qu'une faible injection de la
substance grise.
Le cœur, fortement contracté, est dur, rigide; ses cavités sont vides
de sang.
L'aorte athéromateuse présente des plaques jaunâtres, surtout vers
les valvules sigmo'ides.
Le foie paraît normal.
Les reins ont une teinte légèrement jaunâtre dans leur couche cor-
ticale.
La mort survenue brusquement semble avoir été produite par syn-
cope, ainsi que le fait supposer l'état dans lequel le cœur a été trouvé
à l'autopsie. En négligeant les lésions multiples des deux hémisphères
cérébraux qui se rattachent à la démence sénile, et qui ne sauraient
être invoquées pour expliquer les convulsions choréiques, nous res-
tons en présence de ce double fait: d'une part, une hémorrhagie ré-
cente sur le trajet du pédoncule cérébral gauche ;_^d'aulre part, une
48
bi-michorùc droite récente. V a-t-il une relation continue entre ces
tloux faits? C'est probable, mais les données de pliysiologie patholo-
gique ne nous paraissent pas permettre une affirmation positive.
M. Charcot fait remarquer qu'il est singulier de voir une hémorrha-
gie ayant ce siège produire, au lieu de paralysie, des mouvements a^-
réiformes.
M. Brown-Séquard cite l'opinion de son ami M. Jackson, qui croit
que des embolies du corps strié peuvent être en rapport avec la cho-
rée; M. Brown-Séquard a observé lui-même trois cas d'hémiplégie
par lésion cérébrale, dans lesquels les malades tournaient le bras en
mouvement de tire-bouchon; ce mouvement choréique augmentait
quand on voulait l'arrêter. M. Brown-Séquard croit que des phéno-
mènes très-variés peuvent être produits par des hémorrhagies céré-
brales, bien que, dans beaucoup de cas de chorée, on ne trouve pas
de lésions.
M. Bert a fait installer ses appareils, qui serviront à étudier l'in-
fluence des diminutions ou des augmentations de pression sur l'orga-
nisme. Plusieurs expériences ont été faites d'abord pour rechercher
quelles altérations éprouve l'air lorsqu'un animal est placé dans une
cloche et soumis à une forte diminution de pression. Dans un cou-
rant d'air continu dont la pression est de 16 à 18 centimètres de mer~
cure, les animaux meurent asphyxiés, le sang est noir dans les cavités
du cœur. L'analyse a montré dans l'air de faibles altérations, 18 p. 100
d'oxygène et 2 p. 100 d'acide carbonique; dans ces conditions, l'oxy-
gène n'entre pas dans le sang.
Un chat est mort très-rapidement dans une atmosphère dont la pres-
sion était de 18 centimètres.
Un autre chat est mort au bout de sept minutes dans une atmosphère
pareille.
Un cochon d'Inde a séjourné quatre heures dans une atmosphère
dont la pression a varié de 16 centimètres à 10 centimètres et demi.
Par la rentrée subite de l'air, l'animal parut plus malade; sa tempé-
rature était de 20 degrés.
Par une raréfaction soudaine, les gaz intestinaux se dilatent et peu-
vent asphyxier l'animal par l'obstacle apporté au jeu des poumons.
Le secrétaire, Grédant.
Séance du 19 mars.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
Lj correspondance imprimée comprend un mémoire de M. Liouville,
49
intitulé : Note sur la coexistence d'altérations anévrysmales dans la
rétine avec des anévrysmes des 'petites artères dans l'encéphale.
— M. Gréhant publie un fait qu'il a observé en pratiquant la respi-
ration artificielle chez un chien curare; un manomètre à mercure in-
diquait dans Tarière fémorale une pression de 15 centimètres. On donna
beaucoup d amplitude et de fréquence aux mouvements du soufflet, et
l'on vit la pression tomber à 5 centimètres; on souffla ensuite dans la
trachée de l'air soumis à la pression de 6 centimètres de mercure, la
même dépression fut observée ; en même temps les veines se gonflaient
et les artères se vidaient. Ainsi une augmentation de pression s'exer-
çant seulement dans les bronches produit une compression des vais-
seaux des poumons, et diminue la quantité du sang qui traverse ces
organes. Cet effet mécanique a été vérifié de même chez un chien
normal, puis sur lespounions détachés. On fit circuler artificiellement
du sang défibriné par l'artère pulmonaire ; dès qu'on insuffla fortement
les poumons, la quantité de sang qui revenait par les veines pulmo-
naires diminua beaucoup.
M. Bert fait remarquer que déjà autrefois des physiologistes ont pu
tuer des animaux en insufflant fortement les poumons.
M. Carville cite, à propos du fait observé par M. Gréhant, les obser-
vations qu'il a faites sur lui-même pendant un traitement à l'air com-
primé. L'eff'et de cette compression de l'air a été de diminuer le nombre
des pulsations et des respirations, et de provoquer l'appétit; de plus,
avant le traitement, M. Carville ne pouvait expulser des poumons, par
une expiration aussi forte que possible que 1100 centimètres cubes d'air,
et après deux mois de traitement, ce volume est devenu égal à 2 litres.
M. Bert dit que la communication de M. Carville n'est pas compa-
rable avec celle de M. Gréhant, qui est relative à une insufflation li-
mitée au poumon, tandis que dans l'air comprimé les pressions se
transmettent dans tous les sens et se font équilibre.
M. Gréhant a vu se produire l'apnée signalée par M. Rosenthal en
exagérant beaucoup les mouvements de la respiration artificielle. Ce
phénomène pourrait être expliqué par la diminution de la circulation.
Il n'est pas essentiel, dit i\l. Brown-Séquard , d'injecter beaucoup
d'air pour voir l'apnée ; quelquefois, au bout de huit à dix minutes d'in-
sufflation, l'animal fait à peine des mouvements respiratoires, et au
bout d'une demi-heure la température peut être abaissée de 8 degrés.
M. Bert communique les résultats de plusieurs expériences faites
sur des lapins placés dans des cloches dont l'air était d'abord lentement
raréfié et renouvelé; puis quand la pression était arrivée à un certain
point, 1(BS cloches étaient fermées. L'asphyxie se montra d'autant plus
c. R. 1870. 4
50
vite que la pression de l'air était plus petite et sous une pression de
18 centimètres; l'air avait reçu beaucoup moins d'acide carbonique et
perdu beaucoup moins d'oxygène que sous une pression plus élevée.
— M. Brown-Spquard rappelle (lu'il a montré, il y a deux mois, des
cochons d"Inde offrant une altération de l'oreille que le père avait
présentée à la suite de la section du sympathique au cou ; quatre petits
sur cinq ont présenté cette altération, qui paraît donc se transmettre
par hérédité.
M. Brown-Séquard présente un cochon d'Inde dont les poils tom-
bent dans la zone épileptogène, après la section de la moelle; ces ani-
maux ont des convulsions fréquentes, mais ils ne se frottent pas ; il y
a eu probablement chute de poils par influence nerveuse.
M. Laborde demande s'il ne faut pas invoquer le grattage pour expli-
quer la chute des poils.
M. Brown-Séquard répond que chez les cochons d'Inde ayant des'
altérations considérables de la patte, avec perte des ongles, la chute
des poils s'est montrée cependant et quelquefois en vingt-quatre heures.
De plus, c'est juste au moment où ces animaux cessent d'avoir des atta-
ques et lorsque le grattage diminue, s'il ne cesse pas, que les poils tom-
bent.
M. Vaillant n'est pas persuadé que le frottage puisse faire tomber
les poils.
Remarques a l'occasion d'une observation de taenia multiple
CHEZ l'homme; par M. Léon Vaillant.
L'observation que j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui à la So-
ciété n'est pas nouvelle en elle-même, mais les conclusions auxquelles
elle peut conduire me paraissent de nature à jeter quelque jour sur
certains faits rapportés par d'anciens auteurs et sur lesquels il n'est
pas inutile d'attirer un instant Tattention dos helminthologistes.
Au commencement du mois de janvier dernier, M Donnadieu, pro-
fesseur à 1 École normale spéciale de Cluny, me communiqua 1 obser-
vation prise sur une femme qui avait rendu en une seule fois un paquet
de taenias. En examinant avec soin ces vers, il reconnut la présence
de cinq têtes; la longueur de tous les strobiles réunis était de IG mè-
tres. Les têtes étaient armées de crochets, le pore génital était latéral. A
ces carjctères, M. Donnadieu reconnut le isenia solium ; \\ a d'ailleurs
bien voulu m'envoyer une portion d'une chaîne, et la forme de l'utérus
à branches peu nombreuses et ramifiées confirme pleinement cette
détermination.
La présence de plusieurs vers solitaires sur un même individu est
51
un fait bien établi aujoura'hui, et je renverrai pour plus de détails à
l'excellent traité de M. Davaine, où se trouvent rassemblées d'assez
nombreuses observations qui ne peuvent laisser aucun doute à ce su-
jet [l]. Mais on trouve cité dans tous les traités d'helminihologie des
cas de cestoïdes d'une longueur prodigieuse, faits sur lesquels des ob-
servations, analogues à celles que je rapporte ici, peuvent faire naître
des doutes légitimes.
En effet, dans tous les cas bien observés, la longueur du tœnia so-
lium ne paraît pas excéder 8 mètres, et le plus souvent même reste
bien au-dessous. D'un autre côté, dans les espèces du même groupe
observées sur les différents animaux sauvages ou domestiques, la taille
ne varie que dans des limites relativement restreintes, comme, par
exemple, du simple au triple. Il peut donc paraître admissible que ces
longueurs extraordinaires, 40 mètres par exemple, chiffre cité par Du-
jardin, ont été obtenues en prenant pour un seul et même individu
plusieurs animaux dont on a additionné les différents strobiles; ce qui
aurait pu avoir lieu dans le cas rapporté par M. Donnadieu, si ce zoo-
logiste n'avait eu l'attention de rechercher soigneusement les por-
tions céphaliques.
Si le tEBnia se rangeait parmi ce que j'appellerais volontiers les ani-
maux ordinaires, les raisons que je viens d'énoncer pourraient faire
regarder la question comme définitivement tranchée; nous savons, en
effet, que chez ces derniers les limites extrêmes que peut atteindre la
taille, surtout lorsqu'il s'agit des animaux sauvages, ne dépassent
guère celles dont je parlais tout à l'heure à propos de la taille des vers
cesto'ïdes autres que le (œnia solium. INlais aujourd'hui les naturalistes
sont d'accord pour regarder ces helminthes comme une réunion
d'animaux distincts naissant successivement comme des bourgeons à
la partie postérieure du scolex ou tête; en un mot, il faut y voir une
colonie comparable à celle que forment certains zoophytes, tels que le
corail et autres êtres analogues, désignés vulgairement sous le nom
de polypes.
Suivant cette manière de voir, on serait en droit de se demander
si dans de^ circonstances favorables ces colonies ne pourraient pas
prendre un accroissement excessif sous linflence d'une nourriture
plus abondante ou toute autre cause analogue. C'est là un fait qui mé-
riterait d'être étudié, ou tout au moins sur lequel l'esprit doit être
tenu en éveil; les régimes si différents de l'espèce humaine, les con-
ditions si variées de son existence, pourraient donner quelque poids
à cette manière de voir.
(1) Traité des enlozoaires^ p. 96, note 2. Paris, 1860.
52
Toutefois, en attendant des observations à l'abri de toute objection,
il est non-seulement prudent de suspendre son jugement, mais je di-
rais même que tout porte à supposer que les faits auxquels je fais al-
lusion résultent d'une erreur et que la taille du tœnia solium, comme
celle des autres espèces animales, ne peut être regardée comme va-
riant dans deslimites très-étendues.
M. MoREAu dit que les observations relatives à la longueur des taenias
se feraient mieux chez le chien.
M. DuMONTPALLiER fait remarquer que rarement le médecin diagnos-
tique le taenia avant la sortie spontanée ou accidentellement provoquée
du cestoïde.
— La Société nomme M. Rabuteau membre titulaire.
Le Secrétaire, M. Gréhant.
Séance du 26 mars,
Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté.
— M. Bouchard communique un procédé d'analyse chimique du sang
qui permet de déterminer le poids exact du sérum et celui des globules
frais par différence. On fait une première saignée de 10 grammes de
sang que l'on reçoit dans une capsule où le sang se coagule. Un deuxième
poids de sang de 10 grammes est reçu et additionné aussitôt d'un cer-
tain poids de solution saline neutre ou de solution de sucre; le sang
étant coagulé dans les deux capsules et le caillot bien séparé du sérum,
on recherche le poids d'albumine contenue dans 1 gramme de sérum
pur et de sérum étendu. Pour cela, on ajoute au sérum quelques gouttes
d'acide nitrique, on porte à l'ébullition; l'albumine coagulée est lavée
sur un filtre avec de l'acide nitrique au vingtième, puis le filtre est des-
séché, et l'on obtient le poids d'albumine contenu dans chaque échan-
tillon de sérum. Supposons que 1 gramme du sérum pur contient un
poids p d'albumine, le poids inconnu x du sérum séparé du caillot et
retenu encore dans celui-ci contient px d'albumine. 1 gramme de sé-
rum étendu renferme-t-il p' d'albumine, le poids du sérum étendu, qui
est a; + / {t étant le poids de liquide salin ou sucré surajouté) renfer-
mera un poids d'albumine égal à [_x + i) p'; or dans les doux cas, puis-
qu'on a pris le même poids de sang, la quantité d'albumine contenue
dans chaque échantillon est la même; on aura donc px= {x + l] p'.
D'où a; =-^,.
53
Connaissant le poids du sang et le poids du sérum, on obtiendra par
différence le poids de la fibrine et des globules, et pour obtenir le
poids de la fibrine, il suffira de laver le caillot dans un nouet de linge
qui retient la fibrine.
Ce procédé suppose que le liquide surajouté ne modifie pas la com-
position des globules; une solution aqueuse de sucre de canne d'une
densité de 1,024 satisfait à cette condition.
L'emploi de ce mode d'analyse a donné à M. Bouchard des résultats
concordants:
ijOOO parties de sang de lapin contenaient:
605 de sérum,
392 de globules frais,
3 de fibrine.
Chez deux malades atteints de rhumatisme, l'analyse a donné dos
nombres très-voisins :
»"■ malade. 2* malade.
Sérum 640,61 .... 638
Fibrine. ... 5 .... 6,9
Globules.. . . 354,37 .... 354,3
M. Bouchard conseille d'employer le môme procédé pour la re-
cherche de la quantité totale du sang.
M. Chalvet fait remarquer combien le dosage de l'albumine par la
chaleur est difficile; certaines variétés d'albumine se congèlent à 65*,
d'autres à 75" ou à 95°; il y a des urines qui précipitent ainsi à des
températures diverses.
M. Bouchard fait remarquer que dans ses expériences il agit sur le
même sang et coagule toute l'albumine.
M. Chalvf.t pense que les globules étant pesées à l'état frais, on
pourrait avoir le fer et constater si le rapport du poids du fer au poids
des globules est constant; s'il en est ainsi du dosage des globules, on
pourrait substituer celui du fer, qui est très-faible.
M. Bouchard pense qu'on ne peut pas déduire le poids des globules
de celui du fer, parce que dans diverses conditions les globules peuvent
être plus ou moins gonflés et contenir plus ou moins d'eau.
— M. Hayem présente à la Société le résultat d'une de ses expériences
sur la cicatrisation des muscles à la suite des sections sous-cutanées.
Le 5 mars 1870, on a fait sur un cochon d'Inde adulte et bien por-
tant la section sous-cutanée, à l'aide d'un ténotome, des muscles de
u
la patte antérieure droite, en coupant jusqu'à l'os. Le 14 mars la même
opération a été pratiquée sur la patte antérieure gauche, mais la
section a été moins profonde.
Lailinial est sacrifié le 26 mars, soit vingt et un jours après la pre-
mière section et àoute après la seconde.
A l'autopsie on voit que, du côté droit, la section a porté sur le
triceps brachial , en intéressant la plus i:rande partie de l'épaisseur du
musc'e. Le nerf et les vaisseaux correspondants ont été divisés. Il en
résulte une déformation de la région qui consiste surtout en une sorte
d'enfoncement ou vide au niveau du point où devrait exister le ventre
même du muscle. Ce creux est occupé par une bride flbreuse qui
adhère aux aponévroses et au tissu cellulaire voisins. Les deux moi-
gnons musculaires sont écartés dun centimètre et demi environ ; ils se
sont cicatrisés isolément, et, de chaque côté, cette cicatrice, par ses
adhérences aux parties voisines, forme cette bride fibreuse indiquée
plus haut. Sur une coupe longitudinale du moignon supérieur, le tissu
musculaire paraît sain, rosé, et offre absolument le même aspect que
celui des muscles non lésés.
LVxirémité du moignon est d'un blanc rosé, nacré et d'aspect com-
plètement fibreux.
Le moignon inférieur, celui qui adhère à l'olécrâne, présente de
même une cicatrice flbreuse à son extrémité. La partie musculaire se
compose de deux portions distinctes : l'une périphérique, rosée, plus
pâle que les muscles sains, mais d'une apparence à peu près normale ;
la seconde, centrale, forme un noyau bien circonscrit, jaunâtre, qui
fait saillie sur la surface de corps et ressemble aux infarctus dits flbri-
neux. A ce niveau, la consistance du tissu musculaire est caséeuse.
Du côté gauche, le triceps n'a éié coupé que dans une partie de son
épaisseur, et les deux moignons rétractés sont reliés entre eux par une
cicatrice fibreuse.
L'examen microscopique révèle les particularités suivantes. Dans
le voisinage des cicatrices, le tissu musculaire présente les caractères
de la myosite subaiguë. Les ûbres sont en dégi^nérescence vitreuse ou
granuleuse, les noyaux sont multiples, quelques-uns vésiculeux. Les
parties les plus voisines de la cicatrice sont riches eh fibres atrophiées,
qui se terminent en pointes souvent bifurquées remplies de noyaux et
de fines granulations.
En pénétrant dans l'épaisseur du moignon musculaire, le tissu ne
tarde pas à reprendre ses caractères normaux, excepté au niveau du
foyer caséeux décrit plus haut.
Celui-ci est constitué, en effet, par des fibres désagrégées, en dégé-
nérescence vitreuse ou granulo-vitreuse, et dans la préparation on
5g
trouve des corps myo-plastiques libres, composés d'un corps de cel-
lule fusiforme à prolopla?ma finement granuleux, et d'un noyau avec
nucléole complètement semblable aux noyaux musculaires.
Dans le tissu des diverses cicatrices on constate au milieu des élé»
menls conjonctifs des traînées plus ou moins riches en corpuscules ou
plaques granuleuses contenant un ou plusieurs noyaux musculairesi
Ces éléments abondent surtout dans la partie de la cicatrice qui tou-
che le tissu niusculaire; plus on s'éloigne de ce point, plus le tissu
cicatriciel prend les apparences du tissu conjonctif fibreux; çà et là
on voit encore des noyaux d'origine musculaire entourés de granula-
tions granulo-graisseuses.
Cette expérience démontre que dans les sections musculaires les
moignons, après s'être rétractés, s'enflamment à leur suiface libre et
sont le siège d'une myosile subaiguë néoplastique dans laquelle les
éléments anciens donnent naissance, par prolifération des cellules mus-
culaires, à des corps myoplastiques abondants; que ce travail inflam-
matoire, loin de produire une restitution complète de la forme et du
volume du muscle, ne donne lieu, en détinitive, qu'à des brides ou ci-
catrices fibreuses dans lesquelles on ne retrouve plus au bout de quel-
que temps que des vestiges des éléments musculaires multipliés.
Dans toutes les expériences analogues, M. Hayem a obtenu le même
résultat, et il a remarqué que les corps myoplastiques fusiformes qui
apparaissent très-rapidement à la surface des sections ont dès l'abord
un noyau tout à fait semblable aux noyaux musculaires. 11 admet que
ces éléments doivent leur apparition à la multiplication des cellules
musculaires des fibres sectionnées. En tout cas, il n'a jamais pu véri-
fier l'opinion de Waldeyer, qui fait provenir ces éléments du tissu in-
terstitiel.
Cette expérience offre encore une particularité importante, c'est la
présence de ce foyer caséeux dans l'épaisseur du moignon inférieur du
côté droit. Le fait de la section des vaisseaux qui se rendaient à cette
partie doit. le faire considérer comme une lésion anémique, un véritable
infarctus, et U. Hayem, en présentant cette pièce à la Société, fait
remarquer son analogie avec les foyers décolorés caséeux que l'on
trouve autour des hémorrhagies musculaires symptomatiques et qui
sont liés, ainsi que le présentateur l'a montré antérieurement, à des
obstructions vasculaires.
(Consulter à ce sujet : Études sur les myosites symptomatiques.
(Akch. de phys. normale et path,, p. 480 et suiv. et p. 429.)
— M. Rabuteau propose d'employer l'acide phospho-molybdique pour
déceler les alcaloïdes végétaux, qu'il précipite ; ce réactif est très-
56
sensible et permet de reconnaître de la nicotine dans la fumée du
cigare.
— M. Laborde présente un œuf de poule sans coquille dont l'albumen
est peu abondant et dont le jaune, très-développé, offre un prolonge-
ment caudiforme. D'autres œufs de la même poule, pondus ensuite,
ne contiennent que l'albumen et sont pourvus de coquille.
COMPTE RENDU DES SÉANCES
DE
r F
LA SOCIETE DE BIOLOG
PENDANT LE MOIS D' AVRIL 1870;
Par m. GRÉHANT, secrétaire.
PRÉSIDENCE DE M. CL. BERNARD.
Séance du 2 avril.
Le procès-verbal de la dernière séance esl lu et adopté.
On a parlé dans la dernière séance des variétés de matières albumi-
noïdes qui existent dans le sang; M. Brown-Séquard rappelle à ce sujet
que son ami M. Donnel a trouvé dans le sang une certaine quantité
de substance analogue à la caséine, non coagulable par la chaleur et
dont la proportion varie beaucoup suivant l'état de jeûne ou de di-
gestion. Cette substance se convertit probablement en albumine par
la suite.
— M. Rabuteau, par des expériences qu'il a faites sur lui-môme, a
reconnu que sous l'influence d'une ingestion de 5 grammes de bicarbo-
nate de potasse par jour, le chiffre de l'urée a baissé de 30 grammes
à 25 grammes. Ainsi les alcalins paraissent diminuer les combustions
et M. Rabuteau les croit peu utiles dans la glycosurie; à cette dose de
#f^fc
(tlBRARY r
58
5 grammes les alcalins ont augmenté l'appétit; mais à cette dose ils
n'ont pas produit d'effet diurétique.
Le traitement par l'eau de Vichy, dit M. Brown-Séquard, augmente
l'appéiit au début, puis, loPï^qu'il est trop prolongé, produit souvent un
clat de faiblesse presque immédiate.
— M. Legkos a étudié la terminaison des conduits biliaires dans les
lobules du foie. Comme on le sait, celte terminaison se fait par un ré"
seau très-fin dont les mailles entourent les cellules hépatiques. (Ir-
minger, Fiey, Kolliker). Par des injections au nitrate d'argent faites
sur des foies de lapins, M. Legros a reconnu sur les derniers canali-
cules qui ont 3 millièmes de millimètre de diamètre un épithélium
aplati, mince et pavimenleux, tandis que les conduits plus gros sont
pourvus d'un épithélium prismatique. M. Legros appuie sur celle ob-
servation la distinction des deux fonctions glycogénique et biliaire;
l'épithélmm du réseau intralobulaire sécréterait la bile et les cellules
du foie formeraient la matière glycogène.
— M. CoKNiL fait une communication relative à la structure du foie.
Sur un foie d'ictère grave très-mou, les cellules de la périphérie des
lobules étaient atrophiées et le réseau des canalicules biliaires était
bien visible; ces canalicules étaient dilatés et offraient Un épithélium
pavimenleux semblable à celui dont M. Legros a parlé.
M. Cornil ne croit pas fondée la distinction analomique des deux
sécrétion^; les cellules hépatiques qui contiennent du pigment biliaire
doivent, dit-il, contribuer à la sécrétion de la bile.
J\L Legros répond qu'il a examiné l'épilhélium du réseau biliaire et
qu'il ne croit pas que cet épithélium si mince, si altérable, ait été ob-
servé à l'élat normal; relativement au rôle de cet épithélium, M. Le-
gros ajoute que dans les glandes salivaires on ne dit pas que la salive
est sécrétée en dehors de Tépithélium, mais par l'épilhélium lui-même.
M. Chaucot fait remarquer que dans les rétentions anciennes débile
des concrétions biliaires dilatent les canalicules môme les plus fins,
et que l'abcès est produit probablement par rupture des canalicules et
effusion de bile en nature.
M. Ranvier est de l'avis de M. Cornil. On sait, dit-il, que le pancréas
est consLilué d'une manière analogue à un acinusdu foie; on trouve de
fins canaux qui pénètrent entre les cellules, mais les acini des glandes
salivaires sont entièrement remplis de cellules; il ne reste qu'une lu-
mière très-peiite au centre, et jusqu'ici M. Ranvier n'a pas réussi à in-
jecter un réseau entre les cellules salivaires au delà de la lumière cen-
trale.
59
M. Legros rappelle qu'il a parlé d'un réseau intralobulalre avec paroi
etépithélium.
— M. Brown-Séquard présente un cochon d'Inde auquel manquent
plusieurs phalanges et qui provient d'un père offrant la même altéra-
tion; c'est le septième exemple observé par M. Brown-Séquard d'une
transmission pareille par hérédité.
M. Brown-Séquard montre un cochon d'Inde qui, après des lésions
compliquées, section du sciatique, fracture du fémur, présente une
perte de poils dans la zone épileptogène. Chez cet animal la patte ma-
lade ne pouvait être portée au cou, et conséquemment ce n'est pas
parce qu'il s'est gratté que les poils sont tombés.
~ M. VuLPiAN présente, au nom de M. Philipeaux, plusieurs observa-
tions relatives à la possibilité de transmettre par voie de génération,
chez les animaux, des mutilations produites artiflciellement. Les petits
nés d'animaux auxquels on avait enlevé la rate ont toujours présenté
une rate normale, tandis qu'un rat auquel on avait extirpé le testicule
droit a donné trois petits mâles; deux présentaient une atrophie très-
prononcée du testicule droit; chez le troisième on ne put reconnaître,
par la palpation, la présence de ce testicule. M. Philipeaux se propose
de continuer ces expériences.
— M. PoucBET a étudié le développement des leucocytes ou globules
blancs et des hématies ou globules rouges chez les embryons d'axo-
lotls. D'après JM. Pouchet, à une certaine époque on ne voit aucun
globule blanc dans lo sang, mais on trouve des globules blancs doués
de mouvement amibo'ide dans le tissu conjonctif. En comparant les
globules blancs et les globules rouges, M. Pouchet a reconnu la pré-
sence de granulations analogues dans ces deux éléments, et il pense
que les globules rouges sortent des vaisseaux, se décolorent dans le
tissu conjonctif et deviennent des globules blancs; mais le passage des
globules rouges à travers les parois n'a pu être suivi complètement.
— M Bouchard, en appliquant le procédé de détermination de la quan-
tité du sang qu'il a fait connaître, a trouvé chez un chien pesant
l^y'i.bO, 752 grammes de sang, ou un peu plus de 1/10° du poids de
l'animal.
— M, Leteinturier communique une observation d'hémiplégie à gauche,
accompagnée d'une paralysie du nerf moteur oculaire commun du côté
droit; il y avait du côté paralysé un abaissement de température de
Û%4.
L'autopsie a montré une hémorrhagie localisée dans le pédoncule
cérébral droit.
60
M, Leven avait diagnostiqué une hémorrhagie au niveau de lorigine
du moteur oculaire commun.
M. Brown-Séquard fait remarquer qu'il a déjà signalé, en 1858, qu'un
abaissement de température limité à une moitié du corps est un impor-
tant symptôme des lésions de la protubérance. Ce phénomène dépend
sans doute de l'excitation des nerfs vaso-moteurs, bientôt suivie d'une
paralysie de ces nerfs et d'une élévation consécutive de la tempéra-
ture.
Séance du 9 avril.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. Lépine communique un fait qu'il a observé chez le cochon
d'Inde. Si l'on pratique la trachéotomie et qu'on injecte dans une
bronche un liquide irritant, de l'alcool, par exemple, l'œil se ferme à
moitié de ce côté et se remplit de larmes. Ce phénomène est persis-
tant, et ce n'est point une irritation transmise exclusivement à l'ori-
gine du facial par le pneumo-gastrique, car il a lieu même après la
section de ce dernier nerf.
Sur des grenouilles j'ai également réussi , dit-il , à obtenir par l'irri-
tation du poumon une action réflexe du côté de l'œil. On met à nu
l'un des poumons, et l'on y injecte, au moyen du trocart creux d'une
seringue de Pravaz, une ou deux gouttes d'ammoniaque. Au bout de
quelques instants on observe un retrait momentané de l'œil du côté
correspondant, puis souvent, quelques secondes plus tard, de l'œil
du côté opposé. Par de nombreuses expériences de contrôle, je me
suis assuré qu'il faut une forte excitation des nerfs sensitifs pour pro-
duire un effet semblable. La section seule du nerf sciatique ou du nerf
lombaire n'amène pas le retrait de l'œil du côté correspondant. Je me
borne aujourd'hui à ces indications sommaires, espérant faire pro-
chainement de ces phénomènes l'objet d'une communication plus dé-
taillée.
M. Brown-Séquard a vu avec la section d'une moitié latérale de la
moelle, et après la section de certains nerfs, de la congestion et du
larmoiement de l'œil de ce côté, mais les phénomènes ne furent pas
durables, tandis qu'ils sont persistants dans l'expérience de M, Lé-
pine ; il est probable qu'il s'agit ici d'une influence des nerfs vaso-
moteurs.
M. Brown-Séquard a signalé chez l'homme la dilatation et la con-
striction des vaisseaux après le pincement de la jambe ; la température
61
s'élevait à l'oreille et s'abaissait au cou; après la section du sciatique
chez les animaux, il en est de même.
M. Ranvier demande quel était l'état du poumon après les injections
irritantes. L'injection a pénétré dans quelques lobules, ditM. Lépine,
le sang s'est coagulé dans les vaisseaux, mais il n'y eut point de
pleurésie.
— M. Brown-Séql'ard expose les résultats de l'autopsie d'un cochon
d'Inde qui après section du sciatique avait guéri, mais qui après une
deuxième section faite plus haut présente des tubercules dans les
poumons, dans la rate. Il est probable que tous ces accidents se sont
produits en trois semaines.
M. LiouviLLE, à propos de ce fait, parle d'une inoculation de pro-
duits de méningite tuberculeuse qu'il fit chez un cochon d'Inde; l'a-
nimal est mort seulement au bout de deux mois.
M. Ranvier demande à M. Brown-Séquard si les expériences non
suivies de tuberculisation n'ont pas été faites à la campagne et si, au
contraire , les plaies suivies de tuberculisation ont été faites chez des
animaux placés dans de moins bonnes conditions hygiéniques et dans
un lieu où se peut faire l'inoculation.
C'est à peu près ce que j'ai dit, répond M. Brown-Séquard : Dans
mon laboratoire, situé rue Gay-Lussac , 28, jamais je n'ai vu de tu-
berculisation soit après des plaies, soit même après des inoculations
artificielles ; sur trente-six cochons d'Inde, pas un seul n'est devenu
tuberculeux. Un trente-septième, qui avait reçu sous la peau un gan-
glion tuberculeux, est devenu tuberculeux après quatre ou cinq mois.
Tandis que dans le laboratoire de l'École pratique j'ai observé trois cas
de tubercules. Relativement à la vitesse de production des tubercules,
M. Brown-Séquard rappelle un fait qu'il a signalé à la Société en 1850.
Un lapin, après la section du sympathique au cou, était devenu tuber-
culeux quatorze jours après l'opération. J'avais trouvé avant M. Wille-
min , dit j\I. Brown-Séquard, que fréquemment les plaies du cou ren-
dent les viscères abdominaux tuberculeux en quinze jours à quatre
semaines.
— M. Brown-Séqu.\rd communique des observations qu'il a faites
sur la distance à laquelle les deux pointes d'un compas appliqué sur la
peau donnent la sensation d'une seule pointe; si l'on applique les
pointes sur deux branches nerveuses différentes, lune venant du tri-
jumeau , l'autre d'une paire cervicale, par exemple, il peut y avoir
sensation d'une seule pointe. Au cou , à la face, à l'oreille, au menton,
il faut pour cela que la dislance soit inférieure à 2 centimètres.
M. Brown-Séquard a fait souvent l'application du compas chez les ma-
62
ladfi?; en règle générale, c'est la pointe supérieure, la plus voisine de
l'orbitp, qui est perçue lorsqu'il y a sensation d'une seule pointe; dans
des cas pathologiques, quand en appliquant le compas sur la face et
l'épaule une seule pointe est sentie, c'est celle de la face. Chez cer-
tains malades qui présentaient une anesthésie absolue pour d'autres
excitants, les pointes étaient senties cependant; la sensation du lieu
touché paraît donc tenir à une faculté spéciale.
M. Bert, à l'occasion de cette communication de M. Brown-Séquard,
rapporto un fait qu'il a observé sur lui-même. Atteint d'une inflamma-
tion très-douloureuse de la conque auditive, il s'aperçut, en employant
le compas, que la distance minimum à laquelle étaient perçues los
deux pointes était environ le double de la distance normale. Cepen-
dant le contact des pointes était douloureux. Or l'oreille n'avait pas
sensiblement grandi ; on ne peut objecter, comme on pouvait le faire
aux observations semblables qu'a faites M. Bert sur des abcès volumi-
neux ou sur l'abdomen des femmes enceintes, que les extrémités ner-
veuses ont été écartées les unes des autres par la distension générale
de la région. Ce fait a un intérêt d'un autre ordre. L'oreille malade
paraissait à M. Bert beaucoup plus grande que dans l'état normal. C'est
là une illusion ordinaire pour toutes les parties enflammées : or elle
n'avait pas réellement grossi, et la distinction des pointes y était plus
obtuse; ceci est contraire à un principe généralement admis. Si l'on
porte en divers points de son corps une même ouverture de compas,
on n'a pas partout une même sensation de distance. A la cuisse, par
exemple, la distance des pointes paraîtra très-faible, plus grande à la
face, énorme sur les lèvres. En d'autres termes, la distance des pointes
paraîtra d'autant plas gramie que sur les régions interrogées la distance
minimum perceptible de ces pointes sera plus petite; d'après cette rè-
gle, l'oreille malade où la distance minimum perceptible des pointes
avait augmenté aurait dû paraître plus petite, et le contraire arrivait.
Ceci montre qu'il faut faire intervenir, dans l'origine de la notion de
l'étendue des régions de notre corps, d'autres éléments que celui de la
distance perceptible des pointes.
— M. MoNOD communique l'observation d'un vieillard de 75 ans
mort à la suite de fracture du col du fémur, chez lequel on a trouvé
les poumons remplis d'abcès métastatiques, sans que l'autopsie ait
montré de plaie en aucune région du corps. M. Monod se demande s'il
y a eu une influence générale dépendant de la salle qui présente
beaucoup de cas d'jnfections purulentes.
En 1867, à la Charité, M. Liouville a vu chez M. "Velpeau un cas
analogue d'infection purulente sans aucune plaie.
63
M. MoREAu, à la Maternité, pendant une épidémie de fièvre puerpé-
rale, a vu une élève sage-femme non enceinte prise de fièvre puerpérale.
M. DuMONTPALLiER rïippelle que dans la discussion qui a eu lieu à
l'Académie de médecine, en 1858, on a communiqué deux observations
de fièvre puerpérale chez deux élèves sages-femmes pendant la période
menstruelle. Dans ces deux cas n'éiait-on pas autorisé à supposer que
Tinfection générale avait eu son origine dans l'exfoliation suppurante
de la muqueuse utérine? Quant aux observations d'infection purulente
sans plaie extérieure, comme dans le cas rapporté par M. Monod, on
doit rechercher d'abord si le foyer de la fracture n'est pas le siège
d'une phlébite suppurative; et, si l'examen était négatif, il faudrait de
plus rechercher avec soin si quelque organe, riche en vaisseaux vei-
neux, n'est point affecté de phlébite. Chez les vieillards, il n'est pas
rare de trouver à l'autopsie des abcès de la prostate dont l'existence
n'avait point été soupçonnée pendant la vie. Dans une observation, re-
cueillie par M. Gubler dans le service de Lenoir, à l'hôpital Necker, il
fut permis de constater qu'un abcès de la prostate, qui communiquait
librement avec les tissus veineux de cet organe, avait été la source
d'une infection purulente dont le point de départ n'avait pas été soup-
çonné pendant la vie du malade. M. Dumontpallier ajoute que l'exa-
men, fait par M. Monod, n'établissant pas la non-exislence d'une phlé-
bite suppurative dans le foyer de la fracture ou en tout autre endroit où
la phlébite peut être constatée chez les vieillards, il n'est pas permis à
M. Monod d'afQrmer, dans le cas qu'il nous communique, l'existence
d'une infection purulente sans phlébite. — Les conditions de l'air am-
biant et l'état général du malade peuvent avoir une importance étiolo-
gique majeure dans la fièvre puerpér.de ou dans l'infection purulente ;
mais l'expérience clinique a établi que les états morbides ne s'observent
en général que dans les cas de plaie, de phlébite ou d'abcès commu-
niquant avec les veines.
— M. Laborde parle de recherches qu'il a faites pour distinguer la mort
apparente et la mort réelle. Une aiguille d'acier enfoncée dans les
tissus de l'homme vivant se rouille, et ne se rouille pas quand elle est
introduite dans les tissus d'un cadavre. C'est en se fondant sur ce
fait pour distinguer la mort réelle de la mort apparente que M. La-
borde a reconnu un état de mort apparente chez un homme que l'on
croyait mort et que des soins assidus ont rappelé à la vie.
— M. Carville arépété avecM.Lépine l'expérience d'injection de li-
quides irritants dans l'une des bronches; chez le lapin et le chien le
phénomène de constriction de la paupière s'est montré le môme;
M. Carville a déterminé l'influence exercée sur la tension du sang
par cette expérience.
64
Séance du 23 avril,
M. GouBAux présente une portion sternale de la colonne vertébrale
d'un cheval ayant huit côtes du côté droit et sept côtes du côté gauche.
La côte surnuméraire se trouve articulée sur une vertèbre rudimentaire ;
l'apophyse épineuse de cette vertèbre est soudée à l'apophyse épineuse
située au-dessus.
— M. BrownSéquard a remarqué chez des cochons d'Inde latransmis-
sion par hérédité des altérations des membres , et chez quelques-uns
de ces animaux l'existence de la zone épileptogène.
On provoque chez ces animaux l'attaque en pinçant doucement la
zone épileptogène. Chez l'un d'eux l'attaque est incomplète.
Sur un jeune cochon dinde il existe un doigt surnuméraire ; le père,
au contraire, avait perdu une portion de doigt à la suite de la section
du sciaiique.
Chez un autre cochon d'Inde, qui se trouvait dans des conditions
analogues d'hérédité , il existe aussi une portion de doigt surnumé-
raire.
A propos de la présentation de M. Lépine à la dernière séance,
M. Brown-Séquard a remarqué aussi une diminution dans l'ouverture
palpébrale, une élévation de la température, une augmentation de la
sensibilité de l'oreille du même côté et un redressement du pavillon
de l'oreille.
On peut mesurer l'orifice palpébral à l'aide d'un compas à divisions
millimétriques que M. Brown-Séquard met sous les yeux de la Société.
M. Laborde fait remarquer qu'il a vu lui-même la diminution de l'o-
rifice pal[)ébral et de l'ouverture pupillaire à la suite de l'hémisection
de la moelle.
M. Bro\v>-Séquar0 avait noté ces faits en 1848, 1849 et 18bî, tandis
que plus tard il n'a pas observé les altérations des yeux toutes les fois
que les animaux se sont trouvés dans de bonnes conditions hygiéni-
ques. La cause de ces différences tient aux conditions hygiéniques où
se trouvaient les animaux en expérience. Les altérations sont des con-
jonctivites, des cataractes.
Sur des cochons dinde opérés en juillet 1868, la pupille et l'orifice
palpébral sont rétrécis.
FxPÉRIENCES MONTRANT QUE LE CRISTALLIN PEUT SE RÉGÉNÉRER CHEZ LES
MAMMIFÈRES , PAR UNE FORMATION NOUVELLE DANS LA CAPSULE CRISTAL-
linienne; par M. J. M. Philipeaux.
M. J. M. Philipeaux met sous les yeux de la Société de biologie
des pièces qui montrent les résultats d'expériences récentes qu'il a
faites sur la régénération du cristallin. Bien que plusieurs auteurs
aient déjà prouvé la possibilité de cette régénération chez les mammi-
fères, c'est un fait qui ne paraît pas encore admis définitivement. Bur-
dach (1) et Henle (2) citent Cocteau et Leroy (d'ÉtioUes), Middlemore,
comme ayant vu quelquefois le cristallin se reproduire chez des mam-
mifères auxquels on l'avait enlevé. C. Mayer aurait constaté cette re-
production chez un lapin sur lequel il avait pratiqué l'extraction du
cristallin quatre mois auparavant. Chez l'homme, Vrolik aurait vu une
régénération incomplète du cristallin après l'opération de la cataracte
par abaissement, condition qui, à la vérité, rend cette assertion fort
contestable. D'autres expérimentateurs sont arrivés aux mêmes résul-
tats, en ce qui concerne les mammifères, et l'on peut en trouver l'é-
numération dans la note que M. Milliot a insérée dans les Comptes
rendus de l'Académie des scIE^CEs (3). Dans cette note, qui contient le
résumé de nombreuses expériences sur le sujet en question, M. Milliot
a donné une nouvelle et complète démonstration de la régénération du
cristallin. Et cependant, malgré toutes ces preuves concordantes, le
fait de la régénération du cristallin est considéré encore aujourd'hui
comme douteux par certains auteurs, surtout par les ophthalmologis-
tes. « On ne saurait admettre, dit M. Wecker (4), que la capsule,
a privée de son contenu, mais laissée en rapport avec ses annexes, soit
« propre à fournir les éléments d'une lentille de nouvelle formation. »
M. Philipeaux a obtenu aussi des résultats tout à fait décisifs et qui
confirment entièrement les conclusions de M. Milliot et des expérimen-
tateurs plus anciens.
Sur six jeunes lapins âgés de 3 mois, il a pratiqué l'extraction
du cristallin en laissant la capsule en place. L'opération a été des plus
simples. Après avoir ouvert la cornée par kératotomie inférieure, à
l'aide dun couteau à cataracte, sur les animaux non chloroformés et
(i) Traité de phijsiologie, t. VIII, \\ 288.
(2) Encyclopédie anatomique. Anatomie générale, t. I, p. 368.
(3) Mémoirce sur la génération du cristallin (Comptes rendus de l'Aca-
démie DES sciences, 28 janvier 1867).
(4) Traité tUéorique et pratique des maladies des yeux, deuxième
édition, 1868, t. II, p. 12.
C. R. 1870. 5
66
maintenus par un aide, il a incisé la capsule antérieure avec une ai-
guille à cataracte, puis, au moyen d'une légère pression faite sur le
globe oculaire avec le manche de l'aiguille, au-dessous de la cornée, il
a fait sortir le cristallin au dehors. Aucun pansement n'a été fait, et
l'on s'est contenté de faire soigner très-attentivement les animaux, au
point de vue de l'hygiène.
Un de ces lapins a été examiné quinze jours après Topération : la
capsule était tuméfiée, épaissie, et elle paraissait contenir déjà un ru-
diment de tissu cristallinien.
Un second lapin a été examiné vingt-cinq jours après l'expérience.
La capsule était beaucoup plus épaissie que chez l'animal précédent;
l'épaississement siégeait surtout au voisinage du bord adhérent de la
capsule.
Chez le troisième lapin, sacrifié quarante jours après l'expérience,
l'épaississement était encore plus prononcé; le tissu de cet épaississe-
ment, semblable à celui du cristallin, formait un anneau complet en
dedans de la circonférence de la capsule.
Les trois autres lapins ont été examinés : l'un au bout de soixante
jours après l'opération, un autre au bout de quatre mois, et le dernier
au bout de cinq mois et vingt jours. La régénération était de plus en
plus avancée ; et, chez les deux derniers, elle était complète ou à peu
près : le cristallin avait recouvré sa forme lenticulaire, et, chez le
dernier, il avait presque son volume normal.
Ce sont les diverses phases de ce travail de régénération que l'on
peut voir sur les pièces présentées à la Société : on y voit, en effet,
l'état du cristallin de l'œil opéré chez les six animaux dont il vient
d'être parlé. On peut constater le début du travail, c'est-à-dire l'é-
paississement de la capsule sur la pièce n° 1. La pièce n" 6 montre la
régénération achevée, et les quatre pièces intermédiaires font suivre
les progrès de cette regénération.
Il ne suffisait pas d'iiilleurs de reconnaître que la capsule cristalli-
nienne s'était remplie peu à peu d'une matière offrant la consistance
et la transparence normales du cristallin ; il fallait de plus trouver
dans le corps régénéré la structure de cette lentille. M. Philipeaux a
vu, comme M. Milliot, et comme Yalentin (cité par M. Milliot) l'avait
vu aussi dès 1842, que le cristallin régénéré est formé de tubes tout à
fait semblables à ceux du cristallin normal. Ces tubes existent déjà
lors des premières phases du travail de régénération; ils sont alors un
peu plus larges que lorsque ce travail est terminé.
Ces expériences de M. Philipeaux, qui viennent confirmer d'une
façon si nette celles de ses prédécesseurs, ne peuvent laisser aucun
doute sur la question dont il s'agit; et l'on doit admettre au nombre
67
des régénérations incontestables, celle du cristallin chez les jeunes
mammifères. Pour que cette régénération ait lieu, il faut que la cap-
sule soit laissée en place et n'ait pas été trop dilacérée; il faut encore
qu'il n'y ait eu issue que d'une très-faible quantité d'humeur vitrée.
Hémiplégie gaucbe avec paralysie alterne de la troisième paire droite,
résultant • dun ramollissement du pédoncule cérébral droit; par
M. Oyon.
Le 27 mars 1870, entre dans le service de M. Vulpian à la Pitié la
nommée Ducroquet (Geneviève), âgée de 78 ans : elle présente une
légère hémiplégie à gauche, peut encore serrer légèrement avec la
main gauche et soulever la jambe au-dessus du plan du lit, mais ne
peut marcher ni se tenir debout sans être soutenue; légère paralysie
faciale du même côté ; rien d'appréciable du côté des yeux.
L'intelligence est très-obscurcie ; on ne peut avoir aucun renseigne-
ment précis sur les antécédents.
Le lendemain 28 mars, on constate une aggravation de l'hémiplégie,
surtout marquée au membre supérieur qui est inerte; les doigts seuls
exécutent de petits mouvements de flexion; le membre supérieur peut
encore être soulevé au-dessus du plan du lit, La sensibilité est intacte
des deux côtés. On note un phénomène nouveau, la paralysie de la
troisième paire droite; l'œil est complètement fermé, et quand on sou-
lève la paupière, on constate que les mouvements du globe oculaire
en dedans, en haut et en bas, sont impossibles, ceux en dehors res-
tant seuls possibles. L'iris ne participe pas à la paralysie; la pupille
est contractée, et même plus étroite qu'à gauche.
L'intelligence est plus nette; la malade se plaint de douleurs de tête
dans le côté droit, existant depuis un certain temps; elle raconte que
la veille elle est tombée en sortant de son lit sans pouvoir se relever.
Le même accident lui serait arrivé huit jours auparavant sans qu'il en
soit résulté de paralysie.
Les jours suivants la paralysie devient complète à gauche ; la malade
gâte, et il y a tendance aux eschares des fesses, surtout à gauche.
Môme éiat de l'œil : strabisme externe.
Mort le 10 avril, sans qu'on ait rien constaté d'anormal dans les
différents appareils.
A l'autopsie faite le 11 avril, on trouve les artères de la base plus ou
moins scléro-athéromatheuses sans rétrécissement notable de leur ca-
libre, sauf la cérébrale postérieure droite qui est presque oblitérée.
Dans la partie du pédoncule cérébral droit contiguë à la couche op-
tique, un foyer de ramollissement rouge paraissant de date récente et
68
du volume d'une petite noisette de forme irrégulière; rien dans les au-
tres parties de l'encéphale ni de la moelle.
Le nerf moteur oculaire cornéen droit, pendant l'extraction de l'en-
céphale, a été arraché de ses insertions pédonculaires : examiné au
microscope, il présente des points altérés (état segmenté de la myé-
line) et d'autres où les tubes étaient sains.
Rien de spécial dans les autres organes.
Ce fait présente de l'intérêt à ce point de vue qu'on a pu faire pen-
dant la vie le diagnostic du siège et même de la nature de la lésion
en se fondant sur l'aggravation progressive de l'hémiplégie et l'appari-
tion secondaire de la paralysie alterne de la troisième paire.
Il y a de plus à noter que le nerf moteur oculaire commun était al-
téré comme après une section expérimentale, ainsi que le fait remar
quer M. Vulpian, mais non dans son entier, ce qui peut expliquer l'ab-
sence de paralysie de l'iris et la contraction de la pupille.
Séance du 30 avril.
M. Raymond présente la deuxième partie du Traité cTanatomie vété-
rinaire de M. Leyh, professeur à TÉcole vétérinaire de Sluttgard,
ouvrage traduit par M. Zundel et annoté par M. Ménard.
— M. JoFFROY communique des faits relatifs à l'atrophie aiguë ou chro-
nique des cellules nerveuses de la moelle et du bulbe, à propos d'une
observation de paralysie labio-glosso-laryngée qu'il a faite avec
M. Duchenne (de Boulogne).
M, Charcot appelle l'attention de la Société sur cette communica-
tion, qui paraît établir d'une manière certaine que les cellules mo-
trices de la moelle peuvent s'altérer primitivement; mais M. Charcot
n'adopte pas encore Thypothèse de M. Joffroy, qui dislingue dans les
cornes antérieures de la moelle des cellules motrices présidant au
mouvement et des cellules trophiques présidant à la nutrition, cel-
lules dont la lésion produirait dans les muscles la paralysie ou des
troubles de nutrition.
M. Vulpian n'accepte pas non plus cette distinction des cellules, et
l'on pourrait recourir à l'hypothèse plus simple de deux sortes de lé-
sions des cellules; par exemple on peut, comme l'a dit M. Brown-
Séquard, admettre une atrophie rapide dépendant d'une irritation,
et une atrophie lente et passive. M. Vulpian a remarqué que le muscle
affecté perd en même temps sa contractilité et sa sensibilité dans des
cas où les cellules des cornes antérieures étaient seules atteintes.
69
M. Vulpian a trouvé une altération de la substance grise dans la moelle
de Lecomte, qui avait une atrophie musculaire. Dans un cas d'atro-
phie et de paralysie des deltoïdes, à la suite d'une variole, M. Vulpian
croit à une lésion de la moelle.
M. Charcot fait remarquer qu'on observe quelquefois à côté de l'a-
trophie musculaire progressive des cas d'atrophie musculaire sympto-
matique consécutive soit à une extension en avant de la sclérose des
cordons postérieurs, soit à une compression de la moelle par les fausses
membranes d'une méningite.
M, LiouviLLE observa aussi une atrophie et une paralysie des muscles
de l'épaule à la suite de la variole.
M. Laborde, à propos delà communication de M. Joffroy.fait remar-
quer qu'il est difficile d'admettre que dans la paralysie infantile, toutes
les cellules des cornes antérieures soient prises, quand quarante-huit
heures après tous les symptômes peuvent avoir disparu.
M. Charcot maintient cette opinion que la paralysie infantile est due
à l'atrophie aiguë des cellules des cornes antérieures.
— M. Bert communique les expériences relatives au tic des chiens.
Ainsi que l'a reconnu M. Chauveau, la section de la moelle cervicale
n'a point fait disparaître le tic. Les opiacés à haute dose, le bromure de
potassium, l'éther donné jusqu'à insensibilité de la cornée n'ont point
arrêté le tic. Tandis que le chloroforme le supprime, probablement en
portant son action sur les cellules sensibles de la moelle, la strychine,
au contraire, réveille le tic. Dans un cas de tic des membres anté-
rieurs, M. Bert a découvert la moelle, l'a sectionnée au-dessus et au-des-
sous de la naissance des nerfs des membres antérieurs, puis a sectionné
la moelle dans le sens antéro-postérieur. Les racines postérieures furent
coupées et le cordon postérieur delà moelle fut enlevé; malgré toutes
ces lésions le tic persista. La section des racines antérieures l'arrêta
aussitôt. M. Bert croit que le point de départ de la maladie réside dans
la substance grise et particulièrement dans les cellules sensibles.
M. Vulpian demande à M. Bert quelles sont les raisons qui lui font
placer le siège de la maladie dans les cellules sensibles. M. Bert ré-
pond que le chloroforme et la strychine agissent sur les cellules sensi-
bles ou sur les points de la moelle qui reçoivent les impressions.
M. Legros a fait des recherches analogues avec M. Onimus ; sur des
chiens choréiques, la moelle fut séparée de l'encéphale et l'animal fut
conservé par la respiration artificielle. Les racines postérieures furent
sectionnées, puis avec des ciseaux courbes la partie postérieure de la
moelle fut enlevée; l'ablation des cordons postérieurs fit disparaître le
tic ; un tendon de muscle choréique traçait les mouvements.
70
Sur la moelle mise à nu, MM. Legros et Onimus ont reconnu que le
courant continu ascendant augmente les mouvements choréiques, tan-
dis que le courant descendant les diminue. Quand les mouvements
choréiques sont arrêtés, le courant ascendant même, appliqué de
l'anus à la gueule, les fait reparaître. L'excitation d'une racine posté-
rieure a produit de la contracture dans le membre, puis une augmen-
tation des mouvements choréiques ; la peur arrête ces mouvements.
M. Brown-Séquard fait remarquer que la chorée chez l'homme peut
dépendre d'une irritation de siège très-variable. Ainsi un névrôme
dans un cas observé par Borelli, un ongle incarné dans un autre cas,
ont été le point de départ de la maladie. La chorée doit être considérée
comme une manifestation réflexe dont la cause peut être très-ré-
pandue.
M. Bert ajoute qu'il n'a pas fait l'ablation des cornes postérieures
de la moelle, et qu'il faut se défier quand à la suite d'une lésion les
mouvements du tic disparaissent.
M. VuLPiAN regarde comme très-difficile l'ablation des cordons pos-
térieurs de la moelle sans lésion des cornes postérieures.
M. Trasbot fait remarquer que le tic du chien paraît identique avec
la chorée; cette maladie chez le chien est souvent suivie de lésions
diverses, par exemple d'atrophie des muscles antérieurs.
Le tic des chiens est une maladie qui ne guérit pas, dit M. Brown-
Séquard, tandis que la chorée de l'homme guérit en général, et que les
tics chez l'homme sont incurables.
M. Trasbot répond qu'on a réussi quelquefois à guérir la chorée du
chien à l'aide de la strychnine.
COMPTE RENDU DES SÉANCES
DE
r r
LA SOCIETE DE BIOLOGIE
pendant le mois de mai 1870;
Par m. HAYEM, secrétaire.
PRÉSIDENCE DE M. CL. BERNARD.
Séance du 7 mai.
DES DIFFÉRENCES DE CONTRACTILITÊ SOUS l'iNFLUENCE DES COURANTS INDUITS
ET DES COURANTS CONTINUS; par M. Onimus. ,
Lorsque les muscles sont sains, les contractions les plus fortes ont
lieu avec les courants induits ; les courants continus au contraire ne
déterminent que des contractions très-faibles, et pour les obtenir, il
faut surtout agir sur le trajet des nerfs.
Dans beaucoup de cas, et presque dans tous les états pathologiques,
la proposition précédente est renversée, c'est-à-dire que la contractilité
électro-musculaire devient plus marquée pour les courants continus
que pour les courants induits.
On peut sous ce rapport distinguer trois cas : 1° celui où la contrac-
tilité existe pour les deux sortes de courants, mais où elle est plus pro-
noncée pour les courants continus; 2° celui où la contractilité a dis-
paru pour les courants induits, mais existe encore, quoique faiblement,
pour les courants continus; 3° celui où la contractilité a disparu pour
72
les courants induits et persiste pour les courants continus, même plus
forte que pour les muscles sains.
1° Dans la première série, nous pouvons ranger tous les cas où la
nutrition du muscle a été modifiée. Ainsi, cela s'observe lorsque les
muscles ont été très-fatigués et à la suite d'affections générales comme
la fièvre typhoïde. Il en est de même dans l'atrophie musculaire
progressive. Dans tous ces cas, avec les courants continus, on obtient
des contractions aussi énergiques et même souvent plus énergiques en
électrisant directement les muscles qu'en agissant sur les nerfs, ce qui
n'a jamais lieu à l'état normal.
Après la mort d'un animal, on rencontre des phénomènes du même
genre. A mesure que Tirritabililé musculaire s'affaiblit, on voit que les
cournnts continus déterminent des contractions plus fortes que les cou-
rants induits. 11 arrive un moment où les courants induits ne détermi-
nent plus de contractions, tandis que les courants continus en provo-
quent même de très-manifestes. Nous avons eu l'occasion d'observer
ces phénomènes chez l'homme.
La même différence d'action des courants électriques a lieu pour les
muscles des embryons.
2° Dans les cas de dégénérescence granuleuse des muscles avant
l'altération complète ou lorsque celle-ci vient à s'amender et que la
fibre musculaire recouvre peu à peu sa structure, on obtient encore les
courants continus des contractions, tandis qu'on n'en obtient plus avec
les courants induits.
Lorsque la guérison a lieu, le retour des contractions volontaires, et
de celles produites par les courants induits, est presque toujours pré-
cédé du rétablissement de la contractilité pour les courants continus.
Dans la paralysie infantile, dans les paralysies saturnines, dans des
atrophies consécutives à des sciatiques, on observe également que la
contractilité abolie pour les' courants induits persiste pour les courants
continus.
3" Dans certains cas de paralysie rhumatismale et de paralysie trau-
matique, la contractilité abolie pour les courants induits, non-seulement
existe pour les courants continus, mais est plus grande que pour les
muscles homologues sains.
L'époque de la maladie influe beaucoup sur les phénomènes obser-
vés. C'est ainsi que dans un cas de paralysie rhumatismale du nerf
facial, nous avons observé :
Sous le rapport des interruptions des courants, qu'au début de la
paralysie et jusqu'au moment où les mouvements volontaires sont re-
venus, les courants induits, même en employant des interruptions très-
lentes, n'ont pas d'action sur les fibres musculaires paralysées.
73
Que pour les courants continus, en dehors de la paralysie, on ob-
tient encore des contractions en faisant 50 à 60 interruptions par
seconde. Un mois après, les contractions par ces mêmes courants dis-
paraissent si on dépasse 4 à 8 interruptions par seconde.
Lorsque les contractions volontaires réapparaissent, les interruptions
peuvent de même être plus rapides, elles peuvent être de 40 à 50 par
seconde, ei devenir encore plus fréquentes à mesure que la pression
devient de plus en plus complète.
Sous le rapport de Vinfluence des pôles, le pôle positif qui, sur les
muscles sains donne des contractions moins fortes que le pôle négatif,
agit au contraire plus énergiquement sur les muscles paralysés, au
moins pendant un certain temps.
Sous le rapport de C intensité du courant, il faut toujours un cou-
rant moins fort pour les muscles paralysés que pour les muscles ho-
mologues sains. Tandis qu'il faut dix-huit éléments pour déterminer la
contraction de ces derniers, il ne faut employer pour les muscles pa-
ralysés que douze, huit et même quatre éléments. Plus la paralysie
est complète, moins le courant a besoin d'être intense.
La forme de la contraction diffère à ces différentes périodes; elle
s'éloigne peu à peu de la forme de la coatraction des muscles striés
pour se rapprocher de celle des muscles lisses; elle devient lente et
progressive. De plus, la fibre musculaire qui se contracte ainsi sous
l'influence des courants continus reste en partie contractée pendant
tout le temps que le courant est appliqué.
M. Charcot fait observer que plusieurs des points qui sont mis en
lumière dans le travail de M. Onimus, ont été déjà énoncés par divers
auteurs allemands, et que rien n'est mieux démontré actuellement que
le fait de contractions musculaires obtenues par les courants continus,
alors que les courants interrompus ne donnent plus rien.
M. Brown-Séquard rappelle, relativement à l'influence des divers ex-
citants musculaires, que, en 1849 et 1851, il a établi, par des expé-
riences faites sur des suppliciés et de grands animaux, qu'au moment
où la rigidité cadavérique va se montrer, les courants indirects les
plus forts ne produisent aucun effet, alors que le choc des muscles dé-
termine encore une contraction.
Ce fait a été depuis vérifié par.un grand nombre d'expérimentateurs,
et en supposant même, comme M. Chauveau a cherché à le démontrer,
que le galvanisme agisse mécaniquement comme un choc, il existe des
différences importantes entre les résultats obtenus par les diverses es-
pèces d'excitants. Chez l'homme vivant, dans certains cas pathologi-
ques où l'irritabilité musculaire est altérée (dans la phthisie, la pleu-
résie chronique, etc.) un choc léger sur les muscles du thorax peut
luulLiBRARr '^
5^'/S5' A S©i '^ ^
74
produire un état de contraction locale analogue à celle qui se produit
après la mort lorsque la rigidité cadavérique s'approche. Ce phéno-
mène, qui a de l'analogie avec ce que Trousseau a décrit sous le nom
de tétanie, s'observe particulièrement sous l'influence d'un état ané-
mique.
A propos de cette question, le même observateur déclare qu'il ne
s'explique pas comment la volonté peut faire contracter des muscles
qui refusent de réagir sous l'influence des courants induits, ainsi que
M. DuGhennedit l'avoir observé dans certaines paralysies faciales par
exemple. Il est probable que ces faits n'ont pas été l'objet d'une étude
assez attentive. D'autre part, M. Brown-Séquard a vu également des
muscles atrophiés se contracter sous l'influence de courants faibles et
incapables d'agir sur des muscles sains, fait qui démontre que l'excita-
bilité peut être plus grande dans un muscle faible que dans un muscle
fort.
M. Onimus a constamment vu les muscles qui se contractent sous
l'empire de la volonté entrer aussi en contraction lorsqu'on emploie
des courants suffisamment forts. D'une manière générale, la force du
courant est en rapport avec le nombre des fibres qui se contractent.
M. "VcLPiAN, à l'appui des propositions énoncées par M. Brown-Sé-
quard, dit qu'il a eu l'occasion, et cela un grand nombre de fois, de
constater que l'action mécanique possède encore un certain eff"et, alors
que les courants induits ou continus n'en ont plus.
Il ajoute qu'après les lésions des nerfs, contrairement à ce que plu-
sieurs auteurs ont avancé, la contractilité ne se perd pas. Cependant
on sait que dans ces cas les muscles s'altèrent; mais si, au lieu d'agir à
travers les téguments, on met les fibres musculaires à nu, on peut se
convaincre de la persistance de la contractilité sous l'influence des
courants continus (pinces de Pulvermacher).
Dans les conditions où l'on se trouve pour juger la question chez
l'homme^ on peut dire que l'électricité n'agit plus. La contractilité
électrique n'est pas perdue, mais elle est effectivement amoindrie.
M. Laborde fait remarquer que, ainsi qu'il l'a déjà démontré avec
M. Leven, le chlorure de codéine est un excitant très-précieux de la
contractilité musculaire, et dont l'action se produit même dans les cas
où des courants électriques induits ne paraissent plus avoir d'effet. Ce
réactif peut montrer, par exemple, que dans des cas d'atrophie et d'al-
tération de structure des muscles, à la suite de section de nerfs mixtes,
notamment du sciatique, la contractilité musculaire est en réalité abolie
partiellement dans ces muscles qui semblent cependant, sous l'in-
fluence d'un excitant général comme l'électricité, avoir conservé leur
.X vj--.
75
propriété physiologique entière; résultat, d'ailleurs en harmonie avec
celui de l'examen histologique, qui révèle des altérations de structure
plus ou moins avancées d'un plus ou moins grand nombre de fibres
musculaires, tandis que d'autres restent à peu près saines : ces der-
nières seules sont eontraclUes.
Note sur l'influence de la menstruation sur la nutrition, le pouls
ET LA TEMPERATURE, par le docteur Rabuteau,
Lorsque l'homme est soumis à un régime identique, il élimine, à
l'état normal, par les urines une quantité d'urée qui est sensiblement
constante. Ayant exécuté dans ces trois dernières années plus de
800 dosages d'urée, j'ai pu constater sur une vaste échelle ce fait qui
est devenu pour moi un axiome. Aussi peut-on faire sur l'homme des
expériences prolongées dans le but de reconnaître l'action d'un médi-
cament sur la nutrition.
Il n'en est pas de même chez la femme. Bien que soumise à un ré-
gime identique, elle n'élimine pas constamment la même quantité
d'urée. Ce fait même m'avait embarrassé d'abord, mais j'en ai bientôt
découvert la cause dans la menstruation.
Dans ces derniers temps, une jeune femme a bien voulu m'aider
dans mes recherches, en essayant sur elle-même deux médicaments.
Les expériences faites à ce sujet ont été divisées en trois périodes,
pendant lesquelles elle a suivi le même régime. Elle n'a pas pris de
médicaments pendant la première période, afin qu'il me fût possible de
déterminer la quantité normale d'urée rendue chaque jour, et de re-
connaître les changements qu'apporteraient ces agents dans les com-
bustions pendant la seconde période ; enfin, pendant la dernière, elle
n'a pas pris non plus de médicament.
Je rapporterai ailleurs les expériences dont il est question dans cette
note. Je me bornerai pour le moment à insister sur les résultats acquis
pendant les périodes où l'organisme n'était sous l'influence d'aucune
substance étrangère.
Les températures ont été prises dans le vagin.
Urée des 24 heures. Pouls Température
Grammes. à 8 h. du matin. à 8 h. du matin.
Le 20 mars .. 70 37°,50
21 » 67 37%50
22 » ...o. 68 37°,60
23 23,77 68 37°,50
24 23,50 67 37°, 40
25 23,00 65 37",35
26 18,38 63 37",30
76
Les règles commencent le 26 mars et cessent le 31. Pendant ce
temps les urines ne sont pas recueillies à cause du sang qu'elles con-
tiennent.
Urée. Pouls. Température.
Grammes.
Le 27 mars » » 37%28
28 » » 37°,10
29 » » »
30 » 60 37%05
31 » » »
Le 1" avril » » 37°,i8
2 « » 37%20
3 » » 37M5
4 17,14 63 37%15
5 17,21 65 37-',15
6 18,32 71 3T°,30
7 17,75 70 37%26
8 18,02 68 37%45
9 20,08 70 37°,30
10 20,00 69 37% 40
Je me dispenserai de citer les chiffrés trouvés du M au 21 avril,
période au commencement de laquelle l'ingestion d'un sel dont je re-
cherche l'action avait modifié la nutrition. Mais le 21 l'urée s'est
élevée au chiffre ordinaire. Il en a été de même le lendemain et il en
aurait été sans doute de même aussi les jours suivants si l'influence
des règles ne s'était déjà fait sentir deux jours avant leur apparition
qui a eu' lieu le 24.
Urée. Pouls. Température.
Grammes.
Le 21 avril 19,02 68 37%50
22 19,05 55 37°,40
23 16,73 64 37%25
24 15,28 ..... 62 37%20
25 » 59
Tels sont les premiers faits que j'ai à signaler. J'aurais désiré suivre
avec plus de soin la dernière observation où l'on voit d'une manière
nette la diminution de l'urée, du pouls et de la température. Mais je
me propose de continuer mes recherches malgré les difficulté qu'elles
présentent.
En résumé :
1° Sous l'influence de la menstruation la nutrition se ralentit; le
pouls s'abaisse, et la température diminue chez la femme. D'après les
ÎV
77
chiffres indiqués plus haut, l'urée a diminué de plus de 20 pour 100,
le nombre des pulsations de plus de 10, et enfin la température s'est
abaissée d'un demi-degré.
2° Ces effets physiologiques se manifestent même avant l'apparition
des règles et persistent quelques jours après leur cessation.
Recherches sur l'action des caféiques sur la nutrition,
par le docteur Rabuteau.
Le groupe des caféiques, créé par M. Bouchardat, comprend le café,
le thé proprement dit, le thé du Paraguay et le guarana, qui renfer-
ment un même alcaloïde, la caféine. Toutes ces substances paraissent
posséder les mêmes propriétés physiologiques, mais une seule d'entre
elles, le café, a attiré l'attention des expérimentateurs. Toutefois, les
recherches faites sur cette dernière substance sont encore peu nom-
breuses, et la caféine a été étudiée plutôt au point de vue toxique
qu'au point de vue physiologique.
Dans des expériences inédites auxquelles j'ai pris part, l'un de mes
élèves et ami, M. Eustratiade, a étudié sur lui-même l'action du café
torréfié et de la caféine, au point de vue de la nutrition. Il a trouvé
une diminution très-notable de l'urée après avoir pris des doses assez
fortes de. ces agents. C'est pour compléter son travail que j'ai entrepris
des recherches dont j'offre aujourd'hui les prémices. Je me suis pro-
posé en effet d'étudier tous les caféiques, et j'ai commencé par le thé
et par le café vert pris en infusion à des doses faibles.
L'expérience que j'ai faite sur moi-même a été divisée en cinq pé-
riodes, durant lesquelles j'ai suivi un régime identique. Pendant la
première, la troisième et la cinquième période, j'ai suivi mon régime
ordinaire , mais pendant la deuxième j'ai pris trois fois par jour, le
matin, à midi, et le soir, une infusion de 5 grammes de thé hyson, et,
pendant le quatrième, j'ai pris de même une infusion de 5 grammes de
café vert. Par ce moyen il m'a été facile de déterminer les effets de
ces deux agents sur les combustions et sur la circulation.
Le tableau suivant contient les résultats auxquels je suis arrivé.
1" période. — Régime ordinaire.
Dates. Urines des 24 heures. Urée totale. Pouls.
Du 4 au 5 avril 1175 24,12 »
5-6 — 1231 23,93 73
6 — 7 - 1150 25,83 »
7 — 8 — 1030 2û,36 75
8 — 9 - 1045 26,66 75
moyenne 1126 24,98 74
78
2* période. — 15 grammes de thé par jour.
Dates.
Urines des 24 heures.
Urée totale.
Pouls.
9 - 10 - .
. . . .
•1200 ....
. 26,32
67
10 - 11 - .
. • . .
1227 ....
.. 25,20
63
11 - 12 — .
• . . .
1055 ....
,. 23,26
64
12 - 13 - .
• • . .
1045 ....
.. 20,27
63
13 — 14 — .
. . • 0
1196 ....
,. 23,16
63
moyenne.
. . . .
1145 ....
,. 23,64
64
3* péi
■iode.
— Régime
ordinaire.
14 — 15 - .
1080 ...,
,. 25,49
67
15 - 16 — .
• • • •
1180 ...,
.. 25,94
69
16 — 17 — .
• • • •
961 ....
.. 24,52
»
17 — 18 - .
• • • •
1078 ...,
.. 24,54
68
18 — 19 — .
< • • •
930 ...
.. 24,49
, . 25,00 ...,.
67
moyenne.
1046 ....
68
4' période. —
15 grammes de café vert.
19 — 20 - .
• « • ■
1430 ...
. . 22,23
60
20 — 21 — .
• • • •
1152 ...
.. 23,00
62
21 — 22 - .
• • • •
1098 ...
.. 22,02
60
22 — 23 - .
• • • •
1500 ...
.. 20,16 .....
65
23 — 24 - .
• • • •
1114 ...
.. 21,59
. 21,80
64
moyenne.
1259 ....
62
5° péi
riode.
. — Eégime
ordinaire.
Du 24 au 25 — .
• . * >
1350 ...
.. 26,01
»
25 _ 26 - .
....
1247 ...
.. 28,15
71
26 — 27 — .
. . • .
1082 ...
.. 26,50
64
27 - 28 - .
. . . .
1242 . . . ,
.. 26,33
71
28 — 29 — .
. . . .
1290 ...
,. 23,90
.. 26,18
71
moyenne.
1242 ...,
69
La comparaison des moyennes inscrites dans la deuxième colonne
de ce tableau nous apprend que le thé et le café vert, pris aux doses
indiquées, ont agi comme de faibles diurétiques. Cependant il ne fau-
drait pas croire que ces deux substances fussent complètement dénuées
du pouvoir d'activer la fonction rénale. Afin de mieux mettre en évi-
dence leurs propriétés diurétiques, j'ai suivi une méthode que j'ai
adoptée dans une étude de tous les agents réputés diurétiques, étude
qui sera publiée plus tard.
On dit souvent, et je suis parfois de cet avis, que les diurétiques
79
n'agissent que par l'eau qui leur sert de véhicule, qu'en d'autres termes
l'eau seule est un véritable diurétique. Cette proposition est évidem-
ment exagérée dans la plupart des cas. Pour dégager la vérité, il faut
suivre une certaine méthode; voici celle que j'ai adoptée dans un grand
nombre de cas.
Je prends le matin à jeun une certaine quantité d'eau, 200 grammes
par exemple, après avoir eu soin d'uriner. Puis, trois heures après, je
recueille mes urines. D'autres fois je bois de même le matin et à jeun
200 grammes d'eau contenant la substance dont, j'étudie les propriétés
diurétiques et je recueille les urines éliminées pendant les trois heures
suivantes. Il est évident que si j'obtiens dans ce dernier cas une plus
grande quantité d'urine, la substance ingérée a agi comme diurétique.
En procédant de cette manière dans l'étude du thé et du café vert,
je suis arrivé aux résultats suivants :
1° Du 4 au 8 avril inclusivement ayantbu chaque matin, à huitheures,
200 grammes d'eau ordinaire, la moyenne des urines éliminées de huit
heures à onze heures a été de 113 grammes.
2° Du 8 au 13, c'est-à-dire pendant la deuxième période, la quantité
moyenne des urines éliminées pendant le même temps a été de 129
grammes après avoir pris 200 grammes d'une infusion préparée avec
5 grammes de thé.
3" Du 13 au 18, j'ai bu de l'eau, et la moyenne a été de 127 grammes.
Du 18 au 23 j'ai bu 200 grammes d'une infusion faite avec 5 grammes
de café vert, et la moyenne obtenue a été de 137 grammes.
Enfin, du 23 au 28, sous l'influence de 200 grammes d'eau, la
moyenne des urines éliminées de même pendant trois heures a été de
111 grammes.
On voit d'après ces chiffres que le thé et le café en infusion, à la dose
de 5 grammes , n'ont encore exercé qu'une faible action diurétique.
Si après l'ingestion d'une tasse de café on ressent davantage le besoin
d'uriner, ce besoin est moins produit par la répléiion de la vessie que
par une excitation des fibres de cet organe, excitation produite par la
caféine, qui a la propriété de faire contracter les fibres musculaires
et de produire même du tétanos lorsqu'elle a été ingérée à dose toxi-
que. Je ferai la même observation au sujet du thé.
Le thé elle café vert ont diminué l'urée. Toutefois, l'action de
cette dernière substance a été beaucoup plus marquée que celle de la
première.
En prenant la moyenne des nombres 24,98, 25,00 et 26,18, on trouve
le nombre 25,38 qui indique la quantité moyenne de l'urée éliminée
pendant le régime ordinaire. Or, en comparant ce dernier nombre et
les chiffres 23,64 et 21,80 trouvés pendant la troisième et la quatrième
80
période de l'expérience, on trouve que le thé pris en infusion à la
dose de 15 grammes n'a diminué Curée que de 6,85 pour 100, tandis
que le café vert, pris à la même dose, a diminué ce principe de 14,11
pour 100.
Le pouls a subi des variations correspondantes à celles de l'urée, et
c'est le café qui a produit encore ici le maximum d'effet. Il est infini-
ment probable que si j'avais dosé l'acide carbonique éliminé par les
voies respiratoires, j'aurais trouvé des variations analogues; c'est ce
que je ferai bientôt.
Enfin, je ferai remarquer que les effets observés se sont manifestés
dès le jour où j'ai pris ces deux substances, et qu'ils ont disparu dès le
moment que j'ai cessé d'en faire usage.
Le thé et le café, diminuant l'urée, ralentissent les combustions,
étant de véritables médicaments d'épargne, suivant l'expression de
M. Sée. Ils sont utiles aux gens dont l'alimentation est insuffisante,
aux travailleurs exposés à de grandes fatigues. On s'explique ainsi
comment les mineurs belges, avec une ration alimentaire très-inférieure
à la ration ordinaire, peuvent conserver la santé et une grande vigueur
de forces musculaires. Tandis que les religieux de la Trappe absorbent
15 grammes d'azote chaque jour par les aliments, les mineurs belges
n'absorbent que 14^'',80 de ce principe, mais ils prennent chaque jour
deux litres d'une infusion de café.
— M. Brown-Séquard fait voir à la Société un cochon d'Inde sur le-
quel il a pratiqué la section de quelques-unes des racines du sciatique
et la compression de la moelle épinière. L'opération a eu pour résultat
une paralysie des deux membres inférieurs, de la vessie et du rectum.
Le fait important sur lequel l'expérimentateur appelle l'attention est
celui-ci : on peut voir à la partie postérieure des pattes de petites
eschares recouvertes de croûtes sanguinolentes. Ces lésions de nutri-
tion ont présenté d'abord l'apparence de petites vésicules et elles ont
pris naissance dans l'espace de quarante-huit heures dans des points
qui n'ont subi aucune compression; il faut donc admettre qu'elles sont
dues à l'influence du système nerveux; et il est probable, vu les phé-
nomènes qui ont été observés, qu'elles sont la conséquence d'une
irritation de la moelle épinière et de ses nerfs. Il y a eu en effet dans
les membres malades avec une augmentation de température, une
atrophie excessivement rapide, des soubresauts convulsifs et des roi-
deurs (1). Ce fait est extrêmement important quand on le met en re-
(1) Cet animal a été tué quelque temps après, et M. Pierret a constaté
l'existence d'une myélite.
81
gard des cas de simple paralysie à la suite de la section de la moelle
épinière ou de ses nerfs. Dans le cas de paralysie sans irritation il y a
atrophie musculaire lente, sans autre altération de nutrition; dans les
cas d'irritation de la moelle ou de ses nerfs, il y a, au contraire, une
atrophie musculaire excessivement rapide avec ulcérations, hémor-
rhagies et d'autres altérations de nutrition.
M. Laborde fait observer que dans tous ces cas on trouve une élé-
vation de la température dans les membres; mais bientôt après ce
premier effet, il survient une diminution de température, qui une fois
déclarée persiste pendant très-longtemps.
— M. MuRON présente des pièces anatomiques relatives à un cas de
suppuration du liquide encéphalo-rachidien surveuue chez un individu
cachectique.
La séance est levée à cincj heures et demie.
Séance du 14 mai.
M. Buown-Séquard, à propos du procès-verbal de la dernière séance,
signale une cicatrisation rapide d'une plaie siégeant chez un cochon
d'Inde au voisinage de l'urètre; malgré le contact de l'urine; cette plaie
n'avait pas été produite par pression.
— M. Legros a reçu du Gabon deux poisons différents : l'un sert à
prendre les éléphants ; c'est une écorce que l'on jette dans les mares
où boivent ces animaux, et qui produit leur engourdissement. M. Legros,
avec l'extrait de cette écorce, a pu aussi endormir des animaux.
Le second poison se trouve sur des flèches; il s'appelle Inné; en-
foncée dans la cuisse d'un chien, une flèche l'a tué en huit minutes.
Quand on place ce poison sous la peau d'une grenouille, on voit bien-
tôt le cœur s'arrêter en systole, et l'animal continue à sauter; pour
M. Legros, la cause de la mort qui survient bientôt c'est l'arrêt du
cœur.
M. Brown-Séquard trouve étonnant que le poison produise des cram-
pes sur le cœur et n'agisse pas sur les autres muscles. L'explication
de l'arrêt du cœur ne pourrait être donnée, dit M. Brown-Séquard,
que si le poison produit d'abord des mouvements très-violents du cœur,
car on sait que des excitations galvaniques répétées font apparaître
dans le cœur la rigidité cadavérique au bout de huit à dix minutes.
M. Leven dit qu'on ne connaît pas de substance toxique qui tue par
contracture du cœur.
c. R. 1870. 6
82
M. Bert, eu examinant les deux grenouilles présentées par M. Le-
gros à l'appui de son opinion, voit disparaître très-vite les mauvements
réflexes et les mouvements volontaires, puis les mouvements respira-
toires s'arrêtent; le nerf sciatique perd la motricité et les muscles leur
contractilité, et cependant le cœur continue à battre; ainsi le poison
ne paraît pas agir primitivement sur le cœur.
M. Legros répond que les grenouilles ont été empoisonnées inégale-
ment par une môme flèche, et qu'il a vu chez d'autres animaux le cœur
s'arrêter définitivement. Les expériences seront répétées.
M. Brown-Séquard a vu en 1858 que la piqûre du bulbe rachidien
au voisinage du nœud vital peut être suivie d'une aff"ection convulsive.
Récemment, M. Brown-Séquard a vu survenir des signes d'épilepsie,
chez le cochon d'Inde, douze jours après la lésion dundes cordons pos-
térieurs de la moelle épinière,juste au-dessus de Torigine de la seconde
paire cervicale, c'est-à-dire au milieu de la partie du centre nerveux
donnant origine aux nerfs de la zone épileptogène. Le fait remarquable
chez cet animal est que la peau de la face, de même que celle du
cou et de l'épaule animée par la troisième et la quatrième paire cer-
vicale possèdent la faculté épileptogène. L'irritation du cordon posté-
rieur s'est transmise au siège de l'épilepsie, qui, chez les cobayes, est
situé dans la moelle épinière près du bulbe, et de là s'est transmise à
la peau de la face et du cou y produisant la faculté épileptogène.
M. Brown-Séquard n'admet pas, avec Nothnagel, que la lésion du pont
de Varole produise l'épilepsie. Quand on coupe le nerf sciatique, une
irritation est transmise vers le siège central de l'épilepsie et de là une
autre irriiatton est envoyée à la zone épileptogène où elle modifie la
nutrition.
M. Brown-Séquard rappelle les faits de M. Moreau et de M. Prompt,
démontrant que la ligature de certaines artères a été suivie de con-
gestion des viscères ; après la ligature de l'artère splénique, M. Moreau
a vu la rate se congestionner. M. Prompt, après la ligature de l'artère
rénale, a observé une congestion du rein. M, Brown-Séquard a ob-
servé une congestion du foie après la ligature de la veine-porte;
dans ces phénomènes, M. Brown-Séquard fait jouer un rôle aux nerfs
vaso-moteurs et au reflux du sang par les veines. Pour expliquer
l'élévation de température dans un membre après la ligature de l'ar-
tère principale, M. Brown-Séquard remarque que la ligature paralyse
les nerfs vaso-moteurs qui se distribuent à toutes les branches. Si au
contraire l'artère est oblitérée, sans que les nerfs soient atteints, la
congestion et l'élévation de la température n'ont pas lieu. C'est ce
que M. Brown-Séquard et M. Charcot ont observé chez un malade de
M. OUivier; un caillot avait oblitéré l'artère fémorale, le membre pré-
sentait une diminution de tempéiatiire, ici les nerfs vaso-moteurs
étaient restes intacts.
Si l'on pouvait lier une artère rénale et oblitérer l'autre par un bou-
chon, il est probable, dit M. Brown-Séquard que le premier rein serait
seul congestionné.
M. VuLPiAN croit que M. Brown-Séquard se rattache à cette opinion,
qu'après la ligature des artères le sang retourne par les veines; c'est
ainsi que M. Vulpian a expliqué ce fait de MM. Prévost et Cotard,
dans lequel une portion de la rate s'est congestionnée immédiatement
a la suite d'une embolie par l'artère; M. Vulpian a parlé aussi de l'ir-
ritation qui se fait par suite de l'anémie locale, et qui pourrait être
une cause d'appel de sang et une cause de dilatation des vaisseaux par
action réflexe.
M. Brown-Séquard répond que les faits dont il a parlé sont tout à
fait différents de ceux de MM. Prévost et Cotard, dans lesquels il ne
s'agit que d'une partie d'un viscère. Quant à l'appel du sang, qui le fait
affluer dans les parties irritées, il est incontestable, et c'est en grande
partie à cause de cette attraction du sang qu'est due l'hyperémie à
l'entour des infarctus viscéraux dans les expériences de MM. Prévost
et Cotard. Dans l'expérience célèbre de M. A. Bernard sur les glandes
salivaires, il est évident que les échanges entre le sang et les tissus
sont activés et qu'il y a une attraction du sang dans les tissus. A pro-
pos du rôle important que M. Brown-Séquard fait jouer aux nerfs vaso-
moteurs, M. Bert rappelle qu'il a enlevé tous les nerfs des reins, qu'il
a même gratté l'artère et qu'il n'y a eu aucune altération des reins.
M. Brown-Séquard a constaté le même fait, et les animaux ont sur-
vécu à la section des nerfs des reins; mais la section des nerfs n'est
pas la même opération que la ligature de l'artère. M. Brown-Séquard
a toujours observé une légère congestion du rein à la suite de la sec-
lion des nerfs. M. Ranvier a répété aussi l'expérience de Mûller et n'a
point obtenu la destruction du rein à la suite de la section des nerfs.
M. Legros dit que dans les faits de ligature des artères on ne tient
pas assez compte des circulations collatérales; quand on lie la veine-
porte, le sang arrive par l'artère hépatique.
Pour M. Brown-Séquard, il y a deux causes d'augmentation du sang
après la ligature des artères, il y a reflux du sang par les veines et
afflux de ce liquide par les voies collatérales.
M. MuRON mentionne l'observation d'un cas de suppuration du li-
quide céphalo-rachidien chez un individu atteint de rétention d'urine.
84
Séance du 21 mai.
M. Legros, à l'occasion du procès-verbal do la dernière séance, an-
nonce qu'il a repris ses expériences avec le poison des flèches du
Gabon, et qu'il a obtenu constamment l'arrêt du cœur en systole;
M. Legros montre ce résultat à la Société.
M. Bert a essayé le même poison sur deux chats; le premier est
mort au bout de vingt minutes; le cœur était arrêté en contraction
complète; les nerfs et les muscles possédaient encore leurs propriétés.
Chez le second animal, la mort survint au bout d'une heure; à l'ouver-
ture de la poitrine, on vit les ventricules arrêtés, le droit en diastole,
le gauche en demi-systole; très-rapidement les ventricules devinrent
contractés et rigides. Les faits observés par M. Bert à la dernière
séance sur les deux grenouilles présentées par M. Legros étaient donc
exceptionnels.
M. Legbos. m. Bert considère la systole du cœur comme un phéno-
mène de rigidité cadavérique, mais je persiste à croire que c'est un
phénomène actif, et que le cœur s'arrête en systole.
Relativement à la rapidité de l'apparition de la rigidité cadavérique,
M. Carville parle d'une expérience qui consiste à faire tourner rapi-
dement un lapin tenu par les mem.bres postérieurs ; la mort survient au
bout de cinq minutes ; il y a des hémorrhagies cérébrales, et la rigidité
cadavérique se produit dans les membres postérieurs au bout de trois
minutes.
— M. Hayem communique le résultat de ses études sur les premières
phases des abcès métastatiques du foie.
Ces recherches ont été faites sur des foies d'individus morts d'infec-
tion ou fièvre purulente à une période plus ou moins avancée, et pré-
sentant presque toujours des abcès métastatiques dans divers organes.
Parmi les pièces que M. Hayem a examinées, les unes provenaient du
service de M. Yerneuil, les autres lui ont été communiquées par
M. Trersier, interne dans le service de M. Guérin à l'hôpital Saint-
Louis.
Les lésions métastatiques débutent par des taches pâles, d'un blanc
grisâtre ou jaunâtre. Ces taches, constituées par des acini décolorés,
dispersées çà et là dans un tissu plus ou moins congestionné, sont en
général groupées autour des ramifications secondaires de la veine-
porte, dans lesquelles on aperçoit à l'œil nu ou avec la loupe des coa-
gulations sanguines. Dans quelques cas les foyers anémiques occupent
une étendue assez considérable, et roblitération porte sur des bran-
85
ches veineuses de moyen calibre. Ils forment alors des taches d'un
blanc jaunâtre en nombre variable, occupant souvent la surface de
l'organe et présentant l'aspect d'infarctus décolorés. Leur forme est
irrégulière, feslonnée sur les bords, mais toujours plus large à la péri-
phérie que dans la profondeur de l'organe.
Autour des acini décolorés ou de ces infarctus, il y a quelquefois
un peu d'extravasation sanguine; mais le plus souvent le tissu hépati-
que paraît tout à fait normal, et l'oi^ passe brusquement de la partie
saine à celle qui est malade.
Dans un cas, le foie contenait une quantité innombrable de petits
foyers d'un blanc jaunâtre ressemblant à de très-fines granulations mi-
liaires, mais ne faisant aucune saillie à la surface des coupes.
Les altérations microscopiques étaient les mêmes dans tous les faits;
elles peuvent se résumer ainsi :
Tous les vaisseaux capillaires des parties décolorées sont remplis de
globules blancs du sang, de telle sorte que, dans l'épaisseur des aci-
ni, les trabécules de cellules hépatiques sont aussi nettement séparées
que dans un foie parfaitement injecté, tant sont nombreux les globules
blancs pressés entre ces cellules. En même temps on trouve dans les
veines qui accompagnent les ramifications de la capsule de Glisson
(extra-lobulaires), des caillots composés surtout de fibrine et de quel-
ques globules blancs et rouges.
Les veines sus-hépatiques (intra-lobulaires) sont libres ou bien rem-
plies également de sang coagulé; quelques-unes de globules blancs. Il
existe aussi dans certains points, autour des petits vaisseaux et entre
les éléments de la capsule de Glisson, une infiltration de leucocytes.
Les gros caillots visibles à l'œil nu, occupant de grosses branches vei-
neuses, siègent presque tous dans les rameaux de la veine-porte ;
quelquefois cependant dans les veines sus-hépatiques; mais M. Hayem
n'en a pas encore vu dans les artères.
Lorsque les altérations sont plus avancées, on trouve alors, surtout
à la périphérie des lobules, des amas plus ou moins considérables de
leucocytes qui remplissent complètement le tissu du foie. Ces amas
constituent d'abord une sorte d'infiltration purulente, au niveau de la-
quelle les cellules disparaissent peu à peu par atrophie granuleuse;
plus tard on voit apparaître dans les points qui répondent aux petits
abcès miliaires visibles à l'œil nu, des espaces parfaitement réguliers,
arrondis, composés uniquement de leucocytes pressés les uns contre
les autres. Les cellules hépatiques qui sont directement en rapport
avec ces foyers sont atrophiées ; mais dans une étendue qui ne dépasse
pas l'épaisseur d'une à deux cellules. Les autres éléments du foie sont
parfaitement sains, de sorte que les abcès paraissent être creusés
86
comme à 1 emporte-pièce, au milieu d'un tissu tout à fait normal. Sur
des coupes fines, après le durcissement du foie dans l'alcool, il est fa-
cile de remarquer que les abcès proviennent de l'accumulation, à la
périphérie des lobules, des leucocytes qui sont passés en si grand
nombre dans les réseaux capillaires, et qui, à mesure qu'ils s'extrava-
senl, forment des amas d'abord diffus, puis réguliers, au niveau des-
quels les cellules du foie sont complètement détruites.
Pendant que M. Hayem faisait «es études, M. Vulpian a recueilli de
son côté, à la Pitié, plusieurs foies d'individus morts d'infection puru-
lente, et il y a trouvé des altérations complètement semblables, et sur-
tout des foyers anémiques dus à des coagulations du sang dans les vei-
nes, et au sein desquels les trabécules cellulaires étaient séparées par
des traînées de leucocytes.
Ces résultats anatomiques paraissent donc toujours être les mêm(.'s,
toutes les fois que l'abcès métastatique n'est pas encore complètement
constitué. Il serait facile de faire voir combien ils viennent à rencon-
tre des théories les plus récentes émises sur le mode de formation des
abcès métastaliques. Mais sans entrer pour le moment dans la discus-
sion de ces théories, M. Hayem insiste sur la nouveauté des détails
anatomiques que révèlent ces faits, et particulièrement sur la coagula-
tion précoce du sang dans les veines, et, d'autre part, l'accumulation
des globules blancs dans les capillaires et entre les trabécules. Ce der-
nier phénomène est en rapport avec la théorie de la suppuration par
émigration des globules blancs.
M. Hayem, en continuant cette étude sur le foie et d'autres organes,
espère pouvoir indiquer plus tard le point de départ exact de ces lé-
sions.
— M. Brown-Séquard présente sept cochons d'Inde qui sont morts très-
rapidement à la suite de lésions de la base de l'encéphale; chez tous
ces animaux on trouve des hémorrhagies des poumons, et chez quel-
ques-uns de l'emphysème. Cependant, chez six d'entre eux, les mou-
vements volontaires et les mouvements de la respiration se sont arrê-
tés immédiatement.
M. Charcot a observé dans certains cas d'hémorrhagie cérébrale des
ecchymoses à la face interne du cœur et dans l'estomac.
M. Bro\v\-Séquard ne croit pas qu'une paralysie vasculaire puisse
produire des hémorrhagies.
M. LiouviLLE, chez des malades morts à la suite d'attaques violentes
d épilepsie, a constaté des ecchymoses et des hémorrhagies dans les
poumons et le cœur ; dans certains cas de variole grave, IM. Liouville a
vu des hémorrhagies dans le corps thyroïde.
87
M. BrowN'Séquard trouve les faits relatifs à l'épilepsie différents de
ceux qu'il a observés; car les convulsions, l'asphyxie, la compres-
sion des poumons peuvent servir à expliquer les lésions observées à la
suite de l'épilepsie.
M. Ranvier rappelle que Troja, à la suite de l'asphyxie par le charbon ,
a trouvé des ecchymoses et des perforations du poumon; lorsqu'on
produit lentement l'asphyxie chez les animaux, on obtient ces ecchy-
moses et ces perforations dont le mécanisme est encore inconnu.
M. Brown-Séquard fait remarquer que chez les animaux qu'il montre
et qui succombent sans convulsions à la suite de lésion de la protu-
bérance ou d'ablation du cervelet, la rigidité cadavérique n'existe pas
encore, bien que leur mort date déjà de plusieurs heures.
M. Brown-Séquard, en vue de produire l'épilepsie, a pratiqué chez
des cochons d'Inde des ligatures des membres inférieurs qui ont été
suivies de gangrène ; ceux qui ont perdu entièrement le pied présentent
des attaques convulsives comme après la section du sciatique. Ceux
chez lesquels seulement un ou deux doigts ont été enlevés ne sont pas
devenus épileptiques.
Le même expérimentateur annonce que si, chez des cochons d'Inde
épileptiques par section du nerf sciatique, on passe la pointe d'une
aiguille sur la peau du cou, dans la zone épileptogène, les animaux
secouent brusquement la tête à droite et à gauche. Rien de pareil ne
s'observe chez un animal sain.
M. Brown-Séquard, après avoir rappelé qu'il a démontré que le phé-
nomène singulier qu'on appelle douleur ou constriction en ceinture
peut exister non-seulement autour du tronc, mais encore aux mem-
bres, et même aux pieds et aux orteils, indiquant le siège d'une lésion
de la moelle épinière ou de ses méninges, communique le fait suivant :
Chez une dame non hystérique, une aiguille à acupuncture fut enfoncée
au niveau de l'extrémité supérieure du tibia; deux heures après, une
douleur en ceinture se produisit autour du membre et persista tant que
l'aiguille ne fut pas enlevée (c'est-à-dire pendant plusieurs heures).
Quelques jours après, l'application d'une aiguille à acupuncture fut
suivie d'une douleur de constriction circulaire (en ceinture) au-dessus
des malléoles; ce fait que l'irritation d'un seul ramuscule nerveux
éveille une douleur aussi étendue, renverse les diverses théories émises
pour expliquer les sensations douloureuses en ceinture.
— M. Rabuteau présente un autre poison végétal du Gabon, rapporté
par M. Peyri; l'extrait des racines agit comme la strychnine et tue une
grenouille en dix minutes.
M. RdbuLeau regarda l'alcool comme nn excellent diurétique. Si à
88
sept heures du matin on prend 100 grammes d'eau, de sept heures à dix
heures on rend 120 grammes d'urine. Si l'on prend 100 grammes d'eau-
de-vie, on rend dans le même laps de temps 600 grammes d'urine.
— M.LiouviLLEa observé un fait de méningite cérébro-spinale tubercu-
leuse chez un homme de 58 ans. Des adhérences se sont établies entre
les deux faces de l'arachnoïde, et dans ces adhérences se trouvent des
tubercules, quoique le siège le plus fréquent soit dans le tissu sous-
arachnoïdien.
M. Charcot fait remarquer que dans un dernier numéro du Médical
Times (12 février 1870), on trouve, publié par M. le docteur Moxon, un
cas de tuberculisation des méninges spinales, en même temps que des
méninges cérébrales.
M. Hayem ne croit pas, comme M. Liouville, que la maladie s'étende
du cerveau à la moelle, mais il pense qu'il y a plutôt coexistence des
deux affections.
M. Liouville dit qu'il peut y avoir extension ou coexistence, et que
pour le moment, il n'affirme rien à ce sujet.
M. Brown-Séquard fait remarquer qu'il y a deux extensions : l'une
par contiguïté, l'autre faite à distance par le système nerveux. A la
suite de certaines plaies, on a signalé de la névrite siégeant en des
points différents du système nerveux.
M. Hayem admet la propagation par contiguïté dans les maladies in-
flammatoires, mais dans une maladie générale qai se manifeste par des
lésions dans la moelle, dans les poumons et dans différents viscères,
la localisation sur la moelle est reliée au fait de la tuberculose géné-
ralisée.
Pour M. Brown-Séquard, là où se trouve un foyer d'inflammation, là
se développeront les tubercules; des dépôts de tubercules peuvent se
former à la suite d'une influence nerveuse, parce que cette influence
peut causer des inflammations.
Vaisseaux capillaires dans la tunique musculaire des veines ;
par M. Muron.
La présence des vaisseaux capillaires dans la tunique externe des
vaisseaux a été établie depuis bien longtemps, et personne ne s'avise-
serait de les nier dans celte tunique. Il n'en est plus de môme pour la
tunique moyenne des vaisseaux, qui est constituée par des faisceaux
de fibres musculaires et des lames élastiques. Si Kœlliker croit pou-
voir avancer que les auteurs admettent des vaisseaux capillaires dans
a tunique moyenne, il est loin, quanta lui, de pousser aussi loin l'af-
89
firmation. Son opinion se résume dans le doute suivant : s'il y a des
vaso-vasorum dans la tunique rausculeuse des vaisseaux, ils n'exis-
tent qu'à la périphérie de cette tunique, et en tout cas ils ne dépas-
sent pas sa partie moyenne.
Gimbert les a cherchés vainement, dit-il ; ses essais ont toujours été
infructueux. Il a tout fait pour les voir, injections, variations dans les
moyens de préparation. Aussi n'hésite-t-il pas à nier leur présence.
Il est vrai que les injections qui rendent tant de services pour arri-
ver à la structure des tissus ne peuvent être utiles pour des tissus
aussi élastiques. Du moment où un liquide vient à distendre ces lames
élastiques, la réaction se manifeste tout aussitôt, et le fait refluer par
action mécanique. Une injection, faite sous une certaine pression, et
longtemps prolongée, pourrait certainement triompher de ces résis-
tances; mais ces conditions sont toujours difTiciles à réaliser, et c'est
pour cela que tous les histologistes se trouvent à peu près d'accord
sur ce point, que les vaisseaux capillaires ne se trouvent pas dans la
tunique musculo-élastique des vaisseaux.
Je m'arrête à une opinion directement opposée, et je dis : Il existe
des vaisseaux capillaires dans la tunique musculo-élastique des veines,
et de plus, ces vaisseaux y sont nombreux.
Le procédé dont il faut se servir pour leur démonstration est des
plus simples. Il faut profiter des hasards que nous fournit la clinique.
Nous avons pris un tronçon de veine enflammée depuis trente-six
heures seulement. Cette veine se faisait remarquer par une extrême
vascularisation dans ses parties extérieures, et probablement aussi
dans ses parties intérieures. Nous avons placé ce tronçon immédiate-
ment dans du liquide de Miiller, et achevé son durcissement dans l'alcool .
Les conditions que nous demandions tout à l'henre pour espérer la
pénétration de l'injection se trouvaient réalisées dans leur complet :
nous avions une injection naturelle. Rien de plus facile dès lors que de
démontrer la présence des capillaires.
A un faible grossissement (60 diamètres), on voit d'abord un grand
nombre de vaisseaux gorgés de sang. Ces vaisseaux se montrent sous
deux aspects. Quelques-uns se voient dans le sens longitudinal, et se
bifurquent. Pour le plus grand nombre, on ne voit que la section trans-
versale.
Il ne faudrait pas croire qu'ils soient isolés à une certaine distance
les uns des autres; ils sont, au contraire, nombreux, et en quantité
aussi grande que dans la tunique externe.
On constate leur existence, non-seulement vers les limites externes
de cette tunique moyenne ; on les voit dans toute son épaisseur, et
aussi jusqu'à la tunique interne.
Ce qui établit une différence entre les vaisseaux de la tunique ex-
terne et ceux de la tunique moyenne, c'est leur structure. Tandis
qu'on voit dans le première quelques vaisseaux entourés de fibres mus-
culaires, on ne distingue dans la seconde que des vaisseaux capillaires à
proprement parler. Une membrane amorphe, parsemée çà et là de
noyaux, les constitue tout entiers. Peut-être y a-t-il pour les vaisseaux
plus volumineux une substance connective striée, qui double la mem-
brane amorphe ; mais nulle part nous n'avons vu de fibres musculaires
les envelopper.
Us siègent principalement entre les faisceaux de fibres musculaires,
et ont une direction longitudinale, dans le sens môme de l'axe du vais-
seau, reliés entre eux par quelques branches horizontales. Le réseau
qu'ils forment ressemble en tous points au réseau vasculaire du tissu
osseux.
Quant à leur diamètre, nous ne donnerons pas des limites absolu-
ment précises. Ces vaisseaux distendus par le sang avaient un volume
un peu exagéré. Tels qu'ils se présentaient, ils offraient un diamètre
variable entre 0°"°,015 et 0°"",030. Mais nous le répétons, ce volume
nous paraît un peu trop considérable.
Malgré le soin avec lequel nous les avons recherchés dans la tunique
interne, nous n'avons pas réussi à les voir. Ce n'est pas à dire qu'ils
n'existent pas. En variant les modes de préparation, peut-être arrive-
ra-t-on à les démontrer. Toutefois nous ne croyons pas leur pré-
sence aussi indispensable que dans la tunique moyenne. Baignée con-
tinuellement par du sang, cette tunique interne peut aspirer faci-
lement par endosmose tous les matériaux nécessaires à sa nutrition,
tandis que pour la tunique moyenne, la partie la plus importante de
tout le vaisseau, il était absolument indispensable que des moyens de
réparation existassent. Sans cesse en action par son élasticité et par
sa contractilité, cette tunique devait posséder des vaisseaux pour opé-
rer ces échanges moléculaires. L'anatomie vient donc de démontrer
encore une fois ce que l'induction physiologique pouvait faire pres-
sentir.
Séance du 28 mai.
M. BROWit-SÉQUARD, à loccasion du procès-verbal de la dernière
séance, annonce que les trois cochons d'Inde qu'il a soumis à l'ampu-
tation des membres inférieurs sont devenus complètement épilepti-
ques. Relativement aux sept cochons d'Inde qui ont succombé à la
suite de lésions des centres nerveux, M. Brown-Séquard fait remar-
91
quer qu'il importe, en répétant des expériences de cette espèce, de se
mettre à l'abri d'une cause d'erreur : c'est que les poumons des co-
bayes étant très-délicats, des pressions mêmes assez légères faites sur
le thorax peuvent y produire des ecchymoses.
— M. LiocviLLE,à propos du procès-verbal, présente une pièce offrant
une hémorrhagie considérable du corps thyroïde survenue chez un
varioleux, dans un cas de variole hémorrhagique.
M. Liouville montre de plus une série de corps thyroïdes, recueillis
également chez des varioleux (hommes et femmes), qui ont succombé
assez rapidement, et dans lesquels il fait remarquer des congestions,
une hyperémie notable, une arborisation très-considérable de vais-
seaux gorgés de sang, et parfois de petites ecchymoses et des hémor-
rhagies avec infiltration hématique.
Or, dans ces cas, les malades n'ont pas paru avoir succombé à ce
qu'on appelle la forme hémorrhagique de la variole. Toutefois, il y avait
le plus souvent des ulcérations, des pustules, de véritables altérations
varioliques des conduits aériens (épiglotte, larynx, trachée et bron-
ches).
Un premier examen micrographique a montré à M. Liouville, dans
tous les cas, des modifications pathologiques dans la glande thyroïde
elle-même, modifications qui indiquent une véritable thyroïdjte aiguë.
M. Ranvier dit qu'il ne faudrait pas attribuer cette hémorrhagie à des
symptômes asphyxiques, car elle peut être déterminée par une lésion
du larynx.
— M. Brown-Séquard montre à la Société un chien qui, après la sec-
lion des cordons postérieurs de la moelle devient épileptique. Chez
l'homme l'épilepsie a lieu très-souvent à la suite de lésions du cerveau
ou plutôt de ses membranes. Chez un cochon d'Inde, après la section
dutuberculequadrijumeauantérieuretdu pédoncule cérébral, M. Brown-
Séquard observa le mouvement de rotation en manège des mouve-
ments convulsifs irréguliers, et en outre des attaques d'épilepsie fran-
ches. Seulement, il faut remarquer que la zone épileptogène était si-
tuée à gauche, c'est-à-dire du côté opposé à la lésion cérébrale, tandis
que lorsqu'on coupe une moitié latérale de la moelle ou le nerf scia-
tique, la zone épileptogène est située du même côté.
M. Brown-Séquard, chez doux malades atteints d'épilepsie, a obtenu
un commencement d'attaque convulsive, par irritation de la zone épi-
leptogène avec l'aiguille à acupuncture.
92
CONCLUSIONS d'un TRAVAIL SUR LE SULFOVI.NATE DE SOUDE;
par le docteur Rabuteau.
Au mois de décembre dernier, j'ai fait connaître à la Société les ré-
sultats de quelques recherches que j'avais faites sur les sulfovinates
et, en particulier, sur le sulfovinate de soude. Depuis, j'ai multiplié
mes expériences, j'ai administré moi-même et fait administrer ce nou-
veau purgatif dans divers hôpitaux. Bien que les observations soient
déjà assez nombreuses pour permettre de poser des conclusions, je
n'insisterai pour le moment que sur les points suivants :
1° Le sulfovinate de soude purge à des doses relativement faibles; la
dose de 25 grammes est toujours suffisante; 10 grammes suffisent chez
les enfants et parfois chez les adultes.
2° Le nombre des selles varie suivant la quantité ingérée. A la dose
de 20 grammes dans trois verres d'eau, il produit en gênerai quatre à
cinq selles et cinq à huit à la dose de 25 grammes. Les effets commen-
cent à se manifester en général au bout d'une heure.
3° Le sulfovinate de soude est le plus doux des purgatifs salins. Il ne
produit aucune fatigue, aucune douleur; il fait môme disparaître les
coliques qui pouvaient exister avant son administration, par exemple
dans certaines diarrhées qu'il peut arrêter rapidement.
4° Ce médicament ne produisant aucune douleur, aucune contraction
intestinale anormale, agissant en un mot comme type des purgatifs
dyalitiques, peut être prescrit même pendant la menstruation et pen-
dant la grossesse.
5° A cause de sa saveur très-faible d'abord, puis sucrée, il est pris
sans répugnance par les personnes les plus difficiles et par les en-
fants.
6° Le sulfovinate de soude doit être préféré au citrate de magnésie,
attendu qu'il présente les avantages de ce dernier sel et non ses incon-
vénients. D'abord il est plus agréable à prendre que le citrate de ma-
gnésie, lorsqu'il est dissous dans Teau de seltz; en second lieu, il ne
peut déterminer la formation d'aucun calcul. On sait au contraire qu'il
est dangereux de recourir trop longtemps à l'usage des sels magné-
siens, et aucun médecin judicieux ne prescrira ces sels, même le ci-
trate, aux vieillards et surtout à ceux qui sont atteints d'un catarrhe
de la vessie, afin de ne pas déterminer la formation de calculs de phos-
phate ammoniaco-magnésien.
M. Charcot par l'emploi du carbonate de soude et du carbonate de
potasse à haute dose, dans le rhumatisme articulaire aigu, a obtenu la
diminution de la température, et à la dose de 30 grammes par jour,
M. Charcot n'a observé aucun symptôme hémorrhagique.
93
— M. Waller, membre correspondant de la Société, qui assiste à la
séance, communique des observations sur la compression du vago-
sympathique au cou, chez l'homme^ compression faite dans un but thé-
rapeutique. Dès 1846, M. Waller a proposé l'emploi de l'irritation mé-
canique des nerfs comme moyen de diagnostic des maladies du système
nerveux; par exemple, l'irritation du nerf cubital au coude produit
des phénomènes moteurs et de sensibilité, et cette sensibilité peut va-
rier dans les limites étendues que parfois la compression de ce nerf
peut amener une syncope.
En 1849, M. Waller a publié des fats sur l'irritation de l'œil, et a
démontré que la production des phosphènes peut servir à diagnosti-
quer des maladies de la rétine et du nerf optique.
Les opérations de M. Waller sur le vago-sympathique remontent à
l'année 1861; la compression de ce nerf produit des effets que l'on
rapportait à tort à la compression de la carotide.
La compression de ce nerf, dit M. Waller, nous fournit un moyen
excellent pour arrêter les convulsions hystériques.
A la suite d'une compression faite sur lui-même, dans la région cer-
vicale, M. Waller a constaté une diminution d'anxiété précordiale;
une sensation de nausée, qui peut aller au vomissement. La pupille sou-
vent est dilatée complètement; dans certains cas on observa du côté
comprimé une diminution de température de 1%5 à 2" centigrades (par
irritation des nerfs vaso-moteurs).
Chez des lapins dont on a lié les quatre artères de la tête, sans pro-
duire d'accidents, si Ion galvanise le sympathique, on obtient immé-
diatement les convulsions par anémie.
Ce qui démontre que la compression agit bien sur le nerf vago-sym-
pathique, c'est qu'au bout d'une minute, en voit le rhythme respira-
toire changer d'allure, on observe des inspirations plus longues et ra-
lenties; on observe quelquefois des phénomènes de collapsus nerveux
ou de surélévation comme ceux que M. Bert a observés. Des phéno-
mènes analogues ont déjà été décrits, par Aristote, qui, après la com-
pression des veines du cou, a vu l'homme fermer les yeux et tomber
insensible comme s'il était étranglé. Dans plusieurs cas, M. Waller a
vu la compression déterminer la syncope.
Dans un cas d'hémicranie intermittente rebelle contre laquelle tout
avait échoué, la compression du vago-sympathique amena une guérison
définitive.
M. Brown-Séquahd, au nom de la Société, remercie M. Waller de sa
communication ; M. Brown-Séquard est d'avis qu'il est très-utile d'in-
troduire dans la thérapeutique des procédés simples; mais chez les
hystériques qui sont exposées à la syncope, la compression pourrait
94
être dangereuse. M. Brown-Séquard, dans un cas de migraine (chez un
de nos plus distingués collègues) a essayé de galvaniser le sympathique
au cou, sans galvaniser le vague; au bout de quelques secondes, le pa-
tient tomba sidéré et fut quelque temps à revenir de sa syncope. La
compression peut être plus facilement graduée que la galvanisation,
etje crois, dit M. Brown-Séquard, que la méthode de compression des
nerfs , due à M. Waller, rendra de grands services à la thérapeu-
tique.
— M. JoFFROY fait une communication relative au tétanos. Dans un
cas de tétanos traumatique, suivi de mort au bout de quatre jours, la
moelle durcie dans l'acide chromique a présenté, au niveau du bulbe,
une congestion, et même une rupture des vaisseaux avec sortie des
globules rouges.
M. VuLPiAN, dans un cas de tétanos spontané, a trouvé à l'œil nu de
la congestion de la substance grise et une dilatation de certains espaces
périvasculaires. M. Vulpian croit que ces congestions ne sont pas pa-
thogéniques, mais secondaires ; la lésion primitive est évidemment
celle des éléments de la moelle.
M. Hayem dit qu'il est fréquent dans les maladies de la moelle d'ob-
server des globules rouges dans les gaines, même lorsque la paroi des
capillaires est saine; cependant dans un cas d'hémorrhagie cérébrale,
avec héraorrhagies dans les gaines, M. Hayem a trouvé une rupture
de vaisseau.
M. JoFFRoy a vu l'issue des globules rouges, mais n'a point vu de rup-
ture.
M. Legros dit que les tétaniques meurent par asphyxie, et l'asphyxie
peut produire la congestion de la moelle.
M. LiouviLLE demande si les lésions de la moelle étaient plus grandes
à l'origine des nerfs lésés, qui ont été le point de départ du tétanos.
M. JoFFROv répond qu'il n'a rien vu de spécial.
M. LiouviLLE, dans deux cas, a trouvé une vascularisation plus in-
tense, à l'état frais, à l'origine médullaire des nerfs dont la lésion
avait produit le tétanos.
M. Lépine, dans un cas de tétanos, a trouvé une augmentation des
noyaux dans la région lombaire.
COMPTE RENDU DES SÉANCES
DE
r F
LA SOCIETE DE BIOLOGIE
pendant le mois de juin 1870;
Par m. HAYEM, secrétaire.
PRÉSIDENCE DE M. CL. BERNARD.
Séance du 4 juin,
M. MuRON présente un kyste qui s'est développé dans un ganglion
lymphatique du cou ; la paroi de ce kyste offre exactement la struc-
ture d'un ganglion.
— M. Hayem complète une observation qu'il présenta à la Société au
mois de juillet 1869; il s'agissait d'un malade qui fut pris de convul-
sions à l'âge de 2 ans; des contractures survinrent dans les membres
inférieurs, et la marche ne put jamais avoir lieu sans béquilles. A l'âge
de 24 ans, le malade est mort de phthisie pulmonaire.
L'examen de la moelle montra les cellules nerveuses intactes; il n'y
avait aucune lésion pouvant être attribuée à la paralysie infantile;
mais, dans les coupes, M. Hayem trouva de l'hypertrophie des gaines
vasculaires, et plusieurs foyers hémorrhagiques dont les plus volumi-
neux avaient 1/10* de millimètre de diamètre.
96
Il est impossible, dit M. Hayem, de dénommer actuellement ce fait,
qui ne se rattache pas à la paralysie infantile.
M. Brown-Séquard présente deux cochons d'Inde femelles qui, à la
suite de la lésion du corps resliforme, ont offert une gangrène de
l'oreille. Tous les petits nés de ces femelles présentent la même alté-
ration.
M. Brown-Séquard a reconnu par beaucoup d'expériences compara-
tives que les lésions de la moitié droite de l'encéphale ne produisent
pas les mêmes effets que les lésions de la moitié gauche. Sur 47 ani-
maux opérés du côté droit, 11 seulement survivent; sur 27 animaux
opérés du côté gauche, 16 survivent. Ainsi les lésions à droite sont
plus souvent fatales, et les faits montrent aussi quelles le sont plus
rapidement. Il en est de même chez l'homme; dans les cas de paralysie
à gauche chez l'homme, dépendant de lésion cérébrale droite, les pa-
ralysies sont en général beaucoup plus considérables.
M. Brown-Séquard a remarqué qu'il y a, en général, une élévation
de température plus grande après la lésion à droite qu'après la lésion
à gauche.
M. Leven demande à M. Brown-Séquard si les causes de la mort sont
bien dues à des désordres du côté du système vaso-moteur. M. Leven
a fait aussi des expériences sur les centres nerveux, et dans certains
cas, la mort eut lieu par hérnorrhagie à la base de l'encéphale. Il sem-
ble, dit M. Leven, que le système vaso-moteur est distribué d'une ma-
nière uniforme.
M. Brown-Séquard répond qu'il a fait des lésions semblables à gauche
et à droite, et qu'il a évité autant que possible la lésion des vaisseaux
pouvant produire des hémorrhagies considérables; d'ailleurs, les co-
chons d'Inde résistent bien à l'hémorrhagie, et dans beaucoup de cas
la mort est surtout causée par des altérations produites dans les pou-
mons, et en particulier des ecchymoses, de l'œdème, de l'inflamma-
tion et de l'emphysème.
Je crois, dit M. Brown-Séquard, que lés deux côtés du cerveau sont
semblables l'un à l'autre quant à leurs propriétés et à leurs fonctions
à l'époque de la naissance, mais que l'une des moitiés de l'encéphale
suffisant seule pour l'exercice de nombre de fonctions des deux moi-
tiés, il en résulte que l'une de ces parties est employée seule pour cer-
tains actes et l'autre pour d'autres actes. De là un développement
plus considérable des propriétés afférentes aux diverses fonctions, le
cerveau gauche se développant davantage que le droit pour certaines
de ses propriétés, et le' droit, de son côté, se développant davantage
aussi pour d'autres propriétés. Quoi qu'il en soit, il est certain que
chez l'homme, ce sont les lésions du côté droit de l'encéphale qui dé-
97
terminent surtout les altérations dénutrition (eschares, œdème, etc.),
ainsi que la paralysie des sphincters. Ce n'est pas seulement, comme
on le croit, l'aphasie qui est liée aux lésions du cerveau gauche ; c'est
aussi la perte de la parole, dépendant de la paralysie de la langue ou
du larynx, avec ou sans aphasie. Ces paralysies sont bien plus rares
dans les lésions du cerveau droit. Enfin on peut dire, ajoute M. Brown-
Séquard, que le cerveau gauche se développe comme centre de la vie
intellectuelle et animale, et que le cerveau droit se développe comme
centre de la vie organique.
A la suite de la piqûre d'un des poumons avec une aiguille à acu-
puncture, M. Brown-Séquard a vu survenir l'occlusion partielle des
paupières, que M. Lépine a obtenue par des injections irritantes dans
le poumon. Il signale aussi ce fait singulier que l'introduction d'une
aiguille dans le poumon produit, chez un animal, le mouvement de
manège.
M. Brown-Séquard a observé la chute des poils dans la zone épilep-
togène chez plusieurs cochons d'Inde qu'il montre, et dont la patte n'a
point d'ongles. Il est évident, dans ces cas, qu'on ne peut attribuer au
grattement la chute des poils.
— M. Gréhant rapporte des expériences qu'il fit pour déterminer
exactement avec quelle rapidité l'oxyde de carbone introduit dans les
poumons se combine avec les globules du sang.
Chez un chien, on découvrit la carotide, puis on mit par une muse-
lière les poumons de l'animal en communication avec une cloche ren-
fermant de l'air mélangé de 1/10° d'oxyde de carbone; puis on fit plu-
sieurs prises de sang. Entre la dixième et la vingt-cinquième seconde
après le début de l'inhalation du gaz toxique, le sang artériel renfer-
mait 14,6 p. 100 d'oxygène et 4,3 p. 100 d'oxyde de carbone. Entre
1 minute 15 secondes et 1 minute 30 secondes, le sang renfermait 4
p. 100 d'oxygène, et 18,4 p. 100 d'oxyde de carbone. On voit donc
que si l'homme pénètre dans un milieu toxique, dès la première mi-
nute le gaz délétère peut être absorbé et produire des accidents.
M. Gréhant pense qu'il serait très-utile de conseiller aux ouvriers
qui descendent dans des puits ou dans des fosses dont l'air peut être
toxique, de se faire toujours précéder d'une cage contenant un petit
mammifère, un rat ou un cochon d'Inde.
Pour dégager complètement l'oxyde de carbone combiné à l'hémo-
globine, M. Gréhant emploie le procédé suivant : après qu'on a extrait
les gaz du sang à 40 degrés dans le vide, on fait arriver dans le sang
le double de son volume d'acide sulfurique, et l'on porte le bain d'eau
à 100 degrés; l'oxyde de carbone combiné à l'hémoglobine est alors
C. R. 1870. 7
98
dégagé et recueilli; placé dans les mêmes conditions, le sang normal
ne fournit jamais d'oxyde de carbone.
M. CoALVET demande si quelque temps après l'intoxication par
l'oxyde de carbone, le sang est capable de reprendre do l'oxygène
en aussi grande quantité qu'auparavant.
M. Gréhant répond que M. Claude Bernard a établi dans son cours
du collège de France, que l'oxyde de carbone disparaît assez rapide-
ment chez l'animal intoxiqué, et que le sang reprend toutes ses pro-
priétés.
M. Brown-Séquard dit que l'oxyde de carbone n'est pas aussi toxique
qu'on pourrait le penser, puisque des personnes, par leur métier, en
respirent constamment.
M. Cualvet fait observer que les cuisiniers sont souvent anémiques,
et que l'anémie ne guérit point par une bonne alimentation; mais si
les malades sont envoyés dans des pays de montagne, ils guérissent
facilement.
M. Carville demande ce que sont devenus les animaux après l'in-
toxication.
M. Gréhant a vu que les animaux se rétablissaient, mais dans les
heures qui suivent l'empoisonnement par l'acide de carbone, les ani-
maux ont paru incapables de faire un travail mécanique, ce qui s'ex-
plique par la diminution de l'oxygène dans le sang.
~ M. Laborde présente un thermomètre dont le réservoir est en-
châssé dans une aiguille d'acier, et qui est destiné à prendre la tem-
pérature des muscles, pour juger de la mort apparente. M. Laborde
affirme que si l'on trouve dans les muscles une température de 20 à
25 degrés, la mort est certaine.
Chez un animal tué par submersion dans l'eau, dans la cavité thora-
cique explorée par ce thermomètre, la température était 34 degrés;
dans les muscles de la cuisse elle était de 30 degrés.
Une heure plus tard, dans la cavité thoracique, on trouva 31 degrés
et dans la cuisse 26°, 5.
M. LiouviLLE dit que dans beaucoup de cas de mort, la température
des tissus reste élevée pendant longtemps. La température extérieure
du cadavre, dit M. Laborde, peut être difTérente de celle des parties
profondes.
— M.PiERRET communique une observation d'ataxie locomotrice pro-
gressive; l'examen de la moelle a fait reconnaître des altérations de la
substance grise.
99
Saturnisme chronique avec accès de goutte et arthrites
URATiQUEs; par le docteur E. Lancereaux.
COLIQDES, SATURNISME ET PARALYSIE DES MUSCLES EXTENSEURS DES AVANT-
BRAS ; ACCÈS DE GOUTTE, ALBUMINURIE ET URÉMIE; ATROPHIE DES EXTEN-
SEURS. INFILTRATION CRATIQUE DES CARTILAGES ARTICULAIRES DES ORTEILS;
NÉPHRITE INTERSTITIELLE.
L..., âgé de 43 ans, exerce depuis l'âge de 11 ans la profession de
peintre en bâtiments. A 15 ans, il fut pris d'une première attaque de
colique saturnine, et depuis lors il en a eu quatre ou cinq autres. Il y
a quatre ans, il a été atteint pour la première fois d'une paralysie des
extenseurs des avant-bras qui n'a jamais complètement disparu. A 37
ans, il est pris tout à coup d'un gonflement articulaire douloureux du
gros orteil gauche qui, après huit ou dix jours, disparaît et se trouve
remplacé par un gonflement analogue de l'orteil opposé. Ces affections
des orteils sont accompagnées de douleurs tellement vives qu'il en ré-
sulte une insomnie absolue pour le malade. Trois attaques semblables ont
eu lieu depuis lors ; la dernière, survenue au mois d'août 1869, ne s'est
pas limitée aux pouces des pieds, elle a gagné l'articulation tibio-tar-
sienne, les talons, et même les articulations métacarpo-phalangiennes
des doigts. L'attaque tout entière ne dura pas moins d'un mois. Les
pieds surtout ont été le siège d'un gonflement considérable; plusieurs
bains de vapeur furent administrés, et le malade put reprendre son
travail. Il fut obligé de le quitter de nouveau en novembre, à cause des
palpitations et de l'oppression vive qu'il éprouvait, principalement s'il
venait à monter un escalier. Dans ces conditions, il se décida à venir
à l'hôpital , et, le 5 janvier 1 870, je l'admettais à la Charité (salle Saint-
Michel, n" 2). La peau offre une teinte jaunâtre assez marquée; les
lèvres sont cyanosées, la face est peut-être un peu bouffie, mais il n'y
a pas en ce moment, et jamais, au dire du malade, il n'y a eu d'œdème
aux jambes. Les muscles extenseurs de l'avant-bras sont paralysés des
deux côtés, car si le malade relève ses poignets, il parvient difficile-
ment à étendre ses doigts. Malgré une oppression assez vive, la respi-
ration est partout pure, les battements du cœur sont énergiques, les
bruits sont normaux. Les viscères de l'abdomen ne sont pas altérés, à
part les reins. Pâles et décolorées, les urines se troublent par l'acide
nitrique et la chaleur; elles sont manifestement albumineuses. Le ma-
lade ne se souvient pas d'y avoir jamais vu de dépôts d'acide urique.
Son père est mort asthmatique et catarrheux, à l'âge de 56 ans ; sa mère
a été victime d'un accident, et une de ses sœurs paraît avoir succombé
à une affection chronique de la poitrine. (Bromure de potassium, 3 gr.;
100
bain sulfureux.) Le lendemain, la peau n'est pas colorée en noir, ainsi
qu'il arrive à la suite d'un bain sulfureux, quand le tégument est re-
couvert de molécules de plomb.
Le 10 janvier, vomissements pituiteux dans le courant de la journée,
saveur de la bouche extrêmement désagréable; la veille au soir, vo-
missement alimentaire, constipation, céphalalgie, tendance, à la som-
nolence, vue un peu brouillée. La quantité d'urine rendue est d'un
litre et demi, la densité de 1,010. (Huile de ricin, 30 grammes).
Du 10 au 22, persistance des vomissements biliaires et alimentaires.
Le 24 janvier, au matin, à la suite d'un vomissement , perte subite de
connaissance, accès convulsifs des muscles de la face et des membres
avec écume à la bouche; terminaison de ces accès par gonflement et
congestion de la face. A la visite, le faciès est étonné, la face est bouf-
fie, la parole est gênée, la tête est lourde. Le malade accuse dans les
bras des secousses qu'il compare à des décharges électriques, il se
plaint d'une céphalalgie qu'il fait remonter à un an et qu'il caractérise
par la dénomination de migraine; hier, il a saigné quelques gouttes de
sang par le nez; 104 pulsations, pouls ample et vibrant, impulsion
cardiaque énergique; vomissements, constipation opiniâtre; je diag-
nostique : accidents urémiques. (Tartre stibié en lavage, 10 centigr.)
Les urines, toujours pâles et décolorées, prennent sous l'action de la
chaleur et de l'acide nitrique une teinte laiteuse sans qu'il soit possi-
ble d'y voir des flocons'; un excès d'acide dissout presque totalement
le précité et détermine une coloration rosée ; absence de sucre dans
l'urine.
25 janvier, garde-robe unique; vomissements abondants, saveur dés-
agréable de la bouche; intelligence nette, parole embarrassée. Les
urines, examinées au microscope, renferment quelques cylindres hya-
lins granuleux et des phosphates de chaux. Les jours suivants, amélio-
ration notable; le malade urine chaque jour plus d'un litre de liquide.
Le 27, il a une nouvelle attaque convulsive en déjeunant; il pâlit
tout à coup, la tête se renverse en arrière, les yeux se tournent en
haut, le faciès se tuméfie, la connaissance se perd, les muscles de la
face et les bras sont agités par intervalles de secousses violentes; l'at-
taque dure en tout dix minutes. (Tartre stibié, 10 centigrammes.)
Le 30 janvier, céphalalgie, oppression, saveur fétide de la bouche,
léger embarras de la parole, intelligence lourde. Les poignets peu-
vent être étendus, mais il est impossible au malade de relever les doigts ;
les extenseurs des avant-bras sont paralysés. La face est un peu tumé-
fiée à gauche, sans doute parce qu'il y a décubitus de ce côté; 92 pul-
sations, 16 respirations, (15 grammes d'eau-de-vie allemande.) La visite
était à peine terminée, que le malade fut pris sous nos yeux d'un nou
101
vel accès convulsif; comme toujours, il perd connaissance en même
temps que sa tête se renverse en arrière et que ses yeux regardent en
haut; les convulsions sont, à la face, prédominantes à gauche; aux
membres, ce sont des secousses rapprochées s'exéculant dans le sens
de la flexion. Au bout d'une minute, ces secousses cessent, la face est
cyanosée, un liquide écumeux s'écoule de la bouche. Le malade se met
à ronfler, et, pendant ce temps, le pouls, qui était à 92, devient oscil-
lant et tombe à 36, puis tout à coup la face revêt une teinte cadavé-
reuse et la respiration s'arrête. Cet état dure pendant près d'une mi-
nute, le pouls continuant à baisser sans disparaître complètement. Alors,
sous l'influence de la flagellation et de l'excitation produite sur la mu-
queuse des fosses nasales par des vapeurs ammoniacales, survient une
première inspiration, puis une seconde assez longtemps après; enfin le
malade fait entendre un ronflement considérable, et deux minutes plus
tard les yeux commencent à se rouvrir, le ronflement persiste encore,
puis la respiration se rétablit. Le lendemain, l'eau-de-vie allemande
avait amené sept ou huit garde-robes; la nuit avait été bonne, la tête
était lourde; pouls, 84; température, 36,2. (Lavement purgatif.)
2 février, légère dyspnée; les urines rendues dépassent toujours un
litre, elles continuent à être transparentes; densité, 1,009; réaction
acide. Secousses convulsives dans la nuit, épistaxis vers deux heures
du matin.
4 et 5 février, nouvelles épistaxis peu abondantes. Bouffissure de la
face sans œdème des jambes. Sensation d'anéantissement; surdité de-
puis quelques jours, affaiblissement notable de la mémoire. (15 grammes
d'eau-de-vie allemande.)
6 février, le malade a peine à rassembler ses idées, sa parole est
embarrassée, il a l'apparence d'un homme à moitié éveillé. Nous ap-
prenons, par le voisin, qu'il sommeille et qu'il ronfle presque constam-
ment. La quantité d'urine rendue ne dépasse pas un demi-litre; 84 pul-
sations; température, 35,4 dans l'aisselle.
7 février, même état; nuit agitée, le malade s'est levé et s'est pro-
mené; à la visite, respiration ronflante, faciès hagard, carphologie, le
malade ramasse et retourne les objets sur son lit, inconscient de ses
actes, mais conscient de son état, car il se dit toqué. Les urines ren-
dues dans les vingt-quatre heures ne dépassent pas un demi-litre. Deux
selles peu abondantes, malgré un lavement des peintres. Léger écou-
lement coloré par le conduit auditif droit.
Le 9, état plus sérieux, hyperesthésie marquée de la peau de la face,
point douloureux à l'émergence des filets de la cinquième paire. Agi-
tation dans la nuit, une faible quantité d'urine a été rendue dans le lit.
Le 10 février, épistaxis, selles involontaires, urine toujours album i
102
neuse, non floconneuse; le malade se lève sans savoir ce qu'il fait,
cherche quelqu'un, et le reste du temps il est somnolent.
Le 11 février, somnolence et coma pendant toute la nuit; la mort a
lieu tout à coup, à six heures du matin, sans le moindre mouvement.
Autopsie le 12. — Absence d'anasarque ou d'œdème. Les articula-
tions des pieds sont examinées avec soin, et l'on constate que les car-
tilages des articulations métatarso-phalangiennes sont affectés de dé-
pôts blanchâtres multiples d'urates de soude. Les articulations des
deux gros orteils, dont l'une est représentée fig. I, ont leur carti-
Fig. 1. — Infiltration uratique des cartilages articulaires (saturnisme).
lage d'incrustation et leurs ligaments infiltrés des mômes sels, qui
y forment des dépôts abondants. Les articulations tibio-tarsiennes,
celles des genoux ne paraissent pas modifiées à l'œil nu. Les articula-
tions du poignet offrent des dépôts très-fins à peine visibles. A l'avant-
bras droit, les muscles extenseurs des doigts, extenseurs propres du
petit doigt et de l'index, long abducteur et court extenseur du pouce,
sont pâlf's, jaunâtres et manifestement atrophiés. Le cubital postérieur
et le second radial externe sont simplement un peu décolorés. Le pre-
mier radial est intact. L'avant-bras gauche présente le môme état,
sauf que le premier radial, de teinte jaunâtre, est un peu atrophié.
Quant aux autres muscles, ils sont complètement sains; les tendons ne
sont pas altérés. L'examen microscopique des muscles atrophiés nous
apprend qu'un grand nombre de faisceaux primitifs, notablement dimi-
nués de volume, conservent néanmoins leur striation. La réduction
éprouvée par ces faisceaux varie de la moitié au quart du volume nor-
mal. Elle est moindre sur certains points, et il semble qu'un certain
nombre de fibres musculaires ne se révèlent que par le sarcolemme
présentant dans son épaisseur des noyaux d'autant plus nombreux que
l'atrophie est plus marquée. Les nerfs qui se rendent aux muscles ainsi
103
modifiés, c'est-à-dire les branches des nerfs radiaux, se font remar-
quer par l'altération de leur myéline qui est finement granuleuse. La
moelle épinière est de consistance et de coloration normales, excepté
à la partie antérieure du renflement cervical, où la coloration devient
grisâtre. A ce niveau, les racines antérieures nous paraissent un peu
atrophiées. Pourtant l'examen de ces racines et des racines postérieu-
res, après macération dans l'acide chromique, ne dévoile aucune trace
d'ulcération. De même, la moelle cervicale, examinée à l'aide de coupes
fines, n'a donné d'autre résultat que la constatation d'une anomalie
dans la forme de la substance grise des cornes antérieures, au nivean
de la deuxième paire cervicale. Cette anomalie, probablement congé-
nitale, consistait en un développement anormal de substance grise et
de cellules dans la région postéro-externe de la corne gauche. Il ré-
sultait de là une disproportion considérable entre les deux moitiés de la
substance grise; toutefois la partie surajoutée différait de la substance
grise normale. La substance blanche du cerveau est ferme, les ventri-
cules sont normaux, mais dans la corne sphénoïdale du côté gauche
existe une fausse membrane rouillée, colorée par la présence de grains
d'hématine et de cristaux d'hématoïdine. Ce produit membraneux est
l'indice d'un foyer hémorrhagique de petit volume remontant à plu-
sieurs mois. Semblable altération, moins étendue, se rencontre dans
le point opposé de l'hémisphère droit. La surface du quatrième ventri-
cule est lisse, pâle et opaline; les barbes du calamus scriptorius font
défaut.
Les poumons sont le siège d'adhérences lâches et anciennes, ils
présentent d'abondantes taches pigmentaires et un petit foyer de
pneumonie caséeuse devenue calcaire. Les ganglions bronchiques sont
volumineux. La muqueuse laryngée est normale. Le cœur, chargé de
pelotons graisseux à sa base, sur sa face antérieure et sur ses bords ,
présente de larges plaques laiteuses à l'origine de l'aorte et à la face
antérieure des oreillettes. Le ventricule gauche est ferme, rouge, con-
sidérablement hypertrophié, et de là résulte pour tout l'organe une
forme conoïde bien marquée (cœur de bœuf). L'orifice mitral est nor-
mal, mais l'orifice aortique est un peu insuffisant par suite de l'épais-
sissement du bord adhérent des valvules et de l'adhérence, sur leurs
bords, de deux d'entre elles. L'aorte, un peu large, offre à sa faceln-
terne des plaques saillantes, semi- transparentes ou jaunâtres, située^
principalement dans le voisinage des orifices des branches collatérales.
Les carotides sont modifiées, et quelques-unes des artères cérébrales
sont athéromateuses. Les artères rénales, dilatées, sinueuses, ont leurs
parois hypertrophiées. Les reins, petits et atrophiés, sont réduits de plue
de moitié de leur volume; leur surface extérieure , inégale, est parsa
104
mée de fines granulations grisâtres ou jaunâtres, dans les intervalles
desquelles rampentdes vaisseaux variqueux injectés. Leurs capsules fi-
breuses sont opalines, peu épaissies, difficiles à décoller. La substance
du rein est ferme, indurée, pigmentée dans ses parties déclives. A la
coupe, elle est lisse, un peu brillante ; sous le microscope, elle présente
un épaississement notable du stroma conjonctif, qui est infiltré de jeu-
nes éléments nucléaires, et une diminution très-marquée du calibre
des tubes urinifères t et des glomérules de Malpighi g, fig. 2. Toute-
Fig. 2. — iVèphrite interstitielle (ceupe microscopique).
fois, au niveau des granulations de la surface, la trame conjonctive n'est
pas modifiée, et les tubes urinifères T ont conservé des dimensions
assez normales. Les cellules épithéliales de ces tubes n'offrent rien de
particulier; celles des tubuli, plongées au sein du stroma altéré, sont
un peu granuleuses, et quelques-unes renferment une substance col-
loïde c. La vessie est dilatée par l'urine, ses parois sont hypertrophiées.
Le foie est simplement hyperémié, le pancréas est normal, la rate est
grosse. L'estomac, rétréci, offre des replis saillants et nombreux sur sa
face interne. Sa muqueuse, épaissie, recouverte par un mucus épais et
visqueux, difficile à détacher, est pigmentée dans la région pylorique,
injectée dans celle du cardia; ses glandules sont saillantes (gastrite
urémique). La muqueuse intestinale, recouverte d'un mucus visqueux,
de teinte grisâtre ardoisée, est beaucoup moins altérée que celle de
l'estomac. Le testicule gauche est affecté d'hydrocèle et atrophié.
105
Dès l'âge de 11 ans, un homme exerce la profession de peintre en
bâtiments; de 15 à 30 ans, il a plusieurs accès de colique saturnine;
vers l'âge de 37 ans, il éprouve une première attaque de goutte aux
pieds, et depuis lors il subit trois attaques semblables; à 39 ans, il est
pris de paralysie des avant-bras; à 43 ans, il perd ses forces, éprouve
de l'oppression, de l'insomnie, de l'inappétence; en un mot, il est al-
buminurique. Bientôt surviennent des accès éclamptiques qui mettent
son existence en danger, et cette série d'accidents morbides se termine
enfin par le coma et la mort. Les muscles extenseurs des avant-bras
sont décolorés, atrophiés; leurs faisceaux primitifs conservent la stria-
tion normale, mais ils sont réduits au tiers ou au quart de leur volume,
un certain nombre ont même complètement disparu; les nerfs qui se
rendent à ces muscles ont leur myéline granuleuse. La moelle épinière,
malgré les recherches attentives faites par M. Pierret et par moi, ne
paraît pas altérée. Les cartilages diarthrodiaux des articulations méta-
tarso-phalangiennes sont incrustés d'urates alcalins. Les reins sont
atrophiés, granuleux (néphrite interstitielle); il existe une endocardite
légère, et le cœur gauche est le siège d'une hypertrophie notable,
l'estomac présente les lésions de la gastrite urémique. Cet ensemble
symptomalique si complexe et tout à fait propre à jeter le trouble dans
l'esprit pourrait bien faire croire que plusieurs maladies sont ici en pré-
sence. Il n'en est rien ; ces différents accidents s'enchaînent entre eux ;
et, en définitive, il s'agit simplement ici d'un cas d'intoxication satur-
nine chronique. Personne, en effet, ne doute que les coliques et la pa-
ralysie des extenseurs ne soient causées par le plomb. Après les re-
cherches de Garrod et celles de Charcot, auxquelles ce fait vient don-
ner une confirmation anatomique, il est incontestable que l'intoxication
saturnine a dû jouer un rôle dans l'infiltration uratique des cartilages
articulaires. On peut admettre aussi, comme je me suis appliqué à le
démontrer dans d'autres circonstances, que c'est au plomb que doi-
vent être rapportées l'altération des reins et celle de l'aorte. D'un autre
côté, l'hypertrophie du cœur et l'affection gastrique sont des lésions
subordonnées, la première aux altérations rénales et aortique, la se-
conde à l'excrétion de quelques-uns des principes de l'urine par la mu-
queuse stomacale. Ainsi, lésions musculaires, articulaires, rénales et
aortique produites par le plomb; lésions de l'estomac dues à une in-
toxication urémique, telle est l'interprétation des désordres constatés
dans ce fait morbide qui a pour origine un métal dangereux et dont
l'emploi devrait être rigoureusement défendu. C'est là une réunion
d'altérations pour lesquelles l'appellation de saturnisme viscéral pa-
raît très-appropriée. Quant à l'atrophie musculaire localisée dans les
muscles extenseurs des avant-bras, elle consiste, non dan» un état gra-
106
nuleux avec perle de la strialion du faisceau musculaire primitif, mais
dans la diminution du diamètre transversal de ce faisceau, sans aug-
mentation appréciable des noyaux, et dans sa disparition plus ou moins
complète (I),
Observation d'une inégale production et d'une différence de composi-
tion DU LAIT pour les DEUX SEINS DE LA MÊME FEMME; par LoUIS SOUR-
DAT, préparateur de chimie au laboratoire de M. de Romilly, rue des
Petits-Hôtels, 20.
Ayant remarqué la préférence très-visible qu'un enfant manifestait
pour le sein droit de sa mère, préférence déjà manifestée par deux en-
fants précédents, et ayant fait en même temps la remarque que le sein
préféré était plus volumineux que l'autre, fournissant environ le dou-
ble de lait, j'ai pensé qu'il serait intéressant d'examiner séparément
chacun de ces deux laits. Je m'étais d'abord borné à prendre la den-
sité et le poids du résidu sec; puis j'ai dosé le beurre. Enfln, voulant
voir comment les autres éléments étaient répartis, j'en ai fait l'analyse
complète.
Les résultats de cet examen sont consignés dans le tableau que je
joins à cette communication. Des nombres de ce tableau il ressort les
faits suivants :
1° La composition du lait de la même femme (pour les deux seins
pris ensemble) comparée d'un jour à l'autre est très-variable sans qu'il
y ail des changements appréciables dans l'état de sa santé. Il suffit
d'une fatigue momentanée, d'un petit changement de régime, d'un sé-
jour du lait plus ou moins prolongé dans les mamelles, etc., pour ame-
ner ces variations de composition. Ainsi, dans huit analyses, portant
sur l'ensemble du lait des deux seins, le poids du résidu sec a varié
depuis 10,10jusqu'à 13,70 p. 100 ou :: 1 : 1,35.
La densité a été aussi très-variable. J'ai obtenu pour la moyenne des
deux seins depuis 0,980 jusqu'à 1,031.
2° La composition du lait varie encore d'un sein à l'autre et cela
dans le même temps. C'est là le fait qui est l'objet principal de ma com-
munication. Ainsi, le lait du sein droit, qui est de beaucoup le plus
abondant, est aussi le plus riche en matières fixes, dans des rapports
qui sont :; 1,20 : 1 pour le minimum et :r 1,74 : 1 pour le maximum.
3° Dans ces conditions, le beurre est ordinairement sécrété en bien
plus grande quantité par le sein droit que par le sein gauche ; ; 1,50 : 1
pour le minimum et ;: 9 : 1 pour le maximum. J'ajoute ici que le seul
(1) Voyez, sur le môme sujet, un cas de paralysie saturnine, etc.,
Gaz. méd. 1862, p. 709, et Umon médicale, 15 septembre 1863, p, 13.
107
aspect de ces deux derniers laits aurait suffi pour amener la constata-
tion d'une différence si considérable.
4" Les matières azotées, caséum et albumine sont, de même que le
beurre, sécrétés par le sein droit en plus grande quantité que par le
sein gauche X 1,90: 1 pour le maximum,
5° Il est un fait digne de remarque : c'est que les principes solubles,
lactose et sels, dosés dans cinq analyses, se sont trouvés répartis d'une
manière à peu près égale dans les deux seins. Cependant, dans les deux
analyses où il y a eu une petite différence, cette différence s'est trou-
vée en faveur du côté le plus faible en beurre.
Pour les sels, cette différence est aussi dans le même sens. De sorte
qu'il semblerait, d'après ces quelques analyses, qu'il y ait quelque
corrélation entre les matières grasses et azotées d'une part et les ma-
tières solubles, d'autre part.
La dernière analyse a donné par exception des nombres plus forts
pour le sein gauche, La raison de ce renversement paraît être dans ce
fait : que le lait, 'pour cette fois, n'a pu qu'être extrait à grand'peine
pour les 9/10, le dernier 1/10 étant venu très-facilement. Ce lait pour-
rait donc être considéré comme une réserve plus complètement éla-
borée, le lait nouveau n'étant pas encore monté, et l'on sait que les
dernières parties du lait sont bien plus crémeuses que les premières.
Cette raison expliquerait cette anomalie.
Observations générales. — L'enfait allaité jusqu'à ce jour presque ex-
clusivement avec ces deux laits, se porte bien. Il est du sexe féminin,
âgé de 7 mois, pesant 7''S830. Ses deux frères aînés, nourris du môme
lait, s'en sont aussi bien tro,uvés.
Il est à noter qu'il s'agit là d'un cas héréditaire, car la mère de la
femme, dont le lait est l'objet de ce travail, avait elle-même le sein
droit plus développé que le gauche et de même encore pendant le temps
de la lactation seulement. Elle a néanmoins élevé huit enfants, dont
cinq filles. Parmi celles-ci, trois se sont mariées et ont eu des enfants,
mais il n'y en eut qu'une seule qui hérita de cette particularité, sans
que rien la favorisât, ni dans ses habitudes, ni dans ses travaux ordi-
naires qui sont ceux du ménage.
Pensant que des faits de cette nature n'avaient pas été signalés jus-
qu'ici, j'ai cru qu'il serait intéressant d'appeler sur eux l'attention des
observateurs. Il est en effet probable que ce cas n'est pas unique et
que l'on pourra en découvrir d'analogues. Il serait aussi curieux de
constater si, dans d'autres glandes paires, il y a identité dans la quan-
tité et dans la composition de leurs sécrétions. Il y a là un côté physio-
logique que mes études purement chimiques ne me permettent pas
d'aborder et que je ne puis qu'indiquer à de plus habiles.
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110
Séance du 11 juin.
DE l'influence de LA MENSTRUATION SUR LA NUTRITION; par le dOCleUT
Rabuteau.
Dans une note communiquée naguère à la Société de biologie j'ai
établi les deux points suivants :
1° Sous Cinfluence des règles, Curée diminue de plus de 20 p. 100
dans les urines, le pouls se ralentit et la température s'abaisse d'au
moins un demi-degré.
2° Ces variations commencent à se manifester un ou deux jours
avant l'apparition des règles et disparaissent quelques jours après.
J'ai pu depuis continuer mes recherches malgré les difficultés
qu'elles présentaient, et l'observation suivante ne renferme pas de
lacunes comme les premières que j'ai communiquées. La femme à la-
quelle je suis redevable de ces nouvelles recherches est la même que
celle qui m'a fourni les premières données à ce sujet; elle est âgée de
28 ans, elle jouit d'une bonne santé et est régulièrement menstruée.
Les résultats de mes analyses sont consignés dans les tableaux sui-
vants. Je les considère comme d'autant plus importants que la femme
a suivi un régime identique pendant toute la durée de mes recherches
et que les températures ont été prises dans le vagin.
Les règles ont commencé dans la journée du 22 mai et ont cessé le 26.
J'ai d'ailleurs marqué d'un astérisque les jours pendant lesquels elles
ont eu lieu.
Dates. Urine des Urée Urée totale.
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Dates. Urine des Urée Urée totale.
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* 23 — 57 37%20
* 24 — 54 37M0
* 25 - 56 37%15
* 26 — 53 37M5
27 — 55 37°,00
28 — 52 37°,05
29 — 60 37M0
30 — 61 37°,10
31 — 61 37°,20
l"juin 61 37°, 10
2 — 64 37°;15
3 — 70 37°,25
4 - 72 37°,35
5 — 67 37%50
6 — 64
7 — 68 37°,45
L'examen de ces chiffres vient prouver de nouveau les propositions
que j'ai énoncées. Dès la veille du jour où les règles ont apparu, le
pouls a diminué, et cette diminution, ainsi que l'abaissement de la
température, a été notable le matin du 22 mai. bien que la femme ne se
soit aperçue du retour de ses règles que deux heures plus tard. Mais
lemolimen hémorrhagique s'était déjà opéré. La diminution de l'urée a
été une fois de plus de 25 pour 100 (voyez le chiffre 14,75 correspon-
dant au 24-25 mai), l'abaissement de la température a été de un demi-
degré; enfin le pouls a oscillé entre les termes extrêmes 52 et 72,
c'est-à-dire que le nombre des pulsations a varié de 28 pour 100,
112
Les variations concomitantes dans l'élimination de l'urée, dans le
pouls et la température, impliquent nécessairement des variations ana-
logues dans l'exhalation de Tacide carbonique. Oa sait en effet que
lorsque l'urée diminue l'acide carbonique diminue également: Il ne peut
d'ailleurs en être autrement ici, puisque toutes les combustions orga-
niques sont diminuées à cause de la perte d'un certain nombre de glo-
bules qui sont les vecteurs de l'oxygène. C'est pourquoi j'espère avoir
bientôt l'occasion de réfuter une erreur grave commise par MM. Andral
et Gavarret (1),
Ces expérimentateurs, après avoir établi que la combustion du car-
bone augmente chez l'homme depuis l'enfance jusqu'à une certaine
époque pour diminuer ensuite et retomber chez le vieillard à un chiffre
très-bas, ont avancé que chez la femme non enceinte cette progres-
sion ascendante puis décroissante n'avait pas lieu de la même manière.
Pour eux, depuis l'époque où s'établissent les règles jusqu'à celle de la
ménopause, la femme n'exhalerait pas plus d'acide carbonique que la
jeune fille de douze à quinze ans; puis, à l'époque de la ménopause,
la combustion du carbone s'accroîtrait brusquement pour décroître en-
suite avec l'âge.
Je démontrerai prochainement que la première partie de cette der-
nière proposition est entachée d'erreur; que sur les trente ans pendant
lesquels la femme est réglée, il y en a vingt pendant lesquels les choses
se passent chez elle comme chez l'homme. Je démontrerai que pendant
l'intervalle compris entre les cinq ou six jours qui suivent la cessation
des règles et un jour ou deux avant leur retour, la femme élimine non-
seulement plus d'urée, mais plus d'acide carbonique que la jeune fille,
de même que l'homme adulte exhale plus d'acide carbonique que l'en-
fant (2). Les auteurs que j'ai cités ont pris pour règle générale ce qui
n'est qu'une exception dépendant de l'influence immédiate des règles
et temporaire comme elles.
— M. Vaillant expose des faits relatifs à l'étude anatomique du genre
Pontobdelle, qui appartient au groupe des vers; ces faits sont publiés
dans les Annales des sciences naturelles (février 1870). Le genre des
Pontobdelles est caractérisé par la présence de deux ventouses termi-
nales, l'absence d'yeux et de prolongements branchiaux; la bouche
(1) Annales de chimie et de physique, 1843, 3« série, t. VIII, p. 129
et suivantes.
(2) La femme, dont il est question dans cette note, et moi, nous éli-
minons sensiblement la même quantité d'urée et d'acide carbonique
lorsqu'elle n'a pas ses règles et lorsque nous suivons un régime iden-
tique. Elle ne pèse pas plus que moi, 60 kilogrammes environ.
113
présente une trompe protactile ; elle n'est point armée de mâchoires.
Ces animaux sont ordinairement fixés sur le corps des raies.
— M. Brown-Séquard présente un cochon d'Inde chez lequel il a pra-
tiqué une section entre le cervelet et les tubercules quadrijumeaux du
côté gauche; le nerf trijumeau a été coupé. Il y a dix-huit jours que
cet animal a subi l'opération; pendant les dix premiers jours, l'animal
a présenté le mouvement de roulement. La même opération faite trois
fois du côté droit a produit constamment la mort.
Le même expérimentateur dit que lorsque, chez un cochon d'Inde,
après avoir fait la section du nerf sciatique et avoir constaté que l'ani-
mal s'est guéri après être devenu épileptique, si l'on pratique une
deuxième section du nerf au-dessus de la réunion, l'épilepsie apparaît
de nouveau. Mais si la deuxième section est faite au-dessous de la ré-
union, jamais on ne produit l'épilepsie; ainsi le lieu de réunion des
nerfs paraît être un obstacle à la propagation des irritations que l'on
provoque au-dessous. M. Brown-Séquard a remarqué que la deuxième
section faite au-dessus de la réunion des nerfs est plus promplement
efficace pour provoquer l'épilepsie que la première.
M. Brown-Séquard montre les capsules surrénales d'animaux morts
à la suite d'opérations sur la moitié droite OU gauche de l'encéphale,
pour faire constater qu'elles sont congestionnées. Il a toujours trouvé
des congestions des capsules surrénales dans ces circonstances.
M. LioDviLLE et M.Hayem coupèrent chez un cobaye la moelle épinière
dans le tiers inférieur; l'animal vécut douze jours ; on trouva le rectum
distendu par des masses dures qui avaient en plusieurs points ulcéré,
de dedans en dehors, et môme perforé l'intestin, et causé une périto-
nite qui a dû être la cause de la mort. M. Liouville rapproche de ce
fait l'observation qu'il fit en 1868, à la Salpêlrière, sur une femme,
d'une distension considérable du gros intestin causée par une tumeur
qui comprimait le rectum -, au niveau de la partie distendue se trouvaient
des ulcérations.
— M. MicHAUD communique les résultats de l'examen de la moelle épi-
nière qu'il fit chez deux individus qui offraient des cas de pied bot.
Chez le premier, il y avait un pied bot équin, qui était survenu
à la suite de paralysie; l'autopsie a montré une atrophie graisseuse des
muscles du mollet. Dans la moelle, dans les cornes antérieures, il y avait
atrophie et même disparition des cellules nerveuses ; les lésions étaient
surtout prononcées dans les régions cervicale et lombaire. Dans le se-
cond cas, on avait affaire à un pied bot congénital, c'était un double
pied bot varus équin. La moelle fraîche paraissait normale, mais après
durcissement et coloration par le carmin, on trouva une myélite limitée
c. K. 1870. 8
114
à la partie inférieure de la région cervicale; des amas de substance
blanche pénétraient dans la substance grise et disloquaient les cornes
antérieures.
M. VuLPiAN a parlé dans son cours des altérations des muscles dans
le pied bot; il a dit qu'il était probable qu'il y avait des lésions de la
moelle; les observations de M. Michaud confirment ces présomptions.
Chez une femme qui avait une luxation congénitale de la hanche avec
atrophie des muscles, M. Vulpian trouva la moelle altérée; aux envi-
rons du canal central, il existait une multiplication d'éléments du tissu
conjonctif se colorant par le carmin. Cette partie s'étendait et inter-
rompait les cornes. Dans les relations d'autopsie de pied bot publiées
par M. Broca, on voit des atrophies musculaires disséminées qui pa-
raissent dues à des lésions de la moelle. La pièce présentée par M. Mi-
chaud a été recueillie dans mon service, dit M. Charcot : il y avait des
traces d'une myélite, et je suppose que cette myélite existait chez le
fœtus et a été la cause d'une attitude vicieuse. Il faut distinguer en
général le pied bot paralytique causé par la paralysie de certains mus-
cles et le pied bot spasmodique qui est la conséquence d'une attitude
vicieuse.
M. Laborde dit que dans tous les faits de M. Broca il y avait de l'al-
tération graisseuse et de l'atrophie dans certains muscles; ces faits ne
doivent pas être confondus avec ceux de la paralysie infantile. M. La-
borde ajoute qu'il faut distinguer le pied bot héréditaire et le spontané :
dans le premier, il n'y a point sans doute d'altération de la moelle;
dans les altérations non transmises il peut en être autrement. M. La-
borde croit que le pied bot se transmet fatalement.
— M. Trouvé présente à la Société une série d'instruments qui permet-
tent de rechercher les projectiles dans les tissus; l'un d'eux consiste
en un petit électro-aimant qui fait vibrer un trembleur lorsque deux
fils métalliques isolés viennent parleurs extrémités rencontrer une sur-
face métallique qui forme le circuit d'une pile.
Séance du 18 juin.
M. Rutherford, professeur de physiologie à King's Collège, assiste à
la séance.
— M. Rabuteau propose pour le dosage des sels ammoniacaux le pro-
cédé de Lecomte, qui s'applique au dosage de l'urée. Les hypochlorites
décomposent l'ammoniaque, et l'azote qui se dégage est recueilli. Il y
a dans l'organisme des sels ammoniacaux, et il est probable, dit M. Ra-
115
buteau, qu'ils sont éliminés par les poumons sous forme de carbonate
d'ammoniaque.
M. Rabuteau, ayant examiné différentes eaux-de-vie, n"a trouvé
dans l'eau-de-vie de vin ni alcool butylique, ni alcool amylique; tan-
dis que l'eau-de-vie de betterave contient ces alcools qui, probable-
ment, produisent les accidents d''alcoolisme. L'alcool amylique, dit
M. Rabuteau, est toxique pour les grenouilles à la dose de 1 pour 1000 ;
taudis que 15 pour 100 d'alcool éthylique ne tuent pas ces animaux.
— M. Hayem a injecté sous la peau du dos, chez des chiens, une cer-
taine quantité de cinabre, et a obtenu des abcès, puis l'infection puru-
lente; le but de M. Hayem était de suivre les globules blancs impré-
gnés de la matière colorante dans leurs migrations. A l'autopsie on
trouva dans les abcès des globules de pus qui étaient colorés; mais le
plus grand nombre de ces corpuscules était incolore. Dans les gan-
glions lymphatiques, il y avait des cellules contenant du cinabre;
M. Hayem en trouva aussi dans les artères pulmonaires et dans les al-
véoles. Ainsi un liquide dune plaie peut entrer par les veines et par
les lymphatiques, et des corpuscules blancs colorés, qui sont entrés
dans la circulation, peuvent en sortir et se retrouver dans les abcès
métastatiques.
M. Ranvier fait remarquer qu'il n'y a point que les globules blancs
qui absorbent le cinabre, mais que cette propriété d'imprégnation ap-
partient à une foule d'éléments cellulaires, tels que les cellules du
tissu conjonctif, de la moelle des os, comme l'ont démontré les travaux
de Poniick et de Langerhans. De plus, ces auteurs ont montré, dit
M. Ranvier, que si les matières colorantes sont injectées dans le sang,
les ganglions lymphatiques ne sont pas infiltrés de matière colorante,
tandis que si l'injection est faite dans le tissu cellulaire, les ganglions
lymphatiques sont infiltrés primitivement.
M. Hayem croit volontiers que des particules colorées peuvent péné-
trer dans l'organisme par d'autres éléments que les globules blancs,
mais il pense que son expérience est intéressante au point de vue du
transport des particules colorées d'une plaie dans le poumon.
— M. Bert présente un animal qui a été placé dans un grand appareil,
à raréfaction de l'air, une sonde avait été fixée dans l'artère carotide et
pouvait communiquer avec l'extérieur. Lorsqu'on eut diminué consi-
dérablement la pression autour de l'animal, on ouvrit la sonde, et l'air
extérieur se précipita dans les artères, l'animal fut tué : dans ces con-
ditions, on trouve de l'air partout, dans le système circulatoire, dans
le tissu cellulaire, et même dans les séreuses. M. Bert a remarqué que
116
l'air ainsi injecté tue les nerfs moteurs, tandis que la contractilité mus-
culaire persiste.
— M. Gréhant ajoute à la communication qu'il a déjà faite sur les effets
d'une forte insufflation des poumons, quelques résultats d'expériences
qui montrent par quel mécanisme la circulation est diminuée ou ar-
rêtée.
Chez un chien, on a introduit une sonde de plomb remplie d'une so-
lution de carbonate de soude, par la veine jugulaire, presque dans la
veine cave inférieure, dans le thorax, et l'on réunit cette sonde avec un
manomètre; dès qu'on insuffle les poumons par l'air comprimé sous
une pression constante de 6 centim. de mercure, on voit le mercure
monter dans le manomètre jusqu'à 5 ou 6 centimètres, et la pression
dans les veines devient à peu près égale à celle qui existe alors dans
les artères. Pour mieux démontrer ce fait, M, Grehant emploie le ma-
nomètre différentiel de M. Claude Bernard; l'une des branches commu-
nique par la sonde avec la veine cave, l'autre avec l'artère carotide;
dès qu'on insuffle les poumons, on voit les deux niveaux, d'abord dis-
tants de 14 centimètres, se rapprocher peu à peu jusqu'à l'égalité, et le
mercure rester immobile. Ainsi la circulation est arrêtée par compres-
sion des vaisseaux dans les poumons, et le sang reste en repos dans
tous les vaisseaux de la grande circulation. Cette conclusion est en-
core confirmée par l'expérience suivante : on fait sur le poumon de la
vache une injection de sang défibriné par l'artère pulmonaire, pression
de 5 centim. de mercure, et on recueille le sang qui revient réguliè-
rement par les veines pulmonaires ; l'insufflation des poumons arrête
immédiatement l'écoulement du sang.
M. Brown-Séquard demande à M. Gréhant, si dans son expérience, le
cœur continue à battre; il faut remarquer, dit M. Brown-Séquard,
qu'une forte injection de sang dans la veine jugulaire arrête le cœur.
M. Gréhant a reconnu que, dans le tracé des indications du manomè-
tre placé dans une artère, on observe quelques secondes après l'insuf-
flation, une ligne horizontale parallèle à la ligne des abscisses qui ne
présente aucune ondulation; M. Gréhant se propose devoir directe-
ment si le cœur continue à battre.
— M. Laborde présente les ovaires d'une poule qui produit des œufs
incomplets dépourvus de coquille, et dans les ovaires il y a une réten-
tion évidente des jaunes,
— M. Brown-Séquard a montré à la Société une série de poumons
offrant des hémorrhagies à la suite de lésions de l'encéphale; le cer-
velet, les lobes cérébraux et une partie du corps strié sont incapables
117
de produire ces lésions, mais toutes les autres parties de la base sont
capables de les développer; cependant, lorsqu'on a coupé les lobes
cérébraux et même les lobes olfactifs, il peut arriver que du sang s'é-
panche et aille irriter les parties qui peuvent déterminer ces ecchymo-
ses dans les poumons. La portion de protubérance qui est la plus voi-
sine du pédoncule cérébelleux moyen est la plus efficace pour produire
ces lésions. Les nerfs qui conduisent cette irritation naissent de la
moelle épinière au-dessous de l'origine des nerfs phréniques, de la
partie située entre la quatrième cervicale et la quatrième dorsale; la
section des sympathiques et des nerfs vagues n'empêche en rien les lé-
sions pulmonaires. La transmission se fait en partie d'une manière croi-
sée en partie directement, car l'irritation d'une moitié de l'encéphale
fait apparaître les hémorrhagies surtout de l'autre côté du poumon,
et aussi mais à un moindre degré du même côté. Si l'on coupe une
moitié latérale du bulbe et qu'on irrite une moitié de la base de l'en-
céphale, on constate que les deux poumons contiennent des foyers hé-
morrhagiques.
— M. Brown-Séquard a fait avec M. Lombard plusieurs expériences :
après la ligature de la trachée et une forte insufflation des poumons,
on a obtenu des ecchymoses pulmonaires à la suite de l'irritation de
la base de l'encéphale; puis laissant s'affaisser les poumons, on a vu
des foyers hémorrhagiques.
Dans certains cas, les hémorrhagies se sont produites sous les yeux.
En ouvrant le thorax on a vu les poumons s'affaisser, l'asphyxie se
produisait chez l'animal; on lésa le cerveau à la base, puis par l'in-
sufflation artificielle on conserva l'animal, et l'on vit les hémorrhagies
se produire sous les yeux.
M. Brown-Séquard a remarqué que lors des lésions de la base de
l'encéphale, il y a une cause de mort qui résulte d'une production
énorme de mucus bronchique.
J'ai vu, dit M. Brown-Séquard, un malade atteint de méningite as-
phyxié, par une production pareille de mucus dans les poumons.
M. LiouviLLE rappelle que M. Cruveilhier a vu des malades succomber
à des lésions des poumons à la suite d'hémorrhagies cérébrales. Dans
les cas d'hémorrhagie cérébrale, dit M. Charcot, on trouve tantôt des
ecchymoses pulmonaires, tantôt des pneumonies lobaires ou lobulaires.
Les ecchymoses péricrâniennes sont toujours consécutives. L'hémor-
rhagie cérébrale commence, puis les hémorrhagies externes appa-
raissent. M. Charcot n'a jamais vu d'ecchymoses péricrâniennes dans
les cas d'apoplexie foudroyante.
M. Brown-Séquard explique la production d'hémorrhagies dans le
118
poumon, par la théorie suivante; L'irritation du centre nerveux dé-
termine une contraction fixe des veines, l'artère se contracte d'une
manière péristaltique vers la périphérie, et le sang comprimé déchire
les petits vaisseaux.
Séance du 25 juin.
M. Gréhant a recommencé chez un chien l'expérience d'insufflation pul-
monaire, après avoir introduit une aiguille dans le cœur; la pression
dans le gazomètre et dans les poumons étant égale à 6 centimètres de
mercure, le cœur s'arrêta complètement au bout de quelques se-
condes.
M. Bert a soumis dans cet appareil plusieurs animaux à une diminu-
tion considérable de pression, puis a recherché la composition des gaz
du sang dans l'état normal et dans ces conditions nouvelles : un chien,
placé dans l'appareil, se trouva, au bout d'une demi-heure, dans une
atmosphère dont la pression était seulement égale à 31 centimètres de
mercure; on prit alors du sang à l'aide d'une sonde et d"une seringue
dans l'artère fémorale et les gaz du sang furent extraits; on obtint les
résultats suivants :
Sang normal. Sang pris dans les conditions
de l'eipérience.
iOO cent, cubes de sang contenaient : 100 cent, cubes de sang contenaient :
39" acide carbonique 31"
17,5 oxygène 12
Les gaz étant secs à 0° et à la pression de 76 centimètres, dans l'ap-
pareil à extraction des gaz du sang, M. Bert introduit d'abord un cer-
tain volume d'eau distillée qu'il prive de gaz, afin d'étendre le sang et
de diminuer la mousse.
— M.Ranvier fait connaître des expériences qu'ila faites avecM.Cor-
nil pour rechercher ce que devient le sang consécutivement aux hé-
morrhagies produites dans les séreuses et dans le tissu conjonctif.
Quand on injecte du vermillon très-fin dans la cavité péritonéale chez
le rat, les cellules épithéliales de l'épiploon se gonflent et absorbent la
matière granuleuse, en même temps les globules de pus qui apparais-
sent s'imprègnent aussi. On a dit que la pénétration des granulations
dans les globules blancs a lieu par des mouvements amyboïdes ; pour les
cellules épithéliales, il n'est pas certain qu'elle ait lieu par ce méca-
nisme, car lorsque les cellules ont encore une cuticule, les granulations
pénètrent encore; mais sous l'influence de l'irriiation, les cellules se
119
gonflent perdent leur cuticule, et les granulations pénètrent plus facile-
ment. Lorsqu'on injecte du vermillon ou du bleu d'aniline dans le tissu
cellulaire d'un chien, on voit les cellules du tissu conjonclif se pig-
menter comme celle de l'épiploon. Dans le tissu conjonctif comme dans le
péritoine, on voit survenir une inflammation, les cellules plates se gon-
flent, se pigmentent; un grand nombre de globules blancs apparais-
sent. Longtemps après, cinq mois après, M. Ranvier a trouvé chez le
rat une quantité considérable de granulations dans les cellules.
Si l'on injecte avec une seringue de Pravaz 2" de sang défibriné
dans le péritoine d'un rat, on obtient des phénomènes analogues à ceux
qui sont produits par le vermillon ; les cellules endothéliales se gonflent,
des globules de pus se forment, les uns sortent des vaisseaux, proba-
blement d'autres viennent des cellules épithéliales. Les globules du
sang se modifient, deviennent plus petits, plus rouges. Ces change-
ments ont été décrits par Rindfbisch, qui injectait du sang dans les
sacs lymphatiques de la grenouille. Des granulations de globules rouges
réfringentes et colorées sont absorbées comme l'était le cinabre. La
matière colorante du sang se modifie peu à peu, se convertit en hé-
maline, et ainsi se produisent les changemeuts de couleur des ecchy-
moses; la disparition définitive de l'ecchymose peut être attribuée au
transport de la matière colorante par les globules blancs.
— M. Troové présente un appareil électro-médical très-portatif, qu'il
construit, et qui permet de graduer à volonté les courants induits, soit
en recouvrant plus ou moins d'un cylindre de cuivre le cylindre de fer
qui est placé au centre de la bobine inductrice, soit en retirant ce cy-
lindre de fer.
M. Carvîlle demande si cet instrument permet d'obtenir toujours
un courant de même intensité.
M. TuouvÉ répond que pour atteindre ce but il faut employer une
pile qui reste constante.
M. Laborde, quia employé l'appareil de M. Trouvé, est convaincu
que la graduation des courants induits est parfaite.
— M. Brown-Séquard montre un cochon d'Jnde qui, après la section
du trijumeau, a off"ert une suppuration de la surface de la cornée; au-
jourd'hui, trente-trois jours après l'opération, un travail de réparation
a eu lieu et le pourtour de la cornée est à peine opaque.
Chez un cochon d'Inde dont la moelle fut coupée au-dessous de l'ori-
gine du nerf sciatique, M. Brown-Séquard a observé seulement une lé-
gère paralysie de la vessie. Six mois après l'opération, l'animal est de-
venu tout à fait épileptique. Dans l'articulation du coude-pied, il s'est
fait un gonflement très-considérable, qui a été précédé de la gangrène
120
d'un doigt. M. Brown-Séquard se demande si cette lésion s'est pro-
duite sous l'influence du système nerveux. On sait que M. Charcot a
signalé des cas d'arthropathie dépendant d'affections du système ner-
veux.
Relativement à la production des attaques chez les animaux rendus
épileptiques, M. Brown-Séquard fait remarquer qu'il ne faut pas pincer
avec violence la peau de la zone épileptogène, car les douleurs vives
arrêtent l'attaque au lieu de la provoquer. Récemment, M. Brown-Sé-
quard faisait une expérience avec M. Lépine, et produisait des lésions
de la base de l'encéphale; l'animal fut pris de convulsions à plusieurs
reprises. On constata que de fortes douleurs arrêtaient les convul-
sions.
— M. Brown-Séquard a constaté chez un malade de M. Ollivier l'ar-
rêt des convulsions par la production de douleurs très-vives. Il serait
important de répéter ces expériences chez l'homme. Mais quand la
connaissance est perdue chez l'homme, onn'essaye plus aucune action.
Mais je suis convaincu, dit M. Brown-Séquard, que si l'on tiraillait les
membres avec violence pour provoquer de la douleur, on pourrait ar-
rêter l'attaque.
M. Carville demande si ce n'est pas pour produire de la douleur
qu'on a proposé l'emploi de l'électricité dans ces cas. Si l'on produit
une douleur très-vive, à l'aide de l'électricité, chez un cochon d'Inde
en attaque, dit M. Carville, arrêterait-on ^'attaque?
Il est très-possible, répond M. Brown-Séquard, que la douleur arrête
l'attaque. M. Onimus a fait cesser des attaques par des courants conti-
nus qui n'étaient pas très-intenses.
COMPTE RENDU DES SÉANCES
DE
r r
LA SOCIËTË DE BIOLOGIE
pendant le mois de juillet 1870;
Par m. HAYEM, secrétaire.
PRÉSILENCE DE M. CL. BERNARD.
Séance du 2 juillet.
M. Leven communique à la Société le résultat des recherches qu'il a
commencées sur l'action de Vaconitine.
Ce poison, rangé à tort parmi les narcotico-âcres, puisqu'il n'a ja-
mais produit de narcotisme, est un poison musculaire au même titre
que la digitaline et la vératrine.
A la dose de un dixième de milligramme introduit sous la peau, un
oiseau est foudroyé sans convulsions; son action se porte sur toute l'é-
tendue de la moelle, et il produit la mort par arrêt du cœur et des pou-
mons. A l'autopsie, ces derniers sont gorgés de sang, ainsi que le cœur;
quant à la contractilité des nerfs, au bout de dix minutes elle se trouve
épuisée, plus vite même que dans l'empoisonnement par la digitaline.
M. Leven reproduit son expérience sur un cochon d'Inde, devant la
Société.
M. Brown-Sequard, à propos de la communication de M. Leven,
122
rappelle un fait depuis longtemps signalé par Waller. Ce fait est le
suivant : Si l'on mélange l'aconitine avec le chloroforme, l'alcool et
l'axonge, l'absorption de l'aconitine est considérable; si le chloroforme
manque à ce mélange, l'aconitine s'absorbe beaucoup moins.
— M. Brown-Séquard donne le résultat de ses recherches sur le siège
central de l'épilepsie.
Si l'on devait se rapporter aux premiers mouvements réQexes de
l'attaque d'épilepsie pour déterminer ce siège central, sa localisation
varierait beaucoup, puisque ces mouvements réflexes peuvent se mon-
trer du côté des muscles de la vessie, du pénis, de l'œil, de la langue,
du cou et souvent même sur les fibres musculaires des vaisseaux cé-
rébraux seulement, ainsi que le démontrent un grand nombre d'at-
taques consistant seulement en une perte de connaissances.
D'autre part il est difficile de s'appuyer sur autre chose que ces
mouvements réflexes pour établir le siège central de l'épilepsie.
En Allemagne, Kusmalil et Tenner, Schrœder van der Kolk l'avaient
placé dans le bulbe; mais on sait que les lésions du bulbe manquent
souvent dans l'épilepsie, et que certaines lésions du bulbe peuvent ne
pas donner lieu à des phénomènes convulsifs, tandis que des convul-
sions énormes peuvent tenir au contraire à des lésions de parties bien
différentes.
Selon Nothnagel, ce siège central serait la protubérance. Cette opi-
nion avait déjà été mise en avant, puis réfutée. Nothnagel s'appuie sur
des expériences nombreuses, dans lesquelles il démontre qu'en effet
une piqûre ou une section de la protubérance amène des convulsions
qui ressemblent à la chorée électrique, mais ces convulsions n'ont rien
de l'attaque d'épilepsie véritable, soit chez l'homme, soit chez les
animaux.
En effet, l'épilepsie est une affection qui se manifeste par des atta-
ques revenant à des époques plus ou moins éloignées et caractérisées
par quatre grands signes, qui sont :
1° Des mouvements convulsifs, toniques et cloniques;
2° La perte de connaissance;
3° L'altération de l'intelligence après les attaques;
4° Quelquefois un sommeil plus ou moms durable après des atta-
ques d'une grande intensité. (Un sommeil de trois ou quatre mmutes a
été observé par M. Brown-Séquard sur un animal après une attaque.)
Or M. Brown-Séquard est parvenu à reproduire ces attaques com-
plètes d'épilepsie un grand nombre de fois, en blessant un point quel-
conque de la région du pont de Varole, comprise entre les tubercules
nates et le bulbe, à la hauteur de la troisième vertèbre cervicale.
123
Avec une section plus ou moins complète de la moelle au voisinage
du bulbe, on donne naissance à des attaques d'épilepsie qui durent
deux à trois minutes. L'attaque commence par un mouvement de grat-
tement de la face opérée par la patte postérieure; puis les convulsions
commencent de ce côté du corps ; la même chose se manifeste alors
de l'autre côté, et l'attaque devient complète, avec insensibilité de la
face.
Sur dix expériences de ce genre, on peut voir se produire une syn-
cope respiratoire et cardiaque, et alors l'épilepsie manque.
Dans d'autres circonstances, la section n'est pas assez étendue pour
amener l'épilepsie, ou bien celle-ci peut ne se produire qu"un certain
temps après qu'on a opéré la section de la moelle; mais il faut toujours
que le cœur n'ait point cessé de battre.
A ce sujet, M. Brown-Séquard rappelle les différences qu'il a signa-
lées, en 1855, dans des leçons faites à Dublin, entre Véiat syncopal et
et Vétat asphyxique.
Dans l'état syncopal, l'animal est refroidi comme un cadavre; il y a
cessation de tous les actes vitaux en apparence, avec pâleur et livi-
dité, mais le cœur bat encore faiblement.
Dans l'état asphyxique, au contraire, on voit de violents mouve-
ments convulsifs, des attaques d'épilepsie, avec un pouls très-fort et
une chaleur extrême, qui se conserve encore quelque temps après la
mort.
M. CnARcoT : Dans les apoplexies, dans les grandes lésions centrales
du cerveau, il se fait en quelques heures un abaissement de plusieurs
degrés dans la température centrale, et l'explication à en donner est
difficile. Au dernier congrès, à Inspriick, Haydenhaën a rendu compte
d'expériences dans lesquelles il arrive à conclure à une sorte de trans-
formation des forces, en dehors d'une simple déperdition; la chaleur
deviendrait alors latente.
M. Brown-Séquard fait remarquer qu'après la section de la moelle
au-dessous du siège central de l'épilepsie, chez un animal insufflé, on
peut provoquer une attaque épileptiforme complète. En irritant la zone
épileptogène du côté opposé, on produit une sorte d'attaque, mais moins
violente.
Après avoir coupé la moelle au voisinage du bulbe, on détermine
dans la peau du cou un certain degré de la faculté épileptogène. Mais
dans ces cas on ne produit pas des attaques aussi intenses que par la
section du nerf sciatique.
Donc : 1* La moelle épinière seule peut donner des attaques épi-
leptiques;
124
2» Et la production de la zone épileptique peut se fajre rapidement
après la section de la moelle, mais à un faible degré.
— M. Brown-Séquard rappelle que dans les lésions de l'encéphale,
on constate souvent des plaques écchymotiques du côté des poumons.
Il a obtenu une sorte d'oedème de ces mêmes organes dans les sections
transversales du bulbe, de la protubérance ou de la moelle. Cette sorte
d'œdème pulmonaire se produit immédiatement dans les expériences
qu'il a faites; mais le microscope n'a pas encore prononcé sur la natura
de cette lésion pulmonaire.
— M. Brown-Séquard présente un cochon d'Inde issu d'une mère qui
a déjà produit deux petits nés avec l'absence de plusieurs doigts. Ce
dernier, auquel il manque une phalange, commence à devenir épilep-
tique, probablement par suite de l'altération du nerf sciatique de ce
côté.
— M. JoBERT expose les recherches qu'il vient de faire sur l'organe
sciatiforme des poissons.
Selon lui, cet organe existerait, quoi qu'on en ait dit, chez tous les
poissons, même à l'état embryonnaire.
Les cellules supérieures de cet organe sont aplaties, et polygonales
par pression réciproque, et elles sont perforées au centre au niveau de
l'organe sciatiforme.
M. CoRNiL demande si toutes les cellules épithéliales, comme chez
l'homme, reçoivent un filet nerveux, ou s'il y en a simplement quelques-
unes.
M. JoBERT croit qu'un certain nombre seulement de ces cellules sont
perforées pour correspondre à ces filets nerveux. D'ailleurs il doit re-
mettre une note complète à ce sujet.
Contributions a l étude des effets physiologiques et thérapeutiqukb de
l'alcool, par le docteur Rabuteau.
Dans une communication faite récemment à la Société de biologie,
j'ai avancé que l'alcool était sinon le meilleur, du moins l'un des plus
excellents diurétiques. Ainsi, tandis qu'après avoir bu 100 centimè-
tres cubes d'eau le matin, à sept heures par exemple, on ne rend en
moyenne qne 100 à 150 centimètres cubes d'urine pendant les trois
heures suivantes, on en rend 500 à 800 centimètres cubes après avoir
bu 100 centimètres cubes d'un cognac ordinaire.
Ce fait intéressant m'a servi à expliquer :
1' L'apparition de la polyurie succédant witiiédiatement à des
excès alcooliques, ce qui a été observé maintes fois sans que l'on
125
connût la liaison de cet état morbide avec l'ingestion exagérée de
l'alcool.
2" La gnérison par l'alcool, d'hydropisies survenues chez les bu-
veurs après la privation des liqueurs alcooliques, et qui ne pouvaient
disparaître que par le retour à la cause qui les avait déterminées,
comme l'a observé M. Brierre de Boismont.
3° L'absence des sueurs nocturnes après Tingestion de l'alcool. J'ai
proposé à ce sujet l'emploi de ce médicament si simple à la place de
l'acétate de plomb qu'on a prescrit d'une manière fâcheuse aux
phthisiques.
J'appellerai aujourd'hui l'attention de la Société sur une interpréta-
tion nouvelle des effets de l'alcool considéré comme cause de la goutte
et de la diathèse urique.
On a admis que l'alcool ralentissait les combustions organiques,
parce qu'il diminue la température. J'ai contribué de mon côté à éta-
blir cette action modératrice de l'alcool sur la nutrition, eu démontrant
que, sous l'influence de 200 grammes de cognac pris chaque jour,
l'urée totale de la journée diminuait de plus de 20 p. 100. Ce fait
semblerait confirmer les opinions de la plupart des hygiénistes, relati-
vement à l'étiologie de la goutte. En effet, pour eux, les combustions
étant diminuées, il se forme dans l'organisme un excès d'acide urique,
corps moins oxydé que l'urée, et qui se transformerait en celle-ci lorsque
les oxydations sont plus actives dans l'économie. Il me semble que
cette théorie ne peut être admise complètement aujourd'hui.
En effet, s'il est vrai que lorsque les oxydations sont activées par
l'exercice, l'acide urique se transforme en urée, il est certain que
toutes les fois qu'un agent introduit dans l'organisme diminue l'urée,
il diminue également l'acide urique. C'est ainsi qu'agissent les iodures, le
café, le thé et la caféine, d'après des recherches déjà publiées par moi
ou qui le seront bientôt. Ayant eu l'occasion de faire déjà près de huit
à neuf cents dosages d'urée dans l'urine, j'ai pu maintes fois observer
cette relation entre l'urée et l'acide urique à l'état normal. Quand lun
de ces principes varie dans un sens, l'autre varie dans le même sens.
L'alcool ne fait pas exception à cette règle générale. Loin d'aug-
menter l'acide urique, il le diminue. Et augmenterait-il d'ailleurs cet
acide qu'il en favoriserait l'élimination, ainsi que celle des urates, par
suite de ses effets diurétiques si remarquables. L'interprétation que
l'on a donnée relativement à l'étiologie de la goutte et de la diathèse
urique chez les gens qui font bonne chère, et qui usent largement des
liqueurs alcooliques, ne repose donc sur aucun fait scientifique. C'est
pourquoi je propose l'explication suivante.
L'acide urique est insoluble dans l'alcool et l'urate de soude est très-
126
peu soluble dans ce même liquide. Ces deux composés sont par suite
rendus moins solubles dans l'économie sous rinlluence des liqueurs al-
cooliques. Ils se déposent en certains points, là où la circulation est
moins active, mais où l'alcool peut pénétrer facilement, comme par-
tout, à cause de son pouvoir difFusible, ou, d'une manière plus exacte,
à cause de sa volatilité. Arrivé là, il précipite peu à peu, et molécule à
molécule, l'acide urique et l'urate de soude.
Je ne veux point dire toutefois que l'alcool soit la seule cause de la
goutte et de la diathèse urique. Le défaut d'exercice, chez les indi-
vidus qui font bonne chère et ne boivent que peu ou même pas de li-
queurs alcooliques, est certainement l'une des causes de ces maladies.
L'acide urique peut se trouver alors augmenté, et l'état normal, auquel
je faisais allusion plus haut, peut ne plus exister. J'ai seulement tenu
à préciser le rôle de l'alcool que je considère comme n'augmentant
pas par lui- même la production de Cacide urique et des urates, mais
comme précipitant ces principes dans ^économie.
La séance est levée à cinq heures et demie.
Séance du 9 juillet.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
ÉTDDES BE TUERMOMÉTRIE DANS LA SYNCOPE PROVOQUÉE ET DANS LES HÉMORRHA-
GIES artificielles; TEMPÉRATURE COMPARÉE DES CAVITÉS CENTRALES ET DES
TISSUS PROFONDS PÉRIPHÉRIQUES ; par le docteur Laborde.
Dans une des dernières séances, j'ai donné uh aperçu des modifica-
tions parallèles de la température des cavités centrales (thorax) et des
tissus profonds périphériques (muscles), dans la syncope expérimentale
par compression directe du cœur.
Ces résultats ne diffèrent pas sensiblement de ceux que l'on obtient
en produisant la syncope par la section instantanée de la moelle épi-
nière tout au voisinage de la région bulbaire.
Voici les chiffres obtenus dans une de nos expériences, pouvant ser-
vir de type : chez un jeune cochon dinde, dont la température nor-
male, avant l'expérience, était :
Dans la cavité thoracique, 38°
Dans les muscles de la cuisse, 37°,4
Après avoir dénudé très-rapidement et dans une petite étendue la
région cervicale supérieure et postérieure, nous incisons, à l'aide d'un
127
bistouri insinué entre les lacunes vertébrales, la moelle aussi complè-
tement que possible : l'animal tombe immédiatement sur le flanc, sans
respiration, le cœur arrêté dans ses battements, les yeux révulsés, les
membres un peu roides; mais sans convulsions appréciables ;
A ce moment :
A 5 heures 20 minutes du soir : température dans le thorax, 38',
id. dans les muscles, 36°
A 5 heures 40 minutes du soir : id. dans le thorax, 37°
id. dans les muscles, 34*
A 6 heures 10 minutes du soir : id. dans le thorax, 34°
id. dans les muscles, 30<»
A 7 heures un quart du soir : id. dans le thorax, 28°
id. dans les muscles, 24°
A 9 heures un quart du soir : id. dans le thorax, 22°
id. dans les muscles, 19°
La rigidité cadavérique s'établit.
Il importe surtout de noter à part la décroissance parallèle des deux
températures, la disproportion entre la modification subie au début par
la température centrale, qui est presque nulle, malgré la syncope con-
firmée, et l'abaissement presque immédiat, au contraire, de la tempé-
rature périphérique.
Dans cet ordre de faits, il nous a paru intéressant d'étudier l'in-
fluence exercée par les hémorrhagies artificielles, et de comparer ces
divers cas d'hémorrhagies.
Voici un exemple relatif à l'/iemorrAagie veineuse et à Vhémorrliagie
artérielle.
Sur un jeune cochon d'Inde très-vigoureux, la température dans les
muscles de la cuisse droite étant 32°,5 (l'animal est tout tremblant de
peur).
A 10 heures et demie du matin, par une température ambiante de
20 degrés, je sectionne rapidement la veine jugulaire droite; le sang
coule noir et en nappe comme dans une saignée.
Après une diminution successive, l'hémorrhagie s'arrête à 10 heures
40 minutes. 10 minutes après l'opération, la température des muscles
de la cuisse est alors à 32 degrés. A 10 heures 45 minutes elle n'a pas
changé.
Je fais alors une section rapide de la carotide du même côté : le sang
jaillit rapidement et abondamment. L'animal tombe sur le flanc.
A 10 heures 48 minutes, c'est-à-dire trois minutes après la section du
vaisseau, convulsions terminales.
La température de la cuisse est tombée à 31 degrés.
128
Dans la cavité thoracique, où nous avons établi à demeure un de nos
thermomètres, la température est à ce moment 32°, 5.
A 10 heures 50 minutes, l'animal est mort.
La décroissance de la température se fait alors dans la proportion
suivante :
»A 11 heures 25 minutes cuisse, 27°
thorax, 30°
A 1 heure (2 heures et demie après l'opération), cuisse, 22°
thorax, 25°, 5
A 1 heure 35 minutes cuisse, 21°, 9
thorax, 24°, 5
A 8 heures du soir cuisse, 20*
thorax, 22»
Le résultat des faits expérimentaux de cette nature, c'est la diffé-
rence d'influence de Vliémorrhagie veineuse et de Vhémorrhagie arté-
rielle sur les modifications de la température profonde; presque nulle
dans l'hémorrhagie veineuse, cqHq modification est très-rapide et très-
marquée dans l'hémorrhagie artérielle.
M. Charcot fait remarquer qu'en Allemagne la plupart de ces obser-
vations ont été faites, et, relativement à la saignée ordinaire, on sait
qu'il existe à la suite, d'abord un léger abaissement de la température
centrale, puis une sorte de réaction, que les sujets observés soient
avec ou sans fièvre.
Plusieurs théories ont été données pour expliquer ces faits. D'après
celle de Fels, en particulier, lorsqu'on soustrait une certaine quantité
de sang, les liquides interstitiels des tissus entreraient en circulation,
et ces liquides seraient doués de qualités pyrétogènes. La chose n'est
pas impossible; ce qui expliquerait cet abaissement de la tempéra-
ture, suivi de son élévation.
On sait d'ailleurs, et Wunderlich l'a parfaitement démontré, qu'il y
a réfrigération dans la saignée.
M. Charcot rappelle ensuite, à propos de la température centrale,
l'effet de l'arrêt du cœur sur cette température. Il a pu l'observer chez
une^femme atteinte de rupture du cœur avec hémorrhagie dans le péri-
carde, et qui n'est morte qu'une dizaine d'heures après cette rupture, à
la suite de trois ou quatre syncopes. Une heure après la première syn-
cope, la température du rectum était à 36 degrés, température relati-
vement basse.
Ce même effet s'observe encore dans le cours des maladies aiguës;
dans un cas de pneumonie, par exemple, où Ion rencontre d'ordinaire
129
une courbe régulière, M. Charcot a vu une chute de la température
établissant une courbe irrégulière et répondant à une complication
inflammatoire du côté du péricarde.
On observe encore un abaissement très-rapide de la température
centrale dans le développement de la péritonite par rupture intesti-
nale, dans l'apoplexie foudroyante par rupture des anévrysmes mi-
liaires. D'ailleurs le phénomène du choc, quel qu'il soit, amène tou-
jours après l'attaque, mais surtout un peu après, cet état de collapsus
avec refroidissement, état qui était connu déjà des anciens auteurs.
M. Laborde insiste pour qu'on fasse une distinction profonde entre
les températures selon qu'elles sont prises dans tel ou tel organe. Le
mot température centrale ne suffit pas; il faut y ajouter un mot qui rap-
pelle l'organe où elle est prise.
— M. Renadt communique à la Société le résultat de ses recher-
ches sur la structure du cordon ombilical. Il est amené par ces re-
cherches à se trouver en désaccord avec Recklinhausen sur les stomata
et les canalicules du cordon. Ces stomata et ces canalicules n'existe-
raient pas selon lui ; le tissu du cordon charrierait simplement une ma-
tière muqueuse et non de la lymphe.
—M. Bert rapporte qu'il a fait il y a deux ans, avec M. Jolyet, des ex-
périences au sujet d'injections de diverses substances dans la vessie,
d'où il concluait que la vessie absorbe. M. AUing, interne des hôpitaux,
vient de reprendre ces expériences, et il est arrivé à des résultats très-
significatifs.
Si, après avoir introduit une sonde dans la vessie, on ouvre le ventre
en même temps qu'on met une ligature sur l'urèthre, et qu'on injecte
une solution de strychnine dans la vessie, l'animal ne meurt pas.
Mais si l'on refait l'expérience en injectant la solution dans l'urèthre
seulement, qu'on a séparé de la vessie par une ligature, l'animal meurt.
D'où il suit que la vessie n'absorbe pas, et que le canal seul absorbe :
c'est là une solution importante qu'il faut appliquer aux résultats si
contradictoires des nombreuses expériences faites à ce sujet de-
puis 1824.
— M. Chouppe présente deux pièces d'anatomie comparée.
La première a trait à un poulet qui était animé de mouvements de
rotation pendant la vie, et chez lequel on trouva après la mort :
Les lésions de la pneumonie dans le poumon droit-
Des lésions qui se rapprochent de celles de l'infection purulente dans
le foie;
Une endocardite végétante très-nette à la valvule mitrale, et dans
l'aorte un caillot récent non adhérent.
C. R. 1870. 9
i30
La seconde se rapporte à un poisson trouvé mort le 4 juillet avec un
ventre très-dislendu, contenant 150 grammes de liquide citrin et
filant. Les deux feuillets péritonéaux étaient couverts de fausses mem-
branes, et l'ovaire était le siège d'une sorte de kyste avec nodosités
formées par des amas de cellules purulentes ou granuleuses. Les parois
étaient composées de quelques fibres conjonctives. En un mot, cette
tumeur, placée au voisinage des parois de l'oviducte, ressemble à un
sarcome encéphaloïde.
M. Bert : Ce. dernier cas démontre une fois de plus que les inflam-
mations des séreuses existent chez les animaux à sang froid, comme les
reptiles, les poissons, etc. Le fait a été démontré de la façon la plus
péremptoire; mais le pus est plus rare que les fausses membranes.
La séance est levée à six heures.
Séance du 16 juillet.
M. Laborde continue l'exposé de ses recherches sur les variations
de température selon les diverses parties du corps. (V. la séance du
Qjuillet, p. 126.)
1° Dans l'état normal ou physiologique, la température ce«0'a/e chez
les animaux mammifères, représentée par la température de la cavité
thoracique, ne coïncide pas avec la température du rectum, ni même
avec elle des muscles des membres.
Trois de mes thermomètres étant plongés, l'un dans la cavité thora-
cique, au voisinage du cœur, l'autre dans les muscles de la cuisse, le
troisième dans le rectum d'un cochon d'Inde vigoureux, voici ce que
l'on observe, lorsque la colonne mercurielle s'est fixée dans les trois
instruments, c'est-à-dire au bout de trois à cinq minutes ;
(Température extérieure à l'air libre- 25°.)
Thermomètre dans le thorax (région diaphragraatique). 37° centig.
Thermomètre dans le rectum 36" —
Thermom. dans les muscles de la cuisse (éiatstatique). 34°, 5 —
Différence de 1 degré centig. environ entre les trois régions.
C'est là une donnée dont il importera de tenir compte dans les fu-
tures observations de thermoraétrie sur les animaux ei sur l'homme,
soit, à l'état physiologique, soit à l'état pathologique, — et qui est, peut-
être, de nature à atténuer l'exactitude des observations faites jusqu'ici
avec la désignation de température centrale appliquée à la tempéra-
ture rectale.
2° Après la mort, quelle qu'en soit la cause, le refroidissement pro-
131
gressif du cadavre subit, dans son p'us ou moins de rapidité, l'influence
des conditions ambiantes de température; mais le chifiFre par lequel est
exprimé le refroidissement est toujours inférieur d'au moins un degré,
à celui de la température ambiante actuelle.
Voici deux exemples pris dans deux conditions opposées : une tem-
pérature extérieure très-élevée etune température 1res- basse.
Premier cas. —Un cochon d'Inde mort à la suite d'une hémorrhagie
artérielle, — et ayant après la mort une température de
32°5 centig. dans la cavité thoracique,
31° centig. dans les muscles de la cuisse,
reste placé, durant vingt-quatre heures, dans un milieu dont la tempé-
rature diurne varie de 24° à 24°,5.
Au bout de ces vingt-quatre heures, la température du cadavre est
tombée à
22°, 5 centig. dans le thorax,
22° centig. dans les muscles.
A ce moment, les deux thermomètres enlevés de leur place respec-
tive remontent presque immédiatement à 24° et 24°, 5.
La température du cadavre était donc inférieure de 2 degrés à la
température ambiante.
Deuxième cas. — Le 16 janvier 1870, à l'École pratique (pavillon de
M. Ledentu), la température extérieure était 1 degré, la température
du pavillon, fortement chauffé par un poêle rougi, de 5 à6 degrés centig.,
sur un cadavre nouveau, complètement refroidi à la surface.
Le thermomètre, enfoncé dans les muscles de la cuisse gauche (ré-
gion antérieure), marque 0 degré et s'y maintient. Dans les muscles de
l'avant-bras du même côté, même température 0 degré.
Ainsi la température du cadavre dans les muscles est inférieure de
5 degrés à celle de la température ambiante artificielle.
M. CoRNiL demande s'il ne faudrait pas tenir compte, pour les cada-
vres, de Tévaporation qui se produit à la surface et qui est capable de
le refroidir.
M. Rabcteau pense qu'il a pu se glisser quelques erreurs dans des
recherches aussi délicates : pour sa part, il a peine à comprendre qu'un
corps puisse avoir une température plus faible au bout d'un certain
temps que celle du milieu ambiant.
M. Laborde insiste sur la réalité des phénomènes qu'il a observés.
M. Rabutead rapporte que Liebrich n'a pas trouvé avec le chloral
les mêmes effets sur les grenouilles que sur les lapins; il a repris ces
expériences avec M. Napierolski, et ses résultats sont contraires à ceux
132
de M. Liebrich. En été, les grenouilles sont anesthésiées parle chloral,
comme les animaux à sang chaud.
M. Laborde rappelle que les grenouilles sont anesthésiées dans l'eau
chaude, ce qui infirmerait les conclusions de M. Rabuteau.
M. Rabuteau fait remarquer qu'il ne s'est pas placé dans les mêmes
conditions.
— M. Leven rapporte des expériences d'après lesquelles le strych-
nisme n'existe pas si l'on donne en même temps aux animaux l'aconi-
tine et la strychnine dans certaines proportions. D'oia il résulte qu'on
peut opposer la paralysie à l'excitabilité de la moelle.
M. Leven démontre ensuite, par d'autres expériences, comment le
curare paralyse la moelle, contrairement à l'opinion de M. Vulpian.
Pour faire ces expériences avec le curare, comme avec l'aconitine, il
faut que la circulation soit respectée dans les membres, et alors on
voit que la moelle est atteinte par l'aconitine comme elle l'est par le
curare.
D'ailleurs, si l'on donne le curare à un animal, on voit cesser la res-
piration; la sensibilité et la motilité se perdent. Donc il meurt par les
centres nerveux.
Donc les poisons tuent le système nerveux du centre à la périphérie,
et non de la périphérie au centre.
Deux observations d'oblitération de l'artère vertébrale du côté gauche ;
recueillies par M. Luneau, externe dans le service de M. Proust, à
la Charité.
Deux malades ont succombé dernièrement et à quelques jours de
distance, dans le service de M. Proust, à la Charité, à une affection que
nous croyons très-rare, et les lésions que nous avons trouvées à l'au-
topsie sont de nature à éclairer en quelques points la pathologie du
bulbe rachidien.
I. La première de ces malades était une femme âgée de 68 ans, qui
entra, le 29 mai 1870, dans la salle Sainte-Madeleine,
Celte femme, qui exerçait la profession de femme de ménage, avait
joui, jusqu'au commencement de cette année, d'une bonne santé habi-
tuelle. Elle n'avait jamais eu de rhumatisme, de palpitations, ni d'œdème
des membres inférieurs.
Au mois de janvier de cette année, elle a été prise d'une attaque
apoplecliforme qui lui a laissé une hémiplégie dont elle a mis trois
mois à se relever complètement.
Le 29 mai, jour de son entrée, à huit heures du matin, pendan
133
qu'elle était occupée à faire un ménage, elle sentit tout à coup le côté
gauche du corps subir un engourdissement tel qu'elle s'affaissa sur elle-
même.
La parole lui manqua complètement, et elle s'efforça en vain d'ap-
peler du secours, car elle avait conservé toute sa connaissance.
On l'apporta à l'hôpital, et le lendemain nous constatons l'état
suivant :
La malade est couchée dans le décubitus dorsal avec l'apparence de
la plus grande faiblesse.
Les traits sont déviés et la commissure de la bouche légèrement tirée
du côté droit. L'orbiculaire des paupières du côté gauche n'est point
paralysé. Les pupilles sont normales. L'hémiplégie faciale est donc fort
incomplète.
L'hémiplégie du côté gauche du corps est également plus apparente
que réelle, car la main gauche peut serrer avec assez d'énergie. La sen-
sibilité cutanée, loin d'être anéantie, est peut-être un peu augmentée
au bras et à la jambe.
Mais les symptômes qui dominent tous les autres sont une aphonie et
une dysphagie complètes.
Le malade parle à voix basse, mais répond parfaitement à toutes les
questions qu'on lui pose, et son intelligence est si nette quelle a con-
servé toute sa gaieté et qu'elle répond en souriant.
La langue est déviée du côté gauche, ses mouvements sont embar-
rassés; l'expuilion est impossible.
Le voile du palais est complètement insensible. Les muscles du pha-
rynx sont également paralysés. Dans l'arrière-gorge, des mucosités
abondantes et épaisses se sont accumulées, et l'on est obligé de les re-
tirer artificiellement. L'air qui passe à travers ces mucosités pendant
la respiration produit des râles bruyants, et il survient de temps en
temps des accès de suffocation provoqués par le passage de ces muco-
sités dans les voies aériennes.
La langue, les muscles du pharynx et du larynx sont donc manifes-
tement paralysés.
Au cœur on entend des bruits tumultueux, sans qu'on puisse distin-
guer de souffle. Les artères sont athéromateuses. Le pouls est à 72,
large, irrégulier et mou. La température du creux axillaireestde 36°, 6.
Dans toute l'étendue de la poitrine il existe des râles sibilants et
ronflants, mais pas de râles humides.
Les trois jours suivants, les choses sont restées dans le même état ;
cependant il y a eu une légère amélioration dans tous les symptômes.
La malade, qui jusque-là avait pris des aliments à l'aide de la sonde
œsophagienne, a pu le 2 juin, veille de sa mort, avaler seule quelques
134
cuillerées de bouillon sans avoir à redouter d'accès de suffocation
comme les jours précédents.
Le même jour, la voix est un peu revenue. La température et le pouls
se sont relevés.
De plus, il est facile d'analyser ce même jour les troubles de la mo-
tilité du côté gauche; les forces, en effet, sont bien revenues. Quand
on commande à la malade de prendre de la main gauche un objet
quelconque placé sur sa table de nuit, elle lance le bras dans cette di-
rection, heurte et renverse l'objet qu'elle veut prendre, le roule en
tous sens avant de pouvoir le saisir, et le laisse tomber quand elle
veut l'approcher de sa bouche. Toute précision lui manque dans les
mouvements, et quand on lui dit de porter le doigt au bout de son nez,
elle vient, après des mouvements irréguliers, choréiformes, le placer
brusquement sur l'œil ou sur la bouche.
La miction involontaire persiste depuis le commencement de la ma-
ladie; il n'y a pas eu d'évacuations alvines.
Le 3 juin, le pouls s'élève tout à coup à 112; le hoquet survient et la
malade succombe le lendemain matin.
A I'autopsie, la moelle a été enlevée avec les plus grandes précau-
tions; des coupes pratiquées à différentes hauteurs ont démontré qu'elle
n'avait pas subi de lésion.
Les artères vertébrales ont été divisées un peu au-dessous de l'en-
droit où elles pénètrent dans la diire-mère rachidienne. Le tronc basi-
laire et la vertébrale du côté droit ont un canal parfaitement libre;
quelques plaques d'athérome existent sur leurs parois. Les sylviennes
ne sont pas obstruées.
Mais l'extrémité supérieure de l'artère vertébrale du côté gauche
est oblitérée par un caillot sanguin dont le sommet coniiiue est dirigé
du côté de l'encéphale, et qui se continue en bas dans les sinuosités
que décrit l'artère avant de pénétrer dans le canal rachidien.
La coloration du caillot, vu à travers les parois de l'artère, est noi-
râtre. L'extrémité du cône paraît un peu décolorée.
Le caillot remplit et distend l'artère où il semble enfoncé comme un
coin. Il est distant d'environ 1 centimètre et demi du tronc basilaire.
L'artère cérébelleuse postérieure et inférieure est oblitérée dans
toute son étendue; les rameaux qui en parient pour pénétrer dans le
bulbe sont également remplis.
M. Charcot, qui a bien voulu examiner cette pièce, a cherché si la
substance médullaire n'était pas altérée au niveau de ces artères obli-
térées qui sont les artères nourricières du bulbe. Des fragments pris au
niveau du plancher du quatrième ventricule, non loin des noyaux d'o-
rigine de l'hypoglosse, du spinal et du facial ont laissé voir au micros-
135
cope des corps granuleux et des altérations semblables à celles qu'on
trouve dans le ramollissement cérébral ischémique.
Le lobe gauche du cervelet présentait aussi des points ramollis.
Ce travail de ramollissement s'était évidemment accompli depuis que
l'oblitération artérielle s'était faite, et il n'y a rien là qui nous étonne
si nous nous rappelons que la malade n'est morte qu'au septième jour.
Persuadé que nous avions sous les yeux une embolie de l'artère ver-
tébrale, nous en avons cherché l'origine dans les cavités gauches. Les
valvules étaient athéromateuses, surtout la valvule mitrale, mais il n'y
avait aucune trace d'érosion à leur surface. L'aorte, au contraire, pos-
sédait de nombreuses plaques d'athérome ulcérées.
Enfin, pour avoir une probabilité de plus en faveur de l'embolie, nous
avons recherché avec grand soin s'il n'y avait pas d'infarctus dans les
organes abdominaux qui en sont le plus habitHellement le siège. Le
foie et la rate n'en portaient pas de traces, mais le rein gauche avait
sur son bord convexe une cicatrice profonde, non douteuse, d'infarc-
tus ancien.
Aussi, en raison de la brusquerie de l'attaque, en raison de la forme
du caillot, en raison des lésions de l'aorte et enfin de la présence d'un
infarctus ancien du rein gauche, nous pensons qu'il faut rapporter à
une embolie l'oblitération de l'artère vertébrale qui a été le point de
départ des accidents que nous avons observés ici.
Ce premier point établi, nous ne saurions trop mettre en relief les
altérations du bulbe que le microscope a démontrées à M. Charcot.
Elles viennent confirmer par un fait pathologique les expériences mo-
dernes qui ont été entreprises pour démontrer avec quelle rapidité la
substance des centres nerveux se désorganise quand elle est privée des
matériaux de nutrition que le sang lui fournit.
IL Le second fait, que nous avons observé quelques jours après, se
rapproche beaucoup du premier.
11 s'agit cette fois d'un cocher de 63 ans, qui entra le 6 juillet dans
la salle Saint-Jeau-de-Dieu.
Quoique ce malade ail fait des abus considérables de boissons al-
cooliques, il n'accuse aucune maladie grave dans ses antécédents.
La veille de son entrée, après son repas du soir, il a été pris de mal-
aise. Pendant la nuit des vomissements survinrent, et il remarqua à
ce moment, qu'il lui était impossible davaler des liquides.
En même temps il essaya en vain de se lever et de se tenir debout,
celle difficulté de se tenir debout était survenue brusquement. Les
jours précédents encore, le malade avait pu faire 14 kilomètres sans se
fatiguer.
136
A son entrée à l'hôpital on constate une grande faiblesse musculaire
ei une sorte de résolution générale.
Malgré cela le malade conserve toute son intelligence et toute sa
gaieté.
Il y a une impossibilité complète d'avaler, et cependant le voile du
palais se contracte bien et les liquides rejetés ne passent ni dans le
larynx, ni dans les fosses nasales.
Les membres supérieurs ne semblent pas paralysés, et la pression de
la main est assez énergique. Le tremblement des mains est très-marqué.
Le malade peut cependant très-bien porter à sa bouche la cuiller ou le
verre qu'on lui commande de prendre sur sa table de nuit. Le tremble-
ment des mains communique à ces objets un léger mouvement, mais il
n'y a pas de phénomènes ataxiques.
Il existe un peu d'hypereslhésie aux membres inférieurs, mais ce
qu'il y a de remarquable de ce côté, c'est que lorsqu'on fait lever le
malade on le voit tituber, chanceler comme un homme paralysé, avec
une grande tendance à se laisser tomber du côté gauche; il a même
fait des chutes de ce côté, et il porte au coude une plaie qui l'atteste.
Aucune tendance au recul ou à la progression en avant; aucun phé-
nomène d'incordination, et s'il restait couché on ne s'apercevait cer-
tainement pas des signes de faiblesse que nous venons d'indiquer aux
membres inférieurs.
Nous ne constatons rien du côté des yeux, sinon une ophthalmie an-
cienne de l'œil gauche.
Les artères sont athéromateuses.
Dans la nuit qui suivit son entrée, il y eut un peu d'agitation; le ma-
lade se leva; on put le ramener assez facilement à son lit.
Le lendemain matin il nous annonça qu'il se trouvait beaucoup
mieux et qu'il avait pu avaler quelques cuillerées de liquide.
On vint l'examiner à deux heures; il répondit avec sa parfaite con-
naissance, put s'asseoir sur son lit, et à peine venait-on de le quitter
qu'il retomba à la renverse et mourut aussitôt.
Nous trouvons à I'adtopsie les valvules du cœur épaissies et recou-
vertes de plaques athéromateuses. La paroi interne de l'aorte est cou-
verte également de concrétions calcaires, et plusieurs plaques sont
manifestement érodées et ulcérées.
Les artères de la base de l'encéphale sont également envahies par
l'athéromp. Le tronc basilaire ressemble à un tube rigide dont on dé-
prime difficilement les parois.
L'artère vertébrale du côté gauche est absolument dans le même
état que la basilaire. A 1 centimètre de son abouchement dans l'artère
basilaire, elle est complètement obstruée par un caillot sanguin déco-
137
loré, jaunâtre. Ce caillot n'a guère plus de 1 centimètre de longueur, et
la cérébelleuse postérieure et inférieure qui sur cette pièce naît au-
dessous du point où elle naît habituellement est parfaitement libre et
n'est nullement obstruée.
Nous n'avons pas trouvé de traces d'infarctus dans les organes abdo-
minaux.
En résumé, les symptômes qui nous ont frappé chez ce malade sont
d'abord un début brusque, quoique moins caractérisé que chez notre
premier malade, puis cette paralysie de la partie supérieure de l'œso-
phage. Ni les lèvres, ni la langue, ni le voile du palais, ni le pharynx,
ni le larynx n'étaient ici en cause. Le malade pouvait opérer les pre-
miers temps de la déglutition, il conservait un instant les liquides in-
gérés, puis il était forcé de les rejeter un instant après par une sorte
de régurgitation, absolument comme s'il avait eu un rétrécissement de
la partie supérieure de l'œsophage.
Nous ne craignons pas de dire que si, dans notre premier cas, le groupe
des symptômes que nous observions pouvait faire supposer à peu près
la lésion qui les provoquait, le début insidieux chez notre second ma-
lade, l'absence presque complète de signes sur lesquels on pût baser
un diagnostic rendait ce diagnostic extrêmement difficile. C'est pour-
quoi il nous paraît bon que ces faits soient connus, car en pareille oc-
casion le pronostic étant très-grave, il faut savoir se tenir prêt à toute
éventualité.
M. CflARcoT fait remarquer tout l'intérêt qui s'attache à ces deux
communications dans lesquelles il a été permis d'obtenir les phéno-
mènes d'ischémie bulbaire avec ramollissement circonscrit du bulbe.
Les phénomènes qu'on a constatés se rapprochent sensiblement de
ceux qui s'observent dans la paralysie labio-glosso-pharyngée.
La séance est levée à cinq heures et demie.
Séance du 23 juillet.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté
M. Rabuteau, à propos du procès-verbal, revient sur ce qu'il a dit dans
la dernière séance, au sujet du chloral.
M. Liebrich a constaté l'anesthésie par le chloral chez les grenouilles.
M. Gubler expérimentant en hiver, n'a point constaté cette anesthésie.
La vérité se trouve du côté de M. Liebrich; l'interprétation à donner
consiste dans la métamorphose du chloral qui n'a pas lieu en hiver,
tandis qu elle a lieu en été.
138
M. Ranvier : J'ai expérimenté également le chloral sur les grenouilles,
par une température atmosphérique élevée. La solution saturée de chlo-
ral dont je me servais était au centième: c'est celle qui m'a semblé la
meilleure pour obtenir des résultats assez rapides ; en y ajoutant une
partie d'eau et en y plongeant une grenouille, on observe un empoi-
sonnement lent et progressif.
Tout d'abord l'animal n'est pas anesthésié, mais hypnotisé. La gre-
nouille étant retournée et mise sur le dos, reste immobile; si on la
touche, elle éprouve une secousse et se replace sur le ventre. Ce n'est
que plus tard, la grenouille étant sortie de la solution, un quart d'heure
après environ que l'aneslhésie a lieu.
Avec une solution au deux-centième, si l'on fait une injection hy-
podermique, les mêmes effets se produisent, mais avec un intervalle
moindre entre les deux périodes.
M. Rabuteau : J'ai constaté en effet que d'abord les grenouilles sont
excitées, puis qu'elles deviennent immobiles; si alors on les pique
elles ne sentent pas, mais si on les pince, elles se retirent, et plus
tard elles ne sentent plus rien ; le cœur ne cesse pas de battre.
M. Ranvier : Le fait important est de savoir que l'hypnotisme précède
l'anesthésie.
M. Laborde: Les grenouilles employées par M. Ranvier meurent-elles
après l'anesthésie?
M. Ranvier : Je ne les ai pas vues mourir.
M. Laborde : J'ai observé les mêmes phénomènes d'hypnotisme suivi
d'aiiesthésie même en ne plongeant dans la solution de chloral que les
pattes des grenouilles. Mais quant à moi, toutes les fois que les gre-
nouilles ont présenté une anesthésié complète, elles sont mortes en-
suite. Il y a là probablement aussi une question de dose.
M. Carville : En janvier dernier, j'ai fait de mon côté des recherches
sur le chloral, pour savoir sur quel organe il portait son action. J'ai
toujours vu que les grenouilles anesthésiées mouraient. J'ai vu ensuite
qu'à l'aide d'injections hypodermiques faites dans la patte de la gre-
nouille, la tête étant enlevée, le chloral produisait son action : il le
produisait encore après l'ablation du bulbe, mais une fois la moelle
détruite, toute action du chloral était également anéantie, de sorte
qu'il m'a été possible de conclure à l'action du chloral sur la moelle.
Le chloral agit donc sur la moelle avant d'agir sur le cerveau : car si
la moelle est détruite, la mort a lieu rapidement, avec ralentissement
des battements du cœur.
M. Legros : J'appuie la manière de voir de M. Carville ; la moelle est
touchée avant le cerveau, et le chloral fait cesser les mouvements cho-
réiques sur le chien avant les mouvements volontaires.
139
M. Carville : Je rapporterai à ce propos le fait d'un jeune chien pris
de tétanos probablement spontané, dans une écurie de Clamart où se
trouvait un cheval atteint de tétanos et deux autres jeunes chiens
également tétanisés. Tons ces aniniaux sont morts, sauf le premier au-
quel on administra du chloral, et qui en une demi-minute s'endormit.
On ne sait pas malheureusement ce qu'il est devenu.
Tous ces ehieris tétaient à la même mère sans que celle-ci fût
atteinte de tétanos.
— A propos du procès-verbal, M. "Vulpian fait remarquer que la ma-
nière de voir de M. Leven est contraire aux idées généralement reçues
en physiologie. On admet les effets de paralysie sur les nerfs d'abord,
sans nier absolument l'action des poisons sur la moelle.
— M. Ranvier, inscrit depuis deux séances pour répondre à M. Le-
gros au sujet de la communication de M, Renaud sur la structure du
cordon ombilical, prend la parole.
En parlant des cellules des tendons. M. Legros a dit qu'on trouvait
les extrémités des cellules s'efïilant, et que les fibres des tendons
naissent aux dépens de ces cellules. C'est là une opinion ancienne,
mise en avant par Schwan, admise d'abord par Henle, mais qu'on est
surpris de voir accepter encore aujourd'hui. Henle lui-même a changé
d'opinion à ce sujet, et avec de bonnes préparations l'idée ancienne
n'est plus souténable. Il est impossible de saisir en effet une relation
directe'entre les fibres tubulées et les fibres des tendons. Ces der-
nières ne se développent donc pas aux dépens des cellules tubulaires.
M. Legros a nié ces cellules tubulaires. MM. Kœlliker, Ludwig et
Schweigger-Seydel, qui ont vu mes préparations, les admettent.
Dans le fait de M. Renaud, M. Legros objecte que les cellules du
cordon ne sont pas des cellules plates. C'est là un fait qu'il sufiit de
regarder pour constater sa réalité.
Pour le mot endotliélium admis par His, il ne signifie rien ici et n'a
par conséquent aucune importance.
M. Legros : C'est précisément au sujet de ce mot endothélium que
j'ai été amené à faire quelques observations.
M. Rantier : J'ajouterai que les cellules du tissu conjonctif ne sont
jamais dans l'intérieur des faisceaux connectifs. Les auteurs qui les
ont décrites au centre de ces faisceaux se sont laissé prendre à des
illusions d'optique. Kœlliker a supprimé dans sa deuxième édition les
figures qu'il en avait données dans sa première. Frey persiste à les
représenter ; mais il faut bien savoir que chaque faisceau représente
une individualité bien distincte, à la surface duquel on trouve accolés
les éléments cellulaires. L'acide acétique, en individualisant les fais-
140
ceaux, rend cette distinction très- évidente. Toujours, en un mot, les
cellule* sont à la surface, ce qui rend impossible toute idée de forma-
tion des faisceaux de tissu conjonctif par ces cellules.
Schweigger-Seydel a émis l'opinion d'une sécrétion extérieure aux
cellules pour la formation de ces faisceaux conjonctifs dans la cornée.
M. Brown-Séquard : Dès l'annnée 1865 j'avais été à même d'observer,
après la section des racines des nerfs dorsaux d'un côté, une hyper-
eslhésie avec paralysie du mouvement dans le côté correspondant, et
de plus anesthésie dans le membre postérieur du côté opposé. C'é-
taient là les mêmes phénomènes qu'on obtient par la section d'une
moitié latérale de la moelle épinière au cou, au-dessus de l'origine du
nerf phrénique.
Toujours ces phénomènes ont lieu à des degrés plus ou moins ac-
cusés.
Si l'on a mis à nu le diaphragme et qu'on enlève une épaule, on voit
la moitié du diaphragme et les muscles intercostaux du côlé où l'on a
pratiqué cette mutilation, agir avec plus d'énergie. Si l'on vient à lier
le paquet vasculo-nerveux qui répond aux membres supérieurs, et
qu'on ouvre le thorax, on voit alors s'augmenter l'exagération des mou-
vements de la moitié correspondante du diaphragme et des muscles
intercostaux de ce côlé. Si on lie simplement les vaisseaux, il ne se
produit rien ; si au contraire la ligature porte sur les nerfs, ces phé-
nomènes se montrent.
On ne peut guère les expliquer que par une irritation des nerfs du
bras; agissant sur la moelle par anémie reproduisant une paralysie
vaso-motrice de ce même côlé du corps.
Ces mêmes phénomènes augmentent par l'ablation du ganglion Iho-
racique supérieur correspondant.
Dans quatre cas de lésions du ganglion thoracique supérieur gauche,
il s'est produit un œdème considérable du poumon correspondant sans
hémorrhagie.
Dans l'un de ces cas les deux ganglions thoraciques supérieurs ont
été intéressés, et l'œdème s'est montré des deux côtés.
Dans un cinquième cas, semblable au précédent, il s'est encore
montré un peu d'œdème.
Dans vingt-deux cas où le ganglion toutentier a été enlevé, l'œdème
n'a pas eu lieu.
Dans quelques cas les ganglions ont été lésés légèrement, et on a
vu paraître seulement un peu d'œdème.
Dans beaucoup d'autres cas le ganglion n'a pas été touché, et il ne
s'est produit aucun phénomène particulier du côté des poumons.
141
Il y a donc là une série de faits positifs et négatifs qui ont tous un
très-grand intérêt.
Dans un cas de destruction du ganglion, on a observé un mouve-
ment de manège du côté opposé.
Notons aussi que l'œil se ferme à moitié du côté correspondant.
Quant à la pupille, je l'ai vue deux fois contractée, deux fois resser-
rée, sans qu'il me soit possible de savoir pourquoi.
Dans un cas de destruction des deux grands sympathiques, j'ai pu
observer chez un cochon dinde, après trois ou quatre mois, que le
cerveau était et plus petit et plus congestionné que chez un animal du
même âge n'ayant pas subi cette opération.
M. Carville : Cette exagération de mouvement dans la moitié du
diaphragme et les muscles intercostaux du côté où l'épaule a été en-
levée n'était-elle pas précisément la conséquence de cette ablation,
uniquement dans le but physiologique de suppléer les mouvements de
l'épaule qui manque?
M. Brown-Séquard : Je croirais plus volontiers l'inverse; et si cette
suppléance devait avoir lieu, ne serait-ce pas plutôt du côté sain?
M. Carville: J'ai souvent, sur des lapins, enlevé le ganglion thora-
cique supérieur et cela sans tournoiement. Il est vrai que chez les lapins
c'est une opération difficile.
M. Brown-Séquard : Je n'ai opéré que sur des cochons d'Inde, et
toujours à gauche, où l'opération est plus facile. Or, sur quatre cas,
j'ai observé quatre fois ce tournoiement.
C'est une sorte de roulement du côté opposé, qu'on observe aussi, à
un moment rapproché de la mort, chez les animaux auxquels on a en-
levé une capsule surrénale. Ce mouvement se rapporte probablement
à une irritation des nerfs du grand sympathique.
Terminaisons nerveuses chez les poissons; par M. Jobert, docteur en
médecine, licencié es sciences naturelles, et M. Grandeï (de Liège),
docteur en médecine.
Nous avons l'honneur de communiquer à la Société de biologie le
résultat de recherches entreprises sur les terminaisons nerveuses chez
les poissons.
Nos travaux communs ont été surtout dirigés sur les poissons d'eau
douce, et comme exemple nous avons choisi le cyprinus carpio.
C'est dans la lèvre que nous avons recherché les organes terminaux
nerveux pour en faire l'anatomie.
Rappelons en quelques mots la disposition de l'épiderme. Celui-ci
se compose de plusieurs couches de cellules; les plus profondes, qui
142
sont implantées directement sur le derme, ont la forme de longs bâ-
tonnets disposés en palissade et serrés les uns contre les autres.
Les cellules situées au-dessus sont presque lozangiques; celles qui
leur sont superposées, presque rondes et peu serrées. Enfin la couche
tout à fait superficielle de l'épiderme offre des cellules irrégulièrement
aplaties et polygonales par pression réciproque.
C'est profondément dans l'épiderme que se trouvent ces cellules en
forme d'amphores à aspect spécial, à noyaux granuleux réfractant for-
tement la lumière, qui ont reçu le nom de cellules muqueuses et qui
viennent s'ouvrir par déhiscence (Leydig) à la surface de l'épiderme,
produisant ainsi ce mucus abondant qui constitue pour l'animal un vé-
ritable enduit protecteur.
Si l'on examine une coupe convenablement faite de la lèvre de la
carpe, on voit au milieu de cet épiderme décrit plus haut s'élever de
hautes papilles du derme. Celles-ci, simples ou composées, se terminent
par une extrémité creusée en forme de coupe, et sur le fond de cette
coupe repose un organe ovoïde d'aspect particulier que Leydig, qui a
signalé le premier son caractère, nomme organe cyathiforme.
Disons de suite que la papille dermique présente une boucle vascu-
laire, et qu'à côté des vaisseaux enroulés irrégulièrement on voit monter
directement deux faisceaux nerveux vers le sommet de la papille.
Au niveau du fond de la coupe, le tube nerveux disparaît.
Ces nerfs sont des nerfs à myéline; l'emploi de l'acide osmique le
dénote absolument.
Si l'on examine une coupe obtenue sur une lèvre de carpe ayant
macéré pendant vingt-quatre heures environ dans une solution d'acide
chromique très-faible (teinte 1/35 p. 100 de baume de Canada), on voit
que le fond de la coupe terminale de la papille contient une matière
granuleuse parsemée de noyaux réfractant fortement la lumière. Presque
toujours après cette macération, une partie de l'épiderme et du corps
cyathiforme a disparu, ce qui permet de constater que cet organe est
formé de deux sortes d'éléments bien distincts.
Ceux de la périphérie, figurés déjà par Leydig, ont la forme de lon-
gues cellules renflées dans leur milieu, et à leur extrémité supérieure
présentant un noyau brillant; l'analomiste allemand leur suppose la
propriété dêlre rétracliles. Nous ne saurions adopter cet avis.
Ces cellules sont insérées au bord de la coupe papillaire; souvent
une seule insertion se bifurque et donne ainsi naissance à deux cel-
lules. Le bord papillaire est finement dentelé; l'extrémité d'insertiou
des éléments cellulaires l'est également.
Nous disions plus haut que le fond de la coupe papillaire était rempli
par une masse granuleuse formée de noyaux. Cette masse se réduit en
143
fibrilles, et l'on voit s'en élever verticalement des filaments très-fins
réfractant fortement la lumière et offrant une ou plusieurs variétés
caractéristiques. Les bâtonnets forment le deuxième élément, l'élé-
ment central du corps cyathiforme.
Nous fondant sur l'aspect caractéristique de la masse granuleuse et
de ses filaments , nous avons considéré ceux-ci comme la vraie termi-
naison du nerf papillaire.
Les éléments périphériques du corps cyathiforme ne seraient plus
alors que les organes protecteurs appartenant à l'épithélium.
Un fait important à constater est celui-ci : la partie supérieure du
corps cyathiforme traverse l'épiderme et se trouve immédiatement en
contact avec le liquide ambiant.
En effet, en examinant l'épiderme par sa face supérieure, on le voit
percé de trous qui donnaient passage aux corps spéciaux que nous ve-
nons de décrire.
En dilacérant avec précaution, on obtient même des cellules épi-
théliales superficielles perforées qui se trouvaient placées immédiate-
ment au-dessus de l'extrémité de l'organe nerveux.
Il est facile, sur une coupe fraîche, de s'apercevoir que l'on n'est pas
victime d'une illusion.
Une légère pression exercée sur le verre à couvrir fait immédiate-
ment faire saillie aux filaments du centre, et aucune cellule épidermi-
que n'est entraînée.
Nos recherches communes faites sur la carpe nous ayant amené à cfes
conclusions, M. Jobert se trouvant à Arcachon, a pu les poursuivre sur
un poisson à organe tactile spécial, le muUus barbalus (mulet des an-
ciens Romains qu'ils employaient pour faire le garum, et dont l'agonie
réjouissait les convives à cause des couleurs brillantes et changeantes
que l'on observe chez ce poisson au moment de la mort). Chez le pois-
son et dans son organe tactile, les corps cyalhiformes atteignent jusqu'à
0°"",1 de hauteur.
Les papilles du derme ne sont plus capuliformes, mais bien arron-
dies, et de leur sommet on voit émerger un pinceau de fibrilles bril-
lantes faisant suite au nerf dont le trajet est très-facile à suivre dans la
papille.
Ces fibrilles brillantes s'étalent en éventail à peu de distance du som-
met de la papille et forment là un amas de matière granuleuse sembla-
ble à celui observé chez la carpe.
Sur cette masse repose le corps cyathiforme.
Du centre s'élèvent les filaments ayant les mêmes caractères opti-
ques, réfraction puissante de la lumière et le même aspect variqueux.
144
L'acide osmique, le chlorure d'or colorent vivement celte masse gra-
nuleuse.
Si l'on emploie la soude étendue et que l'on suive attentivement son
action, on voit peu à peu disparaître les éléments périphériques des
corps cyalhiformes, les filaments du centre résistent à l'aclion du ré-
actif; mais après un jour ou deux, malgré toutes les précautions, les
préparations sont perdues.
La section du nerf operculaire qui innerve l'organe tactile du rouget
produit une altération dans les organes terminaux. Après un mois, la
matière granuleuse avait disparu presque entièrement à la base du
corps nerveux, l'action du chlorure et de l'acide osmique le prouvaient
nettement. Les nerfs des papilles étaient, eux aussi, fortement altérés.
Séance du 30 juillet.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
— M. DupuY communique, au nom de M. Brown-Séquard, le résul-
tat d'expériences faites au sujet de la reproduction de parties d'os en-
levées.
a. Sur un jeune chien auquel M. Brown-Séquard a enlevé les lames la-
térales de deux vertèbres, au mois de décembre dernier, on trouve
une reproduction parfaite de ces lames, avec intégrité complète de la
moelle, qui cependant est adhérente au tissu fibreux qui recouvre la
portion d'os nouvelle. Cette adhérence de la moelle est constante dans
tous les cas.
Du côté du crâne, une portion d'os enlevée s'est égalemeat repro-
duite: on remarque seulement un développement moindre du crâne
du côté gauche, celui où une portion d"os a été enlevée.
b. Sur un chien adulte opéré en janvier dernier de la même façon,
on a vu se reproduire, du côté des vertèbres, une portion d'os plus
épaisse que celle qui avait été enlevée.
Notons que dans ces cas le canal spinal nest jamais rétréci; le con-
traire s'observe plus souvent, et le pont osseux de nouvelle formation
présente une forte concavité à sa face interne.
Dans l'un de ces cas, on observe une ulcération de la fesse avec une
sorte d'escharre.
Ces faits démontrent donc, contrairement à ce que l'on avait avancé
récemment, que la substance osseuse enlevée peut se reproduire;
M. Brown-Séquard l'avait déjà signalé à la Société de biologie dès
l'année 1849.
140
— M. Leve.n revient sur ce qu'il a dit dans les séances précédentes, et
il persiste à considérer l'expérience de M. Cl. Bernard comme non con-
cluante. Pour lui, les divers poisons, comme le curare, comme l'aco-
nitine, n'agissent que sur la moelle d'abord, et secondairement sur les
nerfs.
M. Ranvier : Je persiste à considérer comme extrêmement con-
cluante l'expérience de M, Cl. Bernard : elle démontre que le chloro-
forme, par exemple, atteint d'abord la sensibilité par les nerfs sensi-
bles, tandis que le curare atteint d'abord la motilité par les nerfs
moteurs. Il y a là deux poisons qui agissent en sens inverse. Peut-être
aussi faut-il tenir compte des doses employées par M. Leven.
M. Leven : Les doses ne font rien à la chose.
W. Laborde : Je crois de mon côté que l'on peut tenir compte des
doses employées. Je crois de plus que JNl. Leven va trop loin, quand il
rapporte tout, uniquement, à l'action sur^la moelle. Que cette action
sur la moelle soit réelle, je n'en doute pas ; mais nous devons aussi
admettre, et les faits le démontrent, que tels poisons agissent plus par-
ticulièrement et primitivement sur les nerfs moteurs, comme le cu-
rare par exemple, tandis qu'il en est d'autres qui agissent plus parti-
culièrement et primitivement sur les nerfs sensitifs, le chloroforme par
exemple. C'est en cela que se révèle l'action élective des poisons;
c'est donc là une question de subordination des phénomènes que l'on
observe, et rien autre chose.
M. Leven : Je persiste à croire que l'expérience de M. Cl. Bernard
ne prouve rien, et que l'action primitive de ces poisons est sur la
moelle.
M. LE Président demande à M. Leven, qui accepte, de vouloir bien,
pour abréger la discussion, reproduire devant la Société quelques-unes
de ses expériences.
— M. Ollivier rapporte devant la Société les principaux traits d'une
observation de claudication intermittente. Il s'agit d'un malade qui se
trouve en ce moment dans son service de la Charité annexe. (Voy. Mé-
moires, p. 89.)
M. Carville : Comment expliquer l'intermittence des accidents?
M. Charcot : Ce fait a été observé d'abord chez le cheval, où la clau-
dication inlermillente est plutôt un symptôme qu'une maladie. Chez le
cheval, en effet, on observe cette même claudication intermittente : s'il
va doucement, il ne boite pas, s'il se met à aller vite, il boite. Si la
lésion frappe l'aorte, il boite des membres postérieurs; si elle atteint
seulement une de ses branches, il boite d'un seul membre. Il y a donc
C. R. 1870. 10
146
one lésion permanente et un phénomène qui s'y rapporte, mais qui est
intermillent.
Voici l'explication que j'en donnais à l'époque où j'ai publié ma pre-
mière observation, explication que je donne encore aujourd'hui pour
ce qu'elle vaut et faute de mieux.
Les contractions musculaires s'accompagnent d'actes chimiques, pour
lesquels un afilux de sang plus considérable est nécessaire. Or cetafflux
de sang doit être plus grand dans la marche que dans l'inaction ; mais
il faut que cet afflux soit possible. Sinon, il survient une sorte de rigi-
dité cadavérique des muscles, avec crampes; ce qui tient alors à l'in-
sufSsance de la circulation.
Les cas de ce genre sont rares chez l'homme. Je n'en connais qu'un,
se rapportant à un membre supérieur ; il a été observé par Eulenibourg
(de Berlin). (Il s'agit d'une femme qui a vu tout à toup son membre su-
périeur pâlir et s'engourdir; elle peut faire de petits ouvrages; mais
si elle se livre à de grands mouvements, elle est prise aussitôt de
crampes, de convulsions de ce bras, et ne peut plus pendant un certain
temps en faire usage.)
M. Carville ; En chirurgie, a-t-il été possible d'observer la même
chose?
M. GiRALDÈs : Chez les animaux la ligature de l'aorte amène une pa-
ralysie des deux membres postérieurs immédiatement. Chez l'homme,
non. D'un autre côté, on cite beaucoup de cas, chez l'homme, de liga-
ture des iliaques dans lesquels la circulation s'est parfaitement rétablie
sans amener à la suite d'accidents semblables à ceux dont on vient de
parler.
M. Charcot : En consultant les auteurs au sujet de ces résultats de
ligature, on remarque que leurs observations sont très-laconiques, et
surtout qu'ils n'ont point recherché quelles ont pu être les conséquen-
ces de ces ligatures; ils se contentent de dire, le plus souvent : le
malade a guéri. Mais pouvait-il marcher? Or il faut savoir qu'il existe
trois catégories de faits. Tantôt les malades ont guéri parla formation
d'une circulation collatérale suffisante et assez rapide ; tantôt la gan-
grène est survenue; tantôt, enfin, sans qu'il y ait eu gangrène, la circu-
lation ne s'est pas rétablie d'une façon parfaite. C'est dans cette der-
nière catégorie intermédiaire de faits que je serais tenté de placer ceux
dont nous parlons en ce moment. L'attention des chirurgiens n'a pas
été fixée particulièrement sur ce sujet, et les détails d'une claudica-
tion intermittente légère ont pu passer inaperçus.
Le cas bien connu de M. Barth ne serait-il pas, pour ainsi dire, une
ébauche de ces faits : l'oblitération de l'aorte avait amené une para-
plégie incomplète chez son malade.
147
M. GiRALDÈs : On ne saurait assimiler tous ces faits.
M. Charcot : Sans doute, et je crois qu'il faut distinguer entre les
ligatures chirurgicales et les oblitérations spontanées. On a vu beau-
coup de choses jusqu'ici; mais on n'a pas tout vu. Connaissait-on, jusqu'à
il y a vingt ans, la relation des affections de la moelle avec le cancer
du sein? Nullement, c'est à Haushipp et à Cazalis qu'on doit la con-
naissance de ces faits.
M. Laborde : On pourrait voir ce que dit l'observation d'un malade
de M. Velpeau auquel on avait lié l'iliaque primitive et dont on a fait
plus tard l'autopsie.
— M. LiouviLLE fait voir un cochon d'Inde devenu tuberculeux après une
section de la moelle. On remarque du côté des fesses une ulcération
de la peau.
Tous les organes, poumons, rate, foie, péritoine, etc., sont le siège
d'une grande quantité de granulations qui paraissent être de nature
tuberculeuse.
COMPTE RENDU DES SÉANCES
DE
r r
LA SOCIETE m BIOLOGIE
PENDANT LE MOIS d'aOUT 1870 (I);
Par m. HAYEM, secrétaire.
PRK SILENCE DE M. CL. BERNARD.
Séance du 4 août.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. Carville présente à la Société une réduction du troquarl à pas de
vis employé dans la ponction des kystes de l'ovaire. Cet instrument
est destiné à expérimenter sur les veines, pour en étudier la tension,
sans interrompre le cours du sang.
M. Ranvier doute que cet appareil soit sans inconvénients dans les
expériences que M. Carville a l'intention de faire.
Kyste simple GA^GLlONNAIRE; par M. Muron.
Nous donnons ici l'examen microscopique d'une paroi de kyste dé-
veloppé dans la région du cou.
K notre connaissance, il n'existe aucun fait certain de kyste simple
ganglionnaire. Le fait que M. Richard a présenté à la Société de chi-
rurgie a semblé être un kyste ganglionnaire. Les preuves qui ont été
(1) Vacances du 8 août au 15 octobie 1670.
150
données ont incontestablement une certaine valeur, mais elles ne sont
pas absolues, et je n'en veux pour preuve que l'opinion opposée de
quelques membres de cette Société.
Les ganglions ont une structure tellement différente des autres tis-
sus, qu'il est impossible de les confondre. Si donc la paroi d'un kyste,
situé dans une région où existent de nombreux ganglions, est repré-
sentée par le tissu même des ganglions, la preuve directe sera donnée
du siège de ce kyste dans un ganglion lymphatique.
Voici d'abord quelques mots relatifs à la pièce anatomique que
M. Verneuil a eu l'obligeance de nous remettre.
La tumeur enlevée par M. Verneuil avait son siège dans la région
sus-claviculaire; elle présentait des adhérences profondes assez in-
times qui nécessitèrent quelques tractions légères.
Son volume était celui d'un œuf de dinde. L'incision laissa écouler
une quantité assez grande de liquide rougeâtre; ce liquide n'a pas été
examiné.
Il restait donc une poche kystique entourée de toutes parts par une
paroi.
La surface interne de la poche présentait une rougeur assez uni-
orme; on y voyait des inégalités, des saillies en forme de brides ou
de colonnes assez analogues à celles du cœur, et l'aspect général était
en tous points ressemblant à la face interne d'une oreillette cardiaque.
11 y avait, en etlet, des colonnes adhérentes dans toute leur étendue,
tandis que d'autres se trouvaient libres à leur partie moyenne.
L'épaisseur de cette paroi était à peu près égale dans tous ses points
et variait entre 3 et 6 millimètres. Les parties les plus épaisses cor-
respondaient aux saillies intérieures.
En faisant une coupe fraîche, on voyait à l'œil nu que le tissu même
de la paroi avait un aspect grisâtre et ressemblait à celui des gan-
glions.
Le raclage pratiqué à la face interne et placé sous le champ du mi-
croscope ne montrait nulle part des plaques de cellules épithéliales;
on n'y voyait que quelques cellules fusiformes ou quelques noyaux
isolés.
Le raclage pratiqué sur le tissu grisâtre de la paroi montrait un
grand nombre de globules lymphatiques.
Nous avons fait des coupes sur cette pièce, durcie dans l'alcool, et
alors il nous a été facile de voir que le tissu était celui des ganglions.
On y trouvait, en effet, un tissu réticulé, c'est-à-dire une série de fila-
ments s'anastomosant les uns avec Tes autres et circonscrivant des
aréoles dans lesquelles étaient logés les globules lymphatiques.
Il s'agissait bien évidemment d'un tissu ganglionnaire, mais ce tissu
151
avait subi quelques modifications de structure qui étaient dues à la
compression excentrique du liquide. Ce tissu était devenu un peu
fibreux; des faisceaux assez nombreux de tissu connectif se voyaient
disséminés autour des aréoles et leur donnaient une épaisseur plus
grande.
C'était là la seule modification de structure. Il n'y avait, en aucun
point, de dégénérescence muqueuse ou colloïde, ce qui nous aurait
permis, s'il y en avait eu, d'expliquer la formation de ce kyste.
Nous ne sommes donc, relativement à ce point de pathologie, pas
plus avancés que pour les kystes développés dans le tissu cellulaire.
Sur les cellules sécrétoires du rei.n; par M. A. Muron.
Le rein est un organe physiologique double, tout à la fois organe
éliminateur et organe sécréteur.
Il nous paraît inutile de citer les divers auteurs qui ont défendu
telle ou telle hypothèse. Le fait physiologique que nous venons d ex-
primer représente aujourd'hui l'opinion générale; et la preuve princi-
pale en est tirée de l'absence de certains principes dans le sang, tels
par exemple l'acide urique, l'acide hippurique, et aussi de la quantité
très-faible d'urée dans le sang, tandis que ce produit se trouve repré-
senté par un chiffre énorme dans l'urine.
Si maintenant nous cherchons à déterminer le siège de la sécrétion
à proprement parler, nous voyons que Bowmann (1), dans son travail,
est arrivé à formuler l'opinion suivante : les glomérules ne sécrètent
que l'eau de l'urine, et les autres éléments de ce liquide ne se sépa-
rent du sang que dans les canalicules, par l'action des cellules épithé-
liales.
Ainsi, voilà nettementexprimée cette distinctionjde la sécrétion et de
l'excrétion des principes constituants de l'urine; celle-ci étant pure-
ment et simplement un phénomène d'exosmose, celle-là représentant
un véritable travail organique. El tandis que l'excrétion urinaire se
trouve principalement liée aux conditions de la circulation, à la vitesse
du sang, à la tension du sang dans ses canaux, au contraire, !a sécrétion
des principes propres de l'urine est sous la dépendance directe des
éléments anatomiques des tubes rénaux.
Cela est tellement vrai qu'on n'a qu'à comparer le rein avec les
autres organes glandulaires pour arriver à la démonstration de celte
conclusion. Prenons pour exemple la glande sous-maxillaire, et nion-
(1) De la structure et des fonctions des glomérules de Malpighi
(Philos, transact., 1842.)
152
Irons la ressemblance complète, soit au point de vue des sécrétions,
soit au point de vue des caractères microscopiques représentés par
l'élément sécréteur lui-même.
Sans rappeler toutes les différences chimiques qui existent pour le
liquide salivaire, lorsque la glande sous-maxillaire sécrète abondam-
ment, comme cela a lieu lors de l'excitation de la corde du tympan,
ou au contraire lorsque la sécrétion se produit lentement et d'une ma-
nière insensible, je dois indiquer cependant (]ue le liquide dans le
premier cas est limpide, fluide, à peine visqueux, tandis que dans le
second cas ses caractères sont absolument inverses. L'un contient
beaucoup d'eau et une faible quantité de substances propres au liquide
salivaire, l'autre renferme ces substances en quantité considérable.
De même pour le liquide urinaire. L'urine de la boisson est limpide,
presque incolore, contient à peine d'urée; l'urine de la nuit est jau-
nâtre, riche en urée et acide urique. La différence du produit sécrété
qui existe pour ces deux espèces de glandes tient à la même cause.
Dans la glande sous-maxillaire, tout comme dans l'organe rénal, le li-
quide limpide, incolore, provient surtout de l'excrétion; c'est à peine
s'il y a sécrétion. Et pour retrouver les produits propres de ces li-
quides il faudrait agir sur de grandes quantités. Le sang affluant en
abondance dans les capillaires de ces organes voit sa leni^ion s'aug-
menter, d'où exosmose beaucoup plus grande, d'où absence d'arrêt dans
les conduits excréteurs; ce liquide d'excrétion se trouve ainsi éliminé
sans qu'il ait eu le temps de se modifier par la sécrétion cellulaire.
La deuxième variété du liquide de la glande sous-maxillaire est le
résultat d'une véritable sécrétion. Ce liquida provient d'une part de
l'exosmose sanguine, d'autre part de la rupture des éléments cellu-
laires épilliéliaux. C'est en effet un des faits physiologiques les mieux
démontrés aujourd'hui que, là où se produisent des phénomènes de sé-
crétion, il existe des cellules, véritables corps vivants, qui élaborent
dans leur intérieur les matières caractéristiques de l'humeur sécrétée,
et qui, parvenues à un certain degré de maturité, éclatent et laissent
échapper ces substances. Ces éléments cellulaires qui fonctionnent
ainsi subissent à coup sûr des modifications, lesquelles ont été parfai-
tement décrites par plusieurs auteurs, et en particulier par Ranvier.
Les cellules deviennent vésiculeuses; elles sont infiltrées par une ma
tière transparente, laquelle les convertit en une sorte d'ampoule; lo
protoplasma est refoulé à la périphérie avec le noyau, et tout le reste
de la cellule se trouve rempli, distendu par cette matière. Ce sont là
les cellules sécrctoir'es qu'on rencontre partout où il y a une sécrétion
quelconque, dans les glandes salivaires. fifins l'intcsiin à l;i •="rfcice des
villosités.
Cellules sécré-
toires isolées.
153
Si donc il y a sécrétion de la part du rein , ces êmes éléments
avec des caractères analognes doivent se rencontrer. Or c'est préci-
sément ce qui a lieu, au moins chez le lapin. Lorsqu'on examine les
tubuli du rein de cet animal, on est frappé immédiatement de la dif-
férence d'aspect que présentent les cellules épithéliales, suivant qu'on
les considère dans la substance corticale ou dans la substance médul-
laire. Dans la première, les cellules sont granuleuses et ressemblent
plus ou moins à celles qu'on rencontre chez l'homme. Dans la sub-
stance médullaire, au contraire, les cellules sont plus volumineuses ;
beaucoup (Ventre elles sont infiltrées
2. Tube rénal ren- ^.,
fermant des cel- pur unc matière transparente tout
Iules séciétoires. ^^ |^^^^^ analogue à celle que Con ren-
contre dans les cellules des glandes
salivuires. Le protoplasma est éga-
lement refoulé à la périphérie avec
le noyau , et toute la cellule se
trouve convertie en une véritable
ampoule vésiculuire. Chacune de ces
cellules, examinée isolément, res-
semble en tous points aux cellules
qu'on trouve da7is les culs-de-sac glandulaires : ce sont de véritables
cellules secrétaires.
Il existerait ainsi dans le rein une portion à laquelle serait dévolue
tout spécialement la fonction de l'excrétion pure et simple, et elle
serait représentée anatomiquement par les glomérules de Malpighi.
A cette fonction première viendrait s'en ajouter une deuxième, la sé-
crétion à proprement parler, et cette élaboration de certains produits
se ferait aux dépens des cellules épithéliales des tubuli, principalement
dans la substance médullaire.
La démonstration de cette double fonction de l'organe rénal se
trouve par cela même produite au point de vue anatomique. Mais
à ces deux preuves, physiologique et anatomique, nous en ajouterons
volontiers une troisième tirée de la pathologie expérimentale.
Il existe une sorte de balancement entre les deux organes rénaux.
Si l'un d'eux se trouve affecté d'une lésion, les actes physiologiques
ne se font qu'incomplètement, et il doit en résulter pour l'autre une
suractivité de fonctionnement.
Cela se rencontre constamment dans les autopsies. Un rein est af-
fecté de suppuration par une cause quelconque; le rein opposé aug-
mente de volume, et à la coupe on constate une congestion intense,
pouvant même aller jusqu'à la suppuration dans quelques points.
Une congestion se produit; c'est là le fait que nous prenons, et qui
154
importe seul pour le moment. Cette congestion indique naturellement
une exagération dans ses actes physiologiques, l'excrétion et la sécré-
tion. Or si notre hypothèse est vraie, les phénomènes de congestion,
qui se développent secondairement dans le rein, vont porter plus spé-
cialement sur la partie la plus importante de l'organe, celle qui est
chargée d'opérer les actes de sécrétion. La raison à donner en est bien
simple. Les actes d'élimination peuvent se produire partout ailleurs
que dans le rein, par l'intermédiaire des glandes sudoripares et des di-
verses muqueuses bronchique et intestinale. Mais pour ce qui est d'une
fonction propre, la formation d'acide urique, d'acide hippurique, l'or-
gane seul qui en est chargé peut le faire.
Voyons ce que va nous donner l'expérimentation. Nous avons déter-
miné des contusions rénales chez un certain nombre de lapins, et produit
par conséquent des lésions rénales dans ce rein. Le rein opposé se trou-
vait entièrement congestionné, et cela dans toutes nos expériences, au
deuxième jour, au dixième jour, au vingtième jour. Cette congestion est
plus intense dans la portion médullaire, dans la partie rénale qui recèle
les cellules sécrétoires. Rien de plus facile du reste que de le con-
stater : à l'état normal, cette portion de l'organe est blanche; on la
dirait invasculaire; lorsqu'on vient à examiner le rein du côté opposé
à la contusion, cette substance médullaire a pris une teinte rosée. Sur
la surface de la coupe on voit se dessiner une série de lignes rouges,
qui ne sont autre chose que des vaisseaux gorgés de sang.
Ue plus, nous avons vu qu'à l'état normal les cellules de cette sub-
stance étaient pou7' un cerlain nombre remplies d'une matière trans-
parente. A la suite de cette congestion intense, la plupart des cellules
ont subi cette modification. Que conclure de cette congestion générale
de l'organe, plus intense dans sa portion médullaire? Que conclure de
ce,t autre fait, l'abondance plus grande des cellules sécrétoires, sinon
que le rein a une suractivité fonctionnelle pour ses actes, l'excrétion
et la sécrétion, et que cette suractivité a lieu surtout pour son acte
principal, la sécrétion.
Les cellules vésiculeuses, dites cellules sécrétoires, que nous ve-
nons de découvrir chez les lapins, se voient-elles chez l'homme? On
peut répondre hardiment par la négative. Dans tous les examens, nous
n'en avons jamais rencontré. Ce qui n'empêche pas que des cellules
préposées à la sécrétion doivent exister, seulement, ne se présentant
pas sous cet aspect de cellules vésiculeuses, les moyens que nous
avons à noire disposition ne sont pas suffisants pour les reconnaître.
Nous poursuivons du reste cette étude, et nous espérons pouvoir ap-
porter des renseignements plus étendus sur ce sujet si intéressant.
155
HéiMORRHAgie de la moelle épinière; par Bourneville.
PARALYSIE SUBITE t)D BRAS GAUCHE; DOULEURS VIVES A LA NUQUE ET DANS LE
CÔTÉ GAUCHE DU COU ; PAS DE PARALYSIE DE LA FACE NI DES MEMBRES IN-
FÉRIEURS; ACCÈS DE suffocation; mort; DESCRIPTION NÉCROSCOPIQUE DES
FOYERS HÉMORRHAGIQUES DE LA MOELLE.
Obs. — Grandj... (Françoise), 58 ans, est entrée le 10 octobre 1870
à l'hôpital de la Pitié, salle du Rosaire, n" 29 (service de M. Marotte.)
Elle serait malade depuis cinq jours. Le 6 octobre, elle s'est réveillée
avec une douleur siégeant à la nuque et dans le côLé du cou. Le muscle
sterno-mastoïdien droit était contracture; la face était déviée vers l'é-
paule droite, mais il n'y avait pas de rotation des yeux. La parole est
libre. Il n'y a aucune trace de paralysie faciale; les plis du front, des
paupières, les sillons naso-labiaux ne présentent pas de différence.
Le bi'as gauche est paralysé : soulevé, il retombe inerte. Toutefois,
la paralysie n'est pas absolue, car la malade parvient à fléchir un peu
les doigts. La sensibilité, de ce côté, est obtuse. Les membres infé-
rieurs sont normaux.
Gr... assure ne pas avoir eu d'attaque apoplectique et ne pas être
sujette à des étourdissements. Elle dit aussi avoir éprouvé, il y a deux
ans, des accidents tout à fait semblables à ceux dont nous sommes té-
moin. Ils se seraient dissipés au bout de quelque temps, et depuis lors
elle n'aurait rien ressenti.
11 octobre. L'état de la malade est le même : ni paralysie de la face,
ni paralysie des membres inférieurs. Huile de ricin, 15 gr. ; huile de
croton, deux gouttes.
12 octobre. La langue est un peu plus humide ; la soif est modérée ;
la déglutition n'est pas gênée; il n'y a pas eu de vomissements, mais
des selles abondantes.
Il semble qu'il existe à gauche des vertèbres du cou, surtout vers
la partie moyenne de la région, un empâtement des parties molles. La
pression est difficilement supportée à gauche des apophyses épineuses
des quatrième et cinquième vertèbres cervicales. Toutefois, c'est en-
core la nuque qui est le siège des plus vives souffrances.
En présence de ces symptômes et en l'absence de phénomènes mor-
bides du côlé de la face, de l'intelligence et des membres inférieurs,
nous crûmes à une affection des vertèbres du cou, comprimant la moelle
ou les troncs nerveux qui concourent à la formation du plexus bra-
chial.
13 octobre. La paralysie est la même au bras gauche. La tête est por-
tée à droite et en arrière. La malade retire sa jambe gauche du lit, l'ai-
156
longe, la fléchit et la remet en place. Cependant elle paraît un peu
moins forte que la droite.
La sensibilité est conservée. G... répond moins bien aux questions;
on dirait qu'il y a de l'incertitude dans ses idées. La parole n'est pas
embarrassée.
Langue très-sèche, brunâtre; pas de dysphagie ; selles et urines in-
volontaires. Pas d'érythème, ni d'eschare, etc.
Soir. La malade a pris, sans peine, du potage à onze heures. Jusqu'à
trois heures elle n'avait rien offert de spécial. Voyant que l'heure de la
clôture des visites du dehors allait sonner et (|u'on ne venait pas la
voir, elle a été contrariée, et à quatre heures elle a été prise d'un accès
(rétouffemcnt : les lèvres étaient pâles, la face et les doigts bleuâtres,
violacés; la malade se plaignait d'une grande oppression. On la fit
asseoir, mais avec difficulté, parce que, dit-on, le corps et particuliè-
rement le tronc étaient roides et qu'elle ne s'aidait pas. La dyspnée
est allée en augmentant; la respiration est devenue de plus en plus rare
et G... est morte à cinq heures.
Autopsie faite le ib octobre. — Tête. — Péricrâne,os, etc., sains. Les
artères de la base oiïrent çà et là quelques plaques athéromateuses.
La pie-mère est normale et se détache sans peine. Les circonvolutions
cérébrales sont d'une intégrité parfaite. Il en est de même des hémis-
phères eux-mêmes. L'incision des pédoncules cérébraux ne montre
rien de particulier. — Cervelet sain de même que la protubérance :
différentes coupes pratiquées soit sur les hémisphères cérébelleux ,
soit sur la partie moyenne de \à protubérance^ soit enfin sur les pédon-
cules cérébelleux y noni fait découvrir aucune lésion, aucun point ané-
vrismatique.
Bulbe. — Sur une coupe du bulbe, à 1 centim. 1/2 au-dessous des
olives, on aperçoit trois foyers hémorrliagiques : le premier siège sur
la partie antérieure de la moitié gauche du bulbe (cordon antéro-latéral^^;
il a 2 à 3 millimètres de longueur sur 1 à 2 de largeur ; le second oc-
cupe en partie la corne antérieure gauche de la substance grise et le
faisceau latéral; il a les mêmes dimensions que le précédent; — le
dernier est situé sur la partie postérieure de la moitié droite du bulbe,
entre le sillon médian postérieur et la corne postérieure droite ; il me-
sure 2 millim. 1/2 sur 1 u\illim. Ces trois foyers ont une couleur noire,
foncée, et le tissu nerveux qui les environne a une coloration brunâtre,
ce qui fait paraître encore les foyers plus larges qu'ils ne le sont en
réalité.
Aspect extérieur de la moelle. — A 4 ou 5 millim. au-dessous de la
coupe qui sépare le bulbe de la moelle, on voit, à gauche du sillon mé-
dian antérieur, une tache rouge d'environ 4 millim., due à un caillot
i57
qui n'estséparé de l'extérieur que par une membiane très-mince et qui
a dévié le sillon médian à droite.
Au-dessous de cette taclie existe une saillie semi-ovoïde, ayant 1
centim. de hauteur sur 8 millim. de largeur, répondant aux tiers an-
térieur et latéral de la moitié gauche de la moelle : on dirait que, à
ce niveau, la moelle fait hernie Sur la moitié supérieure de cette
sorte de tumeur, le sang est pour ainsi dire à nu, tandis que dans la
moitié inférieure le sang est encore retenu par une couche si peu
épaisse de tissu nerveux qu'elle laisse voir la coloration violacée du
caillot.
De l'extrémité inférieure de cette saillie descend une traînée noirâ-
tre de 1 à 2 millim. de largeur et de 3 centim. de longueur. La racine
antérieure correspondante est distendue et les filets nerveux qui la
composent sont écartés.
Coupes horizontales. — 1° Une coupe tr nsversale pratiquée à 17
millim. au-dessous du sillon qui sépare le bulbe de la protubérance,
met à découvert un caillot noir, ovcïde, ayant 4 millim. sur 3 et sié-
geant au niveau de la corne antérieure gauche et de la partie anté-
rieure du cordon antérieur correspondant. Le foyer hémonhagique ar-
rive presque jusqu'à la périphérie de la moelle, d'une part, et, de l'autre,
à 2 millim. de la commissure antérieure.
2° Sur une coupe faite à 25 millim. du bord inférieur de la protubé-
rance, on découvre, sur une coupe transversale, le prolongement du
caillot précédent qui, à cette hauteur, mesure 2 millim. sur 1 1/2; il
est encore ovuïde et intéresse surtout le cordon antérieur gauche.
3° Vient ensuite la coupe oblique de la moelle, faite pour la séparer
du bulbe; nous avons décrit l'aspect qu'elle offrait : nous n'y revien-
drons donc pas.
4° A 4 centim. du sillon précité, c'est-à-dire au niveau de la partie
moyenne de la saillie ovoïde que nous avons décrite, une coupe hori-
zontale montre : 1° un caillot brun noirâtre, grenu, occupant le centre
môme de la section et débordant vers le sillon latéral gauche; 2" un
caillot d'un rouge assez clair avec deux points plus foncés, ayant,
d'une façon générale, un aspect lisse; ce caillot occupe la corne anté-
rieure gauche et presque tout le cordon antérieur. En effet, sur la li-
gne qui répond au sillon d'origine des racines antérieures, il n'est sé-
paré du dehors que par la pie-mère spinale. Ces deux caillots se tou-
chent suivant leur plus grand diamètre et ont à peu près les mêmes
dimensions (4 millim. sur 2 1/2 à 3). A l'œil nu, ils paraissent être de
deux âges différents.
5» A 8 centim. au-dessous du bord inférieur de la protubérance, on
voit un caillot de 4 millim. de largeur, aboutissant extérieurement à la
;-^if
158
traînée noirâtre que nous avons signalée sur la face antérieure de la
moelle. Sur une coupe pratiquée 2 centim. plus bas, on ne trouve rien
d'anormal. De nombreuses sections faites sur la région lombaire de la
moelle n'ont fait découvrir aucun anévrisme. (Nous avons conservé la
moelle pour un examen plus approfondi qui sera fait sous la direction
de M. Charcot.)
COMPTE IIRNDU DES SÉANCES
DE
r r
LA SOCIETE DE BIOLOGIE
PENDANT LE MOIS d'OCTOBRE 1870;
Par m. HAYEM, secrétaire.
PRÉSIDENCE DE M. CHARCOT,
Séance du 22 octobre.
M. Laborde présente au nom de M. Gubler de l'ouate imbibée de
glycérine puis exprimée, qui forme un tissu légèrement onctueux,
suffisamment absorbant, qui constitue un excellent moyen de panse-
ment.
A l'occasion de cette communication, M. Leven appelle l'attention
de la Société sur les avantages de la dissémination des blessés dans
les petites ambulances. Il résume son opinion en ces termes : Mieux
vaut une petite ambulance sans médecin qu'un grand médecin dans
une grande ambulance.
M. Ranvier appuie l'opinion de M. Leven et déplore les accumu-
lations de blessés dans les ambulances de l'Intendance et de la So-
ciété internationale, où l'infection purulente fait de nombreuses vic-
times.
M. HouEL accepte en partie ces critiques, mais il pense qu'il ne faut
pas faire fi de l'intervention chirurgicale autant que M. Leven. Dans
les fractures comminulives par armes à feu, elle est absolument indis-
pensable.
160
—M. Hayem communique une observation de fracture comminutive du
crâne avec issue d'un champignon de matière cérébrale. Le malade
est mort d'infection purulente au bout de huit jours seulement. Les
deux lobes frontaux, surtout le droit, étaient détruits, substance grise
et substance blanche; l'arachnoïde avait suppuré, mais la pie -mère
n'était pas enflammée. Malgré des lésions énormes, il n'y avait eu ni
commotion ni collapsus; l'intelligence était conservée, la sensibilité
et la motilité étaient intactes, la parole était conservée ainsi que le
sens du goût.
— M. BoucnABD signale à la Société un fait qu'il n'a trouvé signalé ni
dans les traités qui s'occupent de la variole ni dans les ouvrages
d'ophthalmologie ; c'est une iritis survenant le plus souvent à un
seul œil chez les malades convalescents de variole ou de varioloïde
quand la période de dessiccation est terminée et que la desquammation
s'opère déjà. Cette iritis, dont M. Bouchard a recueilli le premierexemple
en 1858, à Lyon, et qu'il a retrouvée depuis, chaque année, notamment
à l'Hôtel-Dieu de Paris en 1869 et 1870, où il a plusieurs fois appelé
l'attention des élèves de la clinique sur ce fait, se présente en ce mo-
ment à son observation chez huit malades dans une ambulance mili-
taire de vario'eux. La maladie, qui apparaît tardivement, n'a été pré-
cédée ni de pustules des paupières ou de la conjonctive, ni de kératite.
Elle se traduit par une douleur orbitaire avec retentissement à la tempe
et à la racine du sourcil, par de la gêne de la vue, un arc grisâtre péri-
kératique avec vascularisation radiée très-fine de la sclérotique au
voisinage, (|uelquefois modification de la couleur et de la contractilité
de l'iris. L'action locale de l'atropine amène un soulagement et une
guérison rapides. Mais dans le premier cas, où le traitement ne fut pas
administré, les douleurs devinrent intolérables et il resta un état de
synéchie antérieure. Dans un autre cas il se développa une kératite
secondaire. D'une façon générale, la maladie est donc bénigne.
Un fait qui mérite d'être signalé, c'est que chez plusieurs des ma-
lades on constate en même temps des douleurs articulaires, quelque-
fois de la péricardite, dans un cas même il y eut endocardite. M. Bou-
chard compare cette iritis secondaire à celle de la blennorrhagie, et
signale les rapprochements qu'on pourrait établir entre ces manifesta-
tions de la variole sur les séreuses et ce qu on a appelé le rhumatisme
blennorrhagique, le rhumatisme scarlatineux.
M. Leven a eu l'occasion d'observer un cas de ce genre ; il a été plus
grave, et l'iritis s'est terminée par un phlegmon de l'œil.
, M. Ollivier a remarqué aussi dans ([uelques cas l'iritis chez des va-
161
rioleux qui paraissaient n'avoir pas de pustules de la conjonctive; mais
en retournant les paupières, il a découvert des pustules.
M. Laborde dit qu'on peut en ce moment observer quelques cas
d'iritis chez des varioleux à l'hôpital Beaujon, dans le service de
M. Gubler, mais ce sont des irilis qui compliquent les pustules de
la conjonctive ou de la cornée.
La séance est levée à cinq heures un quart.
Séance du 29 octobre.
M. Hayem présente à la Société les pièces anatomiques relatives au
fait suivant :
AU MOMENT DE LA CONVALESCENCE d'uNE PNEUMONIE FRANCHE , MORT SUBITE
DUE A DES EMBOLIES PULMONAIRES QUI AVAIENT POUR POINT DE DÉPART DES
VEINES VARIQUEUSES NON ENFLAMMÉES DES MEMBRES INFÉRIEURS.
C..., âgée de 49 ans, domestique, entre le 9 octobre 1870 à la Cha-
rité (salle Saint-Joseph, n» 9) dans le service de M. Bernutz.
C'est une femme. robuste, habituellement bien portante. Elle est tom-
bée malade brusquement cinq jours auparavant et offre tous les signes
d'une pneumonie franche du côté droit. Cette pneumonie marche de
bas en haut, de la base au sommet, et s'accompagne de symptômes
adynamiques qui font redouter une terminaison fâcheuse. Cependant
le 20, la maladie entre nettement en résolution : la fièvre tombe, la
langue se nettoie et redevient humide. On entend dans le thorax des
râles de retour, l'appétit renaît. Le 25, la malade demande la permis-
sion de se lever; elle se sent très-bien.
Dans la journée, elle marche seule jusqu'aux commodités; puis là
appelle du secours, et au moment où l'on s'approche, on la trouve
étendue à terre dans une sorte d'état syncopal.
On va quérir avec empressement l'interne de garde; mais lorsqu'il
arrive, soit un quart d'heure à peine après le début des accidents, la
malade est morte.
Les personnes du service qui l'ont entourée pendant ces quelques mi-
nutes font le récit suivant :
Remise au lit elle était d'une pâleur extrême, ses extrémités étaient
froides, comme privées de sang, sa respiration était anxieuse, et ce-
pendant la connaissance n'était pas abolie.
Cette femme n'a jamais présenté d'œdème des jambes; elle n'avait
pas de cicatrices d'ulcères variqueux, et les varices trouvées sur le ca-
davre n'avaient pas attiré notre attention avant la mort.
C. R. 1870. 11
102
Autopsie le 27 octobre. — Cadavre parfaitemenl conservé; lenipéra-
tiire basse.
Cavité thoracique. —Adhérences anciennes à droite au niveau du
lobe supérieur. Celle parlie du poumon esl lourde el offre Tempreinle
des côtes. Le tissu esl encore hépalisé, elsur des coupes on peut étu-
dier les caractères très-intéressants de la pneumonie lobaire en voie
de résolution.
Dans les parties inférieures du poumon : engouement avec crépita-
tion normale ; tout à fait à la base, légère suffusion sanguine diffuse.
Poumon gauche: emphysème vésiculaire peu intense; congestion
légère avec un peu d'infiltration sanguine diffuse à la base.
Cœur : Infiltration sanguine peu abondante dans le tissu cellulaire
du médiastin près du péricarde. Le cœur a un volume normal ; léger
épaississement du bord libre de la mitrale; pas de lésions d"oriûce,
pas de caillots.
En ouvrant Varlère pulmonaire, on rencontre dès sa bifurcation un
grand nombre de caillots de la grosseur d'une plume d'oie environ, au
nombre de iO à 12 de chaque côté. Ces caillots, dont la grosseur et la
longueur sont très-variables, sont bloqués dans toutes les branches qui
parlent de l'artère pulmonaire. Ils sont tous parfaitemenl libres, sans
aucune espèce d'adhérence, et n'offrent pas le moindre rapport ;de
forme ou de calibre avec l'artère dans laquelle ils sont arrêtés. Leur
aspect est assez uniforme : ils sont tous foncés dans leur partie prin-
ci[)ale el rosés blanchâtres en quelques points peu étendus; ils se ter-
minent en pointe mousse et, retirés des vaisseaux, ils sont sinueux et
offrent des renflements ou de petits mamelons arrondis qui se sont cer-
tainement moulés sur des dilatations ou des valvules veineuses. Le plus
long de ces caillots n'a pas moins de 15 centimètres; il présente une
branche ou diverticule de 1 centimètre. Ce long tube cruorique, facile
à enlever, est engagé à gauche dans deux des premières bifurcations
de l'artère pulmonaire, de telle manière qu'il esl à cheval sur un épe-
ron vasculaire el forme une anse tournée vers l'orifice de l'artère pul-
monaire.
Dans les petites branches de l'artère pulmonaire, les caillots embo-
liques sont prolongés par de petites coagulations récentes, d'une cou-
leur gelée de groseille, qui occupent les quatrième et cinquième bran-
ches de bifurcation, les trois ou quatre premières étant remplies par
les caillots emboliques.
La crosse aortique est un peu large el contient quelques plaques
calcaires.
La raie est très-grosse, molle avec hypertrophie des corpuscules
blancs.
163
Les reins, le foie, les intestins, l'estomac, les organes génitaux et les
annexes sont parfaitement sains.
L'encéphale est également irréprochable à l'œil nu; il n'est même
pas d'une pâleur bien manifeste.
Les gros vaisseaux que l'on met habituellement à découvert dans une
autopsie ne présentent rien de particulier; il en est de même des veines
crurales.
Quelle peut donc être l'origine des embolies pulmonaires? M. Hayem
l'a trouvée en explorant avec soin les veines des membres inférieurs.
En effet, il existe des varices superficielles des deux côtés, surtout
à droite, au niveau des mollets. Ces dilatations veineuses intéressent
surtout la saphène externe jusqu'à son embouchure dans la poplitée.
A gauche les varices contiennent deux ou trois caillots non adhérents
complètement semblables à ceux trouvés dans les artères pulmonaires.
A droite ces caillots sont bien plus nombreux et plus volumineux et
ils sont, sous le rapport du volume, de l'aspect, de la forme, etc.,
complètement analogues aux caillots emboliques.
Tous ces caillots d'origine veineuse se sont formés en même temps,
et comme ils sont à peine décolorés en quelques points limités , peu
durs et très-foncés, ils ne paraissent pas remonter à plus de quelques
jours (huit à quinze au plus).
La paroi des veines variqueuses est saine, sauf les altérations com-
munes aux varices ordinaires de développement moyen. Les caillots
sont tous faciles à détacher^ sauf ceux qui sont comme intriqués en
certains points dans les valvules et les bosselures. Les veines poplitées
et crurales des deux côtés sont larges et contiennent du sang fluide,
non coagulé. Les caillots des veines variqueuses étaient disposés de
manière à être soumis, de la part de ces grosses veines, à une sorte
d'aspiration. M. Hayem résume et interprète ces faits de la manière
suivante :
Pendant le cours de la pneumonie il s'est produit dans les veines
variqueuses une coagulation du sang, et cela sans phlébite; puis, au
moment même où la malade se levait pour la première fois, sous l'in-
fluence d'efforts musculaires et d'un surcroît d'activité dans la circu-
lation, les caillots des veines variqueuses se sont détachés, ont été lan-
cés en grand nombre dans les branches de l'artère pulmonaire, et la
mort a eu lieu en quelques minutes sous Tinfluence de ces embolies
multiples et volumineuses.
M. Hayem fait remarquer les points les plus importants de cette ob-
servation.
Déjà en 1868, dans le service de M. Tardieu à l'Hôtel-Dieu, il a ob-
servé un cas de mort subite par embolies pulmonaires chez une femme
164
variqueuse. Mais dans ce dernier fait les varices étaient enflammées,
on sentait des cordons durs, la phlébite non douteuse donnait une ex-
plication facile de la coagulation du sang et pouvait faire redouter la
fatale complication qui est survenue brusquement.
Dans le cas actuel, la cause de la coagulation dans les veines vari-
queuses est plus insolite, moins bien connue. Il y a eu dans le cours
de la pneumonie qui, en somme, a été grave, quelque chose d'analogue
à ce qui se passe dans la phlegmatia alba dolens; c'est-à-dire que l'al-
tération du sang dans la pneumonie et peut-être aussi le ralentisse-
ment, l'affaiblissement de la circulation sont les seules causes qui puis-
sent, comme dans les cachexies, être invoquées pour expliquer la coa-
gulation du sang. Toutefois, celle-ci a eu lieu exclusivement dans les
veines variqueuses. Aussi ce fait prouve-t-il que les varices offrent du
danger non-seulement dans les cas où elles sont le siège de phénomè-
nes inflammatoires, mais encore, ce qui paraît beaucoup moins connu,
alors qu'elles sont simples. Cette observation établit, en effet, que dans
le cours d'une phlegmasie aiguë, peut-être faudrait-il dire seulement
d'une pneumonie, les veines variqueuses peuvent devenir le siège de
coagulations spontanées.
Ce point paraît avoir une grande importance à M. Hayem relati-
vement à la question si souvent discutée et encore mal définie des
morts subites dans les maladies aiguës et à l'époque de leur conva-
lescence.
Note sur la présence des bactéries dans le sang des érysipélateux;
par le docteur Nepveu, ancien interne des hôpitaux.
Cherchant un jour à constater le fait annoncé par M. Vulpian, la mul-
tiplication des globules blancs dans le sang pris sur une plaque d'érysi-
pèle, je fus amené à y reconnaître aussi l'existence de bactéries.
!.. Désirant faire quelques recherches sur ce sujet, voici les précautions
que je crus devoir prendre par la suite. Il fallait opérer avec la plus
grande rapidité possible pour éviter l'action prolongée de l'air sur le
sang à examiner; aussi installai-jemon microscope à côté môme, de mes
malades. Il fallait en outre que les plaques de verre fussent parfaite-
ment nettes; je les nettoyais dans de l'alcool, et je les faisais passer
pendant quelques secondes dans la flamme d'une lampe à esprit-de-vin ;
puis, afin d'être bien sûr de n'introduire dans le sang à observer aucun
élément étranger, je l'ai toujours examiné dans son propre sérum.
J'ai pu rassembler dix observations sur ce point : dans tous les cas,
moins un, j'ai trouvé des bactéries dans le sang, et encore, dans ce der-
nier fait, l'érysipèle à son déclin disparaissait complètement le lende-
165
main. De ces dix observations, je ne rapporterai que les quatre pre-
mières.
Obs. I. — Madame Camusard, 59 ans, entre à Lariboisière , salle
Sainte-Jeanne, pour une tumeur du sein. La tumeur est enlevée le 24
février 1868; c'était un sarcome muqueux. Cette femme, excessive-
ment nerveuse et très-affaiblie par de nombreuses privations, était per-
suadée que tout irait mal; elle est prise en effet d'érysipèle ambulant
quelques jours après, et au bout d'une quinzaine de jours elle succom-
bait avec un eschare au sacrum.
Au moment où le sang fut examiné, l'eschare ne s'était pas encore
produite. Dans une piqûre faite à un doigt, je trouvai un ou deux bac-
téries dans le champ du microscope; c'était le bacteriiim pîinctum
d'Ehrenberg.
Dans ce premier fait, la malade était tellement impressionnable, que
je ne pus obtenir d'elle d'examiner le sang pris dans une plaque érysi-
pélateuse par une piqûre d'épingle.
Obs. II. — Jacquemin (Apolline), 52 ans, entre salle Sainte-Jeanne le
18 mai, pour un cancer du sein; opérée le 24 mai, elle est atteinte de
trois érysipèles successifs ; elle guérit.
Dans le sang pris sur une piqûre faite sur une plaque érysipélateuse,
je trouve une multiplication assez notable des globules blancs; il y en
avait 7-8 sur le champ du microscope, à un fort grossissement, le n» 9,
immersion d'Hartnack. Les globules rouges sont accolés les uns aux
autres en piles très-élégantes. Au bout de 4 à 5 minutes, il se produit
sur tout le champ de la préparation une foule de fins cristaux en ai-
guilles d'une grande longueur. Enfin, à côté de granulations élémen-
taires immobiles à reflet jaunâtre, on aperçoit de petits corpuscules
ovoïdes animés de mouvements assez vifs et très-variés, indépendants
de toute espèce de courants et très-capricieux: ce sont des bactéries,
ils vont et viennent à droite, à gauche, s'approchent un instant des glo-
bules rouges, puis disparaissent entre deux piles pour reparaître de
Douveau; ils sont au nombre de trois, quatre, quelquefois cinq par
champ de microscope. Ces corpuscules sont en tout semblables à ceux
qu'Ehrenberg et Dujardin ont décrits sous le nom de bacterium punc-
tum.
Le sang extrait d'une piqûre faite à un doigt présente les mêmes par-
ticularités : les bactéries y sont en moins grand nombre; il faut même
parcourir toute la gouttelette de sang avec le microscope pour en dé-
couvrir quelques-uns.
Obs. III, — Bertoud entre le 9 juillet pour une plaie de la région mé-
tacarpienne. On le traite par l'irrigation continue; il se produit néan-
166
moins une plaque érysipélateuse deux jours après, qui s'étend sur tout
l'avant-bras.
Des bactéries, mais en moins grand nombre que dans les faits précé-
dents, existent dans le sang pris aux points malades.
Obs. IV. — Amédée Appert entre à Lariboisière le deuxième jour d'un
érysipèle de la face. Au moment de l'examen, la fièvre a en partie dis-
paru; l'érysipèle disparaît complètement le lendemain; c'est le qua-
trième érysipèle de la face en trois ans.
Le sang pris dans une piqûre faite à un doigt présente tout d'abord,
avant que le microscope soit au point, une zone finement granuleuse con-
nuedepuisFeltzsouslenomde zone immobile, et (]ueLûders(l} regarde
comme formée de vibrions immobiles, « ruende Fibrionen. » Une fois
le microscope au point, on voit se mouvoir dans le sérum sanguin des
corpuscules un peu plus gros que ceux qu'on observe dans la zone immo-
bile, les uns lentement, d'autres avec une assez grande vivacité dans
le liquide ; ils s'unissent parfois deux à deux ; leur mouvement ne con-
siste pas dans un mouvement d'oscillation, c'est un mouvement de trans-
lation bien net. A côté de ces corpuscules on distingue très-nettement
des granulations immobiles et de longs cristaux très-fins, très-grêles et
très-longs qui s'enchevêtrent dans le liquide et ressemblent à ceux que
l'on trouve dans la septicémie et que Feltz a le premier signalés dans
cette maladie.
De l'ensemble de ces observations et d'autres faits que nous avons
examinés depuis, il me semble permis de tirer les conclusions sui-
vantes :
1° Il existe des bactéries dans le sang extrait d'une piqûre faite sur
une plaque d'érysipèle; ces bactériessont en assez grand nombre: trois,
quatre, cinq, quelquefois six, sept dans le champ du microscope (im-
mersion n" 9, d'Hartnack),
2° Les bactéries existent aussi dans le sang pris en tout autre point
que sur la plaque d'érysipèle, au bout du doigt, par exemple, pour un
érysipèle du tronc; leur nombre est moins considérable : un, deux,
trois, rarement davantage dans toute la gouttelette de sang qu'on exa-
mine.
3° Dans tous les cas observés, la variété de bactérie trouvée a toujours
été le bacterium punclum d'Ehrenberg.
4° Si les bactéries existent dans VértjsipèLe tranniatique^ comme le
font voir quelques-uns des faits précédents, ils paraissent exister aussi
(1) Liiders, Archives de Max. Schultze, 1867, tome III, page 318.
167
dans les érysipèles dits spontanés (voy. plus haut l'obs. IV); il resterait
à déterminer si le fait est constant.
La présence des bactéries dans le sang des érysipélateux n'a été
iOMpfonnee jusqu'ici que par Volkmann. Dans l'article Érysipèle qu'il
a écrit dans le Traité de chirurgie générale et spéciale de Pilha et
Biiroih (1), il dit, page 158 : « Peut-être des microphytes jouent-ils dans
la production de l'érysipèle un grand rôle comme ferment. » Plus loin
encore il ajoute : « L'origine de la propagation sur place de l'érysipèle
est peut-être dans les mouvements de cellules voyageuses {wanderude
Zelien) ou de microphytes, » Pour lui donc l'existence de ces faits est
encore problématique, c'est une pure hypothèse. Aussi se demande-t-il
en terminant si, dans son principe, l'érysipèle est un poison ou un fer-
ment, « ist es ein Gift ? ein Ferment? »
Les hypothèses de Volkmann sur la propagation de l'érysipèle ne
doivent pas, ce nous semble, rester dans l'ombre. Certainement, à côté
du mouvement circulatoire, les mouvements amiboïdes des globules
blancs, d'une part, les mouvements des bactéries, d'autre part, doi-
vent être des facteurs importants dans la propagation de l'érysipèle;
encore faut-il remarquer que la vivacité des mouvements des bacté-
ries est bien autrement grande que celle des leucocytes.
Certains faits (ïinoculaiion pourraient peut-être trouver quelque
explication dans les données précédentes. Dœpp (de Saint-Péters-
bourg) (2) rapporte le fait suivant : Un médecin vaccine neuf enfants
avec du vaccin pris sur un enfant atteint d'érysipèle, et les neuf en-
fants sont aussi pris d'érysipèle.— Un autre fait bien connu est encore
celui de ce barbier anglais qui rase un érysipélateux; le client qui vint
après fut pris d'érysipèle de la face.
Comment, dans cet ordre d'idées, expliquer l'apparition des épidé-
mies (3) dont fourmille l'histoire de cette affection? Sont-elles dues à
une prolifération, sous certaines conditions encore indéterminées, de
ces organismes inférieurs répandus dans l'atmosphère, de ces germes
dont Pasteur a démontré l'existence qui parviendraient à entrer dans
le sang à la faveur de solutions de continuité des téguments internes
et externes, si minimes qu'elles fussent ? Sont-elles dues à des altérations
primitives des liquides qui se trouvent à leur surface, altérations qui
(1) Handbuch der allgemeinen u>d SPECIELLEX CHIRURGIE (Bd I, II Thcil,
article Érysipèle, par Volkmann).
(2) Schmidt's Jahrbucher, Bd XXX, page 184.
(3) Épidémies diverses : américaine, rapportée par Hirsch; — ita-
lienne, 1700, parTozzi; — françaises, parDarluc, 1750, par Fenestre,
1861, etc. ; — anglaises^ par Gibsou et Mac Dowell.
168
serviraient de milieu, de point de ralliement au développement ulté-
rieur de ces organismes toujours présents dans les fluides ambiants?
Faut-il encore, comme Liiders (1) le suppose, admettre dans le sang à
l'état normal des vibrions immobiles [rufiende Vibrionen) qui seraient
prêts à prendre des développements ultérieurs, lorsque le milieu dans
lequel ils se trouvent commence à s'altérer, en un mot des vibrions
immobiles qui deviendraient mobiles lorsque le sang serait contaminé
par une substance septique ?
Voilà des hypothèses qu'il est tout aussi difficile d'attaquer qu'il a
été facile de les édifier. Pour le présent, contentons-nous de les men-
tionner et de faire pressentir le rôle que peut jouer dans l'explication
de ces épidémies la présence des bactéries dans le sang.
Quoi qu'il en soit, au point de vue anatomo -pathologique , d'une
part, l'existence des altérations viscérales dans l'érysipèle (tuméfac-
tion trouble et dégénérescence granulo-graisseuse des principaux vis-
cères) (2), d'autre part, l'existence de bactéridies dans le sang, rappro-
chent l'érysipèle du grand groupe des septicémies. A ce sujet, il n'est
peut-être pas inutile de rappeler que Piorry, en 1843, désignait déjà
dans son Traité de médecine pratique l'érysipèle sous le nom de sep-
tico-dermite.
(1) Liiders (voy. Archives de Max. Schullze, 1867, tome III, p. 318);
sur le même point, consulter Bettelheim Cari (Wiener Presse, 1867),
et Richardson (American journal of médecine, 1867).
(2) Emil Ponfick, Dissertation inaugurale, Heidelberg. Veber diepa-
thologiscli anatomisclien veraederungen der inneren organe bei loed-
licfi verlanfenden erysipelcn.
FIN DES COMPTES RENDUS DES SÉANCES.
MÉMOIRES
LUS
A LA SOCIETE DE BIOLOGIE
PENDANT L'ANNÉE 1870.
MÉM. 1870,
MÉMOIRE
SUR UNE
NOUVELLE ANOMALIE
DE LA COLONNE VERTÉBRALE
CARACTÉRISÉE
PAR LA PRÉSENCE D'UNE VERTÈBRE DORSALE SURNUMÉRAIRE ENCLAVÉE
ET PAR UN NOMBRE DE CÔTES
DIFFÉRENT DANS CHACUNE DES PAROIS THORACIQUES
Observation recuillie sur un cbeval
Par M. ARMAND GOUBAUX,
Professeur d'auatumie et de physiologie à l'Ecole vétérinaire d'AIfort,
membre titulaire de la Société de Biologie.
Dans un Mémoire Sît7' les anomalies de la colonne vertébrale chez
les animaux domestiques, que j'ai communiqué à l'Académie des
sciences dans la séance du 23 septembre 1867, et qui a été imprimé
dans le Journal de l'anatomie et de la physiologie de l'homme et
DES animaux (numéros de novennbre 1 867 et de janvier 1868), j'ai fait
connaître toutes les anomalies que j'avais eu l'occasion de constater
sur les nombreux cadavres qui ont été utilisés pour les études anato-
miques, depuis le jour oii j'ai été chargé de cette partie de l'ensei-
gnement à l'École d'Ali'ort jusqu'à celui de la publication de ce tra-
vail.
Les observations que renferme ce mémoire sont assez nombreuses,
et elles sont plus ou moins intéressantes.
Je n'ai pas l'intention de revenir aujourd'hui sur toutes ces di-
4
verses anomalies; cependant je puis obligé de dire que toutes celles
que j'ai observées depuis l'époque sus-indiquée n'ont fait que me
lortifier dans les opinions que jai émises, à la fin de ce mémoire,
sous la forme de conclusions.
Une nouvelle observation, que je viens de faire tout récemment,
m'a déterminé à rédiger ce nouveau mémoire, tout à la fois comme
une suite et un complément de mon premier travail. Voici celte ob-
servation :
Obs.— Un cheval hongre, sous poil bai, d'une taille un peu au-dessus
de la moyenne, très-vieux, qui est resté quinze jours daus l'écurie au
service d'anatomie, et sur lequel on n'a remarqué aucune déviation
de la colonne vertébrale, a été sacrifié pour les dissections le lundi
31 janvier 1870.
Le jeudi 3 février, la dissection du cadavre était déjà assez avancée,
lorsque les élèves eurent l'idée de compter les côtes : ils reconnurent
qu'il y avait 18 côtes du côté droit et seulement 17 du côté gauche, et
ils me firent part de la remarque qu'ils venaient de faire.
J'examinai le cadavre immédiatement; je comptai les côtes moi-
même, et je reconnus l'exactitude de l'observation des élèves. Était-ce
là un fait semblable à d'autres que j'avais constatés antérieurement?
Le nombre difierent des côtes, à droite et à gauche, était-il le résultat
de la transformation en une sorte de côte de l'apophyse transverse du
côté droit de la première vertèbre lombaire? Je constatai tout de suite
que, d'une part, les deux premières côtes étaient sur le même plan, et.
d'autre part, que les deux dernières côtes étaient aussi sur la même
ligne transversale. Je ne tirai aucune conclusion quelconque immé-
diatement après avoir fait les constatations dont je viens de parler, et je
recommandai aux élèves qui disséquaient ce cadavre de ne pas diviser
la colonne vertébrale, afin que je pusse l'étudier lorsqu'ils auraient
terminé leurs dissections.
Le cadavre fut à ma disposition le samedi 5 février, et voici ce que
je notai tout d'abord. Il y a :
7 vertèbres cervicales;
6 vertèbres lombaires;
5 vertèbres sacrées;
7 côtes sternales du côté gauche;
8 côtes sternales du côté droit.
Une anomalie me parut devoir exister dans la partie antérieure de la
région dorsale du rachis. En conséquence, je fis diviser lu colonne ver-
tébrale en avant, entre la 6"= et la 7* vertèbre cervicale, et en arrière
5
entre la 7' et la 8' côte du côté gauche et la 8" et la 9^ côte du côté
droit. Le même jour, je m'occupai de préparer en squelette naturel la
pièce anatomique pour en faire l'examen ultérieurement.
Voici la description de cette pièce anatomique (1) ;
A. Face inférieure de la région dorsale du rachis.
La ligne médiane, représentée par la crôte inférieure ou médiane du
corps des vertèbres dorsales, se dévie, à partir de la première ver-
tèbre dorsale jusqu'à la partie postérieure de la troisième, graduelle-
ment, mais très-fortement d'avant en arrière, de dedans en dehors et
de gauche à droite ; puis, à partir du dernier point sus-indiqué, elle se
dévie de nouveau, dans les mêmes proportions, mais en sens inverse,
c'est-à-dire de dehors en dedans, d'avant en arrière et de droite à gau-
che, jusqu'à la partie antérieure de la septième vertèbre dorsale dont
la diversion est à peu près normale.
Une règle posée sur le milieu de la face inférieure de la septième
vertèbre cervicale et sur le milieu de la face inférieure du corps de la
septième vertèbre dorsale permet de mesurer la déviation latérale : le
sommet de l'angle que forme cette déviation correspond à la partie pos-
térieure de la troisième avec la partie antérieure de la quatrième ver-
tèbre dorsalOj et à la partie inférieure de l'articulation de la tête de la
quatrième côte du côté gauche.
En examinant comparativement le volume de chacune des moitiés
latérales du corps des vertèbres, on arrive aux conclusions suivantes:
1" La moitié gauche du corps des 2% 3% 4" et 5^ vertèbres dorsales
est plus large que la moitié droite du corps de ces mêmes vertèbres.
2° Dans les 6^ et 7" vertèbres dorsales, les deux moitiés latérales du
corps sont de même volume.
La particularité la plus remarquable qu'on constate sur cette face
de la région dorsale est la suivante :
Il existe une vertèbre ou portion de vertèbre enclavée : elle est si-
tuée au sommet de l'angle de la déviation générale dont il a été ques-
tion, c'est-à-dire du côté droit, et c'est évidemment à cause de sa pré-
sence que le nombre des côtes est différent dans chacune des parois
thoraciques. Cette vertèbre ou portion de vertèbre porte la quatrième
côte du côté droit.
En examinant avec attention, on reconnaît que la troisième vertèbre
dorsale répond, par sa moitié droite ou la plus petite d'après ce qui a
été exposé plus haut, à la partie antérieure de la vertèbre surnumé-
raire ou enclavée, tandis que par sa moitié gauche, qui est très-dévc-
(1) Nota. La pièce anatomique est présentée à la Société.
6
loppce, ainsi qu'il a été dit aussi plus haut, répond à la moitié corres-
pondante delà quatrième. 11 s'ensuit nécessairement que la quatrième
vertèbre dorsale répond à droite à la partie postérieure de la vertèbre
dorsale surnuméraire ou enclavée.
On comprend maintenant que :
1° La vertèbre dorsale surnuméraire ou enclavée, entre la partie
postérieure de la troisième et la partie antérieure de la quatrième, a
rendu la direction de la région dorsale vicieuse;
2° Que cette vertèbre a donné à la région dorsale une longueur plus
grande du côté droit que du côté gauche;
3° Que les côtes du côté droit doivent être plus nombreuses que du
côté gauche. En effet, elles sont au nombre de dix-huit du côté droit,
et seulement de dix-sept du côté gauche ;
4" Que les côtes sont plus rapprochées les unes des autres (les troi-
sième, quatrième et cinquième) du côté gauche que les côtes corres-
pondantes du côté droit.
B. Partie supérieure des vertèbres dorsales ou région spinale.
Elle doit être examinée du côté droit et du côté gauche.
1° Côté droit. — On compte huit apophyses épineuses, et l'on re-
marque cette particularité que la troisième est soudée à la quatrième
dans les quatre cinquièmes environ de sa longueur. De plus, l'ensem-
ble des apophyses épineuses décrit une courbure convexe dont la partie
la plus saillante répond à la quatrième. Ce sont, du reste, les apophyses
épineuses troisième et quatrième qui doivent être examinées en par-
ticulier, car toutes les autres sont bien distinctes les unes des autres
et ont leurs dimensions normales.
Examen des troisième et quatrième apophyses épineuses.
Je dois tout d'abord rappeler que la troisième apophyse épineuse
appartient à la troisième vertèbre dorsale, et que la quatrième appar-
tient à la vertèbre dorsale que j'ai appelée surnuméraire ou enclavée.
Chacune de ces apophyses est, à la base ou à la partie inférieure, ré-
trécie d'avant en arrière, et a près de moitié moins de développement
que celle qui les précède (la deuxième) ou que celle qui les suit (la
cinquième).
Ces deux apophyses sont d'abord distinctes, et elles sont unies par
ua ligament interépineux, puis elles se soudent et demeurent soudées
dans tout le reste de leur longueur, jusques et y compris leur extré-
mité supérieure. Dans leur ensemble, elles forment une apophyse épi-
neuse unique, qui est très-large d'avant en arrière, mais qui n'a cer-
tainement pas la largeur qu'auraient les deux apophyses normales si
elles étaient soudées.
En considérant la direction de l'apophyse épineuse de la troisième
vertèbre dorsale, on acquiert la certitude que la portion annulaire ou
spinale de cette vertèbre est dirigée obliquement d'avant en arrière et
de gauche à droite.
En ce qui concerne les apophyses articulaires situées l'une à la partie
antérieure et l'autre à la partie postérieure de chaque vertèbre, voici
ce que l'on remarque :
i" Celle de la partie antérieure de la troisième vertèbre dorsale est
distincte, et recouverte, comme à l'ordinaire, par l'apophyse articu-
laire postérieure de la deuxième.
2° Celle de la partie postérieure de la troisième vertèbre dorsale est
soudée à la correspondante ou à l'antérieure de la vertèbre surnumé-
raire ou enclavée, mais cependant on voit encore un peu la trace de la
séparation primitive de ces apophyses.
Il en est de même pour les rapports de l'apophyse articulaire posté-
rieure de la vertèbre dorsale surnuméraire ou enclavée avec l'apophyse
articulaire de la vertèbre suivante : elles sont soudées.
J'ajoute, pour terminer l'examen de la face droite de la partie annu-
laire ou spinale de cette région dorsale, que :
a. Toutes les apophyses transverses des vertèbres dorsales sont bien
distinctes les unes des autres ;
b. La tubérosité de chacune des côtes s'articule avec la facette arti-
culaire que porte chacune des apophyses transverses;
c. Enfin, que chaque côte, par sa tête, s'articule à la fois avec deux
vertèbres, au moyen de la cavité de conjugaison dont la moitié anté-
rieure appartient à la partie postérieure du corps de la vertèbre anté-
rieure, tandis que la moitié postérieure appartient à la partie du corps
de la vertèbre postérieure.
La dernière particularité qu'il y ait à noter, c'est que, à l'exception
de la quatrième côte, toutes les côtes sont espacées comme dans les
conditions ordinaires. Mais la quatrième côte a son extrémité supé-
rieure plus rapprochée de celle de la troisième et plus éloignée de celle
de la cinquième, à cause de la déviation de la ligne médiane, ainsi
que je l'ai déjà fait remarquer précédemment.
2° Côté gauche. — L'ensemble des apophyses épineuses est dévié en
sens inverse de ce qui a été indiqué pour le côté droit, c'est-à-dire
qu'il décrit une concavité dont la partie moyenne répond à la qua-
trième.
Les troisième et quatrième apophyses épineuses sont les seules qui
soient à examiner en particulier.
Elles sont plus complètement soudées du côté gauche que du côté
droit ; c'est à peine si, tout à fait à la partie inférieure, on voit le tiers
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8
de la largeur de la quatrième, mais elle augmente graduellement do
largeur de bas en haut.
En examinant avec attention, on arrive à conclure que la partie in-
férieure de l'apophyse épineuse de la vertèbre dorsale surnuméraire ou
enclavée est plus complète du côté droit que du côté gauche, et cela
résulte de ce qu'elle est dirigée obliquement d'avant en arrière et de
gauche à droite. Si l'on tient compte dans cet examen du mode sui-
vant lequel se développe l'apophyse épineuse des vertèbres dorsales
(deux noyaux d'ossification latéraux qui s'opposent l'un à l'autre par
leurs faces correspondantes au-dessus de la portion annulaire), le noyau
d'ossification du côté gauche de l'apophyse épineuse de ila quatrième
vertèbre dorsale est avorté, relativement au moyen d'ossification ho-
mologue ou du côté droit. Pour moi, il n'y a aucun doute à cet égard.
D'un autre côté, les apophyses épineuses sont soudées, et il en est
de même des apophyses articulaires, ainsi qu'on le voit à la base des
apophyses épineuses des troisième, quatrième et cinquième vertèbres
dorsales. Enfin, il me paraît évident que l'apophyse transverse de la
troisième vertèbre dorsale s'est soudée, confondue avec celle de la
vertèbre surnuméraire ou enclavée. C'est pour cette raison qu'il y a,
du côté gauche, une côte de moins que du côté droit. Enfin, je termine en
faisant remarquer que l'extrémité supérieure des deuxième, troisième,
quatrième et cinquième côtes est plus rapprochée que dans les condi-
tions ordinaires, et que leur rapprochement est dû à deux causes : la
concavité de la région dorsale du côté gauche et la présence d'une ver-
tèbre enclavée ou surnuméraire du côté droit.
En résumé, chez le cheval qui est le sujet de cette observation :
Le nombre des vertèbres cervicales, des lombaires et des sacrées
était normal.
Le nombre des côtes était de dix-sept à gauche et de dix-huit à
droite.
Ordinairement le nombre des côtes sternales est de huit et celui
des côtes asternales est de dix, mais il y a quelquefois des anomalies
à cet égard. Chez le sujet de cette observation, il y avait sept côtes
sternales à gauche et huit à droite.
Le nombre différent des côtes dans chacune des parois thoraciques
est en rapport avec une anomalie qui existe dans la région dorsale
du rachis, à savoir qu'une vertèbre dorsale surnuméraire ou encla-
vée se fait remarquer entre la troisième et la quatrième qui ont leur
développement normal.
9
Cette vertèbre surnuméraire ou enclavée se fait remarquer sur-
tout du côté droit, et elle est peu visible, dans sa partie spinale seu-
lement, du côté gauche. C'est la présence de cette vertèbre qui a
été la cause de la déviation qu'on observe dans la partie antérieure
de la région dorsale.
La situation de cette vertèbre est telle que la déviation du rarhis
a pu passer inaperçue sur le cheval vivant, attendu qu'elle répon-
dait à la région du garrot, ou entre les deux épaules.
Telles sont les faits principaux qui ressortent de cette observa-
tion.
Maintenant, laissons de côté les détails qui ressortent de cette ob-
servation pour n'en considérer que le fait principal.
J'ai dit qu'il y avait, chez le sujet de cette observation, une ver-
tèbre surnuméraire ou enclavée dans la région dorsale, et j'en ai
fait connaître la situation et les connexions. Est-ce bien là une ver-
tèbre surnuméraire, et doit-elle être considérée comme enclavée
entre les voisines? Ce sont là deux points qu'il faut examiner succes-
sivement, et à l'occasion de l'examen desquels il faut produire toutes
les preuves nécessaires pour qu'il ne reste de doute dans l'esprit
de personne. Mais avant d'aborder la discussion, il importe d'expo-
ser en peu de mots ce que l'on constate dans les conditions ordi-
naires.
Chez le cheval, les vertèbres dorsales sont ordinairement au nom-
bre de dix-huit, et par conséquent il y a dix-huit côtes de chaque
côté. Je dis que ce sont là les nombres normaux, et j'insiste sur ce
fait, bien qu'il ne soit pas absolument rare de rencontrer des ano-
malies qui consistent soit dans une diminution, soit dans une aug-
mentation. Ainsi, abstraction faite de la taille des individus, il y a
des chevaux qui ont :
Dix-sept vertèbres dorsales et dix-sept paires de côtes; et il en
est d'autres qui ont :
Dix-neuf vertèbres dorsales et dix-neuf paires de côtes.
J'ai fait connaître tous ces faits, d'après mes observations person-
nelles, dans mon premier mémoire, et ce sont les seuls qu'il était
nécessaire de remettre ici sous les yeux du lecteur.
Nous avons vu, chez le cheval qui fait le sujet de la présente ob-
servation, que les côtes étaient au nombre de dix-huit du côté droit,
et seulement au nombre de dix-sept du côté gauche. Ghacun de ces
tn
nombres peut se faire remarquer, — nous l'avons dit plus haut, —
mais alors il est le même du côté gauche et du côl6 droit, ou bien,
dans quelques cas exceptionnels, ainsi que Daubeuton et d'autres en
ont lait la remarque, la difrérence du nombre des côtes est apparente
seulement et non réelle, et elle tient au développement anormal de
l'apophyse transverse de la première vertèbre lombaire qui a acquis
un développement analogue à celui des côtes. Tous ces faits sont
bien différents de celui que présentait le sujet de cette observation.
Pour lui, il est certain que le nombre des côtes est naturellement
différent dans chacune des parois thoraciques, et il est non moins
certain que le nombre des côtes, plus élevé du côté droit que du côté
gauche, est lié à la présence d'une vertèbre qui existe en plus du
côté droit, car du côté gauche on n'en voit qu'une faible portion re-
présentée par la partie annulaire ou spinale qui est soudée à la partie
correspondante de la vertèbre voisine. C'est là le fait dominant dans
l'anomalie que présentait le sujet de cette observation,
Peut -on considérer cette vertèbre que j'ai appelée surnuméraire et
enclavée comme une vertèbre normale, dont le développement serait
moindre que dans les conditions ordinaires à cause de la déviation
qu'avait éprouvée la colonne vertébrale dans la partie antérieure de
la région dorsale du rachis? On ne saurait soutenir cette opinion.
En effet, si, primitivement, cette vertèbre avait eu son volume, sa
forme et ses connexions ordinaires, il est certain qu'elle eût été en
rapport avec une côte, du côté gauche et du côté droit. On voit bien
la côte du côté droit, mais il n'y a aucun vestige de celle du côté
gauche, et on ne voit pas davantage les surfaces articulaires qui de-
vaient servir à établir les connexions de cette vertèbre avec cette
côte. Donc, la côte du côté gauche, qui devait correspondre à la qua-
trième du côté droit, n'a jamais existé.
Par les mêmes raisons, cette vertèbre doit être considérée comme
surnuméraire (du côté droit, relativement au côté gauche), et si l'on
ne tient aucun compte de la déviation vertébrale qui doit être attri-
buée, sinon exclusivement, du moins à peu près exclusivement à sa
présence, elle doit être considérée comme enclavée, et dans tous les
cas comme une vertèbre incomplète ou imparfaite, placée entre des
vertèbres dont le développement est normal : c'est cette particula-
rité qui caractérise essentiellement celte nouvelle anomalie.
Dans mon premier mémoire, je nai pas cru devoir adopter la clas-
11
sificalion proposée par M. Isidore Geotlroy-Sainl-Hilaire, en ce qui
concerne les anomalies de la colonne vertébrale.
M. Isidore Geoffroy- Saint-Hilaire a pensé que « les divers cas,
soit d'augmentation, soit de diminution du nombre des vertèbres se
rapportent très-naturellement à trois genres, » et il les a étudiés
« sous les noms de changements apparent, compensé et réel. »
Cette division n'embrassait pas toutes les observations que j'avais
faites, et c'est pour cette raison que j'ai établi la suivante :
A. Anomalies par transposition des caractères des vertèbres.
B. Anomalies du nombre des vertèbres composant chacune des
régions du rachis, comprenant :
1° L'augmentation du nombre;
2° La diminution du nombre.
Ces deux dernières anomalies embrassent celles que M. Isidore
Geoffroy-Saint-Hilaire a appelées changements apparent, compensé
et réel.
Toutes les observations que j ai publiées dans mon premier mé-
moire ont été facilement rangées sous ces différents chefs ; mais sous
lequel devra se trouver ma dernière observation? J'avoue que cette
question m'embarrasse, car si l'on examine la pièce anatoraique, il
y a évidemment du côté gauche une diminution du nombre des ver-
tèbres dorsales et une diminution du nombre des côtes, relativement
au nombre normal. Si, au contraire, on l'examine du côté droit, il y
a le nombre norraaUles vertèbres dorsales, et aussi le nombre nor-
mal des côtes. Mais dans tous les cas, et c'est ma conclusion finale,
il y a une différence entre le côté droit et le côté gauche. C'est pour
cette raison que je considère cette anomalie comme essentiellement
caractérisée par une vertèbre surnuméraire enclavée. (Dans la série,
elle correspondrait à la quatrième.)
L'observation que je viens de présenter m'a remis en mémoire un
fait que j'ai communiqué à la Société nationale et centrale de méde-
cine vétérinaire dans la séance du 2? avril 1858, sous le titre de :
Description anatoviique dhin chien bossu. Réflexions sur les lésions
que présente le squelette de cet animal. Jusqu'à un certain point, ces
deux observations peuvent fournir matière à des rapprochements (1).
(1) Voyez Recueil de médecine vétérinaire, tome XXXV, ou 5*^ de la
i" série. Année 1858 page 758,
12
Sans reproduire ici tous les détails qui ont 6té notés lors de la
dissection de ce chien, et en me bornant à rappeler les particulari-
tés principales de la région dorsale, il y a, comme on va le voir,
quelques traits qui sont communs dans les deux observations. En
effet:
1" La région dorsale de ce chien ne portait que onze apophyses
épineuses, au lieu de treize qui est le nombre normal. En exami-
nant la face inférieure de la région, on y reconnaissait treize vertè-
bres. Donc, il y avait eu disparition de deux apophyses épineuses.
2° Le nombre des côtes n'était pas en rapport avec celui des ver-
tèbres dorsales, car il y en avait dix du côté droit, et seulement neuf
du côté gauche, au lieu de treize de chaque côté qui est le nombre
normal.
Je ne rappelle que ces faits, car il faudrait reproduire l'observa-
tion dans toute son étendue; ce serait hors de propos, je le crois,
mais il est certain qu'elle est très-intéressante dans tous ses dé-
tails.
Gomme conclusion, je citerai seulement la phrase par laquelle se
termine cette observation, en l'appliquant aussi à la dernière.
Ces deux observations seront peut-être de celles, si nombreuses,
que l'on trouve dans la science, qui, à l'époque de leur publication,
semblent n'avoir pas d'importance, mais qui en acquièrent plus tard,
lorsque des faits nouveaux, plus complètement observés, permettent
de faire des généralisations en réunissant tous les matériaux épars
qui se rattachent à l'étude d'une même question.
Alfort, le 17 mars 1870.
NOTE
S«K UN
CAS DE TÉTANOS TRAUMATIQUE
AUTOPSIE : EXAMEN MICROSCOPIQUE DE LA MOELLE, DU BULBE
ET DE LA PROTUBÉRANCE, DES MUSCLES ET DES NERFS;
lue à la Société de Biologie
Par M. ALIX JOFFROY.
Eugène Lançon, âgé de 12 ans et demi, est entré à l'hôpital de
Sainte-Eugénie, dans le service de M. Marjolin, le 8 décembre 1869.
Je remercie M. Marjolin et son interne, M. Debove, d'avoir bien voulu
me communiquer les détails de l'observation et me confier le soin de
l'autopsie.
Les premiers symptômes observés par les parents, et pouvant être
rapportés au tétanos, se sont montrés dans la journée du 9 décembre
1869, c'est-à-dire la veille de son entrée à Sainte-Eugénie. Le trau-
matisme, cause de ces accidents, datait de huit jours, et consistait dans
l'écrasement, produit par un engrenage, des trois derniers doigts de la
main droite. Le petit doigt était écrasé dans toute sa longueur. L'annu-
laire présentait une lésion analogue des deux dernières phalanges, le
médian n'était atteint qu'à la dernière.
A son entrée à l'hôpital, la plaie présentait un mauvais aspect, sup-
purait mal, tandis que les parties voisines étaient infiltrées de pus.
Les premiers symptômes caractéristiques, observés la veille, con-
sistaient en roideur des muscles du cou et en difficulté d'écarter
les arcades dentaires. Lorsque nous vîmes le malade le 8 au soir, on
notait, outre ces signes, une roideur tétanique très-marquée dans
14
les membres supérieurs et inférieurs, et dans les muscles respira-
teurs. De là, une gêne de la respiration, se traduisant par la rapi-
dité et le peu d'amplitude des mouvements respiratoires. En même
temps le pouls était très-rapide. Tous ces symptômes redoublaient
d'intensité par moments. Enfin, l'enfant succomba le 10 décembre; la
mort sembla causée par l'asphyxie. L'autopsie fut pratiquée vingt-trois
heures après la mort, par une température froide, le cadavre étant dans
un bon état de conservation. Il n'y avait rien à noter dans les viscères,
sauf une congestion assez vive des poumons, des reins et du foie. L'en-
céphale était complètement sain à Toeil nu, et l'on ne peut signaler au-
tre chose qu'un léger degré de congestion des méninges. La moelle
présente, à l'œil nu, les mêmes troubles de la circulation, mais à un plus
haut degré. Le canal vertébral étant ouvert, on trouve dans toute sa
longueur, entre la dure-mère et le canal osseux, un épanchement séro-
sanguinolent en partie coagulé. La moelle enlevée, et la dure- mère ou-
verte sur la ligne médiane, en avant et en arrière, la pie-mère apparaît
fortement congestionné dans toute sa longueur. Faisant alors des cou-
pes transversales, un examen très-attentif, à l'œil nu, de la substance
nerveuse, ne nous permet de voir qu'une particularité ayant quelque
importance, c'est la dilatation des vaisseaux qui se trouvent dans la
commissure grise, au voisinage du canal central. Nulle part, on ne re-
marque d'altération de la substance grise ou blanche, soit pour la con-
sistance, soit pour la couleur. Le renflement cervical est particulière-
ment examiné à ce point de vue, et l'on peut affirmer que dans ce cas
i! ne présentait aucune modification notable.
Examen microscopique. 1" Muscles. On trouve les caractères normaux
de la fibre musculaire dans toutes les préparations des muscles sui-
vants, examinés à l'état frais, savoir : muscles du mollet, des parois
thoraciques, du bras et de l'avant-bras droit et de la nuque.
2° Nerfs. Le nerf cubital seul a été examiné. Les tubes nerveux ne
présentaient aucune altération. Nous n'avons pas noté non plus la
moindre lésion du tissu conjonctif des nerfs.
3° Protubérance^ bulbe el moelle. Des coupes minces, transversales,
pratiquées dans ces parties du système nerveux central, après durcis-
sement dans l'acide chromique, nous ont montré des particularités
intéressantes.
Dans la protubérance, on remarque sur toutes les coupes une disten-
s'on notable de tous les vaisseaux sanguins, plus remarquable dans la
substance grise, c'est-à-dire là où la vascularité est plus grande. Çà et
là, on trouve sur les coupes, et surtout sur celles plus voisines des pé-
doncules cérébraux, des globules sanguins sortis des vaisseaux et rem-
plissant plus ou moins le canal périvasculaire. Enfin, en certains points,
15
irrégulièrement disséminés, mais principalement au niveau des fais-
ceaux qui constituent les pyramides antérieures, on note de véritables
hémorrhagies, visibles à l'œil nu sur les coupes minces. Au microscope
on voit les globules sanguins sortis des vaisseaux et de la gaîne péri-
vasculaire, et répandus dans la substance nerveuse, former ainsi un
petit foyer plus ou moins arrondi, dont le diamètre est parfois de huit
à dix fois celui du vaisseau qui a produit l'hémorrhagie. La pie-mère de
la protubérance présente des traces de congestion non moins vive.
Dans le bulbe, on note les mêmes phénomènes. Seulement, les hé-
morrhagies sont plus rares et moins considérables. La réplétion des
vaisseaux est ici le fait dominant. C'est surtout au voisinage du qua-
trième ventricule qu'on remarque la congestion, c'est-à-dire, comme
nous l'avons déjà fait remarquer, là où il y a plus de vaisseaux. Enfin,
le canal central présente à sa surface, sur la couche épithéliale qui le
tapisse, un exsudât fibrineux assez abondant. La pie-mère, au bulbe,
offre les mêmes caractères qu'à la protubérance.
Dans la moelle, on trouve encore la congestion, mais elle n'a, presque
nulle part, produit ces petits foyers d'hémorrhagie qui viennent d'être
décrits. On apercevait généralement quelques globules sanguins dans
le canal périvasculaire. Au voisinage du canal central, tous ces espaces
p'riartériels sont dilatés et remplis par un exsudât fibrineux. Cette exsu-
dation se retrouve dans le canal central de la moelle, mais, de même
qu'au bulbe, l'exsudat n'est pas assez abondant pour le remplir.
L'examen microscopique ne montre rien de spécial, au niveau du
renflement cervical. Dans les coupes faites à ce niveau, la comparaison
de la moitié droite et de la moitié gauche ne montre aucune différence.
En résumé, l'examen microscopique montre ici : 1° une congestion
considérable de la pie-mère dans toute la hauteur de la moelle, du
bulbe et de la protubérance, avec issue des globules sanguins formant
par places de véritables petits foyers d'hémorrhagie ; 2" une conges-
tion de la substance grise et de la substance blanche de la moelle, du
bulbe, et de la protubérance. Dans le bulbe, et surtout dans la protubé-
rance, cette réplétion a donné lieu à de petits foyers hémorrhagiques.
3° Le canal central, dans toute la longueur de la moelle et du bulbe, a
été le siège d'un exsudât fibrineux peu abondant. 4° Nous ferons re-
marquer que, nulle part, il n'y avait trace de multiplication des éléments
conjonctifs ni d'altération des éléments nerveux.
Avant de rechercher quelle est la valeur de cette observation et
des détails d'anatomie pathologique qu'elle renferme, il importe de
faire remarquer qu'il s'agit ici du tétanos à forme aiguë, c'est-à-
dire de cette forme de la maladie, contre laquelle presque toujours,
16
siuon toujours, ont échoué jusqu'ici toutes les médications. Notre
vénéré maître M. Giraldès, chirurgien à l'hôpital des Enfants-Ma-
lades, a parfaitement établi, dansune de ses leçons cUniques, ladis-
tinction qui doit être faite, entre cette forme aiguë et presque fa-
talement mortelle, et une autre forme moins rapide dans son
développement, généralement rémittente, et favorable à tous les
moyens thérapeutiques, y compris l'expectation. Cette distinction
entre le tétanos aigu et le tétanos subaigu ou chronique, très-im-
portante au point de vue clinique, ne l'est pas moins au point de
vue physiologique.
Puisque certains cas de tétanos guérissent sans laisser de traces
durables de leur existence antérieure, on est porté à supposer que
les lésions des centres nerveux ne consistaient alors qu'en modifica-
tions transitoires, et non en lésions irrémédiables (1). Quelles peu-
vent être ces modifications, sinon des troubles de la circulation,
entraînant à leur suite, des changements dans les propriétés des
éléments nerveux qu'ils sont chargés de nourrir, et, par consé-
quent, dans les fonctions qui sont sous la dépendance des centres
nerveux. 11 n'est guère permis de s'arrêter à une autre hypothèse,
quand on voit la rapidité, avec laquelle les accidents se succè-
dent, et leur peu de durée, soit que la maladie se termine par la
mort, ou même par la guérison. Cette manière de voir, à laquelle
on est amené par l'observation des malades, trouve son entière
justification dans l'examen anatomique qu'on vient de lire. On a
vu que les lésions consistaient en congestion. Par places, il s'est
bien produit de petites hémorrhagies , mais ce n'est là qu'une
exagération de la congestion, et il ne serait pas permis de conclure
(l) Nous ne voulons pas aflSrmer, que les lésions des centres nerveux
qui existent dans le tétanos, soient forcément transitoires, d'après ce
seul fait, que l'affection guérit sans laisser de troubles persistants de la
motilité ou de la nutrition des muscles. Nous avons, en effet, déjà fait
remarquer dans une Note sur un cas de sclérose en plaques disséminées
(Société de biologie, 1869) que certaines paraplégies complètes pou-
vaient guérir, alors que persistaient les lésions de la moelle auxquelles
on attribue habituellement la paralysie des membres inférieurs. Plu-
sieurs observations ont été faites dans ce sens par notre maître
M. Charcot, à qui nous devons la notion de ces particularités.
17
de ce fait, que ces hémorrhagies existent nécessairemeat dans le téta-
nos. De même qu'on comprend facilementque les petites hémorrhagies
qui se sont produites dans ce cas, auraient pu être plus considéra-
bles, on comprendra également, qu'elles auraient pu ne pas exister.
Une légère variation, en plus ou en moins, dans le degré de la con-
gestion, suffisait pour produire l'un ou l'autre de ces changements.
Nous eu arrivons donc à trouver que, dans les centres nerveux, la
congestion est la seule lésion qui existe à coup sûr dans le tétanos
D'autres lésions peuvent se produire, telles que des hémorrhagies,
mais elles sont accidentelles, ne sont pas primitives, et tiennent à
une exagération de la lésion véritable dont il vient d'être question :
la congestion. Nous ajouterons de suite, pour bien expliquer notre
façon de comprendre la production des accidents tétaniques, qu'eu
disant que la congestion est la lésion véritable, nous ne voulons
nullement dire qu'elle est la cause des convulsions et des au-
tres accidents de la maladie. Nous sommes, au contraire, porté à
croire, que la congestion n'est qu'un phénomène secondaire, une
conséquence du tétanos; mais elle n'en a pas pour cela moins d'im-
portance, car on ne peut nier que ces troubles profonds do la circu-
lation dans les centres nerveux, une fois produits, n'exercent une
intluence considérable sur l'intensité des symptômes. Afin donc
d'éviter tout malentendu, nous dirons simplement que la congestion
est la seule lésion consianic ; ce mot ne préjugeant rien sur le mode
pathogénique de la lésion, et son rôle dans la maladie.
Quant à cette congestion, qui peut, comme on vient de le voir,
être le point de départ d'autres lésions, telles qu'hémorrhagies in-
terstitielles, et peut-être même, dans certains cas, daltéraiions des
éléments nerveux eux-mêmes, quelle est son origine, quel est son
mode de production? Nous avouerons que nous ne pouvons nous
l'expliquer. Peut-être s'agit-il là d'une action réflexe, dont le point
de départ est la plaie, et dont le résultat serait la paralysie des vais-
seaux des centres nerveux. Mais quelle est l'excitation qui donne
lieu à ce phénomène réflexe? Pourquoi cette excitation agit-elle,
non pas sur une région donnée et limitée de la moelle, mais bien
sur toute la moelle, sur le bulbe et la protubérance? Voilà l'inconnu.
Ce sont bien les plaies par écrasement, par déchirures, etc., qui se
compliquent le plus fréquemment de tétanos, mais il n'y a pas là ia
cause du tétanos, il n'y a ià qu'une circonstance favorable à son dé-
MÉM. 1870. 2
18
veloppement. On peut en dire autant du froid humide lui-même,
dont l'intluence est cependant bien reconnue. Peut-être serait-il
plus rationnel de croire à une sorte d'empoisonnement, analogue à
celui produit par la strychnine. Les premiers symptômes sont en
effet toujours les mêmes, quelle que soit la lésion primitive; leur dé-
veloppement, leur marche présentent toujours le môme tableau: ce
sont bien là des considérations propres à faire songer à une altéra-
tion du sang. Mais encore dans cette hypothèse on arrive à un in-
connu: quelle est la cause, quelle est la nature de cet empoison-
nement?
Nous ne poursuivrons pas cette recherche sur la manière dont
se produit la congestion. Nous ajouterons que les deux mêmes
hypothèses, de l'action réflexe et de l'empoisonnement, ont été pro-
posées pour expliquer, non plus seulement la congestion, mais tous
les symptômes caractéristiques du tétanos. Ici encore on peut faire
à chacune de ces théories les mêmes objections que plus haut. Peut-
être serait-il préférable d'invoquer les deux théories à la fois pour
l'explication que l'ori veut donner. En eflet, l'hypothèse de l'action
réflexe est entièrement satisfaisa-ite, si l'on suppose que précédem-
ment le pouvoir réflexe de la muelle, ait été considérablement ac-
cru, comme dans le strychnisme. Or l'empoisonnement, de nature in-
connue il est vrai, dont il est question dans la seconde hypothèse,
pourrait fort bien produire cette augmentation de l'action réflexe.
Cet empoisonnement produirait une modification, non pas dans la
forme, mais dans les propriétés des éléments nerveux (ce qui ne veut
pas dire qu'il n'y ait pas de lésions de ces éléments, qu'il n'y ait pas,
par exemple, de modifications chimiques dans leur subtance) ; là
serait la cause de l'augmentation excessive du pouvoir réflexe de la
moelle. C'est alors seulement que la plaie, ainsi que d'autres causes
mécaniques extérieures, joueraient le rôle d'excitant, mettraient en
jeu ce pouvoir réflexe si considérable, et donneraient lieu aux acci-
dents convulsifs si terribles qu'on observe dans cette maladie. En
résumé, on voit que l'étude anatomo-pathologique, à laquelle nous
nous sommes livrés, ne nous fournit aucune donnée, ni sur l'étio-
logie ni sur la nature de l'afl'ection ; elle ne nous montre que les con-
séquences du tétanos, des lésions qui sont le résultat et non la cause
de la maladie. Toutefois on a vu que parmi ces lésions secondaires
il (Ml est une que nous regardons connue tonstunte et que nous
19
croyons ne devoir varier que par son déliré dïntensité. C'est la con-
gestion de la moelle, du bulbe, de la protubérance et des méninges.
Et à ce propos nous ne pouvons passer sous silence les considéra-
tions thérapeutiques qui suivent.
Parmi les remèdes administrés aux tétaniques, on est frappé de
voir donner des agents qui produisent sur la moelle les modifications
de la circulation les plus opposées. On sait, en effet, que la strych-
nine a été employée pour combattre l'affection dont il est ici ques-
tion. On aurait pu être porté à renoncer à cette idée, en songeant à
l'analogie qui existe entre les accidents dus au tétanos et ceux dus
à l'empoisonnement par la strychnine. L'examen nécroscopique de la
moelle, même sans le secours du microscope, démontre qu'il y a
congestion des plus vives dans les deux cas; il est donc évident
qu'on n'est pas en droit d'attendre de l'administration de la strych-
nine aux tétaniques autre chose qu'une aggravation des accidents.
Cette remarque relative à la strychnine n'a que peu d'importance,
parce qu'aujourd'hui on ne songe plus guère à employer cet agent
thérapeutique contre le tétanos; mais en revanche on emploie sou-
vent des poisons qui produisent sur la circulation de la moelle des
modifications analogues à celles déterminées parla strychnine. Nous
citerons plus particulièrement les sels de fopium ( 1 ) , dont f emploi doit
être absolument repoussé. Par contre, fétude qui vient d'être faite
semble devoir engager les chirurgiens à recourir aux préparations
qui diminuent la quantité du sang dans les centres nerveux, tels que
la belladone et l'ergot de seigle (2), ainsi qu'aux révulsifs violents ap-»
(1) M. le docteur Frédéric Bonnefm a démontré dans sa thèse {Rc-
clierches sur l'action convulsivante des poisons, Paris, 1851), que cer-
tains poisons agissent sur la moelle, comme la strychnine; il cite en
particulier la morphine. M. Brown-Séquard s'est assuré de la réalité
du fait par un grand nombre d'expériences. Nous ajouterons que les
tétaniques sont généralement constipés; que la constipation favorise
singulièrement la congestion de la moelle, et que c'est encore là un
motif pour ne pas administrer l'opium.
(2) Brelonneau, Payan, Barbier et Trousseau ont traité avec succès
des paraplégiques au moyen de la belladone et de l'ergot de seigle.
M. Brown-Séquard a le premier précisé les cas où l'on doit administrer
ces médicaments, véritables antidotes de la congestion de la moelle,
en les séparant de toute une classe de paralysies que Ion doit traiter
20
pliqués sur la nuque et la colonne vertébrale. De plus, le bromure
de potassium, à causes de ses propriétés bien connues, serait ad-
ministré dans le but de diminuer l'excitabilité de la moelle.
parla strychnine, dont les propriétés sont inverses, à ce point de vue.
(Voir, sur ce point, le livre de M. Brown-Séquard intitulé: Leçons
sur le diagnostic et le traitement des principales formes de paralysie
de5mem6re3in/'tfrteM?'5, Paris, 1864.) Dans ce même ouvrage, M. Brown-
Séquard dit : « Non-seulement j'ai vu diminuer le calibre des vaisseaux
sanguins de la pie-mère médullaire chez des chiens qui avaient pris
de fortes doses de belladone ou d'ergot de seigle, mais je me suis as-
suré aussi que le pouvoir réflexe de la moelle épinière (très-probable-
ment comme conséquence de la contraction des vaisseaux) diminue
beaucoup sous l'influence de ces deux remèdes, qui agissent, dans ce
cas, en s^ens inverse de la strychnine. »
NOTE
SUR LE TISSU MUQUEUX
DU CORDON OMBILICAL
Communiquée à la Société de Biologie, dans sa séance du 9 juillet 1370,
Par M. J. RENAUT,
Interne des bôpitaux de Parï».
Les recherches récentes de M. Ranvier sur la structure lutime des
lendons et du tissu conjonctif lâche ont démontré la nécessité de
soumettre de nouveau à l'analyse un certain nombre d'autres tissus,
parmi lesquels le tissii muqueux, origine de tous les autres chez
Tembryon, m'a semblé occuper le premier rang. Je n'exposerai ici
que les résultats de mes études sur la substance propre du cordon
ombilical (gélatine de Warthon), de la nature de laquelle on a sur-
tout discuté dans ces dernières années, et qui paraît aussi la plus
parfaite des substances muqueuses, c'est-à-dire la mieux développée
au point de vue morphologique.
Schwaon est le premier qui, au milieu de la gelée qui entoure les
vaisseaux ombilicaux, découvrit des cellules munies de prolonge-
ments ramifiés; plus tard, Virchow démontra que cette gelée avait
tous les caractères d'un tissu et possédait une forme typique. Il la
considéra comme composée d'un tissu aréolaire contenant de la mu-
cine dans «es intervalles. Une substance fibreuse et striée formerait
22
le stronia des aréoles et contiendrait des éléments étoiles, véritables
cellules plasmatiques canaliculées anastomosées, et charriant les sucs
dans toutes les parties du tissu privé de vaisseaux (1).
Frey considéra ensuite le tissu propre du cordon ombilical comme
<;onstituô par un réseau cellulaire à branches anastomosées, sur le-
quel viendrait se condenser, en l'enveloppant, un système de travées
résultant de la solidification de la substance muqueuse. De cette
façon, chaque cellule ou prolontjement de cellule occuperait Taxe
d'une fibre de tissu conjonclif qui l'envelopperait de toutes parts;
les mailles de ce tissu seraient remplies de matières muqueuses
contenant çà et là quelques cellules embryonnaires non modifiées
destinées à former plus tard des vésicules adipeuses (2).
On ne tarda pas à reconnaître que les figures étoilées qu'on ob-
serve sur les préparations obtenues par la méthode de Gerlach ne
sauraient être considérées comme de véritables cellules, mais bien
comme des espaces stellaires, limités par une membrane analogue
à la capsule du cartilage et contenant des cellules plus ou moins
libres dans leur cavité (3). Plus récemment, en 1868, Koster (4), appli-
quant au cordon ombilical les idées de Recklinghausen, admit dans
le tissu muqueux un système de canaux noueux, tapissés par un
endothélium discontinu, cheminant au milieu des mailles de la gé-
latine de Warthon, et contenant des cellules probablement mobiles.
Cependant Koster ne put arriver à voir une membrane propre à ces
canaux qu'il différenciait totalement du réseau plus grossier injecté
autrefois par Fohmann à l'aide du mercure (5). Par contre, il semble
se rapprocher de l'opinion de "Wissmaun, qui voyait dans les ré-
seaux étoiles de la gélatine de Warthon des capillaires embryon-
naires; mais pour Koster, ces réseaux seraient des capillaires
lymphatiques, des canaux du suc, s'ouvrant peut-être à la surface
du cordon par des stomata ou bouches, et non des capillaires san-
guins, dont le cordon de l'homme est dépourvu.
Tel était l'état de la question lorsque j'entrepris dernièrement,
(1) Patli. cclhil., trad. française, page 85. 1866.
(2) Frey, Trailé d'Inslot.et d'Iiistliock., page 222.
(3) Ibid^ Note de M. Ranvier.
(4) Koster, Dissert, inaug. WurUbourg. 1868.
(5) Fohiniinn. Journ. de Ticdmann cl Trcveranus, foinc IV, 1832^
23
dans le laboratoke de médecine expérimentale au Collège de France,
une série de recherches dont je vais ici exposer le résultat. J'ai
surtout étudié les rapports des éléments cellulaires du cordon avec
les fibres connectives, et l'observation m'a amené à considérer d'une
façon très-simple la structure du tissu muqueux.
La substance muqueuse qui entoure les vaisseaux du cordon et le
pédicule plus ou moins atrophié de la vésicule ombilicale est limitée
elle-même en dehors par le prolongement de la membrane amnios.
Au-dessous du revêtement amniotique, existe du tissu muqueux
lâche; autour des vaisseaux on voit une couche plus ou moins
épaisse de fibres longitudinales, blanches, plus opaques que le reste
(lu tissu et se tordant en spirales comme les vaisseaux quelles en-
globent.
Dans la portion périphérique du cordon, la substance muqueuse
proprement dite est plus abondante que partout ailleurs. Ordinaire-
ment, dans les cordons adultes, c'est-à-dire recueillis sur des fœtus
à terme, elle se répartit irrégulièrement. 11 en résulte de petites
masses globuleuses, translucides, improprement appelées myxômes
du cordon, qui donnent à celui-ci un aspect noueux. Si la disposi-
tion noueuse existe sur la pièce que Ton veut examiner, on peut
en profiter pour retrancher, à l'aide de ciseaux courbes sur le plat,
de minces lamelles de tissu muqueux, sinon on détermine arti-
ficiellement des nodosités en produisant par une injection de sérum
iodé ou de nitrate d'argent en solution au millième de l'œdème
artificiel au niveau du point que l'on veut examiner.
Les portions ainsi retranchées s'étalent régulièrement sur la lame
de verre, et (surtout si l'on a opéré sur un myxôme, auquel cas les
éléments restent contenus dans leur milieu gélatineux normal),
montrent une structure très-régulière. On voit alors des fibres con-
jonctives finement striées ou ondulées, anastomosées les unes avec
les autres et formant des alvéoles de dimension variable. Outre ces
fibres qui, semblables aux mailles d'un filet, englobent la substance
muqueuse dans un réticulum assez persistant, on en voit d'autres
plus minces qui traversent çà et la, comme des cordelettes très-
grêles, le champ de chaque alvéole.
Les rapports des éléments cellulaires avec les fibres que nous ve-
nons de décrire sont très-simples. Sur des préparations provenant
d'un myxôme ou d'un œdème artificiellement proiiuit par lirijoctiou
u
de sérum iodé ou de nitr^ite d'argent au millième, traitées par le
picro-carmiiiate d'ammoniaque et conservées dans la glycérine aci-
difiée, on voit, au bout de quelque> jour?, la mucine former un préci-
pité granuleux qui fixe absolument les éléments cellulaires dans leur
position. On peut alors reconnaître que les fibres du tissu muqueux
sont recouvertes de cellules plates constituées par une large plaque
de protoplasma et par un noyau vésiculeux. Le revêtement ainsi
formé par ces cellules est discontinu, et les éléments eux-mêmes
sont peu adhérents aux fibres, le long desquelles on les voit souvent
glisser avant de devenir libres. Souvent aussi on voit, le long des
travées conjonctives, les éléments cellulaires[plats qui, se présentant
par leur tranche, semblent des traînées granuleuses et offrent, seu-
lement au niveau de leur noyau, un point plus rouge en forme de
bâtonnet.
Les fibres conjonctives elles-mêmes, soumises à l'action de la gly-
cérine acidifiée, se gonflent en se tordant sur leur axe; il eu résulte
un aspect nioniloforme de la fibre qui, au niveau de chaque étran-
glement, présente un petit collier très-mince se colorant forte-
ment en rouge par le carmiii ou le picro-carminale d'ammo-
niaque.
On voit que cette disposition du tissu aréolaire du cordon situé
sous le revêtement fourni par l'amnios rappelle d'une manière frap-
pante la structure du tissu cellulaire lâche sous-cutané dont cette
couche pourrait être, d'après Wircbow, considérée comme le prolon-
gement. La seule différence consiste en ce fait que les mailles du
tissu muqueux de Warthon sont très-régulièrement aréolaires et
qu'elles contiennent, au lieu de lymphe, de la mucine, coagulabie
par l'acide acétique sous forme de précipité trouble et granuleux.
On trouve du reste au milieu des tissus muqueux et plongés dans la
mucine elle-même des cellules embryonnaires très-semblables aux
cellules du corps vitré ou aux globules blancs du sang.
C'est dans cette couche périphérique que Koster a découvert et
injecté, dit-il, un système particulier de canaux du suc. D'après lui,
ces canaux renflés au niveau des espèces alvéolaires se resserrent
pour passer d'un alvéole à l'autre: de là leur vient l'aspect noueux
qu'ils possèdent. Ils suivraient également la direction des fibres
conjonctives qui, tendues comme des sortes de cordelettes, leur ser-
viraient ainsi do soutiens. J'ai fait, en me conformant à la technique
25
indiquée par Koster, des injections de bleu de Prusse dans les cou-
ches les plus superficielles du tissu muqueux du cordon sans obte-
nir autre chose qu'une extravasation de liquides et une coloration
assez intense de tissu aréolaire. Il est vrai que j'ai fait usage d'une
solution aqueuse de bleu de Prusse très-pénétrante, et qui ne difl'use
pas, tandis que Koster a sans doute employé la solution oxalique.
Mais cette modification du procédé opératoire n'aurait pu que favo-
riser l'injection des canaux propres du suc. Du reste, les injections
qui déterminent dans les cordons une apparence de réseau canaliculé
ne sauraient réussir, de l'aveu de Koster, que sur des cordons macé-
rés, et dont la matière muqueuse est très- modifiée. Celle-ci se déplace
alors facilement, et le liquide pénétrant dans les mailles du tissu
muqueux se répand en formant un réseau noueux. Sur un cordon
frais, la piqûre la plus superficielle ne peut déterminer l'apparition
du réseau; il se forme une boule bleue, et en écrasant cette boule
on ne peut jamais obtenir à sa périphérie aucune apparence de ré-
seau. Ce fait semble démontrer non-seulement l'absence de canaux
du suc, mais même de capillaires lymphatiques, car on sait avec
quelle facilité on peut injecter les lymphatiques du pli de l'aine en
écrasant une boule formée dans le tissu lâche de la région par l'in-
jection rapide d'une solution de bleu de Prusse (Ranvier).
Il ressort de ces premiers faits une forte présomption contre l'exis-
tence dun réseau canaliculé dans les mailles du tissu muqueux
aréolaire : ce tissu parait au contraire constitué par des fibres entre
lacées formant des alvéoles remplis de matière muqueuse, fibres sur
lesquelles sont disposées des cellules plates qui leur forment un re-
vêtement discontinu, qui parfois sont formées de plaques étroites et
très-longues d'un protoplasma contenant un ou plusieurs noyaux
vésiculaires, mais sont toujours appliquées à plat sur une fibre le
long de laquelle elles s'étendent souvent très-loin. Cette présomption
continue à s'aflirmer lorsqu'on pratique sur des fragments de cordon
conservés dans le liquide de Millier, puis immergés dans de la
gomme et dans l'alcool, des coupes minces, que l'on examine ensuite
dans la glycérine acidifiée par l'acide formique après coloration dans
le picro-carminate d'ammoniaque.
On ne retrouve plus, sur de pareilles préparations, les figures étol-
lées qu'on observe si nettement sur les pièces desséchées, colorées
au carmin et traitées par l'acide acétique, mais bien des fibres en-
MÉM. 1870. 3
26
trelacées formant à la périphérie des alvéoles et tapissées de grandes
cellules plates, quelquefois anastomosées par le fusionnement de
leur protoplasma et ne présentant jamais l'apparence d'un tissu ré-
gulier.
Si, sur des coupes longitudinales, c'est-à-dire parallèles à l'axe du
cordon, on étudie très-complôtement le tissu plus dense qui entoure
les vaisseaux ombilicaux, on voit alors qu'en ce point le tissu mu-
queux, pauvre en substance colloïde, est composé de fibres longitu-
dinales entre lesquelles on distingue de grandes cellules plate s qui
tapissent la périphérie, mais ne sont jamais contenues, comme l'a-
vait pensé Frey, dans l'axe même des fibres conjonctives.
Ces cellules, dont on voit surtout bien les rappoi'ts après une lé-
gère dissociation de la coupe mince, constituent également aux
fibres longitudinales du tissu muqueux un revêtement discontinu;
souvent elles s'anastomosent par leurs prolongements protoplasmi-
ques à la surface de la fibre, mais sans former autour d'elle un ré-
seau régulier; bien plus souvent elles restent isolées sous forme de
plaques irrégulières et sans longs prolongements. La dénomination
de cojys fusiformes, usitée par quelques histologistes, ne saurait
non plus leur convenir, car lien n'est plus variable que la forme de
ces plaques, qui n'offrent le plus souvent l'aspect d'un fuseau que
lorsqu'on les voit de profil. Dans ce cas, on comprend facilement
que la présence seule d'un noyau vésiculeux renflé au milieu d'une
cellule plate détermine une semblable apparence.
De ce qui précède, nous nous croyons autorisé à aflirmer, dès à
présent, que le tissu muqueux du cordon est, dans les parties riches
en mucine, formé par un réseau de fibres conjonctives tapissé de
cellules plates ne différant guère du tissu conjonctif lâche que par
la présence de la mucine qui distend ses mailles. Quant au tissu
périvasculaire du cordon, il n'est pas sans présenter quelque ana-
logie avec le tissu de la cornée transparente. Dans tous les cas, il
n'existe dans le cordon ni réseau plasmaliqce constitué, comme le
prétendait Wirchow, par un réseau cellulaire canaliculé, ni système
particulier de canaux vecteurs du suc, comme Koster a cru pouvoir
dernièrement l'établir.
A cette dernière théorie se rattachent quelques considérations sur
l'épithéhum qui recouvre la surface libre du cordon. Cet épithélium,
prolongement de celui qui recouvre famnios, est formé de deux
27
couches, l'une superficielle, l'autre profonde. Au-dessous de ces deux
lames épithéliales existe une couche de cellules plates qui les sépare
du tissu muqueux proprement dit, et sur laquelle je reviendrai tout
à l'heure.
Lorsqu'on examine avec un objectif à grand angle d'ouverture
une mince lamelle détachée de la surface d'un cordon immergé pen-
dant quelque temps dans le liquide de Millier, ou mieux, quand
après argentation dans une solution au trois-centième et coloration
dans le picro-carminate d'ammoniaque, on transporte sur une lame
de verre les couches épithéliales du cordon, on voit que la couche
profonde est constituée par des cellules pavimenteuses contenant
chacune un noyau central. La couche superficielle est formée par
de larges plaques irréguhères à bords crénelés, dans lesquelles Ta-
cide oxalique décèle un noyau bien distinct de celui de la couche
profonde. Cette sorte de cuticule superficielle, pas plus que la cou-
che épithéliale profonde ne présente jamais de lacunes ou stomates
analogues à ceux qui ont été décrits ou figurés par Koster; toutes
les cellules se rejoignent au contraire par leurs bords dentelés, sans
laisser le moindre interstice.
Mais on observe souvent autour du noyau d'une cellule épithé-
liale, dans la couche profonde, de nombreuses gouttes de matière
réfringente, probablement colloïde, qui sur certains points se réu-
nissent pour former un globe unique très-volumineux, et qui sem-
ble, quand on abaisse l'objectif, présenter un double contour. A un
faible grossissement, de pareilles figures peuvent facilement en
imposer pour un orifice ou stomate; mais avec un objectif puissant,
on remarque que toujours la cuticule épithéliale superficielle passe
au-dessus de ces globes muqueux et les recouvre complètement.
Quelquefois deux masses colloïdes superposées simulent grossière-
ment l'aspect présenté par les cellules caliciformes de l'intestin,
destinées, comme l'a fait voir M. Ranvier, à la sécrétion du mucus.
Mais toujours la lame épithéliale passe au-dessus d'elles, et la disso-
ciation permet de voir qu'il s'agit là, non d'une cellule ouverte, mais
bien d'une cellule épithéliale devenue vésiculeuse présentant un
noyau refoulé à la périphérie, toujours absolument fermée, et qu'on
n'ouvre qu'en rompant sa p'aroi.
A la suite de la description très-détaillée que donne Koster des
prétendus stomates, souvent, dit-il, remplis de matière muqueuse
qui semble refluer des canaux du suc. ou trouve, exposée avec quel-
ques réticences, celte opinion que de pareils orifices pourraient
bien communiquer avec un réseau superficiel des Safikanalchen,
situé au-dessous de l'épithélium. J'ai en effet, en employant des so-
lutious assez fortes de nitrate d'argent, déterminé à la surface du
cordon l'apparition d'un réseau de figures étoilées, tout à fait iden-
tiques à celles dessinées par Koster, mais l'interprétation que je
donne à ces figures est très-différente.
Sur une préparation prise à la surface du cordon et montrant l'é-
pithélium, ou voit au-dessous de celui-ci, eu abaissant l'objectif, une
couche de cellules plates analogues à celles de la couche conjonctive
qui revêt la surface des tendons. J'ai pu me convaincre directement
que c'est cette cocuhe qui donne par l'argentatiou un réseau étoile;
elle semble destinée à limiter extérieurement le tissu muqueux et
à servir de soutien aux couches épithéliales. La présence de cette
couche de revêtement, pas plus que celles de masses colloïdes déve-
loppées dans le protoplasma qui entoure le noyau des cellules épi-
théliales, ne saurait donc venir à l'appui des idées de Koster sur la
structure du tissu muqueux du cordon ombilical.
DÉTERMINATION
DES
INSECTES NUISIBLES AUX FRUITS DU NOYER
(JUGLANS REGIA)
Communication faite à la Société
PAR
M. LE Docteur A. LABOULBÈNE
Membre honoraire delà Société de Biologie, etc.
La connaissance exacte des insectes nuisibles importe à la fois au
naturaliste et à l'agriculteur; aussi le professeur Charles Robin
m'ayant envoyé, pendant l'automne de l'année 1868, des noix véreu-
ses, je me suis attaché à connaître les insectes qui les habitaient.
Ces noix ont été trouvées dans le département de l'Ain, sur les co-
teaux de Revermont; les noyers, pendant les mois de septembre et
d'octobre, avaient la moitié, au moins, de leurs fruits tombés à terre
et dans un état anormal.
La coque des noix, dépouillée de l'enveloppe verte, offrait souvent
au point d'attache un trou noirâtre. Les deux valves séparées lais-
saient apercevoir l'amande rongée et une grande quantité de grains
brunâtres formés par les déjections d'une larve. De plus, la sub-
stance même de la noix, ou l'amande, avait par places une teinte fon-
30
cée, et parfois le tissu propre en était gâté, ratatiné ou couvert de
moisissure. Enfin, dans plusieurs fruits, j'ai remarqué, en exami-
nant avec soin, des filaments soyeux réunissant entre eux les grains
excrémentiels et brunâtres déjà signalés.
Je trouvai deux vers blanchâtres, de taille moyenne, à tète écail-
leuse et pourvus de seize pattes, qui étaient certainement des Che-
nilles. Je leur attribuai les fils de soie et les déjections, sous forme de
grains, qui remplissaient les noix attaquées. Le trou du liile de la
uoix était aussi produit par ces chenilles au moment où elles sor-
taient du fruit pour se métamorphoser au dehors.
Mais il y avait aussi, indépendamment des deux chenilles, un
grand nombre de pupes d'un roux marron et qui ne pouvaient ap-
partenir qu'à un insecte diptère. Ces pupes se trouvaient partout
dans la cavité de la noix gâlée. Au bout d'une à deux semaines, il en
est sorti une quantité de petites mouches noires ; celles-ci se rappor-
taient toutes à la même espèce, la Siphonella nucis, qu'Edouard Per-
ris a fait connaître pour la première fois (i), il y a plus de trente
ans, en accompagnant son travail de figures nombreuses.
Je n'ai pas vu les larves de la Siphonella, mais Charles Robin les
a remarquées dans les noix véreuses ; ces larves s'étaient transfor-
mées en pupes pendant le trajet du département de l'Ain jusqu'à
Paris.
Quant aux deux chenilles dont j'ai parlé. Tune d'elles, après s'être
chrysalidée, a produit la Carpocapsa pomonana.
g II.
.. L'éclosion fort nombreuse de la Siphonella, en me faisant revoir
lÉb^ryvail si estimable d'Edouard Perris, m'a permis de compléter
ges'iQlJBe^rvations. J'ai pu envoyer les mouches en Allemagne, à Schi-
n«iî'tit)';Wihnerlz, et obtenir de leur part une détermination précise
qui me permet d'établir sûrement la synonymie de la Siphonella
nucis.
Edouard Perris décrit successivement la larve, la nymphe et l'in-
îeolye'ijmi^fai'fl ■JgJnJîiii"riier-à ajouter d'une manière générale à ses
de8Giii^tic>w$'^^tôuVéfois>jié'fera'i'Temarquer, pour ce qui a rapport à
tiMWi'j 'i!) 'JJiKmap 'ihatir^ ùnu 3o ^ —
-(l(iJ) È'à.,^tàqisÇ\Pf0tiâè 'sur'hW'abtmlle esf.èce de Siphonella (Xti-
[lAi^iî^ j9Bii4 -Si<î>fiiKïiÉiïlw[r;i(nf !FBAMqBJ'1839i !p!j.39, pi. IV, fîg. 1-8).
31
la larve, que l'organe situé sur le premier segment du corps, après
le pseudocéphale, est positivement un stigmate antérieur à six divi-
sions. Je regrette de n'avoirpu, par l'observation directe, contrôler
les digitations de ce stigmate.
La pupe représente en raccourci, et sous une forme ramassée, la
larve d'où elle provient. A ce titre, je puis dire que cette pupe est
formée de onze segments, la tête, ou mieux le pseudocéphale, étant
cachée et non comprise. Perris a représenté un très-grand nombre
de divisions sur la figure qu'il a donnée de la pupe, environ dix-
huit {loc. cit., pi. IV, fig. 3). En faisant varier l'éclairage sous une
forte loupe, j'ai reconnu des divisions segmentaires plus épaisses,
allant jusqu'aux bords latéraux, puis des sillons transversaux très-
fins et intermédiaires; il y a trois divisions au thorax, avec un re-
bord épais, et huit à l'abdomen, ce qui fait onze en tout. A la partie
postérieure se trouvent les deux petites cornes, aboutissant des stig-
mates postérieurs de la larve et en dessous Torifice anal ; enlin j'ai
remarqué en arrière et de chaque côté, sur cette pupe, de petites
dentelures latérales, dont Perris n'a point fait mention.
La dessoudure des trois premiers segments thoraciques a été dé-
crite, et sur la partie inférieure restent accolées les mandibules de
la larve. Sur la pupe de la Siplionella on trouve donc, comme sur
la plupart des muscides, une image de la larve, et je répète ici ce
que j'ai déjà dit dans un autre travail : l'étude des pupes ne doit
pas être négligée (1).
La description donnée par Ed. Perris de la Siplionella nucis (loc.
cit., p. 45-46) concorde de tous points avec lea insectes parfaits que
j'ai eus en très-grand nombre sous les yeux et que j'ai envoyés en
Allemagne. Il n'y a par conséquent aucun doute à avoir sur la légiti-
mité de l'espèce. Ces insectes ont été soumis à Schiner et Winnertz,
et ils ont séparément reconnu tous les deux la Siphonella nucis E.
Perris.
Léon Dufour avait eu dans sa collection ce diptère donné par
Perris, et il l'avait communiqué à Macquart. Malheureusement l'in-
secte a disparu, détruit par les authrènes ; mais dans les manuscrits
(1) Mélaniorphoses d'une mouche parasite [Tachina villica) (Anna-
les DE LA Société ent. de France, 1861, p. 2411. — Observations sur les
Insectes iubérivores, etc. (idem, 1864, p. 77-79, pi. II, fig. 7 et 8).
32
je trouve l'indication suivante delà main de Léon Dufour : " Sipho-
nella wmc«5 Perrisest la 5. oscinina Marquant ex ipso^=Chlorops ni-
tida Meig., diffère du ruficornî, ex Macquart. Or, Macquart a décrit
cette Mouche dans son Histoire naturelle des diptères, t. II, p. 585,
et, comme le fait remarquer Edouard Perris à la fin de son mémoire,
cette description de Macquart ne cadre pas avec la SiphoncUa nucis.
D'autre part, le consciencieux Schiner, auteur des Z)jp?e?'a aus-
triaca, dislingue la S. nucis de la Madiza {Siphonella) oscinina de
Fallen, qui n'est point celle de Zeltcrstedl (1).
Enfin, J. Winnertz, qui a eu sous les yeux la véritable Siphonella
nucis de Perris que je lui ai communiquée, avait pris aux environs
de Gréfeld la Sii,konella oscinina de Fallen, qu'il avait envoyée à
Schiner (2).
D'où, en définitive, il résulte que la Siphonella nucis de Percls
est une espèce distincte, que Macquart confondait à tort avec la
•S, oscinina de Fallen.
Mais la Siphonella oscinina de Macquart et de Fallen est dif-
férente de la Siphonella ou Madiza oscinina de Zelterstedt ; dès
lors le nom d'ÉJouard Perris doit prévaloir, comme l'a établi
Schiner dans ses Diptères d'Autriche, et, en fin de compte, la syno-
nymie de la Mouche qui fait le sujet de ce travail, doit être établie et
délimitée de la manière suivante :
Siphonella nucis Éd. Perris.
— non oscinina Macquart.
Madiza (Siphonella) oscinina Fallen.
^ — — non Zetterstedt.
Chlorops nitida Meigen.
Madiza laevigata Fallen.
— oscinina Zetterstedt.
Je terminerai par une dernière remarque, et elle n'est pns la moins
importante. Éd. Perris pensait que les excréments et le? filaments
(1) Schiner, Fauna austriaca^ Die Fliegen, Theil II, p. 229-231,
1864.
(2) Schiner, Ioc. cit., p. 231 : Deutschen Arten. Siphonella osci-
nina.
33
soyeux qu'il avait observés dans les noix véreuses à Mont-de-Marsan,
à la fin de septembre 1838, étaient produits par la larve d'un Gurcu-
lionite et que celle-ci était sortie par le trou du bile de la noix. Je ne
crois pas cette opinion vraie. Je m'appuie, pour repousser l'idée
d'une larve de Curculionite, sur l'absence de filière buccale chez les
larves de cette famille, entre autres, et plus particulièrement, celles
des Balaninus. J'ai positivement vu deux chenilles dans les noix que
j'ai observées, et enfin l'éclosion de la Carpocapsa prouve sans ré-
plique l'existence de cet insecte lépidoptère et non celle d'un Co-
léoptère à son premier état de larve. Dès lors le rapprochement fait
par Schiner dans la note des mœurs ajoutée à la caractéristique du
genre Siphonella {Die Fliegen, Theil II, p. 228) est erroné. Schiner
dit, en effet, que Egger et Fraueufeld ont observé la larve de la S.
nucis dans les capitules d'un Cirsium avec les larves du RhinoajUus
latiroiris,eX « qu'il est très-intéressant de trouver que Perris l'avait
vue en compagnie d'un Gurculionide. »
A mon avis, la larve de la Siphonella nucis vit de matières gâtées ,
peut-être des excréments d'autres larves, et elle n'est pas redoutable
au même titre que la Carpocapsa pour les dégâts qu'elle cause. Perris
a parfaitement dit qu'elle n'est point parasite : elle vit des dégâts de
la Cavpocapsa, qui est, en définitive, l'auteur principal du dégât et
qui rend les noix véreuses.
NOTE
SDR
UN CAS D'UTÉRUS ET DE VAGIN DOUBLES
Communiquée à la Société de Biologie en janvier 1870
Par le Docteur Auguste OLLIVIER.
(Voy. planche I.)
I
Dans le courant du mois d'août 1869, est morte à l'hôpital Lariboi-
sière une femme âgée de 42 ans, qui a présenté à l'autopsie une ano-
malie remarquable des organes internes de la génération.
Mariée à 25 ans, cette femme a eu cinq enfants dont deux sont
morts en bas âge. Les quatre premiers accouchements furent très-ré-
guliers, mais au cinquième on dut appliquer le forceps.
Au moment de son admission à l'hôpital (17 avril), elle prétendait
être enceinte de huit mois. Le2 mai elle accouchait sans difficulté après
avoir eu trois attaques d'éclampsie. A la première attaque, la langue
violemment serrée entre les arcades dentaires, avait été déchirée en
plusieurs endroits. Les ulcérations ainsi développées donnèrent lieu
aune très-abondante suppuration. Bientôt apparurent tous les symp-
tômes d'une septicémie commençante. Ces accidents persistèrent tant
que durèrent les ulcérations de la langue, cest-à-dire jusqu'à la fin de
mai.
A ce moment la malade entra dans une phase nouvelle, ou plutôt des
phénomènes demeurés jusqu'alors inaperçus devinrent de plus en plus
évidents. L'abdomen se développa peu à peu, et il fut aisé de recon-
36
naître l'existence d'une ascite. Un examen très-minutieux n'ayant fait
découvrir aucune tumeur intrapéritoncale, on s'arrêta, par exclusion,
à l'idée d'une cirrhose. Trois mois après, la malade succombait aux
progrès de cette affection.
Quoique le toucher vaginal eût été pratiqué, on n'eut aucune notion
sur l'existence de dispositions anormales du vagin et de l'utérus.
, A l'autopsie, en examinant les organes contenus dans le bassin, on
fut surpris de constater la présence de deux utérus.
Ces organes, comme vous le voyez, sont séparés l'un de l'autre, par
un intervalle assez considérable dans lequel pouvaient s'insinuer les
anses intestinales.
Le corps de l'utérus gauche est plus volumineux que celui du côté
droit. Il a atteint un développement considérable, tel qu'on le rencon-
tre chez les femmes qui ont eu plusieurs enfants. Il offre une différence
frappante avec le corps de l'utérus droit qui est beaucoup plus petit.
Déplus, celui-ci a conservé l'aspect que l'utérus présente lorsqu'il n'a
jamais subi le développement qu'amène la présence d'un embryon.
("Voy. planche 1, EE.)
La différence entre les deux cols utérins n'est pas moins remarqua-
ble. Celui de gauche est déchiqueté : l'orifice externe est déformé,
ainsi que cela arrive normalement après plusieurs grossesses, tandis
que le col utérin du côté droit présente tous les caractères du col
vierge. (DD.)
Les annexes de l'utérus n'ont pas subi de modifications notables :
seulement, au lieu de se fixer aux deux angles du fond de l'organe, ils
s'attachent à l'angle externe de chacun des deux utérus. Us ont, au
reste, conservé des deux côtés leurs rapports réciproques. On trouve
successivement d'avant en arrière le ligament rond (GG), puis la
trompe (HH) et l'ovaire avec son ligament (L). Le ligament large pos-
sède tous ses caractères normaux (FF).
Le vagin est aussi divisé en deux parties (B et C) par une cloison
médiane complète : il n'existe aucune espèce de communication entre
le vagin droit et le vagin gauche.
En avant, la cloison médiane se termine par une extrémité triangu -
laire qui a le même aspect que celui des petites lèvres, et qui proé-
mine légèrement au niveau des parties génitales externes : celles-ci ne
présentent aucune anomalie.
II.
Les annales de la science renferment un très-peiit nombre de cas
dans lesquels on a observé un utérus double, accompagné de deux
37
vagius. Il est à remarquer, en outre, que, dans la plupart de ces
cas, une telle anomalie coïncidait avec d'autres lésions congénitales,
et généralement la mort suivit la naissance de près.
M. Léon Le Fort (1), dans sa thèse d'agrégation, signale sept exem-
ples d'utérus double. Ce sont les faits de Palfyn (2), Saviard (3)j
Frankel (4), Depaul (5), Mayer (6), Puech (7) et Wasseige (8). Dans
tous ces cas, il s'agit d'enfants qui sont morts peu de temps après la
naissance.
M. Le Fort cite un seul exemple de deux utérus tout à fait séparés
et indépendants l'un de l'autre, observé chez une adulte par Bon-
net (9). C'était chez une femme âgée de 25 ans, au moment où elle
fut examinée. La description de Bonnet laisse supposer qu'il existait
aussi un vagin divisé dans toute sa longueur en deux par^ies par
une cloison médiane.
Le cas dont nous venons de donner la description présente des
particularités encore plus remarquables. La femme était âgée de-
42 ans au moment où elle s'est présentée à notre observation : elle
avait eu cinq enfants, qui tous ont vécu. La mort, chez elle, a été le
résultat d'une maladie accidentelle, sans relation aucune avec la
disposition singulière des organes génitaux (10).
(1) Léon Le Fort, Des vices de conformation de l'utérus et du vagin,
et des moyens d'y remédier. Paris, 1863, p. 47.
(2) Palfyn, Description anatomique de deux evfanls. Leyde, 1708,
p. 20.
(3) Saviard, ISouveau recueil d'observations chirurgicales. Paris,
1702, p. 397, obs. 94.
(4) Fraenkel, Diss. deorganor. gen. defonnit. Berlin, 1825.
(5) Depaul, Bull, de la Soc. anat., 1853, t. XXVIII, p. 353.
(6) Mayer, Jourîjal de Graefe et Walther. 1829, t. XIII, p. 546.
(7) Puech. Comptes relndus de l'Acad. des sciences. 1857, t. XLV, p. 687.
(8) Waisseige. Bull, de l'Acad. roy. de Belgique. 1852-1853, vol. XII,
p. 701.
(9) Bonnet. Pliilosopli. transact. 1725, p. 142.
(10) Il s'agit très-vraisemblablement ici d'une cirrhose d'origine
puerpérale. Il nous fut impossible, en effet, de retrouver chez notre
malade aucune des causes habituelles de la cirrhose, et comme dans
les faits que nous avons publiés dans un autre travail (Nouvelle note
sur C endocardite et C liémiplégie puerpérale ; in iMémoires de la Société
38
La manière dont ces anooaalies se produisent est bien connue au-
jourd'hui. On sait que, depuis le lieu d'insertion des ligaments
ronds jusqu'au point où ils viennent s'ouvrir dans le cloaque, les
deux conduits de MûUer restent séparés au lieu de s'adosser, 11 en
résulte qu'ils subissent séparément les phases successives du déve-
loppement qui doit amener la formation de l'utérus ; ainsi s'explique
l'existence de l'utérus double {utérus duplex, diductus, didelphis des
auteurs). Les annexes de l'utérus ont habituellement une évolution
normale.
Le cloaque qui, chez l'emhryon, est le point de dùpart du vagin,
présente, comme on sait, une cloison médiane. Oi-, s'il arrive que
cette cloison persiste au lieu de se résorber, elle divise le vagin en
deux parties distinctes.
DE BIOLOGIE, 1869, 5^ série, t. I, p. 128), il nous semble rationnel d'ad-
mettre l'influence de la grossesse sur le développement de l'affection
hépatique.
DESCRIPTION ET FIGURE
DE LA LARVE
DE L'ELUS MEUS
Communication faite à la Société
PAR
M. LE Docteur A. LABOULBÈNE
Membre honoraire de la Société de Biologie, etc.
(Voyei planche II.)
Des savants d'un grand mérite, tels que Westwood, Kolenati et
Erichson, ont connu et signalé tour à tour les larves de coléoptères
du genre Elmis, mais ils ne paraissent les avoir décrites que sur
des exemplaires desséchés. Leurs travaux ne donnent qu'une idée
superficielle et incomplète de ces animaux articulés; beaucoup de
faits importants leur ont nécessairement échappé, car ces faits sont
faciles à observer pendant la vie, tandis qu'une dépouille sèche ne
peut les offrir.
Les larves des Elmis vivent constamment immergées dans les
ruisseaux d'eau courante, et accrochées sous les pierres au moyen
d'ongles robustes. Leur démarche est très-lente, et elles ressemblent
beaucoup à de petits Crustacés. J'ai trouvé en abondance à Santigny,
dans le département de l'Yonne, les larves des Elmis œneus et Wolk-
40
wan, et j'ai pu les étudier vivantes pendant plusieurs jours. La des-
cription qui suit est relative à la première de ces deux larves, beau-
coup plus commune que sa congénère.
Larve de l'Elmis .eneus (Voyez les figures de la planche II).
hAî{\A.oblonga, antice latior, posiice aitenuata, lateribus corporis
dilaiatis, nec non fimhriatis ; supra convexiuscula subtus plana;
capitaia, antennata, ocellata; cinerea lutescens aut virescens; sub-
coriacea, punctata. Caput parvulum ; thorax latum, abdomen cau-
daium, marginalum, branchiis prœditum; stiginaia novem utrinque.
Pedes breviores, tarsorum wigue valido.
Longitudo lineam sequat vel paulo excedit (2 à 3 millim.).
Habitat sub lapidibus aâfixa, in aqua iorrentiori. In Gallia haud
in/reçuen* (Paris, Santigny (Yonne), Âgen, Saint-Sever, etc.).
Larve oblongue, ayant l'apparence d'un petit Crustacé; d'un gris
jaunâtre et un peu verdâtre en dessus; jaunâtre ou livide en des-
sous, avec les côtés du corps d'une couleur plus claire, dilatés et
frangés sur tous les segments, sauf le dernier.
Têle petite, mais bien visible, un peu triangulaire, avec deux li-
gnes pâles et réunies en V en arrière. Antennes courtes, jaunâtres,
composées de trois articles, le premier transversal, rétraclile, le
deuxième le plus allongé, surmonté de deux petits articles de moi •
tié moins longs que lui et superposés dans un plan vertical; l'un
d'eux, placé plus en haut, est terminé par un petit poil (fig. 2).
Ocelles au nombre de cinq de chaque côté, situés derrière les an-
tennes et sur deux rangées, la première de trois, la deuxième de
deux stemmates.
Bouclie formée par un labre transversal, faiblement sinué sur les
côtés, muni de poils à base très-large, ayant la forme d'écaillcs laci-
niées et au nombre de dix en tout (fig. 3). Mandibules triangulaires,
élargies à la base et terminées en haut par deux fortes dents bifides
(fig. 4) ; à la partie interne se trouve un appendice eu forme de cirrhe,
velu en dessus. Mâchoires à lobe fendu, garni de poils formant
brosse à l'extrémité, avec un palpe de deux articles, le second plus
petit et terminé par deux appendices minuscules (fig. 5). Lèvre in-
férieure trapézoïde, velue en avant, portant deux petits palpes biar-
ticulés, dont le second article est très-petit (fig. 6).
41
Thorax plus élargi que le reste du corps. Protliorax grand, aussi
long que les deux segments qui le suivent, échancré en avant, arrondi
sur les côtés. Méso — et métathorax transversaux, arrondis pareille-
ment sur les côtés.
Abdomen formant un triangle isocèle à base antérieure, régulière-
ment atténué, composé de neuf segments, qui diminuent insensible-
ment de largeur ; les bords sont amincis et élargis comme au thorax,
mais non arrondis, car ils sont prolongés en arrière (fig. 1 et 8). Le
dernier segment est triangulaire, légèrement tronqué et entaillé; il
diffère en dessus et eu dessous : en dessus il est formé par une pla-
que uniforme (fig. 11); en dessous il offre d'abord une première par-
tie qui est la face ventrale du segment, puis un opercule terminal
(fig. 12).
L'opercule est petit, recouvrant une cavité branchiale, et muni à
l'extrémité de deux crochets recourbés en dessous (fig, 12 et 13). Sur
la larve vivante on voit sortir fréquemment de l'extrémité du corps
quand l'opercule s'abaisse, trois faisceaux de branchies d'un blanc
satiné ou argenté, fort éclatant; il y en a un de chaque côté du corps
et le troisième est terminal. Chaque faisceau part d'une tige com-
mune, puis se divise en deux ou trois pinceaux de filaments (fig. Il,
12, 13), et enfin chaque filament, terminé par une extrémité arron-
die, se compose d'un tube cylindrique pourvu d'une fine paroi à tra-
vers laquelle s'opère la respiration de la larve (fig. 14).
Le bord de tous les segments, à part le dernier, est dilaté, aminci,
demi-transparent et garni d'une frange ciliée (fig. 1). Examinée à un
léger grossissement, cette frange se trouve formée de poils écailleux
et découpés sur les bords comme certaines plumes d'oiseaux (fig. 8);
à un plus fort grossissement, Tapparence est celle de folioles à limbe
plus ou moins allongé ou arrondi, à bordure pectinée ou laciniée
(fig. 8 et 9). Le nombre de ces poils squamiformes n'est pas constant;
ils varient sur les segments d'un côté à l'autre et sur les divers an-
neaux qui se suivent.
Le dessus du corps est ponctué sur la partie dorsale ainsi que dans
les deux tiers postérieurs des rebords latéraux. On trouve environ
huit à dix rangées alternes de points sur les segments thoraciques
et abdominaux ; les points sont varioliformes, avec un petit poil cen-
tral. Plusieurs de ces poils sont élargis. Du reste cet élargissement
des poils peut être observé sur plusieurs endroits du corps, dans la
MÉM. 1870. 4
42
Ijouche, par exemple, sur la mâchoire (voy. lig. 5) où les poils sont
tantôt bitldes, tantôt simples. La ponctuation du dessous du corps
est plus faible et plus ôparse.
Sur la ligne médiane du corps en dessus, une fine impression lon-
gitudinale s'étend depuis le milieu du prolliorax jusquen haut du
dernier segment.
Les pattes sont courtes, mais fortes et robustes, composées d'une
hanche, d'un trochanter, d'un fémur ou cuisse, d'un tibia ou jambe,
enfin d'un tarse ayant l'ongle terminal robuste et portant en dessous
un poil roide (lig. 7).
Les stigmates, au nombre de neuf paires, sont situés : le premier ,
qui est thoracique, au bord antérieur du métathorax, au point où
commencent l'amincissement et la transparence du rebord du seg-
ment; les huit autres qui sont abdominaux, sur les 4% 5% 6% 1% 8%
9* 10* et 11" segments, d'autant plus près du bord antérieur qu'ils
sont plus voisins du thorax, le dernier au milieu du 1 1= segment.
A part une taille plus grande, la larve de ÏElmis Wolkîuari ressem-
ble tout à fait à celle de YEhnis seneus. La coloration est la même;
les allures roides et le genre de vie sont Identiques.
La Mg. 1 de la planche II présente une coloration moins prononcée
au milieu du premier segment abdominal ou quatrième segment du
corps; beaucoup de larves, mais non point toutes, offrent cette par-
ticularité, très-visible chez la larve placée dans l'eau et allongeant
son corps pendant la marche.
L'appareil respiratoire est projeté au dehors sans rhythme précis,
à intervalles irréguliers; on dirait un éventail resplendissant qui
sort au gré de l'animal immergé, s'étale et puis rentre brusquement
dans le corps de la larve de VElmis seneus.
Cette larve est fort curieuse. J'appelle l'attention sur les poils
dilatés et abords pluraeux placés comme des folioles pectinées, ou
des écailies élégantes, sur presque toutes les parties du corps. H
en est de môme des poils du labre (dg. 3), de ceux de la mâchoire,
tantôt bifides, tantôt péniciUés (lig. 5), et surtout de ceux qui for-
ment une frange continue sur les bords latéraux des segments. Les
pattes courtes ont uu ongle robuste, pourvu en dessous d'un poil
très-fort, destiné évidemment à maintenir la larve bien accrochée
(lig-'i')-
Les antennes offrent au bout du second article deux petits cylin-
43
drcs supGrpo3(js (ng.2). J'avais cru d'aborJ à un seul arliclft canncl(5,
mais il yen a deux, placés dans un même plan vertical, dont le su-
périeur porte un appendice; cette disposition est nettement perçue
sur l'antenne ayant déjà macéré et qu'on a renversée surle côté après
une préparation heureuse.
J'ai dit dans la diagnose de la larve « occllata, » mais je n'ai point,
alors, signalé le nombre des ocelles. Ceux-ci, en effet, sont trés-dif-
liciles, sinon à reconnaître, du moins à compter : je crois en avoir
aperçu cinq sur deux rangées, mais je ne les ai pas assez bien vus
pour les représenter par une figure.
En comparant maintenant cette larve à colles déjà connues dos
Potamophiius (I) et du Macromjc.lms (2), décrites par Léon Dufour
et J.-iM. Pérez, je trouve que la larve du Potamophile est grande,
coriacée, ayant en dessus quatre rangs de cannelures. L'extrémité
du corps otrre deux pointes sur le douzième segment. L'appareil
branchial est pourvu de trois faisceaux de chaque côté et d'un
faisceau médian. La disposition anatomique de l'appareil respira-
toire a été élucidée par le savant anatomiste; il existe des sacs
aérifères dans l'intérieur du corps, venant des stigmates abdomi-
naux. Chaque tronc stigmatique aboutit à quatre trachées dilatées,
ou cylindres trachéens, qui remplissent la fonction de réservoir
pour l'air puisé par les branchies ou bien les stigmates, et qui,
dans les naufrages auxquels sont exposées ces larves, leur servent
de vessie de sauvetage.
L'antenne a deux appendices sur le second article et les ocelles
sont au nombre de cinq placés sur deux rangés, la première de trois,
la seconde de deux seulement, dans une petite excavation oculaire.
Léon Dufour n'a pas figuré les parties de la bouche.
Il résulte de cette conformation que la larve du Potamophile est
(1) Léon Dufour, Éludes sur la larve du Potamophiius (Annaî.es des
SCIRNCES NATURELLES, ZoOL., 4^ Sério, t. XYH, p. 1G2, pi. ], fl". 1 à 9,
1862).
(2) .L-M. Ferez, Histoire des métamorphoses du Macronychiis 4-tu-
berculatus et de son ■parasite (Annales de la Sodfêté ent. de France
ISG3, p. G2I, pi. 14).
44
trùs-voisinc de rello de ÏFAinis, mais moins encore que celle du
Macronyque.
J.-M. Péroz a complètement observé la larve et la nymphe du
Macronyque, et il a très-lidùlement représenté l'insecte dans ces
deux états. La larve est ponctuée, sans côtes, mais avec une fine
ligne médiane; le dernier segnnent est fendu. Les antennes ressem-
blent extrêmement à celles de l'Elmis. Le mandibule est identique
et pourvue du cirrhe que j'ai signalé; cependant je suis en désac-
cord avec Pérez sur les palpes maxillaires, auxquels il donne au
moins quatre articles. Enfln l'opercule du dernier segment ainsi que
l'appareil branchial se ressemblent beaucoup dans les deux larves.
Mais ce qui distingue au premier coup d'œil la larve d'Elmis de
ses voisines génériques, c'est la forme élargie du thorax, les franges
foliacées du rebord aplati des segments : là est le trait caractéristique.
Les poils élargis du corps paraissent exister dans quelques endroits
chez la larve du Potomaphilus, car Pérez dit, en parlant du labre:
« Les soies ou épines sont rameuses et d'une rare élégance. - (ânn.
Soc. ENï. France, 18G7, p. 623).
ANALYSE DES TRAVAUX DÉJÀ PUBLIÉS SUR LES LARVES DES ELMIS.
Cliapuis et Candèze (1), ont reproduit, d'après Erirhson, la des-
cription d'une larve d'Elmis déjà donnée dans les Archives de
WiEGMANN, puis daus la Faune des Insectes d'Allemagne, et depuis
répétée par Sturm. La planche 111, fig. 7, 7 a et 7 6 représente une
larve d'Elmis sans nom d'espèce, avec la tète grossie, en dessus et
en dessous; mais ces figures laissent à désirer.
En remontant aux sources, on trouve que P.-J.-W. Millier, dans le
Magasin d'Illiger, t. V, p. 194, avait, en 1824, parlé d'une larve
d'Elmis indéterminée. Westwood (2) le premier a décrit et repré-
(1) Cbapuis et E. Candèze, Catalogue dcslarves deColêopières, etc.
(MÉMOIRES DE la SOCIÉTÉ ROYALE DES SCIENCES DE LiÉGE, t. VIII,
tirage à paît, p. 109-110, j)!. III, fig. 7, 7a, 7 b, 1853).
(2) J.-O, Westwood, An introduction to the modem Classification
■of Insects, etc., vol. I, p. 113 et 118, fig. 7, n"jl6etl7, 1839. Lalarve
représentée fig. 7, n" 18, ne paraît pas voisine des Elinis, comme le
disent Chapuis et Candèze: c'est plutôt une larve de Névroptère, ainsi
que le pense Westwood.
45
sentô une larve présumée QVElmis œneus; mais la description est
presque nulle et la ligure incomplète, quoique mieux saisie que celle
de Ghapuis et Gandèze. Le dernier segment de la larve est très-for-
tement bilobé.
Westwood a évidemment observé une larve morte et contractée,
et peut-être n'a-t-il pas eu sous les yeux une larve identique avec
celle que j'ai dessinée, mais d'espèce voisine. La même remarque
peut s'appliquer à la figure donnée par les auteurs du Catalogue des
larves des Coléoptères. Du reste, dans les manuscrits de Léon Du-
fourj'ai trouvé une figure rappelant celle de Westwood, représen-
tant une larve d'ECî/iù contractée; mais les fraiiges étaient simple-
ment indiquées. Léon Dufour n'avait dû observer l'insecte qu'à la
loupe.
Dans la collection de Léon Dufour, qui est en ma possession, il y
a, collée sur papier-carte, une larve d'Elmis, peut-être celle (lui a
servi à faire la figure dont je viens de parler. Aube avait aussi dans
sa collection, à côté de l'insecte parfait, une larve (VElmis œneus.
Erichson, dans les Akchives de Wiegmann de 1841, t. I, p. 107,
parle encore de la larve à'Elmis lithophilus Germar.
Kolenati (1) a décrit et figuré la larve de VElmis Maugetii, prise
dans le Tess, sous des pierres, à plus de quatre mille pieds d'éléva-
tion; mais la description est confuse, incomplète, et la ligure très-
mauvaise. Si l'on compare le dessin de Kolenati avec la figure 1" de
la planche 11, on verra que ce dessin est à peine esquissé, et le seul
détail donné pour la disposition des poils squameux est, je le crain.s,
fort infidèle; ce poil serait découpé seulement en dessous. Enfin Ko-
lenati a compté les écailles bordant les segments : 30 au prothorax ,
15 au mésotborax, 13 aumétalhorax, 8 à chaque segment abdominal,
de chaque côté, puis il a calculé leur nombre total. J'aurais, je
l'avoue, préféré à cette apparence d'exactitude si minutieuse, une
description soignée et uu dessin meilleur.
Enfin John Le Gonle (2) a rapporté au premier état de VEurypal-
(1) Kolenati, Die larve vonElmis Maugetii Latreille fWiener entom.
Munatschrift, IV'Band, s. 88, 89, taf. V, Gg. 2 a, larve; b un appen-
dice, 1860).
(2) Joni\-L. Le CoiMe, Synopsis of llic ParnidcO of Ihc UnUcd Stades
40
pus Le Coniei (insecte voisin des Elmis] un pelit animal des ruis-
seaux (l.e New-York et de la Pensylvanie, qui ressemble à une Tri-
lobite, et qui avait été décrit comme une espèce de Crustacé par de
Kay sous le nom de Fluvicola Ilerrickii.
Le Conte a parfaitement reconnu chez cette larve les plus grands
rapports avec celle des Elmis qu'a fait connaître Ericlison {Naturges-
chichte der Insect. Deutschlands, t. III, p. 525).
11 n'existait à la place où j'ai récolté les larves qui font le sujet de
ce travail que les Elmis œneus et Wolkmari à l'état parfait : donc
la larve figurée et décrite est Lien celle de Vœneus. Aucun doute
n'est possible sur la légitimié de Tespèce. J'avais heureusement
récolté un grand nombre de spécimens, et Aube, qui avait d'abord
pensé à la possibilité d'une espèce nouvelle, s'est assuré comme
moi qu'il n'y avait pas de caractères distinctifs pour les séparer de
VElmis œneus.
On a vu après la diagnose de la larve que je l'avais trouvée sur
divers points de la France. Elle est commune, facile à saisir et à
observer. Je fais un appel à de nouvelles observations et surtout à
la recherche de la nymphe qui compléterait le cycle d'évolutions de
VElmis œneus.
(Procedings of the Academy of natural Sciences of Philadelphia,
vol. VI, n° 1, p. 41, 1852. — The Transactions of the cnlomological
Society of London, new séries, vol. II, Proceedings january, 1853,
p. 65).
RECHERCHES
POUR SERVIR A L'HISTOIRE
DES
ORGANES TACTILES DES INSECTES
Communiquées à la Société de Biologie
Par M. le Docteur JOBERT
Licencié es sciences naturelles.
Depuis Leydig, peu de recherches hislologiques ont été faites sur
ce sujet. Cet anatomiste, le premier, a décrit les terminaisons ner-
veuses en rapport avec les poils de la peau chez la larve de la Core-
tlira 'plumicornis (i). Des investigations du même gence ont porté sur
d'autres invertébrés; des rotateurs de petits crustacés ont présenté
des dispositions analogues. Citons encore, comme s'étant occupés de
sujets aOerents, Schodler (5), Meissner (3), MuUer (4), Gegenbaur (5),
Semper. En 1858, en France, M. Lespès (6) étudiait les organes an-
(1) Leydig, Hist. comp., 6, 239, 240 et 241, cIZeits. f. W.Z., a. 1851.
(2) Schoedler, Arch. f. Naturg., 1856.
(3) Meissner, Zeits. f. W. Z. Mermis, albicains et nigreacens.
(4) Sennper, Reisc berickt. Terin. nerv. des Ascidies (Zeits, f. W.
Z., t. XV.
(5) Lespès, Ann. des sciences nat. t., avec l'indication des travaux
anlérieurs de Dufour, J. Muller, Siebold, Erichson; Diigès et Lacordaire.
(6) Ciaparède, Ann. des scIE^'GES nat., t. XI.
48
tpnnaires chez un certain nombre d'insectes, et quelque temps aprô?,
M. Claparède, dans le même recueil, publiait une réfutation de ces
recherches. Ilyks (l),en Angleterre, a étudié le même sujet etconclut à
la présence des saccules nerveux à la base des canaux cliitineux
observés dans les antennes. Plus récemment, M. le docteur Landois (2)
a publié un travail sur les organes de l'audition du Cervus Lucocniis.
Nous avons recherché quelle était la disposition des nerfs dans di-
vers organes des insectes, tels que la trompe des diptères, les palpes
de ces mêmes diptères, de quelques orthoptères et de quelques hy-
ménoptères.
Nous avons observé les animaux vivants, et si nous avons donné
le nom d'organes du tact aux diverses parties du corps qui ont été
l'objet de nos investigations, c'est qu'en effet les animaux les em-
ploient à cet usage.
Cependant il nous semble que la question ne doit pas être résolue
dans ce sens seulement.
La trompe des mouches pourrait être à la fois organe du toucher
et le siège de la gestation. Dans les antennes les auteurs jusqu'alors
ont exclusivement placé le siège de l'audition, et cependant il suffit
d'examiner un longicorne en marche pour supposer que ces organes
sont destinés à apprécier la nature des obstacles. En explorant la
route, le chemin, le longicorne avance lentement, portant ses an-
tennes en avant, touchant alternativement le sol avec chacune d'elles,
comme un aveugle le fait avec son bâton. Un bruit léger se fait-il en-
tendre, lïnsecte s'arrête soudain, relève ses antennes et les agite en
tous sens; peut-être alors écoute-t-il? Les antennes ne serviraient-
elles qu'à cet usage? Cependant si l'on observe des Lamellicornes co-
prophages vivants, on pourrait conclure que les antennes peuvent
être aussi chez eux le siège de l'olfaction. En effet, si des fèces vien-
nent d'être rejetées par des animaux domestiques, bientôt on voit
arriver à tire-d'ailes et remontant dans le vent un nombre consi-
dérable de Lamellicornes, portés jusqu'à eux par le courant d'air.
L'odeur spéciale de la proie a été perçue, et ils sont accourus eu
foule. A quelque distance, ils s'arrêtent, se dressent, écartent les loc-
melles de leurs antennes, les agitent, et seulement après cette ma-
il) Ilyks, Transactions.
(>') Landois, Arcuiv. anat. microscop., II. Schulze, 1868.
49
nœuvre, fondent d'un vol sur les débris qui doivent leur servir d'ali-
ments.
Si je relate ici ces divers faits,c'est uniquement dans le butde mon-
trer qu'il est imprudent de vouloir, ainsi qu'on l'a fait, localiser des
fonctions; la structure anatomique de ces terminaisons nerveuses,
comme on le verra plus loin, est pour ainsi dire identique dans les
organes très-différents que nous avons observés. Aussi on compren-
dra notre réserve dans l'appréciation des divers usages auxquels ils
sont destinés.
ANATOMIE.
Trompe des diptères. — Chez ces animaux on sait que l'appareil
buccal consiste en une grosse trompe coutlée dont l'extrémité libre
s'élargit en un disque (l)qui n'est autre chose que la lèvre inférieure
qui se renverse en bas et en dehors.
Cette trompe, outre un certain nombre de pièces qui représentent
les diverses parties de l'appareil buccal des insectes, porte deux
palpes qui sont les palpes maxillaires claviformes et garnies de poils
plus ou moins longs.
Dans les muscidés, la lèvre inférieure forme un disque à peu près
circulaire dans les syrpheset les tabaniens; elle est formée de deux
grands lobes ovalaires séparés. Nous reviendrons plus loiu sur l;i
structure de la lèvre inférieure des hyménoptères que nous avons
étudiés.
Les palpes, suivant les genres, sont plus ou moins développées. La
structure du disque terminal de la trompe des diptères offre une
disposition extrêmement élégante. Du milieu du disque partent de?
prolongements qui vont rayonner dans tous les sens. Ces sortes de
rayons ont l'apparence spiraléedes trachées et paraissent former de
véritables cylindres creux. Mais un examen attentif montre qu'il
n'existe pas de spirale conaplète, et que, de plus, ce sont de simples
replis de la membrane chitineuse. Le cylindre est incomplet à la
partie profonde.
Entre ces colonnes trachéiformes se trouvent de petites cupules
(1) Voir Milne-Edwards, Leçons de physiologie, t. V, p. 533 et suiv.
et Blanchard, Allas, Règne animal, Insectes, pi. 178, et Comptes ren-
dus DE l'Académie des sciences, 18l>0, t. XXXI, p. 424.
s
50
sur lesquelles reposent de petits poils dont quelques-uns dans la
iiiouche domestique ne mesurent pas plus de 'i à 5 ceulièmes de mil-
limètre.
Sur la face postérieure du disque et presque au bord sont implan-
tés de grands poils non pennés s'élargissant à leur base. Ces poils
sont unis par une membrane mince hyaline avec la membrane cliiti-
neuse; ils sont très-mobiles.
Leur direction est d'abord de bas en haut et d'arrière en avant;
mais ils se recourbent et viennent faire saillie en avant de la face
antérieure de la trompe, si bien que Tinsecte, quand il projette cet
organe, doit effleurer avant tout les objets avec l'extrémité de ces
longs poils.
La lèvre des diptères est, comme nous l'avons dit, constituée par
un disque ovalaire plus ou moins complet. En réalité ce disque est
formé par deux parties symétriques qui se reploient quand le veut
l'animal et s'appliquent Tune sur l'autre comme les deux feuillets
d'un livre.
Deux gros nerfs qui viennent des ganglions cérébroïdes sont des-
tinés à se distribuer dans le disque terminal. Ces deux troncs ner-
veux marchent parallèlement, escortés de grosses trachées qui vont
se divisant à mesure que le nerf se divise lui-même.
Ces nerfs sont recouverts d'une couche de grosses cellules d'épi-
thélium pavimeuteux qui, le plus souvent chez les grandes mouches
[vomitoria sarcophaga^ sont infiltrés de pigment jaune bistre qui
rend l'étude du trajet du nerf très-facile. Cet épithôlium se retrouve
sur l'organe terminal que nous décrirous plus loin.
Ce disque terminal de la trompe forme une sorte de grande cavité
close dans laquelle arrivent de chaque côté les gros nerfs. A leur
entrée ils se divisent immédiatement en une multitude de branches.
Dans cette cavité se trouvent également des organes qui paraissent
importants : ce sont quatre glandes ayant la forme de petits disques
de 0,1 de millimètre de diamètre. Ces glandes sont formées de cel-
lules ayant une membrane enveloppante hyaline et possédant cha-
cune leur conduit excréteur propre.
Ces glandes jouent-elles un certain rôle dans Pacte de la digestion
à la façon de la salive? Le liquide que l'on voit poindre à l'ouverture
(lu conduit quand on excite la trompe provient-il de ces organes?
Nous ne saurions faire sur ce point que des hypothèses.
Les nerfs, nous l'avons dit, se divisent en plusieurs branches qui
vont elles-mêmes se ramifiant.
Les unes et les autres se dirigent vers les cupules qui se trouvent
à la base des poils.
Rappelons en quelques mois la disposition du tégument chez les
insectes.
On sait que la peau des insectes est formée de deux couches : Tune
externe, formée de chitine, solide, résistante ; l'autre profonde, molle,
formée de cellules trôs-visibles non colorées.
« La couche externe se continue avec les parties internes con ■
jonctives chitinisées. » (1)
Le squelette chitinisé est percé de canaux traversant perpendicu-
lairement les lamelles. A la surface extérieure ils s'élargissent en
cupules à la face profonde également; ils sont quelquefois ramifiés.
Suivant Leydig, dans quelques-uns de ces canaux monteraient des
prolongements papillaires délicats.
Sur le fond des cupules extérieures repose la base des poils;
ceux-ci peuvent quelquefois manquer; souvent aussi ils sont rudi-
niontaires, et leur existence a été démontrée par M. Claparùde dans
les cupules des antennes du hanneton. Nous avons vu plus haut qu'ils
existent sur la surface extérieure de la trompe des diptères et qu'ils
y sont extrêmement peu développés.
C'est vers la base des poils qui surmontent ces canaux chitinisés
que se dirigent les branches nerveuses à cellules molles pour s'y
perdre après avoir auparavant donné naissance à des organes par-
ticuliers.
Au-dessous de la couche des cellules sous-chitineuses la branche
nerveuse se renfle tout à coup et l'on se trouve en présence d'un organe
piriforme très-nettement délimité.
La paroi est hyaline; on n'y distingue pas de noyaux; souvent,
comme nous l'avons observé, ce renflement est recouvert par une
couche de cellules pigmentées de jaune; les renflements qui corres-
pondent aux grands poils qui sont implantés au pourtour du disque
de la trompe afl^ectent une forme presque sphérique. Ceux qui, au
contraire, se trouvent à la base des poils rudimentaires implantés
— ■ ■ ■ ■ - I I ■ I .. 1,111 , ^ii..i>mmij_i .i.jj.j.i.,,!
(1) Leydig, Hist. comp., p. 119.
(2j Loc> cit.
52
sur la face antérieure du disque de la trompe sont plus alloniït'?,
fusiformes et, rappellent par leur forme et leur apparence les tubes
muqueux des sélaciens.
Ces renflements vont bientôt en diminuant de volume à mesure
qu'ils se rapprochent de la couche chitineuse; ils traversent la cou-
che de cellules molles et vont se loger dans les cupules dont nous
parlons plus haut et au sommet de laquelle s'ouvre le canal qui tra-
verse les lames chitineuses.
Arrivé eu ce point, leur trajet devient invisible. Nous verrons plus
loin ce qui se passe.
L'intérieur de ce renflement sacciforme contient une matière très-
finement granuleuse et l'on y aperçoit des cellules à contour très-
(lélimité contenant un grand noyau granuleux.
L'imbibition de ces noyaux se fait rapidement par le carmin soit
sur les préparations exlemporanées, soit sur celles que l'on obtient
après macération dans la liqueur de Muller très-étendue ou l'acide
chromique très-faible. Nous avons également fait usage de l'acide
osmique Irès-ôtendu; mais sous l'influence du réactif, le centre de
Forgane se teint très-rapidement en noir; les contours des cel-
lules disparaissent et l'on n'a plus sous les yeux qu'un aspect gra-
nuleux.
Dans ces organes j'ai pu compter jusqu'à sept ou huit de ces cel-
lules très-facilement observables.
Il existe donc au centre une cavité contenant des éléments et une
substance différente de celle de l'enveloppe, car celle-ci se colore à
peine.
Du sommet de cette cavité part un filament à double contour ré-
fractant très-facilement la lumière cheminant vers l'extrémité ex-
térieure du renflement.
Au premier abord on pourrait croire que c'est un canal creusé
dans le centre, mais c'est bien uu tube cylindrique offrant même une
certaine résistance.
Il arrive que dans la dilacération les nerfs et leurs extrémités ren-
flées sont violemment arrachées et séparées de la couche de chitine.
C'est par la dilacération qu'ont été obtenues les préparations qui ont
été mises sous les yeux de la Société.
Tout le monde a pu constater qu'à rextrémltc du renflement les
parois étaient brisées, arrachées; mais le Olament central résiste le
53
plus souvent et il émerge de l'organe dans une longueur de O^^jOOS
ouû""",U04.
Isolé ainsi, on peut l'observer, constater son indice de réfraction,
mais l'observation peut ^ire poussée plus loin.
A la suite de l'action de l'acide osmique, il arrive que la couche
de cellules molles sous-chitineuses se détache pour la dilacération
par lambeaux, comme le fait, par exemple, l'épiderme des vertébrés
après macération dans Tacide acétique sur des préparations heureu-
ses, et j'ai pu en exposer sous les yeux des membres de la Société.
On peut voir les organes terminaux nerveux cheminer au milieu de
«•es cellules et dépasser la limite qui les séparait de la couche de chi-
tine. En effet, nous avons dit que ces organes allaient se mettre en
contact avec les cupules qui sont surmontés des canaux. De plus, à
cette limite extrême on peut constater que le filament central émerge
et monte. Il se met donc en rapport avec le canal chitineux dans le-
quel il s'engage; mais nous ne le suivons pas au delà; il apparaît
sous un fort grossissement comme brisé en bec de flûte.
Mais on le retrouve flottant dans la préparation des poiLs de la cavité
desquels sort un prolongement d'aspect semblable et paraissant lui
aussi brisé violemment. La couleur noire des poils empêche l'explo-
riition de la cavité des poils.
Des trachées très-fines se ramifientsur le renflement et s'y perdent.
Si maintenant nous cherchons à nous rendre compte de la vérita-
ble nature de ce filament, il ne nous parait pas probable qu'il soit
de nature nerveuse. Il n'est pas possible qu'il soit de nature tra-
chéenne, car son diamètre est quatre fois au moins celui des troncs
les plus ténus qui l'entourent; il est vrai que souvent les trachées of-
frentdes renflements nombreux ; le filament central a partout laméme
dimension, et du reste on peut le suivre jusqu'aux cellules centrales.
Il est plus probable qu'il est de nature cbitineuse. Sur les poils
arrachés, il nous apparaît comme un tube creux qui continuerait la
cavité centrale du poil. Il est probable que les parois tapissent le ca-
nal chitineux, et se mettent en contact avec la face profonde des
parois de l'organe nerveux, constituant ainsi une sorte de mem-
brane externe de sa cavité. De même que la couche de pigment qui
tapisse sa paroi externe est formée par la couche de cellules colorées
qui séparent la couche molle du tégument.
Les branches nerveuses dans leur trajet offrent souvent des ren-
lloments remplis do cellules et dans la trompn dos éryslalos et des
synphes. Leur portion tout à fait terminale ne se compose guùre
que de ces renflements placés bout à bout. Nous avons recherchi';
les organes que nous venons de décrire dans la trompe des muscidés
de quelques syrphydes, Térystale, le pynphe du iiroseillier, chez le
taon des bœufs, et toujours nous les avons rencontrés avec les mê-
mes caractères. C'est dans la mouche de viande que nous les avons
trouvés à leur dimension maximum. Chez les sarcophages, ils sont
également très-volumineux.
Les palpes maxillaires clarviformes, implantés sur la trompe, oiïren t
également chez les mouches une disposition semblable. Ils sont hé-
rissés de poils à la base des plus grands. J"ai pu, sur plusieurs pré-
parations, constater la présence de ces renllements.
Pulpes viaxUUiires des or tlwjUères. — On. sait que les palpes maxil-
laires des orthoptères se terminent par un article claviforme. La con-
sistance de sa paroi est peu résistante, et à l'œil nu on aperçoit que
sa cavité est remplie d'une pulpe molle, facilement dissociable.
Si l'on examine de plus près, on reconnaît chez les locustes, les
rourlillières, les grillons, que celte pulpe est composée par une série
d'organes analogues à ceux qui existent dans la trompe de la mouche.
Tous sont fortement pressés les uns contre les autres, et leur ex-
trémité externe vient se mettre en rapport avec la face profonde de
la paroi percée de canaux, surmontés chacun d'un petit poil.
Chez la courtillière, l'organe est fortement pigmenté de noir à son
extrémité périphérique.
Tous ces renllements fusiformes sont les terminaisons de deux gros
troncs nerveux qui viennent se ramifier dans l'article terminal du
palpe maxillaire. Entre les deux chemine un tronc trachéen qui
aussitôt entre dans la cavité de l'article, se recourbe en crosse, et
de la courbure partent les troncs trachéens, qui se ramifient à l'infini
et forment autour des rendements nerveux un véritable lacis.
Ces renflements nerveux contiennent, comme chez la mouche, de
grandes cellules à noyaux volumineux très-apparents. On retrouve
des dispositions à peu près semblables dans la langue des orthoptères.
De gros troncs nerveux s'y ramifient et olTrent des amas de cellules
a leurs extrémités. Il en est de même dans ces rennements qui exis-
tent aux tarses, et qui ont été décrits comme des organes d'audition.
Nous avons retrouvé dans les antennes de la guêpe commune do
55
semblables organes en rapport avec l'ouverture inférieure des ca-
naux de la chitine, ainsi que dans les antennes de la locuste viri-
dissima.
Nous avons plus haut fait mention d'une disposition spéciale que
nous avions observée dans la lèvre inférieure d'un hyinénoptère.
L'eumône pomatine nous a fournicet exemple. On saitque cet insecte,
commun dans le midi, se fait des nids de terre pétrie fort intéres-
sants. Une planche de l'ouvrage tle M. Blanchard fl) représente ces
nids tels qu'on les rencontre le long des murailles oîi ils sont appli-
ques. Cet insecte a été retrouvé aux environs de Paris. Ea Lorraine,
nous l'avons rencontré. Il construit son nid particulièrement sur les
pierres sèches dont les murs de clôture des vignobles sont formés.
Chez ces insectes comme chez les autres hyménoptères, et les guê-
piaires en particulier, la lèvre inférieure est formée d'une partie mé-
diane s'élaigissant et formant des lobes terminés en fuseau. A son
extrémité libre, de chaque côté s'observent les lobes latéraux ou
paraglosses, qui ont la forme de petites languettes qui se terminent
aussi en pointe de fuseau. Les palpes labiaux ont quati'e articles e'-
sont garnis de poils.
La lèvre inférieure et ses paraglosses otfrent une structure très-
élégante.
A l'extrémité des deux points de la languette et à celle des para-
glosses se trouvent deux corps sphériques jaunâtres, dont la teinte
foncée tranche vivement sur celle de l'appareil. Des poils courts co-
niques sont implantés sur la surface externe de cette sphérule qui à
sa base est percée.
Par cette ouverture pénètrent dans la sphérule deux troncs ner-
veux accompagnés de trachées. Des faisceaux musculaires de fibres
striées viennent s'insérer au bord de l'ouverture et à la partie pro-
fonde de la sphère.
Les nerfs, une. fois entrés dans l'organe, se divisent, se renflent
suivant la disposition observée et décrite dans les muscidés. On peut
voir par transparence qu'à chacun de ces poils que nous avons raen-
(I) Blanchard, Métamorphoses des insectes. In-8". G. Baillière.
56
tioiinés correspond un rcnnpment avec cellules nerveuses, llislolo-
giquemeiit, il n'y a là rien de nouveau.
Mais les renflements nerveux ainsi localisés aux pointes de la lan-
guette et des paraglosses doivent donner à l'organe une très-grande
sensibilité; peut-être même sont-ils le siège de la gestation.
Chaque renflement sphérique contient environ de douze à vingt
de ces renflements terminaux.
En terminant, je signalerai une disposition spéciale observée dans
les palpes des carabriques.
J'ai eu à ma disposition plusieurs insectes de ce genre. Correspon-
dant à des cupules surmontées des canaux qui traversent la chitine,
se trouvent profondément des organes ayant la forme de petits hari-
cots. Ils ont une apparence granuleuse et sont enveloppés d'une
membrane mince hyaline. De Tinlérieur sort un canal à parois
minces. On ne voit dans l'intérieur de cet organe aucune cellule. Du
reste, il n'existe aucune connexion avec les nerfs. Ces petits organes
sont des glandes. Leurs canaux sont tout à fait semblables à ceux
des glandes salivaires.
NOTE
SUR LES CORPUSCULES CALCAIRES
DES ÉGHINOGOQUES
Communiquée à la Société de Biologie
PAR
M. LE Docteur A. LABOULBÈNE
Membre honoraire de la Société de Biologie, etc.
(Voyez planche III.)
Les petits corps qui font l'objet de ce travail ont été signalés par
un grand nombre d'auteurs et vus par tous ceux qui ont regardé des
Échinocoques k un grossissement convenable. Néanmoins leur étude
n'est pas complète, et c'est pour remplir cette lacune que j'offre à
Ja Société les descriptions et les figures qui suivent. J'ai pu à plu-
sieurs reprises me procurer des Échinocoques dans un état complet
de conservation et d'autres plus ou moins altérés. La plupart de ces
observations ont été faites avec un de mes internes M. Quinquaud.
Quand on examine au microscope un Échinocoque avec un faible
grossissement, on voit des granulations dans l'épaisseur de sa mem-
brane enveloppante.
A un plus fort grossissement, on aperçoit une ligne sombre, d'une
certaine épaisseur, qui délimite ces grosses granulations dont le
MÉM, 1870. 5
58
centre est transparent: ce sont les corpuscules calcaires des Échino-
coque?.
Si l'on consulte les ouvrages traitant de cette question, on reste
convaincu que l'étude de ces corpuscules a été négligée. En effet, Le-
bert (1), Gervais et Van Beneden, Davaine, etc., ne font que les si-
gnaler. Il en est de même de Steenstrup, de Siebold et de Kiichenmeis-
teir (2), qui les nomme Kalkkoerperchen; il est probable que tous
ces observateurs les ont ainsi désignés sous le nom de corps calcaires,
à cause de l'effervescence qui se produit lorsqu'on traite ces corpus-
cules par les acides.
Le professeur Gh. Robin est celui qui les a mieux étudiés, et voici
ce qu'il en dit (3) : « Elle (la membrane externe des Échinocoques)
renferme toujours, dans l'animal complètement développé, des cor-
puscules de carbonate calcaire, arrondis ou ovoïdes, foncés à la cir-
conférence (qui quelquefois semble comme limitée par deux lignes
excentriques), brillants au centre, dissous avec effervescence par les
acides, et dont le diamètre varie de 0,10 à 0,15. Ils laissent après
eux une légère trame organique. »
Les corpuscules subissent des altérations consécutives. En effet, à
mesure que lÉchinocoque se flétrit, les corpuscules s'altèrent égale-
ment : tantôt on les voit former de petites agglomérations centrales,
tantôt on les trouve dispersés à la circonférence, ou bien ils sont
très-éloignés les uns des autres. Plus tard apparaissent des granula-
tions fines, qui se développent assez souvent vers le centre, et llna-
iement on peut voir deux, trois noyaux brillants au centre, qui se
résolvent en granulations calcaire?.
(1) H. Lebert, Physiologie pathologique, l. II, p. 500, 1845. « Ces
globules sont probablement de nature albumineuse ou graisseuse. » —
P. Gervais et P. J. Van Beneden, Zoologie médicale, t. II, p. 271, 1859,
représentent des Échinocoques à corpuscules, mais ne les décrivent
pas._C. Davaine, Traité des entozoaires, etc., p. viii et xiii, Synopsis,
1860. —V. Cornil et L. Ranvier, Manuel d'histologie pathologique,
repartie, p. 336, 1869. <« Le corps de l'animal est parsemé de disques
calcaires. »
(2) F. Kiichenmeister, Die in nnd an dem Korrper des Lebenden
Menschen Varasiicn, Seiten 1-55 et 146. Leipzig, 1855.
(3) P. II. Nysten, Dictionnaire, \-:' édition, par E. Litlré et CI.'. Ry-
biB,p. 48'!, 1865.
59
Tous les corpuscules subissent cette modification , de telle sorte
qu'à un certain raomentils ressemblentàdes corps granuleux ; mais ils
font effervescence sous l'influence des acides, etalorsils disparaissent
presque complètement. Dans l'épaisseur de la membrane externe de
l'Échinocoque on peut reconnaître ces granules, qui sont mélangés
soit à des granulations graisseuses et protéiques, soit quelquefois
pigmentaires, granulations qui se reconnaissent à leurs réactifs spé-
ciaux.
Enfin, tous ces grains calcaires se désagrègent et se désunissent
pour se disséminer dans la bouillie kystique de l'Acéphalocyste.
g II.
Ln. forme des corpuscules calcaires est très-variable, ainsi qu'on
peut le voir d'après la planche 111. Ordinairement arrondis ou ellip-
tiques, tantôt ils sont munis d'un noyau central on latéral, tantôt
ces noyaux sont au nombre de deux et de trois ; déjà les corpuscules,
représentés par e,/, g, r, s, f, x, y, commencent à s'allérei'.
Les corpuscules g, h, i sont limités par deux lignes très-accusées.
Ce fait avait été signalé par Charles Robin.
D'autres fois ils ont la forme ovoïde, ou celle d'un sablier (voy. la
planche III, m, p), et dans ce cas, ou bien ils sont entourés par
une seule ligne de contour limitant un espace transparent, ou bieu
il existe plusieurs lignes parallèles (p).
Ils peuvent également être arrondis, sphériques, et avec des cou-
ches concentriques (n, o). Dans ce dernier cas, ils ont subi déjà uu
début d'altération, car on ne les rencontre pas avec celte forme dans
la période d'état de l'Échinocoque. ^
Quel est exactement le nombre de ces corpuscules calcaires? —
Voici quatre moyennes obtenues en comptant les corpuscules de
250 Échinocoques (les chiffres indiquent le nombre de petits corps
calcaires observés sur un premier plan); il faudrait donc doubler
les nombres obtenus pour avoir, approximativement, la somme to-
tale des corpuscules de l'Échinocoque.
\C/
A
GO
1" série. . . .
... 50
Oc
. . . 42
3« - . . . .
. . . 41
4* - . . . .
. . . 40
Le nombre des corpuscules a été compté sur des Echinocoques qui
étaient au summum de leur développement.
§ IV.
Pour apprécier la composition organique, ou chimique des corpus-
cules des Echinocoques, on s'est jusqu'ici contenté de produire Tef-
lervesceuce à l'aide de la plupart des acides; ce qui est facile à ob-
tenir (acides acétique, azotique, chlorbydrique, sulfurique, etc.).
11 convient cependant de prendre une petite précaution pour ne
pas croire à un dégagement d'acide carbonique, lorsqu'il s'agit sim-
plement d'un dégagement de bulles d'air : il faut mouiller complè-
tement avec de l'eau distillée le dépôt du kyste.
Avec l'acide oxalique, je suis arrivé à voir les cristaux caractéris-
tiques de l'oxalate de chaux.
Le carbonate de chaux se présente dans certains cas sous la forme
cristalline telle qu'on l'observe dans l'urine des herbivores, c'est-
à-dire en forme de sablier, ou parfois en forme de sphère avec des
couches concentriques.
Après l'action des divers acides, il reste encore une trame, qui ne
disparait pas, mais qui peut pâlir beaucoup, et cette trame se colore
un peu en jaune au contact de l'acide chlorbydrique.
Mais ce que l'on n'a point encore indiqué, c'est qu'il y a autre
chose que du carbonate de chaux; déjà, après l'observation de
l'effervescence, on pouvait prévoir qu'il y avait un autre élément
chimique; en effet, quand on fait agir un acide faible sur ces corps,
l'effervescence est légère et le corps reste parfois intact.
Si l'on fait passer sous la préparation renfermant les corpuscules
d'Échinocoque quelques gouttes d'oxalate d'ammoniaque, on voit au
bout d'un certain temps se former des cristaux d'oxalate de chaux
aux dépens du phosphate de chaux.
Et si alors on ajoute un sel de magnésie et au besoin un excès
d ammoniaque, il se forme des cristaux si caractéristiques de phos-
61
phate ainmoniaco-magnésiea; parfois la cristallisation se fait atten-
dre assez longtemps.
CONCLUSIONS.
En résumé, il existe dans les corpuscules calcaires des Echinoco-
ques dont je viens de donner la description :
r Une matière organique ;
2* Du carbonate de chaux ;
3» Du phosphate de chaux.
^^^. rvî»"^
ERRATUM
Le Mémoire ci-contre, Sur l'action toxique de V acide phénigue, a été
présenté à la Société de Biologie par MM. Bert et Jolyet.
A placer en regard de la page 63 des Mémoires.
RECHERCHES
SUR L'ACTION TOXIQUE
»s
L'ACIDE PHENIQUE
MÉMOIRE PRÉSENTÉ A LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE EN 1869 (1)
PAR
M. PAUL BERT.
On peut dire que l'acide phéiiique doit au docteur Jules Lemaire(2)
son droit de cité daos les sciences biologiques. Les travaux remar-
quables de cet expérimentateur ont montré tout ce que peuvent
attendre la physiologie expérimentale, la pathologie interne et ex-
terne, d'un agent dont la puissance s'étend sur tous les êtres vi-
vants. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner que, par un de ces engoue-
ments enthousiastes habituels chez les médecins praticiens, on ait
employé à l'aventure l'acide phénique dans toutes les maladies où il
pouvait être question d'infection ou de parasitisme. L'expérience a
déjà fait justice de la plupart de ces tentatives, dont un certain
nombre doivent être reléguées hors du domaine scientifique.
11 nous a semblé qu'il était bon, avant de s'engager davantage,
(1) Voir Comptes rendus de la Société de Biologie, Paris,
1869, p. 194.
(.2) De V acide phéniqtie; 1^« édit., 1383; 2» édit., 1365.
04
d'étudier, par voie d'analyse physiologique, l'action de cette remar-
quable substance sur les organismes supérieurs.
Le travail de M. Lemaire fournit déjà sur ce point des renseigne-
ments importants. L'attaque phénique y est parfaitement décrite.
L'élimination par le poumon d'une grande partie de l'acide injecté
dans l'estomac, s'y trouve relatée. M. Lemaire a également constaté
une action sur la sensibilité et une congestion des centres nerveux
qui lui fait dire que « c'est sur le système nerveux que l'acide phé-
« nique agit principalement (1). »
Mais la physiologie moderne exige une localisation plus précise et
des démonstrations plus rigoureuses. L'animal empoisonné par l'a-
cide phénique périt avec des convulsions : celles-ci sont-elles dues
à des troubles circulatoires, à une altération du sang, à une excita-
talion des fibres musculaires, des fibres nerveuses motrices, des ex-
trémités terminales des fibres sensitives? ou encore faut-il les attri-
buer à une action exagérée des centres nerveux réceptifs ou moteurs?
Telles sont les questions qui se posent naturellement à l'esprit et
auxquelles nous avons essayé de répondre dans le présent travail.
Nous étudierons successivement :
1° Les effets de l'intoxication par l'acide phénique à dose immé-
diatement toxique.
2° Les effets de l'intoxication chronique par l'acide phénique, et
l'accoutumance à cette substance. ,
Enfin, nous appellerons l'attention sur certaines lésions d'organes
q-ui se produisent consécutivement à l'administration de l'acide phé-
nique.
I
Nos expériences ont porté particulièrement sur des chiens et des
lapins. Nous avons injecté dans l'estomac 3 à 4 grammes d'acide phé-
nique cristallisé en solution au 30" ou au 100^ pour des chiens de
moyenne taille; environ 1 gramme pour des lapins.
Voici quels ont été, dans ces conditions, les phénomènes qui ont
suivi l'ingestion du poison :
Presque immédiatement après l'introduction de la substance dans
l'estomac, l'animal éprouve une sorte de frissonnement et d'inquié-
tude particuliers, et, s'il est livré à lui-même, il change continuel-
(l) Dciixiômo iViition. p. 10'2.
65
lement de place. Mais bientôt il s'affaiblit, d'abord du train posté-
rieur, puis des membres antérieurs; il titube et trébuche à chaque
pas, puis il tombe sur le flanc sans pouvoir plus se relever. Ces
phénomènes initiaux de l'empoisonnement se montrent dans les deux
à cinq premières minutes qui suivent l'administration du poison. Alors
au frissonnement ont succédé des secousses convulsives cloniques
qui occupent les divers muscles des membres, du tronc, de la face,
des yeux; les muscles du larynx participent à cet état, et il y a des
cris convulsifs incessants. Chose curieuse, dans le rhytlime successif
de ces convulsions qui agitent les quatre mem-bres, il se trouve
comme l'indication d'une marche continuelle, et de fait, avant de tom-
ber, l'animal semblait en proie à un besoin de locomotion auquel ses
forces n'ont bientôt plus répondu.
Si la dose du poison est faible, on s'assure aisément que les con-
vulsions s'exagèrent lorsqu'on pince ou qu'on excite l'animai,
comme il advient pour la strychnine.
Une salivation exagérée se produit, excitée qu'elle est par les
mouvements de mastication continus qu'entraînent les convul.-ions
des muscles des mâchoires; les yeux restent ouverts, les pupilles
légèrement dilatées. Cet état de convulsions cloniques dure deux,
trois, quatre heures. Alors, si la dose d'acide pliénique n'est pas
mortelle, les convulsions diminuent peu à peu d'intensité et de fré-
quence; les muscles se soumettent de nouveau à la volonté et repren-
nent leur force graduellement; l'animal soulève d'abord la tète, puis
les mouvements volontaires apparaissent dans les membres anté-
rieurs, et enfin dans le train postérieur; l'animal se soutient sur les
pattes, faible d'abord ; mais il reprend rapidement sa force et revient
bientôt à son état normal.
Si la dose du poison est mortelle, les convulsions deviennent de
moins en moins fréquentes et font place à une sorte de paralysie
des muscles de la vie de relation, qui gagne les muscles respira-
toires; les mouvements de la respiration s'alfaiblissent peu à peu,
ainsi que les battements du cœur, qui deviennent en même temps
irréguliers ; la température s'abaisse et l'animal meurt.
Nous n'insisterons pas davantage sur la description de ces phéno-
mènes de l'empoisonnement ordinaire par l'acide phénique. Le lec-
teur désireux d'avoir des détails plus nombreux se reportera avec
fruit à la première partie du livre de M. Lemaire.
MÊM. 1870 6
66
Tel n'est pas toujours, cependant, le mode de terminaison funeste.
Dans quelques cas rares, surtout quand lu dose du poison est forte,
la mort a lieu presque subitement dès le début de la phénicatiou.
Elle semble avoir alors, pour mécanisme prochain, un arrêt des ven-
tricules du cœur; et en effet, dans ce cas, on trouve le sang rouge
dans les cavités gauches du cœur, et noir dans les cavités droites.
Nous rapportons, comme exemples de ce mode de terminaison, les
deux expériences suivantes :
EXP. I. — Chien mâtiné du poids de 14 livres. Administration de
3 grammes d'acide phénique dans l'estomac. L'animai est pris de
tremblement convulsif après trois minutes. On a quitté des yeux un
instant l'animal ; on le revoit les pattes raides et étendues et la tête
rejetée en arrière, expirant. On ne sent plus les battements du cœur.
Le dernier mouvement de l'animal a lieu six minutes après l'in-
jection.
On fait aussitôt l'autopsie : Contractions rhythmiques des oreil-
lettes, contractions fibrillaires des ventricules. Les cavités du cœur
sont dilatées et remplies de sang. Le sang est noir dans le ventricule
droit, rouge dans le gauche : Le sang recueilli dans des soucoupes
se coagule bien.
Il n'y a rien dans la trachée, ni dans les poumons. Ceux-ci sont
violacés et revenus sur eux-mêmes, ne crépitant pas sous la pres-
sion; les petites bronches paraissent aplaties. Après l'insufflation, le
poumon devient blanc et crépitant.
Il n'y a pas de caillots dans les artères pulmonaires. Les organes
abdominaux sont sains, l'estomac contient du pain et une partie du
iiquide de l'injection.
Le bulbe rachidien est pâle, en apparence anémié.
45 minutes après la mort, le nerf sciatique est encore un peu ex-
citable ; après 2 heures 45 minutes, la galvanisation des muscles pro-
duit encore une contraction faible qui se manifeste par un sillon li-
néaire au point d'application des pôles.
2 heures 40 minutes après la mort la rigidité musculaire est com-
mençante.
Exp. II. — Chienne jeune, ayant eu antérieurement les deux nerfs
récurrents coupés (poids 3 kilog.).
Le 26 mai 1870, à 3 heures 2 minutes, on lui injecte dans l'esto-
mac 2 grammes d'acide phénique dissout dans 60 grammes d'eau.
Aussitôt après, l'animal rendu libre, fait deux à trois fois le tour du
laboratoire en courant; puis, il fait quelques efforts de vomissements ;
67
comme on soulève ranimai poui* rempécher de vomir, il semble qu'il
va mourir.
Posé à terre, il fait encore quelques mouvements respiratoires
dont le dernier a lieu à 3 heures 5 minutes.
A ce moment, on implante une aiguille au travers du thorax, dans
le coeur; on observe des mouvements rhythmiques de l'aiguille
4 minutes après la dernière respiration.
On fait aussitôt l'autopsie : Les oreillettes se contractent encore
d'une façon rhythmique, les ventricules sont arrêtés et remplis de
sang. Le cœur ouvert, on trouve le sang rouge dans les cavités gau-
ches, et noir dans les cavités droites. On galvanise le nerf pneumo-
gastrique gauche, et l'on produit l'arrêt des contractions des oreil-
lettes, puis celles-ci repartent malgi'é la galvanisation. On répète
plusieurs fois.
A 3 heures 45 minutes, les nerfs ne sont plus excitables, les mus-
cles sont contractiles.
A 4 heures 15 minutes, les muscles offrent encore delà contractilité.
Les poumons, à la coupe, laissent suinter du sang rouge, ne cré-
pitent pas quand on les presse entre les doigts.
Rien de particulier dans les bronches.
Le sang normalement coagulable.
Mais, ainsi que nous le disions tout à l'heure, ce mode de termi-
naison soudaine de l'empoisonnement par l'acide phénique est l'ex-
ception. Le plus souvent, les accidents durent pendant un certain
temps, alors même qu'ils sont susceptibles de se terminer par la mort.
Ils présentent alors la physionomie que nous avons, en commen-
çant, succinctement décrite. A considérer ces convulsions singuliè-
res, dans lesquelles les muscles en trépidation continuelle semblent
se contracter individuellement, sans nulle synergie, et qui rappel-
lent l'aspect d'un membre dans lequel on fait, par l'artère, une in-
jection d'eau, la première question qui se pose est de savoir si ces
convulsions sont en réalité idio-musculaires ou si elles sont sous la
dépendance du système nerveux central. Une expérience bien sim-
ple sullii pour résoudre la question. Si, en effet, en pleine phase
convulsive, on tranche le nerf moteur d'un membre, on voit tous
les muscles animés par ce nerf se mettre en résolution complète. Si,
de plus, on lie chess une grenouille tout un membre postérieur, en
respectant seulement le nerf sciatique, ou voit que ce membre,
dans lequel ne pénètre pas le poison, est pris de convulsions en
68
même temps que celui du côté opposé. Il est donc bien évident que
les convulsions dépendent d'une excitation des centres nerveux.
La même conséquence se tire des expériences dans lesquelles on
emploie le curare ou le chloroforme pour calmer les accès convul-
sifs. Nous en rapportons ici deux :
ExP. III. —'Lapin phéniqué la veille, le 17 novembre, et sur le-
quel on a coupé le nerf sciatiquc droit.
Phéniqué à nouveau à 3 heures 25 minutes en injectant dans l'es-
tomac 40 grammes de la solution au 100«. Les convulsions se mon-
trent très-rapidement. On constate de nouveau qu'il n'y a aucune
convulsion dans les doigts de la patte dont le sciatique a été coupé,
tandis que les doigts de l'autre patte sont continuellement agités par
des mouvements alternatifs de flexion et d'extension.
3 heures 30 minutes. On injecte sous la peau de l'aisselle, 2 cent,
cubes de la solution de curare.
Les convulsions diminuent peu à peu d'intensité.
3 heures 40 minutes. On doit faire la respiration artificielle,
3 heures 50 minutes. Cessation des convulsions cloniques.
4 heures 10 minutes. Galvanisation des nerfs sciatiques de l'un et
'lautre côté. Aucun mouvement du membre.
4 heures 20 minutes. Réinjection dans l'estomac de 40 cent, cubes
de la solution acide phéniqué.
4 heures 30 minutes. Galvanisation des sciatiques. Rien dans les
pattes. Le cœur ausculté bat l'égulièrement.
6 heures. Respiration abdominale qui, spontanée, devient peu à peu
plus forte. Petits mouvements convulsifs dans la face, le nez. Ces
mouvements augmentent d'intensité, se montrent plus tard dans les
muscles du cou, de l'épaule et du thorax. On cesse la respiration
.irtiûcielle, l'animal respire seul d'une façon suffisante. Abandonné
;\ 6 heures 30 minutes.
18 novembre. Le lapin est trouvé mort.
ExP. IV. — Grenouille curarée.
Empoisonnement par le curare à 10 heures 15 minutes, le 27 no-
vembre.
Bien empoisonnée à 10 heures 25 minutes.
On place sous la peau de la patte gauche des cristaux d'acide phé-
niqué.
La grenouUIe, observée jusqu'à minuit, ne présente aucune con-
vulsion.
28 novembre, Morte,
C9
Exp, V. — Chien du poids de 15 livres.
Le 1er avril 1870, à midi 35 minutes, on injecte dans l'estomac de
l'animal 60 grammes d'une solution d'acide phénique au 30».
Après deux minutes, l'animal est pris de tremblement; il va et
vient sans cesse dans le laboratoire; après cinq minutes, l'animal
est sur le flanc en proie aux convulsions cloniqucs.
Après dix minutes, les convulsions sont plus marquées encore, et
il y a des cris convulsifs très-fréquents, de la salivation. Signes très-
nets de sensibilité; les convulsions sont exagérées, et l'animal pousse
un cri à chaque pincement, même léger, de la patte ou de la queue.
On soumet alors l'animal à l'action du chloroforme. Pendant deux
à (rois minutes, les convulsions sont nettement exagérées par les
respirations de chloroforme. Après cinq minutes, elles se ralentis-
sent, et, après dix minutes, elles ont complètement cessé : l'animal
est calme et parfaitement endormi. On cesse alors les inhalations de
chloi'oforme. A peine sont-elles supprimées depuis une minute, que
les convulsions réapparaissaient. Les pupilles sont légèrement di-
latées, les pattes sont chaudes à la main.
Après trente-cinq minutes à partir du début de l'expérience, on
constate des signes très-nets de sensibilité, par le pincement des
pattes et l'attouchement de la cornée.
A 1 heure lî minutes, on soumet de nouveau l'animal aux inhala-
tions de chloroforme, et l'on observe les mômes phénomènes que
précédemment ; les convulsions sont d'abord augmentées ; elles sont
complètement abolies huit minutes plus tard. Les respirations de
l'animal sont alors très-calmes, les battements du cœur rapides et
réguliers. Pas de signes manifestes de sensibilité. A 1 heure 22 mi-
nutes, on suspend les inhalations de chloroforme.
Une heure dix minutes après le début de l'expérience, les convulsions
cloniques commencent à s'apaiser; les mouvements de l'animal de-
viennent volontaires et moins incoordonnés, et vingt minutes plus
lard l'animal est sur les pattes, allant et venant dans le laboratoii'e.
Il tremble encore un peu et sa démarche et mal assurée.
11 reste à se demander si les centres nerveux supérieurs sont seuls
excités par le poison, ou si la moelle épinière tout entière est in-
toxiquée. Les expériences suivantes résolvent la question dans ce
dernier sens.
Exp. VI. — Chien terrier vigoureux.
On a mis la partie supérieure de la région lombaire de la moelle à
nu, et opéré deux sections transversales de la moelle. On donne à ce
70
chien, paralysé du train postérieur, à 4 heures 35 minutes, 100 gram-
mes de la solution d'acide phéniquc au 30^. Apres dix minutes, on
trouve l'animal en état de convulsions cloniques. Ces convulsions
occupent les membres postérieurs paralysés, aussi bien que les
membres antérieurs, et s'y montrent avec la même intensité. A
6 heures 30 minutes l'animal est dans le même état. On le trouve
mort le lendemain matin.
ExP. VII, 3 décembre. — Chien; section de la moelle.
Petit chien de cinq jours. Injection dans l'estomac de 6 grammes
de la solution. 10 grammes pour 200 , à 4 heures. — 4 heures
5 minutes, état convulsif bien développé. Section de la moelle au
niveau des pattes antérieures.
4 heures 10 minutes, convulsions cloniques dans le train antérieur,
face et pattes antérieures, et dans le train postérieur, mais moins
marquées. Les pattes postérieures sont prises de mouvements d'ex-
tension et de retrait alternatifs ; mouvement de la queue.
4 heures 30 minutes. Idem.
4 heures 40 minutes. On ouvre l'abdomen et on fait sortir par la
plaie la masse intestinale. Quelques anses intestinales, observées à
plusieurs reprises pendant quelques minutes, ne paraissent pas
éprouver de mouvements péristaltiques.
Exp. VIII. — Sur un autre petit chien, on sectionne d'aboi'd la
moelle, et on injecte ensuite la solution d'acide phénique à 4 heures
10 minutes.
4 heures 15 minutes. Commencement des convulsions dans le
train postérieur.
5 heures. Encore convulsions, mais très-afifaiblies. Les convul-
sions spontanées sont rares, mais on les rend fréquentes et fortes
par des excitations périphériques.
Exp. IX, 27 novembre. — Grenouille; section de la moelle.
Sur une grenouille verte, on met à nu la moelle au-dessous du
bulbe. L'animal perd un peu de sang.
Onze heures. L'animal est remis, les mouvements réflexes du
train postérieur sont bien nets.
On l'empoisonne par l'acide phénique sous la peau de la patte
gauche.
Minuit. Il n'y a pas encore de convulsions.
28 noveail)re, huit heures. Les membres postérieurs sont agités
de convulsions cloniques spontanées.
29. Idem
71
30. Idem.
1er décembre. Encore convulsions à, la suite d'excitations péri-
phériques.
Nous avon?, une seule fois, injecté directement l'acide phénique
dans le sang. La mort est survenue avec une grande rapidité, et par
arrêt du cœur.
Exp. X. — Chien.
Dans la veine fémorale injecté lentement 21 centimètres cubes
d'eau contenant 0 gr. 63 centigr. d'acide phénique. Le cardiomètre
marquait une pression de 13 à 17 centimètres. Immédiatement après
l'injection, surviennent les tremblements : le cardiomètre monte
jusqu'à 20 centimètres.
Presque aussitôt, il retombe à 12-, après quelques minutes, la
respiration s'arrête, la pression cardiaque s'abaisse à, 4 centimètres ;
puis surviennent deux ou trois soupirs, et le cœur s'arrête.
La langue est noire, le sang noir partout. Tiré des vaisseaux, il
rougit et se coagule. Les nerfs moteurs agissent sur les muscles,
le nerf pneumogastrique fait contracter les fibres musculaires du
poumon.
II
Les deux expériences qui suivent ont été instituées dans le but
de rechercher s'il existe une accoutumance à l'action de i'acide phé-
nique, comme cela a lieu pour certaines substances. Nous avons
voulu voir si, en donnant tous les jours des doses croissantes d'acide
phénique, on peut ainsi arriver à dépasser la dose toxique mortelle,
et si alors suspendant l'administration des doses d'acide phénique,
pendant un temps sufhsant pour que l'animal perde son accoutu-
mance à la substance, on peut le tuer par une dose toxique limitée.
Exp. XI. — Chien du poids de 21 livres.
Le 20 mai, on injecte dans l'estomac 1 gramme d'acide phénique
dissout dans 30 grammes d'eau. Ce chien offrait un tremblement
très-fort avant l'administration de la substance, de sorte qu'il est dif-
ficile de faire la part du tremblement causé par l'acide phénique.
L'animal va et vient continuellement dans le laboratoire , sans pré-
senter de faiblesse bien marquée.
Le 21 mai, on donne 1 gr. 50 cent, d'acide phénique : mômes efiets
que la veille, tremblement un peu plus marqué.
Le 22 mai, on donne 2 grammes de la substance : après quinze
72
minutes, tremblement assez marqué, accompagné de faiblesse. L'ani-
mal va et vient sans cesse. Après trente minutes, Tanimal est remis.
Le 23 mai, on ne donne pas l'acide phénique.
Le 24 mai, on porte la dose à 3 grammes. Huit minutes après son
administration, l'animal est couché sur le flanc en proie aux convul-
sions cloniques générales. — Mouvements continuels des mâchoires,
cris convulsifs, salivation assez marquée.
Après une heure, même état. Après deux heures, les convulsions
diminuent, l'animal est toujours sur le flanc, flasque. Sensibilité au
pincement de la queue.
Après 2 heures 30 minutes, l'animal se remet et soulève la tête,
mais demeure toujours sur le flanc. Après trois heures, il est debout
et tremble peu.
Le 25 mai, on donne 3 gr. 50 cent, d'acide phénique. Après dix
minutes, tremblement et faiblesse. Après quinze minutes, il tombi'
presque sur le train postérieur. Néanmoins , l'animal va et vient
sans cesse dans le laboratoire. Après vingt-cinq minutes, l'animal
est plus faible encore, il tombe au moindre choc ; il s'accule pour
boire, tremble peu. Après quarante minutes, l'animal se remet.
Le 26 mai, 3 gr. 50 centig. Après huit minutes, le chien est sur le
flanc dans une agitation convulsive clonique générale. Après 1 heure
40 minutes, il se replace sur les pattes , mais il est faible et tombe
facilement. Après deux heures, il est plus fort et ne tremble plus.
Le 27 mai, 3 gr. 50 cent. Après cinq minutes, tremblement et fai-
blesse. Après quinze minutes , il est couché sur le flanc, dans les
convulsions ; mouvements des pattes comme de marche. Convulsions
des yeux qui sont tournés en bas et en avant.
Après vingt-cinq minutes, les convulsions sont faibles , l'animal,
fait effort pour se relever. Après une heure, il est mieux et se remet,
mais il offre encore après deux heures de petites convulsions dans
divers muscles des membres et de la face.
Le 28 mai, on porte à 4 grammes la dose d'acide phénique. Après
dix minutes, l'animal est sur le flanc, dans les convulsions. Après
1 heures 20 minutes, il se replace sur les pattes , mais il retombe
aussitôt ; il n'est bien remis qu'après deux heures.
29 juin. Dans l'intervalle de l'administration des doses quotidien-
nes d'acide phénique, l'animal est bien gai, vif, et ne paraît jjresquc
nullement influencé. Appétit vorace.
On donne 4 grammes d'acide phénique. Après deux minutes , se
montrent les convulsions cloniques générales ; l'animal est couché
sur le flanc, flasque , et ne fait aucun effort pour se soutenir sur les
pattes quand on cherche à l'y placer.
73
Après une heure, même état , mais les convulsions s'épuisent et
sont moins fortes ; larmoiement et salivation. A ce moment, l'animal
ne paraît pas sentir de forts pincements des pattes et de la queue,
ou du moins il ne le manifeste pas. A deux heures, l'état de l'ani-
mal est à peu près le même.
Après deux heures trente minutes, il est amélioré. — L'animal sent
nettement le pincement de la queue ou des pattes , les convulsions
sont faibles. L'animal revu trois heures après est trouvé parfaitement
remis.
Le 30 mai, 4 grammes. Tremblement après cinq minutes.
Après dix minutes, faiblesse, tombe, mai'i peut se relever.
Après vingt minutes, idem.
Après une heure , le tremblement est moindre , l'animal est plus
fort et se remet.
Le 31 mai, 4 grammes. Après cinq minutes, l'animal est sur le
flanc, en état de convulsions.
Après deux heures trente minutes l'animal revient à lui.
Le l^r juin, 4 grammes. Mêmes effets que la veille.
Le 2 juin, 4 grammes. Sur le flanc après cinq minutes dans les
convulsions.
Après deux heures, on retrouve l'animal debout et i-emis.
Le 3 juin, 4 grammes. Après cinq minutes il tombe sur le côté.
— tremblements.
Après deux heures, il cherche à se relever. Après trois heures
il est remis.
Le 4 juin. On donne 4 grammes d'acide phénique dans deux blancs
(l'œuf.
Après cinquante minutes, l'animal est toujours debout, mais très-
faible du train postérieur. Les tremblements ne sont pas très-mar-
qués . Après une heure trente minutes, l'animal arepris sa force en partie .
Le 5 juin, 4 grammes. Après sept minutes , l'animal est sur le
flanc dans les convulsions. Après deux heures, il est dans le même
état. Après quatre heures, il est remis.
Le 6, l'injection n'est pas faite.
Le 7, on donne 4 grammes. — 120 pulsations, 14 respirations, tem-
pérature, 40".
Après cinq minutes, l'animal tremble et faiblit du train postérieur.
Après huit minutes, il est couché sur le côté, dans les convulsions.
Après une heure, même état. — 160 pulsations faibles, 18-20 res-
pirations, température, 39*.
Après 1 heure 40 minutes , l'animal soulève la tête ; il est sur les
pattes après 2 heures 20 minutes
74
Le 8 juin, on porto à 4 gr. 50 cent, la dose d'acide phonique.
Après cinq minutes, l'animal est sur le flanc, dans les convulsions.
Après deux heures, l'état est le même.
Après trois heures, il est sur ses pattes, mais faible.
Le 9, on donne 4 gr. 50 cent. Après trois minutes, l'animal est
sur le flanc en proie aux convulsions cloniques.
Quatre heures après, l'état est encore le même.
Le 10 juin, on porte la dose à 5 grammes. Mêmes résultats que la
veille. L'animal a uriné : ni sucre, ni albumine dans l'urine.
Le il, 5 grammes. L'animal revient après 2 heures 30 minutes.
Le 12, 5 grammes. Convulsions après cinq minutes; se remet
après 3 heures 30 minutes.
Le 13 et le 14 juin, on ne fait pas d'injection.
Le 15, on baisse la dose d'acide phénique à 4 grammes.
Après deux minutes, l'animal tremble et faiblit ; après quatre mi-
nutes, il est sur le flanc, ses muscles agités par des convulsions clo-
niques énergiques. x\près 2 heures 30 minutes, il soulève la tête et
cherche à se relever. Après trois heures, il est sur ses pattes, et va
et vient dans le laboratoire, mais il est faible surtout du train posté-
rieur.
Les jours suivants, on suspend l'administration des doses d'acide
phénique.
Le 16 juin, respirations, 14; pulsations, 144.
Le 17, respirations, 12; pulsations, 136.
Le 19, respirations, 10-11 pulsations, 110; température, 39°.
L'animal mange toujours avec la même avidité, paraît un peu fai-
ble du train postérieur. Ses yeux sont sains.
Le 21 juin, on trouve l'animal à l'agonie, et cependant le 20 rien
ne semblait annoncer une fin si prochaine. Le chien est couché sur
le côté et ne peut se tenir sur les pattes. Les battements du cœur sont
lents, irréguliers et faibles. Le thermomètre marque 33° dans le rec-
tum. Une heure plus tard, 31°. L'animal s'éteint lentement et meurt
trois heures après.
Une heure et demie après la mort, le cœur se contractait encore.
Deux heures après la mort, les nerfs offraient pour la dernière fois
des traces d'e.xcitabilité.
Les poumons sont sains, ainsi que le foie. Les reins offrent un as-
pect graisseux très-prononcé. Beaucoup de muscles du train posté-
rieur et des gouttières vertébrales offrent une altération graisseuse
très-avancée. Les muscles du train antérieur sont à peu près sains.
Exp. XIL — Chien épagneul adulte, du poids de 14 kilog. et demi.
On injecte dans l'estomac 1 gramme d'acjde phénique cristallisé.
75
dissout dans 30 gi-ammes d'eau. La môme dose est répétée les jours
suivants, du 24 mars jusqu'au 17 avril. L'animil après chaque dose
d'acide phéaique ne parait éprouver d'autres effets qu'un léger
tremblement, surtout marqué dans le train postérieur, tremblement
du reste très-passager.
Le 17 avril on porte à 1 gr. 50 cent, la dose d'acide phénique et
on la continue jusqu'au l*""" mai. On observe les mêmes effets, un
peu plus accentués que précédemment.
Le 1"" mai, 2 grammes d'acide phénique. — Tremblement pas-
sager dans les muscles du train postérieur, de la face, accompagné
d'une légère faiblesse dans les pattes postérieui*es.
Le 6 mai, l'injection n'est pas faite.
Le 7 mai, on donne les deux grammes d'acide phénique à 10 heu-
res du matin. Après vingt minutes, l'animal est pris de convulsions
cloniques ou tremblement général, assez marqué, surtout si on le
compare au tremblement qui a suivi l'administration des doses précé-
dentes. L'animal est en môme temps plus faible sur ses pattes, mais
ne tombe pas. Il va et vient incessamment dans le laboratoire. Il
mange avidemment le pain qu'on lui donne, mais il a quelque peine
à le prendre à terre, et ses pattes faiblissent sous lui. Il y a une cer-
taine raideur dans les pattes. — A onze heures, l'animal est à peu
près complètement remis. «
Le 8 mai, la dose de 2 grammes occasionne le même tremblement
que la veille, mais la faiblesse de l'animal est beaucoup moins
marquée.
Le 10 mai, l'animal est toujours bien portant, et ne présente rien
de particulier dans l'intervalle ' des prises d'acide phénique. Yeux
parfaitement sains.
On porte alors à 2 gr. 50 cent, la dose d'acide phénique. Mêmes
effets qu'avec 2 grammes : tremblement, faiblesse et surtout rai-
deur des pattes.
Le 17 mai, on donne 3 grammes. Effets très-marqués . Une heure après
l'animal ne se tient qu'avec beaucoup de peine sur ses pattes, et ne
peut ramasser un morceau de pain qu'on lui jette ; il fombe de
temps en temps sur le train postérieur, pour peu qu'il s'embarrasse
dans sa corde : mouvements convulsifs généralisés, convulsions des
yeux.
Le 18 mai, on donne 3 grammes à une heure. Effets habituels
après vingt minutes : faiblesse moindre que la veille ; l'animal ne
tombe pas, môme quand on le pousse légèrement.
Deux heures plus tard, l'animal est complètement remis ; il y a en-
7fi
core quelques petites contractions dans les muscles de la face, les
paupières, les cuisses.
Le 26 mai, à 4 heures 30 minutes, on donne 3 grammes 50 centi-
grammes d'acide phénique cristallisé. Après dix minutes, tremble-
ment et faiblesse, surtout, dans le train postérieur. Après trente mi-
nutes, l'animal est très-faible, tombe plusieurs fois. Les battements du
cœur sont faibles, on les compte avec peine ; 172 pulsations (130 avant
l'expérience). Après trois quai-ts d'heure, la faiblesse est plus
grande encore. L'animal tombe et ne peut plus se relever.
Après 1 heure 30 minutes, l'animal se remet, se tient assez bien
sur ses pattes ; il y a encore un tremblement léger.
27 mai. Depuis quelques jours, on remarque que les yeux sont
notablement injectés et un peu œdématiés ; il n'y a rien à la cornée.
On donne les 3 gr. 50 cent, de la substance. Tremblement et fai-
blesse après dix minutes ; l'animal se tient encore assez bien sur les
pattes. Après une heure, tremblement et faiblesse plus marqués;
l'animal écarte les pattes pour ne point tomber, s'appuie contre la
table. 2 heures 30 minutes après, le chien est en partie revenu à son
état normal, sauf quelques contractions des muscles de la face et des
paupières et un reste de faiblesse.
Le 28 mai, 3 gr. 50 cent. Après quinze minutes, tremblement et
faiblesse. Après vingt-cinq minutes, l'animal tombe presque. Après
quarante-cinq minutes, même état. Deux heures après, l'animal est
remis.
Le 29 mai, on administre 4 grammes d'acide phénique. On
compte 136 pulsations et 20 respirations. Après quinze minutes,
tremblement, faiblesse, raideur dans les pattes. Après trente minu-
tes, l'animal est sur le flanc, sans pouvoir plus se soutenir sur les
pattes. L'état convulsif des muscles n'est pas très-marqué, comme
on l'observe chez les chiens auxquels on donne pour la première
fois une forte dose d'acide phénique.
Après une heure, même état (170 pulsations, 20 à 24 respirations
inégales, les unes larges, les autres petites et brusques).
Deux heures après le début, l'animal s'est replacé sur les pattes,
mais il offre encore du tremblement et de la faiblesse.
30 mai. Les 4 grammes d'acide phénique offrent sensiblement les
mêmes effets que la veille, et durant le même temps.
31 mai, 4 grammes. Tremblement après cinq minutes.
Après 1 heure 30 minutes, l'animal est couché et très-faible.
Après 2 heures 30 minutes, l'animal est remis, et ses forces
sont revenues.
Le l»"" jtiin, il y a toujours de l'injection des conjonctives; les
cornées sont saines. Ecoulement de mucosités purulentes par la
narine droite. Température rectale 400,2. Respirations 16, pulsa-
tions 120.
On donne les 4 grammes d'acide phénique, qui produisent les
phénomènes ordinaires. Après une heure, l'animal tombe et se tient
à peine. Après deux heures, il est moins faible, mais sa marche est
toujours mal assui'ée ; il ne reprend sa force que 3 heures 30 mi-
nutes après le début de l'expérience. La température est alors do
39" 4, -les respirations de 16 à 18, les pulsations 128.
Le 2 juin, 4 grammes. L'animal est remis après 2 heures
30 minutes.
Le 3 juin, 4 grammes. Température 40 degrés, respirations 20,
pulsations 148.
Après dix minutes, tremblement et grande faiblesse après qua-
rante-cinq minutes. Température 40 degrés, respirations 30, pulsa-
tions 160.
Après trois heures, l'animal se remet, mais tremble toujours.
Quatre heures après il y a encore un léger tremblement,
Le 4 juin, 4 grarnmes. Respirations, 15, pulsations 120.
Après trente minutes, tremblement et grande faiblesse ; l'animal
ne tombe pas. Après une heure, même état. Après deux heures,
l'animal tremble toujours, reste couché, mais il se soutient assez
bien sur ses pattes. Respirations 20, pulsations 136.
5 juin, 4 grammes. Pulsations 160, respirations 16.
Après cinq minutes, tremblement et faiblesse, et après trente
minutes, sur le flanc. Respirations 40, inégales d'amplitude, le cœur
ne peut qu'avec peine être senti. Après 2 heures 30 minutes, l'ani-
mal est en partie revenu à son état normal. Pulsations 160, respira-
tions, 24.
6 juin. Même dose, mômes effets.
7 juin, 4 grammes. Température 39°,8, respirations 26, pul-
sations 144.
Après cinq minutes, tremblement et faiblesse.
Après vingt-cinq minutes, l'animal est sur le flanc. Après une
heure, idem. Respirations 30, pulsations 156. Après deux heures,
Fanimal se remet.
8 juin. On porte cà 4 gr. 50 cent, l'acide phénique.
Après dix minutes, l'animal se tient à peine sur les pattes ;
tombe, mais peut se relever.
Après quarante-cinq minutes, l'animal est couché et tremble.
Après deux heures, l'animal se tient debout, mais toujours faible.
Les yeux ne sont plus injectés depuis quelques jours, mais plu-
78
tôt anémiés ; on constate aussi que les conjonctives offi-ent une
teinte ictérique très-prononcée, ainsi que la muqueuse buccale.
Le 9 juin, 4 gr. 50 cent. Pulsations 100, respirations 30.
Après trente minutes, l'animal qui tremble se tient à peine.
Après trois heures, l'emis.
10 juin. Pulsations 136, respirations 20. Toujours ictère. L'animal
est triste, abattu, restant pi'csque constammeit couché et refusant
toute nourriture depuis hier. Aussi on suspend l'administration des
doses d'acide phénique.
Le 15 juin, l'ictère est moins prononcé, les sclérotiques sont
moins jaunes, l'animal est, du reste, plus gai, mange mieu.x. Pulsa-
tions 152.
Le 16. Pulsations 112, respirations 16. 39o,2 dans le rectum.
Le 19. Pulsations 100, respirations 15 à 16.
Le 22. Le chien est revenu sensiblement à son état antérieur, les
conjonctives n'offrent plus la teinte ictérique.
Le 23. Pulsations 110, respirations 14 à 16, 39 degrés dans le rec-
tum.
Le 6 juillet. Le chien paraît entièrement remis de tous ces acci-
dents qu'il a présentés antérieurement.
On lui injecte dans l'estomac 4 gr. 50 cent, d'acide phénique cris-
tallisé dissout dans 120 grammes d'eau. (On a compté 120 pulsations,
18 respirations, 38°, 4 dans le rectum.
Après trois minutes, l'animal tremble et est faible.
Après cinq minutes, il tombe sans pouvoir se relever.
Après quinze minutes, le tremblement est très-fort et continu et on
observe comme antérieurement, outre ce tremblement, des secousses
convulsives très-fréquentes des muscles des membres, de la tête, du
cou et des mâchoires.
Après trois heures, l'animal commence à soulever la tête, et essaye
de se soulever sur les pattes de devant, mais il ne peut encore se
soutenir.
Après quatre heures, l'animal se relève, ne tremble presque plus.
Pulsations 176.
Le 7 juillet. Pulsations 144, respirations 32. L'animal refuse de
manger, mais il reste gai et caressant.
La relation des expériences précédentes montre qu'il existe une
accoutumance à raclion de l'acide phénique, (jui, sans être bien mar-
quée, est cependant réelle. Chez les deux chiens qui font le sujet
des expériences, nous avons pu, par le moyen de doses ruolidiennes
croissantes d'acide phénique, parvenir à leur administrer des quan-
79
tités de cette substance {1 et 3 gr.) qui ne faisaient que les impres-
sionner faiblement et passagèrement, alors que ces mêmes doses,
données à des chiens de même taille, mais d'emblée, eussent produit
des accidents relativement intenses et prolongés.
Ces expériences montrent aussi que cette accoutumance des ani-
maux à l'action de l'acide phénique diminue très-rapidement, puis-
(lu'il suffit de suspendre un jour l'administration d'une tlose donnée
2 gram.) pour que celle-ci, donnée le jour d'après, impressionne
l'animal à un degré plus élevé qu'elle ne l'avait impressionné la
veille, et qu'elle ne l'impressionne le jour suivant.
Enfin, dans une des deux expériences, nous avons pu porter à
5 grammes, progressivement, la dose d'acide phénique; et suspendant
alors pendant cinq jours l'administration de la substance, une dose
de 4 granjmes (ra( ide phénique, donnée le quatrième jour, a pu ame-
ner la mort de l'animal.
m
Nous avons montré, par les expériences consignées au jJ l^', que
la mort consécutive à l'empoisonnement par l'acide phénique peut
survenir dans deux conditions difi"érenles : brusquement ei presque
instantanément par ariêt du cœur; ou plus lentement, à la suite
d'excitations convulsives prolongées.
Mais il peut arriver, en outre, que l'animal qui a reçu une dose
d'acide phénique assez forte pour le jeter à terre avec convulsions,
se remette sur ses pattes et revienne à une apparence de santé, pour
périr quelques jours après. Ici le mécanisme de la mort est tout
différent. Elle est évidemment produitepar une maladie pulmonaire.
L'expérience suivante peut éire considérée comme un type qui
s'est fréquemment reproduit.
Exp. XIII. — Chien adulte du poids de 13 livres.
Injection dans l'estomac de 3 grammes d'acide phénique cristal-
lisé dans 90 grammes d'eau.
Après cinq minutes, l'animal est couché sur le flanc en proie aux
convulsions. Après trois heures 30 minutes, l'animal se remet, se
place sur ses pattes de devant, mais ne peut encore se tenir debout.
Vingt minutes plus tard, l'animal va et vient, mais faible. Il a un
vomissement; il est agité d'un tremblement général.
Le lendemain 15, Tanimal reste, couché et ne mange pas.
80
16, même état. Mort le 17-18. A l'autopsie, on constate dans les
deux poumons des noyaux de pneumonie commençante. Les autres
viscères sont sains.
On peut obtenir un résultat analogue en fragmentant la dose mor-
telle d'aride phénique. C'est ce que nous avons fait dans l'expé-
rience suivante :
ExP. XIV, 28 mai 1869. — Chien pesant 21 livres.
Administration dans l'estomac de 1 gramme d'acide phénique. A
10 heures 15 minutes on compte 124 pulsations, 40 respirations;
température, 380,8. Les yeux sont examinés et trouvés sains.
A 10 heures 45 minutes, idem. Le chien ne paraît pas plus faible.
A onze heures, on donne de nouveau 1 gramme de la substance
(168 pulsations, 20 respirations). On observe les mêmes secousses,
mais plus fortes qu'à la suite de la pi-emière dose. Faiblesse peu
marquée.
A midi, l'animal est toujours sous l'influence de l'acide phénique,
et offre de petites contractions librillaires dans divers muscles. On
administre un troisième gramme.
A 1 heure 10 minutes un quatrième grannne.
Après trente-cinq minutes, le pouls marque 132, la respiration, 32,
la température, 38°, G.
A 2 heures 5 minutes on donne le cinquième gramaie. Api'ès
10 minutes, secousses musculaires fortes et plus fréquentes. Après
trente minutes, l'animal est ndeux, et n'a presque plus de treiiible-
ment quarante-cinq minutes après.
A 3 heures 25, un gramme; après cinq minutes, tremblement plus
fort qu'il n'a encore été.
A 4 heures 15 minutes on administre le septième gramme. (On
constate qu'il y a une injection très-forte de la conjonctive oculo-
palpébrale et de la membrane clignotante, qui sont très-tuméfîôes.
L'animal reste couché, mais il peut parfaitement se tenir sur les
pattes.) Après dix minutes, l'animal est sur le flanc, dans les con-
vulsions. Sa respiration est très-embarrassée.
A sept heures, toujours même état de convulsions cloniques; l'a-
nimal peut se tenir sur les pattes, mais il se recouche aussitôt.
Mort dans la nuit du 28 au 29 ; l'animal est froid et en rigidité
cadavérique.
A l'autopsie, on constate des caillots récents dans la cavité du
cœur.
Poumons : congestion très-forte du lobe inférieur droit ; plaques
ecchymotiques disséminées, sous-plcuralcs, œdème du tissu pulmo-
81
naire ; nscères abdominaux sains. Reins et loie cungestionnés. Cer-
veau et moelle : congestion des méninges. Au niveau du bulbe et
moelle cervicale, œdème considérable du tissu cellulaire sous-cu-
tané qui environne l'orbite, et de l'orbite des paupières ; cornées
iiaines.
Oq voit qtie, dans cette expérience, aux altérations pulmonaires
se sont jointes des altérations curieuses du côté des yeux. Celles-ci
ont parfois acquis une beaucoup plus grande intensité.
Exp. XV. — Chien du poids de 17 livres. Température, 38", 8.
Injection dans l'estomac de 3 grammes d'acide phénique dans
90 grammes d'eau, le 27 mai, 4 heures 40 minutes.
Après trois minutes, tremblement; après cinq minutes, le chien
tombe sur le train postérieur, et ne peut bientôt plus se relever.
Après dix minut<^s, il est couché sur le flanc; ses muscles sont
agités de convulsions cloniques générales. Après trois heures, il est
dans le même état. Après quatre heures, les convulsions diminuent
d'intensité, la respiration est plus facile; il revient manifestement.
Un peu plus tard, il soulève la tète, se soutient sur le train antérieui'
un instant, mais retombe aussitôt. L'animal est revu le lendemain :
il est abattu et triste. 40 respirations, 144 pulsations à la minute ;
température, 39°, 05. 11 y a une injection très-forte de la conjonctive
oculo-palpébralc, et un fcdème des paupières des deux côtés; les
cornées sont ternes.
Le 29 mai, il y a 50 respirations, 180 pulsations et 39", 2 dans le
rectum. Même état des yeux, mais plus avancé; cornées opaques.
Mort dans la nuit du 30 mai. A l'autopsie, on constate que la plèvre
est le siège d'une inflammation avec pseudo-membrane, et que le
lobe postérieur du poumon gauche correspondant est hépatisé.
Exp. XVL — Chien d'un an. du poids de 15 livres.
Le 30 avril 1869, onze heures, on injecte dans l'estomac 3 gram-
mes d'acide phénique cristallisé, dans 90 grammes d'eau.
Quelques minutes après l'injection, les convulsions cloniques gé-
nérales commencent, et, après huit minutes, l'animal est couché sur
le flanc sans pouvoir plus se relever. Il est en proie à des secousses
musculaires incessantes, occupant les divers muscles de la face, des
yeux, du tronc, des membres et du larynx (cris convulsifs). Pupilles
moyennement dilatées. Après une heure, les convulsions cloniques
sont toujours aussi violentes. La température rectale e^t de 3C°,1
i^SOo avant l'expérience) . On constate, d'une façon tres-nette, la per-
MÉM. 1870 7
S2
sistunce de la scnsibilitù au pincement de la patte ou de la queue,
chaque pincement exagérant l'état convulsif, et arrachant souvent
un cri à l'animal. Pupilles très-légèrement dilatées après deux
heures. Les convulsions cloniques existent toujours; cependant l'a-
nimal reprend de la force; il peut se tenir sur les pattes.
Après trois heures, il est remis. Il a un vomissement bientôt
suivi de deux autres.
Les jours suivants l'animal refuse la nourriture, il reste presque
constamment couché. Le 4 mai, il est toujours malade, triste, abattu.
Il y a de la fièvre; la respiration est très-fréquente. Le 5 mai, les
yeux qui étaient déjà chassieux, sont pris d'ophthalmie purulente :
la vue est perdue, il y a une fonte purulente des deux cornées; lu
sensibilité de la cornée est néanmoins conservée des deux côtés. Il
y a toujours beaucoup de fièvre. On compte 80 respirations à la
minute. On entend, à l'auscultation, des râles fins des deux côtés de
la poitrine.
Le 6 mai au soir, l'animal est presque mourant.
On le trouve mort le 7. On fait l'autopsie à 8 heures du matin.
Il n'y a pas de rigidité cadavérique. Les viscères sont encore
chauds. Foie, sain; pas de sucre. Reins, sains. Estomac, sain; pas
d'injection vasculaire ni d'ulcération. Cœur, caillots récents dans les
cavités. Poumons, hépatisation des deux poumons, à part un lobe
supérieur du poumon droit, lequel est très-congestionné.
Dans les expériences que nous venons de citer, nous voyons les
animaux mourir du troisième au quatrième jour après la phénica-
tion, après avoir présenté des ophthalmies purulentes; et à l'au-
topsie nous trouvons des lésions plus ou moins avancées de la pneu-
monie.
Quels rapports y a-t-il entre ces lésions et l'intoxication par l'a-
cide phénique ? Doit-on voir là une simple coïncidence, ou bien au
contraire doit-on regarder ces lésions comme une suite plus ou
moins rare de l'empoisonnement par l'acide phénique?
C'est la dernière hypothèse que nous adoptons. Ces lésions pul-
monaires se sont, en effet, présentées plusieurs fois à notre obser-
vation, et les animaux qui les ont offertes étaient parfaitement bien
portants avant le jour de laphénication. Dans tous les cas, l'injection
de l'acide phénique dans l'estomac n'a présenté aucune difficulté,
et l'on ne peut pas dire qu'une partie de la solution, ayant été in-
troduite dans les voies aériennes, aurait amené consécutivement
83
ces lésions puliiiùiiaires. Nous admettons donc, comme une ?uite
assez fréquente de l'empoisonnement par l'acide phénique, l'inflam-
mation du poumon, et comme une suite assez rare la kérato-cou-
jonctivite purulente, sans pouvoir expliquer le mode de génération
de cette dernière lésion.
Quant aux pneumonies, la première idée qui se présente est
qu'elles sont dues à l'élimination par les poumons de l'acide phé-
nique. Si telle en était la cause, il semblerait qu'on dût la produire
presque infailliblement en faisant respirer à des animaux de l'air
chargé de vapeurs d'acide phénique. Or, en plaçant des rats sous
des cloches que traversait un courant d'air qui avait barboté dans
de l'acide phénique pur et liquide, nous n'avons jamais pu les re-
produire, ni même amener l'intoxication phénique.
Malgré ces résultats négatifs, nous croyons que l'explication qui
précède doit être considérée comme satisfaisante.
IV
L'un de nous (1) a montré,' il y a quelques années, que l'acide phé-
nique, lorsqu'il est agité en très-petite proportion avec une solution
de curare et de chlorhydrate de strychnine, sépare de ces solutions
la matière toxique; celle-ci se met en granulations très-finos que
l'on peut séparer par le filtre. Le même effet se produit avec la di-
gitaline et le chlorhydrate de codéine, mais non avec les sels sem-
blables de morphine et de narcéine. On obtient encore le même
résultat lorsque le poison est mélangé à du sang ou même à des
matières en putréfaction.
Citons, comme exemple, l'expérience suivante :
Exp. XVir. — Dans 100 grammes de sang poum, puis additionné
d'eau, cuit et filtré, on fait dissoudre 3 grammes de strychnine à l'aide
d'une goutte d'acide nitrique. Quelques gouttes de ce mélange tuent
rapidement une grenouille.
On agite après avoir ajouté trois gouttes d'acide phénique : il se
produit aussitôt une émulsion qui ne peut, malgré de nombreux fil-
trages, devenir tout à fait transparente.
Cependant, après une dizaine de filtrages, on agite le liquide avec
de l'éther, à trois i-eprises pour dissoudre l'acide phénique ; puis on
décante et fait bouillir pour chasser tout l'éther.
(I) V. Compte RENDU boc. di.-; biologie, pour l'année 1865, p. 155.
84
Une grande quantité (2 grammes au moins) de ce liquide nocca-
sionnc aucun accident à une forte grenouille. On lave le premier
filtre dans l'eau bouillante ; on agite à deux fois avec de l'éther et on
décante.
Quatre heui'es après la tentative inutile d'empoisonnement, on in-
jecte sous la peau de la grenouille quelques gouttes du liquide dé-
cante : convulsions après trois minutes, mort en sept ou huit.
Tout le poison était donc resté sur le filtre.
Il y a évidemment là pour la médecine légale, et peut-être même
pour l'industrie, un procédé de recherches de certains poisons qui
mériterait d'être étudié par les hommes compétents. Mais ces faits
intéressent d'une autre manière les physiologistes.
En effet, la solution toxique ainsi additionnée d'un peu d'acide
phonique peut être à peu près impunément injectée sous la peau
■k'S animaux ; cette absence d'action est due à la présence de l'acide,
qui ralentit l'absorption en coagulant les matières albuminoï les
environnantes. Si, en effet, on l'enlève en employant Féther, la li-
i[ueur reprend toute sa puissance toxique.
On pouvait se demander si, en faisant arriver simultanément dans
le sang, mais par des voies différentes, le poison et l'acide phénique,
celui-ci, agissant sur celui-là, en empOcherait l'action. Nous avons
fait sur ce sujet un assez grand nombre d'expériences qui nous ont
montré que les choses ne se passent pas ainsi; l'empoisonnement,
a la suite d injections sous-cutanées, a lieu aux doses liabiluelles,
malgré remploi de l'acide phénique en solution dans l'estomac. Il
est probable que la dose qui devrait pénétrer dans le sang pour
annihiler l'effet du poison (en admettant que ceci puisse avoir lieu),
serait plus que suflisante pour tuer elle-même l'animal.
Nous croyons enfin devoir rapporter ici le récit d'expériences que
lit autrefois l'un de nous, dans le laboratoire de M. Cl. Bernard, à
L'époque oîi M. Davaiiie découvrit dans le sang de rate la présence des
nactéiidies. L'idée d'employer contre cette maladie l'acide phé-
nique, ce poison si redouté des organismes inférieurs, devait venir
naiurelleaieui à l'esprit. L'expérience fut faite de la manière sui-
vante (1) :
(l) Voy. Compte be^du Soc. de Biologie pour 1869, p. 61
85^
Exp. XVIII. — Du sang de rate sec, lourni par M. Davaiue, fut
inoculé à un cochon d'Inde. Quarante-huit heures après , l'animal
étant mourant, on inocula à douze lapins, sous la peau du dos, quel-
ques gouttes de son sang, qui fourmillait de bactéridies. Six de ces
lapins avaient absorbé, quelque temps avant l'inoculation, 30 ou 40
centigrammes d'acide phéniquc en dissolution ; trois autres furent
soumis à cette médication aussitôt après l'inoculation. Enfin, les
trois lapins restant no piùrent pas d'acide phonique. Or, les douze
animaux moururent à peu près eu même temps.
Nous ne prétendons pas révoquer eu doute les résultats que disent
avoir obtenu de l'emploi de l'acide phénique dans le traitement des
maladies charbonneuses, des vétérinaires distingués. Nous avons
voulu seulement faire sentir, par le récit d'une expérience que nous
déclarons Bous-mêmes être incomplète et insuffisante, combien il
serait utile de ne pas se contenter d'observations qui prêtent toujours
à la controverse, mais d'instituer dans le laboratoire des expériences
comparatives, qui seules pourraient décider la question. Le temps
nous a manqué jusqu'ici pour réaliser le programme bien simple
que voici : '
Prendre un certain nombre (douze par exemple) de lapins aussi
semblables que possible :
1° En mettre trois pendant quelques jours dans l'état d'intoxication
chronique par de faibles doses d'acide phénique (30 ou 40 centigi-am-
mes) administrées par l'estomac.
2" Donner, une heure avant l'inoculation, à trois autres lapins, une
dose énergique (75 centigrammes) d'acide phénique.
Inoculer alors aux douze lapins du sang charbonneux pris sur un
animal mourant de la maladie (et non du sang desséché, dont l'action
est très-peu sûre).
3° Six heures après, donner aux animaux 2° une forte dose ( 50
centigrammes) d'acide, et ainsi de suite de six en six heures,
4° Toutes les deux heures , donner aux animaux 1° et à trois de
ceux qui n'ont encore rien pris, de petites doses, 10 à 20 centigram-
mes d'acide. ,
5» Laisser intacts les trois derniers lapins , et voir ce qu'il ad-
viendra.
RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS.
La conséquence la plus importante en pratique qui se puisse tirer
des expériences précédentes, c'est la grande puissance toxique de
86
l'acide phonique. 3 ou 4 grammes suffisent, en effet, pour tuer ra-
pidement un chien de grande taille.
Il ne faudrait pas en tirer la conséquence que l'homme ne périrait
qu'avec une dose proportionnée à son poids, c'est-à-dire cinq ou six
fois plus forte. L'un de nous a pu autrefois injecter d'un coup, sans
parvenir à le tuer, 2 grammes de chlorhydrate de morphine dans la
veine jugulaire d'un chien, et le quart de cette dose suffit pour tuer
un homme.
L'acide phénique est donc un poison des plus redoutables, et qu'on
laisse fort inconsidérément entre les mains de tous, à l'état pur où
à l'état de solution. C'est cette dernière forme qui nous parait la
plus dangereuse, parce qu'on délivre également des solutions faibles
pour usage interne, desquelles il n'y a rien à craindre, et des solu-
tions pour usage externe, assez fortes pour qu'une méprise entraîne
de funestes conséquences. Ou peut prédire que la première grande
épidémie qui nous frappera sera signalée par des erreurs de ce
genre. Mais il doit nous suffire d'avoir indiqué ce danger.
Que si maintenant nous cherchons à nous rendre compte, avec la
précision qu'exige la physiologie moderne, du mode d'action de
l'acide phénique sur les animaux vertébrés, nous trouvons qu'il
agit comme la strychnine, sur l'excitabilité de la moelle épinière.
Comme la strychnine, l'acide phénique augmente, au début de
l'empoisonnement, la sensibilité de l'animal, pour la diminuer, l'a-
bolir même, lorsque la période convulsive a épuisé la moelle épi-
nière.
Comme elle, il amène des convulsions dans tout le corps, alors
même que la moelle épinière a été séparée en deux dans la région
dorsale.
Ces convulsions, comme celles de la strychnine, apparaissent spon-
tanément, s'exagèrent à chaque mouvement respiratoire et peuvent
être suscitées par les excitations extérieures.
Comme celles de la strychnine encore, elles sont arrêtées par le
chloroforme, le chloral, Téther, par le curare, par la section d'un
nerf muteur dans la région animée par ce nerf.
Comme elles, elles laissent intactes la contractilité musculaire ei
l'excitabilité nerveuse, surtout dans les parties où la section du nerf
moteur a empêché l'épuisement.
87
Gomme elles, elles apparaissent dans le membre lié d'une gre-
nouille, où le poison n'a pu pénétrer, parce que le nerf moteur est
resté en rapport avec la moelle épinière.
Gomme la strychnine, l'acide phénique à très-hautes doses tue
instantanément, presque sans convulsions; ou trouve dans ces cas
les ventricules du cœur arrêtés en diastole.
Dans l'empoisonnement ordinaire, la mort a lieu, par l'acide phé-
nique comme par la strychnine, par épuisement de la puissance
excito-motrice de la moelle épinière. La force des convulsions va en
diminuant, les mouvements respiratoires, les battements du cœur
se ralentissent, la pression cardiaque s'abaisse jusqu'à zéro, et la
scène se termine par un dernier soupir (1).
Mais les convulsions de l'acide phénique diffèrent considérable-
ment d'apparence d'avec celles de la strychnine. Gelles-ci sont, en
effet, comme chacun sait, toniques, régulières, c'est-à-dire surve-
nant d'ensemble dans le corps tout entier; celles de l'acide phénique
sont au contraire essentiellement cloniques et irrégulières : ce sont
des trépidations qui affectent successivement même les différentes
parties d'un muscle.
La différence la plus remarquable entre la strychnine et l'acide
phénique est présentée par les accidents qui suivent l'administra-
tion de celui-ci et peuvent entraîner la mort. Nous voulons parler
des inflammations pulmonaires et de ces singulières altérations de
l'œil qui les accompagnent souvent.
Les accidents pulmonaires sont-ils dus à l'irritation causée par
l'élimination de l'acide phénique, élimination qui se fait certaine-
ment par cette voie, et y a-t-il là quelque chose de comparable aux
néphrites consécutives à tant d'empoisonnements? Ou bien sont-
ils le résultat d'une action sur lès extrémités soit périphériques,
soit centrales, des nerfs pneumogastriques ? La première hypothèse
nous paraît beaucoup plus vraisemblabe, mais nous avons indiqué
I)lus haut les raisons qui nous forcent à suspendre encore notre
jugement.
Nous signalons aux expérimentateurs et aux pathologistes cette
(1) Voir pour la question du dernier soupir : Leçons sur la physio-
logie de la respiration; par P. Bert, p. 431.
88
relation singulière entre les altérations du pouiuoa et celles des
yeux. Il y a là une sympathie jusqu'ici inexplicable et dont ou doit
pouvoir trouver la trace dans d'autres circonstances.
Disons enfin que l'usage de l'acide phéiiique à dose a??pz forte
pour donner des convulsions a pu être prolongé pendant trois mois
(Exp. X), sans troubles graves, et qu'une certaine accoutumance à
ce poi?on a pu être remarquée : accoutumance bien légèie, puis-
qu'elle ne dépasse pas le double de la dose mortelle, et qu'elle dis-
paraît par une interruption d'un seul jour.
OBSERVATION
POUR SERVIR A L'HISTOIKE
de la
CLAUDICATION INTERMITTENTE
CHEZ L'HOMME
Par le docteur Auguste OLLIVIEK
(Communiffiiée à la Soc. de Biologie le 30 juillet)
1
Les médecins vétérinaires ont signalé depuis longtemps chez le
cheval l'existence d'une maladie qu'ils désignent sous le nom de
boiterie ou de claudication inlermitlente. Cette affection est produite
par une oblitération artérielle qui reconnaît pour cause soit une
oblitération directe de la lumière du vaisseau, soit une compression
extérieure.
Les premiers faits de cette nature ont été rapportés par Bouley
jeune (1) en 1831 et par Goubaux (2) en 1846. Douze ans plus tard,
M. Charcot (3), dans une communication faite à la Société de Biolo-
gie, donna, pour la première fois, une description étendue des si-
(1) Bouley jeune. Académie de médecine, séance du 18 octobre
1831, et Archivks de médecine, 1831. 1'" série, t. XXVII, p. 425.
(2) Goubaux. Mémoires sur les paralysies rfu cheval causées par
Voblitération de r aorte postérieure et de ses division<i terminales; in Re-
cueil DE MÉDECINE VÉTÉRINAIRE PRATIQUE, 1846, 2^ série, t. III,
p. 578.
(3) Charcot. Sur la claudicatioii intermittente observée dans un cas
(V oUilération complète de V une des artères iliaques primitives; in Comp-
tes RENDUS et mémoires DK LA SoClÉTK DE BIOLOGIE. 18.58, 2"*
série, t. XII. p. 225.
90
gnes cliniques et des lésions anatomiques de la claudication inter-
mittente chez l'homme, à propos d'un cas qu'il avait eu l'occasion
d'observer à l'iiôpital de la Charité.
Les auteurs qui depuis se sont occupés des oblitérations des ar-
tères ne signalent chez l'homine rien de semblable à la claudication
intermittente. H. Lebert (1), qui a écrit pour le Traité de pathologie
de Virchow le long chapitre des maladies des vaisseaux, passe com-
plètement ces faits sous silence et ne mentionne même pas le cas de
M. Charcot.
L'histoire du malade que nous soumettons à l'appréciation des
membres de la Société nous paraît être une nouvelle observation de
claudication intermittente , observation dans laquelle on trouve
quelques particularités intéressantes qui ne sont pas signalées dans
le travail de M. Charcot.
Obs. — Le nommé Pierre Tondeur, âgé de 42 ans, imprimeur en
taille-douce, est admis, le 26 février 1870, dans mon service, à l'hô-
pital de la Charité- Annexe (ancien hospice des Incurables), salld
Sainte- Anne, n» 15.
Son père est mort d'un catarrhe pulmonaire à l'âge de 67 ans ; sa
mère vit encore et se porte bien. Il a perdu deux sœurs qui sem-
blent avoir été emportées, jeunes encore, par la phthisie pulmonaire.
Enfin, il lui reste un frère et une sœur qui sont en bonne santé.
Depuis trente ans, cette homme fait le métier d'imprimeur en
taille-douce. Son travail est fort pé lible, mais il n'a jamais souflert
de privations et a toujours habité un logement salubre. Point d'ex-
cès alcooliques, excès vénériens seulement depuis quelques années.
Il est très-nerveux, très-impressionui oie, mais il n'a jamais eu
d'attaques de nerfs. Comme maladies antii'ieures, nous ne trouvons
que plusieurs blennorrhagies qui ont gué l'i. rapidement, un zona du
côté gauche et enfin un chancre induré, contracté en 1866. Ce chan-
cre s'accompagna d'adénopathie bi -inguinale indolente. Le diagnos-
tic fut porté par Follin, qui prescrivit des pilules de protoiodurc de
mercure. Mais ces pilules ne furent point prises. Quatre ou cinq
mois après, apparition de troubles de la vision. Sur ces entrefaites,
le malade fit une chute sur le dos et dut entrer dans un service de
(1) Lebert. Kranktieilen der Blu'-und Ly nphge fasse ; in ViRCHOW's
Haudbuch der spec. Pathol. UNO Thérap., 1867.
l'hôpital Beaujon où on lui dit qu'il avait en même temps un iritis
sjq^bilitique de l'œil droit. Après un séjour de courte durée, il quitta
l'hôpital sans avoir suivi de traitement spécifique. Pendant les deux
années suivantes, néanmoins, il n'eut aucun accident : ni chute do
cheveux, ni maux de gorge, ni éruption à la peau.
Le 16 mai 1868, il ressentit subitement, pendant son dîner, un
froid considérable dans le pied droit, principalement au gros orteil.
Deux heures après, il éprouva dans les mêmes parties de très-
vives douleurs qui persistèrent aussi intenses durant la nuit entière.
Puis il sentit un engourdissement de tout le membre inférieur, mais
sans aucun changement de coloration ni de volume. Le gros orteil
seul devint très-pâle et comme tuméfié. La marche était difficile à
cause de la douleur, et ce ne fut qu'avec beaucoup de peine qu'il
put se traîner jusqu'à l'Hôtel-Dieu, où il fut admis dans une salle de
chirurgie. Là on le traita pour un ongle incarné qu'il avait au pied
gauche et on fit peu attention au gros orteil droit. La douleur dis-
parut le lendemain et le gonflement douze jours après. Sorti de l'hô-
pital après guérison, il reprit son métier ; mais il dut bientôt l'aban-
donner, obligé qu'il était de travailler debout. La douleur revint, et
comme il se croyait atteint de rhumatisme chronique, il alla deman-
der des bains à l'hôpital Saint-Louis. On le fit entrer dans un des
services, et pendant un mois il fut soumis à un traitement qui con-
sista en douches froides et bains de vapeur. Après un court séjour
à Vincennes, il retourna à son imprimerie. A ce moment, il lui était
impossible de marcher plus de deux ou trois minutes sans s'arrêter
par suite des douleurs qu'il ressentait dans le mollet et les malléoles.
Mais tant qu'il restait debout, il ne souflrait pas. La température
exerçait sur lui une grande influence. C'est ainsi que, dui-ant les
temps froids, la jambe devenait douloureuse et glacée, tandis que les
douleurs étaient presque nulles ou du moins supportables par les
temps chauds.
Le malade travailla pendant un an, puis les mômes accidents se
reproduisirent. Il entra alors à l'Hô tel-Dieu dans le service de
M. Gueneau de Mussy. On le traita par l'iodure de potassium, des
bains sulfureux et des douches froides a])pliquées sur les jambes et
les pieds. Il ne put supporter l'électrisation. C'est à cette époque
seulement qu'on s'aperçut que sa jambe droite était atrophiée. En
outre, lorsqu'on le faisait marcher, il commmençait à boiter au bout
de quelques minutes. Le 30 octobre dernier, il quitta l'Hù tel-Dieu
sans avoir obtenu aucune amélioration. Il reprit son métier malgré
les douleurs qu'il ne cessait d'éprouver, jusqu'au moment où celles-
i:i, devenant tiop intenses, il dut se l'aire admettre île iiouvt'Mii à
l'hôpital.
Yoici dans quel état nous le trouvons le 27 février :
Il n'existe aucune différence de coloration entre les deux mem-
bres inférieurs, mais, par la simijle application de la main, on con-
state que les téguments sont moins chauds à droite qu'à gauche. En
outre, le membre inférieur droit est sensiblement atrophié : il me-
sure deux centimètres de moins que le membre gauche ;"i la partie
moyenne de la cuisse et de la jamb(î.
Les mouvements qu'on fait exécuter au malade sont très-précis.
Lorsqu'on lui dit de maintenir ses membres dans l'extension ou la
(lexion, il nous est presque impossible de les fléchir on de les éten-
dre, surtout le membre gauche.
La jambe et le gros orteil gauches sont le siège d'élancements qui
deviennent encore plus accusés lorscpi'on découvre ces parties.
Les différentes modalités de la sensibilité (tact, douleur, tempéra-
ture, chatouillement) paraissent, au premier abord, parfaitement in-
tactes; mais, à un examen plus attentif, on reconnaît qu'elles sont
un peu affaiblies à droite.
La contractilité électrique est à peu près la môme des deux côtés.
Quant à la sensibilité électrique, elle est diminuée du côté droit.
Le malade boite en marchant; il tient la jambe écartée du tronc,
mais ne fauche point. Il peut marcher ainsi pendant sept à huit mi-
nutes feans souffrir, puis il s'arrête tout à coup : il est pris d'une vio-
lente douleur dans le mollet droit et de crampes dans le pied qui so
cambre. Si on vient alors à explorer la température, on constate une
notable différence en faveur du côté gauche.
On ne perçoit plus de battements sur aucune des artères du mem-
bre inférieur droit.
Jamais on n'a pu constater l'existence des battements de l'artère
fémorale, bien qu'ils aient été fréquemment recherchés avec grand
soin.
Le cœur n'est point augmenté de volume et ses bruits sont nor-
maux.
Les artères radiales ne sont point athéromateuses.
Aucun trouble de l'appareil respiratoire ; l'appétit est conservé et
les garde-robes sont régulières.
Le système nerveux et les sens spéciaux ne présentent rien à no-
ler, si ce n'est un rétrécissement notable de la pupille di-oite.
Traitement : lodui-e de potassium, bains sulfureux.
93
Le 15 mars, le malade est pris, en déjeunant, d'un étourdissenienl
après lequel il rend tout ce qu'il venait de manger. Il est à noter que.
depuis plusieurs jours, il se plaignait de maux de tête très-intenses,
surtout la nuit.
On élève la dose quotidienne d'iodurc de potassium ù 2, 3 et même
4 grammes.
Sous l'influence de ce traitement, la céphalalgie diminua peu à
peu, sans disparaître complètement. A plusieurs reprises, elle repa-
rut accompagnée de vertiges. Quant à. l'état du membre inférieur
droit, il n'a pas changé jusqu'à ce jour.
Eq résumé, nous voyons survenir subitement, sans cause pro-
chaine appréciable, une série de symptômes qu'il est difficile de rap-
porter à autre chose qu'à une diminution permanente de la vascula-
risation du membre inférieur droit. L'abaissement de la température
qu'on y constate montre bien qu'il ne reçoit plus la quantité de sang
néces.'^aire à sa nutrition. L'atrophie considérable subie par ce mem-
bre est la conséquence immédiate du défaut de nulritiou dans toutes
ses parties.
Nous avons ailleurs (1) mis en doute l'existence de ratrophie mus-
culaire dans le cours de la clauicdation intermittente par oblitéra-
tion artérielle. En eiïet, nous ne l'avions rencontrée dans aucun des
faits publiés antérieurement. Dans le cas actuel, l'atrophie est bien
manifeste, puisque des mensurations exactes nous ont montré que,
à la jambe et à la cuisse, on constatait une différence de 2 centimètres
on faveur du membre inférieur gauche.
Les phénomènes dus à l'arrêt de la nutrition deviennent encore
plus marqués lorsque le membre est eu activité durant la marche.
On voit alors survenir, comme signes de l'ischémie du membre, des
douleurs violentes dans le mollet, des crampes dans le pied; la diffé-
rence de la température en faveur du côté gauche e.4 plus marquée,
et non-seulement la claudication rend la marche plus dillicile, mais
le malade se voit bientôt forcé de s'arrêter et de s'asseoir. Même à
ce moment, les battements des artères ne peuvent plus être perçus
au doigt sur aucun point du membre.
Tous ces symptômes nous indiquent bien qu'il y a dans la masse
totale du sang du membre inférieur droit une diminution considé-
(l) Des atrophies musculaires. Thèse d'agrégation, Paris, 1869, p, 101,
94
rable, due au défaut de pcrm('abilité de certains points de son arbre
artériel. La localisation du siège primitif de l'oblitération nous pré-
sente, dans ce cas, de grandes difficultés et nous ne pourrions faire à
ce sujet qu'une liypotbèse toute gratuite. Cependant, hâtons-nous
d'ajouter que depuis l'entrée du malade, on a fréquemment exploré
l'artère fémorale et que toujours il a été impossible de constater
l'existence de battements au niveau de ce vaisseau.
II
Depuis longtemps, on a cherché à donner une explication satis-
faisante des singuliers phénomènes que peut provoquer l'oblitéra-
tion artérielle. Dans un article sur Vartérite, M. H. Bouley (1) a voulu
les expliquer par l'insuffisance de la quantité de sang qui afflue vers
les muscles quand ceux-ci sont en activité, ce qui les rend impro-
pres à remplir leurs fonctions.
« Mais les muscles, dit M. Bouley, ne demandent pas pour fonc-
tionner une même quantité de sang à tous les temps de leur action.
L'artère imparfaitement oblitérée, ou les voies anastomotiques adja-
centes peuvent leur en envoyer une quantité qui suffise pour l'en-
tretien de leur activité, alors que le corps est seulement en équi-
libre sur ses colonnes de soutien, ou mis à une allure lente, et qui
deviendra complètement insuffisante lorsque les muscles seront
sollicités à des contractions plus intenses et plus répétées, comme
celles que nécessitent des allures plus rapides. Dans ces cas, l'iner-
tie musculaire se manifeste d'une manière intermittente : au repos
et pendant les allures lentes et peu prolongées, les membres dont
les artères sont malades remplissent encore assez bien leurs fonc-
tions, comme colonnes de soutien ou comme agents d'impulsion;
mais la marche vient-elle à être activée, peu de temps se passe
avant que se manifestent des désordres dans la locomotion, carac-
térisés d'abord par raffaiblissemeat crois^ant de l'action musculaire
dans les membres dont l'artère est malade, et puis, en dernier lieu,
par l'inertie complète de ces membres ; d'où résulte presque fatale-
(1) H. Bouley. Article Ariérite; in Nouveau dictionnaire de mé-
decine, DE CHIRURGIE ET d'hygiènk VÉTÉRINAIRES. Paris, 1856,
t. n, p. 60.
95
ment la chute du coips sur le sol, qui y reste étendu jusqu'à ce que
la circulation générale se soit ralentie et que les muscles frappés
d'inertie momentanée, aient récupéré par le repos leur excita-
bilité. ))
M. Gharcot(l), s'appuyant sur des données semblables, les a appli-
quées au malade qui fait le sujet de son intéressant travail. Pour
cet auteur, en effet, tous les phénomènes qu'on observe sont sous
la dépendance de l'ischémie qui survient dans les divers tissus, et
en particulier dans les muscles du membre malade. Lorsque les
muscles fonctionnent, les actes chimiques de leur nutrition s'exé-
cutent avec bien plus d'énergie que pendant le repos. Or, dans
ces cas, la quantité du sang qui apporte les matériaux nutritifs
ne suffit plus et les muscles subissent des modifications qui leur
font perdre, au bout d'un certain temps, leur irritabilité.
Nous admettons entièrement cette théorie qui donne une exphca-
tion claire et nette des phénomènes qu'on observe dans la claudica-
tion intermittente.
111
A quelle cause faut-il attribuer l'oblitération des artères, dans le
cas que nous venons de rapporter?
Tout d'abord, excluons la possibilité d'un anévrysme comme dans
l'observation de M. Charcot, ou d'une tumeur développée sur le tra-
jet d'une artère. Rien ne saurait justifier une semblable supposition.
Pouvons-nous songer à une embolie? Le début subit des acci-
dents appelle une hypothèse de ce genre. Mais c'est en vaia que
nous avons cherché l'existence d'une source embolique sur un point
lie l'arbre artériel; en outre, le cœur est sain, ses battements et ses
bruits sont parfaitement normaux.
Une altération athéromateuse des artères ne saurait non plus être
mise en cause. Il s'agit, en effet, d'un homme vigoureux, à peine
âgé de 42 ans, nullement alcoolique, et chez lequel on ne trouve
aucune trace de dégénérescence artérielle.
Serait-ce une trombose? Cette hypothèse supposerait une altéra-
tion primitive des parois artérielles ou une modification profonde
(1) Charcot, loc, cil.
96
dans la cumpusitiou du liquide sanguiu. Mais uotre malade parais-
sait être en bonne santé au moment où l'accident est survenu.
Cependant il est un point dans l'histoire de cet homme qui n'est
peut-être pas sans quelque importance : c'est l'existence d'une
maladie syphilitique remonlaiit à plus de quatre ans. Y aurait il
là un rapport de cause à eiïet? Cela est possible, mais nous n'osons
l'aflirmer. Pour être en droit d'établir une corrélation entre ces deux
ordres de faits, — infection syphilitique et oblitération artérielle,—
de nouvelles observations nous semblent encore nécessaires.
NOTE
SUR UNE COLORATION PARTICULIÈRE
DE LA PEAU
CHEZ LES POLISSEUSES SUR ARGENT
POUVANT CCNSTITUEU UN SIGNE d'IDENTITÉ
'immuniquce à la Société do Biologie, le 39 octobre ^870,
PAR
M. le D' Âagnste OLLITIEH.
(Voy. plancho IV.)
I
L'étude des modifications produites sur le corps humain par
Texercice des différentes professions manuelles, a enrichi la méde-
cine légale de données très-importantes. En etîet, le maniement
longtemps répété d'un même instrument ou d'une même prépara-
tion chimique détermine sur certaines parties des lésions qui peu-
vent servir, dans un moment donné, à reconnaître la profession
à laquelle se livrait un individu, et fournir ainsi un renseigne-
ment précieux sur son idendité. C'est M. Devergie (1) et surtout le
(1) Devergie, Traité de médecme légale^ 1840, 2« édit. T. II, p. 535.
MÉM. 187U 8
98
professeur TarJieu (1) qui nous ont, les premiers, appris à connaître
ces faits et à en tirer les conséquences qu'ils comportent. Plus tard,
M. Vernois (2), résumant ce qui avait été publié avant lui et appor-
tant de nouvelles recherches, a contribué puissamment à élucider
les questions d'idenditô relatives aux professions. Les observations
de ce médecin ont porté sur plus de cent cinquante industries. Ce-
pendant tout n'a pas été dit sur ce sujet intéressant, et il reste
encore à indiquer bien des signes dont le médecin légiste pourrait
tirer grand profit.
II
Le fait suivant, que nous avons l'honneur de présenter à la So-
ciété, montre que, chez les polisseuses sur argent, il peut survenir à
la longue, sur certaines parties du corps, des changements dans la
coloration de la peau, changements qui nous semblent particuliers
à cette profession et méritent à ce titre d'être signalés.
Obs. — La nommée H.... Marguerite, âgée de 72 ans, est admise,
le 27 mars 1870, à l'annexe-Charité, salle Saint- Joseph, n^ 16,
Cette femme n'a jamais eu de maladies sérieuses, bien qu'elle eût
toujours vécu dans de mauvaises conditions hygiéniques et souvent
même au milieu de grandes privations. Elle a eu huit enfants qui
sont tous morts en bas âge.
Depuis cinquante ans elle fait le métier de polisseuse sur argent.
La maladie qui l'amène à l'hôpital est un catarrhe pulmonaire, da-
tant de plusieurs années et présentant en ce moment des symptômes
aigus. Nous constatons, en effet, des râles muqueux disséminés
dans les deux poumons. Sous l'influence du kei'mès et des sulfu-
reux, la sécrétion bronchique diminua graduellement, et, lorsque la
malade quitta l'hôpital, l'état des voies respiratoires était très-satis-
faisant.
Mais là ne résidait point l'intérêt qu'offrait cette malade. Lors de
(1) A, Tardieu, Mémoire sur les modifications physiques et chimiques
que détermine, dans certaines parties du corps, V exercice des diverses
professions, pour servir à la recherche médico-légale de l'idendité, in
Annales d'hygiène et de médecine légale, 1849. T. XLII, p. 388
et 1850. T. XLIII, p. 131.
(2) Vernois, De la main des ouvriers et des artisans au point de vue
de Vhygiène et de la médecine légale, in Ann. d'hyg. ET DE MÉd. LÉg.,
1862, 2e série. ï. XVII, p. 104.
99
son examen un fait attira vivement notre attention : c'était une colo-
ration d'un bleu pâle et sale de la face et des avant-bras.
A la face, cette coloration est uniformément répandue, mais elle
est moins prononcée sur les points les plus saillants, les pommettes,
le menton, les arcades sourcillières. Les cheveux voisins du front
sont encore noirs, tandis que ceux de l'occiput sont tout à fait gris.
> Aux avant-bras, la coloration bleue n'a pas les mêmes caractères
qu'à la face : elle se présente sous forme de petites taches, extrême-
ment nombreuses, dont quelques-unes atteignent un à deux millimè-
tres de diamètre. Elle est bien plus prononcée sur l'avant-bras
gauche, surtout vers son bord interne. (Voy. pi. IV, fig. 1.) C'est en
effet ce bord qui repose sur la table recouverte de poussière métal-
lique pendant l'opération du polissage. Sur la face antérieure de
l'avant-bras droit, non loin de l'articulation radio-carpienne, il existe,
indépendamment d'an pointillé très-fin, quatre ou cinq taches bleuâ-
tres d'une largeur de deux millimètres, (Voy. pi. IV, fig, 2.)
L'intérieur de la bouche n'offre rien de particulier à signaler : il
n'y a point de liseré gingival au niveau des dents qui subsistent en-
core. Des lavages faits à diverses reprises, tant sur la face qu'aux
avant-bras, d'abord avec du savon, puis avec de l'acide azotique
étendu d'eau, n'amenèrent aucun changement dans la coloration
bleue des téguments.
Il est à noter, d'après les renseignements fournis par notre ma-
lade, que plusieurs ouvrières, qui travaillaient depuis longtemps dans
le même atelier, présentaient cette même coloration de la face, des
mains et des avant-bras.
III
Il était bien difficile de confondre cette coloration bleuâtre de la
peau avec celle que l'on observe quelquefois chez les personnes qui
ont absorbé une certaine quantité de sels d'argent. Et cependant on
devait se demander si l'on n'avait pas affaire à un cas de ce genre,
parce que la malade, constamment exposée aux poussières d'argent,
pouvait en absorber par la bouche. Mais si, à la face, la coloration
bleuâtre était uniformément répandue, elle y était plus accusée au
niveau des rides, des dépressions, c'est-à-dire dans les points où les
poussières se fixaient le plus facilement. D'un autre côté, on ne re-
trouvait ni les taches brunâtres de la muqueuse buccale, ni le liseré
gingival, si communs dans l'argyrie. Enfin, le siège particulier de
la coloration aux avant-bras, la forme que celle-ci présentait, indi-
quaient nettement son origine et son mode de production.
100
En recherchant ce qui a été écrit sur la coloration de la peau chez
les ouvriers occupés au polissage ou au brunissage des métaux,
nous n'avons rien trouvé qui ressemblât à ce que nous avons ob-
servé chez notre malade.
Les brunisseuses en cuivre, dit M. Tardieu (1), ont à la main droite
toute la face palmaire calleuse et noircie. M. Vernois (2) donne pour
ce métier les signes suivants : « callosités de moyenne intensité à
la face interne de la main droite, dans tous les points devenus sail-
lants pendant la flexion totale, avec apparence noirâtre de ces par-
ties; état sain, lisse et blanc des points placés entre les plis pen-
dant l'extension de la main. » Il n'y a là, comme on le voit, rien de
semblable à la coloration d'un bleu sale que nous avons constatée
chez la femme qui fait l'objet de cette communication.
Cette incrustation de la poussière d'argent dans l'épaisseur de la
peau, à la suite d'un contact longtemps répété, peut donc constituer
un signe important d'identité et permettre au médecin légiste d'ar-
river, dans certains cas, à la découverte de la vérité.
(1) Tardieu. Mémoire cité (Ann. d'hyg. et de méd. lég,, 1849,
t. XLII, p. 399).
(2) Vernois. Loc. cit., p. 116.
NOTE
SUR LA PATHOGENIE
DE
L'ALBUMINURIE PUERPÉRALE
Communiquée à la Société de Biologie, le 34 décembre <870,
PAR
LE D' Auguste OLLIVIER.
I
L'époque précise du début de l'albuminurie dans le cours de la
grossesse est difficile à détermwier ; on comprend sans peine, du
reste, qu'il en soit ainsi. D'un côté, les femmes enceintes ne sont
généralement admises dans les services hospitaliers qu'au moment
du travail ou peu de temps auparavant; d'un autre côté, lorsque la
marche de la grossesse est régulière, s'il ne survient aucun symp-
tôme particulier, [capable d'éveiller l'attention, l'examen des urines
n'est ordinairement pratiqué qu'à des intervalles assez éloignés;
de telle sorte que le début de l'albuminurie peut facilement échap-
per à l'attention des observateurs.
Le passage de l'aUbumine dans les urines est cependant un acci-
102
dent assez fréquent de la grossesse, puisque, sur 205 femmes en-
ceintes, M. Blot l'a observé 41 fois (1).
L'examen suivi des urines a pu cependant être fait dans un cer-
tain nombre de cas. Il a permis de constater que l'albuminurie des
femmes enceintes peut parfois apparaître de très-bonne heure.
Il existe déjà dans la science plusieurs observations d'albuminu-
rie puerpérale précoce. D'après Cazeaux (2), M. Bach (de Strasbourg)
l'aurait observée six semaines après le début de la grossesse. Cet
auteur dit l'avoir vue lui-même à quatre mois chez une primipare
qui accoucha deux mois plus tard d'un enfant mort-né, et qui, dix-
huit mois après sa délivrance, présentait encore des traces d'albu-
mine dans son urine, bien que tout œdème ait disparu depuis six
mois. M. Cahen (3) rapporte dans sa thèse une observation dans la-
quelle l'albuminurie a débuté au cinquième mois.
En 1865, j'eus l'occasion d'observer, à l'Hôtel-Dieu, le passage de
l'albumine dans les urines, dès le troisième mois de la grossesse
chez une primipare, âgée de 27 ans. Il ne survint aucun accident et
l'accouchement fut régulier et facile, malgré la persistance de l'al-
bum.inurie. Mais la délivrance n'amena point la guérison de cette
femme; il se déclara plus tard de la bouffissure de la face, puis un
œdème généralisé, et vingt mois après son accouchement, elle suc-
combait avec tous les symptômes de la maladie de Bright arrivée à
sa dernière période. L'autopsie n'a pu être faite. Néanmoins, il ne
saurait s'élever aucun doute sur l'exactitude du diagnostic, en rai-
son des phénomènes observés durant la vie et de l'état des urines
(1) Blot (Hippolytc). De l'albuminurie chez les femmes enceintes; ses
rapports avec V èclampsie, son influence sur l'hémorrhagie utérine après
l'accouchement. Th. de doct. Paris, 1849, p. 22.
Les chiffres donnés par M. Blot ont été contestés plus tard (Wic-
gor, Recherches sur réclampsie uroémiqiie .ïn Gaz.méd. de Strasbourg,
1854, t. XIV, p. 292. Je dois cependant ajouter que, d'après mes
propres recherches sur ce sujet, les chiffres de M. Blot ne me pa-
l'aissent pas exagérés.
(2) Cazeaux. Ti-aité théorique et pratique de Vart des accouchements.
7e édition, revue et annotée par Tarnier. Paris, 18G7, p. 491.
(3) Calicn (]Maycr). De lu néphrite ulbumimuse chez les femmes en-
ceintes.Th.. de doct. Paris, 184G, p. 15.
103
qui nous présentèrent constamment au microscope des cylindres
hyalins en assez grand nombre.
11 n'entre point dans mes intentions de retracer ici l'histoire de
l'albuminurie puerpérale qui a déjà fait l'objet de si nombreux tra-
vaux. Je désire seulement présenter quelques observations sur les
caractères spéciaux que peut revêtir cette albuminurie dans un cer-
tain nombre de cas. Habituellement l'albuminurie, après avoir ac-
compagné la grossesse jusqu'à la délivrance, disparaît peu de temps
après sans laisser de traces; dans ces conditions, il ne s'agit évi-
demment que d'une albuminurie passagère, accidentelle. Mais il n'en
est pas toujours ainsi : l'albuminurie peut persister, passer à l'état
chronique et constituer la véritable maladie deBright. L'observation
que je viens de rapporter en est une preuve évidente. Cette opinion,
combattue par plusieurs auteurs, a été défendue, à peu près en
même temps, par MM. Leudet (1) et Imbert-Gourbeyre (2), qui ont
apporté à son appui des faits parfaitement concluants.
D'après Roberts (3), sur 6,220 personnes qui ont succombé à la
maladie de Brigbt, en Angleterre, de 1857 à 1861, il y avait
3,699 hommes et 2,521 femmes. La proportion relative entre les deux
sexes, pour tous les âges, était donc de 60 femmes pour 100 hommes.
Mais, dans la période de la vie où la grossesse est possible (de 20 à
45 ans), la mortalité des femmes était bien supérieure à cette pro-
portion : elle était de 80 femmes pour 100 hommes. La seule conclu-
sioD, ajoute Roberts, que l'on puisse tirer d'une telle statistique,
c'est que l'état puerpéral est une cause puissante — a py-olific cause
— de maladie deBright. On doit donc, aujourd'hui, faire entrer en
ligne l'état puerpéral dans l'étiologie de cette affection.
II
11 est un autre point très-important sur lequel je désire appeler
l'attention : je veux parler de la pathogénie de l'albuminurie puer-
pérale.
(1) Leudet. Mémoire sur la néphrite albumineuse consécutive à l'al-
buminurie des femmes grosses. In Gaz. hebd., 1854, t. I^r, p. 456 et 504-
(2) Tmbert. Gourbeyre. De l'albuminurie puerpérale et de ses rapports
avec l'éclampsie. In Mém. DE l'Acâd. de méd., 1856, t. XX, p. 1.
(3) Roberts. A practical treatise on nrinary and rénal disease, etc.,
1865, p. 289.
104
Cette question si controversée peut, à mon avis, être élucidée par
les faits que j'ai mentionnés quelques lignes plus haut.
Diverses théories, comme on sait, ont été proposées pour expli-
quer l'albuminurie des femmes enceintes (1). Toutes peuvent, en
somme, se résumer en deux principales.
Dans la première, on a admis que la gêne apportée par le dévelop-
pement du fœtus à la circulation veineuse des reins amenait une
augmentation de tension, et, par suite, à travers ces organes, une
filtration exagérée du sérum du sang, entraînant l'albumine. L'al-
buminurie serait donc la conséquence d'une hypérémie rénale pas-
sive (Lever (2), etc.) . Mais la possibilité d'une compression quelconque
exercée par l'utérus gravide tombe nécessairement dans les cas
dont il vient d'être question. L'albumine apparut dans les urines
dès les premiers mois de la grossesse. — Du reste cette théorie,
si plausible à première vue, ne soutient pas l'examen, même quand
il s'agit d'une grossesse de sept à huit mois ; en effet, si l'hypothèse
de la compression était fondée, on devrait très-fréquemment, sinon
toujours, constater de l'albuminurie dès cette époque. D'un autre
côté, comment se fait-il qu'on n'observe pas le même phénomène
avec ces tumeurs abdominales énormes qui sont capables d'exercer
une action mécanique tout au moins égale à celle de l'utérus gravide ?
M. le professeur Gubler (3) a victorieusement réfuté la théorie
de la compression mécanique. Aussi ue saurions-nous mieux faire
que de citer le passage suivant, pour en finir avec cette théorie :
« Quant au refoulement excentrique exercé par le globe utérin, je
remarque que portant à la fois sur tous les points de la paroi du
ventre et des coussins élastiques, représentés par la masse intesti-
nale, cette pression se ferait obstacle à elle-même en réduisant les
(1) Litzmann, Die Krankheit vnd die Eclampsie der ScJnvangeren,
Gebœrenden und Wœclmerinnen, in Deutsche Klinick, 1852, t. IV,
p. 209, a signalé une variété d'albuminurie puerpérale qui n'a rien de
commun avec celle que nous étudions et qui reconnaît pour cause
ime irritation catarrhale ou blennhorrcc de la vessie. Cet auteur ne
l'a guère observée que chez les femmes en couches.
(2) Lever. Case of puerpéral convulsions with remarks. Li Guy's HOS-
riTAL REPORTS, 1843, p. 405.
(3) A. Gubler. Article albuminurie in DlCT. ENCYCLOP. DES SC. MÉD.,
1865, t. II, p. 472-473.
105
parenchymes en même temps que le calibre des canaux veineux.
De plus, ceux-ci, placés en arrière, dans un enfoncement, et proté-
gés par la saillie de la colonne vertébrale, ressentiraient moins que
d'autres organes les effets de cette compression.
« D'ailleurs si le refoulement des intestins par la tumeur hypo-
gastrique, en déterminant un obstacle à la circulation en retour,
devient cause d'albuminurie, ce trouble fonctionnel doit être pro-
portionnel au développement de l'utérus, et doit se produire de
même par le fait de la présence d'un kyste ovarique ayant atteint,
en quelques mois, des dimensions comparables à celles de l'utérus
gravide. Or, d'une part, les femmes affectées d'bydramnios, ne sont
pas plus exposées que d'autres à l'albuminurie et à ses consé-
quences ; d'autre part, les ascites et les hydropisies enkystées de
l'ovaire ne déterminent pas le passage de l'albumine dans l'urine. »
Une autre théorie, plus généralement acceptée, est celle qui fait
dépendre l'albuminurie d'une altération dans la composition du
sang. La grossesse est en effet l'un des états dans lesquels ce liquide
subit les modifications les plus importantes. Parmi ces modifications,
il en est une, la diminution de l'albumine, à laquelle on a fait jouer
un grand rôle. Cette diminution de l'albumine, signalée pour la pre-
mière fois par Becquerel et Rodier (I), a été bien étudiée, quelques
années plus tard, par MM. Devilliers et J. Regnauld (2). On sait que
pour 1,000 parties de sang la quantité normale de l'albumine est
en moyenne de 70. Ces observateurs ont trouvé que, pour les sept
premiers mois de la grossesse, la moyenne donne 68,6 pour le chiffre
de l'albumine ; mais, dans les derniers mois, la diminution est bien
plus frappante, puisque ce chiffre tomba dans dix analyses à 66,4.
Comme on le voit, la décroissance de l'albumine est surtout appa-
rente dans les derniers mois de la grossesse. Il est donc difficile
d'expliquer par là les albuminuries précoces, survenant dès les pre«
miers mois de la grossesse.
(1) Becquerel et Rodier. Recherches sur les altérations du sang.
Paris, 1844.
(2) Jules Pv,egnauld. Des modifications de quelques fluides de Vêcono-
mie 'pendant la grossesse. Th. de doct. Paris, 1847. — Devilliers fils et
J. Ptegnauld. Recherches sur les hydropisies des femmes enceintes. In
Argh. gén. de MéD-, 1848, 1« série, t. XVII, p. 312.
^*V "*'•'*' /-v/
106
M. Gubler, s'appuyant C-galement sur les changements que subit
la composition du liquide sanguin, a proposé une autre explication
de l'albuminurie puerpérale : « Pendant la grossesse, dit le savant
professeur, le sang de la mère doit fournir au fœtus les matériaux
de sa nutrition, mais seulement sous une forme soluble et diffusible,
puisqu'il n'y a pas d'inosculation entre les vaisseaux des cotylédons
fœtaux et maternels. Ce sont, en conséquence, les diverses modifi-
cations de l'albumine qui sont appelées à nourrir le nouvel être, et
pendant ce temps-là l'organisme maternel doit pourvoir à une double
dépense. Par une ingestion plus copieuse, par une économie plus
stricte des éléments protéiques, ou bien par ces deux causes réunies,
il faut qu'une plus grande quantité de ces matériaux se trouve à
chaque instant disponible.
« Il suffit, par exemple, qu'en vertu d'un simple changement dans
le mode de combustion respiratoire les substances ternaires, venues
du dehors, soient seules brûlées, et que les matières albuminoïdes,
échappant à Faction catalytique du foie comme à la combustion di-
recte dans les capillaires artériels, soient complètement réservées
pour le rôle d'aliment plastique. Or, dans ce mode nouveau de fonc-
tionnement, une économie mal réglée ou novice et s'essayant pour
la première fois, peut aller au delà du but, et l'albumine devenir ex-
cessive relativement aux besoins des deux organismes greffés l'un
sur l'autre. La chose est même d'autant plus facile, que l'albumine
qui a traversé le corps du fœtus, sans être employée à son dévelop-
pement, revient incomburée, puisque la respiration n'est pas encore
établie chez ce dernier, dont l'urine contient normalement de l'albu-
mine, comme celle des batraciens, et ne renferme jamais d'urée. De
plus cette albumine intacte, rentrée en presque totalité dans la cir-
culation de la mère, attendu que la sécrétion rénale, sans issue au
dehors, est presque nulle durant la vie intra-utérine.
« L'albuminurie chez la femme enceinte implique, d'après cette
manière de voir, une production excessive des substances albumi-
noïdes eu égard aux besoins des deux organismes. Mais tantôt c'est
la mère qui fabrique trop, tantôt c'est le fœtus qui ne consomme pas
assez; d'autres fois les deux circonstances concourent au résultat.
Si les produits naissent avec les dimensions et le poids ordinaires,
on doit eu conclure que l'albuminurie provenait du désordre de
l'organisme maternel. Si une mère albuminurique donne le jour à
107
un enfant exigu et malingre, il y a lieu d'accuser l'insuffisance de ce
dernier d'avoir occasionné la superalbuminose sanguine et la filtra-
tion albumineuse par les urines (1). »
Si cette manière de voir répondait réellement aux faits, l'albumi-
nurie devrait être un épipbénomône fréquent, sinon presque con-
stant, de la grossesse. Mais on sait qu'il n'en est pas tout à fait ainsi.
On ne pourrait non plus expliquer le passage de l'albumine dans les
urines dès les premiers mois de la grossesse, alors que les dépenses
occasionnées par la nutrition du fœtus sont encore peu considéra-
bles. Enfin — et cette objection s'applique également à l'hypothèse
de l'hypoalbuminose — comment se rendre compte de la cesssation,
quelquefois si rapide, de l'albuminurie après l'accouchement? Il fau-
drait, dans ce cas, admettre qu'une aussi profonde altération du
sang peut disparaître presque instantanément. Or cela ne parait
guère vraisemblable.
Aussi quelque séduisante, quelque ingénieuse que soit la théorie
de l'albuminurie puerpérale donnée par M. Gubler, croyons-nous de-
voir lui préférer une autre explication, basée sur des faits physiolo-
giques bien connus, et pouvant s'appliquer à beaucoup d'autres états
pathologiques développés également sous l'influence de la grossesse.
On sait combien sont fréquents les phénomènes sympathiques ou
réflexes qu'on observe chez les femmes enceintes. La présence du
fœtus dans la cavité utérine détermine, par action réflexe, des trou-
bles de circulation, de nutrition, des modifications de structure dans
un grand nombre d'organes. De là des états pathologiques variés,
dont les uns apparaissent très-fréquemment, d'une manière régu-
lière pour ainsi dire, tandis que d'autres ne se montrent que d'une
façon presque exceptionnelle. Parmi ces derniers, nous citerons
l'augmentation de volume du corps thyroïde, l'hypertrophie du
cœur, etc., etc.
Les reins n'échappent pas à cette remarquable action exercée,
sur la plupart des organes, par le produit de la conception. Sous
l'influence de l'irritation que celui-ci détermine à distance, il se
produit dans les reins une suractivité de nutrition, une congestion
plus ou moins intense qui peut donner naissance à une néphrite
catarrhale, décelée par la présence de l'albumine dans les urines.
(1) A. Gubler. Loc. cit., p. 473.
108
Le processus peut s'arrêter là et disparaître après l'accouchement.
L'altération passagère du rein ne laisse dans ce cas aucune trace
après elle.
Dans certaines circonstances, au contraire, l'altération persiste
après la délivrance, devient permanente et passe à l'état chronique.
On observe alors une véritable néphrite parenchymateuse, une ma-
ladie de Bright qui pourra plus tard amener à sa suite tous les acci-
dents que comporte cette redoutable maladie.
On peut donc dire que l'albuminurie puerpérale n'est pas un fait
particulier, mais qu'elle reconnaît une cause plus générale, qui em-
brasse une grande partie de la pathologie de la grossesse.
OBSERVATIONS PHYSIOLOGIQUES
SUR
LE TŒNIA SOLIUM
PAR
M. LE nocTEUR A. LABOULBÈNE,
Membre honoraire de la Société de Biologie, professeur agrégé à la Faculté,
médecin de l'hôpital Nerl^er.
Tous ceux qui ont pratiqué des vivisections et qui ont vu dans les
intestins des animaux des helminthes cestoïdes vivants, connais-
sent les mouvements très-lents qu'ils présentent. Les anneaux du
corps de ces vers se resserrent en prenant une forme allongée, ou
au contraire ils s'élargissent dans le sens transversal. Les ventouses
de la tête s'allongent ou se raccourcissent lentement, sous l'œil de
l'observateur comme les tentacules de certains mollusques, mais
avec une grande lenteur. Ces ventouses s'étant flxées sur un point
de l'intestin y adhèrent avec énergie.
Les cucurbitains, ou, en d'autres termes, les fragments de Tœnia
que rendeat la plupart des personnes atteintes du ver solitaire sont,
à leur sortie du corps humain, pourvus de mouvements. Plusieurs
fois, les malades m'ont signalé et montré ces contractions remar-
quées par eux, lorsqu'ils mettaient ces fragments dans l'eau tiède,
et même lorsqu'ils regardaient attentivement ces anneaux du ver,
placés sur leur main ou au bout de leur doigt. Les changements de
forme varient de l'allongement produisant un rectangle à bords la-
téraux rapprochés, et puis arrivent jusqu'au carré transversal, ou
très- élargi. Ces mouvements sont, par conséquent, de la plus grande
netteté.
110
^11.
Quand on fait rendre à un malade un Tœnia solium par un pro-
cédé méthodique, par exemple avec la racine de grenadier et l'huile
de ricin, presque toujours le ver n'est point mort au moment de son
expulsion. Si ou le recouvre d'eau tiôde, il exécute bientôt des mou-
vements appréciables qu'on pourrait comparer à une très-lente rep-
tation, ou plus exactement à des mouvements périslal tiques et an-
tipéristaltiques.
Dans les conditions précitées, le ver atteint par la substance an-
thelminthique est faible et dépourvu de sa complète motilité, néan-
moins on le voit remuer et changer de forme pendant un quart
d'heure et jusqu'à une demi-heure, à une heure environ. On peut
observer la protraction des ventouses, mais elle n'est pas très-forte
et ces mêmes ventouses ne peuvent faire adhérer la tête, ainsi qu'il
est facile de s'en assurer en plaçant celle-ci sur divers corps mous
et sur les anneaux mêmes du ver.
'à m.
Si le Tœnia a été rendu en entier après avoir été expulsé au moyen
d'un purgatif léger, tel que l'huile de ricin, ce qui est rare ; ou peut-
être s'il est sorti spontanément, ce qui est plus rare encore, on com-
prend que les mouvements du ver doivent être très-énergiques. Ils
sont alors à leur état normal, ce qui n'a pas lieu avec un antliel-
minthique puissant qui les diminue toujours et qui parfois les abolit
en tuant l'helminthe. J'ai pu observer un fait de ce genre et j"en ai
rendu témoin mon ami M. le docteur Davaine, si compétent en hel-
minthologie. C'est d'après ses conseils que j'ai présenté à la Société
de biologie l'exposé suivant :
Obs. — Un homme de 35 ans, ouvrier dans une usine, se présente
un lundi, vers deux heures de l'après-midi, à la consultation du Bu-
reau central, place du Parvis-Noti-e-Dame. Il demande avec anima-
tion à parler de suite au médecin parce qu'il vient de rendre quel-
que chose d'extraordinaire.
En examinant cet homme, il était facile de s'apercevoir qu'il avait
un degré assez prononcé d'ivresse. Il tenait à la main un de ces
verres épais, avec lesquels les marchands de vin servent leurs habi-
tués. Dans le verre se trouvait un corps rubanné, blanchâtre, que
cet homme alBrmait avoir rendu et qui remuait lentement.
1!1
Il me fut facile de reconnaître un Tœnia solium exécutant en effet
des mouvements bien nets; je n'en avais encore point vu de si pro-
noncés.
Cet homme disait n'avoir jamais eu de maladies graves, ni d'acci-
dents épileptiformes ; il ne sut pas me renseigner sur le fait d'avoir
encore rendu jusqu'à ce jour des fragments de tœnia. Du reste,
son état d'ébriété nuisait beaucoup à la compréhension de mes de-
mandes.
Tout en interrogeant cet homme et en lui faisant répéter à plu-
sieurs reprises comment il avait rendu ce ver et dans quelles cir-
constances, j'observai le Tœnia avec une loupe. Je pus très-bien
voir la partie amincie du col et la tète qui la terminait. J'essayai de
soulever avec le manche arrondi d'un porte-plume la tête, et je vis
qu'elle adhérait fortement à un gros anneau du corps sur lequel elle
était posée. Après avoir plusieurs fois cherché à la détacher, les ten-
tatives réussirent et la tête fut enlevée et reportée sur un autre an-
neau.
Peu de temps après, l'adhérence de la tête était devenue si grande
que j'aurais certainement rompu le cou du ver plutôt que de le déta-
cher.
Le malade m'apprit qu'il ne s'était point purgé, qu'il avait pris
a seulement le matin plusieurs gouttes d'eau-de-vie « et qu'il venait
de déjeuner avec des camarades, chez un marchand de vin, dans une
des ruelles voisines du Parvis. Il avait eu, vers la fin du repas, des
coliques auxquelles il avait d'abord résisté, puis il avait été obligé de
sortir de table. Pressé par le besoin d'aller à la garde-robe et pour
ne pas monter aux lieux d'aisance situés à un étage supérieur, il
avait pris un vase de nuit sous un lit de la chambre voisine et il
avait rendu, avec des matières diarrhéiques jaunâtres, « un paquet
blanc ». Il était formé par ce ver, qu'il avait de suite ramassé avec
un morceau de bois et placé dans un verre du comptoir.
Ce récit fut répété sans variantes, à plusieurs reprises.
Je voulais rendre témoin de l'adhérence de la tête du Tœnia SO'
hum humain, le docteur Davaine, et je prévins de la rareté du
fait et de son intérêt, Gastebois, chef du Bm-eau central, dont l'o-
bligeance était extrême. Loin de m'empêcher d'accomplir mon désir,
il m'engagea à partir de suite, et j'allai montrer à mon savant ami le
Tœnia que je venais d'observer d'une manière si inattendue.
M. Davaine constata de nouveau, comme je l'avais fait, les mou-
vements du tœnia ; il put aussi se convaincre de la très-forte adhé-
rence de la tête, et, en voulant savoir jusqu'à quel degré elle s'exer-
çait, il tira sur le cou du ver, et la tête, résistant toujours, le cou se
112
rompit. Le ver était, comme je l'ai déjà dit, un Tcmia solium armé,
nettement caractérisé.
En rentrant au Bureau central, je trouvai l'ouvrier qui avait dormi
en m'attendant. Il se souciait peu du ver qui l'intéressait médiocre-
ment, depuis qu'il savait ce que c'était et dont il était content d'être
débarrassé, mais il réclamait le verre à boire du marchand de vins.
Le verre était reslé chez M. Davaine, et je donnai à cet homme une
pièce d'argent avec laquelle il revint probablement chez le mar-
chand de vins.
En résumé, on vient de voir par ce fait que le Tœnia solium a une
puissance de fixation extrême au moyen de ses ventouses, et que le
cou se rompt avant que la tête lâche prise.
Le ver étant ordinairement fixé sur la muqueuse intestinale, la
tête reste dans le corps quand l'expulsion des anneaux rubannôs
a lieu. Ce n'est que très-rarement que le ver ayant fixé sa tête sur
un anneau de son propre corps, il a pu sortir parfaitement vivant et
en entier.
Il résulte de ces données physiologiques les indications les plus
précises pour l'expulsion du Tœnia soimjn et des autres vers cestoïdes
de l'homme.
Quand le tœnia est tourmenté, quand une substance anthelmin-
thique arrive dans l'intestin, le tœnia cherche à s'accrocher par ses
ventouses; si la dose est trop faible ou s'il s'écoule trop de temps
avant lexpulsion, le ver a le temps de se rétablir et il se fixe trùs-
fort ; alors si l'expulsion a lieu, la tête ne sort pas avec les an-
neaux rubannés du ver.
Il faut donner un anthelminthique ou une substance engourdis-
dissant le tœnia et puis, peu de temps après, l'expulser rapidement
au moyen d'un purgatif. Le ver n'a pas la possibilité de se fixer et il
sort complètement avec la tête.
Certains anthelminthiques, tels que le kousso et le kamala, ont à
la fois une action sur le ver et une propriété purgative. Néanmoins,
si lever ne sortait point assez rapidement après l'ingestion de ces mé-
dicaments, il serait utile de ne pas trop attendre et de donner un
purgatif léger. De cette manière, ou arriverait à faire rendre le
tœnia pendant qu'il est sous l'action de la substance anthelminthique,
et qu'il n'est pas fixé sur la muqueuse intestinale.
FIN DES MÉMOIRES.
PLANGHES,
MÉW. ISTO
EXPLICATION DES PLANCHES.
PLANCHE I.
LIEHfS ET VAGIN DOUBLES.
(Mémoires, page 35.)
A. A. Cloison de séparation des denx vagins.
B, G. Les denx vagins.
D. D. Les deux cols utérins.
E. E. Le corps des deux utérus.
P. F, Les ligaments larges.
6. 6. Les ligaments ronds.
U. H. Les trompes.
I. L'ovaire gancbe. L'ovaire droit existait qiK>iiu'iI n'ait pas été reproduit sur
kl planche.
PL. 1.
■.ir
«'•ucradnal.lilli.
Jiiip E eccpiet a. Paris .
N
PLANCHE II.
L.SilVE DE L'eLMIS ^NELS.
(Mémoires, page 59.)
Fis. 1. Larve de VElmis œneus, grossie, et, à côté d'elle, mesure de sa grandeur natu-
relle.
2. Antenne gmelie de cette larve, très-grossie, ainsi que les fi^jures suivantes.
S. Labre, ou liivre supérieure, avec les poils laciuiés qui eu garnissent le bord anté-
rieur.
4. Mandilmle droite fortement deuléf, et munie en derlans d'un appendice cilié.
5. Mâchoire du roté giuche de la bouche, pourvue d'un pilpe biarticulé.
6. Lèvre inféri'nire munie de deui palpes biarticulés,
7. Oigle tciininant le tarse d'une patte, mon'rant en dessous un poil épais et mobile.
8. Bord de<i ■iei/mcnl.<i latérani du corps, grossi, pour mettre en évidence les appendices
foliacés cl laciniés qui le garnissent.
9. Les appendices du bord des se;:mftiits plus grossis que sur la figure précédente.
10. Un seul de ces nrqancs encore plus giossi, pour représenter nettement les di5cou-
pures qui l'i ntourent.
11. Extrèmilc du, corps de la larve fortement grossie, vue en dessus, montrant l'appa-
reil res;jiratoire étalé sous forme de trois falsceaui de branchies.
12. ilême extrémité du cor;}^, mais vue en dessous. Le dernier segment est pourvu d'un
petit opercule qui s'ouvre pour donner passage aux branchies.
13. Encore la même extrémité du, corps placée de profil, ponr faire bien saisir l'enserallê
des organes déjà figurés dessus et dessous.
11. Trois des /llamrnts branchiaux, extrèracracnt grossis.
PLU.
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IKA. Lahoiiihriu- tM .
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Larve </e IKlnifA- (rneu.\
ImpJIoiii.'-li'. .'', r. Mujnon
PLANCHE III.
COnPLSCULES CALCAIIŒS DES ECIIIXOCOQLES.
(Mémoires, page 57.)
FiG. I. Échitiocoque du foie dn riionime présentaut le proboscide iiivagiiié et doal le corps est
garni de corpwicules calcairex, au nombre de cinquante enTiroii sur un premier
piaa.
La double rangée de croehuts a été représentée, mais les quatre ventouses placées eu
arrière ont été omises pour ne pas compliquer la figure.
Los lettres depuis a jusqu'à y désignent les diverses fornifs des corpuscules cal-
caires :
</,i,C,(/. Corpuscules arrondis et à noyaux.
g, h, i. Corpuscules à double contour.
m, p. Corpuscules en sablier.
n,o,p. Corpuscules alignes concentriques.
qb-y. Corpuscules altérés et granuleux.
(Les figures au grossissement des objectirs 3 et t> de Cachet., avec l'oculaire n" 3.)
PL, m
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PLANCHE IV.
COLOUATION PARTICULIÈRE DE LA PRAU CHEZ LES POLISSEUSES
SLR ARGENT.
(Mémoires, page S7.)
Fn. 1. Bord interne de l'avant-brasganche, parsemé do petites taches Llci'.àlres eîtrd-memcnt
nombreuses.
FiG. 2. FacH aritérip\ire de l'avant bras drpit. sur hiqrelle on voit, ;ndr;^'i:d;imn'C!:t d'u
pointillé tfès-fln, quatre ou cinq taulic.^ bler.â'.ics plus larges.
#
PL, 4.
X
/
j#-
#:.'■■•'
Imu .E ecquet , Paris .
TABLE DES MÉMOIRES
DE l\ SOCIETE DE îiîULOGIE.
Pages
1. Mémoire sur une tiouveilo anomalie de laToloiine Teriébrale, caraclérisée
par la présence d'une veriébre (iorsale surnuméraire enclavée et par un
nombre de côles dilTerent dans cliacune dos parois iboraciques ; obser-
vation recueillie sur un cheval; par M. Arinand Goubaux s
2. Note sur un cas de lélanos trauraatique; par M. Alix JofTroy 13
3. Noie sur le tissu muijueux du cordon ombilical (gélatine de Warlhon); par
M. J. Renaul 21
4. Détermination des insectes nuisibles auï fruits du nojer [Junlans regia) ;
par M. A. Laboulbène 29
5. Noie sur »» cas d'utérus et de vagin doubles; par il. Augusie Ollivitr
(Yoy. plancli» !) 3S
6. Description et fl;;ure de la larve de l'Elmis .£neus; par W. A. Laboulbène
(Yoy. planche II) S9
7. Recherches pour servir à l'Iiistoire des organes tactiles des insectes; par
M. Jobert il
8. Note sur les corpuscules calcaires des ccbinocoques; pjr M. A. Labouîbcno
(Voy. planche 111} ST
9. Recherches sur l'action toxique de l'acide phonique; par M. Paul Rert. . 63
10. Observation pour servir à i'tiistoire de la claudication intermittente chez
l'homme; par M. Augusie OUivier 8a
11. Noie sur une coloration particnliére de la peau chez les polisseuses sur
argent, pouvant consliluer un signe d'identité; par M. Auguste Ollivier
(Voy. planche IVj 07
12. Noie sur la paihogénie de ralbumintiriL" puerpérale ; par 5Î. Au};. Ollivii-r. nu
13. Obsi'ivalions pii^siolu^iqucs sur le Tcrnia Kiiium; par .M. A. I.aboulbètK'. ' U9
MN !>!•: I,A iAIli.K lîE? MFMOHIKS.
TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES
COXTENUKS
DANS LES COMPTES KENDUS ET LES MEMOllIES
DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGiE
pour, l'année 1870 (1).
A
C. K. M.
Abcès iiiélaslaliques dit fiiic; par M. Haycin >si •
Acunitine ^Poison inusculuire ; par M. Leveii l'-i »
Air comprimé (Action de V] sur la respiration et lu circulation; par
M. Carville. 4y
Air (Injection d'i dans les artères ; |)ar >5. licrt ii5 »
Albuminurie puerpérale (Noie sur la pullioiiénie (!e l'); par .M. Augusie
Ollivier " lot
Alcool (Effets physiologiques et tliérapeiJti(|ues de 1'; ; par M. Rabufeau. . i."i »
Allaitement (Conse(|uences de I') ariiliciol et naturel; par M. Clialvcl. )s »
Anesthésie de tout le corps dans un cas de lésion d'une moitié latérale
de la moelle épiniére; par .M. 15ro\vn-Sé(iuard :i2 "
Artère vertébrale (Oblitération de 1") du cùte gauciie; parM.Luneau. iy2 »
Artères (Lésions des) dans deux cas de purpura lieiiiurrhaj;ica ; par
.M. Hayem '^i "
Artérielle (Variations de la pression); par M. î.loreau S:4 i>
— Discussion; par M. Ranvier. 3H "
Arthrite tuberculeuse; par Î\I. Cornil ^j "
Arthropathie consécutive à une lésion de la moelle épiniére; par
AL Urown-Séquard Jif »
Arthropathie de l'cpaule dans ra'axie locoiiiotrice ; par M>,]. Cliarcot
ei-loffroy ti »
Atrophie a i;jiie ou (■liroiii(iue des cellules ne.'veuses de la nioeile; par
M. Joil'roy 63 »
(1) Les l'.'-^oa iii(l.irinet's a la liiarg'j stuil celles dos coi^iptos rei;(lus(C'..ri.) et dc>- mi''HiO!r?b {}[}.
lujlLIBRARYl::cj
'^Z
1t!l
C H. H.
Atrophie musculaire loiite ou rapide sulv.iiu le degré d'irrilalion de I.i
luoelle ou des nerfs; par M. Browii-Sé(|uard f.o »
B
Bactéries dans le sani; dos crysipélateux; par M. Nepveu I6i »
Biliaires (Terminaison des conduits) dans les lobules du foie; par
M. Le-ros 58 »
Brumal (Action du); par ?.î. Rabuteau 44 »
C
Caféiques (Action des) sur la nutriiion ; p.ir M. Habuteau 77 »
Capsules surrénales (Hypertrophie des) à Ja suite de lésions de la moelle
épinicre; par M. Browri-Sequard -21 »
Cérébral (Lésion du pédoncule) du côlé droit; par il. Leicinturier. . . S9 »
Cerveau (Knlèvemeni d'un hémisphère du). LiTets consécutifs; par
MM. Laborde et Leven 1 »
Chloral (Action du) ; par M. Rabuteau 137 »
Ciaiïdicatioia interniitienle; par M. Oliivier (-15 sa
—par M. Cliarcol i<iî ■
Coîléïne (Action du chlorure de) sur la contractili(é ; par M.M. Laborde
et Leven 74 »
Cote surnuméraire chez un cheval; par S!. Goubaux 6i >
Grâne (Transplantation d'une couronne de trépan sur le) d'un animal
de même espèce; par M. Philipeaux Tii »
Cristallin (lU'sénération du) chez les tuamniiféres; par M. Philipeaux. . 65 •<
D
JSiurétique (Action) de l'alcool ; par M. îîabutoa» 87 »
Douleur (De la) dite en ceinture; par M. Brown-Sétiuard 87 »
E
Ecchymoses et emphysème des poumons à la suite de lésions de b basa
de l'encéphale; par M Brown-Scquard 8G »
Schînocoques (Corpuscules calcaires dos) (avec planche); par 51. La-
boulbéne » 57
Sjlectriclîé. Influence différente des courants iiiduits et di's couranis
continus sur la contractililé; par M. Oninius 71 »
Encéphale (Lésion morlelîe de 1') sans troubles de l'intelligence, de la
parole, du mouvement et de la sensibilité; par M. Ilajcm 160 »
Encéphale (Symptômes variables suivant le cô:é de 1") ()ui est le siépe
des lésions; par M. Brown-Sé((uard -.^7 cl Os «
îJpiîepsie (Siège centra! de 1'); par iM. IJrown-Scquard 122 »
Épilepsie par lésion des cordons postérieurs de la ir.oellc immédiate-
ment au-dessous du bulbe; par M. lîrown-Séijuard fc2 >
Epilepsie consécutive à la ligature des membres inférieurs; par
M. Rrown-Sequard 87 ■
«îpiîepsie consécutive à l'amputation des membres; par M. IJrown-
Séquard . 90 »
Épilepsie (De l'action des sections successives d'un même nerf sur la
production de 1'); par M. [irown-Scquard iiS »
Epilepsie ;Une viûleiila douleur peiil-el!e arriMer une allaque d')? par
M. BrownSéquard ^.^^
Spileptogène iZone) située sur le corps du côte oppose aux lésions cé-
rébrales, par M. Brown-Séquard g.
Epileptogène (L'irritation de la r.one) peut guérir l'épilepsie; par
M. Brown-Séquard g
Estomac i.Taches ecchymotiques de T) après lésion de l'encéphale; par
M. Lépine 3g
— par M. Ctiarcot -.y
V
Foie (Structure du); par 11. Cornil j3
H
Sémichorée droite; par M. Magnan ^g
Sérédité des lésions acquises ; par M. Brown-Séquard 5
— parM.Bert 1 6. 4 j, 50, 59, 64 et ûîi
Héréditaires (Mutilations); par M. Philipeaus 5a
hypoglosse (Lésions du nojau de I' dans la paralysie labio-glosso-
larynyée; par M. Ciiarco' .^9
I
Inné (Action sur le cœur du poison appelé;; par M. Legros . . Si et a
—par M. Berl. 34
Insectes nuisibles aux fruits du noyer; par M. Laboulbéne îa
Insufflation pulmonaire (Effets de 1') ; par M. Gréhant. . 49, iiG et liS
Iritis après la variole; par M. Bouchard uo
K
Ityste ganglionnaire: par M. Muron il9
L
^ait (Différences dans la quantité el la composition du; pour les deux
seins de la même femme; par M. de Romiily 105
Siarve de l'EIrais .ffineus (avec planche); par M. Laboulbéne »
ïieucocytes (Circulation des) et dépôts dans les viscères à la suite
d'une injection sous-cutanée de cifiabre; par M. Hayem tn
Zieacocytes ^Développement des',; par .M. Pouchel ;,9
M
]^al de Pott [Discussion sur le traitement du) par ilM. Charcol, Dunionl-
paliier et LaLorde i^
ISenstruation (Induenfc de la) sur la nutrition, le pouls el la tempé-
rature: par M. Rabuteau "j
^Menstruation (De l'influence de la) sur la nutrition; par M. Babuleau. no
SSoeJîe cpiniére (Hcmorrhsgie de la); par -M. Bourneville i:.5
3C£oelîe (Action primilive des poisons sur la); par M. Leven «•ii
Rîcelle (Altérations des cornes anlérieures de la) dans deu.t observations
de pied boî; par M. -Michaud !13
Moelle I Lésions de la") dans le mal de Polt, après disparition de la para-
plégie; par M. Cliarrot n
Bîort subiiu par embolies pulmonaires; par \l. I!a\em loi
t.. H. ».
MortMiliile par l.iZAtiire de la iracln'e ; par M. l.oven 13 •
Mort (Moyen de con^later la morl appaienle et la mort réelle); par
I\i. Laliordc fi"! >■
Muscles (Cicaliisalion des) à la suiie de sections sons-cutanées; par
I\!. Hayem 53 •
lyîyélite conséciilive à une cliule sur le sic?e: par .AT. Bouchard. ... <4 »
NerFs dorsaux (lifTels de la section des); par M. Drown-Séquard. . . un •
Kerveuses(Tcrniinaisons; cbez les poissons; par MM. JoberletGrandey. i-ii
O
Œdème du membre inférieur et lésions du lissu conjonctif après lipa-
lure de la veine cave et section du nerf scialique ; par M. Ranvier. . g "
(Edènie du membre inférieur après ligature de la veine cave et section
du nerf sciatique (Discussion sur \'); par MM. Vulpian, Ranvier,
I. aborde et Hayem 7 •
Ombilical (Slruclure du cordon): par M. Renaul fit -.'t
Organes tactiles des insectes; par M. Jobert 47 •
Osseux (Reproduction du lissu) du crâne et du canal rachidien; par
MM. BrownSéfjuard et TJupuy ii4 »
Oxyde de carbone rapidité de la combinaison de l'j avec les globules
du sang. ; par M. Grébant y* >•
P
Paralysie alterne par lésion d'nn pédoncule cérébral; par M. Oyon. . ci »
Péritoine (Inllammalion du) chez un poisson .-par M. Crouppe. . . . in.i »
Phénique (Action toxi(|ue de l'acide); par M. Bert o:i »
Polisseuses sur argent (Coloration de la peau chez les) (avec planche);
par M. Auguste Ollivier » ;.7
Puerpérale (Noie sur la paihogénie de l'albuminurie) ; par M. Auguste
Ollivier. • » k'i
Purulente (Infection) sans plaie apparente; par M. Duraonlpallier. . . fiî "
Purulente (Infeclion) sans plaie extérieure; par M. Monod 6i
R
Rate (Lésions de la) suivies de cicatrisation; par M. Philipeaux. . . . <o »
Rein (Cellules sécrétoires du); par M. Muron i."!! »
Eteins [du rôle des) dans l'excrétion de l'urée; par M. Grébant. ... il »
Résorption des liquides morbides (Théorie physiologique de la); par
M. Laborde S6 »
Rotation (Mouvement de) chez un poulet atteint de pneumonie, etc. . I2!> »
S
San» ("Analyse du) chez des animaux soumis à dilTérenles pressions
aimospbériques; par M. Bert ''.8 »
Sang (Analyse du); par M. Gréhant ACy >■
Sang (Procédé d'analyse du); par M. Bouchard 5i »
Sang: (Examen de la serosilédes vésicaloircsdu) paraissant démontrer
que le sang ne renferme pas d'acide uricjue dans quelques
maladies aiguës ou chroniques; par M. Hayem lo
Sang des érysipélaleux renfermant des bactéries; par M. Kepveu. . . Iti4 •
Sang Modifications du) épanché dans les séreuses et dans le tissu con-
jonctif: par MM Ranvier et Cornil ns i
127
C. R. SI.
SaturnUme chronique et gouUe; par M. I.ancereaui yy
Sensibilité cutanée 'Mesure de la); par M. Brown-Séquanl 6i •
Strychnine et aconiline (Action opposée de la — et de 1'); par
M. Levcn 132 •
Sulfovinates r Action expérimentale des); par M. Rabuteau. . . 29 et 9i •
T
Température des muscles dans la mort réelle et dans la mort appa-
rente; par M. Laborde S8 •
Température dans les syncopes et les hémorrhagies; par M. Laborde. fis »
Température dans les diverses parties du corps; par M. Laborde. . . 130 m
Tendons et tissu conjonclif (Structure des — et du); par M. Ranvier. . 1S9 ><
Tétanos traumatique; par M. Jolîroy. . « •^
Tétanos (Congestion et hémorrhagie du bulbe dans le); par M. JofTroy. . 94 >■
Thromboses et embolies dans la (ièvre typhoïde; par M.M. Liouville et
Bouchard H »
Thyroïdite aiguë dans la variole; par -M. Liouville m .
Tic (Du) chez le chien et de la choree chez l'hoinme; par M. Bert. . . G9 >•
Tœnia multiple chez l'botnme; par M. Vaillant ;")0 >•
— «o/ium Observations physiologiques sur le ; par M. A. LabouU>ène. . » ii>9
Transplantation de l'ereol d'un jeune coq dans la croie du même
animal; par M. Philipeaux i7 »
Tremblement dans la sclérose en placjues de la moelle epiniére; par
M. JofTroy '.8 .
u
Ulcérations intestinales consécutives à la section de la moelle éptniére;
par M.M. Liouville et Hayem nî «
Urée (Action du bicarbonate de potasse sur l'excrétion de 1'); par
M. Rabuleau Ii7 ■
Urée (Élimination de l' ) par l'intestin; par MM. Vulpian et
Guyochin 20 »
Utérus et vagin doubles (avec planche); par M. Auguste Ollivier 3.''>
V
Vago-sympathique (Expériences physiologiques et thérapeutiques par
compression du ; par M. W'aller 93 »
Vaso-moteurs (Action des nerfs) sur la circulation et la température
après arrêt de la circulation ou oblitération artérielle; par
M. Brown-Séquard Sj »
Vaisseaux capillaires dans la tunique musculaire des veines; par
M. Muron f^ »
Vertèbre dorsale surnuméraire enclavée sur un cheval; par M. Gou-
baux 3 »
Vessie (La muqueuse de la) absorbe-t-ellc.' par MM. Bert et Jolyct. • . i'.'9 »
Y
TTeux (Action sur les) de l'irritation de la muqueuse bronchique; par
M. Lépine 6') •
— Id.;parMM. Lépine et Carville 63 »
VrS DE LA TABLE ANALYTIQUE.
TABLE DES MATIERES
PAR NOMS D'AUTEURS.
B
C R. M.
Dert Air (Injection d') dans les arlùres ii5 »
— Hérédité des lésions acquises IG «
— Phénique (Action t-oxique de l'acide) » G3
— Sang (Analyse du) chez des animaux soumis à dif-
férentes pressions atmosphériques 48 »
— Tic chez les chiens et chorée chez les hommes. . . 69 «
— et JoL\ET. . . . Vessie (La muqueuse de la) absorbe-t-elle? . . . . 129 >•
Bouchard Iritis après la variole 160 »
— Myélite consécutive à une chute sur le siège. . . . 44 »
— Sang (Procédé d'analyse du) 52 »
UoURNEViLtE. . . . Moelle épinière (Hémorrhagie de la) 155 »
Brown-Séquaud. . Capsules surrénales (Hypertrophie des) à la suite
des lésions de la moelle épinière 27 »
— De la douleur dite en ceinture 87 »
— Anesthésie de tout le corps après la section d'une
• moitié latérale de la moelle épinière 32 «
— Arthropatbie consécutive à une lésion de la moelle
épinière 119 »
— Atrophie musculaire lente ou rapide, suivant le de-
gré d'irritation de la moelle ou de ses nerfs. . . 80 »
— Epilcpsie (Siège central de 1') 122 »
— Epilepsie par lésion des cordons -postérieurs de la
moelle, immédiatement au-dessous du bulbe. . . 82 »
— Epilepsie consécutive è l'amputation des membres. 90 »
— Epilepsie consécutive à la ligature des membres infé-
rieurs 87 »
— Epilepsie (De l'action des sections successives d'un
même nerf sur la production de 1') HZ »
— Epilepsie (Une violente douleur peut-elle arrêter une
attaque d') 120 »
' - — L'irritation de la zone èpileptogène peut guérir l'é-
pilepsie 9 »
— Epileptogène (Zone) située sur le corps du côté op-
posé à la lésion cérébrale 9i »
MÉM. 1S7U. 10
130
C R.
lluowN-SugLAiiD. . Nerfs dorsaux (Effets de la section des) i40
— Encéptiale (Symptômes variables suivant le côté de
l'encéphale qui a été lésé) 27, 9G, no
— Mouvement (Affaiblissement du) dans les parties cor-
respondantes aux lésions guéries du système ner-
veux 43
— Emphysème et ecchymoses des poumons à la suite
de lésions de la base de l'encéphale .... 8g, 116
— Hérédité des lésions acquises. . . 5, 16, 45, 50, 59, 64, 9(5
— Sensibilité cutanùe (Mesure de la) 6i
— Vaso-moteurs (Action des nerfs) sur la circulation et
la température après arrêt de la circulation arté-
rielle 82
— et DuPL'Y Osseux (Reproduction du tissu) du crâne et du canal
rachidien i44
Carville Air comprimé (Action de 1) 49
Charcot Estomac (Ecchymoses de 1') après lésions de l'encé-
phale 39
— Claudication intermittente 146
— Hypoglosse (Lésions du noyau de l'j dans la paraly-
sie labio-glosso-laryngée 29
— Moelle (Lésions de la) dans le mal de Pott, après
disparition de la paraplégie u
— et JoFFROY. . . . Arthropathie de l'épaule dans l'ataxie locomotrice. . 6
Chalvet Allaitement naturel et artificiel (Conséquences de l'j. i8
— Elimination de l'urée par l'intestin et par la peau. . 16
CORNML Arthrite tuberculeuse 23
— Foie (Structure du) 58
CuOLPPE Rotation (Mouvements de) chez un poulet atteint de
pneumonie, etc 129
— Séreuses (Inflammation des) chez les poissons. . . 130
D
DuMONTPALLiER. . . Purulentc (Infection) sans plaie apparente. ... 63
GouBAUx Côle surnuméraire chez un cheval 64
— Vertèbre dorsale surnuméraire enclavée sur un che-
val 3
Gréhant Insuniation pulmonaire (Effets de 1'). ... 49, 116, 118
— Oxyde de carbone (Rapidité de la combinaison de I')
avec les globules du sang 97
— Reins (Du rôle des) dans l'excrétion de l'urée. . . i5
— Sang (Analyse du) 46
GuYOcniN Exame.n des matières liquides de l'intestin chez un
malade atteint de la maladie de Rright. . . • . 20
H
Uavem , Abcès métaslatiiiues du foie S4
131
c n- u.
Uayeh Artères (Lésions des) dans deux cas de purpura-
hemorrhagica 24 »
— Encéphale (Lésion inorlelle de 1') sans troubles de
l'intelligence, de la parole, du mouvement et de la
sensibilité. 160 »
— Leucocytes (Circulation des) et dépôts dans les vis-
cères à la suite d'une injection sous-cutanée de
cinabre H5 »
— Muscles (Cicatrisation des) à la suite des sections
sous-cutanées 53 »
— CEdèmo du membre inférieur (Anatomie et physio-
logie pathologiques de 1') après ligature de la veine
cave et section du nerf scialique 7 "
— Sang (L'examen de la sérosité des vésicatoires parait
démontrer que le) ne renferme pas d'excès d'acide
urique dans quelques maladies aiguës ou chro-
niques 10 »
— Mort subite par embolies pulmonaires i6i »
J
JoBEKT Organes tactiles des insectes » 4 7
— et Grandey. . . Nerveuses (Terminaisons) chez les poissons. ... i4l »
JoiFROY Atrophie aiguë ou chronique des cellules nerveuses
de la moelle 68 »
— Tétanos (Congestion et hémorrhagie du bulbe dans lo). si »
— Tétanos traumati<|ue » i3
— Tremblement dans la sclérose en plaques de la
moelle épiniére 28 "
Labordk Résorption des liquides morbides (Théorie physiolo-
gi(|uedela). . . . , 36
— Température dans les diverses parties du corps. . . 130
— Température dans la syncope et dans les hèmorrha-
gies 120
— Température des muscles dans la mort réelle et
dans la mort apparente si
— Mort apparente ou réelle (Procédé pour reconnaître
la) 63
— et Leven Cerveau (Lésions et phénomènes consécutifs à l'en-
lèvement d'un hémisphère du)
— Codéine (Aciion du chlorure de) sur la coniractililé..
Laboulbène Echinocoques (Corpuscules calcaires des) (avec pi.)
— Insectes nuisibles aux fruits du noyer
— Larve de l'Elniis Jîneus (avec planches)
— Observations physiologiques sur le Tœnia solium.
Lancereaux Saturnisme chronique et goutte £9
Legkos Biliaires (Terminaisons des conduits) dans les lobu-
les du foie 58
— Inné (Action sur le cœur du poison appelé). . . Si et 84
Lépine Action sur les yeux de lirriialicn de la muqueuse
bronchi(|ue, 60
1
n
74
i>
^
57
n
•i9
)>
39
V
109
132
C. H.
LÉPiNE Eslomac (Taches eccliymoiiques de 1') après lésion
de l'encéphale 38
Leteinturier. . . . Cérébral (Lésion du pédoncule) du côté droit. ... 59
Leven Aconiline (Poison musculaire) iJi
— Moelle (Action primitive des poisons sur la). . . . I45
— Strychnine et aconitine (Action opposée de la et de
1') 132
— Trachée (ElTels de la ligature de la) 13
LiouviLLE Tromboses, embolies et infarctus dans la fièvre ty-
phoïde 14
— Thyroïdite aiguë dans la variole 91
— et Hayeu. . . . Ulcérations intestinales consécutives à la section de
la moelle épinière 113
LuNEAu Artère vertébrale (Oblitération de l) du côté gauche. 132
M
Magnan Ilémichorée droite . 46
MicBAUD Moelle (Altérations des cornes antérieures de la) dans
deux observations de pied bot 113
MoNOD Purulente (Infection) sans plaie extérieure. ... 62
MoREAU Artérielle (Variations de la pression) 33
— Kyste de l'estomac rempli d'entozoaires chez un chien. 44
MuRON Kyste simple ganglionnaire 149
* — Rein (Cellules sécrétoires du). . ' 151
— Vaisseaux capillaires dans la tunique musculaire des
veines 88
N
Nepveu Bactéries dans le sang des érysipélatcux ie4
O
Ollivier Claudication intermittente ; . . .
— Claudication intermittente chez l'homme
— Polisseuses sur argent (Coloration de la peau chez
les) (avec planches)
— Albuminurie puerpérale (Sur la pathogénie de 1'). .
— Utérus et vagin doubles (avec planches)
Onimus Electricité. Inlluence différente des courants conti-
nus et des courants induits sur la contraclilité. .
Oïos Paralysie alterne par lésion d'un pédoncule cérébral.
P
PiiiLiPEAUx Cristallin (Régénération du) chez les mammifères. . .
— Héréditaires (Mutilations)
— Transplantation de l'ergot d'un jeune coq dans la
crêle du même animal 17
— Crâne (Transplantation d'une couronne de trépan sur
le) d'un animal de même espèce 34
— Lésions do la rate (Cicatrisation des) 40
Poi'cuET Leucocytes (Développement des) 59
,45
89
))
89
n
97
i>
101
1)
35
71
n
67
»
64
D
59
»
Rabuteau.
Ranvier.
— et COKNIL.
Renaut. . . .
ROMILLY (De).
Vaillant.
Waller,
133
R
C. R.
Alcool (Effets physiologiques et thérapeutiques de !')• 124
Diurétique (Action) de l'alcool 87
■ Bromal (Action du) 44
Chioral (Action du) i37
■ Caféiques (Action des) (Café et tbé) sur la nutrition. . 77
Menstruation (Influence de la) sur la nutrition, le
pouls et la température 75
Menstruation (De l'influence de la) sur la nutrition, iio
Sulfovinates (Action expérimentale des). ... 29, 92
Urée (Action du bicarbonate de potasse sur l'excré-
tion de 1') , . 57
Artérielle (Variation de la pression) 33
CEdème du membre inférieur et lésion du tissu con-
jonctif après ligature de la veine cave et section du
nerf sciatique 6
Tendons et tissu conjonctif (Structure des — et du). 139
Sang (Modifications du) épanché dans les séreuses
et dans le tissu conjonctif li8
. Cordon ombilical (Structure du) , . 129
. Lait(Différence dans la quantité et la composiliondu)
pour les deux seins de la même femme lOS
V
Txnia multiple chez l'homme. 50
W
Vago-sympatliique (Expériences physiologiques et
thérapeutiques par compression du) 93
2t
FIN DES TABLES.